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Le placement
des titres financiers
Placer des titres consiste avant tout pour l’entreprise à vendre un produit financier à
des investisseurs au meilleur prix possible. Pour que le placement soit un succès, il doit
néanmoins offrir aux investisseurs un potentiel de plus-value ou de rendement sur les
titres achetés, sans quoi l’entreprise obérerait ses possibilités d’accéder au marché à
l’avenir.
Pour certaines opérations (placement de blocs d’actions déjà cotées), les banques en
charge de l’opération peuvent acheter les titres à l’émetteur puis les placer auprès des
investisseurs. L’engagement ferme de la banque est alors dénommé prise ferme ou
bought deal. Si la banque n’arrive pas à replacer l’ensemble des titres, elle sera
contrainte d’en conserver une partie sur son bilan, on parlera de façon familière de
« colle ».
La garantie est un engagement légèrement moins fort que la prise ferme. Dans ce
cas, la banque ne s’engage à acheter les titres que si le placement est un échec mais
peut ne pas remplir son engagement en cas de force majeure.
Pour des opérations plus complexes, les banques souhaitent, avant de garantir à
l’entreprise la bonne fin de l’opération, avoir une indication sur les intentions des
investisseurs. La technique utilisée est alors dite « de construction » d’un livre d’ordres
(bookbuilding). Concomitamment à la diffusion de l’information et au marketing
auprès des investisseurs potentiels, un livre d’ordres est constitué. Il enregistre les
intentions d’achat (volume de titres demandés et prix) des investisseurs potentiels et
permet ainsi d’établir la faisabilité et le prix de l’opération en fonction de la demande
Dans certains cas, la banque ne prend à aucun moment d’engagement sur la réussite
de l’opération, elle ne s’engage qu’à prodiguer ses meilleurs efforts (placement pour
compte ou best efforts en anglais). Ce type d’engagement ne subsiste que dans des
opérations réalisées par des entreprises de petite taille ou dans des cas très particuliers
(entreprises en difficulté par exemple).
Cette section n’a pas pour objectif d’analyser les motivations ou les aspects stratégiques
d’une introduction en Bourse (ce que nous verrons au Chapitre 34), mais d’en décrire
la technique.
a) Le placement global
Le placement global (ou placement garanti) est la technique utilisée pour placer des
titres auprès des investisseurs institutionnels. Il représente la tranche principale de la
très large majorité des introductions en Bourse. Ainsi, une (ou plusieurs) banque
organise le marketing et la vente des titres auprès de ces investisseurs grâce à la
technique du bookbuilding. Le prix fixé à l’issue de la constitution du livre d’ordres
servira de référence pour la fixation du prix de l’offre à prix ouvert. Les autres tranches
(employés et particuliers principalement) utilisent d’autres méthodes de placement.
À l’issue de cette période, qui peut durer de 5 à 15 jours, le prix de cession des actions
existantes et/ou d’émission des actions nouvelles est fixé. Il tient compte à la fois des
conditions de marché, de la demande globale recueillie dans le livre d’ordres et de la
sensibilité au prix éventuellement exprimée par les investisseurs.
Ce n’est qu’à l’issue de cette phase que les banques contractent effectivement un
engagement de garantie (underwriting en anglais). Les titres sont alors
immédiatement alloués et le risque de la banque est limité1.
1Ceci d'autant plus que la garantie ne s'applique généralement pas en cas de force majeure (on parlera de clause de
Material Adverse Change ou MAC).
Dans le cas d’une offre à prix ouvert, la fourchette de prix et le prix définitif sont
fixés parallèlement au placement garanti effectué auprès des institutionnels. Les
demandes sont allouées en fonction des ordres passés si la demande est en ligne avec
l’offre et peuvent être réduites selon des critères prédéterminés. Le taux d’allocation
minimum des demandes est généralement de 1 %. Cependant, afin d’éviter de
« laminer » les petits ordres, il peut être prévu, par exemple, que les ordres seront
servis en priorité jusqu’à hauteur d’un certain nombre de titres.
a) L’entreprise cotée
Lorsque l’on estime que les actionnaires existants vont souscrire très majoritairement
à l’augmentation de capital envisagée et que l’entrée de nouveaux investisseurs n’est
pas recherchée ou nécessaire, on utilise la technique de l’augmentation de capital avec
droits préférentiels de souscription (DPS). Le prix d’émission des actions nouvelles,
qui est fixe, est annoncé à l’avance et le placement se déroule ensuite sur plusieurs
jours. Le prix est fixé avec une forte décote par rapport au cours de Bourse afin d’éviter
l’échec de l’augmentation de capital si une baisse des cours se produisait pendant le
déroulement de l’opération. Pour ne pas léser les anciens actionnaires, l’émission est
assortie d’un droit préférentiel de souscription qui est négociable pendant la durée de
l’opération.
Dans ce cas, la fixation du prix d’émission par rapport à la valeur de l’action ne sera
pas dictée par la crainte que le cours de l’action fluctue pendant la durée de l’opération
(puisque l’entreprise n’est pas cotée !). La volonté des actionnaires actuels d’obtenir ou
non des liquidités à cette occasion en cédant éventuellement leurs droits de
souscription sera le critère déterminant.
a) Définition
Le droit de souscription est un droit attaché à chaque action ancienne qui permet à son
détenteur de souscrire à l’émission d’actions nouvelles.
Prenons l’exemple d’une société dont le capital est composé de 1 000 000 d’actions qui
valent aujourd’hui 50 € par action. Cette société réalise une augmentation de capital
de 100 000 actions au prix de 40 € par action. Une action nouvelle est donc émise pour
10 actions existantes. Chaque action existante va détacher un droit de souscription.
Pour souscrire une action nouvelle à 40 €, il faudra produire 10 droits de souscription
et verser 40 €.
Après opération, un actionnaire qui détenait une action et a cédé son droit
préférentiel de souscription doit être dans la même situation patrimoniale qu’un
investisseur qui achète 10 droits préférentiels de souscription et souscrit à une action
dans le cadre de l’augmentation de capital. Sinon des arbitrages interviendraient qui
établiraient l’égalité. Ainsi, le cours après opération doit être égal à :
cours avant opération – 1 DPS ;
mais aussi, à prix de souscription + 10 DPS.
𝐃𝐫𝐨𝐢𝐭 𝐝𝐞 𝐬𝐨𝐮𝐬𝐜𝐫𝐢𝐩𝐭𝐢𝐨𝐧
𝐕𝐚𝐥𝐞𝐮𝐫 𝐝𝐞 𝐥′ 𝐚𝐧𝐜𝐢𝐞𝐧𝐧𝐞 𝐚𝐜𝐭𝐢𝐨𝐧 − 𝐏𝐫𝐢𝐱 𝐝′ é𝐦𝐢𝐬𝐬𝐢𝐨𝐧
=
𝟏 + 𝐍𝐨𝐦𝐛𝐫𝐞 𝐝′ 𝐚𝐜𝐭𝐢𝐨𝐧𝐬 𝐚𝐧𝐜𝐢𝐞𝐧𝐧𝐞𝐬 ⁄𝐍𝐨𝐦𝐛𝐫𝐞 𝐝′ 𝐚𝐜𝐭𝐢𝐨𝐧𝐬 𝐧𝐨𝐮𝐯𝐞𝐥𝐥𝐞𝐬
En France, la réalisation d’une telle opération implique que les anciens actionnaires
renoncent à leur droit préférentiel de souscription par une décision d’assemblée
générale extraordinaire. Ils ne sont pas pour autant lésés car le placement des actions
nouvelles est effectué à un prix très proche du cours de Bourse du moment (avec une
décote de l’ordre de 3 % à 5 %).
La cession d’un bloc sur le marché (block trade en anglais) est réalisée, comme pour
une augmentation de capital, grâce à la constitution d’un livre d’ordres. Toutefois, le
pourcentage du capital à placer est généralement plus faible dans un block trade que
dans une augmentation de capital. Aussi, le block trade est-il une opération plus simple
que l’augmentation de capital : elle nécessite un effort de communication moindre. La
constitution du livre d’ordres est réalisée plus rapidement ; le management est moins
impliqué, voire pas du tout : en pratique, l’opération peut ne durer que quelques
heures, on parlera alors d'accelerated bookbuilding.
2De telles pratiques sont peu fréquentes sur les valeurs moyennes pour lesquelles la faible liquidité et la base
d’investisseurs étroite ne permettent pas aux banques de reclasser des blocs.
La banque prend alors un risque important et n’accepte d’acheter les titres qu’avec
une décote par rapport au cours de Bourse.
Le bought deal offre l’avantage pour l’actionnaire cédant d’être certain que
l’opération va effectivement aboutir et du montant qu’il va obtenir au moment de
prendre sa décision de vendre.