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COMMENTAIRE – entraînement n° 4

Delphine de Vigan, No et moi, 2007.

• Consignes :
- lisez le texte
- répondez à la question suivante : « que nous raconte le texte ? »
- identifiez son enjeu central
- proposez un projet de problématique (ce autour de quoi elle tournerait)
- proposez des axes de lectures (les 3 grands intérêts du texte en partant toujours en I. de ce qui est
le plus évident (soyez descriptif) au II ou III. le plus interprétatif (demandez-vous pourquoi l’auteur a écrit
un texte de cette façon (style) et sur ce thème : pourquoi est-ce intéressant pour le lecteur de le lire, que lui
apporte-t-il ? Il peut s’agir d’une réflexion sur la littérature, sur l’Histoire, sur la société / la politique, sur
l’humain, sur une question philosophique…).
- réfléchissez à une amorce possible et à une ouverture possible

[Lou, la narratrice du roman, est une fillette secrète et sensible dont l'enfance a été bouleversée
par la mort de sa petite sœur Thaïs. Leur mère en est restée brisée.]

1. Je me souviens d’un soir d’automne, plus tard, je dois avoir neuf ou dix ans. Nous sommes
avec ma mère dans un parc, la lumière baisse, il n’y a presque plus personne, les autres enfants
sont partis, c’est l’heure du bain, des pyjamas, des pieds humides enfilés dans les chaussons. Je
porte une jupe à fleurs avec des bottines, mes jambes sont nues. Je fais du vélo, ma mère est
5.assise sur un banc, me surveille de loin. Dans l’allée principale je prends de la vitesse, blouson
fermé, cheveux au vent, je pédale de toutes mes forces pour gagner la course, je n’ai pas peur.
Au tournant je dérape, le vélo part sur le côté, je prends de la hauteur avant de m’étaler sur les
genoux. Je déplie les jambes, j’ai mal. La plaie est large, incrustée de terre et de petits cailloux. Je
hurle. Ma mère est sur son banc, à quelques mètres de là, elle regarde le sol. Elle n’a pas vu. Elle
10.n’entend pas. Le sang commence à couler, je hurle plus fort encore. Ma mère ne bouge pas,
absente à ce qui l’entoure. Je crie tant que je peux, je m’époumone, le sang est sur mes mains,
j’ai replié le genou abîmé devant moi, les larmes brûlent mes joues. De là où je suis je vois une
dame se lever, s’approcher de ma mère. Elle pose sa main sur son épaule, ma mère relève la
tête, la dame pointe du doigt dans ma direction. J’augmente le son. Ma mère me fait signe
15.d’approcher. Je ne bouge pas, je continue de hurler. Elle reste assise, paralysée. Alors la
dame s’approche, s’accroupit à mes côtés. Elle sort un mouchoir de son sac, nettoie ma jambe
autour de la plaie. Elle dit il faudra désinfecter, quand tu rentreras chez toi. Elle dit viens, je vais
t’amener à ta maman. Elle m’aide à me relever, attrape le vélo, me conduit jusqu’au banc. Ma
mère m’accueille avec un faible sourire. Elle ne regarde pas la dame, elle ne dit pas merci. Je
20.m’assois à côté d’elle, je ne pleure plus. La dame repart s’installer à sa place. Sur son banc.
Elle regarde vers nous. Elle ne peut pas s’empêcher. Je tiens le kleenex de la dame serré fort
dans ma main. Ma mère se lève, elle dit on va y aller. On y va. On passe devant la dame, qui ne
me quitte pas des yeux. Je me retourne vers elle une dernière fois. La dame me fait un signe de la
main. Et moi je comprends ce que ça veut dire, un signe comme ça, alors que la nuit tombe sur un
25.parc vide. Ça veut dire il va falloir être forte, il va falloir beaucoup de courage, il va falloir
grandir avec ça. Ou plutôt sans.
Je marche à côté de mon vélo. Dans un bruit sec, le portillon se referme derrière moi.

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