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KOSEN

KUSEN
2022

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CAMP DE PRINTEMPS 2022...................................................................4
Komyo, la lumière.......................................................................... 5
Ejo, bodaishin................................................................................. 5
Ejo et sa mère................................................................................ 6
Extraterrestres............................................................................... 7
J’aide Sensei................................................................................... 7
Rentrer dans la chambre du maître............................................... 8
Trois types d’esprit......................................................................... 8
Ejo rencontre Maître Dogen......................................................... 10
Esprit d’éveil................................................................................. 11
CAMP D’ÉTÉ 2022....................................................................................15
Komyozo Zanmai.......................................................................... 15
Trois aspects de la conscience spirituelle..................................... 16
C’est un seul cheveu qui perce une multitude de trous ...............16
Citta, Hrdaya, Vrddha................................................................... 18
Si vous n’entretenez pas une pensée, celle-ci ne reviendra pas
d’elle-même................................................................................. 19
Notre nature est originellement ku.............................................. 20
Le Bouddha Nento....................................................................... 21
Luminosité................................................................................... 22
Une règle du dojo........................................................................ 23

2
Maha Vairocana........................................................................... 23
KUSEN DE MONTPELLIER...................................................................25
30 décembre 2021 – L’enracinement correct...............................25
22 janvier 2022 – la tonicité de la posture...................................25
29 janvier 2022 – Attitude du corps.............................................26
5 février 2022 – Les chaines du mental........................................ 27
12 février 2022 - S’ancrer sans rigidité.........................................27
13 février 2022 – Le vrai zazen pur............................................... 28
13 février 2022 – Toucher le cosmos entier- Poème 64 du Shin Jin
Mei............................................................................................... 29
MONDO............................................................................................ 30

26 février 2022 – Dynamique de la posture.................................31


19 mars 2022 – La posture est le plus important.........................31
30 avril 2022 – Maître Deshimaru et sa mission..........................32
7 mai 2022 – La posture des mains.............................................. 33
14 mai 2022 – Hishiryo................................................................. 33
18 juin 2022 – Zazen et la terre.................................................... 34
17 septembre 2022 – La grande assise........................................35
MONDO............................................................................................ 37

24 septembre 2022 – Le kusen.................................................... 38


17 octobre 2022 – Les points fondamentaux de la posture .........39
5 novembre 2022 – La pleine présence........................................39
19 novembre 2022 – La clé de kin-hin et la clé de zazen ..............39

3
26 novembre 2022 – L’éducation zen........................................... 40
4 décembre 2022 – Manifester l’esprit........................................41

S’il y a des erreurs de transcription, veuillez nous excuser

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CAMP DE PRINTEMPS 2022
Au Temple Yujo Nyusanji

Jeudi 26 mai 2022 - 11h


N’oubliez pas de bien basculer le bassin vers l’avant. C’est la base de
la posture, comme l’a enseigné Sensei. Basculer de façon à bien
étirer la colonne vertébrale. Etirez la nuque. Ce n'est pas une
posture assise, ni une posture debout. La forme des jambes en lotus
nous ouvre une posture humaine tout à fait spécifique où l'équilibre
se fait entre matériel et spirituel.

Jeudi 26 mai 2022 – 18h


Kin-hin
Le plus important dans kin-hin est de relâcher les épaules. Relâcher
les épaules, relâcher les tensions dans les bras, ça fait tout
descendre, et ça replace correctement la colonne vertébrale.

Komyo, la lumière
Il faut que j’apprivoise mon environnement.
En ce moment, il y a beaucoup d'informations. Mais ce n'est pas
facile d'accéder à l'information. Est-ce que c'est de la vraie
information? Est-ce que c'est de la fausse information? Est-ce que
ces informations sont erronées, justes ? Qu'est-ce qu'il faut croire ?
De quoi y a-t-il lieu de douter? Même le zen maintenant est inscrit
dans l'inconscient familial de chacun. Tout le monde peut donner
une définition plus ou moins vague de ce qu'est le zen ou la
méditation.
- Tu connais la méditation?
- Quel genre de méditation?
- Le bouddhisme. Le Bouddha.
- Le Bouddha était illuminé, parait-il.

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Qu'est-ce que l'illumination ? C'est vrai... on ne parle pas beaucoup
d'illumination dans le zen. Le successeur de Maître Dogen, qui
s'appelait Ejo, a écrit un seul ouvrage : Le Komyozo Zanmai.
Komyo signifie lumière. Zo signifie le lieu, l'entrepôt, l'endroit où l'on
cacherait un trésor. Et Zanmai signifie samadhi. Donc on pourrait
appeler son œuvre : l'espace secret où s'entrepose la lumière du
samadhi.
Quel est cet espace, cet entrepôt? Et qu'est-ce que c'est,
l'illumination? De quelle lumière parle-t-il?
En tous cas, Maître Ejo dit que, pour lui, c'est le sujet le plus
important du bouddhisme.
Alors comme un curieux, j'y suis allé voir. Et ce que je peux dire, c'est
que Maître Ejo était un type extraordinaire. Il était plus âgé que son
maître, et pourtant il l'a suivi toute sa vie, et il a continué sa mission
après sa mort.

Ejo, bodaishin
Vendredi 27 mai 2022-7h30
Donc Maître Ejo, fidèle disciple de Maître Dogen, écrit : « Le
Shobogenzo de mon maître Dogen, contient déjà un chapitre
traitant de cette lumière qu'il a nommé Komyo. Pour ma part j'écris
ce texte parce que je souhaite mettre ce sujet fondamental encore
plus en évidence, car la pratique de ce trésor lumineux, est à mon
avis l'essence de la voie du Bouddha. Même si cette lumière agit
sans être vue, elle n'en est pas moins active et radiante. »
Le nom de Ejo signifie : celui qui a un grand cœur. Bien sûr, c'était
son nom personnel. Son nom de famille était Fujiwara. Il était le
petit fils de Hidemichi et descendant en quatrième génération de la
cour impériale par l'ancien ministre de sa famille Fujiwara
Tadamichi. Dans sa dix-huitième année, donc, Ejo regagna le temple
Enryaku-ji, sur le mont Hiei, qui est un haut lieu de bouddhisme au
Japon. Et là il reçut l'ordination de moine et se fit raser la tête.

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Donc il avait pris la décision de prendre le chemin des moines. Il faut
dire qu'au Japon, la religion bouddhiste était complètement
imprégnée dans la société. Il y avait beaucoup de sectes différentes,
plus ou moins puissantes, et surtout, les jeunes moines qui
devenaient moines à cette époque-là s'adonnaient en particulier à
l'étude des textes dans le but de devenir des érudits. On considérait
que les sutras bouddhistes représentaient la science la plus sérieuse.
Suite à son ordination, il étudia les deux traditions scolastiques de
Kusha et de Jojitsu, associées respectivement aux traités de
l’Abidharma et de Satyasiddhi. Alors évidemment, tous ces sutras, je
ne les ai pas lus. Plus tard il étudia la grande continuité et la pleine
conscience, c'est à dire quelque chose qui se rapproche du zazen :
Makashikan, le traité sur la méditation, dont quelques aspects sont
similaires au zen, en apparence. Ils prennent la posture, ils s'assoient
sur un coussin. Il y a quelques différences : par exemple dans le
Tendai, ils visualisent des mandalas, il y a quelques variantes, il y en
a qui chantent des sutras, qui récitent un mantra.
C'est tout un milieu, le milieu monacal japonais, et encore
maintenant un petit peu. Tout le monde est bouddhiste. Et quand
on est maître d'un temple, on fait toutes les cérémonies pour les
morts et pour les malades, on reçoit beaucoup de fusés, et donc les
moines sont assez riches. Ils sont assez riches, donc ils participent à
l'élite, comme ça se passait en Europe. Les nobles d'épée, et les
nobles de robe. Donc ça créait une certaine ambiance : « C'est moi
qui ai le plus beau kesa, c'est moi qui suis le plus riche. » Et ça, Ejo le
voyait, et ne se sentait pas à l'aise. Pourtant il était d'une famille
noble et sa voie semblait toute tracée.
Il réalisa petit à petit que tous les aspects du bouddhisme qu'il
rencontrait ne lui apportaient pas satisfaction. C'était toujours une
approche philosophique, ésotérique, moraliste, beaucoup de
décorations. Il ressentit un très fort doute : « Je ne vais pas
continuer cela, ça ne m'intéresse pas, même si c'est le plus court
accès pour moi pour obtenir la renommée et le profit. » Cette prise

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de conscience déclencha en lui l'inspiration à l'illumination,
littéralement, l'esprit de Boddhi, en japonais Bodaishin. Ce
Bodaishin, cet esprit de Boddhi, s'est éveillé en lui. Bodaishin : Shin,
c'est l'esprit, et Boddhi, c'est la vérité, l'esprit authentique. Un appel
authentique à quelque chose de plus grand, à quelque chose de plus
vrai.

Ejo et sa mère
Vendredi 27 mai 2022-11h
Donc je continue l'histoire de Maître Ejo, le successeur de Maître
Dogen.
Tout en suivant néanmoins les souhaits de son professeur pendant
un certain temps, il s'appliqua à la poursuite continue de ses études.
Mais malgré tout, un jour, sans avoir prévu la chose, il se rendit chez
sa mère, qu'il n'avait pas visitée depuis quelques années.
Elle lui demanda de lui raconter sa vie, ce qu'il faisait. Et tout à coup,
elle se mit complètement en colère contre son fils, en disant : « Mon
intention de te laisser quitter la maison, c'était pour devenir moine.
Cela n'incluait pas que tu sois nommé à un rang élevé, ou que tu te
mêles à la noblesse. Ne poursuivre tes études que pour la gloire et
le gain va me faire porter la honte. Moi, ma seule pensée, mon seul
but, c'était que tu deviennes un vrai moine mendiant, comme ça se
fait traditionnellement au Japon, avec ta robe noire, ton chapeau de
pluie, voyageant ici et là à pieds de temple en temple. C'est ça que
j'avais rêvé pour toi, comme les vrais disciples de Bouddha. »
Quand Ejo entendit cela,… ça lui a fait très plaisir, en réalité, de se
faire engueuler : d’abord, il ne s'attendait pas à ce qu'elle eut un
esprit aussi profond et sincère, et ensuite, c'était ce que lui,
cherchait ; c’était ce qu'il avait vraiment envie de faire. Donc il suivit
les souhaits de sa mère immédiatement. Il changea ses robes, et
cessa de faire des pèlerinages au mont Hiei.
C'est une histoire très connue au Japon, l'histoire d'Ejo se faisant
gronder, vilipender par sa mère.

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C'est l'expression de Bodaishin : une vocation à suivre quelque
chose. Suivre cette vérité, cette connexion, cet amour. Parfois
Bodaishin frappe l'esprit.

Extraterrestres
Moi je me souviens très bien, quand j'avais 17 ans, j'étais à
Formentera, et tout d'un coup il y a eu une jeune fille hollandaise
qui est venue nous chercher dans un bar. Elle dit : « Venez, venez ! Il
y a des extraterrestres, il y a des extraterrestres. Venez, venez ! » On
se dit : « Elle est un peu folle ! »
Elle met sa lampe de poche dans sa bouche pour s'éclairer les joues.
Elle dit : « Je vous jure, il y a des extraterrestres, il y a des lumières. »
Finalement la curiosité l'emporte. On suit cette jeune fille avec
quatre ou cinq personnes, et on va sur la côte, la côte ouest de
Formentera, si je me souviens. Et effectivement, dans ma mer, au-
dessus de la mer, il y avait des sphères qui lançaient comme des
éclairs, mais des éclairs continus. Normalement on voit un éclair, et
on attend, on en voit un autre. Là c'était comme des éclairs presque
réguliers, en tous les cas, c'était quelque chose qu'on n'avait jamais
vu. Ils étaient sphériques, énormes, et au-dessus de la mer. Ils
n'étaient pas mouillés dans la mer. Et presque toute la nuit, pendant
trois heures, on les a suivis parce qu'ils avançaient un peu. Fascinés
par ce truc : « Qu'est-ce que ça peut être, qu'est-ce que ça peut-être
? » Et on voulait rester en leur compagnie. Finalement on s'est
fatigué. On s'est dit : « On rentre. »
On est rentrés se coucher, il devait être trois ou quatre heures du
matin. Le lendemain je me suis réveillé le premier dans la maison et
j'ai trouvé que tout était transparent, propre, comme si tout avait
été lavé. Et alors j'ai marché tout seul, je suis allé dans un champ de
stalagmites. Il y avait toujours cette clarté, cette transparence. Et je
me suis mis à prier, j'ai dit : « C'est ça que je cherche, c'est ça que je
veux : cette vérité, cette lumière, cette transparence, cette foi que
j'ai maintenant, ce bonheur. » Donc j'ai prié tout seul, et j'ai dit :

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« C'est ça que je veux suivre dans ma vie. » Et ça, c'est Bodaishin. La
grâce. J'avais appelé ça, je me souviens, la grâce. C'est très
important le mot grâce. Parce que la grâce, c'est quelque chose qui
arrive sans que vous le cherchiez, et qui évidemment vous donne
une grande foi, un grand amour.
Et donc c'est quelque chose qui existe beaucoup dans le zen, mais ça
existe de manière traditionnelle. Voilà, cet esprit-là de la grâce, ça
s'appelle : développer l'esprit de Bodaishin. Se jurer à soi-même :
« C'est ça que je veux faire, c'est là que je veux aller. »
Donc c'est là un chemin très important dans la connaissance et le
cheminement du bouddhisme. Par exemple, tous les samedis à
l'initiation, on enseigne la posture à des débutants. On leur montre
la posture, et parfois, il y en a qui disent : « Bon, merci, je reviendrai
peut-être », et il y en a qui ressortent avec le sourire aux lèvres et
qui disent : « Ah je veux bien m'inscrire au mois. » Directement ils
décident.

J’aide Sensei
Vendredi 27 mai 2022- 17h
Je vous dévoile un peu la suite. Maître Dogen dit : « Il faut établir
Bodaishin, l'esprit de vérité. » Je vous ai raconté une histoire où j'ai
eu par hasard la grâce, mais dans le zen, dans la tradition zen, c'est
une tradition plus que profonde, plus que belle : « Établir l'esprit
d'éveil. » Et en général, ça se passe avec un maître.
L'aspect formaliste de l'établissement de cet esprit d'éveil, c'est
rentrer dans la chambre du maître. Dans la cérémonie du shiho, il y
a une cérémonie qui consiste à rentrer dans la chambre du maître.
Le maître est assis en zazen, et le disciple se permet de rentrer dans
la chambre. Évidemment, la première chose qu'il fait, c'est sampai.
J'ai beaucoup de souvenirs qui se sont passés dans la chambre du
maître, de Maître Deshimaru. Quand le disciple est dans la chambre
du maître avec le maître, c'est quelque chose, c'est vraiment la
transmission du Zen.

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Alors j'ai beaucoup de souvenirs, dont un qui est plus marrant et qui
change un peu, où Sensei m'appelle dans sa chambre. C’était l'été,
trois heures de l'après-midi, il faisait très chaud, lourd.
Tout changeait dans la sangha. Sensei en avait marre de supporter
sa secrétaire, parce qu'elle voulait garder Sensei pour elle toute
seule. Elle empêchait les disciples de venir visiter le maître. Bref.
Sensei m'appelle dans sa chambre, moi le gringalet, comme Flaco. Il
me dit : « Stéphane, il faut que vous trouviez une solution. J'en peux
plus, je suis fatigué. » Il nous sert un verre de whisky. Il se sert un
verre de whisky à lui : « Je suis fatigué, avec Muriel ! » C'était sa
secrétaire. Il me demande de l'aider, moi. Je lui dis : « C'est simple.
Vous lui louez un petit studio au sixième étage. » (Sensei était au
premier) Et...ça a marché : c'est à dire que Muriel, qui était une
grande nonne, a décidé de ne pas déménager, mais de s'en aller.
Donc Sensei m'avait demandé de l'aider, et je l'ai aidé, moi qui
n'étais rien. Et c'est ce moment-là où t'es seul avec le maître, et où il
te parle à toi. Et il se montrait désespéré, bourré, fatigué, pas du
tout une image idéale d'un Bouddha.
Par la suite, la secrétaire, Muriel (On l'appelait le dragon parce
qu'elle faisait peur à tout le monde) fut secrétaire de Kalou
Rimpoché. Les pauvres, on l'a refilée aux tibétains.

Rentrer dans la chambre du maître


Mais j'en ai tellement, des images de rentrer dans la chambre !
La première fois que le suis rentré dans sa chambre, il avait préparé
l'ambiance : il avait éteint les lumières et s'était assis en zazen à son
bureau.
Donc j'étais tout débutant, et c’était la troisième fois que j'allais au
dojo. J'emmène mon ami, mon beau-frère de l'époque. Je lui avais
écrit une lettre : « J'ai rencontré un maître », et je lui avais fait un
dessin de Deshimaru improvisé. Je marque : « C'est pas
possible !!! » Je lui mets des expressions de Maître Deshimaru et
tout de suite il a pigé. Il a dit : « Ah! C’est ça, c'est ça, c'est ça. Je

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reviens tout de suite. » Donc il est revenu à Paris tout de suite. Alors
à l'époque, il était dealer, mais en fait il était charpentier. C'est un
très, très grand charpentier, c'est lui qui a construit avec mon
humble aide, entre autre, le dojo de la Gendronnière. C'est lui qui a
justement... (il faut que je recherche le mot...Comme j'ai des trous
de mémoire, le kusen ne peut pas être aussi...génial qu'il devrait
être.. Ça ne fait rien...) établi !
Et donc ce beau frère, il a établi le dojo de la Gendronnière, le dojo
de Maître Deshimaru, en Europe. En le construisant, il l'a établi :
quand on construit, on établit, à coups de marteau, quelque chose.
Donc il a un grand, grand mérite mon beau-frère.
Et donc on était ensemble. Il vient à Paris, on revient au zazen le soir.
On fait zazen, et après le zazen la secrétaire demande : « Qui a
apporté ces fleurs ? » Je dis : « C'est moi. » « Venez, Sensei veut
vous voir ! » Et elle dit ça d'un air autoritaire. Et là on entre tous les
deux et on se retrouve devant Sensei en zazen. C'était la première
fois que je le voyais. En zazen, le ne le voyais pas parce qu'il était
derrière. Il passait avec le kyosaku. Alors là on serrait les fesses.
Mais enfin je crois que vous avez mal aux jambes (rires) Et c'est ça,
c'est Bodaishin, la rencontre avec le maître, dans la chambre. Et
finalement on est sortis de là joyeux comme tout, sautant dans la
rue.

Trois types d’esprit


Samedi 28 mai 2022 – 7h30
J'ai donc parlé de Bodaishin. Shin, l'esprit, et Bodhi la vérité.
Néanmoins, on convient en général qu'il y a trois types d'esprit :
Le premier, Citta. Bodhicitta est appelé l’esprit pensant. Le
dictionnaire définit citta comme assister, observer, penser, réfléchir,
imaginer, intention, but, souhait, mémoire, intelligence, raison. Il est
ce qu'on appelle la pensée mentale, définie par le cerveau gauche.
Dans le zen, et dans les méthodes de sagesse diverses, on l'associe

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souvent à un jugement péjoratif, mais c'est simplement avoir une
vue étriquée des choses.
Le second type d'esprit est Hrdaya. Il est ici appelé esprit des
herbes, des arbres, de la nature, et des étoiles. Sensei l'appelait le
système cosmique. Il disait toujours : Il faut suivre le système
cosmique, l'ordre cosmique.
Le troisième type d'esprit se nomme Vrddha, il est appelé ici esprit
expérimenté et concentré. Quand on est accoutumé à avoir une
grande concentration sur son travail. Par exemple, restaurer des
calligraphies, ou restaurer des peintures, ça demande beaucoup,
beaucoup de concentration, et d'expérience. Et aussi certains
exercices de yoga font appel à la concentration.
Parmi ces trois types d'esprit dont j'ai parlé, Bodaishin est
inévitablement établi en s'appuyant sur l'esprit pensant, Citta.
Dogen chante dans le Fukanzazengi : « Assis en équilibre, semblable
à une montagne immobile, penser concrètement la non-pensée.
Mais comment l'état de non pensée peut-il être pensé? C'est
différent de penser. C'est le secret du zazen. Ce qu'on appelle le
zazen n'est pas apprendre la méditation zen. C'est juste la grande
porte paisible et sans effort vers la réalité. C'est la même pratique et
la même expérience qu'a réalisé le Bouddha quand il s'est éveillé. »
Alors l'univers est perçu non pollué, transparent, non souillé par les
restrictions et les obstacles. Ce dont je suis en train de vous parler,
c'est dans le Fukanzazengi de Maître Dogen. La traduction est très
bonne, d'ailleurs.
Je vous expliquerai pourquoi Citta, la pensée, l'intellect, est tout à
fait habilité à établir Bodaishin.
En fait, on peut comprendre quelque chose intuitivement. Par
exemple, on fait zazen tous les jours, il y a certaines choses qu'on
comprend intuitivement du zazen. Mais quand Maître Dogen définit
hishiryo avec ses mots précis, grâce à ces mots, qui sont de l’ordre
du mental, il peut établir ce dialogue comme une réalité éternelle. Il
la matérialise par les mots.

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C'est important, parce que maintenant, dans les dialogues zen et
tout ça, ils veulent tout le temps faire un truc ésotérique ; plus le
langage est compliqué, et plus ils sont contents.
Donc cette phrase est très importante dans le zen :
«  Assis en équilibre, semblable à une montagne immobile, penser
concrètement la non pensée.  »
C'est des choses qu'on peut faire inconsciemment, mais quand le
maître, Dogen, nous le précise par des mots, ça l'établit en nous :
« Penser concrètement la non pensée. »
Alors on se pose tous la même question : « Comment on fait ?
Qu'est-ce que cela veut dire ? »
Dogen, par compassion pose lui aussi la question : « Comment l'état
de la non pensée peut-il être pensé ? » Il met les points sur les i. Et
là, pour conclure il dit : « C'est différent de penser. Vous n'avez qu'à
en faire l'expérience vous-mêmes, mais vous verrez, c'est différent
de penser. » Et il dit : « C'est le secret du zazen ». Donc pour lui, c'est
le plus important.
À la fin, il explique que zazen, c'est naturel, ce n'est pas un exercice,
ni une mortification, ni une recherche de la vérité, ni pour gagner
des mérites, ni rien du tout. Ce n’est même pas apprendre la
méditation. C'est juste la grande porte paisible et sans effort vers la
réalité. Et pour préciser les choses, il finit par dire : « C'est la même
expérience que celle du Bouddha quand il s'est éveillé. »
J'étais gêné avec les traductions : « Penser à ne pas penser » Ce
n'est pas faux, mais ça ne libère pas.
« Penser concrètement la non pensée », je trouve ça beau. C’est une
traduction de Nishijima, qui était un disciple de Kodo Sawaki.
Ensuite il fut ministre. Et ensuite il est revenu au zazen et il a traduit
tout le Shobogenzo. Donc, c'est quelqu'un de grande valeur pour
nous qui pratiquons, qui continuons le zen japonais de Deshimaru.
Maître Kodo Sawaki était entouré de grands hommes. Il a réussi à
devenir à la mode à son époque, et il était entouré de beaucoup de

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jeunes, beaucoup d'artistes. Et des gens qui ont tous fait de grandes
choses à leur niveau, pour aider.

Cérémonie pour Hugues Naas

Ejo rencontre Maître Dogen


Samedi 28 mai 2022 – 11h
En 1227, Maître Dogen retourna au Japon à Kinin-ji, dans un petit
temple. Il venait de passer quelques années en Chine où il avait
rencontré tous les grands maîtres chinois, et finalement il avait
rencontré son maître Nyojo, qui lui convenait parfaitement. Et
Dogen le reconnut comme le plus grand maître, le plus authentique
maître qu'il avait rencontré. À cette époque au Japon, il avait déjà
acquis la réputation d'avoir apporté la transmission de la vraie Loi de
la Chine Sung, et de vouloir la partager en privé. C'est important ces
mots, parce que dans la transmission de Bodaishin, ça se fait en
privé.
Donc Ejo entendit cela, et il pensa en lui-même :
« Bien que je ne sois pas ignorant de l'approche Tendai des trois
formes de tranquillité et des trois types de concentration, bien que
je pense avoir saisi les pratiques essentielles de la porte unique de la
terre pure (en fait il fait l'énoncé de toutes les grandes sectes
religieuses bouddhistes qui existaient à l'époque sur la terre
japonaise), je me suis entraîné et j'ai saisi la signification de voir
dans sa propre nature, et par là même de devenir Bouddha. Après
tout, qu'est-ce que ce Dogen, lui, a apporté de Chine ? En quoi est-il
meilleur que moi? »
Il décida donc qu'il fallait aller lui rendre visite, avec derrière la tête
l'intention cachée de le tester. Quand Ejo, pour la première fois,
rencontra Maître Dogen, il lui posa plus précisément cette question :
- Qu'est-ce que vous avez trouvé et rapporté de Chine, s'il vous plaît,
Maître ?
Dogen lui répondit :

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- Je suis revenu les mains vides, ayant seulement étudié avec mon
maître Nyojo, et en ayant pleinement réalisé que les yeux sont
horizontaux, et le nez vertical. Je reviens chez moi les mains vides.
Matin après matin le soleil se lève à l'est, nuit après nuit, la lune
s'enfonce à l'ouest ; les nuages apparaissent, et les montagnes
manifestent leur réalité ; parfois la pluie cesse de tomber et les
quatre montagnes s'aplanissent.
Les quatre montagnes, c'est la naissance, la vieillesse, la maladie et
la mort. Elles s'aplanissent, c'est à dire qu'elles sont moins
agressives.
Voilà les mots dits par Dogen sur son voyage en Chine. Finalement
Ejo a demandé la permission de rester, et Dogen lui dit :
- Bienvenue ! Nous pourrons discuter ensemble, si ça vous intéresse.
Je vous laisserai l'occasion de rentrer dans mes appartements.
Ça veut dire : rentrer dans la chambre du maître.
Au cours des premiers jours de leur conversation, ils ont parlé de la
sagesse mystérieuse et ineffable de voir dans sa propre nature,
d'une manière similaire, du moins apparemment, à ce que Ejo avait
réalisé. À ce moment-là, Ejo était ravi, pensant que ce qu'il avait
trouvé et pratiqué était tout juste, puisque rien, jusqu'alors ne
contredisait sa compréhension. Donc son respect et son admiration
pour Dogen ne faisaient que grandir.
Cependant, après plusieurs jours, Dogen surprit Ejo en révélant,
dans une situation donnée, une interprétation nettement différente
de celle d'Ejo. Ejo était sur le point de contester, et même de se
disputer avec Dogen. Il commença à élever la voix. C'est normal,
depuis son enfance, il avait étudié, étudié, étudié, il n'avait que des
certitudes. Mais tout à coup, Ejo prit conscience que Maître Dogen
exposait un point de vue des choses qui pour lui était complètement
nouveau. Maître Dogen avait une compréhension complètement
différente qui allait au-delà de l'étude. Bien que lui-même
extrêmement cultivé depuis son enfance, tout comme Ejo (il avait lu
tous les sutras, étudié tous les textes), malgré tout, son

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enseignement et sa compréhension allaient au-delà de l'étude, au-
delà des limitations du moine Ejo. On peut comprendre
qu'abandonner ses certitudes acquises par tant d'efforts, fut un
moment difficile.
Ça me rappelle une histoire. Moi dans ma vie, je ne me suis jamais
trompé. Sauf une fois : je croyais que j'avais tort alors que j'avais
raison (rires).
Cette relation entre Dogen et son disciple Ejo est complètement une
relation traditionnelle, elle fait partie de l'expérience de partage de
sa pratique avec un maître authentique. Alors heureusement, Ejo
était intelligent et délicat. Il se dit : « Je suis certain d'avoir raison,
mais en même temps, si j'ai raison et que je rejette ce maître, je ne
l'aurai plus. Je préfère avoir tort, même si je pense que j'ai raison, et
pouvoir continuer à suivre ce maître, car en profondeur, dans mon
cœur, je sens que j'ai confiance en lui. Alors en se forçant un peu,
comme je l'ai expliqué, il se prosterna humblement devant Maître
Dogen, lui signifiant que Maître Dogen avait raison. Cet acte allait
rendre encore plus grande, dans le futur, la détermination d'Ejo à
suivre et à comprendre Maître Dogen comme son seul et véritable
maître, cet acte d'abandon de l'ego. C'est très important la
signification du sampai.
Donc pourquoi s'était-il prosterné au lieu de combattre et de
défendre sa connaissance qu'il avait si cher payé? Au moment-
même où il se releva pour sa troisième prosternation, il comprit tout
à coup la profondeur et la dimension supérieure à la sienne de
Maître Dogen. Parce qu'il avait fait l'effort de céder à la
compréhension de Dogen, celui-ci devint vraiment son mentor, et
Dogen lui dit :
« Ma mission est de transmettre l'enseignement de ma lignée
monastique, qui va du Bouddha jusqu'à Maître Nyojo, et j'essaierai
moi-même de la propager au Japon, telles sont mes intentions.
Donc, bien que je puisse rester dans ce temple où nous sommes
maintenant, j'ai pensé choisir un autre endroit où résider. Alors si je

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trouve un endroit et que j'y installe un petit ermitage, vous devriez
venir me rendre visite. Il n'est pas conseillé que vous vous occupiez
de moi pour l'instant et ici. »
Ejo suivit alors les instructions de Dogen, et attendit son heure.
Voilà comment se sont rencontrés Maître Ejo et Maître Dogen.
Donc par la suite, ils se rejoignirent et ils ont construit le temple
d’Eihei-ji. Ejo, comme secrétaire, protégea Maître Dogen jusqu'à sa
mort. Il restait toujours dans son ombre, et quand Maître Dogen est
mort, Ejo prit la succession. Il continua les mêmes cérémonies pour
son maître tous les matins, et il a mis en forme tous les écrits du
Shobogenzo de Maître Dogen, ce qui veut dire que dans le
Shobogenzo, c'est la fusion entre les deux esprits, du maître et du
disciple qui ont écrit ce recueil.
Et quand Maître Ejo eut terminé tout ce travail, il sélectionna un
chapitre comme étant le sien propre, c’est le Komyozo Zanmai, qu'il
s'est permis d'écrire en toute humilité.

Samedi 28 mai 2022 – 17h


Kin-hin
Pressez bien le sol avec la racine du gros orteil. Ce qu'on appelle la
racine du gros orteil, c'est la partie charnue du gros orteil, la racine.
Donc, à chaque pas vous expirez et pendant l'expiration, le poids du
corps doit passer de la jambe arrière à la jambe avant et également
le pied doit se dérouler du talon jusqu'à la racine du gros orteil. Tout
ça, c'est assez lent et quasiment imperceptible.

Esprit d’éveil
Bodhi, c'est le son d'un mot indien qui veut dire Vérité. Citta, c'est
également le son d'un nom indien qu'on pourrait traduire par Esprit
pensant. Sans cet esprit pensant, il serait impossible d'établir ce
qu'on appelle l'esprit d'éveil, Bodaishin en japonais.
Malgré tout, apprendre avec l'esprit, c'est ne pas oublier
d'apprendre en s'ouvrant à toutes les formes d'esprit, les trois

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autres formes d'esprit dont j'ai parlé précédemment. On doit
toujours rester ouvert à l'esprit de la nature, pas seulement dans la
campagne. Nous les citadins, on manque d'expérience dans la
campagne. Si on avait eu plus d'expérience, on aurait réfléchi au fait
que les chevaux, ça amène les mouches. Et les mouches, c'est
l'anti...le contraire du zazen. Heureusement il y a du vent, on est
protégé. Rester ouvert à l'esprit de la concentration et de l'attention.
La concentration, c'est au-delà des réflexions, ça transcende l'esprit
pensant.
Et ensuite il y a élaborer. C'est important d'élaborer, élaborer une
synthèse. C'est ce qu'ils cherchent à faire avec le vaccin depuis je ne
sais pas combien d'années. Mais maintenant de plus en plus, et il
faut espérer que cela durera, on doit montrer les conclusions, on
doit étudier les choses à fond et montrer les conclusions, et réfléchir
à partir des conclusions. C'est ce qu'ils appellent les trois esprits.
C'est vrai, pas seulement l'esprit calculateur et intellectuel, parce
qu'on devient compliqué, pas seulement la concentration, parce
qu'on devient fou. De plus, établir l'esprit d'éveil par une
communication, voire une communion sympathique de la vérité.
Donc il y a la nécessité d'une communion d'amour avec la vérité, qui
peut se matérialiser et passer aussi par la relation avec le maître,
mais pas forcément. En tous les cas, dans les échanges historiques
du zen, il y a une ouverture du cœur face au maître, et venant du
maître. C'est là que nous nous réfugions, dans la grande vérité des
patriarches bouddhistes, et apprenons les actions concrètes qui sont
l'établissement de cet esprit d'éveil.
Autrement dit, c'est codifié. Quand on fait un acte parfait, et qu'il ne
manque rien, il y a les trois esprits, il y a l'amour, il y a l'ouverture du
cœur, à ce moment-là ça peut servir d'exemple, ça devient une
action concrète qui peut être codifiée. C’est pour ça qu'on parle de
rentrer dans la chambre du maître. C'est symbolique, c'est un code,
c'est une initiation. C'est le contraire d'une cérémonie satanique.

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Quand on parle de rentrer dans la chambre du maître, on fait
référence à Eka qui est rentré dans la grotte de Bodhidharma. Il lui
dit : « Je veux devenir votre disciple, Maître. »
Bodhidharma ne bouge pas. Il est assis en zazen. C'est pour ça que
dans la cérémonie du Shiho, dans les cérémonies traditionnelles, on
rentre : le Maître doit être assis en zazen immobile, comme
Bodhidharma. Et le disciple lui dit : « S'il vous plaît, Maître, je vous
supplie, transmettez-moi le Dharma si précieux. » Et le maître ne
répond pas, il est assis en zazen.
Toute la nuit Eka attend dans la neige, et finalement il prend son
sabre. C’était un guerrier, Eka. Il avait un mauvais karma parce qu'il
avait tué beaucoup de monde. À un moment donné, Eka prend son
sabre et il se coupe le bras et il dit : « Regardez ma détermination,
Maître. » À ce moment-là seulement Bodhidharma a jeté un coup
d'œil, sur le côté, il a dit « Hummm. ». Donc ça, c'est le top de
rentrer dans la chambre du maître.
Même, Eno, tous les grands maîtres.... Eno aussi, le sixième
patriarche, est entré dans la chambre du maître, en secret, à minuit.
Le maître lui a fait signe avec un bout de bois, dans la cuisine, il a
tapé sur la planche en bois pour couper les légumes : "Boum, boum,
boum" Eno a compté douze. À minuit, il est allé le voir, et le maître
lui a transmis le Dharma et lui a donné son kesa. Il lui a donné son
kesa et lui a dit : « Pars vite parce que les autres disciples vont
essayer de te tuer. Parce qu’ils n'aiment pas les étrangers, ils
n’aiment pas les noirs. Et puis ils sont tous ambitieux, ils veulent
aller dans la chambre du maître. »
Également Dogen en rentrant dans la chambre de Nyojo.
Donc il explique (je ne sais même plus qui explique, si c'est Dogen,
Keizan ou Ejo). Il explique :
« Même si le véritable esprit de Bodhi n'a pas encore surgi en nous,
nous devrions imiter, c'est à dire faire le rituel et nous inspirer des
méthodes des patriarches d'antan qui ont établi l'esprit d'éveil avant
nous. » Il faut faire le rituel, et déjà c'est très efficace.

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Cet établissement de l'esprit d'éveil, c'est l'esprit nu, d'instant en
instant : Datsuraku Shinjin. Une nuit, il y avait zazen dans le dojo
avec Maître Nyojo et son disciple. Une sesshin, il était tard, le zazen
était silencieux et les disciples commençaient à piquer du nez, à
dormir. Tout d'un coup, dans le dojo silencieux, à moitié endormi,
une voix tonitruante s'écria : « SHINJIN DATSU RAKU! »
Nyojo criait : « REJETEZ LE CORPS ET L'ESPRIT! » Tout d'un coup il se
lève, il fait tomber par terre le le moine qui était assis à côté de
Dogen. Il lui donne des coups de chausson sur la tête, en le faisant
tomber de son siège. Dogen fut comme foudroyé. Il sentit la sueur
sortir par tous les pores de sa peau, il avait l'impression de sortir de
son corps. Il eut une expérience très forte. Aussi, après zazen, il
rendit visite à son maître, dans sa chambre. Et Dogen dit à Maître
Nyojo :
« Je crois avoir fait l'expérience de Shinjin Datsuraku, Maître. J'ai eu
une bouffée de chaleur, j'ai cru quitter mon corps. En fait, je suis
vraiment sorti de mon corps. Maître, j'ai abandonné le corps et
l’esprit, comme vous l'avez enseigné dans le dojo. »
Nyojo lui répondit :
« Datsuraku Shinjin » : d'instant en instant, tu dois abandonner le
corps et l'esprit.
C'est l'esprit des Bouddhas éternels, c'est l'esprit normal, c'est le
triple monde en tant qu'esprit unique.
Ça c'est l'explication de Datsuraku Shinjin, en tant qu'esprit unique.
Là encore, ces trois esprits sont réunis.
Par exemple en zazen, on peut regarder à l'extérieur une tâche sur le
mur;
on peut regarder à l'intérieur, complètement le regard à l'intérieur ;
et on peut regarder les deux à la fois.
C'est le triple monde en tant qu'esprit unique, d'instant en instant.

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23
CAMP D’ÉTÉ 2022

Lundi 8 août 2022 – 7h30


Kin-Hin
La dernière phalange du pouce gauche à l’intérieur du poing gauche.
La racine du pouce gauche, dans le petit creux juste sous le sternum.
C’est le point par lequel on doit centrer et équilibrer tout son corps.
Si vos mains sont au niveau du plexus solaire ou des intestins, ce
n’est pas juste. Ensuite, gardez les avant-bras horizontaux, sans
tension, et relâchez les épaules. Normalement, le buste devrait
s’ajuster. Les paumes des mains parallèles au sol.

Komyozo Zanmai
Pendant cette session, je vais continuer le Komyozo Zanmai de
Maître Ejo. Maître Ejo était le successeur dans le Dharma de Maître
Dogen. Il était plus âgé que Maître Dogen, il était extrêmement
érudit, connaissait tous les sutras par cœur, et il était difficile à
enseigner, parce que trop de connaissances. J’ai raconté pendant la
sesshin précédente leur relation entre maître et disciple, et même
leurs engueulades, et pour finir Maître Ejo s’est prosterné devant
Maître Dogen. Donc je vais repartir sur ma lancée, et tout ce qui
tourne autour de Maître Ejo.
Alors il y a Maître Keizan, qui va devenir le troisième successeur au
Japon et qui nous renseigne un peu sur Maître Ejo. Maître Keizan est
un des plus grands maîtres japonais, tous les matins on récite son
nom dans l’Eko : Keizan Jokin Dai Osho. Il était extrêmement
intelligent et très créatif. A la mort de Maître Dogen, le vrai zen de
Maître Dogen était peu connu, par contre Maître Keizan, qui a
construit le temple de Soji-ji au Japon, répandit le zen largement
dans tout le Japon. Donc pour l’instant c’est Ejo qui parle. Dans ce
kusen tout le monde parle, des fois des gens coupent la parole, mais
l’important c’est la Voie du Bouddha, c’est le Dharma. Donc Maître
Ejo écrit (il a écrit ce texte après la mort de Dogen):

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« Le Shobogenzo de mon maître Dogen contient déjà un chapitre
traitant de cette lumière qu’il a nommée Komyo. Pour ma part,
j’écris ce texte à ma manière, parce que je souhaite mettre ce sujet
fondamental encore plus en évidence, car je ressens un profond
respect, du tréfonds de ma compassion, pour vous qui continuez la
pratique de zazen dans l’état d’esprit que je vais vous décrire et vous
expliquer. La pratique de ce trésor lumineux est à mon avis l’essence
de la Voie du Bouddha, car même si cette lumière agit sans être vue,
elle n’en demeure pas moins active et radiante. »
Komyo signifie lumière. On parle souvent de l’illumination, c’est bien
de cette illumination dont il s’agit.
Zo signifie le lieu, l’entrepôt, l’endroit où on cacherait un trésor.
Zanmai signifie samadhi. Samadhi, c’est quand on oublie son ego et
qu’on s’aperçoit qu’on est un avec tout le monde. Par exemple
quand on danse, on a le samadhi de la danse. C’est comme l’Hokyo
Zanmai, le miroir du Samadhi.
Donc on pourrait traduire ce titre par : le samadhi du grenier de la
grande sagesse.
On dit lumière parce qu’on ne connaît pas d’autre nom pour décrire
cette clarté, cette compréhension, cette nature. Quel est cet espace
secret ? Quelle est cette lumière ? Le samadhi de notre zazen
illumine jusqu’à notre génome. On peut changer sa génétique
jusque dans le zazen. Mais en fait, il éclaire encore bien plus car il
n’y a pas un espace, il n’y a pas un objet qui ne soit connecté,
illuminé par ce samadhi. Voilà de quelle lumière on parle : la lumière
de la vie.
« Le point important, dit Ejo, est le fait que la pratique d’un seul
Bouddha en zazen (c’est-à-dire la pratique de chacun de vous
autres), fait pratiquer non seulement toutes les cellules de son être,
mais également toutes les cellules des êtres, sans limite. C’est un fait
certain et cela est tout à fait clair pour les pratiquants de longue
date qui ont eu le privilège de pouvoir rentrer dans la chambre du
maître. »

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Tout ça, j’ai déjà commenté à la dernière sesshin : entrer dans la
chambre du maître, Bodaishin. Il y a tellement à dire sur ce sujet, sur
ces trois hommes.
Maître Ejo a une telle érudition, qu’il va vous dire : dans tel sutra, il y
a quatre lignes qui disent telle chose, et c’est super important. Par
exemple, Ejo dit que dans le Maha Vairocana Sutra, il y a un
chapitre sur les dharanis dans lequel il est écrit que le Généreux
explique au Vajrasattva :

Trois aspects de la conscience spirituelle


il y a trois aspects à la conscience spirituelle :
- le premier est la racine, c’est l’aspiration à l’éveil, c’est la base,
Bodaishin. J’ai fait toute la sesshin sur ce sujet au printemps, je ne
vais pas répéter. Bodaishin, c’est l’esprit de la Voie, c’est le jour où
on dit : maintenant quoi qu’il arrive, je vais faire zazen tous les jours.
Quand on a vraiment la foi dans quelque chose, dans une pratique,
ça s’appelle l’esprit de la Voie, Bodaishin.
- le deuxième point, c’est la grande compassion, c’est le cœur. Si on
ne pratique pas avec le cœur, ce n’est pas différent que d’être dans
l’illusion du social. Les disciples entre eux doivent se compléter, on
doit accepter les avis des autres avec amour et intérêt. Vouloir
toujours discuter, se disputer sur des petits détails, ça veut dire que
la grande compassion n’est pas née. La grande compassion c’est le
cœur, c’est se pardonner à soi-même. On est porteur d’une telle
culpabilité, à cause d’une éducation erronée depuis tellement de
siècles, aussi bien religieuse que politique ! Quand on marche
ensemble en ouvrant son cœur, on a un pouvoir extraordinaire.
- le troisième, finalement, c’est l’habilité, la compétence. Quand on a
pratiqué quelques années le zazen, petit à petit, on obtient l’habilité
et la compétence. Ça signifie obtenir le fruit de notre pratique. On
dit que le fruit, c’est zazen, le fruit de notre pratique, c’est zazen lui-
même.

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Bien sûr, on parle du zazen authentique : « Sans saisir quoi que ce
soit, sans avoir aucun but, sans être influencé par notre intelligence
personnelle, sans montrer de suffisance par rapport à l’expérience
que l’on a acquise, que ce soit dans le dojo ou dans la vie
quotidienne. Et avec toute l’énergie de notre corps et de notre esprit,
se précipiter dans Komyo, sans même se retourner en arrière pour
regarder le temps. »
C’est le style de Ejo, le grand disciple de Dogen. C’est lui qui a tout
construit, tout organisé au grand temple de Eihei-ji, sous la direction
de Maître Dogen. C’est un grand moine humble, silencieux, qui
pratiquait en se regardant lui-même.

Lundi 8 août 2022 – 20h30


(Après un fou rire)
Si vous n’entretenez pas une pensée, elle ne reviendra pas toute
seule. Des fois on a des pensées de joie, de tristesse, c’est difficile,
mais si on n’entretient pas, la pensée disparaît totalement.

C’est un seul cheveu qui perce une multitude de


trous
Mardi 9 août 2022 -7h30
Je continue le Komyozo Zanmai, l’histoire de Maître Ejo, disciple de
Dogen, premier successeur japonais, racontée par Keizan, Keizan
jokin dai osho. Keizan est le deuxième plus grand maître après
Dogen, c’est grâce à lui que s’est répandu en grand nombre le zen au
Japon.
Ejo donc, était le disciple de Maître Dogen. Un jour, alors que son
maître donnait son enseignement, Ejo entendit Dogen utiliser
l’expression : « C’est un seul cheveu qui perce une multitude de
trous. » Quand on se rase le crâne, pour ceux qui ont l’expérience de
se raser le crâne, quand on est bien rasé de près, alors les poils
disparaissent sous la peau, et quand on touche sa tête on a

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l’impression de toucher des fesses. C’est tout de suite à ça que ça
m’a fait penser. Alors quel est le premier cheveu qui sort ?
Le symbole de se raser le crâne, dans le zen, est très important et
très efficace, on dit que ça coupe la racine du karma, la racine de
l’ego, une tête toute ronde, toute nue.
En entendant les mots de Dogen : un seul cheveu perce une
multitude de trous, Ejo fut complètement éveillé, complètement
secoué par cette phrase, parce qu’il avait déjà pensé au problème,
mais dans un autre chemin. Alors cette nuit-là, après avoir fait
sampai devant la chambre de son maître, et avoir eu la permission
d’entrer, il fit sampai à nouveau dans la chambre.

Dans la dernière sesshin de printemps, j’ai beaucoup parlé du fait


d’entrer dans la chambre du maître. C’est quelque chose de
symbolique, d’important. De tous les moments vraiment importants
entre le maître et le disciple, celui où il a la permission de rentrer
dans la chambre du maître, évidemment de se prosterner et faire
sampai, c’est le plus important.
On a gardé cette tradition dans la transmission du Dharma, dans le
shiho. La grande cérémonie du shiho commence ainsi : le disciple est
invité à aller se prosterner dans la chambre du maître. Dans la
cérémonie du shiho, le maître est assis en zazen, il ne bouge pas, le
disciple frappe, le maître répond : « Rraaahh ! », et le disciple se
prosterne, je ne me rappelle plus, sept fois au moins, et tout se fait
en silence, ça se passe de commentaires.
Et donc j’ai parlé beaucoup de ce thème dans la dernière sesshin.
C’est l’exemple de Bodhidharma dans sa grotte et Eka qui rentre.
Bodhidharma ne bouge pas, il ne dit même pas bonjour. Et le
disciple Eka demande : « C’est une question de vie ou de mort, je
souffre, je n’en peux plus, Maître, donnez-moi la solution ! »
Bodhidharma ne bouge pas. Alors Eka sort de la grotte, il se trouve
sur le point de revenir chez lui sans avoir pu communiquer avec
Bodhidharma. Il ne sait pas pourquoi, mais il a une confiance qu’il

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n’a jamais eu, avec Bodhidharma. Finalement il sort son sabre, le
tenant de la main droite, il se coupe le bras gauche. Il se présente
devant Maître Bodhidharma, qui fait « MmMm ». Donc c’est ça, le
symbole de rentrer dans la chambre du maître.
Maître Dogen avait été invité spécialement par Maître Nyojo. Il lui
avait dit : « Jeune japonais, je vois à travers vous la sincérité, le
bodaishin. J’ai confiance en vous, je pense que vous êtes un vrai
disciple. Quand vous voulez, à n’importe quelle heure du jour ou de
la nuit, vous pouvez venir dans mes appartements et me poser une
question importante, si vous en avez une. » Et donc, Maître Dogen a
été souvent dans la chambre de Nyojo.
Moi aussi, j’ai raconté quelques histoires de fois où je suis entré
dans la chambre du maître, de Maître Deshimaru. Souvent il vous
regardait en silence, et il sortait deux verres, et on buvait un whisky.
Le whisky est très bon pour délier les langues.

Donc cette nuit-là, après avoir fait sampai devant son maître, dans la
chambre du maître, Ejo lui posa une question :
- À part ce cheveu unique, qu’est-ce que la multitude de trous ?
Dogen sourit et lui répond :
- C’est complètement percé.
Ejo s’inclina respectueusement et sortit de la chambre.
C’est comme dans les mondos, c’est un mondo. Maître Kodo Sawaki
dit : « Zazen, c’est seulement soi-même, c’est seulement moi-
même. » C’est cela, un seul cheveu, l’unité intégrale, devenir un
avec soi-même, pas toujours être en conflit, en problème avec
d’autres personnes. Qui sont les autres ? Quel rapport avec moi ?
Pourquoi je ne suis pas né tout seul ? Devenir un avec soi-même.
« Voilà pourquoi j’affirme, dit Sawaki, que cette pratique de zazen
est dépourvue de but. On se contente de s’assoir et une fois assis,
nous ne faisons qu’un avec l’univers. Alors, à partir de ce moment-là,
chaque chose, chaque personne que je croise dans ce temple doré

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sont un reflet de mon être véritable. » Les autres sont un reflet de
notre soi véritable, de notre être véritable. C’est ça, l’unique cheveu.
Quant à l’esprit de l’unique cheveu qui perce une multitude de
trous, Ejo avait donc déjà demandé une fois à Dogen :
- À part l’unique cheveu, qu’est-ce que la multitude de trous, s’il
vous plaît ?
C’est ce que je vous ai dit à l’instant : un reflet de notre être
véritable.
Keizan commente : « Pas le moindre cheveu ne peut se dresser sur
une tête chauve. Pas le moindre cheveu ne peut germer, pas la
moindre graine ne peut pousser, voilà pourquoi les anciens disaient :
la sphère absolue ne supporte pas un seul grain de poussière. Pas la
moindre parcelle de quoi que ce soit ne germe dans tout le ciel
clair. »
Quand Ejo fut capable d’intégrer cela, c’est-à-dire de voir les autres
en lui-même, de ne pas faire de différences, …. parce que l’existence
est unique, c’est ça qu’il faut comprendre. Il n’y a pas besoin de se
ressembler, pas besoin de s’aimer, pas besoin de se draguer, de se
détester, de se jalouser, de faire des conflits pour rien, pas
nécessaire d’être contre, il faut chercher l’existence universelle.
Nous avons la même origine universelle, c’est ça qu’il faut
comprendre, donc on est tous frères, on ne devrait jamais se faire la
guerre. Se faire la guerre, c’est comme si on se tirait une balle dans
le pied. Nous sommes tous des reflets les uns des autres.
Donc quand Ejo fut capable d’intégrer cela, Dogen lui donna la
confirmation en ces termes :
« Tu es en effet, je n’en doute pas, complètement percé » Et il éclata
de rire.
Tu serais pas un peu percé, par hasard ? (rires)
Ejo se prosterna.
Keizan continue : « Les centaines de milliers de principes subtils et
les innombrables portes du Dharma sont totalement pénétrés par
un seul cheveu. Ne vous trompez pas, pas une seule particule ne

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vient de l’extérieur. Donc il n’est pas confiné dans une des dix
directions, ni dans l’un des trois mondes, ni nulle part, il est en
même temps roi du ciel et de la terre, il est libre et résonne dans la
clarté cristalline du cosmos. Et il brille dans la brillance elle-même. »
C’est marrant, parce que Keizan parle de la lumière. J’ai parlé de la
lumière blanche, mais ce n’est pas la même notion de lumière que
quand on allume sa lampe de chevet.
« Dire de cela qu’il est brillant signifie simplement qu’il est
totalement clair, totalement dévoilé, totalement illuminé. Il n’est pas
nécessaire de dire qu’il n’a pas d’intérieur ni d’extérieur, pas
nécessaire de dire qu’il s’étend du passé et qu’il atteint le présent,
par conséquent ne le dites pas. Ne dites pas non plus qu’un seul
cheveu perce une multitude de trous, car il n’y a rien à percer
complètement. »
C’est Keizan qui donne un enseignement sur Maître Ejo.

17h Zazen sous les hêtres.

Citta, Hrdaya, Vrddha


Jeudi 11 août 2022 – 7h30
Je continue l’enseignement de Maître Ejo dans le Komyozo Zanmai.
On convient donc, en général, qu’il y a trois aspects de la conscience
spirituelle :
- Le premier, Citta, c’est tout ce qui est appelé l’esprit pensant. Le
dictionnaire définit Citta comme assister, observer, penser, réfléchir,
imaginer, intention, but, souhait, mémoire, intelligence, raison. Il est
ce qu’on appellerait la pensée mentale consciente. Dans le zen et
dans les méthodes de sagesse diverses, on lui associe souvent un
jugement péjoratif, comme l’histoire du clochard qui a un diamant
dans sa poche, mais il croit que ce n’est qu’une pierre sans valeur.
Selon l’enseignement du Bouddha, Citta n’est pas sans valeur, parce
qu’il permet d’établir, rendre conscient, rendre concret, prendre des

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décisions, s’engager sur un chemin spécifique. C’est également grâce
à Citta que naît le libre-arbitre.
- Le second aspect de la conscience spirituelle est Hrdaya. C’est très
difficile à prononcer. C’est l’esprit de la nature, comme nous hier
soir, les pieds dans l’eau. C’est important l’échange entre l’esprit de
la nature et nous. On ne pense jamais à la vie des animaux qui
vivent dans le peu d’espace sauvage qui reste, la vie des renards, des
sangliers, des hérissons, ils sont toujours stressés, ils attendent la
mort, chaque jour il y a un nouveau carré de béton en plus et un
espace sauvage en moins. Donc c’est très, très précieux pour nous,
l’esprit de la nature.
Et en même temps, l’être humain réfléchit, étudie, et progresse dans
sa compréhension de la nature.
Hrdaya est appelé esprit de l’herbe, des arbres, de la nature, des
étoiles. Sensei l’appelait le système cosmique, ou l’ordre cosmique.
Toujours il nous disait : « Il faut suivre l’ordre cosmique. » Il disait
que même si on n’est pas dans la nature, on peut suivre l’ordre
cosmique, car notre esprit n’appartient ni à la terre, ni au ciel, il est
libre de la terre et libre du ciel.
- Le troisième aspect de la conscience spirituelle se nomme Vrddha,
il est appelé l’esprit expérimenté et concentré. C’est avoir
l’expérience du zazen. Quand on a pratiqué pendant 5 ans, 10 ans,
on développe une conscience spirituelle spécifique à la posture du
Bouddha, et on développe une expérience du zazen.
En fait ces trois aspects de l’esprit sont autant d’aspects du zazen,
aussi précieux les uns que les autres, et qui s’expriment ensemble,
aussi bien dans la vie quotidienne que dans le dojo.

Ejo continue : « Ne cherchez pas le satori, ne cherchez pas un état


spécial avec le zazen, mais n’écoutez pas non plus mayoi, les
phénomènes illusoires. Ne haïssez pas les pensées qui surgiraient,
mais ne les aimez pas non plus. De toute façon, vous devez pratiquer

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la grande assise maintenant et ne jamais oublier que si vous
n’entretenez pas une pensée, celle-ci ne reviendra pas d’elle-même. »
Je répète des choses dites à la sesshin de printemps. Mais Sensei
répétait beaucoup. Quand j’étais plus jeune, j’aimais bien trouver
des pensées nouvelles. En fait, la répétition de certaines phrases est
très importante. Par exemple Sensei répétait tout le temps : « You
must follow cosmic order. »

Ce matin, on va dédier la cérémonie aux feux de forêt. Il y a


beaucoup de feux en Europe en ce moment. Le climat est
complètement anormalement sec, et la plupart des feux sont
criminels, 80% sont allumés intentionnellement, par quelqu’un de
pyromane, il y avait même une fois un pompier, ou alors des
jalousies de terrain, pour pouvoir construire. Espérons qu’une
cérémonie apporte une goutte d’eau.

SESSHIN
Samedi 13 août 2022 – 11h
Ejo parle de trois types d’esprit.
- Citta, la pensée, le choix, la réflexion, l’élaboration d’un plan pour
arriver à un but. Je dis que c’est un aspect très important.
- le deuxième, c’est l’esprit de la nature. Se fondre avec la nature,
respirer la nature, naturellement, inconsciemment,
automatiquement.
Alors Ejo dit :
« Attention,
parfois il y a apprentissage de la vérité en rejetant ces trois types
d’esprit,
parfois il y a apprentissage de la vérité en les adoptant
dans de tels cas, la vérité peut s’apprendre en pensant ou la vérité
peut s’apprendre en ne pensant pas.

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Mais attention encore, cela ne veut pas dire que cet esprit pensant,
Citta, soit Bodaishin lui-même, mais c’est lui qui édifie Bodaishin, qui
établit Bodaishin. » 
Pour les disciples du Bouddha, c’est une fonction bien utile, cet
esprit pensant qu’on appelle parfois l’intellect. Cerveau gauche,
cerveau droit.
J’ai oublié le troisième élément de la sagesse, qui est l’habilité. C’est
quand on fait zazen naturellement, qu’on a intégré.
Donc parfois on utilise ces trois aspects, parfois on ne les utilise pas.
Sensei disait : « Parfois on pense, parfois on ne pense pas. »

Si vous n’entretenez pas une pensée, celle-ci ne


reviendra pas d’elle-même
Samedi 13 août 2022 – 20h30
La suite de l’enseignement de Ejo :
« Ne haïssez pas les pensées qui surgiraient mais ne les aimez pas
non plus, en tous les cas ne les poursuivez pas, ne les entretenez pas.
De toute façon vous devez pratiquer la grande assise maintenant et
ne jamais oublier que si vous n’entretenez pas une pensée, celle-ci
ne reviendra pas d’elle-même. »
Dans le sutra du diamant, le Kongo Kyo, que Sensei nous avait
commenté, il est écrit une des phrases les plus importantes du
bouddhisme : « Quand l’esprit ne demeure sur rien, le véritable
esprit apparaît.» C’est dans un chapitre du Kongo Kyo qui s’appelle
l’établissement et l’embellissement de la terre pure, établir une terre
pure, embellir une terre pure. Ce chapitre contient des
enseignements importants au sujet du comportement corps-esprit
pendant zazen. Pendant zazen, on peut arrêter l’état de kontin.
Cet après-midi pendant le zazen, il y avait beaucoup de gens qui
dormaient, dont moi, je ne sais pas ce qui nous avait donné
sommeil. En même temps, Baso avait dit, une fois qu’un kyosaku-
man tapait un disciple qui dormait : « Qu’est-ce qui te dit que les

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bouddhas qui dorment n’ont pas la nature de Bouddha ? » Quoi qu’il
en soit, le zazen somnolent n’est pas très confortable.
On peut arrêter kontin par la pratique de l’observation, la pratique
de l’observation au travers de la conscience Hishiryo. Autrement dit,
si on n’observe pas, on s’endort et si on observe on se réveille.
Qu’est-ce que c’est, la conscience Hishiryo ? C’est penser
concrètement la non pensée. Mais comment l’état de non pensée
peut-il être pensé ? C’est différent de penser. C’est le secret du
zazen.
On peut aussi réguler l’état de sanran, l’excitation, par la
concentration corps-esprit sur la posture de zazen : revisiter les
points importants de la posture, bien basculer le bassin, redresser la
colonne et respirer calmement.

Notre nature est originellement ku


Dimanche 14 août 2022 – 7h30
Maître Deshimaru continue à propos du Kongo Kyo : Dans la plupart
des méditations, et dans bon nombre de religions, même dans
certaines formes du zazen, la plupart des adeptes, maîtres et
disciples, se sont efforcés de détruire leurs illusions et de demeurer
dans la non pensée. Parfois ils pratiquent des méditations à base de
pensées dirigées, telles que des visualisations d’amour ou d’extase.
Ils se sont efforcés d’effacer, voire de détruire tout esprit qu’ils
jugeraient négatif, et à demeurer le plus souvent dans le vide et
dans le silence, en d’autres termes, de forcer ou d’annihiler l’activité
vivante en eux.
Ce genre de méditation a finalement assez souvent affaibli de
nombreuses religions et ceux qui la pratiquent. Aussi ils ont eu beau
se retirer dans les montagnes, dans les grottes obscures, ils sont
semblables à des rats qui essaient de cacher leur queue. Ils peinent
à résoudre complètement le problème de la vie et de la mort et il
leur est difficile de contrôler leur peur. En effet, où s’échapper ? On a
peur de sauter au travers de la vie et de la mort. 

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Mais au fait, quelle est l’origine de la vie et de la mort ? L’origine de
la vie et de la mort, ce sont les bonnos, les illusions, les
attachements nés de nos pensées. Alors quelle est la source de ces
illusions et de nos pensées ? La source de ces illusions et de nos
pensées, c’est la non-pensée, tout simplement, la non conscience,
ça jaillit de rien.
Maintenant, quelle est la source de la non-pensée et de la non-
conscience ? C’est la vraie nature de notre réalité, sans aspect. C’est
le point zéro, le rien qui contient tout en potentialité, la sainte
matrice noire où aucune chose n’existe, et qui a conçu la lumière
source d’où émergent tous les mondes de la forme.
Le mauvais karma entrainant la roue de la transmigration et de
l’errance, dans le fleuve confus de la vie et de la mort, il est logique
de penser qu’en coupant la source originelle du problème (le
problème de la vie et de la mort), et en comprenant que notre
nature est originellement rien, ku, en comprenant que nous n’avons
pas de noumène propre, alors nos problèmes seront résolus.
Mais on doit comprendre que le vrai zazen ne doit pas sombrer ou
pencher exagérément d’un côté ou de l’autre, que ce soit celui de la
pensée et de l’existence, ou bien au contraire de la non existence.
On pourrait comparer cela à un homme élevant un bol rempli d’eau
sans en renverser une seule goutte. À ce moment-là, le zazen est
exactement pareil au miroir qui reflète toute forme, tout
phénomène au même moment, mais malgré tout, sa surface, ce
qu’il est lui-même, est clarté totale. 

Le Bouddha Nento
Dimanche 14 août 2022 – 11h
Maître Ejo, à son époque, était extrêmement érudit. Il avait été
placé dans un monastère à partir de l’âge de sept ans. Ils
apprenaient tous les textes, tous les sutras. Ensuite il a rencontré
Maître Dogen, qui a libéré quelque chose véritablement en lui, à
travers la posture du zazen. Ce texte, écrit par Maître Ejo, reflète la

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connaissance du bouddhisme traditionnel. Là il parle de la lumière,
komyo, et il prend toutes les références qu’il y a dans les sutras.
Donc il dit :
Dans l’Avatamsaka sutra il est dit : « L’éclat du Bouddha Nento Butsu
est le plus grand des signes de bon augure. » Le Bouddha Nento est
le premier d’une liste de dix-huit Bouddhas qui ont précédé le
Bouddha Shakyamuni, il est également connu sous le nom de
lumière immobile, et Shakyamuni le suivait souvent au long de ses
réincarnations.
Lorsque Shakyamuni pratiquait dans une vie antérieure, en tant que
boddhisattva, son nom à l’époque était Jeunesse Savante. Il offrit un
jour des fleurs au Bouddha Nento. Il est raconté que, Shakyamuni
ayant lancé cinq fleurs de lotus vers le Bouddha Nento, en guise
d’offrande, elles étaient restées flottant dans les airs.
On dit aussi qu’une autre fois, Jeunesse Savante, le futur
Shakyamuni Bouddha, avait étendu son manteau et ses propres
cheveux sur le sol qui était boueux, pour que le Bouddha Nento
puisse marcher dessus pour traverser. Donc Nento Butsu est en
profonde connexion avec notre génération et avec Shakyamuni
Bouddha. Il a prédit que Jeunesse Savante deviendrait un Bouddha
dans l’avenir, et il s’est incarné en tant que Bouddha Shakyamuni.
Ejo déclare : « L’éclat de la lumière de ce Bouddha Nento brille ici,
maintenant dans ce dojo. Cela signifie que cet endroit est béni. » En
fait le rayonnement de ce Bouddha Nento fait que l’éclat de ceux qui
font zazen imprègne tous les lieux où zazen est pratiqué, sans choix
ni distinction. Il consacre ces endroits comme sacrés, même si ces
endroits peuvent paraître ordinaires. Par exemple notre dojo paraît
vieux et ordinaire, ce n’est même pas un dojo, c’était un hangar où
on mettait le fourrage, mais dès qu’on fait zazen dedans, ça devient
un dojo.
« Quant aux bouddhas que sont les pratiquants, quand ils entrent
dans ces dojos, dès qu’ils entendent les premiers mots de
l’enseignement, ils ont l’impression qu’ils ont toujours été ici, et ils

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ont l’impression qu’ils ont écouté Ananda, le fidèle secrétaire du
Bouddha, son troisième successeur, articulant ces mots sacrés qui
sont traditionnellement  : ‘’Ainsi ai-je entendu.’’ »
Ou encore, Maître Deshimaru qui disait : « Dogen dit. » C’était le
début des kusens.
« C’est parce que cet endroit est consacré par notre pratique, donc
de bon augure, que le Bouddha Shakyamuni reçoit lui-même à
travers nous les enseignements de Nento Butsu. C’est la
transmission d’un Bouddha à un autre, d’un lieu de pratique à un
autre.
Cette pratique est telle que s’il y avait un moyen d’atteindre, de
toucher cette lumière immobile qui imprègne le passé, le présent et
le futur, il faudrait qu’il y ait autre chose que cette même lumière
pour l’atteindre, pour la toucher. Or il n’existe nulle part autre chose
que cette même lumière. »

« À cet instant, et pendant un moment, je ne voyais plus que cette


lumière d’un blanc pur. Mes yeux cherchaient un contraste, d’autres
couleurs, d’autres formes pour me repérer, mais je ne voyais que
cette lumière. J’inspirai cette lumière, j’expirai cette lumière, et je
laissai finalement cette lumière remplir mon être et ma conscience.
Et je me détendais. Je m’adoucis, je m’abandonnai encore plus à la
lumière blanche. Peu à peu mes yeux s’ajustaient et commençaient
petit à petit à percevoir les douze vagues d’énergie faisant onduler la
lumière blanc nacré. Ces ondes se mouvaient telles les formes
serpentines d’une rivière. Continuant à s’ajuster à cette lumière
brillante, mes yeux distinguaient le relief des vagues d’énergie se
préciser. »
Maître Ejo déclare :
« Si vous vous abandonnez à l’expiration et que l’inspiration vous
remplit en un harmonieux va et vient, il ne restera plus qu’un zafu
sous le ciel vide, juste le poids d’une flamme. Si vous n’attendez rien
de ce que vous faites et refusez de considérer quoi que ce soit, vous

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pouvez tout couper seulement par zazen. Même si les 84  000
bonnos vont et viennent, si vous ne leur accordez pas d’importance,
si vous les abandonnez à eux-mêmes, à ce moment-là, de chacun
d’entre eux, l’un après l’autre et tous ensemble, pourra jaillir le
merveilleux trésor du grenier de la grande sagesse.  »

Luminosité
Dimanche 14 août 2022 – 17h
Étirez bien la nuque.
Ejo continue :
Le sutra du Lotus dit : « À ce moment-là, le Bouddha a libéré un
flamboiement de lumière comme une boule de feu, jaillissant de ses
sourcils blancs bouclés. »
On dit qu’un des signes de la bouddhéité, c’est d’avoir une touffe de
poils blancs entre les sourcils. Là on en voit la fonction. Quand on
devient vieux, on a les sourcils qui grandissent, qui rentrent dans les
yeux, c’est désagréable. Ceux du Bouddha sont comme une boule de
feu. Comme dans l’Hokyo Zanmai, on parle de cet épisode dans
l’Hokyo Zanmai.
« Ce flamboiement a illuminé 84 000 mondes. »
Pour les bouddhistes de l’époque du Bouddha, 84 000 voulait dire
infini, sans limite.
« Ce flamboiement a illuminé 84 000 mondes, les pénétrant tous,
depuis la profondeur des enfers les plus denses jusqu’au sommet
des royaumes célestes de l’extase, tout en haut. »
En haut c’est l’extase, en bas ça brûle. On veut aller en haut ! On
veut aller en haut !
« C’est un signe miraculeux de lumière, c’est la luminosité suprême
et subtile réalisée par les Bouddhas. »
Lorsque Maitreya, le Bouddha du futur, demanda à Manjusri ce que
ce signe présageait, Manjusri expliqua : « Ce signe auspicieux est
apparu dans les temps anciens lorsque le Bouddha de la lumière du
soleil et de la lune enseignait le Mahayana. Et maintenant c’est le

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Bouddha Shakyamuni qui proclame le sutra du Lotus, qui a été gardé
en mémoire par les Bouddhas pour l’illumination des êtres. »
C’est plus cool que l’apocalypse ! C’est la même chose, le même
style.
« Cette lumière doit être comprise comme la radiance suprême et
vaste qui contient un sens infini. »
À cette époque Manjusri était appelé L’Éveillé Lumière Sublime.
C’est comme dans les ordinations, il faut trouver des noms. Il était le
huitième descendant du fils du Bouddha lumière du soleil et de la
lune. C’est ce Bouddha qui a appris à Manjusri à pratiquer
l’illumination suprême.
Comme je l’ai déjà dit précédemment, vu que ça fait des mois que je
fais le kusen, le Bouddha qui a précédé Shakyamuni, c’était Nento
Butsu. Nento Butsu, c’est la version japonaise, le nom en sanscrit
était Dipankara.
« La pratique de notre lignée, dit Ejo, est assise dans le trésor de la
luminosité, et ceci a été directement reçu par la transmission du
Bouddha Nento à Shakyamuni.  »
Dans le poème numéro cinq de l’Hokyo Zanmai, il est dit : « Aller à
l’encontre, toucher, ni l’un ni l’autre ne valent »
Justement on parlait de toucher l’objet. On ne peut pas toucher
l’objet, puisque l’objet est lui-même l’objet, c’est comme si on
voulait toucher sa main avec sa main.
« Aller à l’encontre, toucher, ni l’un ni l’autre ne valent. C’est comme
une boule de feu. »
Si vous voulez attraper un chat, celui-ci s’en ira et s’échappera
certainement. Trop aimée, une femme se lassera. Il en est de même
de la relation avec le maître. Ça c’est Deshimaru qui parle. C’est la
même relation avec le Dharma : trop vouloir s’en approcher, trop
souhaiter s’éveiller, on se brûlera, mais trop éloigné, on aura froid.
Chez les pratiquants du Qi Gong, il y a une maladie qui s’appelle le
feu du dragon. Elle brûle de l’intérieur et vous tue rapidement. Elle
est causée par l’avidité à trop vouloir développer son énergie. En Qi

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Gong on accumule l’énergie, on la guide, on la travaille, mais si on
veut trop le faire, on en meurt. De très grands maîtres sont morts
comme ça. C’est comme une boule de feu, si on la touche elle brûle,
si on s’éloigne il n’y a plus assez de chaleur. Et pour tout c’est pareil.
C’est difficile de ne pas courir après, c’est difficile aussi de ne pas
vouloir s’échapper.
Un soir, un homme vient rendre visite à son ami. L’ami ouvre la porte
et dit :
- Ah tiens, Yoshito !
L’ami lui répond :
- Pourquoi m’appelles-tu Yoshito ?
L’autre lui répond :
- Si tu n’es pas Yoshito peut-être es-tu Toshiro ? Alors qui es-tu ?
L’ami répondit :
- C’est mon nom qui s’appelle, ce n’est pas moi. Moi je suis
seulement moi, et moi est mon vrai moi.
Dédicace à Toshi.

Quand je suis venu au zazen, tout à l’heure, j’ai mis mon kesa, le
kesa que m’a offert Vincent Vuillemin et son dojo, kesa que je
respecte beaucoup, c’est un simple kesa de chef. J’arrive au dojo, je
m’installe en zazen, je suis vieux, je mets de plus en plus de temps à
m’installer, et je m’aperçois que j’ai mis mon 25 bandes. Pourquoi
j’ai mis le 25 bandes ? Ah, je suis con !
Après on fait kin-hin, à la fin de kin-hin, tout le monde tourne en
rond, je dis à ma secrétaire : je suis con, j’ai mis mon 25 bandes. Elle
me répond : mais non, c’est le kesa de Vincent. Je lui ai dit : tu es
vraiment magique !
Toshi, rentre le menton !

Une règle du dojo


Dimanche 14 août 2022 – 20h30

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Finalement, je viens d’apprendre que c’était Richard Féret qui avait
cousu le kesa en question, qui m’a été offert au nom du dojo de
Genève, à l’époque. Eh bien, c’est un grand honneur de porter ce
kesa. Il a pris pas mal de valeur aujourd’hui.
Pour ce qui est des règles au camp d’été, si on ne va pas au zazen, il
faut prévenir le shusso. On ne peut pas aller se promener pendant
zazen ou faire autre chose, sauf autorisation. Je me souviens qu’avec
Sensei, au début de tous les zazens (c’était un peu exagéré), parfois
on faisait des sesshins à 500 personnes, et chaque début de zazen il
y avait deux kyosakus qui faisaient tout le tour de la Gendronnière,
on ne laissait pas les gens tomber. Donc sans aller jusque-là,
d’envoyer des kyosakus, il faut quand-même regarder qui est là et
qui n’est pas là, et pourquoi.

Maha Vairocana 
Lundi 15 août 2022 – 11h
La suite du Maha Vairocana :
S’il y avait un moyen d’atteindre, de toucher cette luminosité
immobile qui imprègne le passé, le présent et le futur, il faudrait
qu’il y ait autre chose que cette même lumière pour l’atteindre. Or il
n’existe nulle part autre chose que cette même lumière.
Toujours dans le Maha Vairocana :
L’aspiration à l’éveil est la base, la grande compassion est la racine,
et finalement l’habilité, la compétence signifie obtenir le fruit. Le
fruit c’est zazen.
Maître des secrets, qu’est-ce que l’éveil ?
C’est connaître notre esprit simplement tel qu’il est, car tel qu’il est,
il est total, complet, parfait ; dans lequel rien n’est atteint.
Maître Kodo Sawaki dit : « Un jour un de mes disciples est venu me
voir et je lui ai dit : toi qui dis que ton état d’esprit s’est amélioré
grâce au zazen, tant que tu dis que le zazen est une bonne chose,
c’est qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Le zazen non souillé n’a
rien de spécial, il ne demande même pas de reconnaissance, car

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sans connaissance, sans conscience, tout est comme il se doit. Alors
s’il te plaît, ne souille pas ton zazen en disant que grâce à lui tu as
fait des progrès. »
Maître des secrets, pourquoi rien n’est atteint ?
Parce qu’aucune forme d’éveil ne peut être atteinte. L’éveil est
inconnaissable et inconcevable. Pourquoi ? Parce que l’éveil est sans
forme.
Maître des secrets, la non forme de toute chose n’est qu’une forme
d’espace.
Ailleurs, le sutra dit encore :
Maître des secrets, la pratique de la grande Voie éveille l’esprit au
fait qu’il se déplace librement dans l’aléatoire, dans le non fabriqué.
Il faut simplement y croire, il faut simplement connaître sa présence,
se laisser guider, simplement par l’amour universel, par l’altruisme
et l’amour de la vie.
Pourquoi ?
Ceux qui ont pratiqué dans cet esprit dans le passé ont vu que les
cinq agrégats et les cinq éléments n’ont aucun fondement, ils sont
illusoires, comme des mirages, des ombres, des échos, des cercles
dessinés par des flammes mouvantes qui naissent dans les nuages.
Maître des secrets, il libère ainsi ce qui est sans réalité, sans ego,
sans soi, en d’autres termes ce qui est déjà libre, et leurs pensées
s’éveillent spontanément, naturellement, inconsciemment, en tant
que nature qui ne survient pas de la conscience, car il n’y a rien qui
puisse être connu avant ou après la conscience. Notez bien ceci : il
n’y a rien qui puisse être connu avant la conscience et après la
conscience. Ainsi, le simple fait de réaliser cette conscience
primordiale, qui jaillit de rien, nous fait directement sauter par-
dessus les grands éons de pratique graduelle. C’est-à-dire : il y a le
zen où on fait des progrès, qui s’appelle le zen graduel, on progresse
par grades, et il y a le zen abrupt.

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Puisque rien ne peut être connu avant ou après, ça veut dire
qu’avant, en fait même pendant, je dirais, entre les moments de
conscience, il y a des moments de rien. Les sages anciens l’avaient
compris par la méditation, maintenant on le démontre
scientifiquement. Et rien ne peut pas être connu. Donc le rien
d’avant et le rien d’après ne peuvent pas nous être connus.
Cette lumière immobile de Vairocana, qu’on appelle aussi radiance
inhérente, brillante par elle-même, qui n’est autre que la conscience
primordiale du big-bang, ne bouge jamais bien qu’en perpétuel
jaillissement. Et cette lumière jaillit du rien, en nous, chaque
moment, chaque instant. Il dit que c’est dans l’apparition de cette
lumière qu’il faut réaliser qu’avant il n’y avait rien et après il n’y a
plus rien.
On croit que la conscience est linéaire et qu’elle ne s’arrête jamais,
mais en réalité, il y a : conscience, rien, conscience, rien, conscience,
rien, conscience, rien. Et c’est ce rien qui est intéressant. Donc big-
bang qui ne bouge jamais bien qu’il soit en perpétuel jaillissement.
C’est simplement ma manière d’écrire aussi.
Cette lumière jaillie de la sainte matrice noire où aucune chose
n’existe, a conçu, en se contemplant elle-même, la lumière source
une d’où émergent tous les mondes de la forme.
C’est des extraits de sutras que nous fait découvrir maître Ejo.

Quand l’esprit ne demeure sur rien, le véritable esprit apparaît.


Si tu n’entretiens pas une pensée, elle ne reviendra pas d’elle-
même, elle part dans le rien.

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KUSEN DE MONTPELLIER

30 décembre 2021 – L’enracinement correct


En zazen, on n’est pas assis comme dans un fauteuil, mais on est
assis sur l’avant des fesses, sur le haut des cuisses. Le bassin est
basculé vers l’avant, de manière à libérer la masse abdominale qui
pousse vers le bas. C’est une posture enracinée. C’est important
aussi d’avoir les genoux qui sont bien en contact, qui s’enfoncent,
qui s’enracinent dans le sol. Il faut pousser la terre avec les genoux.
C’est une posture très dynamique et très enracinée. La manière de
méditer et de prier des bouddhistes est assez rigoureuse quant à la
posture, en tous les cas mon maître était très rigoureux.
À partir d’une bascule du bassin correcte au niveau de la cinquième
vertèbre lombaire, on étire la colonne, jusqu’à la nuque, on étire la
nuque en poussant le ciel avec la tête. On pousse le ciel avec le
sommet du crâne. Donc on pousse le sol d’un côté, on pousse le ciel
de l’autre. Prendre la posture correcte, c’est la manière de prier des
bouddhistes.
Une fois l’enracinement correct et l’étirement correct, de bas en
haut, on rentre bien le menton pour étirer la nuque, on aligne les
oreilles et les épaules, et on aligne le nez et le nombril. On respire
par le nez, donc la bouche est fermée. Le regard est posé à un mètre
devant soi, dirigé à 45 degrés vers le sol ; on garde les yeux mi-clos,
donc ça veut dire en même temps mi ouverts. On ne fixe pas un
point spécial, on laisse le regard libre, le regard intérieur.
Ensuite la position des mains est importante. Les mains, c’est
primordial, et c’est très intimement lié au cerveau. On place la main
gauche dans la main droite. Les deux majeurs se superposent. On
essaie d’éviter les tensions dans les mains et les mains forment un

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ovale, avec les pouces horizontaux. La pression des pouces est
importante, tout est important dans la posture. N’importe quel
détail influence sur l’état d’esprit et l’état de conscience. Donc les
pouces sont en contact, mais ne doivent pas être trop pressés l’un
contre l’autre, les pouces se joignent sur une ligne horizontale, ils ne
doivent pas tomber vers le bas comme dans une vallée, ni aller vers
le haut comme une montagne. Les mains sont posées sur les pieds.
Si vous avez un kolomo, vous pouvez vous servir de manches pour
faire un petit coussin, de manière à ce que les mains soient droites
et qu’elles reposent correctement. Si on fait un effort pour maintenir
les mains, ça crée de la tension dans les bras et dans les épaules,
donc on doit les poser, d’une manière ou d’une autre, les reposer. À
ce moment-là les avant-bras se décontractent, on écarte légèrement
les coudes, les coudes ne sont pas trop serrés au corps, on détend
les épaules, on dit que les épaules doivent tomber vers le bas
comme si on les tranchait avec un sabre.
Donc il y a plein de points de référence liés à la posture. C’est
l’enseignement primordial. Évidemment, quand vous aurez une
bonne expérience du zazen, vous n’aurez plus besoin de vous
remémorer ces points, mais en attendant, on se répète les points,
comme des mantras. En même temps, ça nous évite de penser à nos
problèmes personnels ou d’activer trop le mental, parce que le
mental est occupé à vérifier, comme un pilote d’avion qui regarde si
ses machines sont correctement connectées.

22 janvier 2022 – la tonicité de la posture


Zazen est une posture tonique. Elle nous donne la force et le calme.
Donc l’important, c’est de prendre appui sur les ischions, pousser le
zafu avec les fesses, pousser la terre avec les genoux, d’étirer la
colonne, de pousser le ciel avec la tête, d’étirer la nuque, de rentrer
le menton. On a l’impression qu’on tend la colonne comme la corde
d’un arc. Pour ça, il faut que la bascule du bassin soit correcte au
niveau de la cinquième vertèbre lombaire, la première vertèbre

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mobile. Donc vous pouvez très bien régler votre assise en cambrant
plus ou moins la colonne au niveau de la cinquième vertèbre
lombaire. Si vous vous sentez avachi, vous basculez un peu plus le
bassin. Si vous êtes trop tendu ou trop cambré, ce n’est pas bon. À
ce moment, relâchez la tension au niveau des lombaires. Vous devez
trouver un équilibre entre les deux genoux et les fesses, comme un
trépied. Vous pouvez choisir de basculer plutôt vers l’avant ou plutôt
vers l’arrière, pour régler la cambrure du bassin. Également, les
jambes en lotus ou en demi-lotus ne demandent pas de tension
particulière, on peut les décontracter.
Kin-hin
On retrouve les mêmes zones importantes pendant le kin-hin, la
marche, que pendant le zazen. Normalement, on devrait pouvoir
marcher comme ça pendant longtemps sans se fatiguer. À chaque
expiration, qui doit être calme et presque imperceptible, on passe le
poids du corps sur la jambe avant et on pousse le sol avec la racine
du gros orteil, on tend le genou, on contracte un peu la fesse de
manière à bien positionner la cambrure de son bassin, et on va
pousser le ciel avec la tête. En gros on étire tout le corps et on le fait
poser contre le sol. À la fin de l’expiration, on fait un pas rapide
pendant l’inspiration, qui est rapide, et on recommence, une longue
expiration en tendant bien le genou, en poussant bien le sol avec la
plante du pied et en poussant bien le ciel avec le sommet de la tête.
Toujours, bien entendu, menton rentré, nuque étirée. Les avant-bras
horizontaux, les épaules relâchées vers le bas, les paumes des mains
parallèles au sol. Le regard est dirigé à 45 degrés vers le sol.

29 janvier 2022 – Attitude du corps


Notre corps est marqué par des attitudes, par des intentions, par
des peurs, par des mouvements de protection, ou par de
l’agressivité, et donc en zazen, on défait, on démêle ces attitudes, on
lâche. On pense que la pensée n’est pas liée au corps, mais c’est tout
à fait faux. Une seule pensée va influencer toute une partie du

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système nerveux et musculaire, et nous faire prendre des attitudes
inconscientes. Alors il y a des attitudes anciennes, peut-être des
attitudes qui datent de notre enfance, et il y a des attitudes
actuelles : les soucis, les envies, qu’on va exprimer par le corps.
Dans le temps, à la préhistoire, les êtres humains avaient un langage
rudimentaire, et même leur langage, ou leurs onomatopées étaient
plus des mouvements que des mots ou des idées intellectuelles.
Mais dans la vie moderne, c’est pareil, ça continue. On ne s’exprime
pas comme des hommes préhistoriques, mais les attitudes
persistent, les attitudes de peur ou d’agressivité, et ça influence la
posture.
C’est pour ça que dans le zen, quand je suis arrivé dans le zen, j’ai
entendu l’enseignement de Maître Deshimaru, c’était le tout début
où Maître Deshimaru était en France, et il insistait tout le temps, il
disait : « Le plus important, la seule chose vraiment importante dans
le zen, c’est la posture. » Pour nous c’était des paroles étranges : en
quoi la posture est-elle importante ? On donnait l’exemple de
diverses personnes en train de prier, ou des chrétiens, ou d’autres
bouddhistes qui ne font pas attention à la posture, par exemple ils
laissent tomber la tête vers l’avant, ou ils pensent à quelque chose
de spécial, ils imaginent un endroit idyllique, ou une lumière, ou ils
stimulent le cœur en disant : l’amour, l’amour. Mais là, c’est juste
une posture physique, la posture du Bouddha, la posture de zazen, il
n’y a pas d’idées derrière, il n’y a pas de but, pas d’intention, il n’y a
pas de peur. Il faut très longtemps pour réaliser que la conscience et
la posture sont un.
Au début, quand on est débutant, on nous apprend la technique, la
technologie de la posture de zazen : les doigts doivent être comme
ci, les mains doivent être comme ça, les coudes doivent être comme
ça, la nuque doit être comme ça, le menton doit être rentré. Mais au
début, même si on nous le raconte, comme je le fais maintenant, on
ne le réalise pas, on ne réalise pas. Après ça devient clair. Quand ça

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devient clair, on n’est plus des fanatiques du zazen, on est
simplement en train d’observer quelque chose qu’on a intégré.
La posture de zazen est merveilleuse, puissante, elle nous ramène
aux conditions normales, aux conditions originelles, elle nous aide à
suivre l’ordre cosmique, elle dissout tous les attachements, toutes
les attitudes anormales. Sensei disait souvent : « Le mérite du zazen
est infini. » On ne peut pas le définir, on ne peut pas le limiter, on ne
peut pas chercher quelque chose, c’est infini. On ne peut pas
comprendre. C’est un patrimoine, un trésor de l’humanité. Même
quand on est malade, même quand c’est difficile, si on peut encore
faire zazen, ça nous aide beaucoup. Ça a même une influence sur
notre vie quotidienne, sur notre karma, sur notre famille.
Alors à vous de découvrir ce qu’expriment véritablement les
moindres détails de votre posture, par exemple la position des
mains, quand vous réussissez à avoir une belle position des mains.
Les pouces se joignent à l’horizontale, à l’aplomb des majeurs. Le
tranchant des mains en zazen doit être plaqué contre l’abdomen, à
environ dix centimètres sous le nombril. Tout ça c’est important.
Même dans le bouddhisme, il y a très peu de personnes qui
accordent de l’importance à la position parfaite des mains. La
correcte bascule du bassin, surtout si vous faites la position du lotus
qui vous aide à vous dépouiller du corps. Quand vous relâchez en
bas, la nuque s’étire automatiquement, la tête se place
correctement, la pensée se dissout.

5 février 2022 – Les chaines du mental


Les deux majeurs sont superposés et les pouces sont joints à
l’horizontale, juste en contact l’un avec l’autre, il n’y a pas de
pression excessive. Ils ne doivent pas être relâchés, leur forme doit
être bien horizontale, et ils sont à l’aplomb des deux majeurs. Les
coudes sont légèrement décollés du buste. Toujours on prête
l’attention pour voir si les épaules sont bien relâchées vers le bas, de
manière à dégager la tête, dégager la nuque. La nuque doit être

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étirée et le menton rentré, c’est une position très importante, la
position de la tête, parce que c’est cette position qui génère l’état
d’esprit juste qui arrête le fonctionnement du mental.
Maître Deshimaru disait : « Qu’est-ce que la pensée zen ? Ce n’est
pas la posture du penseur de Rodin. » Le penseur de Rodin, c’est
une sculpture où on voit un homme un peu voûté vers l’avant, le
coude posé sur son genou, et le menton en équilibre sur sa main
droite. Il pense. Ça, c’est la description d’une posture mentale. La
pensée mentale est une pensée enchaînée, c’est-à-dire un maillon
enchaîné à un autre maillon, enchaîné à un autre maillon, enchaîné
à un autre maillon, c’est une pensée qui n’a pas de début ni de fin et
qui empêche une clairvoyance, une pensée plus claire.
Quand on arrive pour faire du zen, on ne connaît rien, et notre
maître Deshimaru nous a dit : « En zazen, c’est seulement la posture
qui est importante. » Il n’y a pas besoin d’avoir l’illumination ou de
penser à quelque chose, ou d’imaginer quelque chose, as besoin de
se sentir bien ni de se sentir mal, pas besoin de penser aux autres, ni
même à soi-même. Seulement la posture, une posture forte et
droite. Quand vous positionnez correctement la tête, le mental
s’éteint, il arrête de fonctionner, et à la place vous avez la pensée
silencieuse.
Penser sans penser. Comment pense-t-on sans penser ? Hishiryo. Ça
veut dire la pensée de la posture, la pensée du Bouddha. C’est l’art
essentiel du zazen. Dans le yoga, par exemple, il existe de
nombreuses postures, de nombreuses asanas, qui sont chacune
merveilleuses, mais la posture parfaite, c’est zazen. Elle n’est pas
mieux que les autres, elle est parfaite, elle est complète, il n’y a rien
à ajouter, rien à enlever, elle est sans but.
Basculez bien le bassin vers l’avant, poussez la terre avec les genoux,
poussez le ciel avec la tête.

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12 février 2022 - S’ancrer sans rigidité
Dans le microcosme de zazen, de la posture elle-même, il doit
demeurer de la mobilité, en particulier dans les articulations. Elles
ne doivent pas être rigides. Quand on dit : il faut s’ancrer, en réalité
on ne s’ancre pas en traçant une ligne verticale, on est comme un
arbre dont les racines contournent, tournoient autour des obstacles,
pour lentement s’immiscer dans un ancrage plus fort, dans une
stabilité plus grande, dans une force plus naturelle. Donc
spécialement au niveau du bassin, ce sont des micromouvements
qui fonctionnent comme les racines d’un arbre qui cherche son
chemin dans la terre.
Vous devez toujours garder de la mobilité, une micro vie,
spécialement au niveau du bassin. C’est pour ça que, quand on
explique la posture, en fait on peut danser, de manière invisible à
l’extérieur. On répartit le poids du corps sur les deux genoux et sur le
périnée, qui est en contact avec le zafu. C’est pour ça que c’est
important de trouver son zafu, pour qu’il soit adapté à notre posture
et à notre morphologie. Pour certains, l’épaisseur du zafu sera
moindre, pour les débutants, c’est bien que le zafu soit un peu épais,
un peu haut, ça aide à ancrer les genoux dans le sol.
Et donc on joue avec la mobilité du bassin, il faut le laisser marcher
tout seul, comme en ostéopathie par exemple (un bon ostéopathe
fait des manipulations qui sont quasiment indiscernables). Et donc
pendant zazen on observe son corps, ce n’est pas la peine de faire
des mouvements volontaires, ce n’est pas une gymnastique, mais il
faut suivre, laisser le corps nous guider, et vous observez les
articulations des épaules, des poignets, des doigts, des hanches.
Tantôt vous pesez davantage sur les genoux, vous pressez le sol,
tantôt vous pesez davantage sur les fesses, tantôt vous détendez la
colonne, vous décambrez la colonne, tantôt vous basculez
davantage le bassin vers l’avant, vous accentuez la pression avec les
genoux, tout ça dans des mouvements microscopiques liés à la
respiration. Finalement, on n’est pas différent de la nature, on peut

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accéder à la conscience de la nature, on n’est pas différent de la
conscience qu’on pourrait dire végétale.

13 février 2022 – Le vrai zazen pur


Peut-être que le zazen ressemble à d’autres méditations, mais quelle
est la spécificité du zazen par rapport aux autres méditations
assises ? Quand j’ai visité le Japon avec Maître Deshimaru, on est
allés dans de nombreux temples, par exemple dans des temples
Tendai, où ils pratiquent aussi le zazen, mais ils pratiquent le zazen
en regardant un mandala. Regarder un mandala, c’est peut-être très
intéressant, mais ce n’est pas le zazen transmis, le pur zazen. Sensei
nous expliquait ça. Il y a beaucoup de méditations où on ferme les
yeux et on s’imagine dans un endroit idéal, près d’un lac, on ressent
le bien-être, le calme, on ouvre son cœur, on est heureux. C’est
certainement très efficace, mais ce n’est pas le zazen.
- Qu’est-ce que vous faites pendant zazen ?
- On ne fait rien.
- Donc c’est une méditation nihiliste !
Pendant zazen, on ne fait pas rien, puisqu’on intègre, on fait vivre la
posture du Bouddha. Quand la posture du Bouddha vit, on n’a
besoin de rien faire. L’attitude de l’esprit en zazen, c’est l’attitude du
corps lui-même. Par exemple la manière dont on regarde pendant
zazen : on ne doit pas fermer les yeux, mais on ne doit pas regarder ;
on perçoit les objets, mais on ne les identifie pas. Dans le Zazenshin,
Maître Wanshi dit : sans toucher l’objet. Voir sans toucher l’objet,
c’est-à-dire qu’on voit l’objet, et en même temps on voit le non
objet.
C’est nous qui donnons vie à la réalité, en la regardant, en la parlant,
en la respirant, en la goûtant. Et l’attitude de l’esprit pendant zazen
par rapport à tout cela, c’est ni toucher, ni pas toucher, ni voir ni non
voir. Voir l’aspect fondamental de tous les phénomènes sans les
regarder. Donc la position des yeux, la posture du regard pendant
zazen, a toujours été un point extrêmement important.

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Je me souviens, on commençait le camp d’été à Val d’Isère. Maître
Deshimaru avait un rendez-vous très important, il n’avait pas pu être
là au premier zazen. On m’avait demandé de diriger le premier
zazen. Il y avait 200 personnes, on était serrés comme des sardines
dans un hôtel de Val d'Isère. J’ai fait un mondo, on m’a demandé des
détails sur le regard, et quelqu’un m’a dit : « Quand je garde les yeux
ouverts, j’ai des larmes qui coulent, je pleure ». Je lui avais dit :
« C’est le karma inconscient qui s’exprime, c’est vos peines
inconscientes qui s’expriment, qui s’évacuent par vos yeux ».
Évidemment, j’avais entendu dire ça par Sensei, une fois. Ça m’avait
plu. Quand Sensei est arrivé, Philippe Coupey lui a raconté le
mondo. C’est toujours un point délicat, surtout pour les débutants :
est-ce qu’on doit fixer le mur ? Regarder un point spécial ? Est-ce
qu’on doit fermer les yeux, les ouvrir ? Est-ce qu’on doit loucher, voir
trouble, ne pas regarder nettement les choses ?

13 février 2022 – Toucher le cosmos entier-


Poème 64 du Shin Jin Mei
Le Shin Jin Mei est le premier poème zen chinois. Après
Bodhidharma, il y a eu Eka, puis Sosan, qui a écrit le Shin Jin Mei.
Dans le poème 64 du Shin Jin Mei, pour reprendre l’explication sur
les yeux en zazen, Sosan dit :
Partout devant nos yeux, il n’y a ni existence, ni non existence

C’est-à-dire on perçoit les choses dans leur état où il y a toutes les


potentialités d’être, on les perçoit mais on ne les regarde pas. Sans
toucher l’objet, comme on dit dans le Zazenshin.
Le poème précédent (un moment de conscience devient dix mille
années), parlait de la relation avec le temps, celui-ci parle de notre
relation avec l’espace, la perception des choses. L’espace sous-
entend l’objet, de même que l’objet sous-entend l’espace. En fait ils
se révèlent l’un et l’autre, ils se définissent l’un par l’autre. Le poème
précédent parlait du maintenant, ce poème parle de l’ici. Maître

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Deshimaru dit dans ses commentaires : « On ne peut pas considérer
la religion comme étant seulement le fruit de la difficulté. » Pas
besoin d’être martyr pour pratiquer la religion, pas besoin de se
priver, pas besoin d’austérité, pas besoin de repentir, pas besoin de
culpabilité, pas besoin de la souffrance pour réaliser l’éveil. Que sont
les difficultés, la souffrance, la joie ? Le prix Nobel de physiologie en
médecine, Konrad Lorenz avait écrit que la joie pure naissait de la
difficulté. Mais dans le zen, on l’entend un peu différemment, elle ne
nait pas d’un phénomène contraire.
Comme dans la blague où un type se donne des coups de marteau
sur la tête :
- Qu’est-ce que tu fais ?
- Ah, c’est bon quand ça s’arrête !
Ou alors celui qui est étendu avec un couteau dans le ventre
- Ça fait mal ?
- Oui, quand je ris.

La joie zen est beaucoup plus vaste et globale, elle est confondue au
cosmos. Dans le zen on dit que le Bouddha est semblable à un
morceau de glace dans les flammes. Très vite il disparaît et se
confond aux flammes. Cette réponse semble être une contradiction.
Dans le zen, lorsqu’on coupe nos pensées quotidiennes, notre
mental, la compréhension ou le ressenti, alors le zen apparaît.
Donc pendant zazen, on n’essaie pas de développer un état de
bonheur spécial, mais de par la posture et la respiration,
naturellement on dépasse les limites de la pensée quotidienne et du
« un phénomène engendre un autre phénomène », comme la
douleur et le bonheur. Il ne faut pas attendre que la douleur s’arrête
pour être heureux.
Et quand la pensée quotidienne disparaît, alors on peut sentir que la
nature du cosmos, la nature de toute chose, est bonheur tranquille,
harmonie, complémentarité, condition normale, disait Sensei,
condition normale de bonheur.

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Les gens disent tous, maintenant avec la crise : on veut revenir
comme avant. Et qu’est-ce qu’il y avait avant ? Il y avait les
conditions normales. On veut être normal, on est des gens normaux.
Quand j’étais jeune, j’étais déçu par le fait que Sensei parle de
condition normale, je n’avais pas envie d’une condition normale, je
voulais une condition spéciale, une condition zen. Quand les
pensées quotidiennes ordinaires du mental cessent, alors la
compréhension zen apparaît, toute normale, tout ce qu’il y a de plus
beau et de plus normal.
Ni existence, ni non existence, c’est ce qu’on doit voir, les yeux
ouverts en zazen. Sans regarder, on perçoit les choses dans leur
vide, dans leur vacuité, ni existence, ni non existence. La glace dans
la flamme signifie cela. Il n’y a ni existence, ni non existence, ni
monde visible, ni monde invisible. Dans la conscience originelle, il
n’y a rien qui puisse être enseigné. Comment on perçoit
l’enseignement zen ? Comme une musique, éventuellement, mais
rien n’est enseigné. Nous ce qu’on veut, c’est le monde d’avant, le
monde où on était normaux, les conditions normales, paisibles.
Lequel est le plus heureux ? Le riche, le pauvre, le bourgeois,
l’ouvrier, celui dont la vie est longue, celui dont la vie est courte ?
Dans le monde du zen, on ne peut pas mesurer ça. Dans l’histoire du
zen, la plupart des maîtres étaient des hommes incorrigibles,
impossibles, absurdes, en apparence bien sûr.
Sensei dit : « On doit voir le cosmos dans sa totalité, dans son
entièreté. » Et c’est parce qu’on le pratique avec tout notre corps
que nous pouvons le pratiquer avec l’esprit. Parce que l’esprit, c’est
normal, c’est le temps comme avant, où on avait un corps, normal.
Si on peut le pratiquer avec le corps, alors on peut le pratiquer avec
l’esprit en entier. On peut contempler le jardin du cosmos d’un seul
coup d’œil, même si nos yeux ne peuvent en voir qu’une partie.
Voilà pourquoi nous contemplons le jardin du cosmos avec la vue de
notre esprit. Nous pouvons penser le cosmos tout entier, nous

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pouvons respirer le cosmos tout entier, en un seul souffle. En un
seul son nous pouvons entendre le cosmos tout entier.
Souvent pendant l’Hannya Shingyo, il faut arriver à harmoniser les
voix les unes avec les autres dans la même tonalité. Pour ça, il faut
entendre le cosmos tout entier, d’un seul esprit. On peut goûter le
cosmos tout entier d’un seul goût, on peut sentir le cosmos tout
entier d’un seul corps, le toucher dans sa totalité.

MONDO
Question - Cet hiver Amaury m’a envoyé une traduction du
Shobogenzo, de Eric Romeluère, une vingtaine de chapitres du
Shobogenzo. Je lis ça un peu comme de la poésie. Il y a des trucs
obscurs, des trucs qui me parlent. Ma question, c’est  : avec quel
esprit dois-je lire ça, et de façon plus générale, comment étudier les
textes des anciens maîtres  ?

- Je connais quelques-unes des traductions d’Eric Romeluère, parce


que c’était un copain, et il est assez doué, mais il est traduit à partir
de l’anglais, à partir de Nishijima. Il y a plusieurs traductions
françaises. À l’époque post-Dogen, Dogen a voulu faire un condensé
de toute la sagesse indienne et chinoise qui l’avait précédé, et il a
fait un magnifique boulot, c’est un chef-d’œuvre, et culturellement,
c’est important pour le Japon, mais c’est un peu prise de tête. Sensei
disait que, au Japon, il fallait une autorisation spéciale pour pouvoir
aller dans certaines bibliothèques où on pouvait voir le Shobogenzo
et là, on le dépliait, on lisait, il y avait un truc tellement émotif que
tu recevais toujours quelque chose, même d’inconscient. Si on
l’attaque intellectuellement, c’est très difficile. Mais Eric Romeluère,
qui était disciple de Maître Deshimaru, et aussi de Nishijima, a fait
une très bonne traduction, donc on peut en tirer quelque chose. Il y
a des chapitres plus faciles que d’autres. Voilà.

Question - Pourrais-tu préciser  : sans toucher l’objet  ?

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- Sans toucher l’objet, à mon sens, c’est le regard pendant zazen. Et
même dans la vie quotidienne. Je me souviens que Maître
Deshimaru, déjà il était japonais, donc il avait des yeux spéciaux,
mais je me souviens que quand on le regardait dans les yeux, parfois
il avait l’air d’être loin, loin, loin, loin. En physique, on dit que c’est
l’observateur qui change la fréquence en particule, c’est-à-dire qui la
rend particulaire. Par exemple, ce fauteuil, si j’arrête de le regarder,
il disparaît, il perd sa particularité de fauteuil ; si je le touche, il
devient solide. C’est dans ce sens-là.
Quand on est en zazen, on doit ni toucher l’objet, ni le fuir. Voilà,
c’est ce degré de relation avec la réalité. On ne la guide pas non
plus. On pourrait dire : fermez les yeux et imaginez qu’une étoile
apparaît, on pourrait faire de la méditation guidée. On ne prêche
pas non plus la non pensée, ou la non perception absolue, mais c’est
entre les deux. C’est-à-dire on ne fixe pas.
Et c’est pareil pour nos pensées, les pensées, il ne faut pas les
combattre, mais les laisser passer sans les considérer, et à ce
moment-là, elles disparaissent véritablement.
C’est pour ça que la posture pure du zazen, maintenant, je la vois
comme quelque chose d’ordinaire, en fait, ça devrait être ordinaire,
ça va devenir ordinaire. Quand Sensei est venu en France, les gens
ne comprenaient pas du tout le zen, le zazen, il a dû tout leur
apprendre, les caresser dans le sens du poil, leur parler de la religion
chrétienne, faire des comparaisons, les similitudes avec Jésus pour
les rassurer. Et finalement, la pratique s’est répandue et elle existe
maintenant dans le subconscient de tout le monde, même de ceux
qui ne pratiquent pas. Dans le subconscient, il y a ça qui est né, donc
Maître Deshimaru a fait son boulot de transmettre le zen à
l’humanité.
Merci Sandra. Sandra m’a accompagné beaucoup comme secrétaire,
et spécialement quand j’ai fait le jeûne de 21 jours, elle était là à me
tenir compagnie. Entre compagnons du zen, les gens que vous

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n’avez pas vu depuis longtemps mais vous aviez vraiment pratiqué
avec eux, quand vous les revoyez, vous avez l’impression de
ressentir un amour vraiment profond.
Par exemple Vincent, je ne le vois pas souvent, mais quand je le vois,
tous les 10 ans, je suis carrément amoureux, j’ai le cœur qui bat,
parce qu’on a vécu tellement d’histoires ensemble. Et Sandra, c’est
un peu pareil. Elle a tout le temps la pensée juste, le truc juste par
rapport au maître. Quand je vois ça, ça me fait ressentir beaucoup
de bonheur.

26 février 2022 – Dynamique de la posture


Les épaules bien relâchées vers le bas, et on doit se dresser, dresser
sa posture à partir du bassin, qui est bien basculé vers l’avant, c’est
ce qui redresse la colonne vertébrale. Il faut aussi garder la tête bien
droite et étirer la nuque. Pousser la terre avec les genoux, pousser le
ciel avec la tête. Gardez les yeux mi-clos, et posez le regard à 45
degrés devant vous. La bouche est fermée, on respire par le nez, la
langue est placée juste derrière les dents du haut, les incisives. Les
oreilles et les épaules sont sur un même plan vertical, le nez et le
nombril sont sur une même ligne verticale.
La main gauche est placée dans la main droite, les deux majeurs se
superposent, la position des mains est un mudra qui s’appelle hokai
join, le mudra universel. Les pouces se joignent à l’horizontale. Les
mains forment un ovale, et le tranchant extérieur des mains est
placé sous le nombril, les pouces se joignent à quelques centimètres
sous le nombril, sur un méridien d’acupuncture qui s’appelle océan
de l’énergie, kikai, en japonais. Donc le tranchant des deux mains est
plaqué contre l’abdomen, sous le nombril. Il faut avoir l’impression
de soulever une grosse pierre contre son ventre. C’est toujours des
exemples un peu exagéré, mais c’est pour que vous compreniez la
dynamique de la posture.
De même, Kodo Sawaki disait : le bassin doit être tellement basculé
vers l’avant qu’on doit avoir l’impression que l’anus regarde le soleil.

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C’est évidemment exagéré, mais c’est une dynamique. Il est certain
qu’il ne faut pas aller dans l’excès contraire et être trop tendu. Mais
il faut régulièrement vérifier sa posture et la corriger si c’est
nécessaire. Maître Deshimaru préférait qu’on mette toute son
énergie dans la posture, toutes ses forces. À la fin, on lâche. Les
maîtres disaient dans l’ancien temps que la posture de zazen n’est ni
assise, ni debout.

19 mars 2022 – La posture est le plus important


Quand on demandait à Maître Deshimaru : qu’est-ce que le zen ? il
répondait : le zen, c’est la posture. Alors les débutants disaient :
mais comment peut-on réduire une religion à une posture ?
Le plus important, c’est la posture. Dans le zen, on dit shinjin, shin ça
veut dire l’esprit, et jin le corps. Shinjin en un seul mot, on peut le
traduire par corps esprit, ou corps spirituel. Le corps spirituel a un
langage, et le mot secret du langage spirituel, c’est zazen, c’est la
posture du Bouddha. Donc c’est un langage spirituel qui s’exprime
complètement avec le corps, et quand on parle le langage spirituel
du corps-esprit, du corps spirituel, chaque millimètre, chaque aspect
de la posture devient un langage clair et compréhensible. C’est le
langage qui nous fait découvrir que notre corps est fait d’énergie,
d’espace, qui nous fait découvrir que notre corps pense, qu’il a une
conscience, une intelligence. Alors si on veut essayer de traduire le
langage spirituel du corps en zazen, on pourrait le traduire par
pensée silencieuse, ou équilibre des forces. Mais on dit que le
langage du corps est intraduisible avec nos mots ; on dit que quand
on en parle, on ne peut pas le pratiquer, et quand on le pratique, on
ne peut pas en parler.

30 avril 2022 – Maître Deshimaru et sa mission


… Pour nous c’était court, on ne s’attendait pas à ce que Maître
Deshimaru disparaisse si vite. Il n’est resté que 15 ans en Europe, et
on avait juste le temps de commencer à approfondir les choses, on

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avait un nouveau temple, on commençait à y faire samu. Maître
Deshimaru n’a dirigé que deux ou trois camps d’été à la
Gendronnière. On vivait tous autour de lui dans le dojo de Paris, moi
je vivais au dojo, je dormais au dojo. On avait loué un loft juste en
face du dojo, qu’on appelait le deuxième dojo, où il y avait toujours
de l’animation, on cousait des kesas, des zafus, on préparait la
genmai qu’on mangeait le matin.
Le matin on faisait zazen, ensuite on prenait la genmai au deuxième
dojo tous ensemble, on était une soixantaine de personnes, et un
matin, une disciple dont le père était chirurgien, il avait ausculté
Maître Deshimaru, il lui avait dit qu’il avait un cancer, et Sensei
s’était mis en colère : j’ai pas de cancer, moi, c’est le médecin qui a
un cancer, c’est pas moi. Effectivement, quand on regarde le système
médical mondial, c’est vachement important, le système médical ; la
santé, la maladie, c’est un thème très, très profond.
Malheureusement maintenant, les bons médicaments sont interdits
et les mauvais sont obligatoires.
Finalement, en quelques semaines, Maître Deshimaru est décédé au
Japon. Je suis allé au Japon deux jours après sa mort, avant son
incinération, on s’est retrouvés au Temple de Soji-ji (c’est un des
deux grands temples japonais), et même mort il continuait à
enseigner. Quand je l’ai vu dans son cercueil, le cercueil était ouvert
et il avait plein de fleurs tout autour de lui, il paraissait presque
comique, comme il avait un visage très spécifique, une personnalité
énorme, la tête d’un Bouddha. On le comparait à Bodhidharma. Et
avec toutes les fleurs autour de la tête, c’était comique, cette force,
en même temps que la dérision des fleurs. Il avait l’air bien.
Il y avait une immense cérémonie à Soji-ji, avec au moins 300
moines, et tous les européens qui avaient été invités. C’est très
beau, les cérémonies au Japon, c’est totalement une chorégraphie,
avec des belles robes, des beaux kesas dorés, et des sutras chantés
parfaitement à l’unisson, pas une voix qui dépasse, un truc très fort
et très esthétique.

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Quand la cérémonie a été terminée, on a confié le cercueil aux
disciples proches de Sensei qui étaient là. Il fallait aller à la
crémation. Je me souviens, on était quatre mecs, quatre disciples de
Sensei et on a porté le cercueil jusqu’à la voiture. Il y avait un tapis
roulant dans le corbillard, on devait poser le cercueil sur le tapis
roulant pour le glisser dans la voiture. J’étais à l’arrière gauche du
cercueil, à côté de Fausto, un disciple italien, champion d’arts
martiaux, et au moment où on a fait rouler le cercueil sur le tapis
roulant, au moment où j’allais lâcher le cercueil, mon doigt s’est
pincé entre le tapis roulant et le cercueil. Ça m’a fait une espèce de
décharge électrique, qui m’a fait lâcher toute tension émotionnelle,
et tout d’un coup je me suis mis à chialer, à chialer, à chialer, pleurer,
pleurer, pleurer, je ne pouvais plus m’arrêter. On est montés dans le
car, je continuais de pleurer.
Ensuite on nous a menés à la crémation. Au Japon, ça ne se passe
pas tout à fait comme en France. D’abord on récite des sutras, il y
avait quelques moines sympathisants de Sensei, des amis à lui, qui
s’étaient joints à nous, on devait être une quinzaine autour du
cercueil ouvert, où on voyait Maître Deshimaru avec sa tête presque
un peu comique avec les fleurs, un léger sourire. Moi je pleurais
toujours, je ne pouvais pas m’arrêter. Le four a chauffé, les sutras
sont entonnés et à un moment donné le cercueil va être entré dans
la fournaise, dans le four. Il y avait la famille de Deshimaru, les filles
de Deshimaru qui pleuraient aussi très fortement, et avant que le
cercueil entre dans le feu, j’ai voulu voir une dernière fois la tête de
Sensei, et là, il était précisément mort, ce n’était plus Maître
Deshimaru dans un cercueil, c’était un cadavre. Je me souviens
toujours de cette histoire. Et là j’ai arrêté de pleurer.
Et puis voilà, on s’est retrouvés sans maître, on s’est débrouillé. Il a
fallu assurer, faire des kusens, des enseignements, continuer le
samu, continuer à construire le temple, continuer sans le maître, qui
avait une telle puissance et une telle présence.

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En réalité, aucun de nous ne se prend pour un maître, on ne peut
rester que des disciples, par rapport à Maître Deshimaru. On a
essayé de continuer sa mission, continuer de répandre le zen. Le zen
est inscrit dans l’inconscient collectif de l’humanité, il est intégré.
Zazen est intégré, donc Maître Deshimaru a réussi sa mission.
J’ai écouté dans Internet : le temps va de plus en plus vite et les
évènements sont de plus en plus médiatisés, digérés et intégrés. La
guerre de l’Ukraine, on pourrait l’appeler la guerre tiktok. Il y a
encore 20 ans de cela, ou 10 ans de cela, il n’y avait pas une telle
interdépendance de communication.
Le zen s’est transmis 700 ans au Japon, 700 ans en Chine, 700 ans en
Inde, 50 ans en Europe.

7 mai 2022 – La posture des mains


La main gauche est placée dans la main droite, les deux majeurs
sont superposés, et les pouces se joignent en surplomb des deux
majeurs. Les pouces sont en contact, ils ne doivent pas être trop
serrés, ni trop relâchés, ils ne doivent former ni montagne, ni vallée,
c’est-à-dire qu’ils sont bien horizontaux. La posture des mains est
délicate et précise. Pour nous aider à redresser la posture, Maître
Deshimaru nous enseignait : « Vous devez faire comme si vous aviez
une grosse pierre dans les mains, et que vous rameniez cette pierre
vers l’espace situé sous le nombril.
Évidemment, dans toutes les zones importantes de la posture, il y a
un aspect yang, c’est-à-dire tendu et fort, étiré comme un arc, et un
aspect yin, qui est le fait de relâcher la flèche. On ne peut pas
toujours être sur la tension, et dans les dojos zen traditionnels, en
tous les cas avec Maître Kodo Sawaki et Maître Deshimaru, on
apprenait la posture yang, on mettait tous ses efforts, pendant une
heure de zazen, et après, à la fin, on découvrait a posture yin,
l’aspect yin, le relâchement, le bon moment où relâcher la flèche.
Mais si on se relâche tout de suite, sans avoir la bonne posture, ce
n’est pas du tout efficace.

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Je vous ai parlé de la grosse pierre qu’on ramène contre le ventre,
n’oubliez pas cette image.
Les trois points importants pendant zazen, c’est posture, respiration,
attitude de l’esprit. On me demande souvent : pendant l’expiration,
est-ce qu’on doit sortir le ventre, ou rentrer le ventre ? La respiration
est naturelle, c’est-à-dire que pendant l’expiration, on rentre le
ventre, pendant l’inspiration on le gonfle. C’est la respiration
naturelle. Mais pendant zazen, à la fin de l’expiration, on rassemble
l’énergie sous le nombril, donc la masse abdominale se dégonfle,
s’aplatit pendant l’expiration, mais la tension se fait dans la région
du kikai tanden sous le nombril. Vous devez sentir comme une boule
dure. On appelle cette zone, l’océan de l’énergie.

Kin-hin
On tend le mollet, on tend le genou, on contracte légèrement la
fesse qui supporte la jambe avant, et on expire lentement, en
portant le poids du corps sur la jambe avant. À la fin de l’expiration,
on laisse l’air nous remplir, la jambe arrière passe à l’avant, et on
recommence. Pressez le sol avec la racine du gros orteil, tendez la
colonne, poussez le ciel avec la tête, tout ça en pressant légèrement
les mains l’une contre l’autre, et en gardant les avant-bras
horizontaux.

14 mai 2022 – Hishiryo


Un certain maître Yakusan a inventé l’expression Hishiryo. En fait
c’est intraduisible. Hi, c’est absolu, c’est ce qui englobe tout, et
shiryo, c’est la pensée. Donc un jour qu’il était en train de faire
zazen, on lui demande :
- Qu’est-ce que tu fais là, assis comme une montagne ? À quoi tu
penses ?
C’est marrant, parce que Maître Deshimaru, quand il est arrivé en
Europe, il a montré le zazen dans un monastère, et les moines ont

63
eu la même question : à quoi est-ce que vous pensez, quand vous
faites zazen ?
On raconte aussi l’histoire d’un saint français qui était allé au Japon,
qui avait vu les moines assis face au mur, et il disait : je ne sais pas
ce qu’ils font, ils sont immobiles devant un mur, je ne sais pas du
tout à quoi ils pensent.
Dans la Bible on dit : « Au commencement était le verbe. » Le verbe,
c’est quand même l’écriture de la pensée, la définition de la pensée.
Si on dit : « Je marche », le verbe est dit, il est prononcé. C’est là, à
mon avis, la différence principale entre le christianisme et le
bouddhisme : à travers zazen, le verbe n’est pas prononcé. Tout est
pensé, en fait. Quand on prononce le verbe, on va définir une
minuscule parcelle de l’univers. Quand le verbe n’est pas prononcé,
alors c’est Hishiryo, la pensée absolue, la pensée divine, la pensée
qui se pense elle-même.
Dans le zazen, on dit toujours qu’il y a trois points importants : la
posture, la respiration et la conscience. La posture, c’est une pensée.
Plus on est habitué au zazen, plus la pensée absolue du zazen, pour
nous, c’est clair, mais on ne pourrait pas le définir avec des mots. On
le définit avec nos jambes, avec nos fesses, avec notre bassin, avec
notre nuque, avec notre souffle. La respiration, c’est l’échange
incessant du feu de la vie ; et la conscience. Ces trois aspects,
évidemment, sont inséparables.
Ce qui est surtout important, dans la pensée Hishiryo, ou dans la
conscience Hishiryo, c’est qu’elle redéfinit la conscience, la pensée,
elle ordonne, dans le bon ordre, comme si un enfant avait joué, et
on lui dit de ranger sa chambre : ça, ça va là, ça, ça va là, tes petites
voitures tu les ranges là. Quand on fait zazen, on remet en place la
conscience, on la ré harmonise avec le système cosmique, alors que
dans la vie quotidienne, on va souvent de pensée en pensée, une
pensée en entraînant une autre, notre conscience devient partiale.
Quand on fait zazen, tout revient dans son ordre. La posture du
corps, de l’esprit et du souffle s’harmonisent avec l’ordre cosmique.

64
L’ordre cosmique, ce n’est pas rien, c’est notre système solaire, c’est
notre galaxie, c’est notre univers et peut-être encore plus. En tous
cas, dans le bouddhisme, la pratique de zazen est considérée
comme une grande sainteté, pas seulement pour soi-même.
L’être humain a la connaissance innée de la prière, la vocation innée
de la prière, c’est-à-dire que sa prière est puissante et efficace. Le
grand secret de la prière, le point important de la prière, que ce soit
bouddhiste, chrétien ou n’importe quelle religion, ou même laïque,
c’est de prier pour les autres d’abord. Évidemment, on considère
d’abord ses propres souffrances : j’ai mal, s’il vous plaît, aidez-moi ;
mais si on passe outre cette souffrance personnelle, et qu’on dit par
exemple : « aidez les chinois qui souffrent tellement fort en ce
moment, mon cœur est avec vous », alors là, votre prière prend
toute sa puissance et vous révèle à vous-mêmes. Le zazen, il faut le
faire pour les autres, avant-même de le faire pour soi-même.

18 juin 2022 – Zazen et la terre


En réalité ce qui paraît le plus difficile est plus confortable quand on
sait comment le faire. Donc n’hésitez pas à demander, à
redemander des explications sur la posture aux responsables, de
manière à pouvoir pendre cette fameuse posture confortable du
Bouddha.
Mon maître disait toujours : « La posture de zazen n’est pas si facile,
mais en même temps, elle n’est pas si difficile. » Quand on la prend
correctement, elle apporte un grand bonheur.

Bien basculer le bassin vers l’avant, au niveau de la cinquième


vertèbre lombaire, la première vertèbre mobile en bas de la colonne
vertébrale, au niveau de la taille. Elle est très importante parce que
c’est un pivot du corps. Ce qu’il faut comprendre, c’est que la
planète terre a un côté à elle qui est bien spécifique. Par exemple la
force gravitationnelle. Et tout ce qui a poussé sur la terre et autour
de la terre, qui s’est nourri de la terre et qui a nourri la terre, est

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adapté, c’est comme une famille, on fait tous partie de la même
famille. Et donc, quand on fait zazen, on prend conscience de ça,
que la posture du Bouddha est la posture exacte qui s’harmonise
aux cotes de la planète terre.
Vous avez vu Pesquet, qui est allé dans l’espace. Au bout de
quelques mois, son squelette était déformé et il fallait qu’il fasse
beaucoup d’exercice pour arriver à maintenir son corps dans une
bonne dynamique. Donc ce n’est pas n’importe quoi, et donc la
posture de zazen est parfaitement adaptée à la dynamique
terrestre, c’est-à-dire sa pesanteur, et aussi aux spécificités du corps
humain. Donc quand on connaît bien zazen, on joue avec notre
spécificité musculaire ou vertébrale, ou squelettique, et
normalement, on n’a pas besoin de faire d’efforts spéciaux
musculaires pour se tenir bien droit, ça doit être naturel.

17 septembre 2022 – La grande assise


Zazen, c’est la grande assise. Pour que ce soit la grande assise, la
première condition est de bien basculer le bassin vers l’avant, de
manière à ce qu’il y ait une cambrure marquée au niveau de la
cinquième vertèbre lombaire, qui est la première vertèbre mobile
au-dessus du sacrum. Donc au-dessus du sacrum (où les vertèbres
sont soudées), là où vous pouvez trouver un mouvement, c’est la
cinquième vertèbre lombaire, elle est très importante. Donc à ce
niveau-là, il faut basculer vers l’avant, ce qui va libérer le ventre, le
plexus solaire, et ce qui va donner une position noble et forte à la
posture.
Deuxième point très important pour avoir une grande assise : c’est
les fémurs. En fait les fémurs ont deux os qui sont saillants, qui sont
ronds, on les appelle les trochanters. C’est des excroissances du
fémur qui s’intègrent dans l’os iliaque. Et ces deux boules d’os qu’on
sollicite quand on s’assoit en zazen, on doit bien les positionner
avant de commencer le zazen, comme si on voulait les écarter le
plus possible pour avoir un aplomb plus fort.

66
Une fois que vous avez trouvé cette grande assise : bascule du
bassin, et les ailes des trochanters ouvertes, à ce moment-là il ne
vous reste plus qu’à étirer la colonne vers le haut et à pousser le ciel
avec la tête. On pousse le ciel avec le sommet du crâne. Pour
faciliter cela, il faut rentrer le menton. Le menton ne doit pas partir
en avant, mais être rentré. Et ce qui va avec, c’est d’étirer la nuque.
Ça place tout le cerveau d’une certaine manière, qui est elle-même
fondamentale pour la méditation.
Quand j’ai voulu apprendre la méditation pour la première fois,
quand je suis rentré dans un dojo pour la première fois, je pensais
qu’on allait méditer en fermant les yeux, voir de belles montagnes,
ressentir l’amour, etc et on m’a dit : « ce qui est important, c’est la
posture, zazen. » Je ne voyais pas vraiment le rapport entre la
posture et la respiration. Et maintenant j’ai compris que le plus
important, c’est la posture. Quand vous avez bien positionné votre
corps, comme je l’explique, là, après vous pouvez lâcher les
articulations. On ne peut pas tout faire en force. Au début on le fait
en force, peut-être pour l’imprimer dans son esprit, dans sa
mémoire profonde, mais après on le fait naturellement,
inconsciemment, automatiquement.
Ensuite pour avoir une belle posture, il faut pousser la terre avec les
genoux. C’est très important et fondamental d’avoir les genoux
plantés dans le sol. Ils sont plantés dans le sol grâce à l’utilisation
d’un coussin rond, le zafu, coussin traditionnel zen depuis des
millénaires. Chacun devrait avoir son zafu et le régler à sa taille,
selon la mobilité du bassin, selon la grandeur de la personne. En
général, les personnes grandes ont besoin d’un zafu plus haut, plus
épais, les plus petites personnes ont besoin d’un zafu plus petit.
Quand vous êtes bien assis, la tête positionnée, menton rentré,
nuque étirée, dos droit, bassin basculé, les genoux qui poussent la
terre, la tête qui pousse le ciel, vous positionnez les mains.
On ne fait rien avec les mains, elles sont juste positionnées sous le
nombril, contre l’abdomen, la main gauche dans la main droite, la

67
main gauche posée sur la main droite. Les épaules relâchées vers le
bas. La main gauche repose dans la main droite et les pouces se
joignent, sont en contact l’un avec l’autre. Ils ne sont pas écrasés
l’un contre l’autre, mais juste en contact. Par la force de ce contact
entre les deux pouces, on peut régler la tension du corps. Si vous
êtes trop tendu, vous diminuez le contact, la force du contact. Si
vous dormez, les pouces tombent vers le bas, il faut les redresser.
Les mains forment un ovale. Les pouces se joignent à l’horizontale.
Pour finir, la posture des yeux. J’ai parlé de fermer les yeux, tout à
l’heure, d’imaginer des paysages merveilleux, de ressentir des
choses merveilleuses. En zazen, on place son regard à un mètre
devant soi, à 45 degrés environ vers le sol. On garde les yeux
ouverts, en fait mi-clos, moitié ouverts, moitié fermés. On ne fixe
pas forcément un point sur le mur ou sur le vêtement de la
personne qui est devant nous. Les yeux restent ouverts
naturellement, vous les laissez focaliser comme ils veulent, parfois
vous pouvez voir trouble, parfois la vision est plus nette. En principe
il ne faut pas fermer les yeux, si dans un dojo tout le monde ferme
les yeux, on finit par s’endormir.

kin-hin
Vous enserrez les pouces dans les mains, vous les posez sur les
genoux et vous vous balancez six ou sept fois avec une amplitude de
plus en plus grande. Tournez bien la tête à droite, à gauche, et vous
allez doucement vous lever, décroiser les jambes, laissez le temps au
sang de revenir dans les jambes. Remettez bien en forme votre zafu,
bien rond, et en même temps vous pouvez tendre les jambes. Vous
faites un cercle qui va dans le sens des aiguilles d’une montre, vous
suivez la personne qui vous précède, vous laissez une certaine
distance, comme en voiture, espace de sécurité.
Donc vous enserrez la dernière phalange du pouce dans le poing
gauche. Ensuite vous placez la partie saillante du pouce, la racine du
pouce, sous le sternum. La main droite enveloppe la main gauche.

68
Les avant-bras sont horizontaux. Vous allez avancer par demi-pas ;
un pas, ça ne dépasse pas un demi-pied. Vous allez rythmer la
marche avec la respiration. Après un pas, vous allez expirer
longuement en concentrant le poids du corps sur la jambe avant.
Vous tendez le genou de la jambe avant, vous pressez le sol avec la
plante du pied, avec la racine du gros orteil, vous expirez, vous
expirez, vous expirez, jusqu’à la fin de l’expiration où vous laissez vos
poumons se remplir, en même temps vous faites un nouveau pas, et
vous recommencez, expiration, expiration, on porte le poids du
corps sur la jambe avant, on tend le genou, on contracte un peu la
fesse du même côté, on expire, on expire, on expire et à la fin de
l’expiration, on laisse l’air nous remplir et la jambe arrière passe en
avant.
Donc c’est une suite d’expirations et d’inspirations, de tensions
pendant l’expiration, de détente pendant l’inspiration ; d’ouverture
pendant l’inspiration, d’ancrage pendant l’expiration. L’expiration est
plus longue que l’inspiration. Il faut que vous retrouviez la même
concentration et la même sensation qu’en zazen quand vous êtes
assis sur le coussin. Et quand vous arrivez à l’angle du dojo, vous
tournez à angle droit.
Dans dojo, do c’est la Voie, jo c’est la pièce. Le dojo est la pièce où
l’on pratique la Voie. Redressez la tête. Déjà avec la posture, on a
beaucoup à faire. Pour marcher, vous déroulez le pied, du talon
jusqu’aux orteils et ensuite vous pressez le sol spécialement avec la
racine du gros orteil. Tous ces petits détails doivent être répétés,
mais il faut se les approprier, se les réapproprier, les approfondir.

Zazen
Donc tout de suite les points importants : bascule du bassin,
cambrure au niveau de la cinquième vertèbre lombaire, tendez la
nuque et rentrez le menton. Il y a toujours un côté qui est plus facile
que l’autre, donc c’est bien de changer de jambe pour assouplir les
deux côtés. Je vous épargne tous les détails de la posture, parce que

69
moi, je les oublie aussi. Un détail important : vous avez la bouche
fermée, sauf moi, la langue contre le palais, la pointe de la langue
derrière les dents du haut.
On respire par le nez, et dans le zen, contrairement au commun des
mortels, on place d’abord l’attention sur l’expiration. En général,
quand on vous dit : respirez, vous pensez à inhaler une grande
bouffée d’air, gonfler les poumons, mais dans le zen, dans le dojo, et
même dans l’esprit du zen, on commence toujours par l’expiration,
on se vide. Quand on a fait le vide dans ses poumons et dans son
esprit, on laisse l’air nous remplir, on laisse l’inspiration se faire. Par
la suite, vous aurez beaucoup plus d’aisance avec la respiration, vous
découvrirez tout un monde, mais au début, on se contente de
respirer naturellement, sans forcer, on suit sa respiration.
C’est très important, parce que, quand vous respirez naturellement,
mais en portant votre attention sur la respiration, le fait de porter
son attention dessus, déjà ça change tout. Ça a été même prouvé,
les maîtres de médecine chinoise l’expliquent, que simplement en
étendant son attention à un point quelconque du corps, il va se
dégager de la chaleur à cet endroit, au bout d’un certain temps.
Donc porter son attention sur, c’est très important. Quand on porte
son attention sur la respiration, on ne suit plus ses pensées.
Souvent, on est assis comme ça en zazen, et on pense : qu’est-ce
que je vais faire à manger à midi ; ou bien : il faut que je finisse tel
travail ; ou alors on pense au zen, ce qui est encore pire : est-ce que
j’ai l’esprit pur, est-ce que je suis un bouddha ? Dès lors qu’on pose
son attention sur la respiration, les coagulations se libèrent.
Donc quand même, est-ce qu’il y a une concentration sur l’état
d’esprit, sur l’esprit ? Où est-ce que le zazen est spirituel ? La
conscience, la pensée, la réalisation avec le corps ? Le seul
enseignement qu’on donne dans le zen, qui est très simple, c’est :
laissez passer les pensées. J’avais un groupe de rock, quand j’étais
jeune, qui s’appelait : laissez passer. Quand on laisse passer les
pensées, on découvre, avec l’expérience, la pensée hishiryo. En

70
japonais, hi c’est absolu et shiryo c’est la pensée. Pensée absolue,
penser du tréfonds de la non pensée.
Shakyamuni Bouddha a enseigné à ses disciples, en Inde, un zen très
simple. Tous les sutras n’existaient pas à cette époque-là. Les sutras
ont été écrits après la mort du Bouddha, c’est la transcription de
l’enseignement du Bouddha pendant qu’il était vivant.
Les cérémonies, c’est très simple aussi. Et le sutra fondamental de
tous le bouddhisme, que ce soit tibétain, mahayana, hinayana,
toutes les lignées bouddhistes avec une filiation jusqu’au bouddha,
ils chantent tous ce même sutra qui s’appelle l’Hannya Shingyo, le
sutra de la grande sagesse Hannya. Mon maître disait : « Ce n’est ni
du tibétain, ni du chinois, ni du japonais. Ce sutra dit que les
phénomènes sont vides, et du vide jaillissent les phénomènes : shiki
soku ze ku, ku zoku ze shiki. Avec cette phrase-là, vous avez tout
compris.
Nous, après les deux zazens, normalement on fait tout une
cérémonie où on chante l’Hannya Shingyo, une fois, ou trois fois. Si
vous continuez zazen dans le dojo, vous expérimenterez la
cérémonie. On la fait le samedi matin en général. Là, on va
simplement chanter l’Hannya Shingyo en restant en zazen.

MONDO
Au début, on est obligé d’utiliser beaucoup la force et la volonté,
mais après, ça devient confortable et naturel.

Question 1 – Est-ce qu’habituellement vous parlez pendant le


zazen  ?
- Moi je suis un peu fainéant alors je ne parle pas beaucoup, mais
normalement il y a une place pour l’expression philosophique
pendant la pratique, on appelle ça un kusen. Parfois les maîtres font
des conférences où tout le monde est assis et écoute la conférence
du maître, mais Maître Deshimaru s’est aperçu que ses disciples

71
prenaient tellement l’habitude de ces conférences qu’ils s’asseyaient
dans un coin et s’endormaient, donc il a dit : pour pas que vous
dormiez pendant mon enseignement, je vais faire des kusens
pendant la méditation.
Ce n’est pas une écoute ni une expression intellectuelle, ça touche
des endroits plus inconscients du cerveau.

Question 2 – Est-ce qu’à chaque séance vous faites à peu près la


même chose  ?
- A peu près. Normalement c’est un peu plus long. En fait même pas,
là on a fait un vrai zazen, vous aviez une bonne posture, vous n’avez
pas bougé, c’est bien. C’est rare de voir un groupe de débutants qui
ont tous une bonne posture. Si vous persévérez, ça viendra, c’est un
feeling avec le zazen. On est attiré, on ne sait pas pourquoi.
Quand j’ai fait mon premier zazen, en sortant du dojo je n’avais plus
qu’une idée, c’était d’y retourner, de refaire zazen. Mais j’avais
tellement de courbatures que je me suis dit : pas demain, mais
après demain. Et finalement j’y suis allé quand même le lendemain.
Et très vite, j’étais trop heureux que ça imprègne ma vie, j’avais
toujours envie de faire zazen.
On découvre son corps, on découvre une autre dimension de son
corps, et on peut se relaxer comme on ne peut pas toujours le faire
dans un lit. On dit que la posture de zazen, c’est ni assis, ni couché,
ni debout ; on ne va nulle part puisqu’on a les jambes croisées ; on
n’est pas assis comme dans un fauteuil, puisqu’on se tient droit
comme si on était prêt à bondir ; on retrouve les ondes du sommeil
pendant zazen, certaines ondes du sommeil profond, et on n’est pas
couché.

Question 3 – Est-ce qu’on peut pratiquer chez soi  ?


- Chacun fait ce qu’il souhaite. Des fois, il y en a qui viennent une
fois tous les quinze jours ou une fois par mois et qui pratiquent chez

72
eux régulièrement. Il y en a qui se construisent des petits dojos, en
pin du Japon. Il y a de tout.

- Est-ce que vous avez expérimenté un changement d’état de


conscience, et du coup dans la vie de tous les jours  ?
- Si on y prête attention, on s’aperçoit que l’état de conscience
change tout le temps. À chaque moment, c’est un nouvel état de
conscience, selon les pensées qui nous traversent, les émotions, etc
Et on peut remarquer aussi qu’on reçoit dans le corps, que nos
émotions passent par le corps, par des lieux géographiques dans le
corps.
Alors effectivement, selon qu’on lit le journal ou un bouquin, ou si
on fait un jeu vidéo, ou si on s’étale au soleil sans rien penser, si on
rencontre sa fiancée, chaque fois c’est un état nouveau. En zazen
aussi, c’est pareil.
Parfois on se sent mal en zazen, on a très mal, même les pratiquants
expérimentés peuvent avoir des difficultés, et puis quelques minutes
après, on peut se sentir super bien, ne plus avoir envie de bouger.
Donc ce n’est pas important, il ne faut pas s’attacher aux états de
conscience, mais voir leurs mouvements, voir leur danse.

- C’est une pratique de la non-saisie  ? Ne pas s’accrocher aux


états  de conscience?
- L’enseignement fondamental, c’est que zazen est sans but. C’est
très vulgaire et très mal vu de faire quelque chose pour quelque
chose : il y aura ça, alors je vais faire ça. Quand on pratique dans les
dojos, petit à petit ça nous imprègne et on a cet esprit mushotoku,
comme ça se dit en japonais, qui se révèle en nous comme étant
naturel, ça devient naturel. Donc ça rend la vie plus calme et plus
supportable pour toi et pour les autres. Mushotoku, c’est ce qui
pourrait ramener la paix et l’harmonie dans le monde où on est en
ce moment, qui est quand même difficile, inconfortable, parce que
les gens ne sont pas mushotoku, au contraire. Ce n’est pas la

73
technique, c’est la technocratie, c’est toujours la compétition, on fait
les trucs dans un but et il faut gagner. Pour la pensée zen, c’est très
vulgaire, très bas de gamme.

24 septembre 2022 – Le kusen


L’enseignement oral pendant zazen s’appelle le kusen. Il n’est pas fait
pour débiter des vérités ou des dogmes, il n’est pas fait pour
expliquer le vide ou expliquer la mort, ou la vie.

17 octobre 2022 – Les points fondamentaux de


la posture
Les points fondamentaux pour avoir une bonne posture, c’est
d’abord d’ancrer bien ses genoux dans le sol, prendre racine,
pousser la terre avec les genoux. Ensuite, basculer le bassin vers
l’avant à partir de la cinquième vertèbre lombaire, qui est la
première vertèbre mobile, au-dessus du sacrum. Par la cinquième
vertèbre lombaire, vous pouvez régler la bascule du bassin.
Évidemment, il ne faut pas qu’elle soit exagérée, mais il faut bien
basculer le bassin vers l’avant.
Ensuite on étire la colonne vers le haut, on tend la nuque, on rentre
le menton, tout en faisant attention de ne pas laisser la tête pencher
vers l’avant.
Une fois que vous avez l’axe et la racine, vous pouvez prendre
conscience du corps dans son ensemble, vous pouvez vous
détendre, en même temps dans un tonus musculaire de grand éveil.
La bouche est fermée, les dents se touchent, la pointe de la langue
derrière les dents de devant, les dents du haut ; les oreilles et les
épaules dans un même plan vertical, le nez et le nombril sur une
même ligne. Vous déposez les mains sous l’abdomen, la main
gauche est posée sur la main droite. Les pouces se joignent
horizontalement.

74
Kin-hin
Chaque pas est rythmé sur la respiration. Quand vous avez fait un
pas, vous portez petit à petit le poids du corps sur la jambe avant,
vous tendez bien le genou, vous serrez un peu les fesses, vous étirez
la colonne, la nuque, vous poussez le ciel avec la tête. Tout ça
pendant l’expiration. À la fin de l’expiration, vous laissez l’inspiration
se faire automatiquement et pendant cette inspiration, qui est assez
courte, la jambe arrière passe en avant, et on recommence une
longue expiration. En même temps, pendant l’expiration, vous serrez
doucement les mains l’une contre l’autre. Gardez les avant-bras bien
horizontaux.

Quand vous reprenez la posture de zazen, vous changez de jambe. Si


la jambe gauche était au-dessus, vous mettez la jambe droite au-
dessus, dans la deuxième partie. On a toujours un côté qui est plus
facile que l’autre, mais il faut s’entraîner sur les deux côtés.

5 novembre 2022 – La pleine présence


La posture de zazen forme un tétraèdre, c’est-à-dire la première
figure géométrique en trois dimensions. Respiration : on se stabilise
en approfondissant l’expiration. On expire, on expire doucement,
imperceptiblement, calmement et à la fin de l’expiration, on laisse
l’inspiration se faire automatiquement. Attitude de l’esprit : on doit
éliminer le temps, c’est-à-dire le futur ou le passé. On doit être dans
l’ici et maintenant, donc le temps disparaît. Si le temps disparaît, la
pensée personnelle disparaît également, on ne pense plus au futur,
au passé, ou à un temps décalé. On est dans l’ici et maintenant,
comme on dit dans le new-age, on est dans le je suis. La seule chose
qu’on peut penser et exprimer, c’est je suis. Ça fait le bruit d’une
respiration ssssssssssssss.
Basculez bien le bassin vers l’avant, poussez la terre avec les genoux,
c’est la base. La colonne s’étire, on pousse le ciel avec la tête.

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Quand le corps, quand la posture est présente, quand l’état d’esprit
est présent, alors la posture, l’état d’esprit sont abandonnés. ça ne
veut pas dire d’abandonner la concentration, ça ne veut pas dire
bouger, tousser. Au contraire dans l’abandon, la posture devient
parfaite, parfaitement naturelle, parfaitement symétrique.

19 novembre 2022 – La clé de kin-hin et la clé de


zazen
Pendant le kin-hin, on débloque au niveau du chakra du cœur, des
épaules, de la nuque, de la tête, et évidemment, au niveau de la
racine du pouce qui est placée sur le chakra du cœur. Le fait de
détendre les épaules, ça remet complètement la posture en place,
par l’abandon de quelque chose, par le lâcher de quelque chose.
C’est la clé principale.

En zazen, la clé est au niveau du kikai tanden, l’océan de l’énergie.


C’est le chakra racine. Le chakra racine est multiple. Le vrai chakra
racine, c’est le point huiyin, en chinois, le point de la vie et de la
mort, qui se trouve entre les organes sexuels et l’anus. C’est un point
très important, dont le méridien va traverser le corps jusqu’au
sommet du crâne. Ce point huiyin doit être en contact avec le zafu.
C’est la clé, ça se trouve au niveau de la bascule du bassin. Vous
devez trouver la juste bascule de votre bassin, chacun est différent,
il y en a qui doivent cambrer plus fort, il y en a qui doivent plutôt
relâcher, on ne doit pas être assis comme sur un fauteuil, on ne doit
pas être vouté, il ne faut pas non plus exagérer la cambrure au
niveau de la cinquième vertèbre lombaire. La cinquième vertèbre
lombaire, c’est l’endroit de bascule le bassin, c’est la première
vertèbre mobile. La cinquième vertèbre lombaire, c’est comme un
gond.
Si vous prenez la posture du lotus complet, toute cette zone-là est
magique, parce que plus vous relâchez les jambes, plus vous les
lâchez, plus vous vous abandonnez, plus elles pèsent sur les mollets.

76
Et donc il n’y a pas besoin de dire : poussez la terre avec les genoux,
parce que plus vous lâchez, et plus vous poussez la terre en même
temps. C’est-à-dire moins vous en faites, plus vous en faites. Moins
vous en faites, plus vous êtes fort. Ce n’est pas la même force, c’est
la force cosmique, innocente. Plus vous relâchez, plus cette force
libère, et plus votre bassin va prendre la bonne posture, la juste
cambrure.
Donc cet abandon au niveau des jambes que vous relâchez, au
niveau du bassin que vous basculez naturellement, au niveau de la
colonne qui va s’étirer sans effort, en plaçant toutes les vertèbres
jusqu’à la nuque, c’est très agréable, vous ressentez un grand bien-
être. La posture n’est plus du tout douloureuse.
Les pieds pressent sur les cuisses.
Ce point huiyin, ce chakra racine (c’est vraiment notre racine), qui
est le point où nous sommes en contact avec le zafu, est relié
directement au chakra couronne qui se trouve au sommet du crâne,
la fontanelle, par le méridien chong mai.

26 novembre 2022 – L’éducation zen


En japonais, sanko signifie la formation zen. C’est vrai, quand vous
dites à quelqu’un : je pratique le zen, il va vous demander : qu’est-ce
que c’est, c’est une religion ? C’est un art martial ? C’est une
méditation ? En japonais, donc, on appelle ça la formation zen,
sanko. Ce n’est pas une formation de l’élite qui se concrétiserait à
travers un entraînement poussé à l’extrême. On dit qu’un seul
disciple suffit.
Il faut bien comprendre que l’éducation, dans le zen, ne se fait pas
seulement par ses propres efforts, par sa propre volonté, par sa
propre intention. C’est différent de l’église catholique, c’est différent
d’une église, c’est différent de l’éducation militaire qui force à obéir.
Dans le zen, on saute par soi-même, par conviction, on se lance dans
la difficulté.

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Je me souviens que Maître Deshimaru, quand on observe bien à
travers les années, il ne nous a jamais donné d’ordres, ou il n’a
jamais dit : on va faire ça, on va faire ci. Mais c’est tous les disciples
… Un jour il nous a parlé pendant un kusen de la soupe de riz
traditionnelle, la genmai, et c’est nous qui lui avons demandé :
« Sensei, pourquoi on ne pourrait pas prendre la genmai le
matin ? »
« Ah vous voulez prendre la genmai le matin ? D’accord. »
Après il nous a parlé des prosternations, des sampai.
« Sensei, est-ce qu’on pourrait faire les sampai nous aussi ? On
aimerait bien expérimenter.»
« D’accord on va faire les sampai. »
Le temple de la Gendronnière, c’est pareil. Il m’a demandé
personnellement :
« Vous seriez prêt à venir travailler dans ce temple ? »
On avait un temple à Avallon.
Je lui réponds : « Non seulement je serais prêt à venir, mais tous
mes copains, tous les jeunes seraient prêts à venir travailler. »
« D’accord, alors on laisse tomber Avallon, on va acheter un
château. Et vous allez pouvoir travailler.»
C’est toujours les disciples qui créent… Lui, il répondait : « D’accord,
si vous êtes motivés, on y va. »
Jamais il n’a dit : « Moi je veux un château maintenant.» Jamais il n’a
imposé : « À partir de maintenant, on mangera de la soupe de riz
tous les matins. »
Il y a quelques siècles au Japon, les militaires voulaient imiter les
temples zen. Ils étaient en admiration devant le temple de Eihei-ji,
ce grand temple où règne une telle autorité, un tel ordre, une telle
perfection. Donc les samouraïs de l’époque ont voulu imiter Eihei-ji,
imiter la vie des moines. Mais finalement ils se sont trompés car la
source, la base de l’enseignement avait un but différent. Chez les
militaires on éduque pour tuer. Dans les temples on enseigne à

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chacun à aider les autres, à aider toute l’humanité, à rechercher la
Voie.

4 décembre 2022 – Manifester l’esprit


Un jour Maître Tosan marchait avec un de ses disciples. Il lui montra
du doigt un ermitage près du chemin.
- Dans cet ermitage, il y a quelqu’un qui manifeste l’esprit, dit-il.
- Qui c’est ? demanda le disciple ?
Tosan répondit :
- Vous me demandez qui c’est alors qu’il vient juste de mourir.
Le disciple insista, il voulut poser dix mille questions :
- Qui a manifesté l’esprit en lui ? Est-ce qu’il a manifesté la nature ?
Le maître répondit :
- Il est mort, mais il peut vivre dans la mort.
Maître Dogen raconte cette histoire et il parle de manifester l’esprit,
en japonais sesshin, quand on dit qu’on va en sesshin. Setsu, ça veut
dire toucher, manifester. Maître Rinzai disait mushin, il n’y a pas
d’esprit, il n’y a pas de nature, mais Maître Dogen critiquait cette
attitude un peu nihiliste, et pour exprimer cela il parle de manifester
l’esprit et de manifester la nature. « C’est la source de la Voie du
Bouddha », dit-il. C’est sesshin sessho, toucher l’esprit, toucher la
nature, manifester l’esprit, manifester la nature. Sans cette
manifestation, il n’y a pas non plus l’esprit du débutant, l’esprit de
décision, celle de devenir moine, par exemple, la décision de vouloir
pratiquer la Voie. Alors dans ce cas-là, la grande terre et tous les
êtres sensibles ne pourraient pas obtenir le satori, ils ne pourraient
pas obtenir la vraie Voie. Donc là, Maître Dogen critique Maître
Rinzai.

Cet après-midi, Christophe va faire une démonstration de


calligraphie japonaise ou chinoise. Justement la calligraphie c’est
manifester l’esprit, manifester la nature tout à fait. Ce n’est pas
seulement un mot, une idée, c’est aussi une forme, un élan, un élan

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vital, une énergie, une manifestation. Sensei disait que la Voie du
zen n’était ni nihiliste, ni matérialiste.

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Camp de printemps 2022 au Temple Yujo Nyusanji

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CAMP D’ETE 2022

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Edition 2021
ABZD
Association Bouddhiste Zen Deshimaru

Temple Zen Yujo Nyusanji


Hameau de Douch
34610 Rosis
France

zen-deshimaru.com

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