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Saint Éphrem

dans les Monts d’Auvergne

NOTRE-DAME DE RANDOL

1
Nos Pères dans la Foi...

Il y a plus de quinze cents ans, vers l’an 460, arrivait aux portes d’Arvernis, la future
ville de Clermont, un certain A b r a h a m . Il venait, si l’on en croit Grégoire de Tours, du
pays du grand Abraham de la Bible, l’Irak d’aujourd’hui, déjà déchiré par de grands Empires
qui s’y opposaient, et où les chrétiens avaient fort à souffrir. Contraint par les circonstances,
par la Providence, notre Abraham avait obéi à l’ordre donné jadis par Dieu à son illustre
compatriote : « Quitte ton pays, ta parenté  et la maison de ton père pour le pays que je
t’indiquerai... Je te bénirai, je magnifierai ton nom qui servira de bénédiction ». C’est ainsi
que notre Abraham partit pour un pays qu’il ne connaissait pas, et qu’après bien des
aventures, il arriva en un pays où coulaient le lait et le miel : l’Arvernie.

Suivant le conseil du Divin Maître, il avait vendu tout ce qu’il possédait pour acquérir
une perle précieuse, pêchée à la manière de ce qui se fait dans les chaudes eaux de l’Océan
indien ou de la Mer Rouge, la perle de l’Évangile, qui n’est autre que la foi. Il fut accueilli
comme un envoyé spécial de Dieu au pays des Arvernes, terre où pourtant la semence de la
foi chrétienne avait été jetée depuis assez longtemps. C’est que, s’il est propre au chrétien de
sortir de chez lui, de partir toujours plus loin, sa caractéristique est aussi d’accueillir la Parole
de Dieu, qui vient toujours d’ailleurs.

En ce pays des Arvernes vivaient déjà de saintes gens, et parmi eux S i d o i n e


A p o l l i n a i r e , qui avait l’habitude de parcourir son diocèse, empruntant les chemins de
crête reliant Clermont et le lac d’Aydat, sur les rives duquel il possédait une villa héritée de
son beau-père Avitus (voir carte ci-après). Il pouvait ainsi contempler l’« océan des blés » de
la Limagne, océan « dont les ondes, qui agitent les moissons ne présentent aucun danger pour
les voyageurs » ! Il admirait « les montagnes qui lui font une ceinture, avec leurs pâturages à
leur sommet et leurs vignobles sur les coteaux », les « châteaux sur les rochers »...
Lié d’amitié avec Abraham, il aimait à le visiter dans son monastère, fondé aux portes
de Clermont. Devenu évêque, il célébrait les Saints Mystères dans l’église fondée par
Abraham auprès de ce monastère, et placée sous le patronage de saint Cyr : Saint Cyrgues.
Peut-être est-ce à lui encore que Sidoine pensait, quand il écrivait que l’Auvergne est un pays
si doux que les étrangers en perdent le souvenir de leur patrie ?

Or en quittant la Mésopotamie, Abraham avait probablement dans l’oreille certaines des


hymnes composées par un diacre déjà célèbre, que les hasards de l’histoire avaient fait naître
de l’autre côté de la frontière, du côté romain et non point perse, quelque cent ans avant lui.
Né de parents chrétiens vers 306, à Nisibe, dans l’actuelle Turquie, à la frontière de
l’Irak et de la Syrie, É p h r e m était un « moine dans la ville ». On peut lui appliquer ce
qu’il disait d’un autre :

Sans cesse il demeurait moine.


Il était saint dans son corps

2
Et moine dans sa maison.
Du dedans et du dehors,
Il fut dans la pureté.

Partageant sa vie entre la solitude des monts voisins de Nisibe et le service de l’Église,
il menait une vie consacrée à Dieu en secondant son évêque. La tradition l’a toujours
considéré comme diacre, et de fait il distribuait tant le pain de la Parole de Dieu et le pain de
l’Eucharistie que le pain des pauvres. Il aida par tous les moyens sa cité, prise en étau entre
les Empires romain et perse, et assiégée maintes fois, comme devait le faire Sidoine à
Clermont un siècle plus tard. Il se battit également pour l’Église, assiégée elle aussi par des
fauteurs de troubles de toutes sortes, des ennemis de l’intérieur comme de l’extérieur. Son
instrument, pour le combat comme pour la louange, était la parole et le chant : il composa
« des myriades d’hymnes », dont certaines ont peut-être été chantées par Abraham, qui,
comme Éphrem, parlait une langue araméenne proche parente de celle du Christ lui-même,
dont l’écho parvint dans nos montagnes.

La cité de Nisibe ayant été tristement abandonnée aux Perses par l’Empereur romain,
Éphrem et ses concitoyens durent émigrer, pour rester romains, et surtout chrétiens, dans la
ville voisine d’Édesse. Le seul fait bien établi concernant les dix dernières années d’Éphrem à
Édesse est une famine qui eut lieu peu de temps avant sa mort, et au cours de laquelle il joua
un rôle important dans l’organisation des secours destinés aux pauvres. Il serait alors mort de
la peste, en 373, victime de son dévouement, à l’âge de près de soixante-dix ans. Notons en
passant que sept cents ans plus tard, d’autre chrétiens, partis vers l’Orient à l’appel du Pape
tenant un Concile à Clermont, iront porter secours aux fils spirituels de saint Éphrem à Édesse
: ce sera la première Croisade.

* * *

Saint Éphrem est célèbre avant tout pour ses hymnes, un mode d’expression dont la
tradition s’est prolongée jusqu’à nos jours dans la liturgie de l’Église d’Orient, et aussi en
Occident avec saint Hilaire et saint Ambroise.

Dans les hymnes de saint Éphrem, tout commence par l’émerveillement. Admiration
devant les splendeurs de la création, admiration devant les merveilles que Dieu a accomplies
et que rapporte l’Écriture. De l’émerveillement, naît naturellement la louange. Pour Éphrem,
la louange réalise en plénitude le rôle prévu pour tous les êtres créés, depuis les anges
jusqu’au monde physique que nous voyons. C’est la louange qui est la nourriture de la foi et
l’antidote contre le poison de l’hérésie, c’est elle qui est la source de la croissance spirituelle.
L’œil intérieur, l’œil lumineux de la foi découvre sans cesse de nouvelles merveilles, qui
sont autant de raisons nouvelles de louer Dieu. Ces merveilles, ce sont les « mystères », les
« symboles » qu’Éphrem découvre partout dans ces deux grands livres écrits par Dieu que
sont la Nature et l’Écriture. Tous ces mystères nous conduisent au Christ, « qui est la mer
dans laquelle se jettent tous les symboles ».

3
Le Recueil d’hymnes qui suit appartient aux Hymnes sur la Foi. Il débute par cinq
Hymnes sur la Perle. Un des symboles en effet qui parlent le plus au cœur d’Éphrem est la
perle de l’Évangile (Matthieu 13, 45-46). Éphrem voit en elle bien sûr le Royaume, mais
aussi Marie, l’Église, la virginité... La perle, non faite de main d’homme, évoque avant tout le
Fils de Dieu ; en raison de son origine mystérieuse, elle suggère la naissance virginale du
Christ ; en raison de sa perfection et de sa petitesse, de son abaissement et de son exaltation,
elle rappelle le Christ et sa mission. De par sa perfection, son éclat et son indivisibilité, elle
symbolise la Foi. Et dans la liturgie chaldéenne, elle désigne encore de nos jours
l’Eucharistie. Ne cessant de tourner et de retourner sa perle dans la paume de sa main,
Éphrem la tient pour une source inépuisable de symboles du Fils.
Par ailleurs, la vie quotidienne met constamment devant les yeux de notre poète la
croix du Christ, et le soleil évoque pour lui la Trinité. Toute cette pédagogie d’images et de
symboles est elle-même comparée avec humour par Éphrem à celle d’un homme qui apprend
à parler à son perroquet ! Pour conclure, un « festin de louange », où les hymnes remplacent
le vin, est proposé au lecteur.

Il convient de noter que dans la langue araméenne, le même mot désigne les pêcheurs
de perles, appelés les « nus », car ils se dévêtent avant de plonger, et les apôtres, c’est-à-dire
« envoyés ». Éphrem et Abraham étaient tous deux des « pécheurs de perles », chargés de
remonter des profondeurs la perle précieuse, et aussi des apôtres, envoyés pour transmettre
cette perle à tous les peuples.

* * *

Le 5 octobre 1920, le Pape Benoît XV proclamait saint Éphrem Docteur de l’Église. Au


lendemain du massacre de nombreux chrétiens de rite syriaque, en même temps que
d’Arméniens, c’était un acte qui avait une dimension « politique », mais c’était surtout un
acte prophétique. Saint Éphrem, en effet, s’adapte à l’esprit de son lecteur, à quelque époque
qu’il appartienne. Certains aspects de son œuvre ne sont pas du goût des modernes, telles ses
« longueurs », toutes orientales... Par contre plusieurs de ses thèmes demeurent très actuels :

Dogme et inculturation : Riche d’enseignement pour nous est ce christianisme « sémitique »


côtoyant un christianisme « gréco-romain ». Au-delà de grandes différences culturelles, c’est
la même foi qui est exprimée chez un Éphrem, chez un Athanase ou un Basile, ou chez un
Hilaire.

Point de rencontre entre l’Orient et l’Occident : Éphrem, qui vivait sur le limes (la frontière)
de l’Empire romain, pourrait servir de modèle dans les relations entre chrétiens d’Europe et
chrétiens d’Asie ou d’Afrique. Son style poétique et sa symbolique le rendent accessible à
tous, lui qui était par ailleurs en parfait accord doctrinal avec les Pères grecs (et latins).

Exégèse : Proche du monde biblique par la langue et la culture, la poésie et les images,
Éphrem connaît l’Écriture de l’intérieur. Son «œil intérieur » lui permet une approche
symbolique et synthétique, « sacramentelle », de la création et de l’histoire, par le recours
constant aux deux livres de la Nature et de l’Écriture.

Christianisme et Islam : Saint Éphrem semble s’opposer par avance à certaines affirmations
du Coran (dont on sait par ailleurs les points de contact avec les chrétientés orientales), telles :

4
« Dieu n’est pas engendré et n’a pas engendré » ; ou bien encore : « Dieu n’a point de fils »
(Sourate 23, 92 ).

Dignité de la femme : On a souvent remarqué la place donnée par Éphrem à la femme, dont la
dignité a été exaltée par le séjour de Jésus dans le sein de Marie.

Respect de l’environnement : Éphrem est prompt à noter les liens qui unissent toutes les
créatures. En usant mal de sa liberté, l’homme trouble l’ordre cosmique. On pourrait, avec un
Anglican, le Pr Sebastian Brock, faire d’Éphrem le patron des écologistes !

Poésie et théologie : La poésie et le symbole n’excluent pas la précision du langage


nécessaire à la foi. Il ne faut pas s’arrêter aux mots, mais aller jusqu’à la réalité qu’ils
désignent : « Ce n’est pas l’habillement des mots qu’il faut regarder, mais la force qui est
cachée en eux » Hymnes sur l’Église, 28. Grâce à la poésie, la nature n’est plus une forêt
obscure et inextricable, elle devient la “ forêt  de symboles” de Baudelaire. Le poète révèle
des parentés étonnantes entre le monde de la nature et le monde de Dieu .

* * *

Sidoine, poète à ses heures, fit ainsi l’éloge funèbre de son ami Abraham :
« Déjà Abraham, un pèlerin comme toi, te garde auprès de lui ;
déjà tu entres dans ta patrie (mais cette patrie d’où Adam fut déchu) ;
déjà tu peux aller jusqu’à la source de ton fleuve ».
Il désignait l’Euphrate, l’un des quatre fleuves irriguant le Paradis.

Tandis qu’Abraham rendait son âme à Dieu, naissait en Italie, vers 480, un certain
B e n o î t , qui sera déclaré, par le Pape saint Grégoire le Grand, héritier de « l’esprit de tous
les justes ». Héritier, il le sera : par sa formation, du génie romain, puis par saint Basile et
Cassien, de la tradition monastique de l’Orient. Benoît écrivit une Règle monastique, qui
devait, plus tard et au cours des siècles, donner en Auvergne une nouvelle impulsion à l’idéal
monastique apporté à l’origine par Abraham, moine venu d’Orient.

Au XIXème siècle, Dom Guéranger à son tour restaurera à Solesmes la vie bénédictine,
qui se répandra en France et jusqu’en Auvergne... Dom Guéranger aimait désigner l’Église
comme « la société de la louange divine ». Et il déclarait préférer, entre tous les livres de la
Bible, les livres poétiques, et entre tous les Pères de l’Église, saint Éphrem.

À Randol, le 24 novembre 2002,


Inauguration de la Paroisse « Saint-Éphrem de la Serre »,
autour de Randol.

5
Nos Pères dans la Foi

Pour saint Éphrem, le Paradis est une haute montagne : « Tous les sommets des monts
sont moins hauts que lui... mais sa hauteur ne lasse, alors qu’on la gravit ». Cette montagne
ne serait-elle pas celle-là même évoquée par la devise du second Abbé de Randol : Festinans
in montana, « En hâte vers les sommets » ? Si l’on est saint, et poète, l’ascension en est
effectivement très aisée ! Voyez plutôt : « J’ai ouvert le début de ce Livre (les Écritures) et
j’ai frémis de joie : les versets et ses lignes m’ouvraient grand leurs bras. Le premier, qui
vers moi s’en accourut joyeux, me baisa, me mena jusqu’à son compagnon. Et lorsque je
parvins à la ligne où s’inscrit le dit du Paradis, se saisissant de moi, elle me transporta du sein
même du Livre au sein du Paradis » (Hymne 5 sur le Paradis).

Randol, le 30 janvier 2004,

Bénédiction du 2nd Abbé de Randol.

Saint ÉPHREM de Nisibe, né vers 306, mort en 373 à Édesse.


Saint ABRAHAM, moine, né en Mésopotamie, mort en Auvergne
vers 477.
Saint SIDOINE APOLLINAIRE, élu évêque de Clermont en 471,
mort après 480.
Saint BENOÎT de Nursie, Patriarche des moines d’Occident,
né vers 480, mort en 547.
Dom Prosper GUÉRANGER (1805—1875), restaurateur de la vie
bénédictine à Solesmes en 1837.

6
Hymnes sur la foi
données par Mar Éphrem
le Bienheureux.

—7—7—
Un jour d’entre
les jours,
une perle
j’ai pris, mes
frères...

—8—8—
HYMNE 81 sur la Foi, 1ère sur la Perle

Le poète prend une perle et la contemple. Il est étonné de tout ce qu’il


découvre en elle. Soudain, la perle prend la parole et lui conte son histoire.

LXXXI
SUR LA PERLE. SUR LA MÉLODIE DE « QUI POURRAIT ?  ».
1- Un jour d’entre les jours,
une perle 1 j’ai pris, mes frères.
En elle j’ai vu des symboles, des fils du Royaume,
des icônes et des types de cette Majesté.
Et elle est devenue source,
et j’ai bu en elle les symboles du Fils.
Refrain : Béni soit celui qui a comparé
à une perle2 le Royaume du Très-Haut !
2- Je la déposai, mes frères,
dans la paume de ma main pour l’y contempler.
Je m’apprêtais à la regarder d’un côté,
et voici qu’elle avait des faces de tous côtés,
comme la quête du Fils que l’on ne peut circonscrire,
car elle est toute de lumière.
3- Dans sa pureté
je contemplai le Pur qu’on ne saurait troubler ;
et dans sa transparence, un grand mystère :
le Corps de Notre-Seigneur, qui est étincelant.
Dans son indivision, je vis la Vérité
qui est indivisible.
4- Ce fut Marie
que là je vis, et le fruit pur de sa conception.
Ce fut l’Eglise, et en elle le Fils.
Image de la nuée3 qui l’a porté,
et symbole du ciel, dont rayonnait
une lumière splendide4.
5- J’ai vu en elle
les emblèmes et de ses victoires, et de ses couronnes.

1. marganita ; le mot donnera en latin margarita et en français « marguerite ».


2. Cf. Mt. 13, 45.
3. Ex. 13, 21 ; cf. aussi le prophète Élie (1Rois 18).
4. La colonne de feu de Ex. 13, 21.

9
La perle
J’ai vu ses alliés ainsi que ses richesses,
et les emblèmes de ses mystères comme de ses révélations.
Elle me surpasse plus que l’arche
en laquelle je me suis perdu.
6- J’ai vu en elle des recoins cachés
sans aucune ombre, car elle est fille de l’astre5.
Types qui parlent sans langues,
voix des symboles sans lèvres,
cithare silencieuse, qui sans bruit
résonne !
7- Soudain s’est fait entendre une trompette,
et le tonnerre a murmuré : « Ne sois donc pas si effronté,
laisse-là les secrets, et prends ce qui est révélé ! »
J’ai vu sous un ciel serein une pluie nouvelle6,
une source qui, sortant comme des nuages,
a empli d’explications mes oreilles.
8- Et c’était comme la manne,
qui seule pourvoyait aux besoins du peuple,
en guise de viandes, avec ses saveurs7 variées.
De même m’a rassasié la perle :
au lieu de livres, de lectures
et de commentaires.
9- Et alors je lui demandai
s’il y avait encore d’autres secrets :
elle n’a pas de bouche que je puisse écouter,
ni d’oreilles pour m’entendre !
O dépourvue de sens ! Que des sens nouveaux
auprès d’elle j’acquière !
10- Elle répondit et me dit :
« Je suis fille de la mer qui est sans limite ;
plus que la mer d’où je suis montée
est grand le trésor de symboles en mon sein.
Scrute la mer, mais n’explore pas
le Maître de la mer !

11- J’ai vu des plongeurs


descendus à ma recherche et tout hors d’haleine ;
du fond de la mer à la terre ferme, ils sont remontés
en un temps très court : ils n’ont pu tenir plus.
Qui observera et sondera les profondeurs
de la divinité ? »
12- Les flots du Fils
sont pleins d’agréments et de désagréments.

5. Le soleil.
6. Cf. sans doute 1 Rois 18, 44 (arrivée merveilleuse d’un nuage de pluie, mais non pas une pluie sous un ciel
serein).
7. Ex. 16, 15s et Sag. 16, 20s.

10
La perle
N’avez-vous pas donc pas vu les vagues de la mer ?
Si le navire combat, elles le brisent ;
mais s’il se laisse bousculer sans vouloir résister
alors il est sauvé !
13- Dans la mer furent noyés
tous les Égyptiens, sans pouvoir atteindre leurs ennemis8.
Et sans recherche, sur la terre ferme ont été engloutis9
les Hébreux eux aussi. Comment survivriez-vous ?
Même les Sodomites furent léchés par la flamme10 !
Comment vainqueriez-vous ?
14- À cause de ces malheurs,
les poissons de la mer en tremblant à nous sont venus :
« C’est un cœur de pierre que vous avez,
vous qui ces choses lisez, et en ces choses errez.
Il y a beaucoup à craindre, car depuis longtemps se tait
la Justice de Dieu.
15- La recherche se mêle
à l’action de grâces ; mais laquelle triomphera ?
La louange abonde comme l’investigation,
fruits de la langue : laquelle écoutera-t-il ?
De l’inquisition et de la prière issues d’une même bouche,
laquelle exaucera-t-il ?
16- L’espace de trois jours
Jonas est devenu notre voisin dans la mer11.
Les monstres ont tremblé dans le fond de la mer :
« Qui pourrait fuir de devant Yahvéh ? »
Jonas a fui, et vous avez l’audace
d’aller à sa poursuite ! »

HYMNE 82, 2ème sur la Perle

Le poète répond à la perle.


Selon la mythologie, la perle naîtrait au moment où un éclair frappe une
huître dans la mer. Elle serait donc issue de la conjonction du feu et de
l’eau. Sa naissance, sa remontée des fonds marins, sa fixation sur une
couronne (après avoir été percée), tout la rapproche, symboliquement, du
Christ. Éphrem joue dans ces hymnes sur les mots pêcheur—Apôtres,
plongeur—baptisé, identiques ou très semblables dans sa langue.

LXXXII
II. SUR LA MÊME MÉLODIE.

1- A qui ressembles-tu ?
Que parle ton silence à celui qui t’écoute !
8. Ex. 14, 28.
9. Nb. 16, 31.
10. Gen. 19, 24.
11. Jonas 2, 1.

11
La perle
De ta bouche muette, parle-nous donc !
À qui écoute ton silencieux murmure ,
ton symbole proclame silencieusement
notre Rédempteur.
2- De l’océan ta mère12
est l’épouse virginale, sans épousailles.
Dans son sein tu es tombée, sans que lui l’ait connue.
Elle t’a conçue près de lui, sans commerce avec lui.
Pour les filles d’Israël, ton symbole est reproche
lors même qu’elles t’arborent.
3- C’est à toi qu’appartient
cette origine unique entre toutes les gemmes :
elle te rend semblable au Verbe du Très-Haut.
que de façon unique engendra le Très-Haut.
Les gemmes taillées, elles, sont symboles et images
des créatures d’en-haut.
4- Rejeton visible
du sein caché : symbole immense !
Pure est ta conception, nul besoin de semence ;
pas d’ union charnelle pour ta chaste naissance.
Et sans nul pareil est ton enfantement :
il est unique !
5- Le Seigneur a des frères,
et il est sans frère, lui qui est l’Unique.
O solitaire, quel grand mystère !
L’Unique est ton type !
Sur la couronne du roi, tu as pourtant des frères,
et aussi des sœurs !
6- Que les joyaux précieux
soient tes frères, avec les béryls
et les perles13 pour compagnons.
Que l’or soit pour toi comme l’un de tes parents.
Qu’au Roi des rois14 aille la couronne
de tes amis !
7- Quand tu es montée
du tréfond de la mer, ce tombeau vivant,
tu as acquis alors cette magnifique escorte,
faite de tes frères et de parents à toi.
Tel l’épi sur la tige, tu es sur la couronne,
parmi la multitude .
8- Ainsi le droit
t’en revient à juste titre :
que de cette profondeur jusqu’au sommet splendide, tu sois exaltée.

12. L’huître.
13. Par perles sont peut-être désignées les autres pierres précieuses ; ou bien Éphrem a-t-il abandonné la
comparaison !
14. Cf. Ap. 19, 16 ; 17, 14.

12
La perle
L’épi dans le champ, porte le grain15 ;
et toi, de même, que te porte en triomphe la tête d’un roi
sur le char !
9- O fille des eaux,
qui as laissé l’océan de ta naissance
pour monter sur la terre où tu es chérie !
On l’a aimée, on l’a volée, et on s’est ornée d’elle,
tout comme ce Rejeton que les peuples ont chéri,
et dont ils se sont couronnés !
10- En symbole et en vérité,
Léviathan16 a été foulé aux pieds par des mortels.
Les plongeurs17 se sont dénudés18 et se sont vêtus d’huile,
dans le mystère de l’Oint ; ils t’ont dérobée et sont remontés.
Les Apôtres19, c’est l'âme qu’ils ont ravie à sa gueule
écumante.
11- Ta nature est semblable
à l’agneau, silencieux dans sa douceur.
Si on la perce, la saisit, la suspend20
à l’oreille, comme le Christ au Golgotha,
elle darde puissamment tous ses feux
sur ceux qui la contemplent21.
12- Ta beauté représente
celle du Fils qui s’est vêtu de souffrance.
Les clous l’ont percé, une aiguille t’a transpercée :
on t’a aussi perforée, comme ses mains.
Mais parce qu’il a souffert, il a aussi régné ; de même, par ta souffrance,
ta beauté s’est accrue !
13- En voulant t’épargner ,
on ne t’aurait pas aimée ; tu as souffert au contraire, et tu as régné.
Simon Pierre22 voulut épargner la pierre
dont quiconque la heurte par elle est blessé.
Ainsi par sa souffrance, l’abîme et la cime
de sa beauté sont ornés.

15. Le grain était enfoui dans la terre, comme la perle dans la mer.
16. Ps. 74, 14.
17. Ou : les baptisés (même mot en syriaque).
18. « se dépouiller » ou « envoyer » ; l’apôtre est dépouillé et envoyé. — La nudité : Aussitôt entré dans
l’exorcistorium, le catéchumène devait se dépouiller de tous ses vêtements, y compris ses sandales. Il
entendait ainsi montrer qu’il renonçait à sa vie antérieure et qu’il entrait dans le combat du Christ luttant nu
sur la croix contre Satan. — « vêtus d’huile » : allusion à la l’onction du d’huile qui précédait l’immersion du
baptême
19. On remarquera dans cette perspective le lien de la descente aux enfers et du baptême . L’eau est à la fois
l’eau baptismale et l’eau de la mort. La descente et la montée sont des allusions au rite baptismal. Nous
sommes tout près ici du thème du baptême comme imitation de la descente du Christ dans les enfers, qui
prendra une grande importance par la suite.
20. Le mot signifie aussi “crucifier”.
21. Zach. 12, 10.
22. Mt. 16, 22.

13
La perle
HYMNE 83, 3ème sur la Perle

Éloge de la perle. La mention dans l’Écriture des perles d’Éthiopie (Job 28,
18) évoque pour le poète l’eunuque des Actes des Apôtres et la Reine de
Saba. Le sort de la perle est d’être sertie sur une couronne, ou pendue à
l’oreille. La perle symbolise finalement la foi.

LXXXIII
III. SUR LA MÊME MÉLODIE.

1- Nul ne te reprocherait
ta nudité, ô perle !
Ivre d’amour pour toi, le négociant lui-même
qui t’ôte tes effets, sans te déshonorer !
Ton vêtement ? ton éclat. Ton habit ? ta splendeur,
ô toi la dépouillée !
2- Tu es semblable à Ève,
qui était habillée de toute sa nudité.
Maudit qui l’a trompée, et laissée dépouillée !
Le Serpent ne pouvait te priver de ta gloire. ‘ 23
Par ton Mystère à toi, les femmes revêtiront
la lumière en l’Eden24.
3- Elles resplendissent fort,
les perles d’Ethiopie, ainsi qu’il est écrit25.
À l’Ethiopie des Noirs, qui a pu te donner ?
Celui qui a donné aux peuples la lumière
dont la splendeur atteint Ethiopiens
et Indiens.
4- L’eunuque d’Éthiopie
siégeait dessus son char. Philippe l’aperçut.
Au Noir se présenta un Agneau de lumière
surgissant des versets au cours de sa lecture.
L’Éthiopien baptisé revêtu de lumière,
repartit rayonnant26.
5- Par son enseignement,
des Noirs il fit des blancs.
Et les noires Ethiopiennes
des perles deviennent pour le Fils,
qui offrit à son Père un diadème fulgurant
tout serti d’Éthiopiens.
6- La Reine de Saba27
vint telle une brebis au repaire du loup28.
23. Gen. 3, 1s.
24. La robe de gloire ; cf. str. 4 et 9.
25. Jb 28, 18.
26. Act. 8, 26-40.
27. 1 Rois 10, 1-10.
28. Cf. Lc 10, 1-9.

14
La perle
Salomon lui donna le flambeau véritable,
que lui-même souffla, tombant dans l’impiété29.
Elle partit éclairée30, mais eux se firent ténèbres31
selon leur habitude !
7- Ce rayon
descendu avec cette reine bénie
au milieu des ténèbres, a gardé son éclat
jusqu’à ce que jaillisse le nouvel Orient32.
Alors se rencontrèrent le rayon et l’éclair :
au pays, la lumière !
8- Il y a dans la mer
toutes sortes de poissons, et de tailles variées !
Mais malgré leur grandeur, ils sont vraiment petits !
Grâce à ta petitesse, grandie est la couronne :
à l'image du Fils qui s’est anéanti
pour exalter Adam.
9- Pour le chef, ta couronne,
pour les yeux, ta beauté, pour l’oreille, ta splendeur.
Monte de l’océan, voisine de la terre,
viens plutôt demeurer auprès de nos oreilles.
Puisse l’oreille aimer la Parole de Vie33
autant qu’elle t’a chérie !
10- Dans l’oreille, la parole,
et au-dehors, la perle.
Par toi déjà elle brille, et par toi elle s’instruit ;
puisse-t-elle encore briller34 en Parole Véritable35 !
Qu’elle en soit le miroir, car la beauté du Verbe,
en ta beauté se voit !
11- De toi elle apprendra
combien il est précieux, le Verbe du Très-Haut !
L’oreille est la feuille, l’arbre, c’est la chair,
et toi tu es en lui le fruit de la lumière.
Ne serait-ce pas le sein d’où naquit la lumière
que pointe ton symbole36 ?
12- À toi il compara
ce Royaume, ô perle.
Et les vierges, qui à cinq y entrèrent,
avaient pour ornement la lumière de leurs lampes.

29. 1 Rois 11, 1-8.


30. 1 Rois 10.
31. Cf. Rom. 1, 21.
32. Cf. Mal. 3, 20 ; Lc 1, 78.
33. 1 Jn 1, 1.
34. 1 Jn 2, 5.
35. 2 Co. 6, 7.
36. La perle au creux de l’oreille figure à la fois le mystère de la Croix (l’arbre) et celui de la conception
virginale (le sein)

15
La perle
À toi elles sont semblables, ces toutes lumineuses,
ô vêtue de lumière37.
13- Qui donc donnerait
une perle à la fille d’un pauvre ?
Elle peut bien la porter... sans en être plus belle !
Mais que gratuitement elle acquière la foi
dont toute la beauté orne chacun des membres
de l’humanité !
14- Pas même contre de l’or
femme bien née ne donne sa perle.
Ce serait grande honte que toi, dans un bourbier,
tu la jettes pour rien, ta perle !
Dans la perle du temps,
contemplons l’éternelle !
15- Celle-là dans une bourse,
enchâssée dans un sceau38, est au sein d’un trésor
où, passée une porte, il en est d’autres encore,
munies de leurs serrures et de leurs clefs !
Ta perle39, quant à elle, orne un sceau dans le Ciel,
ô Juge universel ! 40

HYMNE 84, 4ème sur la Perle

La perle est le symbole de la foi. La foi n’est pas conquise par l’homme,
mais donnée par Dieu. Dieu s’adresse parfois aux hommes par le
truchement d’êtres inanimés : ainsi en est-il du symbole de la perle.
Source de lumière, irréfragable : en tout la perle évoque la foi.
Non faite de main d’homme, ayant une double origine, elle évoque le
Christ.
Elle l’évoque encore par sa « souffrance » et son exaltation sur la couronne
des rois.

LXXXIV
IV. SUR LA MÊME MÉLODIE.

1- Le larron saisit
la foi : c’est elle qui l’a saisi,
introduit et placé en Paradis41.
Il l’a vue dans la croix, l'arbre de vie :
la foi était le fruit, et lui, au lieu d’Adam,

37. Mt. 13, 45 et 25, 1-12.


38. « sceau », ou « chaton » ; le mot a une connotation baptismale. —Aggée 2, 23 : « En ce jour-là —oracle
de Yahvé Sabaot,— je te prendrai, Zorobabel, fils de Shealtiel, mon serviteur -oracle de Yahvé- et je ferai de
toi comme un anneau à cacheter. Car c’est toi que j’ai choisis, oracle de Yahvé Sabaot ». Et Ct. 8, 6 : « Pose-
moi comme sceau sur ton cœur ».
39. C’est-à-dire la foi, et les œuvres, plus précieuses que les trésors terrestres, et qui sont gardées par Dieu.
40. La perle de la terre est gardée soigneusement ; la perle céleste d’autant plus. Pour Éphrem, le soin que
l’on apporte à conserver la perle matérielle est une image de celui dont on doit entourer la Perle de la foi.
41. Lc 23, 43.

16
La perle
fut celui qui mangea.
Refrain : Heureux celui qui croit à l’image de Simon,
lui qui a hérité de la Béatitude42 !
2- Est sot qui à la foi
joint maintes questions.
Il tourmente sa foi comme le ferait d’un œil
un doigt qui, par contact, aveuglerait cet œil.
Il fait bien pire encore, celui qui fait enquête
sur la foi !
3- Le plongeur43, au contraire,
sur sa perle ne fait pas de recherche.
D’elle se réjouissent tous les négociants,
bien loin d’investiguer sur son arrivée.
Pas plus ne s’en soucie le roi
qui s’en couronne !
4- Parce qu’était devenu
ce sot de Balaam une sotte bête de somme,
c’est grâce à une ânesse que Dieu lui a parlé.
Il l’avait méprisé quand Lui-même lui parlait.
Et voici que t’accuse une perle,
en place d’une ânesse44 !
5- Au peuple qui avait,
un cœur de pierre, par une pierre il s’est adressé.
Même une pierre, en effet, a ouï ses paroles45 :
il l’a faite témoin de son accusation.
Et c’est vous, qui êtes sourds, qu’accuse aujourd’hui
une perle.
6- Par l’hirondelle et le corbeau,
il a fait honte aux hommes,
par le bœuf, des reproches, par l’âne46 également.
Il accuse maintenant par le moyen d’une perle.
Après les volatiles, voici les quadrupèdes,
puis ceux des profondeurs.
7- Tu n’es point comme la lune,
à t’emplir de lumière, ou à diminuer.
Le soleil, dont l’immense éclat surpasse toute chose,
en type est figuré : dans ta petitesse :
symbole du Fils, dont un seul rayon
surpasse le soleil !
8- C’est un être entièrement
rempli de lumière que la perle.

42. Mt. 16, 17.


43. Ou : « le candidat au baptême ».
44. Nb. 22, 9-12 et 28-30.
45. Ex. 17, 6 et Mt. 26, 42.
46. Is. 1, 3.

17
La perle
Et il n’est pas d’orfèvre pour la lui dérober.
Sa beauté : son rempart ; et aussi son gardien.
Rien ne peut lui manquer. Où qu’elle soit,
tout en elle est parfait !
9- Si l’on voulait te rompre
pour détourner de toi une parcelle,
c’est à la foi que tu ressemblerais : à elle qui périt
chez l’apostat qui la découpe et la détruit.
Certes on peut réparer la foi :
elle l’emporte sur toi !
10- La foi
est, par nature, un bloc irréfragable.
À qui veut l’altérer, elle cause du dommage.
Les apostats eux-mêmes sont détruits par elle.
Qui chasse la lumière de ses pupilles,
se rend lui-même aveugle !
11- Nous pouvons diviser
le feu et le vent, qui pourtant sont puissants.
Seule la lumière, de toutes les créatures,
est indivisible, tout comme son Créateur.
Mais elle n’est pas stérile, car elle engendre aussi
sans nulle diminution.
12- Et si l’on t’estime
ouvragée, on erre grandement.
Ta nature proclame que tu n’es pas l’œuvre
de l’art, ainsi que toutes les pierres,
mais type de l’Engendré qui n’est pas une œuvre
de la Création.
13- Ton fléau a fui
la comparaison avec celui du Fils :
tu as ton origine au milieu de l’abîme,
le Fils de ton Auteur vient du plus haut des Cieux.
Tout en te ressemblant, il t’est très différent :
à son Père il ressemble.
14- Et à ce que l’on dit,
de deux seins toi aussi tu es née :
du ciel est descendue une nature fluide,
de la mer est monté un corps solide.
Par cette seconde naissance, tu as manifesté ton amour
envers les hommes.
15- Des mains t’ont pu fixer,
car tu as pris un corps, pour qu’on puisse te saisir.
Tu es sur la couronne comme sur une croix,
sur la couronne aussi comme un trophée.
Tu es pour les oreilles comme des paroles :
tu te répands partout.

18
La perle
HYMNE 85, 5ème sur la Perle

Pour saisir que la perle, c’est la foi, il faut être doté de sens
spirituels. Pour être digne de la posséder, il faut être simple,
dépouillé, pauvre, « vêtu d’amour ». Alors on devient témoin et
apôtre.
Conclusion : La perle est un symbole unificateur, dont le poète veut
tresser une couronne pour le Fils.

LXXXV
V. SUR LA MÊME MÉLODIE.

1- Ô don,
qui gratuitement monte avec le plongeur !
Parente de la lumière, de celle qui est visible
et gratuitement se montre aux hommes ;
symbole du Caché, qui gratuitement offre
une manifestation47 voilée.
2- Même l’artiste
en image t’a peinte, avec des couleurs.
En toi est figurée la foi
par des types et symboles comme autant de couleurs.
Et en guise d’image, par toi et ta couleur
est peint ton Créateur.
3- Oh, toi qui es sans odeur,
c’est l’arôme des Mystères que tu exhales.
Tu n’es pas comestible, mais pour les auditeurs
tu es suave. On ne peut te boire,
mais c’est par ton histoire, qu’une source de symboles
tu fais jaillir aux oreilles.
4- Tu es celle qui est grande
par sa petitesse, ô perle !
Médiocre est ta taille, et petits ton volume
et ton poids ; mais ta gloire est grande.
La couronne déjà est sans prix,
et sur elle on t’a sise !
5- Et celui qui ne sent,
sous ta petitesse, combien tu es grande,
qu’il te méprise, alors il te perd !
Il s’accusera de son ignorance
quand il te verra sur la couronne du roi :
tu le confondras.
6- Des hommes nus
ont plongé pour te ramener, ô perle.
Ce ne sont pas les rois qui t’ont offerte
aux hommes, mais des hommes nus,
figures des humbles, des pécheurs
et des Galiléens.
47. « épiphanie ».

19
La perle
7- Il n’était pas été possible
à des corps vêtus d’aller jusqu’à toi.
Y allèrent les nus comme des nouveaux-nés,
leur corps ensevelirent, et à toi descendirent.
Et tu les accueillis, trouvant refuge en eux,
tant ils t’aimaient.
8- Leurs langues
t’ont annoncée, avant qu’ils n’aient ouvert
leur sein. Les pauvres ont exhibé
leur richesse nouvelle au milieu des marchands.
Dans leur paume, ils t’ont déposée
telle un remède de vie48.
9- Des apôtres symboliques
ont vu ta résurrection49 près de la mer.
Et près du lac les Apôtres véritables
ont vu la Résurrection du Fils de ton Créateur.
Par toi et ton Seigneur, la mer comme le lac
ont été aimés50.
10-Le plongeur est monté51
du tréfond de la mer, et a mis ses vêtements.
Et du lac lui aussi, Simon Pierre
en nageant52 est monté, et a mis son vêtement53.
Ils ont, pour vêtement, revêtu votre amour,
l’un et l’autre54.
11- Parce que tu m’as séduit,
ô perle, je me recueillerai.
À te contempler, je te ressemblerai.
Tu es toute recueillie, en toi-même,
en tout temps tu es une :
un je serai par toi.
12- Des perles
j’ai recueillies, pour tresser une couronne au Fils.
Au lieu des souillures de mes membres,
reçois mon offrande ; tu n’es pas dans le besoin,
mais moi j’ai besoin de te l’offrir.
Blanchis-moi de mes fautes !
13- Elle est toute de perles
douées de parole, cette couronne.
À la place d’or, d’amour elle est sertie ;
48. Allusion à l’Eucharistie et à la communion dans la main. Les plongeurs sont les Apôtres (les prêtres) qui
annoncent d’abord le Christ et ensuite seulement, par le baptême et l’Eucharistie donnent la perle (le Christ)
aux hommes.
49. C’est-à-dire : ta montée des profondeurs de la mer.
50. Jn 21.
51. Ou : « le candidat au baptême ».
52. Ou : se lava ; ou : fut baptisé : c’est le même mot.
53. En Jn 21, 7, Pierre a mis son vêtement étant encore dans la barque.
54. Cf. Jn 21,15-17.

20
La perle
et au lieu de liens, la foi.
Et en guise de mains, la louange la fera monter
vers le Très-Haut55 !
FIN DES HYMNES SUR LA PERLE.

55. Allusion au Ps. 141, 2.

21
Dans le pain, c’est l’Esprit
que nous mangeons,
dans le vin, c’est le feu
que nous buvons.

—22—
L’Eucharistie

HYMNE 10

Structure d’ensemble : 22 strophes : signe de plénitude.


Thème général : La Puissance divine dans l’Eucharistie.  
1-4 : On ne peut dire du Christ que ce que lui-même inspire.
5-7 : L’énergie divine dans les éléments matériels (éléments tirés du N.T.)
8-9 : L’Eucharistie et la création nouvelle comme accomplissement de cette ‘synergie’.
10-15 : Figures vétéro-testamentaires de l’Eucharistie.
16-18 : Reprise du thème eucharistique.
19-21 : Reprise des exemples néo-testamentaires, celui du baptême au Jourdain.

X
SUR LA MÉLODIE : L’ENVOYÉ EST LE GUIDE.

1- C’est Toi-même, Seigneur, qui as écrit : « Ouvre la bouche et je l’emplirai56 ».


Voici que s’ouvrent pour toi la bouche et l’esprit de ton serviteur.
À Toi, Seigneur, de les emplir de tes dons,
pour que selon ta volonté je puisse chanter ta gloire !
Refrain : Rends-moi digne d’approcher tes dons avec respect !
2- Pour parler de toi, il y a des degrés de toute taille, adaptés à chacun.
De l’échelon inférieur, j’aurai l’audace de m’approcher.
Au milieu du silence est scellée ta naissance :
quelle bouche oserait l’exposer ?
3- Simple est ta nature, mais nombreuses sont ses interprétations :
des discours élevés, des moyens et des élémentaires.
Parmi les inférieurs, comme autant de miettes57,
rends-moi digne de ramasser les restes de ta Sagesse.
4- Ton histoire sublime est cachée en ton Père58.
Les anges, devant ta richesse, même celle qui est moyenne, demeurent stupéfaits59.
Le mince ruissellement, Seigneur, de ton enseignement ici-bas,
est un torrent d’interprétations !
5- Car si le grand Jean lui-même60 s’est écrié :
«  Je ne suis pas digne, Seigneur, des courroies de tes sandales61 »,
comme la pécheresse62, dans l’ombre
de ton manteau je me réfugierai pour y faire ma demeure.
6- Et comme celle qui avait peur, mais à qui sa guérison63 a rendu du cœur,

56. Ps. 81, 11.


57. Cf. Mt. 15, 27 ; Mc 7, 28.
58. Il s’agit du degré supérieur. “Nul ne connaît le Fils si ce n’est le Père” Mt. 11, 27 ; Is. 53, 8 : “Sa génération, qui la
racontera ?”
59. Cf. Ph. 2, 2-6 ; He. 2, 7 et Ps. 8, 6 LXX ; 1 Pet. 1, 12 (?)
60. Jean-Baptiste.
61. Mc 1, 7 ; Lc 3, 16 ; Jn 1, 27 ?
62. Cf. Lc 7, 37ss. Éphrem pense en même temps déjà à l’hémorroïsse (strophe suivante), non pécheresse, mais impure.
63. Cf. Mc 5, 25s ; Lc 8, 43s. et Mt. 9, 20-22.

23
L’Eucharistie
guéris-moi, peureux, de l’angoisse, et qu’en toi je reprenne courage !
D’auprès de ton vêtement puissé-je être conduit
jusqu’à ton Corps64 : selon mes forces, de toi je parlerai.
7- Ton vêtement, Seigneur, est source de remèdes ;
dans ton vêtement visible demeure une force cachée.
Un peu de salive sortie de ta bouche,
et c’est une grande merveille : la lumière dans sa boue.
8- Dans ton pain est caché un Esprit qui ne se mange pas,
dans ton vin demeure un feu qui ne peut être bu.
L’Esprit dans ton pain, le feu65 dans ton vin :
une merveille insigne qu’ont reçue nos lèvres.
9- Le Seigneur est descendu sur la terre, auprès des mortels ;
en une création nouvelle66, Il les a faits comme des anges67.
Il a mélangé en eux le feu et l’Esprit,
pour que, de feu et d’Esprit, ils existent invisibles.
10- Le Séraphin n’a pas touché le charbon de ses doigts,
de la bouche d’Isaïe, il l’a seulement approché68.
Le premier ne l’a pas saisi, ni le second mangé ;
or voici qu’à nous Notre-Seigneur a accordé les deux ! 69
11- À des anges70 spirituels, c’est un repas de mets corporels
qu’Abraham a offert, et ils ont mangé71. Nouvelle merveille :
Notre-Seigneur, qui est plus grand, à des êtres charnels
fait manger et boire le feu et l’Esprit.
12- Le feu de la colère descendit sur les pécheurs pour les dévorer72,
le feu de la grâce descend dans le pain pour y demeurer.
Au lieu de ce feu qui a dévoré l’homme, 73
vous avez mangé le feu dans le pain, et vous vivez !
13- Sur le sacrifice d’Élie, le feu descendit et le dévora. 74
Le feu de l’amour s’est fait pour nous sacrifice de vie.
Le feu avait dévoré le sacrifice ;
ton feu, Seigneur, nous l’avons dévoré dans ton offrande !
14- « Le vent75 avec le poing, qui le saisira76 ? » Viens voir,

64. On passe de la femme hémorroïsse à l’Eucharistie : si elle a été guérie en touchant le manteau du Christ, à combien
plus forte raison sera guéri celui qui reçoit le corps du Sauveur.
65. Parallélisme feu / Esprit : cf. Mt. 3, 11 ; Lc 3, 16 ; Ac. 2, 3-4.
66. Cf. 2 Co. 5, 17 ; Gal. 6, 15. Le rôle créateur de l’Esprit est suggéré par Ps. 103-104, 30 : “Tu envoies ton souffle et
ils sont créés ; tu renouvelles la face de la terre”.
67. Cf. Ps 103-104, 4 : “Il fait de ses messagers des esprits, et de ses serviteurs un feu de flammes.”
68. Is. 6, 7.
69. Le charbon ardent identifié à l’hostie.
70. Éphrem voit des anges dans les trois visiteurs.
71. Gen. 18, 8-9.
72. Cf. 2 Rois 1, 10ss ; ou Gen. 19, 24 (Sodome).
73. Cf. Sodome, Gn. 18, 25 : ‘les pécheurs’; ou Élisée (2 R. 1, 9-12).
74. 1 Rois 18, 38.
75. Ou le souffle.
76. Prov. 30, 4.

24
L’Eucharistie
ô Salomon77, ce qu’a fait le Seigneur de ton père78.
Le Feu  et le Souffle, contre la nature,
il les a mêlés et versés dans les paumes de ses disciples79.

77. Le Livre des Proverbes se présente comme une œuvre de Salomon.


78. Cf. Ps. 110, 1 ; Mt. 22, 44 et //.
79. Allusion à la communion.

25
L’Eucharistie
15- « Qui, demandait-on, retiendra des eaux dans un voile ? » 80

Voici la source dans le voile : le sein de Marie !


Du calice de vie, c’est une goutte de vie
que tes servantes recueillent81 dans le voile.
16- Voici la force cachée dans le voile du Saint,
une force que nul esprit n’a jamais pu concevoir.
Son amour82 s’est incliné, est descendu, planant83,
sur le voile de l’autel de propitiation.
17- Voici le feu et l’Esprit dans le sein de celle qui t’a enfanté :
Voici le feu et l’Esprit dans le fleuve où tu as été baptisé,
le feu et l’Esprit dans notre baptême,
dans le pain et la coupe, le feu et l’Esprit-Saint.
18- Ton pain a tué le vorace84 qui de nous avait fait son pain .
Ta coupe a détruit la mort qui nous avait engloutis.
Nous t’avons mangé, Seigneur, et nous t’avons bu,
non pour t’épuiser, mais pour vivre par Toi.
19- La courroie de ta chaussure remplit d’effroi les prudents,
la frange de ton manteau est redoutable aux intelligents.
Dans ta recherche, notre génération insensée
est devenue folle, enivrée de ton vin !
20- Merveille que tes talons, qui ont marché sur les eaux !
Tu as maîtrisé la grande mer sous tes pieds !
Pourtant au petit fleuve85 ta tête s’est soumise,
quand tu t’es penché pour y être baptisé.
21- Le fleuve ressemblait à Jean qui y baptisait,
et l’un reflétait la petitesse de l’autre.
Au petit fleuve et à l’humble serviteur
s’est soumis le Seigneur des deux.
22- Voici Seigneur, que mon sein est plein de miettes tombées de toi,
et il n’y a plus de place sur ma poitrine !
Alors quand je me prosterne, retiens tes dons,
et dans ton trésor, conserve-les en dépôt,
afin de nous les donner à nouveau !

80. « Qui a recueilli les eaux dans son vêtement ? » Prov. 30, 4. — « Gargouille qui ne cesse de couler, un jour de pluie,
et femme acariâtre sont pareilles ! Qui la détient, détient le vent, et sa droite saisit de l’huile.  » Prov. 27, 15-16.
81. Manière de communier ?
82. L’Esprit-Saint.
83. Épiclèse : « planer » : Allusion au geste oriental accompagnant l’épiclèse, dans la célébration de l’Eucharistie.
84. La mort.  
85. Le Jourdain.

26
Si l’oiseau ne déploie
ses ailes en forme de croix,
comment volera-t-il ?

—27—27—
La Croix

HYMNE 18

Thème : symboles de la Foi, reliée à la Trinité, et à la croix.


La Foi = l’oisillon, 1, 2 ; leur croissance se fait en trois phases.
La Foi a pour objet la Trinité ; sa croissance en trois étapes ; dans les quatre
directions : cf. la croix, strophe 3.
L’homme est à l’image des Trois, str. 4, 5.
La croix : l’oiseau qui vole, 6, le navire qui vogue, 7, le geste de la main, 8,

le mât : le corps = la voile, 9, 10 ; le vent = l’Esprit, 10,


le labourage de la terre, 11,
la tunique, le poteau auquel pend l’agneau,
les semences enfouies = la Résurrection, 13,
le bâton du berger, 14,
l’arbre auquel pend le fruit, 13, la grappe = le sang du Christ,
le coq qui bat des ailes et qui annonce la vie après la mort/sommeil, 15,

la conception de la poule sans union = la conception du Christ, 16.

XVIII
SUR LA MÊME MÉLODIE.

1- L’oiselet, s’il ne vient à maturité,


ne peut rompre sa coquille à cause de sa faiblesse.
Et la foi, prise dans le silence,
elle aussi est faible. Porte-la à terme, toi qui portes tout à sa consommation !
Refrain : Rends-moi digne d’honorer par le silence ton Géniteur !
2- L’oisillon en trois étapes se développe,
du sein à l’œuf, et de l’œuf au nid où il chante.
Quand il est mature, il vole dans les airs,
il déploie ses ailes en forme de croix.
3- De même en trois étapes s’épanouit la foi,
car quand les Apôtres ont cru au Père, au Fils et à l’Esprit,
la prédication a volé dans les quatre directions,
par la force de la croix.
4- Ses trois noms ont été triplement semés,
dans l’esprit, l’âme et le corps, comme en symbole.
Quand notre trinité86 aura trouvé sa plénitude dans les Trois,
elle règnera sur les confins de la terre.
5- Si l’esprit pâtit, il est marqué du sceau du Père ;
si l’âme souffre, elle est toute unie au Fils ;
et si le corps confesse et brûle,
avec l’Esprit-Saint il est en communion tout entier.

86. esprit-âme-corps.

28
La Croix
6- Et si l’oiseau garde ses ailes repliées , et refuse
le signe tout simple de la croix, alors les airs aussi
le renient et refusent de le soutenir,
jusqu’à ce que ses ailes proclament la croix.

7- Et si le navire étire ses rames en forme de croix,


et fait en outre, du mât et de la vergue un sein pour le vent,
c’est à l’heure même où il déploie la croix
que s’ouvre un chemin à sa course !
8- Et si c’est le navire d’un juif,
lui-même se condamne de fait, quoiqu’involontairement,
car au milieu de son bateau, avec mât et vergue,
il aura déployé largement le signe de la croix !
9- C’est par la croix que la mer se soumet aux négateurs,
car si le crucifieur ne croise pas le bois87 pour en faire une croix,
et si sur lui il ne suspend pas le lin88 à la façon d’un corps,
alors sa course en sera entravée.
10- Ô sein89 très pur, symbole du corps de notre Rédempteur,
rempli du Souffle90, qu’il ne limite ni ne retient captif !
Par le Souffle qui habite dans le voile de lin91,
vivifiés sont les corps en qui habite l’âme92.
11- La terre non plus ne peut être soumise au bourreau 93
sans le symbole étincelant de la croix de lumière.
Le signe de la croix la chevauche
et l’ameublit : alors il répand en elle ses semences.
12- Même sa tunique ne l’aurait pas agréé sans ce signe.
En étendant ses bras, il la revêt comme une croix.
Son vêtement est son miroir,
et il est marqué du signe qu’il renie.
13- Quand le crucifieur achète un agneau et l’abat,
il le suspend à une croix, Seigneur, pour signifier ta mort.
Et quand par ailleurs il enfouit des grains de blé en terre,
la semence de vie annonce ta Résurrection.
14- Voici ton symbole, dans son troupeau que garde ton bâton94,
et dans sa95 vigne, la grappe pleine du symbole de ton sang.
À son arbre enfin pend le fruit,
figures de ta croix et du fruit qu’est ton corps.
87. L’arbre, ou la croix, ou le mât.
88. La voile gonflée de vent.
89. C’est-à-dire la voile.
90. Ou : d’Esprit.
91. Le lin (la voile) suspendue au mât évoque le corps du Christ suspendu à la croix; les sacrements.
92. L’opposition entre l’Esprit et l’âme équivaut à l’opposition entre la vie surnaturelle et la vie naturelle.
93. Littéralement : « celui qui crucifie ».
94. Peut-être en forme de croix lui aussi ?
95. celle du boucher !

29
La Croix
15- Dans la maison de l’impie, voici ton héraut qui crie !
Car en un symbole manifeste, il y bat des ailes.
C’est la résurrection des morts qu’il annonce
au vivant dans la tombe, dont la mort est le sommeil96.

96. Cf. Jn 11, 13.

30
La Croix

16- Mais si celle qui sur son nid, sous son plumage, chastement
a couvé, et de la chaleur de ses ailes, a conçu97 en son sein,
et a mis au monde un rejeton, sans union,
voilà dans sa maison un miroir de Marie !

97. Ephrem sépare la couvaison de l’accouplement, et la comprend comme une génération . Cf. str. 2. La comparaison
avec Marie ne vaut également que pour la conception virginale.

31
Le soleil, c’est le Père,
la lumière, c’est le Fils,
et la chaleur, l’Esprit.

—32—
La Trinité

HYMNE 73

La métaphore de la Trinité : soleil-lumière-chaleur.


Le soleil et son rayon : 4 et 5 ; analogie avec le Père et le Fils : 6.
Soleil, rayon, chaleur : séparation et distinction : 7 , 8, 11 ; inscrutables : 9 et 10 ;
simples : 9 ;
Analogie de l’incarnation : 12,à 17.
Les missions : du Fils : 18 ; de l’Esprit : 19.
La valeur de cette métaphore pour l’homme : 20-21.

LXXIII
SUR LE MÊME AIR.

1- Voici des symboles : le soleil est le Père,


la lumière est le Fils, la chaleur,
l’Esprit-Saint.
Refrain : Béni soit celui qui t’envoie.
2- Et quoiqu’il soit un, c’est une trinité
que l’on perçoit en lui, que l’on ne peut scruter.
Qui l’expliquera ?
3- Cet un est multiple, cet un est trois,
et trois sont un. Erreur immense,
merveille patente !
4- Le soleil est distinct de son rayon,
quoiqu’uni98 à lui. Car le rayon aussi
est lui-même soleil.
5- De deux soleils, nul ne parle,
quoique le rayon soit lui aussi soleil
sur cette terre.
6- Nous n’invoquons pas deux dieux,
quoique Notre-Seigneur soit Dieu lui aussi
au-dessus des créatures.
7- Qui cherchera à savoir où et comment
est attaché son rayon, est liée ou déliée
sa chaleur ?
8- Ni séparés, ni confondus.
Distincts et unis, liés et déliés.
Merveille immense !
9- Qui les explorera, qui les scrutera,
bien qu’il soient tenus pour simples,
pour évidents ?
10- Explore-moi le soleil, sans son rayon !
98. « mêlé ».

33
La Trinité
Regarde et observe sa chaleur,
si tu le peux !
11- Sépare-moi le soleil de son rayon !
Et des deux, isole sa chaleur,
si tu y parviens !
12- Et tandis que le soleil est dans les cieux,
son ardeur et son éclat sont sur la terre.
Symbole patent !
13- Il s’incline vers la terre, ce rayon !
Il habite notre œil, en s’en revêtant
comme d’un corps.
14- Et grâce au sommeil, quand l’œil se ferme,
alors il s’en dépouille, comme un mort
qui ressuscite !
15- Et comment s’infiltre la lumière dans l’œil ?
Nul ne le saisit ! Il en est ainsi de notre Rédempteur,
qui habita le sein de Marie.
16- La lumière revêt, depuis le fond de l’œil,
un aspect somptueux, et sort visiter
toutes les créatures.
17- Comme notre Rédempteur,
qui revêtit un corps misérable,
et sortit délivrer toute la création.
18- Quand ce rayon
retourne vers sa source, il n’est pas séparé
de son Géniteur,
19- il émet ici-bas sa chaleur,
comme Notre -Seigneur a envoyé l’Esprit-Saint
sur ses disciples.
20- Vois ces images au sein des créatures,
et ne doute pas des Trois,
de crainte de périr.
21- Comme ce t’est difficile, je t’ai montré ceci :
un qui est trois, une trinité
qui est une seule essence.

HYMNE 74

Suite de l’analogie solaire : La chaleur, symbole l’Esprit Saint.


Présentation générale : str. 1, puis de l’Esprit—chaleur, str. 2.
L’action de la chaleur sur le monde, 3, sans séparation, 4, également sur tous, 5.

Analogie de cette action basée sur le double sens du mot syriaque : nu—Apôtre
(envoyé) : str. 7 et str. 8.
Sanctification—maturation : str. 9. Réchauffement—purification : str. 10.
Libération, str. 11. Exultation, str. 12.

34
La Trinité
Éclosion de la végétation, str. 13, et de la grâce, str. 14.
L’action de l’Esprit sur l’Église, str. 15.
Langues de feu, langues qui parlent, str. 19 et 20.
Silence et froidure, str. 21.
L’Esprit dissout le froid, str. 23, chasse la peur et le mutisme, str. 24.
Le printemps, str. 26.
Conclusion : petitesse de l’homme face à ces merveilles de l’Esprit et de la chaleur.

LXXIV
SUR LE MÊME AIR.
1- Qui me permettra d’observer et de contempler
en toi, ô astre, les symboles de ton Seigneur,
qui abondent en toi ?
Refrain : Béni soit ton Géniteur !
2- Qui explorera sa chaleur ?
Elle se partage sans séparation,
comme l’Esprit-Saint !
3- La force de sa chaleur se libère
sur toute chose. Elle est toute en tout
et toute en chacun.
4- Elle ne se sépare pas du rayon
qui s’immisce en elle, ni du soleil
uni à elle.
5- Et quoiqu’elle se diffuse sur les créatures,
chacun reçoit la force de son ardeur
selon ce qu’il peut.
6- En elle se chauffe le nu
quand il la revêt, à l’instar d’Adam
qui s’est retrouvé nu.
7- Elle montre son amour à tous les dénudés99
en les envoyant rendus aptes100
à toute mission101.
8- L’Esprit revêt aussi les Apôtres102,
et les envoie aux quatre points cardinaux
en mission. 103
9- Par la chaleur, tout vient à maturation ;
de même par l’Esprit, tout est sanctifié.
Type caché !
10- Par elle est vaincue la froidure
dans le corps. De même l’impureté,
par l’Esprit-Saint.
11- Par elle sont déliés même les doigts
99. Jeu de mots sur le double sens du mot: dénuder et envoyer. Apôtre = envoyé = dénudé. Cf. les Hymnes sur la perle.
100. « experts », « docteurs ».
101. Le mot signifie aussi « Actes » comme dans « Actes des Apôtres ».
102. Cf. strophe précédente.
103. Même mot, « Actes », qu’au dernier stique de la strophe précédente.

35
La Trinité
qu’a liés le froid, à l’instar des âmes
qu’a liées le Mauvais.
12- En elle gambadent les veaux de Nisan104,
comme les disciples dans l’Esprit-Saint
qui les habite.
13- Par la chaleur sont tantôt rompues
les brides de l'hiver qui par elles retient
fruits et germes.
14- Par l’Esprit-Saint sont bientôt rompues,
les brides du malin qui par elles retient
tous les secours.
15- La chaleur réveille les entrailles
de la terre assoupie ; ainsi l’Esprit-Saint
et l’Église Sainte.
16- Mais à quoi bon tant errer et tant scruter
pour un faible, un isolé, un trésor immense
qu’on ne peut enfermer ?
17- Et à quoi bon errer en se mesurant à lui,
car tout ce qui se trouve aux quatre points cardinaux
auprès de lui n’est rien.
18- La chaleur libère ce que clôt la haine,
et aussi le froid : ce mutisme frigide
qu’on trouve sur les lèvres.
19- Et la bouche a parlé, la langue aussi
telle les langues de feu qui se sont posées
sur les disciples.
20- L’Esprit-Saint par sa chaleur,
au moyen de langues, a chassé le silence
hors des disciples,
21- ce silence haïssable autant que frigide,
qui était comme par l’hiver trop terrifié
pour parler.
22- Ce peuple en effet, emblème de l’hiver
type de la froidure, était tout irrité
contre les disciples.
23- L’Esprit-Saint, par les langues
de feu survenues, a dissous la force
du froid,
24- a chassé la peur des disciples
et fait fuir le silence des langues
par des langues.
25- Satan s’est enflammé à l’image de l’hiver.
Le peuple en colère, s’est fort irrité
du mystère de février.
104. Premier mois du printemps.

36
La Trinité
26- Et là-bas ont chanté les oiseaux du Très-Haut105
d’un cri nouveau, car ils se riaient
de l’autour et de l’hiver.
27- Des effets opérés par la chaleur,
et de ceux accomplis aussi par le Saint-Esprit,
qui sera à la hauteur ?
FIN.

105. Cf. Ps. 50, 11.

37
Comme à des perroquets,
il nous apprend à parler !

—38—
La pédagogie divine

HYMNE 31

Thème : les Noms divins. Continuité de l’AT et du NT dans la ligne de


l’incarnation.
Les formes humaines assumées par Dieu : strophe 1.
Il a revêtu les noms des choses, nos noms, pour nous parler : str. 2.
Les changements d’images montrent qu’il ne les a pas vraiment revêtues, que
ce n’est pas son essence, qui reste cachée : str. 3.
Exemples : Ancien / Jeune ; juge / guerrier ; il court / il est fatigué : str. 4. Les
fatigues du Seigneur : leur sens : pour que nous soyons nous-mêmes les
auteurs de notre propre bonté (de nos vertus) : str. 5.
L’analogie de l’oiseau : str. 6-7.
Le but des images antithétiques : str. 8-9-10.
Le but de ses “changements” : str. 11.

XXXI
SUR L’AIR DE  « CONSOLEZ-VOUS AVEC LES PROMESSES ».

1- Rendons grâce à Celui qui a revêtu


les noms des membres du corps. *
On cite ses « oreilles »
pour enseigner qu’il nous écoute ; *
on mentionne ses « yeux »106
pour faire savoir qu’il nous regarde. *
Des seuls noms des membres
il s’est vêtu, *
et quoiqu’exempte soit sa nature
de colère et regret107, *
de leurs noms Il s’est vêtu
à cause de notre faiblesse. *
Refrain : Béni soit Celui qui sous toutes ces images
s’est fait voir à notre humanité. *
2- S’il n’avait pas, voyons-le bien, 
revêtu les noms *
qui appartiennent à ces choses,
il n’aurait point pu parler *
à notre humanité.
Par ce qui est à nous, il s’est fait proche de nous. *
Il a revêtu nos noms
pour nous vêtir * des siens.
Il a, par son comportement,
recherché et revêtu notre forme. *
Et comme un père avec ses enfants,
il a babillé avec notre jeunesse ! *

106. Cf. Ps. 34, 15.


107. Cf. Gn. 6, 6 ; Ex. 15, 7 etc.

39
La pédagogie divine
3- Notre image elle-même, en effet,
il l’a revêtue sans la revêtir. *
Il l’a quittée sans la quitter,
et quoique vêtu, il en était dévêtu. * 108
Il l’a revêtue par utilité
et déposée pour en changer. *
En se dévêtant et vêtant
de toute s sortes d’images, *
il enseignait qu’elles n’étaient point
l’image de son Essence. *
Et comme son Essence est cachée,
par le visible il l’a représentée. *
4- Là il était comme un vieillard,
un Ancien des Jours109 ; *
puis le voici en héros
et en vaillant guerrier. *
Au tribunal, il était un vieillard,
au combat un guerrier110. *
Là comme quelqu’un de trop lent,
il courait ; *
ici il était fatigué,
là encore, endormi111 ; *
ailleurs enfin dans le besoin.
Par tous les moyens il s’est fatigué pour nous gagner ! *
5- Car lui, le Très-Bon,
aurait pu, par contrainte, *
nous embellir sans fatigue ;
or par tous les moyens il s’est fatigué112 *
pour que nous devions notre beauté à notre volonté,
pour que nous soyons les peintres de notre beauté, *
avec les couleurs que notre liberté
aurait assemblées. *
Car si lui-même nous avait ornés,
nous aurions été semblables à un portrait *
qu’un autre, avec ses couleurs,
aurait peint et orné ! *
6- Et celui encore qui apprend
à parler à un oiseau, *
c’est à l’abri d’un miroir
qu’il se cache et l’éduque. *
Quand l’oiseau en effet, se tourne
vers celui qui lui parle, *
c’est son image qui s’offre
à ses yeux. *

108. Cf. Phil. 2, 7.


109. Dan. 7, 9.
110. Cf. Ex. 15, 3.
111. Ps. 78, 65
112. Jn 4, 6 : Jésus fatigué par la marche.

40
La pédagogie divine
Et il la prend pour un sien congénère
qui l’interpellerait ! *
Devant lui l’homme a placé son image
pour que, par elle, il apprenne son langage. *
7- Pourtant cet oiseau
est un parent de l’homme. *
Et malgré cette parenté,
comme un étranger, *
l’utilisant et l’abusant, il l’a enseigné.
En se servant de lui, il lui a parlé. *
L’Être qui, par dessus tout
est exalté, *
dans son amour a incliné sa Hauteur.
Il a emprunté nos usages, *
s’est donné toutes les peines
pour nous tourner tous vers lui. *
8- L’image du vieillard
et celle du héros *
l’image de celui dont il est écrit qu’il sommeillait,
et de celui qui ne dort pas113, *
l’image de celui dont il est écrit qu’il peinait 114
et de celui qui ne peine pas : *
en les associant, il les a neutralisées115, il a travaillé
à nous enseigner. *
Sur la pierre de saphir116
il s’est recueilli et dressé, *
il s’est étiré et a rempli le ciel,
quoiqu’il le tienne tout entier dans son poing. *
9- Il s’est manifesté en un lieu,
et s’est montré en tout lieu. *
Nous pensions qu’il était quelque part,
alors qu’il remplit toutes choses. *
Il s’est fait petit pour être à notre portée,
il s’est fait grand pour nous enrichir. *
Il s’est fait tour à tour petit et grand
pour nous grandir. *
S’il s’était fait petit, mais non pas grand
il nous aurait rapetissés et avilis, *
car on l’aurait tenu pour impuissant ;
c’est pourquoi il s’est fait petit puis grand. *
10- Surprise ! Autant il s’est fait petit,
autant il a grandi notre petitesse. *
Et s’il n’était pas redevenu grand,
il aurait rapetissé notre esprit. *
Car celui-ci l’aurait cru faible

113. Ps. 120, 4


114. Is. 1, 14.
115. « il a délié » ; ce sont les mêmes mots qu’en Mt. 18, 18 : « tout ce que vous lierez sur la terre ... ».
116. Ex. 24, 10.

41
La pédagogie divine
et serait devenu petit à cette pensée. *
Il est l’être dont la grandeur
ne peut être saisie, *
pas plus que la petitesse.
Il est devenu grand, nous nous sommes égarés. *
Il est devenu petit, et nous nous sommes rabaissés.
En tout, il s’est fatigué avec nous. *  

42
La pédagogie divine

11- Il voulait nous enseigner deux choses


qu’il était et qu’il n’était pas. *
Par amour, il a pris le visage
de ses serviteurs, pour qu’ils le contemplent117. *
Mais de peur que nous ne souffrions de dommage,
et le croyions vraiment ainsi, *
de figure en figure il est passé,
pour nous enseigner *
qu’il n’a pas de figure.
Et quoiqu’il n’ait pas perdu *
la figure humaine,
il l’a quittée par ses changements. *

117. Cf. la Transfiguration.

43
Le festin de louange

—44—
L e f e s ti n d e l o u a n g e

HYMNE 14

Le lecteur est convié à un festin dont le vin n’est pas celui de Cana, mais celui de la
Pentecôte, un vin qui fait parler, qui pousse à la louange.
Aux Noces du Christ et de l’Église sont opposées les Noces de la Synagogue au
Sinaï, mariage dont le contrat a été rompu par Dieu en raison de l’infidélité de
l’épouse.
Conclusion : la nécessité de la louange118.

XIV
SUR LA MÊME MÉLODIE.

Z 1- Je t’ai convié, Seigneur, à un festin de noces119 des hymnes.


Le vin120 de la louange a manqué au festin !
Hôte qui a rempli les jarres de bon vin121,
remplis donc ma bouche de ta louange !
Refrain : Louange à Toi qui a répandu tes dons sur ton serviteur.
X 2- Le vin dans les urnes était de même venue et de même saveur
que ce vin mystique122 générateur de louange.
Ce vin aussi a engendré la louange,
chez les buveurs témoins du prodige.
T 3- Il est vraiment juste que, si à un mariage, qui n’était pas le tien,
tu as rempli six urnes123 de bon vin,
à ce banquet, au lieu de jarres,
tu aies rempli de joie dix mille oreilles, Seigneur ! 
Y 4-  Jésus, toi qu’on a invité à la noce des autres,
vois comme ton chaste et beau festin a réjoui ta maison !
Mais voici que tes invités ont besoin, Seigneur,
de tes cantiques. À ta lyre de parler !
K 5- Ta fiancée est ton âme, et ta chambre nuptiale ton corps.
Tes invités, ce sont les sens et les intelligences.
Et si un seul corps est une noce pour toi,
alors la salle de festin sera l’Église, dans sa plénitude !

118. Sebastian BROCK, L’œil de lumière, (Traduction de Didier RANCE, Abbaye de Bellefontaine, 1991), p. 215: « La
louange est pour Éphrem un élément essentiel de l’existence chrétienne -on pourrait dire le premier. Louer Dieu est à la
fois la joie et le devoir de tout être créé. Toutefois la vraie louange est elle-même un don du Créateur. En prenant
conscience de ce que l’homme est tout à fait incapable de louer correctement Dieu, Éphrem invite le Christ à participer à
de nouvelles noces de Cana (l’Eucharistie) et à y réaliser un nouveau miracle... »
119. C’est l’Eucharistie qui est ici le propre festin de noces du Christ... Éphrem y introduit un troisième festin de noces,
celui de la louange.
120. Gn. 39, 15s.
121. Jn 2, 1s.
122. « qui parle ». Cf. la Pentecôte.
123. Jn 2, 6.

45
L e f e s ti n d e l o u a n g e

L 6- Le Saint a pris la Synagogue pour épouse au Sinaï.


Il l’a vêtue d’un habit blanc124, mais de ténèbre était son cœur.
Avec le veau elle a forniqué125 : le Très-Haut l’a haïe
et a brisé les tables contenant le contrat.
M 7- Qui a jamais vu rien d’aussi stupéfiant en fait d’iniquité ?
Une fiancée dans la chambre nuptiale pèche de façon inouïe, en criant.
En Égypte, elle avait séjourné ; elle avait appris
auprès de cette maîtresse de Joseph qui péchait126 en criant.  
N 8-  La lumière de la colonne de feu, celle aussi de la nuée127,
ont rappelé à elles leurs rayons,
à l’image du soleil devenu ténèbre
le jour où ses128 clameurs exigèrent du roi un autre crime.
9- Comment, Seigneur, ferais-je taire ma cithare à ta louange ?
Et comment enseignerais-je l’ingratitude à ma langue ?
Ton amour a doté d’un regard libre mon visage honteux,
et ma volonté demeurerait ingrate ?
10- Et l’homme ne confesserait pas ta divinité ?
Et ceux d’en-haut129 ne se prosterneraient pas devant ton humanité ?
Ceux d’en-haut ont été stupéfaits, tant tu t’es abaissé,
comme ceux d’en-bas, tant tu as été exalté !

FIN.

124. Ex. 19, 14.


125. Ex. 32, 1; 19, 17s.
126. Gen. 39, 15.
127. Num. 14, 14.
128. de la Synagogue.
129. du ciel.

46
Sommaire

Nos Pères dans la Foi...____________________________________________________________________

La Perle
HYMNE 81 sur la Foi, 1ère sur la Perle______________________________________________________
HYMNE 82, 2ème sur la Perle______________________________________________________________
HYMNE 83, 3ème sur la Perle______________________________________________________________
HYMNE 84, 4ème sur la Perle______________________________________________________________
HYMNE 85, 5ème sur la Perle______________________________________________________________

L’Eucharistie
HYMNE 10______________________________________________________________________________

La Croix
HYMNE 18______________________________________________________________________________

La Trinité
HYMNE 73______________________________________________________________________________
HYMNE 74______________________________________________________________________________

La Pédagogie divine
HYMNE 31______________________________________________________________________________

Le festin de louange

47
HYMNE 14______________________________________________________________________________

48

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