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Maître Puntila et son valet Matti, Brecht :

Né en 1898, Berthold Brecht est un dramaturge, metteur en scène, écrivain et poète allemand
du 20è siècle. Il fuit l’Allemagne nazie dès 1933.

TEXTE 2 : Brecht, Maître Puntila et son valet Matti (1940)

PUNTILA - (il aperçoit Matti, son chauffeur, qui se tient depuis quelque temps dans
l'encadrement de la porte.) - Qui es-tu?
MATTI. - Je suis votre chauffeur, monsieur Puntila.
PUNTILA, méfiant. - Qu'est-ce que tu es ? Répète.
MATTI. - Je suis votre chauffeur.
PUNTILA. - Tout le monde peut dire ça. Je ne te connais pas.
MATTI. - Peut-être ne m'avez-vous pas bien regardé, ça fait seulement cinq semaines que je
suis chez vous.
PUNTILA. - Et maintenant d'où viens-tu ?
MATTI. - De dehors. J'attends depuis deux jours dans la voiture.
PUNTILA. - Dans quelle voiture ?
MATTI. - Dans la vô tre. Dans la Studebaker.
PUNTILA. - Ça me paraît drô le. Tu peux le prouver ?

MATTl. - Et je n'ai pas l'intention de vous attendre dehors plus longtemps, sachez-le bien. J'en
ai jusque-là . Vous ne pouvez pas traiter un homme de cette façon.
PUNTILA. - Qu'est-ce que ça veut dire : un homme ? Tu es un homme ? Avant tu as dit que tu
étais un chauffeur. Je t'ai surpris en pleine contradiction, hein ! Avoue-le !
MATTI. - Vous allez le voir tout de suite que je suis un homme, monsieur Puntila. Je ne me
laisserai pas traiter comme une bête de bétail et je n'attendrai pas dans la rue que vous ayez
l'obligeance de sortir.

PUNTILA. - Avant tu as prétendu que toi, tu ne te laisserais pas faire.


MATTI. - Très juste. Réglez-moi, cent soixante-quinze marks, et j'irai chercher mon certificat à
Puntila.
PUNTILA. - Ta voix, je la connais. (Il tourne autour de lui en l'observant comme une bête
curieuse.) Ta voix sonne tout à fait comme celle d'un homme. Assieds-toi et prends un aquavit.
Il faut qu'on apprenne à se connaître.
LE MAÎTRE D'HÔ TEL, entre avec une bouteille. - Votre aquavit, monsieur Puntila, et
aujourd'hui c'est vendredi.
PUNTILA. - C'est bien. (Désignant Matti) C'est un ami à moi.
LE MAÎTRE D'HÔ TEL. - Oui, votre chauffeur, monsieur Puntila.
PUNTILA. - Tiens, tu es chauffeur ? Je l'ai toujours dit, c'est en voyage qu'on rencontre les gens
les plus intéressants. Verse !
MATTI. - J'aimerais savoir ce que vous avez encore dans la tête. Je ne sais pas si je vais boire
votre aquavit.
PUNTILA. - Tu es un homme méfiant, je vois. Je comprends ça. On ne doit pas s'asseoir à table
avec des étrangers. Parce que, dès qu'on s'endort, on risque d'être dévalisé. Je suis le
propriétaire Puntila de Lammi et un homme honnête, j'ai quatre-vingt-dix vaches. Avec moi, tu
peux boire tranquille, frère.
MATTI. - Bien. Je suis Matti Altonen et je suis content de faire votre connaissance. Il boit à sa
santé.
Scène supplémentaire, et complémentaires :

La scène d’exposition se présente sous une forme traditionnelle, le maître pose des questions à son
valet Matti, qui parle longtemps. Maître Puntila prend très au sérieux les explications de Matti.
La longue réponse de Matti, laisse percevoir de l’humour, car en effet, il dit avoir vu des esprits,
mais c’est en-fait pour laisser percevoir que la cuisine était mauvaise au domaine.

La relation maître–valet, est étonnante, car en général, le maître domine, or, Matti est très à l’aise
avec son supérieur. Il entame une grande réplique où il explique que la mauvaise cuisine du
domaine précédent, où il montre sa délicatesse et sa soif des bonnes choses. Matti est rusé, habile et
manipulateur, car il fait fuir tous les employés du domaine en leurs racontant des histoires noires.
Son but est d’épouvanter les employés pour mettre en difficulté Monsieur Pacmann, Il lui suggère
d’améliorer la cuisine du domaine, avec un brin d’humour laissant supposer de mieux traiter ses
employés. Le nœud dramatique n’est pas exposé, c’est une rupture avec le théâtre traditionnelle.

Intention de l’auteur :
Brest dénonce le pouvoir de l’argent, car pour lui, les maîtres ne sont pas reconnaissants vis-à-vis de
leurs employés. Les maîtres n’ont de leur valet que ce qu’ils méritent. Matti met en garde maître
Puntila , sur ce qu’il pourrait lui arriver s’il ne traitait pas bien ses employés.
Brecht fait du théâtre politique , en utilisant des personnes banales, pour dénoncer les maîtres.
Il veut qu’il y est un équilibre entre le valet et son supérieur.

Analyse linéaire, du passage :

I-

Digression dans la manière de nommer le Maître Puntila : «monsieur Puntila »

Précaution oratoire, «Peut-être ne m’avez vous pas bien regardé » → phrase interro-négative
Puntila pose énormément de questions sèches au valet, comme un interrogatoire.

Matti répond avec précaution et beaucoup de précisions ( comme s’il s’adressait à un enfant)
car il a très bien compris que son interlocuteur est désagréable.

Maître Puntila est un homme aisé car il a une Studebaker ( est une voiture de grand luxe).
Le verbe « prouver » est très agressif, comme s’il avait besoin de faire ses preuves.

Les insinuations, et humiliations sont de plus en plus déplaisantes pour le valet. Le maître
peut-être veut-il écraser l’amour propre de son valet, ou bien s’amuse t-il de façon cruelle en
jouant de sa position sociale. Ou bien veut-il faire une plaisanterie de mauvais goû t en
ridiculisant son valet ? La remarque est inappropriée et déplacé.

Matti n’es pas du tout réceptif à cette plaisanterie, et ne tarde pas à exprimer son agaçement.

II- Un conflit allant de la démission à la réconciliation :

Matti avait pris la posture du valet soumis, mais se rebelle. Car il ne peut pas tolérer une
attitude insistante avec la négation « je n’ai pas ». Car implicitement, Puntila accuse Matti de
mentir « Tu peux le prouver ».

Puntila agresse Matti, en posant des questions rhétoriques « Que veut-dire un Homme ? »
“ Tu es un homme? ”, la réponse dans la question, grâ ce au ton.
Matti a un tempérament débonnaire, placide mais ne se laisse pas faire, car il ne veut pas
attendre le bon vouloir de son maître.

Impératif « réglez-moi », Basculement car Matti affirme avec un présent de l’indicatif. Il


menace de démissionner. C’est alors que Puntila change de visage « Il faut que l’on apprenne à
se connaître ». Sorte de trêve des hostilités. Matti n’est donc plus un chauffeur mais un
homme.

Puntila regarde son esclave comme une chose → Chosification.


Entrée du maître d’hô tel :

Puntila avec l’impératif “ verse ! ” + trait d’humour de Puntila «C’est en voyage que l’on
rencontre les gens les plus intéressants », L’ivresse fait sortir les cô tés positifs du maître.
Dédoublement de la personnalité.

III – La méfiance légitime de Matti :

Je ne sais pas si je vais boire votre aquavit,


Cette interrogation indirecte révèle la méfiance, et le doute car il a été offensé.
Le maître est donc beaucoup plus prudent, même concession «je comprend ça » + maxime «on
ne doit pas s’assoir à table avec un inconnu.

Attitude courageuse de Matti → plaît au maître, car résistance.


Amitié va jusqu’à la fraternité «frère » sincérité ou manipulation.
Matti baisse la garde et boit à sa santé.
Relation m ître -valet qui laisse apparaître que le valet se rebelle et donc le maître le brosse
dans le sens du poil.. humiliation.

Finalement le maître Puntila qui est restreint, réduit à … pour que Matti reste auprès de lui.

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