Vous êtes sur la page 1sur 5

Proposition correction cas pratique

1. Le président de la République, M. Amédée Courtier fait l’objet de diverses accusations qui

pourraient être résumées en trois principales infractions.


Les premières concernent les accusations d’emplois fictifs de plusieurs collaborateurs.
Ensuite, est-il également accusé de financement illicite dans le cadre de sa campagne présidentielle
antérieure. Enfin, des accusations liées à d’éventuels crimes de guerre ayant par ricochet alerté le
Procureur de la Cour Pénale Internationale (CPI).
La question est premièrement de savoir si M. Courtier pourrait faire l’objet de poursuites
pénales ou à tout le moins, être pénalement inquiété pour les différents actes évoqués. Pour ce faire,
il convient nécessairement de procéder à une analyse casuistique de chacun de ces faits.
En effet, les alinéas premier et second de l’article 67 de la Constitution prévoient que le Président
de la République «  n'est pas responsable des actes accomplis en cette qualité, sous réserve des
dispositions des articles 53-2 et 68 », d’une part. D’autre part, il « ne peut, durant son mandat et
devant aucune juridiction ou autorité administrative française, être requis de témoigner non plus
que faire l'objet d'une action, d'un acte d'information, d'instruction ou de poursuite. » Ce qui amène
de prime abord la qualification juridique de chaque fait dont il est accusé afin de déterminer le
régime juridique applicable en l’espèce.

Tout d’abord, concernant les accusations d’emplois fictifs, il semble évident que ces
différents recrutements suspects effectués par M. Amédée ont été réalisés pendant la durée de son
mandat et surtout ont pu être accomplis grâce à sa « qualité » de Président de la République. C’est
parce qu’il était Président qu’il a pu les recruter et les nommer par arrêtés signés du seul Chef de
l’État. Par conséquent, les faits relatifs aux emplois fictifs peuvent être qualifiés de faits accomplis
en sa qualité de Président de la République ainsi que le prévoit l’article 67 alinéa 1 de la
Constitution.
Le régime juridique applicable à une telle situation est l’immunité fonctionnelle dans la mesure où
le Président de la République ne peut être poursuivi pour les accomplis dans l’exercice de ses
fonctions présidentielles. Cependant, ce régime souffre de deux exceptions. Celle prévue par
l’article 53-2 et celle prévue par l’article 68 suivant.
En l’espèce, l’article 53-2 ne peut être mobilisé car il concerne une catégorie bien déterminée de
crimes prévus par le statut de Rome. En outre, il en va autrement de l’article 68 qui quant à lui
prévoit « qu'en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son
mandat », le Président de la République peut faire l’objet d’une procédure de destitution. Ainsi, si le
1
Parlement juge ces faits comme relevant d’un tel manquement tel que prévu par l’article 68, M.
Amédée Courtier pourrait s’inquiéter d’une procédure de destitution. Toutefois, il s’agit là d’une
sanction essentiellement politique.
Ensuite, la seconde situation concerne les accusations de financement illicite. Le
raisonnement dans ce cas va s’avérer différent des faits précédents dans la mesure où ces faits
concernent des faits antérieurs à son élection au poste de Président de la République.
En l’espèce, c’est alors qu’il était candidat à l’élection présidentielle que M. Amédée Courtier aurait
bénéficié de dons en espèces de plusieurs milliers d’euros qui lui auraient servi à recruter des agents
publics afin d’assurer sa sécurité. Ces faits, certes de nature pénale et probablement répréhensibles,
ne peuvent être poursuivis que devant les juridictions ordinaires françaises dans la mesure où il
s’agit d’éventuelles infractions commises avant que M. Amédée ne soit élu Président de la
République. Ainsi, ces faits sont régis par l’alinéa 2 de l’article 67 de la Constitution qui dispose
que le Président «  ne peut, durant son mandat et devant aucune juridiction ou autorité
administrative française, être requis de témoigner non plus que faire l'objet d'une action, d'un acte
d'information, d'instruction ou de poursuite. » Or, en l’espèce, le scandale éclate en mars 2021 alors
que M. Amédée a encore plus d’une année de mandat. Il ne craint rien à ce sujet jusqu’au plus tôt un
mois après la fin de son mandat soit autour du mois d’avril 2022. C’est alors que le Parquet de Paris
pourra éventuellement engager des démarches contre M. Amédée.
Cependant, cela ne sera possible qu’à la condition que M. Amédée ne soit pas réélu. En effet, s’il
n’est qu’à son premier mandat, il pourrait, en vertu de l’article 6 alinéa 2 de la Constitution
effectuer un second mandat. Si c’est le cas, il ne pourra être poursuivi qu’un mois après la fin de ce
second mandat. Par contre, s’il ne se représente pas ou s’il est déjà à son second mandat ou plus
simplement s’il se représente et perd les élections, il pourra bien évidemment faire l’objet de
poursuites engagées par le Parquet de Paris pour ces faits.
Enfin, les faits relatifs à la dizaine d’exécutions ciblées sur un théâtre d’opérations au
Moyen-Orient peuvent être rangés parmi les actes accomplis en sa qualité de Président de la
République. C’est donc le régime juridique de l’article 67 alinéa premier qui s’applique en prenant
en considération les deux exceptions.
A priori, il peut effectivement être inquiété sur le fondement de l’article 53-2 comme il conviendra
de le démontrer au moment de traiter la question 2. Cependant, est-il aussi important de noter que ni
l’article 67 de la Constitution, ni la loi organique n°2014-1392 du 24 novembre 2014 n’empêchent
l’ouverture d’une procédure de destitution à l’encontre du Président quoique ce dernier fasse déjà
l’objet d’une enquête préliminaire de la CPI. Par conséquent, il pourrait faire l’objet d’une
procédure de destitution. À condition que les crimes de guerre commis au Moyen-Orient soient

2
considérés comme des manquements manifestement incompatibles à l’exercice de son mandat au
titre de l’article 68.

2. En raison des révélations faites lors de ce reportage de confession, le Président de la

République ne devrait pas s’étonner de voir la juridiction pénale internationale se saisir de l’affaire.
En effet, depuis la révision constitutionnelle 1999, a été adoptée la loi constitutionnelle n°99-568 du
8 juillet 1999 modifiant ainsi la Constitution en y ajoutant à l’article 53-2 la disposition selon
laquelle « la République peut reconnaître la juridiction de la Cour pénale internationale dans les
conditions prévues par le traité signé le 18 juillet 1998. » Par conséquent, la France a reconnu être
soumise à la juridiction pénale internationale qu’est la CPI. Ainsi, le Procureur de la CPI a toutes les
compétences pour ouvrir une enquête préliminaire.

Concernant les risques encourus, l’enquête n’est encore que préliminaire et pour l’instant les
faits ne sont ni avérés et ne constituent pas encore une infraction qui sera poursuivie.
Toutefois, si les faits étaient avérés, il ne fait aucun doute que le Président aurait du souci à se faire
dans la mesure où dans ce cas, son immunité fonctionnelle liée à la nature de son mandat ne le
protègerait plus. En vertu de l’article 68, cette immunité tombe dès lors que des faits relevant de
l’article 53-2 sont avérés. Or, le Président est accusé de crimes de guerre.
Au regard du statut de Rome, l’article 8 alinéa 1 prévoit la « compétence à l'égard des crimes de
guerre, en particulier lorsque ces crimes s'inscrivent dans le cadre d'un plan ou d'une politique ou
lorsqu'ils font partie d'une série de crimes analogues commis sur une grande échelle. » M. Amédée
risque donc des poursuites pénales internationales si les faits de crimes de guerre dont il est accusé
sont avérés. Ces poursuites pénales internationales n’impliquent pas nécessairement qu’il sera
condamné. Il sera peut-être remis à la CPI mais il peut en revenir totalement acquitté comme ce fut
le cas de l’ancien Président ivoirien Laurent Gbagbo.

3. M. Amédée Courtier a d’une part fortement raison d’affirmer qu’il ne tient son mandat que

du Peuple. En effet, comme le prévoit l’alinéa premier de l’article 6 de la Constitution française,


«  le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct.  » Cette
disposition a connu une évolution majeure avec la révision constitutionnelle de 1962. Avant 1962, la
Constitution de 1958 disposait, au contraire, que « le Président de la République est élu pour sept
ans par un collège électoral comprenant les membres du Parlement, des conseils généraux et des
assemblées des territoires d'outre-mer, ainsi que les représentants élus des conseils municipaux. »
C’est la loi constitutionnelle n°62-1292 du 06 novembre 1962 qui actera le changement en faisant

3
passant la désignation du Président de la République du suffrage universel indirect au suffrage
universel direct.
De ce fait, comme semble l’insinuer M. Amédée, il ne tient son mandat que du Peuple et non des
élus comme c’était le cas avant 1962. Toutefois, ce constat est-il suffisant pour conclure que les élus
ne sont pas capables de le priver de son mandat ou d’y porter atteinte ?
La « fronde » des parlementaires à laquelle doit faire face le Président Amédée mérite tout
de même une petite attention.
En 2007, dans le cadre de la vingt et unième révision constitutionnelle, la loi constitutionnelle
n°2007-238 du 23 février 2007 a posé un nouveau statut pénal du Chef de l’État français. Cette
révision fut d’ailleurs le fruit de nombreuses propositions notamment celle de la Commission de
réflexion sur le statut pénal du Président de la République mise en place en 2002 par le Président
Chirac et dirigée par Pierre Avril ainsi que certaines propositions faites par la Cour de cassation en
2001 dans l’arrêt Breisacher (Cour de cassation, Assemblée plénière, 10 octobre 2001, Breisacher,
Bull. civ., Ass. plén., n° 11).
L’article 68 alinéa premier qui en fut le résultat dispose assez clairement qu’en cas de
«  manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat  », le
Président peut faire l’objet d’une procédure de destitution « prononcée par le Parlement constitué
en Haute Cour. » Dès lors, si le Président a bien raison de penser qu’il ne tient son mandat que du
Peuple et non des élus, il ne peut d’autre part affirmer que ces élus sont incapables de l’en priver
dans la mesure où, une partie de ces élus notamment les parlementaires, dispose d’un droit de
destitution à son égard. Devrait-il cependant craindre qu’il soit poussé à la démission ?

L’article 68 fait référence à une procédure de destitution et non une procédure de démission. La
démission est la prérogative que peut exercer l’Assemblée nationale contre le Premier ministre et
son Gouvernement. Conformément à l’article 50 de la Constitution, « lorsque l'Assemblée nationale
adopte une motion de censure ou lorsqu'elle désapprouve le programme ou une déclaration de
politique générale du Gouvernement, le Premier ministre doit remettre au Président de la
République la démission du Gouvernement. » Cependant, à l’égard du Président, les Parlementaires
n’ont pas de moyen de contraindre ce dernier à démissionner; même quand le Président procède à
une dissolution de l’Assemblée qui conduit à une majorité qui ne lui est pas favorable. L’exemple
de Jacques Chirac en 1997 le traduit assez aisément.
À l’égard du Président, les parlementaires n’ont qu’un droit de destitution. Toutefois, M. Alexis
Guerrier, Secrétaire général de l’Élysée a-t-il des raisons valables de s’inquiéter d’une telle fronde ?
En réalité, pas vraiment. S’il est vrai qu’en vertu de l’alinéa 2 de l’article premier de la loi
organique n°2014-1392 du 24 novembre 2014, la proposition de résolution pour la mise en place de
4
la Haute Cour afin de destituer le Président est adoptée dès lors qu’elle est « signée par au moins un
dixième des membres de l’assemblée devant laquelle elle est déposée », le vote de la destitution ne
pourra être acté qu’à « la majorité des deux tiers des membres composant l'assemblée concernée ou
la Haute Cour. » Or, en l’espèce, il n’y a que 240 députés « frondeurs » sur un total de 577 députés
et 130 Sénateurs «  frondeurs  » pour un total de 348. Par conséquent, la résolution sera sûrement
votée car les parlementaires « frondeurs » dépassent aisément le dixième demandé. Toutefois, pour
le vote de la destitution, et à moins que la situation ne change considérablement, les parlementaires
« frondeurs » ne pourront en aucun cas réunir les deux tiers nécessaires au vote de la destitution.
M. Amédée Courtier n’a rien à craindre de cette éventuelle procédure. Il peut rester tranquille et
serein face à cette procédure et achèvera tranquillement son mandat à l’image de l’ancien Président
américain Donald Trump.

Vous aimerez peut-être aussi