Vous êtes sur la page 1sur 127

Acouphènes, les reconnaître et les oublier

Édition : Miléna Stojanac


Révision et correction : Céline Bouchard et Sabine Cerboni
Illustration de la figure 2.3 : Irina Pusztai

© Trécarré, Montréal, Canada, 2020

Pour la présente édition, © Éditions du Rocher, 2021

Tous droits de traduction,


d’adaptation et de reproduction
réservés pour tous pays.

© 2021, Groupe Elidia


Éditions du Rocher
28, rue Comte Félix Gastaldi – BP 521 – 98015 Monaco

www.editionsdurocher.fr

ISBN : 978-2-268-10512-3
EAN E-pub : 9782268105260
Sylvie Hébert

Acouphènes,
les RECONNAÎTRE
et les OUBLIER
Ce livre est dédié à toutes les personnes qui vivent avec des acouphènes, en
particulier à celles qui en souffrent, ainsi qu’aux membres de leur
entourage. Il a été écrit avec l’intention de combler un besoin d’information
et d’offrir de l’espoir.
INTRODUCTION

Qu’est-ce que l’acouphène, qui et quand consulter, comment faire pour


améliorer la situation ? « Il n’y a rien à faire » et « Il faut apprendre à vivre
avec » sont – hélas ! – des phrases que les personnes qui ont des
acouphènes ne connaissent que trop bien. Du point de vue professionnel,
ces paroles signifient que les causes médicales ont été écartées. En soi, c’est
une bonne nouvelle, mais pour la personne qui souffre, c’est une autre
histoire. Ces paroles confirment un diagnostic de condition chronique. Il
n’est donc pas étonnant qu’elles aient parfois un effet dévastateur et laissent
les personnes concernées en colère, insatisfaites, avec un sentiment
d’abandon. Mais le fait est qu’il y a quelque chose à faire.
Un acouphène chronique signifie la perte du silence. Il y a un avant et
un après le diagnostic d’acouphène. À un certain moment, un processus
d’adaptation s’enclenche et peut d’abord comporter une phase descendante
caractérisée par des attitudes négatives – de la peur, de la colère, de la
tristesse, des regrets –, puis une phase ascendante – de l’acceptation, de la
quête de sens, de la sérénité – qui aboutira ultimement à un nouvel état
d’équilibre. Ainsi, l’histoire d’un acouphène évolue le plus souvent vers
l’habituation. Mais ce processus prend du temps et du soutien, et chaque
personne progresse à son propre rythme. Vous trouverez dans ce livre, je
l’espère, des réponses et des outils pour vous aider à parcourir ce chemin,
pour vous tourner vers l’avenir avec sérénité.
SYLVIE HÉBERT, Ph. D.
Professeure titulaire en audiologie
Université de Montréal
LES ACOUPHÈNES, UN FLÉAU
MONDIAL

La petite histoire
On entend de plus en plus fréquemment parler des acouphènes. On les
associe souvent à l’augmentation du bruit dans les sociétés modernes et à
l’utilisation d’appareils portatifs pour écouter de la musique, et ce, à des
niveaux sonores excessifs. Il est vrai que la prévalence de l’acouphène
rapportée est en croissance, peut-être parce qu’il survient plus
fréquemment, peut-être parce qu’on en parle davantage. Ce n’est toutefois
pas un phénomène nouveau. Hippocrate (460-377 avant notre ère), le père
de la médecine et auteur du serment prêté encore aujourd’hui par les
médecins, en rapporte les manifestations par trois mots : echos (sons),
bombos (bourdonnements) et psophos (faibles sons). Il les associe à la perte
auditive, aux maux de tête et aux douleurs menstruelles. C’était l’époque à
laquelle les maladies étaient expliquées par un déséquilibre entre les
humeurs constituant le corps humain – bile jaune, bile noire, phlegme et
sang. Dans ce contexte, l’acouphène était interprété comme une mélancolie
causée par un excès de bile noire. La théorie des humeurs a influencé la
pratique médicale jusqu’au XIXe siècle (par exemple, avec la saignée),
après quoi elle a été complètement abandonnée. Il est toutefois intéressant
de noter que les données cliniques actuelles rapportent un risque augmenté
d’acouphène dans des cas de stress psychologique, auquel peut être associée
une humeur dépressive.

Plusieurs personnalités célèbres ont parlé de leurs acouphènes


Ludwig van Beethoven (1770-1827) ; William Shatner (1931-) ; Ginette
Reno (1946-) ; Karkwa (formation musicale québécoise, compositrice et
interprète d’une chanson intitulée L’Acouphène) ; Michel Tremblay
(1942-), auteur, entre autres, du livre L’homme qui entendait siffler une
bouilloire, qui décrit bien le tourbillon d’émotions qui survient lorsque
les acouphènes apparaissent dans la vie d’un homme, provoqués dans ce
cas par une tumeur sur le nerf auditif.

Le terme acouphène n’est apparu que relativement récemment, vers


1950. En français, acouphène (nom masculin souvent utilisé au pluriel)
vient du grec akouein, entendre, et phainesthai, paraître, tandis qu’en
anglais, tinnitus vient du verbe latin tinnire, qui signifie tinter ou sonner. Le
Petit Robert définit l’acouphène comme un « bourdonnement, sifflement ou
autre phénomène perçu par une oreille ou par les deux, voire à l’intérieur du
crâne, et ce, en l’absence de tout son extérieur ». Cette définition est très
large. Elle ne tient compte ni du caractère occasionnel ou chronique de
l’acouphène, ni de sa sévérité. Ce manque de précision rend difficiles
l’évaluation du nombre de personnes atteintes et la comparaison des études
entre elles.
Particulièrement en France, on utilise l’appellation « acouphénique »
pour désigner une personne qui a des acouphènes. Ce néologisme n’apparaît
pas encore dans les dictionnaires classiques, mais il est souvent utilisé dans
des documents officiels spécialisés. J’utiliserai dans ce livre l’expression «
personne acouphénique ». Selon le contexte, je le préfère au terme « patient
» ou à l’expression « personne avec acouphènes ».

Des sons réels ou des sons fantômes ?


On s’entend pour distinguer deux grandes catégories d’acouphènes, les
acouphènes objectifs et les acouphènes subjectifs. Les premiers sont rares et
se caractérisent par le fait qu’une tierce personne peut les entendre. En
d’autres mots, le son est produit par une source située quelque part dans le
corps. Ils peuvent par exemple provenir d’une restriction du flot sanguin
dans une artère ou une veine près des oreilles et ainsi être entendus par un
médecin pendant l’examen. La très grande majorité des acouphènes sont
toutefois dits subjectifs, car ils ne sont perceptibles que par la personne
atteinte. On s’entend pour dire qu’ils sont causés par une activité nerveuse
aberrante générée quelque part dans le système auditif et inter-prétée à tort
comme un son par le cerveau. On ne peut les enregistrer au moyen d’un
microphone, même le plus sensible qui soit. C’est entre autres pour cette
raison qu’on parle de sons fantômes. D’où l’importance d’obtenir un
diagnostic d’acouphène juste et, malgré tout, la difficulté de prouver leur
existence. Nous en reparlerons.

Sommes-nous nombreux ?
Les études à grande échelle ont eu recours à différentes questions pour
essayer d’évaluer combien de personnes présentent des acouphènes et leur
sévérité, ce qui a produit des résultats très variables. Par exemple, on
obtient des données très différentes selon qu’on demande à quelqu’un s’il
entend « en ce moment » des bruits ou des sons dans ses oreilles, s’il en a
entendu « dans le dernier mois », « la dernière année », ou encore s’il « en
éprouve fréquemment ». Cela dit, lorsqu’on demande aux gens s’ils ont «
des bruits dans la tête ou dans les oreilles qui durent généralement plus de
cinq minutes », de 10 à 30 % d’entre eux répondent par l’affirmative, avec
un accroissement du pourcentage pour les personnes qui avancent en âge.
La prévalence des personnes atteintes d’acouphènes dérangeants, soit qui
interfèrent avec les activités de la vie quotidienne ou affectent la qualité de
vie, varie de 3 à 30 %.
Au printemps 2019, une étude de Statistique Canada a rapporté des
résultats surprenants à plusieurs égards1. Premièrement, la prévalence
observée était plus élevée que dans les études précédentes. On estimait en
effet à 37 % le nombre de Canadiens âgés de 19 à 79 ans qui rapportaient
avoir vécu des acouphènes dans la dernière année. De plus, contrairement
aux études précédentes, les pourcentages étaient plus élevés chez les jeunes
(46 % chez les 19 à 29 ans) que chez les plus âgés (33 % chez les 30 à
49 ans et 35 % chez les 50 à 70 ans). Parmi les 37 % des Canadiens ayant
rapporté des acouphènes, 80 % d’eux ne les considéraient pas comme
dérangeants, tandis qu’ils l’étaient pour les autres (20 % du total), affectant
divers aspects du quotidien, dont le sommeil, la concentration et l’humeur.
Dans cette même étude, on estimait que 80 % des jeunes de 19 à 29 ans
utilisaient des appareils audio portatifs pour écouter de la musique à des
niveaux sonores souvent excessifs. Chez les 30 à 49 ans, ce pourcentage
était de 53 %, alors qu’il passait à 28 % chez les 50 à 79 ans. Parmi toutes
les personnes qui utilisaient ce type d’appareils, les jeunes écoutaient de la
musique pour une durée moyenne de 7,8 heures par semaine, beaucoup plus
que les 30 à 49 ans (5,5 heures) et les 50 à 79 ans (5,2 heures). Des
tendances similaires ont été observées pour l’écoute de la musique à volume
élevé ou fort. Un volume « élevé » atteint les trois quarts du volume
maximal permis par l’appareil ou davantage, ou encore est élevé au point
qu’une personne située à la distance d’un bras doit élever la voix pour se
faire entendre. Les jeunes étaient également plus exposés au bruit fort et à
la musique amplifiée que les personnes plus âgées, tant les femmes que les
hommes, et ce, au travail comme dans les loisirs. Enfin, les adultes qui
avaient vécu un épisode d’acouphène, en particulier ceux chez qui il était
jugé dérangeant, étaient plus susceptibles de rapporter une réduction de
qualité de vie.
Que retenir de cette étude ? Il faut d’abord apporter une nuance. Les
taux élevés de personnes qui ont déclaré des acouphènes pourraient être
relatifs à la question qui était posée. En effet, on demandait aux gens s’ils
avaient vécu un épisode d’acouphène dans l’année précédente. Le résultat
comptait aussi bien les personnes avec un acouphène occasionnel (disparu
après un certain temps) qu’avec un acouphène chronique (continuel). Outre
cette nuance, il est connu que l’acouphène occasionnel est fortement associé
à l’écoute de sons à volume élevé, ce que confirment les résultats de
l’étude. Or, l’exposition à des sons forts est aussi associée à la perte
auditive. La forte prévalence d’acouphènes chez les jeunes fait donc
redouter que les jeunes gens commencent très tôt à subir des dommages
auditifs en raison de cette exposition à la musique forte. Par conséquent, les
jeunes présentent un risque élevé de vivre des acouphènes chroniques plus
tard dans leur vie. Il y a donc un important travail de sensibilisation et de
prévention à faire auprès des jeunes pour qu’ils prennent soin de leur
audition.

L’acouphène – symptôme ou maladie ?


La majorité des professionnels de la santé concernés qualifient
l’acouphène de manifestation ou de symptôme d’une dysfonction de
l’appareil auditif, plutôt que de maladie comme telle. En fait, la maladie en
général se définit comme une altération pathologique de cause souvent
connue et se manifestant par un ensemble de signes perceptibles par un
observateur et de symptômes perçus par la personne. Par exemple, le rhume
est caractérisé par des symptômes d’éternuements, de larmoiements, de
toux. Une manifestation ou un symptôme peut être attribuable à différentes
maladies : la toux peut être le symptôme d’une pathologie infectieuse, mais
aussi d’une allergie, d’un état asthmatique, etc. Il en va de même pour
l’acouphène. Il survient en raison d’un problème dans le système auditif –
un signal nerveux aberrant perçu comme un son –, mais il peut avoir
plusieurs causes. Par exemple, le plus souvent, l’acouphène peut être un
symptôme associé à une perte auditive ou l’un des symptômes de la maladie
de Ménière, d’une tumeur au nerf auditif, d’un traumatisme acoustique, etc.
Parfois, la cause n’est pas identifiable, car aucun dommage évident n’est
décelable à l’examen auditif. C’est pourquoi l’acouphène est considéré soit
comme une manifestation d’une dysfonction de l’appareil auditif, soit
comme un symptôme d’une maladie, selon le contexte.
L’acouphène est néanmoins répertorié dans la Classification statistique
internationale des maladies et des problèmes de santé connexes (la CIM-
11), publiée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), ce qui peut
prêter à confusion. Mais la classification code toutes les affections, y
compris les symptômes, lésions traumatiques, empoisonnements et autres
motifs de recours aux services de santé. Elle permet ainsi d’utiliser un
langage international commun pour désigner les problèmes de santé.
L’acouphène y figure au chapitre 21, « Symptômes ou signes cliniques du
processus de l’oreille ou de la mastoïde », et au chapitre 26, sous « Troubles
des yeux, de l’oreille, du nez et de la gorge », et sous « Troubles des maux
de tête ».

Suis-je atteint ? Le diagnostic de l’acouphène

Quel professionnel consulter, et quand ?


Lorsque l’acouphène apparaît comme un nouveau symptôme qui
persiste plus d’une semaine, lorsqu’un acouphène existant s’aggrave,
lorsque de nouveaux symptômes auditifs apparaissent, ou encore lorsque
l’acouphène interfère de façon significative avec la vie quotidienne, le
sommeil et l’humeur, il est souhaitable de consulter un professionnel2.
Mais qui consulter ? Ce n’est pas toujours clair. Habituellement, la porte
d’entrée vers un diagnostic d’acouphène est le médecin de famille qui peut
poser ou confirmer le diagnostic et exclure quelques-unes des causes
possibles3.
L’otorhinolaryngologiste (ORL) est quant à lui un médecin spécialiste
qui évalue et traite les maladies de la tête et du cou, plus précisément celles
qui affectent l’oreille, le nez et le larynx. Il est certainement habilité à poser
un diagnostic d’acouphène, mais il est consulté le plus souvent en deuxième
ligne, sur recommandation du médecin omnipraticien, pour établir ou
approfondir un diagnostic. En France, les tests sont partagés entre l’ORL et
les audioprothésistes. Le parcours normal de soin est le suivant :
• Le généraliste envoie vers l’ORL (mais il n’est pas toujours obligatoire
de voir le généraliste avant).
• L’ORL fait des tests diagnostiques et établit une ordonnance d’aides
auditives, et/ou envoie vers d’autres thérapeutes si nécessaires; En fait,
ce sont les audio-métristes qui travaillent pour l’ORL (normalement des
infirmières) qui font les tests : tympanométrie, potentiels évoqués
diagnostiques, émissions otoacoustiques, audiogramme par octave.
• Ensuite l’ORL fait l’ordonnance pour l’audioprothésiste, qui fait l’autre
partie des tests : audiométrie, seuils d’inconfort, audiométrie Hautes
fréquences, acouphénométrie (appariement et psychoacoustique de
l’acouphène), audiométrie vocale, etc.
• L’audioprothésiste fait l’adaptation sur ordonnance et le suivi.
• Souvent, les spécialistes sont organisés en équipe (ex : AFREPA4) et
donc peuvent référer à des professionnels qui ont une certaine expertise
et une équipe En France, certaines équipes incluent des sophrologues,
stomatologue, psychiatre, ostéopathes.

Vous pouvez consulter ces pages qui pourront vous orienter :

https://www.ameli.fr/assure/sante/themes/acouphenes/bilan-traitement-
prevention https://www.afrepa.org/
Le diagnostic
Il n’existe pas de test objectif pour confirmer l’existence d’un
acouphène subjectivement rapporté, ni pour en déter-miner la sévérité. Il est
impossible de prouver au moyen d’un test qu’une personne a un acouphène.
À l’inverse, il est tout aussi difficile de prouver qu’elle n’en a pas. Ainsi, le
compte rendu subjectif de la personne atteinte revêt une très grande
importance.
Trois éléments sont essentiels pour diagnostiquer un acouphène.

L’histoire de cas
Au cours de la première rencontre avec le clinicien – médecin,
audiologiste ou ORL –, plusieurs des renseignements fournis dans le récit
du patient vont aider dans la recherche d’une cause, l’étiologie. La
description des bruits entendus et leur association avec un événement
déclencheur ou d’autres symptômes sont des facteurs clés dans
l’identification de l’acouphène et la recherche d’une cause précise. Il s’agit
des paramètres suivants :
• leur fréquence – basse comme un bourdonnement sourd ou haute
comme un sifflement aigu ;
• leur localisation – à l’intérieur de la tête, dans les deux oreilles ou dans
une seule ;
• leur apparition ou une aggravation – graduelle ou soudaine, après un
événement particulier ; par exemple un traumatisme acoustique, un
coup à la tête, un accident de voiture, un travail dans un environnement
bruyant ;
• leur association avec la prise d’un médicament ;
• leur association avec d’autres symptômes, comme une sensation
d’oreille « pleine », des douleurs à la mâchoire, une malocclusion
causée par des dents manquantes, des vertiges, des maux de tête ou une
hypersensibilité aux sons, ou encore une synchronisation avec les
battements cardiaques. Par exemple, un bruit de basse fréquence décrit
comme un grondement accompagné de perte auditive fluctuante et de
vertiges pourrait orienter le diagnostic vers la maladie de Ménière et
suggérer au clinicien de procéder à des tests supplémentaires. Une
exposition au bruit au travail pendant plusieurs années pourrait orienter
vers un diagnostic d’acouphènes causés par une perte auditive
neurosensorielle.

Les renseignements importants à fournir au clinicien lors d’un


rendez-vous pour motif d’acouphènes

1. Le moment où l’acouphène est apparu. (Si le motif de consultation


est un changement dans l’acouphène, indiquer le moment où il a
changé.)
2. À quoi il ressemble : chute d’eau, criquet, bourdon nement,
sifflement…
3. À quel endroit il est localisé : dans une oreille, dans les deux oreilles,
à l’intérieur de la tête…
4. Indiquez si vous avez des problèmes d’équilibre et depuis quand.
5. Indiquez si vous prenez des médicaments et lesquels.
6. Parlez de votre occupation, de votre état de santé (maladie et
médicaments), indiquez si vous fumez, si vous avez une histoire
familiale de maladie ou de problèmes auditifs.
7. Indiquez si vous avez été exposé à des sons forts dans votre travail ou
dans vos loisirs.
8. Faites savoir au clinicien si vous avez eu un coup à la tête ou un
accident.
9. Indiquez si votre acouphène affecte votre sommeil, votre équilibre
émotionnel, votre travail, votre vie sociale, votre concentration…
10. Indiquez si vous ressentez des douleurs à la mâchoire.
11. Indiquez au clinicien si votre audition a changé ou si elle change
périodiquement.
12. Dites ce qui, selon vous, a pu causer votre acouphène.
13. Énumérez les facteurs qui améliorent ou aggravent votre acouphène.
14. Parlez des répercussions de vos acouphènes sur votre quotidien.
15. Dites si l’acouphène affecte votre travail.
16. Indiquez au clinicien si vous avez tenté des traitements et lesquels.

L’examen physique de base et la référence en consultation


L’examen physique comprend minimalement une otoscopie pour
inspecter le conduit auditif externe et le tympan. L’otoscopie est essentielle
afin de vérifier l’intégrité du tympan, de rechercher et d’extraire les
bouchons de cérumen et de détecter tout signe d’infection, par exemple des
otites de l’oreille moyenne. Elle se fait à l’aide de l’otoscope, un instrument
médical familier constitué d’un manche et d’une tête munie d’une lumière,
d’une lentille grossissante et d’un embout jetable. Le clinicien jugera
ensuite si une référence en otorhinolaryngologie est nécessaire.
Le rôle de l’ORL est notamment de déterminer s’il y a des causes
médicales qui peuvent être traitées ou doivent être prises en charge. Par
exemple, l’ORL peut recommander une lecture cérébrale (un scan) afin de
vérifier s’il y a une tumeur sur le nerf auditif. Il s’agit d’une tumeur rare et à
développement lent, mais s’il y en a une, il faudra possiblement l’extraire.
Certains cliniciens recommandent la dentisterie ou la physiothérapie afin
d’évaluer le bon fonctionnement de l’articulation temporomandibulaire,
celle de la mâchoire. Ces examens, que ce soit en ORL ou autres
spécialités, ne sont toutefois pas considérés comme des examens de routine
pour l’acouphène, ils revêtent plutôt un caractère exceptionnel.

Les causes médicales des acouphènes


* Causes les plus fréquentes de l’acouphène.

Source : Wu et coll., 2018

L’examen audiologique
Beaucoup de gens atteints d’une perte auditive ne s’en rendent pas
compte. C’est pourquoi les patients qui rapportent des acouphènes devraient
toujours être dirigés vers l’ORL et l’audioprothésiste pour un examen.
Plusieurs tests cliniques sont disponibles afin de déterminer le type et
l’ampleur d’une perte auditive, et éventuellement y remédier. De plus,
lorsqu’un acouphène est le motif principal de la consultation, le
professionnel a parmi ses tâches importantes à départager les patients qui
sont gravement affectés par leurs acouphènes, quelquefois appelés des
acouphènes décompensés ou cliniques, de ceux qui ne le sont pas, et qui ont
des acouphènes compensés ou non cliniques. Le spécialiste évalue la
sévérité de l’acouphène et ses répercussions à l’aide de questionnaires
validés ou au moyen de questions ouvertes. Il est en mesure de faire une
évaluation psychoacoustique de l’acouphène (appariement) lorsque le
patient le demande ou lorsque c’est indiqué pour l’intervention. Enfin,
lorsque c’est approprié, le spécialiste prépare un plan d’intervention en
collaboration avec le patient.

Mme M. ou consulter le bon professionnel au bon moment

Un an après avoir pris sa retraite, en 2006, alors âgée de 56 ans, Mme M.


a commencé à entendre un sillement (ou sifflement) aigu dans l’oreille
droite. Lors d’une consultation en audiologie, on lui a confirmé une
audition normale pour son âge et la présence d’un acouphène subjectif.
En 2009, Mme M. a remarqué l’apparition d’un nouveau bruit dans son
oreille droite, qu’elle décrivait comme un « oumph » répétitif. Elle
entendait faiblement « battre son cœur » dans son oreille. À l’apparition
de ce nouveau symptôme, Mme M. consulte de nouveau et on la réfère
en otorhinolaryngologie. L’ORL lui confirme qu’elle entend le bruit avec
son stéthoscope et donc qu’il s’agit bel et bien d’un acouphène pulsatile
objectif. Elle attribue cet acouphène à une oreille vieillissante et ne
poursuit pas davantage l’investigation.
Un matin de juin 2018, Mme M. se réveille abruptement avec le même
oumph répétitif dans l’oreille droite, mais tellement fort qu’elle l’estime
à 12 sur une échelle d’intensité de 0 à 10. L’acouphène interfère
significativement avec la qualité de vie de cette femme active. Elle
remarque que lorsqu’elle applique une pression dans son cou, juste sous
son oreille, son acouphène diminue fortement. Elle consulte donc de
nouveau un ORL, qui lui fait passer un angioscan avec contraste. On lui
diagnostique une fistule artérioveineuse durale à droite. Son ORL la
réfère en neurologie. Après des examens particuliers d’imagerie
cérébrale, elle subit deux traitements endovasculaires, qui ne donnent pas
les résultats escomptés sur l’intensité de son acouphène. On lui affirme
toutefois que celui-ci n’est pas dangereux. Mme M. est déterminée à
apprendre à l’ignorer. Elle effectue des travaux manuels (tricot, couture,
cuisine) qui la passionnent et qui l’aident à se distraire, détournant son
attention de ses acouphènes.

Comment les évaluer ?


Les deux facettes des acouphènes
Un acouphène peut être défini par des caractéristiques comme sa
fréquence et son intensité (voir le chapitre 3), qu’on peut estimer en
clinique par l’appariement psychoacoustique. C’est le son lui-même. Cette
facette de l’acouphène correspond à ce qu’on appelle le percept.
L’autre facette de l’acouphène est la réaction de la personne atteinte. Si
on prend deux personnes qui ont des acouphènes similaires en fréquence et
en intensité, leur réaction peut être très différente : l’une peut en être très
peu dérangée, tandis que l’autre peut l’être grandement. Ces deux facettes
des acouphènes, le percept et la réaction, sont évaluées par des outils
différents.
Figure 1.1 Les deux facettes de l’acouphène subjectif, leurs mesures et
les problèmes associés

L’évaluation du percept ou l’appariement


psychoacoustique
Qu’est-ce que l’appariement psychoacoustique de l’acouphène ? C’est
la procédure clinique qui permet de faire une estimation de la fréquence
dominante et de l’intensité de l’acouphène. Ensuite, il s’agit de savoir s’il
peut être masqué par des bruits externes et à quelle intensité – c’est le degré
minimal de masquage. Finalement, après la présentation d’un bruit
masquant, il s’agit de déterminer si l’acouphène peut diminuer ou même
disparaître – c’est l’inhibition résiduelle. Dans la grande majorité des cas,
l’acouphène disparaît ou diminue en intensité. Dans certains cas rares,
l’acouphène augmente en intensité. Peu importe qu’il diminue, qu’il
disparaisse ou qu’il augmente, l’acouphène revient à la normale après
quelques secondes.
À quoi sert l’appariement ? L’appariement est utile pour donner une
tangibilité à l’acouphène – non, vous n’êtes pas fou ! Il permet d’identifier
le son exact qui correspond à l’acouphène, ou à tout le moins à un son qui
s’en approche. La disparition temporaire de l’acouphène par le test
d’inhibition résiduelle peut être une expérience saisissante à la fois pour le
patient et pour le clinicien. Pour le patient, l’expérience du silence pour la
première fois depuis longtemps peut provoquer une forte réaction émotive.
Pour le clinicien, la réaction du patient qui expérimente ce silence peut être
très touchante. Les méthodes cliniques sont toute fois encore rudimentaires
pour réaliser l’appariement, et celui-ci ne réussit pas toujours, pour les
raisons détaillées au chapitre 2.
L’appariement peut indiquer si la personne serait une bonne candidate
au générateur de son. Une personne chez qui l’acouphène augmente avec
l’exposition au son masquant, par exemple, sera peu encline à accepter un
masqueur comme élément de gestion de l’acouphène. À l’inverse, une
personne chez qui l’acouphène répond bien sera plus susceptible d’en faire
l’essai. Les paramètres de l’acouphène comme sa fréquence et son intensité
peuvent aussi servir à bien ajuster le bruit généré par un masqueur et à faire
le suivi clinique.

L’évaluation de la réaction : les questionnaires


Les professionnels disposent de plusieurs outils pour évaluer les
répercussions d’un acouphène. L’exemple de la page suivante est un
questionnaire validé qui évalue la détresse psychologique associée à
l’acouphène. Où vous situez-vous ?
Le résultat final se calcule en additionnant les points obtenus pour
chaque réponse, pour un total possible de 104 points. Il n’y a pas de normes
en tant que telles pour définir des catégories de sévérité au moyen de ce
questionnaire, mais de façon générale, plus le résultat est élevé, plus
l’acouphène est perçu comme dérangeant. Un repère utile : un résultat
équivalent à 16 ou moins suggère une bonne gestion de l’acouphène. Un
résultat supérieur à 16 peut signifier qu’une aide professionnelle pourrait
être bénéfique. Les réactions émotionnelles sont évaluées par les réponses
aux questions 1 à 5, 8 à 11, 14 à 17, 19, 22 et 24 à 26. L’interférence de
l’acouphène dans le travail, les relations sociales et les activités de loisir est
évaluée par les réponses aux questions 6, 7, 12, 13, 18, 20 et 21. La
question 23 renvoie aux troubles du sommeil. Les questions 22 et 24
révèlent les sentiments de désespoir et les pensées suicidaires associées aux
acouphènes. Lorsque le total des points obtenus en réponse à ces deux
dernières questions est de 3 ou 4, il faut aller chercher de l’aide
professionnelle, en particulier si le résultat global est élevé.
Si, lors d’une consultation, on vous dit qu’« il n’y a rien à faire » alors
que vos acouphènes vous empoisonnent la vie, ou si vous êtes insatisfait des
réponses qu’on donne à vos questions, je vous recommande de consulter un
professionnel plus précisément formé dans le domaine des acouphènes. Il
saura vous accompagner dans votre parcours et vous proposer des solutions.

La mesure de la détresse psychologique liée à l’acouphène : un


sondage

Instructions – Dans la liste présentée ci-dessous, certaines phrases


peuvent s’appliquer à vous, d’autres non. Pour répondre à chaque
question, entourez le nombre qui reflète le mieux combien cette phrase
s’est appliquée à vous au cours de la semaine qui vient juste de s’écouler.
0 = pas du tout
1 = rarement
2 = de temps en temps
3 = la plupart du temps
4 = presque tout le temps
1. Mon acouphène m’a rendu malheureux.
01234
2. J’étais tendu à cause de mon acouphène.
01234
3. Mon acouphène m’a fait sentir irritable.
01234
4. Mon acouphène m’a donné un sentiment de colère.
01234
5. Mon acouphène m’a fait pleurer.
01234
6. Mon acouphène m’a fait éviter les endroits calmes.
01234
7. J’ai été moins intéressé par les sorties à cause de mon acouphène.
01234
8. Mon acouphène m’a rendu dépressif.
01234
9. Mon acouphène m’a contrarié.
01234
10. Mon acouphène m’a embrouillé l’esprit.
01234
11. Mon acouphène m’a rendu « fou ».
01234
12. Mon acouphène m’a empêché d’apprécier la vie.
01234
13. Mon acouphène m’a empêché de me concentrer.
01234
14. Mon acouphène m’a empêché de me détendre.
01234
15. Mon acouphène a provoqué chez moi un sentiment de détresse.
01234
16. Mon acouphène m’a fait ressentir de l’impuissance. 0 1 2 3 4
17. Mon acouphène m’a donné un sentiment de frustration.
01234
18. Mon acouphène m’a empêché de travailler.
01234
19. Mon acouphène m’a conduit au désespoir.
01234
20. Mon acouphène m’a fait éviter les endroits bruyants.
01234
21. Mon acouphène m’a incité à éviter les situations sociales.
01234
22. Mon acouphène m’a fait désespérer de l’avenir.
01234
23. Mon acouphène a perturbé mon sommeil.
01234
24. Mon acouphène m’a fait songer au suicide.
01234
25. Mon acouphène m’a fait éprouver un sentiment de panique.
01234
26. Je me suis senti torturé par mon acouphène.
01234

Version française du questionnaire de la mesure de la détresse


psychologique associée à l’acouphène (Wilson, Henry et coll., 1991 ;
validation du texte en France par Meric et coll., 2000).
1. En France, l’Ifop a réalisé un sondage pour l’Association JNA en 2018.
En page 56 % des 15-17 ans et 49 % des 18-24 ans ont déjà ressenti des
acouphènes (mais pas nécessairement dans la dernière année seulement, ce
qui est le cas pour l’étude canadienne). À noter que ces données,
contrairement aux canadiennes, n’ont pas été publiées dans un périodique
scientifique officiel.
2. Lorsque l’acouphène est accompagné de perte auditive subite ou apparaît
à la suite d’un traumatisme acoustique ou physique comme un coup à la
tête, il faut consulter sans hésiter. En revanche, l’acouphène est très
rarement causé par une pathologie qui mettrait la vie en danger. Une
consultation en urgence reste donc une situation exceptionnelle.
3. Au Canada, les patients vont d’abord être en contact avec un
audiologiste, spécialité qui n’existe pas en France. Professionnel membre de
l’Ordre des orthophonistes, et des audiologistes du Québec (OOAQ),
l’audiologiste détient une formation universitaire supérieure de 2e cycle. Il
pratique dans les centres hospitaliers, les centres de réadaptation, les
cliniques universitaires et en cabinet privé.
4. Association francophone des équipes pluridisciplinaires en
acouphénologie : https://www.afrepa.org/
L’AUDITION, UN SENS
MERVEILLEUX !

Puisque l’acouphène est perçu comme un son, il doit être encodé


quelque part dans le système auditif. Dans ce chapitre, je présenterai
quelques notions de physique et d’anatomie qui permettront de comprendre
les mécanismes par lesquels un son externe est transformé en signal
électrique, ou influx nerveux, qui se rend jusqu’au cerveau pour être perçu
comme un son et de saisir comment il est possible qu’un acouphène puisse
être perçu comme provenant de l’intérieur, afin de répondre en partie à la
question : « D’où le son perçu provient-il ? »

De la vibration mécanique à la perception


Tout le monde connaît la différence entre la « hauteur » d’un son, sa
fréquence : grave ou aiguë, et son intensité, de faible à fort : ce sont les
deux paramètres qui définissent un son en général et un acouphène en
particulier.
Du point de vue physique, l’onde sonore est une vibration des
molécules d’air (ou d’eau) mises en mouvement par un corps vibrant, par
exemple la corde d’une guitare, un haut-parleur ou nos plis vocaux (les
cordes vocales). La fréquence de l’onde s’exprime en hertz (Hz) ; elle
correspond au nombre de vibrations par seconde. Lorsque ce nombre est
bas, la hauteur5 du son entendu est grave ; lorsque le nombre de vibrations
par seconde est élevé, la hauteur du son entendu est aiguë. Par exemple, sur
un clavier de piano standard de 88 touches, la note située à l’extrême
gauche produit une fréquence de 27,5 Hz et celle qui est située à l’extrême
droite, une fréquence de 4 186 Hz ; en se déplaçant vers la droite du clavier,
la fréquence monte de plus en plus. L’oreille humaine est normalement
capable de percevoir les fréquences allant de 20 à 20 000 Hz et perçoit avec
plus de sensibilité les sons de fréquences moyennes. Les ondes situées sous
les 20 Hz sont des infrasons, et celles qui dépassent les 20 000 Hz, des
ultrasons. Les infrasons et les ultrasons ne sont pas entendus par l’oreille
humaine et sont donc définis par rapport à ce que l’oreille humaine peut
percevoir.

Les sons naturels ne correspondent pas à une seule fréquence, mais plutôt
à plusieurs fréquences simultanées. C’est cet amalgame qui en fait le
timbre et qui distingue par exemple le la d’un piano de celui d’une
clarinette. En effet, si deux notes ont la même fréquence de base de 440
Hz, leur agencement en harmoniques (des multiples de la fréquence
fondamentale) fait qu’on identifie et discrimine facilement deux
instruments de musique qui jouent une même note.
L’acouphène peut aussi avoir un timbre particulier, car il est
généralement composé de plusieurs fréquences. Ce mélange de
fréquences peut sonner comme une note de musique ou un bruit
contenant une quantité plus ou moins grande de fréquences (c’est la «
largeur » de bande du bruit). Selon qu’il y a une fréquence très
dominante ou non, l’appariement de l’acouphène n’est pas toujours
parfaitement réussi.

Figure 2.1 Audiogrammes typiques de la perte auditive


neurosensorielle causée par l’âge On observe une diminution de
l’audition en hautes fréquences au cours du vieillissement.
Source : https://www.vivason.fr/faq/audition-et-bilan-auditif/comment-
lire-un-test-auditif-audiogramme
L’autre dimension physique du son est l’amplitude de la vibration,
exprimée en décibels (dB). Plus l’amplitude de la vibration est élevée, plus
le volume6 est fort. L’oreille humaine est capable de percevoir les décibels
de 0 à 140 environ, et à partir d’environ 120-130 dB, le son devient
douloureux. L’échelle des décibels est logarithmique, ce qui signifie qu’une
augmentation de 10 dB dans la partie supérieure de l’échelle est plus grande
que la même augmentation à un niveau plus bas. En d’autres mots, plus on
monte dans l’échelle des décibels, plus l’intensité augmente rapidement.
Plus le volume est fort, plus le nombre de cellules sollicitées dans l’oreille
est important.
L’évaluation de l’acuité auditive d’une personne consiste en la mesure
du seuil d’intensité à partir duquel le son est perceptible pour certaines
fréquences standards. Lorsqu’une personne vieillit, son acuité auditive
diminue naturellement. Le registre des fréquences perçues tend alors à se
rétrécir, et de plus en plus de décibels deviennent nécessaires pour entendre
les sons, à commencer par les sons les plus aigus, en allant vers les sons
plus graves. En clinique, la pratique courante est de mesurer les seuils
auditifs pour les fréquences allant de 250 à 8 000 Hz, mais plusieurs
cliniques poussent l’exploration jusqu’à de très hautes fréquences
(16 000 Hz), ce qui rend plus facile l’évaluation de la détérioration de
l’acuité auditive.

L’oreille et ses composantes


Chez la majorité des personnes atteintes, les acouphènes sont associés à
un dommage à l’appareil auditif, qu’il soit mesurable ou non, et
possiblement causés par lui. Toute obstruction du son le long du parcours de
l’oreille jusqu’au cerveau peut entraîner une perte auditive et provoquer un
acouphène. Selon l’endroit où est situé le dommage dans ce parcours, la
perte auditive sera dite « de transmission » (éléments mécaniques de
l’oreille externe ou moyenne : canal auditif externe, tympan, osselets) ou «
neurosensorielle » (éléments nerveux de l’oreille interne et des voies
centrales). En effet, l’oreille elle-même est constituée de trois parties :
moyenne et interne. Lorsque le dommage touche l’oreille externe ou
l’oreille moyenne, on parle d’un dommage de transmission. Par exemple,
un bouchon de cérumen dans l’oreille externe ou une otite dans l’oreille
moyenne peut provoquer une perte auditive de transmission. Lorsque le
dommage touche plutôt la cochlée dans l’oreille interne ou les voies
nerveuses du cerveau, on parle de perte neurosensorielle.

L’oreille externe
L’oreille externe se compose du pavillon de l’oreille et du conduit
auditif externe. Le pavillon est constitué principalement de cartilage
recouvert de peau, et sa partie inférieure est le lobe de l’oreille. Le conduit
auditif externe est un canal en forme de tube qui diminue en diamètre pour
se fermer par le tympan à son interface avec l’oreille moyenne. Les deux
tiers internes du conduit auditif sont creusés à même l’os temporal du crâne
et tapissés de peau dotée de glandes sébacées et cérumineuses qui
produisent du sébum et du cérumen, des substances qui lubrifient le
conduit, le rendent imperméable et le protègent contre les corps étrangers.
Le conduit externe sert essentiellement à transmettre l’onde sonore jusqu’au
tympan, une petite membrane souple qui fait vibrer les osselets de l’oreille
moyenne – le marteau, l’enclume et l’étrier. Le cérumen devrait
normalement s’évacuer de lui-même du canal, mais il arrive qu’il
s’accumule et forme un bouchon qui doit être enlevé par un professionnel.
Les personnes âgées y sont particulièrement vulnérables, car le canal auditif
peut se courber. Le cérumen étant aussi plus sec, il s’évacue donc plus
difficilement. Un acouphène créé par un bouchon de cérumen peut se
résorber lorsque le bouchon est retiré.
Figure 2.2 Surdité de transmission et surdité neurosensorielle Lorsque
la perte touche l’oreille externe ou moyenne, elle est dite « de
transmission ». Lorsque la perte touche l’oreille interne et les voies
auditives jusqu’au cerveau, elle est dite « neurosensorielle ».
Source : https://www.cotral.fr/blog/prevention-risques-auditifs/le-
fonctionnement-de-l-oreille-humaine.html

Pourquoi a-t-on mal aux oreilles, en avion, au décollage ou à


l’atterrissage ?

L’oreille moyenne équilibre la pression de l’air des deux côtés du tympan


grâce à la trompe d’Eustache, un conduit qui va de l’oreille moyenne
jusqu’à l’arrière du nez. En temps normal, celle-ci s’ouvre et rééquilibre
la pression de part et d’autre du tympan de façon automatique.
Cependant, en avion, au décollage et surtout à l’atterrissage, les
changements rapides de pression dans la cabine rompent l’équilibre entre
la pression de l’air ambiant et celle de l’oreille moyenne. On peut aider
mécaniquement son ouverture en mâchant de la gomme ou en bâillant.
De façon plus technique, on peut pratiquer la manœuvre de Valsava, soit
prendre une grande inspiration, fermer la bouche et pincer le nez tout en
essayant de souffler doucement l’air par les narines – mais attention de
ne pas forcer ! Cette technique aide à rétablir l’équilibre de la pression
d’air et à éviter les douleurs et trauma-tismes aux oreilles
(barotraumatismes). Elle est particulièrement utile lorsqu’on est
enrhumé. La forme et la taille plus petite de la trompe d’Eustache des
tout-petits les rendent plus susceptibles que les adultes d’avoir mal aux
oreilles en avion. Soyons donc plus tolérants quand nous les entendons
pleurer, surtout au décollage et à l’atterrissage ! Les petits sont également
plus susceptibles d’avoir des otites, car leur trompe d’Eustache favorise
la migration des microbes du nez vers l’oreille moyenne.
Il est rare que les voyages en avion provoquent des acouphènes par
barotraumatisme. À moins d’avoir une infection à l’oreille, les
changements de pression en avion ne devraient ni créer des acouphènes,
ni les modifier de façon substantielle. Le bruit de l’avion et le stress du
voyage sont les facteurs les plus susceptibles de rendre les acouphènes
plus forts. Le choix d’un siège à l’avant de l’avion, où le bruit est un peu
moins fort, et l’emploi de bouchons de mousse atténueront le bruit et les
changements de pression. Ils devraient permettre de voyager sans
incident.

L’oreille moyenne
L’oreille moyenne est formée du tympan et des osselets, les trois plus
petits os du corps humain : le marteau, l’enclume et l’étrier, nommés en
raison de leurs formes caractéristiques. Ces os forment une chaîne à partir
du marteau attaché au tympan jusqu’à l’étrier appuyé sur la membrane (la
fenêtre ovale) à l’interface avec l’oreille interne. Étant donné que la
vibration doit passer d’un milieu aérien (dans l’oreille moyenne) à un
milieu liquide (dans l’oreille interne), la fonction principale des osselets est
d’amplifier la vibration, car le liquide de l’oreille interne est plus dense que
l’air et résiste à la vibration. L’étrier de l’oreille moyenne applique la
vibration sur une petite ouverture de la cochlée (dans l’oreille interne)
recouverte d’une membrane, la fenêtre ovale. Ainsi, la chaîne des osselets
fait office de piston pour amplifier la vibration depuis l’oreille externe
jusqu’à l’oreille interne.

L’oreille interne
L’oreille interne comprend l’appareil vestibulaire (qui contribue à la
sensation de mouvement et à l’équilibre) et la cochlée. Celle-ci est une
structure en forme de colimaçon sculptée dans l’os temporal du crâne, dont
la fonction est de transformer l’onde mécanique présentée par les osselets à
la fenêtre ovale en une onde électrique transmise dans le nerf auditif.
La cochlée est divisée en trois compartiments remplis de liquide et
séparés par des membranes, dont la membrane basilaire, le long de laquelle
des vibrations sont déclenchées en réponse aux différentes fréquences des
sons transmis par la membrane de la fenêtre ovale. Ce déplacement relatif
des différentes sections de la membrane basilaire entraîne l’activation des
cellules ciliées qui y sont reliées, puis l’activation des terminaisons
nerveuses du nerf cochléaire. Les cellules ciliées sont vulnérables à
plusieurs facteurs, parmi lesquels les sons forts, et elles peuvent être
irréversiblement endommagées. Nous naissons avec un capital de cellules
ciliées qui ne croît pas au cours de la vie. Ainsi, lorsque des cellules ciliées
sont détruites, elles ne se régénèrent pas, et leur perte provoque des
problèmes d’audition qui peuvent aller d’une difficulté à entendre les sons
faibles à une difficulté à suivre une conversation dans un bruit ambiant. La
perte de cellules ciliées produit une perte auditive neurosensorielle. Le
vieillissement et l’exposition au bruit affectent plusieurs aspects du
fonctionnement cochléaire. La densité et l’intégrité des cellules ciliées, les
synapses des cellules ciliées internes et la survie des fibres du nerf auditif
qui relaient l’information des cellules ciliées jusqu’aux autres relais sont
affectés.

Le système auditif et ses nombreux relais jusqu’au


cerveau
Après avoir quitté l’oreille interne, l’influx nerveux poursuit son chemin
dans le cerveau par le nerf auditif, ou nerf vestibulocochléaire, en passant
par plusieurs relais complexes dans le tronc cérébral, pour projeter vers le
cortex auditif primaire dans le lobe temporal. Chacune des deux oreilles
projette bilatéralement vers les deux hémisphères du cerveau, ce qui fait en
sorte qu’un son présenté à l’oreille droite est traité par les cortex auditifs
droit et gauche. La perception consciente du son et son interprétation sont
élaborées dans le cortex auditif associatif (là où les informations provenant
de plusieurs régions sont combinées) en relation avec d’autres aires
cérébrales.
Figure 2.3 Les voies auditives nerveuses
Voici une coupe frontale du cerveau montrant où est situé le cortex
auditif et une coupe horizontale du tronc cérébral illustrant les relais
des voies auditives. Source : http://www.cochlea.eu/cerveau-auditif
Parallèlement à l’envoi du signal au cortex, une copie est également
envoyée vers l’amygdale, une structure souscorticale du système limbique
(à ne pas confondre avec les amas de tissus lymphoïdes situés dans la
gorge), qui en évalue la valeur émotionnelle et, le cas échéant, la
dangerosité. Ainsi, la dangerosité d’un signal est décodée et traitée avant
même son accès à la conscience. Il est probable que l’acouphène soit
décodé par l’amygdale comme un signal dangereux, du moins au début, ce
qui déclenche une réaction du système nerveux.
Il existe également des voies descendantes qui partent du cortex et du
tronc cérébral et font projection jusqu’aux cellules ciliées externes, dans la
cochlée. Leurs multiples rôles ne sont pas encore totalement compris, mais
elles permettent entre autres de mieux entendre dans un milieu bruyant.

Un son physique et un son fantôme


Comment les écouteurs à réduction du bruit de fond fonctionnent-ils ?
Si l’on considère deux ondes sonores identiques, de même fréquence et de
même amplitude, et qu’on en inverse la phase de 180 degrés, les
mouvements de compression et de raréfaction des molécules d’air de
chacune des deux ondes se retrouvent en opposition complète et s’annulent.
En résultera une absence de son, puisque la vibration est annulée avant
d’arriver au tympan. Cette annulation physique des ondes sonores constitue
le principe de base des écouteurs à réduction du bruit : les écouteurs
produisent un bruit similaire au bruit ambiant, mais inversé en phase, ce qui
élimine une grande partie du bruit ambiant avant même qu’il parvienne à
l’oreille.
Serait-il possible d’appliquer aux acouphènes le même principe
d’annulation du bruit de fond au moyen d’un générateur de son externe de
phase inversée ? En d’autres mots, ne pourrait-on pas annuler l’acouphène
avant qu’il se transforme en une vibration du tympan ? La réponse est non.
On ne peut pas appliquer le principe de fonctionnement de l’écouteur à
réduction de bruit de fond à l’acouphène, parce que celui-ci n’est pas le
résultat d’une vibration mécanique du tympan ou des osselets, mais plutôt
un signal nerveux inter-prété par le cerveau comme un son. Il n’est donc pas
possible d’annuler l’acouphène – un son fantôme – avec un son externe
qu’on inverserait en phase. Lorsqu’on utilise les générateurs de bruit pour la
prise en charge de l’acouphène (voir chapitre 5), il ne s’agit pas d’annuler
l’acouphène, mais plutôt d’augmenter le bruit ambiant pour masquer
l’acouphène.

Les caprices du système auditif : trop ou pas assez


de bruit
Nos oreilles ne devraient pas être exposées à des niveaux de bruit
élevés, ni être privées de stimulation. Les niveaux de bruit trop élevés
produisent des pertes auditives, c’est connu depuis longtemps. Par mesure
de protection, les expositions aux bruits forts doivent être compensées par
une durée d’exposition réduite : plus le niveau est élevé, moins il faut y être
exposé longtemps, sous peine de subir des dommages permanents. Les lois
qui encadrent les niveaux de bruit acceptables dans les milieux de travail
s’appuient sur cette règle. Mais récemment, des études réalisées sur des
animaux de laboratoire ont également démontré que l’exposition à des
niveaux sonores qu’on considère comme non dangereux peuvent causer des
dommages à long terme difficiles à détecter avec des appareils standards ;
on parle de perte auditive cachée ou de synaptopathie, une maladie des
synapses nerveuses. Cette perte accélère les effets du vieillissement,
comparativement à des animaux non exposés au bruit. En d’autres mots, les
animaux d’un âge avancé qui avaient subi une exposition au bruit
présentaient des dommages plus importants que les animaux du même âge
qui n’avaient pas été exposés au bruit. Ce phénomène reste à confirmer
chez les humains. On ne sait pas s’il serait possible de prévenir une telle
perte cachée, pas plus qu’on ne sait avec certitude comment la mesurer.
À l’inverse, l’absence totale de stimulation auditive n’est ni naturelle ni
souhaitable. Même dans nos environnements les plus calmes, il y a un bruit
de fond mesurable. Les cabines utilisées pour réaliser les tests en audiologie
sont exception-nellement silencieuses, leur bruit de fond très bas atteint
environ 35 décibels. Si on y place des gens sans acouphène, un phénomène
étrange se produit.
La grande majorité de ces personnes rapporteront avoir entendu des
sons comme des sonneries ou des bourdonnements, des sons décrits comme
des acouphènes. Ainsi, le silence total peut provoquer des perceptions
semblables à des acouphènes, même chez des gens qui n’en rapportent pas
habituellement. Pourquoi ? Il est possible qu’un système auditif qui
fonctionne normalement produise constamment un bruit de fond, en
quelque sorte un acouphène d’une intensité très faible qui est normalement
filtré et qu’on ne peut entendre que lorsque l’environnement est exception-
nellement silencieux. Ce phénomène pourrait s’expliquer par le fait que les
neurones qui reçoivent de la cochlée les signaux vibratoires et les
transforment en influx nerveux sont toujours actifs, même lorsqu’il n’y a
pas de bruit. En d’autres mots, il y a toujours une certaine activité nerveuse,
même en l’absence de stimulation, c’est l’activité spontanée. L’activité
spontanée du système auditif en l’absence de stimulation est parmi les plus
élevées de tout le système nerveux, mais n’est pas exclusive au système
auditif ; le cerveau entier génère constamment de l’activité électrique,
même en l’absence de stimuli extérieurs. L’absence de cette activité
spontanée à l’électroencéphalogramme (EEG) est d’ailleurs caractéristique
de la mort cérébrale.
Le fait d’entendre des acouphènes en cabine audiométrique pourrait
aussi s’expliquer par un changement des réponses neurales du système
auditif central ou encore un acouphène temporaire, tous deux causés par la
privation auditive vécue dans cet environnement très silencieux.
Heureusement, on ne vit pas dans des cabines audiométriques ! En temps
normal, il y a toujours un certain bruit de fond ambiant. Lorsqu’on a des
acouphènes, il est d’autant plus important d’enrichir son environnement
sonore et d’éviter le silence.
La privation auditive n’est pas souhaitable parce qu’elle sensibilise le
système auditif. Nous pouvons facilement fermer les yeux quand nous
voulons nous couper de notre environnement visuel, mais nous n’avons pas
l’équivalent des paupières pour fermer nos oreilles. Et ce n’est pas un
hasard. Plusieurs études ont démontré que le port d’une protection auditive
comme des bouchons ou des coquilles pendant une longue période modifie
la perception des sons, donnant l’impression qu’ils sont plus forts lorsqu’on
les enlève ; des sons qui semblaient insignifiants avant le port de
protecteurs deviennent trop forts, une fois la protection enlevée. Ces
changements de perception sont accompagnés de changements
physiologiques comparables à ceux qu’on observe dans le cas d’une perte
auditive permanente. C’est précisément en raison de ces changements qu’a
été proposé un mécanisme de gain central (voir la section L’acou phène,
résultat d’une plasticité cérébrale déréglée ? Le modèle du gain central, p.
64).
On ne sait toujours pas si les changements décrits ici sont temporaires
ou permanents, s’ils sont cumulatifs ou si le moment où ils surviennent dans
le développement humain est important. Est-ce que le fait de porter des
coquilles de façon régulière mène à une hypersensibilisation aux bruits ?
Est-ce que c’est pire pour l’enfant ? On ne sait pas. En revanche, on sait que
les otites à répétition pendant l’enfance, qui causent des surdités
temporaires, sont un facteur de risque pour la perte auditive et les
acouphènes, plus tard dans la vie. S’il est très important de protéger son
audition contre les bruits forts, le port de bouchons ou de coquilles en tout
temps n’est pas désirable non plus. Nous reviendrons sur ce point au
chapitre 7.

5. La fréquence est une dimension physique du son, tandis que la hauteur en


est une dimension perçue par l’oreille.
6. L’amplitude est une dimension physique du son, tandis que le volume (on
peut dire aussi l’intensité perçue) est une dimension perçue par l’oreille.
LES ACOUPHÈNES OU
L’AUDITION DÉBRIDÉE

Une présentation des acouphènes


Il n’existe pas encore de classification officielle des acouphènes autre
que la distinction entre les acouphènes objectifs et subjectifs. On peut
néanmoins les distinguer selon certaines de leurs caractéristiques. Une
question reste non résolue : ces différentes formes d’acouphènes font-elles
appel à différents mécanismes ou sont-elles simplement des caractéristiques
différentes d’un même phénomène ? Il est plus que probable que
l’acouphène soit un phénomène hétérogène. L’identification de sous-types
d’acouphènes est une des visées importantes de la recherche.

La description verbale
Les acouphènes peuvent être décrits de multiples façons selon qu’ils
sont en hautes fréquences – comme une sonnerie, un sifflement, le bruit
émis par un transformateur, le chant d’une cigale – ou qu’ils sont en basses
fréquences – un bourdonnement, le ronronnement d’un moteur, un
grincement ou le chuintement d’une chute d’eau. Il peut aussi y avoir
plusieurs sons simultanés. En fait, les gens décrivent leurs acouphènes en se
référant à des sons qui leur sont familiers. Ainsi, les riverains de l’océan
auront tendance à décrire leur acouphène comme un bruit de vagues plus
fréquemment que les habitants d’un milieu rural, tandis qu’à l’inverse ceux-
ci auront tendance à décrire leur acouphène comme les stridulations des
criquets ou des cigales.

• Chroniques, aigus ou intermittents ?


Les acouphènes subjectifs peuvent être chroniques, aigus ou
intermittents. Les acouphènes chroniques sont présents de façon continue
depuis au moins trois mois. Le délai pour considérer un acouphène comme
chronique n’est pas standardisé. Ainsi, dans certaines circonstances, par
exemple pour octroyer des compensations financières aux anciens
combattants ou pour participer à des projets de recherche, on considère
comme chroniques les acouphènes présents depuis six mois. La plupart de
nos connaissances actuelles sont basées sur l’étude des acouphènes
chroniques.
On considère comme aigus les acouphènes présents depuis trois mois ou
moins. Ils peuvent survenir subitement après une seule exposition à un bruit
intense et disparaître après quelques heures ou quelques jours sans jamais
revenir, ou encore apparaître sans raison apparente et ne jamais repartir.
L’évolution et les mécanismes en cause dans une telle transition d’un
acouphène aigu à un acouphène chronique ne sont pas très bien connus. Les
quelques données disponibles suggèrent que, lorsque c’est possible, le
traitement de la cause sous-jacente (infections, surdité subite, bouchons de
cérumen) peut, dans certains cas, résorber complètement l’acouphène.
Les acouphènes intermittents sont ceux qui apparaissent et disparaissent
périodiquement. Ils sont les plus courants et, pourtant, on ne les comprend
pas. Par quoi sont-ils déclenchés ? Combien de temps restent-ils présents ?
À quelle fréquence reviennent-ils ? Finissent-ils un jour par devenir
chroniques ? Les études de laboratoire sur les acouphènes excluent presque
toujours les personnes qui ont des acouphènes intermittents, souvent pour la
simple raison que l’acouphène doit être présent le jour du test. S’il est
intermittent, les rendez-vous sont difficiles à fixer. Or, ce type d’acouphène
mériterait davantage d’attention de la part des chercheurs. Il devient en effet
intéressant du fait qu’il ne s’explique que partiellement par les mécanismes
habituels. Il serait pourtant très utile de comprendre quels mécanismes
régissent les acouphènes intermittents, car cela permettrait peut-être d’agir
sur ces mécanismes pour les contrer ou les prévenir.

Dans une oreille, dans les deux oreilles ou à l’intérieur de la


tête ?
La localisation de l’acouphène est une autre de ses caractéristiques.
L’acouphène peut être perçu dans les deux oreilles, dans une seule, ou
encore à l’intérieur de la tête. La localisation n’est toutefois pas toujours
facile à établir. L’acouphène semble parfois se manifester d’un seul côté,
mais c’est peut-être parce qu’il est plus fort de ce côté que de l’autre, où il
est à peine perçu. Lorsque l’acouphène est semblable dans les deux oreilles,
en termes de fréquence et d’intensité, il est perçu comme provenant de
l’intérieur de la tête. Lorsque l’acouphène est perçu dans chacune des deux
oreilles, c’est souvent qu’il est différent dans chaque oreille. C’est un peu
comme lorsqu’on porte des écouteurs. Si le son provient des deux écouteurs
avec une intensité semblable, il semble provenir du centre. Si le son est plus
fort à droite, il semble provenir de ce côté. Pour déter-miner ou confirmer
aisément la localisation de l’acouphène, il suffit de se boucher les oreilles
pour mieux entendre d’où il provient.
Les acouphènes sont le plus souvent symétriques, c’està-dire perçus
dans les deux oreilles ou à l’intérieur de la tête. Les acouphènes unilatéraux
(dans une seule oreille) sont plus rares et feront d’emblée l’objet d’une plus
grande attention lors d’une consultation, car ils pourraient aussi bien être le
symptôme d’un banal bouchon de cérumen qu’on peut extraire que d’une
pathologie rare comme une tumeur au nerf vestibulocochléaire. Des tests
plus sophistiqués seront nécessaires pour confirmer ces diagnostics. De
même, les acouphènes pulsa-tiles, qui suivent le rythme cardiaque, sont
rares, mais feront également l’objet d’une investigation un peu plus
approfondie. Typiquement, les gens qui ont des acouphènes pulsatiles disent
qu’ils entendent battre leur cœur dans leurs oreilles. Ce type d’acouphène
peut notamment révéler un problème veineux ou artériel (voir par exemple
le cas de Mme M., au chapitre 1).

Cas de figure

Jeune chercheuse, j’avais un jour testé l’inhibition résiduelle chez une


dame qui rapportait qu’elle entendait son acouphène à gauche. J’avais
donc présenté un bruit masquant uniquement à l’oreille gauche. À la
suppression du bruit masquant, j’avais demandé à la dame si l’acouphène
avait diminué ou disparu. Quelle ne fut pas ma surprise quand elle m’a
répondu qu’il avait changé de côté et qu’il était maintenant rendu à droite
! Cette anecdote me fait sourire aujourd’hui, mais j’avais alors été
confondue. L’explication vraisemblable de ce « déplacement
d’acouphène » est que l’inhibition résiduelle avait été totale pour l’oreille
gauche. L’acouphène à gauche avait disparu. Mais l’acouphène moins
fort qu’elle avait à l’oreille droite, qu’elle n’avait jamais remarqué parce
que celui de gauche était plus fort, était devenu audible parce que celui
du côté gauche avait été réduit au silence par le bruit masquant. Il
semblait donc être passé d’une oreille à l’autre ! Lorsque l’inhibition
résiduelle à gauche se fut estompée, chez cette dame, l’acouphène est «
revenu dans l’oreille gauche ».

Quelques étiologies ou causes courantes de l’acouphène


• La perte auditive neurosensorielle visible ou cachée
La perte auditive est bien souvent le seul élément identifiable dans le
déclenchement des acouphènes. Elle peut être de transmission,
neurosensorielle ou mixte, qui combine des atteintes de transmission et
neurosensorielle. La perte auditive de transmission est causée par une
privation auditive ou un dommage qui touche l’oreille externe ou moyenne.
Un bouchon de cérumen ou une otosclérose – une maladie qui réduit la
mobilité des osselets de l’oreille moyenne – peut provoquer des pertes
auditives de transmission et, par conséquent, des acouphènes.
La perte auditive neurosensorielle, causée par des dommages à la
cochlée et au nerf auditif, est la plus souvent associée aux acouphènes. Elle
peut être causée par des médicaments ototoxiques (qui provoquent des
lésions à la cochlée), par une prédisposition génétique, par le vieillissement
ou par une exposition prolongée au bruit. Les pertes auditives
neurosensorielles causées par l’âge ou une exposition prolongée au bruit
sont de loin les plus fréquemment associées aux acouphènes.
Est-il possible d’avoir un acouphène en l’absence de toute perte auditive
? Plusieurs personnes acouphéniques se font dire en clinique que leur
audition est normale. Deux choses, ici. Premièrement, le concept de
normalité est relatif, car il existe une variabilité dans les valeurs de seuils
qu’on considère comme normales. Par exemple, on considère les seuils
auditifs comme cliniquement normaux lorsqu’ils se situent entre -5 dB HL7
et 15 dB HL. Or, il y a un écart de 20 dB entre ces deux extrêmes, ce qui
suggère que des dommages peuvent être présents même s’ils ne sont pas
cliniquement significatifs. Les écarts peuvent être plus grands encore
lorsqu’on tient compte de l’âge. De plus, une grande partie des cellules
ciliées externes peuvent être détruites avant que des changements ne se
remarquent à l’audiogramme.
Deuxièmement, les tests et instruments cliniques ne permettent pas
nécessairement de détecter des dommages subtils. Ainsi, certaines cliniques
ne testent pas les très hautes fréquences (>8 kHz), qui peuvent être atteintes
mais qu’on ne voit pas si on ne fait pas le test jusqu’à 16 kHz. En effet,
dans la perte neurosensorielle, les premières fréquences à être atteintes sont
les très hautes fréquences, ensuite les hautes, ensuite les plus basses
fréquences. De plus, les seuils auditifs ne concernent qu’une partie de
l’audition. Lorsqu’on a recours à des tests plus fins, on peut parfois
découvrir certains dommages, par exemple des zones « mortes » de la
cochlée, rendues inactives en raison de lésions très localisées, ou un
dommage aux cellules ciliées externes. On parle de plus en plus de perte
cachée, dans ces cas.

Le traumatisme et le choc acoustiques


Le traumatisme acoustique est causé par une exposition brutale et
soudaine à un son très fort comme un coup de fusil ou une explosion à
proximité. Il provoque généralement une perte auditive immédiate,
temporaire ou permanente, et visible à l’audiogramme. Outre la perte
d’audition, le traumatisme acoustique est accompagné d’acouphènes et
d’une sensation d’oreille bouchée, et possiblement de vertiges, de nausées,
d’hyperacousie (voir la section L’acouphène et ses comorbidités
audiologiques. p. 77) et de douleur aux oreilles. Dans de tels cas,
l’acouphène peut lui aussi être temporaire ou permanent. Le traumatisme
acoustique cause une perte auditive neurosensorielle par des dommages
permanents à la cochlée et aux synapses du nerf auditif, et parfois aussi une
perte de transmission par des dommages à l’oreille externe (par exemple,
une rupture du tympan) et à l’oreille moyenne (par exemple, une rupture de
la chaîne des osselets).
Le choc acoustique est moins bien défini et n’est pas officiellement
reconnu comme une entité à part entière. Il s’apparente au traumatisme
acoustique, mais peut être causé par un son d’intensité moyenne à forte (par
exemple, un retour de son dans des écouteurs) qui ne provoque pas toujours
une perte auditive. Il est souvent rapporté par les téléphonistes qui
travaillent dans des centres d’appels. Le choc acoustique s’accompagne de
douleurs aux oreilles, d’acouphènes, de troubles de l’équilibre,
d’hyperacousie, de maux de tête, de sensations d’oreille pleine et,
quelquefois, d’une perte auditive. Ses mécanismes ne sont pas bien définis,
mais ils supposent entre autres une dysfonction du muscle tenseur du
tympan et des processus inflammatoires.

La maladie de Ménière
La maladie de Ménière est un trouble de l’oreille interne caractérisé par
un trio de symptômes : des crises de vertige invalidantes, une perte
d’audition neurosensorielle en basses fréquences fluctuante et progressive,
ainsi que des acouphènes. Les acouphènes apparaissent souvent comme
premier symptôme du trio. Ils peuvent être intermittents au début, souvent
précédés par une sensation d’oreille pleine, puis devenir chroniques. Ils sont
le plus souvent unilatéraux (du côté de l’oreille affectée) et typiquement de
basse fréquence, comme un bourdonnement. La maladie de Ménière est
causée par un excès d’endolymphe, ou de liquide, dans l’oreille interne.
Le traumatisme crânien et la commotion cérébrale Un traumatisme
crânien, une commotion cérébrale ou un coup du lapin (le whiplash, en
anglais), comme dans un accident d’auto qui cause une flexion-extension du
cou, peuvent aussi provoquer des acouphènes. Leurs mécanismes sont
toujours méconnus, mais ils incluent possiblement les dommages
traumatiques à l’oreille interne et aux voies auditives, ainsi que les
processus inflammatoires et biochimiques complexes qui surviennent à la
suite d’un accident.

L’acouphène somatosensoriel, un cas particulier ?


Le terme somatosensoriel renvoie à la sensibilité corporelle plutôt
qu’aux sens tels que la vision, l’odorat, le goût et l’audition. L’acouphène
somatosensoriel se démarque des autres formes d’acouphène par la capacité
de la personne à moduler son acouphène par des mouvements volontaires
de la tête, du cou, de la mâchoire ou des yeux. En bougeant la mâchoire, par
exemple, l’acouphène devient plus fort ou change de tonalité ou de
localisation. On peut aussi le moduler par des pressions sur certains points
gâchettes (trigger points) dans la région de la tête et du cou. Typiquement,
cet acouphène apparaît en même temps que les douleurs au cou et à la
mâchoire, ou il est précédé par un traumatisme à la tête et au cou. Il peut
aussi augmenter quand la personne adopte de mauvaises postures. Ce type
d’acouphène n’est pas apparié à une perte auditive à l’audiogramme, mais
possède une forte composante associée aux sensations et aux mouvements
de la tête et du cou.
Il existe de nombreuses connexions entre le système somatosensoriel et
le système auditif dès le premier relais dans le tronc cérébral. Ainsi, le
système somatosensoriel peut influencer le système auditif en altérant son
taux de décharges nerveuses. Il peut donc altérer le caractère de
l’acouphène par l’entremise des sensations induites par les contractions
musculaires du cou et de la mâchoire.
L’acouphène somatosensoriel répond-il à la physiothérapie ? Ce n’est
pas encore clair. Il semble qu’une certaine proportion de ces acouphènes
répondent effectivement de façon favorable à la physiothérapie, mais les
critères de sélection qui permettraient de prédire le succès ne sont pas
encore précis. À défaut de certitudes, on a émis l’hypothèse que les
acouphènes qui répondent à la physiothérapie sont d’apparition récente et
soudaine, et accompagnés de douleur et de maux de tête. En contrepartie,
les acouphènes qui augmentent après une exposition à un bruit fort et qui
présentent un caractère génétique sont moins susceptibles de s’améliorer
avec la physiothérapie. Les études sur des animaux qui ont révélé les
connexions entre le système somatosensoriel et le système auditif ont mené
à l’hypothèse que ce type d’acouphène pourrait répondre à un traitement de
stimulation bimodale, soit en couplant une stimulation auditive et une
stimulation tactile (voir le chapitre 5).
L’acouphène associé à un problème de l’articulation
temporomandibulaire peut être considéré comme une souscatégorie de
l’acouphène somatosensoriel. On trouve en effet un pourcentage beaucoup
plus élevé de personnes qui ont des acouphènes chez les patients qui
éprouvent des problèmes temporo-mandibulaires que dans la population en
général. À l’inverse, les personnes acouphéniques qui présentent des
problèmes d’articulation temporo-mandibulaire ne sont pas les patients
typiques, puisqu’il s’agit surtout de jeunes (en particulier des jeunes
femmes) davantage affectés par leur acouphène (perçu comme plus sévère)
et qui ont plus de difficulté à tolérer les sons forts. L’acouphène est alors
souvent unilatéral. Le stress est souvent rapporté comme déclencheur dans
ce groupe.

Comment expliquer l’acouphène ?


« Pourquoi moi ? » se demandent les gens qui ont des acouphènes. Le
consensus scientifique actuel autour de l’origine des acouphènes suggère
qu’ils sont le résultat d’une activité nerveuse générée dans le système
auditif en réaction à une diminution de l’activité du nerf auditif. Dans la
grande majorité des cas, cette diminution de l’activité du nerf auditif résulte
d’un dommage auditif, visible ou caché, causé le plus souvent par une
surexposition au bruit.

Caractéristiques qui suggèrent fortement une influence somato


sensorielle sur l’acouphène

1. L’acouphène et la douleur au cou ou à la mâchoire sont apparus


simultanément.
2. L’acouphène et la douleur au cou ou à la mâchoire s’aggravent
simultanément.
3. L’acouphène a été précédé par un traumatisme à la tête et au cou.
4. L’acouphène augmente quand la personne adopte de mauvaises
postures.
5. La fréquence, l’intensité et la localisation de l’acouphène varient.
6. Dans le cas d’un acouphène unilatéral, l’audio-gramme (qui illustre le
degré de perte auditive) n’est pas associé à l’acouphène.

Symptômes accompagnant l’acouphène qui suggèrent fortement une


influence somatosensorielle sur l’acouphène

1. Douleurs fréquentes dans la colonne cervicale et la ceinture


scapulaire.
2. Présence de points gâchettes (trigger points).
3. Tension musculaire dans le cou.
4. Troubles de l’articulation temporo-mandibulaire.
5. Bruxisme ou serrement de dents.
6. Maladies dentaires.

Source : Haider, H. F. et coll. (2017), « Pathophysiology, Diagnosis and


Treatment of Somatosensory Tinnitus : A Scoping Review », Front
Neurosci, 11, p. 207.
L’acouphène, un miroir de la perte auditive
La découverte du fait que l’acouphène est un « miroir » de la perte
auditive représente une avancée importante pour la compréhension des
mécanismes en cause. Lorsqu’on fait l’appariement de l’acouphène, on
remarque une constante, soit que le son qui en résulte est le plus souvent en
hautes fréquences et à faible intensité en décibels. En clinique, la méthode
d’appariement consiste à présenter deux sons de fréquences différentes et de
faire choisir par le patient lequel se rapproche le plus de son acouphène.
Cette méthode peut toutefois donner des résultats très variables. Par
exemple, l’acouphène – on le sait – est composé de plusieurs fréquences,
même s’il peut y en avoir une prédominante. Il s’agit donc souvent pour la
personne acouphénique de choisir entre deux fréquences toutes deux
présentes dans l’acouphène. De plus, la qualité musicale des sons est perdue
à partir de 3 ou 4 kHz environ, la note la plus aiguë du piano ; c’est cette
qualité qui permet au musicien de jouer un air musical familier dans toutes
les octaves (l’air de Frère Jacques joué à l’octave 3 est semblable à celui
qu’on joue à l’octave 5). Cela fait en sorte que les sons de très hautes
fréquences paraissent similaires à l’oreille et qu’il devient difficile pour la
personne de faire un choix stable entre plusieurs.
Heureusement, on peut estimer la fréquence et l’intensité des
acouphènes en laboratoire à l’aide de techniques plus sophistiquées que
celles auxquelles on a accès en clinique. On a développé une technique
fiable par laquelle on présente toutes les fréquences audibles de 250 Hz à 16
kHz. Pour chaque fréquence, on demande à la personne à quel point elle
ressemble à l’acouphène, sur une échelle de 0 (ne ressemble pas du tout à
mon acouphène) à 10 (ressemble tout à fait à mon acouphène). Il en résulte
une courbe qui permet de lire la bande de fréquences où l’acouphène se
situe. Des données recueillies dans notre laboratoire chez seize adultes âgés
de 43 ans en moyenne qui ont des acouphènes et une audition tout à fait
normale, d’après les critères cliniques actuels, sont rapportées à la figure
3.1.
La courbe reliant les points ronds représente l’acuité auditive aux
fréquences de 250 Hz à 16 kHz ; c’est l’audiogramme habituel, mais établi
sur une plage de fréquences augmentée (elle est souvent limitée à 8 kHz en
clinique). On peut y voir que plus la fréquence augmente (axe horizontal, de
gauche à droite), plus les seuils de détection du son se détériorent (notez
que sur l’axe vertical, à gauche du graphique, l’intensité au seuil de
détection en dB augmente de haut en bas). Les seuils sont à peu près
normaux jusqu’à 8 kHz, ce qui correspond habituellement à la fréquence la
plus élevée testée en clinique, mais augmentent par la suite (fréquences
supérieures à 8 kHz), ce qui indiquerait une perte auditive légère à de très
hautes fréquences même chez ces adultes à l’audition normale. Sur cette
même figure 3.1, la courbe reliant les points triangulaires représente la
ressemblance du son présenté avec l’acouphène à chacune des fréquences
de 250 Hz à 16 kHz ; il s’agit d’une évaluation subjective sur une échelle de
0 (pas du tout ressemblant) à 10 (identique). On remarque qu’inversement à
la courbe de l’acuité (les points ronds), plus on va vers les hautes
fréquences, plus la ressemblance estimée avec l’acouphène augmente (axe
vertical, à droite du graphique, la ressemblance augmente de bas en haut).
La ressemblance avec l’acouphène est donc plus grande aux très hautes
fréquences, là où il y a le plus de perte d’acuité au seuil de détection (les
courbes de l’acuité et de la ressemblance se croisent puis s’inversent). Dans
cette étude, la fréquence cotée comme la plus ressemblante à l’acouphène
était de 14,2 kHz, là où le seuil est le moins bon. C’est ce qui suggère que
l’acouphène est en miroir de la perte auditive, comme si l’acouphène était le
son fantôme de la perte auditive. Ce type de courbe peut être observé que
l’acouphène soit décrit comme un sifflement, une sonnerie ou le chant
d’une cigale. Plusieurs laboratoires ont publié des résultats similaires, le
premier à l’avoir fait étant un laboratoire de chercheurs français, en 2002.
Ces études confirment donc qu’il y a un lien direct entre la perte auditive et
l’acouphène.
Figure 3.1. Les acouphènes : un miroir de la perte auditive Les
fréquences de l’acouphène (triangles) sont en miroir de la perte
auditive (cercles). L’intensité de chaque fréquence (losanges) est très
proche du seuil auditif.
Source : figure tirée de nos données publiées dans PLoS One (traduite).

Le paradoxe de l’intensité
La troisième courbe du graphique de la figure 3.1, celle qui relie les
losanges, représente pour chaque fréquence la moyenne de l’intensité de
l’acouphène de tous les participants à l’étude et telle qu’ils l’ont estimée
eux-mêmes. On observe que l’intensité de l’acouphène n’est que
légèrement plus élevée que le seuil de détection pour chaque fréquence. Ici,
l’acouphène était en moyenne de seulement 4 décibels au-dessus du seuil.
La faible intensité de l’acouphène, lorsque la personne la juge par rapport à
un son externe qui lui est présenté, alors que la même personne perçoit
l’acouphène comme un son d’intensité élevée en tant que son interne – dans
une oreille, dans les deux ou dans la tête – est un trait caractéristique de
l’acouphène.
La faible intensité des sons externes auxquels les personnes
acouphéniques associent leur acouphène est surprenante. Comment se fait-il
que l’intensité de l’acouphène puisse être décrite comme intolérable dans la
vie quotidienne alors qu’un son externe auquel il est apparié pendant l’étude
n’est que de quelques décibels au-dessus du seuil d’audibilité ? Cela
suggère que l’intensité d’un son généré par le système auditif n’est pas
perçue de la même façon que celle d’un son externe. Étant donné les
changements physiologiques et les altérations de la perception qui
accompagnent l’acouphène, il est possible que le son interne soit perçu
beaucoup plus fort que le son externe désigné par la personne lors de
l’appariement. Il est possible également que d’autres facteurs (comme l’état
psychologique) jouent un rôle important dans le degré de dérangement
vécu, car un acouphène de même intensité chez deux personnes peut être
jugé intolérable par l’une et acceptable par l’autre. Quoi qu’il en soit, on
peut en déduire que l’intensité en décibels estimée dans l’étude
d’appariement ne prédit pas la réaction de la personne dans la vie
quotidienne.
Il se peut aussi que d’autres variables psychoacoustiques de l’acouphène
puissent mieux rendre compte du dérangement causé, par exemple la
masquabilité de l’acouphène ou la possibilité ou non de le masquer au
moyen d’un son externe. Certains acouphènes ne peuvent pas être masqués
par un son externe. Il existe encore peu de données sur cette question, en
particulier sur le lien entre la masquabilité et l’intensité perçue, puis sur le
lien entre la masquabilité et la réaction de la personne, notamment parce
que les méthodes d’évaluation très précises de l’acouphène nécessaires ne
sont pas accessibles à tous les professionnels et chercheurs.
L’acouphène, résultat d’une plasticité cérébrale déréglée ? Le modèle
du gain central L’un des modèles d’acouphène parmi les plus répandus et
associés à la perte auditive est celui du gain central augmenté. Selon ce
modèle, la perte auditive crée une réponse nerveuse inadaptée du système
auditif central. Il s’agit en effet d’une activité neurale, et non d’une activité
vibratoire ou mécanique, puisque même la section du nerf
vestibulocochléaire par chirurgie pour des raisons médicales ne fait pas
disparaître l’acouphène. Au contraire, elle peut en déclencher. Cette
observation suggère que le système auditif central (plutôt que la cochlée)
joue un rôle majeur, si ce n’est dans la production, du moins dans le
maintien de l’acouphène. Des études en neuro sciences ont démontré que
lorsqu’une entrée sensorielle est réduite, un certain degré de plasticité
s’installe pour la compenser. C’est aussi ce qui se produit dans le système
auditif. En effet, plusieurs études convaincantes ont démontré que chez les
animaux qui ont des acouphènes, il y a une augmentation de l’activité
nerveuse spontanée dès les premiers relais du système auditif (le noyau
cochléaire). Cette activité augmentée est accompagnée d’une
synchronisation des réponses nerveuses. En d’autres mots, les neurones
synchronisent leurs réponses pour former une réponse collective. Cette
activité augmentée et cette synchronisation de populations de neurones
pourraient être responsables de la formation d’un percept comme
l’acouphène.

Les animaux peuvent-ils avoir des acouphènes ?

Oui. Les animaux sont une source d’information précieuse en recherche.


Il existe deux façons principales d’induire des acouphènes chez les
animaux, surtout des rongeurs – rats, hamsters, cochons d’Inde. La
première nécessite d’injecter des doses massives de salicylate,
l’ingrédient actif de l’aspirine, ce qui produit des acouphènes dans 100 %
des cas. La seconde propose de les exposer à un bruit fort pendant une
certaine période, ce qui produit des acouphènes dans environ 50 % des
cas.
Comment conclure qu’un rat a des acouphènes, puisqu’il ne peut pas en
parler ? On utilise des mesures indirectes. Le conditionnement est une de
ces techniques. On entraîne un rat légèrement affamé à appuyer sur un
levier pour obtenir de la nourriture pendant qu’on fait jouer un son.
Chaque fois que le son joue, le rat apprend qu’il peut appuyer sur le
levier et recevoir une croquette de nourriture. Lorsque le son cesse, ou
lorsqu’il y a silence, le rat doit arrêter de presser le levier sous peine de
subir une légère décharge électrique. Lorsque l’association son-nourriture
et silence-décharge électrique est bien apprise, ce qui peut prendre de
quelques jours à quelques semaines, on induit un acouphène. On replace
ensuite le rat dans l’environnement du levier et on l’observe pour voir
s’il appuie sur le levier pour obtenir de la nourriture. S’il appuie sur le
levier lorsqu’il y a silence, on conclut qu’il entend un acouphène.
Le fait de pouvoir induire des acouphènes de façon contrôlée et invasive
chez des animaux permet d’observer les changements physiologiques,
chimiques, anatomiques et comportementaux causés par les acouphènes.
Cela permet également de tester des molécules qui ont le potentiel d’être
utilisées plus tard chez les humains.

Ainsi, en réaction à la diminution de l’entrée auditive, que ce soit une


perte auditive causée par une exposition à du bruit excessif, à des
substances ototoxiques ou en raison du vieillissement, les signaux affaiblis
seraient progressivement amplifiés le long des voies auditives, entraînant
des réponses plus intenses que la normale. La réponse nerveuse
augmenterait afin de retrouver le degré d’activité antérieur au dommage. Le
système auditif surcompenserait la perte en augmentant sa réponse
nerveuse, mais cette réponse produirait des acouphènes, un peu comme un
effet secondaire nuisible. Le lien entre les acouphènes et le gain central est
appuyé par plusieurs données de recherche. On l’a vu, plusieurs études ont
démontré que les acouphènes sont en miroir de la perte auditive. En
d’autres mots, les fréquences qui composent l’acouphène sont les mêmes
que celles qui sont les plus affectées par la perte auditive. Le cerveau
rendrait audibles, par hyperactivité, ces fréquences perdues ou diminuées.
Les acouphènes pourraient en quelque sorte être le prix à payer pour
maintenir l’équilibre neural dans le système auditif.
Ce modèle de gain central augmenté est d’autant plus intéressant si l’on
considère que beaucoup de personnes acouphéniques ont également un
certain degré d’hyper-acousie. L’hyperacousie pourrait être vue comme une
réponse plus intense que la normale aux sons externes, qui sont perçus plus
fort. Le modèle de gain central propose donc une explication pour deux
types de troubles – les acouphènes et l’hyperacousie – comme provenant
d’une même source.

• Autres mécanismes et questions actuelles


Le gain central est-il nécessaire et suffisant pour expliquer les
acouphènes ? Peut-être pas. Car pourquoi plusieurs personnes qui
connaissent des pertes auditives, donc chez qui on devrait pouvoir observer
un mécanisme de compensation par le gain central, n’ont pas d’acouphènes
? À l’inverse, chez certaines personnes qui ont des acouphènes, il n’y a pas
de dommage auditif évident. Aussi, pourquoi les personnes sans aucune
perte auditive peuvent-elles entendre des acouphènes lorsqu’elles sont dans
une cabine audiométrique ? Et comment expliquer les acouphènes
intermittents ?
De toute évidence, il est possible que le gain central puisse expliquer
une grande partie des cas d’acouphènes, mais pas tous. Un autre modèle
récent fait intervenir la relation dynamique entre le cerveau et
l’environnement. Le cerveau, et le système auditif en particulier, a une
propension naturelle à faire continuellement des prédictions sur ce qu’il
devra encoder comme sensations. Il prévoit ce qui se passera en fonction
des situations les plus courantes déjà encodées et ajuste sa prédiction si
celle-ci ne concorde pas avec la stimulation extérieure. Par exemple, le
système auditif est habitué à traiter comme pertinente la stimulation
auditive qui génère une activité plus intense (une conversation, un signal à
la radio) que l’activité nerveuse spontanée. Ainsi, notre système auditif est
habitué à ignorer l’activité nerveuse spontanée. En revanche, lorsqu’il y a
augmentation de cette activité spontanée en raison d’une perte auditive (par
un processus de gain central, par exemple), ou lorsque la personne est
placée dans une pièce exception-nellement silencieuse comme une cabine
audiométrique, le cerveau est déjoué et interprète cette augmentation
d’activité spontanée comme du son. C’est l’apparition consciente de
l’acouphène. Une fois que le cerveau a reconnu l’acouphène comme un son,
l’attention est augmentée vers ce signal et renforce la prédiction. Si
l’acouphène persiste pour une période de temps suffisamment longue,
l’acouphène devient intégré à la mémoire du système auditif et devient le
nouvel état par défaut. C’est l’acouphène chronique. Ce modèle est très
intéressant, car il s’applique non seulement à l’audition, mais aussi au
fonctionnement général du cerveau. En revanche, il n’existe pas encore de
données scientifiques pour l’appuyer en ce qui concerne l’acouphène en
particulier.
Le système limbique (les émotions, le stress) et l’attention jouent
certainement un rôle dans les acouphènes et leur sévérité. Plusieurs études
d’imagerie cérébrale ont dévoilé une activité du système limbique dans les
acouphènes. Le système limbique, dont l’amygdale fait partie, comprend
plusieurs structures en cause dans la réponse émotionnelle et l’évaluation de
la dangerosité ou non d’un signal. Une question se pose concernant le rôle
du système limbique dans l’acouphène : contribue-t-il à le produire ou en
est-il une conséquence menant au dérangement émotionnel ? Il est
actuellement impossible de répondre à cette question, puisque les
mécanismes de l’acouphène ne sont toujours pas bien compris.
En résumé, les dernières années ont vu foisonner les hypothèses quant
aux mécanismes à l’origine des acouphènes et à leur maintien. Les études
scientifiques de plus en plus nombreuses sur les acouphènes ont révélé que
c’est un problème complexe. Il reste donc encore beaucoup plus de
questions que de réponses.

Le bruit et le stress comme facteurs déclencheurs


et aggravants
Deux facteurs souvent rapportés spontanément par les personnes
acouphéniques comme des déclencheurs ou des facteurs aggravants des
acouphènes sont le bruit et le stress.
L’exposition cumulative ou aiguë au bruit qui produit une perte auditive
est un facteur de risque connu dans le déclenchement d’acouphènes.
L’exposition à un bruit modérément ou carrément fort peut également
augmenter son intensité. Cette modulation est habituellement temporaire, en
ce sens que l’augmentation de l’intensité revient à la normale après une
période plus ou moins longue.
Le stress est aussi souvent décrit comme un facteur déclencheur et
aggravant des acouphènes. Plusieurs personnes, en effet, rapportent que leur
acouphène est apparu lors d’une période de grande émotion, de choc ou de
stress. Chez certaines personnes, l’acouphène est perçu comme plus sévère
en période de stress. Pour d’autres, c’est l’acouphène qui crée un stress. Le
stress est donc décrit à la fois comme une conséquence, un déclencheur et
un facteur aggravant de l’acouphène.

La citation suivante est possiblement la plus ancienne suggestion


provenant des écrits scientifiques et voulant que le stress (ou un état
dépressif ?) puisse déclencher un acouphène. « Une jeune femme de la
ville, atteinte d’acouphènes après que son frère se fut noyé, a le moral
très bas […]. »

Source : Curtis, J. H. (1841), « Tinnitus Aurium », The Lancet, 36 (940),


p. 828-829.

• Le stress comme réaction à l’acouphène


La réponse physiologique et psychologique au stress est un outil
puissant pour faciliter l’adaptation et la capacité à y faire face, ou pour y
faire opposition (combattre ou fuir). La mobilisation des ressources – entre
autres les hormones associées au stress, le système nerveux autonome et
l’attention sélective – permet en effet de fonctionner de façon adaptée dans
toutes sortes de situations de la vie, que ce soit pour livrer une présentation
orale devant des collègues, pour déménager, pour demander une
augmentation de salaire au patron ou pour accompagner un proche chez le
médecin. Les sources de stress peuvent aussi être internes, comme une
incertitude quant à son avenir ou un discours négatif envers soi-même.
Lorsque la situation de stress dépasse les capacités à y faire face, le stress
devient nocif et si l’exposition persiste, le stress devient chronique.
Qu’est-ce qui rend une situation stressante ? Selon l’ensemble des
études scientifiques sur le stress8, les quatre éléments qui font qu’une
situation est stressante sont les suivants : on n’exerce que peu ou pas de
contrôle sur elle, elle est imprévisible (on ne peut pas savoir ce qui va se
passer), elle est nouvelle et elle menace l’ego (les compétences sont mises à
l’épreuve). Plus les éléments sont nombreux, plus une même situation est
stressante.
L’apparition récente d’un acouphène comme signal inter-prété de prime
abord par le système auditif comme dangereux et l’incertitude quant à son
évolution répondent à tous ces critères ou à une partie d’entre eux. Les
personnes acouphéniques, surtout dans les premiers temps, vivent une
situation totalement inédite (élément de nouveauté) sur laquelle elles ont
l’impression de ne pas avoir de contrôle (élément de perte de contrôle).
Elles ne savent pas comment évoluera l’acouphène (élément
d’imprévisibilité) et ne savent pas si elles auront les ressources pour gérer
ce problème (élément de menace à l’ego). En ce sens, l’apparition d’un
acouphène peut déclencher une réponse aiguë et adaptative de stress. La
persistance de l’acouphène peut toutefois engendrer une réponse répétée et
chronique de stress. Or, le système neurohormonal de réponse au stress peut
s’épuiser, devenir hypersensible et ne plus être en mesure de faire face au
stress de façon appropriée. Les données de notre laboratoire sont
compatibles avec l’épuisement de l’axe responsable de la sécrétion des
hormones de stress chez les personnes qui ont des acouphènes.
Figure 3.2 Le cycle du stress et de l’acouphène
Le stress comme facteur déclencheur ou aggravant de l’acouphène
Comment un état de stress peut-il déclencher un acouphène ?
L’exposition chronique au stress peut mener à des changements structuraux
et fonctionnels, en particulier dans le système limbique responsable des
émotions. Puisque le signal d’acouphène est traité par le système limbique,
il est possible qu’une faiblesse ou un dysfonctionnement de ce système, que
ce soit en raison du vieillissement, de troubles psychologiques, de troubles
du sommeil ou d’autres causes, rende moins efficace l’inhibition du signal
d’acouphène au cortex. Il se peut aussi que le stress chronique produise une
activation du cortex auditif. En effet, certaines données tirées d’expériences
sur des animaux suggèrent que l’exposition à des stress variés sur une
longue période peut activer le cortex auditif. Il est donc possible que le
système limbique ait plus qu’un rôle dans les émotions associées aux
acouphènes, et qu’il joue également un rôle central dans leur apparition et
leur maintien.
Un stress aigu sur un fond d’anxiété pourrait déclencher, amplifier et
mener à la chronicisation de l’acouphène. Une personne anxieuse de nature
aura tendance à scruter constamment son environnement à la recherche de
menaces potentielles. L’état anxieux est caractérisé par l’inquiétude et la
peur que quelque chose de grave puisse arriver. Lorsque l’acouphène
survient, il risque d’être perçu comme une menace majeure à la santé et
jugé très dérangeant. Cette vulnérabilité au sentiment d’être menacé peut
activer ou réactiver les réactions biologiques (activation du système
nerveux sympathique et des réponses de stress) répondant à cette menace.
La confirmation que l’acouphène est dangereux et menaçant garde le
système dans un état hypervigilant et hypersensible à la menace,
provoquant un cercle vicieux entre l’acouphène sévère et la perception de la
menace.
Lequel, du bruit ou du stress, est le plus dommageable ?
Des études populationnelles récentes ont établi que le bruit et le stress
psychosocial sont des facteurs de risque d’égale importance pour
développer des acouphènes. En revanche, le stress est considéré comme
plus important que le bruit dans l’apparition d’acouphènes sévères, et cela
de façon similaire chez les hommes et les femmes. De même, le stress
chronique a été identifié comme prédicteur de la sévérité de l’acouphène.
Les fluctuations dynamiques du bruit et du stress sur les acouphènes (la
réponse à des questions comme « Quel est le délai entre l’aggravation de
l’acouphène et l’exposition au bruit ou au stress ? » ou « Quels niveaux de
bruit ou de stress sont nécessaires pour déclencher une aggravation de
l’intensité des acouphènes ? ») ne sont pas simples, mais elles sont
extrêmement intéressantes. En effet, les cycles temporels des fluctuations
(constamment rapportées par les personnes acouphéniques) sont très
difficiles, voire impossibles, à mesurer en laboratoire. De nouvelles
méthodes seront nécessaires pour observer objectivement ces cycles, de
même que pour déter-miner quelles sont les personnes les plus vulnérables
au bruit, au stress, aux deux ou à ni l’un ni l’autre.

Les probabilités d’avoir un acouphène : simulation des données de


l’étude populationnelle sur le bruit et le stress comme facteurs de
risque de développer un acouphène

Si l’on prend l’exemple d’un homme de 50 ans, la probabilité qu’il


développe un acouphène en étant exposé à des niveaux minimaux de
bruit et de stress est de 10 %.
Si ce même homme était exposé à un niveau élevé de bruit et à un faible
niveau de stress, la probabilité qu’il ait un acouphène serait doublée pour
atteindre 20 %. Si, au contraire, il était exposé à un faible niveau de bruit
et un degré de stress élevé, la probabilité d’avoir un acouphène serait de
22 %. Ainsi, si l’un des deux facteurs (le bruit ou le stress) est faible et
l’autre, élevé, la probabilité de développer un acouphène est doublée par
rapport à de faibles niveaux de bruit et de stress.
Enfin, s’il était exposé simultanément à des niveaux élevés de bruit et de
stress, la probabilité de développer un acouphène serait de 40 %. Ainsi,
la probabilité d’avoir un acouphène doublerait par rapport aux deux
situations précédentes et quadruplerait par rapport à la première.
Source : d’après Baigi et coll., 2012.

Suis-je à risque ?
Il y a deux aspects au risque posé par l’acouphène : sa présence et sa
sévérité. Le facteur de risque le plus important pour la présence d’un
acouphène subjectif est le dommage auditif, qu’il soit neurosensoriel ou de
transmission. Toutes les personnes exposées à des sons forts dans leur
travail ou dans leurs loisirs sont susceptibles de développer des acouphènes.
Ainsi, les groupes à risque incluent les personnes qui travaillent dans le
bruit, par exemple les employés d’usines et de centrales téléphoniques, les
pompiers et les travailleurs de chantiers de construction, de même que les
militaires, les musiciens professionnels ou amateurs et les chasseurs. La
perte auditive étant associée à l’âge, les personnes âgées étaient
traditionnellement plus à risque que les jeunes de développer des
acouphènes. Mais les jeunes s’ajoutent désormais à cette liste en raison de
leur exposition volontaire aux sons forts par l’entremise des appareils
portatifs. Cela fait beaucoup de monde…
D’autres facteurs de risque associés à l’état de santé s’ajoutent à la perte
auditive pour expliquer la présence d’acouphènes. Le tabagisme, qu’il soit
actuel ou passé, est un facteur de risque documenté à ce propos. Cet effet
est direct et va au-delà du fait que le tabagisme est associé à la perte
auditive neurosensorielle. On soupçonne également l’hypertension et le
diabète comme facteurs de risque, mais les données probantes sont plus
faibles. On croit qu’ils pourraient augmenter la prévalence des acouphènes
par leur rôle dans la perte auditive neurosensorielle, associée à l’apparition
d’acouphènes.
Les facteurs de risque les plus importants pour la sévérité de
l’acouphène sont de nature autre qu’auditive : ce sont l’épuisement
émotionnel, le stress chronique et la présence de dépression et d’anxiété.
L’état psychologique à la survenue des acouphènes est un facteur qui pourra
déterminer comment l’acouphène est interprété. L’âge avancé et le degré de
perte auditive ont aussi été identifiés comme facteurs associés à des
acouphènes plus sévères.

Groupes à risque
1. Les jeunes et moins jeunes qui écoutent de la musique à des niveaux
élevés.
2. Les musiciens.
3. Les militaires.
4. Les chasseurs.
5. Les travailleurs en milieu bruyant ou stressant (pompiers, travailleurs
d’usine, de chantier, opérateurs de centrales téléphoniques, travail-
leuses en service de garde9).

L’acouphène et ses comorbidités audiologiques

La perte auditive visible ou cachée


Les patients demandent fréquemment si l’acouphène les rendra sourds.
Non, un acouphène ne rend pas sourd. En fait, la relation est inverse ; c’est
la perte auditive qui est un facteur de risque des acouphènes. Ceux-ci
s’accompagnent la plupart du temps de dommages auditifs mesurables, et il
peut être difficile de départager les effets de la perte auditive et ceux de
l’acouphène dans la perception. La perte auditive, surtout de type
neurosensoriel, entraîne des difficultés de communication, en particulier
lorsqu’il y a du bruit environnant. Certains sons de la parole seront plus
difficiles à saisir, et les conversations seront plus difficiles à suivre dans un
restaurant bondé, par exemple, qu’en situation de face à face dans un
environnement tranquille. La perte auditive neurosensorielle peut se
développer de façon graduelle et la personne ne s’en rend pas
nécessairement compte. Ce n’est pas en demandant « Entendez-vous bien ?
» qu’on peut avoir un portrait juste de la situation, mais plutôt en mesurant
l’audition en clinique. C’est pourquoi il est important de consulter en
audiologie afin de mesurer et de qualifier une perte auditive potentielle, et
pour savoir si elle peut être améliorée. L’acouphène, comme son
indésirable, ajoute effectivement aux difficultés en inter-férant avec la
communication. Une amplification adéquate améliore toutefois la situation
face à l’acouphène.

Les musiciens et les acouphènes


Les musiciens rock, qui jouent avec des instruments amplifiés, courent le
risque de développer des acouphènes. Mais ils ne sont pas les seuls. Les
musiciens classiques sont également à risque. Plusieurs études ont
mesuré les niveaux sonores des différents instruments de l’orchestre et
ont découvert que selon l’endroit où les musiciens sont placés sur la
scène, les niveaux peuvent dépasser les normes de sécurité. De plus, les
niveaux sonores augmentent entre la période de pratique et le concert,
pouvant même atteindre entre 94 et 103 décibels pendant le concert. Les
bois (bassons, saxophones, clarinettes…), les cuivres (trompettes,
trombones, tuba…) et les percussionnistes sont les plus exposés à des
niveaux de bruit trop élevés. La sévérité de l’acouphène dépend du temps
d’exposition sonore accumulé au cours de la vie. Les concerts classiques
n’étant pas amplifiés, il est peu probable que les auditeurs, même
assidus, soient à risque de développer des acouphènes, ce qui n’est pas le
cas pour les spectateurs à des concerts rock, où des amplificateurs
peuvent émettre des niveaux sonores encore plus importants que sur la
scène. Le plaisir n’est pourtant pas proportionnel au nombre de décibels !

Perte auditive ou acouphènes ?

Difficultés associées à la perte auditive

1. Éprouver des difficultés à entendre ce que les gens disent dans les
endroits bruyants.
2. Éprouver des difficultés à entendre ce que les gens disent à la
télévision.
3. Éprouver des difficultés à entendre les gens qui ont des voix faibles.
4. Éprouver des difficultés à entendre ce qui est dit dans les
conversations de groupe.
Difficultés associées aux acouphènes

1. Éprouver des difficultés à s’endormir.


2. Éprouver des difficultés à relaxer.
3. Éprouver des difficultés à se concentrer pour lire.
4. Éprouver des difficultés à penser à autre chose qu’à l’acouphène.

• L’hyperacousie
Les patients acouphéniques se plaignent souvent d’hyper-acousie, qu’on
pourrait définir comme une sensibilité plus grande que la normale aux sons
; ils sont perçus plus fort par une personne qui a une hyperacousie que par
un auditeur normal. L’hyperacousie peut être subtile et passer inaperçue,
mais dans certains cas elle peut être plus invalidante que l’acouphène. Les
instruments pour mesurer l’hyperacousie sont encore limités, et la définition
ainsi que les critères ne sont pas universels. Cette situation limite
évidemment les moyens pour y remédier. L’hyperacousie et l’acouphène
pourraient être des conséquences de l’hyperactivité neurale. En cas
d’hyperacousie, il ne faut pas porter en permanence des protecteurs auditifs,
car ceux-ci augmentent la sensibilité et aggravent le problème. La solution
réside plutôt au contraire dans la stimulation sonore, qui désensibilise la
perception. Le chapitre 5 porte sur cette question.

Les autres symptômes


D’autres symptômes auditifs peuvent être présents, comme une
sensation d’oreille pleine, des vertiges, de la douleur en présence de sons
forts et des maux de tête. Ces symptômes peuvent faire partie de syndromes
plus complexes, il est donc important de les rapporter.

L’acouphène et ses comorbidités psychologiques


Les plaintes le plus souvent associées aux acouphènes peuvent être
regroupées en trois catégories : les troubles du sommeil, les problèmes de
concentration et d’attention, les troubles de l’humeur et anxieux. Le
problème, avec les comorbidités (ou troubles associés) de l’acouphène, est
qu’on ne sait pas lequel vient avant l’autre : l’acouphène entraîne-t-il des
comorbidités ou les comorbidités augmentent-elles la sévérité de
l’acouphène ?

Les troubles du sommeil


Les troubles du sommeil comptent parmi les affections dont se plaignent
le plus souvent les personnes acouphéniques. Il est certain que la perte de
l’environnement sonore silencieux normalement propice au sommeil peut
devenir un irritant en cas d’acouphène. De plus, avec l’âge, le sommeil
devient plus fragile et plus fragmenté. Les gens plus âgés qui ont des
acouphènes sont donc plus à risque de mal dormir. Ils peuvent connaître des
difficultés à s’endormir et à se rendormir en cas de réveil. En retour,
l’insomnie engendrée par les acouphènes peut les rendre moins tolérants
durant le jour. Lorsqu’on utilise des questionnaires validés, les adultes âgés
qui ont des acouphènes rapportent effectivement plus de troubles du
sommeil que des gens du même âge qui n’en ont pas, en particulier quant à
la qualité du sommeil perçu et à son efficacité. La qualité du sommeil
renvoie à la sensation d’avoir bien dormi ou non. L’efficacité du sommeil
reflète le rapport entre le temps passé au lit la nuit et celui qui est réellement
passé à dormir. Par exemple, si une personne passe huit heures au lit à
tenter de dormir, mais qu’elle n’en dort que quatre, l’efficacité de son
sommeil est de 50 %. Un sommeil efficace atteint 85 % ou plus. En d’autres
mots, idéalement, on ne doit pas passer plus de 15 % du temps sans dormir
lorsqu’on est au lit. Il y a aussi une corrélation positive entre la sévérité de
l’acouphène et les troubles du sommeil : plus les problèmes de sommeil
sont importants, plus l’acouphène est sévère. L’enrichissement sonore et
l’adoption d’une bonne hygiène de sommeil, des méthodes proposées pour
traiter les insomniaques, sont les stratégies les plus utiles pour améliorer les
troubles du sommeil (voir le chapitre 6).

Les problèmes de concentration et d’attention


Des difficultés de concentration et d’attention, deux aspects des
fonctions cognitives, comptent également parmi les plaintes fréquentes chez
les personnes qui ont des acouphènes. La concentration et l’attention sont
les capacités du cerveau qui permettent d’accomplir quotidiennement une
multitude d’opérations mentales et d’activités. L’attention est un terme
général qui regroupe un ensemble de mécanismes permettant de
sélectionner une information et d’orienter son traitement. De façon
générale, les études indiquent effectivement que les adultes qui ont des
acouphènes ont une plus grande difficulté avec leurs fonctions cognitives.
Les capacités à rediriger son attention et à ignorer l’information non
pertinente seraient moins rapides chez les personnes acouphéniques. La
mémoire à court terme serait aussi atteinte. Les études sur les fonctions
cognitives ne sont pas nombreuses, et il reste beaucoup à faire pour préciser
où se situent les problèmes. De plus, les facteurs comme la perte auditive,
l’anxiété et la dépression sont souvent présents, de sorte qu’ils peuvent
ajouter aux difficultés des personnes acouphéniques à effectuer les tâches
qui demandent de l’attention. Il est d’ailleurs déjà connu que les personnes
déprimées éprouvent plus de difficultés à effectuer des tests de mémoire. Le
chapitre 6 propose un exercice pour travailler l’habileté à changer son
centre d’attention.

Les troubles de l’humeur et les troubles anxieux


Les troubles de l’humeur et les troubles anxieux sont les comorbidités
psychologiques les plus largement connues et documentées. Les troubles de
l’humeur les plus fréquents sont la dépression avec ou sans anxiété et le
trouble bipolaire. La dépression est marquée par des sentiments de tristesse
extrême, un manque d’énergie, une diminution des activités et le désespoir.
La rumination du passé et des regrets en est un symptôme caractéristique.
Une humeur maussade et des symptômes dépressifs peuvent toutefois être
présents sans qu’il y ait de dépression clinique en tant que telle. Lorsqu’on
utilise des questionnaires validés de symptômes dépressifs, les personnes
acouphéniques obtiennent toujours des résultats plus élevés que des
personnes témoins du même âge sans acouphènes. Il y a un chevauchement
partiel entre les questionnaires mesurant la détresse associée aux
acouphènes et les questionnaires sur la dépression. Ces recoupements
suggèrent un lien entre la symptomatologie des acouphènes dérangeants et
la dépression. Plus les symptômes dépressifs sont sévères, plus la détresse
associée à l’acouphène l’est aussi. Une étude populationnelle sur deux ans
effectuée en Suède et à laquelle nous avons participé a démontré que
lorsque les symptômes de dépression s’atténuent, la détresse associée à
l’acouphène s’estompe aussi.
L’anxiété est aussi très fréquente chez les personnes acouphéniques.
Elle combine des symptômes physiques, comme des battements cardiaques
rapides, de la tension musculaire ou des sueurs, et des symptômes
psychologiques, comme de l’inquiétude, la peur qu’un accident grave soit
sur le point d’arriver, des craintes. Contrairement à la peur, une réaction
normale en réponse à un danger réel, l’anxiété provoque une réaction
similaire sans qu’un danger soit présent. De nombreuses études
populationnelles, à grande échelle et dans plusieurs pays, ont révélé des
pourcentages plus élevés de troubles anxieux chez les gens qui ont des
acouphènes que dans la population en général. Un acouphène peut
engendrer de l’anxiété chez une personne, en particulier lorsqu’elle est dans
l’incertitude quant à l’évolution, à la dangerosité et aux facteurs et aux
circonstances qui pourraient intensifier ou réduire l’acouphène. Une anxiété
ponctuelle peut se transformer en anxiété chronique et favoriser ainsi le
développement d’états pathologiques.
La thérapie cognitive comportementale a fait ses preuves pour améliorer
l’humeur (y compris la dépression et l’anxiété) et le trouble associé à
l’acouphène. Un travail sur la santé émotionnelle des personnes
acouphéniques offre la promesse de diminuer la détresse associée aux
acouphènes. Les antidépresseurs ne sont pas recommandés comme
traitement contre la sévérité des acouphènes. En revanche, une dépression
ou de l’anxiété cliniquement significatives sont des éléments à bien évaluer,
car ce sont des leviers potentiels pour améliorer, grâce à leur traitement, le
dérangement causé par les acouphènes.

7. Il est en effet possible d’observer des valeurs négatives de décibels ; la


valeur « 0 décibel » est arbitraire et ne correspond pas à l’absence de son.
8. Voir https://www.stresshumain.ca.
9. Il est à noter qu’au Québec la Commission des normes, de l’équité, de la
santé et de la sécurité du travail (CNESST) offre des compensations aux
travailleurs pour la surdité professionnelle mais pas pour les acouphènes.
ET MAINTENANT, QUE FAIRE ?
LES SOLUTIONS

S’informer
Savoir que l’acouphène est commun, qu’il s’agit d’un trouble de
l’audition plutôt que d’une maladie, qu’il est rarement causé par une
pathologie et n’est pas dangereux devrait déjà rassurer. On ne meurt pas
d’acouphènes ni de complications associées aux acouphènes. Rechercher de
l’information est une bonne façon de commencer à reprendre le contrôle de
la situation par l’autoresponsabilisation (ou empowerment, en anglais), à
être proactif et à se maintenir au fait des derniers développements.
L’information est un des éléments qui ressort le plus souvent parmi les
préférences des patients concernant les traitements possibles. Beaucoup de
personnes acouphéniques qui consultent en clinique, sans nécessairement
présenter de perte auditive significative, seront apaisées à la suite de leur
rendez-vous et n’auront pas besoin d’autre suivi. Les explications données
par le clinicien, habituellement l’ORL ou l’audioprothésiste (s’il y a une
ordonnance) permettent de mieux comprendre d’où vient l’acouphène et de
faire des choix éclairés quant aux stratégies à utiliser pour leur cas
particulier.
En plus des renseignements donnés par le clinicien, il y a de multiples
façons de s’informer sur les acouphènes. Lire ce livre en est une. Il existe
aussi des sites web sérieux destinés au grand public, en français comme en
anglais. Ces sites peuvent donner beaucoup d’informations bien
documentées sur l’audition et sur les options d’intervention possibles pour
les acouphènes. L’avantage est qu’on peut les consulter aussi souvent qu’on
le veut et en assimiler le contenu à son propre rythme. La qualité de
l’information est toutefois importante. Il faut savoir qu’il existe aussi des
sites frauduleux qui proposent des solutions faciles, onéreuses et souvent
farfelues. La pseudo-science foisonne sur le Web, et les sites sur les
acouphènes ne font pas exception. Il faut particulièrement se méfier des
sites qui proposent des recettes ancestrales, secrètes, naturelles ou
universelles. Un exemple ? Les bougies auriculaires, aussi appelées bougies
d’oreille ou chandelles auriculaires, sont présentées comme une technique
traditionnelle « ancestrale, naturelle, de plus en plus recommandée par les
spécialistes », notamment pour « stimuler l’irrigation sanguine, nettoyer les
oreilles et soigner les otites et les acouphènes ». La méthode propose de
pencher la tête et de tenir une bougie allumée debout dans le canal auditif,
comme si celui-ci était un bougeoir. Mais, surprise, non, se mettre des
bougies allumées dans les oreilles n’est pas recommandé par les
spécialistes, et ce n’est pas non plus une solution pour nettoyer les oreilles,
soigner les acouphènes ou quoi que ce soit. Cela constitue plutôt un geste
dangereux et potentiellement très dommageable. Dans le doute, il vaut
mieux s’informer auprès d’un professionnel de la santé et garder en tête que
si une cure miracle pour supprimer les acouphènes existait, le monde entier
en aurait été informé rapidement.
Si elles pouvaient choisir parmi une panoplie de traitements éliminant
totalement leur acouphène, la grande majorité des personnes acouphéniques
choisiraient de prendre une pilule. Elles seraient à peine moins nombreuses
à choisir une pilule si celle-ci réduisait seulement de moitié l’intensité de
leur acouphène et le désagrément qu’il leur cause. Et certaines personnes
seraient même prêtes à endurer des traitements chirurgicaux très invasifs et
coûteux pour éliminer ou diminuer leur acouphène. Mais soyons clairs :
cette pilule ou ce traitement miracle n’existent pas. Du moins, pas encore.
Dans l’état actuel des connaissances, et à moins de situations
exceptionnelles, un acouphène ne peut pas être éliminé. Et en raison de
l’hétérogénéité des acouphènes, il est très improbable qu’une seule et même
solution puisse éliminer le phénomène chez toutes les personnes
acouphéniques. Les options thérapeutiques actuelles visent plutôt la
réduction des conséquences de l’acouphène par diverses approches de
contrôle, d’habituation, de diversion de l’attention et de modification des
pensées excessivement négatives.

Quelques sites web fiables sur les acouphènes et l’audition

En français
https://acouphenesquebec.org
http://www.cochlea.org
https://www.passeportsante.net/fr/Maux/Problemes/Fiche.aspx?
doc=acouphenes_pm

En anglais

https://www.ata.org
https://www.tinnitus.org.uk

Reprendre le contrôle : renverser la spirale


Les modèles cognitifs pour comprendre les répercussions des
acouphènes mettent un accent particulier sur le rôle des pensées
excessivement négatives. Ces modèles suggèrent que lorsqu’on s’enfonce
dans l’ornière de pensées négatives à propos de l’acouphène et de sa
signification, s’installe une spirale de détresse émotionnelle, d’attention
sélective vers ce trouble, d’activation du système nerveux autonome et de
comportements d’évitement. Ces états ou réflexes garantissent pourtant que
l’acouphène se perpétuera comme expérience négative et pénible. Il s’agit
d’une spirale qui perdure et devient de plus en plus difficile à briser.
Plusieurs études ont documenté une association entre les pensées
excessivement négatives, en particulier la pensée catastrophique, et la
détresse associée à l’acouphène. La pensée catastrophique est un style de
pensée par lequel les aspects négatifs d’une situation sont amplifiés et leurs
aspects positifs, minimisés, le pire scénario étant toujours attendu. Les
pensées négatives peuvent se manifester de différentes façons, et chaque
personne peut recourir à un seul ou à plusieurs styles. Étant donné qu’il
s’agit de la façon d’être au monde et à soi d’une personne, le même schéma
s’applique autant à sa vie en général qu’à son acouphène en particulier.
Ainsi, plusieurs personnes dérangées par leur acouphène reconnaissent que
d’autres sources de détresse dans leur vie ont précédé l’arrivée de leur
acouphène. La détresse émotionnelle préexistante peut donc contribuer aux
pensées négatives envers l’acouphène, tout autant que les pensées négatives
contribuent à la détresse émotionnelle.

Quelques grands styles de pensées négatives appliqués à l’acouphène


1. La catastrophisation. Anticiper le pire et faire des montagnes avec
rien. « Mon acouphène devient plus intense, je sais que je vais
devenir sourd. »
2. La généralisation à outrance. Tirer une conclusion générale sur la
base d’un cas particulier. « À cause de mon acouphène, j’ai été
réveillé toute la nuit. Toutes les nuits vont être comme ça. »
3. Le tout-ou-rien. Voir les choses en deux catégories tranchées et
mutuellement exclusives : blanc ou noir, bon ou mauvais, réussite ou
échec. « Avant d’avoir mon acouphène, ma vie était parfaite.
Maintenant ma vie est gâchée. »
4. Le filtre. Ne voir qu’un élément négatif en filtrant tous les aspects
positifs et s’attarder à ce petit détail au détriment du reste. « Mon
acouphène est bien pire après la soirée ; j’ai apprécié la compagnie,
mais mon acouphène a tout gâché. »
5. Le blâme. Rejeter le blâme sur quelqu’un d’autre pour ses problèmes.
« Si ma famille me comprenait mieux, je ne serais pas aussi dérangé
par mon acouphène. »
6. Les conclusions hâtives. Sauter aux conclusions sans vérifier les faits.
« Les tests disent que mon audition est correcte, mais je sais que je
vais devenir sourd. »
7. Les raisonnements émotifs. Présumer que ses propres sentiments
négatifs reflètent la réalité des choses. « Mes acouphènes me rendent
si impuissant que je n’ai plus d’espoir. »
8. Les « je dois » et « je devrais ». Se motiver avec des « je dois » et des
« je devrais » en se culpa-bilisant. « Avoir un acouphène ne devrait
jamais me déranger. »
9. L’étiquetage. S’apposer une étiquette négative globale. « Avoir un
acouphène et une perte auditive me rend complètement handicapé. »
10. La personnalisation. Se considérer comme responsable d’un
événement malheureux lorsqu’en fait il a été provoqué par d’autres
facteurs. « J’étais tellement dérangé par mon acouphène que j’ai gâché
la soirée de tout le monde. »

Au chapitre 6, nous reviendrons sur les grands principes des approches


cognitives comportementales, et des exercices seront suggérés pour
apprendre à reconnaître les liens entre les situations et les émotions
négatives. Lorsque les pensées négatives sont trop envahissantes et que
l’acouphène devient insupportable, il est nécessaire de se faire accompagner
en consultant un professionnel.
Une plus grande détresse est associée aux pensées excessivement
négatives. Mais contrairement à ce qu’on pourrait penser, les personnes qui
ne ressentent que peu ou pas de détresse par rapport à leur acouphène
n’entretiennent pas nécessairement des pensées positives dans cet objectif.
Un exemple de pensée positive serait de se dire : « Je ne penserai pas à mon
acouphène »
(voir l’encadré de la page suivante). Voilà un effort louable destiné à
éviter une pensée négative – et qui peut fonctionner à court terme –, mais
qui risque de provoquer un effet de rebond. Effectivement, se conditionner
à ne pas penser à son acouphène, c’est quand même se soucier de son
acouphène ! C’est un peu comme se répéter : « Je ne penserai pas à un
éléphant vert à pois roses. » Plus on se conditionne à ne pas y penser, plus il
est probable qu’un éléphant vert à pois roses surgisse dans les pensées et
capte toute l’attention.
Les gens pour qui l’acouphène ne pose pas de problème n’y pensent
tout simplement pas. Ils n’ont donc pas à entretenir un discours intérieur
positif sur l’acouphène. Toutefois, remplacer les pensées négatives par des
pensées positives est possiblement une étape intermédiaire dans la transition
entre un acouphène dérangeant et un acouphène devenu neutre ou non
dérangeant, lorsqu’on n’y pense plus.

Petit exercice : questionnaire de connaissances sur les acouphènes

Indiquez combien de fois vous avez eu chacune des pensées ci-dessous


lorsque vous avez remarqué votre acouphène.
0 = jamais
1 = rarement
2 = à l’occasion
3 = fréquemment
4 = très fréquemment
Pensées négatives à propos de l’acouphène

1. « Si seulement ce bruit s’en allait ! »


01234
2. « Pourquoi moi ? Pourquoi dois-je endurer ce bruit terrible ? »
01234
3. « Qu’ai-je fait pour mériter cela ? »
01234
4. « Ce bruit rend ma vie insupportable. »
01234
5. « Personne ne comprend à quel point ce bruit est abominable. »
01234
6. « Si seulement je pouvais avoir un peu de paix et de calme. »
01234
7. « Je ne peux pas profiter de ce que je fais à cause de ce bruit. »
01234
8. « Comment puis-je continuer à supporter ce bruit ? »
01234
9. « Ce bruit va me rendre fou (folle) ! »
01234
10. « Comment se fait-il que personne ne puisse m’aider ? »
01234
11. « Mon acouphène ne va jamais s’améliorer. »
01234
12. « Ce bruit va me submerger. »
01234
13. « Avec ce bruit, ma vie ne vaut pas la peine d’être vécue. »
01234
Résultat global pour les pensées négatives (somme des réponses aux
questions 1 à 13) sur un total possible de 52 :

Pensées positives à propos de l’acouphène

14. « Peu importe à quel point ce bruit devient désagréable, je peux y faire
face. »
01234
15. « Ce bruit peut être désagréable, mais il ne me rendra pas fou (folle). »
01234
16. « Je pourrai profiter davantage des choses si je ne fais pas attention à
ce bruit. »
01234
17. « Je ne suis pas la seule personne qui ait des acouphènes. »
01234
18. « Il y a des choses pires, dans la vie, que des acouphènes. »
01234
19. « Ce bruit va finir par être moins dérangeant si je tente de me distraire.
»
01234
20. « J’ai fait face à ce bruit avant, alors je peux y faire face encore cette
fois. »
01234
21. « Ça va m’aider si j’essaie de penser à quelque chose d’agréable. »
01234
22. « Je peux apprendre à vivre avec. »
01234
23. « Ce bruit peut être présent, mais je peux quand même profiter de la
vie. »
01234
24. « Pense à quelque chose d’autre que ce bruit. »
01234
25. « Je ne penserai pas à ce bruit. »
01234
26. « Ce bruit est une nuisance, mais je ne le laisserai pas me déranger. »
01234
Résultat global pour les pensées positives (somme des réponses aux
questions 14 à 26) sur un total possible de 52 :

Source : traduction libre de Wilson et Henry, 2002.

Dans l’exercice précédent, plus les résultats négatifs augmentent, plus


l’acouphène est perçu comme un problème, plus le résultat négatif est élevé,
plus les pensées négatives prédominent : l’acouphène représente un élément
perturbant dans plusieurs sphères de la vie quotidienne et dans les relations
avec les autres. Les résultats positifs ne sont pas associés à la sévérité de
l’acouphène. Lorsque la situation n’est pas sérieuse au point de requérir une
aide professionnelle, une démarche d’auto-observation peut aider à
déterminer quels facteurs personnels affectent son acouphène. Le chapitre 6
propose aussi des exercices à utiliser pour diminuer le dérangement. Ces
connaissances procurent un sentiment de contrôle lorsqu’elles aboutissent à
des stratégies d’adaptation appropriées et contribuent à renverser la spirale.

Stratégies personnelles et habitudes de vie


Tenir un journal quotidien pendant une période d’environ deux
semaines est une façon concrète de repérer quelles habitudes de vie et
quelles situations influencent les acouphènes favorablement ou
négativement. Pendant cette période, il faut noter chaque jour de
l’information sur ses acouphènes, par exemple à quel point on les a
remarqués, quelle a été leur intensité maximale, dans quelle situation ils
deviennent plus ou moins intenses, à quel point ils influencent son humeur,
son sommeil et ses pensées.
Grâce à ces notes écrites, on peut plus facilement déceler des modèles
entre certaines situations et les fluctuations dans l’intensité de l’acouphène.
Par exemple, on peut remarquer que lors d’un événement social bruyant,
l’acouphène a augmenté en intensité. À l’inverse, on peut remarquer qu’une
tâche prenante et plaisante comme cuisiner ou jardiner fait oublier
l’acouphène. L’utilisation de ces notes est un puissant levier pour prendre le
contrôle et agir sur son propre acouphène. Il est donc possible d’adopter des
stratégies fonctionnelles. Mais attention ! Lorsque l’effort requis pour
planifier et mettre des stratégies en œuvre mène à un stress excessif ou à
l’épuisement, cela signifie qu’elles ne sont pas adaptées. Par exemple,
refuser systématiquement toutes les invitations sociales et s’isoler au point
de restreindre ou d’exclure toutes les possibilités de s’amuser entre amis
serait une stratégie mal adaptée. Les occasions de faire augmenter
l’acouphène en intensité seraient quasi nulles, mais cela causerait un
manque d’habituation à l’acouphène et un isolement de plus en plus grand.
De plus, il est improbable que toutes les situations où il y aurait du bruit
mènent à une augmentation de l’acouphène. Une stratégie beaucoup mieux
adaptée serait d’apporter des bouchons d’oreille pour atténuer le bruit trop
fort dans ce type d’événement, et d’évaluer ensuite si cette stratégie a
fonctionné. De même, si cuisiner ou jardiner aide à faire oublier la présence
de l’acouphène, il est possible de recourir à ces activités pour avoir un répit
lorsque l’acouphène est très dérangeant et expérimenter d’autres activités
similaires.
Les habitudes de vie englobent les comportements auditifs, le sommeil,
le travail, l’alimentation, la consommation de café, d’alcool, de drogues
récréatives et de médicaments, l’exercice physique, le stress, les loisirs, les
interactions sociales… Si les études scientifiques ont bien documenté les
problèmes de sommeil, de stress, d’anxiété et de tabagisme associés aux
acouphènes, les études sont plus rares ou moins concluantes en ce qui
concerne les effets d’autres habitudes comme l’exercice, la consommation
de café, d’alcool, de drogues, de sel, de certains aliments… Par exemple, il
est probable qu’une personne qui boit beaucoup de café quelques heures
avant d’aller au lit éprouvera des problèmes de sommeil, ce qui se
répercutera sur le degré de fatigue le lendemain et, par conséquent, sur la
tolérance à l’acouphène.
Une hygiène de vie saine produit un effet global favorable sur la santé et
doit être encouragée. Toutefois, en ce qui concerne les effets sur
l’acouphène de certaines habitudes de vie comme une consommation
modérée de café ou de sel, le meilleur conseil est de les évaluer pour soi-
même. La tenue d’un journal peut aider à repérer les aliments ou les
habitudes qui amplifient ou diminuent l’acouphène. Par exemple, si chaque
fois que tel aliment est consommé l’acouphène devient intolérable, on peut
cesser de le consommer pendant un certain temps et observer l’effet produit
sur l’acouphène. On peut ensuite réintroduire l’aliment et observer si
l’acouphène redevient intolérable. L’important est de ne procéder qu’à un
seul changement à la fois pour être capable d’isoler l’effet de cet élément
sur les acouphènes.
La grande majorité des personnes acouphéniques arrivent à connaître les
variations de leur acouphène et à savoir quelles circonstances posent plus
ou moins problème. Ce processus s’effectue souvent par essais-erreurs et
peut demander beaucoup de temps. Puisqu’il s’agit d’une démarche écrite et
systématique, tenir un journal pendant une certaine période peut écourter le
processus. L’objectif est de mieux comprendre ses propres situations
dérangeantes, qu’elles soient des déclencheurs d’acouphènes, des facteurs
aggravants ou des conditions facilitantes. Il est aussi préférable de tenir le
journal pour une durée limitée plutôt que d’en faire un exercice à long
terme. À un certain moment, il faut s’en détacher, car le journal requiert de
se concentrer intensément et fréquemment sur le problème qu’est
l’acouphène. Tenir un journal à long terme pourrait contribuer à perpétuer le
problème et à produire l’inverse du but recherché, qui est de ne plus y
porter attention.

Les médicaments : gare aux effets indésirables !


Rester vigilant à propos des médicaments que l’on prend est un autre
élément permettant de contrôler ses acouphènes. En effet, plusieurs
médicaments peuvent favoriser les acouphènes, particulièrement ceux qui
présentent un risque d’ototoxicité, soit la possibilité d’endommager
l’oreille, de façon réversible ou irréversible.

Tenir un journal ou comment l’acouphène affecte-t-il votre humeur ?

Entourez votre réponse.

1. Aujourd’hui, j’ai remarqué mon acouphène :


◻ pas du tout ◻ un peu ◻ parfois ◻ souvent ◻ presque toujours

2. Aujourd’hui, l’intensité de mon acouphène a été :


◻ imperceptible ◻ très faible ◻ modérément fort ◻ très fort ◻
extrêmement fort

3. Y a-t-il eu une situation ou un moment où l’acouphène était très


perceptible ? Si oui, le décrire.

4. Aujourd’hui, mon acouphène m’a dérangé ou ennuyé :


◻ pas du tout ◻ un peu ◻ modérément ◻ beaucoup ◻ extrêmement

5. Aujourd’hui, mon acouphène m’a fait me sentir tendu ou crispé :


◻ pas du tout ◻ un peu ◻ modérément ◻ beaucoup ◻ extrêmement

6. Aujourd’hui, mon acouphène m’a fait me sentir irritable ou fâché :


◻ pas du tout ◻ un peu ◻ modérément ◻ beaucoup ◻ extrêmement
Source : traduit et adapté de Henry et Wilson, 2002, figure
3.2.
Il est bon d’alerter son pharmacien quand on a des acouphènes,
puisqu’il est en première ligne pour éviter les effets indésirables des
médicaments. Plus les personnes acouphéniques s’informeront auprès de
leur pharmacien et le sensibiliseront à leur état, plus il sera en mesure de
personnaliser ses services. Certains antibiotiques (aminosides), certains
médicaments utilisés en chimiothérapie (cisplatine), certains diurétiques
(acide éthacrynique, bumétanide, furosémide), les médicaments contenant
de la quinine utilisés contre la malaria, certains antidépresseurs et l’aspirine
prise à fortes doses peuvent occasionner des acouphènes. Les risques
d’effets indésirables augmentent avec la dose et sont influencés par les
vulnérabilités individuelles. Il est toutefois évident qu’il ne faut pas
modifier une posologie soi-même ou cesser de prendre ses médicaments
sans en avoir discuté au préalable avec son médecin.

Prévenir et protéger
La première chose à faire pour prévenir l’apparition d’un acouphène est
simple, il faut protéger son audition. Bien qu’on ne puisse pas éviter le
vieillissement ou changer sa génétique, on peut assurément exercer un
certain contrôle sur notre exposition au bruit. Et la meilleure protection
pour prévenir l’apparition d’un acouphène est d’éviter les situations qui
exposent à un bruit excessif lorsque c’est possible, soit lorsqu’elle est
volontaire. Est-il nécessaire de courir les festivals de musique à fort volume
toutes les fins de semaine de l’été ? Les concerts de musique amplifiée
atteignent facilement des niveaux dommageables pour les oreilles. Le fait
d’expérimenter un acouphène temporaire après une exposition à de la
musique ou à du bruit devrait être compris comme un signal d’alarme
signifiant que c’était trop fort.

Utiliser les notes du journal pour développer des stratégies

1. De quelle manière précise vos acouphènes affectent-ils votre humeur


?
2. Est-ce qu’ils vous font vous sentir tendu ou crispé ?
3. Est-ce qu’ils produisent d’autres symptômes de détresse
émotionnelle, par exemple se sentir agacé, irritable, en colère ?
4. Y a-t-il des modèles répétitifs ou des relations entre les événements
qui se produisent durant le jour et les changements dans votre humeur
ou votre acouphène ? Par exemple, les acouphènes sont pires lorsque
vous êtes fatigué ; vous vous sentez abattu lorsque vous avez trop de
choses à faire ; lorsque vous travaillez, votre acouphène est plus fort.
Essayez de repérer un modèle et décrivez-le.
5. Y a-t-il des situations particulières où votre acouphène est plus
perceptible ? Par exemple lorsque vous êtes dans un endroit bruyant,
lorsque vous essayez de vous concentrer ou lorsque vous faites face à
une situation stressante. Dressez une liste de ces situations.
6. Y a-t-il des moments de la journée particuliers où votre acouphène est
plus perceptible ? Par exemple, votre acouphène est peut-être plus
perceptible le matin lorsque vous essayez de jongler avec plusieurs
choses comme préparer le déjeuner, faire les lunchs pour les enfants,
vous préparer pour aller travailler. Inversement, l’acouphène pourrait
être pire durant des moments calmes de la journée comme avant de
s’endormir.
7. Pouvez-vous remarquer un modèle répétitif particulier ? Par exemple,
est-ce que votre acouphène est pire certains jours de la semaine ? Si
oui, pensez à ce qui se passe habituellement ces jours-là. Y a-t-il des
événements particuliers, ces jours-là, qui pourraient aggraver les
choses ? Par exemple, vos acouphènes pourraient être pires les
lundis, lorsque la semaine de travail commence par une réunion
stressante avec le patron pour discuter des objectifs de la semaine. Ou
bien vos acouphènes pourraient être pires les mercredis lorsque vous
avez des rendez-vous les uns après les autres. Ou ils sont pires
lorsque vous avez certaines tâches à faire ou avez à interagir avec
certaines personnes. Décrivez ces événements particuliers.
8. Vos acouphènes sont-ils pires durant la semaine, par rapport à la fin
de semaine ? Si oui, pourquoi ? Essayez d’identifier des raisons à
cela et écrivez-les. Par exemple, est-ce que c’est parce que durant les
fins de semaine, vous vous sentez plus détendu, vous pouvez prendre
plaisir à des activités agréables et vous ne sentez pas autant de
pression ?
9. Vos acouphènes sont-ils moins intenses durant la semaine, par rapport
à la fin de semaine ? Si oui, pourquoi ? Essayez d’identifier des
raisons à cela et écrivez-les. Par exemple, est-ce parce que vous êtes
trop occupé durant la semaine pour remarquer vos acouphènes, vous
avez trop de distractions, ou parce que vous ne faites pas grand-chose
les fins de semaine, de sorte que vous remarquez plus vos
acouphènes ?
10. Un peu comme vous avez identifié les facteurs qui aggravent vos
acouphènes, pouvez-vous reconnaître ceux qui les réduisent ? Par
exemple, lorsque vous avez écouté le hockey, vous n’avez pas été
dérangé par vos acouphènes ; lorsque vous vous sentez bien à propos
de la vie en général, vos acouphènes ne sont pas un problème.
Réfléchissez à ces jours où vous ne remarquez pas vos acouphènes,
lorsqu’ils ne sont pas particulièrement forts ou lorsqu’ils ne vous
dérangent pas. Que faites-vous, ces jours-là ? Comment vous sentez-
vous ? Pourquoi pensez-vous que ce sont de bonnes journées ? Quelles
choses particulières font que vos acouphènes sont plus tolérables ?

Source : inspiré de Henry et Wilson.

Si vous êtes en train de lire ce livre, c’est probablement que vous avez
déjà un acouphène, qu’il soit chronique ou non. Dans ce cas, éviter
l’exposition au bruit excessif est une bonne chose. Beaucoup de personnes
acouphéniques rapportent que l’exposition à un bruit fort augmente leur
acouphène. En plus de limiter les dommages auditifs additionnels, éviter le
bruit diminue les occasions d’aggraver l’acouphène.
Évidemment, on ne peut pas toujours fuir la source d’un bruit. Dans ce
cas, le port de bouchons protecteurs est nécessaire. Pour un travail en milieu
bruyant dépassant les normes, l’utilisation de bouchons devrait être
proposée comme mesure de santé et de sécurité au travail. Même hors du
travail, le port de bouchons protecteurs devrait être de mise en cas
d’exposition à des niveaux de bruit ou de musique très élevés. Les
bouchons de mousse peuvent faire l’affaire pour une utilisation
occasionnelle, pourvu qu’on les installe correctement ; après avoir
compressé le bouchon au maximum pour former un boudin, on doit tirer le
pavillon de l’oreille vers le haut et insérer le bouchon compressé en le
maintenant en place dans le conduit environ 30 secondes afin qu’il reprenne
sa forme et accomplisse son travail.
Pour une utilisation plus régulière, les « bouchons de musiciens »
constituent une option souhaitable. Dotés d’un filtre, ils atténuent les hautes
fréquences et les basses, tout en conservant les proportions telles qu’elles
sont entendues naturellement. Bien qu’ils soient plutôt chers (certains sont
moulés sur mesure), il s’agit d’un bon investissement pour les adeptes des
festivals et, bien sûr, pour les musiciens amateurs et professionnels. Les
filtres utilisés dans ces bouchons peuvent procurer une atténuation plus ou
moins marquée en décibels selon le filtre choisi, habituellement 9, 15 ou
25 dB environ. On peut même acheter différents filtres et les changer en
fonction des niveaux de bruit estimés.
En 2018, l’Organisation mondiale de la santé a recommandé pour la
région européenne de limiter le niveau de bruit dans les loisirs à 70 dBA par
vingt-quatre heures d’exposition. Pour déterminer le niveau recommandé
pour des durées plus courtes, on utilise le principe d’égale énergie, qui
stipule qu’à tous les trois décibels d’augmentation du niveau, ce qui
représente deux fois la pression sonore, on divise la durée d’exposition par
deux. Ainsi, pour une durée d’exposition de trois heures par jour, le niveau
maximal recommandé est de 79 décibels. On peut facilement trouver des
applications pour téléphones portables qui mesurent les niveaux de bruit
ambiant. Même si ces applications ne sont pas d’une précision
professionnelle, elles peuvent donner des indications utiles pour la
prévention et inciter à être proactif en matière de protection de l’audition en
baissant le volume. Pour des appareils portables, il est recommandé de ne
pas dépasser 60 % du volume maximal.

NORMES PROPOSÉES PAR L’ORGANISATION MONDIALE


DE LA SANTÉ POUR LA RÉGION EUROPÉENNE
CONCERNANT
LE BRUIT DANS LES LOISIRS LORSQU’ON APPLIQUE LA
RÈGLE
D’ÉQUIVALENCE DE DOSE DE 3 DB (2018)

Durée d’exposition Niveau (dBA)


24 heures 70
12 heures 73
06 heures 76
03 heures 79
01 heure 30 minutes 82
45 minutes 85
23 minutes 88
11 minutes 91
06 minutes 94
03 minutes 97
90 secondes 100
* Le dBA est une mesure de décibels ajustée pour l’oreille humaine.

Rejoindre une association d’entraide, une façon


accessible de s’engager
Est-il utile d’adhérer à un groupe d’entraide à titre de membre ? La
réponse est oui. Les groupes d’entraide pour personnes acouphéniques sont
des organismes sans but lucratif et il en existe dans plusieurs pays10. Le
plus souvent, ces associations sont tenues à bout de bras par un personnel
réduit grâce à l’engagement de bénévoles dévoués. Les services et activités
proposés par ces associations varient beaucoup selon leur taille, déterminée
en grande partie par le nombre de membres qui paient une cotisation. Plus il
y a de membres, plus les services sont étoffés. Ils peuvent inclure des
soirées d’information et de partage, une ligne téléphonique d’urgence, une
boutique en ligne, un accès privilégié à un site web, à des conférences et à
d’autres ressources comme diverses publications.
Les avantages à faire partie d’un groupe d’entraide sont rapportés dans
quelques études sur les groupes dédiés aux personnes acouphéniques, mais
aussi dans les études sur les groupes d’entraide pour personnes souffrant de
diverses pathologies chroniques comme un trouble de la santé mentale, la
douleur chronique ou l’insomnie.
L’importance d’interagir avec d’autres personnes qui partagent des
expériences similaires associées à une condition commune est un thème
important exprimé par les membres de groupes d’entraide. Faire partie d’un
groupe, c’est se retrouver avec des gens comme soi, être dans le même
bateau, être solidaires. La condition chronique est reconnue, acceptée,
validée par les autres membres du groupe, puisqu’ils la vivent aussi. Il n’est
alors pas nécessaire d’expliquer ce qu’est un acouphène aux autres
membres du groupe, puisque c’est la raison d’être du groupe.
L’appartenance au groupe permet de rencontrer des membres qui sont à
des stades différents du processus d’adaptation et d’apprécier d’autres
expériences que les siennes. Ainsi, en présentant, par des conférences, des
témoignages écrits ou simplement lors de soirées de rencontre, des histoires
diversifiées de gens qui sont passés d’une situation de grande détresse
associée à leur acouphène à un état de quiétude, les associations peuvent
grandement aider les personnes qui luttent et peuvent espérer que leur état
s’améliore. L’adhésion à un groupe qui propose des stratégies d’adaptation
possibles peut s’avérer un levier d’espoir extraordinaire.
Les membres de telles associations peuvent partager des idées, des trucs
et des façons d’améliorer leur quotidien. Le groupe procure également des
occasions de rire et de soulager la tension, ce qui incite à se voir soi-même
et à envisager la vie de façon plus positive et plus optimiste. Le groupe
diminue le sentiment d’isolement et fournit un soutien pour une meilleure
compréhension des acouphènes.
Enfin, certains membres qui ont bénéficié de leur appartenance à un
groupe, souvent dans les premiers temps où l’acouphène s’est manifesté,
souhaitent redonner au groupe à plus long terme. Une telle organisation
structurée permet de rencontrer et d’accompagner des gens qui vivent le
même problème et de servir de mentor aux nouveaux membres. La
satisfaction de savoir qu’on fait une différence pour des personnes qui
passent par les mêmes épreuves que nous est une expérience humaine
positive.
Quand une personne a de la difficulté à marcher en raison d’un
problème à une jambe et qu’elle utilise une canne, des béquilles ou un
fauteuil roulant, le handicap est visible et attire aisément la compassion
d’autrui et la compréhension. Les patients acouphéniques qui vivent des
problèmes de sommeil, d’anxiété ou de communication qui affectent leur
comportement peuvent plus difficilement faire part de leurs difficultés à
leur entourage. Ils peuvent cacher les effets de l’acouphène par peur d’être
un poids ou de ne pas être compris, d’où l’importance des groupes
d’entraide.
Les études sur des groupes d’entraide font ressortir le fait qu’ils
améliorent le bien-être psychologique des membres. Ils gagnent en
connaissances et en estime de soi, et deviennent plus positifs grâce aux
relations de soutien, à l’apprentissage et au développement personnel dans
un contexte agréable. Le groupe procure des occasions de partager l’espoir
qu’un jour on trouvera des solutions pour éliminer les acouphènes.

Cas de figure

M. C. est un homme âgé de 58 ans qui consulte en audiologie pour


l’évaluation d’un acouphène. Il rapporte la présence d’acouphènes
bilatéraux constants depuis environ douze ans. Il travaille comme agent
de sécurité dans un commerce de détail. Il déclare qu’il a quelques
difficultés à entendre. Il décrit son acouphène comme un bruit de cigale
bilatéral, mais plus fort à droite. Le matin, au réveil, l’acouphène est
absent ou faible. Au cours de la journée, il augmente en intensité, puis il
l’empêche de s’endormir le soir venu. M. C. évite les endroits silencieux
et les endroits très bruyants, qui augmentent l’intensité de ses
acouphènes.
L’examen audiologique n’indique aucune particularité, à l’exception
d’une atteinte auditive neurosensorielle bilatérale légère en hautes
fréquences. L’appariement de l’acouphène a révélé qu’il a une fréquence
dominante de 6 kHz à droite et de 4 kHz à gauche, à 5 décibels au-dessus
du seuil auditif. L’évaluation de la réaction de M. C. à l’acouphène par
questionnaire a révélé un acouphène de sévérité modérée. Le plan
d’intervention proposé inclut l’essai d’une thérapie sonore et des
stratégies pour diminuer la réaction à l’acouphène, comme des exercices
de relaxation et l’écoute de musique relaxante, le soir, pour aider à
l’endormissement.

10. Acouphènes Québec au Canada (https://acouphenesquebec.org), France


Acouphènes en France (https://www.france-acouphenes.org), Belgique
Acouphènes en Belgique (https://www.belgiqueacouphenes.be), l’American
Tinnitus Association aux États-Unis (https://www.ata.org) et la British
Tinnitus Association en Grande-Bretagne (https://www.tinnitus.org.uk).
LES THÉRAPIES VISANT LE SON

Deux cibles existent pour la prise en charge des acouphènes, soit leurs
deux aspects : le son lui-même (le percept) et la réaction de la personne, ou
la souffrance qu’il cause. Ainsi, les thérapies comprennent deux grandes
catégories, celles qui visent à éliminer le son ou à en diminuer l’intensité et
celles qui visent à diminuer le dérangement qu’il cause. Dans tous les cas,
les thérapies doivent être mises en œuvre uniquement après une évaluation
audiologique appropriée et l’exclusion de problèmes médicaux sous-
jacents.
La première catégorie de thérapies s’attaque à la source même du
problème, le son indésirable. Le concept est que si on diminue l’intensité
des acouphènes, on diminue par conséquent le dérangement qu’ils
provoquent. On trouve dans cette catégorie les thérapies sonores, comme
les appareils auditifs et les générateurs de bruit ou masqueurs, ainsi que les
interventions visant directement la cause de l’acouphène, comme des
traitements pharmacologiques et des thérapies plus invasives et
expérimentales.

Corriger l’audition : les prothèses auditives


La perte auditive étant très fréquente chez les personnes acouphéniques,
en particulier la perte neurosensorielle, la première intervention est
d’améliorer l’audition lorsqu’il est indiqué de le faire. Les prothèses
auditives sont la solution la plus répandue pour compenser la perte
neurosensorielle. Les prothèses auditives visent à réduire les problèmes
d’audibilité et à améliorer la communication. Elles ne peuvent pas
remplacer une audition normale, mais les progrès technologiques les
rendent très performantes et très compactes, entre autres pour mieux
entendre dans un environnement bruyant. Il en existe une panoplie de
modèles, et on peut généralement en faire l’essai sans frais pendant un
certain temps. Certaines prothèses se portent derrière le pavillon de l’oreille
et transmettent le son au tympan grâce à un tube transparent et très fin qui
entre dans le conduit auditif. Certaines prothèses sont partiellement ou
totalement introduites dans le conduit auditif. On en trouve qui résistent à
l’eau. Les options varient selon la configuration de la perte auditive et son
importance. La perte neurosensorielle affecte souvent la perception des
fréquences de la parole. Mieux entendre ces fréquences améliore
nécessairement la communication et contribue à réduire le stress et l’anxiété
associés aux difficultés d’écoute. Devoir faire répéter plusieurs fois, ne pas
entendre ce que l’autre personne dit et même s’empêcher d’entrer en
interaction avec les autres par peur de ne pas bien les comprendre, ce sont là
des sources importantes d’anxiété qui diminuent significativement avec
l’amélioration de l’audition.

Figure 5.1 La perte neurosensorielle et les zones de fréquences de la


parole
Source :
http://www.canal50.be/Dossiers/Entendre_et_comprendre/audition_au
diometrie_tonale.php
La réduction du contraste qu’ils réalisent entre les acouphènes et le bruit
ambiant, les masquant partiellement ou totalement, est un autre bénéfice des
appareils auditifs. Ainsi, la perception consciente et l’attention sur les
acouphènes s’en trouvent réduites, puisque la personne ne les entend plus
constamment. Par conséquent, le dérangement en est diminué.

Quelques facteurs qui affectent la communication


1. La perte auditive
2. Le bruit de fond
3. La capacité ou non à voir la personne qui parle
4. La familiarité avec le sujet de la discussion

Les prothèses auditives ne seront bien sûr utiles que lorsque


l’environnement sonore n’est pas silencieux. Elles ne sont pas pratiques
pour couvrir l’acouphène si on reste assis seul dans une pièce silencieuse à
bouquiner, puisqu’il n’y a rien à amplifier ! Heureusement, de nos jours,
tous les fabricants de prothèses auditives offrent au moins un de leurs
modèles doté d’un générateur de bruit intégré, aussi appelé masqueur, qu’on
peut activer ou désactiver selon les besoins. Ainsi, dans le silence, le
générateur de bruit peut être activé à un niveau qui couvre l’acouphène, et
être désactivé lorsqu’il y a suffisamment de bruit ambiant pour couvrir
l’acouphène.
Les types de sons offerts dans les prothèses varient énormément selon
les fabricants. Chacun a ses particularités et recrute des équipes d’employés
qui développent activement des types de bruits originaux et exclusifs. Ils
peuvent aller d’un simple bruit blanc (semblable au chuintement d’une
chute d’eau stable) à toutes sortes d’autres bruits et sons plus ou moins
naturels comme des bruits d’océan ou des musiques de relaxation ou nouvel
âge. Plusieurs d’entre eux proposent des applications téléchargeables sur un
téléphone cellulaire, une tablette ou une montre, à partir desquels la
programmation des prothèses auditives se contrôle. Ainsi, la personne peut
adapter le type de son et le niveau sonore en fonction des circonstances.
Il n’existe pas encore de recommandations formelles pour guider les
cliniciens ou les patients à déterminer quel bruit est le plus efficace pour
soulager les acouphènes et à quel niveau en décibels. En attendant le
développement de telles recommandations, le choix du bruit masquant est
largement laissé à la préférence des patients.

La stimulation sonore

Les générateurs de bruit ou masqueurs


Les personnes acouphéniques sans perte auditive ou avec une perte
légère qui ne sont pas des candidats aux prothèses auditives peuvent
également bénéficier de la thérapie sonore. Cela peut sembler paradoxal
d’ajouter un son externe à un son interne en guise de thérapie. Il y a
plusieurs années, lors d’une conférence organisée dans un grand hall
d’exposition, j’avais mentionné les générateurs de bruit comme avenue de
thérapie. Après la conférence, alors que je discutais au kiosque
d’Acouphènes Québec, une dame – qui de toute évidence ne m’avait pas
reconnue comme la conférencière – me dit d’un air exaspéré : « La
conférencière nous a suggéré l’idée complètement farfelue d’ajouter du
bruit par-dessus l’acouphène ! » Ajouter du bruit externe à un bruit interne
lui semblait absurde, et peut-être cette dame n’était-elle pas une candidate
pour ce genre de thérapie. Pourtant, l’idée d’utiliser du bruit pour « traiter »
l’acouphène n’est pas récente. En 1821, dans son Traité des maladies de
l’oreille et de l’audition, le médecin français Jean-Marc Gaspard Itard
écrivait que couvrir le son interne par un son externe, lequel devait être le
plus proche possible de l’acouphène, était une technique qui échouait
rarement. C’était là une intuition formidable qui stimule la recherche plus
que jamais, surtout avec les possibilités technologiques actuelles.

La contribution des anciens combattants

En raison de leur exposition répétée et intense à des bruits excessifs


produits par les tirs d’armes à feu, les machines, les navires et les avions,
les anciens combattants ont des taux plus élevés d’acouphènes que la
population en général. L’acouphène est l’invalidité la plus importante
associée au service chez les anciens combattants américains et constitue
le poste budgétaire le plus substantiel des compensations financières.
Le budget pour compenser les acouphènes est de plusieurs milliards de
dollars par année. La perte auditive est la deuxième invalidité en
importance parmi eux. Étant donné la relation entre l’acouphène et la
perte auditive, les anciens combattants ont convaincu l’industrie
d’intégrer des générateurs de sons aux prothèses auditives. Tous les
fabricants offrent désormais au moins un modèle de prothèse doté d’une
option de générateur de bruit pour masquer l’acouphène11.

Les premiers comptes rendus de l’utilisation de générateurs de bruit


qu’on peut poser sur l’oreille datent de la fin des années 1970. L’idée de
base du générateur est qu’un bruit externe est perçu comme moins
dérangeant que l’acouphène, par un effet de masquage, de distraction ou
d’habituation. Contrairement aux prothèses auditives qui peuvent masquer
le son lorsqu’il y a du bruit ambiant, le générateur de bruit peut masquer
l’acouphène de façon active et continue, et le rendre moins détectable
même lorsque l’environnement est silencieux. Il produit un bruit de fond
qui réduit le contraste entre l’acouphène et l’environnement sonore externe.

Figure 5.2 L’acouphène dans différentes conditions acoustiques A)


L’acouphène dans un environnement silencieux.
B) L’acouphène masqué par un bruit fort.
C) L’acouphène dans un faible bruit de fond.
Source : d’après Tyler, p. 124-142.
On utilise parfois l’analogie visuelle de la bougie pour illustrer l’effet
d’enrichissement sonore et de proéminence de l’acouphène. Lorsqu’on
allume une bougie dans une pièce noire, la bougie ressort très visiblement,
c’est la seule chose qu’on remarque. Lorsqu’on allume la lumière dans la
pièce, tout le reste devient visible et la bougie allumée ressort moins, elle
devient un objet parmi d’autres et attire beaucoup moins l’attention. Un
acouphène dans le silence est comme la bougie qu’on remarque dans le
noir. Lorsqu’on enrichit l’environnement sonore par l’amplification
produite par les prothèses ou par le bruit de fond d’un générateur, c’est
comme allumer la lumière dans la pièce où se trouve la bougie ;
l’acouphène devient un élément parmi d’autres et attire beaucoup moins
l’attention.
Figure 5.3 Analogie visuelle de l’acouphène
Au-delà de cet effet de contraste perceptif et de masquage, plusieurs
raisons scientifiques soutiennent l’idée que les prothèses et les générateurs
de bruit pourraient être bénéfiques d’un point de vue physiologique.
L’acouphène reflète une activité neurale excessive dans le système auditif,
notamment le cortex auditif, en raison d’un dommage dans l’appareil de
transmission ou neurosensoriel. En stimulant le système auditif, il est
possible qu’on puisse diminuer cette activité neurale excessive par un effet
de plasticité du cerveau, et donc l’intensité de l’acouphène. Si l’idée de base
est simple, la mesure de cet effet n’est pas évidente, ni la manière de déter-
miner la meilleure stimulation pour agir le plus efficacement sur
l’acouphène. Quel type de bruit est le plus efficace ? Doit-il couvrir toutes
les fréquences audibles comme dans un bruit blanc ? Doit-il être restreint
aux fréquences qui composent l’acouphène ? Doit-on au contraire
supprimer les fréquences similaires à celles de l’acouphène dans le bruit
proposé et stimuler toutes les autres fréquences ? Les bruits naturels
fluctuants (de mer, de pluie) ou plaisants sont-ils plus ou moins efficaces
que du bruit artificiel, statique ou moins agréable ? Et qu’en est-il du niveau
du bruit, doit-on l’ajuster à la même intensité que l’acouphène, juste un peu
plus fort, juste un peu moins fort ? Quelle est la durée d’écoute minimale
requise par jour pour obtenir un effet bénéfique ? Après combien de
semaines ou de mois devrait-on pouvoir observer des changements ? Et ces
changements sont-ils durables dans le temps ?
Ces questions sont d’actualité dans le domaine de la recherche et à la
base du développement de plusieurs types de stimulations sonores
expérimentales, dont certaines sont commercialisées : du bruit à bande large
ou à bande étroite, du bruit filtré pour correspondre à l’audiogramme, du
bruit filtré combiné à de la musique, du bruit correspondant aux fréquences
de l’acouphène ou, au contraire, qui ne correspond pas à l’acouphène, des
sons précis qui excluent la fréquence de l’acouphène combinés à une
stimulation électrique du nerf vague, des sons précis correspondant aux
fréquences de l’acouphène combinés à une stimulation électrique du nerf
trijumeau.
Actuellement, on ne peut tirer de conclusions fermes sur les bénéfices
précis de toutes ces stimulations sonores pour estomper les acouphènes.
Plusieurs études tendent à démontrer que le dérangement est effectivement
réduit, quelques-unes révèlent toutefois des effets négatifs. L’effet sur
l’intensité de l’acouphène en décibels est moins clair, parce que définir le
spectre et l’intensité des acouphènes est chose difficile et varie plus
largement d’une étude à l’autre qu’un résultat global de dérangement
obtenu à partir de questionnaires connus et validés. Par ailleurs, les études
n’incluent pas nécessairement des groupes contrôles, un paramètre qui
garantit la qualité et la solidité de la preuve scientifique. Elles peuvent aussi
proposer du counselling en plus de la stimulation sonore, ce qui fait qu’on
ne peut pas écarter la contribution de cette composante dans les bénéfices
généraux. Bref, le plein potentiel de la thérapie sonore n’a pas encore été
totalement exploité, mais le nombre et la qualité des études qui évaluent les
différents types de stimulation sont indubitablement en croissance.

La stimulation sonore et l’hyperacousie


L’utilisation de la stimulation sonore pour diminuer les répercussions de
l’acouphène a permis de constater un bénéfice secondaire intéressant, soit
l’amélioration de l’hyperacousie. En effet, une grande proportion de
patients acouphéniques (jusqu’à 80 %) rapporte un degré plus ou moins
important d’hyperacousie. Inversement, la majorité des patients qui se
plaignent d’hyperacousie (jusqu’à 85 %) ont aussi des acouphènes.
L’association de ces deux troubles de l’audition suggère un mécanisme
commun de gain central augmenté, soit une augmentation de l’activité
nerveuse spontanée (l’acouphène) et évoquée par les sons extérieurs
(l’hyperacousie). La stimulation sonore vise à apaiser cette activité et à
corriger ces deux troubles auditifs.
Contrairement aux acouphènes, il est assez simple de mesurer
l’amélioration de la tolérance aux bruits. Ainsi, pour une personne donnée,
on peut mesurer à combien de décibels le bruit est jugé trop fort – on parle
de seuil d’inconfort – avant et après le port de générateurs. Les sons des
générateurs sont ajustés à un niveau bas, comme un léger bruit de fond. Le
port des générateurs peut être plus ou moins long, selon les études, et peut
aller de quelques jours à plusieurs mois. La différence entre les seuils
d’inconfort avant et après le port de générateurs de son peut atteindre plus
de 10 décibels. Par exemple, si une personne juge qu’un son de 80 décibels
est trop fort avant le port de générateurs, après le port de générateurs, un
son jugé trop fort pourrait atteindre 90 décibels, ce qui signifierait une
tolérance améliorée de 10 décibels. Les effets peuvent s’observer après une
période aussi brève qu’une semaine, mais les effets maximaux s’obtiennent
généralement sur une période assez longue, de quelques semaines à
plusieurs mois. De façon générale, plus la stimulation est longue, meilleurs
sont les résultats.

La stimulation sonore et les possibilités maison


Il existe plusieurs possibilités maison pour enrichir l’environnement
sonore. Toutes reposent sur le principe illustré à la figure 5.2.
L’enrichissement doit être à un niveau assez bas, afin de ne produire qu’un
bruit de fond et de réduire le contraste avec l’acouphène. Allumer la radio
ou un ventilateur, écouter de la musique, télécharger des sons sur Internet et
les écouter sur un appareil portatif sont toutes des stratégies qui peuvent
contribuer à masquer les acouphènes. Pour aider à l’endormissement, il
existe même un oreiller avec mini haut-parleurs intégrés (SoundPillow®)
ainsi que des générateurs de sons qu’on peut déposer sur la table de chevet.
Ces stratégies sont assez peu coûteuses et faciles à intégrer au quotidien,
mais les sons produits ne sont ni réguliers, ni contrôlés, ni portables, et leur
efficacité est incertaine. Porter des écouteurs branchés à un appareil de
musique portable empêche la communication avec les autres, et passer la
nuit avec un générateur de son allumé sur une table peut déranger le
partenaire. En revanche, le manque d’efficacité de ces possibilités maison
ne veut pas dire que l’enrichissement sonore ne fonctionne pas. Les
générateurs placés derrière l’oreille ou des prothèses auditives dotées de
générateurs sont toutefois perçus comme plus efficaces, et leur avantage est
qu’ils émettent des sons contrôlés et continus, qu’ils sont portatifs et ne
gênent pas la communication.
Si les thérapies sonores peuvent aider une partie des personnes
acouphéniques et les satisfaire, cette solution ne convient pas à tout le
monde. En effet, certaines personnes les apprécient énormément, tandis que
d’autres ne peuvent pas les tolérer. Pour d’autres encore, les générateurs de
son peuvent même augmenter l’acouphène. Par conséquent, on
recommande de faire des essais avec des professionnels avant d’engager
des dépenses substantielles pour des générateurs portables.
En somme, il existe plusieurs indications en faveur de la thérapie sonore
pour diminuer le dérangement causé par un acouphène et améliorer la
tolérance aux sons forts. En revanche, quels types de sons s’avèrent les
meilleurs et quels candidats pourraient en bénéficier le plus restent des
questions à approfondir. Jusqu’ici, la majorité des études ont ciblé les
personnes qui n’ont que peu ou pas de perte auditive. Les effets des
générateurs combinés à l’amplification chez les personnes avec perte
auditive restent à évaluer. Dans les cas où l’acouphène est partiellement ou
totalement masqué par le bruit ambiant, l’utilisation de générateurs pourrait
procurer un soulagement soutenu. Dans les autres cas, les professionnels
peuvent aider à prendre une décision dans un sens ou dans l’autre. Mais
dans tous les cas, il est fortement recommandé de faire appel à un
professionnel, normalement un audioprothésiste, pour ajuster le générateur
de son et en tirer les meilleurs bénéfices.

La pharmacologie et les produits naturels


À ce jour, aucune pilule, gélule, granule, ou aucun onguent, ne peut
éliminer le son de l’acouphène et il n’existe aucune approbation par Santé
Canada ou recommandation clinique à cet effet. Certaines molécules
particulières ont été testées pour empêcher le développement des
acouphènes après un trauma-tisme sonore, mais aucune n’a encore été
approuvée.
Il est important de traiter les problèmes de dépression, d’anxiété, de
stress et de sommeil associés aux acouphènes s’ils sont cliniquement
significatifs. Cela requiert une évaluation par un professionnel de la santé
spécialisé, et les médicaments doivent être prescrits pour le problème de
santé et non pour contrôler les acouphènes. Par exemple, s’il y a une
dépression clinique, il est important de la traiter. S’il y a des troubles du
sommeil importants, une ordonnance de somnifères peut être indiquée, avec
toutes les précautions requises pour tenir compte des risques d’intolérance
et de dépendance. Il est possible que traiter les problématiques sous-
jacentes, par exemple améliorer la qualité du sommeil, diminue par ricochet
la réaction à l’acouphène, mais aucune étude ne le démontre avec certitude.
Dans la même veine, les suppléments vitaminiques et minéraux ne sont pas
recommandés lorsqu’il n’y a pas de carence documentée. C’est le cas
également pour les produits naturels en vente libre (par exemple le ginkgo
biloba, la glucosamine, la mélatonine).
Quant au cannabis, récemment légalisé au Canada, on ne connaît pas ses
effets sur les acouphènes, que ce soit comme facteur de risque ou comme
agent thérapeutique.
Bref, il n’y a actuellement aucune recommandation en faveur des
médicaments ou des produits naturels pour diminuer l’intensité de
l’acouphène ou le dérangement qu’il provoque, à moins d’avoir une cause
traitable sous-jacente.

La neuromodulation
L’acouphène étant associé à une activité neurale excessive, plusieurs
nouvelles techniques utilisées pour traiter d’autres pathologies ou adaptées
précisément pour les acouphènes ont été développées récemment. Ces
techniques, dites de neuro-modulation, visent à interférer avec cette activité
neurale et à diminuer l’acouphène. Elles peuvent être plus ou moins
invasives, c’est-à-dire qu’elles supposent ou non une intervention directe
sur le corps, et sont toutes expérimentales pour l’instant.

La neuromodulation non invasive


La stimulation magnétique transcrânienne (SMTr) est une technique de
neuromodulation non invasive approuvée par Santé Canada depuis 2002
pour traiter des troubles de dépression majeure, des hallucinations auditives
sévères (schizophrénie) et des troubles obsessionnels compulsifs12. Elle
n’est pas approuvée pour traiter les acouphènes, car les preuves de son
efficacité sont trop faibles. La stimulation transcrânienne induit un courant
magnétique local pour modifier l’activité des neurones sous-jacents. Ce
courant est transmis par un appareil en forme de 8 qu’on place sur la tête à
un endroit précis. Le courant traverse la boîte crânienne et atteint les
premières couches du cortex cérébral pour le stimuler ou l’inhiber, selon les
paramètres utilisés. Dans le cas des acouphènes, puisqu’on suppose une
activité neurale excessive, la SMTr a pour but d’inhiber l’activité du cortex
auditif. Les premières études publiées au début des années 2000 semblaient
prometteuses, mais après deux décennies de recherche avec beaucoup plus
de patients et de meilleures méthodologies, les résultats sont plutôt
décevants. Une première difficulté tient probablement du fait que la SMTr
stimule en superficie et que le cortex auditif est situé perpendiculairement
au crâne, ce qui le rend difficile à atteindre. Mais même la stimulation
d’autres zones du cerveau qui pourraient agir sur l’acouphène indirectement
ou en réseau n’a pas donné de résultats convaincants. Le taux de succès,
mesuré par des questionnaires de dérangement, est très modeste et de courte
durée. Il est peu probable que la SMTr devienne une avenue intéressante
pour le traitement des acouphènes dans l’avenir.
La stimulation électrique transcrânienne (tES) est une autre technique
non invasive récente dans laquelle un courant électrique faible est appliqué
par deux électrodes posées sur le scalp. D’après les études publiées, les
chercheurs avaient utilisé différents protocoles sur de petits groupes de
patients, de sorte que l’efficacité de la technique reste encore à établir. La
stimulation électrique comporte quelques variantes comme la stimulation
transcrânienne à courant alternatif (tACS) et la stimulation transcrânienne
par bruit aléatoire (tRNS) dont l’efficacité reste également à établir.
La stimulation bimodale est le traitement expérimental le plus récent. Il
est basé sur des études rigoureuses effectuées sur des animaux et ayant
démontré un lien étroit entre les modalités somatosensorielle et auditive. La
thérapie consiste en une stimulation auditive personnalisée combinée à une
stimulation électrique tactile (émise par des électrodes placées sur la joue
ou dans le cou) pendant quatre semaines, à raison de trente minutes par jour.
Des résultats pilotes ont démontré une réduction significative de l’intensité
des acouphènes en décibels et du dérangement qu’il cause, par rapport à une
stimulation auditive seulement (unimodale). Ces résultats doivent être
confirmés par d’autres études sur de plus grands groupes de participants et
d’autres laboratoires, mais l’approche est prometteuse et pourrait s’avérer
utile dans les cas d’acouphènes somatosensoriels.

La neuromodulation invasive
La stimulation du nerf vague (SNV), une technique invasive approuvée
par Santé Canada en 2001 pour traiter la dépression sévère chronique, a été
expérimentée pour les acouphènes13.
Elle nécessite l’implantation, sous anesthésie générale, d’un générateur
de type cardiostimulateur (pacemaker) relié à une électrode enroulée autour
du nerf vague dans la région du cou. Une incision abdominale est ensuite
pratiquée, et le cordon attaché au nerf est passé à l’intérieur du corps entre
l’incision du cou et l’incision abdominale afin de pouvoir brancher
l’appareil qui contrôlera les stimulations. Après que les patients ont
récupéré de l’intervention, le traitement peut commencer. Le générateur est
programmé pour envoyer de manière intermittente, le long du nerf vague,
un courant à basse fréquence combiné à une stimulation auditive composée
de fréquences en dessous et au-dessus de la fréquence de l’acouphène. Cette
double stimulation permettrait de moduler la production de
neurotransmetteurs (noradrénaline, sérotonine) et, par conséquent, le
fonctionnement de certaines structures cérébrales. Cette technique comporte
toutefois de nombreux effets indésirables associés à l’intervention, allant
des complications opératoires (anesthésie, infections) à des effets
physiologiques comme une altération de la voix (voix rauque), de la toux,
des infections et des maux de gorge, ainsi que des spasmes musculaires.
Comme ce nerf stimule aussi le cœur, il peut provoquer un ralentissement
de la fréquence cardiaque. Une seule étude pilote avec un groupe contrôle a
fait l’objet d’une publication, et elle a démontré une amélioration dans les
deux groupes de patients (même celui qui n’avait pas reçu de stimulation).
En raison de son caractère invasif et des effets bénéfiques modestes, il est
fort peu probable que ce type de thérapie devienne une option pour la
grande majorité des patients avec acouphènes.
D’autres thérapies invasives, comme la stimulation cérébrale de surface
ou profonde, consistent à implanter des électrodes sur la surface du cerveau
ou plus profondément. Ces thérapies sont extrêmement rares,
expérimentales et réservées à des cas extrêmes, souvent des patients qui
souffrent d’autres pathologies. Leur efficacité pour réduire les acouphènes
est très difficile à établir, puisqu’on peut difficilement tester des
participants dans des groupes contrôles. Il est nécessaire d’obtenir plus
de données avant de les adopter, car on ne sait toujours pas si les
inconvénients dépassent les bénéfices.
En résumé, la compensation de la perte auditive et l’enrichissement
sonore sont les valeurs les plus sûres, actuellement, pour diminuer la
réaction à l’acouphène et l’hyperacousie. La pharmacologie et la
neuromodulation, qu’elles soient invasives ou non, restent des approches
expérimentales qui requièrent plus d’études avant de pouvoir être
employées. S’il est très peu probable que la neuromodulation invasive soit
un jour accessible, des versions moins invasives pourront néanmoins voir le
jour et faire partie des options, du moins pour certains types de patients.

11. Au Québec, la majorité des fabricants de prothèses offrent également au


moins un de leurs modèles avec générateur de bruit intégré qui est payé par
la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) pour les patients qui
ont des pertes auditives admissibles.
12. Il semble que la SMTr ne soit pas validée en France comme outil
thérapeutique, ni reconnue officiellement, même si certaines cliniques
l’offrent. Source: http://www.cite-sciences.fr/fr/au-programme/lieux-
ressources/cite-dela-sante/une-question-en-sante/questions-frequentes/je-
recherche-des-informations-sur-la-stimulation-magnetique-transcranienne-
smt/ (août 2020).
13. Il semble que ce traitement soit utilisé en France depuis 2004 pour
l’épilepsie réfractaire aux médicaments (source : https://doi.org/10.1016/j.
respe.2020.04.049). Le remboursement date de 2005 (source :
http://www.neurochirurgica.org/spip.php?article21). Mais il n’est pas utilisé
pour la dépression ni les acouphènes.
LES THÉRAPIES
VISANT LA RÉACTION

Un deuxième type de thérapies vise la réaction de la personne à


l’acouphène et à ses effets délétères sur la qualité de vie, la concentration,
l’anxiété, le taux de stress et le sommeil. On trouve dans cette catégorie la
thérapie de rééducation des acouphènes (Tinnitus Retraining Therapy,
TRT), qui bénéficie d’un statut spécial parce qu’elle combine la stimulation
sonore avec du counselling. On trouve aussi des thérapies psychologiques,
de même que la relaxation, la méditation et le contrôle de l’attention. La
réaction à ces thérapies peut être mesurée en faisant répondre la personne à
des questionnaires. Cependant, un peu comme dans le chapitre précédent,
les thérapies et techniques proposées dans ce chapitre n’ont pas toutes fait
l’objet d’études scientifiques rigoureuses. Ainsi, on ne sait pas encore
précisément de quelle manière elles agissent pour aider à comprendre les
réactions aux acouphènes, à mieux les tolérer et à s’y habituer au point
d’arriver à les oublier.

La thérapie de rééducation des acouphènes


(Tinnitus Retraining Therapy)
L’une des interventions structurées les mieux connues des audiologistes
pour traiter les acouphènes et qui utilise la stimulation sonore est la thérapie
de rééducation des acouphènes (Tinnitus Retraining Therapy ou TRT). Elle
a été développée par Pawel Jastreboff et Jonathan Hazell dans les années
1990 afin de faciliter graduellement le processus d’habituation à
l’acouphène. Elle consiste en la présentation d’un bruit à bande spectrale
large et à faible niveau de décibels (juste sous l’intensité de l’acouphène)
par des générateurs posés sur l’oreille pour une durée pouvant aller de six
semaines à deux ans. Cette stimulation est couplée au counselling dirigé de
la part de l’audiologiste. Le counselling dirigé comprend de l’information
ciblée sur le fonctionnement du système auditif et sur son rôle dans les
acouphènes. Beaucoup d’études sur cette thérapie et sur des protocoles
similaires basés sur l’utilisation de générateurs de son et de counselling ont
rapporté des effets bénéfiques sur le dérangement causé par l’acouphène et
sur l’hyperacousie. En revanche, les études sur leur efficacité pour traiter
les acouphènes en particulier ne sont pas de très haut calibre ou n’ont pas
clarifié la contribution isolée de chacune de ses deux composantes, la
stimulation sonore et le counselling.
Une étude très récente de grande qualité effectuée auprès de 151 anciens
combattants américains ayant une audition normale ou une perte auditive
légère représente une exception. Cette étude randomisée contrôlée à double
insu a comparé rigoureusement trois groupes de participants sur une période
d’un an et demi avec des évaluations périodiques tous les trois mois. Le
premier groupe a été traité par la TRT classique, qui consistait en du
counselling combiné au port de générateurs de bruit aux deux oreilles, à
raison d’au moins huit heures par jour. Le deuxième groupe a été traité
uniquement par le counselling de la TRT, composé essentiellement
d’information sur l’audition et sur les acouphènes. Le troisième groupe a
subi le traitement habituel utilisé dans les cas d’acouphènes, personnalisé et
adapté à chaque patient. Le traitement habituel personnalisé correspondait à
ce qui est généralement proposé dans les centres médicaux pour anciens
combattants.
À la dernière rencontre de suivi, après un an et demi, la majorité des
patients des trois groupes avaient connu une réduction significative et
similaire de l’effet de leur acouphène dans leur vie quotidienne, un résultat
révélé par plusieurs questionnaires. Ainsi, sur le dérangement causé par
l’acouphène, la TRT s’est montrée ni plus ni moins efficace qu’une
approche ne comprenant pas de générateur de bruit. Les trois méthodes
avaient produit une réduction significative du dérangement. Une différence
notable, cependant, est apparue : les patients du groupe ayant subi la TRT
classique (générateurs + counselling) ont atteint plus rapidement une
réduction stable du dérangement que ceux des deux autres groupes. En
d’autres mots, même si les trois groupes avaient des degrés de dérangement
similaires, la réduction significative du dérangement a été atteinte plus
rapidement lorsque les générateurs de son étaient intégrés à la thérapie.
Ainsi, une combinaison d’enrichissement sonore et de thérapie verbale telle
que le counselling semble gagnante.

Le counselling
Le counselling est une composante vitale de toutes les options de
traitement pour les patients qui consultent pour des acouphènes en
particulier, et en audiologie de façon générale. On le définit comme un
dialogue qui facilite le changement par l’information, l’orientation et la
responsabilisation (empowerment) des patients. Il peut être plus ou moins
directif. Par exemple, le type de counselling offert dans la TRT est directif –
éducatif et structuré –, tandis que celui des approches centrées sur le
patient est plutôt facilitateur – focalisé sur les besoins particuliers et les
caractéristiques de chaque patient.
Pour les personnes qui ne vivent pas de grande détresse, le counselling
peut se limiter à certains éléments factuels comme de l’information et le
résumé des résultats audiologiques. Pour celles chez qui l’acouphène
constitue un problème majeur, le counselling peut inclure d’autres éléments
comme un entraînement aux techniques de relaxation et au contrôle de
l’attention, l’hygiène de sommeil et la thérapie sonore.
Le counselling se fait habituellement en tête à tête, lors de la première
consultation, mais peut également se faire en groupe. Il comprend
essentiellement les notions d’anatomie et de physiologie de l’audition, le
résumé des tests audiologiques, de l’information et du réconfort à propos de
l’acouphène, des recommandations pour minimiser l’exposition aux bruits
et autres déclencheurs d’acouphènes, et possiblement du matériel verbal ou
écrit à la fin de la séance. Il est primordial que la relation entre le
professionnel et le patient en soit une de confiance et d’ouverture,
bienveillante et personnalisée. Le counselling peut prendre plusieurs
formes, car on l’adapte aux problèmes particuliers de chaque personne, par
exemple une réduction du stress par la relaxation, des stratégies pour
faciliter la communication ou l’identification des facteurs déclencheurs. Le
counselling qui a le plus de succès vise à changer les pensées et les
comportements mal adaptés par rapport aux acouphènes, en tenant compte
des particularités de chaque personne.
La thérapie cognitive comportementale (TCC)
Pour certaines personnes, il arrive que l’acouphène soit la goutte qui fait
déborder le vase. La recherche a en effet démontré que l’état émotionnel qui
prévaut lorsque l’acouphène survient est un prédicteur important de la
réaction à l’acouphène. Ainsi, une personne qui vit des moments difficiles
dans sa vie en général, qui est dans un état anxieux ou en dépression
clinique, qui gère difficilement plusieurs sources de stress, sera beaucoup
moins en mesure de faire face à l’acouphène lorsque celui-ci apparaîtra
comme nouveau symptôme. Dans de tels cas, le counselling ciblé sur
l’acouphène risque de ne pas suffire pour améliorer l’humeur et changer la
réaction à l’acouphène. La consultation d’un psychologue peut s’avérer
essentielle. L’approche thérapeutique qui a reçu le plus d’appuis
scientifiques quant à son efficacité pour traiter le dérangement causé par les
acouphènes est sans conteste la thérapie cognitive comportementale (TCC).
En fait, actuellement, la TCC est la seule thérapie qui puisse être
recommandée sur la base de preuves scientifiques solides. Les études qui
appuient cette approche sont du plus haut calibre scientifique.
Il a été prouvé que la TCC est efficace pour traiter plusieurs troubles,
dont les acouphènes, mais aussi l’anxiété, l’insomnie, les phobies, les états
de stress. Il s’agit d’une thérapie active et structurée offerte par des
psychologues agréés. Elle est centrée sur des symptômes observables dans
le comportement. Le thérapeute intervient sur les processus mentaux à
l’origine des émotions et des comportements non adaptés.
La théorie sous-jacente de la thérapie cognitive comportementale est
que les pensées excessivement négatives sont garantes du développement et
du maintien d’un état émotionnel négatif et mènent, par conséquent, à des
comportements inadaptés. De façon très simplifiée, le thérapeute aide son
client à briser la chaîne quasi automatique entre les pensées négatives et les
émotions et les comportements qu’elles déclenchent. La TCC vise à
décortiquer et à rendre conscient le lien entre les pensées, les émotions, et
les comportements afin de briser le cycle entre la situation et le
dérangement qui en découle. Il est connu que les personnes qui ont des
acouphènes éprouvants ont des pensées catastrophiques. Ces pensées
accroîtront l’attention envers l’acouphène et prédiront la qualité de vie. Le
rôle du thérapeute sera de travailler à remettre en question les pensées
catastrophiques, ou pensées irrationnelles, et de remplacer l’émotion
négative par une émotion gérable et des comportements plus adaptés.
L’exemple de la page suivante illustre comment le mode de pensée et
nos propres anticipations par rapport à une situation banale de la vie
(comme attendre une amie qui est en retard) peuvent produire des émotions
et des comportements totalement différents et exercer une influence énorme
sur la vie quotidienne et le bien-être psychologique.

Cas de figure

Prenons la situation suivante : une personne donne rendez-vous à une


amie pour aller souper au restaurant. Celle-ci est en retard d’une demi-
heure. Chez Jacques, cette situation provoque une réaction très négative,
car il se sent négligé. Il se retrouve déprimé, dévalorisé. Selon lui, si son
amie faisait vraiment attention à lui ou si elle avait vraiment envie de le
voir, ne serait-elle pas à l’heure au rendez-vous ? En l’attendant, il
commence à ruminer ses idées sombres et à se remémorer toutes les fois
où il a vécu des échecs et où il a été trahi par ses amis. Lorsque son amie
arrive, Jacques est maussade et triste. Il lui en veut de le négliger de cette
façon et passe une bonne partie de la soirée à ressasser dans sa tête de
vieilles histoires. Devant une situation similaire, Jean-Sébastien a une
réaction d’acceptation et de tolérance. Il ne se sent pas particulièrement
inquiet, parce que depuis qu’il la connaît, son amie est toujours plus ou
moins en retard. Jean-Sébastien sait qu’elle met beaucoup de temps à se
pomponner et finit par partir à la dernière minute. En l’attendant, il se
plonge donc dans le livre captivant qu’il a emporté dans son sac – peut-
être un livre sur les acouphènes… Lorsque son amie arrive, Jean-
Sébastien est assis en train de lire tranquillement et n’a pas vu le temps
passer. Il est content de voir son amie et ils passent une soirée
décontractée et agréable.
Samia, elle, vit une réaction extrême d’anxiété et d’inquiétude. Voyant
l’heure qui avance, elle commence à avoir des palpitations et à transpirer.
Elle s’imagine qu’il a dû arriver quelque chose de terrible à son amie
pour expliquer ce retard. Devrait-elle appeler aux urgences au cas où elle
aurait eu un accident grave ? Lorsque son amie arrive, Samia est
tellement paniquée qu’elle n’a aucune disponibilité pour que celle-ci lui
raconte les raisons de son retard. Elle lui adresse plutôt des reproches
parce qu’elle ne l’a pas appelée pour la prévenir et met presque toute la
soirée à retrouver son calme.
Chez Aline, une telle situation génère un état d’anticipation joyeuse. Elle
se réjouit d’avoir eu la bonne idée d’inviter son amie ce soir-là, ça fait
tellement longtemps qu’elles ne se sont pas vues qu’elles ont beaucoup
de choses à se dire. En l’attendant, elle dresse mentalement la liste des
événements qu’elle ne doit pas oublier de lui raconter. Elle rit toute seule
en se remémorant des anecdotes de leurs années d’université. Lorsque
son amie arrive, Aline est de bonne humeur et lui dit combien elle est
heureuse de la voir. Elle revient de sa soirée ravigotée et heureuse.

Qu’ont en commun ces scénarios ? Ils parlent d’une même situation,


neutre, soit l’attente d’une amie en retard. Les réactions des personnes sont
toutes différentes, car pour chacune d’elles la situation génère des pensées
différentes, qui déterminent ensuite la chaîne de réactions émotionnelles et,
par conséquent, le déroulement de la soirée.

Figure 6.1 Remettre en question des pensées qui mènent aux émotions
négatives
Il existe en effet une chaîne quasi automatique entre une situation
donnée (A), les pensées associées (B) et les conséquences émotionnelles
(C). L’élément crucial entre chaque situation (A) et sa conséquence
émotionnelle (C) est le déclenchement des pensées (B), qui sont
conditionnées notamment par les expériences passées et la personnalité. Le
lien entre la situation (A) et l’émotion qui en résulte (C) est si étroit que les
pensées (B) ne sont pas toujours conscientes. On passe alors de A à C sans
se rendre compte de l’élément crucial entre les deux, les pensées (B). En
thérapie, le rôle du thérapeute est d’aider la personne à prendre conscience
de ses pensées (B) et de l’émotion (C) qu’elles suscitent, à remettre en
question les pensées négatives (D) et à générer une nouvelle émotion (E)
plus positive ou, du moins, plutôt neutre, qui à son tour produira un
nouveau comportement.
Dans les exemples précédents, voici comment le thérapeute pourrait
accompagner Jacques et Samia afin de les aider à passer une meilleure
soirée. Avec Jacques, qui se sent déprimé, on peut remettre en question les
raisons qu’il invoque (D) pour expliquer le retard de son amie. Jacques
prête une intention très négative à son amie envers lui. « Si elle faisait
vraiment attention à lui, se dit-il, elle ne serait pas en retard. » Mais le
retard a-t-il vraiment rapport avec lui ? A-t-elle pu avoir un imprévu ? Si
son amie n’avait pas vraiment envie de le voir, aurait-elle accepté d’aller au
restaurant toute la soirée avec lui ? Elle aurait peut-être proposé un simple
appel ou une brève rencontre autour d’un café.
Quant à Samia, elle se sent anxieuse, elle saute directement à la
conclusion que son amie est à l’hôpital en raison d’un accident grave.
Sinon, elle l’aurait appelée pour l’aviser de son retard. Est-ce que d’autres
raisons pourraient justifier ce retard ? Y avait-il trop de monde dans le
métro ou une panne sur la ligne orange ? Son amie se cherchait peut-être
une place de stationnement, puisqu’elle devait venir en voiture. Dans ce
cas, avouons-le, son léger retard deviendrait tout à fait compréhensible, et le
fait qu’elle n’ait pas pu prévenir serait tout aussi compréhensible,
puisqu’elle n’aurait pu utiliser son téléphone cellulaire au volant.
Dans ces deux cas, la remise en question des pensées excessivement
négatives (D) pourrait engendrer des émotions nouvelles (E) tout à fait
différentes et beaucoup moins dévastatrices. Ainsi, parions que Jacques et
Samia auraient passé une soirée au moins aussi agréable que Jean-Sébastien
et Aline. Et leur amie aussi !
On peut comparer la situation « attendre une amie en retard » au fait
d’avoir un acouphène. La section suivante décrit comment les pensées
négatives peuvent produire des états émotionnels négatifs associés aux
acouphènes et des comportements inadaptés.
De façon professionnelle et systématique, le thérapeute aide à remettre
en question les pensées excessivement négatives et à les remplacer par des
pensées plus neutres à propos de l’acouphène, transformant ainsi la
conséquence émotionnelle dévastatrice. Lorsque l’acouphène devient
intolérable, la TCC est une approche thérapeutique efficace qui peut durer
de quelques semaines à quelques mois. Les études sur la TCC et les
acouphènes démontrent de façon convaincante des effets bénéfiques sur le
dérangement causé par des acouphènes et sur les symptômes dépressifs qui
perdurent au moins jusqu’à un an et demi. En plus de la restructuration des
pensées et des émotions, elle peut inclure des exercices de relaxation et de
respiration. La relation de confiance créée avec le thérapeute, ou l’alliance
thérapeutique, de même que la motivation à changer sont des éléments
centraux.

Même si tous les psychologues ne sont pas familiers avec le problème


particulier des acouphènes, ceux et celles qui travaillent avec des
personnes qui ont des douleurs chroniques, de la dépression et de
l’anxiété et qui utilisent l’approche cognitive comportementale seront
adéquats.

D’autres stratégies et moyens utiles

Changer ses pensées pour changer ses émotions


Il y a de grandes variations dans les réactions face à l’acouphène. Il est
bon de rappeler que même si les acouphènes sont très répandus, la majorité
des gens qui en ont ne ressentent pas de détresse particulière. Après une
réaction initiale de stress, et après avoir éliminé toute cause médicale, ces
personnes cessent tout simplement de réagir à ce son et y deviennent
indifférentes. L’habituation à l’acouphène se produit naturellement dans la
mesure où il est considéré comme un son sans signification particulière.
Certaines personnes ressentiront toutefois une affliction et une
souffrance intenses et persistantes de ne plus pouvoir vivre l’expérience du
silence. D’autres vivent de l’anxiété et de la dépression, car elles se
trouvent incapables de tolérer l’acouphène et deviennent agitées ou, au
contraire, retirées et apathiques. D’autres encore ressentiront de la colère,
de l’injustice, et deviendront agressives ou défensives. D’où viennent ces
réactions ? La plupart des modèles psychologiques supposent que lorsque
les gens sont en détresse, il y a une focalisation sur la cause de cette
détresse. Les gens qui attribuent leur détresse à l’acouphène penseront de
plus en plus à lui comme à une menace, ce qui entraînera une activation de
la vigilance envers les acouphènes, qui à son tour augmentera l’importance
et l’intensité des acouphènes. Or, les réactions proviennent essentiellement
des pensées. Changer les pensées est donc un exercice qui peut aider à
changer les réactions et à diminuer la détresse.
Les pensées ne sont pas toujours accessibles à la conscience, elles
peuvent être floues. Les émotions qu’elles provoquent peuvent être
ressenties plus clairement, mais pas toujours. La première étape pour
diminuer la détresse est donc d’identifier ses propres pensées à propos des
acouphènes. C’est le début de la chaîne. Par exemple, l’acouphène peut
générer les pensées suivantes : l’acouphène va me rendre sourd ;
l’acouphène est certainement causé par une tumeur au cerveau ;
l’acouphène ne va jamais s’arrêter.
D’autres pensées négatives sont illustrées dans le questionnaire des
pensées négatives et positives (voir le Questionnaire de connaissances sur
les acouphènes, au chapitre 4, p. 91). Les pensées produisent des émotions
précises. Les sept émotions de base sont la joie, la tristesse, la peur, la
colère, le dégoût et la surprise. Il est certain que penser que l’acouphène est
le signe d’une tumeur au cerveau créera un état de peur et mènera
inévitablement à un état d’anxiété et d’agitation. À l’inverse, une personne
qui pense que l’acouphène n’a pas de signification particulière pour la santé
sera plus calme et l’ignorera plus facilement. Une même personne peut
penser différemment dans différentes circonstances. Nous avons tous fait
l’expérience de ruminer des idées sombres à propos d’un souci particulier
en plein milieu de la nuit : le problème semble insurmontable et nous nous
sentons affreusement mal. Le lendemain, en plein jour, le problème est
toujours là, mais il semble plus simple à gérer et nous nous sentons moins
misérable et plus apte à y faire face. La façon de penser à un même
problème peut donc changer selon les circonstances et c’est ce qui
déterminera l’émotion et l’état physiologique de la personne.

Exercice sur les émotions


1. Choisissez une situation dans laquelle vous avez éprouvé une
émotion désagréable.
2. Décrivez cette émotion. Elle peut être floue au départ, mais prenez le
temps de mettre des mots sur ce que vous ressentez.
3. Acceptez cette émotion. Ressentez-la pleinement, sans jugement. Les
émotions jouent un rôle d’adaptation et, en soi, elles ne sont ni
bonnes ni mauvaises.
4. Cherchez à comprendre ce qui a déclenché cette émotion dans votre
environnement et en vous. Qu’est-ce qui se cache derrière ?
5. Enfin, faites évoluer l’émotion vers un sentiment plus agréable.

Source : adapté de Wilson et Henry, 2002.

Il existe donc un lien étroit entre les pensées et les émotions. Ainsi,
s’engager dans un mode de pensée excessivement négatif provoquera une
réaction excessivement négative et assurément une dégradation de
l’humeur. Pour reprendre l’exemple de la tumeur, le fait de penser que
l’acouphène découle d’une tumeur génère un état d’anxiété qui se
répercutera sur d’autres aspects de la vie. À son tour, l’état d’anxiété
provoquera une hypervigilance et une concentration encore plus grande sur
l’acouphène, ainsi qu’une surestimation de son importance. Il deviendra
impossible de ne plus penser à l’acouphène et celui-ci sera le centre de
l’attention.
Comment changer ses réactions ? Dans l’exercice de la page précédente,
la pensée du premier exemple s’apparente au style de pensée du tout ou rien
(« Plus jamais ma vie ne sera pareille, je serai toujours fatigué ») et de la
généralisation à outrance (« Toutes les nuits vont être comme ça »). Cela
engendre un maintien du sentiment de dérangement et une humeur
dépressive. Afin de changer la réaction négative, il ne s’agit pas de « penser
positif », mais de prendre conscience que les pensées sont excessivement
négatives et ne reflètent pas une vision équilibrée ou réaliste des choses. Il
s’agit donc de remettre ces pensées en question et de considérer d’autres
possibilités. Quelles sont les preuves qu’à l’avenir, toutes les nuits, je ne
pourrai pas dormir ? Est-ce que, depuis que j’ai des acouphènes, toutes les
nuits, je n’ai pas été capable de dormir ? Quel est le pire qui puisse
vraiment arriver ? Que dirais-je à un ami qui me confierait cette pensée ?
Qu’est-ce qu’un ami me dirait si je lui confiais cette pensée ? Si je n’étais
pas aussi stressé, qu’est-ce que je penserais ? D’autres raisons
pourraientelles expliquer que je me sente découragé ? Et y a-t-il d’autres
sources de détresse dans ma vie qui pourraient expliquer que j’évalue
l’acouphène de façon aussi négative ?

Exercice : identifier ses propres pensées et émotions à propos de


l’acouphène

1. Sur une feuille de papier, écrivez vos pensées négatives à propos des
acouphènes. Il n’est pas toujours facile d’identifier immédiatement
nos pensées. Allez-y spontanément, en essayant de découvrir les
images ou les mots qui traversent votre esprit quand vous pensez à
vos acouphènes. Que signifient-ils pour vous ? Lorsque vous songez
à vos acouphènes, quelles pensées vous viennent immédiatement à
l’esprit ? Qu’est-ce que les acouphènes vous obligent à faire ou, au
contraire, qu’est-ce qu’ils vous empêchent de faire ? Par exemple : «
Mes acouphènes sont si intenses qu’ils me réveillent la nuit. »
2. Pour chacune des pensées relevées, qu’est-ce que cela entraîne dans
votre vie ? Par exemple : « Ça veut dire que toutes les nuits seront
comme ça et que je serai toujours fatigué. »
3. Quelles émotions ces pensées et leurs conséquences vous font-elles
ressentir ? Par exemple : « La vie ne sera plus jamais pareille, donc je
me sens triste et sans espoir. »

Source : adapté de Wilson et Henry, 2002.

Cet exercice de remettre les pensées à propos de l’acouphène en


question est toutefois plus facile à dire qu’à faire. Il peut être utile de
dresser une liste de situations où l’acouphène a été supportable et même
oublié. Une telle liste peut aider à voir qu’il y a des exceptions, peut-être
plus nombreuses qu’anticipé, à la généralisation à outrance ou à la pensée
tout ou rien. Cela peut aider à constater combien un style de pensée négatif
engendre une réaction négative, puis à commencer à s’en détacher.
Cet exercice mène souvent avec succès à un changement de
comportement envers l’acouphène. Mais parfois, les émotions sont si fortes
et si intenses qu’elles restent ancrées, figeant les comportements. Ainsi,
malgré une compréhension intellectuelle de la situation, les comportements
ne changent pas en raison des émotions trop intenses. Dans ces cas
difficiles, il faut parfois expérimenter et mettre les comportements au défi.
Par exemple, un audiologiste dit à un client que les niveaux de bruit de la
vie de tous les jours ne devraient pas avoir de répercussions sur l’intensité
de son acouphène. Mais il est convaincu du contraire. Dans ce cas, il n’y a
pas d’autres façons de résoudre le problème que d’expérimenter lui-même
un comportement différent, plutôt que de s’isoler. Cela pourrait se traduire
par une brève exposition à du bruit ambiant suivi d’une observation de ses
effets sur l’acouphène. Il est possible que l’hypervigilance accordée à
l’acouphène augmente de façon temporaire son intensité, mais ce
phénomène sera probablement de courte durée et la situation reviendra à la
normale rapidement.
Enfin, il faut parfois accepter que l’aide d’un professionnel soit
nécessaire. Et heureusement, la thérapie cognitive comportementale (TCC)
décrite dans la section précédente a fait ses preuves pour diminuer la
détresse et la réaction associées aux acouphènes.

Se détendre pour changer son état émotionnel


Toutes les émotions que nous ressentons passent par le corps. Alors en
plus de tenter de rectifier ses pensées, la modulation de son état physique
est un autre angle par lequel on peut changer son état émotionnel. Le
système nerveux autonome joue un rôle central dans l’état physique des
personnes. Il est composé des systèmes nerveux autonomes sympathique et
parasympathique. Le système nerveux autonome sympathique est
responsable de préparer le corps à l’action et à faire face à une situation de
danger ou à une menace. Il stimule l’ensemble des organes pour préparer au
combat ou à la fuite, et se déclenche à la moindre menace en accélérant la
respiration et les battements du cœur, puis en augmentant la tension. Le rôle
du système nerveux autonome parasympathique est inverse. Il ralentit le
débit cardiaque et la respiration, il calme et apaise les réactions
émotionnelles.
Un acouphène peut être perçu, consciemment ou non, comme un signal
dangereux et menaçant, et peut ainsi provoquer une activation du système
nerveux autonome sympathique. L’utilisation de techniques de respiration
profonde et de relaxation, ou d’écoute de musique relaxante, peut moduler
cet état en réduisant l’activation du système nerveux sympathique et en
activant le système nerveux parasympathique. Parmi elles, il existe la
relaxation musculaire progressive ou méthode de Jacobson, du nom de son
inventeur. C’est une approche qui peut aider à changer le degré de tension
et à améliorer l’humeur. On peut facilement trouver des exercices guidés
sur CD ou sur Internet14.

Méditer en pleine conscience


La théorie de l’acceptation est un autre outil psychologique utilisé pour
changer les réactions devant l’acouphène. Attention : cette théorie ne vise
pas à changer les pensées envers l’acouphène. L’acceptation n’est pas non
plus synonyme de résignation. Il s’agit plutôt d’apprendre à se désengager
des pensées de façon qu’elles aient moins d’influence sur les émotions. La
méditation de pleine conscience pourrait elle aussi diminuer cet engagement
dans le cycle des pensées. Ce type précis de méditation est caractérisé par
une attention sur le moment présent avec ouverture, curiosité et acceptation.
En favorisant une concentration sans jugement sur le moment présent, ce
type de méditation peut réduire les pensées négatives associées à l’anxiété,
à la dépression et à l’acouphène. De fait, la méditation de pleine conscience
réduit les symptômes de douleur et de dépression chez les adultes souffrant
de douleur chronique et augmente leur qualité de vie. À propos des
acouphènes, les quelques études disponibles tendent à démontrer des effets
bénéfiques de cette méditation sur certains facteurs associés à l’acouphène
comme le dérangement, les pensées négatives et les comportements
d’évitement, mais aussi leur acceptation. Ces effets bénéfiques sont
légèrement supérieurs à ceux qu’on a observés après un entraînement de
même durée à la relaxation. Les effets de la méditation de pleine conscience
et de la relaxation s’avèrent toutefois similaires quant à la réduction de
l’anxiété, de la dépression et de l’intensité ressentie des acouphènes. Ainsi,
selon les affinités personnelles et la disponibilité des techniques, la
méditation de pleine conscience et la relaxation peuvent apporter des
bénéfices significatifs. Comme la relaxation progressive et le contrôle de
l’attention (voir la section suivante), la méditation de pleine conscience
accorde beaucoup d’importance à la respiration. Il existe sur Internet
plusieurs tutoriels pour se familiariser avec cette technique15.

Prendre le contrôle de son attention


Apprendre à désengager son attention de l’acouphène pour la concentrer
ailleurs est une approche différente des précédentes. À tout moment, dans la
vie, de nombreuses stimulations – internes ou externes – entrent en
compétition pour attirer l’attention. Les stimulations internes sont les
sensations corporelles comme la faim ou la soif, les pensées, les images
mentales ou un acouphène. Les stimulations externes peuvent être le bruit
environnant, la lumière, les odeurs et le paysage visuel. Le cerveau est
constamment en train de traiter certaines stimulations et d’en ignorer
d’autres, selon leur pertinence et les circonstances. Par exemple, lorsqu’on
emménage dans une nouvelle maison, les bruits ambiants auxquels nous ne
sommes pas habitués peuvent nous tenir éveillés quelque temps la nuit, car
ils attirent notre attention. Chaque nouveau bruit est perçu comme une
menace potentielle. Une fois que nous comprenons qu’ils ne sont pas
dangereux, ils sont filtrés hors de notre attention et on ne les entend plus,
même s’ils sont toujours présents.
Chez les personnes acouphéniques, l’attention est souvent focalisée sur
le bruit interne, perçu comme désagréable ou même comme une menace, et
il peut être difficile de s’en détacher. Si cette réaction peut être saine au
début, car le bruit signale un danger potentiel, elle devient inadaptée à la
longue. Les techniques de contrôle de l’attention peuvent aider à rediriger
l’attention à volonté d’une idée à une autre et à acquérir un plus grand
sentiment de contrôle. Le but de l’exercice suivant est de prendre
conscience que le centre de l’attention est dans une large mesure sous le
contrôle de notre volonté. Le contrôle de l’attention peut s’apprendre, et en
l’exerçant, l’attention consacrée à l’acouphène peut être réduite à certains
moments. Cette approche n’a pas reçu d’appuis scientifiques formels mais
s’inscrit dans une démarche globale de reprise de contrôle sur l’acouphène.

Exercice : le contrôle de l’attention

1. Les sensations physiques internes Installé confortablement, en


position assise ou couchée, les yeux fermés, concentrez votre
attention sur votre respiration pour la rendre lente et régulière.
Inspiration, expiration, inspiration, expiration. Lorsqu’un rythme lent
est atteint, transférez doucement votre attention sur vos mains. Sentez
bien chacun de vos doigts. Ensuite, revenez à votre respiration.
Refaites l’exercice avec vos orteils. Revenez ensuite à votre
respiration. Objectif : notez que lorsque vous concentrez votre
attention sur une partie de votre corps, comme vos mains, le reste de
votre corps reste en arrière-plan. En utilisant des techniques de
contrôle de l’attention, on peut amener les sensations à l’avant-plan
ou les ignorer, les placer à l’arrière-plan.
2. Les sensations internes et externes Installé confortablement, les yeux
fermés, concentrez votre attention sur votre respiration pour atteindre
une respiration lente et régulière. Inspiration, expiration, inspiration,
expiration. Puis, exercez-vous à transférer votre attention. Apprenez à
la contrôler, à la diriger comme le faisceau d’une lampe de poche. Où
est-elle maintenant ? Est-elle sur les sensations externes ou internes ?
Maintenant, concentrez votre attention sur vos sensations physiques
immédiates : l’air extérieur est-il froid ou chaud ? Le sol est-il mou
ou souple ? Ensuite, revenez aux sensations de la pièce : pouvez-vous
entendre du bruit ? Pouvez-vous sentir une odeur ? Pouvez-vous
entendre quelqu’un à l’extérieur de la pièce ? Maintenant, revenez à
vos sensations internes : ressentez chacun de vos orteils, de vos
doigts. Et revenez lentement à votre respiration. Objectif : remarquez
que vous pouvez déplacer votre attention de plusieurs manières, sur
vos sensations physiques, sur votre environnement immédiat et sur
votre environnement éloigné.
3. Les sensations physiques et sonores Installé confortablement, en
position assise ou couchée, les yeux fermés, concentrez votre
attention sur votre respiration pour atteindre une respiration lente et
régulière. Inspiration, expiration, inspiration, expiration. Puis,
transférez doucement votre attention sur vos acouphènes.
Qu’entendez-vous ? Passez un court moment à écouter le bruit.
Ensuite, reconcentrez votre attention sur vos mains. Ressentez
chacun de vos doigts, lentement. Concentrez-vous ensuite sur une
autre partie de votre corps, comme vos pieds. Revenez à votre
respiration. Inspiration, expiration, inspiration, expiration.
Concentrez-vous maintenant sur le son ambiant, dans la pièce.
Qu’entendez-vous ? Essayez d’identifier les bruits que vous
percevez. Revenez à vos acouphènes, en y prêtant attention.
Redirigez rapidement votre attention sur les sons dans la pièce et à
l’extérieur. Qu’entendez-vous ? Prêtez attention aux bruits et essayez
de les identifier. Ensuite, passez quelques minutes à transférer votre
attention des bruits externes à vos acouphènes, puis aux bruits
externes de nouveau, puis à vos acouphènes. Notez que vous pouvez
vous concentrer uniquement sur l’un ou l’autre. Revenez ensuite à
votre respiration. Objectif : prenez conscience que le contrôle de
l’attention sur la sensation de l’acouphène et sur d’autres sensations
peut s’apprendre même s’il peut être difficile au début. L’important
est de développer un sentiment de confiance envers votre capacité à
transférer votre attention de l’acouphène vers votre environnement.
Source : adapté et traduit de Henry et Wilson, 2002.

Figure 6.2 Exemple visuel d’attention sur l’avant-plan ou sur l’arrière-


plan : le vase d’Edgar Rubin Dans cette image, on peut percevoir deux
choses : le contour de deux profils ou un vase. L’attention va de l’un à
l’autre, car il est difficile de percevoir les deux en même temps.
Source : tiré de Wikipédia
(https://fr.wikipedia.org/wiki/Perception_figure-fond).

Optimiser son hygiène de sommeil


Les troubles du sommeil étant parmi les conséquences les plus
rapportées par les personnes acouphéniques, il est utile de rappeler quelques
règles de base pour acquérir ou consolider une hygiène de sommeil saine.
On recommande d’établir une routine régulière de sommeil même les fins
de semaine, d’éviter le café, l’alcool et l’exercice vigoureux juste avant le
coucher, de garder sa chambre sombre, fraîche, confortable et silencieuse
pour favoriser un sommeil réparateur (voir l’encadré de la page suivante).
L’amélioration des habitudes de sommeil importe, car le manque de
sommeil peut augmenter le stress, la fatigue et l’irritabilité, en plus
d’affecter négativement l’état de santé général. Plusieurs sites web
proposent des conseils détaillés pour améliorer le sommeil16.

Gérer son stress


Aucune étude scientifique n’a examiné précisément les effets des
programmes de gestion du stress sur les acouphènes. Pourtant, le stress est
omniprésent dans le déclenchement et l’aggravation des acouphènes.
L’épuisement émotionnel, ou burnout, une forme de stress chronique, est un
élément important qui influe sur la sévérité des acouphènes. Cela suppose
que la gestion du stress a le potentiel de diminuer la réaction négative aux
acouphènes et d’améliorer l’état émotionnel de la personne. Il existe de
nombreux outils pratiques pour gérer le stress, que ce soit le stress en
général, le stress au travail ou autre. La gestion du stress fait partie de
l’arsenal qui permet de diminuer la réaction à l’acouphène.

Les bonnes habitudes de vie qui favorisent le sommeil

1. Apprenez à vous détendre.


2. Donnez-vous au moins une heure pour vous détendre avant le
coucher ; planifiez une période d’activité calme avant d’aller au lit.
3. Limitez le temps que vous passez au lit pour y dormir vraiment ;
passer trop de temps au lit pourrait être la cause d’une moins bonne
qualité de sommeil.
4. N’allez au lit que lorsque vous avez sommeil ; n’allez pas au lit trop
tôt.
5. Sortez du lit si vous n’arrivez pas à vous endormir ; si vous êtes
encore éveillé après quinze ou vingt minutes, levez-vous et allez dans
une autre pièce.
6. Levez-vous à la même heure tous les matins, la fin de semaine
comme la semaine.
7. Faites en sorte que votre lit et votre chambre ne servent qu’à dormir ;
évitez les ordinateurs et autres appareils électroniques au lit.
8. Évitez de faire la sieste pendant la journée ; la sieste perturbe le
rythme naturel de sommeil.
9. Maintenez une bonne hygiène de sommeil ; évitez les stimulants
comme le café ou le thé quelques heures avant le coucher.
10. Gardez la chambre à coucher calme, sombre et confortable.
Source : adapté de https://scs-css.ca/ressources/brochures/insomnie.

En résumé, en l’absence d’une cure pour éliminer l’acouphène, le fait de


changer la réaction à l’acouphène devient un objectif thérapeutique. C’est
d’ailleurs l’état psychologique, et non les caractéristiques acoustiques de
l’acouphène, qui peut le mieux expliquer la sévérité de l’acouphène. La
thérapie cognitive comportementale est l’intervention qui a le mieux
démontré son efficacité pour diminuer la réaction à l’acouphène et
améliorer l’humeur et la qualité de vie. Des preuves de succès de la thérapie
sonore combinée au counselling plus ou moins intense commencent
également à poindre. Des stratégies comme la relaxation, la respiration
profonde et la gestion du stress peuvent certainement favoriser un
changement dans l’état psychologique de la personne et l’aider à oublier
l’acouphène. Elles peuvent soutenir la personne lors de rechutes, lorsqu’un
nouvel événement ou une nouvelle situation remet la réaction à l’acouphène
au premier plan.

14. Voir par exemple https://www.teluq.ca/site/infolettre/articles/relaxation-


progressive-de-jacobson.php.
15. Voir par exemple https://www.youtube.com/watch?v=i9O9scFrePA.
16. Voir par exemple https://dormezladessuscanada.ca.
DE NOUVELLES AFFECTIONS
AUDITIVES
EN PRÉVALENCE CROISSANTE

J’entends de la musique dans ma tête : suis-je


normal, docteur ?
Certaines personnes entendent de la musique plutôt que les
bourdonnements, sifflements ou criquets typiques des descriptions
d’acouphènes. Oui, de la musique ! Habituellement, il s’agit de musique
familière de leur enfance, souvent avec paroles et orchestration, comme des
chansons de Noël ou des comptines. Elles sont à distinguer des chansons-
poisons ou vers d’oreille qui surgissent puis disparaissent après un certain
temps et qui proviennent de l’imagination, le plus souvent après l’écoute
d’une chanson accrocheuse. Non, il s’agit plutôt ici de musique
involontaire, aussi vive que si elle venait de chez le voisin et qui « joue » de
manière ininterrompue. Au début, comme souvent avec les acouphènes, la
musique est tellement réelle qu’elle semble venir de l’extérieur. Assez vite
cependant, la personne se rend compte qu’elle est dans sa tête. En raison de
son caractère particulier, ce type de phénomène est identifié comme des
acouphènes complexes ou, le plus souvent, des hallucinations musicales. La
personne typique sujette à ce phénomène est une femme âgée vivant seule
qui a une perte auditive de modérée à sévère. Les hommes peuvent aussi en
avoir, mais les femmes forment de 70 à 80 % des cas d’hallucinations
musicales rapportés dans les écrits scientifiques.
La perte auditive et un certain isolement social, dans la majorité des cas
d’hallucinations musicales, suggèrent que la privation sensorielle auditive y
joue un rôle majeur, comme pour les acouphènes. En revanche, la perte
auditive est rarement suffisante pour expliquer leur apparition. Dans la
grande majorité, sinon la totalité des cas rapportés, elle est combinée soit à
une intoxication médicamenteuse, soit à une pathologie associée au
cerveau, soit à un trouble mental. Lorsqu’il s’agit d’une pathologie au
cerveau, ce peut être par exemple une lésion cérébrale focale ou diffuse, une
pathologie vasculaire, une atrophie, la présence d’épilepsie ou un coup à la
tête. Lorsque le phénomène relève d’un trouble mental, c’est généralement
un trouble obsessionnel compulsif ou une dépression, et non un trouble de
type psychotique.
Les hallucinations musicales ne sont pas associées à la schizophrénie. Il
est vrai que les hallucinations, dans la modalité auditive, sont généralement
associées à la schizophrénie, elles en sont même un symptôme
diagnostique. En revanche, il existe plusieurs différences importantes qui
distinguent les cas d’hallucinations musicales des hallucinations dans la
schizophrénie. Par exemple, dans la schizophrénie, le contenu des
hallucinations est important. Il prend la forme de discours orientés contre la
personne elle-même, comme des ordres ou des paroles malveillantes. De
plus, la schizophrénie commence typiquement au début de l’âge adulte,
tandis que les cas d’hallucinations musicales se rencontrent typiquement
chez les personnes plus âgées. Les mécanismes de ces hallucinations
complexes ne sont pas clairs, mais on les sait associés à la désinhibition des
réseaux qui encodent la musique et la gardent en mémoire.
Les hallucinations musicales ont un parallèle visuel appelé le syndrome
de Charles-Bonnet. Ce syndrome est caractérisé par des hallucinations de
scènes visuelles complexes comme des personnages, des paysages, et il
apparaît chez des gens âgés sans trouble mental mais qui ont une atteinte à
la vision.
Les hallucinations auditives complexes peuvent aussi prendre la forme
de murmures indistincts qui proviennent de l’extérieur de la tête, comme si
des gens parlaient en arrière-plan, mais sans qu’on puisse saisir le contenu
des propos. Elles se manifestent souvent lorsqu’il y a une perte auditive.
Elles se manifestent également dans certaines formes de démence comme la
maladie de Parkinson avec démence, dans laquelle la prévalence des
hallucinations auditives se situe autour de 9 %, et la démence à corps de
Lewy, dans laquelle la prévalence se situerait autour de 30 %. Dans les deux
cas, elles sont souvent accompagnées d’hallucinations visuelles.
Je ne supporte plus les sons forts
Vivre dans un monde bruyant peut devenir un enfer pour quelqu’un qui
souffre d’hyperacousie sévère. L’hyperacousie est souvent associée aux
acouphènes et peut être plus ou moins importante que l’acouphène.
Quelquefois, elle est la principale plainte de la personne, lors d’une
consultation en audiologie, les acouphènes venant en second. L’explication
la plus fréquente pour expliquer l’hyperacousie est le modèle de gain
central, dans lequel la perte auditive est surcorrigée par l’augmentation de
la réponse nerveuse dans les structures centrales du système auditif. Ce
modèle illustre bien l’hyper-acousie accompagnée d’acouphènes. Mais
l’hyperacousie peut aussi être présente sans acouphène. Elle peut survenir
après un choc ou un traumatisme acoustique, après un accident vasculaire
cérébral, un dommage cortical focal ou après un traumatisme à la tête (par
exemple après un coup du lapin). Elle est également souvent présente dans
des cas de syndrome de William, d’autisme, de maladie de Lyme et de
sclérose en plaques.
Récemment, on a documenté l’hyperacousie non associée aux
acouphènes chez des athlètes de haut niveau qui avaient subi une ou
plusieurs commotions cérébrales en pratiquant leur sport. Les seuils
d’inconfort des athlètes atteints d’hyper-acousie étaient d’environ 20
décibels plus bas que ceux de leurs pairs sans hyperacousie, une différence
énorme. Cette forme d’hyperacousie n’était pas associée à des pertes
auditives ni à des acouphènes, puisque tous les athlètes avaient une audition
normale et la majorité n’avait pas d’acouphènes. Des symptômes de
dépression étaient toutefois présents. Puisque l’hyper acousie était survenue
à la suite d’une commotion cérébrale, il est plus que probable qu’elle ait été
due aux mécanismes déclenchés par le coup à la tête. Une commotion
enclenche des réactions biochimiques et neuro-inflammatoires persistantes
et prolongées. Ainsi, l’équilibre peut être rompu entre les
neurotransmetteurs responsables de l’excitation et de l’inhibition neurales.
Fait intéressant, la sensibilité aux sons était accompagnée de sensibilité à la
lumière chez la majorité des athlètes. Les sensibilités au son et à la lumière
pourraient donc partager certains mécanismes communs associés à une
augmentation de l’activité neurale ou à un déséquilibre excitateurinhibiteur
dans le cerveau. Les mécanismes en cause sont à déterminer, mais de
nouveaux modèles devraient voir le jour pour expliquer cette manifestation
d’hyperacousie non associée aux acouphènes.
Plusieurs patients hyperacousiques se présentent en clinique en portant
des coquilles qui coupent le son le plus possible. Ils les portent en tout
temps, toute la journée. On ne sait pas comment traiter les gens qui ont de
l’hyperacousie, mais il est certain que les convaincre de ne plus porter les
coquilles en tout temps est un enjeu important. Il ne faut pas priver le
système auditif de stimulation, au risque de le sensibiliser davantage, mais
bien le stimuler doucement et graduellement pour le désensibiliser. Afin
d’adoucir la transition entre porter des bouchons en tout temps et ne plus en
porter du tout, on peut utiliser des bouchons filtrés progressifs qui vont
diminuer l’atténuation de 25 dB à 15 dB, puis à 9 dB environ, jusqu’à
pouvoir sortir sans bouchons et même utiliser la stimulation sonore. Celle-ci
semble en effet une avenue prometteuse, mais elle ne fonctionne pas pour
tous, car l’hyperacousie, comme les acouphènes, est certainement une
condition hétérogène. Des études rigoureuses n’en sont encore qu’à leurs
balbutiements.

Je crains certains sons ou je les déteste


La phonophobie et la misophonie sont deux autres pathologies encore
peu connues, mais qu’on rencontre de plus en plus en audiologie.
La phonophobie (de phono, son, et phobie, peur) est un état d’anxiété à
l’idée d’entendre certains sons forts. La phonophobie est moins connue que
la misophonie et l’hyperacousie, mais elle côtoie cette dernière, puisqu’elle
est associée à l’intensité de certains sons en particulier. La plupart des
patients hyperacousiques ont un certain degré de phonophobie, ce qui
suggère que la stimulation sonore peut être un traitement approprié.
La misophonie (de miso, détester, et phonie, son) est un trouble
mystérieux rapporté depuis environ vingt ans seulement. Il s’agit d’une
réaction émotionnelle disproportionnée, aversive et irrationnelle à des sons
humains communs et anodins.
Les sons dérangeants ont une signification particulière pour le patient et
ne sont pas les mêmes d’une personne à l’autre. On les appelle les sons
déclencheurs. Ceux-ci ne sont pas nécessairement forts. En fait,
typiquement, ils ne sont pas forts du tout. Même s’ils varient d’une
personne à l’autre, ils sont presque toujours associés à des bruits humains –
comme des sons de mastication (manger une banane, des croustilles, des
craquelins), de respiration (respirer bruyamment), de déglutition,
d’alimentation (faire du bruit en mangeant sa soupe ou en buvant son café),
de claquements de lèvres – ou à des bruits répétitifs comme tapoter un
stylo, faire craquer ses doigts ou taper du pied. Les sons déclencheurs
peuvent être restreints à une seule personne de l’entourage et ne rien
déclencher lorsqu’une autre personne les produit. D’où la nature
psychologique du trouble, qui peut être le signe d’un conflit latent ou réel
avec une personne en particulier, souvent de la famille proche. Il est
important de noter qu’il n’y a aucune réaction quand c’est la personne elle-
même qui produit les mêmes sons. En d’autres mots, la personne
misophonique peut réagir violemment chaque fois qu’un membre précis de
sa famille mastique bruyamment (ce qui, avouons-le, risque d’arriver assez
souvent au cours d’un repas lorsqu’on vit en famille), mais elle peut elle-
même mastiquer sans éprouver le moindre problème.
Quelles sont les réactions typiques d’une personne atteinte ? Elles sont
variables en qualité et en intensité. Elles peuvent aller d’un simple malaise à
de l’irritation, du dégoût, de l’anxiété, de la détresse, de la haine, de la
colère, jusqu’à de l’agressivité et une perte de contrôle. La personne peut
réagir physiquement et s’en prendre à l’autre ou à elle-même. La réaction
est exacerbée lorsqu’elle est déclenchée dans un contexte familier (par
exemple, un repas en famille). On peut facilement imaginer combien cela
peut occasionner de conflits, d’isolement et de souffrances, surtout pour la
personne misophonique, mais également pour son entourage. En effet, la
personne misophonique est consciente du caractère inapproprié de sa
réaction, mais elle est incapable de la réprimer. Elle cherchera donc à éviter
les situations dans lesquelles elle peut rencontrer ces sons déclencheurs.
Cette réaction d’évitement la rassurera, car elle ne rencontrera plus les sons
déclencheurs, mais ce qui en retour renforcera son comportement
d’évitement.
Dans presque tous les cas rapportés dans la littérature scientifique, la
misophonie commence dans l’enfance ou à l’adolescence, ou a toujours été
présente. Elle est associée très souvent, sinon toujours, à un trouble
obsessionnel compulsif plus ou moins sévère. Ce trouble est caractérisé par
des pensées obsessionnelles, comme être obsédé par l’idée d’être contaminé
par des germes en touchant des objets ou des gens, et des compulsions pour
« annuler » ces obsessions, par exemple se laver les mains à répétition.
D’autres comorbidités ont aussi été associées à la misophonie, quoique
moins systématiquement, comme la dépression, le déficit d’attention,
l’asthme, le syndrome de la Tourette, les troubles de l’alimentation et la
phobie sociale. La misophonie n’est pas un diagnostic officiel dans la
Classification internationale des maladies, la CIM-10, ni dans la bible des
troubles mentaux, le Diagnostic and Statistical Manual of Mental
Disorders, Fifth Edition, le DSM-V.

Témoignage d’une personne misophonique

« Ma fille était assise dans le salon et mangeait des carottes. Je pouvais


entendre quand elle retirait le papier d’aluminium et commençait à
croquer. À partir du deuxième bruit d’aluminium et de la bouchée qui a
suivi, c’était parti pour moi ; j’ai commencé à respirer profondément en
essayant de ne pas réagir. Respiration profonde, mesure, rythme
cardiaque élevé, anxiété extrême. Ça m’a semblé durer des minutes, mais
c’étaient seulement des secondes. J’ai commencé à m’arracher les
cheveux, tremblante, ma tête était submergée. Au moment du froissement
de papier et du bruit de carotte suivants, BANG ! je ne pouvais plus rien
faire pour rester calme. Mon corps et mon esprit avaient pris le dessus et
je commençais à lui hurler dessus, en jurant et sans aucun contrôle. »

Source : tiré de Bruxner, 2016 (traduction libre).

Étant donné sa forte association avec des troubles psycho-logiques, la


misophonie est à la frontière des troubles audiologiques et psychologiques.
Ce sont toutefois presque toujours les audiologistes qui les reçoivent en
premier, car la plainte est principalement d’ordre auditif. Les audiologistes
sont cependant plutôt démunis en matière d’outils d’évaluation et de
solutions. De façon caractéristique, les seuils de détection et d’inconfort
sont normaux. Les options de traitement sont souvent la thérapie sonore et
la thérapie cognitive comportementale, surtout s’il y a une hyperacousie
associée.
LE MOT DE LA FIN :
QUE NOUS RÉSERVE L’AVENIR ?

Aujourd’hui, on estime que les coûts annuels des acouphènes se


chiffrent entre 542 et 1544 euros par personne atteinte et par année, répartis
sur l’ensemble de la population des pays industrialisés17. Or, les données
actuelles l’affirment : non seulement les personnes affectées d’un
acouphène seront de plus en plus nombreuses à cause du vieillissement de
la population, mais les jeunes sont devenus une population à haut risque
d’en développer de façon permanente. La prévention contre les effets
néfastes du bruit environne-mental est une mesure de santé publique qui
s’impose de façon urgente afin d’endiguer le fléau. La sensibilisation du
public aux acouphènes, de même qu’à la nécessité d’un effort de
prévention, exigera une participation active et une concertation des
instances politiques, des acteurs du système de santé, des organismes et
associations, et du grand public.
La recherche est porteuse d’espoir et fournira certainement encore
davantage de réponses dans les prochaines années. Mais l’acouphène est un
problème complexe qui mérite un financement approprié. En effet, même si
les publications scientifiques portant sur les acouphènes ont explosé au
cours des dernières années, le financement de la recherche tout comme les
progrès sont à la traîne par rapport à d’autres enjeux de santé tels que la
dépression et le diabète. Afin de pouvoir offrir des solutions appropriées et
individualisées aux personnes qui souffrent d’acouphènes, de nombreuses
questions doivent être résolues. Elles vont des mécanismes
pathophysiologiques impliqués dans les acouphènes jusqu’à la question de
savoir comment mesurer adéquatement le succès d’une thérapie. Les
solutions passent nécessairement par le financement de la recherche et la
formation de la relève.
Parler des acouphènes et diffuser abondamment le savoir actuel à
propos de cette affection invisible ne peuvent qu’être bénéfiques pour la
cause et contribuent à stimuler les professionnels de la santé à s’y intéresser.
Les études démontrent en effet que les personnes atteintes qui ont rencontré
un professionnel formé aux acouphènes sont mieux prises en charge et plus
satisfaites. Dans ce livre, j’ai voulu démontrer que, à défaut d’un traitement
définitif, des mesures efficaces sont déjà disponibles pour briser l’isolement
de la personne acouphénique et lui apprendre à apprivoiser son acouphène,
voire à l’oublier. Ainsi j’espère avoir apporté quelques réponses, des outils
et de l’espoir, afin que chacun puisse jeter un regard global sur sa propre
trajectoire et considérer avec bienveillance le chemin parcouru.

17. Source: Maes et al., 2013 : 1544 euros ; Goldstein et al., 2015 : $662.60
USD (environ 542 euros) ; Stockdale et al., 2017 : 717 livres sterling
(environ 783 euros).
POUR EN SAVOIR PLUS

Chapitre 1 – Les acouphènes, un fléau mondial


Hébert S. (2018), « Individual reliability of the standard clinical method vs
patient-centered tinnitus likeness rating for assessment of tinnitus pitch
and loudness matching », JAMA Otolaryngol Head Neck Surg,
144(12):1136-1144. McCormack A. et coll. (2016), « A systematic
review of the reporting of tinnitus prevalence and severity », Hear Res,
337:70-9.
Meric C., E. Pham et S. Chery-Croze (1997), « Validation d’une traduction
française du questionnaire “Mesure de la détresse liée à l’acouphène”
(Tinnitus Reaction Question naire, Wilson et coll., 1991), Encéphale,
23(6):442-6. Ramage-Morin P. L. et coll. (2019), « L’acouphène au
Canada.
Rapports sur la santé », 30 (ISSN: 1209-1367): 3-11.
Wu V. et coll. (2018), « Prise en charge de l’acouphène », Canadian Family
Physician/Le Médecin de famille canadien, 64(July/juillet):e293-e298.

Chapitre 2 – L’audition – un sens merveilleux !


Formby C., L. P. Sherlock et S. L. Gold (2003), « Adaptive plasticity of
loudness induced by chronic attenuation and enhancement of the
acoustic background (L) », The Journal of the Acoustical Society of
America, 114(1):55.
Heller M. F. et M. Bergman (1953), « Tinnitus aurium in normally hearing
persons », Ann Otol, 62:73-83.
Site web : www.cochlea.org Site web :
https://www.cchst.ca/oshanswers/phys_agents/exposure_can.html
Vibert J.-F. (2019), « Le système auditif », dans J.-F. Vibert et J.-C. Willer,
directeurs de la publication, Neurophysio logie. De la physiologie à
l’exploration fonctionnelle, Issy-les-Moulineaux, Elsevier Masson SAS.

Chapitre 3 – Les acouphènes ou l’audition


débridée
Baigi A. et coll. (2011), « Tinnitus in the general population with a focus on
noise and stress: a public health study », Ear Hear, 32(6):787-9.
Basile C. E. et coll. (2013), « Psychoacoustic assessment to improve
tinnitus diagnosis », PLoS One, 8(12):e82995. Besteher B. et coll.
(2019), « Chronic tinnitus and the limbic system: Reappraising brain
structural effects of distress and affective symptoms », Neuroimage Clin,
24:101976. Canlon B., T. Theorell et D. Hasson (2013), « Associations
between stress and hearing problems in humans », Hear Res, 295(1-2):9-
15.
Côté C. et coll. (2019), « Long-term effects of a multimodal physiotherapy
program on the severity of somatosensory tinnitus and identification of
clinical indicators predicting favorable outcomes of the program », J Am
Acad Audiol, 30(8):720-730.
Hébert S. et J. Carrier (2007), « Sleep complaints in elderly tinnitus
patients: A controlled study », Ear Hear, 28(5):649-655.
Hébert S., B. Canlon et D. Hasson (2012), « Emotional exhaustion as a
predictor of tinnitus », Psychotherapy and Psychosomatics, 81(5):324-
326.
Hébert S., P. Fournier et A. Norena (2013), « The auditory sensitivity is
increased in tinnitus ears », Journal of Neuro science, 33(6):2356-2364.
Kujawa S. G. et M. C. Liberman (2009), « Adding insult to injury: cochlear
nerve degeneration after “temporary” noise-induced hearing loss », J
Neurosci, 29(45): 14077-85.
Leaver A. M., A. Seydell-Greenwald et J. P. Rauschecker
(2016), « Auditory-limbic interactions in chronic tinnitus: Challenges for
neuroimaging research », Hear Res, 334:49-57.
Mazurek B., A. J. Szczepek et S. Hébert (2015), « Stress and tinnitus »,
HNO, 63(4):258-65.
Norena A. J. et coll. (2018), « An integrative model accounting for the
symptom cluster triggered after an acoustic shock », Trends Hear,
22:2331216518801725.
Ralli M. et coll. (2018), « Subtyping patients with somatic tinnitus:
Modulation of tinnitus and history for somatic dysfunction help identify
tinnitus patients with temporomandibular joint disorders », PLoS One,
13(8):e0202050. Roberts L. E. et R. Salvi (2019), « Overview: Hearing
loss, tinnitus, hyperacusis, and the role of central gain », Neuroscience.
Schaette R. et D. McAlpine (2011), « Tinnitus with a normal audiogram:
physiological evidence for hidden hearing loss and computational model
», J Neurosci, 31(38):13452-7.
Schmidt J. H., H. M. Paarup et J. Baelum (2019), « Tinnitus severity is
related to the sound exposure of symphony orchestra musicians
independently of hearing impairment », Ear Hear, 40(1):88-97.
Shore S. E. et C. Wu (2019), « Mechanisms of noiseinduced tinnitus:
Insights from cellular studies », Neuron, 103(1):8-20.
Skog C. et coll. (2019), « Tinnitus as a comorbidity to temporomandibular
disorders-A systematic review », J Oral Rehabil, 46(1):87-99.
Veile A. et coll. (2018), « Is smoking a risk factor for tinnitus?
A systematic review, meta-analysis and estimation of the population
attributable risk in Germany », BMJ Open, 8(2):e016589.
Wallhausser-Franke E. et coll. (2017), « Transition from acute to chronic
tinnitus: Predictors for the development of chronic distressing tinnitus »,
Front Neurol, 8:605.

Chapitre 4 – Et maintenant, que faire ? Les


solutions
Handscomb L. E. et coll. (2017), « Positive and negative thinking in
tinnitus: Factor structure of the tinnitus cognitions questionnaire », Ear
Hear, 38(1):126-132. Henry J. L. et P. H. Wilson (2001), The
Psychological Management of Chronic Tinnitus, Boston, Allyn and
Bacon.
Pryce H. et coll. (2018), « Patient preferences in tinnitus outcomes and
treatments: a qualitative study », Int J Audiol, 57(10):784-790.
Watts E. J. et coll. (2018), « Why is tinnitus a problem? A qualitative
analysis of problems reported by tinnitus patients », Trends Hear,
22:2331216518812250.

Chapitre 5 – Les thérapies visant le son


Brennan-Jones C. G. et coll. (2019), « Cochrane corner:
Sound therapy (using amplification devices and/or sound generators) for
tinnitus », Int J Audiol, 1-5.
Formby C. et coll. (2017), « A sound therapy-based intervention to expand
the auditory dynamic range for loudness among persons with
sensorineural hearing losses: Case evidence showcasing treatment
efficacy », Semin Hear, 38(1):130-150. Peter N. et T. Kleinjung (2019),
« Neuromodulation for tinnitus treatment: an overview of invasive and
non-invasive techniques », J Zhejiang Univ Sci B, 20(2):116-130.
Pienkowski M. (2019), « Rationale and efficacy of sound therapies for
tinnitus and hyperacusis », Neuroscience, 407:120-134.
Searchfield G. D., M. Kaur et W. H. Martin (2010), « Hearing aids as an
adjunct to counseling: Tinnitus patients who choose amplification do
better than those that don’t », International Journal of Audiology,
49(8):574-579. Zarenoe R. et coll. (2017), « Working memory, sleep,
and hearing problems in patients with tinnitus and hearing loss fitted
with hearing aids », J Am Acad Audiol, 28(2):141-151.

Chapitre 6 – Les thérapies visant la réaction


Arif M. et coll. (2017), « A randomised controlled study of mindfulness
meditation versus relaxation therapy in the management of tinnitus », J
Laryngol Otol, 131(6):501-507. Fuller T. et coll. (2020), « Cognitive
behavioural therapy for tinnitus », Cochrane Database Syst Rev,
1:CD012614. Jean-Marc Gaspard Itard :
https://archive.org/details/traitdesmaladie00itargoog/page/n12 Marks E.,
L. McKenna et F. Vogt (2019), « Cognitive behavioural therapy for
tinnitus-related insomnia: evaluating a new treatment approach », Int J
Audiol, 58(5):311-316.
McKenna L. et coll. (2014), « A scientific cognitive-behavioral model of
tinnitus: novel conceptualizations of tinnitus distress », Front Neurol,
5:196.
Pryce H. et K. Chilvers (2018), « Losing silence, gaining acceptance: a
qualitative exploration of the role of thoughts in adult patients with
subjective tinnitus », Int J Audiol, 57(11):801-808.
Tinnitus Retraining Therapy Trial Research, Group, R. W.
Scherer et C. Formby (2019), « Effect of tinnitus retraining therapy vs
standard of care on tinnitus-elated quality of life: A randomized clinical
trial », JAMA Otolaryngol Head Neck Surg, 145(7):597-608.

Chapitre 7 – De nouvelles affections auditives en


prévalence croissante
Assi H. et coll. (2018), « Sensitivity to sounds in sport-related concussed
athletes: a new clinical presentation of hyperacusis », Sci Rep, 8(1):9921.
Eversfield C. L. et L. D. Orton (2019), « Auditory and visual hallucination
prevalence in Parkinson’s disease and dementia with Lewy bodies: a
systematic review and meta-analysis », Psychol Med, 49(14):2342-2353.
Linszen M. M. J. et coll. (2019), « Auditory hallucinations in adults with
hearing impairment : a large prevalence study », Psychol Med,
49(1):132-139.
Potgieter I. et coll. (2019), « Misophonia: A scoping review of research », J
Clin Psychol, 75(7):1203-1218.

Chapitre 8 – Le mot de la fin : que nous réserve


l’avenir ?
American Tinnitus Association (2019), « Unraveling the complexity of
tinnitus research », Tinnitus Today, 44(3): 58 pages.
Hébert S. (2019), « Canadian hearing health and research strategy
– A call for action! », Canadian Audiologist, 6(4) :
https://www.canadianaudiologist.ca/issue/volume-6-issue-4-
2019/hearing-health-research-strategy-feature/
McFerran D. J. et coll. (2019), « Why is there no cure for tinnitus? », Front
Neurosci, 13:802.
Remerciements

Je remercie Miléna Stojanac, des Éditions du Trécarré, qui m’a


convaincue d’écrire ce livre et m’a assistée avec bienveil-lance à tous les
stades de cette aventure.
Je remercie le professeur René Cardinal, mon premier lecteur. Son
érudition, son humour et sa rigueur parfois impitoyable m’ont aidée à
garder le moral et un rythme de travail soutenu jusqu’au bout.
Je remercie les personnes de mon entourage personnel et professionnel,
trop nombreuses pour que je les nomme ici, mais qui se reconnaîtront, pour
m’avoir encouragée de multiples façons tout au long de ce travail.
Enfin, je remercie toutes les personnes acouphéniques (en particulier
Mme M.), qui m’ont inspirée et m’ont énormément appris à travers leurs
récits, leurs confidences et la confiance qu’elles me témoignent. Depuis
presque vingt ans, elles contribuent activement à l’avancement des
connaissances sur les acouphènes, et sur l’audition en général, par leur
participation enthousiaste aux recherches menées dans notre laboratoire de
l’Université de Montréal.
Table

INTRODUCTION

LES ACOUPHÈNES, UN FLÉAU MONDIAL

La petite histoire

Des sons réels ou des sons fantômes ?

Sommes-nous nombreux ?

L’acouphène – symptôme ou maladie ?

Suis-je atteint ? Le diagnostic de l’acouphène

Comment les évaluer ? Les deux facettes des acouphènes

L’évaluation du percept ou l’appariement psychoacoustique

L’AUDITION, UN SENS MERVEILLEUX !

De la vibration mécanique à la perception

L’oreille et ses composantes

Le système auditif et ses nombreux relais jusqu’au cerveau

Un son physique et un son fantôme

Les caprices du système auditif : trop ou pas assez de bruit

LES ACOUPHÈNES OU L’AUDITION DÉBRIDÉE


Une présentation des acouphènes

Comment expliquer l’acouphène ?

Le bruit et le stress comme facteurs déclencheurs et aggravants

Suis-je à risque ?

L’acouphène et ses comorbidités audiologiques

L’acouphène et ses comorbidités psychologiques

ET MAINTENANT, QUE FAIRE ? LES SOLUTIONS

Reprendre le contrôle : renverser la spirale

Stratégies personnelles et habitudes de vie

Les médicaments : gare aux effets indésirables !

Prévenir et protéger

Rejoindre une association d’entraide, une façon accessible de s’engager

LES THÉRAPIES VISANT LE SON

Corriger l’audition : les prothèses auditives

La stimulation sonore

La pharmacologie et les produits naturels

La neuromodulation

LES THÉRAPIES VISANT LA RÉACTION

La thérapie de rééducation des acouphènes (Tinnitus Retraining


Therapy)

Le counselling
La thérapie cognitive comportementale (TCC)

D’autres stratégies et moyens utiles

DE NOUVELLES AFFECTIONS AUDITIVES EN PRÉVALENCE


CROISSANTE

J’entends de la musique dans ma tête : suis-je normal, docteur ?

Je ne supporte plus les sons forts

Je crains certains sons ou je les déteste

LE MOT DE LA FIN : QUE NOUS RÉSERVE L’AVENIR ?

POUR EN SAVOIR PLUS

Remerciements
Découvrez également

Achevé d’imprimer par CPi,


en janvier 2021,
N° d’imprimeur : XXX
Dépôt légal : mars 2021

Imprimé en France

Vous aimerez peut-être aussi