RÉPONSES

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EXPOSER
C'EST PAYÉ!
ZOOM SUR LE DROIT
DE PRÉSENTATION

DÉCOUVERTE
LA GÉOMÉTRIE
DE LA VILLE
Stuart Paton
Thomas Vanoost

TERRAIN
CANON
1DX MARKIII
Le reflex pro
tient toujours
la route...

EN DÉBAT
Les objectifs
des hybrides
24x36
sont-ils
vraiment
meilleurs?

GRAND FORMAT

La nouvelle génération

EKTACHROME
n° 331 mars-avril 2020
L 12605 - 331 - F: 6,95 € - RD

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RÉPONSES
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Rédacteur en chef: Yann Garret (01 41 86 17 10)
Chef de rubrique: Julien Bolle (1719)
Assistante de rédaction: Françoise Bensaid (1712)
1er Maquettiste: Jean-Claude Massardo (1718)
Ont collaboré à ce numéro: Philippe Bachelier,
Dominique-Georges Bègue, Pascale Brites, Carine
Dolek, Philippe Durand, Michaël Duperrin, Bruno
Labarbère, Thibaut Godet, Ericka Weidmann,
ainsi que tous les photographes dont nous
reproduisons les images.
Pour joindre la rédaction par email:
prénom.nom@reworldmedia.com
ÉDITEUR:
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Siège social: 8, rue François-Ory,
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Imprimeur: Imaye, ZI des Touches, bd Henri-Becquerel,
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Dépôt légal: février 2020
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Finalement, on en
veut bien encore...
M
ea culpa, mea maxima culpa. Je dois confesser une impardon-
nable erreur de jugement. Il y a 3 ans, suite à l’annonce par
Kodak du retour de l’Ektachrome, je me permettais d’affirmer
haut et fort : “Trop tard, on n’en veut plus !” (voir notre n°300).
Ce cri de dépit, probablement dû à la déception amoureuse de
l’arrêt de cette pellicule en 2012, était pour le moins imprudent
puisque manifestement, on en veut encore. Ce “on”, ce n’est clairement pas
du côté des vieux briscards qu’on va le dénicher. Ceux-là, comme le photo-
graphe de Magnum Bruno Barbey (sauf son respect) nous l’explique plus
loin dans ce numéro, ne sont pas fâchés d’être débarrassés de toutes les
contraintes de l’argentique, et ne montrent que peu de nostalgie pour un
film qu’ils ont pratiqué tant et plus. Le numérique leur a apporté une liberté
à laquelle ils ne veulent plus renoncer. Non, si on en veut encore, c’est plu-
tôt du côté des nouvelles générations de photographes, d’abord formées
au numérique, qui ont découvert dans l’argentique un autre rythme, une
autre façon de photographier, et qui souhaitent inscrire cette pratique plus
contraignante dans une démarche esthétique particulière, souvent en pa-
rallèle de travaux plus commerciaux ou régis par des urgences éditoriales.
Ces photographes-là n’ont certes pas attendu le nouvel Ektachrome
pour charger leurs boîtiers ou leurs chambres photographiques de film
argentique, noir et blanc ou couleur, négatif ou positif. Mais Kodak ne
s’est pas trompé en proposant à certains d’entre eux de tester librement
quelques rouleaux d’Ekta. Une campagne de “beta-test” qui a permis
à la marque de recruter de nouveaux ambassadeurs, conquis par
l’expérience fascinante de l’inversible couleur, encore plus spectaculaire
dans le format 120 depuis peu disponible que dans le traditionnel
format 135 des diapositives 24x36 sous cache. Le nom mythique de
l’Ektachrome et la magie des réseaux sociaux a ensuite suffi à assurer
le rayonnement de l’opération. Kodak a beau être une vieille dame, elle
ne s’est pas montrée maladroite dans son utilisation des moyens
modernes de communication...
Bref, il n’était donc pas trop tard, et c’est avec bonheur que l’on voit
apparaître de nouvelles écritures photographiques et de nouvelles
expérimentations autour de l’Ekta. Mais ce que le conte de fées imaginé
du côté de Rochester, siège historique de Kodak, ne dit pas encore, c’est
à quel point ce retour pourra s’inscrire dans la durée. En matière de films
argentiques, le véritable donneur d’ordre, et distributeur des produits,
s’appelle Kodak Alaris, une société britannique séparée de Eastman
Kodak en 2013, au moment où cette dernière s’était placée sous la
protection de la loi américaine sur les faillites. Et Kodak Alaris n’est pas
une société comme les autres : elle est la propriété d’un fonds de pension
chargé de verser les retraites de 18000 anciens salariés de Kodak au
Royaume-Uni, et a été créée justement pour éviter que ces pensions ne
soient emportées par la chute de l’empire Kodak. Le problème est que
depuis lors, la société peine a redresser la barre : elle reste lourdement
0% déficitaire, au point que depuis début 2019, elle cherche activement à
PEFC revendre toute son activité films-papiers-chimie, sans succès jusque-là.
Dans ce contexte, il reste à démontrer que la renaissance de l’Ektachrome
ne se limitera pas à une opération de pure tactique financière. On
n’aimerait pas avoir à dire : “On en veut encore, mais c’est trop tard”.
Yann Garret
n°331 mars-avril 2020 • Réponses PHOTO 3
n°331 - mars-avril 2020 SOMMAIRE

EN COUVERTURE ● ÉVÉNEMENT Le nouveau livre de Pieter Hugo 6

Photo Timo Les Yanomami de Claudia Andujar 12
Kerber.
Modèle : Akuac.
● L’ESSENTIEL IMAGES 14
● L’ESSENTIEL MATÉRIELS 24
● EN DÉBAT Exposer, c’est payé ! 32

● GRAND FORMAT 38

EKTACHROME
L’odyssée d’un film mythique 40
Quatre regards d’auteurs sur l’Ekta 46
La nouvelle Ektachrome 120 à l’essai 46
Le procédé E6 : l’inversible dévoilé 56
Imiter l’Ekta en numérique 60

32
Exposer, c’est payé !
● EXPOSITIONS
● FESTIVALS
62
66
● LIVRES 68
● PORTFOLIO Arno Brignon 72
● DÉCOUVERTE Stuart Paton 82
Thomas Vanoost 92
●●LECTURE DE PORTFOLIO Olivier Bertrand 98
Loris Reynaud 100
Alan Dub 102
Sébastien Ricard 104
● NOS CONCOURS
Prix du Jury N&B Lumière 106
FEPN/RP 2020 108

● MODE D’EMPLOI 109

110
● ÉQUIPEMENT Canon EOS 1D X MK III 110
Montures et hybrides 24X36 116
● RENCONTRE Photographe et youtubeur 122
Canon EOS 1D X ● REGARD EN COIN PAR CARINE DOLEK 130
MK III
Vos bulletins d’abonnement se trouvent p. 37 et 129. Pour commander d’anciens numéros,
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À L’AFFICHE DE CE NUMÉRO
TIMO KERBER ARNO BRIGNON
Photographe de Ses images
mode, Timo nous étranges et
offre en couverture fantômatiques
et dans le dossier lui ont permis
de ce numéro une d’obtenir la
démonstration mention spéciale
de virtuosité à l’Ektachrome ! du jury du prix Camera Clara.

4 Réponses PHOTO • n°331 mars-avril 2020

 38
Ektachrome,
nouvelle
génération

72
Arno Brignon

82
Stuart Paton

STUART PATON THOMAS VANOOST SÉBASTIEN JULES GORCE

Ecossais exilé à Une maîtrise ROIGNANT Également
Milan, il pratique impressionnante Photographe youtubeur, Jules
une photo de rue de diverses de mariage et partage sur sa
incisive, remplie techniques youtubeur, il anime chaîne “Traitement
de lumières, d’exposition la chaîne “F/1,4” . croisé” son goût
d’ombres, de multiple lui permet Quand la passion de immodéré pour la
reflets, d’obstacles qui égarent les sens. de faire vibrer les lumières de la ville. la photo vous conduit devant l’objectif. photographie argentique.

n°331 mars-avril 2020 • Réponses PHOTO 5

RÉPONSES ÉVÉNEMENT

Pieter Hugo
Cafard mexicain
Pendant deux ans, Pieter Hugo a parcouru les routes du Mexique, aux points de rencontre
de la banalité et de l’exotisme, du sexe et de la mort. La Cucaracha (le cafard) est un drôle de
capharnaüm sur lequel s’est posé le regard incomparable du photographe sud-africain.
Un livre consacré à ce puissant travail vient de sortir chez RM Editorial. Thibaut Godet

La cucaracha ! La cucaracha
! Ya no puede caminar...” La
chanson d’origine espagnole a
accédé à la postérité interna-
assant par le Mexique, où elle a
nt patriotique au fil des guerres
its qui ont rythmé la trépidante
ays. Cette histoire d’un cafard
plus marcher parce qu’il lui
manque deux pattes arrière (ou dans une
version attribuée aux partisans de Pancho
Villa parce qu’il n’a plus de marijuana à
fumer...) donne son titre au nouveau livre
de Pieter Hugo. Durant deux ans, le pho-
tographe sud-africain de 43 ans s’est atta-
ché à sonder les profondeurs de la société
mexicaine.
Mais pourquoi le Mexique? Lorsque l’on
parle de Pieter Hugo, c’est d’abord l’Afrique
qui vient en tête. Lui naît au Cap en 1976,
en Afrique du Sud, alors en plein apartheid.
C’est au pays de David Goldblatt que naît
sa photographie. Il commence dès l’âge
de 10 ans. Petit à petit, il va apprivoiser ce
moyen d’expression. Jeune adulte, Pieter
Hugo décide de se lancer dans le photo-
journalisme... Avant finalement de changer
radicalement d’approche. Le journalisme
lui laisse un mauvais souvenir : celui de de-
voir traiter l’actualité rapidement, sans se
poser de questions ni pouvoir approfondir
le sujet. “Je suis un contemplatif”, confiait à
ce sujet le photographe dans une interview
accordée au journal suisse Le Temps.
Pieter Hugo prend le temps d’interagir avec
son sujet. Le fait poser, capture son regard.
Son approche se rapproche de celle du do-
cumentaire. Il en emploie les codes. Dans
chacune de ses photos, il y a un regard,
frontal, qui accroche celui de n’importe
quel curieux face au cliché. Les portraits
de Pieter Hugo ne sont jamais volés, mais
longuement composés.
En quelques années, il devient un photo-
graphe extrêmement prolifique. En 2004,

6 Réponses PHOTO • n°331 mars-avril 2020

RÉPONSES ÉVÉNEMENT
à l’âge de 28 ans, il photographie les ves-
tiges du génocide au Rwanda. Première
claque visuelle et narrative délivrée par
le photographe parti à la conquête de son
continent et de ses enjeux. Il réalise dans
le même temps des portraits d’albinos, un
autre grand sujet de société en Afrique.
Trois ans après, la série “The Hyena and
Other Men”, travail pour lequel il suit des
dresseurs de hyènes au Nigeria, le fait dé-
couvrir au grand public, notamment aux
Rencontres d’Arles.
C’est une véritable immersion sur tout le
continent africain qu’entreprend Pieter
Hugo : des plateaux de tournage du Nigé-
ria aux forçats des décharges de rebuts
électroniques dans la capitale du Ghana...
Des juges noirs affublés à l’anglaise aux
collecteurs de miel... Le tout en n’oubliant
jamais l’Afrique du Sud, le pays qui l’a vu
grandir et où il s’interroge sur la nature de
8 Réponses PHOTO • n°331 mars-avril 2020
la société post-apartheid dans sa série Kin.
Photographier le continent africain est
aussi pour lui un travail introspectif dans
lequel il cherche son identité. Dans un
entretien donné au quotidien britannique
Le Mexique a un
lien profondément
compliqué avec
la mort
The Guardian, Pieter Hugo explique : “Ma
patrie, c’est l’Afrique, mais je suis blanc.
Je me sens Africain, quoi que cela signi-
fie. Mais si vous demandez à quelqu’un en
Afrique du Sud si je suis Africain, il vous
répondra, quasi certainement, que, non, je
ne le suis pas. Je ne m’intègre pas dans la
topographie sociale de mon pays et c’est
certainement ce qui a motivé mon choix
de devenir photographe.”
Il explore depuis deux ans aujourd’hui un
autre continent. Les sujets, les lumières, les
paysages changent. Mais sa photographie,
elle, reste la même. Ce sont toujours les
mêmes regards qu’il dessine. Mais cette
fois-ci en Amérique du Sud, au Mexique.
Lorsqu’il s’y rend pour la première fois,
c’est à l’invitation d’un commissaire d’ex-
position qui l’invite en résidence. Seule
consigne dispensée : traiter du sexe et
de la mort. Une requête qu’a qualifié tout
de suite le photographe de “formidable”:
“Toutes les œuvres traitent essentiellement
de sexe et de la mort”.
Et de mort, il est question dès le tout début
du livre, qui s’ouvre sur une tête humaine
décapitée, posée sur une main tendue.
RÉPONSES ÉVÉNEMENT
C’est ce qui s’appelle entrer sans ména-
gement dans le sujet, même si la tête en
question s’avère fausse. “Dans la société
mexicaine, il y a une relation à la mort très
différente de celle à laquelle je suis habi-
tué. Si l’on regarde au-delà des clichés de
squelettes dansants et de crânes en sucre,
il y a un lien profondément compliqué avec
la mortalité”.
Pourquoi ce thème retient-il à ce point
l’attention du photographe ? “Je pense que
les photographes sont attirés par les détri-
tus et la mort comme les mouches par les
excréments”, lâche de manière crue Pie-
ter Hugo dans une interview accordée au
magazine anglais Another Man.
Quant au sexe, dire que ce travail traite du
sujet semble tout de même un peu exa-
géré. Pieter Hugo est certes entré dans
les bordels mexicains. Mais c’est plutôt
sur les corps que semble s’être focalisé
le photographe. Dans ses photos, la peau
est huilée, fripée, lacérée ou maquillée.
Lui qui expérimentait assez peu le nu
jusqu’à présent s’y attaque désormais.
10 Réponses PHOTO • n°331 mars-avril 2020
“Je m’intéresse aux corps qui racontent
des histoires.” Il ne s’en prive pas. Les
prostituées mexicaines, les nains coiffés
de sombreros, en passant par les muxes
(troisième sexe dans la culture des Zapo-
tèques), c’est un panel hétéroclite d’huma-
nité que capture le photographe. Le tout
sans artifice. Il relève parfois les lumières
dures avec un flash mais n’intervient que
légèrement. Pieter Hugo cadre des situa-
tions moins démonstratives que par le
passé. “Je suis attiré par le côté fabuleux
du banal et la banalité de l’exotique”, jus-
tifie le photographe.
Mais comme dans chacune de ses séries,
ce sont ses modèles et sa relation avec
eux qui donnent toute la puissance à son
travail. “J’en ai rencontré beaucoup via
des groupes de théâtre communautaire,
des écoles de photographie, les gens sur le
bord des routes, les amis des amis, Insta-
gram et Grindr”, explique-t-il aux journa-
listes d’Another Man. Mais jamais le pho-
tographe ne se moque de l’un d’entre eux.
Les poses sont parfois osées, pourraient
être risibles, mais les personnes qu’il pho-
tographie gardent toujours une fierté et
une hauteur dans le regard. Même vau-
trés nus sur un canapé. Une constante
chez Pieter Hugo qui depuis longtemps
photographie petites gens et marginaux.
S’il a tendance au fil des ans à raccourcir
photographiquement la distance à son
sujet, il continue à se placer à la même
hauteur. Il ne juge pas, il photographie.
LIVRE
La Cucaracha
de Pieter Hugo
est sorti en
fin d’année
2019 chez
RM Editorial
(Barcelone).
Sous le rouge
sang de la
couverture, 132 pages de photos au
format 31 x 35 cm. Prix : 65 €. Édition
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RÉPONSES ÉVÉNEMENT

L’Amazonie de Claudia Andujar

La lutte Yanomami
Depuis les années 1970, la photographe suisse naturalisée brésilienne documente la vie du peuple
Yanomami au Brésil. La Fondation Cartier à Paris accueille jusqu’au 10 mai prochain une grande
exposition consacrée à ce travail. Elle permettra de découvrir la vie de ce peuple de l’Amazonie
brésilienne, mais aussi la lutte entreprise pour que leur territoire soit protégé. Thibaut Godet

S
i l’histoire est si particulière, c’est
qu’elle télescope deux tragédies.
D’abord celle d’une petite fille née en
1931, Claudine Haas, plongée dans les
horreurs de la seconde guerre mondiale.
Son père, un Juif hongrois, est déporté
à Dachau avec une grande partie de sa
famille. Elle ne le reverra jamais. D’abord
exilée avec sa mère en Suisse, puis aux
États-Unis, Claudine devient Claudia Andu-
jar après avoir épousé un réfugié espagnol
en 1949, arrive au Brésil en 1955 et com-
mence à y travailler comme reporter. Les
Indiens Yanomami, elle ne les rencontre
que quinze ans après son arrivée en Amé-
rique Latine. Intriguée par ce peuple encore
si éloigné du modernisme, elle commence

SÉRIE MARCADOS,,Aracá, Amazonas/Surucucus, Roraima, 1983
Lorsque vous
photographiez
quelqu’un, vous lui
retirez une partie
de sa conscience
par en documenter la vie quotidienne d’une
manière très personnelle. Elle obtient alors
une bourse de la Fondation Guggenheim
pour mener à bien ce projet.
Son travail se caractérise par la diversité
des procédés employés. Pour évoquer le
chamanisme par exemple, elle enduit de
vaseline la lentille de ses objectifs pour
donner un caractère onirique aux images.
Elle utilise également des pellicules infra-
rouges qui plongent la forêt amazonienne
dans une ambiance psychédélique. Chez
ces Amérindiens, dont certains décou-
vraient alors la photographie, l’image
avait un sens très particulier. “Pour les
Yanomami, lorsque vous photographiez

12 Réponses PHOTO • n°331 mars-avril 2020

SUSI KORIHANA THËRI,AU BAIN, pellicule infrarouge, Catrimani, Roraima, 1972 -1974.
quelqu’un, vous lui retirez une partie de
sa conscience. C’est pourquoi, à sa mort,
vous devez lui rendre cette partie volée
en détruisant la photographie”, expliquait
la photographe dans une interview accor-
dée à la journaliste de Libération Brigitte
Ollier en 2013.
Mais la condition des Indiens Yanomami
va brusquement être bouleversée à la fin
des années 1970. Le Brésil entreprend
la construction d’une route transamazo-
CATRIMANI,,Roraima, 1972-1976
nienne traversant les territoires des amérin-
diens. Des colonies agricoles se propagent
sur ces terres à la même vitesse que les
épidémies qui menacent la survie des Ya-
nomami. La photographe va alors prendre
la défense de ce peuple qui ne compte plus
aujourd’hui que 35 000 individus, vivant
dans une zone à cheval entre le Brésil et
le Venezuela.
Pendant quinze ans, Claudia Andujar milite
aux côtés d’une association pour que les
terres des Yanomami soient sanctuarisées.
Elle continue à photographier et réalise en
1983 Marcados, une série de portraits de
Yamonani lors d’une campagne de vacci-
nation. Les Indiens n’ont pas de nom et
des numéros leur ont été apposés autour
du cou. Le rapprochement avec la seconde
guerre mondiale semble alors évident. Car
dans la famille de la photographe, “tous ont
été marqués avec des numéros, tous sont
morts. Je n’ai rien pu faire pour les sauver,
mais j’ai peut-être sauvé des Yanomami en
les photographiant avec des numéros”, dira-
t-elle à Libération.
En 1992, les Yanomami obtiennent gain
de cause. Un territoire grand comme un
cinquième de la France est classé espace
naturel et protège les Yanomami de la
colonisation et de l’orpaillage. Mais 28 ans
après, ces peuples amérindiens sont tou-
jours menacés. Les terres des Yanomami
subissent des incursions régulières et des
chantiers sauvages de déforestation. L’arri-
vée au pouvoir de Jair Bolsonaro, président
de la République fédérative du Brésil depuis
2019, n’a pas amélioré leur situation.
L’exposition que propose la Fondation
Cartier pour l’art contemporain à Paris
jusqu’au 10 mai rassemble pour la pre-
mière fois plus de 300 photographies noir
et blanc et couleur puisées dans les ar-
chives de Claudia Andujar, et qui reflètent
les deux versants indissociables de sa
démarche : esthétique et politique.
n°331 mars-avril 2020 • Réponses PHOTO 13
SINCE YOU WERE BORN 2019 EVAN ROTH © PHOTO BY BOB SELF/THE FLORIDA TIMES-UNION / COURTESY OF MOCA JACKSONVILLE
RÉPONSES L’ESSENTIEL

En bref…

COULEURS D’HAÏTI
Le supermarché des images “Du chaos surgit la poésie”,
écrit le photoreporter
L’ÈRE DU TROP-PLEIN ICONOGRAPHIQUE AU JEU DE PAUME Corentin Fohlen, qui parcourt
depuis 10 ans ce pays
lumineux et martyrisé. De ses

J
usqu’au 7 juin prochain, le Jeu de Paume
à Paris nous donnera l’occasion de nous
interroger sur le suffocant déferlement
d’images, et notamment de photographies,
dans lequel nous sommes plongés jour après
jour. Que signifie encore voir quand tout est
à voir et que tout est vu ? Quel sens donner à
ces processus de stockage, de manipulation,
de diffusion, alors même que “l’écrasante
majorité des images est désormais produite
par des machines pour d’autres machines,
les humains étant rarement dans la boucle” ?
En l’espace de 40 ans, l’économie de l’image,
“l’iconomie”, s’est transformée à un rythme à
ce point exponentiel qu’il devient de plus en
plus difficile de l’analyser. De quoi sommes-
nous les témoins ? Et le mot même de témoin
a-t-il encore du sens dans ce contexte ? C’est
à ces questions vertigineuses que Peter Szen-
24 séjours sur place, il extrait
dy, Emmanuel Alloa et Marta Ponsa, les com-
dans ce petit ouvrage de
missaires de l’exposition du Jeu de Paume,
la collection Small Paper,
se sont attaqués. La soixantaine d’œuvres et des images inédites des villes
d’installations réunies pour l’occasion sont haïtiennes, vibrantes de
mises au défi d’un arrêt sur image : la photo- vie et de couleur.
graphie monumentale d’un entrepôt Amazon Éditions Photopaper,
par Andreas Gursky, les captures de pages 15 x 21cm,64 pages, 15€.
Internet avec lesquelles Evan Roth tapisse les
espaces du musée (photo ci-dessus, on n’est
plus à ça près...), la privatisation du visible par
l’agence Gerry Images imaginée par Géraldine
Juárez, la cascade de 20000 négatifs ano-
nymes de Ana Vitoria Mussi, qui questionne
le sort des images d’archives...
Un copieux catalogue de l’exposition est pu-
blié aux éditions Gallimard. Le supermarché
des images, 320 pages, 16,5 x 23 cm, 39 €.

PHOTO & SCIENCE

La résidence 1+2, dédiée à la rencontre de la photographie et de la
science, réunit chaque année à Toulouse trois photographes (un
ICONOLOGIE Si les photos
photographe de renom et deux photographes émergents) pour réunies dans ce nouveau
deux mois de collaboration. Les lauréats 2020 ont été choisis : il volume de la collection
Bibliotheca Universalis sont
s’agit d’Émeric Lhuisset d’une part, de Coline Jourdan et Lucia archiconnues, leur histoire
Peluffo d’autre part, qui seront tous trois accompagnés de l’est souvent beaucoup moins.
En 50 récits de prises de vue
l’océanologue et géochimiste Catherine Jeandel, directrice de légendaires, la fabrique des
recherche au CNRS. Le résultat de la résidence sera présenté en icônes ! Éditions Taschen,
14 x 19,5 cm, 432 pages, 15€.
octobre et novembre 2020, pour une exposition, une publication
dans un coffret de trois ouvrages, et un film de création.

14 Réponses PHOTO • n°331 mars-avril 2020

Appel à candidature
Bourse Laurent Troude L’œil de Philippe Durand

Hasard du calendrier ou surf sur l’air

du temps, le titre phare du nouvel
album d’Alex Beaupain est
Ektachrome, au moment où la
pellicule mythique revient d’entre les

© THÉO COMBES
Inaugurée l’année dernière en hommage
au photographe de Libération disparu en
2018, la bourse Laurent Troude lance sa
seconde édition. Destinée à soutenir les
jeunes photographes de presse de moins
de 30 ans, ce prix permet au lauréat de
remporter une bourse de 8000 €, ainsi
qu’une exposition dans le cadre du
festival ImageSingulières à Sète. En 2019,
c’est Théo Combes qui avait été distingué
pour son projet “Noire Méditerranée”
(photo ci-dessus), reportage de Port-Bou
à Menton le long d’une côte qui est,
depuis toujours, terre d’immigration.
Les candidats ont jusqu’au 13 avril 2020
pour envoyer leur dossier.
Livre
Michaël Duperrin
sur les traces d’Ulysse
© MICHAËL DUPERRIN
disparus. “Je me souviens par vague
et par éclair, ça me revient comme la
mer, j’ai la mémoire Ektachrome…”,
une chanson sur la perte et l’oubli.
“J’ai la mémoire Ektachrome, mais
c’est flou, mais hélas, j’ai beau faire
reluire mes chromes, ça passe…”.
L’Ekta devient métaphore des
choses qui inexorablement
disparaissent avec le temps, de quoi
faire pleurer les ingénieurs de chez
Kodak qui ont beaucoup bossé sur la
durabilité de leur film. Nostalgie aussi
avec Paul Simon et son tube de 1973
Kodachrome : il commence par
“quand je me rappelle de toutes les
conneries que j’ai apprises au lycée”
texte. Ne comptez pas sur lui pour
pour en arriver à “Kodachrome,
trancher le débat couleur contre
elle nous donne ces jolies couleurs
n&b. Dans l’enregistrement original,
brillantes, elle nous donne les verts
il raconte que s’il revoyait toute ses
de l’été, nous fait croire que le
ex-girlfriends, elles ne seraient pas à
monde n’est qu’une journée d’été, oh
la hauteur de son imagination pour
yeah, J’ai un appareil Nikon, j’adore
en conclure que “everything looks
prendre une photo, alors maman, ne
me confisque pas ma Kodachrome.”
worse in black and white” (tout a l’air
Une manière de voir le monde plus moins bien en noir et blanc). La dure
réalité est en noir et blanc et les
beau qu’il n’est et le passé plus
brillant que la réalité, à la manière souvenirs embellis en couleur. Mais
d’une diapo Kodachrome où tout il pouvait tout aussi bien chanter
était plus vif, plus coloré, plus chaud, “everything looks better in black and
plus bronzé. Et il ne veut surtout pas white”, comme lors du légendaire
qu’on lui confisque cette illusion. concert à Central Park avec
D’autres décryptages vont chercher Garfunkel… Il ne se souvient plus
du côté de l’évocation de la drogue, de ce qu’il avait écrit à l’origine,

dans l’air du temps des seventies, mais l’interprétation de la seconde

Kodachrome étant le surnom
argotique d’une variété de LSD,
censée, comme dans la chanson,
Dans notre précédent numéro, notre donner au monde de jolies couleurs.
collaborateur Michaël Duperrin nous Sans doute un peu tiré par les
faisait partager la lente gestation de son cheveux, longs à l’époque. La petite
livre “Odysseus, l’autre monde”. L’ouvrage histoire est que Paul Simon avait
est à présent disponible chez SunSun initialement écrit autour de “Going
éditions (15 x 21 cm, 128 pages, 35 €). Home”, titre qu’il trouvait un peu
On y découvre 50 reproductions de plat. Il a remplacé, par paronymie (ça
cyanotypes réalisés autour de la Méditer- y est, vous avez appris un nouveau
ranée, dans les lieux supposés des mot) Going Home par Kodachrome,
errances d’Ulysse, ponctuées de textes et a trouvé ainsi une puissance
faisant le lien entre les mythes de d’évocation très riche. La mention de
l’antiquité et le monde actuel. Les tirages Nikon n’est là que parce que c’était la
seront exposés au Centre d’Art Contem- marque qui sonnait le mieux dans le
porain d’Istres (13) du 12 mars au 30 avril.
version est plus délicate !
Pendant que nous sommes au rayon
curiosités, savez-vous pourquoi
Kodak a donné à ses films positifs
(les diapos, quoi) le suffixe
“chrome”, appellation adoptée
ensuite par tous les fabricants ?
C’est en hommage aux frères
Lumière qui ont déposé la marque
Autochrome pour leur procédé de
photographie par synthèse additive,
le premier à reproduire directement
les couleurs, en 1903. D’ailleurs, si
vous voulez vous lancer dans la
chanson, “Autochrome” reste
encore inexploité.

n°331 mars-avril 2020 •Réponses PHOTO 15

RÉPONSES L’ESSENTIEL
L’œil de Philippe Bachelier
Argentique, grand écart sur les prix
Fin novembre 2019, Kodak annonçait une augmentation
du prix de ses films au 1er janvier, avec effet rétroactif sur
toutes les commandes non exécutées. Le coût des
pellicules a grimpé en moyenne de 20% depuis le début
de l’année. Le Tri-X, est désormais
ormais plus cher
que son concurrent direct d depuis des
décennies, l’Ilford HP5+ (en fonction
des points de vente, le prem mier se
trouve autour de 8€ contre e 7€
pour le second). La raison ?
Kodak argue du
renchérissement des
matériaux auprès de ses
fournisseurs et que le
maintien des prix 2019
pour les commandes non
honorées plongerait les
comptes de la marque
américaine dans le rouge.
Quoi qu’il en soit des
arguments de Kodak, une
réalité s’impose : la pratiquee
de l’argentique coûte de plu us
en plus cher. La nouvelle
version du Fujifilm Acros II
dépasse 10€ en France, de même
que les pellicules inversibless.
Devenus un secteur de nich he, certes en
regain de croissance, les filmms des marques
phares Fujifilm, Ilford et Koddak deviennent presque
p q
un luxe, bien que reposant principalement sur la
consommation des amateurs et des écoles d’art et de
photo. Un marché de passionnés, mais pas des plus
fortunés, qui a besoin d’un large public pour compenser
100 ans
Raymond Cauchetier vient de fêter
son centième anniversaire. Photographe de
plateau le plus apprécié des réalisateurs de
la Nouvelle Vague, il a signé quelques-unes
des images emblématiques de ce mouvement
cinématographique, parmi lesquelles les fameux
portraits de Jean-Paul Belmondo et Jean Seberg
sur le tournage d’À Bout de Souffle de Jean-Luc
Godard en 1959. Pour célébrer cela en beauté,
sa galerie londonienne propose à la vente cer-
tains de ces fameux clichés, et d’autres beau-
coup plus rares, sur jameshymangallery.com.
Bon anniversaire, monsieur Raymond !
16 Réponses PHOTO • n°331 mars-avril 2020
les petits volumes consommés. Heureusement, des
alternatives plus abordables existent. Si l’on tient à
photographier avec du film Kodak, à condition de
bobiner du film soi-même, la pellicule cinéma 35mm
Double X (5222) exis existe en galettes de 122 m. On
peut la commander en Angleterre, chez www.
frame24ltd.co.uk (il en coûtera 240£ TTC +
les frais d de port). De quoi se préparer 70
films à 4€ l’unité. Henri-Cartier
Bresson a longtemps bobiné
lui--même ses films.
Vo ous trouverez les détails sur sa
façon de procéder dans le très
récent Henri Cartier-Bresson :
Chine 1948-1949 | 1958 par
Michel Frizot et Ying Lung Su,
aux éditions Delpire. Bobiner
soi-même était de rigueur
autrefois. Y reviendra-t-on ?
Cela dit, Harman Technology
ffabrique des versions plus
abordables que les Ilford FP4+
et HP5+, en 100 et 400 ISO,
pouur un prix variant de 4 à 5 €
la carrtouche de 36 poses, que l’on
trouve aussi bien sous le nom d’Ilford
Pan, Kentm mere, Agfaphoto APX ou
Rollei RPX. En nfin, Foma reste le plus
abordable, du rouleau au plan-film.
L’émulsionneur tchèque q jo joue d’ailleurs à fond sur
l’engouement rétro de l’argentique avec un tout
nouveau papier baryté à grade fixe, le Retrobrom,
volontairement chaud dans les tons brun-vert,
avec une base jaune-vert.
Exposition
Chacun son arbre
Jusqu’au 7 mars, l’Atelier l’Œil Vert
(12 rue Léopold Bellan, Paris 2e) rend
hommage à la beauté des arbres dans une
exposition originale. Celle-ci fait dialoguer les
grands dessins au fusain et pastel de Gilbert
Bellan (1868-1951), avec les œuvres d’une
trentaine de photographes, parmi lesquels
Denis Brihat, Édouard Boubat, Bernard
Descamps, Bogdan Konopka, Sarah Moon,
Marc Riboud, Pentti Sammallahti, Vanessa
Winship ou encore Claude Iverné (ci contre,
Baobab, Sénégal, 2014). “La multiplicité des
points de vue exposés renforce
© CLAUDE IVERNÉ
paradoxalement la solitude et l’unicité de
chaque tirage”, indique le commissaire
Thomas Doubliez. www.loeilvert.fr
RÉPONSES L’ESSENTIEL

Néo-rétro SUR LE WEB

Super 8 numérique
Voici un projet pas banal lancé sur
KickStarter par la startup Lofty Factory.
La Fragment 8 Retro Camera reprend le
design des Camera Super 8 d’antan tout
en l’adaptant aux besoins des réseaux
sociaux tels que TikTok ou Instagram.
Très simple d’utilisation, elle produit de
courtes vidéos MP4 ou des gifs animés, le Le site Télérama.fr revient sur

tout en 720p grâce à un capteur CCD de
1/3 pouce. La cadence d’image peut être
positionnée sur 9 ou 24 i/s, et l’on
retrouve tous les défauts d’images faisant
le charme des films de famille d’antan.
Une tourelle d’objectif optionnelle permet
d’ajouter des effets optiques. Environ 70 €
pour les premiers acquéreurs. Clotûre le
© CIG HARVEY
la décennie 2010 à travers
différents témoignages, dont Appel à candidature
celui de Samuel Bollendorf Prix Virginia
sur le photojournalisme. Prix international destiné aux femmes
photographes, le Prix Virginia est remis
tous les deux ans depuis 2012 à une

62599
22 février. Livraison prévue en mai.
C’est le nombre de photographies
que met en ligne Paris Musée sur son site
parismuseescollections.paris.fr. On y retrouve des
chefs d’œuvres de toutes époques. Disponibles
sous licence CCO, elle peuvent être téléchargées
en haute définition avec une fiche complète.
photographe professionnelle de toute
nationalité et sans limite d’âge, pour un
travail photographique inédit en France,
hors commande presse et publicitaire.
Ci-dessus, une image de la lauréate 2018,
la Britannique Cig Harvey. La dotation est
de 10 000 €, assortie d’une carte blanche
pour la publication d’un Portrait de Ville
aux éditions Be-Pôles, et de la publication
d’un livret des photographies gagnantes
chez Filigranes. L’appel à candidature de
cette 5e édition est ouvert jusqu’au 7 mai.

L’œil de Michaël Duperrin

Un regard neuf
Regardez cette photo, puis fermez les yeux et imaginez-vous
dans une galerie face à cette image tirée en deux mètres de
large et encadrée de bois de récupération. Fermez à
nouveau les yeux, et projetez-vous devant le même objet,
désormais installé dans un jardin en Afrique. Prêtez à chaque
fois attention à ce qui change dans votre perception.
Rassurez-vous, je ne suis pas en train de virer gourou new
age. Ce petit exercice résume une expérience vécue : J’avais
déjà vu en festival les grands formats colorés de Nicolas
Henry. Et je n’y avais perçu que des pièces décoratives
© NICOLAS HENRY

prêtes à orner l’intérieur d’un bourgeois en quête d’esbroufe.

Pourtant, lorsque j’ai découvert ces mêmes œuvres installées
dans le jardin du MACAAL à Marrakech, mon regard a
radicalement changé.
La cinglante ironie de ces mises en scène bricolées avec les
moyens du bord m’est soudainement apparue. La charge
critique de ce cinéma grinçant m’avait jusque là échappé, à
tel point que je ne m’étais pas rendu compte que deux
enjoliveurs simulent une caméra, que c’est dans une friche
industrielle que les indiens terrassent des cowboys de
pacotille, que ce petit univers blanc est incarné par des noirs,
que tout déraille ici et que l’artifice poussé à l’extrême dit
quelque chose du monde réel. Le contexte marocain, pays
de débrouille et de fortes inégalités, et la pertinence de
l’accrochage qui joue avec la lumière et la végétation ont
contribué à cette révolution de mon regard. Mais je retiens
surtout ceci : loin de mes repères habituels, j’ai fait un pas de
côté et commencé à regarder autrement. Pour moi, c’est là
une leçon de photographie.
Un échantillon du travail de Nicolas Henry et ses livres sont
visibles à la Little Big Galerie , 45 rue Lepic, Paris 18.

18 Réponses PHOTO • n°331 mars-avril 2020

LE PLUS GRAND GROUPE MONDIAL DE MAGAZINES PHOTO
TROUVEZ VOTRE TITRE FAVORI POUR LIRE ET APPRENDRE

JOURNALISME
EXPERIENCE
RESPONSABILITE
30 MAGAZINES 14 PAYS 10 LANGUES

Depuis 1991 les logos du Prix Mondial TIPA indiquent chaque année quels sont les meilleurs produits photo et vidéo.
Voilà 25 ans que les TIPA WORLD AWARDS ont été décernés en toute indépendance sur des critères de qualité, de performances
et de prix. Vous pouvez leur faire confiance. En coopération avec le Caméra Journal Press Club du Japon. www.tipa.com
RÉPONSES L’ESSENTIEL

Livre WEB Cours

Les rencontres Les leçons
de Nadav Kander de Camera Rescue
L’entreprise finlandaise qui s’est donnée
comme objectif de sauver 100 000
appareils photos (voir RP n°330) a lancé
un appel à financement participatif. Son
but : proposer des leçons en vidéo basées
sur son savoir-faire. Exemple : vérifier
Le site Internet Rendez-Vous l’état d’un appareil photo ancien avant
Photo, qui publie en série des l’achat. Certains contenus seront
proposés en bonus pour ceux prêts à
reportages photos, est en investir. Pour 150 €, Juho Lepannen, le
pleine campagne de fondateur, prévoit d’expliquer comment
recrutement d’abonnés pour lancer un business photo argentique !
atteindre l’équilibre financier.
© 2019 NADAV KANDER

Deux kilos et demi ! Il n’en fallait pas

moins pour résumer le travail de portrai-
tiste de Nadav Kander. Le photographe
américain publie aux éditions Steidl
200000
C’est le nombre de visiteurs
enregistrés par l’exposition “Nous les arbres” à
The meeting (la rencontre) dans lequel on
la fondation Cartier. Cette exposition collective et
retrouvera avec bonheur ses fameux
éclectique, qui donnait une large place à la photo-
portraits allant de Barack Obama au
graphie, a fait carton plein. Elle s’est terminée dé-
prince Charles en passant par David Exposition
but janvier après plusieurs mois de prolongation.
Lynch dans un style toujours inimitable.
336 pages, 27 x 33 cm, 85 €. Croyances
Du 12 mars au 26 juillet, l’Institut des
Prix Cultures d’Islam à Paris s’empare des
croyances africaines dans une exposition
Des jours éternels regroupant seize photographes et
vidéastes. Tous interrogent à leur manière
les mythes et les pratiques religieuses.
À la tête de cette exposition, Jeanne
Mercier, co-fondatrice et rédactrice en
chef de la plateforme Afrique in Visu.
© ANA MARIA AREVALO GOSEN

La photojournaliste Ana Maria Arévalo

Gosen, d’origine vénézuélienne, a reçu au Livre
mois de janvier le prix Lucas Dolega. Pour
cette 9e édition, le jury a été conquis par sa Souvenirs adolescents
série “Días Eternos”, qui documente la vie L’auteure Louise Barling à qui l’on doit
de femmes détenues en prison dans ce déjà des ouvrages sur Dora Maar et
pays d’Amérique du Sud. Elle remporte la Martine Franck s’est plongée dans les
somme de 10000€ et son travail sera images d’enfance de Jacques-Henri
présenté dans un prochain album de Lartigue, ses journaux intimes et ses
Reporters Sans Frontières. Fondé en 2011, albums. Des souvenirs qu’elle a
le prix Lucas Dolega porte le nom du rassemblés dans un livre à paraître
photojournaliste franco-allemand tué le 26 mars aux éditions de la Martinière.
durant la révolution tunisienne. 192 pages, 19x24 cm, 192 pages.

20 Réponses PHOTO • n°331 mars-avril 2020

Festival
Une pluie d’images sur Brest

© ROBERTO BADIN
La cité bretonne ne manque pas d’humour lorsqu’il s’agit de
plaisanter de son mauvais temps. Brest accueille jusqu’au 29
février le festival Pluie d’Images, un événement qui rassemble
pas moins de 41 expositions photographiques dans les rues de la
ville. Pour cette quinzième édition, l’accent a été mis sur le thème
des Territoires. Les organisateurs ont invité un photographe de
marque pour illustrer au mieux cette thématique. Le Coréen
Daesung Lee a documenté l’avancée du désert de Gobi en
Mongolie à l’aide de grandes mises en scène dans sa série
Archéologie du Futur. À ses côtés, Roberto Badin vient présenter
un Japon figé, loin de l’aspect grouillant des mégalopoles. Manu
Brabo, photoreporter qui a obtenu un prix Pulitzer en 2013,
s’attache à montrer les territoires en guerre..

SUR LE WEB NEW

GENERATION
V
Photo ©Sandy Phimester

La 5ème génération de papiers à contraste

La start-up Meero continue sa diversification variable ILFORD MULTIGRADE RC.
25 ans après l’introduction du papier noir et
là où on ne l’attendait pas forcément. Elle vient blanc mondialement le plus répandu, le tout
nouveau ILFORD MULTIGRADE RC DELUXE
de créer un outil de partage de fichiers photo a été conçu en utilisant les émulsions de toute
dernière technologie.
sur Internet. Sur la plateforme MeeroDrop, il est
possible d’envoyer gratuitement jusqu’à 5 Go    @ilfordphoto
d’images, qui peuvent être conservées jusqu’à
30 jours. Plus complet que ses concurrents Pour plus d’informations consultez le site www.lumiere-imaging.fr

généralistes tels Wetransfer, il permet de les

visualiser, les commenter, les liker. L’outil se
veut collaboratif à la manière d’un GoogleDoc. Importateur distributeur exclusif des produits Ilford

n°331 mars-avril 2020 • Réponses PHOTO 21

RÉPONSES L’ESSENTIEL

Exposition ASSISTANT NUMÉRIQUE Festival

Le Tibet s’expose à Nice La fête du Polaroid
Les superbes images de Jacques Borgetto Comme chaque année au mois d’avril,
sur le Tibet, que nous avions publiées en le festival participatif Expolaroid fédèrera
portfolio (RP n°302), sont exposées une foule d’événements autour de la
du 14 février au 26 mai au Musée de la photographie instantanée, en France et à
Photographie Charles Nègre de Nice. l’étranger. Pour participer, il faut soumettre
Le vernissage a lieu le vendredi 14 février son projet sur le site expolaroid.com.
à 19h, suivi d’une rencontre avec L’affiche de cette 8e édition vient d’être
le photographe le lendemain à 14h30. dévoilée, tout comme son slogan :
Rappelons que le très recommandable Trier vos photos pour vous, “Expolaroid fait le grand 8 et vous
livre “Si près du ciel, Le Tibet” est c’est ce que propose Photo embarque dans son parcours”.
disponible chez Filigranes Editions (30 €).
Musée de la Photographie Charles Nègre,
Culling, un plugin Lightroom
1 place Pierre Gautier, 06364 Nice développé par Canon. Basé
sur les algorithmes Computer
Vision AI, il est capable de
détecter les “meilleures”
images selon différents
critères, tous paramétrables,
comme la netteté, le bruit,
l’exposition, la présence
d’yeux rouges ou fermés...
Disponible sur abonnement à
© JACQUES BORGETTO

partir du mois de mars sur

exchange.adobe.com.

SUR LE WEB Workshops

L’association photo argentique

De Paris à Toulouse
Dans ta Cuve ! a mis en ligne Récompense
un annuaire recensant les
labos, boutiques, et ateliers
Prix Eurazeo
Depuis 2010, la société d’investissement
de réparation dédiés à Eurazeo récompense d’une dotation de
l’argentique en France et à
© DOMINIQUE MÉRIGARD

10000€ un photographe professionnel.

l’étranger. Belle initiative ! Le Prix “Un Photographe pour Eurazeo”
2019 a été attribué à Sophie Zénon pour
www.danstacuve.org sa série Dans le miroir des rizières, un
L’association L’Image Latente propose retour vers ses origines italiennes. Créé
pour la première fois un stage à Toulouse, cette année en partenariat avec l’ENSP
conduit par Anne De Gelas autour de la d’Arles, le Prix “Eurazeo pour la Jeune
conception d’un journal photographique. Création photographique” est quant à lui
Il se tiendra les 9 et 10 mai prochains. attribué à Camille Kirnidis.
En parallèle, une série de workshops de
4 journées et demi sont proposés à Paris
d’avril à juin. Animés par Dominique
Mérigard, ils ont pour thème “Concevoir
et réaliser un livre de photographies”.
Notez que les rencontres de L’image
Latente, qui s’adressent à tous ceux qui
souhaitent développer une démarche
© SOPHIE ZÉNON

photographique personnelle, ont lieu tous

les mois à Paris, et désormais à Toulouse.

22 Réponses PHOTO • n°331 mars-avril 2020

 SOPHIC-SA

A VOIR SUR
OCCASION
MASSY (91)

© DELPHINE BALLEY PRIX CAMERA CLARA

:::::::::: IMPORTANT STOCK D'OBJECTIFS ::::::::::
TAMRON

:::::::::::::: IMPORTANT DESTOCKAGE ::::::::::::::

Prix
MANFROTTO
Trépieds photo vidéo, sacs à dos, sacs d'épaule
Les illusions photographiques LOWEPRO
de Delphine Balley Sacs à dos, sacs d'épaule
La beauté incomparable du très grand format, c’est ce que
consacre chaque année depuis 2012 le prix Camera Clara.
Pour cette huitième édition, le jury a été séduit par le travail Toutes nos occasions sur http://www.camaraoccasions.net
de Delphine Balley entièrement réalisé à la chambre. Consultez-nous sur www.leboncoin.fr
Comme dans ce portrait de jeune fille devant un praxinoscope,
la photographe interroge le rapport au réel. Son travail offre MASSY - 29, place de France
une réflexion autour de la fabrication des images, de leurs 01 69 20 03 90 - email : prophi@wanadoo.fr
systèmes d’apparition à travers les différents dispositifs
optiques et d’enregistrement. Le jury a également décerné
une mention spéciale à Arno Brignon à qui nous consacrons
un portfolio à partir de la page 72 de ce numéro. LA BOUTIQUE PHOTO
SUR LE WEB

NEUF & OCCASIONS

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un but artistique.

n°331 mars-avril 2020 •Réponses PHOTO 23

RÉPONSES L’ESSENTIEL
TEST EXPRESS
HYBRIDE SONY ALPHA 9 MK II
Avec son Alpha 9, Sony
déclarait la guerre aux reflex
sportifs professionnels de
Canon et Nikon. À l’approche
des JO de Tokyo 2020, l’Alpha
9 II reprend le flambeau de
son aîné, une grosse partie
de sa fiche technique tout
en mettant l’accent sur
la communication. Bruno Labarbère
D
ifficile, au premier regard, de distin-
guer le Sony Alpha 9 Mk II de son
prédécesseur (qui reste d’ailleurs au
catalogue) : même capteur BSI CMOS
de 24,2 MPx avec mémoire DRAM sou-
dée, même double processeur Bionz X,
même plage de sensibilité (50 à 204800
ISO), même viseur OLED de 3,6 Mpts,
même rafale à visée continue culminant
à 20 i/s, même batterie NP-FZ1000 assu-
rant une autonomie d’environ 600 vues,
même écran tactile sous-exploité... Les
modifications se font de manière subtile
mais sont bienvenues : stabilisation 5 axes
améliorée, joystick plus ferme, molette
de correction d’exposition verrouillable,
doubles molettes reprises de l’Alpha 7R IV,
double logement UHS-II, passage à l’USB
3.2 Gen 1 avec connecteur Type C, rafale
mécanique passant de 5 à 10 i/s, appari-
tion de l’anti-flickering histoire de faire jeu
égal avec ses concurrents reflex lorsqu’il
faudra photographier du sport en salle.
Mis bout à bout, cela fait de l’Alpha 9 Mk
II un boîtier plus agréable et sécurisant à
utiliser que l’Alpha 9 de première généra-
tion, sans toutefois rendre obsolète ce der-
nier en termes de performances brutes.
En fait, passer à cette nouvelle génération
ne sera intéressant que pour une seule
catégorie de photographes : ceux
travaillant de manière connectée et dont
le workflow impose de transférer très
rapidement les images à la rédaction
après la prise de vue. À cet effet, l’Alpha
9 II se voit doté du Wi-Fi 802.11a/b/g/n/
ac 5GHz (permet d’interconnecter un
plus grand nombre de boîtiers, mais
réduit la portée et la vitesse par rapport
au 2,4 GHz) et de l’Ethernet 1000BASE-T.
Bref, comme son aîné, le Sony Alpha 9 II
24 Réponses PHOTO • n°331 mars-avril 2020
5 400 €
Prix indicatif
CARACTÉRISTIQUES
z Capteur 24 x 36 mm BSI CMOS 24,2 MP
z AF Hybride 693 points (détection de phase)
+ 425 points (détection de contraste)
z Rafale à 20 i/s (électronique) et 10 i/s
(mécanique)
z Wi-Fi 802.11a/b/g/n/ac 5GHz et Ethernet
1000BASE-T
est un boîtier puissant, taillé autant pour
la productivité en agences que pour
l’action. Les nombreuses améliorations
techniques se révèlent efficaces et
contribuent à l’agrément d’utilisation,
mais il aurait été encore meilleur avec des
menus plus rationnels et mieux organisés,
décidément talon d’Achille de Sony. Pas
de quoi bouder son plaisir, en attendant
de le comparer avec le tout frais Canon
EOS-1DX Mk III et le très attendu Nikon
D6. Il va y avoir du sport !
POINTS FORTS
Ï AF hyper réactif
Ï Ergonomie et autonomie
améliorées
Ï Double logement UHS-II (enfin)
Ï Wi-Fi 2,4 + 5 GHz et Ethernet
1 Gbits/s
POINTS FAIBLES
Ð Ecran tactile sous-exploité
Ð Menus perfectibles
On aime ★★★★★
ADAPTATEUR
DU CANON SUR DU SONY
K&F Concept lance la bague
d’adaptation EF-E-AF II, qui
permet de fixer un objectif
Canon EF sur un boîtier Sony
à monture E, des contacts
électriques assurant la mise
au point AF, l’ouverture, la
stabilisation boîtier, et la
transmission des EXIF.
Construction en aluminium,
parois anti-reflets.
Prix : 110 €.
Moyen format
Un mini-objectif Blad
Destiné aux hybrides Hasselbald X1D et
X1D II, le XCD 45 mm f:4 est le grand-
angle moyen format le plus compact et
léger au monde. Il ne mesure que 4,7 cm
de long et ne pèse que 320 g, bien moins
que l’actuel XCD 45mm f:3.5 (7,5 cm de
long, 417 g). Ce 45 mm donne un champ
équivalent à un 36 mm en 24x36. Les
objectifs d’Hasselblad comprennent aussi
un obturateur, ce qui permet aux boîtiers
d’assurer la synchronisation flash à toutes
les vitesses. Et celui-ci assure des vitesses
allant de... 1 heure 08 minutes au 1/2000e
de seconde. Disponible en mars pour un
prix de 1200 €.
Focales fixes
TT Artisan pour Leica
TEST EXPRESS
HYBRIDE OLYMPUS OM-D E-M5 III
La définition accrue à 20,4 Mpx et la présence d’un autofocus
hybride à détection de phase sont les principaux arguments de
l’E-M5 III face à son prédécesseur. On notera également sa rafale
qui peut atteindre 30 i/s. Pascale Brites
A
rborant un design proche de celui de
l’E-M5 II, le dernier né de la gamme
Olympus apporte son lot d’évolutions
ergonomiques. La molette des modes passe
de gauche à droite et gagne une position
B, la touche HDR disparaît, le réglage de
visée migre sur l’épaule gauche avec la mo-
torisation et un raccourci vers la sensibilité
rejoint le repose-pouce. Dommage que le
menu ne gagne pas lui aussi en convivia-
lité car l’onglet Personnalisé fait toujours
office de fourre-tout sans que les options
de personnalisation de l’E-M1 X ne soient
présentes. Heureusement qu’un menu ra-
pide se cache sous la touche OK. La prise
en main est très bonne malgré la compacité
du boîtier. Si toutefois vos grandes mains
empêchent à tous vos doigts de trouver
une place confortable, la marque a prévu
une poignée optionnelle. Elle ne peut pas
accueillir de batterie supplémentaire can-
tonnant l’autonomie à quelque 300 vues
environ. Mais l’E-M5 III gagne la recharge
en USB, au format micro-B. Le viseur est
agréable et profite d’un dégagement ocu-
laire de 27 mm qu’apprécieront les porteurs
de lunettes. Quant à son écran, il conserve
les atouts de son prédécesseur avec une ou-
TTArtisan, nouveau constructeur chinois
à ne pas confondre avec 7Artisans, lui
aussi spécialisé dans les focales fixes à
grande ouverture, lance deux objectifs à
tarif abordable pour les Leica M. D’abord
un grand-angle compact, le M21mm f:1,5.
Entièrement manuel (ouverture et mise au
point), il offre une construction métal,
avec, comme sur les optiques Leica M,
une large bague de distance près du
boîtier et une bague de diaphragme à
l’avant. Avec son ouverture de f:1,5 il ne
prétend pas égaler en luminosité le Leica
Summilux-M 21mm f:1,4 ASPH coûtant
7100 €, mais dépasse bien celle des
classiques 28 mm f:2. La formule optique
repose sur 13 lentilles en 11 groupes, et le
diaphragme est composé de 10 lamelles.
La mise au point minimale est de 70 cm.
Sa longueur de 7 cm est proche de celle
verture latérale autorisant une orientation
dans toutes les directions. Face à l’E-M5 II
et l’E-M10 III, l’E-M5 III met en avant une
définition accrue à 20,4 MP, autant que sur
les E-M1 II et E-M1 X. Le mode haute défi-
nition passe donc à 80 MP en Raw et 50 MP
en Jpeg avec un assemblage dans l’appa-
reil. Malheureusement, la stabilisation du
capteur, au demeurant d’une grande effi-
cacité, ne peut être utilisée pour un mode
haute définition à main levée comme avec
l’E-M1 X. Le trépied est donc obligatoire.
La qualité d’image est bonne jusqu’à 3200
ISO à condition de privilégier la capture en
Raw. Sachez qu’Olympus accompagne l’ap-
pareil d’un petit flash amovible orientable
dans toutes les directions dont nous avons
pu mesurer la qualité d’exposition. Enfin,
l’autofocus qui s’enrichit de la détection de
phase est rapide en mode AF-S mais son
suivi pas toujours efficace et la détection
des yeux pas au niveau de ce que propose
la concurrence. Dans ces conditions, que
dire du mode Pro Capture à 30 i/s, peu
utile s’il n’est pas possible de suivre un su-
jet rapide ? L’E-M5 III n’est pas un boîtier
sportif, mais c’est un très bon compagnon
pour voyager léger.
du Leica Summilux (6,6 cm). Notez que le
pare-soleil carré et ajouré est fourni avec
l’objectif. Son prix est de 429 $ (387€) sur
Amazon US. TTArtisans lance aussi le
fish-eye M11mm f:2,8. Dénué de codage
6 bits, il n’autorise pas la visée télémétrique,
impossible à réaliser à cette focale. Mais
un viseur externe en métal noir, livré avec
l’objectif, se fixe sur la griffe porte-flash
des Leica M-240, M3, M6, M7, M8, M9,
M9p et du tout dernier M10. L’objectif
inclut aussi, rivé à son fût, un pare-soleil.
La formule optique est de 11 lentilles en 7
groupes, avec diaphragme à 7 lamelles et
mise au point minimale à 17 cm, pour un
poids de 439g. Son prix : 500 €. Et les
possesseurs d’hybrides Sony à monture E
seront ravis d’apprendre qu’une version
de ce 11 mm f:2,8 existe aussi pour ces
boîtiers, à seulement 215$ (192€) !
Prix indicatif 1200 €
CARACTÉRISTIQUES
z Capteur Micro 4/3 de 20,4 MP
z AF hybride à 121 points
z Viseur EVF à 2,36 Mpts (0,68x)
z Dim./poids : 125 x 85 x 50 mm/414 g
POINTS FORTS
Ï Obturateur électronique
à 1/32000s
Ï Écran orientable latéral
Ï Stabilisation du capteur
Ï Protection tout-temps
POINTS FAIBLES
Ð Suivi autofocus perfectible
Ð Menu complexe
Ð Vidéo en retrait
On aime ★ ★ ★ ★★
n°331 mars-avril 2020 • Réponses PHOTO 25
RÉPONSES L’ESSENTIEL
TEST EXPRESS
FUJINON XF 16-80MM
OBJECTIF
F:4 R OIS WR
Second zoom à ouverture
constante f:4 de la gamme Fujifilm,
ce transstandard brille par sa
polyvalence et son excellent
système de stabilisation. Pascale Brites
A
ssocié à un hybride à capteur APS-C
de la gamme Fujifilm, ce zoom offre
un champ équivalent à celui d’un
24-122 mm en 24x36. Une plage focale
idéale pour le paysage, le reportage et le
portrait. Grâce à sa mise au point rap-
prochée à 35 cm à toutes les focales, il
permet d’atteindre un rapport de gran-
dissement maximum de 0,25x. Ce n’est
pas un objectif macro mais il offre le loisir
d’effectuer des plans rapprochés intéres-
sants. Fujifilm l’a présenté comme un
compagnon de voyage et il faut avouer
que sa polyvalence associée à la présence
de joints d’étanchéité et à une fabrication
de qualité avec pièces métalliques en font
effectivement un couteau suisse, fiable et
pratique. Et s’il reste volumineux asso-
cié à un hybride APS-C de la marque,
son encombrement est tout de même
inférieur à celui du XF 16-55 mm f:2,8
R LM. La perte de luminosité est com-
pensée par la présence d’un système de
stabilisation optique dont nous avons pu
apprécier les excellentes performances.
Nos images réalisées avec un temps de
pose supérieur à 0,5 s conservent une
netteté impeccable. Malheureusement,
Fujifilm n’a pas doté son objectif de sé-
lecteur pour désactiver cette stabilisation.
Sur trépied ou lors d’un balayage panora-
mique pour un filé, il faut faire confiance
à la détection automatique supposée
adapter le mode de stabilisation. Un
peu risqué à notre goût. Quant au pas-
sage en mise au point manuelle, il se fait
via l’appareil car l’objectif ne possède
ni sélecteur AF:MF ni mécanisme de
reprise du point en autofocus. La motori-
sation pas à pas est néanmoins agréable,
rapide et parfaitement silencieuse. Elle
s’effectue en interne contrairement au
zooming qui engendre un allongement
de l’objectif d’environ 5 cm à sa plus
longue focale. La bague des ouvertures
possède un crantage par 1/3 de diaph
26 Réponses PHOTO • n°331 mars-avril 2020
Trépieds
Qui sont Jay et Mike ?
La gamme Legends de 3 Legged Thing
se compose de deux trépieds en fibre
de carbone, le standard Mike et l’ultra-
compact Jay, et de leur nouvelle tête
fluide AirHed Cine. Adaptés tant aux
exigences des photographes que des
cinéastes, tous deux ont des colonnes
robustes et légères en fibre de carbone.
Le plus grand, “Mike”, assure une hauteur
maximale de 1,475m, contre 1,112m
pour “Jay”. Ce dernier est le plus compact
une fois replié avec ses 40,5cm, contre
66,7 pour Mike. Mike pèse 1,45 kg et
supporte jusqu’à 14 kg de matériel, tandis
que Jay ne pèse que 1,41 kg et supporte...
Prix indicatif 850 € la même charge de 14 kg. Tarifs : 810€
pour Jay et 870€ pour Mike.
CARACTÉRISTIQUES
z Construction : 16 lentilles
(1 ED, 3 asph) en 12 groupes
z Focale éq. en 24x36 : 24-122 mm
z MAP mini : 35 cm
z Dim. (ø x l)/poids : 78,3x88,9 mm/440 g
z Monture : Fujifilm XF
que nous avons jugé un peu souple. Côté
qualité optique, ce 16-80 mm s’en sort
plutôt bien même si le piqué manque un MISE À JOUR
peu d’homogénéité entre le centre et les
bords. Une forte distorsion en barillet
est présente au 16 mm et gênera pour
CANON CORRIGE LE TIR
un usage en architecture. En revanche, La marque a mis en ligne sur
le bokeh est harmonieux, le vignetage son site un firmware 1.0.6
parfaitement contenu, le flare très bien
maîtrisé et les aberrations chromatiques corrigeant un défaut de son
totalement absentes. Ce XF 16-80 mm zoom RF 70-200mm f:2,8 L
est un excellent choix en kit avec un X-T3 IS USM pour hybrides EOS R,
ou un X-T30 dépourvus de stabilisation.
à savoir un “front focus”
POINTS FORTS à la distance minimale de
Ï Excellente stabilisation optique mise au point, et à la focale
Ï Mise au point rapprochée maximale de 200 mm.
Ï Joints d’étanchéité
Ï Compacité
POINTS FAIBLES
Ð Forte distorsion au 16 mm
Ð Piqué en retrait à pleine ouverture
Ð Allongement important du fût
à 80mm
On aime ★ ★ ★ ★★
Noir et blanc
Leica M10 Monochrom

en version numérique

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Leica lance une nouvelle version de son déjà légendaire appareil

“Monochrom”, au capteur exclusivement noir et blanc. Équipé
d’un nouveau CMOS 24x36 monochrome de 40 MP, ce M10 très
spécial laisse loin derrière lui son prédécesseur à 24 mégapixels.
Un capteur qui peut offrir des clichés noir et blanc d’une pureté
unique, car il est débarrassé de toute la quincaillerie opto-
électronique qui se bouscule autour de chaque photosite sur les
CMOS traditionnels. Et ce nouveau capteur se paie le luxe d’être
encore plus sensible que celui du premier Monochrom avec une
sensibilité maximale de 100000 ISO, au lieu des 25000 du
précédent modèle. Une sensibilité alors certes limitée, mais qui,
précisons-le, était exploitable. On espère qu’il en ira de même
avec le nouveau capteur au-delà de cette valeur. Leica précise
que le M10 Monochrom dispose d’un boîtier techniquement
identique à celui du M10 P, visée télémétrique et déclencheur
mécanique silencieux inclus. Le prix aussi est hors pair : 8200€.

JET D’ENCRE

La gamme Infinity Baryta

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et offrant une D-Max élevée. Ces papiers
sont aussi disponibles en grandes tailles
(rouleaux jusqu’à 60 cm de large).

n°331 mars-avril 2020 • Réponses PHOTO 27

RÉPONSES L’ESSENTIEL

TEST EXPRESS

TAMRON 24 MM F:2,8 DI III OSD M1:2

OBJECTIFS
& 35 MM F:2,8 DI III OSD M1:2
Prochainement rejoints par un
20 mm lui aussi doté d’une
ouverture f:2,8 et d’un rapport
de grandissement de 0,5x, les
Tamron 24mm et 35 mm f:2,8
Di III OSD M1:2 apportent une
solution compacte et légère
pour les hybrides en monture
Sony FE. Tous deux couvrent
le format 24x36. Pascale Brites
de fabrication et de joints d’étan-
chéité. Si leur système de mise au
point entraîne un déplacement du
bloc optique frontal, celui-ci se fait
à l’intérieur du fût. Jamais l’objec-
tif ne change par conséquent de
longueur. Ces 24 mm et 35 mm
sont équipés d’une motorisation
OSD supposée silencieuse mais le
déplacement des lentilles est relative-
ment bruyant. Ce n’est pas gênant en
condition de reportage en extérieur, mais
l’est en intérieur. Quant à la mise au point
Prix indicatif 450 €
manuelle, elle passe par l’usage d’une bague CARACTÉRISTIQUES

L’
offre en matière d’objectifs pour la
monture Sony E est conséquente.
Mais elle est surtout composée d’ob-
jectifs ambitieux à grande ouverture et au
tarif élevé à l’instar de l’excellent Sony FE
24mm f:1,4 GM dont le tarif s’élève à 1 600
€ et des Sigma Art 24 mm et 35 mm f:1,4
un peu trop souple sur le 24 mm. Aucun
des deux objectifs ne propose de sélecteur
AF:MF, ni d’indication des distances ou de
butées aux valeurs extrêmes. Le 24 mm
souffre d’une distorsion en barillet marquée
qui n’affecte pas le 35 mm. Tous les deux
laissent apparaître un vignetage marqué à
z Construction : 10 lentilles en 9 groupes
(24mm) / 9 lentilles en 8 groupes (35mm)
z Champ angulaire : 84°04’ / 63°26’
z MAP mini : 12 cm / 15 cm
z Dim. (ø x l)/poids : 73x64 mm/

DG HSM ou encore du 35 mm f:1,2 DG DN.
Avec son trio de focales fixes à ouverture
f:2,8, Tamron propose une solution com-
pacte et légère. Les trois objectifs mesurent
exactement les mêmes dimensions et leurs
poids sont pratiquement identiques. En at-
tendant la sortie du 20 mm prévue prochai-
nement, nous avons pu apprécier la qualité
des 24mm et 35 mm qui constituent un duo
très intéressant pour du paysage, du repor-
tage, du portrait en situation mais également
des plans rapprochés. Cette caractéristique
commune d’un rapport de grandissement
maximum à 1:2 est un de leurs points forts
face à la concurrence et justifie leur poids
supérieur aux Zeiss Sonnar T* FE 35mm
f:2,8 ZA et Samyang AF 35mm f:2,8 FE. Tous
les deux jouissent d’une excellente qualité
Nouveau service
Loué soit Tamron
En parallèle du Pro Service lancé
récemment – proposant la réparation
rapide de matériel avec prêt de
remplacement lorsque l’intervention doit
durer plus de 24 heures – Tamron France
vient de lancer un service de location
d’objectifs, le Tamron Location Service,
destiné à tous ceux qui veulent s’équiper
“pour un événement, une sortie photo,
le temps d’un voyage”. Pour l’instant, la
pleine ouverture qui s’estompe en fermant
le diaphragme mais ne disparaît jamais
totalement. Au centre, le piqué est élevé
dès la pleine ouverture et bien qu’il soit
en léger retrait dans les angles avec le 24
mm, il faut reconnaître que l’homogénéité
des deux objectifs est très bonne. Le 24mm
f:2,8 Di III OSD M1:2 est livré avec un pare-
soleil en corolle. Plus original, celui du 35
mm dispose d’une fenêtre rectangulaire et
ne dépasse pratiquement pas de l’objectif.
Les deux se sont montrés efficaces tandis
que les quelques rayons de soleil dont nous
avons pu profiter ont permis de consta-
ter l’excellent traitement de surface des
lentilles. 1,3 IL plus lumineux, le Sony FE
35mm f:1.8 est un sérieux concurrent mais
avec un grandissement de 0,24x.
location, au tarif de 20 € par jour, se limite
aux quatre zooms de la gamme G2, en
monture reflex Canon EF ou Nikon F :
le SP 15-30 mm f:2,8 G2, le SP 24-70 mm
f:2,8 Di VC USD G2, le SP 70-200 mm f:2,8
Di VC USD G2 et le SP 150-600 mm
f:5-6,3 Di VC USD G2. Le Tamron
Location Service est proposé par les
12 magasins participants : Objectif La
Boétie dans le 8e à Paris, les Camara de
215 g (24mm) 210 g (35mm)
z Monture : Sony FE
POINTS FORTS
Ï Compacité et légèreté
Ï Rapport de grandissement
de 1:2
Ï Traitement des lentilles efficace
POINTS FAIBLES
Ð Autofocus bruyant
Ð Ouverture maximum
à f:2,8 seulement.
On aime ★★★★★
St-Omer et Brest, ainsi que Images Photo
à Villefranche, Nice, Montpellier, Orléans,
Tours, Angers, Metz et AccroPhoto à
Aix-en-Provence et Salon-de-Provence.
Mais la liste a vocation à s’élargir. Pour
Tamron, le service de location ne vise pas
tant a créer une activité complémentaire
qu’à déclencher des achats ultérieurs en
permettant aux utilisateurs de procéder
à leurs propres tests terrain.

28 Réponses PHOTO • n°331 mars-avril 2020

Reflex 24x36
D780 : un nouveau reporter chez Nikon

Très apprécié dans ces pages (et ailleurs !), le Nikon D750 n’avait
qu’un défaut, son âge. Lancé il y a plus de 5 ans, il brûlait d’être
remplacé. Le nouveau D780 en reprend la formule séduisante :
un reflex 24x36 pas trop lourd et encombrant (même s’il prend
ici 100 g), doté d’un grand viseur optique 0,7x, et offrant de belles
images. C’est ce dernier point qui devrait distinguer le D780, car
si la définition change peu (25 MP contre 24...), l’appareil hérite
de l’électronique récente de l’hybride Z6. Armé d’un processeur
Expeed 6 et d’un CMOS de type “BSI”, il délivre par exemple
une sensibilité en progression de 2 IL, avec comme valeur maxi
51200 ISO (et 204800 ISO en mode étendu). L’autofocus devrait
lui aussi faire un bond en qualité, du moins en Live View puisque
ce capteur offre enfin des pixels dédiés à la corrélation de phase.
Finies les hésitations de la détection de contraste... Le D780 est
même capable de détecter les yeux du sujet, et fonctionne jusqu’à
- 6 IL. En visée optique, on reste sur le très bon AF avec suivi 3D
du D750 (et hérité du très pro D4s), quoiqu’un peu faible en
couverture avec ses 51 collimateurs assez centrés, et limité à -3 IL.
De son côté, la cadence en rafale double presque puisque l’on
passe de 6,5 à 12 i/s, ici aussi en Live View, car au viseur on reste
à 7 i/s. La vitesse d’obturation maximum double vraiment elle,
passant de 1/4000 à 1/8000 s, tandis que le temps de pose maxi
monte de 30 s à 900 s, avec Time Lapse programmable. Autre
atout du Live View, venant montrer les limites techniques de la
visée reflex, on bénéficie de l’obturation électronique totalement
silencieuse. La définition de l’écran double également, elle évolue
de 1,2 à 2,4 millions de points. Cet écran dorsal devient tactile, et
reste inclinable. On retrouve le double slot pour cartes SD UHS-II.
Le mode Wi-Fi s’équipe du Bluetooth pour une connexion
facilitée. En vidéo, on passe en 4K 30P sans recadrage avec sortie
pour N-LOG et HDR LG. Le tarif lui aussi reprend de la vigueur :
2500 € contre actuellement 1400€ pour le D750.

ET AUSSI

Nikon lance également deux télézooms,

l’un pour reflex, l’autre pour hybrides.
Le Nikkor AF-S 120-300 mm f:2,8 E
EL ED SR VR est un zoom très haut
de gamme, notamment destiné
à la photo de sport en salle, et qui
s’entendra bien avec le futur D6 de la
marque. Son poids (3,2 kg) est aussi
imposant que son tarif (11 000 €).
Plus léger et abordable, le Nikkor Z
70-200mm f:2,8 VR S vient épauler,
sur les hybrides Z6 et Z7, le Z 24-
70mm f:2,8 S. Il offre une stabilisation
optique VR qui complète celle des
boîtiers pour 5 vitesses de gain.
Il pèse 1,36 kg et coûte 2800 €.

n°331 mars-avril 2020 • Réponses PHOTO 29

RÉPONSES L’ESSENTIEL
TEST EXPRESS
OBJECTIFSAMYANG AF 14 MM
F:2,8 RF
Le Samyang 14 mm f:2,8 est
désormais le grand classique
de la marque. C’est donc en
toute logique que le Coréen
a adapté son modèle phare,
en version autofocus, à la
monture hybride Canon RF,
qu’il est le premier opticien
tiers à explorer. Bruno labarbère
S
amyang est le premier à s’aventu-
rer sur la nouvelle monture hybride
RF de Canon qui, dans sa propre
gamme, propose, au plus large, du 15
mm. Dans sa besace, trois objectifs : deux
à mise au point manuelle (un 85 mm f:1,4
et un 14 mm f:2,8) et un à mise au point
automatique (également un 14 mm f:2,8).
Attention donc lors de l’achat, de ne pas
confondre les deux déclinaisons ! Si elles
partagent une formule optique similaire,
le MF se contente d’une MAP mini de
28 cm, pèse 800 grammes et est vendu
479 €. La version AF, plus onéreuse car
à 749 €, profite d’une MAP mini plus
proche (20cm) tout en étant plus légère
(484 grammes) et plus courte (95,3mm
contre 120mm).
La construction, comme toutes les
dernières productions autofocus du
constructeur, est très bonne, avec un
joli fût lisse, une large bague de mise au
point caoutchoutée, un joint d’étanchéité
au niveau de la monture, un joli bouchon
avant clipsable, qui sera donc fermement
maintenu sur le large pare-soleil. Comme
pour ses autres déclinaisons hybrides et
reflex, point de chichi ergonomique  :
à part la bague de mise au point et le
commutateur AF:MF, point de bague de
diaphragme, ni de commutateur pour la
stabilisation puisque l’objectif n’est pas
stabilisé.
L’autofocus est rapide, précis et silen-
cieux. La déformation en barillet est
clairement visible mais n’a rien de sur-
prenant pour ce genre de très courte
focale. Le piqué, très bon dès la pleine
ouverture, délivre son maximum entre
f:4 et f:5,6. Par contre, l’objectif ne brille
30 Réponses PHOTO • n°331 mars-avril 2020
Prix indicatif 750 €
CARACTÉRISTIQUES
zConstruction : 14 éléments
(3 asphériques, 1 HR, 2 ED) en 10 groupes
zMAP mini : 20 cm
zDim. (ø x l) : 86 x 95,3 mm. Poids : 484 g
zMonture : Canon RF
pas par son homogénéité puisque les
coins ne rattrapent jamais ni le centre ni
la périphérie. Attention : si un vignetage
est bien visible à toutes les ouvertures,
il s’agit d’un vignetage positif, avec une
périphérie plus claire que le centre. Des
défauts, certes, mais rien qui n’empêche
de s’amuser avec cet ultra-grand angle
au demeurant fort agréable à manœu-
vrer au quotidien et au rapport qualité/
prix alléchant.
POINTS FORTS
Ï Bon piqué au centre
dès la pleine ouverture
Ï Léger et bien construit
Ï Autofocus réactif
Ï Mise au point minimale à 20 cm
POINTS FAIBLES
ÐManque d’homogénéité
ÐVignetage positif
ÐDéformation en barillet
On aime + + + ++
Argentique
Un film Rollei créatif
Après le 120 et le 127, Rollei Film décline
son film créatif Crossbird en 135 (24x36).
Cette émulsion de 200 ISO peut être
développée soit en procédé inversible E-6
– et l’on obtient alors une diapositive à la
colorimétrie fidèle – soit en traitement
croisé C-41 pour négatifs – et elle offre
alors une dominante rétro verdâtre avec
une emphase sur les tons chair et jaune,
bien souvent associée aux effets de films
fantastiques. Dans les deux cas, la
Crossbird assure des contrastes élevés et
une netteté optimale. Un film qui sera
parfaitement à sa place dans un appareil
Lomography ! Disponible chez Digit-
Photo à 8,90 € la pellicule de 36 poses.
TÉLÉMÉTRIQUE
LEICA M, FAÇON ZENIT
L’improbable association
entre Leica et le russe Zenit a
porté ses fruits, et le Zenit-M
est désormais en vente.
Basé sur un Leica M Typ 240
à capteur de 24 MP, monture
M39 et viseur télémétrique,
il s’accompagne des Zenitar
50 mm f:1.0, 21 mm f:2,8 et
35 mm f:1.0, ce dernier étant
livré en kit pour 6400 €. 500
exemplaires seront produits,
en version Silver ou Black.
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en précisant le code que vous disposez d’un droit d’accès, de modification, de rectification et de suppression de ces données par simple courrier. Réponses Photo est une publication du groupe de presse
RÉPONSES PHOTO Reworld Média Magazines - Siège Social : 8 rue François Ory - 92 543 Montrouge Cedex. L’inscription à cette croisière implique l’acceptation des conditions générales et particulières CE20RUP
de vente CroisiEurope au dos du bulletin de réservation joint à la brochure. Crédits photo : Istock, CroisiEurope, Freepik.
RÉPONSES EN DÉBAT
Vers une rémunération systématique
des photographes par les lieux d’exposition?
EXPOSER, C’EST PAYÉ !
Rémunérer les photographes au titre de la présentation publique de leurs œuvres ? C’est ce que
prône désormais le ministère de la Culture, grille tarifaire à l’appui. Comment réagissent
les institutions publiques et privées à cette insistante recommandation ? Ericka Weidmann
V
oici de nombreuses années que les
organisations professionnelles et les
sociétés d’auteurs ont fait du droit de
présentation publique pour les photo-
graphes un de leurs combats. Ce droit patri-
monial est établi depuis la loi sur les droits
d’auteur de 1957. Une préoccupation qui
n’est pas récente donc, et dont les structures
et manifestations culturelles ont bien évi-
demment connaissance. La photographie a
connu un essor dans les années 1980-1990,
et les expositions consacrées au médium
ont littéralement explosé. Depuis lors, rares
sont les municipalités françaises qui n’ont
pas de festivals, ou de lieux ponctuels ou
établis dédiés à la photo. À une époque où
la photographie ne connaissait pas les ten-
sions économiques d’aujourd’hui, exposer
pouvait s’avérer gratifiant pour un photo-
graphe, et la rémunération passait alors au
second plan. Il en a ainsi résulté une vilaine
habitude, celle d’occulter consciemment
ces droits. Face à cela, les photographes
craignent pour leur carrière s’ils refusent
d’exposer sans contrepartie financière. Les
années ont passé et la photographie a subi
de plein fouet les conséquences d’une éco-
nomie fragile. L’édition, la presse, le marché
de l’art, tous les secteurs sont touchés, et
les photographes peinent de plus en plus
à vivre de leur travail. Et des voix se sont
élevées pour dénoncer les dérives qui sub-
sistent depuis bien trop longtemps. Dérives,
car si la rémunération des auteurs n’est pas
de mise, certains profitent de la nécessité
pour les photographes d’avoir une visibilité,
en leur demandant de payer pour expo-
ser! Nous retiendrons l’exemple choquant,
cité par Eric Delammare dans son dernier
ouvrage(1), du Sénat qui “invite” un auteur à
exposer sur les grilles du jardin du Luxem-
bourg en lui faisant payer un droit d’entrée
32 Réponses PHOTO • n°331 mars-avril 2020
de... 10000€! Sans compter que celui qui
aura la chance d’être “choisi” devra égale-
ment produire les tirages.
La médiatisation et les différents mouve-
ments lancés ces dernières années comme
#Payetaphoto, alertant sur la lente dégra-
dation des conditions économiques et so-
ciales des auteurs, ont fait réagir jusqu’au
gouvernement. Le ministre de la Culture
Frank Riester annonce dans son discours
sur l’installation du CNPAV (Conseil natio-
nal des professions des arts visuels) : “Je
souhaite défendre la rémunération du
travail des artistes. Il s’agit de changer les
habitudes : je ne crois pas qu’il soit accep-
table d’exposer gratuitement, parfois de
payer pour être exposé. C’est pour cela que
je forme la recommandation d’un droit de
présentation publique”. Cette circulaire vient
d’être publiée, et un rapport complet sur le
statut des artistes-auteurs rédigé par Bruno
Racine, récemment nommé à la tête du
Palazzo Grassi à Venise, attend d’être rendu
public, permettant, espérons-le, une nette
amélioration des conditions de travail des
photographes.
Quelles mesures sont proposées ?
Avec sa circulaire, le ministère de la Culture
souhaite donner l’exemple et recommande
un minimum de rémunération au bénéfice
des artistes au titre de la présentation pu-
blique de leurs œuvres. Dans le cadre d’une
exposition monographique, un minimum de
1000€ en droits d’auteur sera reversé contre
100€ pour une exposition collective de plus
de 10 artistes. En deçà, la somme forfaitaire
de 1000€ devra être divisée équitablement
entre photographes exposés. Concernant
les événements payants, il est conseillé de
reverser aux auteurs 3 % des recettes de la
billetterie au-delà des 1000 premiers euros.
Nous avons interrogé Marion Hislen, Délé-
guée à la photographie au sein du minis-
tère de la Culture (Direction générale de la
création artistique) sur les rémunérations
et sur les conséquences attendues suite à
la publication de cette circulaire. Elle nous
confie que les structures subventionnées
par le ministère respectent le droit de re-
présentation mais que cela peut se traduire
par une enveloppe globale incluant les frais
de production. En effet, le budget pour réa-
liser une exposition de photographie peut
parfois être conséquent, et le photographe
en est légalement propriétaire, il y a donc
confusion entre restitution d’une production
et rémunération. “Le ministère souhaite que
la rémunération au titre du droit de présen-
tation soit systématiquement respectée,
affirme Marion Hislen. Mais souvent, seuls
les frais de production sont pris en charge,
ce qui ne participe pas à considérer le
photographe comme un travailleur profes-
sionnel. De plus, et particulièrement dans
la photo, les auteurs peuvent travailler plu-
sieurs semaines sur leur scénographie. C’est
du temps de travail qui doit être rémunéré.
Par conséquent, il doit y avoir au minimum
deux lignes dans le budget, les frais de pro-
duction et le droit de présentation publique”.
Une recommandation qui a cependant
ses limites puisqu’elle repose sur une base
volontaire : malgré le soutien financier du
ministère à certaines structures, nul n’est
obligé de respecter cette demande : “Avec
l’argent public et l’argent du ministère, nous
sommes particulièrement attentifs à ces
questions de rémunération. Mais en règle
générale, nous sommes co-financeurs, alors
nous pouvons bien entendu émettre des re-
“Expos photo, festivals, livres... Les coûts
(1)
pour le photographe”, éditions Eyrolles.

commandations et montrer l’exemple, mais
s’il y a un financeur important, il peut très
bien s’y opposer !”.
Il reste cependant important d’indiquer que
les différents partenaires sont attentifs aux
auteurs : “Nous n’avons rencontré aucune
résistance lors de nos échanges avec les
acteurs de la profession. Tout le monde était
conscient de la situation et de l’urgence à
ce que les choses changent”. À notre ques-
tion visant à cibler les mauvais élèves quant
au respect du droit d’auteur, Marion Hislen
répond : “On se rend compte que plus les
structures sont grandes, moins elles rému-
nèrent. L’argument principal repose sur la
visibilité et la notoriété qu’elles offrent aux
artistes. À l’inverse, plus les structures sont
petites, plus elles ont conscience de cette
réalité et font des efforts pour proposer des
rémunérations. Force est de constater que
dans n’importe quelle
autre discipline, il est
inconcevable de faire
travailler des artistes
“Je trouvais aberrant
sans les rémunérer ». que les commissaires
Avant de finir en
ajoutant : “Ce sont soient payés mais pas
des choix de gestion
et de priorité dans les les photographes.”
budgets. Nous avons
conscience de la complexité pour les petites
structures à petit budget. Par cette circulaire,
le ministère espère un effet vertueux. Grâce
à ce document, les artistes ont la légitimité
de se positionner fermement face à un éta-
blissement qui ne proposerait pas de rému-
nération du droit de présentation publique”.
Suite à cette circulaire ministérielle et à la
grille tarifaire qu’elle suggère, nous avons
souhaité effectuer un état des lieux (non
exhaustif) des différentes structures qui ac-
cueillent des expositions de photographie.
© JEAN-CLAUDE MASSARDO
Nous avons interrogé les responsables de
certains lieux incontournables, et force est
de constater que dans les structures ins-
titutionnelles, le souci de la rémunération
des auteurs dans le cadre de l’exploitation
fait généralement partie intégrante de la
politique culturelle. Elles n’ont pas attendu
cette recommandation, et certaines ont
même œuvré collectivement pour établir
leurs propres tarifs.
On en trouve aussi qui mettent un point
d’honneur – et c’est une donnée essen-
tielle de ce sujet – à distinguer rémunéra-
tion et production. C’est notamment le cas
au Pavillon Populaire de Montpellier avec
Gilles Mora : “Cela fait 10 ans que je dirige
le Pavillon. Les toutes premières années,
nous ne rémunérions pas les auteurs mais
nous faisions l’acquisition d’une dizaine
d’œuvres, et bien entendu les photographes
ou leurs ayant-droits
récupéraient toute
la production. J’ai
insisté pour qu’il en
soit ainsi. Depuis plu-
sieurs années, en plus,
nous nous acquittons
de 2000€ de droits de
monstration. Ce n’est
pas énorme, mais
bien plus que le minimum requis par le mi-
nistère. C’est bien normal après tout, on fait
du business sur leur dos, c’est la moindre
des choses, de restituer !”.
Même chose à Strasbourg, Catherine
Merckling, directrice de La Chambre, in-
siste sur ce point : “Nous avons toujours
réservé un cachet spécifiquement pour le
droit de présentation, en faisant bien la dis-
tinction entre le budget de production des
œuvres et les rémunérations”. Mais estime-
t-elle, la circulaire impose maladroitement
la même tarification à toutes les structures,
quelle que soit leur taille. “Ainsi, ajoute-t-
elle, nos rémunérations se situent un peu
en dessous du minimum préconisé par le
ministère. C’est une très bonne initiative
de leur part, mais soumettre un tarif sans
que nous ayons d’augmentation de bud-
get à côté, va être difficile. Je ne sais pas
comment on va faire, nous allons devoir
réadapter nos budgets”.
Droit de conception
À Douchy-les-Mines, Muriel Enjalaran, du
Centre Régional de la Photographie Hauts-
de-France, prend en compte le travail du
photographe dans le cadre d’une exposi-
tion : il s’agit du droit de conception. “Avant
mon arrivée en 2015, le CRP rémunérait en
moyenne 500€ les photographes exposés.
Je réserve des honoraires de conception
de 2000€, ce qui est assez exceptionnel
je crois, pris sur le budget de production,
car nos enveloppes ne sont pas extensibles
malheureusement. Cette distinction est im-
portante parce que les artistes qu’on invite
réalisent un vrai projet monographique et
ce travail doit être rémunéré”.
Gilles Favier, directeur artistique du festi-
val ImageSingulières et de la Maison de
l’Image Documentaire donne sa vision en
tant que photographe : “À la belle époque,
on réussissait à gagner notre vie, l’expo-
sition était un peu la cerise sur le gâteau.
C’était l’aboutissement d’un travail, ce
n’était pas une façon de gagner de l’argent.
Mais les choses ont beaucoup changé.
Disons que l’argent a du mal à arriver
jusqu’aux photographes. C’est pour cela
qu’à l’origine du festival, nous les avons mis
au cœur du projet en décidant de nous pas-
ser des commissaires extérieurs – en tant
que photographe je trouvais aberrant que
les commissaires soient payés mais pas
les photographes ! Sauf exception, chaque
photographe reçoit 1500 €, y compris
dans les expositions collectives. Celui en
résidence perçoit entre 5000 et 6000€, et
tout est pris en charge. Notre budget est de
200000€, voyez l’effort que ça représente!
Alors, quand je lis les recommandations
du ministère, je me dis que c’est un pre-
mier pas, mais il serait plus logique que les
structures et les lieux paient au prorata de
leurs budgets!”
Autre lieu qui porte également un évé-
nement, la Villa Pérochon, à Niort, dont
le directeur artistique Patrick Delat nous
explique que la programmation rémunère
les artistes exposés, mais qu’il y a autant
de cas de figure qu’il y a de photographes.
n°331 mars-avril 2020 • Réponses PHOTO 33
 RÉPONSES EN DÉBAT
Entre les locations d’expositions et celles
à produire, les budgets ne permettent
pas toujours d’assurer rémunération et
production. “Il y a beaucoup de struc-
tures comme la nôtre qui vivent de fonds
publics, et s’ils ne nous alimentent pas,
c’est compliqué. Ça veut dire que ces
budgets, nous allons devoir les trouver
ailleurs”. Dans le cadre des Rencontres
de la jeune photographie internationale
de Niort, c’est différent, les photographes
invités en résidence de création ne sont
pas rémunérés : “Il y a 25 ans, beaucoup
de concours étaient très mercantiles, nous
voulions nous positionner davantage sur
la création et sur le partage de savoir.
C’était une forme de richesse de donner
la possibilité à de jeunes artistes de se
consacrer à leur création. Quinze jours
durant, tout est pris en charge, il nous est
difficile de rémunérer l’exposition en sus”.
Même chose pour Marie-Frédérique Hal-
lin, du Centre de Lectoure, qui se demande
si les structures pourront toutes répondre
à la demande du ministère : “Si on prend
le Jeu de Paume et Lectoure, la différence
est immense, et pourtant les minimums
à respecter sont les mêmes. Mais contre
toute attente, on se rend compte que dans
les petits ou moyens centres d’art, on paye
plus facilement que dans les grosses struc-
tures ! Pourtant, on nous demande tou-
jours de faire plus avec le même budget
de fonctionnement, et
il y a une confusion
entre création et ac-
“Les productions
tion culturelle. Actuel-
lement, avec les fonds
sont restituées aux
publics, beaucoup
d’argent est alloué
auteurs mais cela
à l’action culturelle, pose des problèmes.”
mais curieusement elle
se réduit pour la création, c’est illogique.
Malgré cela, nous rémunérons chaque
exposition, il est rare que nous présentions
un artiste seul, mais le minimum que nous
reversons dans le cadre d’une exposition
collective, c’est 500 € par photographe.
Pour les duos, c’est 1000 à 1500 € par ar-
tiste en moyenne. Ce qui est bien plus que
© JEAN-CLAUDE MASSARDO
les seuils recommandés. Et bien évidem-
ment, cela dépend de la production. Pour
le festival L’été photographique, je n’ai pas
de budget supplémentaire, 500 € c’est un
peu juste. Il y a aussi parfois des artistes qui
doivent travailler sur leur scénographie, et
dans ce cas là, on peut aller à 800 €. Nous
réfléchissons actuellement à faire moins
d’expositions pour mieux rémunérer les
artistes. C’est un choix à faire. Je ne sou-
haite pas non plus qu’un artiste connu soit
mieux rémunéré qu’un moins connu, c’est
la même enveloppe pour tout le monde !”
Une seule enveloppe
Michaël Houlette, de la Maison Robert
Doisneau à Gentilly, exprime la réelle dif-
ficulté quant au respect de ce minimum
de rémunération. “Il faut saluer ce geste,
car la situation est catastrophique pour les
photographes, mais ce n’est suffisant pour
personne. Les diffuseurs vont dire que ces
tarifs sont trop élevés, et les photographes
vont dire qu’ils ne le sont pas assez, et les
agences d’auteurs vont dire qu’on casse les
prix... Depuis le début, on essaye de faire
ce geste de rémunération, mais pour des
questions de budget, nous n’avons pas tou-
jours été dans la capacité de le faire. Nous
sommes une institution publique, sans bil-
let d’entrée, c’est la collectivité qui finance
le lieu. Quand il y a l’exposition à produire,
on essaye de réserver une part pour la ré-
munération, mais nous
n’avons qu’une seule
enveloppe par exposi-
tion. Les productions
sont bien évidemment
restituées aux auteurs,
ce qui n’est pas sans
complication : cela
pose des problèmes
puisque c’est de l’argent public qui sert
à financer un bien qui n’appartient pas à
la collectivité. Certaines programmations
sont possibles car nous les réalisons en
coproduction avec d’autres membres du
réseau Diagonal. Ça grandit l’assiette et ça
permet de faire produire des expositions
qu’on ne pourrait pas faire autrement”.
Au Musée Nicéphore Niépce de Châlon-
sur-Sâone, la directrice Brigitte Maurice-
Chabard nous explique que la rémuné-
ration pour les auteurs contemporains se
fait dans la mesure de son budget, qui ne
peut pas respecter le barème minimum.
Le photographe bénéficie du laboratoire
et produit son exposition, c’est une pres-
tation en nature. Quand c’est possible,
650 € de droits d’auteur sont ajoutés, et
pouvant aller jusqu’à 5000 € pour la loca-
tion d’un travail. Souvent, le musée prévoit
un achat d’une ou plusieurs pièces pour
la collection. À noter cependant que si le
musée produit les tirages, un second jeu
est réalisé et entre dans les collections du
musée. La directrice reste inquiète concer-
nant le futur : “On essaye de préserver les
droits d’auteur, mais les subventions via
les DRAC ont énormément baissé, cela ne
représente plus que 20%, il est donc diffi-
cile de pouvoir s’engager fermement sur
une rémunération en dehors d’un achat de
collection ou de fournitures de services.
On a des difficultés donc on essaye de s’y
tenir, mais si les aides continuent de bais-
ser, qu’allons-nous faire ?”
Des cas particuliers
La Friche la Belle de Mai à Marseille a réagi
positivement suite aux actions telles que le
mouvement #payetaphoto. Alain Arnau-
det, son directeur, impose désormais la
rémunération des artistes au sein de son
lieu pluridisciplinaire. Il s’explique : “Avant,
on ne rémunérait pas les expositions d’arts
visuels. Lorsque l’on produisait les œuvres,
on avait coutume de dire – comme beau-
coup – que la production payait la rému-
nération du photographe. C’est une vilaine
tradition dans les arts visuels, mais quand
on travaille avec d’autres formes artis-
tiques, on se rend compte de l’injustice
que c’est ! N’oublions pas que notre métier
est justement de défendre les artistes et
la création contemporaine”. S’il juge cette
circulaire utile, il pense qu’il faudrait aller
plus loin : “Recommander des minimums
de rémunération c’est bien, mais les rendre
obligatoires serait plus juste et nécessaire.
Il faut laisser le libre choix de fixer les
montants, ça c’est une négociation entre
l’artiste et le producteur. On se doit de trou-
ver l’argent quelque part : soit en recettes
propres, soit auprès des partenaires publics
ou des mécènes, et si ce n’est pas le cas,
il faut faire des économies ailleurs, et ça
signifie peut être en faire moins”.
C’est une politique bien particulière qui est
menée à la Maison Européenne de la Pho-
tographie, structure soutenue par la Ville

© JEAN-CLAUDE MASSARDO
de Paris, et qui soulève une problématique
importante. Suite au document diffusé par
le ministère de la Culture, la mairie travaille
actuellement sur les directions à prendre à
ce sujet concernant tous les musées de la
ville. Mais le nouveau directeur de la MEP,
Simon Baker, n’a pas attendu qu’on lui
livre des recommandations pour mettre en
place un système qui va à contre-courant
des principaux lieux d’exposition. Ici, seuls
les jeunes photographes sont rémunérés
pour leur droit de présentation publique.
Le Studio est consacré aux artistes émer-
gents, ils sont tous payés 1000 € hors frais
de production. Pour les artistes célèbres,
internationaux, vivants ou morts, exposés
dans les galeries supérieures, c’est une né-
gociation liée aussi au coût de production.
Simon nous explique : “Je considère que
si les artistes sont bien positionnés dans
le marché, avec une cote élevée, ils n’ont
pas toujours besoin d’être rémunérés. C’est
une discussion au cas par cas, mais nous
avons toujours une ligne budgétaire pour
la rémunération. Souvent, la production
est très importante, nous leur demandons
donc de faire une donation d’un certain
nombre d’œuvres
couvrant la valeur to-
tale de la production.
Est-il logique que le
L’argent public ne peut
pas servir à financer le
lieu exploitant les
marché des galeries. Si
on produit des tirages
oeuvres ne soit pas
parfois très coûteux celui qui rémunère ?
qui vont se retrouver
en vente avec d’énormes bénéfices à la clé
en galerie (généralement de 80%), ce n’est
pas normal. D’un point de vue moral, on
paie les artistes qui en ont besoin”.
Du côté de la BnF, Héloïse Conésa,
conservatrice en charge de la photogra-
phie contemporaine, nous explique que
les bibliothèques ne sont pas directement
concernées. En effet, les contrats d’acquisi-
tion des œuvres issues des collections spé-
cifient les usages et les droits, et aucune
rémunération n’est due dans le cadre d’une
exposition. Lorsque des photographies
sont exposées dans le cadre d’une exposi-
tion temporaire et hors collection, la circu-
laire doit s’appliquer. “Il y a eu des arran-
gements avec les photographes, on ne les
payait pas en droit d’exposition, mais il y
avait une acquisition qui se faisait en retour.
Ils étaient rémunérés au titre de l’achat
d’œuvre”. Un cas particulier s’est posé
avec l’exposition des lauréats de la Bourse
du Talent, présentée chaque année depuis
2007 durant un trimestre à la Bnf François
Mitterrand. Une photographe sociétaire
de la SAIF a demandé par le biais d’une
pétition à ce que les photographes exposés
soient rémunérés. L’organisateur et les par-
tenaires de la Bourse ont ainsi décidé de
verser 220 € aux auteurs, au titre des droits
d’exposition. Cependant est-il logique que
le lieu exploitant les œuvres exposées ne
soit pas celui qui rémunère ?
Enfin, nous avons contacté le Centre Pom-
pidou, afin de connaître sa position concer-
nant la recommandation du ministère. Son
équipe de communication nous a répon-
du qu’un groupe de réflexion travaillait
actuellement sur le sujet. Nous leur avons
demandé si jusqu’ici les auteurs étaient
rémunérés. Notre question est restée sans
réponse. Sous couvert d’anonymat, une
artiste visuelle dont
l’une des œuvres est
bientôt exposée dans
la collection perma-
nente nous alerte sur
la situation : tous les
artistes ne sont évi-
demment pas logés
à la même enseigne,
mais pour les artistes français à mi-car-
rière, le Centre Pompidou n’achèterait plus
d’œuvres mais conseillerait de faire ache-
ter l’œuvre par un collectionneur qui en
ferait par la suite don au musée ! Quant au
droit de présentation, poursuit-elle : “J’ai
reçu un contrat qui me proposait de céder
à titre gratuit, le temps de l’exposition dont
je ne connais pas la durée, mes droits de
reproduction, d’adaptation... pour zéro
euro. J’ai fait don de cette œuvre, mais au
moins pourrait-on me rémunérer au titre
du droit de présentation”.
C’est sans doute dans le monde des fes-
tivals que l’on voit le plus de dérives. Des
frais d’entrée pour participer à des appels
à candidature, des frais d’exposition, des
contrats qui imposent aux photographes
d’être présents pour faire de la médiation,
des cessions de droits pour tous supports
et toutes durées, et bien entendu, tout cela
sans aucune rétribution, ni même défraie-
ment. La liste serait bien trop longue à
établir, mais nous devons malgré tout
mentionner l’un des festivals les plus im-
portants : les Rencontres d’Arles. Il aura
fallu attendre 49 ans avant que celui-ci ne
daigne verser des droits d’auteur aux pho-
tographes exposés. Bien que son nouveau
directeur, Sam Stourdzé, ait expliqué dans
la presse que ce coût supplémentaire “les
mettrait dans le rouge”, l’effort fut effectif
puisqu’en 2018 les artistes ont reçu 500 €,
puis 1000 € de droits d’auteur en 2019.
Rappelons que les expositions collectives
n’y sont toujours pas rémunérées.
La gratuité en question
François Hébel, celui qui fut le directeur
des Rencontres de 2002 à 2014, et qui
est aujourd’hui à la tête de la Fondation
Cartier-Bresson, nous explique que la
volonté de payer les droits d’auteur des
photographes remonte à 2012. Il aura fallu
6 ans, et une petite pression du ministère
pour que cela soit possible : “Le fait est
que tous les experts, commissaires, direc-
teurs artistiques et directeurs de festival
dont je fait partie, ne seraient rien si les
artistes ne pouvaient pas survivre. Pour
avoir vu le temps qu’un photographe
consacre à la préparation de son expo-
sition, je ne peux qu’être favorable aux
recommandations du ministère ! En 2012,
j’avais soumis l’idée de la rémunération au
conseil d’administration des Rencontres
d’Arles, cela avait été voté. Je suis heu-
reux de voir que cela a été bien mis place
par mon successeur. Dans les manifesta-
tions comme dans les institutions, cer-
tains jouent trop sur l’ambiguïté de la
production offerte au photographe. Avec
la rémunération, ce sont deux choses
indépendantes. J’espère que cette circu-
laire va permettre aux différents acteurs
de prendre conscience de l’importance
de la rémunération des auteurs, mais il
faut aussi croiser cela avec un autre débat
qui ne manque pas de démagogie, celui
de la gratuité pour les visiteurs. Dans le
monde des festivals, où beaucoup de ma-
nifestations sont gratuites, peut-on payer
les artistes ? L’expérience prouve que les
programmes de qualité coûtent de l’argent
et du temps. J’ai mené un vrai combat
lorsque j’ai voulu faire payer les gens à
n°331 mars-avril 2020 •Réponses PHOTO 35
RÉPONSES EN DÉBAT
Arles. Résultat, nous sommes passés de
9000 à 100 000 visiteurs ! Au final, 40%
de notre budget venait de la billetterie,
ce n’est pas rien ! Une seule source de
financement est dangereuse, si on mul-
tiplie les sources on devient pérenne. Je
rappelle que Cartier-Bresson avait créé
avec quelques copains une agence qui
s’appelle Magnum pour vivre de son art,
et ce n’est pas rien puisque ça n’existait
pas avant et que ça a été copié dans le
monde entier. Magnum a été le fer de
lance pour rémunérer les photographes !”
Carte blanche
Sam Stourdzé, actuel directeur des Ren-
contres d’Arles, nous explique sa politique
de rémunération progressive : “Nous avons
pendant longtemps choisi uniquement de
payer des droits de représentation pour
les tournées d’exposition ou l’utilisation
de photographies dans le cadre des ateliers
pédagogiques. À l’époque, la fragilité finan-
cière du festival (déficitaire un an sur deux)
nécessitait de faire des choix, et il a été
décidé, après de nombreuses discussions
avec les artistes, qu’il était plus intéressant
pour eux d’avoir carte blanche pour la pro-
duction des tirages et de pouvoir récupé-
rer l’ensemble à la fin de l’exposition. Mais
nous avons avancé sur ce sujet. En 2017,
nous avons envisagé une rémunération for-
faitaire de 1500€ par exposition. Pour per-
mettre de l’absorber dans le budget, nous
avons mis en place une rémunération pro-
gressive : 500€ en 2018, 1000€ en 2019 et
1500€ en 2020. Nous sommes également
partis du même principe que celui préco-
nisé aujourd’hui par la circulaire, à savoir
des droits de présentation des œuvres
forfaitaires, quelle que soit la notoriété des
photographes, afin dans le cadre d’un fes-
tival qui dispose de plus de 20 lieux extrê-
mement différents, de ne pas pénaliser les
photographes émergents par rapport à
des photographes plus confirmés”. Sur la
recommandation du ministère de reverser
3% des recettes, il ajoute: “Pour un festival,
il est quasiment impossible de calculer une
recette par exposition alors que la billette-
rie est globale. Par ailleurs, cela favoriserait
les blockbusters et les artistes confirmés.
Notre forfait majoré de 50% par rapport
aux préconisations du ministère nous
semble plus adapté”. Et Sam Stourdzé de
terminer par ces mots : “Ces recomman-
dations du ministère sont certes une bonne
chose mais elles ne doivent pas occulter
l’essentiel. Idéalement, les artistes doivent
pouvoir vivre de leur travail en vendant
leurs œuvres. Pour cela, il faut les aider
36 Réponses PHOTO • n°331 mars-avril 2020
–c’est ce que nous faisons aussi– à entrer
dans des galeries, à rencontrer des collec-
tionneurs... Aujourd’hui, à niveau égal, les
photographes français se vendent moins
cher que les Américains ou les Allemands.
Il faudrait un grand plan pour doper la cote
des photographes français. Le droit d’expo-
sition est une belle avancée, mais il ne faut
pas s’arrêter là”.
Les Rencontres d’Arles ont été suivies de
très près par Visa pour l’Image, seconde
manifestation à percevoir d’importantes
subventions publiques. En 2018, Jean-
François Leroy nous confiait : “Nous avons
décidé de rémunérer les photographes
exposés 1000 €, mais l’association Visa
pour l’Image n’aurait pas pu le faire sans le
soutien du ministère de la Culture. J’avais
exprimé ma volonté que cette solution soit
pérenne, c’est ce qui est
dit dans le communiqué,
mais c’est à prouver car
“À niveau égal,
s’il y avait un remanie- les photographes
ment et que le nouveau
ministre décide de ne français se vendent
plus nous aider, on ne
pourrait pas suivre...”. moins cher”.
Mais alors, comment font les festivals plus
petits ? Ceux qui luttent avec des budgets
de quelques centaines de milliers d’euros?
Ils intègrent tout simplement une ligne
comptable pour les photographes dans
leur budget ! De la même manière qu’on
paie un commissaire ou un peintre pour
le travail fourni. Si les sommes ne sont
pas extravagantes, elles n’en restent pas
moins symboliques pour les photographes.
Le festival Circulation(s) dédié à la jeune
photographie européenne reverse 200 €,
tout comme le festival des Promenades
Photographiques de Vendôme, dont la
directrice, Odile Andrieu, explique que cet
effort est possible : “Un photographe nous
a conseillé de revendre les photographies
que nous avions produites pour permettre
au festival de reverser une somme dédiée
aux droits d’auteur. Et c’est ce que nous fai-
sons depuis 3 ans, grâce à cette solidarité”.
500€ sont reversés par les Photaumnales
de Beauvais, 800 € par les Femmes s’ex-
posent, 1000€ par Manifesto à Toulouse,
et certains offrent davantage que le mini-
mum conseillé par le ministère : 1500€ par
le Photo Festival en Baie de Saint-Brieuc ou
encore ImageSingulières à Sète... D’autres,
plus petits en termes de reconnaissance et
de taille, n’en sont pas moins respectueux
des droits d’auteur.
Bien entendu, beaucoup ne paient pas. Si
certains n’ont clairement aucun budget de
fonctionnement, une manifestation comme
le festival de photo animalière et de nature
de Montier-en-Der annonce 40 000 visi-
teurs, avec un accès
tarifé de 16 € pour
une journée et 47 €
pour le “pass” de
4 jours. Il est peu
compréhensible que
les photographes ne
soient pas rémunérés
et pire, qu’ils paient 70€ de frais d’inscrip-
tion pour participer ! Nous avons interrogé
les responsables du festival, nous n’avons
pas eu de réponse de leur part.
Au terme de ce tour d’horizon, constatons
que le respect du droit d’auteur est sur-
tout une question de choix et de volonté,
l’argument financier n’étant finalement
qu’assez peu évoqué. Si on comprend mal
qu’un festival aux millions d’euros n’ait pas
réussi à rémunérer les photographes des
années durant, alors qu’une manifestation
qui malgré un budget ne dépassant pas les
200000€ met un point d’honneur à payer
des droits d’auteur, il est facile de saisir les
différences de priorité. Il est grand temps
que les mentalités changent.
© JEAN-CLAUDE MASSARDO
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 RÉPONSES GRAND FORMAT

EKTACHROME
NOUVELLE
GÉNÉRATION
On l'avait cru définitivement ■ L'ODYSSÉE D'UN FILM MYTHIQUE
disparue, submergée par De 1946 à aujourd'hui, l'Ektachrome
en a vu de toutes les couleurs. p.40
la vague numérique,
condamnée aux archives ■ CHEZ BRUNO BARBEY
Le grand reporter de Magnum a bien
familiales ou patrimoniales. connu l'Ekta. Il ne regrette rien. p.42
Alors que sa production avait
cessé en 2012, la légendaire ■ À ROCHESTER
Le berceau de l'Ektachrome. p.44
pellicule inversible de Kodak
renaît de ses cendres, et l'on ■ TIMO KERBER
peut désormais s'en procurer La nouvelle Ekta en studio. p.46
en formats 4x5, 120 et 135. ■ PATRICK CLELLAND
Nous avons interrogé les Road-trip sous Ekta. p.48
"anciens" et les "nouveaux", ■ MICHAEL TUREK
ceux qui ont connu Surimpressions à l'E100. p.50
l'Ektachrome comme fidèle
■ ROBIN SCHIMKO
outil de travail, ceux qui la Diapos panoramiques. p.52
découvrent en tant que
support créatif. On vous dit ■ TEST EKTA E100
Nous avons testé le nouveau film
tout sur cette diapositive en format 120. p.54
qui a marqué la seconde
Timo Kerber moitié du XXe siècle, et ■ LE DÉVELOPPEMENT
fait partie des On vous explique les étapes
photographes qui qui entame aujourd'hui du traitement E-6. p.56
se sont emparés une nouvelle carrière.
du nouveau film. ■ ET EN NUMÉRIQUE ?
Découvrez son travail Dossier réalisé par Philippe Bachelier, Julien Bolle, Simuler l'Ekta avec les réglages
en page 46. Pascale Brites, Philippe Durand et Thibaut Godet de Lightroom. p.60

Édith Piaf, 1959
Au beau milieu de la chambre
froide des bureaux parisiens de
Magnum Photos, où sont conser-
vées de nombreuses archives
© RAYMOND DEPARDON/MAGNUM PHOTOS
inestimables des photographes de
l’agence, trône la table lumineuse.
On y a sorti de l’ombre des photos
iconiques, dont certaines prises
à l’Ektachrome, comme cette
diapositive originale de Raymond
Depardon capturée il y a 61 ans...
RÉPONSES GRAND FORMAT
À
l’origine, il y avait la Kodachrome,
premier film inversible couleur de
l’histoire, développé en 1935 pour le
cinéma avant de gagner la photogra-
phie. Disposer d’un film couleur positif re-
présentait de nombreux avantages comme
celui d’être directement visible à l’oeil nu
– alors que les systèmes négatifs exigent
un tirage pour profiter de l'image en positif.
Mais le Kodachrome nécessitait un déve-
loppement long et complexe, puisque les
colorants étaient apportés par les chimies
de traitement. Il fallait donc plusieurs bains
(14 exactement, d’où le nom du procédé
K-14) pour que se forment les colorants des
couches jaune, magenta et cyan de l’émul-
sion, une inversion (réexposition du film)
étant réalisée entre chaque. Ce développe-
ment ne pouvait se faire qu’en laboratoire, si
bien que les films étaient vendus en Europe
"développement compris" et devaient être
envoyés par la Poste aux laboratoires Kodak
équipés de la chaîne de traitement adéquate.
Et cela jusqu'à la fin de la commercialisation
de la Kodachrome en 2009. Une philoso-
phie qui correspondait bien au slogan de la
marque, "Vous appuyez sur le bouton, nous
faisons le reste", prononcé par George East-
man en 1888, mais pas aux attentes des uti-
lisateurs. Quand Kodak lance l’Ektachrome
dans les années 1940, la société pense alors
les choses de manière totalement différente,
en permettant un traitement simplifié des
films. C’est un des points qui a fait le succès
de ce mythique film photographique.
Pas une mais des Ektachrome
La révolution ayant donné naissance à
l’Ektachrome fut la découverte de cou-
pleurs de couleur qui, intégrés à l’émulsion
du film, pouvaient être révélés chacun dans
leur couche avec un seul bain de révélateur
chromogène. Le processus de développe-
ment, alors appelé E-1, s’en trouvait gran-
dement simplifié et devenait accessible à
tous, y compris aux amateurs. Du milieu
des années 40 aux années 70, ce traitement
s’est amélioré jusqu’à devenir le traitement
normalisé E-6, utilisé finalement pour tous
les films inversibles couleur quelles que
soient leur marque et leur sensibilité. Car si
le premier film Ektachrome a été introduit
sur le marché au milieu des années 40, il est
rapidement devenu une marque désignant
diverses émulsions de films inversibles
Kodak, disponibles en différents formats et
différentes sensibilités, équilibrées lumière
du jour ou lumière artificielle (3200K).
Ainsi, les utilisateurs ont pu se procurer de
l’Ektachrome Professional 64, un film équi-
libré lumière du jour de 64 ASA, de l’Ekta-
chrome Professional 6118 équilibré pour un
éclairage tungstène, et remplacé en 1989
par l’Ektachrome 64T Professional. Ou en-
core de l’Ektachrome 100 Professional ou
de l’Ektachrome 200 pour ne citer qu’eux.
Outre la standardisation du traitement,
l’Ektachrome rendait également possible
l’adaptation du développement aux condi-
tions d’exposition du film : en allongeant le
temps de traitement dans le révélateur, on
pouvait compenser une sous-exposition à
la prise de vue (un film exposé à 400 ISO
au lieu de 200 par exemple). C’est ce qu'on
appelle le traitement poussé. L’inverse se
fait également, et correspond à ce que l’on
nomme un traitement retenu. La latitude
d’exposition d’un film inversible étant très
limitée et ne pouvant être compensée au
tirage comme avec un film négatif, le temps
de traitement est d’une importance capi-
tale. À l’époque, on a également commencé
à procéder à des tests sur un bout de film,
les résultats obtenus permettant d’adapter
le développement du reste du film pour
L’Ektachrome s’est
imposée dans la
mode et la publicité,
puis dans la presse
un résultat optimal. L’Ektachrome s’est
ainsi imposée dans de nombreux secteurs
comme la mode ou la publicité, avant de
gagner la presse.
Des podiums aux soirées diapo
Disposer d’une image positive visible di-
rectement à l’œil, qui servirait de référence
en termes de densité, de contraste et de
couleurs, c'était là l’avantage principal de
l’Ektachrome. Elle fut donc employée très
tôt par les photographes de mode comme
Erwin Blumenfeld, dont la célèbre couver-
ture du Vogue américain soutenant le don
de sang pour la Croix-Rouge en mars 1945
a été réalisée en Ektachrome. Avec le déve-
loppement de ce film inversible se faisait
aussi celui des films dupli, qui permettaient
de reproduire à l’identique les images pour
en réaliser plusieurs exemplaires. Non seu-
lement les agences de presse pouvaient
obtenir des photos plus rapidement que les
quinze jours parfois nécessaires au déve-
loppement du Kodachrome, mais elles pou-
vaient en plus diffuser simultanément à plu-
sieurs rédactions les mêmes images d’un
photographe tout en conservant l’original
RÉPONSES GRAND FORMAT
dans leurs archives. Pratiquement tous les
grands photographes ont alors utilisé l’Ekta-
chrome, de Robert Capa à Jacques-Henri
Lartigue, en passant par Gilles Caron ou
William Eggleston. Le film séduit égale-
ment le grand public qui y voit un procédé
moins onéreux que le négatif. Si la pellicule
elle-même est vendue légèrement plus cher,
l’économie se fait après la prise de vue : le
prix d’un développement suffit quand le
négatif impose l’étape du tirage sur papier.
Montées sous cache, les Ektachrome se
rangent alors dans les carrousels des projec-
teurs, et laissent certainement à quelques-
uns d’entre vous le souvenir d’interminables
"soirées diapos". Le recours au tirage n’est
pas indispensable pour profiter de ses pho-
En 2012, Eastman
Kodak Company
dépose le bilan et
revend ses brevets
tos sur Ektachrome, mais sachez qu’il était
tout de même possible grâce au procédé
positif Cibachrome, rebaptisé Ilfochrome
avec le temps, et dont l’appellation originelle
persiste encore. Ces tirages se caractérisent
par la pureté de leurs blancs, leur forte acu-
tance (netteté) et leur belle profondeur. Au-
jourd’hui, papier et chimie de tirage ne sont
plus fabriqués, et depuis que Roland Dufau
a épuisé ses stocks fin 2017, seul le labora-
toire Cadre En Seine Choi à Paris propose
encore quelques tirages.
Grandeur et décadence
L’Ektachrome a fait la gloire de Kodak à
l’apogée de l’argentique. Mais l'avènement
du numérique a bouleversé le secteur. La
Les 3 formats disponibles
de la nouvelle Ektachrom E100
42 Réponses PHOTO • n°331 mars-avril 2020
nécessité d’un développement, l’exigence
PHOTO THIBAUT GODET
d’une exposition parfaite et le prix élevé
des films photographiques inversibles ont
conduit les utilisateurs à se détourner du
procédé. Pire, la société n’a pas su faire
face à l’essor du numérique, alors qu’elle
en est à l’origine avec le premier prototype
présenté au milieu des années 70. Elle est
alors au bord de la faillite. En 2012, East-
man Kodak Company dépose le bilan, re-
vend ses brevets – à Apple et Google entre
autres – et se restructure, créant la société
de distribution Kodak Alaris, tandis que la
division photo sera rachetée en 2014 par
JKimaging, partenaire du groupe taïwanais
Asia Optical Co Inc.
C’est dans ce contexte moribond qu’en
2012, Kodak prend la décision d’arrêter la
production de son Ektachrome, que l’on
trouvait alors sous les formes Ektachrome
E100G, Ektachrome E100VS pour “vivid,
saturated color” et Ektachrome 100D, aux-
quels s’ajoutait l’Elite Chrome Extra Color,
marque utilisée sur certains films inver-
sibles de Kodak. La production de films né-
gatifs couleur et noir et blanc perdure néan-
moins à Rochester, et la pellicule couleur
reste toujours beaucoup utilisée en cinéma.
Est-ce à dire que le 7e art a permis de sau-
ver les films Kodak ? On n'en est pas loin,
si l’on considère les actions menées par
J. J. Abrams, Christopher Nolan et Quentin
Tarantino qui en 2014 négociaient avec la
Weinstein Company, Disney ou encore la
Warner Bros pour que les studios achètent
tous les ans un certain volume de pelli-
cules à Kodak afin d’en assurer la survie.
Car ne parlez pas de numérique à Quentin
Tarantino qui a utilisé du film Kodak 35 mm
pour Kill Bill 1 et 2 en 2003, Inglourious
Basterds en 2009, Django Unchained en
Les Ektachromes
2012 ou même Once Upon a Time in Hol-
lywood sorti l’année dernière, dont deux
séquences chez Sharon Tate et Roman
de Bruno Barbey
Dans son domicile parisien, Bruno Barbey
conserve un trésor. Dans de grands tiroirs,
plus de cinquante années d’histoire reposent,
classées par feuillets de diapositives. Le photo-
graphe membre de l’agence Magnum garde chez
lui précieusement les originaux des images qui
l’ont rendu célèbre. A commencer par celles des
événements de mai 1968. Alors que Gilles Caron
immortalise “Dany le rouge” en noir et blanc, lui
donne la couleur de la révolte française.
"Chez Magnum, j’étais un des premiers à
utiliser la couleur", se rappelle le photographe,
qui emportait sur le terrain deux appareils,
l’un chargé de négatif noir et blanc, l’autre de
diapositive couleur. Le 30 mai 1968, il capture sur
l’avenue des Champs-Élysées, à Paris, l’agitation
de myriades de drapeaux tricolores devant
l’Arc de Triomphe, pendant la manifestation de
soutien au général de Gaulle . Une image qui a
depuis fait le tour du monde et dont l’original ne
mesure que 2,4 x 3,6 cm. Un simple film perforé
qui tient à peine entre deux doigts lorsqu’il est
sorti de son cache. "Tiens, sur celui-ci on voit le
signe Ektachrome", s’exclame le photographe.
L’Ekta n’était pas courante chez les photo-
graphes de Magnum Photos. Ils lui préféraient la
Kodachrome aux couleurs chatoyantes, qui feront
la signature de beaucoup de photographes de
l’agence, Bruno Barbey compris. Si l’on trouve de
l’Ektachrome dans son travail, c’est avant tout
pour des considérations pratiques. Lors des com-
mandes de presse, cette pellicule était privilégiée
car développable plus facilement et elle pouvait
donc parvenir plus rapidement au journal. De
fait, de grandes photos de presse sont prises à
l’Ektachrome, comme la bataille rangée dans les
rue de Tokyo en 1972 qu’a capturée Bruno Barbey.
Le mythe de cette pellicule vient peut être de là,
de sa participation à l’iconographie des grands
événements mondiaux. Ses différents travaux
réalisés en Chine – rassemblés l’année dernière
dans un ouvrage édité uniquement en Chine –
témoignent ainsi de l’alternance Ektachrome/
Kodachrome. Certains de ses clichés aux teintes
froides posent parfois question sur la nature
de la pellicule. Mais pour d’autres, comme ceux
de la visite de Georges Pompidou en Chine en
1973, il est presque impossible de se méprendre.
Cette page de l’Ektachrome, c’est sans regrets
que Bruno Barbey l’a tournée. À 79 ans, il préfère
aujourd’hui travailler en numérique, avec la
liberté que cela lui offre. Quant à ses archives, il
se plonge en ce moment dans les travaux noir
et blanc de son début de carrière. Il est donc
loin de partager l'intérêt pour cette nouvelle
Ektachrome dont il peine à saisir les tenants et
les aboutissants. "Je ne comprends pas l’utilité
de la faire réapparaître. On peut choisir, à partir
d’une couleur numérique, de donner un aspect
Ektachrome ou Kodachrome à une photo",
avance-t-il. C'est l'illustration, s’il en fallait une,
d’un fossé générationnel entre ceux qui ont
utilisé la pellicule tout au long de leur carrière,
et ceux nés avec un portable dans la main, mais
qui se passionnent aujourd’hui pour le renou-
veau de l’argentique... Thibaut Godet
n°331 mars-avril 2020 • Réponses PHOTO 43
RÉPONSES GRAND FORMAT
Polanski, ont précisément été tournées
en Kodak Ektachrome, l’une en 16  mm
et l’autre en Super 8. Un rendu spécifique
justifié également par Steven Spielberg,
interviewé pour Kodak : "Quand je regarde
les infos, je m’attends, et je souhaite que ça
ressemble à de la télévision en direct. Mais
je ne veux pas ça dans mes films. Je veux
que ce media plus que centenaire garde son
esthétique filmique, j’aime voir ce grain très
fin flotter sur l’écran. Pour moi, c’est plus
vivant et ça imprègne l’image de mystère.
J’aime les films qui ne me jettent pas à la
figure des images trop vraies, si propres
qu’elles ne laissent aucune place à l’ima-
gination. Si j’avais tourné en numérique
le débarquement d’Omaha Beach dans "Il
faut sauver le soldat Ryan", j’aurais franchi
la ligne, pour ceux qui avaient du mal à le
trouver supportable...".
Le grand retour de films pour la photographie entre 2015
La pellicule n’est donc pas morte, et opère et 2019. C’est dans ce contexte de marché
même un retour en grâce auprès des jeunes favorable, et 5 ans après avoir annoncé la
générations nées avec le numérique et sé- mort de l’Ektachrome, que Kodak Alaris
duites par son rendu singulier, sa matière profite du CES 2017 à Las Vegas, pour
palpable et l’idée un brin prétentieuse qu’il annoncer son grand retour.  "Les ventes de
n’y a qu’en argentique que l’on prouve que films photographiques professionnels n’ont
l’on sait exposer une photographie. Le film cessé d’augmenter au cours des dernières
positif est également plus approprié à la années, les professionnels comme les ama-
numérisation que le négatif, car il consti- teurs redécouvrant la maîtrise artistique
tue une référence à atteindre, limitant les offerte par les procédés manuels et la sa-
erreurs d’interprétation. En photographie, tisfaction créative d’un produit physique",
le film revient à la mode, comme au ciné- justifie à cette occasion Dennis Olbrich,
ma. À partir des années 2015, le marché président de Kodak Alaris Imaging Paper,
est en progression constante, "de 15, 20 Photo Chemicals and Film. Une raison suf-
et même 30% par an", explique Edward fisante pour ne pas laisser Fujifilm profiter
Hurley, directeur général de la division des seul de ce marché, dont le volume ne serait
films industriels et des produits chimiques donc pas si réduit qu’on l’imagine, et aussi
chez Eastman Kodak Company, qui précise pour augmenter les tarifs sur l’ensemble
que Kodak a plus que doublé sa production de sa gamme de films afin "d'investir dans

ROCHESTER, ÉTAT DE NEW YORK, BERCEAU DE L’EKTACHROME

IMAGE GOOGLE EARTH

La chute de l’empire En 1982, Kodak employait plus de 60000 salariés Ingrédients Les mélangeuses industrielles malaxent les matières
dans la ville de Rochester. EN 2020, ils sont moins de 700 à faire vivre la der- premières : la recette de l’Ektachrome nécessite 106 composants répartis en
nière usine du site, qui produit les films de la marque, dont l’Ektachrome. 15 couches qui seront déposées sur un support en triacétate ou en polyester.
PHOTOS STAN HORACZEK © 2020 POPULAR PHOTOGRAPHY/BONNIER CORP.

Fusion Une rangée de 26 autoclaves porte à 100 degrés les mélanges, de Contrôle Depuis cette salle de contrôle au design rétro, on surveille le
façon à refondre la gélatine et marier les différents composés qui formeront les couchage des composés sur la base d’acétate qui s’opère deux salles plus loin,
couches photosensibles. L’atelier est plongé dans le noir pendant le processus. sur des rouleaux de 52 pouces de large (1,32 m) et 1,8 km de long !
davantage d’installations de production afin
de répondre à la demande", justifie Edward
Hurley. Si les deux marques historiques de
l’époque argentique ont continué de pro-
duire des films négatifs couleur (avec les
Fujicolor C200, Fujicolor Superia X-Tra 400
et Fujicolor Pro 400H pour le Japonais, et
les Ektar 100 et Portra 160, 400 et 800 pour
l’Américain), seul Fujifilm disposait encore
en 2017 d’une offre en inversible avec les
Velvia 50 et 100 et la Provia 400F. Le film
alors annoncé au CES par Kodak est un
Ektachrome E100 équilibré lumière du jour,
disponible au format 135. Fin 2019, il est
en plus décliné aux formats 120 et plans
films 4x5”. D’une sensibilité nominale de
100 ISO, il se distingue par la finesse de
son grain, avec une valeur RMS de 8 selon
le fabricant, et une densité minimale très
faible favorisant un rendu d'image lumi-
neux. La saturation des couleurs se montre
modérée, la balance des blancs neutre, et
les contrastes moyens, offrant ainsi un bon
rendu des détails dans les hautes et les
basses lumières. Kodak insiste également
Un retour en grâce
auprès des jeunes
générations nées
avec le numérique
sur son excellente réciprocité (maintien
de la sensibilité) entre 1/10 000 s et 10
secondes. De quoi oublier toute la théorie
du redouté effet Schwarzschild ! En pro-
posant de nouveau un film inversible à
ses clients, Kodak semble donc répondre
aux demandes actuelles d’un marché en
quête d’authenticité, d’une consommation
plus raisonnée, et d’un rendu singulier. Car
même si le rendu des films argentiques
peut être simulé à moindre coût grâce aux
logiciels de traitement d’image, comme on
vous l'explique plus loin, l’expérience de
l’observation d’une "Ekta" sur une table
lumineuse, permettant d’apprécier la pro-
fondeur, la transparence et la luminosité des
images, reste unique. Mais ne nous leurrons
pas, la décision de Kodak de relancer l’Ek-
tachrome est aussi très certainement straté-
gique et vient flatter son image de marque.
Placée sous la protection du chapitre 11 de
la loi sur les faillites en 2012, la société amé-
ricaine peut aujourd’hui se targuer d’être la
seule à fabriquer des films négatif couleur,
négatif noir et blanc et inversible couleur.
Kodak est mort, vive Kodak ! Pascale Brites

C’est dans l’une des dernières installations industrielles du site historique de Kodak que sont produites les nouvelles pellicules
Ektachrome. Le journaliste Stan Horaczek, du magazine Popular Photography, a pu photographier le processus détaillé.

Couleurs Les chimistes dosent avec une précision extrême l’argent, le Mélange argentique Dans cette citerne de 1800 litres,
bromure, les sels et les colorants associés aux cristaux d’halogénure d’argent : un émulsionneur tournant à 5000 tours/mn répartit de façon homogène
jaune pour la lumière bleue, magenta pour le vert, cyan pour le rouge. les cristaux d’halogénure d’argent dans la gélatine liquéfiée.

Stockage Une fois le film sec et durci, il est scellé dans un conteneur en Refendage Cette machine découpe les rouleaux de 52 pouces en 38 bandes
bois. L’intérieur de ces récipients hermétiques est peint en noir et des colliers d’Ektachrome de 35 mm. L’atelier est bien sûr normalement plongé dans le noir,
de serrage assurent qu’aucune lumière ne puisse s’y infiltrer. seules des bandes phosphorescentes aident les techniciens à se repérer.
RÉPONSES GRAND FORMAT
Timo Kerber
La nouvelle Ekta
en portrait de studio
P
hotographe de mode allemand basé d’autre ! Les photographes avec lesquels
à Londres, Timo Kerber s’est emparé je travaillais utilisaient différents films
de l’Ektachrome en moyen format. Il en moyen et grand format, ainsi que du
l’a testée lors d’un shooting avec l’un 35 mm en studio et en extérieur. J’ai tou-
de ses modèles favoris, Akuac. jours aimé la méthode de travail en argen-
tique. Je me souviens que le premier jour,
Pourquoi avez-vous choisi j’ai dû charger un Mamiya RZ67 pour une
l'argentique dans votre travail ? commande éditoriale et j’ai été marqué
Je suis resté attaché à l’argentique, parce par cette expérience. J’ai eu l’impression
que c'est le procédé que j'ai appris lorsque d’entrer dans un monde différent. C’était
j'ai commencé à assister des photographes. aussi la première fois que j’avais un appa-
À l’époque, il n’y avait d'ailleurs rien reil photo moyen format dans les mains.
46 Réponses PHOTO • n°331 mars-avril 2020
Plus tard, je suis tombé amoureux du
Pentax 6x7, avec lequel je travaille encore
aujourd’hui. J’ai l’impression qu’une prise
de vue argentique est beaucoup plus ré-
fléchie qu’en numérique. Sur un boîtier
numérique, on peut effacer la photo de
sa carte et elle est partie pour de bon. En
argentique, quelle que soit la photo, elle
reste là. On a juste gâché une vue sur le
rouleau si on ne l’aime pas. C’est ce que
j’aime dans la photographie argentique,
chaque image est précieuse.
Est-ce la première fois que vous
travaillez avec ce modèle ?
En fait, Akuac est ma muse ! J’ai déjà tra-
vaillé à de nombreuses reprises avec elle.
Comment vous est venue l’idée de
cette série avec elle ?
Nous avons eu l’idée en équipe. Je travaille
aux côtés du styliste David Evans et de
la maquilleuse Theresa Davies, et nous
aimons créer des looks très créatifs pour
chaque image. Nous aimons énormément
la beauté d’Akuac et le fait qu'elle soit
unique. Nous avons donc pensé qu’elle
serait parfaite pour créer des looks très
puissants, avec de la peinture sur son visage
et en proposant des styles très complémen-
taires pour garder une unité.
Pourquoi l’avez-vous réalisée
en Ektachrome ?
Kodak Professional Europe m’a demandé
de participer à un projet spécial dans le
cadre du lancement de la nouvelle pellicule
Ektachrome en format 120. Ils ont choisi
quelques photographes dans le monde en-
tier pour la prendre en main et j’ai immé-
diatement dit oui. J’étais vraiment excité
à l’idée de la tester ! Pour chaque prise de
vue, j’ai décidé de créer une ambiance diffé-
rente et des situations de lumière colorées.
Je voulais montrer la finesse du grain et les
En photographie
argentique, chaque
image est précieuse
couleurs riches de cette diapositive. La pel-
licule m’a particulièrement convaincu par
sa définition et la profondeur des couleurs.
J’ai maintenant hâte de l’utiliser à nouveau
dans mes photographies éditoriales.
Qu’avez-vous pensé du film ?
J'ai absolument adoré ce nouveau film. Il est
vraiment parfait pour mon type de travail.
J’aime sa profondeur et sa richesse, la qualité
des couleurs, mais aussi la finesse du grain
qui est à un niveau incomparable. Il donne
aux images un aspect très particulier. C’est
tout simplement magnifique.
Comment s’est décidé le choix
esthétique de cette série ? Quelle
était l’intention ?
Je voulais créer une série de portraits de
studio très colorés, avec un minimum de
lumière. J’ai déjà travaillé avec Akuac sur
un shooting de mode, mais je voulais me
concentrer principalement sur son visage.
C’est pourquoi nous avons décidé de réa-
liser des portraits très naturels, mais en
utilisant aussi des maquillages très forts et
colorés. Nous avons également rasé le crâne
d’Akuac, et ma maquilleuse a pu peindre
une coiffure rose sur sa tête. Et l'on a peint
le motif de sa robe sur son visage dans une
autre photo, qui s’est avérée absolument
magnifique, car les couleurs sont très riches
et ont un rendu sublime. Le sourire d’Akuac
est tout simplement irrésistible. Il permet
aux images de prendre vie. Le grain fin est
également parfait pour la peau du modèle.
Je suis heureux d'avoir choisi ce projet pour
tester la nouvelle Ektachrome. TG
n°331 mars-avril 2020 •Réponses PHOTO 47
RÉPONSES GRAND FORMAT
Patrick Clelland
Des ambiances
cinématographiques
D
e son Australie natale jusqu’au Japon,
Patrick Clelland a embarqué la nou-
velle Ektachrome 135 en voyage.
Adepte de l’argentique, le photo-
graphe aime capturer des ambiances ciné-
matographiques au gré de ses balades.
Vous avez testé le nouvel Ektachrome
à Sydney et au Japon. Y avait-il une
recherche de rendus particuliers,
était-ce par opportunité ?
J’ai mis la main sur quelques rouleaux peu
de temps après sa sortie. Comme les films
diapos sont plus sensibles à la sur-exposition
ou à la sous-exposition, je voulais la tester en
48 Réponses PHOTO • n°331 mars-avril 2020
extérieur et trouver la bonne méthode pour
l'utiliser avec mes appareils. Je me trouvais
alors en voyage au Japon et j’ai pensé qu’il
serait intéressant de voir les résultats que
j’obtiendrais par rapport à Sydney.
On peut particulièrement sentir des
atmosphères dans vos images, est-ce
le point sur lequel vous travaillez ?
Mon travail se concentre sur les choses de
tous les jours et j’adopte une approche es-
sentiellement non planifiée. Je ne cherche
rien de particulier et j’ai tendance à photo-
graphier ce qui attire mon regard. Cepen-
dant, à travers l’éditing et le post-traitement,
des motifs évidents émergent : des espaces
vides, des textures détaillées, un éclairage
doux, des géométries, des couleurs particu-
lières, le vieux et l’abandonné, des intérieurs
et ainsi de suite, qui finissent tous par créer
une sorte d’atmosphère.
Vous réalisez la plupart de vos images
en argentique. Que reprochez-vous
au numérique ?
J’ai passé quelques années à apprendre les
bases de la photographie avec des appa-
reils numériques. Mais finalement, je suis
arrivé à un point où je n’étais pas satisfait
de l’aspect de mes images. L'argentique
était un choix évident. Trois ans plus tard,
je ne suis pas revenu au numérique et j’ai
revendu tout mon équipement pour ache-
ter de la pellicule !

Vous photographiez avec différents

films, surtout des négatifs. Qu’avez-
vous pensé du nouvel Ektachrome ?
Allez-vous retravailler avec ?
Absolument. Cette pellicule a un rendu
très naturel, une netteté incroyable, et
une absence totale de grain. En shootant
la nuit sous une lumière fluorescente, des
verts et des cyans apparaissent pour un
rendu cinématographique. J’espère pou-
voir continuer à l’expérimenter bientôt en
moyen format.

Quel appareil photo utilisez-vous ?

J’utilise principalement des reflex 35mm,
en particulier un Canon A-1 et un Olympus
OM-2N. Ils permettent d'avoir beaucoup
d'options et de contrôle. Il sont en plus très
faciles à transporter. Quand je prends des
photos, j’aime me déplacer rapidement,
donc les gros boîtiers et les trépieds ne me
conviennent pas vraiment.

Il n'est pas très

difficile de
s'habituer à une
nouvelle pellicule
Quel est le plus grand défi dans l’essai
d’un nouveau film ?
C’est de passer du temps à prendre des
photos quand on ne sait pas comment le
film va réagir. Mais en général, cela relève
de la nature même de la photographie ar-
gentique et c’est ce qui la rend excitante.
Toutes les pellicules réagissent un peu de la
même manière donc ce n’est pas très diffi-
cile de s’habituer à une nouvelle.

Comment réussissez-vous à travailler

en basse lumière avec des pellicules
de 100 ISO ?
En général, je combine un objectif lumi-
neux et une vitesse d’obturation lente. Le
plus dur est de rester immobile. J’ai essayé
toutes les astuces possibles : serrer des
poteaux, retenir mon souffle, me coincer
entre des voitures garées, m’accroupir
contre les murs, etc. La plupart du temps,
ça ne marche pas, mais parfois, on obtient
quelque chose de bien ! TG

n°331 mars-avril 2020 • Réponses PHOTO 49

RÉPONSES GRAND FORMAT
Michael Turek
Surimpressions
à l'Ekta 100
À première vue, on pourrait penser que
Michael Turek, photographe de presse
américain, utilise ici une classique technique
de double exposition, beaucoup pratiquée
en argentique. Mais si cela avait été le cas,
deux images se seraient superposées l'une à
l'autre. Or, dans ses photographies, il existe à
chaque fois une transition entre deux situa-
tions, toutes deux bien exposées. Il ne s'agit
pas d'un problème d'avance du film dans le
boîtier : au contraire, Michael Turek crée ce
qu'il appelle des "Blended Exposure", c'est
à dire des sortes de fusions d'expositions.
Cette idée, il l'a eue à la suite d'une panne
d'appareil. Lors d'un voyage en Sibérie où
il mène un projet au long cours, l'obturateur
de son Leica de 1956 a connu un problème:
le rideau ne s'ouvrait qu'à moitié. En déve-
loppant ses photos, Michael Turek s'est
rendu compte qu'elles n'étaient exposées
qu'en partie. De cette mésaventure, le pho-
tographe a tiré une technique créative: "En
fait, je shoote une pellicule entière avec la
moitié de l'objectif obstruée par un cache,
50 Réponses PHOTO • n°331 mars-avril 2020
puis je rembobine et recharge le rouleau,
et shoote à nouveau avec l'autre moitié
de l'objectif couvert. Tout ça sans utiliser
Photoshop. Ce n'est pas une technique nou-
velle, mais j'ai réussi à obtenir des images
vraiment intéressantes", explique Michael,
qui photographie entre deux et cinq fois par
pellicule des situations susceptibles de s'en-
Les paires sont
aléatoires et parfois
réalisées à plusieurs
jours d'intervalle
chevêtrer. "Ce qui est amusant dans ce pro-
cédé, c'est que les paires sont aléatoires et
sont parfois réalisées à plusieurs jours d'in-
tervalle. Je combine deux moments, deux
personnes, deux situations, deux paysages,
qui souvent n’ont rien à faire ensemble,
excepté qu’ils illustrent ma propre expé-
rience du voyage. Je trouve que ça illustre
la sensation de mémoire d’une manière
assez intéressante. Deux moments isolés,
sans chronologie mais juxtaposés, pro-
duisent une narration incroyable !" Cela fait
déjà quelques années qu'il alimente cette
série. Lors de ses déplacements pour des
commandes photos, il embarque souvent
plusieurs appareils. Un Pentax 67 moyen
format pour réaliser son travail profession-
nel et un Leica M3 muni d'un Summinar 50
mm pour ses expositions mixtes.
Si Michael Turek a souvent travaillé en
numérique dans sa carrière, il est revenu
à l'argentique, non pas par romantisme,
mais pour les contraintes du procédé. "Je
trouve que les limites de 10 ou 20 photos
par bobine me permettent de me concen-
trer sur le moment", avance-t-il. "Mais je
suis aussi plus créatif lorsque je travaille en
argentique", ajoute-il.
Pour sa série Blended Exposure, le photo-
graphe a presque réalisé un tour du monde.
Des images d'Inde, d'Égypte ou encore du
Pérou sont traitées de la même manière. Il
a même essayé son procédé lors d'événe-
ments sportifs pour un résultat étonnant. Le
tout est d’habitude shooté avec de la Kodak
Portra 400, qu’il utilise aussi en reportage.
En 2017, c'est sur la proposition de Kodak
dont il est ambassadeur qu'il essaie la nou-
velle Ektachrome.
Il est alors en commande pour le Financial
Times et pour le magazine The Economist.
"L'une des missions était un reportage de
voyage autour du lac Powell et de quelques
villes en Arizona, et l'autre était de nature
beaucoup plus journalistique. Un repor-
tage portant sur le mur frontalier avec le
Mexique", raconte le photographe. Il entre-
prend cette série à l'Ektachrome en paral-
lèle des deux autres commandes et mixe
alors ces deux univers éloignés.
"Ce fut un peu la révélation de voir à nou-
veau les couleurs de la diapo apparaître
sur une table lumineuse, se souvient-il.
Jusqu'à présent, je suis impressionné par
ce nouveau film. Il a des couleurs pré-
cises, un fort contraste et un grain très fin",
explique le photographe. De là à l'utiliser
à nouveau pour cette série ? Pas sûr. Le
film "étant un positif, il n'a pas la latitude
d'exposition du film négatif, et il néces-
site une mesure soigneuse et précise de
la lumière."Quand elle est bien exposée,
l'Ektachrome est absolument magnifique"
dit-il. Mais il préfère rester fidèle à la Por-
tra 400. "Le négatif pardonne beaucoup
plus", conclut-il. TG
n°331 mars-avril 2020 • Réponses PHOTO 51
 RÉPONSES GRAND FORMAT

Robin Schimko
Diapositives
panoramiques
© XXXXXX

A
vec une caméra embarquée et un
Hasselblad Xpan autour du cou,
l'Allemand Robin Schimko, alias
“the_real_robin” sur YouTube, a
emporté avec lui la nouvelle Ektachrome
pour un voyage en Malaisie. En diapo et en
panoramique, voici une originale séance de
photo de rue sous d'épais nuages.

Pouvez-vous nous présenter

votre travail ?
Je suis un photographe et youtubeur basé
en Allemagne. Sur ma chaîne, je publie
beaucoup de vidéos sur la photographie de
rue, une de mes grandes passions. J’utilise
principalement des appareils Leica. En plus
de mon fidèle M6, je photographie aussi
beaucoup avec mon Leica Q, car j’adore la
focale 28 mm. Un autre appareil que j’utilise
beaucoup est l'Hasselblad X-Pan, un appa-
reil panoramique. Son format est unique et
donne aux photos un aspect très cinémato-
graphique. En plus des aspects techniques de
la photographie de rue, j’essaie d’encourager
les gens à sortir de leur zone de confort en
prenant des photos de personnes sur le vif,
et en les approchant de très près.

52 Réponses PHOTO • n°331 mars-avril 2020

Comment en êtes-vous venu à tester
ce nouveau film ?
Mes premiers rouleaux, je me les suis pro-
curés en Australie peu de temps après leur
mise sur le marché. Beaucoup de gens
m’ont demandé de livrer mes impressions
sur YouTube. J’ai alors réalisé une première
vidéo tournée lors d’un road trip avec un
ami de Melbourne. Ce n’était pas de la pho-
tographie de rue, plutôt des portraits de lui
pendant le voyage. J’ai ensuite voulu utiliser
l'Ekta en photographie de rue. L’occasion
s’est présentée quelques semaines plus
tard, alors que j’étais en Malaisie avec mon
Hasselblad X-Pan.
Dans quelles conditions avez-vous
utilisé l’Ekta 100 ?
Contrairement à la plupart des films néga-
tifs, le film positif couleur n’a pas une lati-
tude énorme. Il faut faire un peu attention
à l’exposition, et c’est tout aussi vrai pour
cette nouvelle Ektachrome. Je ne recom-
manderais pas de l’utiliser dans des condi-
tions d’éclairage très contrastées car il est
assez difficile d’obtenir des images bien
exposées avec un beau résultat. Cepen-
Le film positif
couleur n'a pas une
latitude énorme
dant, en éclairage assez plat ou par temps
couvert, ce n’est pas un problème. J’ai pris
mes premiers rouleaux d’Ektachrome par
temps nuageux et j’ai adoré les résultats. Ils
peuvent sembler un peu bleuâtres mais il
est facile d’ajuster les scans si vous voulez
des images plus chaudes.
Est-ce que l’Ektachrome 100 est facile
à utiliser pour la photographie de rue ?
Je ne dirais pas que l’Ektachrome est parti-
culièrement bien adaptée à la photographie
de rue, où l’on se retrouve souvent dans des
conditions d’éclairage peu idéales. Et le film
a une sensibilité de 100 ISO, ce qui peut
être un peu juste lorsque l’on veut fermer
l’objectif pour obtenir une plus grande pro-
fondeur de champ. Notamment quand on
veut faire de l'hyperfocale tout en mainte-
nant une vitesse d’obturation rapide.
Quelles ont été vos impressions avec
ce film ? Prévoyez-vous de l’utiliser
à nouveau ?
Après avoir récupéré mes premiers scans
en Australie, j’ai été très satisfait des résul-
tats. C’était incroyable de voir les positifs sur
une table lumineuse. Cependant, certaines
prises de vue étaient un peu sous-exposées,
et il n’était pas possible de récupérer des dé-
tails dans les ombres. Il me reste quelques
rouleaux dans le frigo, mais je ne les utili-
serai probablement pas pour la photo de
rue. Ce sera plutôt en portrait, où j’ai plus
de contrôle sur les conditions d’éclairage, et
où je pourrai donc espérer de bons résultats.
Avez-vous accentué l’Ektachrome
au post-traitement ?
Je scanne généralement les films moi-
même, ce qui me donne de bons résultats
et la possibilité de faire un peu de post-trai-
tement sur mes photos. Cependant, je ne
fais pas beaucoup de développement et
j’essaie de garder l’aspect que le film aurait
eu s’il avait été scanné par un labo.
Quel est le plus grand défi quand on
photographie avec le X-Pan ?
C’est surtout de réhabituer son œil au for-
mat panoramique, lorsqu’on ne l’a pas uti-
lisé pendant longtemps. TG
n°331 mars-avril 2020 • Réponses PHOTO 53
RÉPONSES GRAND FORMAT

L’Ektachrome E100
À l’épreuve du moyen format
Sortir un nouveau film de 100 ISO en plein hiver n’est sans doute
pas la meilleure idée qu'a eue Kodak. Pourtant, par temps gris ou
dans les lumières rasantes de l’après-midi, la nouvelle Ektachrome
offre de belles teintes naturellement froides et dégage une
atmosphère unique, Ektachromique. Tant à la chambre équipée
d’un dos 6x12 qu’au moyen format 6x7, la pellicule procure une
large palette de possibilités créatives. Mais elle s’accompagne
aussi de contraintes liées à sa faible sensibilité. Thibaut Godet

PHOTOS : THIBAUT GODET

Dimanche 12 janvier 2020, une centaine de véhicules anciens sont rassemblés à l’hippodrome de Vincennes après une traversée de Paris. Sous un ciel menaçant, utiliser une
pellicule à 100 ISO relève de la galère. Cela impose une grande ouverture (f:5,6) et une vitesse limite de 1/30s à main levée. Malgré les indications de la cellule intégrée, il aurait fallu
exposer un peu plus le film afin de récupérer des détails dans les ombres bouchées de cette Jaguar Type E. Sous-exposer reste une erreur non rattrapable, à moins de pousser le film.

54 Réponses PHOTO • n°331 mars-avril 2020

 PHOTO : PHILIPPE BACHELIER
Le film 120 peut donner des images allant du 4,5x6 au 6x17 cm, en fonction des appareils ou des dos amovibles conçus pour les chambres grand format. Ici, nous avons monté
un dos Horseman 6x12 sur une chambre 4x5 Ebony SV45U2 équipée d’un objectif Nikon M 300 mm f:8 (exposition de ¼ s à f:22). Le bâtiment n’est pas perpendiculaire à
l’appareil : une bascule du corps arrière de la chambre, sur l’axe vertical, assure une netteté parfaite sur l’immeuble. Les mouvements d’une chambre sont un atout pour les
panoramiques réalisés avec une longue focale. Dans ce format, la nouvelle Ektachrome procure une belle quantité de détails.

Une des qualités essentielles de l’Ektachrome réside dans les teintes bleues et froides Toujours dans les serres d’Auteuil à Paris, la lumière est diffusée en traversant la verrière et
particulières à cette pellicule. Ici, cette sensation est accentuée par le verre de la serre sous permet d’avoir un éclairage naturel très doux. L’Ektachrome contraste assez durement et se
laquelle se trouvent ces cactus. montre très détaillée dans les matières, même ici avec une faible profondeur de champ.

n°331 mars-avril 2020 • Réponses PHOTO 55

RÉPONSES GRAND FORMAT

Le procédé E6
L’inversible dévoilé
L’Ektachrome, commercialisée dès 1946, est conçue
pour être développée par les photographes. Le
traitement chimique a depuis évolué, avec le même
principe : un premier révélateur noir et blanc, suivi
d’une inversion, puis d’un développement chromogène
et d’un blanchiment-fixage. L’E-6, ultime version mise
au point en 1975, s’est néanmoins un peu verdi dans
les années 90, écologie oblige. Philippe Bachelier

S
ur la boîte de l’Ektachrome 100 est
imprimé "Color Reversal Film", tra-
duit en français par "Film inversible
couleur". L’emballage d’une Koda-
chrome indiquait "Film for color slides" et
"Film pour diapositives couleur". Diapo-
sitive, rien de plus clair. Mais inversible...
Pourtant, c’est la même chose. Mais dia-
positive se réfère à l’image sur support
transparent, alors qu’inversible renvoie au
procédé de développement.
L’Ektachrome, dans sa structure, n’est
pas si différent d’un film négatif couleur.
Il comporte aussi trois couches sensibles
au bleu, au vert et au rouge. Chacune de
ces couches est composée d’halogénures
d’argent sensibles à la lumière et de cou-
pleurs. Les coupleurs servent à la forma-
tion de colorants pendant la phase de trai-
tement du développement dit chromogène.
En fait, l’Ektachrome 100 est constituée de
15 couches (la Fujifilm Velvia en possède
17...), car chaque couche sensible aux cou-
leurs primaires peut être divisée en deux
ou trois couches d’émulsions plus ou moins
sensibles à la lumière pour augmenter la
latitude de pose et réduire la granulation.

PHOTOS : THIBAUT GODET

56 Réponses PHOTO • n°331 mars-avril 2020

Ajoutons à cela une couche pour filtrer
les UV, une couche antihalo, etc. Un vrai Le modèle CPE-3,
millefeuille. adapté aux cuves
Le développement d’un négatif couleur 1500 et 2500, peut
génère une image faite de couleurs com- développer jusqu’à 5
plémentaires (jaune, magenta et cyan). Le films 135, 6 films 120
tirage sur du papier couleur, qui fonctionne et 12 films 4x5, avec
lui aussi comme un négatif, restitue les cou- seulement 600 ml
leurs d’origine du sujet. Sur une diapositive, de solution.
on obtient directement les couleurs du sujet
grâce à une inversion. Les frères Lumière
s’en souviendront pour leur Autochrome.
En 1899, l’Italien Rodolfo Namias découvre
la possibilité de transformer une image né-
gative noir et blanc en positif. En fin de dé-
veloppement, le négatif est éliminé par un
blanchiment, grâce à une solution de per-
manganate de potassium acidifié. L’émul-

INDÉMODABLES PROCESSEURS JOBO

sion est ensuite réexposée à la lumière puis
redéveloppée pour faire apparaître le posi-
tif. Pourquoi parler de noir et blanc quand
l’Ektachrome est en couleur ? Le traitement Les machines Jobo fonctionnent sous un double concept : agitation continue
E-6 commence par un révélateur noir et par rotation et contrôle de la température par bain-marie. Les CPE-3 et CPP-3
blanc… Puis l’image négative est inversée. sont tout indiquées pour développer chez soi les films inversibles.
Passons en revue les six étapes du procédé
élaboré par Kodak, toujours employées par
les labos pros qui développent avec des
machines transfert.

Du noir et blanc à la couleur

Le premier révélateur transforme l’émul-
sion en négatif noir et blanc. Il conditionne
la densité et le contraste de l’image. Le
temps de développement est prolongé
quand on souhaite pousser le film ; il est
réduit quand on veut réduire le contraste
ou compenser une surexposition. Le déve-
loppement est suivi d’un rinçage à l’eau.
Viennent ensuite le bain d’inversion puis
le développement chromogène, qui va
former une image positive composée à la
fois d’argent métallique et de colorants. Les
premiers procédés de développement de
l’Ektachrome utilisaient une réexposition
à la lumière de la pellicule plutôt qu’une
inversion chimique. Succède au révélateur Le Kit Tetenal E-6 en 2,5 litres
chromogène un bain de préblanchiment, est adapté au développement
qui prépare le film au blanchiment, dont le simultané de plusieurs films.
rôle est de convertir l’argent métallique en Selon les cuves, un minimum
halogénure d’argent, qui sera éliminé par de 240 ou 270 ml est nécessaire
un fixateur, pour qu’il ne subsiste qu’une pour couvrir un film. Chaque film
image composée de colorants. Le film est supplémentaire requiert 100 ml
lavé avant de passer dans un bain de stabi- de solution. Le processeur CPP-3
lisation, garantissant une conservation opti- peut développer les plans-films
male des couleurs. Puis vient le séchage. jusqu’au format 20x25 cm.
La durée totale du traitement dure environ Le tableau de bord à cristaux
30 minutes. liquide permet de contrôler la
Le temps de traitement, la température et température du bain-marie, la
l’agitation des bains sont de première im- vitesse de rotation de la cuve et
portance pour obtenir des couleurs justes. comporte un programme E-6.
Le premier révélateur doit être à 38°C (avec

n°331 mars-avril 2020 • Réponses PHOTO 57

RÉPONSES GRAND FORMAT
une tolérance de ± 0,3°C), le bain d’inver-
L’INVERSIBLE EN MODE MANUEL sion et le révélateur chromogène à 38°C
(avec une tolérance de ± 1°C), les autres
bains acceptant une fourchette de 35 à
40°C.
Ces contraintes sur l’ensemble du trai-
tement sont facilement gérables sur des
machines transfert thermorégulées avec
agitation à l’azote. Il en va autrement dès
que l’on souhaite procéder à un dévelop-
pement à la maison. La solution idéale
pour de la petite production régulière est
un processeur entièrement automatisé, de
type Jobo ATL 1500, mais cette machine
n’est plus fabriquée. Néanmoins, des pro-
cesseurs semi-automatiques, comme les
Jobo CPE-3 et CPP-3, toujours au cata-
logue du fabricant allemand, permettent
le maintien d’une température constante
et d’une agitation continue régulière. Ils
sont semi-automatiques, car il faut remplir
et vidanger soi-même les solutions dans la
cuve de développement.

À développer chez soi ou en labo

Kodak ne fabrique plus de kit en six bains
pour l’amateur ou l’utilisateur occasionnel.
Ce n’est pas un handicap : une alternative
L’alternative aux systèmes de traitement automatisé comme les processeurs Jobo est le développement manuel moins onéreuse et tout aussi efficace est
par inversion en petite cuve. Les modèles AP, Jobo (série 1500) ou Paterson sont les plus courants. Le kit Tetenal en 3 proposée par Tetenal. Elle est composée
bains convient aussi bien pour les deux modes d’agitation, continu et intermittent. Le manuel du kit pour 2,5 litres de trois solutions plus un stabilisant. Le
recommande une agitation continue pendant les 15 premières secondes, puis un retournement toutes les 15 secondes. bain d’inversion est combiné au révélateur
Le mode d’emploi du kit Tetenal Magic-Box E-6, pour l’instant seulement disponible en allemand, indique une séquence chromogène et le blanchiment est intégré
de 10 secondes d’agitation par retournement suivi de 10 secondes de repos dans le bain-marie pendant toute la durée au fixage. Dès 1987, Kodak avait proposé
du traitement, du premier révélateur jusqu’au bain de blanchiment-fixage. En pratique, cette différence est négligeable. un kit Hobby Pac semblable.
Le maintien de la température de la cuve et des solutions à 38°C est l’aspect le plus délicat du traitement manuel. Le kit Tetenal E-6 existe en deux versions,
Un bain-marie est impératif. Une cuvette remplie de 5 litres d’eau munie d’une résistance thermostatée, comme le pour faire 250 ml de solution (Magic-Box
Novatronic (marque Nova, distribuée par www.mx2.com, pour 75 €), offre un contrôle de la température avec une E-6, 15€) ou 2,5 litres (autour de 60€ selon
précision de ± 0,2°C entre 20°C et 42°C. Nova propose aussi un système de bain-marie pour une cuve Paterson et trois les points de vente). La capacité du Ma-
bidons de 1 litre, le FP, mais il en coûte 408 €. Un thermomètre précis comme le Hanna Checktemp est de rigueur (48 € gic-Box le limite à deux films 135 ou un
chez www.laboandco.com). Le dernier bain de stabilisation peut s’effectuer à température ambiante, en cuve ouverte. film 120. Ce qui rend le coût du dévelop-
pement plus cher, voire comparable à ce
que l’on obtient en labo pro. À condition
de développer au moins deux films à la
fois, avec un processeur Jobo qui utilise
en moyenne 125 ml de solution par film
135 ou 120, soit 20 films pour un kit de
2,5 litres, on réduit le coût du traitement
à 3 € par film. Tetenal est plus optimiste
en suggérant une capacité de 30 films.
Les produits chimiques sont employés à
bain perdu. Vendus en concentré, ils se
conservent 24 semaines après ouverture,
ce qui correspond à une production d’un
film par semaine.
Le premier bain comporte le révélateur, le
second assure l’inversion chimique et le
développement chromogène. Le troisième
effectue en même temps le blanchiment et
le fixage de l’émulsion. Le dernier bain est
le stabilisant.

58 Réponses PHOTO • n°331 mars-avril 2020

 LES ÉTAPES D’UN TRAITEMENT EN TROIS BAINS
1 : Préchauffage au bain-marie : 5 mn à 38°±0,3 °C
(la cuve est amenée à la température
du révélateur).
2 : Premier révélateur : 6 mn 15 s à 6 mn 45 s
en fonction des films, à 38°±0,3 °C.
3 : Lavage : 2 mn 30 s à 38°±0,5 °C
(en continu, ou 5 fois 30 s).
4 : Révélateur chromogène : 6 mn à 38°±0,5 °C.
5 : Lavage : 2 mn 30 s à 38°±0,5 °C
LES ALTERNATIVES
(en continu, ou 5 fois 30 s).
6 : Blanchiment-fixage : 6 mn à 36°±3 °C. À L’EKTACHROME
7 : Lavage : 4 mn à 36°±3 °C (en continu, ou 8 fois 30 s).
8 : Stabilisant : 1 mn, à température ambiante
(20-25 °C).
9 : Séchage en température ambiante
ou en cabine de séchage.

Le temps dans le premier révélateur est
indicatif. Il convient à la plupart des émul-
sions. Certains photographes développent
les films Fuji plus longtemps que les films
Kodak, pendant 7 minutes. Pour le traite-
ment poussé d’un diaphragme, on allonge
le temps de développement normal dans le
premier révélateur d’environ 25 %. Quand
le film sort du stabilisant, il apparaît bleuté
et laiteux sur le côté de l’émulsion. Pas
de panique, ce phénomène disparaît au
séchage.
Jobo recommande de plonger direc-
tement le film dans le stabilisant après
l’avoir ôté de la cuve et de la spire. Cette
recommandation s’applique pour le déve-
loppement en processeur. Mais avec un
traitement manuel, le stabilisant peut être
versé dans la cuve contenant le film en-
roulé sur la spire. En rinçant bien le maté-
riel après le stabilisant, aucun résidu ne
risque de s’agglutiner.
Jean Lefebvre dans "Les Tontons flin- Fujichrome Velvia 50
gueurs" nous dit que "les tâches ménagères Saturation et haute résolution. Apprécié pour
ne sont pas sans noblesse". La pratique du les paysages où la verdure devient presque
labo a son charme. Développer de l’Ekta- fluo et le ciel bleu intense et profond. Peu
chrome ou du Fujichrome en cuve permet recommandé pour le portrait sans maquillage,
de se familiariser avec la technologie du sinon, effet couperose garanti.
développement chromogène. Mais l’E-6
demande une rigueur qui peut s’avérer
un carcan, notamment la préparation des
bains à 38°C sans processeur. L’eau de rin-
çage doit aussi être à cette température, ce
qui nécessite de placer aussi au bain-marie
plusieurs litres d’eau. À moins d’avoir une
production régulière, ou par réticence vis-à-
vis des contraintes du traitement chez soi, si
vous résidez non loin d’un labo pro spécia-
lisé dans l’E-6, portez-lui
vos films. Comptez en
moyenne autour de 10 € Fujichrome Velvia 100
par film en bande, par Ce film fait gagner un diaphragme par rapport
exemple chez Processus, à la version 50. Il joue sur la même capacité à
à Paris (www.processus- restituer une saturation élevée et une haute
photo.com), chez Photon définition. Bon comportement dans les poses
à Toulouse (www.labo- longues, jusqu’à 1 minute, sans écart à la loi
photon.fr), ou Rétine de réciprocité.
Argentique à Marseille
(www.retineargentique.
com). Ce sera toujours
plus rapide qu'en Koda-
chrome !

Cette publicité pour l’Ektachrome

date de 1946, au début de sa
commercialisation. Sa sensibilité
était de 10 ISO. Disponible alors
uniquement en plan-film,
l’Ektachrome se traitait avec un
procédé en 5 bains, qui durait 90
minutes à 20°C. Aujourd’hui, le
E-6 demande 30 minutes à 38°C.
Fujichrome Provia 100F
C’est le film diapo pour tous les sujets.
Plus chaud que l’Ektachrome. Saturation et
contraste sans excès, mais avec du caractère.
Grain ultrafin. Supporte les très longues poses,
jusqu’à 4 minutes, et le traitement poussé
jusqu’à +2 IL.

n°331 mars-avril 2020 •Réponses PHOTO 59

RÉPONSES GRAND FORMAT

Imiter l’Ekta en numérique

Notre méthode sur Lightroom
A défaut de glisser la nouvelle E100 dans son boîtier, la mythique Ektachrome peut
être source d’inspiration dans un traitement numérique. Voici les bons réglages
en post-production pour simuler le rendu de l’Ekta. Oui, mais lequel ? Philippe Durand
 Avant
 Après

D
epuis les années 40, les versions ont
été nombreuses, par leur fabrica-
tion, leur sensibilité, les procédés de
développement, les variantes géo-
graphiques, les balances des blancs... Les
appellations se succèdent et se confondent
au fil des années, mais il y a toujours eu une
version de base agrémentée de variantes.
Dans les années 90, c’était la 100 Plus Pro,
à laquelle a succédé la E100G, qui a sans
doute servi de référence pour la version
disponible aujourd’hui.
L’Ekta est à la photographie ce que la ligne
claire est aux amateurs de BD : un rendu
propre, une superbe définition, sans domi-
nante – ou plutôt froide par opposition au
Kodachrome –, les couleurs ne sont pas
exagérément saturées, mais présentes, les
blancs bien blancs. Par contre, le contraste
général est peu marqué, ce qui donne des
dégradés doux, et un rendu de la peau fidèle
et subtil. D’autres versions se distinguent:
par exemple la 100 G est neutre alors que la
100 GX donne des couleurs chaudes, la 100
VS sature les couleurs (VS = Vivid Satura-
ted). Mais restons sur la ligne claire.
Choisir une photo
Le fichier sera de préférence en format
Raw, ou en Jpeg capturé avec le réglage
du style d’images sur Neutre. Les autres
styles produiront des Jpeg déjà “travaillés”,
dans un sens qui peut aller à l’encontre de
ce que l’on va chercher ici. En Raw, si vous
avez le choix d’un profil de développe-
ment, choisissez Neutre, Plat, ou Portrait,
Une simulation d’Ektachrome réalisée avec Lightroom et les réglages ci-contre. Le contraste est modéré, les tons de peau
sont très réalistes, les tons clairs lumineux. Le Raw développé par Lightroom (profil Adobe portrait + réglages automa-
tiques) est plus pétant, les tons de peau sont bronzés et les tonalités contrastées. On dirait presque du Kodachrome !
les moins saturés. Notre exemple est réalisé version pour les Raw et une autre pour les
avec Lightroom, mais tous les logiciels de Jpeg, ou excluez la balance des blancs des
traitement photo présentent peu ou prou les curseurs touchés par le préréglage.
mêmes commandes.
Ajustez le contraste
Réglez la balance des blancs Après avoir réglé si besoin l’exposition, di-
C’est le premier curseur qui se présente minuez le contraste assez franchement. La
dans la colonne des réglages des logiciels. photo paraîtra moins pétante, les réglages
On cherche un équilibre des couleurs, limite suivants vont compenser cela, au profit de
un peu froid. En Raw, utilisez la pipette pour dégradés plus doux.
viser une zone blanche ou gris neutre et
ajustez au besoin, ou tentez votre chance Réglez la tonalité
avec la BB automatique. En Jpeg, on a L’Ekta lave plus blanc, c’est à ça qu’on le
moins de latitude, sous peine de dégrada- reconnaît. On va donc éclaircir les blancs.
tion de l’image : on va glisser le curseur du Gardez un œil sur l’histogramme dont la
côté du bleu, sans exagérer, pour corriger partie droite doit venir se caler sur le bord.
la dominante un peu chaude que donnent Il faut être juste à la limite de la brûlure.
en général les appareils. Si l’image tire un L’Ekta est subtil dans les ombres, mais en
peu vers le vert ou le rouge, ajustez avec le les gardant quand même sombres. Faites
curseur Teinte. Si par la suite vous enregis- glisser le curseur lentement vers la gauche
trez le jeu de réglages final comme preset, au point juste avant que les détails sombres
ce qui est une bonne idée, prévoyez une ne broient du noir.

60 Réponses PHOTO • n°331 mars-avril 2020

 Saturez les couleurs
Comme la base est neutre, il est néces-
saire de saturer les couleurs, en jouant à
la fois sur les curseurs Saturation (qui fait
monter toutes les couleurs) et Vibrance
(qui sature les couleurs déjà affirmées).
En fonction du profil utilisé, l’accentuation
sera plus ou moins forte : un profil Por-
trait demandera plus de modération qu’un
profil Neutre ou Plat.
Décalez les teintes
Les Ektas ont souvent des ciels qui tirent
vers le cyan : clairs, moins profonds. On
peut imiter cela en décalant, dans les cur-
seurs de réglage de teinte, le Bleu et le Bleu
vert vers la gauche, c’est à dire vers des
tons plus cyan et vert.
Calez la netteté
Pour aller dans le sens de la finesse et de
la définition fort appréciées dans l’Ekta,
on monte un peu la netteté via le curseur
qui porte ce label. Si vous avez une version
récente de LR, utilisez le curseur Texture.
Libre à vous d’ajouter un peu de grain, mais
comme il est très fin sur un Ekta, ce n’est
pas indispensable.
Admirez le résultat
On a fait le tour des ajustements, il est
temps de prendre un peu de recul et d’ana-
lyser le résultat. On a souvent besoin à ce
stade de revenir pour caler finement un ou
deux des curseurs que l’on a touchés.
En option, modifiez
la dominante dans les ombres
Les Ekta présentent parfois une dominante
colorée dans les ombres. Ce sujet est dé-
battu sans fin sur les forums… Avec une
Ektachrome, les ombres sont-elles bleues,
 Après
vertes ou rouges ? Ça dépend de quelle ver-
sion on parle, quelle marque de chimie a
été utilisée, de l’usure de celle-ci, de l’expo-
sition. Sans trancher le débat, un coup d’œil
sur les photos sur Flickr réalisées avec la
nouvelle E100 indique que la dominante,
quand elle est présente, penche plutôt vers
le bleu, comme les cuvées des années 80.
Pour imiter ça, deux approches. Un virage
partiel des ombres va produire cet effet,
en choisissant dans la palette le ton qui va
bien, par exemple H 240° à une saturation
de 40% va donner une dominante entre
bleu et magenta. Il est important d’ajuster
la balance en glissant bien à droite pour que
cette couleur ne s’applique que sur les tons
les plus sombres, sans polluer l’ensemble
de l’image. Deuxième approche, plus déli-
cate, on va toucher la courbe de tonalité des
bleus pour lui infliger une petite bosse dans
les tons sombres.
Si vous avez scanné une diapo qui présente
cette dominante, faites la manip inverse :
via le virage choisissez la complémentaire
de la couleur que vous voulez corriger
(dans la zone des jaunes-orange pour com-
penser du bleu), et via la courbe faites un
petit creux au lieu d’une bosse.
Houla, c’est du boulot,
y’a pas un préréglage ?
Après avoir testé plusieurs presets
Lightroom labellisés Ekta, je ne suis pas
convaincu, les rendus sont caricaturaux
ou à côté de la plaque. Pour une solution
automatisée, il faut plutôt aller chercher
chez DxO FilmPack qui propose des pré-
réglages de qualité inspirés des films clas-
siques. Hélas le rayon Ekta n’offre que des
versions chaudes (GX, VS, Elite).
 Avant
Le traitement Ektachrome
100GX dans DxO FilmPack.
La maison apparaît comme
nettoyée, le ciel plus cyan
et l’herbe moins saturée
que dans l’original en Jpeg.
La 100GX était une version
chaude de l’Ektachrome.
n°331 mars-avril 2020 • Réponses PHOTO 61
RÉPONSES EXPOSITIONS Ericka Weidmann

L’œil du Monde (Lausanne)

“René Burri, l’explosion du regard”, Musée de l’Élysée (18, avenue de l’Élysée), jusqu’au 3 mai 2020.

C’est une rétrospective totalement inédite de René Burri que nous propose jusqu’au 3 mai prochain
le Musée de l’Élysée à Lausanne. Véritable témoin d’un monde et de toute une époque, Burri a immortalisé
six décennies durant les événements et les plus grandes figures du siècle dernier.

EL CHE. REPRODUCTION PEINTE_AP2005 © RENÉ BURRI / MAGNUM PHOTOS. FONDATION RENÉ BURRI / COURTESY MUSÉE DE L’ELYSÉE, LAUSANNE

R ené Burri est un photographe suisse né en

1933. Après des études d’arts appliqués, il
commence sa carrière comme réalisateur de films
documentaires avant de se tourner vers l’image
fixe. C’est lors de son service militaire au début
des années 50, qu’il fait connaissance avec le
Leica, un appareil au petit format qui deviendra
son éternel complice. En 1955, alors qu’il n’a que
22 ans, il rejoint l’agence Magnum, la même année
que W. Eugene Smith, avant d’en devenir un
membre quatre ans plus tard. Armé de son boîtier,
il parcourt le monde pour suivre les événements
marquants de la seconde moitié du XXe siècle.
Il a réalisé les portraits d’un grand nombre de
personnalités, c’est d’ailleurs ce cliché du “Che”
avec son cigare, qui le fera connaître à travers le
monde. Décédé en 2014 à l’âge de 81 ans, René
Burri laisse derrière lui une archive riche et
impressionnante. Pour cette exposition, le Musée
de l’Élysée propose une relecture de l’œuvre
L’œuvre de René Burri
compte plus de
7 000 planches-contacts,
du photographe, grâce à un travail de recherche 33 000 tirages de travail,
débuté en 2013. Avec soin, les tirages ont été 170 000 diapositives,
choisis à partir des archives familiales et du fonds
de l’agence Magnum. Les commissaires ont
mais également une
souhaité dérouler le fil de cette exposition comme centaine de collages
une “ligne de vie”, de manière chronologique, afin et plus de 150 carnets
d’aborder les différents aspects de l’œuvre du de croquis et maquettes
photoreporter. Car au-delà de l’œil du de livres.
photographe qui a témoigné de son temps, on
découvre une part moins connue de son travail
à travers des documents inédits, qui révèlent un
Burri moderne et précurseur. Vous pourrez y
contempler ses planches-contacts, ses carnets
et collages… encore jamais présentés au public !

62 Réponses PHOTO • n°331 mars-avril 2020

 © ANDREA OLGA MANTOVANI
MINISTÈRE DE LA SANTÉ, RIO DE JANEIRO, BRÉSIL, 1960. © RENÉ BURRI / MAGNUM PHOTOS. FONDATION RENÉ BURRI / COURTESY MUSÉE DE L’ELYSÉE, LAUSANNE
Alerte déforestation (Sète)
“Le Chant du Cygne”, Maison de l’image
documentaire (17 rue Laca), jusqu’au 11 avril 2020.

C e qu’il se passe dans cette forêt millénaire de Bialowieza,

en Pologne, est l’une des pièces de cet immense puzzle
qui compose la crise environnementale que nous vivons à
l’échelle planétaire. Cette forêt naturelle, la plus ancienne
d’Europe, est menacée de destruction par le gouvernement
qui mène une campagne de déforestation massive. La
photographe Andrea Olga Mantovani est venue défendre et
restituer la voix des peuples de ce territoire en sursis.

DANSE / LA BÊTE, UN CONTE MODERNE © YASMINA BENABDERRAHMANE / ADAGP, PARIS, 2020

XEROX, LA, ÉTATS-UNIS, 1971 ©-RENE BURRI / MAGNUM PHOTOS / FONDATION RENE BURRI / MUSEE ELYSEE

Expérience Humaine (Paris)

“La bête”, Le Bal (18e), jusqu’au 12 avril 2020

C ette installation présente le travail de Yasmina

Benabderrahmane, seconde lauréate du Prix Le Bal de la
Jeune Création. Cette exposition est un retour aux sources,
l’artiste plasticienne revient dans le pays de son enfance, le
Maroc, après 14 ans d’absence. Au-delà des retrouvailles
familiales, on découvre la “Bête”, le chantier monstrueux à
Rabat d’un grand Théâtre dans la vallée des potiers, réputée
inconstructible. Yasmina utilise l’image animée pour
redécouvrir ce qu’elle avait oublié : les lieux et les visages.

n°331 mars-avril 2020 • Réponses PHOTO 63

RÉPONSES EXPOSITIONS

LA PISCINE D’ARLES, 1975 © JEAN-PHILIPPE CHARDONNIER, GAMMA-RAPHO

Charbonnier révélé (Montpellier)
“Jean-Philippe Charbonnier. Raconter l’autre et l’ailleurs”, Pavillon Populaire, jusqu’au 19 avril 2020.

S i certains noms de photographes ont marqué le mouvement

humaniste français, celui de Jean-Philippe Charbonnier est
resté plus discret, il a presque parfois même été oublié. C’est
pour cette raison que le Pavillon Populaire de Montpellier a
décidé de consacrer sa première exposition de l’année à ce
photographe français. Il s’agit là de la première rétrospective
majeure du photographe, depuis celle présentée au Musée d’art
moderne de Paris en 1983. La commissaire de l’exposition
Emmanuelle de l’Ecotais a souhaiter réexplorer l’œuvre de
Charbonnier en la replaçant dans le contexte de son époque.
Ce sont ainsi près de 200 photographies réalisées entre 1944 et
1983 qui sont montrées. L’occasion de (re)découvrir les grands
reportages réalisés tout au long de sa carrière, notamment celui
sur les hôpitaux psychiatriques, qui est présenté en totalité pour
la toute première fois. L’exposition viendra dévoiler ses images en
couleurs, qui étaient à l’époque jugées peu dignes d’exposition,
mais on découvrira aussi la méthode du photographe avec ses
planches-contacts aux légendes parfaitement détaillées…

Regard pluriel (Clermont-Ferrand)

“Le photographe et son double”, Hôtel Fontfreyde
(34 Rue des Gras), jusqu’au 16 mai 2020.

L e centre photographique de Clermont-Ferrand rend

hommage à un enfant de la région : Julien Mignot. Le
TILDA SWINTON, SÉRIE DAILY CANNES © JULIEN MIGNOT

photographe d’origine auvergnate a un parcours atypique

et pluriel. Du reportage ou du portrait pour la presse, à la
commande pour les grandes marques de luxe, en passant par
les maisons de disques, il laisse toujours libre cours à une
photographie instinctive. Dans cette exposition, il est question
de se plonger dans un univers aux mille facettes. On y retrouvera
une sélection de clichés choisis parmi cinq de ses séries, mais
également des photographies issues de la collection personnelle
de Julien Mignot, signées par Araki, Salgado, Leibovitz, Fukase…
et des artistes plus contemporains.

64 Réponses PHOTO • n°331 mars-avril 2020

 Magritte dévoilé (Charleroi)
“René Magritte. Les Images révélées”, Musée de la
Photographie (11, av. Paul Pastur), jusqu’au 10 mai 2020.

E n 1977, dix ans après sa mort, des travaux photographiques

de René Magritte sont découverts, ouvrant ainsi une
nouvelle perspective sur son œuvre. Depuis, d’autres images
sont apparues au fil du temps. Ce sont tous ces trésors que
souhaite nous révéler le Musée de la photographie de Charleroi.
Cette exposition interroge le rapport du peintre surréaliste belge
à l’image, au fil de plus de 130 tirages issus de collections privées.
Retrouvez l’artiste à travers ses albums de famille, ses portraits
de surréalistes ou encore ses épreuves de travail…

RECOMPOSITION_N°2,

Mutation (Saint-Pierre-de-Varengeville)
“Denis Darzacq”, Centre d’Art Contemporain de la
Matmut (425 rue du Château), jusqu’au 5 avril 2020.

RENÉ MAGRITTE. LE GÉANT, 1937, PAUL NOUGÉ À LA CÔTE BELGE © 2019-2020, CHARLY HERSCOVICI C/O SABAM
ien que formé à l’École nationale des Arts décoratifs, c’est
dans le photojournalisme que Denis Darzacq fait ses
premières armes, c’est là qu’il puisera son inspiration pour sa
pratique artistique. Dès 2003, il change de démarche et recourt
à la mise en scène pour appuyer sa critique de notre société
contemporaine. L’exposition nous immerge ainsi dans l’univers
de Darzacq à travers une importante sélection d’images.
ITINÉRAIRE AVEC MANUELLA, RÉGION PARISIENNE, 2018 © HORTENSE SOICHET / WORKLOG

L’usine moderne (Gentilly)

“On n’est pas des robots”, Maison Robert Doisneau
(1, rue de la Division du G. Leclerc), jusqu’au 19 avril 2020.

C ette exposition collective présente les résultats d’une

enquête menée par des photographes et des chercheurs,
autour du thème des ouvrières et ouvriers de la logistique en
France et en Allemagne. Ce sont trois femmes : Cécile Cuny,
Nathalie Mohadjer et Hortense Soichet qui ont retranscrit en
images la situation sociale de ces nouveaux prolétaires. “On n’est
pas des robots” place ces lieux très particuliers du travail ouvrier
comme point de départ d’une grande enquête sociologique.

n°331 mars-avril 2020 • Réponses PHOTO 65

 RÉPONSES FESTIVALS Julien Bolle Agenda FESTIVALS

30 ans de voyages
“Itinéraires des Photographes Voyageurs” à Bordeaux (33), du 1er au 30 avril. www.itiphoto.com

De la photographie documentaire engagée à l’introspection poétique en passant par des démarches

plus expérimentales, peu importe la destination, c’est le chemin qui compte. Depuis trente ans, le festival
bordelais prend le voyage comme prétexte pour réinventer notre regard sur le monde. En route !
©CYRILLE LALLEMENT

© SIMON VANSTEENWINCKEL

©DAVID BART
©LUCIE JEAN

C hine, Japon, États-Unis, Balkans, Maroc,
Mongolie, Inde, Québec, Chili, pour sa
trentième édition, ce festival réputé pour la
qualité de sa sélection continue de nous faire
découvrir le monde à travers le regard des
photographes auteurs, dont certains nous
proposent aussi des voyages intérieurs où le
documentaire cède le pas à l’introspection. Ce
sont en tout 17 expositions qui seront réparties
sur 9 lieux culturels publics et privés de la
métropole aquitaine, du Rocher de Palmer à
Cenon, jusqu’à la salle capitulaire et cour Mably
au cœur de la ville. Une fois encore, le festival En haut, série “Empreintes” de
mêle auteurs confirmés et découvertes, français Cyrille Lallement (Mongolie).
et étrangers, donnant ainsi à admirer les formes En bas, de gauche à droite : série
les plus diverses de la photographie “Quartiers d’hiver” de Lucie Jean
contemporaine. Lors du week-end d’ouverture (Québec), série “Nosotros” de
des 3 et 4 avril, le public sera invité à suivre Simon Vansteenwinckel (Chili), et
gratuitement le parcours d’expositions en série “Chine 0.06” de David Bart.
compagnie des photographes invités. Pour ceux
qui ne peuvent se rendre à Bordeaux, dès le 1er
avril, l’intégralité des travaux présentés lors du
festival sera consultable sur le site de la
manifestation : www.itiphoto.com.

66 Réponses PHOTO • n°331 mars-avril 2020

 Des histoires en images
“Les Photographiques” au Mans (72), du 14 mars
au 5 avril. www.photographiques.org.

E ntre enquêtes sur le terrain et mondes imaginaires, cette

édition rassemble des photographes qui chacun à leur façon
racontent une histoire. On retrouvera, autour du photographe
invité Guillaume Amat, ceux issus de l’appel à candidatures, ainsi
que de jeunes artistes locaux, sans oublier un festival Off qui
investit la ville du Mans et ses alentours. Nouveautés cette année,
des lectures de portfolios réalisées par des professionnels de
l’image, et un concours en ligne en partenariat avec Wipplay.

© GEORGES ROUSSE
Dans sa série
Housewive, Julie
De Waroquier met
Coblence, 1994. Chez Georges Rousse, l’œuvre est l’installation éphémère photographiée.
en image des
citations
misogynes de
Détournements de formes
grands “L’émoi photographique” à Angoulême (16),
© JULIE DE WAROQUIER

philosophes, du 28 mars au 8 mai. www.emoiphotographique.fr

montrant ainsi
toute leur
absurdité. O n connaît surtout son festival de BD, mais Angoulême fête
aussi la photographie comme il se doit avec cet événement
qui regroupe une vingtaine d’expositions de qualité réparties sur
une dizaine de lieux. Pour cette 8e édition, les programmateurs
Au carrefour des tendances ont retenu le thème du détournement, avec des artistes qui
s’emparent des apparences pour les reconstruire, et interrogent
“Circulation(s)” à Paris (19e), du 14 mars au 10 mai. ainsi notre perception du réel. Qui mieux que Georges Rousse
www.festival-circulations.com pouvait parrainer cette édition néo-surréaliste, lui l’illusionniste
qui excelle à tordre l’espace avec ses installations in-situ ?

D éjà 10 ans que Circulation(s) est à la pointe des tendances

de la jeune photographie européenne. Toujours installée au
Centquatre-Paris, cette édition spéciale exposera 45 artistes de
16 nationalités, autour de thématiques prometteuses telles que
“Ceux que l’on ne voit pas”, “Le monde de demain”, “L’image à
Festivals, foires et salons
l’excès” ou encore “Explorations photographiques”. Également „ 80/Glisy : 6e Bourse photo,
au programme, des performances, des événements, des lectures FÉVRIER À AVRIL le 7 mars. Rens. : 06 89 94 23 70
de portfolios, et aussi quelques surprises nous promet-on... „ 16/Angoulême : 8e Festival l’Émoi bourse.glisy@gmail.com
photographique,du28marsau8mai. „ France et étranger : 8e Festival
www.emoiphotographique.fr Expolaroid,enavril. expolaroid.com
„ 33/Bordeaux : 30e Festival Itinéraires des
„ Italie/Milan : 10e Salon MIA photofair,
PhotographesVoyageurs,du1erau30avril.
www.itiphoto.com du 19 au 22 mars. www.miafair.it
„ 56/Vannes : Vannes Photos Festival,
du10avrilau10mai. PLUS TARD
www.vannesphotosfestival.fr „ 13/Arles : 20e Festival Européen de la
„ 72/Le Mans : Festival les Photographiques, PhotodeNu,du8au17mai. fepn-arles.com.
du14marsau5avril. „ 13/Arles :Les Rencontres d’Arles, du 29 juin
www.photographiques.org
au20septembre. www.rencontres-arles.com
„ 75/Paris (4e) : Foire Photodoc,
du24au26avrilàlaHalledesBlancs-Manteaux. „ 34/Montpellier : 30e Festival des
photodocparis.com Boutographies, du 2 au 24 mai.
www.boutographies.com
„ 75/Paris (19e) : Circulation(s), 10e festival
„ 66/Perpignan : Festival Visa pour
© JAN HOEK

de la Jeune Photographie Européenne,

du 14 mars au 10 mai. l’image, du 27 août au 13 septembre.
www.festival-circulations.com www.visapourlimage.com
“Boda Boda Madness”, projet du photographe Jan Hoek et du styliste Bobbin Case.

n°331 mars-avril 2020 • Réponses PHOTO 67

RÉPONSES LIVRES Julien Bolle et Ericka Weidmann

Odyssée sibérienne
“Amour”, photos de Claudine Doury, éd. Chose Commune, 19x25cm, 104 pages, 42 €

“Amour” est le récit d’une quête de 30 ans menée par Claudine Doury
sur les rives du fleuve sibérien éponyme. La photographe a choisi de
suivre les familles et les peuples qu’elle avait rencontrés lors de son
premier voyage en 1991.
♥♥♥♥♥

E dité sous la forme d’un carnet Moleskine, ce journal très

sobrement intitulé “Amour” rassemble les photographies
réalisées par Claudine Doury ces trente dernières années, autour
du fleuve Amour. Comme elle l’explique dans cet ouvrage, l’idée
de cette épopée sibérienne lui est venue un soir d’hiver 1989. Ses
yeux posés sur un atlas voient le mot “Amour” qui court le long
d’une interminable ligne bleue. Cet immense fleuve s’étend sur
près de 4400 kilomètres. En Chine, on le surnome le “Dragon
noir”. Si beaucoup en connaissent le nom, il a été peu vu et
encore moins photographié. C’est ainsi que, deux ans plus tard,
Claudine Doury se rend en Sibérie et part à la rencontre des
peuples autochtones des rives du fleuve, les Nanaïs, les Oultches
et les Oudégués. Son deuxième voyage attendra six ans après
sa première exploration, et elle y retournera enfin plus de vingt
ans après. C’est une quête qu’elle aura menée sur presque trois
décennies. Allant à l’encontre de la logique d’un journal de bord,
ou même d’un journal intime, Claudine Doury ne choisit pas de
faire apparaître ses images par date de voyage, ces trois
expéditions sont mêlées et entrecoupées. Il est d’ailleurs
étonnant de constater que visuellement, ce territoire n’a pas subi
de changements majeurs en 30 ans... Le seul indice qui sépare
les différentes périodes d’exploration, réside dans l’utilisation
de la couleur et du noir et blanc. Mêlant ainsi les temporalités,
Claudine Doury cherche à restituer son cheminement à travers
les différentes générations des familles, et de ces peuples qu’elle
avait rencontrés lors de son tout premier voyage. Le temps ayant
fait son œuvre, la photographe n’a pu que constater lors de
sa dernière visite en 2018, que les abords du fleuve se sont
transformés et que la culture et les traditions des peuples
sibériens disparaissent avec la jeune génération. C’est donc
tout un pan de cette histoire qui est en train de s’effacer. Cet
évanouissement culturel, elle l’évoque subtilement dans ses
photographies. On pourra remarquer d’une image à l’autre,
certains visages qui reviennent, marqués par le temps… EW

68 Réponses PHOTO • n°331 mars-avril 2020

Amour
universel
“Senior Love
Triangle”, photos
d’Isadora Kosofsky,
éd. Kehrer, 22,5x30
cm, 264 p., 39,90 €
♥♥♥♥♥

C’ est une histoire assez peu commune, celle d’un ménage à

trois de deux octogénaires et d’une nonagénaire ! Cette
étonnante triade a croisé le chemin de la photographe améri-
caine Isadora Kosofsky, alors qu’elle n’avait que 17 ans. À cette
époque, elle réalisait un documentaire sur la pensionnaire d’une
maison de retraite d’East Hollywood, à Los Angeles. Isadora a
rapidement remarqué William, 81 ans, toujours accompagné de
deux femmes : Jeanie, 81 ans, et Adina, 90 ans. Adina et Will se
sont unis à la fin des années 70, mais c’est lorsque l’homme a
emménagé dans une maison de retraite qu’il a rencontré Jeanie
et en est tombé fou amoureux. Incapable de faire un choix, il a
décidé de partager son amour entre la femme de sa vie et sa
nouvelle amante. Une situation ambigüe et difficile pour les
deux femmes. La photographe les suit dans ce travail documen-
taire depuis presque 10 ans et change la vision que la société
porte sur la vieillesse mais également sur la monogamie. EW

Au cœur de l’Amérique
“Omaha Sketchbook”, photographies
de Gregory Halpern, éditions Mack,
144 pages, 29 x 23 cm, 45 €.
♥♥♥♥♥

D epuis 15 ans, Gregory Halpern photographie Omaha, la plus

La fin d’un monde
“The End of Industry”, photos de
John Myers, RRB Photobooks,
25x28 cm, 164 pages, 84 €
♥♥♥♥♥
grande ville du Nebraska, autant dire pas grand-chose à
l’échelle du pays. Mais cette ville du Midwest, c’est pourtant bien
les États-Unis, même davantage que New-York ou Los Angeles.
En reproduisant ses photos moyen format telles qu’ils les a
collées en taille d’origine sur les grandes pages colorées de son
cahier d’artiste, Gregory Halpern donne une dimension intimiste,
fragile et précieuse à ce portrait d’une communauté éparpillée,
qui semble en perte de repères. Il prête une attention spéciale
aux jeunes hommes et à leurs rites d’initiation, dont la futilité est
rendue touchante par la délicatesse de la forme. À contempler
en écoutant l’album Nebraska de Bruce Springsteen... JB

L a jeune mais excellente maison d’édition RRB Photobooks,

fondée en 2015 à Bristol, s’est donnée pour mission de faire
redécouvrir des photographes britanniques méconnus.
Cet ouvrage soigneusement imprimé est consacré au travail
documentaire qu’a réalisé John Myers entre 1981 et 1988 dans le
“Pays noir”, zone située au nord-ouest de Birmingham, alors en
pleine transformation. Autrefois pilier de l’industrie du pays avec
ses mines et ses fonderies, la région est alors touchée de plein
fouet par la crise. Armé de sa chambre Gandolfi 4x5, le
photographe témoigne de ce changement rapide en mêlant
portraits et paysages, dans une veine à la sobriété expressive,
n’évoquant pas moins qu’August Sander ou Walker Evans. JB

n°331 mars-avril 2020 • Réponses PHOTO 69

RÉPONSES LIVRES

L’Abécédaire
des images
“Le livre d’Images.
De A à Z”, éd. Images
Vevey/Koenig Books,
23x32 cm, 400 pages,
48 €.
♥♥♥♥♥

C haque année, le festival Images Vevey

transforme la ville en un formidable
terrain de jeu d’expérimentation artistique.
Des installations et des scénographies
gigentesques en extérieur sont ainsi
réfléchies et réalisées le temps de
l’événement. Pour garder trace de ces
créations éphémères, la manifestation a
publié un ouvrage quasi encyclopédique,
relatant les dix éditions du festival. Pensé comme un
dictionnaire, on y retrouve sur 400 pages, les 310 expériences à l’image de la manifestation, on découvre les œuvres des
visuelles qui ont été données à voir à Vevey. Privilégiant l’ordre artistes avec des photographies prises in situ, accompagnées
alphabétique par noms d’artistes au classement chronologique, de courts textes explicatifs. On fait ainsi défiler une décennie
cela nous permet de (re)découvrir les histoires qui se cachent de création avec près de 300 artistes et photographes
derrière chacune des expositions. Dans une mise en page contemporains, parmi les plus grands comme Martin Parr,
parfaitement étudiée qui bouscule les codes de lecture, Daido Moriyama, Cindy Sherman, ou encore David Lynch… EW

Ode à la planète
“La nature des choses”, photos d’Arnaud
Vareille, éditions Trans Photographic
Press, 20x30 cm, 88 pages, 35 €
♥♥♥♥♥

N ous avions suivi en 2016 la fabrication du livre d’Arnaud

Vareille “Obsolescence programmée” (voir RP 289), qui
rendait déjà hommage à la beauté fragile de la nature de façon
fort originale, tout en flous impressionnistes. Pour ce nouveau
livre à la maquette épurée, le photographe a arpenté la planète
à la recherche de motifs noirs ou blancs, hormis quelques
percutantes touches de jaune qui rappellent qu’il s’agit bien de
photos en couleurs ! Paysages, animaux, plantes et minéraux se
L’Ouest mythique
transmutent en formes et textures abstraites, les échelles se “True West”, photos d’Anne Rearick,
percutent, les éléments s’entremêlent... Une belle chorégraphie éditions Clémentine de la Ferronnière,
qui révéle sous un nouveau jour les merveilles de la Terre. JB 21x24cm, 144 pages, 39 €.
♥♥♥♥♥

T rue West retrace la conquête de l’Ouest d’une famille, celle

de la photographe Anne Rearick. Plus d’un siècle en arrière,
ses aïeux ont quitté l’Oklahoma en roulotte pour s’établir dans
l’Idaho. 40 ans plus tard, c’est dans ce même État qu’elle vient
au monde. Ce territoire familial aux grands espaces est rapide-
ment devenu le sujet principal d’Anne Rearick. Dans ce livre, elle
déroule sans chronologie précise, des images qu’elle a réalisées
au long cours, entre 1988 et aujourd’hui. Avec son Hasselblad,
elle retranscrit les traces de sa mémoire dans des paysages en
noir et blanc suspendus, comme hors du temps, entrecoupés
de scènes de vie. Anne Rearick ponctue ce bel ouvrage par des
notes manuscrites, se dévoilant ainsi un peu plus… EW

70 Réponses PHOTO • n°331 mars-avril 2020


La femme caméra
“Shirley Baker”, textes
de Lou Stoppard, éd.
Mack, 23x24 cm, 40 €
Cette monographie éditée
par Lou Stoppard rend
justice à l’œuvre de Shirley
Baker. Née à Salford dans
le Nord de l’Angleterre, la
photographe a assemblé
des années 1950 à 2000
un impressionnant corpus
de photos de rue, en noir
et blanc puis en couleurs,
de Manchester à St-Tropez
en passant par l’Italie ou le
Japon. On redécouvre ici
la finesse de son regard, à
la fois incisif et humaniste,
plus commentaire social
que pur formalisme. JB
Traces d’absence
“Le sujet photogra-
phique au-delà de la
mort”, The Eyes
éditions, 20x26,4 cm,
112 pages, 39 €.
Marwan Assaf illustre une
tradition africaine qui di-
stingue deux étapes dans
la mort : les oubliés et ceux
qui vivent encore dans la
mémoire des vivants. Il met
ainsi en parallèle les por-
traits d’Alfred Tennyson et
ceux de Cookie, photogra-
phiés respectivement par J.
Cameron et N. Goldin. EW
Les autres parutions sélectionnées par la rédaction
Faune sensuelle
“Vénus”, photos de
Linda Tuloup, Bergger
éditions, 18x22 cm,
52 pages, 35 €.
Nous étions tombés
amoureux de son univers
onirique et sensuel dès
2008 (voir RP193), nous
sommes donc heureux de
retrouver Linda Tuloup
avec ce charmant conte en
textes (de Yannick Haenel)
et en images, où le corps
féminin avance masqué en
sylvestres apparitions. Une
ode à la volupté, au parfum
boisé doux et enivrant. JB
Regard à l’Est
“Tbilissi TchaTcha”,
photos d’Arnaud
Contreras, éditions de
juillet, 19,5x26,3 cm,
140 pages, 35 €.
Ce recueil de sombres
instantanés noir et blanc
est un long poème qui
relate la rencontre entre le
photographe Arnaud
Contreras et la Géorgie.
Dans cet ouvrage, il capte
le temps suspendu d’un
pays singulier qui n’a pas
de frontières. EW
Une colère noire
“Kháos”, photos
d’Ulrich Lebeuf, les
éditions de Juillet, 60
pages, 18x27 cm, 30 €.
Habitué des conflits
sociaux, Ulrich Lebeuf
livre ici une vision quasi
abstraite des derniers
soulèvements (gilets
jaunes, ZAD...). Ses images
sombres et granuleuses se
détachent du réel pour
faire ressentir cette colère
à un niveau plus profond.
De l’actualité à l’art, un pas
osé mais réussi. JB
Montreuil incarnée
“Les chroniques de
Montreuil”, photos JF
Leclanche, éditions de
Juillet, 22x26 cm,
144 pages, 35 €.
Le photographe Jean-
Fabien Leclanche vit dans
cette commune du 93
depuis 20 ans. Après
“Good Morning Montreuil”,
sorti en 2015, voici le
second opus qui rend
hommage à cette ville aux
multiples cultures, et à
tous ceux qui font vivre
ce riche territoire. EW
La planète jaune
“Dallol”, photos de
Jeff Le Cardiet, Quintal
éditions, 20x20 cm,
72 pages, 35 €.
Après son travail sur les
échoppes d’Addis Abeba
(publié dans RP317), Jeff
reste en Éthiopie avec
cette immersion dans la
zone volcanique de Dallol,
prenant la forme d’un
élégant livre d’artiste
imprimé à la main et édité
à 150 exemplaires signés.
Un trip sulfurique porté
par la matière granuleuse
et vibrante des images. JB
En coulisse
“Les loges du
Français”, Stéphane
Lavoué, éditions
Gallimard, 18x26,5 cm,
128 pages, 35 €.
Le photographe Stéphane
Lavoué nous livre une
visite intime de l’intérieur
de la Comédie Française.
On pénètre ainsi dans
l’espace privilégié des
40 loges réservées aux
comédiens de la troupe,
qu’il portraitise en fin
d’ouvrage. EW
n°331 mars-avril 2020 • Réponses PHOTO 71
Hippie chic
“Entre nous”, photos
de Mary Russel, éd.
Flammarion, 112 pages,
15x25 cm, 25 €.
Correspondante de mode
pour les plus grands titres,
l’Américaine Mary Russel a
baigné dans l’élite bohème
des années 1960/70.
Elle dévoile ici des clichés
inédits d’Andy Warhol, des
Stones, de Karl Lagerfeld,
YSL, Jane Birkin et autres
demi-dieux. De St-Tropez à
St-Germain, on revit toute
une époque de glamour,
d’art et de luxe... JB
Immersion
“BBK”, Yan Morvan,
éditions Noeve, 176
pages, 20x26 cm, 44 €.
Dans ce livre, Yan Morvan
nous raconte le Bangkok
des années 80. Y ayant
séjourné 5 mois durant, le
photographe nous plonge
dans cette ville du plaisir où
tout est permis. Dans ses
images et dans ses textes, il
décrit un monde de pro-
stitution, d’alcool et de
drogue, où survivent les
habitants de la capitale. EW
RÉPONSES PORTFOLIO

Atmosphère En marge de ses photos à la chambre, Arno Brignon réalise des vues en 24x36 qui évoquent des “plans de coupe” cinématographiques. Ici semblent se condenser
les thèmes qu’il développe dans “La formation des vagues” et son interview : la solitude et son contraire le lien aux autres, le rapport au territoire et la disparition.

72 Réponses PHOTO • n°331 mars-avril 2020

 Arno Brignon Arno Brignon crée de
troublantes images

L’art de la
crépusculaires pour lutter
contre la disparition du lien
social. Signe particulier :
il fabrique ces images

rencontre
avec d’autres personnes
dans le cadre de résidences
participatives. “La formation
des vagues”, mention

accidentelle
spéciale du jury du prix
Camera Clara, rassemble
ces expériences et leur
donne un nouveau sens
à travers un livre. Michaël Duperrin

n°331 mars-avril 2020 • Réponses PHOTO 73

RÉPONSES PORTFOLIO

Portrait en chambre À Aussillon, Arno habitait un appartement situé dans un immeuble promis à la destruction. Dans ce lieu rouvert
pour sa résidence, il invitait à déjeuner des habitants du quartier et leur proposait de réaliser leur portrait à la chambre.

74 Réponses PHOTO • n°331 mars-avril 2020

Passe muraille Ce sténopé de la cathédrale de Lectoure est réalisé avec un temps de pose d’environ 30 secondes.
L’utilisation de vieux papiers barytés et la surexposition contribuent également à l’effacement des détails.

n°331 mars-avril 2020 • Réponses PHOTO 75

RÉPONSES PORTFOLIO

Vision aérienne Cette image d’Aussillon vu de sa plus haute tour a été réalisée en 2015 lors de la première résidence participative d’Arno Brignon.
Elle constitue le point de départ de “La formation des vagues”.

76 Réponses PHOTO • n°331 mars-avril 2020

Superposition Ce portrait du prêtre de Lectoure a été réalisé sans mesure de l’exposition. Souvent, Arno Brignon faisait deux vues exposées
différemment. Ici, il a oublié de retourner le châssis de sa chambre, d’où la surexposition et le dédoublement de l’image.

n°331 mars-avril 2020 • Réponses PHOTO 77

RÉPONSES PORTFOLIO

Dame blanche Lors de ses résidences, Arno proposait aux gens photographiés de développer eux-mêmes leur photo, ce qui n’est pas
sans occasionner des accidents... Ainsi, cette dame a ouvert la porte pour annoncer “Ça y est, Arno”, alors que l’image n’était pas encore fixée...

78 Réponses PHOTO • n°331 mars-avril 2020

LA FORMATION DES VAGUES
L’
ouvrage d’Arno Brignon réunit des
photographies issues de quatre rési-
dences participatives à Valparaiso,
Aussillon, Lectoure et Ténarèze. Bien
plus qu’un simple catalogue, le livre frappe
par sa singularité. Pas la moindre image sur
sa couverture blanche, mais un pavé de texte
qui débute ainsi : “C’est un voyage dans un
lieu où l’histoire et la géographie restent
incertaines (...) un lieu à la croissance pas-
sée, tombé depuis au champ de bataille de
la sainte guerre économique, un lieu où les
grands ensembles sont détruits, remplacés
par de petits chez-soi. (...) Ce lieu n’a pas
besoin de nom, tant il ressemble aux autres
dans sa perte. Celle des habitants, celle d’une
identité, celle surtout du lien social”. À l’inté-
rieur du mince cahier grand format, quelques
dizaines d’images, étranges et fortes dans leur
gris laiteux, attendent le lecteur pour distiller
leurs présences fantomatiques. L’auteur, an-
cien éducateur devenu photographe, répond
à nos questions sur sa démarche.
Comment êtes-vous venu à la photo?
Quand je suis arrivé à Toulouse en l’an 2000,
j’habitais en face de la galerie du Château
d’Eau. Deux ou trois ans après, j’en ai poussé
la porte, un peu par hasard. J’y ai découvert
une photo très différente de la belle photo
que je connaissais via le magazine Géo. J’y ai
découvert Klavdij Sluban et Trent Parke qui
m’ont fait quelque chose intérieurement. J’ai
continué à voir des expositions et en 2005
je me suis dit que moi aussi je pourrais faire
des photos. Je me suis inscrit à un atelier
d’initiation à l’argentique à l’Espace Saint-
Cyprien. C’est devenu addictif, et cela a pris
une place croissante dans ma vie, au point
qu’en 2010 j’ai arrêté mon métier d’éduca-
teur. Ce sont deux métiers qui demandent
une entière implication, et j’ai dû choisir. Je
me suis formé à la photo à la bibliothèque
du Château d’Eau et au labo de Saint-Cy-
prien à travers mes découvertes, rencontres
et expérimentations.
Qu’est-ce qui a fait que la photo est
devenue addictive pour vous ?
C’est l’argentique, des photographes
comme Dolorès Marat, Klavdij Sluban, Mi-
chael Ackerman... C’est la rencontre avec
cette école de photographie fortement
émotionnelle qui m’a attrapé. Je retrouvais
aussi cette émotion dans la pratique du
laboratoire argentique, car Saint-Cyprien
est un labo partagé, où l’on fait ensemble,
et parce qu’il y a dans la pratique même
du labo le moment très émotionnel de la
création de l’image, avec les accidents qui
produisent un résultat d’abord décevant,
mais où l’on se rend parfois compte que
cet accident est fructueux. Les émotions
de la découverte de ces photographes,
de ce qu’ils racontent, et la découverte du
médium se sont nourries.
Et il y a la question de faire
ensemble...
Oui. En 2007, on a monté avec Julien Pebrel,
Cédric Friggeri et David Ameye le collectif
Du grain à moudre, dans l’idée de faire un
travail photographique et d’apprendre en-
semble. On a mené des projets collectifs à
la façon de Tendance Floue, en nous ren-
dant sur un territoire qui nous parlait pour
créer quelque chose ensemble. On est parti
à Lille, à Ceuta... Lorsque l’on a voulu se pro-
fessionnaliser, certains avaient une visée plus
documentaire que d’autres, et le collectif
s’est délité. Il y a toujours eu une dimension
collective dans ma vie, dans la colocation ou
dans le travail d’éducateur. On dit souvent
que la photo est une chose solitaire... Cela
dépend de comment on la pratique ; pour
moi la photo n’est pas un acte solitaire.
Qu’est-ce qui vous a conduit à faire
des résidences photographiques ?
La première s’est faite avec le collectif, à
Lille, dans le cadre d’un concours de Ré-
ponses Photo et de la Maison de la Pho-
tographie de Lille. J’ai tout de suite aimé
qu’il y ait des attendus dans le cadre d’une
résidence, mais aussi une grande liberté
L’appareil photo et le procédé sont
comme une monnaie d’échange.
quant à la façon d’y répondre. J’aime la
contrainte, le cadre posé par ces attendus
liés au territoire, à la production ou au pro-
cessus. C’est un peu comme un voyage
dont on n’aurait pas choisi la destination,
et cela le rend d’autant plus fort. Les deux
premières résidences, à Lille et à Corbeil-
Essonnes, je n’avais pas spécialement envie
d’aller là-bas. Je me suis retrouvé dans un
territoire qui n’est pas le mien, qui ne fai-
sait pas sens pour moi, et pourtant il fallait
faire quelque chose avec. J’ai la volonté de
raconter quelque chose à propos d’un ter-
ritoire. Et j’aime m’imposer la contrainte de
rester sur ce territoire. À Corbeil-Essonnes,
je ne sais même pas si je suis allé une seule
fois dans la ville d’à côté. Pour les premières
résidences, j’ai répondu à des appels à pro-
jets, puis on s’est mis à m’en proposer en me
demandant de faire quelque chose avec les
habitants. Dans le Couserans, j’ai d’abord
envisagé de séparer le travail avec les habi-
tants et mon propre travail de création. Et je
me suis rendu compte qu’au contraire, faire
avec l’autre me stimulait, m’ouvrait des
pistes et avait du sens pour moi. Cela m’a
permis d’abandonner le mythe du photore-
porter solitaire qui ne me correspond pas
du tout. Et de construire une autre figure
de photographe. Qui pratique une photo-
graphie sociale, sans photographier un fait
social, mais qui photographie avec d’autres,
qui ne sont pas forcément photographes.
Comment décririez-vous cette autre
figure de photographe ?
J’ai toujours l’envie de jouer avec la ma-
tière, d’expérimenter de nouveaux pro-
cédés, le sténopé, le calotype, le cyano-
type, le Polaroid... Plutôt que de faire des
recherches dans mon coin, j’aime chercher
avec d’autres. Souvent, j’essaye le procédé
en même temps que les gens avec qui je
travaille. L’appareil photo et le procédé sont
comme une monnaie d’échange, quelque
chose que j’apporte pour déclencher autre
chose. Ce qui implique de donner autant
que l’on reçoit.
Ce qui reste chez moi de la figure du pho-
tographe solitaire, c’est le voyage. La pho-
tographie me légitime à aller là où je ne de-
vrais pas être normalement. Que ce soit à
Valparaiso ou au Mirail à 2 km de chez moi.
Ce n’est pas une question de distance ou
d’exotisme. On peut se trouver à 10000km
et ne pas voyager. J’ai passé 5 jours heureux
en famille à New-York, mais je n’ai pas le
sentiment d’avoir voyagé, j’y étais juste en
touriste. J’avais les codes, je connaissais
tout, même si je n’y étais jamais allé.
Comment définissez-vous le dispositif
de la résidence et le procédé que
vous utilisez ?
Souvent on m’appelle pour intervenir sur un
territoire, dans un contexte particulier. Par
n°331 mars-avril 2020 • Réponses PHOTO 79
RÉPONSES PORTFOLIO
ARNO BRIGNON
En 6 dates
➜➜2005 : Stage d’initiation à la photo
à l’Espace Saint-Cyprien à Toulouse.
➜➜2010 : Quitte le métier d’éducateur
spécialisé. Devient intervenant
à l’Espace Saint-Cyprien.
➜➜2013 : Intègre l’agence Signatures.
➜➜2014 : Exposition “Joséphine”
au Château d’Eau (Toulouse).
➜➜2016 : Résidence de territoire
dans le Couserans, publication
de “Based on a true story”.
➜➜2018-2019 : Résidences à Aussillon,
Lectoure, Valparaiso et Ténarèze,
publication de “La formation des vagues”.
exemple, à Aussillon on m’a dit : “On a des
jeunes qui traînent en bas des immeubles et
avec qui on n’arrive à rien faire, rien ne les in-
téresse. On voudrait essayer quelque chose
avec la photo”. J’ai donc réfléchi à quel pro-
cédé pouvait marcher avec eux. Le sténopé
m’a paru intéressant, parce c’est ludique et
que le temps de pose long et le flou per-
mettent que les jeunes ne soient pas inquiets
de leur image, qu’ils puissent la contrôler s’ils
ne souhaitent pas être reconnus.
Les procédés alternatifs ont un côté ludique
qui facilite de faire avec les gens. Je ne leur
demande pas juste de faire des photos, mais
que l’on fasse ensemble quelque chose
qu’ils n’ont jamais fait et moi non plus. Pour
“La formation des vagues”, j’ai fait en un an
quatre résidences avec le même procédé.
À la quatrième, à Ténarèze, j’étais arrivé au
bout de l’expérimentation de ce procédé,
je n’avais plus la même énergie, j’avais
l’impression d’être un animateur, de savoir
déjà ce que cela allait donner. Il faut que
cela reste ludique aussi pour moi. Il fallait
que cela change et j’ai fait beaucoup plus de
paysages que d’images avec les gens.
80 Réponses PHOTO • n°331 mars-avril 2020
Est-ce que la façon de faire, le
cheminement sont plus importants
que le résultat ?
Pour moi les deux sont également impor-
tants lors d’une résidence. C’est la grande
différence avec les ateliers photo dans les
écoles et où le résultat importe peu. Pour
“La formation des vagues”, qui réunit quatre
résidences, j’ai fait énormément de por-
traits. Pourtant, dans le livre, il n’y a que 35
images dont 10 ou 15 portraits. Cela signi-
fiait quelque chose de montrer tous les por-
traits dans chaque lieu de résidence, pour
que les gens puissent s’y retrouver, mais
dans le livre ça n’aurait pas de sens de tout
mettre, il s’agit d’aller chercher l’essence de
ce que je veux, et il faut être très exigeant.
On a dû faire avec un budget restreint, mais
le livre a été très pensé avec l’éditeur. Le
texte qui ouvre le livre et s’impose au lec-
teur nous paraissait important. De même,
on a choisi une impression très dense, sur
un papier mat non couché qui boit énor-
mément l’encre. Cela donne des noirs peu
profonds et rappelle la gravure.
Il semble qu’il y a dans votre pratique
une tension entre un aspect très
maîtrisé et organisé et le lâcher-prise
ou l’accident...
Pour moi, la photo c’est l’incertitude. Ça
ne m’intéresse pas de pratiquer une photo
très technique. J’aime l’idée d’une perte de
contrôle et de maîtrise. Parce que quand je
suis trop dans le contrôle, cela donne une
photo trop formelle, qui ressemble à une
iconographie qui existe déjà. Alors que la
possibilité de l’accident m’aide à me déca-
ler de cette iconographie. Le fait d’être avec
des gens aide à se battre contre ça. Parce
qu’ils me mettent plein de doutes, d’incer-
titudes... Quand je suis en commande
pour la presse, je travaille en numérique,
j’arrive avec une idée, et je peux contrô-
ler sur l’écran et la refaire jusqu’à l’obtenir.
À l’inverse, en argentique, je ne sais pas
si j’ai réussi à réaliser mon idée ; ce n’est
qu’après que je vois le résultat. Et cela crée
un deuxième temps de la création, où il
faut faire avec le matériel que j’ai et arriver
à construire mon propos avec ça.
La vie est plus importante
que la photo pour vous ?
Ma vie et la photo sont très entremêlées.
La vie est de toute façon plus importante,
mais la photo fait partie de ma vie. Il n’y a
La question de la disparition
est au cœur de tous mes travaux.
pas une séparation nette. Mais en effet la
photo n’est pas un travail pour moi. Même
si je ne gagnais plus d’argent avec la photo,
je continuerais d’en faire. Peut-être que je
trouverais une autre forme. J’aime beau-
coup l’écriture aussi. Pour moi, ce sont deux
façons de vivre et raconter. Une façon de
vivre qui m’offre la légitimité d’être là où je
ne devrais pas être. Même le travail que je
fais depuis des années sur ma famille, je le
fais de façon très instinctive, c’est aussi une
façon de me réinterroger sur ma propre vie.
Est-ce que pour vous se perdre, la
disparition, la ruine sont la condition
de l’image et de la rencontre à la fois ?
Nous sommes dans une période de dispa-
rition accélérée. Beaucoup de choses dis-
paraissent très rapidement actuellement. Et
l’on essaye d’en sauvegarder la mémoire,
mais on artificialise cette mémoire. On a
de plus en plus d’outils pour sauvegarder la
mémoire, mais ils ne servent à rien parce
que cela va trop vite. Je me suis rendu
compte récemment que cette question de
la disparition était au cœur de tous mes
travaux. Je suis toujours en train de courir
après la disparition. Quand je fais des pho-
tos de ma fille, c’est peut-être parce que je
ne veux pas la voir grandir. On a tous une
obsession que l’on n’arrive pas forcément à
nommer. La photo, l’art servent aussi à ça, à
exprimer des choses inconscientes, ou non
verbalisées. Enfant, je me suis beaucoup
ennuyé, j’ai toujours été très nostalgique.
J’avais l’impression de ne jamais être à ma
place, de ne pas être là où il fallait.
Et vous parlez justement de la photo
comme de ce qui légitime d’être là où
vous ne devriez pas !
Oui tout à fait ! Parce que je m’ennuie moins
là-bas ! (rires). Si ma vie a pu être à certains
moments une espèce de fuite, aujourd’hui ce
n’est plus le cas. Je suis heureux dans ma vie
de famille. Lorsque je parle de lieux où je vais
et où je ne devrais pas être, il ne s’agit pas de
fuir, mais de se régénérer, de ne pas s’enfer-
mer, de se confronter au monde tel qu’il est,
et non pas tel qu’on voudrait qu’il soit, ce
qui n’empêche pas de construire chez soi
un monde tel qu’on voudrait qu’il soit.
“La Formation des vagues”, éditions FIFV
(Valparaiso) 2019, 24x30cm, 44 pages, 17€.
Exposition chez Signatures, 70 rue Jean-Pierre
Timbaud 75011 Paris, du 16 au 19 mars.
Déchirure Cette étrange et belle image est née d’un accident, ou plutôt d’un oubli : Arno Brignon travaillait à Valparaiso en positif direct à la chambre en utilisant deux formats. Ici il
a par erreur découpé et réutilisé une feuille déjà exposée. La déchirure semble évoquer à la fois une chose perdue et la tentative de la réparer.

n°331 mars-avril 2020 • Réponses PHOTO 81

 RÉPONSES DÉCOUVERTE
PHOTO STUART PATON
DANS LA
MATRICE
URBAINE
Les deux portfolios réunis ici nous ont été soumis par
deux “Street Photographers” qui décrivent chacun à leur
façon comment s’inscrit l’humain dans la géométrie de la
ville. Plus généralement, Stuart Paton et Thomas Vanoost
enrichissent le genre en repoussant ses limites formelles,
tout en appuyant leurs démarches sur un passionnant
socle philosophique. Propos recueillis par Julien Bolle
RÉPONSES DÉCOUVERTE

Stuart Paton
Le miroir
aux alouettes
Comme ce piège autrefois utilisé pour chasser les oiseaux, la ville-vitrine aux mille reflets semble
conçue pour attirer et perdre ceux qui sont trop attirés par la lumière. C’est peut-être son regard
d’étranger exilé à Milan qui a permis à l’Écossais Stuart Paton de développer un regard aussi incisif
sur cette ville, matière première de sa série “Matador Muscle Memory”. Julien Bolle

84 Réponses PHOTO • n°331 mars-avril 2020

“Un exil auto-infligé dans une espèce
de simulacre staliniste rêvé par Gucci.”
Regard INTERVIEW
“Je recherche un Rubik’s Cube d’ombres, de lumières
et de reflets, impossible à résoudre rationnellement.”
Pour commencer, pourquoi “Matador
Muscle Memory” ? (“La mémoire
motrice du matador”, en VF, ndlr)
Car cela m’évoque l’image d’un combat
réflexif. In fine absurde, mais avec une
vague illusion d’héroïsme. Un peu comme
mes flâneries photo. Et la vie en général.
Si je comprends bien, les images ont
été prises à Milan. S’agit-il d’un portrait
de cette ville en particulier, ou plus
largement de notre monde actuel ?
Milan n’est pour moi que de l’antimatière
brute. Ma véritable aspiration est d’évo-
quer la dissonance sociale, et l’érosion de
l’identité individuelle symptomatique de
notre époque à tous. Mais une photo est
comme un test de Rorschach – ce qu’on
y déchiffre dépend en fait de notre propre
personnalité.
88 Réponses PHOTO • n°331 mars-avril 2020
Que représente cette ville pour vous,
en tant que nouvel arrivant ?
Un exil auto-infligé dans une espèce de si-
mulacre staliniste rêvé par Gucci. Cela dit,
si troublé qu’il soit, mon rapport avec cette
ville a été au bénéfice de ma photographie.
Un exorcisme cathartique qui a débouché
sur de belles rencontres, et des expériences
inespérées.
En quoi Milan est-elle représentative
de notre société ?
En tant “qu’aperitivo” de sa chute
existentielle ? Le vrai et le bon, entravés par
le factice et le futile. Dans son Requiem
pour le rêve américain, Noam Chomsky
parle de l’utilisation de la consommation
effrénée comme moyen de distraire les
gens afin qu’ils soient spectateurs plutôt
que participants de la vie politique. Je tente
d’évoquer cet aspect corrosif à travers une
sorte de sténographie visuelle. La crainte
étant que ces forces insidieuses minent
notre capacité de réagir avant qu’il soit trop
tard. Comme le dit William Gibson,
prophète noir du cyberpunk, “L’avenir est
déjà là – il n’est tout simplement pas très
uniformément distribué.”
Vous êtes plutôt du genre
à photographier dès que vous mettez
le nez dehors, ou cela vous demande-
t-il un certain conditionnement ?
Idéalement, j’essaie de me placer dans
une certaine disposition mentale avant
d’attaquer la journée. Un panaché de
pleine conscience et de folie furieuse. Un
état d’innocence qui dévoile les possibi-
lités, plutôt que les a priori périmés qui
les cachent. D’une manière similaire,
Gueorgui Pinkhassov dit que “le plus dur
est de rien vouloir”.
J’imagine que vous recherchez aussi
un certain type de lumière ?
Dans l’absolu, je recherche une ambiance
forte. Mais c’est vrai que je me régale sur-
tout quand la lumière fait fleurir la fantas-
magorie. Un Rubik’s Cube d’ombres, de
lumières et de reflets impossible à résoudre
rationnellement.
Quand vous photographiez, quel
animal êtes-vous ? Furtif, patient,
distant, discret, agressif ?
Tout ça à des degrés divers, suivant mon
humeur du jour. On est multiple, non ? J’es-
saie d’être comme un Cruyff ou un Zidane,
un bon milieu de terrain qui s’adapte en
fonction des phases de jeu.
“Cette série sera finalisée soit par sa
publication dans un livre,
soit par une apocalypse filmée au ralenti.”
Vous réalisez vos images avec un
Fuji X-T1, souvent au 27 mm, parfois
à d’autres focales. Le choix de l’outil
photographique, c’est important pour
vous ?
Il me semble que c’est important pour tout le
monde, donc ne laissez pas quelqu’un avec
un Leica vous dire le contraire. L’essentiel
est d’avoir en main une machine qui est en
harmonie avec notre but. Ensuite, je vise des
images qui semblent avoir été captées par
l’œil de l’esprit plutôt que par cette machine,
ressemblant à des pensées, rêves ou cauche-
mars et donc plus fidèle à la riche diversité
émotionnelle de notre expérience vécue.
Comment la photographie de rue
s’est-elle imposée à vous ? C’est une
grammaire visuelle qui existe depuis
l’après-guerre, comment se fait-il
qu’elle soit toujours aussi populaire
aujourd’hui ?
Au départ, j’en faisais sans le savoir alors
qu’aujourd’hui j’en fais en essayant de
l’oublier. Suivant sa “définition”, la chro-
nologie du genre change. Donc, même si
ses années glorieuses commencent avec
Cartier-Bresson et compagnie, mon com-
patriote écossais John Thompson pourrait
prétendre l’avoir pratiquée dans les années
1860. La photographie de rue est peut-être
l’essence même de la photographie, ce qui
expliquerait sa longévité. Mais expliquer sa
popularité actuelle me semble une dialec-
tique périlleuse. Il y a pas mal de gens super
talentueux, mais plus nombreux sont ceux
qui l’éloignent de son lien documentaire par
un déluge de crétineries plus déprimantes
les unes que les autres. La popularité au prix
d’une banalisation. J’ai une autre concep-
tion de la photographie de rue, où chacun
puisse jouer un rôle valable en étant com-
mentateur de son temps, ou enchanteur de
notre vision de la vie.
Vos photos sont emplies de reflets,
d’obstacles, d’ombres, et semblent
ainsi contenir plusieurs strates de
temps, plusieurs points de vues,
plusieurs interstices de réalité. Notre
société n’est-elle qu’illusion ?
Non, elle est bien réelle, hélas. C’est juste
qu’elle véhicule de multiples illusions,
elles-mêmes générées par une idéologie
délirante. Donc, je tente de suggérer ces
sous-courants qu’ils soient psychologiques,
sociaux ou autres. Comme l’a dit Picasso,
“Le monde d’aujourd’hui n’a pas de sens,
alors pourquoi devrais-je peindre des
images qui en ont ?”
Ces images montrent souvent des
personnages marchant seuls, presque
toujours des hommes. Peut-on dire
que ces photos sont, au moins en
partie, des autoportraits ?
Bien sûr... Simultanément selfie et méta-
phore maladroite de l’individu déshumani-
sé. Mais je serais déçu si on ne me percevait
pas dans mon travail. Mon côté Hitchcock.
Quels travaux photographiques,
lectures ou autres œuvres ont pu
influencer ou nourrir cette série ?
Un vortex de choses. L’ambiance musi-
cale de Radiohead, Miles Davis ou des
Cocteau Twins, le Guernica de Picasso,
le réalisme magique de Garcia Marquez,
Inland Empire de David Lynch, des livres
comme “The Death Of Truth” de Mi-
chiko Kakutani et “The Age Of Surveil-
lance Capitalism” de Shoshana Zuboff, la
mélancolie d’Edward Hopper, la théorie
du champ unifié, les glaces italiennes...
À trop chercher la performance
formelle, la photo de rue peut parfois
devenir un sport virtuose mais stérile
et impersonnel, surtout si elle ne
porte pas dans le même temps un
regard original sur le monde.
Comment parvenez-vous à dépasser
ce formalisme, à faire qu’il soit le
support d’une vision cohérente ?
Si c’est vrai, c’est grâce à une certaine
noblesse d’esprit compensée par la névrose.
Mais la réponse est dans votre question.
Pour moi, c’est essentiel d’avoir un point de
vue. Quelque chose qu’on doit communiquer,
couplé avec son langage visuel propre afin
de le transcrire. Amateur mais pas dilettante.
Lors de mes workshops, j’appuie sur ces
aspects. Il me semble que l’élément-clé pour
un photographe sérieux est que son centre
de gravité moteur soit ancré en lui-même.
Au moment de l’éditing de cette
série, s’il n’y avait qu’un seul critère
vous permettant de distinguer une
bonne image d’une mauvaise, quel
serait-il ?
Si après six mois, je peux encore la parcou-
rir du regard sans m’emmerder. Et qu’elle
n’a pas rapidement perdue sa splendeur
comme une étoile filante ou du chewing-
gum. Pour moi, les ingrédients d’une image
forte sont la beauté, le contenu, l’émotion,
l’ambiance, la singularité… Tout cela en-
semble se traduit par une qualité suprême :
cette photographie est mémorable.
Quand et comment imaginez-vous
cette série finalisée ?
Parfois, avec un peu de désinvolture, j’ap-
pelle mon travail, “eschatological eyecan-
dy” (que l’on pourrait traduire par “joliesse
de fin du monde”, ndlr). On vit une époque
qui postule sérieusement l’éventualité d’un
effondrement de notre civilisation, même
sans parler du climat. Moi je suis juste un
mec à Milan qui fait des photos afin de sur-
monter son petit malaise. Mais mon travail
est infusé par l’ombre de cette notion gigan-
tesque... “Matador Muscle Memory” sera
donc finalisée soit par sa publication dans
un livre, soit par une apocalypse filmée au
ralenti. Ce qui viendra en premier.
Parcours/actualité : Né en Écosse et
installé à Milan depuis trois ans, après
un passage par la France, Stuart Paton
dit avoir choisi la photographie pour
devancer ses démons et réenchanter
son monde. Associant commentaire
social et recherche formelle, ses
images ont été publiées dans des revues spécialisées, mais
jamais en France. Stuart Paton dispense des workshops de
Street Photography. Son site : stuartpatonphoto.wixsite.com
Son instagram : @_stuart_paton_
n°331 mars-avril 2020 • Réponses PHOTO 91
RÉPONSES DÉCOUVERTE

Thomas Vanoost
Ville mouvement

Lecteur régulier de Réponses Photo depuis... le siècle dernier, le photographe belge Thomas Vanoost
a adopté une excellente résolution en ce début d’année : nous présenter son travail. Bien lui en a pris.
“Instabilité” est un projet entamé en 2016, alors que Thomas abandonne son poste dans la finance
pour se consacrer entièrement à la photographie. S’il a étudié celle-ci dans sa jeunesse, ce sont
surtout les souvenirs de son cursus en philosophie et en sociologie qui ont nourri cette étonnante
série. Utilisant la technique de l’exposition multiple, il dépasse le simple exercice de style pour
s’interroger de façon profonde sur l’impermanence de nos existences. Julien Bolle

92 Réponses PHOTO • n°331 mars-avril 2020

D
ifficile aujourd’hui de parvenir à une
vraie originalité en photographie.
C’est en croisant un thème maintes
fois exploré (l’humain dans la ville) et
une technique souvent exploitée, mais peu
sur ce sujet (la surimpression), que Tho-
mas Vanoost parvient à nous proposer des
images percutantes, tant sur la forme que
sur le fond. Il faut dire que le projet prend
pour base une solide réflexion sur le chaos
et l’impermanence de la vie au cœur des
grandes métropoles contemporaines.

Plus que par celles des photographes,

ce travail semble inspiré par les
œuvres des philosophes. Lesquels ?
Ma démarche photographique trouve ses
sources dans l’ontologie, la branche de la
philosophie qui s’intéresse à la nature de
l’être, et dans la phénoménologie, qui s’inté-
resse entre autres à la façon dont le monde
se donne à percevoir. Le concept central
autour duquel s’articule cette série est l’idée
selon laquelle toute réalité est intrinsèque-
ment chaotique et instable. Cette vision du
monde comme traversé par un mouvement
éternel de changement n’a rien de nouveau
en philosophie. Héraclite d’Ephèse l’avait
déjà formulée au Ve siècle avant Jésus
Christ, à travers le concept de “pantha
rei”, expression qui signifie littéralement
“toutes les choses coulent” et qui exprime
l’idée d’un monde en mouvement perpé-
tuel. Aujourd’hui, ce concept reste plus
que jamais d’actualité. Pour le meilleur et
pour le pire, nous vivons dans un monde en
changement, qui évolue tellement rapide-
ment que nous ne parvenons pas toujours
à en suivre le rythme. Et cependant, nous,
êtres humains, avons tendance à le perce-
voir comme quelque chose de relativement
stable et permanent. Cette dichotomie est
tout à fait paradoxale. D’une part, la réalité
se donne à percevoir comme relativement
fixe et immuable, alors que d’autre part
nous pouvons voir et ressentir le mouve-
ment partout autour de nous.
Mon travail photographique cherche à réta-
blir un certain équilibre en tentant d’expri-
mer visuellement ce chaos, cette instabilité
de l’existence. En travaillant les expositions
multiples, c’est à dire en photographiant la
même scène de ville à travers la tempora-
lité, et en construisant mes images selon le
mode du mouvement, je cherche à trans-
mettre cette impression de “pantha rei”.

Comment réalisez-vous cet effet ?

À la prise de vue ou sur l’ordinateur ?
Je n’utilise en réalité pas qu’une seule tech-
nique pour obtenir mes images, mais toute

n°331 mars-avril 2020 • Réponses PHOTO 95

RÉPONSES DÉCOUVERTE
une série de méthodes différentes. Toute-
fois, ma démarche comprend globalement
trois approches principales, le choix de
l’une ou l’autre étant principalement lié à
l’image que je me fais du résultat final que je
souhaite obtenir, et aussi parfois du temps
dont je dispose pour réaliser la prise de
vue. Certaines images sont réalisées uni-
Mon utilisation de Photoshop a parfois été
critiquée par des puristes auto proclamés.
quement via le mode expositions multiples
de mon boîtier, ce qui permet un meilleur
contrôle de la composition. D’autres sont
constituées de plusieurs photographies
indépendantes superposées ensuite sous
Photoshop – il faudrait techniquement
parler de sandwiching – ce qui autorise une
plus grande finesse dans la façon dont les
images se fondent les unes dans les autres.
D’autres encore sont nées d’un mélange
des deux premières approches. Mon uti-
lisation de Photoshop a parfois été criti-
96 Réponses PHOTO • n°331 mars-avril 2020
quée par des puristes auto-proclamés, qui
y voient une forme de triche. Mais si les
outils technologiques existent, c’est préci-
sément dans le but d’être mis au service
de la créativité. Leur utilisation me semble
dès lors parfaitement fair-play ! En outre,
je n’utilise en numérique aucune technique
qu’il n’ait été possible d’obtenir avec du film
et sous l’agrandisseur... au prix, certes, d’un
investissement en temps et en bandes-tests
nettement plus conséquent !
Quel équipement utilisez-vous ?
Je privilégie avant tout la discrétion, la ver-
satilité et un poids contenu au maximum.
Je transporte en effet mon équipement
partout où je vais, tous les jours... On ne
sait jamais quand se présentera la pro-
chaine opportunité ! J’ai opté pour le petit
Lumix GX80, un boîtier très capable mais
qui passe parfaitement inaperçu, sur lequel
je monte 90% du temps le remarquable
12-32 mm au format pancake. Mes photos
sont importées dans Lightroom où je fais
l’éditing et les premiers ajustements, avant
d’être finalisées sous Photoshop. Enfin,
les tirages sont réalisés par sublimation à
chaud de pigments sur des plaques d’alu-
minium Chromaluxe high gloss. C’est exac-
tement la même chose que la technique
commercialisée en France sous la marque
Subligraphie, seul le nom change. Cela me
donne un rendu saturé rappelant un peu
celui du Cibachrome.
Parcours/actualité : Né en 1982, travaillant
à Bruxelles, Thomas Vanoost est un artiste
belge utilisant la photographie comme
support. Diplômé d’une école de
photographie en 2002, il a en parallèle
étudié la philosophie et la sociologie
avant de poursuivre une carrière dans la finance. Suite à
une remise en question existentielle, il se consacre depuis
2015 à la photographie. Il collabore avec la Bell Gallery
à Amsterdam et avec l’agence 2ArtAngels à Paris.
RÉPONSES LECTURE DE PORTFOLIO

Une série d’Olivier Bertrand

sous l’œil critique de Pascale Brites
Pays de neige
Après avoir vécu 35 ans au bord de la Méditerranée, Olivier Bertrand s’est installé en 2014 à Grenoble
“pour avoir du mauvais temps” explique-t-il. Balades silencieuses, photos au trépied, Olivier aime
prendre son temps et produire des images épurées dont il nous a soumis une sélection.

OLIVIER BERTRAND
(Grenoble)
● Boîtier : Olympus E-M5 II
● Obj. : Lumix G 25mm F1,7
et Olympus 25mm F1,8
● ISO : 250 à 400
● Ouverture : f:3,2 à f:5,6
● Vitesse : 1/400 à 1/3200s
● Traitement : Lightroom

Olivier décrit sa démarche comme

celle d’un solitaire qui attend le mau-
vais temps pour sortir. Il laisse les sujets
venir à lui et ne fait que les “enregis-
trer”. N’affectionnant pas les heures de
retouche, il passe seulement quelques
minutes par image, cherchant à repro-
duire les tons chauds des tirages ar-
gentiques qu’il réalisait sur papier Agfa
Record Rapid ou Portriga Rapid.

98 Réponses PHOTO • n°331 mars-avril 2020

 Notre avis
“La photo, c’est un voyage solitaire”, disait Robert Frank en la com-
parant à son activité de réalisateur de cinéma. Et c’est bien cette
démarche d’observateur silencieux qu’adopte Olivier Bertrand
dans sa série Pays de neige. En dehors des conditions météo et de
l’unité géographique, Olivier explique qu’il ne choisit pas vraiment
ses sujets et se contente d’enregistrer ce qui vient à lui. L’observa-
tion est en effet une qualité indispensable pour faire un bon pho-
tographe, mais une série photographique se construit et se dirige.
C’est à nos yeux ce qui manque au travail qui nous a été proposé.
Nous aimons le minimalisme de certaines compositions, l’absence
de toute présence humaine ou animale et le traitement mono-
chrome qui restreint l’analyse à celle des formes et des contrastes.
En revanche, la série d’Olivier manque à nos yeux de cohérence
dans les différents points de vue et de rigueur dans les cadrages.
Nos conseils
Pour améliorer et enrichir la série qu’Olivier a réalisée, il nous
semble important de prendre un peu de recul et de s’interroger
sur le sujet en lui-même : être un observateur n’empêche pas de
tirer des conclusions de ses observations. Une fois ce recul pris,
il paraît essentiel de pénétrer plus directement dans le sujet. S’il
s’agit des formes que prend la nature, les cadrages doivent être plus
précis en montrant par exemple les arbres dans leur globalité pour
réaliser un inventaire ou en cadrant plus serré jusqu’à s’abstraire du
sujet si l’idée est de réaliser une série plus graphique. Olivier nous
indique qu’il fait ses photos sur trépied pour prendre son temps,
mais alors pourquoi ne pas systématiquement photographier en
basse sensibilité pour garder une unité de rendu ? D’autant plus
que ses temps de pose sont assez courts. Enfin, il nous semble
important de revoir le traitement pour uniformiser les tonalités.
n°331 mars-avril 2020 • Réponses PHOTO 99
RÉPONSES LECTURE DE PORTFOLIO

Une série de Loris Reynaud

sous l’œil critique de Julien Bolle
La croisière l’amuse
Photographe de rue autodidacte, Loris trouve son inspiration dans les livres photo. Pour réaliser cette
série intitulée “All Inclusive”, il a profité d’une croisière en famille, à la découverte d’un monde à part...

LORIS REYNAUD ● Boîtier : Canon AE1

(Marseille) ● Objectif : 28 mm
● Film : Agfa Vista 400

“La croisière, c’est pour moi un bateau qui avance sur un désert
aquatique où rien ne se passe. J’y ai découvert un monde paral-
lèle, où tout ce que l’on paierait dans la vie “normale” devient
gratuit et illimité. Une semaine déconnectée où l’apparence
importe peu, où seul le bien-être compte. Passer du temps en fa-
mille est la raison de ma présence, mais l’appareil autour du cou
24 heures sur 24 me force à partir en balade afin d’arpenter de
long en large et de haut en bas cet immense bâtiment flottant.”

100 Réponses PHOTO • n°331 mars-avril 2020

 Notre avis
La série de Loris m’a fait penser au film Wall-E de Pixar, où les humains
deviennent de grosses limaces incapables de se mouvoir à force d’inac-
tion. En tous cas lui s’est donné du mal, arpentant frénétiquement les
ponts du navire à la recherche de sujets et d’angles. Le résultat est très
plaisant, avec cette touche “vintage” apportée par la matière et les cou-
leurs du film. Mais cela ne serait rien sans l’œil acéré de Loris, un vrai as
de la composition, nourri on l’imagine au grain des maîtres coloristes de
Magnum (Harry Gruyaert, Alex Webb et bien sûr Martin Parr). C’est aus-
si la limite de cette série, qui me semble friser le pastiche et se contenter
de recettes éprouvées sur des sujets “tout cuits” (c’est le cas de le dire !).
Un bel hommage, mais qui reste à la surface des choses, avec des
images assez attendues sur ce thème, trop formelles et univoques, et
qui manquent d’originalité et de profondeur. Au final, l’œil y glisse tel le
navire sur la mer d’huile...

Nos conseils
Afin de dépasser le simple exercice de style référencé, Loris
devra s’affranchir de ses influences et trouver sa propre écriture
visuelle. Pour cela, il devra mettre son œil acéré au service d’un
propos plus structuré et d’un style plus personnel. On ne lui en
veut pas trop car il s’agissait ici d’un sujet un peu improvisé à la
faveur d’un voyage familial, et dans ce contexte il s’en tire très
bien. Mais pour ses prochains travaux, je conseille à Loris de
réfléchir en amont, tant sur le fond (que veut-il montrer de son
sujet ?) que sur la forme (par quelle approche visuelle ?). Une telle
préparation lui aurait permis ici d’obtenir les autorisations néces-
saires pour photographier les “coulisses” du bateau et mettre
ainsi en balance ces images un peu redondantes de vacanciers
avec celles de l’équipage au travail.

n°331 mars-avril 2020 • Réponses PHOTO 101

RÉPONSES LECTURE DE PORTFOLIO

Une série d’ Alan Dub

sous l’œil critique de Julien Bolle
Sur un ferry en Birmanie
Autre bateau, autre ambiance... Alan Dub nous emmène sur un ferry birman, chargé à la force des bras
pour livrer des denrées le long du fleuve Irrawaddy. Un reportage intéressant mais à peaufiner.

ALAN DUB Photographe voyageur freelance, Alan Dub

(La Combe de Lancey) parcourt l’Asie du Sud-Est depuis plus de 20
ans. Passionné par la Birmanie, il y a réalisé
● Boîtier : Canon EOS
différents sujets, notamment la couverture
5D Mk III des élections législatives en novembre 2015
● Objectifs : Tamron pour le compte d’une association française.
24-70mm f:2,8 SP Di VC Le reportage qu’il nous a soumis nous em-
USD et Canon mène à bord des vieux ferries locaux, qui na-
70-200mm f:4 L IS USM viguent sur le grand fleuve Irrawaddy. Il nous
montre les conditions de vie assez précaires
● Traitement : Lightroom
des passagers et porteurs qui travaillent sur
ces bateaux.

102 Réponses PHOTO • n°331 mars-avril 2020

 Notre avis
La démarche d’Alan est celle d’un
photojournaliste donnant à voir une
réalité méconnue. Le sujet est plu-
tôt intéressant, et il est “traité” dans
le sens où l’on assiste à travers ses
images aux étapes du chargement
(entièrement manuel) de la cargai-
son, et que l’on découvre les diffé-
rents aspects de la traversée : cabine
de pilotage, vues extérieures, sieste
bien méritée des travailleurs et pas-
sagers... La faiblesse de la série vient
plutôt de la forme, qui manque de
rigueur et de cohérence, tout en
montrant parfois des redondances
(beaucoup de porteurs aux atti-
tudes similaires). Il semble qu’Alan
“attrape” ses images au cas par cas
avec la focale qui lui convient (ici
du 24 mm au 155 mm), et cadrant
son sujet au centre du viseur. Cela
donne au final des images un peu
impersonnelles, aux cadrages flot-
tants, dénués d’un “regard” vrai-
ment assumé, et qui ne parviennent
pas en l’état à susciter l’empathie.

Nos conseils
Sans tomber dans la photo docu-
mentaire conceptuelle, il reste
indispensable en photoreportage
de bien structurer ses images pour
les rendre séduisantes à l’œil et ainsi
s’assurer de susciter l’intérêt pour
son sujet. L’expérience du terrain,
le talent pour dénicher des thèmes
intéressants, c’est une chose, le
présenter sous une forme visuelle
aboutie en est une autre. Les images
qui fonctionnent le mieux ici, qui
donnent envie de “rentrer” dans le
récit, sont celles qui sont le mieux
composées, comme l’homme fai-
sant la sieste ci-contre. Afin de ra-
conter une histoire tout en gardant
un ton personnel, l’important est de
trouver la bonne distance et de sa-
voir agencer le réel dans son cadre.
Pour cela, l’emploi de focales fixes
est une contrainte technique sou-
vent libératrice, et un bon éditing,
détaché des enjeux de prise de vue,
attaché à la pure qualité des images,
est une autre clé essentielle.

n°331 mars-avril 2020 • Réponses PHOTO 103

RÉPONSES LECTURE DE PORTFOLIO

Une série de Sébastien Ricard

sous l’œil critique de Bruno Labarbère
D’un petit écran à un autre
Les smartphones, compagnons du quotidien omniprésents. Sébastien Ricard a exploré notre relation
avec cet addictif objet de lien social qui, paradoxalement, nous isole du monde.

SÉBASTIEN RICARD
(Paris)
● Boîtier : Panasonic
Lumix G7 et Fujifilm X-Pro1
● Obj. : Lumix G 25/1,7 et
Fujinon XF 27/2,8
● ISO : 100 à 1000 ISO
● Ouverture : f:1,7 à f:2,8
● Vitesse : 1/50 à 1/4000 s

“Qu’est-ce qui représentera le mieux

notre société dans 20 ou 30 ans?”,
s’interroge le photographe. La ré-
ponse surgit comme une évidence :
le smartphone, parfaite incarnation
de notre société dite connectée qui
substitut au réel les interactions par
écrans interposés. Réconfortant
dans les temps morts, incontour-
nable voire presque invasif lors des
grands moments, vit-on vraiment
mieux avec lui ?

104 Réponses PHOTO • n°331 mars-avril 2020

 Notre avis
Un photographe s’intéressant aux smartphones et leurs usages ?
Presque un cliché ! Pourtant, toutes les questions que se pose
Sébastien Ricard sont aussi légitimes que pertinentes, s’inscri-
vant dans une démarche sociologique et ethnologique. Ambi-
tieux programme. Et c’est là que le bât blesse : pour l’heure, le
portfolio proposé esquive la confrontation philosophique pour
rester en surface. En l’état, il s’agit encore d’un inventaire hété-
roclite à la Prévert. Le recours à des focales fixes “humaines”
(équivalentes à des 40 et 50 mm) associé à des cadrages à
hauteur d’yeux permet d’accentuer l’aspect documentaire du
travail. Mais il s’agit bien de la seule cohérence entre chaque
image déconnectée l’une de l’autre et communiquant diffici-
lement entre elles. Paradoxale mise en abîme. Le fil rouge du
téléphone ne semble alors plus qu’un prétexte.
Nos conseils
La difficulté avec un thème d’apparence aussi large que celui
des smartphones est de ne pas se disperser afin de rester foca-
lisé sur quelques fils conducteurs forts. Pour un documentaire,
il s’agit donc de trouver un angle. Mais lequel ? Celui-ci peut se
définir en amont à travers une réflexion approfondie qui per-
mettra d’être plus efficace lors de la prise de vue. À l’inverse, un
angle peut se dégager au fur et à mesure de l’avancée du pro-
jet, grâce aux motifs récurrents qui émergeront naturellement.
En sociologie, nous parlerions de “patterns”. Du point de vue
technique, l’approche par des focales standards est judicieuse
et l’utilisation exclusive de la pleine ouverture pertinente. Il fau-
dra désormais s’attacher à la régularité dans la gestion de la
distance par rapport aux sujets, et trancher entre la proximité
intimiste et la distance d’un observateur extérieur neutre.
n°331 mars-avril 2020 • Réponses PHOTO 105
RÉPONSES CONCOURS

PrixdujuryNoir&Blanc
Concours argentique
Une photo en noir et blanc ne s’exprime jamais mieux que sous la forme d’un beau tirage argentique
ou d’une impression soignée. Ce concours à thème libre est fait pour les grands amoureux du papier !

C
haque année, le Prix du Jury
Noir & Blanc, proposé par
Lumière Imaging en parte-
nariat avec Réponses Photo, est
LE rendez-vous des amoureux
du noir et blanc et des beaux
tirages. Ce concours s’adresse
aussi bien à ceux qui tirent (ou
font tirer) sur du papier argen-
tique qu’aux adeptes des im-
pressions jet d’encre, réalisées
chez soi ou en laboratoire. Le
thème est LIBRE, ce qui per-
met à chacun de s’exprimer
dans le style photographique
qui lui est propre. Mais gardez
à l’esprit que le niveau de ce
concours est souvent élevé : le
jury espère être étonné, touché,
bousculé par vos images et par
leur traduction sur le papier.
Tous les formats sont acceptés,
entre le 20x30cm et le A3+.
Le nombre de tirages par par-
ticipant n’est pas limité, mais
chaque proposition sera jugée
indépendamment. Pour les ti-
rages et impressions de fichiers
numériques, merci de joindre
une copie de ceux-ci sur CD.
Seule la version papier sera ju-
gée, le fichier ne servira qu’à la
reproduction dans le magazine
si vous êtes l’un des lauréats.
Date limite de réception de
vos envois : le 9 mars 2020.
Adressez votre dossier à :
Prix du Jury N&B - Réponses
Photo, 8 rue François Ory,
92543 Montrouge Cedex.
Nous vous renverrons vos
images si vous joignez à votre
envoi une enveloppe retour
suffisamment affranchie et au
bon format ! DENIS DUCLOS GRAND PRIX 2019

106 Réponses PHOTO • n°331 mars-avril 2020

LUMIÈRE2020 P DR I X
U JURY
N O I R && B L A N C
2020

et jet d’encre

DIDIER LOMBRA GRAND PRIX 2018 JEAN-LUC COUDUN GRAND PRIX 2017

Que gagne-t-on ?
✔ 1er prix : UN CHÈQUE DE 500 €
+ un tirage d’exposition argentique ou
numérique 60x80 cm
✔ 2e prix : un bon d’achat d’une valeur
de 300€ en produits Lumière Imaging
✔ 3e prix : un bon d’achat d’une valeur
de 200€ en produits Lumière Imaging
✔ 4e et 5e prix : un bon d’achat
d’une valeur de 100 € en produits
Lumière Imaging
✔ Du 6e et 10e prix : une boîte de
25 feuilles A4 de papier jet d’encre
Prestige Fibre Baryté Lumière
CHRISTIAN BASSOT GRAND PRIX 2016

n°331 mars-avril 2020 • Réponses PHOTO 107

RÉPONSES CONCOURS

Concours RP/FEPN 2020

Spécial 20  ans
Le nu intemporel
L’édition 2020 du Festival
Européen de la Photo de Nu
qui se tiendra à Arles au mois
de mai prochain marquera
le 20e anniversaire de cette
manifestation qui s’est
imposée au fil des ans dans le
paysage photographique.
Chaque année, le FEPN
expose dans les lieux arlésiens
emblématiques (Chapelle
Sainte-Anne, Palais de
l’Archevêché, Espace Van
Gogh, etc.) une trentaine
d’artistes venus de tous les
pays. Vous joindrez-vous cette
année à eux ? Serez-vous
l’heureux lauréat du concours
organisé à cette occasion ?
Réponses Photo s’associe au
FEPN, à Picto et à Lumière
Imaging pour offrir au
gagnant de cette compétition
difficile mais ouverte à tous
l’opportunité d’exposer son
travail dans le cadre du
prochain festival.

Bruno Rédarès, Fiona, 1999.

Photo illustrant l’affiche
de la première édition du FEPN.
Voir avec le regard de l'autre

108 Réponses PHOTO • n°331 mars-avril 2020

C Portfolios, concours
ette année encore, Réponses Photo et le Festival Euro-
péen de la Photo de Nu vous offrent l’opportunité d’ex-

Comment participer
poser vos œuvres sur les cimaises de l’espace Lumière
Imaging dans le cadre de la 20e édition du festival, qui se
tiendra au mois de mai 2020 à Arles. Les photographies du
lauréat seront tirées par le prestigieux laboratoire Picto. Vous
avez jusqu’au 9 mars 2020 pour nous faire parvenir vos pro- Depuis sa création, Réponses Photo publie
positions, par courrier postal ou en version numérique. Pour les séries de ses lecteurs. Pour nombre d’entre
ce faire, suivez les indications d’adresses ci-contre à droite. eux, ce fut même le premier pas vers la
Votre dossier de participation sera constitué d’une série de
reconnaissance! Si vous aussi vous voulez voir
5 à 10 photos maximum, noir et blanc ou couleur, accompa-
gnées d’une note explicative et le cas échéant des autorisations un jour vos œuvres imprimées dans nos pages
signées nécessaires. ou exposées sur notre site, vous pouvez
Pour cette édition du 20e anniversaire du FEPN, le jury com- participer à nos concours ou nous envoyer
posé de représentants du festival, de Lumière Imaging, de
Picto et de Réponses Photo, vous propose de travailler sur le
spontanément un dossier, ou encore prendre
thème suivant: LE NU INTEMPOREL rendez-vous avec la rédaction.
Plus que dans tout autre genre probablement, la photographie
de nu a cette capacité de s’abstraire de tout repère temporel, Participer par courrier:
ce qui lui confère une relation toute particulière à l’histoire Réponses Photo, 8 rue François Ory,
de l’art, comme bien avant elle la sculpture classique. C’est 92543 Montrouge Cedex
à cette idée de relation au temps que le jury sera particuliè-
rement attentif à l’heure de délivrer son palmarès, en même Envoyer un dossier Wetransfer, Dropbox, etc :
temps qu’à la cohérence, l’originalité et la maîtrise technique concours@reponsesphoto.fr
des séries présentées.

Participer aux concours thématiques

Nous vous proposons régulièrement des compétitions
ponctuelles, récompensées par des prix spécifiques: matériel,
stages, expositions, livres... Ces concours se déroulent sur une
période dont la durée est variable, et avec une date limite d’envoi
impérative… qu’il est prudent d’anticiper! Les modalités de
participation sont propres à chaque concours. Les photos
envoyées pour un concours thématique et qui n’ont pas gagné
un des prix proposés peuvent se retrouver publiées, avec l’accord
de leur auteur, dans d’autres parties du magazine, par exemple
la rubrique “Lecture de portfolio”.

Proposer un portfolio
La section Découverte de notre magazine est ouverte à tous.
Seul le talent compte, ou plus exactement la qualité du regard
et la maturité de la démarche du photographe! Chaque mois,
la rédaction choisit parmi les dossiers envoyés ceux qui sont
susceptibles d’être publiés sous la forme d’un portfolio rémunéré.
Pour avoir une chance d’être publié, faites-nous parvenir une
Que gagne-t-on ? série d’images homogènes sur un thème précis (10 photos
au minimum, 20 au maximum), ainsi qu’un texte expliquant la
thématique abordée. Un CV de l’auteur est également apprécié.
✔ 1er prix : UNE EXPOSITION Si votre dossier n’est pas retenu pour publication d’un portfolio,
DANS LE CADRE DU FESTIVAL il peut être sélectionné dans la rubrique “Lecture de portfolio”,
FEPN 2020 auquel cas vous serez récompensé d’un chèque de 100€.
Tirages d’expo effectués par le laboratoire
PICTO en partenariat avec Lumière Imaging Présenter vos images à la rédaction
Régulièrement, nous recevons à la rédaction les photographes
✔ 2e prix : un stage photo qui souhaitent nous montrer leurs dossiers afin d’obtenir une
offert par le FEPN publication. Cette possibilité est ouverte à tous les lecteurs
du magazine, quels que soient leur “statut” et leur niveau
✔ 3e prix : un bon d’achat de 200 € photographique. Seule nécessité: disposer d’un vrai travail
cohérent et d’une sélection d’au moins 10 photos sur un thème.
en produits Lumière Imaging Pour vous inscrire sur notre planning de rendez-vous, vous devez
téléphoner à Françoise, notre assistante, au 0141861712.

n°331 mars-avril 2020 • Réponses PHOTO 109

RÉPONSES ÉQUIPEMENT

Canon EOS
1DX Mark III
LE REFLEX PRO TIENT
TOUJOURS LA ROUTE
Alors que l’hybride gagne du
terrain et vient de dépasser
pour la première fois le reflex
sur le marché français, Canon
reste fidèle au miroir sur son
nouveau modèle pro. Nous
avons essayé sur le terrain
cette troisième génération de
l’EOS-1DX, et on ne peut pas
dire que le viseur électronique
nous ait beaucoup manqué...
Texte et photos Julien Bolle

D
ans l’incertitude qui domine au-
jourd’hui le marché de la photo,
il est rassurant de constater que
certains rendez-vous sont tou-
jours honorés. Ainsi, comme une
horloge bien huilée, le nouveau reflex pro
Canon revient tous les quatre ans, à la fois
le même et un peu différent, avec pour pré-
texte (ou comme symbole si l’on veut) les
Jeux Olympiques d’été. Voici donc la troi-
sième incarnation de l’EOS-1D X sorti en
2012, ce dernier étant déjà une évolution
de l’EOS-1D de 2001 (qui arborait alors fiè-
rement 4 MP !), lui-même basé sur l’EOS-1
argentique originel de 1989. Un nouveau derrière les téléobjectifs blancs des événe- en terrain connu. Même imposant gabarit,
boîtier qui paraît presque anachronique ments sportifs (on ne parle pas des Sony !). d’emblée clivant (soit rédhibitoire, soit ras-
à l’heure de l’hybride. Canon ayant enfin Ce ne sera pas pour cette fois... surant, selon les goûts, les besoins et l’en-
lancé en 2018 ses boîtiers 24x36 à viseur durance de chacun – et même si l’on perd
électronique EOS R, certains imaginaient Plus neuf qu’il n’y paraît 90 g, on reste autour de 1,5 kg boîtier nu),
que le haut de gamme allait enfin pouvoir Quand nous découvrons l’engin (en pré- même fabrication tropicalisée ultra robuste,
s’affranchir du miroir, et que les hybrides production) lors d’un événement organisé même poignée enveloppante avec touches
allaient commencer à remplacer les reflex par Canon pour la presse, nous sommes dédoublées pour une prise en main indif-

110 Réponses PHOTO•n°331 mars-avril 2020


féremment horizontale ou verticale, même
viseur aussi spectaculaire que confortable.
Alors que ce bloc taillé pour la performance
est bien loin des coquetteries des appa-
reils néo-rétro, ce pentaprisme généreux
lui donne presque aujourd’hui une touche
“vintage”. Avec son grossissement de 0,76x,
il n’a rien à envier aux derniers EVF, avec
l’avantage de se sentir totalement dans la
scène, et non pas déjà devant l’écran pixel-
lisé de son ordinateur, lorsqu’on appuie sur
le déclencheur. Et surtout, on ne subit abso-
lument aucun décalage temporel entre ce
qui se passe et ce que l’on voit...
L’appareil est donc très familier, l’idée étant
de ne pas désorienter les photographes ha-
bitués à cet outil de travail. Pourtant, la liste
des nouveautés est impressionnante, et par-
fois déterminante comme on s’en aperçoit
rapidement à l’usage.
La première modification que l’on re-
marque, c’est la petite fenêtre placée sur
la touche AF-On (et son double en tenue
verticale). Il s’agit d’un capteur optique
(comme sur une souris d’ordinateur) dé-
tectant le mouvement du pouce, même
vêtu d’un gant. On peut ainsi déplacer le
collimateur (ou groupe de collimateurs) AF
Un outil taillé pour la vitesse
Armé d’un autofocus plus
novateur qu’il n’y paraît,
l’EOS-1D X Mk III nous a
impressionnés sur un de ses
terrains de prédilection, le circuit
automobile. On a ici descendu la
vitesse au 1/60 s pour un effet de
filé sur l’arrière-plan. Car en
sports mécaniques, trop de
netteté “tue” le mouvement...
actif, aussi bien en visée optique qu’en Live
View. C’est moins précis (du moins pour le
novice) mais plus rapide qu’avec le joystick
dédié, qui demeure disponible. Les pho-
tographes pros qui ont eu en main l’appa-
reil plus longtemps que nous semblaient
conquis. D’autres nouveautés étaient atten-
dues de longue date, comme l’écran offrant
enfin des fonctions tactiles complètes, ou
les touches arrière qui s’éclairent en même
temps que le petit écran secondaire pour
s’y retrouver dans l’obscurité.
Une autre différence s’impose quand on
ouvre la trappe à cartes mémoire. En lieu
n°331 mars-avril 2020 • Réponses PHOTO 111
RÉPONSES ÉQUIPEMENT
Le mode rafale passe
à 16 i/s en visée
optique et 20 i/s en
Live View, contre 14 et
16 sur l’ancien modèle.
Le viseur optique reste
inchangé, avec une
couverture de 100 %
et un grossissement
de 0,76 x.
Autrefois limitées à la sélection
du point AF, les fonctions tactiles
de l’écran sont enfin complètes.
La dalle offre aussi une résolution
améliorée avec 2,1 millions de
points R, V, et B contre 1,6 millions
précédemment.
112 Réponses PHOTO • n°331 mars-avril 2020
La sensibilité maximum
disponible double par rapport
au Mark II, avec 102 400 ISO par
défaut et jusqu’à 819 200 ISO en
mode étendu, pour les cas
extrêmes !
La touche d’activation AF-On
permet dorénavant de
déplacer les collimateurs AF
grâce à un capteur tactile.
Autre lacune corrigée, les Le double slot à cartes
touches jouxtant le petit abandonne le tandem
écran arrière deviennent CF/CFast pour le récent
rétroéclairées pour une standard CFexpress.
manipulation plus aisée dans Cela offre au boîtier une
l’obscurité. On note aussi disponibilité de chaque
l’arrivée du format HEIF. instant.
et place des deux formats hétéroclites
Compact Flash et CFast, le double lo-
gement accepte ici le nouveau format
CFexpress, à la fois plus compact et per-
formant. Et si les cartes ressemblent aux
XQD de Nikon, les deux formats ne sont
pas compatibles entre eux. Offrant des
débits décoiffants en écriture (de l’ordre
de 1400 Mo/s), ces cartes aussi rapides
qu’onéreuses permettent, comme nous
l’avons vérifié sur le terrain, des rafales
sans interruption. Et celles-ci montent
à 16 i/s au viseur, et à 20 i/s en Live
View, le tout en AE/AF (calcul continu
de l’exposition et de la distance de mise
au point) ! La mémoire tampon de l’ap-
pareil a été mise au diapason, et Canon
annonce pas moins de 1000 vues comme
plafond en format Raw avant que la rafale
ne se bloque... Nous n’avons pas poussé
jusque là !
Un capteur AF repensé
De toute façon, les photographes de sport
travaillent assez peu en rafale, ni d’ailleurs
en Raw, ils préfèrent viser “juste” et béné-
ficier de l’immédiateté du Jpeg. Mais le
leitmotiv de cet appareil, c’est la disponi-
bilité, et il place donc le curseur bien au
delà des besoins moyens pour ne jamais
entraver le travail en cours. En cela, le
raccourcissement du “blackout” (inter-
ruption de la visée pendant le déclen-
chement), rendu possible par un méca-
nisme entièrement revu de déplacement
du miroir lors de l’obturation, est une
amélioration très significative à l’usage.
On découvre également que le nouveau
modèle est capable de travailler dans le
silence total si l’on exploite l’obturateur
électronique, et ce sans effet de rolling
shutter gênant.
En ouvrant les menus, on note la pré-
sence d’un format d’image inédit. À
côté des classiques Raw et Jpeg, le for-
mat HEIF, déjà rencontré sur les récents
iPhones, autorise la capture d’images à
large plage dynamique (HDR) et gamut
étendu, pour un rendu naturel à l’œil.
Plus qualitatif que le Jpeg (10 bits contre
8), tout en étant plus compressé (fichiers
plus petits), il n’est pour l’instant exploi-
table qu’avec des moniteurs et téléviseurs
de dernière génération (dont ne fait pas
partie l’écran de l’appareil !). Si besoin, on
pourra convertir en Jpeg les images HEIF
depuis le boîtier.
L’essentiel onglet dédié à l’autofocus est
toujours aussi riche en paramétrages, il a
même été un peu simplifié, mais rien a
priori de très nouveau à part un mode au-
tomatique dans les options de détection de
sujet. Qu’on ne s’y trompe pas, il s’agit là de
l’apport le plus conséquent de ce Mark III.
L’appareil adopte en effet un capteur auto-
focus secondaire (donc en visée reflex) qui
s’apparente davantage à ce que l’on trouve
habituellement en Live View (et donc sur
les hybrides). En lieu et place des tradition-
nelles barrettes de CCD servant à la corré-
lation de phase, ce reflex opte pour un trio
de capteurs CMOS similaires au capteur
image principal. Pour faire court, cela per-
met une détection plus fine du sujet dans
l’espace avec 191 points (contre 61 sur le
Mk II) dont 155 en croix, autorisant, en tan-
dem avec des algorithmes nourris au “Deep
Learning”, une reconnaissance poussée des
motifs, notamment des visages et même
des têtes en général. L’avantage de cette
architecture, c’est aussi que le comporte-
ment et le pilotage de l’AF en Live View et
au viseur restent assez proches, alors qu’on
a parfois l’impression de piloter deux appa-
reils différents quand on passe du viseur à
l’écran sur les reflex actuels. On espère voir
cette technologie s’étendre à des reflex plus
abordables. Cela dit, la visée Live View à
l’écran reste ici supérieure en termes de
cadence rafale (20 i/s), de couverture
(90x100%), et de finesse de détection (3869
points, ce qui permet notamment la détec-
tion des yeux du sujet). Même si l’usage de
l’écran restera secondaire chez les utilisa-
teurs de ce Mark III, l’appareil n’a alors rien
à envier aux hybrides haut de gamme, dont
il a intégré le meilleur (sauf bien sûr la com-
pacité !). On a pu vérifier l’extrême rapidité
et la grande acuité de cet autofocus lors de
nos essais, l’AF ne décrochant que dans les
cas extrêmes, comme un sujet entrant sou-
dainement dans le champ.
Autonomie et connectivité boostées
Tout cela ne serait rien sans une sérieuse
autonomie. Bonne nouvelle, celle-ci a été
plus que doublée, passant de 1210 à 2850
vues... selon la norme TIPA, assez prudente
car au terme de notre essai, après plus de
3000 vues au compteur, l’appareil affichait
une batterie à moitié déchargée seulement !
On est loin des hybrides et de leur autono-
mie limitée à quelques centaines de vues
au mieux.
Parmi les nouveautés qui faciliteront la
vie des pros, on note aussi des possibilités
accrues et des performances améliorées
en matière de connectivité. Les reporters
pourront ainsi transférer encore plus vite et
de façon plus souple leurs images à leurs
rédactions. Un module Wi-Fi (avec Blue-
tooth) est enfin intégré (le module optionnel
WFT-E9 reste plus puissant), les modes de
connexions câblées sont plus riches, et les
deux peuvent fonctionner en même temps.
Autrefois bridées, les fonctions vidéo sont
aujourd’hui très complètes, rendant obso-
lète le concept d’un boîtier dédié comme
l’EOS-1D C. L’appareil peut ainsi filmer
en 5,5K et enregistrer au format Raw en

Test en rafale Cette séquence de 9 images est en fait un “best-of” d’une rafale comprenant une centaine d’images. Avec une cadence de 16 i/s, on n’a que
l’embarras du choix. D’autant que l’AF ne décroche que très rarement une fois le sujet verrouillé, et ce même avec le nouveau mode automatique comme ici,
alors qu’avec un sujet aussi rapide, il devient délicat sur les dernières images de cadrer correctement au 400 mm ! Dans la “vraie vie”, les pros ont la gâchette
moins facile et préfèrent dégainer au bon moment... Priorité vitesse 1/400 s, 100 ISO, l’exposition AE donnant des ouvertures autour de f:5,6.

n°331 mars-avril 2020 • Réponses PHOTO 113

RÉPONSES ÉQUIPEMENT
interne. Les très hautes définitions ne sont
plus synonymes de recadrage drastique
ni de rolling shutter intempestif (même si,
comme avec l’obturateur électronique en
photo, une légère déformation reste per-
ceptible sur les mouvements rapides).
Peu de pixels, mais images belles
Finalement, la principale limite de ce nou-
veau modèle, c’est sa définition, qui n’évo-
lue pas depuis le dernier 1DX et reste blo-
quée à 20 MP. Soit 30x40 cm en 300 dpi (ou
ppp en VF). Pas un problème dans la majo-
rité des cas, puisque l’appareil est destiné
à récolter des images qui seront observées
dans des magazines ou sur des écrans. Mais
si on nourrit d’autres velléités, artistiques
(exposition) ou commerciales (supports
grand format), la crainte de la pixellisation
pourra se faire sentir. En ce sens, l’EOS-
1DX Mark III n’est pas encore tout à fait
l’appareil professionnel idéal et entièrement
polyvalent. La série EOS 5D, sans doute
bientôt enrichie, reste la réponse à ceux
qui cherchent davantage la précision que
la vitesse. Cela dit, si la définition n’évolue
pas, ce nouveau capteur de 20 MP apporte
beaucoup en qualité. Selon le fabricant, les
performances ont été améliorées en basse
lumière (sensibilité en progrès) comme en
forts contrastes (dynamique plus grande), et
les premiers résultats obtenus semblent le
confirmer. Sur le papier, la sensibilité atteint
désormais 102400 ISO, avec extension pos-
sible à 819200 ISO. On regrette alors que ce
capteur ne soit pas stabilisé, un équipement
qui, couplé au stabilisateur optique des
objectifs, aurait pu faire des merveilles en
basse lumière comme sur certains hybrides.
Autre modification décisive, celle du filtre
anti-moiré recouvrant le capteur. Son archi-
tecture innovante semble aller dans le sens
d’un piqué plus naturel des zones nettes, et
d’un flou d’arrière-plan plus harmonieux.
Les fichiers Jpeg fournis par l’appareil avec
les réglages par défaut offrent un bel équi-
libre en termes de détails, d’exposition et
de couleurs, si bien qu’on ressent rarement
le besoin de les reprendre en Raw. Tant
mieux, car faute de version compatible du
logiciel DPP à l’heure où nous bouclons ce
test, nous n’avons pas encore pu exploiter
nos fichiers Raw. À suivre donc dans un
test complet. L’EOS-1DX Mark III devrait
commencer à être livré mi-février à 7300€
boîtier nu, soit quelque 1000€ de plus que
le modèle actuel.

1/800 s • f:3,5 • 100 ISO

Détail d’un 60x90 cm

Portrait en contre-jour Réalisé avec le classique zoom 24-70 mm f:2,8L II USM en position 65 mm, ce double portrait
montre le rendu naturel des lumières, des couleurs et des détails du nouveau capteur, et la dynamique en progrès,
seules les très hautes lumières étant écrêtées. En mode Live View, on peut profiter de la détection AF des yeux. Le
détail montre aussi la principale limite de l’appareil : sa définition de 20 MP qui donne ici une résolution de 150 ppp.

114 Réponses PHOTO • n°331 mars-avril 2020

1/64 s • f:2,8 • 51 200 ISO

Détail d’un 60x90 cm

L’as des basses lumières Notre 1D X Mk III était un modèle de présérie, aux performances amenées à être
améliorées avant la mise sur le marché. Cela dit, les résultats en hautes (et très hautes) sensibilités sont
déjà encourageants, et il a fallu le pousser dans ses retranchements comme ici à 51 200 ISO pour que
l’image se dégrade (dynamique limitée, grain marqué). Mais à l’œil nu, c’était l’obscurité !
1/100 s • f:2,8 • 100 ISO

POINTS FORTS

© Construction superbe
© Performances AF superlatives
© Rendu d’image très agréable
© Viseur spectaculaire
© Autonomie très confortable
© Fonctions exhaustives
POINTS FAIBLES

ª Gabarit très imposant

ª Définition photo limitée
ª Autofocus paradoxalement
meilleur en Live View
ª Tarif élitiste
ª Cartes CFexpress très chères
Netteté tranchante La reconnaissance des yeux des animaux n’est pas encore enseignée au processeur
par le “Deep Learning”, encore moins quand ceux-ci sont des insectes. Mais le pilotage manuel de l’AF
se montre tellement souple que l’on rate rarement sa cible sur les sujets complexes et peu mobiles.
On aime ★ ★ ★ ★★

n°331 mars-avril 2020 • Réponses PHOTO 115

RÉPONSES ÉQUIPEMENT

HYBRIDES 24X36
Montures et objectifs
à la loupe
Avec leur tirage mécanique réduit, les appareils hybrides ont en monture RF ou sur un hybride Leica,
Panasonic ou Sigma en monture L. En an-
introduit de nouvelles montures d’objectifs donnant naissance nonçant une réduction de l’encombrement
à de nouvelles gammes. Chacun y est allé de ses explications de leurs boîtiers, les fabricants ont donc
pour annoncer les progrès que permettraient en termes de laissé penser à de nombreux utilisateurs
que leurs objectifs suivraient le même par-
performances ou de qualités optiques ces évolutions. Mais cours. Or, le fait que tous les systèmes que
qu’en est-il vraiment dans la pratique ? Pascale Brites et Bruno Labarbère nous venons de citer sont conçus pour cou-
vrir le format 24x36 mm des capteurs im-

E
n supprimant le miroir qui permet aux
reflex d’offrir une visée optique TTL,
les fabricants d’appareils hybrides
ont conçu des boîtiers au tirage mé-
canique – distance entre la bague de
monture de l’objectif et le capteur – réduit.
Ce changement d’ampleur impose donc
d’utiliser des objectifs à la formule adaptée
ou d’ajouter une bague d’adaptation dont
l’épaisseur compense cette réduction.
À titre d’exemple, le tirage mécanique d’un
reflex Canon EOS est de 44 mm et celui
d’un reflex Nikon en monture F de 46,5 mm
alors qu’il est de 16 mm sur un hybride Ni-
kon en monture Z, de 18 mm sur un Sony
en monture E et de 20 mm sur un Canon
plique obligatoirement un encombrement
optique conséquent. En effet, pour couvrir
un large champ, un objectif doit utiliser des
lentilles de diamètre important tandis que
l’exigeance de qualité des capteurs impose
souvent des formulations optiques com-
plexes ayant recours à de nombreuses len-
tilles. De plus, les moteurs autofocus ou les

116 Réponses PHOTO • n°331 mars-avril 2020

mécanismes de stabilisation prennent eux
aussi de la place. Prenons pour exemple
un classique du catalogue de tous les fabri-
cants : les zooms transstandards 24-70 mm
à ouverture constante f:2,8. Chez Canon et
Nikon, ils mesurent et pèsent respective-
ment 89x113 mm pour 805 g et 88x155 mm
pour 1070 g en reflex tandis que leurs
homologues pour hybrides ne font guère
beaucoup mieux avec 89x126 mm et 900 g
pour le RF 24-70 mm f/2,8L IS USM ou
805 g pour le Nikkor Z 24-70 mm f/2,8 S qui
doit en partie son allégement à l’absence
de système de stabilisation, ici confié aux
Z6 et Z7. Le Sony FE 24-70 mm f/2,8 GM
mesure 88x136 mm pour 886 g, le Panaso-
nic S Pro 24-70 mm f/2,8, 91x140 mm pour
935 g et le Sigma Art 24-70 mm f/2,8 DG
DN 88x123 mm pour 835 g. Pour réellement
alléger sa besace, pas de miracle, c’est donc
vers un système à plus petit capteur qu’il
faut se tourner. Chez Fujifilm qui a fait le
choix de l’APS-C, le XF 16-55 mm f/2,8
R LM WR, équivalent au champ d’un 24-
84 mm en 24x36, mesure 83x106 mm et
pèse 655 g. La différence est encore plus fla-
grante en micro 4/3 puisque l’Olympus M.
Zuiko Digital ED 12-40 mm f/2,8 Pro, équi-
valent au champ d’un 24-80 mm en 24x36,
mesure 62x84 mm et pèse 382 g tandis que
le Lumix GX Vario 12-35 mm f/2,8 II Asph
Power OIS mesure 68x74 mm pour 305 g.
Profitant de la nécessité de développer de
nouveaux objectifs adaptés au tirage méca-
nique réduit de leurs boîtiers, certains fabri-
cants ont revu le diamètre de leur monture.
C’est notamment le cas de Nikon qui passe
d’une monture F de 44 mm de diamètre
à 55 mm pour son système Z. Canon
conserve avec sa monture RF les 54 mm
déjà conséquents de la monture EF tandis
que la monture L s’installe à 51,6 mm. La
plus petite est la monture Sony E dont le
diamètre de 46 mm est même inférieur à
celui de la monture Minolta A utilisée en re-
flex. Cette dimension, associée à celle du ti-
rage mécanique des boîtiers, définit le cône
utile de lumière entrant dans la chambre de
l’objectif et donc la facilité avec laquelle les
fabricants se trouvent en mesure de pro-
duire des objectifs très lumineux. C’est l’ar-
gument mis en avant par Nikon qui profitait
de la sortie de ses Z6 et Z7 pour annoncer
le développement de son Z 58 mm f/0,95
S Noct dont l’ouverture n’est proposée sur
aucun objectif de sa gamme reflex.
Échanges rapides
Force est de constater que dans le secteur
des hybrides à capteur 24x36, les fabricants
ont effectivement redoublé d’efforts pour
proposer des objectifs d’exception. Ainsi,
Canon a accompagné la sortie de son
EOS R de celle d’un 50 mm f:1,2 et d’un
28-70 mm f:2 rejoints prochainement par
un 85 mm f:1,2 tandis qu’en monture L, si
Panasonic s’est montré moins ambitieux
avec l’ouverture f:1,4 de son 50 mm, Sigma
se distingue par la sortie de son 35mm f/1,2
DG DN Art également décliné en monture
Sony E. Nous ne nous attarderons pas sur
le nombre accru de contacteurs des diffé-
rentes montures, compris entre 10 et 12,
qui doivent favoriser des échanges rapides
entre objectif et boîtier. Constatons plutôt
qu’au niveau de la qualité d’image, c’est
surtout le fait que les gammes hybrides
24x36 soient plus récentes qui a permis de
développer des objectifs plus performants.
La plus ancienne des montures citées ici est
la monture Sony E dévoilée en 2010 avec
la sortie des Nex-3 et Nex-5 et qui accueil-
lera dès 2013 le capteur 24x36 de l’Alpha 7.
L’offre pour cette monture est la plus vaste
mais aussi par conséquent la plus disparate
avec d’excellents objectifs professionnels
et des références moins ambitieuses mais
aussi moins chères. La monture L a fait son
apparition en 2014 pour l’hybride APS-C
Leica T avant d’être utilisée sur le SL en
24x36 et d’être partagée avec Panasonic et
Sigma en 2018. Comme pour les montures
Canon RF et Nikon Z, la production d’objec-
tifs dans cette monture est donc récente, ce
qui explique leur qualité en hausse. Les stra-
tégies adoptées par les fabricants n’en sont
pas moins différentes. Nous vous proposons
donc de procéder à une analyse croisée
marque par marque.
n°331 mars-avril 2020 •Réponses PHOTO 117
RÉPONSES ÉQUIPEMENT

La gamme RF se compose de dix

RF
références alors qu’en reflex, Canon en

MONTURE CANON
propose plus de cinquante auxquelles
s’ajoute l’offre de fabricants tiers. Pour
séduire le public, la marque a misé sur
une offre haut de gamme.

Sur les dix
objectifs RF
disponibles,
seul le 35mm
f/1,8 IS STM
Macro est à un
L’AVIS DE tarif inférieur à
PASCALE 1000€, tandis
BRITES qu’un unique
zoom, le 24-
240mm f/4-6,3L IS USM, pro-
pose une ouverture glissante.
Certes, la marque propose
plusieurs bagues d’adaptation
pour profiter de ses objectifs
EF et EF-S sur un hybride EOS
R ou EOS RP, mais en mon-
ture native, l’offre s’avère donc
concentrée sur des références
lumineuses et onéreuses. Tous
les objectifs que nous avons pu
prendre en main bénéficient
d’une excellente qualité de
fabrication qui s’appuie sur la
présence de joints d’étanchéité
et d’une bague de réglage per-
sonnalisable. Jusqu’à présent,
la stratégie de développement
de Canon est cohérente et sa
gamme optique RF homogène.
Comme en reflex, la marque
propose en kit un zoom 24-
105mm f:4 stabilisé. Il est très
légèrement plus compact et
plus léger en monture RF, mais
surtout sa qualité d’image est
supérieure, notamment en rai-
son d’une meilleure homogé-
néité de rendu aux différentes
ouvertures et aux différentes fo-
cales. Le RF 70-200mm f/2,8L
IS USM est aussi un bel exemple
de la qualité supérieure des
objectifs RF sur leurs pendants
EF. L’usage de deux lentilles
asphériques, quatre lentilles en
verre UD et une super UD ainsi
qu’un nouveau système autofo-
cus ont permis de réduire son
poids et son encombrement.
Là encore, l’homogénéité de
rendu est à mettre au rang de
ses avantages face à la version
EF. Enfin, l’amélioration des
corrections embarquées dans
les appareils permet aux EOS
R et RP d’éradiquer les résidus
de distorsion et de vignetage.
En somme, nos tests ont mon-
tré que les objectifs RF surpas-
saient leurs homologues EF.
Mais difficile de dire si c’est la
monture hybride qui le permet
ou la volonté de Canon d’im-
pressionner avec ses dernières
technologies.
“Nous avons
développé
la monture
RF en anti-
cipant les
évolutions de
L’AVIS DE l’optique et
BRUNO des besoins
LABARBÈRE p h o t o g r a -
phiques pour
les trente prochaines années”,
aime expliquer Canon. En
1987, le même argument a jus-
tifié le remplacement total de
la monture FD par la monture
EF du système EOS. C’est une
révolution, il faut tout changer
(encore) ! Mais force est de
constater que cela leur a réussi
et que les optiques RF sont
toutes d’un excellent niveau.
Néanmoins, deux ombres
planent sur ce tableau idyllique.
La première est que Canon a
préféré mettre l’accent sur l’ou-
verture et la performance brute
au détriment de la compacité,
tuant dans l’œuf l’un des prin-
cipaux arguments des hybrides
par rapport aux reflex. La se-
conde ombre est plus vicieuse.
Canon est le seul constructeur
utilisant une monture différente
entre ses hybrides 24 x 36 mm
et ceux en APS-C, respective-
ment RF et EOS-M, et surtout
strictement incompatibles
entre elles. Avec un tirage mé-
canique de 20 mm pour la RF
et 18 mm pour l’EOS-M, cela
implique que les photographes
ayant investi dans un hybride
Canon APS-C ne pourront pas
réutiliser leurs objectifs sur un
hybride Canon 24 x 36 mm.
De quoi étouffer toute velléité
de montée en gamme et le cas
échéant, vous faire passer deux
fois à la caisse. Mais ils nous
avaient déjà fait le coup avec
“l’incompatibilité” EF-S/EF.
Reconnaissons toutefois que
Canon propose les bagues
d’adaptation reflex vers hy-
brides les plus astucieuses du
marché. Maigre consolation
qui ne fait pas oublier que les
boîtiers RF sont, pour l’heure,
les seuls hybrides 24 x 36 mm
dépourvus de stabilisation
mécanique. Ce qui mène à un
paradoxe : si l’usage d’objectifs
EF est optimal sur boîtiers RF,
les anciennes optiques Canon
FD sont plus sympas à utiliser...
sur des boîtiers concurrents.

CARACTÉRISTIQUES
Monture : Canon R
Diamètre interne : 54 mm
Tirage mécanique : 20 mm
Nombre de contacts : 12
Fabricants d’objectifs
compatibles : Canon,
Samyang (un seul
objectif AF), Meike (MF
uniquement), Laowa (sans
contacts électroniques)
COMPATIBILITÉ
Les nouveaux clients de ses hybrides
24 x 36, Canon cherche davantage
à les recruter parmi les utilisateurs
de ses propres boîtiers reflex 24 x 36,
plutôt que chez les possesseurs
d’hybrides APS-C. Pour ce faire,
le constructeur a développé trois
adaptateurs EF vers RF. L’un, classique,
opère simplement un lien électro-
mécanique. Et deux plus originaux :
l’un comporte une bague programmable,
l’autre illustré ci-contre accueille un porte-
filtre (UV, ND ou polarisant variable).

118 Réponses PHOTO • n°331 mars-avril 2020

 Outre le Noct 58mm, la gamme

Z
hybride Nikon en monture Z se

MONTURE NIKON
compose de références très classiques
à la luminosité moyenne mais aux très
bonnes qualités optiques. Seuls les
modèles DX déçoivent.

“Plus lumi-
neux, plus si-
lencieux, plus
nets”. C’est
par ces qua-
lificatifs que
L’AVIS DE Nikon décrit
PASCALE sa gamme
BRITES d’objectifs
hybrides en
monture Z, qui se compose
de neuf références couvrant
le 24x36 et deux se limitant au
format DX. Outre l’annonce
immédiate du Z 58 mm f/0,95
S Noct, les premiers modèles,
50 mm et 35 mm f/1,8 ou
24-70 mm f/4, sont pourtant
assez classiques et d’une lumi-
nosité moyenne. Exception
faite du 14-30 mm, la suite
n’a pas réservé de surprise en
terme de plage focale puisque
la gamme dispose maintenant
des 24-70 et 70-200 mm f/2,8
ou des 24 mm et 85 mm f/1,8.
Rien de “plus lumineux” que
sur la gamme reflex donc, ni de
plus compact puisque le Z 85
mm f/1,8 S est nettement plus
encombrant que son pendant
AF-S et même que la version à
ouverture f:1,4. Même constat
pour le 70-200mm f/2,8 d’un
poids et d’un diamètre équiva-
lent en AF-S et en Z, mais 2 cm
plus long pour la seconde mon-
ture. S’ils ne brillent pas sur le
critère de l’encombrement, les
objectifs en monture Z sont en
revanche excellents en matière
de performances optiques.
Leur piqué est élevé, leur ho-
mogénéité bonne voire excel-
lente suivant les modèles et les
résidus d’aberrations corrigés
par les boîtiers. Sur chaque
objectif, il est possible de per-
sonnaliser une bague pour lui
attribuer une fonction, même
s’il faut parfois sacrifier celle
dédiée à la mise au point. Au
format FX, il manque donc à la
gamme Z quelques références
très lumineuses en dehors du
Noct pour concurrencer l’offre
reflex. En revanche, que dire
des deux zooms DX annoncés
au moment de la sortie du Z50
si ce n’est qu’ils font tâche au
milieu des autres Z ? Leur fabri-
cation légère repose sur du tout
plastique, même pour la baïon-
nette, et leurs ouvertures f:3,5-
6,3 et f:4,5-6,3 pour des 16-50
mm et 50-250 mm déçoivent.
Nikon a mis
toutes les
chances de
son côté
pour s’offrir
un nouveau
L’AVIS DE souffle à tra-
BRUNO vers ses hy-
LABARBÈRE brides, aussi
bien 24 x 36
mm (Z6/Z7) qu’APS-C (Z50).
La monture Z n’est que la troi-
sième de l’histoire du construc-
teur et est, mécaniquement, la
plus ambitieuse et la mieux née
sur son segment. Elle permet,
entre autres, d’abolir la limite
d’ouverture maximale théo-
rique de la monture F (f:1,2),
tout en se réservant une marge
d’évolution électronique pour
les besoins futurs.
L’offre Nikkor Z pour cap-
teurs 24 x 36 mm sait varier
les plaisirs : des focales fixes
à f:1,8 (moins onéreuses que
du tout f:1,4), des zooms com-
pacts à f:4 et des zooms haute
performance à f:2,8. Tous sont
d’un excellent niveau, bien que
manquant parfois de person-
nalité. Les ingénieurs maison
combinent astucieusement leur
savoir-faire optique pur aux
nouvelles possibilités offertes
par l’imagerie computationnelle,
i.e la correction algorithmique
des défauts résiduels mineurs.
Mieux  : une pièce maîtresse
telle que le 24-70 mm f/2,8 Z
sait parfaitement se passer de
cette béquille électronique, tout
en s’offrant le luxe d’être à la fois
supérieur et plus compact que
ses homologues pour reflex !
Le rouleau compresseur Z est
lancé, mais il reste néanmoins
un caillou dans sa chaussure :
quid des opticiens tiers ? Nikon
n’a pas l’habitude d’ouvrir les
spécifications de ses montures
à d’éventuels partenaires, et à
ce niveau la Z ne devrait être
guère différente de la F. Ce ver-
rouillage auto-centré pourra
vite se montrer handicapant,
surtout que de nos jours, la
richesse de l’offre complémen-
taire, aussi bien autofocus que
manuelle, est devenue un cri-
tère de choix capable de faire
pencher la balance. Nous avons
hâte que Nikon perde une fois
pour toutes ses mauvaises habi-
tudes du vieux monde reflex et
se réinvente totalement.

CARACTÉRISTIQUES
Monture : Nikon Z
Diamètre interne : 55 mm
Tirage mécanique : 16 mm
Nombre de contacts : 11
Fabricants d’objectifs
compatibles : Nikon, Laowa
(sans contacts électroniques),
Samyang (sans contacts
électroniques)
LUMINOSITÉ
La monture reflex Nikon F, introduite
en 1959, avait des dimensions telles
qu’il était impossible de proposer
des objectifs plus lumineux que f:1,2.
Avec la monture Z, cette contrainte vole
en éclat et si, théoriquement, il serait
possible de développer des objectifs
ouvrant à f:0,65, le Noct-Nikkor Z 58
mm f/0,95 S dispose déjà d’une
ouverture plus que généreuse tout en
délivrant des prestations optiques
proches de la perfection dès la
pleine ouverture.

n°331 mars-avril 2020 •Réponses PHOTO 119

RÉPONSES ÉQUIPEMENT

Avec plus de cinquante références

E
Sony, auxquelles s’ajoutent les

MONTURE SONY
objectifs compatibles Sigma, Tamron,
Samyang ou Zeiss, la monture E est de
loin celle qui propose le plus de choix,
dans l’excellence comme le médiocre.

Il y a bien
longtemps
que Sony n’a
pas sorti un
objectif en
monture re-
L’AVIS DE flex A et que
PASCALE les fabricants
BRITES de modèles
compatibles
ont cessé de décliner leurs
optiques pour cette monture.
L’écart de génération avec les
objectifs en monture E fausse
alors toute comparaison. Mais
ce qu’il est intéressant de
constater avec les objectifs en
monture E, c’est la montée en
gamme opérée par les dernières
générations de produits. À ses
débuts, Sony a beaucoup misé
sur son partenariat avec Zeiss
et cette gamme constituait
l’excellence en matière d’objec-
tifs. Mais c’était avant qu’elle ne
développe sa gamme G Master
dont les derniers modèles que
nous avons testés nous ont
tout simplement bluffés. Leur
fabrication est exemplaire et
leur ergonomie adaptée à dif-
férentes pratiques notamment
grâce à la possibilité de certains
objectifs d’offrir une bague de
diaph au crantage débrayable.
Surtout, la marque a déve-
loppé ses propres technologies
comme les lentilles asphériques
extrêmes XA qui confèrent aux
objectifs une excellente homo-
généité et une résolution parmi
les plus élevées du marché. Une
caractéristique nécessaire pour
supporter les 61 MP de l’A7R
IV avec lequel nous avons d’ail-
leurs constaté les limites de
certains objectifs Zeiss, encore
au niveau sur les précédentes
générations de boîtiers. À cela
s’ajoute l’usage de moteurs li-
néaires XD pour l’autofocus qui
offrent non seulement un fonc-
tionnement rapide et silencieux
mais garantiraient aussi un meil-
leur vieillissement par l’absence
de frottements. Enfin, si la mon-
ture E est la plus petite, la sortie
récente du Sigma 35 mm f/1,2
a prouvé qu’elle n’empêchait
pas la production d’objectifs
très lumineux de qualité. Sony
ne propose pas d’ouverture
supérieure à f:1,4 mais l’offre
de fabricants tiers se développe
à grande vitesse, ce qui joue en
sa faveur.
Au forceps,
Sony a réussi
à faire entrer
des capteurs
24 x 36 dans
la monture E,
L’AVIS DE pourtant ini-
BRUNO tialement
LABARBÈRE prévue pour
des hybrides
APS-C. Bien qu’il existe un
précédent avec la monture
M encore moins bien lotie,
la monture E, devenue FE,
n’en est pas moins la monture
hybride 24 x 36 mm moderne
la plus contraignante avec ses
46,1 mm de diamètre et 18 mm
de tirage mécanique. Pourtant,
c’est avec elle que le construc-
teur a gagné ses lettres de
noblesses photographiques et
est capable de rivaliser sans
frémir face au duopole histo-
rique Canon-Nikon. Le succès
de la monture Sony FE repose
sur trois piliers. D’abord, elle
est la plus ancienne, et ses cinq
années d’avance sur la concur-
rence lui ont laissé le temps de
déployer une gamme optique
diversifiée et complète. Ensuite,
Sony ne rechignant pas à parta-
ger (plus ou moins librement) la
documentation technique avec
n’importe quel partenaire le
demandant, la monture FE est
devenue en quelques années à
peu près incontournable pour
les opticiens tiers, des mieux
établis aux plus exotiques,
ce qui, pour le photographe,
se traduit par une offre aussi
vaste qu’improbable. Enfin, cas
unique en hybride, l’usage de la
monture FE dépasse le cercle
des produits photographiques
puisque vous la retrouverez
aussi sur des caméras vidéo
documentaires, broadcast et
même cinéma. Antériorité,
large diffusion, polyvalence  :
tiercé gagnant.
Finalement, le risque avec la
monture FE est de s’égarer entre
des références pouvant parfois
faire doublon chez Sony ou les
offres tierces. De plus, s’il est
louable d’avoir maintenu tous les
boîtiers sortis depuis 2013, il y a
de quoi se perdre entre les dif-
férentes déclinaisons (A7, A7s,
A7R, A9) et générations (Mk I,
II, III, IV), qui se chevauchent et
parfois brouillent les pistes. La
rançon du succès.

CARACTÉRISTIQUES

Monture : Sony E
Diamètre interne : 46,1 mm
Tirage mécanique : 18 mm
Nombre de contacts : 10
Fabricants d’objectifs
compatibles : Sony, Zeiss,
Sigma, Tamron, Samyang,
Laowa, Tokina, Voigtländer,
Meike, ...
CRÉATIVITÉ
Pourtant la plus contraignante, la monture FE
n’empêche pas les opticiens tiers de faire
preuve de créativité. En 2019, Sigma s’est ainsi
fendu d’un 35 mm f:1,2 (autofocus !), le plus
lumineux de sa catégorie. De son côté,
le Chinois Zhong Yi Optics propose un
Mitakon 50mm f:0,95 (manuel)
disponible largement sous
la barre des 1000€. Tamron,
de son côté, explore la voie
des focales fixes très
compactes, en test dans
ce même numéro.

120 Réponses PHOTO • n°331 mars-avril 2020

 Partagée par trois acteurs du marché

L
de l’hybride 24x36 que sont Leica,

MONTURE ALLIANCE L
Panasonic et Sigma, la monture L
profite d’un second souffle et d’un
développement spectaculaire de
sa gamme depuis un an environ.

Si la monture
L existe de-
puis plus de
cinq ans chez
Leica, c’est
lorsqu’est
L’AVIS DE née la “L-
PASCALE Mount Al-
BRITES liance” avec
Panasonic et
Sigma qu’on a massivement
reparlé d’elle. Trois acteurs
dynamiques du monde de la
photographie allaient œuvrer
conjointement pour qu’une
large gamme optique couvrant
le 24x36 soit rapidement dispo-
nible. À l’époque, Leica propo-
sait déjà quatre focales fixes et
trois zooms mais à des tarifs à la
hauteur de la réputation du fa-
bricant allemand. Rien à redire
sur la qualité de ces objectifs
armés pour affronter les cap-
teurs les plus définis du marché
ni sur la disponibilité de bagues
d’adaptation pour de nom-
breuses références, en monture
M par exemple, mais tout aussi
onéreuses. Pour séduire un pu-
blic moins fortuné, il allait aussi
falloir produire de nouveaux
objectifs. Rapidement, Sigma a
adapté ses focales fixes à ouver-
ture f:1,4 et Panasonic a assuré
l’offre classique en monture
native avec un 50 mm f:1,4 et
des zooms 24-105 mm et 70-
200 mm à ouverture f:4 suivis
d’un plus ambitieux 24-70mm
f:2,8. Rien d’exceptionnel chez
ces objectifs qui affichent sur-
tout un poids et un encombre-
ment conséquents en plus d’un
tarif élevé. Il faut dire qu’aucun
boîtier de la gamme ne vise clai-
rement le grand public et qu’il
semble naturel qu’en premier
lieu la priorité ait été donnée
aux ambitions professionnelles
des appareils. À nos yeux, la
monture L manquait néan-
moins de stratégie pour qu’à
trois les fabricants viennent
rapidement combler toutes
les attentes des utilisateurs.
C’est de Sigma qu’est alors
venue la bonne surprise avec
un ultra grand-angle lumineux,
le 14-24mm f/2,8 DG DN, un
objectif d’exception avec le 35
mm f/1,2 DG DN et un 45 mm
f/2,8 DG DN Contemporary
léger et d’un bon rapport qua-
lité-prix. Ça y est, la monture L
est en marche.
“L’union fait
la force”, et
Panasonic l’a
bien compris.
Habitué des
montures
L’AVIS DE par tagées
BRUNO (feu le 4/3
LABARBÈRE puis l’actuel
Micro 4/3
développé tambour battant en
parallèle de la L), le construc-
teur d’Osaka s’est en toute
logique tourné vers son par-
tenaire de toujours, Leica,
lorsqu’il s’est agi de se lancer
dans l’hybride 24 x 36 mm.
À ces compères historiques
s’est adjoint un troisième mous-
quetaire : Sigma. Un trio auquel
le rôle de challenger va comme
un gant, qui se comporte
comme trois bateaux avec au-
tant de capitaines voguant côte
à côte, ce qui devrait éviter le
développement chaotique qu’a
connu la monture FE.
Sur le papier, la monture L n’est
pas la plus excitante : ni la plus
large (51,6 mm de diamètre), ni
la plus courte (20 mm de tirage).
Pourtant, grâce aux contribu-
tions de chacun, elle dispose
d’ores et déjà de la gamme
optique la plus large (exception
faite de celle en Sony FE), aussi
bien en termes de focales cou-
vertes que de positionnements
tarifaires. Il y en a pour tous les
goûts et budgets. Bonus : cette
diversité se retrouve aussi du
côté des boîtiers. Bonus (bis) :
l’alliance L est par essence la
plus à même de s’auto-suffire
sans l’intervention d’opticiens
extérieurs, même si de nou-
veaux camarades de jeux (Pen-
tax  ? Olympus ? Samyang  ?)
seraient les bienvenus.
Enfin, pas besoin de s’encom-
brer d’une comparaison avec
les objectifs reflex : Panasonic
comme Leica ont cessé d’en
produire depuis 2008. Quant à
Sigma, par nature présent sur
tous les fronts optiques, il n’a
plus rien à prouver en termes
d’excellence et de constance.
En plus d’adapter en monture
L les formules de ses focales
fixes plébiscitées, il en a dé-
veloppé de nouvelles, exclu-
sives, et est systématiquement
reparti d’une page blanche
pour les zooms. Tremblez,
Sonikanon !

CARACTÉRISTIQUES

Monture : L
VARIÉTÉ
Diamètre interne : 51,6 mm

Tirage mécanique : 20 mm

Nombre de contacts : 10
Fabricants d’objectifs
compatibles : Leica,
Panasonic, Sigma.
Si en photographie proposer une gamme optique variée, que ce soit en nom propre ou
avec la participation d’opticiens tiers, est indispensable au succès d’un système,
la variété des boîtiers capables de répondre à des besoins généralistes ou spécifiques
est tout aussi importante. Or, après un an à peine d’existence, le Système L peut se vanter
d’être supporté par six boîtiers 24 x 36 mm, du très compact Sigma fp (le plus petit de
la catégorie), au Panasonic Lumix SH1 pensé par et pour les vidéastes professionnels,
en passant par le polyvalent Leica SL2.

n°331 mars-avril 2020 •Réponses PHOTO 121

RÉPONSES RENCONTRES

PHOTOGRAPHE
face à l’objectif
Partager leur passion pour la photographie en vidéo, c’est le quotidien de quelques
youtubeurs photographes. Dans leur bureau ou en shooting, Sébastien Roignant de “f:1,4”
et Jules Gorce de “Traitement Croisé”, font partie de ces mordus qui ont décidé de raconter
la photo en 24 images/seconde. Loin d’être youtubeurs professionnels, leurs audiences
n’ont pourtant rien d’anecdotique. Elles témoignent d’un engouement du public pour
les contenus vidéos, qu’ils soient divertissants ou pédagogiques. Texte et photos Thibaut Godet

onjour, je suis Sébastien vidéos, lacent des coups de gueule ou

oignant et vous êtes bien
ur “Le guide du photo-
raphe de mariage”, la
haîne qui vous donne les
re votre indépendance et
assion : la photo...” En une
utes, Sébastien Roignant,
tête des chaînes “F/1.4”
photographe de mariage”
éra ses conseils. Ce jour-
our but de montrer com-
ment créer une galerie en ligne sur le site
rodibi.com.
D’une voix forte, parfaitement modulée, et
travaillée en cadence avec la gestuelle, il
lit un texte défilant sur un prompteur à la
manière d’un présentateur de télévision.
À la seule différence que sa vidéo n’est pas
destinée au petit écran mais bien à You-
Tube. En huit ans, ce Lyonnais d’origine
bretonne cumule près de 500 vidéos sur la
plateforme et compte 86000 abonnés sur
sa chaîne principale.
Lors des journées d’enregistrement, son
bureau de 12 m2, avec des étagères parées
de Legos et peluches, se transforme en pla-
teau de tournage. Trois lampes en lumière
continue, un micro et un reflex 5D Mark
IV en guise de caméra sont installés dans
la pièce. Chaque tournage est minutieuse-
ment préparé. Peu de place est laissée à
l’improvisation. Le texte est travaillé, écrit
et réécrit à l’avance, point par point. Une
efficacité qui permet de rentabiliser ces
heures de tournage. En l’espace d’une
journée, Sébastien est capable d’enregis-
trer neuf vidéos. Un travail indispensable
pour réussir à distiller sur YouTube deux
vidéos par semaine ainsi qu’un podcast.
Quand certains s’expriment sur les jeux
partagent des recettes de cuisine, Sébas-
tien a choisi de parler photo avec passion.
L’idée de créer sa propre chaîne YouTube
lui est venue à une époque où il regardait
les vidéos de Phlearn, un youtubeur anglo-
phone pour qui Photoshop n’a aucun se-
cret. “C’est un fou, à l’époque, il produisait
une vidéo par jour, 5 jours sur 7 !”, confie
Sébastien Roignant. Un jour, ce youtubeur
lance un concours sur sa chaîne. Sébas-
tien saisit l’occasion et tente sa chance. Il
envoie une vidéo d’une heure et demi pour
montrer comment se transformer en Hulk,
le personnage de Marvel, sur Photoshop.
Réponse de Phlearn : “Je n’ai absolument
rien compris à cette vidéo en français, mais
c’était super cool !”
De là démarre son ascension sur le ré-
seau social. Il lance sa première chaîne
grand public, “F/1.4”, avec pour slogan
“apprendre sans se prendre la tête”. “Je
disais beaucoup de bêtises et commençais
mes vidéos avec des mini sketchs ou des
jeux de mots”, se souvient le photographe.
Aujourd’hui, la chaîne s’adresse toujours
à des amateurs de photographie, mais
de manière plus pédagogique. “Faire des
photos de voyage”, “C’est quoi le beau ?”,
“La meilleure façon de passer vos photos
en noir et blanc sur Photoshop” ou encore
“Bien préparer son matériel” sont autant
de vidéos qu’il propose. Il ne cible pas
les purs débutants, mais ceux qui veulent
franchir un cap et continuer à apprendre.
Dans son autre chaîne lancée plus récem-
ment, il s’adresse à des photographes pro-
fessionnels ou en passe de le devenir. Au
travers de son expérience de photographe
de mariage, métier qu’il exerce depuis
plus d’une dizaine d’années, il donne des
ET YOUTUBEUR

Sébastien Roignant,
animateur des chaînes
YouTube “F/1,4 “
et “Le guide du
photographe de
mariage” lors du
tournage d’une vidéo.
RÉPONSES RENCONTRES
conseils pour gagner de l’argent ou vivre
de la photographie.
Au moment de son lancement, en 2012, ils
n’étaient qu’une poignée à tenter l’aven-
ture. “Je suis de la génération du vieux
YouTube”, relate Sébastien Roignant. C’est
à dire qu’avant, on lançait notre caméra,
on travaillait un peu notre affaire, mais
c’était vraiment pour s’amuser. Mainte-
nant, avec l’évolution technologique, il
faut faire de très beaux plans tout le temps.
Tout s’est professionnalisé. D’un côté c’est
bien. Mais de l’autre, l’argent est arrivé
dans le jeu. Les gens sont de plus en plus
exigeants et si on ne fait pas des vidéos
qui déchirent, ils s’en désintéressent. C’est
aussi pour ça que ma chaine ne grimpe
plus tant que ça dernièrement. Pour moi,
le contenu est important, la forme un peu
moins”, explique le youtubeur.
Et la concurrence fait rage. Des dizaines,
voire centaines, de youtubeurs du monde
entier proposent aujourd’hui aux inter-
nautes tutos et autres formats autour de la

Pour réaliser ses vidéos, Sébastien Roignant transforme son petit bureau en plateau de tournage. Lors d’une journée de tournage, il est capable
d’enregistrer jusqu’à neuf vidéos qu’il prépare à l’avance. Cela lui permet de garder le rythme : il publie près de deux vidéos par semaine et un podcast.

Bien qu’il tourne dans un espace restreint, Sébastien a investi dans des Il prépare ses textes à l’avance et les affiche sur un prompteur. Il peut alors
équipements pro pour produire ses vidéos. lire son texte face caméra et travailler sa voix.

124 Réponses PHOTO • n°331 mars-avril 2020

photo. Avec le retour en grâce de l’argen- Les vidéos de Jules
tique, certains comme Jules Gorce se sont Gorce sont tournées
par exemple glissés dans le créneau. Il a en extérieur avec un
lancé “Traitement croisé”, sa chaîne, il y a reflex stabilisé sur un
un peu moins de trois ans. monopode.
Une chaîne en argentique
Contrairement à Sébastien qui fait la plu-
part du temps des vidéos face caméra, lui
emmène en extérieur des boîtiers ou des
pellicules qu’il teste au gré de ses déam-
bulations. Cela implique qu’une personne
le suive en permanence sur ses shootings
dans la rue, un boîtier reflex fixé sur un Sur sa chaîne,
monopode stabilisé en main. On a certes Jules teste de vieux
déjà vu plus discret en photo de rue. Mais appareils comme
la mise en scène est indispensable pour ce Nikon F3.
immerger totalement l’internaute dans
les balades photographiques du youtu-
beur. On se prend rapidement au jeu
à l’observer ainsi déambuler, s’arrêter,
cadrer, shooter, puis de voir apparaître le
résultat final. L’animateur de “Traitement
Croisé” ne se prend pas pour autant trop
la tête pour organiser les tournages. “On
convient juste de la date avec le cadreur.
Après, c’est un petit peu fait à l’arrache,
sourit-il. Rien n’est scripté.” Autrement
Pour ses tests,
dit, tout est réalisé en conditions réelles.
En rentrant de tournage, il ne lui reste plus
il arrive que des
qu’à développer ses pellicules, les scanner marques lui donnent
et monter sa vidéo dans laquelle il intègre quelques pellicules
ses photos pour partager le résultat. en avant-première,
Ce loisir, il l’exerce en parallèle de son comme la nouvelle
métier : réparateur d’appareils photo ar- Ektachrome.

n°331 mars-avril 2020 • Réponses PHOTO 125

RÉPONSES RENCONTRES
Sébastien Roignant anime deux chaînes YouTube : “F/1,4” destinée à s’améliorer en photographie,
et “Le guide du photographe de mariage” pour des conseils professionnels.
“Traitement Croisé” est une chaîne dédiée à la pratique de l’argentique. Dans ses vidéos, Jules Gorce
se balade avec de vieux boîtiers chargés avec toutes les pellicules possibles.
gentique chez Nation Photo. La photo, il
commence à la pratiquer il y a cinq ans
seulement. “J’ai retrouvé un vieux Minolta
chez mes parents en 2015. J’ai fait un
premier rouleau et j’ai été conquis par le
rendu et le grain. Je me suis spécialisé en
photo argentique en autodidacte. Je regar-
dais notamment des tutos sur YouTube
à l’époque !” Simultanément, il achète
quelques vieux appareils à des prix déri-
soires dans les brocantes et répare ceux qui
ne fonctionnaient plus. C’est ainsi que de fil
en aiguille, il intègre la boutique photo puis
un service réparation après une formation
en Finlande chez Camera Rescue.
Il lance sa chaîne YouTube en parallèle. Il
part du constat que la plupart des contenus
pour apprendre la photographie argentique
sur YouTube étaient en anglais. À commen-
126 Réponses PHOTO • n°331 mars-avril 2020
cer par la chaîne Negative Feedback (Re-
tours négatifs) qui l’a inspiré pour créer sa
chaîne. “Maintenant que je m’y connais un
peu, je voulais mettre mes connaissances
au service des gens qui commencent l’ar-
gentique et qui peuvent se retrouver dans
la même situation que la mienne.” C’est
à dire celle de ne pas pouvoir trouver de
contenus disponibles en français.
C’est pourquoi, au départ, il publiait à la
fois ses tests terrain et des vidéos pédago-
giques où il expliquait les bases de la photo-
graphie argentique. Mais il a depuis changé
son fusil d’épaule. Il ne se concentre plus
que sur ses déambulations sur pellicules.
Un changement de ligne qui s’explique
en partie par sa manière de consommer
YouTube : “Je le conçois aujourd’hui plu-
tôt comme un divertissement. Parfois c’est
juste le créateur de la vidéo qui m’intéresse
alors que le contenu n’est absolument pas
terrible.” Il veut “être davantage dans le
divertissement que dans l’apprentissage”,
explique-t-il. “Beaucoup de chaînes sur
la photographie argentique en français
ont émergé. Et certaines le font très bien.
J’essaie donc de me détacher de ça. Mon
objectif, c’est que les gens s’imaginent être
avec moi sur le terrain, qu’ils se disent au
final que ce n’est pas compliqué d’aller
faire des photos de rue. Il suffit d’éteindre
son ordinateur et sortir de chez soi.”
Pédagogie ou divertissement
Sur YouTube, on distingue facilement
cette frontière entre le pédagogique et le
divertissement. Avec “Le guide du pho-
tographe de mariage”, mais aussi “F/1.4”,
Sébastien Roignant a décidé de rester du
côté de l’apprentissage et de la pédagogie.
Mais cela implique de prévoir un contenu
adapté à YouTube. “Sur la plateforme, on
est obligé de garder toujours l’attention des
gens. Comme le public est devant un écran,
il n’a rien d’autre à faire à côté. Si le contenu
ne l’intéresse pas pendant trente secondes
ou une minute, il va avoir tendance à zap-
per”, explique le youtuber. “Après, je ne fais
pas de la vidéo de divertissement. Un tout
petit peu parce qu’il faut maintenir l’atten-
tion, mais j’essaye de faire de la vidéo un
peu plus éducative. Donc je peux me per-
mettre de ne pas faire une coupure toutes
les 2 secondes.”
Il n’empêche que Sébastien réalise ses
vidéos tout en suivant parfois les codes
de la télé. Il travaille sa voix par exemple,
ce qui permet de maintenir l’attention.
Certaines de ses vidéos sont par ailleurs
construites de la même manière que cer-
tains articles web attractifs. “Ma vidéo
la plus vue l’année dernière c’était “10
astuces de fou sur Photoshop”. J’ai pour-
tant fait de meilleures vidéos que celle-là
et bien plus enrichissantes”, se désole-
t-il. Mais comme sur les autres réseaux
sociaux, c’est ce type de contenus qui va
le mieux fonctionner.
Écrire, vulgariser, tourner, monter… Tout
cela prend énormément de temps à nos
deux vidéastes web. “Mes formations,
Youtube compris, c’est mon plein temps.
Voire même un peu plus, rigole Sébastien.
Mes photos de mariages, ça équivaut à
mes vacances, et mes photos personnelles
à mes week-ends.” Même son de cloche
chez Jules : “En moyenne, je consacre par
vidéo deux ou trois heures de tournage, et,
entre cinq et dix heures pour le montage”.
Mais ni Sébastien, ni Jules ne font leur
chaîne pour participer au concours du plus 5 chaînes YouTube sur la photo
grand nombre d’abonnés. Ni pour l’argent
d’ailleurs. Car si dans le monde des blo-
gueurs, certains ont pu faire de YouTube ◗ “Phlearn” est une chaîne
leur métier, ce n’est pas le cas dans le qui traite uniquement des
domaine de la photo. Sébastien monétise logiciels de la suite Adobe.
ses contenus, mais gagne moins de “300€ Dans les 675 vidéos qui
par mois” avec sa chaîne. Si l’on compte sont aujourd’hui en ligne,
l’investissement en matériel et le recours il y a tout ce qu’il faut
à un monteur pour les vidéos, la balance pour devenir un crack de
penche même du mauvais côté... Photoshop, à condition
Ce qui n’effraie en rien le youtubeur puisque de parler anglais.
la plateforme constitue en contrepartie un
fantastique outil de communication pour
ses autres activités. C’est d’ailleurs grâce à ◗ Essais de pellicules,
cette chaîne qu’il trouve sa clientèle et fait d’appareils de tous les
fructifier son affaire. Pour les différentes formats ou encore voyages
formations qu’il donne, ses couvertures argentiques... “Negative
de mariages, ses éditions de livres ou ses Feedback” est une chaîne
ventes de workshops, Sébastien s’appuie se consacrant vous l’aurez
bien souvent sur sa communauté. Il leur compris à la culture
dévoile en avant-première ses nouveaux argentique. Le tout mené
contenus à vendre ou la sortie de ses ou- par un Anglais à la fois doué
vrages photos en financement participatif. et charismatique.
En huit ans, c’est une relation de confiance
qu’il a tissée avec son public et beaucoup
achètent ses contenus le pour remercier de ◗ Dans “Apprendre la
son engagement. photo”, on revient sur les
bases de la photographie,
Une relation avec le public mais pas que. En quelques
Tant Sébastien Roignant que Jules années, Laurent Breuillat à
Gorce nouent des liens privilégiés avec la tête de cette chaîne s’est
leurs internautes. Sur YouTube, une par- vraiment diversifié pour
tie du public réagit aux vidéos comme parler aussi de culture ou
sur n’importe quel réseau social. Dans encore des différents
les commentaires ou par mail, de nom- métiers de photographes.
breuses personnes leur témoignent leur
sympathie, leurs coups de gueule ou leur
font part de leurs interrogations. “Il suffit
qu’une personne vienne me dire merci ou ◗ Dans “Photo Synthèse”,
me poser une question et ça suffit à me on vous parle d’histoires
motiver”, explique le fondateur de “Trai- de photographes ou de
tement Croisé”. Mais les commentaires photographies. Une page
sont à double tranchant sur les réseaux culturelle qui revient aussi
sociaux. “Pendant très longtemps, et d’ail- sur le matériel qui a fait
leurs je suis encore sensible de ce côté là, l’histoire de cet art comme
je lisais un peu moins les commentaires”, l’antique bellinographe.
explique Sébastien. “Maintenant, à chaque
fois que je vais lire, j’ai le cœur qui bat un
peu plus vite. Ce qui m’agace, c’est qu’on
peut te reprendre pour une petite erreur
◗ “Mon petit reflex”
alors que tu as donné des heures de tra-
présente et teste le
vail. Un mauvais commentaire te fait plus
matériel mais évoque aussi
de mal que cent très bons. Par contre il y
de nombreuses actualités
a aussi beaucoup de gens à fond derrière
autour de la photographie.
nous”, nuance-t-il. Voire même toute une
Son animateur part
communauté. Créer une chaîne Youtube
également régulièrement
et y investir de son temps, c’est aussi au-
sur le terrain pour des
jourd’hui une manière de toucher de nou-
tests de matériels de
veaux publics qui auraient été impossibles
toutes natures.
à atteindre via les canaux traditionnels.
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128 Réponses PHOTO •n°331 mars-avril 2020

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REGARD EN COIN

HISTOIRE DE FAMILLE
La chronique de Carine Dolek

J’
adore les histoires de réincarnation des Occiden- apprend aujourd’hui à l’école. Eux aussi, comme les feuilles mortes
taux: on est la réincarnation d’une princesse russe, et les photos de famille brûlées, fertilisent dans l’ombre. Est ce
d’un général napoléonien, d’un grand prêtre maya, que quelqu’un, un jour, fera le rêve d’avoir été, dans une autre vie,
rarement d’un poissonnier gaulois, d’un potier un bourgeois polonais poète et fêtard voyant un éléphant pour la
toltèque ou d’une mendiante mésopotamienne. première fois de sa vie?
J’adore aussi les romans familiaux, brodés et dé- Mon piètre poète, j’y ai encore pensé récemment, parce que je suis
formés avec amour de génération en génération, moi-même une piètre photographe comblée avec son feed Insta-
où le moindre VIP rayonne pour les siècles et les siècles. C’est gram. Je résiste encore aux amis (vrais et bons, eux) photographes
comme cela que j’ai déjà rencontré une poignée de descendants qui râlent contre mon fidèle et si solide Samsung à l’écran cassé et
de Barberousse (corsaire ottoman régent d’Alger au 16e siècle, à l’objectif sale, qui a si souvent plongé par terre. Je suis fière de
accroche toi pour l’arbre généalogique), un marocain présenté pouvoir faire des photos vite et facilement, sans me préoccuper de
comme “de la famille éloignée de Mona Lisa” ou ma prof de yoga la technique. Je pense que je suis une bonne cadreuse. J’oublie que
à l’opulente chevelure dont l’ancêtre est une des courtisanes aux faire des photos pour moi et faire des photos pour mes amis pho-
splendeurs et misères contées par Balzac. Moi, j’ai de la chance. tographes n’a pas la même signification, et je me suis récemment
Quand un vague oncle à la retraite a décidé de fait recadrer (haha, oui, tout jeu de mot est
remonter l’arbre généalogique maternel – du volontaire) quand je prenais, comme d’ha-
côté de mon père, dans l’isba à la lisière de Là je me suis rappelée bitude, des photos à la volée dans la rue:
la forêt, on brûle les photos de famille qu’on
ne reconnaît plus, le passé s’efface comme les
que je passe mon “Tu crames la scène Carine!” “Hein?” “Tu
crames la scène! J’ai pris la même photo
feuilles mortes dans le compost – on a retrouvé temps à répéter que mais toi tu vas la poster vite sur Instagram et
un soldat italien qui a suivi Napoléon en Po- moi ça va être plus long tout le monde l’aura
logne et a fait fortune dans l’industrie. Oh, du c’est l’usage qui fait la déjà vue chez toi! Normalement quand il y a
glamour! L’histoire polonaise étant ce qu’elle
est, entre les deux guerres, ses descendants
fonction et qu’on est plusieurs photographes c’est le premier qui a
vu qui prend la photo et les autres le laissent,
ont dû soit émigrer, soit apprendre à ramasser photographe à partir ce serait quelqu’un d’autre que toi on n’aurait
des pommes de terre. C’est là que toute ma pas laissé passer”. Moi et mon Samsung tout
famille a frétillé: on avait retrouvé un ancêtre du moment ou on pété, on était plutôt flattés, on venait de se
poète. Et quel poète! Il serait mort en Inde.
Mort en Inde... Quel parcours! Déchus de leur
prend des photos, faire upgrader de la junior room sous les toits
à la suite impériale du cinq étoiles: “Mais ça
fortune familiale, dont ma mère ne retient que je me suis sentie n’a pas de sens, je ne suis pas photographe,
des souvenirs de service à thé en porcelaine,
mon grand-père a été envoyé travailler dans
bien attrapée. c’est juste mon compte Insta, et regarde, là
c’est mon vieux Samsung tout sale du fond
les champs, son frère a émigré dans les îles, de ma poche pas un monstre de technolo-
Madagascar ou l’île Maurice (après l’aventure, l’exotisme) et son gie avec plein de boutons, et c’est des petites photos de rien !” “Et
autre frère, poète, est parti en Inde. Un grand oncle poète au milieu alors? Ça ne t’empêche pas d’être photographe arrête de raconter
des agriculteurs! La femme de mon cousin, assistante du doyen de n’importe quoi”. (Là je me suis rappelée que je passe mon temps
la faculté Polytechnique de Cracovie, s’est tout de suite mise sur le à répéter que c’est l’usage qui fait la fonction et qu’on est photo-
coup et a fouillé la bibliothèque à la recherche d’un massif diction- graphe à partir du moment où on prend des photos, je me suis
naire de poésie. Je me rappellerai toujours de sa mine déconfite, sentie bien attrapée.) “Et ton téléphone tu pourrais quand même le
à la lecture des trois lignes qui décrivent mon ancêtre comme un changer pour un meilleur tu perds en qualité alors que tes photos
piètre poète mais sacré fêtard, et très apprécié de sa bande de sont bonnes ! Va au moins nettoyer cet objectif c’est un minimum,
copains poètes. J’étais adolescente, et ce Jan Skuza piètre poète par pitié !” (Mon Samsung et moi on était super flattés, mais on
et bon camarade a été un cadeau qui m’a toujours accompagné. s’est vite repris) “Mais ça n’a pas de sens, mes photos sont juste des
Je ne peux qu’imaginer un visage. Son voyage s’est il fait par terre photos Insta, les choses de la rue tout le monde peut les voir ! Les
ou mer? Et d’ailleurs pourquoi l’Inde, est ce que c’est le hasard ou dessinateurs sont des centaines à dessiner le même modèle dans
pas? Mais il figure dans le dictionnaire, là où, finalement, on ne les écoles ! Si quelques images sont les mêmes ça veut juste dire
va toujours chercher que les mêmes noms pourtant soutenus par qu’on était au même endroit au même moment, et moi ça ne finira
le ciment des milliers d‘autres noms moins illustres mais essen- jamais sur un mur de galerie ! “. Ils ont bien ri : “Ah tu crois ? Tu es
tiels, qui ont été de bons camarades, de sacrés fêtards, qui ont fait sûre ? Absolument sûre ?” J’étais remise à ma place, et les cendres
rebondir des idées, fait des blagues ou enrichi des rimes qu’on de mon ancêtre piètre poète riaient bien elles aussi.

130 Réponses PHOTO • n°331 mars-avril 2020

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