REVUE DE LA FÉDÉRATION INTERNATIONALE DES PROFESSEURS DE FRANÇAIS

// MÉTIER //
Préparer les futurs
N°414 NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2017
étudiants Erasmus
allemands

Au Québec, des jeux

6 fiches pédagogiques avec ce numéro pour le développement
durable
// ÉPOQUE //
Entre France
et Hongrie,
Nina Yargekov
écrit et traduit

Le Louvre
se multiplie
à Abu Dhabi

// MÉMO //
L’insolence des
films de l’Égyptien
Youssef Chahine

L’Iran dans les

polars de Naïri
Nahapétian

// DOSSIER //

ENSEIGNER LES VARIÉTÉS

DU FRANÇAIS PARLÉ
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- Éducation : La rentrée en musique
- Traditions : La Légion d’honneur
- Patrimoine : Le cimetière du Père-Lachaise
02
SAVOIR-FAIRE
tions complémentaires aux articles
parus dans la revue, des prolonge-
ments pédagogiques au dossier…
30 FLE PRÉCOCE : ENTRER DANS
L’UNIVERS DES ENFANTS
ÉPOQUE
Téléchargez le PDF complet des
derniers numéros de la revue. 08. Portrait
Nina Yargekov : je est une autre
Fiches pédagogiques
Q Les fiches pédagogiques en télé- 10. Région
chargement : des démarches d’ex- La Louisiane, un pélican parlant français
ploitation d’articles parus dans
Le français dans le monde et produits 12. Tendance
en partenariat avec l’Alliance fran- L’apéro, c’est du solide !
çaise de Paris - Île-de-France. Dans
les pages de la revue, le pictogramme 13. Sport
« Fiche pédagogique à téléchar- Les dieux du sable
ger » permet de repérer les articles
exploités dans une fiche. 14. Idées
Le concours, « une élection à vie »
16. Lieu
Le Louvre se multiplie à Abu Dhabi
17. Arts graphiques
Q Rendez-vous directement sur les Des musées en plein air
pages « À écouter » et « À voir » :
cliquez sur le nom des artistes 18. Langue
ou des œuvres pour visionner Le double je(u) de Michael Edwards
les vidéos ou les bandes -
annonces des films. 20. Étonnants francophones
« Le français est une langue unificatrice »
Q Cliquez sur les
liens ci-dessous
pour télécharger les reportages 21. Mot à mot
audio et leur transcription. Dites-moi Professeur
MÉTIER
24. Réseaux
26. Politique linguistique
DES FICHES PÉDAGOGIQUES Turquie, une révolution linguistique
POUR EXPLOITER LES ARTICLES
illustration de couverture © Lamisseb
- Graphe : Esprit 28. Initiative
- Poésie : « L’Effraie », de Philippe Jaccottet Le concours Florilège-FIPF s’adapte aux « climats »
- Mnémo : L’incroyable histoire du gérondif
30. Savoir-faire
FLE précoce : entrer dans l’univers des enfants
Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017
Le français dans le monde sur Internet: http://www.fdlm.org

32. Manières de classe MÉMO

Un musée pas comme les autres 58. À écouter
60. À lire
34. Expérience 64. À voir
Préparer Erasmus : tout un projet !

36. Que dire, que faire ?

Comment faire d’Internet un réel support INTERLUDES
pour la classe ? 06. Graphe
Esprit
38. Tribune
L’accueil des étudiants internationaux

40. Innovation
Jeux WASA, pour faire gagner
22. Poésie
Philippe Jaccottet : « L’Effraie »

44. En scène !
édito
le développement durable ! À fleur de peau
Une Europe
42. Ressources 56. BD
Les Nœils : « Traducteur d’entreprise » plus que jamais
plurilingue

P
our peu que les bonnes décisions
soient prises dans les mois qui
viennent, l’année 2017 qui
s’achève pourrait marquer un
tournant pour l’Europe des
langues. La mise en place effective de la sortie
DOSSIER du Royaume-Uni de l’Union européenne
ENSEIGNER LES VARIÉTÉS
DU FRANÇAIS PARLÉ 46
« Entraîner les apprenants à gérer la diversité du français » ............................... 48
Écouter et enseigner les voix du français ........................................................... 50
devrait logiquement se traduire par une
perte d’influence de la langue anglaise au
sein de celle-ci. Certes, on parlera toujours
anglais dans les couloirs du Parlement à
Strasbourg ou de la Commission à Bruxelles.
À Paris, on parle LES français............................................................................ 52 En revanche, d’ambitieuses politiques
Pas si complexes, les accents............................................................................. 54 linguistiques et culturelles relanceraient à
point nommer le sentiment des populations
de partager un même espace citoyen où règne
le plurilinguisme. Le plus grand évènement
OUTILS 71. Fiche pédagogique mondial autour du livre a montré la voie : en
66. Jeux Déjeuner, dîner et fêtes octobre dernier, la Foire de Francfort a pour
Petit repas de Noël en francophonie : de la prononciation au la première fois accueilli non pas un pays,
lexique mais une langue, le français. Une excellente
67. Mnémo occasion de mettre en avant les écrivains et
L’incroyable histoire du gérondif 73. Fiche pédagogique les cultures qui se déclinent en français. Autre
Jeanne Moreau : le cinéma, bel exemple à suivre, celui du programme
68. Quiz la mémoire et le tourbillon de sa vie Erasmus qui a fêté ses 30 ans en 2017. Circuler,
Une langue, des français échanger, apprendre et enseigner, tout est là
75. Fiche pédagogique pour que les langues puissent prospérer ! Q
69. Test Un musée pas comme les autres Sébastien Langevin
Au temps pour moi !

Le français dans le monde, revue de la Fédération internationale des professeurs de français - www.fipf.org, éditée par CLE International – 9 bis, rue Abel–Hovelacque – 75013 Paris – Tél.: 33 (0) 1 72 36 30 67
4ƱčƫăăƫĨĀĩƫāƫąĆƫĉĈƫąăƫāĉƫđƫ!.2%!ƫ+**!)!*0/ƱčƫăăƫĨĀĩƫāƫąĀƫĊąƫĂĂƫĂĂƫĥƫ4ƱčƫăăƫĨĀĩƫāƫąĀƫĊąƫĂĂƫăĂƫđƫDirecteur de la publicationƫ
!*ġ .ƫ!"5/ƫĨ ĩƫđƫRédacteur en chefƫh/0%!*ƫ*#!2%*ƫ
Conseiller de la rédactionƫ
-1!/ƫh$!1.ƫđƫSecrétaire général de la rédaction (h)!*0ƫ(0ƫđƫRelations commercialesƫ+,$%!ƫ!..* ƫđƫConception graphique - réalisation miz’enpage - www.mizenpage.com
Commission paritaire: 0422T81661. 56e année. Impriméƫ,.ƫ ),.%)!.%!/ƫ !ƫ$),#*!ƫĨĆĂĀĀĀĩƫđƫComité de rédactionƫ %$!(ƫ+%.+*Čƫ$.%/0+,$!ƫ$%((+0Čƫ.*'ƫ!/.+$!/Čƫ
1(%!00!ƫ(!.0Čƫ
/!((!Ƭ.1Čƫ$*0(ƫ.,!00!Čƫh.. ƫ%+0ƫđƫConseil d’orientation sous la présidence d’honneur de Mme Michaëlle
Jean,ƫ!.h0%.!ƫ#h*h.(!ƫ !ƫ(Ě.#*%/0%+*ƫ%*0!.*0%+*(!ƫ !ƫ(ƫ.*+,$+*%!Ʊčƫ
!*ġ .ƫ!"5/ƫĨ ĩČƫ+Šƫ!,!'!.ƫ
ĨĩČƫ.*'ƫ!/.+$!/ƫĨ
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(RFI), Jean-Luc Wollensack (CLE International).

Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017 03

INTERLUDE |

« Faire le bel esprit

les jours de grands
naufrages. »
Jean-Luc Lagarce, Traces incertaines

« Il y a beaucoup d’esprit

à n’en pas montrer
quelquefois, et surtout
à ne pas voir que
les autres en manquent. »
Madeleine de Puisieux, Les Caractères

Esprit
Le plus audio sur
WWW.FDLM.ORG
« L’esprit d’équipe… C’est des mecs
espace abonnés
ils sont une équipe, ils ont un esprit.
FICHE PÉDAGOGIQUE
téléchargeable sur
Alors ils partagent ! »
WWW.FDLM.ORG Coluche

06 Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017

 « Ne cherchez pas
« Malheur aux faiseurs la nature de l’Esprit,
de traductions
littérales, qui en mais plutôt l’esprit
traduisant chaque de la Nature. »
parole énervent Proverbe belge

le sens ! C’est bien là

qu’on peut dire que
la lettre tue, et que « On appelle cultivé
l’esprit vivifie. » un esprit dans lequel
Voltaire, Lettres philosophiques on a semé l’esprit
des autres. »
Diane de Beausacq, Maximes de la vie

« Ayez le culte
de l’esprit
critique. »
Louis Pasteur

« Aucun rapport,
décidément, entre
« L’esprit des lois
le Saint-Esprit et l’esprit ! » est de l’esprit sur
Paul Léautaud, Passe-temps des lois. »
Marie du Deffand, Commentaire sur l’esprit des lois

Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017 07

ÉPOQUE | PORTRAIT
Née en France de parents hongrois,
Nina Yargekov possède la double
nationalité, une caractéristique à
laquelle elle a consacré son dernier livre.
L’occasion de découvrir une jeune auteure
qui a su donner une forme romanesque et
pleine d’humour à ses troubles identitaires.
NINA YARGEKOV
JE EST UNE AUTRE
C
’est il y a plus de dix
ans, dans un train,
que lui est venue l’idée
de son troisième et
dernier roman. Elle
n’avait pas encore choisi son nom
de plume, Nina Yargekov, elle qui
préfère garder secrète sa véritable
identité. De retour d’un séjour en
Transylvanie, elle présente son pas-
seport français puis hongrois aux
douaniers. Et c’est la révélation.
Dans quelques années, elle écrirait
un livre sur sa double nationalité.
Une œuvre charnière dans sa jeune
carrière d’écrivain. Elle en est déjà
convaincue.
Médaille d’or
Née en France de parents hongrois
réfugiés politiques – « la médaille d’or
de la migration, glisse-t-elle avec iro-
nie, juste devant les réfugiés de guerre
(médaille d’argent) et les réfugiés cli-
matiques », loin devant les migrants
08
économiques –, Nina Yargekov a
grandi dans cette double culture
dont elle fera, trente-six ans plus
tard, la trame de son roman, Double
nationalité. Celui-ci met aux prises
son « double » narratif – forcément –
avec ses problèmes d’identité, ceux
d’une jeune traductrice-interprète
un brin loufoque qui se réveille am-
nésique à Roissy, deux passeports et
un rince-doigts dans son sac…
Hongroise à la maison, française à
l’extérieur, la petite Nina navigue
très jeune dans deux univers, deux
cultures et deux langues tout aussi
essentielles pour elle. « La natio-
nalité sans la langue ? Quelle idée
farfelue, s’emporte-t-elle. Il est par
exemple impossible, définitivement
impossible, d’être hongrois sans pos-
séder le verbe ! »
Naturalisée française à cinq ans,
en même temps que ses parents,
elle découvre la Hongrie à six. À
peu près l’âge où elle commence à
écrire des poésies, et dans les deux
langues. Une passion qui devient un
peu plus sérieuse à l’adolescence.
« Je voulais alors être poète, même si
je savais très bien que cela ne pouvait
pas être un projet professionnel hyper
sérieux, reconnaît-elle dans un sou-
rire. Vers 23-24 ans, j’ai recommencé
à écrire des choses qui ressemblaient
davantage à un roman. J’avais toutes
les semaines une nouvelle idée... Je
prenais plein de notes. C’est à ce mo-
ment-là que j’ai commencé l’écriture
de Tuer Catherine. Et aussi à cette
époque qu’est née l’idée de Double
nationalité. »
Et c’est en français qu’elle décide de
la transposer, même si elle a d’abord
écrit certaines petites blagues à des-
tination des Hongrois dans sa langue
maternelle. « L’usage du français me
permet probablement de maintenir
une certaine distance avec ce que
j’écris au sens où toutes les émotions
fortes que j’ai eues enfant, puis adoles-
Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017
© Hélène Bamberger / P.O.L
« La nationalité sans
la langue ? Quelle idée
farfelue. Il est impossible
d’être hongrois sans
posséder le verbe ! »
cente (mes premières sorties en disco-
thèque, mes premières histoires avec
les garçons...) se sont faites en hon-
grois. Le français était plus la langue
de l’école », celle dans laquelle elle
va jusqu’à découvrir « les hommes
préhistoriques, l’assolement trien-
nal et l’art roman », comme elle le
note avec humour dans son roman.
« C’était aussi la langue que je lisais le
plus, ce qui n’est pas anodin, la lecture
et l’écriture étant intimement liés »,
précise-t-elle. Et puis, elle le recon-
naît elle-même, écrire en français lui
ouvrait un plus large public que si
elle l’avait fait en hongrois.
 PAR CÉCILE JOSSELIN

Présentation de son roman en juin

dernier, à l’Institut français de Cluj-Napoca,
en Roumanie, où elle avait effectué une
résidence littéraire en 2012 dans le cadre
d’une bourse Hors les murs Stendhal.

L’impossible quête
du bilinguisme
La jeune femme poursuit en France

© DR
des études de sociologie et de
hongrois à l’Institut national des

© Prix de Flore
langues et civilisations orientales
(Inalco), tout en faisant des tra-
ductions pour financer ses études.
Déjà, elle désire entremêler le hon-
grois au français, sur le fond comme
dans la forme. Son doctorat de so-
ciologie, elle le consacrera ainsi au
sort du domicile conjugal dans les
procédures de divorce en France et
en Hongrie.
Poursuivant une carrière d’ensei-
gnante universitaire, elle n’en cesse
pas moins de s’adonner à la traduc-
tion au point de décrocher un DU
de traducteur-interprète judicaire
à l’École supérieure d’interprètes
et de traducteur (ESIT) de la Sor-
bonne Nouvelle, en 2013. Mais la
littérature prenant une place gran- Lors de la remise du prix de Flore, le 8 novembre 2016, au Café de Flore à Paris, entourée par les membres du jury.
dissante, elle cesse la recherche
pour lui préférer l’écriture, tout en la maîtrise des deux langues à la fois Car l’héroïne de son roman en est de Schrödinger », « mon scarabée en
maintenant son activité de traduc- est une véritable obsession. « Je ne convaincue : « Si l’une s’agrandit boîte », « ma bibiche couronnée »…
trice qui lui semble plus compatible sais pas quelle est la motivation pro- l’autre rétrécit, jamais vous ne pos- « Je voulais intégrer un français hors
avec son travail d’écrivain. Un se- fonde à part peut-être une sorte d’or- séderez totalement l’une sans devoir des frontières, explique-t-elle, des ex-
cond métier qui est aussi pour elle, gueil perfectionniste un peu vain », sacrifier l’autre. » pressions que l’on pourrait croire em-
comme pour son héroïne, un moyen nous explique t-elle dans un grand Double A* dans les deux langues, pruntées aux Belges, aux Suisses ou
de garder un égal contact avec ses éclat de rire. « Être bilingue, précise- Nina Yargekov ne se sent jamais aux Québécois, mais que j’ai en réalité
deux langues. « Je faisais d’une pierre t-elle dans Double Nationalité, c’est plus française que quand elle plai- complètement inventées. »
deux coups. Ce que je faisais pour le à chaque nouveau terme acquis dans sante. « Il y a une sorte d’humour que Si la traduction intégrale de son
travail était aussi quelque chose que une langue, doubler l’apprentissage j’ai l’impression de ne trouver qu’en roman n’a pas encore été entreprise
je voulais faire pour moi. ». Un objec- dans l’autre langue, pour que jamais France. Ça m’est arrivé plein de fois dans sa langue maternelle, elle as-
tif essentiel pour Nina Yargekov car l’une ne prenne le pas sur l’autre ». d’essayer de faire des blagues en hon- sure ne pas souhaiter s’en charger.
grois ou en anglais, mais ça tombait Elle préfère se consacrer à l’écriture
à plat, alors que ça marchait en fran- de son prochain roman. Une tâche à
çais. » Une chance pour ses lecteurs laquelle elle s’applique d’ors et déjà
NINA YARGEKOV EN 6 DATES  francophones car l’humour et son à Budapest, où elle s’est récemment
21 juillet 1980 : Naissance en France jeu perpétuel avec la langue, dans installée. D’une nationalité à l’autre,
1985 : Acquisition de la nationalité française la lignée de l’Oulipo (Perec en tête) d’une langue à l’autre, d’un pays à
2009 : Tuer Catherine et des surréalistes, ponctuent avec l’autre : l’incessant mais naturel va-
2011 : Vous serez mes témoins bonheur son roman. Le français y est et-vient de la duelle Nina Yargekov. Q
2016 : Double nationalité, Prix de Flore. mâtiné avec malice d’expressions
2017 : Premier film: Cherchez la femme. idiomatiques de son cru : « Par les 67 * « Chez les traducteurs et les interprètes, nous confie l’au-
teure-traductrice, on classe les langues selon le niveau de
satellites de Jupiter », « ma chatonne maîtrise. A est une langue parfaitement maîtrisée. »

Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017 09

ÉPOQUE | RÉGION
Dans le Vieux Carré français,
quartier historique au cœur
de La Nouvelle-Orléans.

LAUNLOUISIANE
PÉLICAN PARLANT FRANÇAIS
© Calee Allen – Adobe Stock
CULTURE
Colonie française vendue en 1803
par Napoléon aux États-Unis, qui DU CODOFIL AU PROGRAMME
ont ensuite essayé de gommer ces racines,
la Louisiane veut aujourd’hui faire de la langue
de Molière un outil de tremplin économique.
Situé au bord du golfe du Mexique, le
31e État américain compte plus de 4,6 millions
d’habitants, dont les fameux Cajuns, les
descendants de ceux qui ont été chassés d’Acadie
(Canada) au mitan du xviiie siècle. Le Pays
cajun constitue le cœur même de la Louisiane
francophone, un territoire baptisé ainsi en
l’honneur de Louis XVI par l’explorateur Cavelier
de La Salle en 1682. Des années de négligence,
en raison d’une discrimination prolongée,
ont néanmoins conduit à un certain déclin de
la pratique de la langue. En 1990, on comptait
À l’occasion de la Journée
250 000 francophones selon les chiffres du Chaque année, dans le cadre d’un acadienne, le 13 août 2017, des
recensement américain. Ils n’étaient plus que programme du Conseil pour le dé- membres du Codofil rassemblés sur
veloppement du français en Loui- le site historique de Vermilionville
100 000 en 2013. Les autorités comme les siane (Codofil), près de 40 profes- avec des membres de la Fondation
Richard Guidry pour la préservation
habitants ont alors initié un travail de fond pour seurs sont envoyés en immersion de la langue française en Louisiane.
revitaliser le français sur cette terre de bayous. pendant trois ans dans 30 établisse-
ments louisianais pour enseigner la

10 Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017


ÉCONOMIE
COPAINS COMME CAJUNS
Entre la Louisiane et la Bretagne, il
y a de nombreux points communs :
un même nombre d’habitants,
une économie tournée vers la mer
mais aussi l’envie de faire vivre une
langue minoritaire, parlée par seu-
lement 4 % des régionaux, des deux
côtés de l’Atlantique. Alors, depuis
deux ans, Breizh Amerika, l’associa-
tion qui rassemble les Bretons aux
États-Unis, œuvre pour rapprocher
la région française et la Louisiane.
« Nous partageons le même combat
linguistique et l’envie de mettre en
avant ce patrimoine vivant. Et nous
avons aussi le même goût de la fête ! »,
explique Charles Kergaravat, cofon-
dateur de Breizh Amerika, Breton
de New York installé dans le Finis-
tère. Et c’est par la musique que les
premiers liens se sont renforcés en
mai 2016, à l’occasion de la seconde
édition de la Fête de la Bretagne
célébrée dans l’État du Pélican. Les
artistes bretons du Collectif Breizh
Amerika ont ainsi donné une série
de concerts de leurs créations, un
ESCADRILLE
DR
langue de Molière. Depuis 2011, un
pendant existe pour les professeurs
louisianais qui souhaitent venir se
former en France, initialement à
Rennes et depuis 2016 à l’Univer-
sité des Antilles, sur ses campus de
Martinique et Guadeloupe. Il a été
baptisé Escadrille, en hommage
à 200 pilotes américains engagés
volontaires en 1914 dans l’armée
française. En 2018, le Codofil fê-
tera ses 50 ans, une date anniver-
saire symbolique après des années
difficiles et une vitalité retrouvée
depuis sa restructuration en 2010.
La représentativité des autoch-
tones, des universitaires créoles
mais aussi de membres de la so-
ciété civile louisianaise a ainsi été
renforcée pour pallier une baisse
de la pratique du français. « Après
l’ouragan Katrina en 2005, il y a eu
un regain de fierté et un certain re-
nouveau culturel mais il faut conti-
nuer nos efforts, souligne Jean
Robert Frigault, responsable du
Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017
mix de musique bretonne, de jazz et
de musique locale, au cœur du quar-
tier français de La Nouvelle-Orléans.
Si la musique adoucit les mœurs,
elle pourrait bien aussi favoriser les
relations économiques.
C’est en tout cas l’ambition de
Charles Kergaravat et de son équipe
qui souhaitent donner une autre
dimension à ces échanges culturels
en faisant de la Louisiane une porte
d’entrée pour les Bretons aux États-
Unis, notamment dans le secteur
des hautes technologies. D’autant
plus que les Cajuns seraient nom-
breux à avoir des origines armori-
caines. À Baton Rouge, capitale du
plus francophone des États améri-
cains, la délégation française a éga-
lement été saluée en séance plénière
par les sénateurs de la chambre des
représentants avant d’être reçue par
le vice-gouverneur. Ou comment les
relations culturelles britto-cajuns
pourraient aider à l’essor d’une nou-
velle économie entre ces deux terri-
toires. Affaire à suivre… Q
développement des programmes
d’échange au Codofil. Aujourd’hui,
de forts réseaux francophones s’éta-
blissent en Louisiane. Au niveau de
l’éducation, notre action prend
un tournant important. On sait
apprendre la langue, il faut désor-
mais trouver une passerelle vers le
travail. » Un espoir partagé par
Nicolas Torres, nouvel attaché
de coopération pour le français
au consulat général de France à
La Nouvelle-Orléans, qui veut lui
donner une connotation plus com-
merciale dans l’esprit des Améri-
cains : « C’est une langue avec une
histoire riche, une identité forte qui
a récemment conduit de nombreuses
familles à pousser leurs enfants à la
réapprendre. L’étape d’après sera
de démontrer qu’elle peut être un
accélérateur pour une insertion
professionnelle ou une progression
en carrière. » Un forum de l’emploi
francophone en Louisiane pourrait
voir le jour dans les mois à venir. Q
Breizh Amerika Collective
a fait découvrir sa musique
à l’occasion de la Fête de
la Bretagne en Louisiane.
INITIATIVE
LE CODE CIVIL LOUISIANAIS
EN VERSION BILINGUE
Si la Common Law régit le droit
américain, le Code civil napoléo-
nien encadre celui de la Louisiane.
Une particularité juridique unique
aux États-Unis, issue de l’histoire de
l’État. « Il faut se souvenir que la Loui-
siane a été une colonie française entre
1682 et 1762, puis espagnole entre
1762 et 1800. Pendant la période
française, on appliquait la coutume
de Paris qui avait été rédigée dans les
livres. Quand la Louisiane a été ven-
due aux États-Unis en 1803, les Loui-
sianais ont choisi de garder le droit
civil espagnol mais avec le code civil
français comme modèle », explique
Olivier Moréteau, professeur de
droit titulaire d’une chaire à la Loui-
siana State University. De 2012 à
2017, celui qui est aussi rédacteur en
chef du Journal of Civil Law Studies
a supervisé la traduction du Code
civil de Louisiane, en collaboration
avec des stagiaires venus du master
de juriste trilingue de l’Université
de droit de Nantes. Le texte initial
a subi quelques révisions au fil des
générations, notamment en 1970
pour le rendre compatible avec la
Common Law des États voisins. Dans
le processus de traduction, l’équipe
d’Olivier Moréteau a tenté de faire
revivre le code d’origine, promulgué
avec une traduction anglaise, tout en
PAR ANAÏS DIGONNET
DR
modernisant les
mots utilisés pour
certains passages
empreints d’anec-
dotes linguis-
tiques. « L’article
215 évoque une
femme enceinte
qui a perdu son mari en ces termes :
“Si une veuve se trouve grosse...” Glo-
balement, le code louisianais est plus
bavard et détaillé que le français, il
donne plus de définitions. » Au total,
cette édition bilingue, publiée petit
à petit sur Internet et en version pa-
pier en juillet dernier, compte 780
pages. Ce code civil a une valeur
éducative dans un pays où peu de
juristes sont formés à la loi écrite.
« Ce travail montre la force et la vita-
lité de l’attraction juridique française
en Louisiane, qui rend le droit plus
accessible au citoyen et lui permet de
trouver des réponses à un problème
simple, contrairement à la Common
Law où il faut être un spécialiste de la
jurisprudence. Le code civil est plus fa-
cile à lire que les milliers de décisions
de justice qui ont créé le droit au fil des
précédents. » La coopération avec la
faculté de droit à Nantes continue
puisque Olivier Moréteau a entamé
la traduction du code de commerce
uniforme américain en français. Q
11
ÉPOQUE | TENDANCES

Facile, décontracté, inventif et de plus en plus

gastronomique, l’apéro est un vrai cocktail de goût et de
convivialité à consommer sans modération (ou presque).
PAR JEAN-JACQUES PAUBEL

L’APÉRO,

© oneinchpunch – Adobe Stock

C’EST DU SOLIDE !
U
n vrai moment de convi-
vialité, d’échanges, loin
des rituels convenus liés
au repas et qui fait l’una-
nimité auprès de 98 % des Fran-
çais : l’apéro dînatoire connaît un
véritable engouement.
Il est synonyme de simplicité, de
décontraction et surtout de faci-
lité pour les organisateurs qui font
comme ils savent et pour les par-
ticipants qui viennent comme ils
sont. Qui plus est l’instant apéro
est bien de son époque : il appar-
tient au registre de la spontanéité,
se conjugue avec l’imprévu et l’in-
contournable bien-être ; c’est un
vrai moment de chaleur humaine.
Comme le remarque Vincent Gré-
goire, le chasseur de tendances
bien connu de l’agence NellyRodi,
« à l’apéritif, chacun picore ce qui lui
plaît, fini le casse-tête des carnivores,
des vegans, végétariens, adeptes du
sans gluten ou du sans lactose. » Et
puis l’apéro est idéal pour favoriser
les échanges : « Ce n’est pas pour
rien, remarque notre tendanceur,
si de nombreux bars programment
des apéros thématiques. Cela permet
de recréer du “vrai” lien social dans
un monde où les rencontres se vir-
tualisent. L’apéritif devient un outil
pour développer un réseau amical,
professionnel ou associatif. »
À boire et à manger
Oui, l’apéro met les Français en
appétit. Et ce n’est pas moi qui le
dis mais une étude récente com-
mandée par le Syndicat des apé-
ritifs à croquer (ça ne s’invente
pas !) : 89,3 % d’entre eux orga-
nisent régulièrement un apéritif,
et ils adorent le prolonger puisque
63,6 % préfèrent l’apéritif dînatoire
au dîner classique. Les cuisiniers
ne s’y sont pas trompés qui multi-
plient les lieux où l’on cultive une
gastronomie de comptoir. Exemple
à Paris, où le chef Yves Camde-
borde a donné le ton dès 2005 avec
l’Avant-Comptoir au carrefour de
l’Odéon : on s’y régale autour d’un
verre, de charcuterie et d’amuse-
gueules basques, les pintxos. Ail-
leurs, comme au Bel Ordinaire, on
pose les portions au centre de la
table et on y cultive l’art du « sans
façon » ; au Dépôt légal, on a carré-
ment supprimé le dîner : c’est apé-
ritif salé jusqu’à 23 heures autour
d’un verre de vin ou d’un cocktail
agrémenté de charcuterie, sardines
ou croque-monsieur à la truffe ou
au caviar !
Les Québécois s’y mettent aussi. Et
pour ne pas parler d’Happy Hours,
ils ont leur « 5 à 7 » (autrement
connoté en France) pendant lequel
on sirote dans les bars branchés le
cidre de glace, le whisky à l’érable,
la bière locale accompagnés de gri-
gnotines (olives, noix, fruits secs)
ou de craquelins (toasts garnis
en tous genres). Bien sûr, l’apéro
ne peut que mettre en appétit les
start-up qui surfent elles aussi sur le
phénomène. Elles livraient déjà les
bouteilles, elles livrent désormais
ce qui va avec. Le site Aperocheers.
com donne à choisir des formules
complètes avec planches de char-
cuterie et de fromages mais aussi
feuilletés aux légumes… Et chez
Frichti.com on trouve des olives
Kalamata, du jambon Serrano, du
brie de Meaux… Bref, l’apéro en
trois clics.
Et pour ceux qui refusent de céder
à la facilité mais qui sont en panne
d’inspiration, les éditeurs sont là
pour les accompagner. Il est donc
temps de « partager » Les cocktails
à manger (Marabout), les Apéros
les + faciles du monde et Apéro : les
100 recettes à partager (Hachette),
ou encore Apéros faciles entre potes
(Solar) de l’incontournable Herve-
cuisine.com. Santé ! Q

12 Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017


La Roumanie a participé pour la première
fois aux épreuves de lutte africaine aux
Jeux de la Francophonie d’Abidjan.
LES DIEUX
DU SABLE
Une arène et des
gladiateurs d’un
nouveau genre. De
© CIFJ
tradition ancestrale, la
lutte africaine a animé
les derniers Jeux de la
Francophonie, qui se
sont tenus à Abidjan fin
juillet. Découverte.
PAR CLÉMENT BALTA
Je suis très heureuse,
surtout après tant
d’efforts ! » La Came-
rounaise Emilienne
Essombe Tiako a de
quoi être satisfaite : elle vient de
remporter la finale de lutte afri-
caine dans la catégorie des -60 kg
aux Jeux de la Francophonie. Une
seconde médaille d’or après sa
victoire en lutte libre, preuve de
l’exigence de la discipline, mais
aussi des passerelles possibles
pour une reconnaissance plus
large, dépassant les frontières du
seul continent. Et ce n’est pas une
autre transfuge, la lutteuse libre
Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017
roumaine  Madalina Linguraru
– lauréate à son tour – qui dira le
contraire.
Déjà présente aux Jeux, Olym-
piques ceux-là, de Rio l’an passé,
Emilienne dit combien il est « très
difficile de passer d’un sport à l’autre.
En lutte libre, le combat continue
au sol. En lutte africaine, dès que
tu tombes, c’est terminé. Il faut être
forte et technique, mais aussi très
intelligente. » Et faire face à une am-
biance incroyable. « Tout ce public
fait monter la pression, ça chauffe
dans la tête ! C’est formidable d’avoir
la lutte ici, nous sommes dans notre
élément : car elle est africaine mais
aussi traditionnelle. Et en Afrique
ce sont davantage les garçons qui
participent que les filles, alors nous
sommes ravies d’être là ! »
Mise aux poings
Mixte, spectaculaire et divertis-
sante, la lutte africaine a été l’attrac-
tion des Jeux d’Abidjan. En démons-
tration au Niger en 2005, pour la
première fois sport officiel aux Jeux
de Nice il y a quatre ans, elle peut
prétendre à devenir emblématique
de cette compétition internationale
si particulière, qui réunit sport et
ÉPOQUE | SPORT
culture. Une alliance qui correspond
au fondement même de la lutte afri-
caine, entre pratique ancestrale et
exigence physique, grigris et dépas-
sement de soi.
Se confiant à Jeune Afrique, l’an-
cien lutteur ivoirien Vincent Aka,
en charge du développement de ce
sport sur le continent africain, pré-
cise : « À l’origine, la lutte est une
discipline traditionnelle. On combat-
tait lors des fêtes, après la récolte. Il
s’agissait de défier un autre village,
de montrer sa supériorité pour de la
Le lutteur Yahaya Kaka, « Sabre
national » (champion du Niger)
et médaille d’argent à Abidjan.
© Clément Balta
CIFJ
nourriture, du bétail ou pour épou-
ser une femme. » Dans L’Afrique à
poings nus (Seuil, 2004), l’écrivain
et photographe Philippe Bordas
parle lui d’« une joute rituelle (…),
un duel socialisé, musical, vierge
d’influence blanche. Des lutteurs en-
racinés dans leur terre et ne rêvant
d’aucune Amérique. Des lutteurs se-
vrés des paroles magiques des ma-
rabouts et du chant des tambours,
protégés du monde par le chœur des
femmes et les poèmes guerriers nés
aux racines du terroir. »
Aujourd’hui principalement pra-
tiquée dans les pays du Sahel
– Niger et Sénégal en tête, ce der-
nier ayant remporté 9 des 14 mé-
dailles d’or en jeu –, la lutte a mis
du temps à se codifier, les premiers
championnats du continent ayant
eu lieu en 1995, à Niamey. Selon
l’entraîneur de l’équipe ivoirienne
Jean-Philippe Couati, « la réussite
de ces Jeux de la Francophonie est
une vitrine idéale pour faire décoller
la pratique dans le pays et ailleurs. »
Et comme le dit son homologue
roumain, Marian Berbec, « il s’agit
aussi d’une affaire de diversité,
d’échanges culturels. Alors pour-
quoi ne pas essayer ? » Q
13
 ÉPOQUE | IDÉES
© Tom Wang – AdobeStock

Un grand nombre de candidats,

peu de places à l’arrivée : le
concours fonctionne comme
une centrale de tri, nous dit la
sociologue Annabelle Allouch.
Décryptage d’un phénomène dont
les mécanismes se retrouvent un
peu partout dans le monde.
PROPOS RECUEILLIS PAR ALICE TILLIER

LE CONCOURS
« UNE ÉLECTION À VIE »
« La société du concours »:
n’est-ce pas là une définition
de la société française,
attachée à ses grandes écoles
et notamment son école
d’administration dont est issue
© Jerome Panconi
les pays occidentaux ou même
démocratiques. En Chine, aux
États-Unis, en Grande-Bretagne,
les populations investissent forte-
ment le concours. Et d’une société
à l’autre, se retrouvent les mêmes
bien comparable, avec un grand
nombre de candidats au départ
pour un nombre de places réduit
à l’arrivée. Le concours chinois,
comme le concours français, pré-
tend faire œuvre de justice sociale,

une bonne partie de la classe types de critères : un étudiant

politique?
Annabelle Allouch : En réalité,
Sociologue, Annabelle ce que l’on définissait comme très
Allouch est maître de français ne l’est pas : la sélection
conférences à l’université
par le concours est très répandue,
de Picardie-Jules Verne.
et elle ne concerne pas seulement
14
français ne serait pas fondamen-
talement dépaysé par le Gaokao « La sélection obéit à un
chinois, l’examen d’entrée dans principe conservateur
l’enseignement supérieur. Le
terme d’examen ne doit pas nous très explicite – chacun
tromper : il s’agit d’une sélection doit rester à sa place »
Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017
 EXTRAIT

« Compétition, épreuves, jury, classement, hiérarchie : loin d’être le propre des établisse-
ments d’élite, le concours s’est imposé comme l’un des principaux modes de reconnais-
sance du mérite des individus. Du concours républicain ancré dans une tradition nationale,
il est devenu une compétition globalisée, dans laquelle s’engagent tous les ans des familles
(notamment de classes moyennes) du monde entier.
Pour beaucoup, et souvent pour les candidats eux-mêmes, [le concours] est un parangon
de justice, paré de toutes les vertus : anonymat, exigence intellectuelle, égalité des chances,
méritocratie. Or l’omniprésence du concours ne va pas sans poser des problèmes.
Le concours est une forme radicale de sélection. Il fonctionne comme une centrale de tri,
éliminant les « moins bons » au profit des « plus aptes », pour transformer ces derniers en
élites (dans un milieu donné). Il classe et hiérarchise les individus et, in fine, leur attribue
un statut social. En ce sens, il est une « élection », et même une élection à vie. Or non seu-
lement cette procédure est productrice de compétition et de stress, mais elle favorise la
reproduction sociale. » Q
Annabelle Allouch, La Société du concours. L’empire des classements scolaires, Seuil, 2017, p. 9-10.

en recrutant ceux qui auraient les C’est le même mécanisme qui est à Les concours ont cependant,
« meilleures capacités », ce qu’on l’œuvre dans les concours de la fonc- dans leur majorité, évolué, « Cette culture du
appelle souvent le mérite. tion publique des démocraties : l’ob- et l’on a essayé de favoriser
jectif est d’assurer l’indépendance l’ouverture sociale…
concours s’inscrit dans
Cet idéal méritocratique est-il de l’État par rapport aux pouvoirs Les concours, depuis les années la logique du capitalisme
illusoire? économiques et aux intérêts privés, 1980, se sont un peu détachés de néolibéral, qui valorise
Il y a une sorte de légende dorée du ici au nom de la survie de l’institu- la culture de l’écrit pour se tourner
concours. Il est vrai qu’en France, tion politique. Les débats autour de vers l’examen de dossiers et des
l’évaluation permanente
le concours républicain, permet, la méritocratie sont relativement ré- entretiens qui laissent une place à et la performance »
quand il se diffuse au xixe siècle, cents : ce terme ne commence à faire l’expression d’une certaine singu-
d’accéder désormais à un statut so- controverse en tant que tel en France larité, d’une « authenticité » – qui court à la sélection. Cette culture du
cial par son seul talent, en s’émanci- qu’à partir des années 50-60. La doit néanmoins rester suffisam- concours s’inscrit dans la logique du
pant de son milieu d’origine. Mais il lecture des archives de l’université ment conforme pour que l’institu- capitalisme néolibéral, qui valorise
ne faut pas oublier qu’en réalité, le d’Oxford est d’ailleurs éloquente : la tion fonctionne ! Au niveau social, l’évaluation permanente et la perfor-
concours est hérité des corporations, sélection a obéi à un principe conser- les institutions ont mis en place des mance. Dans un contexte de concur-
qui limitaient le nombre d’entrants vateur très explicite – chacun doit dispositifs d’ouverture en direction rence exacerbée, la sélectivité fonc-
pour réguler les prix des produits et rester à sa place. La sélection suit en des classes populaires. C’est une tionne aux yeux du consommateur
assurer, in fine, leur propre survie. réalité une logique d’exclusion. façon de donner des gages à la so- comme un signal de qualité.
ciété dans un temps de crise où il
COMPTE RENDU n’est plus politiquement acceptable La sélection ne vaut-elle
d’être si peu représentatifs de la so- mieux pas que le tirage
Le concours est né dans la Chine impériale des Han, vers 200, pour recruter ciété dans son ensemble. au sort, qui a fait polémique
des fonctionnaires loyaux à l’empereur. Au XXIe siècle, « le concours est en France avant l’été?
partout », au point qu’Annabelle Allouch se demande: « Serions-nous devenus La sélection s’étend et Le recours au tirage au sort est une
fous de concours? » Et la sociologue d’analyser les mécanismes à l’œuvre la sélectivité est accrue. manière pour le monde politique
dans ces concours qui, par la sélection, marquent l’entrée dans un statut – Comment comprendre de préparer les esprits à la sélection
qu’il s’agisse d’un concours scolaire, d’un concours de la fonction publique, cette évolution? pour tous ! Tout devient préférable
du concours du Meilleur Ouvrier de France côté gastronomie ou de celui de Des secteurs jusque-là exempts de au hasard du tirage au sort, y com-
Miss America. Car si le diplôme protège du chômage, le concours distingue, la sélection, comme l’université pris la sélection, même pour ceux
et l’on assiste à une véritable course au concours. française, l’appliquent désormais qui la décriaient… Deux arguments
Sous son vernis méritocratique, le concours reste donc très inégalitaire – en master depuis 2016 et sans prévalent à l’heure actuelle : la méri-
et alimente la reproduction sociale. Annabelle Allouch en appelle, sinon doute en licence d’ici peu. La sélec- tocratie d’une part, dont on a vu tout
à la suppression pure et simple des concours, du moins à une évolution tion est un outil de gouvernement le caractère idéologique, et la com-
des modes de sélection pour élargir les pools de candidats et également et de régulation des flux dans un pétitivité dans la mondialisation
les jurys, à l’image des jurys de cours d’assises françaises composés de contexte de massification scolaire. et les classements internationaux
citoyens et non de pairs. Q Plutôt que d’augmenter les moyens d’autre part. La démocratisation
pour répondre à la demande, on re- scolaire n’est plus à l’ordre du jour. Q

Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017 15

ÉPOQUE | LIEU
Alors qu’un « deuxième
Louvre » a ouvert à
Lens dans le nord de la
France en 2012, le plus
grand musée du monde
franchit désormais les
frontières et s’installe
sur les rives du Golfe
persique : le Louvre
Abu Dhabi attend les
amateurs d’arts du
monde entier.
PAR SÉBASTIEN LANGEVIN
A
près l’université Paris-
Sorbonne, c’est dé-
sormais le Louvre qui
s’invite à Abu Dhabi. La
prestigieuse université du Quartier
latin accueille depuis plus de dix ans
des étudiants dans un établissement
16
LE LOUVRE SE MULTIPLIE
ABU DHABI
qui porte son nom dans la capitale
des Émirats arabes unis. Suivant
la même logique d’une excellence
culturelle et éducative à la fran-
çaise, le Louvre Abu Dhabi ouvre ses
portes le 11 novembre 2017.
Conçu par l’architecte Jean Nouvel,
le bâtiment a été pensé comme une
ville-musée. Les visiteurs peuvent
ainsi déambuler dans les espaces de
promenade surplombant la mer et
sous le dôme monumental de 180
mètres de diamètre composé de
près de 8 000 étoiles en métal entre-
lacées pour former un savant dessin
géométrique. Les rayons du soleil
traversant le dôme créent un effet
de « pluie de lumière », inspiré des
palmeraies des oasis. Installé sur l’île
de Saadiyat, l’édifice abrite 23 gale-
ries permanentes, un musée pour les
enfants, un auditorium, un centre de
recherche, des restaurants…
Dans ce magnifique écrin — une at-
traction en soi comme le sont les ar-
chitectures du Guggenheim de Bil-
bao ou du Mucem à Marseille –, les
œuvres d’art exposées proviennent
de toutes les civilisations de la pla-
nète. Elles se répondent selon des
thèmes universels et des influences
communes alors que la plupart des
musées occidentaux sont cloison-
nés par civilisation. Pour Manuel
Rabaté, directeur de l’établisse-
ment, « le Louvre Abu Dhabi propose
un récit inédit et explore l’histoire de
l’art sous une nouvelle perspective.
Chaque visiteur pourra retrouver sa
propre identité à travers les œuvres
exposées mais aussi comprendre les
autres cultures. Les prouesses archi-
tecturales du bâtiment mettent en
exergue la présentation de trésors
remarquables qui couvrent tous les
pans de la production artistique de
l’humanité et ouvrent la voie à de
nouvelles interactions. »
De Vinci, Van Gogh, David...
La collection du Louvre Abu Dhabi
est riche de plus de 600 pièces à ce
jour, notamment des séries et col-
lections, dont une partie sera expo-
Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017
© Mohamed Somji
sée avec 300 œuvres prêtées par 13
institutions françaises de renom,
regroupées au sein de l’Agence
Franc e-Muséums (AFM). Le
Louvre bien entendu, mais aussi
le musée d’Orsay, le Centre Pom-
pidou, le Château de Versailles
ou le domaine national de Cham-
bord, entre autres, assurent ainsi
via l’AFM l’expertise muséale et
définissent le projet scientifique et
culturel de ce « nouveau Louvre ».
Parmi les chefs-d’œuvre prêtés,
La Belle Ferronnière de Léonard de
Vinci, un autoportrait de Van Gogh
ou Bonaparte franchissant le Grand-
Saint-Bernard de David…
Jean-Luc Martinez, directeur du
musée du Louvre et président du
conseil scientifique de l’AFM, se
félicite que l’ouverture du Louvre
Abu Dhabi marque « l’aboutisse-
ment d’un projet magnifique auquel
le Louvre est fier d’avoir prêté son
nom et dont il revendique l’esprit : la
création du premier musée universel
dans le monde arabe ». Q

DES MUSÉES
EN PLEIN AIR
Ou comment le
street art est passé
du dénigrement et
de la clandestinité à
la reconnaissance et à
la célébration.
PAR JACQUES PÉCHEUR
F
estival de Cannes 2017 :
Agnès Varda (89 ans) et JR
(34 ans), avec Visages, vil-
lages et ses images géantes
d’inconnus collés sur des murs, font
de la photographie un art de la rue
à part entière. 35 ans auparavant, à
une époque où le street art était lar-
gement méprisé, la cinéaste filmait
déjà, à Los Angeles, les peintures mu-
rales d’ouvriers d’origine mexicaine
dans le documentaire Mur Murs.
C’est qu’il faut l’œil des artistes pour
reconnaître les artistes. Aujourd’hui
célébré, protégé, convoité par le
marché de l’art, le street art n’a pas
toujours été à la fête : il a connu l’in-
terdit, la clandestinité, la condam-
nation pour vandalisme. Désormais,
dans la rue, éphémère et libre, ou
Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017
dans les galeries qui l’accrochent,
il peut avancer à visage découvert.
C’est une de ses spécificités : indé-
finissable, il s’ouvre à tous les pos-
sibles. Et pour cela, Paris est un ter-
rain de jeu incroyable où il s’affiche
partout et sous toutes les formes :
graffiti, pochoirs, collage… Comme
le remarque Ernest Pignon-Ernest,
les murs (et particulièrement ceux
de Paris) sont chargés d’un vécu,
d’une histoire qui fait, qu’on le veuille
ou non, que le street art participe de
cette histoire. Ce n’est d’ailleurs pas
un hasard si c’est, au début des an-
nées 1980, du côté des terrains va-
gues de La Chapelle que les premiers
graffitis de Paris apparaissent. Qui
aurait pu imaginer alors les plus de 1
200 pièces d’Invader que comptent
aujourd’hui les murs de la capitale et
que le chat jaune de M. Chat, même
condamné, pourrait continuer à sou-
rire Gare du Nord ?
Un tour de France du graff
Et qui aurait pu imaginer que le
XIIIe arrondissement devienne un
haut lieu du street art ? Une ving-
taine d’artistes majeurs y ont posé
DR
ÉPOQUE |ARTS GRAPHIQUES
De Paris avec
la ballerine de
l’artiste new-
yorkais FAILE à
Marseille et la
« Belle de mai »
de Remy Uno,
le street art
s’affiche partout
en France.
une cinquantaine de fresques mo-
numentales. On y découvre le Dr
House du Français Invader obser-
vant les passants depuis l’Hôpital de
la Pitié-Salpêtrière ; les silhouettes
errantes de David de la Mano éga-
rées du côté de la melvillienne rue
Jenner ; la madone laïque du Chilien
Inti ancrée à la station Chevaleret ;
le chat géant (25 m) du Français
C215 à Nationale ; la Marianne de
l’Américain Shepard Fairey en hom-
mage aux victimes du terrorisme, ou
la ballerine de Faile. Tous happant
le regard du voyageur et lui offrent
une échappée…
Quant au voyageur qui aime s’éga-
rer à la façon d’Agnès Varda et de
JR, il peut se concocter un petit tour
de France du street art. Premier
arrêt Vitry, sa capitale francilienne,
pour une immersion totale sur le
terrain de prédilection de C215,
avec l’incontournable Vitry Fada,
DR
un bar dont les murs sont investis
par les graffeurs et autres pochoi-
ristes. Un détour par le Jura en-
suite : à Toulouse-le-Château, cité
utopique du temps des maîtres de
forges, au milieu du xixe siècle, se
trouve le premier musée dédié aux
artistes de rue, le Mausa, Musée des
arts urbains et du street art. Pousser
jusqu’à Sète, où celui-ci est partout :
dans les entrepôts en friche de la pé-
riphérie portuaire, sur les maisons
du centre, le long des quais, sur les
canaux et dans les ruelles typiques
du quartier haut. Terminus : Mar-
seille. Escale Borély, Friche la Belle-
de-Mai, quartier du Panier, Cours
Julien, les spots sont multiples et les
pratiques nombreuses : fresques à
la bombe, pochoirs, collages signés
Inti, Remy Uno ou Mademoiselle
Maurice. Autant de gestes rageurs,
engagés ou oniriques à traquer, dé-
busquer, butiner. Q
17
ÉPOQUE | LANGUE
LE DOUBLE JE(U) DE
MICHAEL
EDWARDS
Permettez que je reprenne
Premier Britannique la question qui ouvre et
élu au Collège de clôt votre essai Dialogues
France et à l’Académie singuliers sur la langue
française: pourquoi écrivez-
française, le poète vous en français?
et écrivain Michael Michael Edwards : Le photographe
Edwards écrit en anglais américain Garry Winogrand di-
sait qu’il photographiait les choses
comme en français. pour voir à quoi elles ressemblaient
Confessions d’un quand elles étaient photographiées.
manipulateur émerveillé J’écris en français pour voir à quoi
ressemble le monde quand il repa-
des langues. raît en français. C’est particulière-
ment grisant en poésie. Un poème
PROPOS RECUEILLIS PAR dans la langue maternelle recrée
CLÉMENT BALTA déjà le réel, lui donne un langage,
un rythme, des cadences, une pré-
sence humaine ; dans une langue
étrangère il y a une sorte de double
recréation, et la nouveauté de ce
qui commence à exister est d’autant
plus émerveillante. Je fus attiré dès
le lycée par la différence du français.
Aimant déjà la grande éloquence et
18
expressivité de l’anglais, je découvris
des ressources nouvelles pour moi
et excellentes d’une autre manière.
Je prenais plaisir dès mes premiers
articles à voir émerger mes idées
dans le vocabulaire et la syntaxe du
français et, après plusieurs livres
publiés en anglais, je pensais que
ce serait passionnant de continuer
dans cette voie. Mais sans aban-
donner l’anglais ! Il est intéressant
aussi de s’adresser dans ses livres à
un autre peuple, d’avoir à l’esprit,
comme prédécesseurs dans son art,
des étrangers, et de pouvoir lire
ses poèmes et prononcer ses confé-
rences dans une langue apprise et
aussitôt aimée.
« J’écris en français pour
voir à quoi ressemble
le monde quand il
reparaît en français »
Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017
© DR
La « singularité » de votre
livre est de faire dialoguer
votre Me anglais avec
votre Moi français. À quel
point liez-vous langue et
identité? Pouvez-vous
préciser à cet effet la notion
d’« étrangèreté » que vous
avez forgée?
La question est délicate, et il ne
faut pas exagérer. J’ai simplement
l’impression que le corps change
en passant d’un rythme et d’un
système de sonorités à d’autres, et
que l’esprit change quand la vision
du monde bascule. On ne respire
pas de la même façon en parlant
une langue lisse et peu accentuée
comme le français ou une langue
variée et musclée comme l’anglais.
Le monde que l’on envisage en di-
sant, par exemple, empreintes di-
gitales plutôt que fingerprints, ou
hebdomadaire au lieu de weekly,
se transforme perceptiblement.
Discerner l’étrange, la dimension
du réel qui nous échappe, m’a tou-
jours semblé capital, pour nous
sauver d’un empirisme étriqué ou
d’un rationalisme satisfait de soi.
Une langue étrangère, qui nous
présente toujours le réel dans une
lumière étrange, est le signe le
plus clair de « l’étrangèreté » du
monde, de sa capacité à nous éton-
ner sans cesse, à briser nos habitu-
des naïves.
Comment cette double
nature, ce « double je »
vous incitent-ils à combattre
les clichés sur votre langue
maternelle et votre langue
d’adoption?
Ce double je, en distinguant le
double jeu entre le français et l’an-
glais, apprécie les possibilités diver-
gentes des deux langues et s’abstient
de juger. Le français m’étant devenu
(presque ?) aussi familier que l’an-
glais, je vois l’erreur des clichés qui
fusent dans les deux sens et les pré-
jugés qui les engendrent.
Comment lutter contre ce que
vous appelez les « anglicismes
furtifs » qui peuvent influer
sur ce qui fonde la langue qui
en est victime, « ses lois, ses
libertés, son chant, sa manière
de nommer le réel et de
sonder le moi »?
Si les Français utilisent des angli-
cismes, c’est parce que cela leur
plaît, quoi que l’on pense de cette
mode ou de ce snobisme. On doit
donc les encourager à avoir plaisir
à parler français, à écrire en fran-
çais, et cela dès l’école primaire.
Les aider à goûter le français, à
comprendre, non pas simplement
les règles, mais le pourquoi de la
grammaire qu’ils manient, à aimer
les beautés et les spécificités de leur
langue maternelle.
Vous évoquez dans votre
livre deux anglais universels,
mais aussi un troisième,
cette « lingua anglica »
que d’aucuns nomment
aussi globish, en précisant
qu’il est aussi un problème
pour l’anglais lui-même.
Qu’entendez-vous par là?
Alors que l’anglais universel des
anglophones et celui des personnes
ayant choisi d’apprendre sérieu-
sement l’anglais reposent sur des
bases solides : l’être de qui parle sa
langue maternelle ou le projet in-
tellectuel et culturel de l’apprenti,
la lingua anglica simplifie, estropie
et enlaidit. Il est à craindre que, par
paresse, cet idiome défiguré détei-
MICHAEL EDWARDS
1938 : Naît à Barnes, près de Londres
1972 : La Tragédie racinienne (essai)
2002 : Élu au Collège de France
(chaire d’étude de la création
littéraire en langue anglaise)
2003 : Rivage mobile (poèmes en
versions anglaise et française)
2013 : Élu à l’Académie française,
au fauteuil de Jean Dutourd
2016 : L’Infiniment proche (poésie),
Dialogues singuliers sur la
langue française (essai)
gne sur le vrai anglais. Cela n’est
pas du tout certain, mais il convient
d’être vigilant.
Vous soulevez par la même
occasion « l’éternelle question
de la défense et illustration de
la langue française », et faites
dire à vos deux personnages:
« Tu défends le français…
contre ses défenseurs ».
À savoir?
Il faut défendre le français contre
certains de ses défenseurs, ceux qui
imaginent, comme allant de soi,
que le français est le parangon des
langues, que lui seul est clair, har-
monieux, porteur de culture, et qui
croient nécessaire, pour le mettre
en valeur, d’attaquer les autres
langues, de confondre l’anglais uni-
versel et le globish, d’affirmer l’in-
suffisance de telle ou telle langue
supposée inférieure. Ils n’aident
pas le français ; ils fâchent ses admi-
rateurs étrangers. On défend effica-
cement le français en montrant ses
richesses, en essayant d’empêcher
son appauvrissement, et en le fai-
sant vivre par son inventivité.
Vous écrivez qu’il « serait
peut-être dans l’intérêt de
la France et du français que
se développe un français
antillais, africain et autre, avec
sa matière propre, sa couleur
locale, et que le français
donne naissance à une grande
famille de français apparentés
mais différents, à l’instar du
québécois ». Les écrivains
actuels dits francophones
ne peuvent-ils participer
à cette reconnaissance?
Que signifie en l’occurrence
la francophonie pour le
francophone – et le Français –
que vous êtes devenu?
Les écrivains dits francophones,
comme tous les peuples des pays
de langue française, peuvent dé-
velopper des français colorés par
leur tempérament, leur histoire,
leur géographie. À condition que
« On défend efficacement
le français en montrant
ses richesses, en
essayant d’empêcher
son appauvrissement,
et en le faisant vivre par
son inventivité »
les Français de France n’insistent
pas pour régenter la langue depuis
la métropole. Quant à la franco-
phonie, je comprends la fierté des
Français devant l’essaimage de leur
langue, et leur bonheur à voyager à
loisir en la parlant.
Enfin, et pour « boucler la
boucle » sur la question
initiale, le fait d’être devenu
un « Immortel » vous fait
notamment participer à
l’aventure du Dictionnaire de
l’Académie. Que signifie pour
vous devenir prescripteur de
la langue française?
C’est un privilège ! Que j’essaie de
mériter tant soit peu en ayant un
regard légèrement différent. Mais
je ne crois pas que nous soyons des
« prescripteurs ». Le français appar-
tient à ceux qui le parlent ; notre
rôle consiste à chercher et à re-
commander, non seulement le bon
usage, mais le meilleur usage, le bel
usage, à rester ouverts aux change-
ments du français, à veiller surtout
à son enrichissement. Et à limiter
ses pertes. Un seul exemple : le fran-
çais a déjà perdu, par rapport au
xixe siècle, certains sons vocaliques
– le u de flûte ne se distingue plus
de celui de but – et je remarque, en
écoutant la radio, que le o long dans
rôle ou zone commence à être assi-
milé au o court dans bol. On nous
parle du « rolle » du gouvernement
et d’une « zonne » de combat – entre
« ottres chozz ». C’est regrettable ; le
combat continue. Q

Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017 19

 ÉPOQUE | ÉTONNANTS FRANCOPHONES
À chaque numéro, le témoignage d’une personnalité marquante de
l’émission de TV5Monde présentée par Ivan Kabacoff.
Aujourd’hui, Olga Epanova, étudiante russe qui vit à Montréal.
DR
« LE FRANÇAIS EST UNE
LANGUE UNIFICATRICE »
Je viens de Magnito-
gorsk, une ville russe
non loin du Kazakhstan,
où j’ai fait mes études
d’anglais et de français.
C’est vraiment à l’université que
je me suis intéressée au français.
Tout d’abord, c’était grâce aux
livres, puis grâce à la musique et à
la peinture. Et quand un jour j’ai vu
le spectacle musical Notre-Dame de
Paris, je suis “tombée en amour” de
cette langue ! En fait, je l’avais déjà
choisie à 10 ans, à cause de ma mère
qui enseignait le français (et l’alle-
mand) mais aussi de mon envie de
ne pas être comme tout le monde.
L’anglais est certes indispensable,
mais ce serait trop ennuyant si on ne
parlait que cette langue ! En plus, le
français me semble plus proche du
russe que l’anglais. Plus riche, plus
nuancé. Je lui trouve un supplément
d’âme. À vrai dire, j’oppose toujours
les deux langues, et ça devient de
20
Avec Mustafa, restaurateur ouïghour de Montréal, à qui
Olga donne des cours de français une fois par semaine.
plus en plus une lutte personnelle !
À présent, le français est la langue
de mes études, de mon travail et de
mes amis. Sur le marché du travail,
c’est mon avantage compétitif car
le français me permet de travailler
partout dans le monde et de me
sentir chez moi dans n’importe quel
pays francophone. J’ai découvert un
monde entier grâce au français.
Actuellement, je suis étudiante à
l’Université de Montréal. J’ai été at-
tiré par Montréal il y a longtemps,
avec l’idée de pratiquer mes deux
langues étrangères en même temps.
Et j’étais curieuse de vivre dans un
milieu multiculturel où je puisse ren-
« Le français me paraît
plus proche du russe que
l’anglais. Plus riche et
nuancé. Je lui trouve
un supplément d’âme »
contrer des gens de toute la planète.
J’ai compris très vite que ce n’était
pas le français que j’avais appris à
l’université et que les Québécois
n’étaient pas des Français… Ce n’est
pas juste la langue qui les différen-
cie mais aussi la mentalité et le style
de vie. Malgré cette différence, eux
aussi protègent leur langue et leur
identité. C’est leur point d’honneur
ou leur “idée nationale”, comme on
dit en Russie. Et de ce point de vue, je
les admire aussi.
Cela peut créer des inconvénients,
surtout pour les immigrants. Mais
le Québec propose aussi des cours
gratuits pour intégrer les nouveaux
arrivants. C’est une bonne chose car
il veut garder son identité. C’est un
peu comme dans n’importe pays
de l’Europe ou de l’Asie : quand
on arrive sur un territoire donné
pour vivre ou mener des affaires, il
faut être prêt à ce que ce soit fait en
langue nationale. Et c’est tellement
Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017
joli de voir des panneaux routiers
près de la frontière avec les États-
Unis écrits en français et en système
métrique au lieu du système “impé-
rial” ! Est-ce légitime ? Oui, absolu-
ment : son territoire, ses règles.
À Montréal, je participe au projet
pilote de jumelage linguistique étu-
diants-commerçants de l’UdeM et de
la Chambre de commerce. Le projet
vise les commerçants immigrants
qui habitent à Montréal depuis plu-
sieurs années mais ne parlent pas
(ou peu) français. Chaque semaine,
je passe ainsi 2 heures chez Mustafa.
Il est ouïghour, il vient du Turkestan
(une province chinoise) et il tient un
petit restaurant.
Je ne sais pas encore si je vais rester
au Québec pour longtemps mais si
je pars un jour, je me sentirai à l’aise
dans n’importe quel pays du monde.
Si c’est un pays francophone, je
pourrai m’intégrer plus vite. Sinon,
je pourrai toujours enseigner le fran-
çais et promouvoir la culture fran-
çaise sur un nouveau territoire. Mais
ici, le français est devenu pour moi
une langue unificatrice grâce à tous
ces efforts et à ce mélange incroyable
qu’il y a à Montréal : où encore pour-
rais-je bavarder avec un Syrien, une
Mexicaine, un Iraquien ou un Viet-
namien, réunis tous au même en-
droit, chez ma copine africaine ? » Q
DR
RETROUVEZ OLGA DANS
DESTINATION FRANCOPHONIE:
www.tv5monde.com/df
 ÉPOQUE | MOT À MOT

Bernard Cerquiglini, éminent linguiste et

spécialiste reconnu de la langue française,
révèle et explique chaque jour sur TV5Monde LEXIQUE
une curiosité verbale : origine des mots et
expressions, accords pièges et orthographes Agoniser
étranges… Il a aussi accepté de régaler de
ses explications gourmandes la curiosité des
et agonir
lecteurs du Français dans le monde. Ne craignons pas d’être un peu puriste;
à bon escient du moins. Je n’aime pas que l’on

DITES-MOI
confonde les verbes agoniser et agonir.
Le premier signifie « être à l’agonie », c’est-
à-dire arriver aux derniers instants de sa vie.
Par dérivation il s’emploie pour tout être ou

PROFESSEUR
GRAMMAIRE
L’accent circonflexe et les homonymes
En 1740, quand il prépara la troi-
sième édition du dictionnaire de
l’Académie française, l’abbé d’Olivet
convainquit cette dernière, très ré-
ticente jusque-là, d’adopter l’accent
circonflexe. Mais il en restreignit l’em-
ploi à la voyelle tonique. Excellent
phonéticien, l’abbé avait observé
que sous l’accent, très souvent après
la chute d’un /s/ devant consonne,
la voyelle s’était allongée et fermée.
Il proposait de noter le phénomène
d’un accent circonflexe. En résul-
tèrent des couples intéressants: côte/
coteau; fantôme/fantomatique; nôtre
(pronom) / notre (déterminant).
Excellente réforme! Malheureu-
sement ses confrères imposèrent
concurremment un autre emploi du
circonflexe, purement graphique,
afin de distinguer des homonymes.
Passe encore quand une différence
phonétique était notable. C’est le
cas de châsse (reliquaire) et chasse
(action de chasser); de tâche (tra-
vail) et de tache (souillure). Mais
un circonflexe fut requis pour de
parfaits homonymes, ayant même
voyelle tonique. Ainsi boîte (nom)
et boite (verbe); crû (participe
passé de croître) et cru (participe de
croire): dû (participe de devoir) et du
(article contracté). Certes, j’ai cru
est ambigu. Mais également je suis
(des verbes être et suivre), la peur
du gendarme, je choisis cet avocat,
etc. Il y a de l’ambiguïté partout,
et c’est tant mieux pour les di-
plomates et les poètes. Et fallait-il,
pour distinguer des homonymes
que rien ne confond, comme sur et
mur (« je suis sûr que le fruit mûr
est sur le mur ») gâcher la réforme,
légitime et rigoureuse, de l’abbé
d’Olivet? Au total, l’emploi de
l’accent circonflexe en français fait
un peu désordre; c’est grand dom-
mage, l’abbé! Q
objet parvenant à sa fin: « La lumière de la
chandelle agonisait. » Agonir, quant à lui, est
une déformation de l’ancien français ahonnir,
composé de honnir, « couvrir de honte ».
Notre verbe employé seul signifie « insulter » :
« Il s’est fait agonir en rentrant tard. »
Mais agonir ne semble plus compris. On le
pourvoit donc souvent d’un complément
d’objet: agonir d’injures, de reproches, de me-
naces, etc. Cet emploi est proprement pléo-
nastique. Il y a pire, toutefois: on le remplace
par agoniser. Ainsi, chez Louis-Ferdinand
Céline: « Voleur, fainéant, qu’elle m’agonisait.
Vous avez même pas de métier! » Ce chan-
gement est très général dans la langue po-
pulaire et régionale; on peut le comprendre:
on tourmente quelqu’un, à force d’injures ou
d’outrages; on le met à l’agonie.
Mais je n’en démords pas et distinguerai ago-
niser et agonir jusqu’à… mon dernier souffle! Q
RETROUVEZ LE PROFESSEUR
et toutes ses émissions sur le site
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WWW.TV5MONDEPLUS.COM

EXPRESSION

Aux abois
Le substantif aboi vient du verbe
aboyer, qui désigne l’action du chien
quand il crie. On disait abayer au Moyen
Âge, car ce verbe provient d’une ono-
matopée (baï!) imitant le cri du chien.
Au sens figuré, aboyer signifie « crier
très fort », mais aussi « annoncer à
voix haute ». Dans ce dernier sens, un
aboyeur est un huissier qui clame le
nom des invités arrivant dans un salon:
« Monsieur le général de Guerrelasse! »
L’aboi (synonyme d’aboiement, terme
d’usage courant) s’est restreint au
vocabulaire de la chasse et s’emploie
au pluriel. Les abois sont les cris des
chiens au moment où ils trouvent le
gibier; la bête s’attend à être tuée: elle
se trouve aux abois, soumise aux cris
de la meute qui l’encercle.
D’où l’expression figurée être aux abois:
elle signifie « être réduit à la dernière
extrémité », comme le gibier l’est par
les chiens. Les créanciers peuvent
nous réduire aux abois; un gouverne-
ment lâché par sa majorité est mis
aux abois. Observons que dans ces
expressions, aboi n’a pas de nuance
péjorative, car le mot bénéficie des
connotations positives associées
à l’univers de la vénerie, considéré
comme noble. Celui qui est aux abois
se bat avec le dernier courage, même
si l’issue est funeste: honneur à l’hé-
roïque victime! Q

Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017 21

INTERLUDE |
e morne Brabant, à l’île Maurice.

PHILIPPE JACCOTTET
Né en 1925 dans le canton de Vaud, Philippe Jaccottet s’est établi en 1953 à Grignan, dans
la Drôme (Provence), où il vit toujours avec sa femme, la peintre Anne-Marie Haesler. C’est
l’année même où il publie son premier recueil, L’Effraie, qui marque le début d’un œuvre
prolifique, entre poèmes et traduction. Il traduira notamment les romantiques allemands
et Musil, mais aussi Homère (grec), Mandelstam (russe), Góngora (espagnol) ou Ungaretti
(italien). La correspondance qu’il a entretenue avec ce dernier met en avant son « esthétique
de l’effacement » selon laquelle « la plus haute ambition du traducteur [serait] la disparition
totale ». Considéré comme un des plus grands poètes vivants de langue française, il a
composé une trentaine de recueils, dont Cahier de verdure, prix Goncourt de poésie en 2003,
FICHE PÉDAGOGIQUE où il susurre à qui veut l’entendre « que la poésie peut infléchir, fléchir un instant, le fer du sort.
téléchargeable sur Le reste, à laisser aux loquaces. » Q
WWW.FDLM.ORG B1 DR

22 Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017

 L’effraie La nuit est une grande cité endormie
où le vent souffle… Il est venu de loin jusqu’à
l’asile de ce lit. C’est la minuit de juin.
Tu dors, on m’a mené sur ces bords infinis,
le vent secoue le noisetier. Vient cet appel
qui se rapproche et se retire, on jurerait
une lueur fuyant à travers bois, ou bien
les ombres qui tournoient, dit-on, dans les enfers.
(Cet appel dans la nuit d’été, combien de choses
j’en pourrais dire, et de tes yeux…) Mais ce n’est que
l’oiseau nommé l’effraie qui nous appelle au fond
de ces bois de banlieue. Et déjà notre odeur
est celle de la pourriture au petit jour,
déjà sous notre peau si chaude perce l’os,
tandis que sombrent les étoiles au coin des rues.
Philippe Jaccottet, L’Effraie, Gallimard, 1953

Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017 23

MÉTIER | RÉSEAUX
CIEP INFOS

GAGNEZ EN
COMPÉTENCES
Le CNED et le CIEP ont conjugué leur expertise pour construire
le dispositif de formation à distance PROFLE+, un outil com-
plet de professionnalisation en français langue étrangère pour
la valorisation et le renforcement des compétences de l’en-
seignant.
PROFLE+ rassemble plus de 160 heures d’activités organi-
sées en 4 modules ciblés sur des tâches professionnelles in-
dispensables pour mener à bien la mission d’enseignement :
développer ses compétences d’enseignant (M1), construire
une unité didactique (M2), piloter une séquence pédagogique
(M3), évaluer les apprentissages (M4). PROFLE+ est structuré
sur l’approche par compétences et décliné en objectifs opé-
rationnels pour l’analyse et la mise en œuvre de savoir-faire
concrets, selon un équilibre efficace entre travail en autonomie
et suivi tutoré en ligne.
Chaque module se compose de 3 parcours de formation.
Un premier, intitulé « Parcours Découverte », offre la possibilité
FIPF
à l’enseignant bénéficiaire de tester gratuitement les contenus.
Le suivant, « Parcours Tutoré », donne accès à plus de 100 ac-
tivités autocorrectives et 6 de mise en application réalisables
avec l’aide d’un tuteur. En complément, un « Parcours Certi-
ÉCOLOGIE : LA NÉCESSAIRE
fiant » permet à l’inscrit de faire certifier ses compétences en
soutenant une production finale en classe virtuelle, devant un
DIVERSITÉ DES LANGUES
jury issu du CIEP. 400 participants, 50 pays représentés. Le 4e Congrès de
D’un point de vue technique, la plateforme de formation la Commission Asie-Pacifique de la FIPF qui s’est tenu
PROFLE+ offre aux utilisateurs un espace de travail intuitif et
ergonomique, adapté aux supports mobiles (smartphones, du 21 au 25 septembre 2017 à Kyoto au Japon a tenu
tablettes) et enrichi d’outils multimédia. Pour une consultation ses promesses tant sur le plan politique, scientifique,
hors ligne, les contenus de formation sont également acces- associatif que culturel.
sibles sur fichiers téléchargeables, au format PDF interactif.
Cet outil de formation est utilisé dans le cadre de plans de 1997. C’est à Kyoto que tout a com- Ogata, député) il revient aux politiques
formation continue, dans une démarche individuelle mais aussi mencé. C’est là qu’il y a 20 ans, les pays linguistiques et à la didactique de trou-
dans une démarche institutionnelle. Disponible dans un for- ont pris conscience des risques qu’en- ver les chemins qui assureront le main-
mat 100 % à distance avec un service de tutorat assuré par le coure notre planète et signé ce que l’on tien et la promotion de la diversité des
CNED ou sous la forme d’une implanta- continue d’appeler le protocole de Kyoto. langues. Les nombreuses tables rondes,
tion locale, ce dispositif souple et adap- À leur manière les écosystèmes linguis- communications, conférences, les té-
table offre une véritable alternative ou un tiques sont des organismes fragiles et moignages et les ateliers ont permis
complément aux actions de formation en relèvent eux aussi d’une écologie qui de questionner en tout sens cette pro-
présence. L’implantation locale présente s’attache à la protection et à la promo- blématique. Protection de la diversité
plusieurs avantages, notamment la pos- tion de la diversité culturelle. Il s’agit ni linguistique et culturelle à l’aune des
sibilité d’offrir aux inscrits des modalités plus ni moins aujourd’hui de « construire expériences d’intercompréhension des
de travail variées (alternant présence et de nouveaux rapports entre les langues » langues et d’éducation plurilingue et
distance) mais également la possibilité (Noriyuki Nishiyama). pluriculturelle ; éducation à la citoyen-
de mettre en place un projet sur mesure De ce point de vue, comme devait le neté et enseignement en faveur du vivre
adapté aux exigences et réalités locales. rappeler Pierre Bühler, ambassadeur ensemble  ; francophonie et plurilin-
Le CIEP et le CNED poursuivent dans cet de France au Japon, «  le français est guisme ; enjeux des apports du numé-
esprit leur accompagnement des établissements du réseau aux avant-postes  ». S’il incombe aux rique ; mobilités académiques forment
culturel français désireux d’implanter le dispositif à l’étranger. politiques d’être « garants des choses quelques uns des axes autour desquels
Présent dans 80 pays, PROFLE+ compte aujourd’hui près de anciennes et porteurs d’innovation  », s’est développée la réflexion. Restent
9000 inscriptions et 750 tuteurs habilités sur le terrain. Q de faire en sorte « qu’à la concurrence, bien sûr et toujours les questions de for-
Pour toute information complémentaire sur le dispositif de formation à on préfère la cohabitation entre les lan- mation des enseignants : le défi majeur,
distance PROFLE+, rendez-vous sur : www.ciep.fr/formation/profle-plus gues », d’inciter à « diversifier les parcours celui dont la réussite commande tant. Q
Pour expérimenter le Parcours Découverte PROFLE+ et bénéficier de 6 d’apprentissage des langues » (Rintaro Jacques Pécheur
heures de formation gratuite par module, rendez-vous sur : www.cned.fr

24 Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017


CONGRÈS
LA MODERNITÉ
COMME DÉFI
Aracaju, 11-14 septembre : pari difficile mais réussi pour
l’Association des professeurs de français de l’État de Sergipe
qui, sous la houlette de Dario Pagel, a réuni près de 400
participants lors de ce 21e congrès de la Fédération brésilienne.
Après Macapá, Niteroi et
Curitiba, il revenait à l’as-
sociation du plus petit État
du Nordeste brésilien de
relever un double défi : celui du nombre et celui de la
thématique du programme. Pour le premier, chapeau
bas à l’équipe qui a su créer les conditions de réussite
de la manifestation. Quant au second défi, en posant
comme thème central la question du rapport du fran-
çais à la modernité, il avait le mérite de ne pas éluder la
question très politique de la place du français dans l’en-
seignement brésilien et du coup d’indiquer dans quelle
direction avancer. Au programme ensuite, pour répondre
à ces attentes, de croiser enjeux politiques pour le Brésil
de l’enseignement des langues, questionnement des
représentations du français au regard de l’histoire et de
l’innovation, construction de réponses en lien avec les
attentes du monde qui vient en matière d’économie, de
commerce et de numérique et examen de la boîte à ou-
tils mise à disposition des enseignants par la didactique.
Côté boîte à outils, une certitude : l’étendue du spectre
couvert par les interventions, le foisonnement des initia-
tives et la variété des supports et matériels retenus
témoignent qu’en face de la modernité, les enseignants
de français du Brésil n’ont pas de complexe ! QJ. P.
RÉCOMPENSE
PRIX DES 5 CONTINENTS
Le jeune auteur tunisien Yamen
Manai a décroché le Prix des cinq
continents de la francophonie
pour son roman L’Amas ardent,
aux éditions Elyzad (voir p. 63). Il
a reçu son prix le mercredi 11 octobre à la Foire du livre
de Francfort, dont la France est cette année l’invitée
d’honneur, en présence du président d’honneur du jury,
J. M. G. Le Clézio (photo). Q
ANNIVERSAIRE
10 ANS DE LABEL QUALITÉ FLE
Près de 110 centres labellisés partout
en France pour 130 000 apprenants
chaque année : depuis 2007, le label
Qualité Français langue étrangère s’est
imposé à la fois comme une reconnaissance officielle et
le résultat d’une démarche qualité rigoureusement ap-
pliquée. Parmi les actualités venant marquer ce dixième
anniversaire, il est désormais plus simple pour les étu-
diants étrangers d’obtenir un visa pour venir étudier la
langue française en France. Q
Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017
BILLET DU PRÉSIDENT
JEAN-MARC DEFAYS, président de la FIPF
UNE DIDACTIQUE DES
LANGUES ÉCOLOGIQUE ?
On fait souvent référence à l’écologie des
langues depuis que Louis-Jean Calvet en
a proposé un cadre et des modèles théo-
riques. Dans son ouvrage Pour une écologie
des langues du monde (Plon, 1999), Calvet
se donne comme objectif d’« étudie[r] les
rapports entre les langues et leur milieu,
c’est-à-dire d’abord les rapports entre les
langues elles-mêmes, puis entre ces langues
et la société ». Notre question est simple :
peut-on remplacer dans l’énoncé de ce
projet le mot « étudier » par « enseigner »,
et développer ainsi une didactique écolo-
gique des langues ? C’est pour y réfléchir
ensemble que 400 professeurs ont parti-
cipé au congrès de la Commission Asie-
Pacifique FIPF qui vient d’être organisé
par la Société japonaise de didactique du
français (SJDF), à Kyoto, du 20 au 25 sep-
tembre 2017, sur le thème « Écologie du
français et diversité des langues ».
On sait maintenant très bien qu’on n’ap-
prend pas une langue comme on ajoute
une corde à un arc ou une ligne à un CV.
L’apprentissage et la pratique d’une nou-
velle langue provoquent, nécessitent
même, un réaménagement de l’univers
cognitif, psychologique, social des appre-
nants. Aussi devrait-on effectivement plai-
der pour une didactique écologique qui
serait respectueuse des individus, de leurs
particularités, comme de celles de leurs
contextes culturels, afin que cet apprentis-
sage se déroule de manière pertinente et
cohérente.
Cette écodidactique devrait aussi être une
didactique durable, entreprise non pas
Pour tout connaître des activités de la
FIPF et de ses associations membres,
abonnez-vous gratuitement à notre
bulletin d’information sur www.fipf.org
et suivez-nous sur Facebook (LaFIPF)
(seulement) en vue de résultats à court
terme fixés par des tests systématiques qui
conforment l’apprentissage à des modèles
standards et l’assujettissent à des finalités
instrumentales, mais dans la perspective
à long terme du libre épanouissement des
personnes et des communautés plurilin-
gues et interculturelles. Les enseignants de
langues et de cultures secondes ou étran-
gères ont leur part de responsabilité dans
la promotion de la diversité qui est aussi
la condition de survie de notre environne-
ment humain.
Et pourquoi ne pas aussi encourager, dans
le même ordre d’idée, à une didactique
douce. Devant l’agitation incessante et
la stimulation harcelante que font parfois
subir des méthodes hyperactives à des ap-
prenants de préférence extravertis, pressés
d’accomplir des « performances », on aspire
en effet à un peu de sérénité, comme à un
peu de simplicité devant la sophistication
excessive, peut-être inutile, de certaines
théories, méthodes ou technologies qui au
final détournent l’attention de l’essentiel.
Durant le congrès de Kyoto, les participants
ont donc pu prendre toute la mesure de la
complexité et de la subtilité des facteurs
qui permettent et conditionnent l’appren-
tissage des langues et des cultures, et de
l’importance de les articuler de manière
équilibrée dans le cadre d’un enseigne-
ment convivial et contextualisé, comme
dans la perspective d’une vie – personnelle
et sociale – harmonieuse… Une didactique
zen, serait-il possible de dire, sous l’inspi-
ration de l’endroit où se tenait le congrès.Q
25
MÉTIER | POLITIQUE LINGUISTIQUE © AdobeStock

Grand réformateur de la
Turquie, Mustapha Kemal,
dit Atatürk (1881-1938),
a aussi initié un plan drastique
de politique linguistique
en introduisant l’alphabet
latin dans la langue turque.
À l’époque, l’ambassadeur de
France avait tenté d’influencer
le président turc pour que le
français ait un rôle à jouer.

PAR LOUIS-JEAN CALVET

TURQUIE
UNE RÉVOLUTION LINGUISTIQUE
Statue d’Atatürk dans la ville turque de
Samsun, là où il a commencé la guerre
d’indépendance de la Turquie, le 19 mai 1919.

O
n parle beaucoup de
la Turquie de Recep
Tayyip Erdogan, en
citant parfois son
lointain prédéces-
seur, Mustapha Kemal, le fondateur
de la Turquie moderne, le premier
chef d’un pays musulman à avoir
séparé le religieux du politique. Er-
dogan tente de détricoter certains
des apports de Kemal, mais il est un
point sur lequel il semble difficile de
faire marche arrière : sa politique
linguistique.
Lorsqu’en 1920 Mustapha Kemal
prend le pouvoir en Turquie, il se
lance dans une politique de moder-
nisation et de laïcisation de l’État
dont ce qu’on appelle en turc dil de-
vrimi, « révolution linguistique »,
est le versant linguistique. L’alpha-
bet arabe, utilisé jusque-là, transcri-
vait assez mal la langue turque : il y
a en turc huit voyelles brèves et trois
longues et l’alphabet arabe ne per-
mettait de noter que trois voyelles.
C’est pourquoi le problème d’une
réforme de l’écriture était posé de-
puis longtemps : tout le monde était
conscient du problème, mais il était
pratiquement impossible, dans cet
État musulman, de toucher au sys-
tème graphique qui avait servi à
transcrire le Coran. Un grand débat
s’instaure alors : faut-il adapter
mieux l’alphabet arabe au turc, en
lui ajoutant des signes diacritiques
par exemple ou en créant de nou-
veaux signes pour les voyelles, ou
faut-il créer un nouvel alphabet ?
C’est cette seconde solution qui
sera imposée par Mustapha Kemal,

26 Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017

la création d’un « alphabet turc »,
en fait l’alphabet latin légèrement
modifié.
La « révolution linguistique » por-
tera également sur d’autres points :
on supprimera les tournures gram-
maticales arabo-persanes dont la
langue écrite était truffée, puis on
remplacera tout le vocabulaire ara-
bo-persan par un vocabulaire d’ori-
gine turque, et enfin on supprimera
l’enseignement de l’arabe et du per-
san dans les écoles. Cette politique
linguistique avait donc une allure
moderniste, laïque, pro-occiden-
tale qui dépassait de très loin une
simple intervention sur la graphie
de la langue et devenait le versant
linguistique d’une intervention poli-
tique. Mais nous allons nous limiter
aux problèmes de l’écriture.
« Dans l’État islamique théocra-
tique et multinational qu’était
l’empire ottoman, soumis à une
acculturation arabe et persane in-
tense dans ses classes dirigeantes
– et spécialement dans la classe
intellectuelle, comme celle des
ulémas –, la langue écrite officielle
et littéraire était devenue, au cours
des siècles, un idiome savant en-
vahi de termes arabes et persans,
de plus en plus éloigné du parler
turc vivant, et inaccessible à la
masse populaire turque. »
Louis Bazin, « La réforme linguistique en Turquie »,
in La réforme des langues, Hambourg, 1985
Les lettres de Chambrun
En effet, nous disposons de docu-
ments qui jettent un jour intéres-
sant sur les faits. Il s’agit de trois
lettres adressées par monsieur de
Chambrun, ambassadeur de France
en Turquie, à Aristide Briand, mi-
nistre des Affaires étrangères, le
Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017
« Le ministre de
l’Intérieur a pu me
dire, avec quelque
exagération peut-être :
“Dans la langue turque
de demain, il y aura
une bonne moitié de
mots français.” »
14 août et le 2 novembre 1928 et
le 16 janvier 1929, dans lesquelles
l’ambassadeur explique au ministre
les étapes de la réforme (lettres pu-
bliées par J.-L. Braque-Grammont,
en 1981). Je n’en retiens ici que ce
qui concerne l’écriture. Dès la pre-
mière lettre, il signale que le traduc-
teur de l’ambassade, M. Feuillet, a
été chargé « de préparer un système
d’adaptation de l’alphabet latin pro-
noncé à la française. Sa connaissance
des dialectes orientaux, acquise par
trente années d’études, le qualifiait
pour ce travail. Dans la brochure
qu’il a composée à cette occasion,
M. Feuillet a démontré que l’adop-
tion de notre manière de prononcer
était aisée, pratique et qu’elle pouvait
répondre aux besoins de la phoné-
tique turque ».
Cette brochure a été remise à Mus-
tapha Kemal qui l’aurait fortement
appréciée mais l’aurait trouvée
« malheureusement, d’après lui, pas
assez simple pour le peuple turc qu’il
voulait doter d’un alphabet d’où fût
bannie la représentation des sons par
les doubles consonnes et les doubles
voyelles ». On peut se demander
pourquoi l’ambassadeur de France
se préoccupait à ce point de la ré-
forme turque et si Monsieur de
Chambrun pratiquait avant l’heure
ce qu’on appellerait aujourd’hui
une coopération linguistique et
éducative.
En fait, ses lettres nous montrent
que l’enjeu était beaucoup plus
banal. Comme l’alphabet arabe qui
sert à transcrire, outre l’arabe, le
persan ou l’ourdou, l’alphabet latin
est utilisé par plusieurs langues
de différentes façons : un ch par
exemple ne se lit pas de la même
façon en allemand, en espagnol ou
en français, la même voyelle sera
écrite ou en français, u en espagnol,
italien et allemand, oo en anglais,
etc. Or l’ambassadeur cherche à
faire adopter par la Turquie le sys-
tème français. Il voudrait que les
Turcs utilisent « un système d’adap-
tation de l’alphabet latin prononcé
à la française » plutôt qu’à l’alle-
mande, à l’italienne ou à l’anglaise,
et verrait dans cette utilisation une
victoire de sa diplomatie.
Intervention symbolique
Il n’y parviendra pas, car Kemal a
des idées bien arrêtées. Toutefois il
se console dans une lettre du 2 no-
vembre 1928 en signalant que :
« Le changement d’alphabet entraîne
naturellement une refonte du dic-
tionnaire, présentement à l’étude.
Les membres de la commission, char-
gée de ce travail, m’ont signalé qu’il
consistait principalement à expur-
ger autant que possible de la langue
turque les mots arabes et persans et
à les remplacer par des termes fran-
çais ou prononcés à la française.
C’est ainsi que le ministre de l’Inté-
rieur qui, pour se familiariser avec
les nouveaux caractères, emploie ses
loisirs à traduire Mon ami Robes-
pierre de Henri Béraud, a pu me dire,
avec quelque exagération peut-être :
“Dans la langue turque de demain,
il y aura une bonne moitié de mots
français.” »
On comprend donc les investis-
sements symboliques ou idéolo-
giques de l’ambassadeur de France
sur cette réforme de l’écriture
turque : il veut faire adopter la
façon française de noter les sons.
Et cet exemple nous donne à voir
deux types d’interventions linguis-
tiques. La première, celle de l’État
turc, relève de la politique linguis-
tique au sens classique du terme :
partant d’une situation jugée in-
satisfaisante, l’État s’est donné les
moyens de la changer. La seconde,
celle de l’ambassadeur de France,
répond à un tout autre propos :
non pas améliorer la situation lin-
guistique de la Turquie mais tenter
d’améliorer la présence symbo-
lique de la France en Turquie par le
biais de la façon dont serait utilisé
l’alphabet choisi. Et cette double
perspective nous montre à la fois la
richesse et la complexité de ce type
de situation. Q
À LIRE
Les villes plurilingues intéressent à
la fois le sociolinguiste et le spécia-
liste de politique linguistique. C’est
là, dans la gestion in vivo du pluri-
linguisme, que se dessine parfois,
par l’émergence de langues véhicu-
laires, l’avenir linguistique des pays.
La revue marocaine en ligne Lan-
gues, cultures et sociétés consacre
son dernier numéro (vol. 3, n° 1,
2017) au thème « Sociolinguistique
urbaine. À la mémoire de Thierry
Bulot ». On y trouve divers articles
concernant des villes marocaines,
mais aussi burkinabées, maurita-
niennes, ainsi que des textes plus
théoriques (Admed Boukous, Leila
Messaoudi, Farida Tilikete et Ibtis-
sem Chachou). Q
Pour en savoir plus:
http://revues.imist.ma/index.
php?journal=LCS
27
MÉTIER | INITIATIVE

Avec sa 3e édition, le concours mondial

d’écriture Florilège-FIPF s’installe paisiblement
dans le paysage de la création littéraire ouverte
à tous. Proposé une première fois en 2016
avant le Congrès de Liège comme un défi,
il compte bien en 2018 entraîner encore plus
de classes dans cette belle aventure, avec pour
thème : « Climats… »
PAR VIVIANE YOUX

LE CONCOURS
FLORILÈGE-FIPF
S’ADAPTE AUX « CLIMATS »

D
es concours d’écri-
ture, il en existe
déjà, et beaucoup.
Certes. Mais le
concours Flori-
lège-FIPF présente
deux particularités de taille : il est
mondial, et il fait appel à une écri-
ture créative collective.
Viviane Youx est vice-présidente de
la Commission du français langue
maternelle (CFLM) de la FIPF et
présidente de l’Association française pour
l’enseignement du français (AFEF).
Mondial, il se situe au cœur de la
mission de la Fédération interna-
tionale des professeurs de français
(FIPF) : promouvoir et diffuser la
langue française dans le monde
grâce aux professeurs et à leurs
associations. Le nombre croissant
de pays et de continents d’où pro-
viennent les classes participantes
montre bien l’intérêt suscité par une
initiative mondiale de pratiques
langagières littéraires.
Concours d’écriture créative collec-
tive, il repose sur le pari de mettre
la création littéraire au cœur de la
classe. Le règlement est précis, ce
sont des classes ou des groupes in-
terclasses qui écrivent ensemble. Il
ne s’agit pas de recueillir les textes
des meilleurs élèves déjà à l’aise
pour écrire des poèmes ou des nou-
velles, mais de faire de l’écriture
créative un moyen pour construire
ensemble, participer à un projet
collectif et négocier le texte final
communiqué au jury.
Ce concours d’écriture
créative collective repose
sur le pari de mettre
la création littéraire
au cœur de la classe
Le concours Florilège-FIPF propose
chaque année un thème, assez ouvert
pour des interprétations diverses.
Pour le congrès de Liège, la théma-
tique du « français, langue ardente »
avait suscité le thème « Feu ! ». L’an-
née suivante, « l’Eldorado… » a
largement inspiré les classes parti-
cipantes. Pour cette 3e édition, c’est
le mot « Climats… » qui a été retenu
par les organisateurs. Dévoilé début
septembre 2017, et lancé officielle-
ment le 23 septembre à l’occasion
du congrès de Kyoto, « Climats… »
appelle à être pris dans ses accep-
tions les plus larges, pas strictement
météorologiques, que suggèrent le
pluriel et la ponctuation.

28 Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017


Un partenariat durable
Né d’un partenariat entre la FIPF
et la DAAC (Délégation Acadé-
mique à l’éducation artistique et
à l’action culturelle) de Montpel-
lier, ce concours s’inscrit dans la
continuité du Florilège littéraire
des écrivains en herbe francophones
de l’Académie de Montpellier, qui
recueille depuis 10 ans des textes
d’élèves pour les éditer dans un ou-
vrage et en ligne. Son organisation
est assurée conjointement par les
deux instances, pour l’Académie de
Montpellier par Frédéric Miquel,
Inspecteur d’Académie-Inspec-
teur pédagogique régional, pour la
FIPF par Viviane Youx, vice-prési-
Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017
dente de la Commission de français
langue maternel (CFLM) et pré-
sidente de l’Association française
pour l’enseignement du français,
(AFEF). Son expansion a été im-
portante pour l’édition 2017 : plus
de 150 textes reçus, provenant de 4
continents, 18 pays, 48 équipes de
professeurs, des classes ou groupes
depuis le primaire jusqu’au supé-
rieur. Des professeurs ont travaillé
en collaboration interclasses, voire
inter-pays et inter-continents.
Toutes les zones géographiques du
monde peuvent participer, et pour
ne pas défavoriser des étudiants
ou élèves non francophones natifs,
les textes sont classés par les orga-
nisateurs en fonction de leur zone
d’origine, pays hors CFLM ou pays
CFLM, et évalués par des jurys
différents.
Une écriture équitable
Les professeurs intéressés
choisissent une ou plusieurs
classes ou groupes qu’ils
souhaitent entraîner dans
cette démarche. Il peut
s’agir de classes consti-
tuées, de groupes inter-
classes, de groupes d’atelier
d’écriture, d’une collabora-
tion entre plusieurs classes
de même niveau ou de niveau
différent. Et ils inscrivent le
thème « Climats… » dans leur
organisation de séquence : re-
mue-méninges sur le thème, mais
aussi recherches littéraires et do-
cumentaires, étude de textes ou
œuvres littéraires. La démarche
d’écriture créative collective prend
place dans la séquence de travail.
L’écriture peut être collective à plu-
sieurs niveaux, comme l’ont indi-
qué les professeurs participants de
la dernière édition :
Mutualisation : les élèves rédigent
individuellement puis leurs textes
sont réunis, soit rassemblés soit sé-
lectionnés pour constituer le texte
final.
Coopération : soit simultanément,
la rédaction des parties du texte est
répartie entre groupes puis mise
en commun ; soit successivement,
un groupe écrit, puis transmet à un
autre qui retravaille le texte avec de
nouvelles consignes.
Collaboration : d’abord la classe ré-
fléchit sur le thème, les contraintes
génériques, les démarches d’écri-
ture collaborative ; puis elle s’ins-
crit dans un processus d’écriture
collaborative, soit sur papier soit
POUR EN SAVOIR PLUS :
Le règlement et le questionnaire du concours 2018 sont disponibles en ligne
sur le site de la FIPF, page CFLM : http://cflm.fipf.org/actualite/«-climats…-»-
florilege-fipf-2018-3eme-concours-mondial-decriture-creative-collective
Ils seront également envoyés en écrivant à : frederic.miquel@ac-montpellier.fr
et/ou vivianeyoux@gmail.com
sous forme numérique en utilisant
un Ipad ; puis elle réécrit collective-
ment en négociant pour proposer
une version finale du texte.
Deux genres sont proposés : nou-
velle et poème. Chaque classe ne
peut proposer qu’un seul texte par
genre. La longueur maximum est
de 5 000 signes espaces compris.
Et chaque texte envoyé doit être ac-
compagné d’un questionnaire ren-
seignant la démarche utilisée.
« CLIMATS … » :
une aventure mondiale
Les textes des classes, poème et/ou
nouvelle, doivent parvenir aux or-
ganisateurs au plus tard le 30 mars
2018. Ils seront classés dans l’une
des quatre catégories : poème ou
nouvelle, zone hors CFLM ou zone
CFLM. Et ils seront soumis aux jurys,
composés de représentants des
commissions de la FIPF, de l’Acadé-
mie de Montpellier, du monde de
l’écriture et des médias.
Le palmarès final sera annoncé le
26 mai 2018 durant la Comédie du
livre de Montpellier, en présence
d’une partie des partenaires qui
soutiennent l’opération. Les classes
lauréates des différentes catégories
recevront, en plus d’un diplôme,
des lots fournis par nos partenaires :
les Éditions Didier, TV5Monde et
Accent français qui offre une for-
mation en demi-pension à Mont-
pellier. Toutes les classes partici-
pantes recevront une attestation de
participation signée par le Recteur
de l’Académie de Montpellier et le
Président de la FIPF.
Toutes ne figureront pas parmi les
douze finalistes, mais toutes auront
la joie et l’honneur d’avoir participé
à la grande aventure mondiale du
concours d’écriture créative collec-
tive Florilège-FIPF ! Q
© Romolo Tavani - Adobe Stock
29
MÉTIER | SAVOIR-FAIRE
Pauline Courtier en train de faire réviser les chiffres de 1 à 10 tout en réalisant un puzzle (activité trouvée dans le blog « Over the Big Moon »).
FLE PRÉCOCE
ENTRER DANS L’UNIVERS DES ENFANTS
Formatrice et
L
’expérience dont je vais faire
conceptrice en français part s’est effectuée dans un
environnement où il n’y a
langue étrangère et pas de salle de classe et que
blogueuse en tant que deux ou trois d’élèves : les cours par-
« FLEiste » comme ticuliers pour enfants. Bien sûr, ces
pratiques sont aussi applicables dans
elle se surnomme elle- d’autres contextes d’apprentissage.
même, Pauline Courtier Lorsque nous nous rendons au domi-
exerce à Hendaye, cile des enfants nous rentrons dans
leur univers. Avoir accès à leur envi-
à la frontière entre ronnement revêt bien des avantages :
la France et l’Espagne. nous avons toutes sortes d’objets
Elle témoignage quotidiens et différentes pièces à dis-
position. Il est alors possible de parler
de son expérience du réel en étant dans leur réalité.
et de ses méthodes Par contre, l’espace de classe peut
d’enseignantes auprès être exigu, sans matériel tel un ta-
bleau. Réaliser des jeux de type
notamment des tout « salade de fruits » qui nécessite de
jeunes. grands groupes n’est pas faisable.
PAR PAULINE COURTIER Animer un cours FLE Précoce
Activité 1. Les parties du corps
Les activités fonctionnant bien avec
les enfants sont celles qui les font
30
bouger ! Apprendre les parties du
corps est utile car ce lexique se réem-
ploie pour apprendre les gestes des
chansons, des jeux, pour décrire des
personnages, etc.
Nous commençons l’activité en
observant notre corps. Je leur fais
remarquer les parties qui nous servi-
ront pour la célèbre chanson « Tête,
épaule, genoux et pieds ». Ils ré-
pètent après moi. Ensuite, nous nous
asseyons avec des cartes images
pour répéter le lexique. Vient le mo-
ment d’apprendre la chorégraphie
de la chanson. Une fois l’ordre et les
parties du corps connus, nous pou-
vons suivre le rythme de la musique.
Pour faire redescendre l’excitation
après la chanson, je leur propose de
colorier des monstres sur des cartes.
La consigne est de colorier chaque
partie du corps d’une couleur diffé-
rente. Puis je distribue le double des
cartes en noir et blanc aux enfants,
tandis que les cartes coloriées sont
disposées sur la table. Je décris un
Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017
monstre : il a la tête rouge, etc. L’en-
fant qui a la carte que je décris la met
sur la carte coloriée. Le jeu se ter-
mine quand tous les monstres ont
été décrits.
Activité 2. Le photomaton de Noël
Plusieurs périodes dans l’année sont
propices aux activités ludiques, qui
stimulent déjà les jeunes enfants
dans leur langue maternelle. En
Espagne, Noël en fait partie. L’ob-
jectif de l’activité est de réaliser une
animation photomaton afin d’avoir
un souvenir « français » de Noël.
Pour cela, les enfants découvrent
quelques personnages et objets liés
à cette période festive : le père Noël,
son bonnet rouge et sa barbe, le bon-
homme de neige et sa carotte, le lutin
et son cadeau. Puis, je leur donne à
colorier les accessoires du photoma-
ton. J’accompagne le plus possible
les actions des enfants de parole soit
en décrivant ce qu’ils font, soit en
leur posant des questions : Tu veux le
 Activité Photomaton de Noël.
rouge pour le bonnet ? Ensuite, les en-
fants associent les objets aux person-
nages. Je verbalise par : C’est à qui le
bonnet rouge ? et j’attends la réponse
de l’enfant. Je la reprends : C’est au
Père Noël, tout en félicitant l’enfant.
Après nous collons les pailles colo-
rées derrière chaque élément, tout
en nommant les couleurs. Enfin, il
est temps de jouer ! Les enfants choi-
sissent leur personnage et posent
pour les photos.
La routine de classe
Ma première classe avec des ju-
meaux de 5 ans et demi m’a laissée
un peu perdue et déstabilisée. Nous
ne nous comprenions pas car mes
réflexes habituels d’enseignante ne
fonctionnaient pas. Pour animer ce
cours, il fallait le structurer d’une
manière à rassurer et impliquer
les enfants. J’allais y parvenir en
créant un « univers français » chez
eux se concrétisant par une routine
qui marque le début et la fin de la
séance. Commencer un cours par
la date peut être encore trop abs-
trait pour les plus jeunes. Je pré-
fère la météo. Nous regardons le
temps qu’il fait par la fenêtre. Je leur
MES SITES INCONTOURNABLES POUR LE FLE PRÉCOCE
montre des cartes illustrées (soleil,
pluie, nuages, neige, chaud, froid)
l’une après l’autre en leur posant les
questions suivantes : Il y a du soleil ?
— Non ! Il pleut ? — Oui ! Au fil de
l’année, les enfants deviennent ca-
pables de le dire seuls et les cartes ne
sont plus nécessaires.
Pour terminer la séance, nous lisons
un album, choisi pour ses images et
son thème en relation ou non avec
le thème du jour. C’est l’occasion
de remobiliser le lexique, avec par
exemple l’album Va-t’en, Grand
Monstre Vert ! (Éd. Emberley) pour
les parties du corps.
Canaliser l’énergie
Même un mini-groupe peut être dif-
ficile à gérer. Dans ces moments agi-
tés, il est important de faire une pause
« active ». Si l’activité est trop scolaire,
les enfants s’ennuient et peuvent
commencer à s’agiter. D’autres fac-
teurs sont à prendre en compte : fa-
tigue, chaleur, activités trop longues.
Varier les activités (assises, debout,
plus dynamiques) permet à l’enfant
d’être toujours impliqué.
Pour rompre l’agitation, une acti-
vité calmante en autonomie comme
du coloriage ou du collage est effi-
cace. Sinon, nous lisons un album
ensemble pour rechercher dans
l’image différents éléments. La col-
lection « Où est caché... » de Caster-
man s’y prête très bien. De même,
cette énergie peut être mise au ser-
vice d’un projet sur le long terme. Ce
qui constitue un moment de classe
où les enfants savent ce que l’on attend
d’eux et sont motivés pour. Avec un de
mes groupes, nous avons construit un
premier dictionnaire en français (Mon
livre d’alphabet www.momes.net). À
Activités sur le verbe avoir.
chaque séance, les élèves me deman-
daient quand nous ferions l’alphabet
et montraient leur enthousiasme au
moment de choisir l’image pour il-
lustrer une lettre.
Créer un effet de surprise à l’aide
d’un sac opaque contenant des ob-
jets peut aussi recentrer les enfants.
Je demande alors à chaque enfant
d’y piocher et de nommer les objets.
La première fois les enfants ont été
très curieux. Les fois suivantes, ils se
demandaient si j’y avais mis de nou-
velles choses.
Encourager la communication
verbale
Il y a une remarque qui revient ré-
gulièrement de la part des parents :
Mon enfant a-t-il parlé pendant le
cours ? Il est attendu des enfants
qu’ils produisent du discours. Mais
ce n’est pas le plus important. Cela ne
se force pas ! Ils ne vont pas nécessai-
rement s’exprimer quand on le leur
demande. Par contre ils le feront plus
naturellement dans un espace où ils
se sentent plus autonomes, dans le
cadre d’activités plus manuelles et
non considérées comme linguistique.
C’est dans ces moments que j’essaye
d’encourager la parole en leur posant
des questions simples : Qu’est-ce que
tu fais ? C’est quelle couleur ? La com-
đƫĚ0%0!ƫh+(!ƫ 1ƫ đƫ
¬)!/ċ*!00 (www.momes.net ) Ce blog propose des articles péda- munication entre les enfants aussi
(https://laptiteecole.wordpress.com) J’y trouve toutes sortes d’activités ma- gogiques sur des pratiques de classe. est importante. Intentionnellement,
J’aime dans ce site les explications claires nuelles et de jeux. Mention spéciale aux Certains articles sont accompagnés de nous n’avons qu’un bâton de colle.
pour les novices et les ressources pour pla- images sur la routine quotidienne. vidéos montrant une formatrice avec ses Par conséquent, pour avoir la colle,
nifier son cours. Pour mes premiers cours, đƫƫ(//!ƫ !ƫ1.t*! jeunes apprenants. l’un d’entre eux doit la demander La
l’article « Comment ça va? Comment tu (http://laclassedelaurene.blogspot.fr) đƫ2!.ƫ0$!ƫ%#ƫ
++* colle s’il te plaît. Cela fait partie des
t’appelles? » m’a beaucoup aidée. Laurène propose des jeux à imprimer (http://overthebigmoon.com/pre-k-pack-prep) mots de la classe, et des attitudes de
đƫ+//%!.ƫ
!1*!ƫ1(%ƫ !ƫ
#%0+4 comme des lotos. J’apprécie sur ce blog le travail de Pam communication requises. Q
(https://agi.to/agitox-le-zapping-du-fle-10/) đ +.( ƫ+"ƫ!00!.ƫ(!.*%*# (Cambridge Dana qui propose des packs d’activités
Agitox propose un dossier complet sur les University Press) (www.cambridge.org/elt/ sur différents thèmes (Dinosaures,
POUR EN SAVOIR PLUS
ressources pour le FLE Précoce. blog/2017/05/10/model-lesson-1-songs/ ). Pâques, etc.). Q https://lafleiste.com/

Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017 31

MÉTIER | MANIÈRES DE CLASSE

« MANIÈRES DE CLASSE »,
une rubrique qui inaugure un
voyage dans le monde de la
formation des enseignants.
Dans chaque livraison du Français
dans le monde, elle présente
une situation d’enseignement
sur laquelle réfléchir et qui
se présente comme suit:
1. La tâche: on définit une tâche
complexe, qui est décomposée
en sous-tâches, en fonction des
compétences à acquérir.
2. Les objectifs: on part d’un
objectif actionnel, en fonction
de la tâche prévue, pour donner
ensuite des exemples d’objectifs
d’apprentissage liés aux sous-
tâches établies dans la démarche
méthodologique envisagée.
3. Les obstacles: on essaie d’iden-

UN MUSÉE
tifier les difficultés d’ordre général
qui peuvent surgir dans les diffé-
rentes étapes conçues pour par-
venir à la réalisation de la tâche.
4. Les conditions de réussite: on
prend en considération ce qui est
indispensable, utile ou souhai-
table pour définir les conditions
de réussite minimales de la tâche
envisagée.
5. L’évaluation de la mise en
PAS COMME LES A
place: on explique quelle est la
démarche prévue et on indique « Je me demande si je ne mais nous cantonnent dans une at- cents en situation institutionnelle
les instruments d’évaluation/ suis pas en train de jouer titude contemplative, surtout si la (niveaux A2/B1) qui n’ont pas trop
autoévaluation possibles dont connaissance n’est pas adéquate, la l’habitude de courir les musées et qu’il
des exemples concrets sont
avec les mots. Et si les bouteille de vin, le vieux manège ou faudrait mieux « armer », culturelle-
fournis sur la Fiche « activités » mots étaient faits pour le flacon de parfum, de par leur sta- ment et linguistiquement, en vue d’un
à retrouver dans la revue. Cette ça ? » (Boris Vian) tut d’objets familiers, nous mettent séjour en France où les visites des mu-
fiche réunit les activités que d’emblée dans une position plus « ac- sées font partie des incontournables.
l’enseignant peut proposer à la tive » qui favorise sûrement un meil-
Les objectifs

classe pour mettre en place le
projet, sans négliger des activités
d’autoformation à l’usage de
l’enseignant même.

DBS
MB
QSPEVDUJPO

FICHE D’ACTIVITÉS
DISPONIBLE EN
PAGES 75-76
D
es musées insolites ? La
France n’en manque pas.
Rien qu’à Paris, à côté
des sempiternels Louvre,
Centre Pompidou, Musée d’Orsay,
consacrés à la conservation du pa-
trimoine artistique et culturel du
monde entier, on trouve le Musée
des égouts, celui des Arts Forains, le
Grand Musée du Parfum, le Musée
du Vin et beaucoup d’autres qui sont
là pour mettre en évidence combien
le rôle du musée a changé dans le
temps et continue de changer. Car,
si la statue sur un piédestal, le livre
dans une vitrine ou le tableau accro-
ché au mur suscitent l’admiration
leur profit du contenu du musée.
Et c’est sur cette attitude mentale
plus dynamique que l’on peut miser
en classe de langue en demandant
de créer un musée insolite pour
contribuer à relancer le rôle social
qui lui sied en matière d’« éduca-
tion » et activer une production
orale et écrite qui, sous la houlette
de la créativité, est censée rendre la
tâche plus motivante.
La tâche
Élaboration d’un projet pour
la page d’accueil du site Web
d’un musée insolite
Contextualisation : public d’adoles-
Avant de se lancer dans l’utilisation
de logiciels et autres outils qui per-
mettent la création d’un site Web,
ce qui est prioritaire et qui constitue
le cœur de la tâche, c’est la prépa-
ration d’un projet papier en amont.
Cela nous permet d’identifier deux
types d’objectifs :
t

TUSBUÌHJRVFT
comporte la mobilisation d’un po-
tentiel cognitif et la compensation
entre des compétences différentes
(valorisation des points forts et es-
camotage des points faibles) pour
mieux préparer la réussite de la
tâche. Ce que le CECR résume bien

32 Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017

 PAR PAOLA BERTOCCHINI ET EDVIGE COSTANZO

1/h!ƫ !/ƫ/1.!.%!/ƫĨHƫ
+*0h-
h*!.!/Čƫ!*ƫ.+2!*!ĩċƫ
UTRES
en donnant pour le niveau en ques-
tion cette description des stratégies
communicatives en phase de plani-
fication : « Peut prévoir et préparer la
façon de communiquer les points im-
portants qu’il/elle veut transmettre
ċČƫ pour analyser et évaluer leurs straté-
en exploitant toutes les ressources dis-
ponibles et en limitant le message aux
est sûrement motivant pour des
adolescents en quête d’exhibition
d’expertise technologique, mais
les obstacles sont aux aguets et,
comme d’ordinaire, ils concernent
le culturel et le linguistique.
Le culturel peut être concerné à
cause de la compétence réduite que
ce genre de public manifeste quant à
la fréquentation des musées, car on
a beau connaître tous les trucs pour
créer un site Web, si on ne sait pas
organiser les contenus, l’opération
risque de tourner à l’échec.
Et côté langue aussi, vu l’hétéro-
généité du groupe, les difficultés
pourront concerner facilement, par
exemple, la maîtrise du discours
explicatif pour le niveau B1, mais
aussi la bonne utilisation du discours
narratif ou descriptif mieux articulé
pour le niveau A2.
Conditions de réussite
Comme il s’agit de soigner le projet
papier, la démarche prévue ne saurait
donner trop d’importance au « pas-
polices minuscules, pas de polices
bizarres…) ;
- pas d’animations inutiles.
Quant aux contenus, s’agissant d’un
musée insolite, une aide précieuse
pourra être donnée par des textes
de référence comme le Catalogue
des objets introuvables de Casterman,
grande source d’idées pour la création
des objets. Et, à côté du catalogue, la
manipulation du langage, à travers
des techniques d’écriture créative,
constitue l’atout majeur pour la
réussite du travail. Un exemple pour
tous : le « pianocktail » de Boris Vian,
mot-valise dérivé de « piano + cock-
tail » dont on peut très bien pirater
le fonctionnement, ainsi décrit dans
L’Écume des Jours : « À chaque note,
dit Colin, je fais correspondre un al-
BIBLIOGRAPHIE
đƫƫ.ƫċČƫ+*2((!0ƫ
ġ
Rodier C., 2011, Ecritures
créatives, Grenoble, PUG.
ƫƫ.*!ƫ+),0!ƫ,(1/ƫ Ě1*ƫ)%((%!.ƫ !ƫ
)1/h!/ċƫ0ƫ,.)%ƫ!14Čƫ-1!(-1!/ġ1*/ƫ Ě%*/+-
(%0!/Čƫ+))!ƫ(!ƫ
(%).ĩČƫ !ƫƫ(Ě *-1%/%0%+*ƫĨHƫ.//+**!ĩƫ+1ƫ 1ƫ
%.!ġ+1$+*ƫĨHƫ
cool, une liqueur ou un aromate. La
pédale forte correspond à l’œuf battu
et la pédale faible à la glace. Pour l’eau
de Seltz, il faut un trille dans le registre
aigu. Les quantités sont en raison di-
recte de la durée : à la quadruple croche
équivaut le seizième d’unité, à la noire
l’unité, à la ronde la quadruple unité. »
Évaluation de la mise en place
Pour l’évaluation du produit il est
facile de donner comme critère le
nombre de visiteurs de la page créée
et leurs opinions sur sa qualité.
Quant à l’évaluation du processus,
des instruments classiques d’autoé-
valuation feront l’affaire pour les
élèves et pour l’enseignant.
Ainsi pourra-t-on proposer aux pre-
miers des échelles d’autoévaluation
gies en phase de : planification ; com-
pensation ; contrôle et correction.
moyens d’expression qu’il/elle trouve sage à l’acte technologique », mais đƫƫ!..+*ƫgċČƫĂĀāĆČƫĝƫ!ƫ Et l’enseignant pourra utiliser un ca-
ou dont il/elle se souvient » (p. 53) ; pour faciliter le travail des élèves on musée, le lieu de toutes hier de bord où il marquera au fur et
t

Q SBHNBMJOHVJTUJRVFT

RVJ
EF- peut leur proposer, entre autres : (!/ƫ.!*+*0.!/ƫĞČƫƫ!00.!ƫ à mesure de l’avancement du travail :
mandent non seulement la mise t

EF
OPUFS
UPVU
DF
RVJMT
WPVESBJFOU
!ƫ(Ě
Čƫ,ċƫāćĀČƫ %/,+- t

RVFMT
TPOU
MFT
QSPCMÏNFT
MFT
QMVT
JN-
en place de savoir faire comme trouver sur le site Web qu’ils envi- nible sur le site: http:// portants rencontrés par les élèves ;
la localisation des ressources vi- sagent ; +%)ċ.!21!/ċ+.#ĥāĆĆĂ t

RVFMMFT
TPOU
MFT
SFQSÌTFOUBUJPOT

suelles, scriptovisuelles, sonores… t

EF
SÌTVNFS
MFVST
JEÌFT
TVS
VOF
đƫƫ.!*'%!(ƫċČƫĂĀāąČƫ109 jeux des élèves au sujet du projet, si et
et la prise en compte des destina- carte heuristique qui leur permet- d’écritureČƫ5+*Čƫ$.+*%-1!ƫ comment elles ont changé pen-
taires avec l’adaptation inévitable tra de mieux les organiser ; sociale. dant le travail effectué… ;
du message, mais aussi l’utilisation t

EF
WJTJUFS
MFT
TJUFT
*OUFSOFU
RVJMT
đƫƫ%(2ƫċČƫĂĀĀĉČƫLe jeu en t

EBOT
RVFMMF
NFTVSF
MF
QSPKFU
B
QFS-
adéquate du discours narratif – aiment pour noter ce qui leur plaît classe de langue, Paris, mis d’atteindre les objectifs visés ;
descriptif – explicatif ainsi que du
lexique spécifique au sujet proposé.
Les obstacles
Le fait de préparer un projet de
page d’accueil pour un site Web
du point de vue design et contenu ;
t

EF
WFJMMFS
È
DF
RVF
MB
QBHF
EBDDVFJM

remplisse ces caractéristiques :
- être claire et précise ;
- afficher des textes bien lisibles
(pas de colonnes trop larges, pas de
ƫ *0!.*0%+*(ƫĨ+((ċƫ
Techniques et pratiques
de classe).
đƫƫ%*ƫċČƫāĊąĈČƫL’Écume des
jours, Paris, J.-J. Pauvert. Q
t

TJ
FU
DPNNFOU
MB
SÌBMJTBUJPO
EV

projet a fait évoluer les stratégies
des élèves ;
t

D F
RVJM
GBVESBJU
DIBOHFS
EBOT

le fonctionnement du projet, si
c’était à refaire. Q

Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017 33

MÉTIER | EXPÉRIENCE
PRÉPARER ERASMUS:
TOUT UN PROJET
Alors que le programme
L
e cours à projet en ques-
d’échanges Erasmus fête tion a été proposé à un
niveau B1 + lors des se-
en 2017 ses 30 ans, mestres d’été 2015/2016
la question peut toujours et 2016/2017 dans le
se poser : comment cadre du parcours optionnel de li-
cence de notre université, à raison
préparer de futurs de quatre heures de cours hebdoma-
étudiants Erasmus à daires. Les groupes de participants
leur séjour en France ? de ces deux premières éditions
étaient composés d’étudiants issus
Le département de FLE de différentes facultés et non-spé-
du Centre de langues de cialistes des langues.
l’université de Lüneburg Si Jean-Marc Mangiante et Chantal
Parpette soulignent la difficulté de
(Allemagne) a opté pour créer un cours de français sur ob-
la pédagogie sur projet. jectif universitaire pour étudiants
Compte rendu des deux d’échange lorsque ceux-ci sont issus
de filières différentes, ce point est
premières éditions de encore accentué dans notre cas. Le
cette expérience. cadre institutionnel ne permettant
pas en effet de limiter les inscrip-
PAR CHRISTOPHE HOHWALD
tions d’un cours de telle ampleur
aux seuls étudiants planifiant un
séjour Erasmus, celui-ci était ainsi
également ouvert à des étudiants
Christophe Hohwald est enseignant de
français au Centre de langues de l’université simplement intéressés par l’intitulé
Leuphana (Lüneburg, Allemagne). du cours et ayant pour leur part des
34
objectifs linguistiques relevant plu-
tôt du français général.
La question se posait dès lors de sa-
voir comment impliquer le groupe
d’apprenants ainsi constitué dans
une démarche qui permettrait une
découverte commune de l’univer-
sité française. Ancré aussi bien
dans la didactique des langues et
culture depuis l’introduction de la
perspective actionnelle que dans
notre contexte institutionnel uni-
versitaire, le cours à projet nous a
semblé être la meilleure possibilité
d’associer les deux profils d’appre-
nant présents dans ce cours.
Les objectifs à atteindre couvraient
ainsi plusieurs champs : il s’agissait
avant tout de permettre, même
Résoudre la difficulté de
créer un cours de FOU
pour étudiants d’échange
quand ils sont issus de
filières différentes
Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017
Séance de préparation en salle de cours.
© Hohwald
à distance, une immersion dans
l’enseignement supérieur français
de manière à pouvoir aborder en-
semble l’organisation universitaire
en France, la vie quotidienne des
étudiants et l’enseignement uni-
versitaire français. La démarche de
projet devait pour sa part s’inscrire
dans une optique responsabilisante
et motivante pour les apprenants en
partant d’une problématique définie
ensemble. Celle-ci devait aboutir à
un produit à la fois réalisable en un
semestre et pouvant donner lieu à
une validation sociale.
Pour répondre à ces critères, nous
avons été amenés à travailler étroite-
ment avec le Bureau des relations in-
ternationales (BRI) de notre univer-
sité. Ces échanges ont bien entendu
eu lieu dans la langue maternelle des
apprenants, mais leur importance
structurante pour la démarche de
projet en a fait un élément clé du
cours. Les autres interactions du se-
mestre devaient se faire quant à elles
dans la mesure du possible en fran-
çais, langue de communication et
 Extraits de la vidéo à destination d’étudiants Erasmus francophones.
de travail du groupe, des documents
utilisés et d’échange avec certains
contacts extérieurs.
De nouveaux partenariats
francophones
Pour la première édition de ce cours,
l’accent a été mis sur les partenariats
Erasmus francophones de notre uni-
versité. La réflexion de groupe ainsi
qu’une première rencontre avec
une responsable du BRI avaient en
effet porté notre attention sur le fait
que certaines filières ne disposaient
pas de partenariats francophones
ou que certains partenariats exis-
tants pouvaient être complétés par
d’autres correspondants mieux au
programme actuel de nos facultés.
Une recherche de partenariats po-
tentiels a alors été organisée par
l’ensemble du groupe d’apprenants
puis des groupes de travail ont été
mis en place en fonction des études
de chacun. Cette phase a été l’oc-
!*ġ%!..!ƫ réflexions et échanges menés au
casion de découvrir ensemble non
seulement comment l’université
française fonctionne et quels sont
les enseignements qui la consti-
également été amenés à rencontrer
des responsables de filières de notre
université pour connaître leurs cri-
tères en matière d’université parte-
naire ou encore à prendre contact
avec d’anciens étudiants partis hors
programme de mobilité afin d’iden-
tifier leurs critères de sélection lors
de l’organisation de leur séjour à
l’étranger.
Le semestre s’est terminé par deux
séances de présentations de résul-
tats de nos recherches : la première
en français devant l’ensemble du
groupe-classe afin d’effectuer les
derniers ajustements puis une se-
conde prévue pour la responsable du
BRI. Celle-ci a utilisé les propositions
du groupe pour passer aux étapes
BIBLIOGRAPHIE
đƫƫ+. (+Čƫ /!((!ƫ!0ƫ
%*!/0!0Čƫ
Lors de cette édition du projet,
ĨāĊĊăĩČƫPour une péda-
gogie du projetČƫ.%/Čƫ
Hachette
đƫƫ$.%/0%*Čƫh#%/ƫĨāĊĊĈĩČƫ
DR
DR
Faire mieux connaître
notre ville et notre
université auprès des
étudiants francophones
au moyen d’une vidéo
suivantes (transmission de ces pro-
positions aux facultés, puis, le cas
échéant, prise de contact avec l’uni-
versité francophone concernée).
Une vidéo pour
les Erasmus francophones
Lors de la deuxième édition de ce
cours, le groupe d’apprenants a
été sensibilisé au fait que notre
université attirait peu d’étudiants
d’échange francophones – ceux-ci
semblent en effet lui préférer les
établissements situés dans les
grandes villes allemandes. Les
début du semestre nous ont ainsi
conduits à l’idée de faire connaître
un peu mieux notre ville et notre
université auprès d’un public étu-
elle-même devait consister en une
interview des étudiants Erasmus
francophones alors présents à notre
université et présenter les diffé-
rentes facettes de la vie et des études
sur notre campus. Au-delà de l’inter-
view, elle devait également compor-
ter des scènes extérieures donnant
un aperçu plus concret de la vie à
l’université et en ville.
La création de la vidéo a été suivie
dans son ensemble par la totalité du
groupe-classe, seuls certains aspects
du travail à effectuer ont été répar-
tis entre les membres du groupe, es-
sentiellement pour certaines tâches
plus techniques (utilisation de la ca-
méra, prise de son, montage…). Les
experts qui nous ont aidés à mettre
au point le cahier des charges au
début du projet ont validé la vidéo
en fin de semestre et ont ainsi donné
leur aval pour sa mise en ligne au
nom de l’université.
c’est essentiellement à travers
les contacts avec les étudiants
Erasmus français et le regard que
ceux-ci portent sur l’université alle-
tuent, mais aussi de mener une
réflexion sur la manière dont les
universités se présentent vis-à-vis
de leurs étudiants potentiels.
*#%*0!Čƫ
!*ġ
.ƫ!0ƫ non seulement de la responsable
Les étudiants ont travaillé essen-
tiellement à partir de documents
mis en ligne par les universités
francophones retenues pour nos
recherches. Certains groupes ont
Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017
ĝƫ!ƫ,.+&!0ƫ,h #+#%-1!ƫ
!*ƫ".*`%/ƫĞČƫ%*ƫLe français
dans le mondeČƫ*ŋƫĂĉĉ
đƫƫ
français. Q
.,!00!Čƫ$*0(ƫĨĂĀāāĩČƫ
Le français sur objectif uni-
versitaireČƫ.!//!/ƫ1*%2!.ġ
/%0%.!/ƫ !ƫ.!*+(! Q
diant francophone, et ce, au moyen
d’une vidéo tournée en français.
C’est cette fois-ci avec les conseils
du BRI mais aussi d’un membre du
département de communication
de l’université qu’a été mis au point
le cahier des charges de la vidéo
au début du semestre. La vidéo
mande que nous avons pu aborder
en cours les thématiques liées à la
découverte du monde universitaire
POUR EN SAVOIR PLUS
Voir la vidéo réalisée:
https://www.youtube.com/
watch?v=zuMp51CVimg
35
MÉTIER | QUE DIRE, QUE FAIRE ?
Avoir Internet en classe est une chose. L’utiliser comme un réel support
pédagogique en est une autre. Le principal problème d’Internet
est le foisonnement de sites et d’activités disponibles. Un choix est

J
e n’ai pas le temps d’utiliser Inter-
évidemment à faire et des critères sont à mettre en place : niveau, net en cours car mes sessions sont
durée, rapport avec la leçon, intérêt pédagogique, interactivité, etc. très courtes, mais je recommande
Deux situations sont ici à séparer : des activités en ligne aux appre-
nants et j’essaie de cibler celles qui leur se-
t

%VOF
QBSU
DFMMF
RVJ
DPOTJTUF
È
QSPQPTFS
EFT
SFTTPVSDFT
*OUFSOFU
FO
ront le plus utiles en fonction de leur profil.
dehors de la classe, comme un complément à la formation. C’est entre Je renvoie souvent les apprenants vers les
autres le principe de la « classe inversée » lorsque les capsules vidéo TJUFT
EF
3'*
FU
EF
57.POEF
DBS
KBJNF
MF

et autres ressources permettent d’aider les apprenants à comprendre fait qu’ils travaillent sur des documents
authentiques. Il y a aussi beaucoup d’acti-
par eux-mêmes les outils langagiers utiles à la prochaine séance. vités intéressantes sur les sites Bonjour de
t

%BVUSF
QBSU
DFMMF
EVUJMJTFS
MB
5PJMF
QFOEBOU
MF
DPVST
%BOT
DF
DBT
France, Bonjour de Suisse, etc. L’important
l’enseignant est limité par le temps et le matériel disponible dans est de donner un lien sur une activité ciblée,
jamais sur un site pour ne pas les perdre. Q
son établissement. Il favorisera ici des applications ou activités qui
permettent de mettre en place des interactions et une participation
Karen Lefèvre, France
collective.
Quelles activités ou pratiques pédagogiques permettent d’utiliser
Internet comme un réel support pour la classe ? C’est la question
que nous avons posée à nos lecteurs. Voici leurs réponses.

COMMENT FAIRE D’INTERNET UN

I
nternet offre plein d’outils pour

D
e nombreux enseignants ont déjà nous simplifier la tâche et pour
sauté le pas et ont créé leur propre rendre nos cours plus ludiques !
blogue pédagogique. Il peut avoir Personnellement, j’utilise l’appli

plusieurs fonctions. Par exemple, il
peut rassembler les éléments qui constituent les
séances. Ça rassure les apprenants qui savent
vers quel site aller quand ils ont un doute sur
un point étudié. Le fait que ce soit leur profes-
seur qui a rédigé le cours permet une meilleure
compréhension. En effet, l’enseignant utilisera
sur Internet les mêmes termes et peut-être les
mêmes exemples que pendant la séance. Un
blogue peut également être une plateforme
d’échanges entre l’enseignant et les apprenants,
entre deux classes situées dans des pays diffé-
rents, entre plusieurs professeurs de langue…
Le modérateur doit, bien sûr, s’assurer de la per-
tinence des contenus proposés. Q
Emmanuelle Amrein, États-Unis
G
oogle Street est un excellent
outil pour aider les appre-
nants à se repérer dans l’es-
pace. Je les place en binômes
puis leur distribue un point de départ et
une destination à atteindre. Ils tirent au
sort un moyen de transport (à pied, en
transports en commun, en voiture…).
Un élève regarde l’itinéraire proposé et
guide son camarade qui doit tracer le
chemin sur une carte (virtuelle ou non).
J’utilise aussi Google View pour faire
découvrir des pays et des villes franco-
phones. On peut se promener partout
dans le monde sans bouger de la classe,
c’est fantastique ! Q
Emma Jaquin, Suisse
Plickers en début de séance pour véri-
fier l’acquisition d’un ou deux points :
ce sont des QCM préparés par le pro-
fesseur, chaque élève a un code QR
et le professeur scanne la classe avec
son smartphone pour connaître les
réponses de chaque élève. Ils adorent
et ça permet d’adapter la remédiation
à chacun. Quand il y a des vacances, je
veux que les élèves continuent de pra-
tiquer alors je mets en place des devoirs
à distance. Je viens de trouver un site
qui fonctionne même en Chine (www.
classmarker.com) ! Cela permet d’avoir
les devoirs rendus en temps réel, et en
plus une partie des questions peut être
corrigée automatiquement ! Q
Émeline Holland, Chine

RUBRIQUE ANIMÉE PAR ADRIEN PAYET

www.fle-adrienpayet.com

36 Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017


D
préparer à la maison. En classe, vérifier
(par un code QR) et faire la synthèse. Q
Diouf Dieynaba, Sénégal
RÉEL SUPPORT POUR LA CLASSE?
À RETENIR
D
onner des exercices en se basant sur
des documents en ligne, créer des
compétitions d’écriture entre éta-
blissements sur Internet, encoura-
ger à publier leurs travaux et à échanger avec
d’autres apprenants dans le monde. Q
Rabia el Mir, Maroc
J
’utilise Internet en classe pour accéder
à des documents authentiques. Je de-
mande par exemple aux apprenants
de retrouver une information sur un
site Internet marchand (un prix, un service, des
horaires d’ouverture, etc.). À partir du niveau
B1 je les encourage à participer aux forums sur
Internet pour exprimer leur opinion, puis à y
retourner quelques jours plus tard pour voir si
leur commentaire a provoqué des réactions. Q
Émilie Rolland, Australie
Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017
P
ar la projection
de courtes vi-
déos intéres-
santes sur un
thème donné ou alors leur
faire écouter des chan-
sons, des poèmes, leur
montrer des faits divers.Q
Malika Bellili, Algérie
oter chaque apprenant d’une
tablette, leur envoyer les exer-
cices en s’assurant qu’ils au-
ront assez de temps pour les
Internet est avant tout une base de ressources iné-
puisable pour les documents authentiques, qu’ils
soient textuels ou audiovisuels. On se rend compte
que les apprenants s’investissent davantage dans les
travaux d’écriture s’ils se savent lus. En ce sens, les
compétitions inter-établissements et autres projets
de correspondances proposés par Rabia ou encore
la proposition de blogue d’Emmanuelle me semblent
particulièrement intéressants.
Internet est aussi un moyen de faire entrer l’inno-
vation en classe. C’est ce que nous montre Emma
avec l’utilisation de Google Street ou Franck avec la
vidéoconférence. Voir sur ce dernier point la tech-
nique de la télésimulation, visant à jouer des jeux de
rôles entre apprenants et comédiens francophones
sur Skype (voir article FDLM 398, p. 40-41). De la
même manière, les téléphones portables sont plus
vus comme des perturbateurs que comme des outils
pour travailler en classe! Les applications dont parle
Sophie renversent cette idée préconçue, car ils per-
mettent un réel travail collectif. Enfin, lorsqu’Internet
permet d’évaluer à distance et apporte une aide pour
une remédiation personnalisée, le défi du prof intelli-
gemment connecté est gagné. Q
A
vec les téléphones portables ou
les tablettes on peut créer des
interactions écrites et animer
sa classe. J’utilise par exemple
Kahoot ! pour faire des quiz plus vivants.
Les élèves répondent directement depuis
leur téléphone comme dans un jeu télévisé.
Mentimeter est une autre application gra-
tuite très utile. On peut faire par exemple un
nuage de mots collectif avec tous les mots
proposés par les élèves. Ils peuvent aussi
écrire des phrases puis les hiérarchiser,
par exemple dans le but de coécrire le rè-
glement de la classe. Si les téléphones sont
permis en classe c’est plus pratique, sinon
on peut faire les mêmes activités depuis les
ordinateurs de la salle informatique.Q
Sophie Caron, Canada
J
e réalise des vidéoconfé-
rences en classe avec des
amis français. C’est l’oc-
casion pour mes élèves
de rencontrer un Français, de s’in-
former sur sa ville, son métier, ses
loisirs… On peut aussi appeler une
entreprise, un commerçant, une
association, etc. Q
Franck Savin, Mexique
PARTICIPEZ!
Merci aux enseignants qui ont participé
à cette rubrique. Pour participer aux
prochaines thématiques, rendez-vous sur
l’onglet Forum de notre page Facebook.
Rejoignez
FACEBOOK/LeFDLM
www.fdlm.org
37
MÉTIER | TRIBUNE
Comment aider les
étudiants étrangers
à s’intégrer à
l’université et à
faire de leur séjour
en France une
belle expérience ?
Réponses et
témoignages.
Dispositif de médiation à Lille: l’explication des missions des délégués dans la langue maternelle des apprenants.
L’ACCUEIL DES ÉTUDIANTS
UNIVERSITÉ DE LILLE
PAR ÉVELYNE ROSEN, RESPONSABLE PÉDAGOGIQUE DU DEFI (DÉPARTEMENT DE L’ENSEIGNEMENT
DU FRANÇAIS À L’INTERNATIONAL)
Pour accueillir (et être véritablement à l’écoute
de) ses étudiants internationaux, le DEFI met en
place chaque année l’élection de délégués des étu-
diants qui représentent leurs camarades dans les
discussions menées régulièrement avec la respon-
sable pédagogique et lors du Comité de gestion.
Trois étudiants se sont ainsi impliqués de manière
remarquable dans la vie du DEFI cette année en
étant à l’origine de la création et de l’animation
d’un groupe privé des étudiants du DEFI sur Face-
book permettant l’échange d’informations utiles
(soirée plat international, accompagnement
culturel, etc.) et de récits d’expériences.
Mettre en place l’élection de ces délégués dès les
premières semaines de cours relève véritable-
ment de la perspective actionnelle et se présente
comme un projet du Département : présentation
des missions des délégués en classe, déclaration
des candidats auprès de l’administration, cam-
pagne des candidats, vote et dépouillement sous
la surveillance du juriste de l’établissement ; pu-
blication des résultats… Au travail ! Ces délégués
facilitent ainsi les échanges entre les différentes
instances de l’institution et permettent, par cette
médiation, un accueil sur mesure des étudiants.
Afin d’optimiser ce projet cette année, un disposi-
tif particulier a de surcroît été mis en place consti-
38
tuant une réponse à certains obstacles constatés
les années passées. Comment en effet expliquer
à des étudiants de nationalités différentes, débu-
tant en français, les missions des délégués ? Le re-
cours au concept de médiation, au sens du CECR,
nous a permis de lever cette difficulté ; dans cette
perspective, l’apprenant est un intermédiaire
entre des interlocuteurs ayant des difficultés à se
comprendre en direct. Pour prendre un exemple
concret : je suis intervenue dans un cours de B1
pour présenter les missions des délégués à l’aide
du document illustré ad hoc et j’ai répondu aux
questions des étudiants sur ce fonctionnement
interne particulier. J’ai ensuite demandé à des
étudiants de différentes langues maternelles de
bien vouloir m’accompagner dans une classe de
niveau A1. Des groupes par langues ont alors été
formés et ce sont ces médiateurs qui ont expliqué
les missions des délégués aux autres étudiants,
dans leur langue maternelle. Un dispositif effi-
cace dont tous (tant les médiateurs que les étu-
diants débutants) ont profité !
L’élection des délégués des étudiants au DEFI est
ainsi l’objet de médiations imbriquées, favorisant
non seulement l’accueil des étudiants internatio-
naux mais également l’insertion dans l’institu-
tion, passerelle pour l’insertion sociale. Q
Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017
UNIVERSITÉ PARIS-EST
CRÉTEIL (UPEC)-PARIS XII
PAR EDWIGE DE MONTIGNY, DELCIFE
(DÉPARTEMENT D’ENSEIGNEMENT DE LA
LANGUE, DE LA CULTURE ET DES INSTITUTIONS
FRANÇAISES AUX ÉTRANGERS)
L’accueil des étudiants internationaux au DEL-
CIFE est placé sous le signe de la diversité.
Diversité de nos 800 étudiants annuels : 54
nationalités représentées (avec en tête le Viet-
nam, la Colombie et la Syrie) chez les étudiants
de DUEF, mais aussi des étudiants en échange,
doctorants, étudiants de masters anglophones.
Diversité des dispositifs d’intégration : sor-
ties culturelles en région parisienne, chaque
vendredi ; tandems bilingues (55 binômes ce
semestre), ateliers de théâtre en 4 langues,
ateliers de conversation. Le programme « Pas-
serelle pour l’université » soutient 20 étudiants
réfugiés et les aide, en plus des cours de FLE, à
s’insérer dans les UFR. Une journée d’échanges
permet aux étudiants de rencontrer leurs homo-
logues de l’université de Reims. Une visite de la
BU les aide à s’approprier les lieux et ressources ;
une option transversale réunit des étudiants
français et des étudiants réfugiés, offrant un
enrichissement mutuel. Enfin, des moments de
partage marquants : repas international de fin
de semestre, et pique-nique sportif.
Diversité dans l’approche pédagogique, avec
des cours comme « Radio FLE » (les étudiants se
 « Repas international » organisé à l’UPEC Sortie culturelle entre étudiants de l’UCA.

INTERNATIONAUX
font journalistes radio), et « Du pain sur la planche » Diversité des débouchés, enfin : Richard, en
TÉMOIGNAGE: KATIA MAZIÈRES,
ÉTUDIANTE À L’UCA
« En devenant marraine d’étudiants étrangers, je
voulais découvrir de nouvelles cultures, des gens
(scénarisation de recettes de cuisine). L1 d’économie à Clermont ; Rafael, en L2 de venant d’un autre pays et pouvoir parler d’autres
Diversité des vecteurs d’apprentissage, aussi : mathématiques à Paris XIII ; Umur, en L3 de langues. Faire aussi découvrir notre ville, notre
Eprel-Langues, permettant l’autoformation en 7 Lettres Modernes à Paris IV, etc. Voici quelques région et nos racines. Cela m’a permis de voya-
langues (fondé sur RosettaStone) ; mise à disposi- exemples reflétant le sérieux et la diversité de ger à travers mes cours d’interculturalité mais
tion du quotidien l’Actu, et du portail Europresse. nos étudiants. Q aussi par les échanges que j’ai pu avoir avec mes
filleuls ainsi qu’avec les autres étudiants étran-
gers. Notre objectif était d’accueillir les étudiants
UNIVERSITÉ CLERMONT AUVERGNE (UCA) et de les aider à s’intégrer dans la vie universi-
taire et leur permettre de trouver leur place dans
PAR CLAIRE BERTHONNEAU, DIRECTRICE CENTRE FLEURA (FRANÇAIS LANGUE ÉTRANGÈRE
ET UNIVERSITAIRE EN RÉGION AUVERGNE) la vie clermontoise pour qu’ils se sentent un peu
comme chez eux.
La direction des relations internationales a mis l’organisation d’évènements pour l’intégration J’ai beaucoup appris sur les pays et les cultures
en place, en partenariat avec le centre FLEURA, des étudiants internationaux. Elle permet aux qui nous entourent au contact des personnes
une UE « accueil des étudiants étrangers » pro- étudiants français d’accueillir et d’aider les étu- rencontrées mais aussi grâce à nos cours. Ren-
posant des cours d’interculturel basés sur l’ap- diants étrangers venant passer un semestre ou contrer tous ces étudiants étrangers m’a offert
prentissage des codes culturels, d’initiation à une année à l’UCA. Q une réelle ouverture d’esprit sur le monde et m’a
encore plus donné envie de voyager et de dé-
TÉMOIGNAGE: NIKOLA, ÉTUDIANTE ALLEMANDE EN PROGRAMME ERASMUS couvrir ce qui nous entoure. J’ai beaucoup aimé
« Quand je suis arrivée à Clermont, système universitaire différent et En plus, elle nous montrait la ville et ce mélange des cultures. Nous nous sommes
je ne connaissais ni la ville, ni l’uni- une langue au niveau incertain cela ses alentours, nous recommandait tous apporté quelque chose, et nous en ressor-
versité, ni amis. Mais quand j’en suis représente un défi bien en grand! les endroits les plus beaux à visiter tons tous avec de beaux souvenirs inoubliables
partie, j’avais derrière moi une ex- Katia prenait sa tâche au sérieux et et nous informait des évènements et de belles amitiés qui vont rester j’espère. Cela
périence remplie d’aventures dans organisait des soirées chez elle où intéressants. Souvent, nous en m’a permis de faire face à ma timidité, d’oser
une ville qui est devenue la mienne, je pouvais même emmener mes profitions tous ensemble, ce dont je proposer des sorties, et d’aller au contact des
pleine d’amitiés merveilleuses. Je amis d’Erasmus. Elle faisait beau- me souviendrai longtemps. Et Katia gens. Le fait que Nikola ait envie de devenir
le dois en grande partie à Katia, coup pour que nous nous sentions nous a fait découvrir des traditions “marraine” dans son université en Allemagne me
ma marraine, une fille sympa et à la maison. Elle nous aidait pour les françaises et des spécialités auver- fait plaisir et montre que l’échange qu’il y a eu
intéressante. Étudiante étrangère, démarches administratives à la fa- gnates qu’on n’aurait sûrement pas entre nous lui a plu. Cette rencontre avec Nikola
dans une ville inconnue, avec un culté et à trouver des amis français. découvertes tout seuls. » Q m’a beaucoup apporté. » Q

Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017 39

MÉTIER | INNOVATION
JEUX WASA
POUR FAIRE GAGNER
LE DÉVELOPPEMENT DURABLE !
Une équipe jeune et
diversifiée, de la passion
et de l’énergie à revendre,
mais surtout un désir
commun d’outiller petits
et grands à un demain
plus vert, c’est comme
cela que Jeux WASA est
né ! Wa-quoi ? WASA :
un organisme à but non
lucratif basé à Montréal,
Québec. Découverte.
PAR SONIA LI TROTTIER
40
J
eux WASA crée et anime
des activités ludiques
mobiles sur les habitu-
des de vie durables. Les
activités de l’organisme
comportent deux grands pôles : la
création des activités et des sup-
ports pédagogiques ludiques et
mobiles d’une part ; l’animation des
ateliers dans les écoles et les entre-
prises de l’autre.
Quartier Durable,
un jeu coopératif unique!
Quartier Durable est le jeu phare de
Jeux WASA. Fait de manière artisa-
nale avec du bois recyclé, il amène
les participants à construire une
ville basée sur des quartiers réels
tout en abordant des grands en-
jeux sociaux, environnementaux,
culturels et économiques. À travers
différentes étapes qui sont repré-
sentées par des blocs de différentes
couleurs, on parle d’habitation, de
sécurité alimentaire, d’accessibilité
aux transports, de forêt urbaine,
de gouvernance, de santé, de sécu-
rité et d’éducation. À la toute fin,
on vient colorer le quartier avec la
gestion des matières résiduelles,
l’énergie et l’eau. Pendant le jeu, un
animateur est présent pour amener
des défis tels que le changement des
saisons, l’immigration ou encore les
incendies et les inondations.
Quartier Durable permet de favori-
ser le transfert de connaissances, la
Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017
© CIJF
cohésion de groupe et la prise d’ac-
tions collectives. Il met en lumière
une approche holistique du déve-
loppement durable. « Avec Quartier
Durable, on veut que les participants
prennent conscience du milieu où ils
vivent et de la possibilité de changer
ses habitudes au quotidien, affirme
Julie Tremblay, cofondatrice de
Jeux WASA. Le jeu développe le po-
tentiel créateur des adultes et des
enfants. On les encourage à devenir
des acteurs de changement. » Tout le
monde peut jouer et il n’y a pas de
gagnants. Le but est de développer
l’esprit critique, le travail d’équipe,
de penser à comment nos habitudes
de vie sont influencées par ce qui
nous entoure et inversement.

Une vision d’affaires
socialement engagée
L’équipe de Jeux WASA anime
© Patrimoine canadien
ses activités autant dans les entre-
prises, les écoles que durant des
évènements publics comme les
festivals. En alliant renforcement
d’équipe (team building) et forma-
tion au développement durable, les
activités proposées sont originales,
pédagogiques et ludiques pour les
entreprises souhaitant avoir des
pratiques plus durables. Elles visent
aussi à répondre au manque de
temps, d’argent et de connaissances
en interne de celles-ci en leur pré-
sentant un service qui n’existait pas
sur le marché.
Cet objectif se double d’une mis-
sion sociale, qui est d’outiller les
jeunes à avoir des habitudes de vie
durables. Jeux WASA anime en
effet ses activités dans les écoles du
Québec, principalement à l’adresse
des jeunes âgés entre 10 et 14 ans.
Elles sont adaptées au programme
scolaire québécois où le dévelop-
pement durable n’est actuellement
pas obligatoire. Elles ciblent les
compétences transversales et elles
poussent à cultiver notamment l’en-
gagement citoyen des jeunes.
C’est donc un public varié qui a
accès aux animations et formations
de Jeux WASA. Avec la volonté
d’être le plus inclusif possible et de
montrer qu’il existe des solutions
pour changer ses habitudes de vie.
Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017
De gauche à droite: Posant avec leur
médaille d’or, Anne-Marie Smith, Julie
Tremblay et Sonia Li Trottier, qui ont
représenté Jeux WASA pour le Canada
aux Jeux de la Francophonie, à Abidjan.
moyen de transport et le support
pédagogique, Alex symbolise
l’identité même de Jeux WASA,
qui est d’être positif et ludique. Il
en incarne les valeurs environne-
mentales, de mobilité active, d’ac-
ABIDJAN 2017, UNE EXPÉRIENCE « INOUBLIABLE » cessibilité et de changement social.
« Notre parcours à Abidjan a été incroyable et inoubliable, autant sur le plan Comme son nom l’indique, ce vélo
professionnel que personnel. Avec de nombreuses rencontres aussi intéres- bien particulier se veut un labora-
santes les unes que les autres, beaucoup de travail, un peu de stress et de toire de création, de design de jeux
fatigue, mais surtout du bonheur! Sous forme d’exposition, l’équipe a présenté et de modules durables. Parmi ces
Alex avec ses jeux et modules pendant 4 jours non seulement aux juges, mais modules, on compte un récupéra-
aussi au grand public, à différentes personnalités politiques, à des journalistes, teur d’eau de pluie, une mini-serre,
des enseignants et des enfants. un réfrigérateur sans électricité et
Au fil des rencontres et des conversations, cela a permis à Jeux WASA de plus encore. En plus des autres jeux
réfléchir à comment il est possible d’adapter Alex et nos activités à d’autres WASA, il transporte une ribambelle
contextes francophones, puisque les réalités sont différentes de celles du d’innovations qui sont simples et
contexte québécois. Les problématiques environnementales, sociales, cultu- efficaces pour capter l’attention de
relles et économiques étant propres à chaque pays, partager notre vision et tout le monde. Avec Alex, on ex-
notre modèle d’affaires aura été une expérience très enrichissante. Mais bien plore les solutions pour un demain
que les contextes soient différents et que cela demande réflexion et adapta- plus vert, on (re)découvre son mi-
tion, le vif intérêt démontré par la francophonie pour nos jeux et notre concept lieu de vie de manière active.
montre à quel point le jeu est rassembleur, peu importe où dans le monde! Le vélo-laboratoire est une pre-
Notre désir de communiquer les connaissances en développement durable de mière étape vers une autre plus
manière ludique est désormais plus grand que jamais. Car pour Jeux WASA, grande : l’autobus électrique ! Un
changer le monde est un jeu d’enfant! » Q des grands rêves et objectifs à long
terme de Jeux WASA, afin de par-
courir le Québec pour former petits
Le tout se fait dans le plaisir et le Alex, le vélo-laboratoire et grands, en école et en entreprise,
partage. « C’est apprendre en s’amu- La joyeuse équipe canadienne y a aux habitudes de vie écologique
sant ! » clament en chœur Anne- concouru dans la catégorie « Créa- grâce à une expérience immersive
Marie Smith, Julie Tremblay et tion pour le développement du- dans un univers durable mobile. Q
Sonia Li Trottier, qui ont représenté rable » et a empoché l’or grâce à
le Canada et présenté Jeux WASA Alex, son vélo-laboratoire. C’est
aux Jeux de la Francophonie d’Abi- avec lui qu’elle visite écoles et en- POUR EN SAVOIR PLUS
djan, cet été (voir encadré). treprises. Tout à la fois mascotte, www.jeuxwasa.ca
Alex, le vélo-laboratoire.
© Jeux WASA
Le jeu coopératif Quartier Durable.
41
MÉTIER | RESSOURCES
Diplomatie, tourisme, management…
travailler et étudier en français
FOU
ÉTUDIER LE MANAGEMENT
EN FRANÇAIS
La collection Français sur objectif
universitaire des PUG poursuit sur sa
lancée avec un quatrième ouvrage,
Réussir ses études en école de manage-
ment en français (C. Bertrand Gally
et al., 2017). Appuyé sur une soixan-
taine de vidéos, l’ouvrage aborde les
principales situations de communi-
cations et compétences que doivent
Maîtriser les étudiants allophones
intégrant une école de management
en France. Combinant deux objec-
tifs – information sur le contexte de
ces établissements et formation lin-
guistique – il traite en 5 chapitres et
16 fiches pédagogiques (250 p.) le
système des écoles de management,
leur organisation administrative et
académique, les fondamentaux de la
discipline, les savoir-faire pour suivre
les différents types de cours et réaliser
études de cas, projets et prestations
A1-A2
RELATIONS INTERNATIONALES
ET LANGUE FRANÇAISE
Les éditions Hachette proposent une
nouvelle édition d’Objectif Diploma-
tie – Le français des relations interna-
tionales et européennes (L. Riehl et
al., 2017), pour le niveau A1-A2. On
y retrouve les activités langagières
de base – se présenter, parler de
ses activités, discuter de l’actualité,
écouter des informations, rédiger
un document – inscrites dans les si-
tuations quotidiennes et profession-
nelles que peuvent rencontrer les
acteurs du monde de la diplomatie :
se loger, prendre un nouveau poste,
se déplacer pour une réunion, pré-
parer une réunion de travail, noter
des données pour une allocution
publique, etc. En 12 unités de 12
pages, les apprenants réalisent de
nombreuses activités communica-
tives, dans lesquelles les interactions
orales sont combinées à la lecture et
42
PAR CHANTAL PARPETTE
orales. Le dernier chapitre est consa-
cré à l’expérience en entreprises lors
des stages (CV, lettre de motivation,
rapport de stage). Chaque fiche est in-
troduite par une information contex-
tualisant le thème traité et justifiant
son insertion dans l’ouvrage : l’intérêt
des associations étudiantes dans une
école supérieure, la place du cours
de contrôle de gestion dans le cursus,
ou encore l’importance des stages
dans la formation. Viennent ensuite
les activités d’apprentissage à partir
de vidéos ou de documents écrits.
Celles-ci prennent des formes variées,
question-réponse pour développer
une donnée, appariement pour fixer
des définitions, texte à trous pour un
travail précis sur le lexique, modèles
pour les productions orales ou écrites.
La dernière activité À vous de jouer !
clôture la séquence par une synthèse
l’écriture, comme le sont fréquem-
ment les situations de communica-
tion professionnelles : l’organisation
d’une mission à l’étranger combine
ainsi la lecture d’un courriel avec un
appel téléphonique pour des com-
pléments d’information, l’écriture
d’un ordre de mission, et la prise de
contact avec le correspondant à ren-
contrer. Les rubriques À vous et En
situation amènent les apprenants à
de nombreux réemplois et simula-
tions à partir des acquis de l’unité.
Une page Infos apporte des données
textuelles et photographiques sur les
institutions européennes et interna-
tionales. L’évaluation occupe une
place importante à travers une page
Testez-vous dans chaque unité, et
trois épreuves d’entraînement au Di-
plôme de français professionnel des
Relations internationales (CCIP-Île
BRÈVES
des données travaillées ou une ré-
flexion comparative avec le contexte
d’origine des apprenants. Les sup-
ports écrits figurent dans le manuel.
En revanche, les vidéos – qui sont pour
l’essentiel des interviews des différents
acteurs d’une école de management
(directeur, enseignants, responsables
de service, étudiants) –, ainsi que les
transcriptions et les corrigés, sont
hébergés sur le site compagnon de
l’ouvrage, site bien fait et d’accès très
simple (https://reussir-etudes-mana-
gement.jimdo.com). Q
de France) comportant une épreuve
dans les quatre compétences et un
Scénario professionnel, simulation à
réaliser sur une journée intensive.
Des activités complémentaires sont
proposées sur le site de TV5Monde à
partir de courts extraits vidéos de re-
portages authentiques. Le guide pé-
dagogique, téléchargeable sur le site
de l’éditeur, présente très clairement
les objectifs et principes sur lesquels
se fonde la méthode, et accompagne
avec précision l’enseignant dans le
déroulement de son enseignement. Q
Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017
LIBÉRONS
LES DONNÉES!
Google a beau nous rendre bien
des services, avouons-le, savoir
que nos données et informa-
tions personnelles sont stockées
depuis certains de ses services
ne nous rassure pas vraiment.
Google a pensé à tout! Issu du
front de libération des données
Google (Google Data Liberation
Front) Google Takeout est une
plateforme des services du
géant qui vous permet de visua-
liser et télécharger les données
qui vous appartiennent depuis
une vingtaine d’applications et
de services différents, dont mail,
agenda, documents, contacts.
Malheureusement, ce service
n’inclut pas la destruction de vos
données personnelles… Q
DES LUNETTES
TRÈS BRANCHÉES
Les voici les voilà, les tant atten-
dues lunettes connectées cor-
rectives! Les premières lunettes
connectées se développent et
se placent sur le marché depuis
quelque temps déjà, et per-
mettent par exemple de suivre
un trajet sans regarder son
téléphone. Nouveauté pour cet
automne qui verra naître leur nou-
velle génération, permettant aux
myopes (et aux autres) de réel-
lement lire ce qui s’affichera sur
vos verres. Plutôt utile, non? Leur
prix? Assez attractif en précom-
mande et sans option, 199 USD… Q
Plus d’information sur:
https://www.enjoyvue.com/
MULTIMÉDIA A1-A2

BON VOYAGE!
C’est le titre du dernier ouvrage paru
dans la collection « PRO » de CLE Inter-
national pour le niveau A1-A2 (E. Dussac,
2017). Du concepteur de circuits chez
un tour operator à l’agent de réception
aéroportuaire, du chargé de projets évé-
nementiels à l’employé de parc animalier
ou à l’agent de comptoir en location de
véhicules, l’ouvrage passe en revue, au
long de ses 8 unités, un certain nombre
de professions dans le domaine du
tourisme. Chaque unité compte quatre
séances d’une double page organisées
en trois étapes: Pour commencer expose
des données
photogra-
phiques et le
lexique d’un
champ par-
ticulier – les

À L’ATTAQUE modes de
déplacement
ordinaires ou
insolites, les
documents
de voyage
Virus, chevaux de Troie ou même vers, ces jointes provenant de source in- (unité 3), les
connue ou dans un format non objets et les
logiciels malveillants (portant également le identifié, veiller absolument à ce lieux d’organisation d’un évènement
nom de malware, contraction de malicious et que votre navigateur, vos logiciels (unité 5); une étape Compréhension
de software) s’en prennent au quotidien à nos et que votre système d’exploita- combine écoute et lecture; la partie
tion soient toujours à jour, en in- Retenez permet de fixer les outils
ordinateurs et font régulièrement la une lorsqu’ils cluant les derniers correctifs de linguistiques nécessaires à la commu-
attaquent à grande échelle. Alors d’où viennent- sécurité. Au-delà de ces consignes nication; Appliquez engage les appre-
ils et comment les éviter ? basiques, on laisse son pare-feu nants dans des activités de réception
activé, on ne clique pas sur les puis d’échanges par téléphone ou par
Les identifier pirates pour récupérer l’usage fenêtres publicitaires, on protège courriel. Une page Culture permet de dé-
Cachés dans les codes de pro- de leur système informatique. ses mots de passe qu’on ne com- couvrir l’histoire des casinos et le jeu de
grammes informatiques, dans Quelques symptômes de l’infec- munique sous aucun prétexte. la roulette anglaise (Les casinos dans le
des pièces jointes apparemment tion de vos ordinateurs (PC ou Les adresses des sites consultés monde), les sports extrêmes (Le tourisme
inoffensives ou au cœur de logi- Mac, pas de discrimination) : des doivent également être vérifiées. d’aventure), ou encore l’écotourisme. Une
ciels ou de jeux téléchargés de- fenêtres surgissent sur votre écran En effet, dans les tentatives d’ha- tâche finale – Informer un client pour une
puis Internet, les « pourriciels » comportant de (fausses) alertes, meçonnage (technique consistant location de voiture, Vendre une prestation
s’invitent sur nos ordinateurs. Si de nouvelles icônes apparaissent à faire passer son site frauduleux touristique, Organiser et animer des activi-
parfois il s’agit de détruire des sur votre bureau, votre navigateur pour un site légitime pour récu- tés – met en œuvre les acquis de l’unité
fichiers vitaux pour le fonction- Internet préféré vous envoie systé- pérer des données personnelles) à travers une démarche progressive
nement de notre matériel par matiquement sur un site que vous les adresses comportent la plu- de 4 ou 5 exercices. Le DVD encarté
pure malveillance, ces malwares n’avez pas choisi, et cela quelle part du temps des fautes d’ortho- comporte, outre les enregistrements
peuvent également espionner nos que soit votre requête… mauvaise graphe ou des extensions diffé- audio sur lesquels s’appuie l’ouvrage,
données et recopier nos informa- nouvelle, vous êtes touché(e) ! rentes (.com ou lieu de .gouv par 5 petits films très visuels sur quelques
tions personnelles. En 2017, des exemple). Bref, en règle générale, sites connus: Paris vu de la Seine, les
entreprises du monde entier at- Se protéger vérifiez sur quoi vous cliquez. Q remparts de Carcassonne ou les plages
taquées par des « rançongiciels » Par principe, mieux vaut prévenir de Polynésie. Un manuel idéal pour ceux
ont même été contraintes de ver- que guérir… donc prudence au Flore Benard et Nina Gourevitch qui souhaitent débuter l’apprentissage
ser d’importantes sommes à des quotidien : ne pas ouvrir de pièces Alliance française Paris Île-de-France du français dans le contexte du monde
du tourisme. Q Ch . P.

Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017 43

INTERLUDE |
Dans une gare. Un homme et une femme
croisent leurs regards.
PAR ADRIEN PAYET
À FLEUR
DE PEAU
LA FEMME: Qu’est-ce que vous me voulez ?
L’HOMME: Rien.
LA FEMME: J’ai bien vu votre regard.
L’HOMME: Je ne vous regardais pas.
LA FEMME: Vous me trouvez grosse, c’est ça ? !
L’HOMME: Mais pas du tout !
LA FEMME: Trop fine alors ?
L’HOMME: Mais non, vous êtes très bien.
LA FEMME: Alors quoi ? Je vous plais ?
L’HOMME: Heu… je ne sais pas. Peut-être. Enfin,
non, je ne crois pas.
LA FEMME: Salaud ! Vous osez m’insulter ! Je ne
vous ai rien fait moi !
L’HOMME: Mais moi non plus que je sache.
Pourquoi vous vous défoulez sur moi ?
LA FEMME: Ce n’est pas vrai. Je suis très calme !
L’HOMME: Attendez. J’aimerais que vous vous
mettiez une seconde à ma place. Je suis là,
tranquille. Je regarde les trains. Nos regards se
croisent par hasard et tout à coup vous m’agres-
sez comme une furie.
LA FEMME: Moi je vous agresse ? ! Ça, c’est la
meilleure !
L’HOMME: J’aimerais que vous me laissiez tran-
quille s’il vous plaît. Je n’ai plus envie de parler
avec vous.
LA FEMME: Donc vous avouez ! Vous aviez envie
de parler avec moi tout à l’heure. J’ai lu juste
dans votre petit jeu. De toute manière, vous les
hommes vous êtes tous les mêmes.
Si vous souhaitez publier
une vidéo de votre mise en
scène sur AVANT DE COMMENCER
www.fle-adrienpayet.com, Particularité grammaticale: le subjonctif présent.
envoyez un courriel à
adrien-payet@hotmail.com 3 personnages
44
L’HOMME: Cessez de m’importuner madame ou
j’appelle l’agent de sécurité.
LA FEMME: Qu’il vienne ! Je n’ai pas peur. De
toute façon, moi, je n’ai rien à me reprocher !
L’HOMME: Sécurité !
L’AGENT DE SÉCURITÉ: Que se passe-t-il ici ?
L’HOMME: Cette femme m’importune. Elle est
complètement folle !
LA FEMME: Cet homme est un vicieux, il ne
cesse de m’observer et de me juger depuis tout
à l’heure.
L’HOMME: Je ne vous regardais même pas. Je
regardais les trains.
LA FEMME: Ils devaient être très intéressants
alors !
L’AGENT DE SÉCURITÉ: Je ne veux pas de pro-
blème ici. La gare est grande. Il vaut mieux pour
tout le monde que vous vous sépariez.
LA FEMME: Quoi ? Vous allez laisser cet homme
en liberté ? !
L’AGENT DE SÉCURITÉ: Il nie que les choses se
soient passées comme vous le dites.
LA FEMME: Et vous le croyez sur parole ? Nor-
mal, vous vous protégez entre machos !
L’HOMME: Madame, je regrette que vous ayez
mal interprété mon regard.
LA FEMME: Je refuse vos excuses.
L’HOMME: D’accord. Dans ce cas il vaut mieux
que nous en restions là.
L’AGENT DE SÉCURITÉ (à la dame) : Il fait beau,
la vie est belle. Ne laissez pas un petit nuage
vous faire de l’ombre pour le reste de la journée.
LA FEMME: Vous êtes poète, vous.
L’AGENT DE SÉCURITÉ: Vous voyez, vous re-
trouvez déjà le sourire.
L’agent de sécurité sort.
Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017

LA FEMME: Il est charmant ce policier. Pas
comme vous !
L’HOMME: En tout cas il dit juste. Je vous quitte.
Au revoir !
LA FEMME: Hors de question. Restez ! J’exige
que vous me disiez la vérité.
L’HOMME: Mais la vérité sur quoi, bon sang ! ?
LA FEMME: Est-ce que vous m’aimez ?
L’HOMME: C’est absurde. Je ne vous connais
même pas.
LA FEMME: Vous ne m’avez pas répondu.
L’HOMME: Il me semble que votre question est
mal posée.
LA FEMME: Ah oui et pourquoi cela ?
L’HOMME: À supposer que je sois intéressé par
vous, cela ne signifie pas que je vous aime.
LA FEMME: Vous êtes prof de philo c’est ça ?
L’HOMME: Non je suis linguiste.
LA FEMME: Ah…
Il essaie d’avancer, mais elle l’empêche de passer.
L’HOMME: Laissez-moi passer s’il vous plaît.
Mon train part, il faut que je m’en aille.
LA FEMME: Ne partez pas !
L’HOMME: Laissez-moi passer.
LA FEMME: Hors de question !
Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017
EXPLOITATION
PÉDAGOGIQUE
1. Faire comprendre le texte
Demander aux apprenants d’observer
l’image et de faire des hypothèses sur le
sens du titre « À fleur de peau ».
Proposer une première lecture individuelle
du texte puis vérifier les hypothèses sur le
titre. Travailler si nécessaire sur les mots
incompris puis faire lire le texte à voix
haute. Demander aux apprenants de bien
mettre le ton dès les premières lignes.
2. Travailler les aspects langagiers
Le subjonctif présent:
Demander aux apprenants d’identifier
dans le texte les verbes conjugués au
subjonctif présent.
Demander aux apprenants d’indiquer ce
qui justifie l’utilisation de ce temps selon
les phrases: souhait, désir, indignation,
étonnement, commandement etc.
3. Faire réagir
© tinx – Adobe Stock
Demander aux apprenants ce qu’il ne
faut pas dire ou faire d’après eux face à
une personne très sensible (« à fleur de
peau »).
En petit groupe imaginez les phrases
L’HOMME: Écoutez, je regrette que vous soyez que l’homme aurait pu dire à l’oreille de
fâchée contre moi. Je pense que vous êtes trop la femme à la fin de la scène.
sensible.
LA FEMME: Ça, c’est vrai. Je suis à fleur de peau 4. Mettre en scène
en ce moment. Le jeu d’acteur:
L’HOMME: Je suis désolé pour vous. Demander aux apprenants de parler fort
LA FEMME: Voulez-vous me revoir ? pour se faire entendre et de s’impliquer
L’HOMME: Quoi que je dise vous vous mettrez dans leur interprétation. Le personnage
en colère. de l’homme est un rationnel. Celui de la
LA FEMME: Alors taisez-vous. femme est émotif, instable, il doit pouvoir
L’HOMME: Très bien je me tais. changer rapidement d’émotion et de
LA FEMME: Vous n’avez pas honte de me laisser registre.
seule, comme ça, en silence.
L’HOMME: Mais que voulez-vous à la fin ? ! Les décors et accessoires:
LA FEMME: Que vous me preniez dans vos bras La scène se déroule dans une gare. Prévoir
en me disant que je suis belle. des valises. Des apprenants traversent la
L’HOMME: Promettez-moi d’abord de ne pas me scène d’un côté à l’autre pour figurer la
gifler ! foule.
LA FEMME: C’est promis.
Lumière et sons:
Il la prend dans ses bras et lui chuchote quelque Prévoir peut-être un bruitage de gare
chose à l’oreille. (annonce d’un train). Dans ce cas, ne
pas faire parler les comédiens pendant
LA FEMME (elle crie) : Pour qui vous pre- l’annonce. Q
nez-vous, ordure ! (Elle le gifle.)
Noir. Q
45
DOSSIER |

ENSEIGNER LES VARIÉTÉS

DU FRANÇAIS PARLÉ
46 Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017
 S
elon une récente étude internationale
menée dans 9 pays auprès de 15 000 per-
sonnes, une majorité de non-francophones
jugeaient l’accent français comme « le plus
sexy au monde ».
Mais de quel accent parle-t-on exactement : de celui
entendu dans les rues de Bamako ou de Paris ? De
Montréal ou de Bruxelles ? Car c’est une évidence pour
un locuteur francophone : la langue française prend
des colorations bien différentes selon sa situation
géographique, sociale ou médiatique. Les chercheurs
du programme Phonologie du français contemporain
(PFC) mènent depuis des années des études – plus sé-
rieuses que la première citée – pour décrire les variétés
du français parlé. Ce dossier se veut donc un exercice
de linguistique appliquée : le fruit de ces travaux uni-
versitaires peut désormais être exploité en cours de
français. Initier les apprenants à différents accents,
mais aussi à des variations syntaxiques ou lexicolo-
giques, c’est faire partager le caractère réellement
international de la langue française, dans toute sa di-
versité et dans toute sa richesse. Q

Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017 47

DOSSIER | ENTRETIEN

« ENTRAÎNER LES APPRENANTS

À GÉRER LA DIVERSITÉ
DU FRANÇAIS »
Depuis près de vingt ans, des universitaires du d’une ville à l’autre, voire d’un étage dans la diffusion du français dans
à l’autre, que ce soit en France ou en le monde, il n’est pas étonnant que
monde entier s’appliquent à décrire les différentes Suisse. Les variétés de français, c’est le français que l’on entend dans les
variétés du français parlé sur la planète. Le résultat la réalité du français parlé entre dif- médias hexagonaux, souvent pa-
de leurs travaux vient désormais utilement nourrir férents locuteurs, qui se distinguent risiens, soit aujourd’hui associé à
en fonction de leur origine dialec- cette norme que vous évoquez. Tou-
les cours de français. Entretien avec les initiateurs tale, leur identité sociale, leur âge, tefois, plusieurs études soulignent,
de cet ambitieux programme. leur sexe, leur condition physique, parallèlement au maintien de cette
et le style qu’ils emploient à tel référence, l’émergence de « stan-
moment. Étudier les variétés de dards » propres à différentes zones,
PROPOS RECUEILLIS En quoi les différentes variétés français, c’est se préparer à sortir sachant que l’oral, en particulier la
PAR SÉBASTIEN LANGEVIN
du français parlé peuvent-elles du « manuel » pour arriver à Paris prononciation, est le plus sujet à va-
influencer l’enseignement du ou en Afrique… En outre, les appre- riation. La question est donc : quel
français langue étrangère ? nants de FLE voyagent aujourd’hui, « standard » pour quel objectif ? Par
La question est la suivante : quel physiquement ou via Internet, dans exemple, si des Japonais veulent
français veut-on enseigner  ? l’espace francophone, de Montréal étudier à Montréal, doit-on privilé-
Contrairement à l’anglais, le fran- à Ouagadougou. Il importe donc de gier la prononciation standard « pa-
çais persiste, pour des raisons his- disposer de suffisamment de flexi- risienne » ? Ils auront alors un accent
toriques, à n’identifier qu’un seul bilité pour comprendre les diffé- parisien, pour ne pas dire français…
Sylvain Detey est professeur à l’univer- «  standard  », dont les locuteurs rents types de français utilisés dans La réponse à votre question passe à
sité Waseda (Japon). Jacques Durand
est professeur émérite à l’université de résideraient à Paris. En réalité, il le monde. Enfin, introduire les va- vrai dire par la distinction entre
Toulouse Jean-Jaurès (France). Bernard suffit de se promener à Paris pour riétés de français en classe, c’est va- production et perception : on peut,
Laks est professeur à l’université Paris entendre de multiples types de loriser le français langue internatio- si on le souhaite, adopter un stan-
Ouest Nanterre la Défense (France).
Chantal Lycheg est professeure émérite français, tous natifs ! De plus, on nale, et donc y rendre authentique dard « standard » comme modèle de
à l’université d’Oslo (Norvège). ne parle pas de la même manière la francophonie. production, mais en revanche offrir
un « paysage sonore » diversifié aux
Existe-il donc une norme, un apprenants pour entraîner leur per-
français « standard », qui serve ception à gérer la diversité. C’est la
LES VARIÉTÉS DU FRANÇAIS À LA LOUPE de référence à ces variations ? raison pour laquelle nous préférons
Le programme Phonologie du français contemporain (PFC) fondé par Jacques Il est crucial de saisir que nos tra- parler de « français de référence »
Durand, Bernard Laks et Chantal Lyche en 1999 pour renouveler la description vaux ne sont pas « idéologiques ». plutôt que de « français standard » :
de la prononciation du français dans le monde a abouti à ce qui est devenu Il ne s’agit pas d’étudier la variation il ne s’agit que d’une référence parmi
le corpus de référence dans ce domaine. En 2006, Sylvain Detey en amorce pour en faire l’éloge et bannir la d’autres et pas d’un standard absolu.
l’exploitation didactique, PFC-enseignement du français (PFC-EF), avec le soutien notion de « standard », qui, en ré-
de la Délégation générale à la langue française et aux langues de France alité, assure des fonctions sociales
(DGLFLF). En 2008, avec Yuji Kawaguchi (Tokyo University of Foreign Studies) et didactiques essentielles. On peut
puis Isabelle Racine (Université de Genève), il établit le projet InterPhonologie du cependant s’interroger sur cette no- « Étudier les variétés de
français contemporain (IPFC), dédié aux locuteurs non natifs du français. Tous ces tion et sur sa fonction didactique. français, c’est se préparer
projets sont hautement collaboratifs et internationaux et ont été soutenus par de Historiquement, l’unification lin- à sortir du “manuel”
nombreux chercheurs, étudiants et organismes de recherche dans le monde. Q guistique de la France a accompa-
Pour plus d’information sur leurs membres et leurs travaux : gné son unification politique et, pour arriver à Paris ou
www.projet-pfc.net et http://cblle.tufs.ac.jp/ipfc étant donné son rôle historique en Afrique… »
48 Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017

Les origines géographiques
sont-elles la principale variable
qui donne lieu à ce que l’on
appelle un accent dans le cas
d’un français natif ?
Oui et non. Tout dépend de ce que
l’on entend par origine géogra-
phique : on peut être né à Marseille
et, si l’environnement (en particu-
lier familial mais aussi médiatique)
emploie un français «  de réfé-
rence », ne pas avoir d’accent mé-
ridional très marqué. Les attitudes
et le milieu social sont également
sources d’accent : par désir ou souci
d’inclusion dans une communauté
et par mécanisme mimétique, on
peut développer un accent, ou plus
exactement une manière de parler,
quelle que soit notre origine géo-
graphique.
Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017
Les variations relevées sont-
elles seulement phonétiques,
ou les aspects grammaticaux
et lexicaux sont-ils également
pris en compte ?
Si le niveau phonétique est sans
doute celui auquel on trouve le plus
de variation, et même si le projet PFC
(voir encadré) à l’origine de nos pu-
blications visait à décrire la phono-
logie du français, on s’est aperçu que
nos données pouvaient être exploi-
tées aux niveaux lexicaux, gramma-
ticaux et discursifs, tous concernés
par la variation. Ainsi, ces niveaux
y sont aussi présentés et analysés.
C’est important pour dépasser la no-
tion d’« accent » et insister sur celle
de « variété », d’autant que la gram-
maire, le lexique et la prononciation
sont en réalité étroitement liés !
Dans l’ouvrage La pronon-
ciation du français dans le
monde, les apprenants de FLE
sont classés selon leur langue
d’origine (anglophones, hispa-
nophones…) : pourquoi ?
Il y a trois raisons : contextuelle,
psycholinguistique et formative.
Quand on enseigne le FLE en pays
francophone, on a souvent des
classes hétérogènes. En revanche,
quand on l’enseigne dans d’autres
pays, l’un des points communs aux
apprenants est souvent leur langue
première (L1). Or, le rôle de la L1
est considérable en début d’appren-
tissage, même s’il n’est pas le seul
facteur à influer sur le développe-
ment. L’analyse contrastive des an-
nées 1950 entre la L1 et la langue
étrangère a montré ses limites, et
« Plus on connaît la L1
des apprenants, plus on
est à même d’anticiper
et de diagnostiquer
leurs difficultés afin
d’ajuster les techniques
de remédiation »
l’on n’explique pas tout avec la L1 :
certains sons «  similaires  » sont
parfois plus difficiles à acquérir
que des sons considérés comme
« inconnus » ! Ainsi, plus on connaît
la L1 des apprenants, plus on est à
même d’anticiper et de diagnosti-
quer leurs difficultés afin d’ajuster
les techniques de remédiation. Par
conséquent, tout en tenant compte
de la variation en L1, le regroupe-
ment par langue d’origine offre
une entrée facile au professeur qui
enseignera dans tel pays, ou bien
qui, en milieu francophone, aura tel
apprenant dans sa classe. En outre,
les informations contenues dans
l’ouvrage ne reposent pas unique-
ment sur l’analyse de la L1, mais
également sur les corpus et les expé-
riences pédagogiques des contribu-
teurs avec ces groupes linguistiques.
Enfin, du point de vue formatif, il
convient de fournir aux enseignants
les éléments indispensables pour les
aider dans leur tâche de phonétique
corrective, s’ils jugent nécessaire
de « corriger » la prononciation de
leurs apprenants, quel que soit leur
« standard » de référence ! Q
49
DOSSIER | ANALYSE
ÉCOUTER ET ENSEIGNER
LES VOIX DU FRANÇAIS
Pour familiariser les apprenants
avec le français tel qu’il se parle
réellement, des ressources
spécialisées font entendre
les voix de la francophonie.
Passage en revue des
publications papier et en ligne
du programme Phonologie du
français contemporain (PFC).
PAR SYLVAIN DETEY ET ISABELLE RACINE
Sylvain Detey est professeur à l’université
Waseda (Japon).
Isabelle Racine est professeure à
l’université de Genève (Suisse).
50
L
es ressources présentées
ici peuvent être utilisées
pour travailler l’oralité
(différences entre l’écrit
et l’oral, entre l’oral « di-
dactisé » des manuels et celui des
conversations « réelles ») ou pour
étudier la variation géographique
(différences entre les traits typiques
du français parlé à Strasbourg,
Marseille, Abidjan et Montréal par
exemple). Dans les deux cas, leur
fonction principale est d’informer
l’enseignant, et de lui permettre
de préparer ses cours à l’aide des
données fournies. Il s’agit donc de
formation pédagogique et de ma-
tériel pré-didactique, que l’ensei-
gnant pourra exploiter à sa guise en
fonction du niveau des apprenants,
mais aussi de son contexte et de ses
objectifs (on abordera le français
« authentique » de manière diffé-
rente à Paris, à Montréal et à Abi-
djan).
Le français tel qu’il est
Pour ce qui est de l’oralité, ces res-
sources sont utilisables à travers la
palette des activités de FLE : répé-
tition, transcription, prise de note,
compréhension orale globale ou
détaillée, observation lexico-gram-
maticale, reformulation, modifica-
Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017
SITE PFC-EF
Site en libre accès
Sur ce site se trouvent
des ressources linguis-
tiques, un moteur de
recherche, des séquences
pré-didactisées, ainsi que
des fiches pédagogiques
prêtes à l’emploi. Q
www.projet-pfc.net/pfc-
enseignement-du-francais.
html
 LES VARIÉTÉS DU
FRANÇAIS PARLÉ DANS
L’ESPACE FRANCOPHONE
(OPHRYS, 2010)
Site en libre accès
!ƫ2+(1)!ƫ+*0%!*0ƫ
les notions
essentielles,
des exemples
d’utilisation
pédagogique,
des chapitres-
/5*0$t/!/ƫ,+1.ƫ
chaque variété
de français,
un glossaire
pour faciliter la
lecture, et des
$,%0.!/ġ*(5/!/ƫ
sur le plan lexical, grammatical
!0ƫ,$+*+(+#%-1!ƫ,+1.ƫ h.5,0!.ƫ
les spécificités des conversations
"+1.*%!/ƫ/1.ƫ(!ƫ/%0!ċƫ1.0+10Čƫ%(ƫ+û.!ƫ
des ressources linguistiques :
ăāƫ+*2!./0%+*/ƫĨ !ƫāƫHƫĆƫ)%*10!/ĩƫ
,+.0*0ƫ/1.ƫ !/ƫ0$t)!/ƫ2.%h/Čƫ
transcrites orthographiquement,
%//1!/ƫ !ƫ.*!ƫĨ/!,0!*0.%+*(!ƫ
!0ƫ)h.% %+*(!Čƫ !/ƫ
ĩČƫ !ƫ de « présentatifs » (c’est/ce n’est
!(#%-1!Čƫ !ƫ1%//!Čƫ 1ƫ
#$.!Čƫ pas, il y a, etc.). On travaillera sur
d’Afrique subsaharienne et
d’Amérique du Nord. Q
http://www.projet-pfc.net/dvdophrys
tion de registre, passage de l’oral
à l’écrit, sans oublier les exploita-
tions thématiques (conversations
traitant de la culture suisse, des
femmes et du mariage en Algérie,
etc.).
Par exemple, après avoir fait écou-
ter un extrait (avec ou sans trans-
cription), les apprenants cher-
RÉFÉRENCES
đƫƫ!0!5ČƫċČƫ1.* Čƫ
VARIETIES OF SPOKEN FRENCH
(OXFORD UNIVERSITY PRESS, 2016)
Site protégé par un mot de passe présent dans l’ouvrage
1%2*0ƫ(Ě+12.#!ƫ Ě,$.5/Čƫ!(1%ġ%ƫ,.h/!*0!Čƫ!*ƫ*#(%/ƫ!00!ƫ
"+%/ƫ!0ƫ2!ƫ !/ƫ.h#%+*/ƫ!0ƫ !/ƫ(+10!1./ƫ %ûh.!*0/Čƫ !/ƫ0!40!/ƫ
+. *0ƫ(!/ƫ.0h.%/0%-1!/ƫ 1ƫ".*`%/ƫ,.(hČƫ!*ƫ+û.*0ƫ!*ƫ+10.!ƫ
une riche base de données pour illustrer la variation (une même
liste de mots et un même texte lus par tous les locuteurs, ainsi que
deux conversations, formelle et informelle pour chaque locuteur).
1.0+10Ƭčƫāĉƫ$,%0.!/ƫ)1(0%)h %ƫ-1%ƫ,!.)!00!*0ƫ Ě*(5/!.ƫ(!/ƫ
conversations en écoutant directement les exemples sonores. Q
http://global.oup.com/booksites/content/9780199573714
cheront les marques de l’oralité : dans le référentiel A1 pour le fran- prononciations. Pour des niveaux
absence de « ne » dans les énoncés çais). Il ne s’agit pas d’enseigner à plus avancés, on pourra agir soit
négatifs, présence de marqueurs prononcer différemment un même implicitement en travaillant sur
discursifs (mais, bon, ben, et, mais mot (ce qui pourrait entraîner des l’oralité avec des conversations de
enfin, quoi, tu sais, etc.), d’hésita- confusions), mais de rendre plus différentes zones francophones,
tions (« euh », séquences inache- robuste l’apprentissage du fran- soit explicitement avec des activi-
vées, etc.), de répétitions du sujet, çais en perception en préparant les tés d’observation des différences
apprenants à gérer la diversité des entre les variétés (prononciation,
lexique, grammaire, arrière-plans
les différences entre formes écrites sociolinguistiques et culturels).
(il y a, je sais pas) et sonores ([ja], C’est précisément ce à quoi servent
[ pa]) pour habituer les appre- les chapitres-analyses, que l’en-
nants aux formes de l’oral. seignant pourra didactiser, voire
traduire, pour en faciliter la com-
Variations de préhension. Par exemple, en écou-
la prononciation tant deux locuteurs méridionaux
Pour l’étude de la variation, on doit et deux locuteurs septentrionaux
tenir compte du niveau des appre- lisant le même texte PFC, on fera
nants et du contexte : au niveau observer les différentes réalisa-
A1, on peut familiariser les appre- tions du schwa (ou « e caduc »). On
nants avec différentes prononcia- pourra ensuite sélectionner diffé-
tions d’un même mot de la liste rents extraits contenant des schwa
(par exemple « déjeuner », inclus (réalisés ou non réalisés en fonction
LA PRONONCIATION de l’origine géographique) et leur
DU FRANÇAIS DANS LE demander de transcrire : c’est une
MONDE (CLE INTERNA- manière de travailler sur les rap-
ċČƫ'/ČƫċƫĒƫ5$!ČƫċƫĨh /ĩƫĨĂĀāĀĩċƫLes variétés du français parlé TIONAL, 2016) ports entre graphie (stable) et pho-
dans l’espace francophone. Ressources pour l’enseignementČƫ.%/Ƭčƫ,$.5/ċ CD-Rom de l’ouvrage nie (variable) pour l’apprentissage
đƫƫ!0!5ČƫċČƫ1.* Čƫ
ċČƫ'/ČƫċƫĒƫ5$!ČƫċƫĨh /ĩƫĨĂĀāćĩċƫVarieties of Spoken French, Contrairement aux deux autres vo- du lexique.
4"+. čƫ4"+. ƫ*%2!./%05ƫ.!// lumes, qui traitent de l’ensemble des Les chapitres (5) du volume Ophrys
đƫƫ!0!5ČƫċČƫ%*!Čƫ ċƫĒƫ3#1$%ČƫċƫĨĂĀāāĩċƫĝƫVariation diatopique et continuum niveaux linguistiques (prononciation, et (3) du volume OUP, ainsi que
pédagogique multimédia : du lexique québécois à la phonologie suisse », vocabulaire, grammaire, discours), l’expérience de Molinari (2008) sur
*ƫċƫ!.0.* ƫĒƫ ċƫ$û*!.ƫĨh /ĩČƫVariétés, variations et formes du français, celui-ci est consacré à la prononcia- le « paysage sonore multiforme »
(%/!1Ƭčƫh %0%+*/ƫ !ƫ(Ěg+(!ƫ+(50!$*%-1!Čƫ,ċƫąĂĉġąĆĀċ tion des francophones, non seule- du français pourront être consultés
đƫƫ!0!5ČƫċČƫ%*!Čƫ ċČƫ3#1$%ČƫċƫĒƫ5$!**!Čƫ
ċƫĨh /ĩƫĨĂĀāćĩČƫLa prononciation du ment natifs, mais aussi non natifs. avec profit pour davantage de pistes
français dans le monde. Du natif à l’apprenantČƫ.%/Ƭčƫƫ%*0!.*0%+*( Il contient de nombreux échantillons pédagogiques. Q
đƫƫ
+(%*.%ČƫċƫĨĂĀĀĉĩċƫĝƫĚ!*/!%#*!)!*0ƫ 1ƫƫ"!ƫ1ƫ hüƫ !ƫ(ƫ2.%0%+*ƫĞ, sonores destinés à familiariser les
*ƫċƫ
(+Čƫċƫ
.#1 Čƫ
ċƫ!.%2.5ġ(. ƫĒƫċƫ!(!.-ƫĨh /ĩČƫ« Grandes » et apprenants avec la prononciation FICHE PÉDAGOGIQUE
« petites » langues. Pour une didactique du plurilinguisme et du pluriculturalisme, du français à travers le monde. Q À RETROUVER
PAGES 71-72
!.*!Ƭčƫ!0!.ƫ*#Čƫ,ċƫĆĈġćĉċƫQ

Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017 51

DOSSIER | REPORTAGE

À PARIS,
on parle LES français
La capitale française est

J
olie jeune femme pleine Parisienne-intello-chic. » Ce fran- anglais, espagnol et portugais. Ce
une ville cosmopolite d’élégance, chemisier çais, dont l’accent est l’un des plus qu’elle définit comme son « petit ac-
fleuri et perfecto en cuir, neutres au regard des linguistes, est cent strasbourgeois, avec une touche
où vivent plus de deux Raphaëlle est le portrait considéré par beaucoup comme un d’anglais et parfois d’espagnol », elle
millions de personnes. type de la Parisienne. standard. En tant que capitale, Paris a longtemps rêvé de s’en débarras-
Entre les Parisiens de Elle travaille place de la Bourse, en est le lieu où gravitent les élites qui ser. « Il y a quelques années, c’était un
plein cœur de la capitale, et vit dans édictent la norme. Sur les scènes de sujet très sensible pour moi, confie-t-
souche, les Français un appartement du 9e arrondisse- théâtre, dans les médias audiovi- elle. Mon but était de parler sans ac-
issus de la banlieue ment, l’un des plus branchés. Lors- suels, c’est le français parisien qui cent, car cela marginalise. Quand on
ou d’autres régions qu’elle s’exprime, toujours dans un est diffusé. Pourtant, cette façon de te fait remarquer que tu as un accent,
français parfait, on remarque cette parler la langue de Molière est loin tout de suite cela te fait comprendre
plus lointaines et légère intonation caractéristique et d’être la seule. que tu ne fais pas partie du club. »
les étrangers venus pourtant difficilement définissable : Pour son travail, la jeune femme
du monde entier, l’accent parisien. « Je ne m’en rends « Avoir un accent marginalise » jongle avec les langues, passant de
pas compte au quotidien, explique Lisa, 36 ans, nous reçoit dans l’une à l’autre sans l’ombre d’une
différentes origines Raphaëlle. Mais on m’a souvent dit, son petit appartement de Stras- hésitation : « Tous ces langues s’in-
et milieux sociaux s’y notamment à l’école, que ma façon bourg-Saint-Denis, un quartier fluencent l’une l’autre du point de vue
mêlent. Et tout autant de parler me donnait l’air d’une fille populaire de Paris où les cultures de la prononciation. Aujourd’hui, j’ai
de bonne famille, bien éduquée. Mon s’entremêlent. Cette Allemande, renoncé à parler un français parisien.
de façons de parler langage façonne mon image et me en France depuis 12 ans, parle Je ne serai jamais française, mon ac-
français. Rencontre avec donne, aux yeux des gens, un côté parfaitement français – mais aussi cent fait partie de moi, il est constitu-
ces Parisiens de tous tif de ma personnalité. »
Dans le même immeuble, à quelques
horizons. portes de là, vit Daniel. Il est Mexi-
PAR SARAH NUYTEN cain, en France depuis 2 ans, et,
contrairement à sa voisine alle-
mande, il « aime bien son accent »,
qu’il trouve « cool et sympa » et qui,
selon lui reflète sa « curiosité pro-
LES EXPRESSIONS IMAGÉES FRANCOPHONES fonde pour une autre culture ». « Je ne
Quand on « camembère », on fabrique du fromage ou suis pas né francophone, je suis né sur
on sent des pieds ? Les expressions imagées d’Archibald un autre continent, mon accent est le
montrent la diversité des parlers de France, Belgique, reflet de mon histoire, conclut-il. Et
Suisse, Afrique ou Québec. Les dizaines de dessins théma- je pense qu’il donne aux autres l’envie
tiques créés par la dessinatrice Zelda Zonk pour le site de d’en savoir plus sur moi. »
TV5Monde ont permis d’élaborer 9 dossiers pour la classe
et une palette d’activités pour jouer avec les mots, étudier Notre accent parle pour nous
l’histoire passionnante des expressions francophones, voya- Les expressions imagées et leurs dossiers pour la classe Qu’il soit étranger, classieux, régio-
ger au gré des accents de la francophonie... Pour compléter (niveaux A2 à C1) :  nal ou de banlieue, l’accent avec le-
ce dispositif, Bernard Cerquiglini a concocté pour Archibald http://enseigner.tv5monde.com/collection/archibald?page=1 quel on s’exprime parle pour nous.
une dictée spéciale en puisant dans le trésor des expressions La dictée « Parlons francophone ! » (niveaux A1 à C2) :  Il induit une hiérarchisation géo-
et mots savoureux des pays qui parlent le français. Avec tout http://dictee.tv5monde.com/dictee/parlons-francophone/ graphique ou sociale, mobilise un
ceci, on ne devrait pas « se réduire » dans vos classes ! Q demarrer imaginaire. En France, l’accent alsa-

52 Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017

 3 QUESTION À…

QUAND NOTRE
ACCENT NOUS
DÉSAVANTAGE
Entretien avec Médéric
Gasquet-Cyrus, maître de
conférences en sociolinguistique
à l’Université d’Aix-Marseille

La discrimination à
l’accent, ça existe ?
Il peut arriver que certaines
personnes soient non seule-
ment jugées par rapport à leur
accent – on va les trouver « stu-
pides », « vulgaires », « provin-
ciales », etc. –, mais également
victimes de véritables discrimi-
nations : pour une demande de
logement, un entretien d’em-
bauche, un oral de concours...

Quelle forme prend

« Mon accent est le reflet
de mon histoire. Et je
pense qu’il donne aux
autres l’envie d’en savoir
plus sur moi »
cien ou l’accent du Nord sont plutôt
impopulaires, tandis que les accents
méridionaux sont perçus comme
chaleureux et chantants. Julien vit
à Paris, mais est né et a grandi à
Toulouse, dans le Sud-Ouest de la
France. Il travaille comme respon-
sable des relations commerciales
dans une grande entreprise. Selon
lui, son parlé est « un savoureux mé-
lange des accents toulousain, landais
et gersois, combinés au débit de pa-
role des Espagnols ». Une façon de
parler à double tranchant : « Je ne
supporte pas de m’entendre, surtout
quand je ne fais pas attention. Mon
accent me gêne dans la mesure où
parfois, à Paris, les gens ont du mal à
me comprendre. Au départ, je pensais
que ça allait me jouer des tours dans
ma vie professionnelle, notamment
pour être pris au sérieux. » Finale-
ment, son accent est devenu une
force : « Il m’est très utile pour argu-
menter, pour capter l’attention, pour-
suit le jeune homme. C’est un accent
vivant. Le Parisien lève la tête quand
il l’entend… Après, il se moque gen-
timent, cherche à faire dire des mots
comme “pain” ou “chocolatine”. Mais
cet accent attire systématiquement
la sympathie. »
Si la diversité du français parlé, avec
sa multitude d’accents et d’expres-
sions, est une réalité dans la capitale,
il faut tout de même souligner que
la tendance va à la standardisation
des usages. « Le fait que Paris soit à ce
point cosmopolite a paradoxalement
pour conséquence qu’elle agit comme
un catalyseur d’unification, un creu-
set où les spécificités sont brassées et
se mêlent, formant un tout, analyse
Philippe Boula de Mareüil, directeur
de recherche au CNRS et auteur du
livre D’où viennent les accents régio-
naux (voir entretien FDLM 399, p.
34-35). Une fois à Paris, selon le cercle
de fréquentations, les accents et les dif-
férences de langage vont s’atténuer. »
S’atténuer, mais rarement se gom-
mer, et fort heureusement. Car la
richesse d’une langue vivante n’est-
elle pas justement d’être façonnée à
l’infini par ceux qui la parlent ? Ce ne
sont en tout cas pas les Parisiens tels
que Lisa, Daniel, Raphaëlle ou Julien
qui diront le contraire. Q
cette discrimination ?
La discrimination passe par des
aspects ambigus, souriants,
par l’humour, la taquinerie
ou la moquerie. Mais quelle
est la limite entre la gentille
remarque du style « vous avez
un accent ! » et la discrimina-
tion ? Dans quelle mesure un
jugement péjoratif ou amusé
sur un accent se traduit-il par
un passage à l’acte ?
Quelles sont les
personnes les plus
concernées ?
Principalement des professions
dans lesquelles la parole est
fondamentale : journaliste, co-
médien, chanteur, enseignant,
vendeur, télévendeur, com-
mercial, homme ou femme
politique, avocat... Dans ces
milieux, la question de l’ac-
cent – des accents – se pose
de manière aigüe, et l’on peut
collecter des centaines de té-
moignages de personnes qui se
sont dites, à un moment donné
de leur existence, victimes de
leur accent. Q

Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017 53

DOSSIER | DÉCRYPTAGE
PAS SI COMPLEXES,
LES ACCENTS !
Pour découvrir les différentes saveurs de la prononciation
du français, quatre linguistes invitent à un tour
du monde de la variété des accents.
LES ANTILLES
PAR ELISSA PUSTKA, UNIVERSITÉ DE VIENNE (AUTRICHE)
« La me’ est couve’te de ’omains ! ». Les
Antillais parlent-ils comme le pirate Baba
dans Astérix, en « mangeant » tous les R ?
Oui et non. Oui, le R peut tomber dans
« mer » et « couverte », en fin de syllabe.
Toujours est-il qu’on y trouve aussi la va-
riante W, comme en anglais (« Wow ! »).
Et non, le R ne tombera jamais dans
« Romains », en début de mot. On pour-
rait peut-être penser à une influence
des langues africaines avec lesquelles le
français s’est « mélangé » sur les planta-
tions de canne à l’époque de l’esclavage,
donnant naissance au créole. Or, la chute
du R est une survivance du français des
colons du XVIIe siècle. En France, certains
R ont ensuite été réintroduits par les
grammairiens, dans les infinitifs des
verbes en IR par exemple, comme dans
« venir », contrairement aux verbes en
-ER comme « aller ». Autre préjugé : les
enfants antillais apprendraient le français
seulement avec difficulté à l’école, étant
LA SUISSE ROMANDE
PAR ISABELLE RACINE,
UNIVERSITÉ DE GENÈVE (SUISSE)
En Suisse, 20 % de la population de
l’ouest du pays parle le français, qui
cohabite avec les trois autres langues
nationales : l’allemand, l’italien et le ro-
manche. Contrairement à l’image souvent
véhiculée par les médias, ce n’est pas
au niveau du lexique que ce français se
distingue le plus des autres variétés mais
bien en termes de prononciation. Deux
remarques cependant :
54
L’AFRIQUE SUBSAHARIENNE
créolophones à la base. Cela a effective-
ment été le cas pour la plupart quand la
Martinique et la Guadeloupe sont deve-
nues départements d’outre-mer français
en 1946. Depuis une quarantaine d’an-
nées, les jeunes Antillais sont pourtant
bilingues dès leur naissance voire fran-
cophones unilingues. Le français parlé
aux Antilles n’est donc certainement
pas un « français bannann », comme on
l’appelait autrefois, avec des « fautes »
dues au créole, mais un français régional
comme les autres. Alors qu’on entend
souvent parler en France d’un « accent
antillais », les Antillais eux-mêmes font
bien la différence entre la Martinique et
la Guadeloupe. Ainsi, les Guadeloupéens
reconnaissent-ils leurs voisins à la simple
prononciation du mot « Martinique ».
Alors que les Guadeloupéens pro-
noncent « Matinik » (sans R, bien sûr),
cela donne « Matchinik » (avec CH) dans
la bouche d’un Martiniquais. Q
1) il n’y a aucun trait du français parlé en
Suisse qui ne se retrouve pas aussi dans
d’autres variétés. La conservation de
l’opposition de longueur – opposant vit
à vie ou patte à pâte, avec des voyelles
longues dans vie et pâte –, qui a disparu
en France, existe aussi en Belgique. De
même, la prononciation en deux syllabes
de mou-ette ou nu-age se retrouve dans
le Midi de la France, et la prononciation
du T final – dans vingt ou août – est par-
tagée avec les Québécois, mais pas dans
les mêmes mots ;
PAR IBRAHIMA ABDOUL HAYOU CISSÉ, UNIVERSITÉ DES LETTRES
ET SCIENCES HUMAINES DE BAMAKO (MALI)
Plus de la moitié des francophones
du monde est en Afrique et cette
proportion augmente chaque année.
Pendant la colonisation, le français
parlé par les Africains était appelé
« français petit nègre » et se carac-
térisait par une simplification, entre
autres, de la grammaire du français.
De nos jours, malgré le fait que le
français parlé sur le continent soit, en
général, un français appris à l’école, il
est fortement influencé par des lan-
gues africaines dont la plupart sont
des langues tonales. À l’école, tout
écart entre la norme enseignée et les
productions des apprenants entraîne
très souvent une punition physique.
Résultat : excepté dans certains pays
où s’est développé un français verna-
culaire comme en Côte d’Ivoire, les
Subsahariens font face à une insécu-
rité linguistique quand ils parlent fran-
çais. Une des manifestations de cette
insécurité linguistique est l’hypercor-
rection qui est la tendance à imiter à
2) il n’y a pas un français unique suisse
mais c’est la combinaison d’un ensemble
donné de traits qui permet d’attribuer une
origine à un locuteur. Un Neuchâtelois,
qui opposera, à l’instar d’autres Romands,
vit à vie et patte à pâte, sera reconnais-
sable à ses o ouverts en fin de mot – qui
se différencie ainsi de maux – et à un r
produit avec une forte friction. De même,
la prononciation de la graphie ÉE en fin
de mot – année réalisé annéej avec une
voyelle longue qui change de timbre à la
fin – est commune aux Genevois, Vaudois
Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017
l’extrême, notamment la prosodie, qui
est supposée être celle du français de
l’Hexagone : le chokobi. « Typique »
des Africains qui ont fait un séjour en
France, le chokobi est une stratégie
linguistique censée neutraliser la
distance entre leur français (marqué
par l’influence de leurs L1) et la variété
perçue comme étant celle des Fran-
çais natifs. Pourtant, cette stratégie
n’empêche pas l’identification des lan-
gues premières de certains locuteurs
francophones d’origine africaine (les-
quels, très souvent, parlent plusieurs
langues africaines avant d’apprendre
et de parler français).
On reconnaît, par exemple, les accents
de certains Africains qui ont pour L1
le tamasheq (ils prononcent et roulent
tous les R et insèrent des schwas entre
les consonnes d’un groupe consonan-
tique complexe). Par ailleurs, les Sub-
sahariens utilisent les tons de leurs L1
en parlant français, modifiant ainsi les
patrons intonatifs du français. Q
et Valaisans. Toutefois, en Valais, elle se
combine avec la prononciation tch de la
graphie TI (ex. : garde-frontchière) et avec
des e très fermés – Valais et vallée sont
homophones –, éléments absents chez les
Genevois et les Vaudois.
Enfin, les variétés romandes se dis-
tinguent au niveau prosodique, avec
notamment une intonation en forme de
cloche caractérisée par une montée mélo-
dique – dont les spécificités varient aussi
selon les régions – sur l’avant-dernière
syllabe d’un groupe prosodique. Q
LE QUÉBEC
PAR MARIE-HÉLÈNE CÔTÉ,
UNIVERSITÉ DE LAUSANNE (SUISSE)
Deux variétés de français se sont
développées au Canada à partir du
XVIIe siècle : le français laurentien, parlé
à l’origine sur les rives du Saint-Laurent,
et le français acadien dans les provinces
atlantiques. C’est surtout la variété
laurentienne qui est parlée aujourd’hui
au Québec et qu’on identifie comme le
« français québécois », mais le français
acadien se retrouve aussi dans des
Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017
zones maritimes à l’est de la province.
Le laurentien se caractérise par un sys-
tème vocalique riche et complexe, qui
distingue une grande variété de timbres
et repose sur une opposition générale
entre voyelles longues et brèves. Thé
est distinct de taie, brin de brun, et cote,
jeune, patte, faites, biz (abréviation de
bizarre) et coule s’opposent à côte,
jeûne, pâte, fête, bise et cool par le
timbre et par la durée. Il s’agit surtout
de distinctions historiques qui ne se sont
pas maintenues ou sont fragilisées dans
d’autres variétés de français, mais égale-
ment, dans le cas biz/bise et coule/cool,
de contrastes spécifiques au français
québécois. Les voyelles longues sont
régulièrement diphtonguées, c’est-à-dire
avec des timbres différents au début et à
la fin de la voyelle, alors que les voyelles
brèves, surtout fermées, tendent à être
réduites encore davantage : presse et
hâte ressemblent ainsi à l’allemand preis
et à l’anglais out.
À l’inverse, un’vers’té semble contenir
trois syllabes par la réduction des i. À la
fin des mots, les e ne sont pas pronon-
cés et les groupes de consonnes plus
souvent réduits que dans d’autres varié-
tés; liste bleue et lys bleu seront donc le
plus souvent homophones. Enfin, tu dis
illustre la prononciation caractéristique
de t et d devant i et u. Ce trait est, avec
la qualité des voyelles, le plus saillant
de l’accent québécois. On entendra
aussi des r « roulés », mais seulement
dans la moitié ouest de la province, et la
prononciation du t final dans des mots
comme bout ou tout. Q
55
INTERLUDE |

FICHE PÉDAGOGIQUE
téléchargeable sur
www.fdlm.org B1
56 Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017
 L’auteur
Illustrateur et auteur
de bande dessinée
vivant à La Rochelle,
Lamisseb a publié
plusieurs albums :
Rhum & Eau (éditions
Chemin Faisant),
Et pis taf ! (Nats édi-
tions) et Les Nœils
(Bac@BD), dont les
héros animent ces
deux pages.
http://lamisseb.
com/blog/

Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017 57

MÉMO | À ÉCOUTER
COUP DE CŒUR
AMERLOQUE’N’FOLK
Il y a 100 ans, des soldats américains
avaient déjà débarqué en France
pour combattre l’ennemi allemand.
De nombreux artistes français ont
été inspirés par la relation entre les
deux pays, parfois houleuse, souvent
porteuse.
« La Californie » fut l’un des premiers succès de
Julien Clerc à la fin des années 60. La chanson fait
toujours partie aujourd’hui des incontournables de
son répertoire, sur des paroles d’Étienne Roda-Gil:
« La Californie est une frontière, entre mer et terre, le
désert et la vie ».
Tout avait commencé pour Maxime Le Forestier avec
« San Francisco » (« C’est une maison bleue, adossée
à la colline… »). Le titre lui avait été inspiré par un
voyage de jeunesse dans une maison hippie de cette
grande ville de l’ouest des États-Unis.
Claude Nougaro vécut à New
York à la fin des années
quatre-vingt. Ce séjour lui a
permis de s’immerger dans des
univers musicaux qu’il avait
peu explorés: funk et rock
notamment. « Nougayork »
aurait été écrit en quelques
minutes seulement et connut un immense succès.
« L’Amérique » fut l’un des grands succès du Fran-
co-Américain Joe Dassin. Enregistré en 1970, il s’agit
d’une reprise du fameux « Yellow River » du chan-
teur Christie. Dans la version française, Joe Dassin
raconte qu’il a l’intention d’aller vivre en Amérique,
ce pays qu’il aime tant.
Quelques années plus tôt, en 1965, France Gall avait
chanté elle aussi « L’Amérique » sur un texte signé
de l’un des auteurs français les plus prolifiques de
l’époque: Eddy Marnay. « J’irai voir le Texas et le Colo-
rado, sans parler du Kansas et de San Francisco. »
« So Far away from L.A. » révéla
Nicolas Peyrac en 1975. La chan-
son évoque des lieux et des per-
sonnages emblématiques de Los
Angeles et San Francisco (le Gol-
den gate, le pénitencier d’Alcatraz,
les collines d’Hollywood).
Et n’oublions pas non plus – la liste est loin d’être
exhaustive – « Sur la route de Memphis » d’Eddy
Mitchell, « New York USA » de Serge Gainsbourg,
« Brooklyn » de Bernard Lavilliers, « Lucienne est
Américaine » de Laurent Voulzy ou encore « L’Ameri-
cano » du rappeur Akhenaton. Q
58
TROIS QUESTIONS À MATMATAH
MATMATAH
LE ROCK, LE RIRE, LE RETOUR
Ils ont fait la couverture du FDLM
318, en juillet 2001. Avec « Lambé
An Dro », Matmatah avait été
la découverte de l’été 1998:
profondément rock, profondément
celte. Mais, après dix ans de succès,
silence. Le groupe revient avec le
lumineux Plates Coutures, rempli
de rock, de rage et de rires.
PROPOS RECUEILLIS PAR
JEAN-CLAUDE DEMARI
Comment s’est
reformé Matmatah?
Tristan Nihouarn,
chanteur et guitariste :
J’avais tourné la page en
2008, avec la vision ro-
mantique de la fin d’un
groupe. Ensuite, nous nous sommes revus
avec Éric Digaire, notre bassiste. Il avait be-
soin de réponses : pourquoi cette fin ? Nous
voulions sortir quelque chose pour les vingt
ans de la création de Matmatah. Quelque
chose d’assez classe qui raconte son histoire.
Alors nous avons élaboré Antaology en 2015.
Deux morceaux n’avaient jamais été termi-
nés. Nous nous sommes donc retrouvés en
studio avec Éric, Benoît, le nouveau batteur,
et Manu, le nouveau guitariste. Et nous avons
été pris à notre propre piège : celui du plai-
sir de jouer ensemble. Pourquoi ne reparti-
rait-on pas ? Il ne restait plus qu’à écrire de
nouveaux morceaux…
Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017
© DR
Pourquoi sortir un album bien plus
engagé que les précédents?
« Concerné » me semble plus juste. Nous
ne sommes pas des politiciens. Pendant
dix ans, nous ne nous sommes pas expri-
més et, au cours de cette période, le monde
a énormément changé. Nous constatons
cela avec inquiétude et agacement. Nous
tenons le discours qui correspond à l’âge
que nous avons. L’insouciance appartenait
à la fin des années 1990. Ensuite est arrivé
septembre 2001… L’euphorie est tombée
et nous n’avons plus écrit la même histoire.
Mais il n’y a pas que ça dans Plates Coutures !
On y trouve aussi des choses plus légères.
« Marée haute », justement, est à la fois
« concerné » et réjouissant, paroles et
musique…
Ce morceau veut dire qu’il n’y a pas vrai-
ment de mort en politique : on arrive tou-
jours à renaître… Je l’ai écrit il y a deux
ans, sans penser à personne en particulier.
Mais ça a été sympa, au moment même où
nous le sortions, en février 2017, d’avoir en
résonance toutes ces affaires politico-finan-
cières. Nous avons eu, en quelque sorte, des
attachés de presse de luxe… (Rire.) Atten-
tion ! Nous ne sommes pas dans le « tous
pourris » dangereux. Ce n’est pas une chan-
son anti-citoyenne. Juste un reflet du ras-le-
bol de la société française. L’hémicycle de
l’Assemblée nationale porte bien son nom.
Il y a un autre demi-cercle, derrière : la so-
ciété. On ne le voit pas trop… Q
 CONCERT ET PAR JEAN-CLAUDE DEMARI ET EDMOND SADAKA
TOURNÉES DANS LE
MONDE: NOS CHOIX
LIVRES À ÉCOUTER PAR SOPHIE PATOIS EN BREF
AGAR AGAR Partir pour renouer, voyager à pied et à cheval dans les La tribu peu nombreuse de l’électro pop
En Suisse le 17 novembre montagnes du Kirghizistan pour échapper à la pesanteur de qualité compte un nouveau talent,
(Nyon). du moment et à la délinquance qui cerne un adolescent, Bessa, auteure-compositrice-interprète à
c’est le thème de Continuer de Laurent Mauvignier, un la voix majeure. Après 5 ans d’élaboration,
JULIETTE ARMANET roman rude et juste paru en 2016 aux Éditions de Minuit elle nous offre De l’homme à l’animal, un
Au Luxembourg le 13 et lu ici par Denis Podalydès. En continuité, si l’on peut 1er album à la fois calme et zébré de sen-
décembre (Esch-sur-Alzette). dire, de son interprétation à la Comédie-Française de Ce timents forts et contradictoires. Un objet
que j’appelle oubli (2012). Renouant avec le style épuré de musical à puissante capacité d’émotion.
BIGFLO ET OLI l’auteur, il porte avec force la simplicité de cette quête
En Suisse le 27 avril 2018 d’une relation qui déjouerait le mal-être et viendrait à Ex-chanteur vedette du groupe de
(Grand Saconnex/ Geneva Arena). bout des contingences… rock français Skip the Use, Mat Bastard
Texte classique et essentiel s’il en est, Le Dernier Jour poursuit sa route en solo avec Loov, où il
CAMILLE d’un condamné de Victor Hugo est non seulement un brasse les influences musicales, du punk
En Suisse le 7 novembre plaidoyer contre la peine de mort mais aussi et surtout hardcore au hip-hop sur des textes enga-
(Lausanne). un récit poignant d’humanité. Cédant la parole à ce gés, écrits pour la plupart en anglais.
condamné à qui il accorde le droit à la subjectivité par
CLAUDIO CAPEO l’emploi d’un « je » inédit et moderne pour l’époque, Révélée par un télé-
En Suisse le 10 novembre Hugo déploie son grand art, puissant et inégalable, crochet il y a près de
(Thonex). pour défendre avec empathie celui que le peuple et les 15 ans, la Bretonne
juges condamnent. Q Nolwenn Leroy a
JULIEN CLERC Continuer de Laurent Mauvignier (Écoutez lire Gallimard) / Le Dernier Jour d’un condamné de Victor Hugo (Écoutez lire Gallimard) sorti son 6e album,
En Belgique les 26 et 27 janvier Gemme, en réfé-
2018 (Liège puis Charleroi). rence à ces pierres
précieuses ayant la
MÉLANIE DE BIASIO particularité de capter la lumière. La jeune
En Allemagne les 11, 13 et 14 maman (depuis cet été) a coécrit les
novembre (Munich, Berlin, Cologne). morceaux, aux sonorités plus pop que les
précédents, enregistrés à Londres.
JULIEN DORÉ
En Belgique le 23 novembre Laurent Voulzy a réalisé son rêve: faire
(Bruxelles). un disque brésilien! Belem a été conçu
comme un hommage à la bossa-nova et
DUB INC la samba. Ce 9e album studio mélange un
En Suisse les 11 et 12 novembre florilège de succès du Brésil et quelques
(Lausanne puis Bâle). titres inédits enregistrés à Rio.

IAM Tanguy Haesevoets, alias Témé Tan, est

En Suisse le 10 novembre INCANDESCENTE un artiste congolo-bruxellois. Sous les
© Raphael-Lugassy

(Grand Saconnex/ Geneva Arena). En auspices variés de

Belgique le 29 novembre (Bruxelles).
INDOCHINE
En Belgique les 17 et 18 mars
2018 (Bruxelles). En Suisse le 26 avril
2018 (Geneva Arena).
ANGÉLIQUE KIDJO
Aux États-Unis le 30 novembre
(Washington DC).
BERNARD LAVILLIERS
En Belgique le 4 novembre
(Mons) et les 19 et 20 janvier 2018
(Bruxelles puis Liège).
GAUVAIN SERS
En Belgique le 15 décembre
(Bruxelles).
MADEMOISELLE K l’artisanat musical,
d’Ali Farka Touré, Papa
Elle fut révélée en 2006 avec un revient au français avec cet album Wemba, Jorge Ben
titre accrocheur : « Ça me vexe ». plus intimiste. Sur le plan musical, et MC Solaar, il nous
Mademoiselle K (Katerine Gie- quelques surprises : un penchant offre un 1er album
rak de son vrai nom) est devenue pour l’électro, une ballade acous- varié, mêlant samples,
depuis l’une des in- tique et des textes instrumentations or-
carnations féminines plus apaisés. Cette ganiques et synthétiques. Deux moments
du rock français. Son jeune femme de 36 excitants parmi d’autres: « Ça va pas la
cinquième album, ans, qui a découvert tête? » et « Ouvrir la cage ».
Sous les brûlures, la guitare électrique
l’incandescence in- sur le tard (elle voue Pour son 3e album depuis 2011, Ben
tacte, est paru début une passion à la mu- Mazué change encore de style: après le
septembre. Elle y sique classique), a rap léger en 2011 et le parlé-chanté impé-
raconte, étape par fait appel à ses fans tueux en 2014, le voici qui aborde, avec La
étape, la rupture pour réaliser ce nou- Femme idéale, la chanson. Une chanson
amoureuse qu’elle a vécue ces der- vel opus. C’est avec leur soutien vibrante, qui continue à tourner autour
nières années. Alors que son pré- inconditionnel qu’elle a pu grâce de sa vie, de ses émotions et de celles et
cédent disque était uniquement au financement participatif le pro- ceux qu’il aime. « La liesse est lovée » et
composé de titres en anglais, elle duire sur son propre label. QE. S. « La femme idéale » montrent la voie… Q

Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017 59

MÉMO | À LIRE
6-10 ANS PAR NATHALIE RUAS 3 QUESTIONS À NAÏRI NAHAPÉTIAN

Née à Téhéran, Naïri Nahapétian vit

BÊTE DE SOMMET aujourd’hui à Paris où elle est journaliste
À la fin du XVIIIe siècle, Horace-Bénédict et auteure de cinq romans policiers.
de Saussure souhaite aller sur le toit
PROPOS RECUEILLIS PAR BERNARD MAGNIER
de l’Europe: il tente l’escalade du mont
Blanc, plus haut sommet des Alpes
donc du continent. Cet album destiné
aux plus jeunes lecteurs retrace la folle
expédition scientifique avec malice,
« IL N’Y AVAIT
l’histoire étant
racontée à
PAS D’AUTEURS
travers le re-
gard du chien
DE POLAR
de Saussure.
Le large IRANIENS ! »
format de
ce beau livre D’où et comment est née votre envie

permet de d’écrire?
magnifier les Cela tient probablement au puissant pouvoir
paysages de consolateur de la littérature. La lecture m’a
basse et de toujours aidée à fuir le réel dans les moments
haute mon- difficiles. Ce fut le cas quand j’ai quitté l’Iran à
tagne grâce l’âge de 9 ans avec ma mère, après l’avènement
à des dessins élégants et soignés, tout de la République islamique. Ma famille, d’ori-
comme les textes. Q gine arménienne, s’est alors retrouvée de par le
monde et mon père a été retenu à Téhéran par
Pierre Zensius, L’Ascension de Saussure, Le Rouergue
le régime pour une raison mystérieuse. Notre
quotidien à Paris n’était pas facile et lire des
Agatha Christie était alors pour moi un refuge.
14-18 ANS Aujourd’hui, c’est l’écriture qui occupe, tout au-
tant que la lecture, cette fonction de résilience.
RETIENS LA NUIT
Alors que Vous avez opté pour le genre policier,
Nine devait devenant ainsi le premier écrivain iranien
aller à la fête de polar. Pourquoi ce choix?
de son lycée, Ce n’est qu’après la publication de mon pre-
sa mère mier roman, Qui a tué l’ayatollah Kanuni ?,
décide de que j’ai découvert qu’il n’y avait pas d’autre au-
l’amener à teur iranien (pas même en exil)
l’improviste de polars ! Le polar est un genre
dans une ca- subversif qui révèle les travers
bane perdue d’une société et ses dysfonction-
au bord d’un nements. On comprend que ce ne
lac. Titania soit pas du goût des religieux qui
juge qu’il est dirigent le pays… Récemment,
temps que des auteurs de romans policiers
sa fille de 16 ans connaisse l’histoire de sont apparus en Iran et c’est un
sa propre famille. Toute la nuit durant, la très bon signe. Cela s’explique
discussion remonte le temps et dévoile par le fait que les genres les plus
moments tragiques ou épisodes plai- prisés dans la littérature persane
sants de la vie de Titania. Récompensé sont la poésie et le conte, très loin
par le tout premier prix Vendredi, sorte du réalisme du polar. D’ailleurs,
de Goncourt du roman ado, ce livre il y a toujours de la poésie et du
saisit au plus juste la relation mère-fille, conte dans mes romans, ce qui est
avec autant d’émotion que de suspense peut-être une manière pour moi d’être fidèle à
entretenu. Q cette tradition. Je pense aussi que j’ai choisi le
polar pour des raisons psychanalytiques. En
DR
© DR
tueur en série qui tue des chanteuses pop (Der-
nier Refrain à Ispahan) ou que j’aborde la ques-
tion du nucléaire iranien (Le Mage de l’hôtel
Royal), mes romans racontent tous une seule
et même histoire, celle d’une petite fille qui a dû
brutalement quitter son pays en abandonnant
ceux qu’elle aimait…
Vos quatre premiers romans sont liés
à l’Iran. Les considérez-vous comme
des romans politiques?
L’Iran est un pays dont les gens ont souvent
une image stéréotypée. Alors, même si ce n’est
que de la fiction, même si tous les personnages
sont inventés, que chaque rebondissement
n’est que le fruit que de mon imagination, j’ai
tenté dans mes romans de rendre compte le
plus fidèlement possible de la réalité de la so-
ciété iranienne et de ne surtout pas diaboliser
ce pays. Les Iraniens sont loin d’être tous des fa-
natiques, le régime islamique est
souvent ambigu, multipolaire et
divisé… Tout cela, j’essaie de le
distiller à travers la description
de la vie quotidienne, souvent
absurde et drôle, sans jamais
occulter l’omniprésence et l’ar-
bitraire de la répression. Ce qui
me vaut d’ailleurs d’être deve-
nue une écrivaine « offshore »
car il m’est difficile de rentrer
en Iran… Mon dernier roman,
Jadis, Romina Wagner, qui se dé-
roule entièrement à Paris, tout en
évoquant l’Iran en filigrane, est
également un roman politique
qui a pour thème la paranoïa en entreprise. Et
si l’héroïne est d’origine roumaine, il raconte
encore et toujours l’histoire d’une petite fille

Anne-Laure Bondoux, L’aube sera grandiose, Gallimard

effet, même quand je raconte l’histoire d’un qui a dû brutalement quitter son pays… Q

60 Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017


ROMANS PAR SOPHIE PATOIS ET BERNARD MAGNIER
Yannick Haenel, Tiens ferme ta couronne, L’Infini, Gallimard
© J.-B. Millot / Gallimard
UN ROMAN RUCHE
Nous sommes à Nawa,
village reculé d’un pays
jamais nommé dont la des-
tinée est présidée par le
« Beau » qui a pris la place
du « Vieux »… Suivez le re-
gard de l’auteur lui-même
originaire de… Tunisie.
Dans ce village vit le Don,
un apiculteur solitaire, pas-
sionné par ses abeilles qu’il
appelle affectueusement
ses « filles ». Au début du
roman, un mal inconnu est
venu frapper ses abeilles
qu’il retrouve éventrées…
Au même moment, des
groupes d’hommes barbus
viennent s’immiscer dans Yamen Manai, L’Amas ardent, Elyzad
la vie politique du village.
Ils distribuent des aliments et des biens
de consommation courante tout en en-
courageant les habitants analphabètes re-
connaissants à mettre dans l’urne des pro-
chaines élections un bulletin représentant
un pigeon blanc, symbole de leur parti…
Dans ce troisième roman (après La
Marche de l’incertitude en 2010 et La Sé-
Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017
UN ROI AVEC
DIVERTISSEMENTS
« À cette époque, j’étais fou. » D’entrée de jeu, Yan-
nick Haenel donne le ton. Son roman, Tiens ferme
ta couronne, entraîne le lecteur dans les dédales du
cerveau en ébullition de son narrateur, un écrivain
solitaire qui cherche obstinément à faire lire son scé-
nario, The Great Melville, dédié à l’auteur de Moby
Dick, au grand cinéaste américain Michael Cimino.
Avec une simplicité déroutante, il parvient à ses fins
et rencontre Cimino lui-même dans des conditions
excentriques… Fiction ou réalité, peu importe,
habité par le septième art et ce qu’il nomme « les
noms », le narrateur semble capable de tout comme
en atteste le déroulé de ses aventures pour le moins
loufoques qui mettent en scène, entre autres, un
producteur de cinéma, une célèbre actrice (Isabelle
Huppert), un dalmatien dénommé Sabbat et un
maître d’hôtel sosie d’Emmanuel Macron ! Avec un
style vif et enlevé, l’auteur s’amuse visiblement à
zigzaguer comme Jean, son personnage principal
et narrateur, entre mysticisme, références littéraires
et cinématographiques pour créer une histoire de
dingue digne d’un bon scénario. Q S. P.
rénade d’Ibrahim Santos en
2011), Yamen Manai (voir
notre entretien, FDLM 410
p. 62) construit une fable
efficacement ancrée dans
l’actualité immédiate de
la Tunisie. Il dresse, avec
une grande habileté et non
sans humour, un parallèle
entre les deux maux dont
sont victimes les habitants
des lieux. Le Don mène
une bataille pour sauver
ses abeilles et, par-delà ses
seuls insectes, une nature
et un mode de vie qu’il en-
tend préserver. Il parvient
à déterminer la cause de la
mort de ses abeilles et se ré-
vèle un exemple à suivre…
Le rapprochement établi avec la situation
politique est à la fois évident et subtil et
permet au romancier de conduire une
double intrigue où se conjuguent poésie,
écologie et politique. Son livre a reçu le
prix des 5 continents de la Francophonie
en octobre (voir p. 24). Q
B. M.
POCHES
POCHES
POCHES
POCHES
POCHES
POCHES FRANCOPHONES PAR BERNARD MAGNIER
« Vous voulez connaître une société? Faites parler
ses prostituées »… Forte de ce postulat la ro-
mancière iranienne aujourd’hui à Paris écrit un
livre dru et cru pour dire le sort destiné en Iran
à Soudabeh, Zahra, Sharaz, Rukhsana et toutes
les autres femmes vendues, violées, assassi-
nées, pendues dont on entend les voix dans ce
roman documentaire bien loin de la fiction.
Chahdortt Djavann, Les putes voilées n’iront jamais au paradis,
Le Livre de Poche
D’ordinaire un nouvel élu à l’Académie fran-
çaise est tenu de faire l’éloge de son prédéces-
seur. Le romancier libanais fait plus et mieux en
choisissant de dresser le portrait de tous ceux
qui l’ont précédé dans ce fauteuil. Des incon-
nus ou peu s’en faut qui ont été préférés à Cor-
neille, Voltaire ou Hugo, un double condamné
à mort, mais aussi Claude Bernard le « réinven-
teur de la médecine », ou encore Ernest Renan,
Henry de Montherlant et Claude Lévi-Strauss.
Amin Maalouf, Un fauteuil sur la Seine, Le Livre de Poche
Une mère, une sœur, et deux compagnes
s’adressent à un même homme… Quatre
femmes, quatre voix, quatre « je » qui le disent
et se disent. Un roman, un quatuor polypho-
nique, une plongée dans l’intime, dans le
secret des féminités, dans le croisement des
regards. Par la romancière franco-camerou-
naise Léonora Miano, prix Femina en 2013
pour La Saison de l’ombre.
Léonora Miano, Crépuscule du tourment, t. 1, Pocket
L’auteur a choisi d’écrire en français et de se
plonger dans la littérature et la culture fran-
çaises qu’il enseigne au Japon. De ce livre qui
évoque une forme d’errance volontaire (écrire
dans « une langue venue d’ailleurs » pour
reprendre le titre de son précédent livre)
sourd un hymne à l’indépendance d’esprit.
Akira Mizubayashi, Petit Éloge de l’errance, Folio
Née au Vietnam du Sud dans une famille riche,
l’enfance de Vi est heureuse mais la guerre et
la réunification du pays vont séparer l’enfant
des siens. Elle devra quitter le pays dans un
boat people et rejoindre la Malaisie puis le
Canada. Une errance racontée à la première
personne qui est aussi une plongée au cœur
de la décadence d’une famille et dans les
douleurs et les attentes de l’exil.
Kim Thúy, Vi, Liana Levi Piccolo
61
MÉMO | À LIRE

BANDE DESSINÉE PAR SÉBASTIEN LANGEVIN

L’HISTOIRE PAR LA BANDE

Jeanne d’Arc, Molière, Alexandre Dumas père,
Marie Curie et Jules Michelet sont dans une
auto. Dans le coffre de leur grand véhicule, le
maréchal Pétain parle du fond de son cercueil.
Ce groupe mal assorti part sur les routes de
France pour remonter le temps en visitant dif-
férents lieux de mémoire où s’est écrit le destin
du pays. L’historien Sylvain Venayre et l’auteur
de BD Étienne Davodeau ressuscitent ainsi de
grandes figures pour mieux interroger la ma-
nière de façonner et de raconter l’histoire.
Cette Balade nationale est le premier volume
d’une Histoire dessinée de la France qui en
comptera vingt au total. Chacun fonctionnera
selon un binôme d’auteurs semblable, gage de
véracité scientifique et de qualité artistique.
Ces albums, enrichis de nombreux commen-
taires, n’ont pas le projet de raconter un quel-
conque roman national mais font le point
sur l’état de la recherche historiographique à
l’heure actuelle. À la fois pointue et plaisante,
cette nouvelle collection célèbre avec bonheur
les nouveaux rapports que peuvent entretenir Sylvain Venayre et Étienne Davodeau, La Balade nationale, les origines, t.1
bande dessinée et sciences humaines. Q de l’Histoire dessinée de la France, La Découverte / La revue dessinée

DOCUMENTAIRES PAR PHILIPPE HOIBIAN

POUR LE MEILLEUR UNE SI LONGUE HISTOIRE

ET POUR LE PIRE
Bientôt 200000 personnes
travailleront dans l’industrie de
l’armement (autant que dans l’au-
tomobile, la chimie et la pharmacie
réunies). La France se plaçant
parmi les cinq principaux exporta-
teurs d’armes dans le monde, tout
l’appareil d’État est mobilisé pour
soutenir cette industrie. S’agit-il de
défendre les intérêts de la France ou ceux de l’industrie de
l’armement? Comment éviter certaines dérives (liaisons
dangereuses avec des dictatures, circulation d’armes
incontrôlées, intermédiaires corrompus…)? Cette enquête
au cœur du complexe militaro-industriel nous dévoile un
secteur essentiel et opaque de l’économie française. Q
Romain Mielcarek, Marchands d’armes, Tallandier
UNE JOURNÉE PARTICULIÈRE
Dans la plupart des pays occidentaux,
le dimanche correspond à un jour de
repos hebdomadaire et traditionnelle-
ment « au jour du Seigneur ». Pourtant,
en France, les travailleurs du dimanche
(occasionnels ou réguliers) représentent
déjà un tiers de la population active.
Est-ce que cette journée va progressi-
vement et fatalement se banaliser dans
une société marchande qui semble avoir
horreur du vide et de l’ennui? Dans ce livre, certains
proposent de la rendre plus attractive en préservant sa
spécificité, le loisir s’articulant au travail non subi pour
élaborer un art de vivre singulier. Q
Nathalie Lemarchand, Sandra Mallet, Thierry Paquot (dir.), En quête du
dimanche, Infolio
DES EMPRUNTS
LEXICAUX VARIÉS
Il y a des mots arabes que nous
utilisons sans le savoir et d’autres
qui renvoient explicitement à la
civilisation arabe. Cette langue,
véhiculée par les croisades, les
conquêtes musulmanes, les
échanges commerciaux, et plus
récemment via les Pieds noirs et les
jeunes des cités, arrive en troisième
position, après l’anglais et l’italien,
pour la quantité de mots intégrés
au français. Les emprunts se font
tels quels ou avec une transforma-
tion. Certains termes, issus d’autres
langues (indien, perse, turque),
ont transité par l’arabe, via l’Italie
ou l’Espagne. Leur voie d’accès au
français a été religieuse (croisades,
conquêtes), savante (bibliothèques,
universités), commerciale, coloniale
et musicale (le rap). Q
Jean Pruvost, Nos ancêtres les Arabes, JC Lattès
Que savez-vous de la
date du 25 décembre,
de l’Avent et des 12
jours entre la Nativité
et Épiphanie (entre
l’année solaire et
l’année lunaire), de
saint Nicolas et du
Père Noël, de Befana
et du grand-père Gel,
de Sainte-Lucie et de
l’Enfant-Christ, du sapin de Noël
(en lien avec l’arbre de vie et celui
du jardin d’Éden, avec l’arbre de
Mai), des crèches (vivantes ou
miniaturisées) et des Rois mages,
du rituel des cadeaux?
Tout cela vous sera explicité dans
cet ouvrage riche et passionnant
qui retrace l’évolution de Noël sur
la très longue durée. Cette fête
emblématique a marqué toutes
les sociétés occidentales, cha-
cune avec son folklore spécifique,
et selon ses identités régionales
et religieuses: manifestation vo-
lontiers païenne, à l’origine de dé-
bordements multiples, à laquelle
les morts étaient associés, elle
épouse au milieu du XIXe siècle
les valeurs de la sociabilité bour-
geoise, s’inscrivant dans le cadre
familial, puis se laïcise avant
de sombrer dans une dérive
consumériste. Noël (comme les
Alain Cabantous et François Walter, Noël, Payot
autres grandes fêtes
chrétiennes) aurait été
calé par l’Église sur
des célébrations bien
antérieures (culte du
soleil invaincu, de Mi-
thra…) correspondant
à de grands mythes, à
des croyances ances-
trales, à des coutumes
païennes. En hiver,
dans l’hémisphère nord, le so-
leil se fait de plus en plus rare
(jusqu’au solstice) et la nature
semble morte, ce qui inquiétait
considérablement. Nombreux
étaient donc les rites qui visaient
à réveiller la fertilité du sol, à as-
surer ainsi les prochaines récoltes
et la continuité de la vie sociale.
D’où la présence de personnages
rassurants, bienfaisants et géné-
reux, comme l’actuel bonhomme
Noël (distribuant des cadeaux),
excellent compromis entre les
visions païenne, confessionnel
et laïque. Selon l’anthropologue
anglais Daniel Miller, Noël est
la fête la plus locale et la plus
globale. Elle a peu à peu conquis
le monde, en s’étendant bien
au-delà de sa base religieuse
originelle, et en combinant trois
axes: la famille, la mondialisation,
le matérialisme ambiant. Q

62 Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017

 POCHES

POCHES

POCHES

POCHES

POCHES
Le Grevisse de l’enseignant qui SCIENCE-FICTION PAR MARTIN BAUDRY
suit le modèle donné par
Le Bon Usage de M. Grevisse et POST-
A. Goosse, se présente comme EXOTISME
PAR CLAUDE OLIVIÉRI une grammaire descriptive, at- Grand collectionneur
tentive à l’usage ici illustré par d’hétéronymes, Antoine
quelque 500 exemples surtout littéraires. Associant Volodine (le premier des

MONUMENTS les apports de la linguistique moderne à la tradition

scolaire, ce nouveau Grevisse devrait s’imposer comme
avatars de l’auteur dont on
ne connaît pas le véritable

CULTURELS la grammaire de référence pour l’enseignant, de la for-

« Cathédrale de l’école primaire »,
selon la formule de Pierre Nora
qui a préfacé cette réédition,
le Dictionnaire de pédagogie
de Ferdinand Buisson ambi-
tionnait de rassembler tous
les savoirs encyclopédiques
et pédagogiques utiles aux
maîtres, en référence à l’exi-
gence sociale d’une instruction
gratuite, laïque et obligatoire. Outre des textes signés
des meilleurs spécialistes de l’époque (Viollet-le-Duc,
Flammarion, Lavisse), on y trouve les éléments ma-
jeurs de la politique scolaire républicaine comme des
centaines de biographies des grandes figures de notre
patrimoine intellectuel.
Ferdinand Buisson, Dictionnaire de pédagogie, coll. Bouquins
Monument des sciences hu-
maines, le Cours de linguistique
générale, professé par Ferdinand
de Saussure et publié en 1916 par
ses élèves, constitue la base des
études linguistiques. Définissant
un certain nombre de concepts
clés (opposition langue/parole, la
langue comme système de signes,
arbitraire du rapport signifié/signi-
fiant, etc.), il met l’accent sur la dimension relationnelle
du langage conçu fondamentalement comme un ins-
trument de communication.
Ferdinand de Saussure, Cours de linguistique générale, Petite bibliothèque Payot
mation initiale à la pratique de la classe.
nom) a publié ses premiers
romans sous l’enseigne de
la collection « Présence
Jean-Christophe Pellat et Stéphanie Fonvielle. Le Grevisse de l’enseignant, Magnard
du futur » des éditions
Denoël, bien qu’il déclarât
« Profitant de l’actuel désarroi, né par la suite que ses livres
de la peur du changement dans une n’appartenaient pas au
société imprévisible, l’illusion, la ruse registre de la science-fiction. Il s’est fait depuis
et la sottise s’unissent pour tenter le chantre du « post-exotisme », une littérature
d’imposer leurs nostalgies et leurs post-apocalyptique qui évoque moins notre futur
avidités. » Face à cette réactivation que les ruines et décombres d’une humanité finis-
des vieilles pratiques irration- sante dont Lutz Bassmann est également un des
nelles, A. Memmi a entrepris de porte-parole post-mortem. Q
rédiger son propre dictionnaire
Lutz Bassmann, Black Village, Verdier
afin de s’épargner ses errements, complaisances et
complicités. L’auteur invite chacun à en faire autant:
« si l’exercice en est quelquefois malaisé, il est souvent DANS LA GUEULE
réjouissant, et toujours salutaire ». DES LOUPS
Né dans l’atelier d’un magicien,
Albert Memmi, Dictionnaire critique à l’usage des incrédules, coll. Félin poche.
Tire d’Aile, un petit garçon de
bois s’éveille à la vie et dé-
Qu’elle soit de Montaigne ou couvre un monde féerique peu-
d’Alexandrie, mentale comme chez plé de créatures merveilleuses
Borges ou institutionnalisée, une où les sylphes des vents cô-
bibliothèque, privée ou publique, toient les fées de la rosée, où le
n’est rien de moins qu’une mise à Phénix Solaire meurt pour que
l’épreuve d’ordre philosophique. la Dame de la Nuit recouvre les
N’y a-t-il pas quelque présomption terres de son manteau étoilé…
à vouloir sédentariser, non les Venu du jeu de rôles (Solaris), Philippe Tessier signe
livres mais les textes, par définition une grande fresque épique qui multiplie les points
nomades? Voyage au cœur de nos livres et histoire de de vue et les personnages. Une fantasy qui a la
leurs demeures les plus fascinantes, La Bibliothèque, la saveur des contes d’antan, un roman jeunesse pas
nuit nous rappelle à quel point les livres, réinventant sans prétentieux, mais d’une richesse et d’une poésie
fin la bibliothèque qui les accueille, sont seuls maîtres de rares, ce qui ne gâche rien. Q
la lumière dans laquelle ils nous apparaissent.
Philippe Tessier, Les Chroniques hérétiques - Tome 1, Les Loups d’Uriam,
Leha Éditions
Alberto Manguel, La bibliothèque, la nuit, Actes Sud, Babel/essai

POLAR PAR MARTIN BAUDRY

DANS LA GUEULE DES LOUPS (BIS) L’AVENTURE, C’EST L’AVENTURE

Serge Quadruppani, Loups
solitaires, Métailié
Quand un membre des forces spéciales, infiltré dans un groupe
djihadiste du Nord-Mali, disparaît sans crier gare, puis réapparaît,
sans manifester le moindre désir de renouer avec sa hiérarchie,
les instances de l’antiterrorisme s’interrogent. Au mieux, il aura
déserté. Au pire, il pourrait s’être radicalisé. Dans le doute, cet
agent doit être neutralisé… Vexé de s’être si facilement laissé dis-
tancer par DOA, Quadruppani s’élance à son tour. Les casseroles
de l’ultragauche ralentissaient un peu sa course, mais ce Loups
solitaires, agréablement documenté, alerte et pas (trop) morali-
sateur, enchaîne les péripéties sans digressions ni temps mort. Q
Thierry Poncet, Zykë l’aven-
ture, Taurnada Éditions
Secrétaire d’un écrivain à succès, Cizia Zykë, avec qui il a
écrit 17 livres, aventures vécues puis fictions d’un tour du
monde qui a duré pas moins de vingt-cinq ans, Thierry
Poncet signe un roman autobiographique, Zykë l’aventure,
dont le titre dit assez bien ce dont il s’agit. Un récit trépi-
dant et truculent, une histoire épouvantable et merveil-
leuse qui raconte l’amitié indéfectible entre deux hommes
que tout oppose et rapproche, le dernier homme libre et
l’écrivain aventurier. L’aventure commence au fond d’un
PMU de la rue du Faubourg-Saint-Martin… Q

Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017 63

MÉMO | À VOIR
TROIS QUESTIONS À FRANÇOIS OZON
AUX ARMES, CITOYEN !
Librement adapté du Terroriste noir
de l’écrivain guinéen Tierno Moné-
nembo, Grand Prix de la Francopho-
nie 2017, Nos Patriotes de Gabriel
Le Bomin, retrace l’histoire d’Addi Bâ,
un Peul de Guinée, jeune tirailleur sé-
négalais, fusillé par les nazis en 1943
pour avoir été membre actif du pre-
mier maquis des Vosges. Petites his-
toires de la grande Histoire contées
avec application, qui permettent de
réhabiliter la mémoire d’un homme
qui a sacrifié sa vie au nom de la
Liberté! Q
TOUT VOILE DEHORS
Faire d’un triangle amoureux sur
fond d’intégrisme religieux un film
intelligent et drôle… C’est le pari
réussi de Sou Abadi pour sa pre-
mière fiction, Cherchez la femme
(voir son portrait dans FDLM 413,
p. 8-9). Une sorte de comédie poli-
tique qui, sous des dehors potaches,
ne se moque jamais de la religion
mais de ce qu’en font les hommes,
de leur interprétation qui fluctue en
fonction du vent, du chef du mo-
ment et, surtout, de leur ignorance.
D’origine iranienne, la réalisatrice s’est en partie inspirée de
son vécu pour offrir un film documenté et sacrément gonflé! Q
LA PETITE ILLUSION
Ce n’est pas le plus connu
des films de Julien Duvivier,
ni le meilleur, mais cette
sixième collaboration avec
Jean Gabin (dont c’était le
deuxième film américain,
avant qu’il ne s’engage
dans les Forces françaises
libres) est loin d’être in-
intéressante.
L’Imposteur, en version
remastérisée, a valeur de
témoignage puisque c’est
essentiellement une œuvre
de propagande, destinée
à populariser auprès du public américain les troupes françaises
restées fidèles au général de Gaulle. Elle sert aussi à goûter
au charme de la voix de Gabin… doublée par Robert Dalban.
Quand on parle d’imposture… Q
64
À tout juste 50 ans et une
allure d’éternel adolescent,
François Ozon a sorti cet été
son déjà 17e long-métrage.
Et même si ses films se
suivent et ne se ressemblent
pas, la femme y tient un rôle
majeur. Entretien avec un
« entomologiste » revendiqué
de l’âme humaine.
« J’AI ENCORE BEAUCOUP
D’HISTOIRES À RACONTER »
PROPOS RECUEILLIS PAR BÉRÉNICE BALTA
L’amant double est sorti en DVD
cet automne. Cette seconde vie de
vos films a-t-elle de l’importance
pour vous?
La vie d’un film est longue et la sortie en
DVD en est un prolongement important.
Je fais attention à ce que les suppléments
apportent un nouvel éclairage sur le film
et sa fabrication, avec des scènes cou-
pées et des essais caméra et costumes,
qui permettent de voir les recherches en
amont du tournage.
Vous signez nombre
de vos scénarios,
mais ne rechignez
pas à puiser dans les
livres et à en adapter.
Comment choisissez-
vous, comment
s’imposent les sujets?
Après Frantz (2016),
qui était un film clas-
sique et très chaste, j’ai
eu envie d’aller vers
quelque chose de plus
« agressif » et pertur-
bant en tournant des
scènes érotiques avec
Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017
©mars distribution
des enjeux de mise en scène importants.
J’ai alors songé à adapter librement le
roman de Joyce Carol Oates (intitulé
L’Amour en double), un thriller érotique
et gémellaire qui me permettait d’aller
vers des effets spéciaux que je n’avais ja-
mais utilisés dans d’autres films. C’était
à la fois expérimental et passionnant.
Vous êtes un réalisateur singulier
dans le paysage cinématographique
français, sinon international. Quel
regard portez-vous sur votre travail
à l’aune de votre demi-siècle?
Je ne suis pas dans l’au-
toanalyse de mon travail
et je ne me retourne pas
sur les films déjà sortis.
Ça ne m’intéresse pas, les
films ne m’appartiennent
plus, ils représentent
beaucoup de travail, mais
c’est aux spectateurs de
s’en emparer. J’essaye
d’être dans le présent et
l’excitation du projet sui-
vant. Ce qui compte pour
moi, c’est de continuer à
faire des films, j’ai encore
beaucoup d’histoires à ra-
conter… Q
 PAR BÉRÉNICE BALTA

Youssef Chahine,
à Cannes, en mai 1997.

ARABESQUES
Jeune réalisatrice arabe
israélienne, Maysaloun
Hamoud a su, avec son
premier film, Je danserai
si je veux, parler des
femmes, sans tabou
et avec beaucoup
d’énergie et d’émotion,
mais aussi de drôlerie.
L’avocate, la lesbienne,

CHAHINE, la croyante, toutes trois

ont soif de vivre et in-
© Featureflash Photo Agency

terrogent à leur manière

L’INSOUMIS!
Il y a tout juste vingt ans, le cinéaste égyptien
Youssef Chahine, alors septuagénaire, rece-
vait le Prix du 50e anniversaire du Festival de
Cannes pour l’ensemble de son
œuvre. Une œuvre riche de près
de 40 films, fictions et documen-
taires, dans lesquels son Égypte
natale est passée au crible de ses
critiques mais aussi inspirée par
son immense amour ! Dès son pre-
mier long-métrage, Papa Amin,
en 1950, où il est question d’un
homme pingre taraudé par un
cauchemar, réalisé en rentrant de
ses études de cinéma aux États-
Unis, le ton sera donné… Il interrogera, inlassa-
blement, le pouvoir et ses travers, les hommes
(et les femmes !) et leurs travers, les religions et
leurs travers, etc., etc. En usant, autant que faire
se peut, de l’humour, de la musique et de tous les
genres populaires (mélo et comédie musicale en
tête) à sa disposition pour faire passer son mes-
sage, toujours engagé.
Aussi à l’aise en arabe, qu’en français ou en an-
glais, il était l’un des plus grands cinéastes du
le patriarcat, le poids
des traditions ou de la religion dans une Tel Aviv
bouillonnante. Au-delà de son pays, elle lance un
débat plus général sur la condition des femmes,
ici, là-bas, ailleurs. Puissant et nécessaire. Q
monde arabe, l’un des plus impertinents et hu-
manistes. Découvrir ou redécouvrir trois de ses
plus magnifiques films dans un
coffret proposé par les Éditions MONSTRES
Montparnasse est une occasion ACADÉMIE
à ne pas rater. Le Destin, L’Autre Deux Frenchies, Gilles
et Silence… on tourne, produits Penso et Alexandre
respectivement en 1997, 99 et Poncet, grands connais-
2001, permettent de se faire une seurs du cinéma de
idée précise des préoccupations genre, se sont penchés
du metteur en scène. Évoquant, sur les maîtres des
dans l’un, le savant andalou du effets spéciaux, princi-
xiie siècle Averroès, la corruption palement américains.
et les inégalités riches/pauvres Maquilleurs, spécialistes
dans un autre, ou encore les tartufferies du show- de l’animatronique
biz égyptien à grand renfort de séquences kitch et (créature animée ou
jubilatoires, il use et abuse de ses connaissances et robotisée), réalisateurs, responsables des « FX »
de son savoir-faire pour partager avec les specta- analogiques, tous ont insufflé la vie, si l’on peut dire,
teurs, d’où qu’ils soient, son insolence, sa révolte à des créatures ultra-célèbres que les ordinateurs
permanente, son incommensurable joie de vivre sont en train de supplanter… Le Complexe de Fran-
et – malgré tout – son indécrottable amour pour kenstein leur rend hommage et interroge le devenir
ses congénères. Youssef Chahine, ou un bonheur des films de super-héros. Bonus à dévorer, comme
cinématographique en concentré. Q le documentaire. Q

AGENDA DU CINÉMA: NOTRE SÉLECTION

CÉRÉMONIE DES OSCARS FESTIVAL DU CINÉMA FESTIVAL INTERNATIONAL RENDEZ-VOUS DU CINÉMA
C’est 120 bat- FRANCOPHONE EN ACADIE DU FILM DE DUBAÏ FRANÇAIS
tements par Du 16 au 24 Le festival de Le Rendez-vous
minute de Robin novembre, cinéma de Dubaï, du cinéma français
Campillo, Grand le Festival aux Émirats à Paris, du 18 au 22
Prix du jury à international du cinéma francophone en Arabes Unis, poursuit, depuis 8 ans, son janvier 2018, sera
Cannes, qui a été choisi pour représenter Acadie se déroulera à Moncton, Canada. développement et proposera du 6 au 13 l’occasion, pour les
la France aux Oscars, le 4 mars prochain. Créé en 1987, à l’occasion du 2e Sommet décembre, en plus de la section inter- distributeurs, acheteurs et journalistes
Le film, sur un sujet toujours cruellement de la Francophonie à Québec, le festival nationale, des films africains, du Moyen du monde entier, de rencontrer tous les
d’actualité – le sida –, a déjà été vendu a connu pas mal de difficultés, mais Orient ainsi qu’une vingtaine venue de acteurs du cinéma français… Et de faire
dans une quarantaine de pays. tient bon! www.ficfa.com l’Hexagone. https://dubaifilmfest.com leur marché. www.unifrance.org

Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017 65

OUTILS | JEUX PAR HAYDÉE SILVA

PETIT REPAS DE NOËL

A1. Menu de fête Stéphanie Abdel Jessica Manon Paolo Cédric
Six amis préparent leur Canapés au Bûche aux Vin de Mousse au Dinde aux Truffes au
réveillon ensemble. Chacun 2 caviar fruits rouges Bordeaux chocolat marrons chocolat
va apporter quelque chose Feuilleté au Macarons Bûche aux Bœuf Mousse au Dinde aux
de différent. À partir de la 1 saumon à la pistache fruits rouges bourguignon chocolat marrons

grille suivante, reconstituez le Jeunes

Dinde aux Crème brûlée Feuilleté au Bûche aux
menu et dites qui va apporter 1 marrons au rhum
pousses
gourmandes
Bière
saumon fruits rouges
quoi. Le chiffre au début de Bœuf Canard aux Huîtres Bûche aux Gratin Bouchées aux A2. Déco
chaque rangée vous indique 1 bourguignon figues Rockefeller fruits rouges dauphinois crevettes
À partir des syllabes
combien de plats dans cette Feuilleté au Huîtres Macarons à la
suivantes, retrouvez
rangée vont faire partie du 0 saumon Rockefeller
Eau pétillante Bière Cidre
pistache
Toasts au foie Mousse au Vin de Canard aux Bœuf Crème brûlée
12 mots en lien avec la
menu définitif. 1 décoration d’une fête.
gras chocolat Bordeaux figues bourguignon au rhum
Des astuces ? Le menu inclut
Huîtres Feuilleté au Dinde aux Macarons à la
une seule entrée, un seul plat 1 Rockefeller saumon
Cidre
marrons
Eau pétillante
pistache AS - BAL - BON
principal, une seule garniture, Bœuf Truffes au Toasts au foie - BON - BOU -
une seule salade, un seul 3 bourguignon
Champagne
chocolat gras
Cidre Eau pétillante
BOU - CON - FET
dessert et une seule boisson. - GÂ - GIE - GUIR
Chaque invité va apporter Entrée : _______________ apportée par ______________. - LAM - LANDE
un seul plat. Commencez par Plat principal : _______________ apporté par ______________. - LON - NAPPE
la rangée qui indique 0 Garniture : _______________ apportée par ______________. - PION - QUET
et continuez par la rangée Salade : _______________ apportée par ______________ - SER - SIETTE
qui indique 3. Dessert : _______________ apporté par ______________. - TEAU - TI -
Boisson : _______________ apportée par ______________. VERRE - VIETTE

À partir de la liste de mots, reconstituez

B1. Odeurs de Noël B2. Mots entremêlés les cinq expressions où figure le mot « fête ».
a jours pas Elle se réjouit d’avance de ta visite :
Dans chaque liste, chassez l’intrus !
à la sa _____ _____ _____ _____ fête _____ _____ _____.
bon les se Il l’a réprimandée fortement :
t
Anis, cannelle, cardamome, chocolat,
ce lui sommes _____ _____ _____ _____ _____ fête.
clou de girofle, gingembre, muscade,
de mauvaise ta L’excès d’alcool nuit au déroulement d’une fête :
vanille.
elle n’est tous _____ _____, _____ fête.
t
Amandes, cacahuètes, chips, noisettes,
fait ne une Les événements heureux sont exceptionnels :
noix, pignons, pistaches, sésame.
fait nous vin _____ _____ _____ _____ _____ _____ fête.
il pas visite Nous nous trouvons dans une position inconfortable :
Et chez vous, quelles sont les odeurs de Noël ?
_____ _____ _____ _____ _____ _____ fête.

SOLUTIONS
),%+*ċƫ,,!ċƫ!.2%!00!ċƫ!..!ċ
mauvaiseƫ"n0!ċƫąċƫCe n’est pas tous les joursƫ"n0!ċƫĆċƫNous ne sommes pas à laƫ"n0!ċ
A2. h+ƫđƫ
//%!00!ċƫ((+*ċƫ+*+*ċƫ+1#%!ċƫ+1-1!0ċƫ+*"!00%ċƫ>0!1ċƫ1%.(* !ċƫ
B2.ƫ +0/ƫ!*0.!)n(h/ƫđƫāċƫElle se fait une fête de ta visiteċƫĂċƫIl lui a fait saƫ"n0!ċƫăċƫBon vin,
Ĩ
!//%ĩċƫ!//!.0Ʊčƫ0.1û!/ƫ1ƫ$++(0ƫĨh .%ĩċƫ+%//+*Ʊčƫ$),#*!ƫĨ
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Ĩ *+*ĩċƫ.*%01.!Ʊčƫ#.0%*ƫ 1,$%*+%/ƫĨ+(+ĩċƫ( !Ʊčƫ&!1*!/ƫ,+1//!/ƫ#+1.)* !/ƫ
B1.ƫ !1./ƫ !ƫ+p(ƫđƫ!ƫchocolatƫ*Ě!/0ƫ,/ƫ1*!ƫh,%!ċƫ!/ƫchipsƫ*!ƫ/+*0ƫ,/ƫ !/ƫ#.%*!/ƫ
A1.ƫ !*1ƫ !ƫ"n0!ƫđƫ*0.h!Ʊčƫ0+/0/ƫ1ƫ"+%!ƫ#./ƫĨ0h,$*%!ĩċƫ(0Ʊčƫ %* !ƫ14ƫ)..+*/ƫ

66 Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017

PAR ADRIEN PAYET – ILLUSTRATION: LAMISSEB
L’INCROYABLE HISTOIRE
DU GÉRONDIF
A
vant l’existence du gérondif, il était
impossible de faire deux choses simul-
tanément. Par exemple on ne pouvait
pas boire un café et lire son journal en même
temps. La langue française ne permettait de
faire qu’une seule chose à la fois.
C’était surtout un problème pour les enfants,
qui, comme chacun le sait, ne tiennent pas
en place.
Au restaurant on entendait :
— Ne parle pas la bouche pleine ! D’abord tu
dois manger et après tu pourras parler !
Plus loin une mère criait à sa fille :
— Ne cours pas quand tu traverses la route,
c’est dangereux !
À l’école les instituteurs disaient :
— Écoutez et arrêtez de parler en même
temps !
Les verbes se sentaient coupables.
— Ça ne peut plus durer ! Il faut faire quelque
chose, dit le verbe Faire.
— C’est vrai, ça me rend triste de voir ces en-
fants se faire disputer, dit le verbe Compatir.
— Mais, que faire ? demande le verbe Ques-
tionner.
ASTUCES MNÉMOTECHNIQUES
— Il faut trouver une forme grammaticale
pour faire agir plusieurs verbes en même
temps ! dit le verbe Raisonner.
— Je peux participer ? demande le Participe
présent. Je m’ennuie en ce moment…
— Oui bien sûr ! Mais il faudrait ajouter
quelque chose d’autre…
— Une préposition peut-être ?
— Participe présent, tu termines en -ANT
n’est-ce pas ?
— Oui.
— Pour que ce soit joli, il faudrait entendre le
même son. Tu connais une préposition avec
un son similaire ?
— Bien sûr ! La préposition « En » ! s’écrie le
Participe présent.
— Très bonne idée !
— Cela donnerait donc : « En écoutant, je
comprends ».
— J’adore ! Je trouve ça très mélodieux !
— Et comment appelle-t-on ce nouveau
temps ?
— On pourrait l’appeler le Simultanif, pro-
pose un verbe.
— J’ai une meilleure idée, dit le verbe Gérer.
OUTILS | MNÉMO
FICHE PÉDAGOGIQUE
téléchargeable sur
WWW.FDLM.ORG
Le plus audio sur
WWW.FDLM.ORG
espace abonnés
Ce temps sert principalement à gérer deux
actions en même temps. Je gère, tu gères,
il gère, nous gérons. Appelons ce temps le
Gérondif !
— D’accord pour Gérondif !
Des verbes qui passaient par là entendent la
conversation.
— Bande de fous furieux ! Vous imaginez les
catastrophes que vous allez provoquer ! Je
vois d’ici les titres des journaux ! « L’accident a
eu lieu sur l’autoroute A7. L’homme télépho-
nait en conduisant.» « Accident domestique :
Le bébé s’est étouffé en avalant une arête. »
— Nous sommes des verbes, nous ne sommes
pas responsables ! C’est aux humains de faire
attention quand ils nous utilisent !
— Faire une chose à la fois, c’est beaucoup
plus prudent !
— Tu dis ça car tu es mono-tâche. Grâce au
Gérondif les humains deviendront multi-
tâches.
— Les hommes n’en seront jamais capables !
— C’est faux, je ne suis pas d’accord !
— Arrêtez de vous disputer. Ce Gérondif est
utile pour plusieurs raisons. Il permet d’expri-
mer la simultanéité, mais pas uniquement !
— Ah oui ?
— Regardez. Quand on dit « en cherchant,
on trouve » on exprime la condition. Si on
cherche, on trouve, c’est la même chose !
— Ça permet aussi d’exprimer la cause. Par
exemple : il est devenu célèbre en jouant ce
rôle au cinéma. C’est parce qu’il a joué ce rôle
qu’il est devenu connu !
Devant ces arguments, le gérondif a finale-
ment été accepté et officialisé. N’hésitez donc
pas à l’utiliser. Les enfants continuent de par-
ler en mangeant, mais ça, ce n’est pas la faute
de la grammaire ! Q

+1.ƫ/!ƫ/+1- +1.ƫ"+.)!.ƫ(!ƫ#h.+* %"ƫ+*ƫ10%(%/!ƫ !ƫ#h.+* %"ƫ,!.)!0ƫh#(!)!*0ƫ Ě!4,.%)!.ƫ1*!ƫ

2!*%.ƫ !ƫ(ƫ (!ƫ,.0%%,!ƫ,.h/!*0ċƫ!1.!1/!- conditionƫĨ!4Ʊčƫĝƫ%ƫ+*ƫ
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#h.+* %"ƫĨenƫŐƫ2!.!ƫŐƫ-antĩƫ,!*- /!1(ƫ */ƫ +1ƫ1*!ƫcauseƫĨ!4ċƱčƫĝƫ (ƫ
/!6ƫHƫ1*ƫenfantƫ-1%ƫ"%0ƫ,(1/%!1./ƫ /+*ƫ+%*ċ ġƫ!ƫ#h.+* %"ƫ,!.)!0ƫ !/0ƫ !2!*1ƫh(t.!ƫ
n0%/!/ƫ!*ƫ)n)!ƫ0!),/ƫēƫ+1/ƫ Ě!4,.%)!.ƫ(ƫsimultanéitéċƫ !*ƫ&+1*0ƫ!ƫ.¬(!ƫ1ƫ
,+12!6ƫ1//%ƫ*+0!.ƫ(ƫ.h,h0%0%+*ƫ 1ƫ Ě!/0ƫ(!ƫ0!),/ƫ !/ƫ)1(0%- %*h)ƫĞĩċ
/+*ƫĪZīċ 0>$!/Ʊē

Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017 67

OUTILS | QUIZ
PAGE RÉALISÉE PAR ALICJA KRAWCZYK

UNE LANGUE,
DES FRANÇAIS
1. COMPLÉTEZ LES PHRASES CI-DESSOUS À L’AIDE 4. ASSOCIEZ LES VARIÉTÉS DE FRANÇAIS AUX
DES ÉLÉMENTS SUIVANTS : 4e, 49, 274, 29 RÉGIONS CORRESPONDANTES
a. La langue française est parlée par _________ millions de
francophones. 1. Camfranglais a. traits linguistiques du
b. Le français est une langue officielle ou co-officielle dans 2. Chiac français de Belgique
_________ pays. 3. Wallonismes b. Canada
c. C’est la _________ langue d’Internet. 4. Français valdôtain c. Sud de la France
d. Il y a _________ millions d’élèves et d’étudiants qui apprennent 5. Français méridional d. Italie
le français comme langue étrangère. e. Cameroun

2. ASSOCIEZ LES REGISTRES DE LANGUE AU TYPE DE 5. TROUVEZ LES EXPRESSIONS ÉQUIVALENTES

VOCABULAIRE
1. Vocabulaire standard
2. Vocabulaire argotique
3. Vocabulaire recherché
EN FRANÇAIS STANDARD
a. Langage familier 1. Il a donné ses pantalons. (français valdôtain)
b. Langage courant 2. Il a dur. (wallonisme )
c. Langage soutenu 3. Il m’espère su’l’corner. (chiac)
4. Il ne know pas mô comment on do ça. (camfranglais)
5. Il m’a mis 5 francs. (parler marseillais)

a. Il m’attend au coin.
3. LISEZ LES MOTS CI-DESSOUS ET CLASSEZ-LES b. Il a des difficultés.
SELON LEUR REGISTRE c. Il m’a giflé.
Des godasses, une voiture, demeurer, mater, une baraque, d. Il ne sait pas bien le faire.
dormir, plaisanter, se marrer, déguster, boire, un mec. e. Il a renoncé.

langage familier langage courant langage soutenu

SOLUTIONS
soutenu : demeurer, plaisanter, déguster ; 4. et 5. 1-e ; 2-b ; 3-a ; 4-d ; 5-c.
un mec (un homme). Langage courant : une voiture, dormir, boire. Langage
(des chaussures), mater (regarder), une baraque (une maison), se marrer (rire),
1. a) 274, b) 29, c) 4e, d) 49 ; 2. 1-b ; 2-a ; 3-c ; 3. Langage familier : des godasses

68 Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017

 OUTILS | TEST
PAGE RÉALISÉE PAR ALICJA KRAWCZYK

AU TEMPS
POUR MOI !
3. ASSOCIEZ LES ÉLÉMENTS DE DEUX COLONNES

a. Il est sept heures vingt.

1. 7 h 20 b. Il est onze heures cinquante.
2. 11 h 15 c. Il est midi moins dix.
3. 8 h 30 d. Il est onze heures quinze.
4. 6 h 40 e. Il est neuf heures et demie.
5. 11 h 50 f. Il est six heures quarante.
6. 9 h 30 g. Il est onze heures et quart.
7. 10 h 45 h. Il est huit heures trente.
8. 0 h 10 i. Il est onze heures moins le quart.
j. Il est huit heures et demie.
k. Il est minuit dix.
l. Il est sept heures moins vingt.

1. METTEZ DANS L’ORDRE LES

UNITÉS DE TEMPS CI-DESSOUS, EN 4. CHOISISSEZ LES PROPOSITIONS CORRECTES
COMMENÇANT PAR LA PLUS PETITE
1. 15 h 25
a. un mois a. Il est quinze heures vingt-cinq.
b. une seconde b. Il est quinze heures et vingt-cinq.
c. un an
d. un jour 2. 14 h 00
e. une minute a. Ils sont deux heures.
f. une semaine b. Il est deux heures.
g. une heure
3. 6 h 15
a. Il est six heures et le quart.
b. Il est six heures et quart.
2. TROUVEZ L’ÉQUIVALENT :
4. 13 h 00
a. 24 heures = a. Il est un heure.
b. 60 secondes = b. Il est une heure.
c. 30 jours =
d. 7 jours = 5. 10 h 30
e. 12 mois = a. Il est onze heures moins la demie.
f. 60 minutes = b. Il est dix heures et demie.

6. 7 h 45
SOLUTIONS a. Il est huit heures moins le quart.
une heure. 3.1-a ; 2-d ; 3-h,j ; 4-f,l ; 5-b,c ; 6-e ; 7-i ; 8-k. 4. 1-a ; 2-b ; 3-b ; 4-b, 5-b, 6-a. b. Il est huit heures moins quart.
1. b, e, g, d, f, a, c ; 2. a) un jour, b) une minute, c) un mois, d) une semaine, e) un an, f)

Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017 69

APPEL À CONTRIBUTION

Le français dans le monde

c’est vous !

Partagez avec les lecteurs du Français dans le monde vos expériences

en classe, vos projets pédagogiques, vos savoir-faire didactiques

Envoyez-nous vos comptes-rendus, articles ou fiches pédagogiques

(7 000 signes, espaces compris, sous traitement de texte)
à l’adresse suivante : contribution@fdlm.org

70 Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017

Par SYLVAIN DETEY, Université Waseda (Japon) et ISABELLE RACINE, Université de Genève (Suisse)
EXPLOITATION DES PAGES 50-51
NIVEAU: A1 à B2, selon le contexte, les activités et leur usage par l’enseignant
PUBLIC: ADULTES ET GRANDS ADOLESCENTS
OBJECTIFS
„ Prononciation : différentes prononciations des termes « déjeuner » et « fête » (A1),
ainsi que des voyelles moyennes antérieures [e] et [ ] : la loi de position
„ Lexique : usages francophones différents des termes « déjeuner » et « dîner »
„ Grammaire : collocations des termes « déjeuner » et « fête »
TÂCHES
„ 1) Écouter le mot « déjeuner » (n° 31) de la liste PFC prononcés par 6 locuteurs :
France septentrionale (La Madeleine), méridionale (Toulouse), Suisse (Neuchâtel), Bel-
gique (Henri-Chapelle), Québec (Montréal), République Centrafricaine (Bangui) : deviner
OUTILS | FICHE
l’origine géographique, écouter la stabilité et la variation des différentes prononciations.
„ 2) Écouter les mots « fête » (n° 16), « fêter » (n° 29) et « fêtard » (n° 10) de la liste
PFC prononcés par les 6 locuteurs : écouter la variation et découvrir une loi importante
de la prononciation du français en France, la loi de position.
„ 3) Découvrir les différences d’usage des termes « déjeuner » et « dîner » entre la
France et d’autres régions francophones (Belgique, Québec, Suisse…).
„ 4) Observer et écouter les collocations de « déjeuner » et « fête » à l’aide de corpus
oraux.
MATÉRIEL
„ Accès Internet, haut-parleurs et projecteur (si possible).
„7RXVOHVHQUHJLVWUHPHQWVXWLOLVpVGDQVFHWWHÀFKHDLQVLTX·XQHYHUVLRQORQJXH
avec des activités supplémentaires, se trouvent sur le site PFC (www.projet-pfc.net,
section « Ressources pédagogiques / Fiches pédagogiques » de l’espace PFC-EF)

DÉJEUNER, DÎNER ET FÊTES EN FRANCOPHONIE

DE LA PRONONCIATION AU LEXIQUE
Si une langue commune peut être utilisée, on l’emploiera pour diverses explications et instructions. Dans le cas contraire, on utili-
sera des schémas, gestes, dessins, ainsi que des dictionnaires bilingues si nécessaire.

PRONONCIATION

ACTIVITÉ 1 : EXPLORER LES DIFFÉRENTES PRONONCIATIONS DU MOT « DÉJEUNER » (A1)

Faire écouter le mot « déjeuner » prononcé par 6 locuteurs différents (sans mentionner leur identité).
Question 1 : les locuteurs ont-ils la même origine géographique ? Réponse : non, dessiner carte.
Question 2 : ont-ils exactement la même prononciation (en particulier la première et la dernière voyelle) ? Réponse : non, voir tableau.
Locuteur/Voyelle Première – « dÉjeuner » Dernière – « déjeunER »
Bangui (RCA) Intermédiaire Fermée
Henri-Chapelle (Belgique) Fermée Fermée
La Madeleine (France septentrionale) Fermée Fermée
Montréal (Québec) Fermée Fermée
Neuchâtel (Suisse) Ouverte Fermée
Toulouse (France méridionale) Fermée Fermée

ACTIVITÉ 2 : EXPLORER LES DIFFÉRENTES PRONONCIATIONS DES MOTS FÊTE (A1), FÊTER, FÊTARD
Faire écouter les mots « fête », « fêter », « fêtard », prononcés par 6 locuteurs différents.
Question : la première voyelle de ces mots est-elle la même dans tous les enregistrements ?
Réponse : non, voir tableau. Introduire la loi de position (LdP, en introduisant les notions de voyelle et de consonne, ainsi que le découpage
syllabique du français) : « en syllabe ouverte, voyelle fermée ; en syllabe fermée, voyelle ouverte » (ex. fête [f t.] vs fêter [fe.te] et fêtard
[fe.taR]). Réécouter en notant les prononciations qui adhèrent à cette loi et celles qui n’y adhèrent pas.
Locuteur/Première voyelle du mot… « fÊte » « fÊter » « fÊtard »
Bangui Ouverte – LdP : oui Ouverte – LdP : non Ouverte – LdP : non
Henri-Chapelle Ouverte – LdP : oui Ouverte – LdP : non Ouverte – LdP : non
La Madeleine Ouverte – LdP : oui Fermée – LdP : oui Fermée – LdP : oui
Montréal Diphtongue – LdP : non Ouverte – LdP : non Ouverte – LdP : non
Neuchâtel Ouverte – LdP : oui Ouverte – LdP : non Ouverte – LdP : non
Toulouse Ouverte – LdP : oui Fermée – LdP : oui Fermée – LdP : oui

Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017 71

 Expliquer que la loi de position (assez générale en France méridionale) se diffuse globalement actuellement en France du sud vers
le nord, mais qu’elle ne s’applique pas de manière simple dans les autres régions francophones. Noter également que, d’une manière
générale, si elle s’applique de manière assez stricte dans la dernière syllabe d’un mot en isolé (cf. « déjeuner » ou « fêter » avec un [e]
toujours fermé en finale de mot), c’est moins le cas pour les syllabes non finales, où l’on observe davantage de variation, avec parfois des
réalisations intermédiaires (noter que la perception de l’ouverture peut varier selon la variété de l’auditeur).
Pour plus d’explications consulter la vitrine de prononciation du site PFC-EF : www.projet-pfc.net/2010/07/16/prononciation/2/

ACTIVITÉ 3 : DEVINER LA PRONONCIATION D’AUTRES MOTS SENSIBLES À LA LOI DE POSITION

Écrire d’autres mots de la liste PFC au tableau (ex. : « 22-infect ; 32-ex-femme ; 50-explosion ; 62-rhinocéros ; 84-beauté ») et demander
aux étudiants de les découper en syllabes afin de deviner la prononciation de leur(s) voyelle(s) moyenne(s) (en groupe). Puis l’ensei-
gnant lit à voix haute avec sa propre prononciation et compare avec les réponses des étudiants. Puis écoute des 6 locuteurs utilisés pré-
cédemment : les apprenants tracent un tableau pour classer les locuteurs en fonction de leur prononciation (voyelle ouverte ou fermée).
Chaque étudiant note ensuite la traduction des mots dans sa langue (usage du dictionnaire).

LEXIQUE

ACTIVITÉ 1 : LES REPAS (PETIT-DÉJEUNER VS DÉJEUNER VS DÎNER VS SOUPER) : INTRODUCTION À LA VARIATION LEXICALE
Faire deviner avec des heures et des dessins les noms des repas : petit-déjeuner, déjeuner, dîner, souper.
Explication historique de « déjeuner » : arrêter le jeûne, premier repas de la journée. Évolution en France (xixe siècle) : en Suisse, en
Belgique et au Canada, on déjeune, puis on dîne et finalement on soupe, alors qu’en France, on prend son petit-déjeuner, on déjeune et
on dîne.
Mémorisation du lexique dans sa variation : un apprenant indique une heure et un lieu (Paris, Genève, Bruxelles, Montréal) et l’autre dit
« je prends mon petit-déjeuner » / « je déjeune » / « je dîne » / « je soupe ».
Introduction possible d’autres variantes lexicales à l’aide du site suivante : www.bdlp.org/

ACTIVITÉ 2 : LES CONTEXTES DE FÊTE – SÉQUENCES LEXICO-GRAMMATICALES

Donner les dates de quelques fêtes françaises avec leurs collocations (ex. fête du travail/fête nationale/fête d’anniversaire/fêtes de fin
d’année). Demander d’autres collocations propres au contexte d’origine des apprenants (ex. : au Japon, fête de la majorité ; aux États-
Unis, fête de Thanksgiving…).
Si accès Internet, recherche des mots « fête », « déjeuner », « dîner » et « souper » dans deux corpus :
t
1'$
BVEJP


https://public.projet-pfc.net/transcription/
t
$-"1*
BVEJPWJTVFM


http://clapi.ish-lyon.cnrs.fr/V3_Concordancier.php
a) Faire écouter et visionner différentes séquences et demander aux étudiants s’ils parviennent à reconnaître les termes en question dans
leurs contextes (entraînement à la reconnaissance lexicale).
b) Regarder les transcriptions et noter celles qui semblent les plus pertinentes pour les apprenants (choix de l’enseignant).
c) À partir des collocations choisies, demander aux apprenants de former des énoncés correspondant à leur vie personnelle, utilisation
du dictionnaire possible.

Feu d’artifice au-dessus du pont Jacques-Cartier, à Montréal. La fête nationale du Québec se déroule le 24 juin.

72 Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017

PAR EWALMIR MIKE RODRIGUES NOBREGA, ALLIANCE FRANÇAISE GUATEMALA CIUDAD
NIVEAU: B2/C1, ADULTES
DURÉE: 2 SÉANCES D’1 HEURE
OBJECTIFS
„ Communicatifs : interagir oralement à partir de vidéos disponibles sur le
Web, comprendre les informations contenues dans un document audiovisuel,
comprendre des informations contenues dans une chanson
„ Sociolinguistiques et socioculturels : découvrir l’univers cinématographique et musi-
cal d’une des plus grandes comédiennes françaises récemment disparue
„ Lexicaux : enrichir le lexique à partir de paroles de la chanson « Le Tourbillon de la vie »
OUTILS | FICHE
MATÉRIEL
„7DEOHWWHVRXVPDUWSKRQHVSKRWRFRSLHVGHODÀFKHDSSUHQDQWV
LIENS
„6LWHRIÀFLHO-HDQQH0RUHDXhttp://www.jeannemoreau.c.la/
„9LGpR-HDQQH0RUHDXHQGL[ÀOPV http://www.dailymotion.com/video/x5veiki
„%DQGHDQQRQFHÀOPJules et Jim : https://www.youtube.com/watch?v=Y5VOmrQlY90
„9LGpR-HDQQH0RUHDXHQFKDQVRQVhttp://www.dailymotion.com/video/x5vdwfp
„ Chanson « Le Tourbillon de la vie » : https://www.youtube.com/watch?v=kjJqHF0mb_k

JEANNE MOREAU
LE CINÉMA, LA MÉMOIRE ET LE TOURBILLON DE SA VIE
L’actrice Jeanne Moreau nous a quittés en juillet 2017. Elle aura marqué l’histoire du cinéma français par une très longue car-
rière de comédienne. Jouant dans plus de 100 films, elle a traversé plusieurs périodes et inspiré les plus grands réalisateurs
(François Truffaut, Louis Malle, Orson Welles…). Outre le cinéma et le théâtre, elle est aussi l’interprète de chansons inou-
bliables, comme « Le tourbillon de la vie ».

QUI ÉTAIT JEANNE MOREAU?

ACTIVITÉ 1
Par groupes de trois, rendez-vous sur le site officiel de Jeanne Moreau http://www.jeannemoreau.c.la/ et réalisez les activités proposées.
GROUPE 1 : biographie GROUPE 2 : filmographie GROUPE 3 : discographie
Dans la rubrique biographie : Relevez les Dans la sélection des films joués par Jeanne Mo- Parcourez les chansons de la rubrique « chan-
informations qui vous paraissent les plus perti- reau : Choisissez-en un. Sur le Web, visionnez son » : Écoutez quelques extraits. Choisissez
nentes. Faites-en un résumé pour présenter la la bande-annonce du film, ensuite présentez-le celle que vous aimez le plus. Présentez-la au
vie de Jeanne Moreau au groupe. au groupe. groupe. Qu’avez-vous ressenti à son écoute ?

ACTIVITÉ 2
Dans cette vidéo qui présente 10 films marquants de la carrière de Jeanne Moreau ( http://www.dailymotion.com/video/x5veiki), lesquels apparaissent dans la
sélection suivante ? Cochez les affiches des films contenus dans la vidéo.

ACTIVITÉ 3
L’enseignant forme des groupes de deux. À chaque groupe, il distribue deux documents contenant le synopsis d’un film joué par Jeanne
Moreau et des questions portant sur un autre film (documents A et B). Chaque apprenant lira le synopsis de son film, puis posera des ques-
tions portant sur le synopsis de son binôme.

Document A
Julien Tavernier et sa maîtresse, Florence Carala, la femme de son patron, ont imaginé un plan diabolique Questions portant sur La mariée était en
pour supprimer le mari gênant. Une fois le meurtre commis, Julien revenu sur ses pas pour faire disparaître noir :
une pièce à conviction malencontreusement oubliée, se retrouve bloqué dans l’ascenseur par une coupure de a) qui est mort ? Comment ?
courant. Au dehors, un blouson noir, Louis, vole la voiture de Julien et y fait monter sa petite amie Véronique. b) qu’essaye Julie de faire ?
Florence, qui attend son amant à la terrasse d’un café, reconnaît la voiture mais ne distingue pas le conducteur. c) pourquoi y a-t-il une liste ?
Source synopsis : www.telerama.fr

Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017 73

 Document B
Sur le parvis d’une église, un couple s’avance. Ils viennent de se marier et sont heureux. Soudain l’homme Questions portant sur Ascenseur pour
s’effondre, touché à mort par une balle venue d’on ne sait où. Julie, la jeune veuve, tente de se suicider. l’échafaud :
Sa mère l’en empêche. Julie part seule pour la Côte d’Azur. Elle y séduit un nommé Bliss, le jour de ses a) que se passe-t-il avec le patron ?
fiançailles, et le pousse du haut d’un balcon. Plus tard, Coral, un célibataire minable, est assassiné dans b) pourquoi Julien revient-il sur le lieu
une ville de province. Julie raye un nom de plus sur la liste des cinq hommes dont elle veut se venger. du meurtre ?
Source synopsis : www.telerama.fr c) qui est Véronique ?

ACTIVITÉ 4
Par groupes de 2, visionnez la bande-annonce du film Jules et Jim, l’un des plus célèbres de Jeanne Moreau (https://www.youtube.com/watch?v=Y5VOmrQlY90).
Avec la transcription du texte de présentation ci-dessous, relevez les mots inconnus.

Narrateur : Un évènement cinématographique, un sujet qu’on n’a encore mais c’est une vraie femme. Et c’est cette femme que nous aimons.
jamais osé traiter à l’écran. Une femme peut-elle aimer également deux Narrateur : cette femme c’est Jeanne Moreau, la plus grande actrice fran-
hommes ? C’est le thème du chef-d’œuvre d’Henri pierre Rocher. Le sujet çaise qui vous fait rire, et vous fait pleurer.
du nouveau film de François Truffaut, le réalisateur des Quatre cents coups. Jeanne Moreau : on était tellement heureux tous les deux.
Jeanne Moreau : qui c’est Jules ? Jules : mais nous sommes heureux. Enfin, moi, je le suis.
Jules : c’est moi ! Jeanne Moreau : c’est vrai ? Oui, on restera toujours ensemble tous les
Jeanne Moreau : et vous ? deux, comme de petits vieux. Avec Sabine et les enfants de Sabine (elle
Jim : Jim. pleure) garde moi près de toi.
Jeanne Moreau : Jim et Jules, alors ? Narrateur : Jeanne Moreau, Oscar Werner, Henri Serre, Marie Dubois,
Jim : Mais non, Jules et Jim. Vanna Urbino, Bassiak, la petite Sabine… un film tendre et cruel, inattendu
Narrateur : Jules et Jim, deux hommes, deux amis bouleversés par la comme la vie.
même femme. Jeanne Moreau : tu crois que Jules m’aime ? Oh, Jules, moi aussi je t’aime !
Jeanne Moreau : vous êtes deux idiots ! Jules : Jim aimez-la, épousez-la et laissez-moi la voir !
Un, deux… Oh ! [Extrait de la chanson : « Le Tourbillon de la vie ». Paroles Cyrrus Bassiak]
Narrateur : une femme généreuse et sincère à la recherche d’un bonheur
sans jalousie, sans mensonges, sans hypocrisie. Narrateur : tous ceux qui ont vu Jules et Jim ont été bouleversés par la
Jules : Catherine n’est pas spécialement belle, ni intelligente, ni sincère, sincérité, l’originalité et la beauté du nouveau film de François Truffaut.

ACTIVITÉ 5
Toujours à partir de la bande-annonce de Jules et Jim, réalisez l’une des activités proposées. Mise en commun en groupe-classe.
GROUPE 1 - Répondre GROUPE 2 - Décrire GROUPE 3 – Résumer
Qui est le réalisateur du film ? D’après la bande- Décrivez en quelques mots les personnages En exploitant les images, le son, les person-
annonce, que cherche Jeanne Moreau chez un principaux du film. Présentez-les au groupe. nages, les couleurs, rédigez un court résumé
homme ? du film.

UNE CHANSON DE JEANNE MOREAU

ACTIVITÉ 6
En deux groupes, regardez le reportage : http://www.dailymotion.com/video/x5vdwfp. Répondez aux questions :
GROUPE A GROUPE B
Selon Jeanne Moreau, pour quelle raison François Truffaut a-t-il incor- En quelle année Jeanne Moreau interprète-t-elle la « Le Tourbillon de la
poré la chanson « Le Tourbillon de la vie » dans le film Jules et Jim ? En vie » ? Quels adjectifs sont-ils employés pour qualifier la voix de Jeanne
quelle année Jeanne Moreau a-t-elle sorti son premier album musical ? Moreau ? À quel moment écrit-elle et compose-t-elle ses propres chan-
En tout, combien d’albums a-t-elle réalisé ? sons ?

D’après vous, que signifie l’expression « Le tourbillon de la vie » ? Comment la traduiriez-vous dans votre langue maternelle ?

ACTIVITÉ 7
Visionnez la vidéo de la chanson et notez en cochant vos premières impressions : https://www.youtube.com/watch?v=kjJqHF0mb_k
« Le Tourbillon de la vie » :
très mélancolique agréable à écouter je n’en raffole pas trop
je la ferai écouter à ma famille je l’aime beaucoup pas très intéressante
trop dramatique à mon goût belle interprétation je vais l’écouter en boucle

ACTIVITÉ 8
Écoutez la chanson une seconde fois, complétez les extraits des paroles avec les mots proposés. Faites la mise en commun en binômes.
réchauffé / soûlé / m’enjôla / émurent / enlacés / fameux bail / tourbillon / retrouvé
a) « et puis elle chantait avec une voix, qui sitôt ……… » s’est……, on s’est……..»
b) « sa voix si fatale, son beau visage pâle, m’…….. plus que jamais » e) « je me suis…….. en l’écoutant, l’alcool fait oublier le temps »
c) « je l’ai revue un soir, aie, aie, ça fait déjà un ………………… » f) « on a continué à tourner, tous les deux……….»
d) « on s’est connu, on s’est reconnu, on s’est perdu de vue, on g) « chacun pour soi est reparti, dans le………..de la vie »

74 Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017

PAR PAOLA BERTOCCHINI ET EDVIGE COSTANZO (ITALIE) OUTILS | FICHE
EXPLOITATION DES PAGES 32-33 FICHE ACTIVITÉS

UN MUSÉE PAS COMME LES AUTRES

Réaliser la page d’accueil d’un musée insolite ? Cela relève de la gageure, mais ce n’est pas une mission impossible ! Pour réali-
ser cette tâche il faut surtout que les apprenants se concentrent sur deux points : comment sont organisés les sites des musées ?
et quelles informations souhaiteraient-ils trouver sur la toile avant de s’y rendre ?

ACTIVITÉ 1
Vous avez décidé de faire élaborer à votre public d’apprenants de niveau A2/B1 le projet de la page d’accueil d’un site Web pour un musée
insolite imaginaire ; vous décidez aussi d’utiliser le travail de groupe pour faciliter un travail qui sera forcément à géométrie variable.
Qu’est-ce qui détermine votre choix de privilégier le travail de groupe ? Quels sont les avantages que vous y trouvez ?

ACTIVITÉ 2
Pour faire pratiquer à votre classe l’apprentissage collaboratif, vous allez d’abord former des groupes hétérogènes et, à l’intérieur de chaque
groupe, distribuer les rôles de façon à assurer la prise de responsabilité individuelle pour chaque membre du groupe.
Dites :
1. Quels paramètres vous pouvez choisir pour former des groupes hétérogènes ;
2. Quels rôles vous pouvez attribuer à chaque membre du groupe.

ACTIVITÉ 3
Préparez deux listes de sites de musées : la première qui concerne de grands musées classiques et la deuxième de petits musées insolites.
Les différents groupes visitent les pages d’accueil de quelques musées de leur choix (au moins trois pour chaque liste) et notent toutes les
rubriques qui y figurent.

ACTIVITÉ 4
Formulez les consignes pour une activité où figurent les opérations suivantes :
- faire une liste des rubriques « essentielles » et une autre des rubriques « accessoires » qui figurent sur les pages d’accueil des sites visités ;
- comparer les listes et arriver à une liste unique des rubriques essentielles et des « accessoires » sur laquelle continuer le travail.

ACTIVITÉ 5
En fonction des niveaux (A2 et B1), quelles sont les rubriques d’une page d’accueil que vous pouvez faire compléter aux différents groupes,
réorganisés par compétences ?

ACTIVITÉ 6
Probablement vos élèves ne connaissent pas Jacques Carelman et son Catalogues d’objets introuvables. C’est encore une idée pour inventer
un musée pas comme les autres !
Rédigez une brève notice biographique pour le leur présenter et choisissez sur Internet l’image de quelques objets introuvables.

ACTIVITÉ 7
Création d’un objet introuvable
Mais il n’y a pas que Carelman pour créer des objets introuvables. Faites faire à vos apprenants une activité de brainstorming et de
concassage pour avoir le maximum d’objets introuvables à mettre dans le musée. Exemples d’objets : des chaussures rafraîchissantes, un
parapluie familial…

ACTIVITÉ 8
Faites maintenant la description d’un objet introuvable de votre choix et de son mode d’emploi. Créez une matrice que vous proposerez
ensuite à vos élèves pour qu’ils décrivent leurs objets introuvables.

ACTIVITÉ 9
Il n’est pas rare, de nos jours, de trouver, à l’accueil d’un musée, des dépliants qui, à côté de l’explication sur l’organisation des salles à
visiter, donnent aussi des « règles » ou conseils à suivre pour profiter au maximum des lieux et des pièces exposées.
Vous avez ici les « Dix règles du bon visiteur » pour un musée réel. Proposez-les à vos élèves et demandez-leur d’envisager une « charte
du bon visiteur » pour leur page d’accueil du site sur le « Musée des objets introuvables ».

Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017 75

 Les règles du bon visiteur
« Ce musée reçoit chaque année beaucoup de visiteurs. Les règles suivantes sont nécessaires pour protéger les œuvres d’art présentés de
manières à ce tout le monde puisse en bénéficier dans les meilleures conditions possibles.
1. Pour des raisons de sécurité tout sac et objet vestimentaire encombrant (manteau) doivent être déposés au vestiaire.
2. Il n’est pas permis de toucher les œuvres d’art exposées: tout contact pourrait les endommager.
3. Il est permis de prendre des photos sans flash.
4. Il est interdit de manger à l’intérieur du musée et dans le parc.
5. Il est interdit de fumer.
6. Il est interdit de courir, jouer et hurler dans le musée.
7. Les indications des personnels du musée doivent être respectées.
8. Il n’est pas permis d’afficher des messages publicitaires dans les espaces du musée et du parc.
9. Des publicités pour associations ou événements bénévoles peuvent être présentes à l’accueil, avec approbation préalable de la direction.
10. Les animaux de compagnie ne sont pas admis dans le musée, mais cette restriction ne s’applique pas aux chiens pour non voyants.
La direction vous remercie pour votre collaboration. »

SOLUTIONS
Activité 1
Il s’agit d’une tâche complexe où le travail de groupe est sûrement avantageux pour deux raisons prioritaires : - l’apport de différentes idées ;
- la possibilité de faire travailler les élèves selon leurs compétences en exerçant des responsabilités différentes si l’on crée des groupes de niveaux.

Activité 2
1. Paramètres : âge, sexe, type d’intelligence, compétences linguistiques, compétences interactionnelles…
2. Rôles : planificateur : fait la liste de ce que le groupe doit faire dans un ordre précis et vérifie que tout marche bien ; modérateur : contrôle que le groupe travaille
dans le calme et à voix basse ; secrétaire : prend des notes ; communicateur : entretient les rapports avec l’extérieur du groupe ; expert Internet…

Activité 3 – Exemple de liste

Grands musées classiques Petits musées insolites

Le Louvre (Paris) www.louvre.fr
Le Musée d’Orsay (Paris) www.musee-orsay.fr
Centre Pompidou, Musée d’art moderne (Paris) www.centrepompidou.fr
Musée Fernand Léger (Biot) http://it.musees-nationaux-alpesmaritimes.fr/fleger/
Musée des Beaux-Arts (Bordeaux) www.musba-bordeaux.fr/fr
Musée de la Vie Romantique (Paris) www.museevieromantique.paris.fr
Musée des Arts Forains (Paris) http://arts-forains.com
Maison de la magie (Blois) www.maisondelamagie.fr
Musée du tire-bouchon (Ménerbes, Luberon) http://museedutirebouchon.com
Musée de la ferronnerie (Rouen) http://museelesecqdestournelles.fr

Activité 4 – Exemple de consigne en deux temps :

a. chaque groupe fait une liste des rubriques « essentielles » (qui figurent dans toutes les pages visitées) et une deuxième de celles que l’on peut qualifier de
« accessoires » (15’).
b. comparez vos listes et définissez un tableau unique avec les deux listes : celle des « rubriques essentielles » et celle des « rubriques accessoires » (15’).
Exemple de tableau :
Rubriques essentielles 1. Lieu et adresse du musée; 2. Comment s’y rendre; 3.Collection(s); 4.Horaires et tarifs ; 5. Jour de fermeture; 6. Contacts; etc.
Rubriques accessoires a. Services (cafétéria/restaurant, librairie…); b. Activités (ateliers, conférences …); c. Revue de presse; d. Avis des visiteurse; etc.

Activité 5
A2 : Localisation du musée, Informations pour s’y rendre, Horaires et tarifs, Jour de fermeture, Services, Contacts, Avis des visiteurs, etc.…
B1 : Collection (historique et descriptif avec détails sur quelques objets), Activités, Revue de presse, Avis des visiteurs…

Activité 6 – Exemple de biographie

« C’est un dessinateur, peintre, sculpteur qui s’intéresse à la décoration théâtrale et à l’illustration de livres. Il publie, en 1969, le Catalogues d’objets introuvables où il
représente 400 objets de la vie de tous les jours détournés jusqu’à l’absurde, comme “le fauteuil radiateur”, “le sac de couchage à pieds” ou “la pipe à fumer deux tabacs
différents”. Ces objets ont été présentés dans des musées et des galeries d’art. »

Activité 7
Pour obtenir une très grande production d’idées, voici la technique du « brainstorming » : - produire en groupe le maximum d’idées ; - laisser libre l’imagination ;
- ne pas critiquer les idées des autres et ne pas s’autocensurer ; - développer, modifier les idées des autres.
Et celle du concassage : - penser à un objet ; - le modifier en étudiant ses emplois ; - l’agrandir, le réduire ; - lui donner d’autres fonctions ; - l’associer à d’autres objets.

Activité 8
Description des « chaussures rafraîchissantes » et de l’accessoire « range chaussures » : - Il s’agit d’une paire de chaussures plates. - Elles sont entièrement en caoutchouc.
- Elles disposent d’une semelle d’une épaisseur de 5 centimètres, qui peut être remplie d’eau. - Pratique et modulable, le range chaussures en plastique permet de ranger
vos chaussures rafraîchissantes même congelées sans peur de laisser de l’humidité sur votre parquet en bois.
Matrice pour la description de l’objet : - Il s’agit de…... ; - Il(s)/elle(s) est(sont) partiellement/entièrement en....... ; - Il/elle dispose d’un(e)……….. d’une épaisseur
de………. qui peut être………. ; - Pratique et modulable, cet accessoire, X en……….., permet de…….. sans peur de…….
Mode d’emploi des « chaussures rafraîchissantes » : - En été, pour garder les pieds au frais, mettre les chaussures rafraîchissantes une demi-heure au congélateur et puis
les chausser ; - Si vous désirez des chaussures moins froides, il suffit de les mettre au frigo pendant une heure ; - Attention ! Afin d’éviter les engelures, il ne faut pas garder
vos chaussures rafraîchissantes trop longtemps.
Matrice pour le mode d’emploi : - Pour garder…, mettre… et puis…. ; - Si vous désirez…, il suffit de…. ; - Attention ! Afin d’éviter..., il ne faut pas…

76 Le français dans le monde | n° 414 | novembre-décembre 2017

 mte.fr
www.cla.univ-fco
composition : CLA, service communication, Romain Wirtz, crédits photos : UFC : Ludovic Godard / GAGB : E. EME

Enseigner le français autrement

Centre de linguistique appliquée

UNIVERSITÉ DE FRANCHE-COMTÉ
Besançon, France

Le français dans le monde est une publication de la Fédération Internationale ISSN 0015-9395
des Professeurs de Français éditée par CLE International 9782090373073

9 782090 373073
 N° 42 - NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2017

REVUE DE LA FÉDÉRATION INTERNATIONALE DES PROFESSEURS DE FRANÇAIS

DOSSIER
VIIIes JEUX DE LA FRANCOPHONIE
ABIDJAN 2017, PARI RÉUSSI !

FOCUS ACTU SOCIÉTÉ FRANCO-MOTS

Le nouvel élan de Migrations africaines: Le nouchi, argot

L’IFEF Alerte à la traite ! de la Côte d’Ivoire
La méthode qui fait bouger l’apprentissage

Cinq niveaux du A1 au C1/C2

Innovante
Simple
Pratique
Efficace
Hybride

Il est temps de changer !

www.cle-inter.com
 | SOMMAIRE
REVUE DE LA FÉDÉRATION INTERNATIONALE DES PROFESSEURS DE FRANÇAIS

N° 42 - NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2017

ACTUALITÉ Portfolio ................................................................. 12 PÉDAGOGIE

Focus Actu Sport Franco-mots ................................................... 25
L’IFEF, un nouvel élan .......................................... 2 D’or et d’ivoire ....................................................... 14 Clément Balta
Par Sarah Sakho Clément Balta
Les promesses de l’EFTP ............................... 26
À lire ............................................................... 4 Culture Abdoulaye Seck
Des arts, vous avez dit des arts ? ......................... 16
À voir .............................................................. 6 Fanny Dupré À la découverte d’un Centre de formation
artisanale ........................................................ 27
Arts de la rue Abdoulaye Seck
Portrait Ainsi font les (grandes) marionnettes ................ 18
Aïcha Macky, Dominique Mataillet
filmer pour changer les mentalités ................... 8
Sophie Bachelier PASSERELLES
Société Fiches
DOSSIER Alerte à la traite ! .......................................... 20
Sophie Bachelier Décoder une définition
VIIIes Jeux de la Francophonie dans un cour magistral .................................. 28
Expérience Abdelkrim Kaaboub
Abidjan 2017, pari réussi ! Une Caravane qui fait danser les mots .......... 22
Nathalie Rivière Lire un poème engagé .................................. 30
Jeux et enjeux Odile Gandon
Des valeurs en action ............................................10 Géopolitique Actif ou passif ? ............................................... 32
Odile Gandon La dynamique des idées ................................ 24 Odile Gandon
Félix Traoré

Édito ABONNEMENT
Chères lectrices, chers lecteurs,
Abonnement Découverte 1 an : Abonnement Découverte 2 ans :
La Francophonie est en vedette dans ce numéro avec 88 euros 158 euros
(6 numéros du (12 numéros du
avant tout un dossier qui revient sur ce magnifique
Français dans le monde Français dans le monde
évèment que sont les Jeux de la Francophonie, savant + 3 Francophonies du Sud + 6 Francophonies du Sud
+ espace abonné en ligne) + espace abonné en ligne)
mélange de sport et culture qui a lieu tous les quatre
Abonnement Formation 1 an : Abonnement Formation 2 ans :
ans et se donnait à voir cet été à Abidjan, en Côte 105 euros 189 euros
(6 numéros du (12 numéros du
d’Ivoire. Le Focus actu porte sur l’ouverture de l’IFEF
Français dans le monde Français dans le monde
à Dakar, enfin un article sur le travail mené par l’équipe de la Caravane des + 3 Francophonies du Sud + 6 Francophonies du Sud
+ espace abonné en ligne + espace abonné en ligne
dix mots et notamment une description du projet « Onésime » sur l’appren-
+ 2 Recherches et applications) + 4 Recherches et applications)
tissage du français auprès des jeunes.
Le volet littéraire et culturel propose de surcroît le dernier roman de l’écrivain Les frais d’envoi sont inclus dans tous les tarifs (France et étranger).

algérien Kamel Daoud, une biographie par la romancière française Justine POUR TOUT RENSEIGNEMENT, CONTACTEZ-NOUS !
Tél. : 00 33 (1) 40 94 22 22 – Fax : 00 33 (1) 40 94 22 32
Augier de la dissidente syrienne Razan Zaitouneh, un ouvrage du poète haï- courriel : fdlm@cometcom.fr
tien James Noël et des Cahiers de mémoire rédigés à Kigali par les rescapés du
Francophonies du Sud n°42
génocide rwandais de 1994. Sans oublier la mise en ligne d’une bibliothèque Supplément au n°414 du Français dans le monde.
(numéro de commission paritaire : 0417T81661)
sonore par l’Institut du Tout Monde créé par le poète martiniquais Édouard
Directeur de la publication : JEAN-MARC DEFAYS – FIPF
Glissant avec les voix de Fanon, Senghor, Césaire, entre autres. Le théâtre est Directeur de la rédaction : SÉBASTIEN LANGEVIN
Rédactrice en chef : ODILE GANDON
bien présent avec une pièce vietnamienne, Saigon, et un extraordinaire spec- Relations commerciales : SOPHIE FERRAND /
tacle de danse Kalakuta Republik, par le chorégraphe burkinabé Serge Aimé VANILLE VANDENBULCKE
Maquette et secrétariat de rédaction : CLÉMENT BALTA
Coulibaly. Le volet Cinéma propose lui un documentaire intitulé L’Arbre sans Photo de couverture : © CIJF / Clément Balta
fruit de la cinéaste nigérienne Aïcha Macky. Enfin, dans la rubrique « péda- © CLE international 2017
Revue de la Fédération internationale des professeurs de
gogie », deux reportages d’Abdoulaye Seck sur un lycée professionnel et un français (FIPF), réalisée avec le soutien de l’Organisation internationale
de la Francophonie (OIF) et la collaboration de l'Association
CFA à Dakar. Et comme d’habitude, trois fiches pédagogiques très pertinentes des professeurs de français d'Afrique et de l’océan Indien (APFA-OI)
bouclent ce numéro. En somme, un merveilleux monde francophone à visiter ! LE FRANÇAIS DANS LE MONDE – 9 bis, rue Abel-Hovelacque – 75013 Paris
Rédaction : +33 (0)1 72 36 30 67 – www.fdlm.org cbalta@fdlm.org
Bonne lecture, Abonnements : +33 (0)1 40 94 22 22 – Fax : +33 (0)1 40 94 22 32
FIPF – Tél. : +33 (0)1 46 26 53 16 – www.fipf.org secretariat@fipf.org
Baytir Kâ, Président de l’APFA-OI
fdlm@fdlm.org – www.fdlm.org, onglet « Suppléments »

Francophonies du Sud | n° 42 | novembre-décembre 2017 1

FOCUS ACTU |

L’IFEF, UN NOUVEL ÉLAN

DR
C’est le tout nouvel organe émanant
de l’Organisation internationale de
la Francophonie : L’IFEF, l’Institut de
la Francophonie pour l’éducation et
la formation, a ouvert officiellement
ses portes le 12 octobre à Dakar, au
Sénégal. Nous avons pu visiter la
structure pour en apprendre plus sur
son fonctionnement.
PAR SARAH SAKHO

C
’est dans le bâtiment flambant neuf d’un quartier
cossu de Dakar que l’IFEF s’est installé cet été. Et c’est
désormais depuis la capitale sénégalaise que sa ving-
taine d’experts appuieront États et gouvernements
membres de la Francophonie dans l’élaboration, la
mise en œuvre, le suivi et l’évaluation de leurs politiques éducatives.
Un geste fort pour le directeur, Émile Tanawa, qui salue cette reloca-
lisation au Sénégal : « Ici nous sommes sur le terrain, aux prises avec
la réalité et c’est très important. […] Tous ces programmes, qui étaient
basés à Paris, sont délocalisés à Dakar. Tout le personnel présent à Paris
se trouve désormais à Dakar. Et ça, c’est un signal fort, pas seulement
vers le Sénégal mais vers tous les pays avec lesquels nous travaillons.
C’est par ailleurs un engagement déterminant de la République du
Sénégal et en tant qu’Africain, j’en suis fier. Ils ont tout fait pour qu’on
soit bien ici. » Précisons que les locaux équipés ont été mis à la dispo-
sition de l’IFEF par le Sénégal.
Plusieurs programmes en synergie
L’Institut de la Francophonie pour l’éducation et la formation est
l’un des derniers-nés de l’OIF mais les programmes qu’il pilote
existent depuis plusieurs années : l’Initiative francophone pour la
formation des maîtres à distance (IFADEM), l’Initiative « École et
langues nationales » en Afrique (ÉLAN-Afrique), la Formation et
insertion professionnelle des jeunes (FIPJ) et enfin l’Appui aux in-
novations et réformes éducatives (PAIRE). L’IFEF apporte son ex-
Le bâtiment qui héberge l’IFEF, à Dakar, avant son ouverture.
pertise aux États, mais surtout il se veut un lieu de synergies entre
tous les acteurs de la Francophonie sur le plan de l’éducation et de
la formation.
Interrogé sur les actions de l’Institut sur le terrain, Émile Tanawa
ne manque pas d’exemples. L’IFADEM, qui renforce la capacité
des enseignants, a ainsi été déployé dans quinze pays. Au Sénégal,
l’équipe travaille à Fatick et Kaolack. Le cas du Sénégal est d’ailleurs
emblématique de la formation à distance, explique M. Tanawa.
Dans ces deux régions situées à l’ouest du pays, six cents instituteurs
ont été munis de tablettes contenant des ressources académiques.
Les enseignants ainsi équipés ont la possibilité d’interagir entre eux
mais aussi avec la coordination du programme. Il s’agit donc à la
fois d’autoformation et d’un accompagnement tutoré.
En lien avec les contextes locaux
La plus-value de l’IFEF, c’est, selon son directeur, la mise en contexte
des contenus produits : « Pour l’IFADEM, le contenu est conçu dans
le pays même par un groupe de rédacteurs. C’est très, très important

2 Francophonies du Sud | n° 42 | novembre-décembre 2017

 Gaston Kaboré
pour la bonne compréhension de ce contenu. » Aux

© AFP photo / Seyllou

Comores, autre succès du programme IFADEM, ce
sont tous les enseignants de l’archipel qui sont dé-
sormais en réseau grâce au programme innovant.
En Côte d’Ivoire, la phase pilote du programme a
réuni 500 enseignants et passe désormais à la vi-
tesse supérieure avec 26 000 enseignants parti-
cipants ! « Un des meilleurs exemples du succès du
programme IFADEM ce sont le Burundi et le Bénin.
Là-bas, nos interventions sont arrivées à leur terme,
mais les pays ont pris le relais », ajoute le directeur.
Toujours au Sénégal, le programme ÉLAN, qui vise
à améliorer la qualité de l’éducation en prenant
appui sur les langues locales, mène un programme
pilote : l’apprentissage de la lecture et de l’écriture
dans des classes bilingues. Dans dix classes du pays, les enfants re-
çoivent un enseignement en français et en wolof, l’une des princi-
pales langues du pays. Là encore l’IFEF intervient en appuyant la
politique de l’État sénégalais en la matière : « Il y a la formation des
maîtres sur les techniques, la production de contenus dans les deux
langues, la prise en compte des différences phonétiques, etc. », précise
Émile Tanawa.
Objectif : enseignement massif du français
Les équipes de l’IFEF s’attellent à préparer un nouveau programme :
l’enseignement massif du français. L’Institut travaillera sur le ren-
forcement de capacité des maîtres pour qu’un maximum d’enfants
apprenne la langue française. Les premières actions sont attendues
avant la fin de l’année 2017. Mais en septembre, les équipes de
l’IFEF travaillaient sur un objectif à très court terme : l’inauguration
de leurs nouveaux locaux. La Secrétaire générale de la Francopho-
nie, Michaëlle Jean, et le président de la République du Sénégal,
Macky Sall ont présidé à cet évènement, deux ans après la cérémo-
nie de lancement du projet, en octobre 2015. Q
« C’est une opportunité unique de créer un outil fort,
fédérateur des expertises francophones dans le domaine
de l’éducation incluant la formation professionnalisante et
technique, avec et au service des pays, États et gouverne-
ments de la Francophonie. Fort, au sens du travail de ren-
forcement des capacités, des compétences, des politiques
et programmes d’éducation. Fédérateur, au sens où nous
souhaitons rassembler les opérateurs et les instances de la
Francophonie, en lien avec les coopérations en marche… »
(Michaëlle Jean, Secrétaire générale de la Francophonie,
lors du lancement du projet IFEF, en octobre 2015, aux côtés
du président sénégalais, Macky Sall.)
ENCADRÉ
QUINZE PILOTES POUR L’IFEF
Le Comité de pilotage est chargé d’une mission d’orientation
de la politique et de la stratégie de l’IFEF, garant de la qualité
des actions mises en œuvre. Il est composé de quinze
membres:
– l’Administrateur de l’OIF ou son représentant;
– le Recteur de l’AUF ou son représentant;
– le Recteur de l’Université Senghor d’Alexandrie ou son
représentant;
– le Président en exercice de la Confémen ou son suppléant;
– le Président en exercice de la Conféjes ou son suppléant;
– six représentants des États ou gouvernements membres
des différentes régions de l’espace francophone, choisis par
le Conseil permanent de la Francophonie;
– quatre membres choisis par le Conseil permanent de la
Francophonie, sur proposition du Secrétaire général de la
Francophonie, parmi des personnalités reconnues par leurs
compétences dans les domaines d’action de l’IFEF, des
donateurs de fonds ou du secteur privé. Q

Visite d’une école sénégalaise par Adama Ouane, administrateur de

l’OIF, dans le cadre des classes bilingues wolof/français du programme
ÉLAN, le 17 mars 2017.

Francophonies du Sud | n° 42 | novembre-décembre 2017 3

 À LIRE |
ROMAN FLASH
Pour raconter l’onde de choc et
la terre qui a tremblé en Haïti le
12 janvier 2010, James Noël, poète
haïtien et maître d’œuvre de la
revue Intran-
quillités, a choisi
le roman. Un
premier roman
à première vue
plutôt déjanté,
une Belle mer-
veille insolite qui
secoue le lecteur
de divagation en
divagation. Car le poète s’amuse à
brouiller les pistes dans ce roman
flash au rythme syncopé. Le fil
rouge, c’est l’amour ou le coup de
foudre entre Amore, la Napolitaine
et Bernard, rescapé du désastre:
entre eux cela fait des étincelles,
DR
tandis que tout autour le monde
s’écroule… Humour, folie, sexe et
dérision, l’auteur conjugue tous les
modes pour parler de l’effondre-
ment et d’un pays où, en quelques
secondes, trois cent mille vies ont
été englouties. Ironie du sort, il y a
toujours ceux qui promettent des
« monts et merveilles » et cette
« belle merveille », l’espoir chevillé
aux corps de ceux qui croient, n’est
pas celle que vous croyez, semble
suggérer James Noël. QS. P.
© Francesco Gattoni
James Noël
James Noël, Belle merveille, Zulma
4 Francophonies du Sud | n° 42 | novembre-décembre 2017
RÉCIT
FEMME COURAGE DANS
LA TOURMENTE SYRIENNE
C’est un beau projet que de consacrer un livre Militante des droits
à une femme à proprement parler « extra- de l’homme adepte
ordinaire ». Et Justine Augier relève super- de la non-violence,
bement le défi avec De l’ardeur. « J’ai cherché, l’avocate syrienne
explique-t-elle d’emblée, à restituer ici l’histoire s’est engagée depuis
de Razan Zaitouneh, dissidente syrienne dispa- le début des années
rue sans laisser de traces dans la nuit du 9 au 2000 dans l’enre-
10 décembre 2013 à Douma, ville de la banlieue gistrement systé-
de Damas où elle pensait avoir trouvé refuge. » matique des actes
En trois cents pages serrées, intenses, de violation dans
vibrantes, elle rend compte avec précision et son pays (vaste pro-
justesse d’un engagement humain et politique gramme, hélas !). Disparue en 2013 avec ses
hors-norme. Sans pour autant cependant dres- compagnons de lutte pour la justice (son mari
ser un portrait platement hagiographique ! Waël Hamada, ses collaborateurs Samira Al-
Non, elle enquête et rapporte par petites Khali et Nazem Al-Hamadi), probablement as-
touches subtiles la vie d’une femme prise dans sassinée, elle incarne l’absolu de la résistance.
la nécessité de l’action. Nourri de nombreux témoignages (membres
de la famille et de l’opposition syrienne exilés
à Beyrouth ou à Istanbul…), le récit replace à
la façon d’un puzzle les mille et une pièces qui
constituent l’histoire complexe de ce pays dé-
vasté par la guerre. Une restitution nécessaire
pour éveiller les consciences occidentales en-
dormies ? QSophie Patois
Justine Augier
Justine Augier, De l’ardeur. Histoire de Razan Zaitouneh avocate
syrienne, Actes Sud
CONCOURS
À VOS PLUMES !
La revue Africultures fête ses 20 ans et lance pour l’occasion un concours d’écriture.
« Les différences se rencontrent, s’ajustent, s’opposent, s’accordent et produisent de l’imprévisible. »
Autour de cette citation-thématique inspirée du poète, essayiste et romancier Édouard Glissant, Afri-
cultures invite les personnes, sans limite d’âge, à la création dans l’une des quatre formes suivantes:
poème, texte slamé/ rapé, nouvelle, pièce de théâtre.
Ce concours d’écriture s’inscrit dans la continuité du travail d’Africultures depuis 20 ans: documenter
les œuvres artistiques contemporaines des Afriques et des diasporas et aussi accompagner et en-
courager la création. Font d’ores et déjà partie du jury: Gaël Faye, Marc Alexandre, Oho Bambe, Ouafa
Mameche, Laurie Pezeron, Roxane Yap, Virginie Brinker et Gauz.
Comment participer?
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texte slamé ou rapé.
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15000 signes espaces compris.
đƫƫ*2+5!.ƫ2+0.!ƫ°12.!ƫ!*ƫ"+.)0ƫ3+. ƫ!0ƫ, "ƫHƱč concours@africultures.
com. Possibilité d’envoyer un format audio (mp3) pour la catégorie « Texte
slamé ou rapé ».
đƫ0!ƫ(%)%0!ƫ !ƫ(Ě!*2+%Ʊčƫ25 novembre 2017. Q
ROMAN
LE SALUT
PAR L’ÉCRITURE
Nul doute que les livres occupent une place de choix dans l’œuvre
de Kamel Daoud! Son premier roman multiprimé (entre autres par
le Prix des 5 continents), Meursault, contre-enquête (voir FDS 36 et
l’entretien avec l’auteur p. 18-19 du FDLM 408), ouvertement conçu
en référence à L’Étranger d’Albert Camus, plaçait déjà la littérature
au cœur du sujet.
Avec Zabor ou les psaumes, l’écrivain algérien réaffirme sa pas-
sion pour les lettres, le langage, l’écriture comme une authentique
Kamel Daoud
planche de salut… Le sort d’Ismaël, qui a choisi le prénom de Zabor
(ce qui signifie « psaumes ») et dont il nous raconte l’histoire, est en
effet lié à un don, celui de préserver la vie en écrivant. « Écrire est la
seule ruse efficace contre la mort. Les gens ont essayé la prière, les
médicaments, la magie, les versets en boucle ou l’immobilité, mais
je pense être le seul à avoir trouvé la solution: écrire. » Ainsi Zabor
introduit-il son récit. Une profession de foi pour le moins laïque et
dérangeante dans un univers où seul règne la loi de Dieu…
Conte, fable, parabole, le roman de Kamel Daoud ne se
laisse pas enfermer facilement dans une case ou une caté-
gorie toute faite. Jouant sur les pleins et les déliés d’une langue tour à tour « orale »
ou écrite, il mélange les genres, confesse et donne au final matière à réflexion. « Toute
langue est autobiographique » souligne Kamel Daoud, qui explique aussi à pro-
pos de ce roman: « L’idée était de sauver la Shéhérazade des Mille et une nuits et
de reposer la plus ancienne des questions: peut-on sauver le monde par un livre? »
Au lecteur de trancher… QSophie Patois
Kamel Daoud, Zabor ou les psaumes, Actes Sud
TÉMOIGNAGES
MÉMOIRES VIVES
Vingt ans après la tragédie du génocide rwandais, en 2014, a été
créé à Kigali un « atelier de mémoire ».À l’initiative de Florence
Prudhomme, philosophe et journaliste dont on connaît l’enga-
gement au Rwanda, notamment auprès des femmes,
avec la création de l’ONG « Rwanda avenir » (www.
rwanda-avenir.org) et la « Maison de quartier » dont
l’objectif est d’aider des survivants au destin dévasté à
se reconstruire.
Chaque semaine, durant une matinée, des femmes,
des hommes, des jeunes gens se sont réunis autour des
« grandes mamans » (veuves rescapées du génocide)
pour écrire chacun son « Cahier de mémoire », qu’ils se
sont lus les uns les autres. S’est dessinée ainsi une expé-
rience commune à partir de récits individuels porteurs des souf-
frances, des terreurs et des traumatismes qui brûlaient la mémoire
de chacun. Mais aussi parfois à partir des souvenirs heureux qui,
en arrivant aux mots, aident à restaurer les âmes démolies. Car,
si au cœur de chacun de ces « Cahiers de mémoire », se trouve le
Francophonies du Sud | n° 42 | novembre-décembre 2017
RÉCIT
LE POINT DE MIRE
Le petit ouvrage écrit par Natha-
naël Koty est d’abord et avant tout
la transcription d’un regard. Le
regard affuté d’un administrateur
bardé de diplômes et responsable
d’un site, le péage d’Abhozon –
entre Ouidah et Cotonou – dont il
fait un poste d’observation stra-
tégique sur la société béninoise.
Koty use à la fois de ses qualités d’analyse socio-
logique et de son art de conteur hors pair pour
© Renaud Monfourny
dévoiler « le vrai visage » de son pays, un Bénin aux
prises avec une modernité chaotique, des traditions
moribondes et des déséquilibres socio-écono-
miques. Patron, il doit régler d’incessants démêlés
avec un personnel « très motivé pour la tricherie »,
mais aussi veiller au grain face aux divers usagers
du péage, camionneurs béninois, togolais, ivoiriens
ou nigérians, sommités politiques s’octroyant des
privilèges, petits commerçants, chauffeurs de
taxi, qui refusent – et parfois avec violence – de
comprendre qu’au péage, il faut payer ! À quoi
s’ajoutent de sombres et mystérieuses histoires
liées à de vieilles superstitions… Comme le dit l’écri-
vain Florent Couao-Zotti, qui préface l’ouvrage,
« le vrai visage de mon pays est une métaphore du
mal et du mal-être béninois ». QFélix Traoré
Nathanaël Koty, Le vrai visage de mon pays. Ma vie au poste de péage,
L’Harmattan, 2017
récit du génocide de 1994, la mémoire convoquée déploie l’avant
et l’après : souvenirs de la famille et adresse à ceux qui viennent,
aux enfants du Rwanda à venir.
Une démarche de reconstruction de soi, donc, où les par-
ticipants ont été accompagnés dans leur parcours par des
thérapeutes rwandais. Se reconstruire, c’est remettre en
marche son histoire personnelle, redéfinir sa filiation,
transmettre à ceux qui viendront et marquer son refus
de voir s’effacer les noms et les visages des disparus.
Mais ces textes constituent aussi un témoignage rare,
où s’offrent des confidences intimes sur des histoires
individuelles bouleversées par les violences qui, depuis
plus d’un demi-siècle, ont ravagé ce pays. D’où la volonté
partagée de les publier, traduits du kinyarwanda en français, pour
faire entendre la voix de ceux qui, en réponse aux injonctions gé-
nocidaires, ont choisi de lancer un appel à la vie. QOdile Gandon
Cahiers de mémoire, Kigali, 2014, éd. Classiques Garnier, coll. « Littérature, Histoire, Politique », 2017.
À lire aussi: Florence Prudhomme, Rwanda, l’art de se reconstruire, éd. Ateliers Henry Dougier, 2015.
5
À VOIR |
DANSE

« KALAKUTA REPUBLIK »,
HOMMAGE DANSÉ À FELA KUTI

A
u Festival d’Avignon, l’été dernier, Serge Aimé

© Christophe Raynaud de Lage

Coulibaly, chorégraphe originaire du Burkina Faso,
évoquait dans son spectacle la vie militante et l’afro-
beat du célèbre musicien et chanteur nigérian Fela
Kuti (mort en 1997), dont il partage l’enthousiasme et l’engagement.
Une première partie, haute en couleurs et festive comme les cé-
lébrations qu’aimait organiser Fela dans sa résidence-forteresse
Kalakuta Republik, république démocratique autoproclamée au
sein d’un régime autoritaire. Sur des airs et les rythmes de Fela,
merveilleusement arrangés par Yvan Talbot, la liberté des corps
s’exprime dans une chorégraphie très travaillée et un langage
corporel tout en tension et en tremblements. Chacun crée sa
propre gestuelle pour rejoindre une énergie collective. Parmi les
Les trois danseuses et trois danseurs de Kalakuta Republik, au dernier
six danseurs, trois hommes et trois femmes, une seule danseuse a Festival d’Avignon.
la peau blanche et une tâche bleue sur son cou, petit clin d’œil à la
compagne nord-américaine de Fela, mais surtout affirmation de blic, entre dans un délire, avec visions, visage peint, moitié blanc,
l’universalité de la situation et de l’urgence actuelle de défendre moitié noir, pour bien montrer l’universalité du propos. C’est un
toutes les démocraties menacées, partout, de totalitarisme. moment unique.
Les corps effondrés se relèvent et cherchent leur énergie et leur
Ovationné au Festival d’Avignon force dans la musique de Fela et dans la danse, danse puissante,
Dès le début de la seconde partie, une explosion et un nuage de danse multiple aux sources de la vie. Souffle coupé, les specta-
fumée blanche interrompt la fête et signifie l’invasion et la des- teurs sont saisis par un final, aux gestes répétitifs, digne de Pina
truction de Kalakuta Republik par l’armée. Finis les rêves, toutes Bausch , rituel de combat, qui invite à l’action. Méritée, une longue
les chaises sont renversées, comme les corps. Sur fond de pro- standing ovation a salué cette pépite de la 71e édition du Festival
jection, sur les arches du cloître des Célestins, d’images d’Alep d’Avignon. Ovation qui s’est répétée fin septembre aux Francopho-
détruites, Fela, interprété par Serge Aimé Coulibaly, face au pu- nies de Limoges. QGérard Elbaz

CINÉMA

MOURIR DE NE PAS DONNER VIE

La première séquence de L’Arbre sans fruit(1), de la documentariste
nigérienne Aïcha Macky (voir portrait p. 8), est très belle. Les cou-
leurs du lieu où on accueille un nouveau-né sont douces, l’image ci-
nématographique posée. La sage-femme, après avoir échangé avec
la jeune femme en couches, s’adresse à la cinéaste, côté caméra.
L’objectif est situé derrière la parturiente, allongée sur la table de
travail. Le spectateur, d’emblée, se sent concerné.
La voix de la réalisatrice se fait entendre sur les premiers cris du nou-
veau-né, un peu comme si c’était elle qui revenait au monde avec
ce film. Plongée dans le temps? S’agit-il de conjurer le sort? Aïcha
Macky s’adresse à sa mère: « Chère maman, derrière la caméra, je
tremble de tout mon corps. Cette naissance fait ressurgir en moi le
souvenir de tes funérailles… » Puis, c’est la nuit, telle une métaphore.
La réalisatrice se met en scène. On la voit marcher de dos, dans une
rue noire et on entend sa voix: « J’avais cinq ans alors, j’ai longtemps
cru que tu avais voyagé, et que tu reviendrais un jour. Il y a quelques
années, je me suis mariée, et aujourd’hui encore, nous n’avons pas
d’enfant. En donnant la vie, tu as perdu la tienne. Et moi, je meurs à
petit feu en ne la donnant pas. »
L’Arbre sans fruit est ainsi un film qui évoque
l’infertilité du couple, un film autobiogra-
phique. « C’est aussi, explique Aïcha Macky, so-
ciologue de formation, un travail de mémoire
par rapport à la famille. » Le marabout, chez
qui elle se rend dans la suite du film, évoque
des zones d’ombre ainsi qu’une marche à
suivre précise pour conjurer le sort. Il affirme
à la jeune femme qu’elle aura deux garçons et une fille. Il insiste: « La
Terre a dit: tu auras des enfants. » Elle se tait, mais ne manque pas de
prendre sa mère à témoin: « Entends-tu ces absurdités, maman? »
L’Arbre sans fruit a participé à de nombreux festivals internatio-
naux et a obtenu de nombreux prix(2). Ce très beau documentaire
s’adresse, tout en finesse et avec beaucoup d’intelligence, à des pu-
blics très différents. C’est là toute sa force. QSophie Bachelier
1. Collection Lumières d’Afrique, qui promeut chaque année dix nouveaux films documentaires africains.
2. Sélection aux états généraux du film documentaire de Lussas (France) / “Prix du Jury & Prix du Public” aux
écrans du Réel, Le Mans (France) / “Prix du Premier Film” – Festival International Jean Rouch, Paris (France) / “Prix
du Meilleur Moyen-Métrage” – Festival du film documentaire de Saint-Louis (Sénégal) / “Prix du Meilleur Docu-
mentaire” – African Movie Academy Awards de Lagos (Nigeria).

6 Francophonies du Sud | n° 42 | novembre-décembre 2017

THÉÂTRE
LA VIE RÊVÉE DE CAROLINE GUIELA NGUYEN
L’idée la taraudait depuis longtemps : découvrir le pays de sa
mère, le Vietnam, et retrouver ses propres racines. Avec une
belle intelligence, un brin de chance et beaucoup d’obstination,
Caroline Guiela Nguyen, au mitan de la trentaine, y est enfin
parvenue, grâce à de nombreux soutiens institutionnels, par le
biais de son art, le théâtre.
Elle a ainsi pu mener à bien un projet original dans lequel comé-
diens français et vietnamiens se côtoyaient, chacun parlant dans
sa propre langue, quelques-uns sachant passer de l’une à l’autre
tout simplement parce que vivant en France (d’authentiques « Viet
kieu » comme on les appelle) alors que leurs camarades de Hô Chi
Minh-Ville, issus d’ateliers organisés sur place, n’étaient, eux, ja-
mais sortis de leur pays… Des comédiens venant d’horizons divers
et « lointains » pour bâtir et mener une aventure commune.
Caroline Guiela Nguyen s’est nourrie des paroles et des histoires
des uns et des autres, de bien d’autres personnes rencontrées
ici et là, à Hô Chi Minh-Ville notamment. Les temps de répé-
titions se sont partagés entre la France et le Vietnam. Un beau
partage… que l’on retrouve dans le travail de plateau où l’action
Saigon, spectacle jouée par la compagnie de Caroline Guiela
Nguyen, Les Hommes approximatifs.
ÉCOUTER LES GRANDES VOIX DE LA PENSÉE
L’Institut du Tout-
Monde (ITM), créé en
2006 par l’immense
poète martiniquais
Édouard Glissant
(décédé en 2011) et
son épouse Sylvie,
est un lieu d’intense
Photogramme extrait du film Carthage a c t i v i té i n te l l e c -
Édouard Glissant, de Jean-Denis Bonan. tuelle: rencontres,
conférences, travail pédagogique auprès des écoles, site numé-
rique. Au cœur de la réflexion de Glissant, et relayée par le travail
de l’Institut, deux notions clés: la Relation et le Divers. La relation
avec l’autre, « relation de pur partage, où échange et découverte
Francophonies du Sud | n° 42 | novembre-décembre 2017
©Jean-Louis Fernandez
Anh Tran Nghia fait partie des huits acteurs vietnamiens qui participent
au spectacle.
se passe dans un restaurant vietnamien du XIIIe arrondissement
de Paris, qui devient par la simple magie des éclairages et de
l’imagination du spectateur, un restaurant à Saigon – nom de la
ville aux temps coloniaux qui donne son nom à la pièce.
Des répétitions aux représentations les espaces et les temps sont
subtilement mêlés comme le sont les histoires des protagonistes
qui, bien sûr, se croisent et se décroisent. Car Caroline Guiela
Nguyen a situé son(ses) action(s) entre 1956, deux ans après la
défaite de Dien Bien Phu, et 1996, date à laquelle certains Viet
kieu ont pu retourner dans leur pays d’origine ; un long laps de
temps qui lui permet de de bouleverser la chronologie du récit
et de construire des histoires mélodramatiques à souhait, mais
qui sont toutes imprégnées d’un certain bonheur : celui que la
metteuse en scène et ses compagnons d’aventure ont éprouvé
dans leur travail. QJean-Pierre Han
Saigon par Caroline Guiela Nguyen. Spectacle présenté au festival d’Avignon, puis en tournée jusqu’en
2018. Voir sur: http://www.leshommesapproximatifs.com/2017-mon-amour-2/
et respect sont infinis, allant de soi », échange
où chacun, gardant sa part d’opacité, rencontre
l’autre sans se perdre ni se dénaturer. Il s’agit
là d’une pensée cruciale et urgente dans notre
temps de mondialisation et de migration! Le site
de l’ITM propose, entre autres, de nombreuses
publications numériques audiovisuelles (sons,
vidéos). Un compte Sound Cloud officiel vient
www.tout-monde.com
d’être créé, qui permet à tous de consulter des
archives sonores du plus haut intérêt: une conférence de Franz
Fanon sur « Racisme et culture », datant de 1956, des poèmes de
Senghor, Césaire et Glissant lus par eux-mêmes, un dialogue entre
Glissant et Abdelwahab Meddeb, deux irremplaçables éveilleurs
de culture, aujourd’hui disparus… QOdile Gandon
7
PORTRAIT |
AÏCHA MACKY,
FILMER POUR CHANGER
LES MENTALITÉS
Née à Zinder, la première capitale
du Niger située à mille kilomètres
à l’est de Niamey, Aïcha Macky,
35 ans, appartient à la jeune
génération de documentaristes
nigériens. Ses films, d’une belle
délicatesse, invitent le public à
une réflexion sur les sujets tabous
qui ont cours dans la société
nigérienne.
PAR SOPHIE BACHELIER
T
itulaire d’une maîtrise en sociologie portant notam-
ment sur les questions d’immigration, Aïcha Macky
a pris conscience très tôt des nombreuses difficul-
tés rencontrées par les femmes de la société nigé-
rienne. Elle se dit révoltée. Par exemple, qu’une
femme n’ait pas accès à la terre quand son père décède. Parce qu’il
s’agit, dit-elle, de « faire de la sociologie autrement, et qu’en Afrique,
les écrits, les thèses, demeurent en français et restent inaccessibles aux
populations analphabètes », Aïcha Macky côtoie le Forum africain
du film documentaire (FAFD) de Niamey dans le but de devenir
documentariste.
La jeune femme commence sa carrière de ci-
néaste avec Moi et ma maigreur, un premier
court-métrage de 13 minutes, réalisé en 2011.
Un film documentaire qui questionne la per-
ception du corps « maigre » et le lien que tisse
la société par rapport à celui-ci avec des mala-
dies telles que le sida. Elle obtient par la suite
un master I en « Audiovisuel et documentaire
de création », suivi d’un master II en « Réalisa-
tion documentaire de création », à l’université
Gaston-Berger de Saint-Louis du Sénégal, en
2013, avec son film Savoir faire le lit, qui in-
terroge les tabous et les non-dits autour de la
question de l’éducation sexuelle entre mère et
fille au Niger et au Sénégal. C’est « grâce à sa
poésie », précise Aïcha, que le film sera accepté Au YALI 2016, un programme initié
par Barack Obama en faveur des jeunes
des publics nigérien et sénégalais. leaders africains.
8 Francophonies du Sud | n° 42 | novembre-décembre 2017
DR
Briseuse de tabous
Elle poursuit sa formation par des stages successivement au sein
de Contrechamps et de Maggia Images, en travaillant comme
assistante sur de nombreux films de fiction et de documen-
taire parmi lesquels Une journée avec Alhousseini d’Idi Nouhou.
L’Arbre sans fruit est son premier long-métrage documentaire
(voir p. 6).
La ligne éditoriale d’Aïcha Macky : dévoiler les interdits du
monde souvent fermé dans laquelle elle évolue. C’est son défi,
son challenge. Elle sait la forme poétique qui permet de dire,
DR de montrer, sans les froisser, ceux qu’elle
filme. L’Arbre sans fruit a été réalisé dans un
contexte sécuritaire compliqué au Niger.
Julien Bossé, le chef opérateur, a obtenu
une très belle image en seulement douze
journées. La réalisatrice a dû convaincre
les familles, mais certains personnages
ont lâché l’équipe au dernier moment par
crainte de s’exprimer publiquement sur des
sujets intimes et tabous. Il a fallu réinventer,
au dernier moment, comme souvent avec le
documentaire.
Pour évoquer son cinéma, Aïcha Macky
n’hésite pas à parler d’un « cinéma du laid »,
qui aborde les sujets les plus durs de façon
abrupte. Avec un objectif avoué : amorcer
un changement de mentalité dans la société
nigérienne. Q

VIIIES JEUX DE LA FRANCOPHONIE
ABIDJAN 2017, PARI RÉUSSI !
D
ès le 30 juillet, soir de clôture,
chacun louait la réussite géné-
rale de ces VIII es Jeux de la
Francophon ie, notamment
sur le plan d’une organisation impeccable.
Si certains ont pu mettre un bémol en lais-
sant entendre que les Abidjanais avaient
délaissé un évènement jugé trop institu-
tionnel à leur goût, on peut se demander
si ces commentateurs avaient réellement
assisté aux innombrables manifestations
qui se sont déroulées durant les dix jours
des Jeux de la Francophonie dans la capi-
tale économique ivoirienne.
Un exemple : la finale de football entre la
Côte d’Ivoire et le Maroc au stade Félix-Hou-
phouët-Boigny. « À combien pouvait-on
dénombrer le public qui a pris d’assaut le Féli-
cia ? 35 000, 40 000, ou plus ? Le moins qu’on
puisse dire est que le stade était plein à craquer.
Du jamais-vu pour un match de jeunes », titrait
un quotidien abidjanais le lendemain. Et
ceux qui ont vécu les mouvements de foule
liés aux confuses tentatives de pénétrer dans
l’enceinte jugeront d’un autre œil encore
le « faible » taux de participation… Quasi-
ment partout, du Musée des civilisations à
l’Institut Français, du Palais de la Culture à
celui des Sports, du Plateau à Treichville, le
public était là en nombre, à la fois curieux et
enthousiaste, accueillant et chaleureux.
POUR EN SAVOIR PLUS
Site officiel des Jeux de la Francophonie : www.jeux.francophonie.org
Site officiel des VIIIes Jeux de la Francophonie : www.abidjan2017.ci
Francophonies du Sud | n° 42 | novembre-décembre 2017
DOSSIER |
© CIJF
Sur le plan politique, l’aventure a surtout
donné une preuve de sa dimension interna-
tionale, avec des concurrents venus de toute
la planète francophone, des journalistes
du monde entier, et des visiteurs étrangers
en grand nombre. On sait que des tensions
avaient précédé de peu l’ouverture des Jeux,
obligeant à un déploiement conséquent des
forces de l’ordre. Mais peut-on se passer, ici
et là, des questions de sécurité ? Et s’il y a eu
quelques couacs, quel évènement de cette
ampleur pourrait s’en prémunir ?
Les Jeux de la Francophonie ne sont pas
olympiques : on n’y bat pas de records du
monde, les stars y sont par anticipation.
Mais l’enjeu des Jeux est ailleurs. Ils sont
avant tout une formidable expérience, un
brassage des talents et des performances.
Échange unique du corps et de l’esprit, de
la tête et des jambes, ces Jeux exaucent le
vœu de l’amateurisme cher à Coubertin , où
l’essentiel est de participer. Et Abidjan 2017,
plus encore que l’édition de 2013 à Nice,
a montré que les participants étaient par-
tout, d’un côté comme de l’autre des scènes
et des terrains, et que la communion avec le
public a fait de ces Jeux une véritable fête
populaire. Tous les Ivoiriens qui les ont fait
vivre ont montré que la francophonie ne
peut réussir que si elle s’apparente au pari
pascalien : il faut d’abord y croire. Q
9
DOSSIER | JEUX ET ENJEUX
DES VALEURS EN ACTION
C’est à Abidjan, capitale économique de la Côte d’Ivoire, que s’est déroulée cet été, pour la
huitième fois depuis sa création en 1987, cette manifestation profondément originale et
porteuse de sens, entre sport et culture, que sont les Jeux de la Francophonie.
PAR ODILE GANDON
La secrétaire générale de la Francophonie, Michaëlle Jean, rencontrant
à Abidjan le président ivoirien Alassane Ouattara.
T
ous les quatre ans, l’année post-olympique, ont lieu
ces Jeux de la Francophonie qui réunissent jeunes
athlètes et artistes venus de tous les pays de l’espace
francophone. « Solidarité, Diversité, Excellence » :
trois mots-clés définissaient le slogan et l’ambition de
cette huitième édition d’un évènement devenu l’expression concrète
des valeurs et des engagements de la communauté francophone,
tout particulièrement auprès de sa jeunesse.
Sous le signe de la rencontre
Les Jeux de la Francophonie, dans leur organisation même, sont créa-
teurs de rencontres enrichissantes et variées, promesses d’échanges
dans la durée. Ils se déroulent en alternance dans un pays du Nord
et un pays du Sud – la Côte d’Ivoire étant le troisième pays africain
après le Maroc et le Niger à les accueillir – et c’est à chaque fois un
brassage étonnant de cultures et de traditions qui ouvre à la connais-
sance des autres. Autre rencontre fructueuse : celle des sports et des
arts, domaines d’activité trop souvent séparés dans leurs program-
mations habituelles. Sans oublier les rencontres animées et joyeuses
entre lauréats et public, ce dernier étant invité à assister à toutes les
épreuves, à participer à des ateliers animés par les concurrents, à
écouter des contes, des chansons et des lectures d’œuvres littéraires,
à visiter des expositions de sculptures, de peintures, d’installations,
à voir des démonstrations de créations numériques ou de dévelop-
pement durable.
10
Une éthique exemplaire
Organisés par les Comités national et international des Jeux de la
Francophonie (CIJF et CNJF) sous l’égide de l’Organisation inter-
nationale de la Francophonie (OIF), ces Jeux sont l’occasion pour la
communauté francophone de mettre en œuvre les principes de trans-
parence et de responsabilité qui la fondent. Le recrutement des candi-
dats, dans chaque pays, se fait selon un cahier des charges rigoureux.
Au niveau de chaque pays, un premier jury officiel lance un appel
à candidature et sélectionne la délégation qui représentera le pays,
en tenant compte des qualités des candidats (tous âgés entre 18 et
35 ans), mais aussi de la parité et de l’équité. Même exigence au
sein des jurys lors des concours. Pour le volet « culture », il s’agit
pour chaque discipline de cinq personnalités du milieu artistique
ou créatif concerné et de nationalités différentes. Leur jugement, au
cours des épreuves, est d’ailleurs soumis à l’appréciation du public
présent ! Les épreuves sportives, elles, suivent à la lettre les règle-
ments des fédérations internationales, qui apportent leur soutien à
l’organisation des Jeux.
Une constante dans les propos des participants à Abidjan 2017 :
certes, il s’agissait de répondre au mot d’ordre d’« excellence » par les
meilleures performances, dans tous les domaines, mais, plus encore
que la compétition, c’est le partage d’expériences, la reconnaissance
des diversités et la solidarité qui restent en mémoire après les Jeux.
Une manifestation ouverte sur l’avenir
Depuis leur création, les Jeux de la Francophonie n’ont cessé d’évo-
luer, pour être en phase avec les mutations du monde, d’une part, et
les initiatives des jeunes créateurs, répondant ainsi aux attentes de
la jeunesse francophone. Ainsi, lors des Jeux de Beyrouth, en 2009,
on a vu apparaître la création numérique parmi les disciplines en
concours. À Nice, en 2013, les arts de la rue (jonglerie, hip-hop et
marionnettes géantes), en pleine dynamique, ont été à leur tour
admis dans le volet culturel et la préoccupation écologique a trouvé
sa place avec la création pour le développement durable. Solidarité
oblige, le handisport a lui aussi été introduit en athlétisme.
Surtout, les Jeux sont un tremplin pour les jeunes talents vers une
carrière internationale, qu’il s’agisse de sports (David Douillet, Marie-
José Pérec ou Hicham El Guerrouj y ont connu leur première victoire
dans une compétition internationale) ou du domaine culturel. Pen-
sons ainsi à l’invitation à participer à Dak’Art, la Biennale d’art contem-
porain de la capitale sénégalaise, pour les plasticiens récompensés,
sans oublier la présence, lors des Jeux, d’experts et de galeristes avec
Francophonies du Sud | n° 42 | novembre-décembre 2017
 Francine Landry (au centre), la ministre de la Francophonie du
Nouveau-Brunswick qui accueillera les prochains Jeux, au moment de
la passation de pouvoir, le 30 juillet, à Abidjan. « 2021, c’est maintenant!
a-t-elle clamé. Nous repartons en étant sûr d’avoir un repère pour réussir
notre organisation car tout a été très bien fait: l’hébergement, la mobili-
sation populaire, la sécurité et surtout le transport. Tout cela nous aidera
à réussir la IXe édition des Jeux de la Francophonie! »

ABIDJAN 2017 EN CHIFFRES

53 ÉTATS ET GOUVERNEMENTS
PARTICIPANTS

900300
lesquels se nouent des contacts prometteurs. Souvent une réussite aux
Jeux ouvre des portes pour des festivals internationaux, en danse ou JOURNALISTES ACCRÉDITÉS,
arts de la rue et celles des maisons d’édition pour les textes primés. DONT INTERNATIONAUX

4 000
De plus, des partenaires privilégiés des Jeux et de la Francophonie
dans son ensemble ont distingué plusieurs de ces talents naissants,
dont ils ont loué les performances ou l’inventivité. L’Agence uni-
versitaire de la Francophonie (AUF) a ainsi primé les lauréats des COMPÉTITEURS
concours de Création en développement durable et en Littérature.
et personnel encadrant
La Conférence des ministres de la jeunesse et des sports de la Fran-
millions de téléspectateurs
cophonie (CONFEJES) accompagne quant à elle les lauréats spor-
tifs, à travers un appui financier pour leurs entraînements, l’octroi 500 mille spectateurs
de bourses pour intégrer des centres de haut niveau et la mise en
place d’un fonds d’appui pour leur participation à des compétitions
régionales et internationales. Enfin, l’Association internationale des
plus de 60 heures de programme Télé
maires francophones (AIMF) – présidée par la maire de Paris Anne
Hidalgo, qui, après avoir visité le Village des Jeux de la Francophonie
300 000
VISITES SUR LE SITE INTERNET DES JEUX
en pleine construction, en mars, a appris six mois plus tard que sa
ville recevrait les jeux Olympiques en 2024 – a récompensé la com-
pagnie ivoirienne de marionnettes géantes.
350médaillés
3 000 BÉNÉVOLES
Il reste à toute la communauté francophone à féliciter la Côte d’Ivoire
et la ville d’Abidjan d’avoir assumé magnifiquement la réalisation
de cette édition, d’en avoir fait un véritable évènement moderne et
populaire, vivant et écologique, si bien qu’on a pu parler, à propos TÉMOIGNAGE
d’Abidjan 2017, de « Jeux durables ». Durable, au point que la même
MARTINE GOUBA, bénévole
ferveur, le même souffle sont attendus en 2021, au Canada Nou-
« Je suis ivoirienne et j’habite depuis près
veau-Brunswick, lieu de la prochaine édition. Q
de 7 ans à Abidjan. Je suis étudiante en
Master 2 de droit privé. L’an passé, j’avais
Les compétitions sportives Les concours culturels souhaité aller étudier à Nice, mais je
đŏ
0$(h0%/)!ŏĨ$ĥ"ĩŏ đŏ
.0/ŏ !ŏ(ŏ.1!ŏčŏ$%,ġ$+,Č n’ai pas obtenu de visa… Les Jeux de la
đŏ/'!0ġ((ŏĨ"ĩŏ marionnettes géantes et Francophonie, c’est une belle opportu-
đŏ++0((ŏĨ$ĩ nité pour tous les 3000 bénévoles, qui
jonglerie avec ballon
comme moi sont surtout des étudiants. À
đŏ* %/,+.0ŏĨ0$(h0%/)!ĩŏĨ$ĥ"ĩŏ đŏ
.0/ŏ2%/1!(/ŏčŏ,!%*01.!ŏ!0ŏ
la fin des Jeux nous recevrons un certificat, et c’est bien pour notre
đŏ
1 +ŏĨ$ĥ"ĩŏ sculpture/installation
CV, c’est une expérience internationale. Pour ma part, j’ai surtout
đŏ100!/ŏčŏ(100!ŏ".%%*!ŏ!0ŏ(100!ŏ
libre (h/f)
đŏ!**%/ŏ !ŏ0(!ŏĨ$ĥ"ĩŏ
đŏ$*/+*ŏ
đŏ+*0!ŏ!0ŏ+*0!1./
đŏ*/!ŏ !ŏ.h0%+*
été affectée au Musée des Civilisations, où il y avait les concours
culturels, comme la sculpture, la photographie, les nouvelles ou la
peinture. J’ai notamment fait de belles rencontres avec le peintre
đŏ5(%/)!ŏ/1.ŏ.+10!ŏĨ!*ŏ h- đŏ%00h.01.!ŏĨ*+12!((!ĩŏ arménien – qui a réalisé un superbe tableau ici à Abidjan – et une
monstration) (h/f) đŏ$+0+#.,$%! peintre canadienne. Les gens sont très courtois et pour nous c’est
Les concours de création important de donner une bonne image, de la Côte d’Ivoire et des
Ivoiriens. Et en plus des Jeux, nous les encourageons à découvrir
đŏ.h0%+*ŏ,+1.ŏ(!ŏ h2!(+,,!)!*0ŏ 1.(!ŏ
Abidjan et à visiter les quartiers de la ville. » Q
đŏ.h0%+*ŏ*1)h.%-1!ŏ

Francophonies du Sud | n° 42 | novembre-décembre 2017 11

 DOSSIER | PORTFOLIO
© CIJF

1.

2. 3.
© C. Balta

Lors de la cérémonie d’ouverture (1). © J.Van Belle – WBI

La lauréate du concours de chanson,
Fany Fayard (2), représentant la RDC,
qui a mis le feu au Palais de la Culture.
L’arène sablonneuse de la lutte africaine
(3), sous la bonne garde du Palais
des Sports où se déroulaient les
épreuves de judo (4) et de basket
féminin.
La finale du 100 mètres Dames, rem-
porté par la Congolaise Natacha Ngoye
Akamabi, devant la Camerounaise Marie
Gisèle Eleme Asse et la Suissesse Sa-
mantha Dagry (5).

5.
© CIJF

12 Francophonies du Sud | n° 42 | novembre-décembre 2017

 L’Ivoirien Ignace
© CIJF

Kassio dans une pres-

tation de jonglage avec
ballon (il fera la même
chose avec un œuf
et une bille !). « Les
gens disaient que je ne
pouvais pas faire mieux
qu’eux, alors je me suis
dit que si je travail-
lais, ça pouvait être
intéressant pour tout le
monde», a déclaré
le médaillé de bronze,
dont le bras droit est
atrophié depuis la
naissance.

Sublime 1 porte bien

son nom. Premier
tableau d’une série
de l’artiste congolais

© C. Balta
Punch Mak, qui rend
hommage à la beauté
de la femme africaine.

4.

© C. Balta

Dans le cadre
d’un atelier « Libres
ensemble », le grand
projet lancé par l’OIF
en mars 2016, organisé
sur place à Abiidjan,
Michaëlle Jean inau-
gure officiellement
la fresque au Village
des Jeux (ci-contre).
Construit pour l’occa-
sion, celui-ci a accueilli
les 4000 compétiteurs
ainsi que leur encadre-
ment durant toute la
durée de l’évènement.
© C. Balta
© CIJF

Francophonies du Sud | n° 42 | novembre-décembre 2017 13

 DOSSIER | SPORT
D’OR ET D’IVOIRE
Huit disciplines sportives émaillent les
Jeux de la Francophonie. L’occasion pour
les jeunes athlètes de s’aguerrir au niveau
international dans une ambiance de liesse
qui a enjaillé tout Abidjan. Aperçu d’une
compétition unique, à corps et à cris.
PAR CLÉMENT BALTA
H
ormis l’athlétisme et la finale de football qui avaient
lieu dans le grand stade Félix-Houphouët-Boigny,
hormis évidemment le cyclisme sur route dont le cir-
cuit reliait Abidjan à Grand-Bassam – une nouvelle
fois en démonstration comme aux Jeux de Nice il y
a 4 ans (la ville française ayant d’ailleurs offert à son homologue
ivoirienne une trentaine de vélos en carbone, belle preuve de soli-
darité francophone) –, l’ensemble des évènements sportifs se situait
dans l’enceinte du Palais des Sports de Treichville ou à proximité.
Un Palais qui n’a peut-être jamais aussi bien porté son nom.
Unité de temps et de lieu respecté pour une dramaturgie parfaite, il
était ainsi possible de voir dans une même journée et sur un espace
réduit les garçons s’affronter au Stade Champroux de Marcory en
football, les filles sur l’un des deux terrains flambant neuf de bas-
ket-ball construits pour l’occasion, de s’offrir un combat intense de
judo ou de lutte libre au « Colisée » du Palais des Sports, voire un duel
tout aussi âpre en lutte africaine, dans l’arène de sable édifiée à ses
pieds. Et si cela ne suffisait pas, le trépidant tacatac de la petite balle
de tennis de table vous attendait dans la salle du gymnase attenant.
Jeux divers
Il n’y a bien qu’aux Jeux de la Francophonie qu’on peut assister à une
rencontre entre le Sénégal et la Fédération Wallonie-Bruxelles. Et
sans doute qu’en Afrique francophone qu’un tel match de basket fémi-
© ClIJF
Fin de match tendue pour la 3e place en basket féminin entre la Fédé-
ration Wallonie-Bruxelles et le Sénégal de Fatou Ndiaye, qui a marqué le
panier décisif. Elle a loué « cette belle occasion de sortir du pays, la décou-
verte de la Côte d’Ivoire et la rencontre avec plein d’autres athlètes. »
14
© Clément Balta
Lutteurs sénégalais, dans la catégorie lourd. Très lourd. Avec 12 mé-
dailles, dont 8 en or, la délégation sénégalaise a une nouvelle fois fait
une démonstration de force.
nin puisse déchaîner les foules. La gratuité paye sans doute, puisque
toutes les compétitions étaient ouvertes au public. Et chaque épreuve,
chaque duel, chaque match avait ainsi ses fervents supporteurs. Si les
équipes africaines étaient les plus soutenues, il n’était pas rare de voir
des Ivoiriens brandir des drapeaux du Canada-Québec ou de prendre
fait et cause pour des athlètes venus d’ailleurs, tels les deux lutteuses
et le lutteur roumains qui avaient joué les transfuges en lutte africaine
(et avec quel succès : 2 médailles d’or et une de bronze !). « Toute la
journée il y a eu dans le stade une super ambiance », s’enthousiasme
Stessie Bastareaud, cousine éloignée de l’international français de
rugby et judokate montée sur la plus haute marche du podium en
-78 kg. « Le niveau est inégal mais j’ai quand même battu la Tunisienne
championne du monde junior en demies, c’était un beau combat ! Cette
compétition permet aussi de rencontrer d’autres athlètes, des artistes
des cinq continents. C’est vraiment une bonne expérience », conclut la
sportive de 22 ans qui s’entraîne à l’Institut du judo, à Paris.
Ainsi la diversité des participants répond-elle à la variété des sports
représentés. Et quel sport plus emblématique des vertus d’ouverture
des Jeux de la Francophonie que la lutte africaine ? Une touche de
folklore épouse la tradition pour donner en spectacle de véritables
joutes sportives, dans lesquelles les femmes ne sont pas en reste. Si
le Sénégal domine la discipline, l’Ivoirienne Tiemongo Soro a su tirer
son épingle du jeu avec du bronze individuel (-50 kg) et de l’argent
par équipe. Portée en triomphe par son entraîneur tout autour de
l’arène, la jeune fille de 19 ans nous explique encore émue et ruisse-
lante tout ce qu’elle lui doit : « J’ai commencé grâce à lui en 2012. Au
nom de ma famille je lui dis merci. J’ai tout de suite aimé la lutte afri-
caine mais au début j’avais peur. Petit à petit j’ai eu le courage et jusqu’à
aujourd’hui où je ne savais même pas que j’allais me classer et être une
athlète représentante de la Côte d’Ivoire. Je suis fière de ce que j’ai fait. »
Francophonies du Sud | n° 42 | novembre-décembre 2017

Expérience et ambiance
© Clément Balta
Au-delà du sel de la compétition et des performances, les Jeux de la
Francophonie offrent ainsi à des athlètes de niveau national des mo-
ments de grande fierté et d’émotion sans prix, dignes des plus grands.
Avant, peut-être, d’en faire partie, comme ce fut le cas du sprinteur
canadien Donovan Bailey, médaille d’argent en 1994, et champion
olympique deux ans plus tard. À 17 ans, le Québécois Brayan Kalanji
a lui des rêves de footballeur international. Ce solide défenseur cen-
tral a prévu de se rendre en France pour passer des tests avec Bou-
logne-Billancourt, en CFA, l’antichambre des pros. « Le niveau ici est
bon, et nous avons même éliminé la France de notre poule (entraînée
par l’ancien champion du monde Bernard Diomède, l’équipe fran-
çaise a décidé en toute humilité d’envoyer ses jeunes de moins de
19 ans, au lieu des U20). L’ambiance est au top, même si, bon, il y a
parfois du bruit la nuit (sourire). J’ai pu aussi rencontrer plein d’autres
compétiteurs, en culture également. Je n’avais jamais fait ce genre de
compétitions internationales, et je n’étais jamais venu en Afrique. »
Le président de la Fédération française de lutte, Alain Bertholom,
présent sur place, est lui aussi conquis par le bien-fondé de ces Jeux
en Côte d’Ivoire : « C’est une belle initiative, une belle école. On voit
d’autres disciplines sportives et on renforce nos liens avec les pays fran-
cophones. Ce genre de compétition est très formateur et servira à nos
athlètes. Il y a un esprit d’ouverture qui est top. » Même son de cloche
du côté de Valon Ibraj, membre de l’encadrement du Kosovo, pays
membre observateur de l’OIF et pour la première fois présent aux
Jeux de la Francophonie, avec sept concurrents. « C’était une décou-
verte pour nous, cela permet à nos jeunes de s’aguerrir à l’international.
C’est une formidable expérience qui en appelle bien d’autres ! »
Le journaliste canadien Kaj Hasselriis résume assez bien l’avis gé-
néral : « J’ai tout aimé, les activités culturelles, les sports, l’organisa-
tion. Mais ce qui fait la différence, ce sont les foules africaines. Les gens
sont plein d’énergie et de passion. Pas certain que nous allons voir ça
dans quatre ans au Canada… » Mais qu’on se rassure, il y aura au
moins des compétiteurs africains pour assurer le spectacle lors de la
IXe édition du Nouveau-Brunswick. Rendez-vous en 2021 ! Q
LE SCRABBLE ET L’AWALÉ,
FUTURES DISCIPLINES ?
Les Jeux, ce sont aussi d’autres jeux. En marge des
compétitions, plusieurs activités et animations
« périphériques », culturelles, sportives et éducatives, ont eu
lieu: défilé de mode, gastronomie, artisanat, exposition… Mais
deux surtout ont marqué les esprits. Le Scrabble tout d’abord,
jeu de lettres reconnu internationalement. Le triple champion du
monde suisse Hugo Delafontaine (photo), présent à Abidjan, le dit
lui-même: « On se bat pour devenir discipline officielle des Jeux,
ce qui paraît logique vu la place qu’y tient la langue française! »
+)%!*ƫ !ƫ,+%*0/ƫ"!.%0ġ%(ƫ2!ƫĝƫ3(hƫĞƱĕƫ.t/ƫ,.0%-1hƫ!*ƫ
Afrique et notamment en Côte d’Ivoire, ce jeu de stratégie à
base de graines et de cases a une forte valeur culturelle, au point
qu’il est question de fonder une fédération internationale et que
M. Beugré Mambé a lui-même plaidé pour qu’il « soit une des
branches des Jeux de la Francophonie ». Q
Francophonies du Sud | n° 42 | novembre-décembre 2017
ENTRETIEN
Robert Beugré Mambé
Gouverneur du district
d’Abidjan, ministre chargé des
Jeux de la Francophonie.
« LES JEUX, UNE CHANCE
POUR LA CÔTE D’IVOIRE »
Quelle satisfaction retirez-vous de cette VIIIe édition?
C’est exactement ce que souhaitait le président Ouattara quand,
en août 2012, il a déposé la candidature de la Côte d’Ivoire. Il vou-
lait regrouper tous les jeunes et les pays francophones autour
d’un idéal commun. Mais les Jeux vont au-delà des Jeux, c’est
un gisement de solidarité, de complémentarité et de diversité
qui fait la force de la francophonie. Les Jeux sont notre richesse
et je tiens à remercier toutes les équipes. On ne réussit jamais
seul. C’est aussi le début d’un autre processus: un processus de
rassemblement et de prise de conscience que la francophonie
est un instrument de développement avant toute chose.
Quel est justement le devenir de ces Jeux pour Abidjan?
C’était la question centrale qui occupait les autorités ivoi-
riennes avant la délocalisation du campus universitaire. Plu-
sieurs chantiers ont été lancés, le Village des athlètes, avec
30 nouveaux bâtiments, deux gymnases construits expressé-
ment, des centres et des stades rénovés… Une série d’évène-
ments aura bientôt lieu en Côte d’Ivoire (le sommet Afrique-
Union européenne et la Conférence internationale sur le sida
en Afrique en novembre, la Coupe du monde par équipes de
taekwondo en décembre par exemple). Plusieurs organisations
ont déjà sollicité l’utilisation du Village. Ces installations seront
donc certainement affectées le moment venu au développe-
ment des activités des jeunes, voire pour des résidences uni-
versitaires. Mais ça peut être aussi un centre pour la recherche
technologique ou de formation pour les jeunes entrepreneurs,
un centre d’incubation, ça peut jouer beaucoup de rôles. Sans
oublier toutes les infrastructures qui ont été réalisées et qui
restent en place pour la jeunesse ivoirienne. Il y a plus de salles
d’entraînements mais également plus de commodités de trans-
port, terrestre comme lagunaire. L’organisation de ces Jeux a
été une chance pour la Côte d’Ivoire.
Des tensions ont précédé ces Jeux. Aviez-vous des
craintes concernant la sécurité?
La fête a été belle et j’ai moi-même été émerveillé de l’engoue-
ment populaire. Les Ivoiriens se sont mobilisés, sans couleur
politique, sans considération religieuse. Ce brassage a contri-
bué à faire rayonner la réconciliation. Tous comprennent leur
intérêt d’être toujours ensemble, dans l’humilité et une convi-
vialité profonde. Nous devons comprendre, nous Africains et
nous francophones, qu’aucun développement n’est possible
dans le désordre. Par conséquent notre souci doit être de pri-
vilégier la paix, de nous parler les uns les autres, et la meilleure
façon de donner une chance aux générations qui vont nous
succéder c’est de laisser un pays paisible. C’est un cri du cœur. Q
15
 DOSSIER | CULTURE

DES ARTS, VOUS AVEZ DIT DES ARTS?

Public omniprésent, créativité et solidarité : tel est l’apanage des concours culturels des
Jeux de la Francophonie. Des expériences uniques d’échange et de contact pour les artistes
sélectionnés, qui voient de surcroît s’ouvrir pour eux des projets d’avenir.
PAR FANNY DUPRÉ

R
endez-vous était donné à tous dans les auditoriums
des institutions culturelles ou sur la scène de l’es-

© Clément Balta
pace Canal au Bois, dans le quartier de Treichville.
Au programme, littérature, peinture, photographie,
sculpture, mais aussi des disciplines moins acadé-
miques, hip-hop ou jonglerie, enchaînant les « battles » où deux
équipes s’affrontent. Des disc-jockeys ont mixé pour la circons-
tance et « ambiancé » la scène à fond. Les spectateurs ivoiriens
venus en masse, manifestement connaisseurs et guère plus âgés
que les compétiteurs, participent du spectacle. Jury ou pas, leurs
acclamations donnent le tempo.
En hip-hop, les plus nourries sont allées dans le sens de notre voi-
sine camerounaise qui n’a pas manqué d’encourager bruyamment
(et un peu chauvinement) son équipe nationale, lauréate devant «Battle» entre deux équipes de hip-hop, sur la scène de l’espace du
Canal aux bois, aménagée tout spécialement pour les Jeux.
celle du Maroc. En jonglerie, et bien qu’il n’ait décroché que le
bronze, l’officieux prix du public a pu sans conteste être décerné
au local Ignace Kassio. Handicapé par un bras atrophié depuis sa d’argent et de bronze sont remises aux lauréats, la démarche ne s’ar-
naissance, les Jeux sont pour lui « déjà les yeux » : un moyen d’ou- rête pas là. Ils sont suivis et accompagnés bien au-delà des Jeux. Le
vrir les yeux sur le monde, et de se faire voir en même temps. réseau de l’OIF permet aux lauréats d’avoir prix ou bourses, de par-
L’ambiance fut avant tout festive, une grande complicité unissant ticiper à des manifestations qu’elle organise, comme le Marché des
public, jurys et concurrents. Promouvoir la paix et le développe- arts et du spectacle africains. Mieux, les juges sont choisis pour leur
ment à travers les rencontres et les échanges est toujours un des capacité à valoriser les artistes qu’ils ont couronnés, en les invitant
objectifs des Jeux de la Francophonie. Mais ce n’est pas le seul. à un festival, en organisant leur participation à une exposition…
Les résultats sont là.
Faire émerger de jeunes talents Médaille d’or au concours de peinture en 1997, le Belge Stephan
Imaginé dès la première édition, le volet culturel des Jeux est conçu Balleux a reçu plusieurs prix depuis. Sa consœur française, Amélie
pour faire émerger de jeunes talents francophones à un échelon in- Ducommun, médaille d’argent en 2013, exposait cette année dans
ternational. En conséquence, si les traditionnelles médailles d’or, l’espace francophone mais aussi en Grande-Bretagne et au Portu-
gal. La chanteuse cap-verdienne Mayra Andrade Curado, médaille
d’or en 2001, foule depuis les scènes du monde entier. Treize ans
© ClIJF

après les Jeux, un de ses albums était nommé dans la compétition

Podium des contes : le lauréat congolais Mitchum Moussoki, encadré par
le Guinéen de la Compagnie Arc-en-ciel et la Française Najoua Darwiche.
française des Victoires de la musique. Les Jeux semblent marquer
une étape dans la vie professionnelle et personnelle. Mais ils sont
aussi une ressource inépuisable de rencontres et d’échanges. Entre
les artistes eux-mêmes, toutes disciplines confondues, mais aussi
avec les sportifs, mais surtout avec un public et un pays que souvent
ils ne connaissent pas. Ainsi de la Libanaise Myriam Boulos, qui n’a
pas hésité à sillonner les rues d’Abidjan, loin des quartiers dévolus
aux épreuves, à la rencontre de ses habitants pour les photogra-
phier parfois jusque dans leur habitat. « C’est la première fois que
je viens en Côte d’Ivoire. J’y ai trouvé une atmosphère chaleureuse,
dense, vivante. Je ne voulais pas rester dans mon coin, même si j’ai pu
rencontrer des artistes formidables. Je voulais partir découvrir la vie
des gens, ici, à Abidjan. »

16 Francophonies du Sud | n° 42 | novembre-décembre 2017

 Chaque artiste devait concevoir une œuvre sur place : ici,
1. le peintre arménien Ararat Minasyan (1) en plein travail dans
2.
le parc du Musée des Civilisations, et la peinture finale (2).
Dans un spectacle époustoufflant rendant hommage aux
ouvriers du sel sur l’île Maurice, les Frères Joseph (3) ont
empoché la médaille d’or au concours de danse de création.

3.

© Clément Balta
© ClIJF

© ClIJF

ENTRETIEN
Une expérience mémorable
Originalité des Jeux, les artistes animent justement des ateliers ou-
« LE SENS N’EST PAS DANS
verts au public, favorisant ainsi rencontres et expressivité. Au Musée LES MOTS, MAIS DANS L’IMAGE»
des Civilisations, les nouvelles écrites par les candidats s’affichaient Médaillé d’or en Peinture à

© ClIJF
sur de grands panneaux blancs dans une salle où circulaient, en un Abidjan, le « calligraffeur »
– comme il se désigne lui-
dédale très littéraire, les badauds-lecteurs. Ils pouvaient par exemple
même– Yazan Halwani est
y lire le texte émouvant de l’Arménienne Anna Baghdasaryan, fort
libanais. Son travail a déjà
à-propos nommé « La Francophile » : une histoire de famille et de couvert des murs à Beyrouth
langue française où le hasard prend la teinte du destin. et ailleurs au Liban, mais
Un destin, c’est bien ce que peuvent être les Jeux de la Francophonie aussi dans d’autres villes
pour le chanteur haïtien Jean Jean Roosevelt, couronné à Nice, en du monde, notamment en
Tunisie, aux Émirats arabes
2013. Sa carrière en a été lancée : il a depuis reçu le prix TV5Monde,
unis, en Allemagne, à Singapour et en France. Son style,
réalisé un album à Dakar, dans le studio de Youssou N’Dour, et se
reconnaissable entre tous, mêle, dans des formes très
produit dans divers pays. Il confie combien « l’ambiance conviviale fluides et dynamiques, des portraits et de la calligraphie
et fraternelle qu’il y avait à Nice reste à jamais gravée dans [s]a mé- arabe, admirablement souple et dessinée. Inspiré à l’origine
moire et dans [s]on cœur. » Intimement convaincu des enjeux de par la culture hip-hop, l’artiste s’est approprié le street art
l’entreprise, le chanteur n’a pas hésité à devenir son ambassadeur et en fait un moyen de définir sa propre culture moyen-
officiel. Il en assure la promotion, au point d’avoir signé « l’hymne » orientale tout en l’ouvrant à l’universel.

d’Abidjan 2017, « Akwaba », bienvenue en Côte d’Ivoire. En voici
un éloquent extrait : « La Francophonie qui joue / Des jeunes venus de
partout / Pour faire danser, pour faire chanter / Pour faire vibrer, pour
faire bouger la langue française / Moderniser, créativer, pour faire vi-
brer / Pour faire bouger la langue française ».
Créativer, voilà un néologisme qui va bien aux Jeux de la Franco-
phonie. Ils sont toujours la preuve non seulement de la performance
à saluer mais de l’imagination au pouvoir. Et comme le montre le
concours en développement durable, créé en 2013, la diversité a
toujours le désir d’y côtoyer la solidarité. Q
VISIBILITÉ ET PÉRENNITÉ !
Sur le site officiel des Jeux et même sur YouTube, on peut revivre
les grands moments de cette édition 2017. Il est possible, par
exemple, d’écouter les conteurs qui ont enchanté de leurs
histoires le public ivoirien. Mais quid des œuvres des peintres,
Pourquoi avoir participé aux Jeux de la Francophonie?
J’ai été sollicité par le comité de sélection pour représenter
le Liban à Abidjan. Et je suis francophone (j’ai étudié au Lycée
français de Beyrouth), cela tombait bien… Et c’était une occa-
sion de rencontrer un autre public. D’ailleurs, il y a comme une
tradition de la peinture libanaise aux Jeux, avec des médailles
d’argent pour Ayman Baalbaki en 2005 et pour Oussama
Baalbaki en 2009!
Votre art, qui mêle le portrait figuratif et la calligraphie,
se rattache au street art. Comment s’articulent toutes
ces dimensions?
Au centre, il y a un thème principal, l’identité, mon identité et
celle de mon pays, de ma ville. Beyrouth est une ville qui a une
histoire violente. On associe souvent le graffiti au vandalisme,
mais ma ville a été déjà bien vandalisée, par la guerre civile, par
la corruption des politiciens. J’essaie au contraire de faire de
mes peintures murales une expression constructive, de rappe-
ler aux Libanais qu’en dépit de tout, ils ont un patrimoine com-
mun, une identité culturelle collective, d’où, par exemple mes
!/ƫ,$+0+#.,$!/Čƫ !/ƫ/1(,0!1./ƫ+1ƫ !/ƫ*+12!((%/0!/Ʊĕƫ!ƫ
règlement voulait que chaque artiste expose une production
spécialement conçue pour les Jeux. Ceux-ci gagneraient à ce
que soient constituées des archives pour permettre de les voir
ou de les lire. Et ainsi de mieux faire connaître leurs auteurs et
de pérenniser leur travail. Q
Francophonies du Sud | n° 42 | novembre-décembre 2017
portraits des grandes figures de la chanson libanaises, comme
Sabah et Fairouz. La calligraphie arabe rappelle les racines de
notre culture, mais en rupture avec la tradition dans l’islam du
refus de la représentation figurative, puisqu’elle se mêle aux
portraits. Et surtout, ce que je veux, c’est ouvrir la calligraphie
à ceux qui ne parlent pas l’arabe. Le sens n’est pas dans les
mots, mais dans l’image. Et l’image parle à tous ! Q
17
DOSSIER | ARTS DE LA RUE
AINSI FONT LES (GRANDES)
MARIONNETTES
Préparatifs du concours de marionnettes géantes
au parc du Canal aux bois, à Abidjan.
Depuis des temps reculés, les marionnettes
ont fait partie de la vie des sociétés africaines.
Elles retrouvent aujourd’hui, grâce à
l’inventivité de jeunes artistes, un nouveau
souffle, dont ont témoigné leurs apparitions
lors des VIIIes Jeux de la Francophonie.
PAR DOMINIQUE MATAILLET
U
ne espèce de grosse poupée bleue en forme de tête
humaine s’agite devant le public abidjanais. Elle a
des yeux, un nez, des oreilles, une bouche et cha-
cun de ces organes parle aux autres : ils échangent,
s’invectivent, affichent leurs différences et leurs dif-
férends, à l’image de tout ce qui rend délicate la cohabitation des
êtres humains sur la Terre. Concept original, mise en scène soignée,
gestuelle parfaite : le public est conquis, de même que le jury du
concours de marionnettes géantes organisé à la fin de juillet dans le
cadre des Jeux d’Abidjan. Avec ce spectacle, intitulé tout simplement
« La Boule bleue », la compagnie Ivoire Marionnettes décroche la
médaille d’or, devançant les représentants du Canada, deuxièmes,
et ceux du Mali, troisièmes.
18
DR
Une tradition ancienne
Comme dans la plupart des régions du monde, les spectacles de
marionnettes animent la vie des sociétés africaines depuis fort long-
temps. Certains font même remonter cette pratique à l’époque des
pharaons ! On a pu confondre les marionnettes africaines tradition-
nelles avec les masques. Sur le plan de la forme, les deux catégories
d’objets présentent certes de fortes ressemblances. Mais leurs fonc-
tions sont différentes. Élaborés dans le cadre de sociétés secrètes, les
masques relèvent du monde magico-religieux. Si, dans certains cas,
les marionnettes peuvent être utilisées dans les rites animistes, elles
sont avant tout des objets de divertissement.
Mettant en scène la personnification de types sociaux plus ou moins
ridiculisés, elles apparaissaient dans des représentations publiques
organisées par des associations de jeunes adultes. Parmi les plus
connues, celles des Bambaras du Mali avaient un aspect fruste (1).
Bien que très expressives, les têtes étaient sommairement sculptées ;
les corps étaient de simples chiffons ou des fibres. Dans certains cas,
on les manipulait à l’aide d’une poignée. Elles pouvaient avoir des
bras et des jambes mobiles que l’on actionnait au moyen de ficelles
ou de leviers en bois.
Dans d’autres régions, comme chez les Ibos du Nigeria, la fabrica-
tion était plus soignée. La surface des visages était polie ou peinte.
Il arrivait aussi que les têtes soient recouvertes de plaques de métal
ou de clous.
Francophonies du Sud | n° 42 | novembre-décembre 2017
 Des projets tous azimuts
Les géants ont fait des émules en Afrique de l’Ouest. Encouragés par
la Compagnie des Grandes Personnes d’Aubervilliers, active à tra-
vers le monde entier, les habitants de Boromo, au Burkina Faso, ont
ainsi imaginé et fabriqué leurs propres personnages.
Pour ce qui est d’Ivoire Marionnettes, sa consécration à Abidjan n’a
rien d’une surprise. La compagnie ivoirienne a glané des récom-
penses dans plusieurs pays. En 2013, en particulier, elle avait déjà
remporté la médaille d’or à l’édition précédente des Jeux de la Fran-
cophonie avec un beau spectacle intitulé « La Main qui donne » qui
avait enchanté la ville de Nice.
Badrissa Soro, fondateur et figure de proue de la troupe, a été formé
au village Ki Yi M’bock, le célèbre centre artistique mis en place il y a
plus de trente ans par l’artiste camerounaise Were Were Liking. Il est
allé ensuite s’initier aux marionnettes à fils au Togo et aux marion-
nettes géantes au Mali avant de fonder la compagnie en 2007. Dans
leur campement d’Abatta, village des bords de la lagune proche de
Bingerville, à une vingtaine de kilomètres d’Abidjan, Badrissa Soro
et son équipe disposent de leur propre atelier de fabrication. Grâce
à la diversité et à la qualité de leur matériel, ils peuvent répondre
à tout moment aux sollicitations les plus variées : carnavals, fêtes
scolaires et, bien sûr, festivals nationaux ou internationaux. Ils ont
également aménagé une scène sur laquelle ils se produisent ou qu’ils
mettent à la disposition d’autres groupes artistiques.
© maxresdefault

Non contents de mettre au point en permanence de nouveaux spec-

tacles, ils ont engagé un programme de formation intitulé Académie
Ivoire Marionnettes. Leur but ? Pérenniser leur art dans le pays et en
Comme à Nice il y a 4 ans, l’équipe ivoirienne a remporté l’or. faire une véritable industrie culturelle. Nul doute que leur nouvelle
victoire aux Jeux de la Francophonie leur donnera un sérieux coup
Une renaissance actuelle de pouce. Q
Dans la plupart des pays d’Afrique, les marionnettes traditionnelles
ont périclité jusqu’à disparaître. Mais cet art connaît aujourd’hui 1. Consulter notamment : Laure Meyer, Objets africains, éditions Terrail, 2007.
un souffle nouveau. Débordant de créativité, de jeunes artistes
s’en emparent en l’adaptant aux nouvelles réalités africaines. La
marionnette a, entre autres attraits, d’être à la croisée de nom-
breuses formes d’expression artistique : la sculpture, la couture,
la danse, la musique, le théâtre… C’est par ailleurs un excellent
outil pour véhiculer des messages à caractère éducatif ou sanitaire,
voire politique. Ainsi, avec « La Boule bleue », les marionnettistes
ivoiriens invitent-ils leurs compatriotes à s’unir et à faire preuve
de solidarité.
Marionnettes à fils, à gaine, à tige, marionnettes habitables, etc. :
tous les genres sont pratiqués. On relève toutefois un engouement
particulier pour les marionnettes géantes. Celles-ci font inévitable-
ment penser aux gigantesques mannequins qui paradent dans les
rues du Nord de la France et dans les villes belges. Traditionnel-
lement fabriqués avec du bois, de l’osier et du papier mâché, ces
« géants processionnels », parfois montés sur des chars ou poussés
sur des roulettes, sont depuis plus de cinq siècles partie intégrante
de la culture des Flandres belges et françaises. Autre région euro-
péenne où la tradition des géants est vivace, la Catalogne. Contrai-
DR

rement à leurs homologues des Flandres, les figures espagnoles

restent très liées aux fêtes religieuses. Les lauréats, sur le poduim en compagnie de Michaëlle Jean (au centre).

Francophonies du Sud | n° 42 | novembre-décembre 2017 19

SOCIÉTÉ |
ALERTE À LA TRAITE !
Les migrants subsahariens font face à des
organisations criminelles pratiquant une
véritable traite humaine. La Tunisie, zone de
transit sur le chemin de l’Europe, est d’autant
plus concernée que les réseaux de passeurs
profitent du chaos politique et sécuritaire
en Libye voisine. Récit et témoignage.
TEXTE ET PHOTOS PAR SOPHIE BACHELIER
R
escapés des naufrages depuis la côte libyenne ou vic-
times de pseudo-agences d’embauche dans les pays
d’Afrique de l’Ouest, nombreux sont les migrants les
plus vulnérables à échouer dans les rues des villes tuni-
siennes ou au centre du Croissant-Rouge de Médenine.
Terre d’asile Tunisie (voir encadré) dénonce l’existence de véritables
filières de traite qui font subir à leurs victimes une exploitation par
le travail forcé : travaux domestiques pour les femmes ; restaura-
tion, agriculture ou industrie pour les hommes. La majorité des vic-
times sont des femmes (93 %), célibataires (46 %) et en provenance
d’Afrique de l’Ouest. L’âge moyen est de 30 ans. Un quart d’entre elles
ont laissé leurs enfants au pays pour subvenir à leurs besoins.
Fausses promesses
Elles sont recrutées dans leur pays d’origine par des « agents », par-
ticuliers ou fausses agences, qui usent de promesses de contrats
ou d’emplois bien rémunérés, en tant que domestique dans des fa-
milles prestigieuses ou dans leur secteur d’activité (technicienne,
aide-soignante…). Les contacts se font aussi via les réseaux sociaux.
Les « agents » organisent le voyage contre une commission moyenne
de 1 750 dinars, soit 400 000 francs CFA (600 euros), payée par la
victime. Les migrantes arrivent en avion, parfois seules, parfois en
groupe, par le biais d’intermédiaires résidant entre le pays d’origine
et la Tunisie. Le billet est souvent payé à l’intermédiaire par le futur
employeur, qui se remboursera en exploitant la victime, sans rému-
nération, pendant quatre à six mois. À l’aéroport, le passage de la
douane est facilité par l’exonération de visa.
La victime ignore tout de la Tunisie et de la réalité de ses futures
conditions de travail. Elle se retrouve isolée, souvent séquestrée, à
Sfax, Hammamet, Djerba ou dans les quartiers périphériques aisés
de Tunis. Au sein de la famille, elle subit des charges de travail exces-
sives, des pressions psychologiques, des violences physiques et ver-
bales et de nombreux actes de discrimination. Souvent, elle est mal-
traitée, privée de nourriture et de soins. Une sur dix subit des abus
sexuels. « Quand j’ai voulu récupérer mon argent, raconte Aminata,
qui a été séquestrée 5 mois avant de pouvoir s’enfuir, la patronne m’a
20
mise dans la chambre et m’a enfermée. Avec son fils, ils m’ont frappée.
Elle prenait sa chaussure, elle me frappait. Son fils, il portait des sou-
liers et il me marchait dessus. Dieu soit loué, j’ai pu partir. »
Ces femmes ignorent souvent le lieu où elles se trouvent et peuvent
à peine communiquer avec l’extérieur, leurs portables ayant été
confisqués. La majorité n’a pas le droit de sortir, sinon pour faire
des courses. Confisqués aussi, les passeports, pris par l’« agent »
ou l’employeur le temps que soit remboursée la « dette » initiale en
travaillant sans rémunération pendant un minimum de cinq mois.
Ainsi, à Abidjan, Khadi a versé 300 000 francs CFA à un agent pour
un contrat de soudeuse spécialisée en Tunisie. À son arrivée, elle a
été exploitée comme domestique pendant six mois sans toucher le
moindre centime…
La situation d’irrégularité des victimes est souvent instrumenta-
lisée par les « agents » et les employeurs, qui les menacent d’une
dénonciation à la police et d’un emprisonnement. Arrivées souvent
régulièrement grâce aux exonérations de visa, elles basculent pour
la plupart dans le séjour irrégulier au cours de leur période d’ex-
ploitation. D’autre part, non rémunérées pour leur travail, elles se
retrouvent entièrement démunies quand elles veulent quitter leur
employeur. Avant la promulgation de la loi relative à la prévention
et la lutte contre la traite des personnes, votée par l’Assemblée
nationale tunisienne en 2016, elles n’avaient aucune possibilité
de régularisation. L’irrégularité, la méconnaissance des droits et
des recours possibles, l’isolement… renforcent ainsi le mécanisme
d’emprise des « agents » et des employeurs sur leurs victimes.
Un recours indispensable
Depuis décembre 2014, déjà, la Maison du droit et des migrations
de Tunis, placée sous la responsabilité de Terre d’asile Tunisie, réa-
lise l’accueil et l’accompagnement des migrants essentiellement
dans la région du Grand Tunis. Une permanence, accessible avec ou
sans rendez-vous, propose un accompagnement social et juridique
Khadi, victime de la traite, est actuellement réfugiée au centre du
Croissant-Rouge, à Médenine.
Francophonies du Sud | n° 42 | novembre-décembre 2017
inconditionnel et global à toutes les personnes étrangères en besoin
d’assistance. En sortie de traite, cette permanence offre un recours
indispensable. L’assistance juridique est la priorité : il s’agit d’infor-
mer les victimes de leurs droits. L’aide au retour volontaire (ARV)
est la seconde sollicitation : plus d’un tiers des victimes ont été orien-
tées vers l’Organisation internationale des migrations (OIM). Autre
demande enfin : la prise en charge de la précarité sociale.
Depuis 2015, 109 victimes de traite ont été accompagnées par Terre
d’asile Tunisie. Depuis mai 2017, les victimes ont été signalées à
l’Instance nationale de lutte contre la traite et ont pu être prises en
charge dans le cadre des dispositions du nouveau cadre législatif.
C’est grâce à un dispositif mis en place avec de nombreux acteurs
associatifs (45 %) et avec l’OIM (3 %) que les victimes de la traite
parviennent généralement à la permanence. Q
TÉMOIGNAGE
UN PÉRIPLE INFERNAL... POUR RIEN
Au Centre de Médenine pour les migrants les plus vulnérables,
géré par le Croissant-Rouge tunisien, beaucoup reviennent
de l’enfer libyen où ils ont été vendus, torturés, enfermés,
rackettés, exploités par des milices sans foi ni loi. Rencontre
avec Samba*, Sénégalais qui rêvait de partir en Europe…
PROPOS RECUEILLIS PAR SOPHIE BACHELIER ET VALÉRIE MALEK
* Le prénom a été changé.
« Je suis parti avec un petit sac à dos. Arrivé en Libye, je n’avais déjà plus
rien. J’ai tout perdu dans le désert. Même les chaussures, je ne les avais
plus ! Passeport, carte d’identité, certificats de travail, carte d’électeur, tout
ça est resté dans le désert… Notre voiture était tombée en panne. Je suis
parti seul, sans eau. Le deuxième jour, j’ai vu une voiture. J’ai crié, crié…
Dans la voiture, il y avait des Sénégalais, des Gambiens, des Nigériens. Le
chauffeur m’a demandé si j’avais de l’argent pour payer le transport. Je lui
ai répondu : “Une fois en Libye, tu pourras me vendre pour avoir de l’argent.”
À notre arrivée, le monsieur m’a vendu 1 500 dinars. Je suis arrivé début
octobre 2016 à Sabratha – camp où s’entassent plus de 5 000 migrants, de
toutes les nationalités. J’ai été arrêté en m’embarquant, on m’a emprisonné
une semaine, j’ai dû encore payer pour sortir de là. »
ENCADRÉ
RECOLTEHA, UN PARTENARIAT ENTRE TROIS PAYS
Engagée contre la traite des êtres humains, la Tunisie, qui a ratifié la Convention
des Nations unies sur la criminalité transnationale (protocole de Palerme), a
mis en place une Instance nationale de lutte contre la traite des personnes,
présidée par la magistrate Raouda Laabidi. Cette instance décisionnaire a pour
tâche l’élaboration d’une stratégie nationale de prévention, la réception des
signalements sur des numéros verts, la collecte des données et la formation
des intervenants. L’accueil et l’accompagnement des migrants sont générale-
ment pris en charge par des organismes internationaux, comme l’Organisa-
tion internationale des migrations (OIM) ou le Conseil de l’Europe, ou par des
Francophonies du Sud | n° 42 | novembre-décembre 2017
Centre Al Hamdi à Médenine, géré par le Croissant-Rouge régional et
financé par la coopération suisse.
© aBamako
À plusieurs reprises, Samba est enfermé dans des prisons, qui sont en fait
des lieux où des miliciens rackettent les migrants. Il doit alors appeler au
pays pour qu’on lui envoie de l’argent !
« À Zouara, j’ai travaillé un mois pour trouver l’argent du bateau et
gardé une somme au cas où on m’emprisonne encore. Je suis revenu
à Sabratha. Début décembre, deuxième tentative pour aller en Italie.
Notre bateau a eu un problème : une fuite dans le Zodiac. On a essayé de
rejoindre le port de Zouara, où on nous a encore demandé de l’argent !
J’ai donc encore dû appeler… Troisième tentative, plus grave encore :
des bandits nous ont pris notre Zodiac et nous ont jetés dans le désert !
Et là encore des bandits nous attendaient. Ils nous ont vendus à la prison
de Sorman. J’ai fait là-bas un mois, ou plus. Cette fois, je n’avais plus
d’argent pour sortir.
C’est une vie terrible que j’ai eue en Libye pendant ces huit ou neuf mois.
Je n’avais qu’une idée en tête, quitter ce pays… À ma quatrième tentative,
après trois jours en mer, plus d’essence, plus d’eau, plus rien. Seuls avec
Dieu. On a vu arriver la marine tunisienne. Ils ont dit : “Vous allez manger,
boire, et le Croissant Rouge viendra vous récupérer.” On s’est retrouvés à
Médenine, au centre. Avec toute la souffrance qu’on a endurée en Libye,
tout l’argent qu’on a perdu, se retrouver à zéro à Médenine, sans travail…
Pourquoi ce voyage, à quoi sert ce voyage ? Ça ne vaut pas le coup… » Q
associations, en liaison avec les services gouvernementaux concernés (Santé,
Affaires sociales, Intérieur…). C’est dans ce contexte qu’a été lancé le projet
Recolteha (Renforcement des capacités des ONG pour mieux lutter contre la
traite des êtres humains en Afrique), en partenariat entre Terre d’asile Tunisie,
l’association Donner pour Sauver (ADPS) au Sénégal et SOS Exclusion en Côte
d’Ivoire. Son objectif: renforcer les capacités de la société civile en matière de
lutte contre la traite des êtres humains dans les trois pays. Mis en place pour
trente mois, ce projet entend ajouter aux actions de protection des victimes
de la traite en Tunisie la prévention dans les pays d’origine. Q
21
 EXPÉRIENCE |
©Jean-Marie Refflé
UNE CARAVANE
QUI FAIT DANSER LES MOTS
La langue française appartient à celles
et ceux qui la parlent, mais, hélas,
tous n’ont pas un égal accès à la parole.
Partant de ce constat, une organisation non
gouvernementale réunit artistes et citoyens
bien décidés à faire bouger les lignes.
PAR NATHALIE RIVIÈRE
L
a scène peut se passer à Pretoria (Afrique du Sud), dans
un village aux environs de Lyon (France) ou encore à
Hong Kong (Chine). On voit des jeunes et des moins
jeunes, dans la rue ou dans un amphithéâtre à l’uni-
versité, une salle de répétition ou encore entre les murs
d’un studio d’enregistrement, qui s’interrogent collectivement sur
le sens à donner à quelques mots : le chantant « fada » (simple d’es-
prit), le mystérieux « champagné » (un homme d’importance) ou
encore le sonore « tap-tap » (camionnette de transport collectif).
L’exercice porte à chaque fois sur quelques-uns des dix mots choisis
chaque année pour la manifestation Dis-moi dix mots (voir enca-
dré). Sur le terrain, certains répondent sérieusement, mais d’autres
s’amusent des sonorités. Si « fada » évoque pour certains le father
anglais, « vigousse » (vigoureux) laisse tout le monde perplexe !
22
Photo de groupe à
Dakar (Sénégal), lors
du 5e Forum interna-
tional des Caravanes
des dix mots (2014).
Tous les deux ans,
depuis 2006, s’or-
ganise dans le cadre
environnemental
du Sommet de la
Francophonie, un
Forum international
des Caravanes des dix
mots qui rassemble
artistes, porteurs de
projets, réalisateurs,
personnalités et par-
rains de la Caravane
(linguistes, écrivains,
chercheurs, etc.) ve-
nus du monde entier.
Quand l’art fait vivre la langue française
Celles et ceux qui jouent ainsi participent tout simplement à la Cara-
vane des dix mots, un projet international né, à Lyon, au Théâtre des
Asphodèles. Partant du constat que la Semaine de la langue française
et de la Francophonie et toutes les manifestations culturelles inscrites
à son programme ne touchent que celles et ceux qui fréquentent les
salles de spectacles, les bibliothèques et autres institutions, l’équipe
du théâtre, menée par son directeur Thierry Auzer, décide d’en sortir
et parcourt les rues et les espaces publics.
Au départ, en 2003, l’opération touche uniquement les habitants des
environs de Lyon. Dès 2005, d’autres régions françaises entrent dans
la danse. Puis la Caravane franchit les frontières, sans se limiter aux
pays francophones : le Sénégal, la Pologne et l’Italie, plus précisé-
ment la vallée d’Aoste – qui a des frontières communes avec la Suisse
et la région Rhône-Alpes en France. Aujourd’hui, c’est une trentaine
de Caravanes qui interviennent chaque année sur les cinq continents.
Le choix des partenaires étrangers est en prolongement de l’activité
du Théâtre des Asphodèles : des appels sont lancés, des contacts sont
noués et le travail commun s’est tout naturellement étendu.
Dès l’origine du projet, on choisit de filmer. Un opérateur vidéo est
toujours présent. Très vite, parce que s’exprimer devant la caméra
ne s’improvise pas, des ateliers voient le jour, animés par des artistes
qui ont toute latitude pour proposer des exercices et des techniques.
Ils sont issus de disciplines diverses : le cirque, les arts plastiques, la
Francophonies du Sud | n° 42 | novembre-décembre 2017
© Karim Zongo

© Adam-Heyns
photographie, le slam, le théâtre bien sûr. La pratique artistique, en Fresque murale réalisée en atelier lors du 6e Forum international des
convoquant l’imaginaire, décomplexe l’approche de la langue fran- Caravanes des dix mots à Antananarivo (Madagascar), en novembre 2016.
Restitution publique des ateliers de théâtre réalisés dans la com-
çaise et fait du français un vecteur de lien social. Les images tournées
mune de Soubré, à l’ouest de la Côte d’Ivoire.
sont montées. Elles figurent dans un film collectif gravé sur DVD et
Atelier de sensibilisation à la francophonie et à la diversité culturelle,
qui figure en bonne place sur une Web TV (http://webtv.caravane- dans une classe de CM2, Lyon (France).
desdixmots.com).
Chaque année, dix mille personnes sont touchées et trois mille exem-
plaires du DVD sont diffusés. L’initiative est financée en France par
des subventions et des fonds privés et, à l’étranger, par les acteurs
internationaux de la coopération ou des financeurs privés locaux.

DR
Sachant que l’équipe française dispose d’une expertise dans la re-
cherche de financement et la partage avec celles et ceux qui lancent
une Caravane des dix mots dans leur pays.

Un autre partage de la francophonie

L’histoire est déjà assez belle et aurait pu s’arrêter là. Mais les pas-
seurs de la Caravane des dix mots, hérauts de la pratique artistique,
veulent faire entendre leur voix. Ils estiment qu’à côté de la fran-
cophonie institutionnelle, celle des chefs d’État, il y a nécessité de
ENCADRÉ
considérer une francophonie des peuples, ouverte et plurielle, qui
prend en compte leurs préoccupations et leurs droits, en particulier DIS-MOI DIX MOTS…
dans le domaine de la culture. Dès 2006, la Caravane des dix mots SUR TOUS LES TONS
s’invite au Sommet de la Francophonie, qui, cette année-là, se tient
Depuis 2002, l’opération « Dis moi dix mots », pilotée par le
à Bucarest, en Roumanie. En 2007, la déclaration de Fribourg sur
ministère français de la Culture, donne à tous les francophones
les droits culturels vient légitimer ses actions.
l’opportunité de jouer avec la langue française et de s’expri-
Dès lors, la dimension militante est plus manifeste. Elle s’exprime
mer sous une forme littéraire ou artistique, en partant de mots
par le biais des appels publiés tous les deux ans, à l’occasion de
sélectionnés de manière à présenter la diversité des pays fran-
chaque sommet de la Francophonie. Faisant aussi le constat que
cophones. Chaque année, la Belgique, le Canada, la France, la
la francophonie et ses enjeux sont mal compris en France comme Suisse et l’Organisation internationale de la Francophonie, choi-
ailleurs, l’équipe met au point des outils pédagogiques de sensi- sissent chacun deux mots illustrant un thème défini au préalable.
bilisation, joliment baptisés Onésime, du prénom du géographe Pour 2017-2018, le thème est « Dis-moi dix mots sur tous les
Onésime Reclus, qui, en plein colonialisme, proposait une autre tons ». L’oralité est à l’affiche et les dix termes retenus sont :
perspective, pour laquelle il inventa un nom : « francophonie ». accent, bagou, griot, jactance, ohé, placoter, susurrer, truculent,
L’« Onésime » dont il est question ici est une plateforme numérique voix, volubile. Q
qui met à la disposition des professionnels de l’éducation, dans tous
les pays, des outils, des ressources, des idées pour rendre vivant
POUR EN SAVOIR PLUS
l’enseignement du français et en français, découvrir la diversité de đŏ333ċ.2*! !/ %4)+0/ċ+)ŏ đŏ3!02ċ.2*! !/ %4)+0/ċ+)
la langue et son inépuisable vitalité. Q đŏ$00,čĥĥ.2*!ġ+*!/%)!ċ+)ŏ đŏ333ċ %/)+% %4)+0/ċ1(01.!ċ".

Francophonies du Sud | n° 42 | novembre-décembre 2017 23

GÉOPOLITIQUE |
LA DYNAMIQUE DES IDÉES
Hors des idées convenues sur l’Afrique,
un travail de recherche et de réflexion
approfondie ne cesse de se développer,
prenant en compte la diversité du continent
et les enjeux auxquels le confronte
la modernité mondialisée.
PAR FÉLIX TRAORÉ
P
hilippe Hugon, qui depuis une cinquantaine d’années
suit avec attention et passion l’évolution du continent,
est un économiste de renom. Enseignant hors pair,
directeur de recherche en charge de l’Afrique à l’Insti-
tut de relations internationales et stratégiques (IRIS),
il a formé des générations de chercheurs à maintenir toujours une
distance critique et une acuité dans l’analyse, menant un travail de
vulgarisation auprès d’un public plus large que celui des centres de
recherche et des universités et a joué ainsi un rôle essentiel dans
la connaissance de l’Afrique, ou pour être plus juste, des Afriques.
On connaît sa Géopolitique de l’Afrique (Armand Colin), dont les édi-
tions successives, depuis 2007, maintiennent l’ouvrage au plus près
de l’actualité.
En 2016, dans Afriques. Entre puissance et vulnérabilité (Armand
Colin), il propose un véritable guide de lecture, très accessible, de
la diversité du continent, mettant très vite en garde contre les caté-
gories méthodologiques forgées dans les pays du Nord, qui, selon
lui, ont trop souvent servi de repères pour les études africanistes.
Notions sociologiques, indicateurs économiques, concepts anthro-
pologiques manquent en effet bien souvent de pertinence face aux
réalités de l’Afrique : réseaux transfrontaliers, initiatives locales,
Deux essentiels ouvrages de
Philippe Hugon pour comprendre
la géopolitique africaine.
24
Le tout pre-
mier numéro
daté mai 2017
de la revue
du think tank
« L’Afrique
des idées »,
téléchargeable
sur son site:
http://terangaweb.com
accroissement démographique, par exemple. Proposant en conclu-
sion cinq scénarios prospectifs, l’auteur voit dans ces « Afriques
contrastées » des lieux où se joue la combinatoire des identités et
de l’unité dans un avenir mondialisé.
Afro-responsabilité
Autre lieu de réflexion dynamique sur les évolutions africaines : le
think tank « L’Afrique des idées », créé en 2011 par un groupe d’étu-
diants français et africains. Mettant de côté l’alternative afro-pessi-
misme/afro-optimisme, il pose le principe de l’afro-responsabilité,
et s’engage à faire vivre le débat autour d’idées élaborées à partir
de l’Afrique pour l’Afrique. Il s’agit, explique son président Georges
Vivien Houngbonon, de « mieux comprendre les défis auxquels fait
face le continent africain afin d’œuvrer à ce qu’il puisse les relever ».
Changement climatique, droit du sol, émergence des classes
moyennes, perspectives pour l’électrification, présences russe et
chinoise sur le continent, éducation, santé, nouvelles technolo-
gies, mais aussi entreprenariat, concurrence, investissement : ces
thèmes sont au cœur de la réflexion de l’Afrique des idées.
Sur le site du think tank, on trouvera articles, rapports, actes de sémi-
naire, entretiens. Et depuis le printemps dernier, une revue papier
est publiée, La Revue de l’Afrique des idées, qui, sur la base d’analyses
exhaustives et équilibrées, vise à formuler des recommandations
concrètes à l’endroit des décideurs publics. D’où sa diffusion, par
abonnement, auprès des institutions (parlements, ministères et
agences gouvernementales), organismes et acteurs clés du déve-
loppement en Afrique et ailleurs. Q
Francophonies du Sud | n° 42 | novembre-décembre 2017
 | FRANCO-MOTS
Lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux de la Francophonie.

© CIJF
Comme tous les pays africains, la Côte
d’Ivoire possède de nombreux dialectes et
langues nationales. À l’image du baoulé,
langue qui fut à l’honneur durant tous les
Jeux d’Abidjan avec le mot akwaba qui
signifie « bienvenue ». Mais à Abidjan a aussi
fleuri un argot qui a essaimé : le nouchi.
Petite tentative de décryptage.
PAR CLÉMENT BALTA

« ON SE PANPAN OU ON S’ENJAILLE ? »
Le nouchi est un parler à base lexicale française (avec d’importantes
déformations phonétiques) mais qui a aussi recours à des emprunts
lexicaux faits à des langues locales et en particulier au dioula. Le
nouchi est né à la fin des années 70, inventé par de jeunes Abidjanais
souvent déscolarisés et issus des quartiers pauvres. À l’instar de l’argot
en France, ils ont créé un langage crypté aux origines peu recomman-
dables, celui des vogos (vagabonds) ou des bris (brigands)… Un
« Nouchi » peut désigner ainsi un voyou ou quelqu’un qui joue les durs.
Quelques mots de nouchi…
Certains mots d’origine française se prononcent normalement,
mais d’autres subissent des transformations. Par exemple la chute
de la syllabe initiale ou finale : Yé swi poici : « Je suis bien installé
ici » (avec po, de « po/ser ») ; Tu trizé : « Tu as gardé ton sang-froid »
(trizé, de « maî/triser). D’autres mots sont intentionnellement
déformés pour tromper le profane. Qéchiamêm : « Qu’y a-t-il ? »,
de qéchia/qéssia, formé à partir de « Qu’est-ce qu’il y a ? ».
La création de mots se fait aussi par les suffixes (-er, -ade, -age,
ement, -aille, etc.) ou les préfixes (de-, en/em-, etc.) :
pointaj, « faire la cour » ; dégagéman, « sortie » ;
dépanssé (de-penser), « agir vite, sans réflé-
chir ». La voyelle -o est souvent ajoutée en fin de
mots : samko, « samedi » ; drando, « grand frère,
aîné », ainsi que -ya, -ko, -li, qui viennent du dioula
(bradrwaya : « amitié », c’est-à-dire « bras-droit-ya »).
Le nouchi est ainsi un savant (mais très libre) mélange
où les langues finissent par créer un tas de mots hybrides, comme le
désormais célèbre enjailler, venu de l’anglais enjoy et qui veut dire
« s’amuser, prendre du bon temps ».
... Et quelques expressions
Le nouchi sert de marqueur social voire de vecteur de revendication.
Ainsi, les chanteurs de rap ou de zouglou ont pu faire leur l’expres-
sion Gbé est mieux que drap : « Mieux vaut dire la vérité (gbé) que
de mourir de honte (drap) ». En ce sens que le pauvre aussi a le droit
de se faire entendre, sinon le devoir de crier haut et fort.
La musique est source de bien des inspirations. L’un des courants de la
fameuse danse ivoirienne du coupé-décalé est le faro-faro, où il s’agit
de se faire remarquer, sur la piste ou ailleurs. L’éléphant-mascotte des
Jeux a ainsi été surnommé Fâro, un mot d’origine dioula qui signifie
« malin, faire le malin ». Le mot s’est imposé au point que faroter :
« frimer, se mettre en avant », fait son entrée au Petit Larousse 2018.
Autres expressions peu ou prou imaginées saisies au vol : Go, tu es
zo comme cadeau d’emballage, où go signifie « jeune fille » (un
garçon est un ga ou gaou), et zo, « jolie ». Premier gaou n’est pas
gaou, c’est deuxième gaou qui est gnata : une expres-
sion popularisée par le groupe Magic System et peut
être traduite par « idiot une fois mais pas deux ».
Et se panpan ? Ça veut dire « discuter, palabrer ».
Et plus si affinités. Q
POUR EN SAVOIR PLUS
http://nouchi.com

LES LANGUES DE CÔTE D’IVOIRE

L’article 29 de la Constitution du 23 juillet 2000 stipule que « la langue officielle est le français », langue de la justice (on peut faire appel si nécessaire à
un interprète), des actes notariés, des contrats d’apprentissage, des marchés publics, de l’enseignement, etc. Cependant la loi du 6 juillet 2012 stipule que
le ministère de l’Éducation a la responsabilité de « l’élaboration, expérimentation et promotion des programmes d’enseignement en langues nationales ».
Les langues d’origine africaines en Côte d’Ivoire appartiennent à 4 principaux groupes linguistiques : akan et krou (ex. : le bété) dans le sud du pays,
mandé et voltaïque dans le nord ; il y a 66 langues indigènes et un total de 112 langues. Les plus parlées sont le dioula (langue mandingue proche du
malinké et du bambara) parlé par 70 % de la population ivoirienne ; le sénoufo (langue gour), le baoulé (akan) et le bété (krou). D’autres langues comme
le yacouba et l’agni sont aussi des langues importantes.

Francophonies du Sud | n° 42 | novembre-décembre 2017 25

 PÉDAGOGIE |
DR
SÉNÉGAL,
LES PROMESSES DE L’EFTP
Confronté à la lancinante question du
chômage et à l’employabilité des jeunes,
l’État du Sénégal a actuellement amorcé
une dynamique de profonde réforme de
son système éducatif vers une orientation
plus importante des élèves dans les
filières plus scientifiques, techniques et
professionnelles*.
PAR ABDOULAYE SECK
L
’enseignement technique et, surtout, la formation
professionnelle ont toujours constitué le ventre mou
d’un système éducatif fondé sur l’élitisme. La priorité
étant accordée à l’enseignement général, la formation
professionnelle devait recevoir les recalés du système.
Deux actes majeurs, les Assises nationales de l’Éducation en 1981,
puis celles de l’EFTP (Éducation et formation techniques et profes-
sionnelles) en 2001 vont traduire la volonté d’opérer une rupture
réelle avec un système tant décrié par les populations, car ne pro-
duisant que des « analphabètes fonctionnels » pour dire des formés
qui ne savent rien faire. Ainsi, en 2001, va être initié le Programme
décennal de l’Éducation et de la Formation (PDEF) censé remédier
à cette situation. Malgré les réformes importantes introduites, son
évaluation en 2013 va montrer qu’il était loin d’avoir réalisé les
changements attendus.
Le Sénégal met le PAQUET
C’est à partir de 2012 que l’on peut véritablement parler de poli-
tique de rupture, avec les engagements pris par l’État de régler la
question de l’employabilité des jeunes par la création d’un minis-
26
Devant le tableau des modules d’enseignement au Lycée
professionnel de Dakar.
tère de souveraineté qui intègre l’artisanat et l’apprentissage à la
formation professionnelle. Le nouveau Programme pour la qualité,
l’équité et la transparence (PAQUET), mis en place en 2014, pro-
pose de résoudre le problème, à l’horizon 2025, selon trois compo-
santes : accès, qualité et gouvernance.
Concernant l’accès, l’accroissement des infrastructures et, par
conséquent des effectifs, se traduit par la réhabilitation et l’équi-
pement de l’existant, la construction de nouvelles infrastructures
et le développement de l’offre universitaire et privée. Entre 2007
et 2011, les structures de formation sont passées de 63 à 81 et les
effectifs de 32 868 à 37 516.
Un secteur primaire à la traîne
Pour la qualité, les réformes ont porté sur la révision des pro-
grammes selon l’approche par compétences (APC), l’introduction
d’innovations comme l’apprentissage rénové, la formation duale
inspirée du modèle suisse et le certificat de spécialité qui propose
des formations de courte durée (3 à 6 mois) dans plusieurs filières.
La gouvernance est améliorée par la révision des textes, l’approche
inclusive prenant en compte les chambres de métiers et le monde de
l’entreprise. Des structures de financement appuyées par le privé et
les chambres de métiers sont mises en place.
Paradoxalement, malgré toutes ces avancées, les points sombres
de l’EFTP, au Sénégal, restent encore la désaffection du secteur pri-
maire, notamment l’agriculture et des métiers liés à l’artisanat (cor-
donnerie, bijouterie, etc.) qui sont des secteurs pourvoyeurs d’em-
ploi. Et il reste toujours la grande équation du financement (achat
du matériel pédagogique et maintenance) et l’insertion des sortants.
Néanmoins, en dépit de ces contraintes structurelles et financières,
la dynamique vers la professionnalisation des jeunes semble réso-
lument engagée. Q
* Voir aussi dans notre numéro 41 de Francophonies du Sud (juillet-août 2017) le dossier sur les EFTP en Afrique
francophone et l’article de Baytir Kâ sur le renouveau des curricula au Sénégal.
Francophonies du Sud | n° 42 | novembre-décembre 2017

À LA DÉCOUVERTE D’UN CENTRE DE
FORMATION ARTISANALE
Créé en 1961, le Centre de formation artisanale (CFA) Gallo Boury Thiam de Dakar, situé au
sein du complexe Maurice Delafosse, est le premier, le seul et le plus grand établissement public
de formation professionnelle aux métiers de l’artisanat du Sénégal. Enquête.
PAR ABDOULAYE SECK
Ateliers au CFA Gallo Boury Thiam, à Dakar.
DR
P
lusieurs formations sont proposées au CFA de Dakar : au
niveau du Certificat d’aptitude professionnelle (CAP)
et du Brevet d’études professionnelles (BEP) : ameu-
blement sculpté, bijouterie, cordonnerie, maintenance
électrique ou en mécanique de précision, électronique
et informatique, poterie céramique, coupe et couture, vannerie rotin.
L’admission se fait sur concours pour les élèves de l’enseignement
général ayant atteint au moins le niveau 4e. Jusqu’en 2011, les effec-
tifs tournaient autour de 70 élèves toutes formations confondues
avec un recrutement bisannuel. Actuellement, avec l’introduction du
BEP et du recrutement de promotions annuelles depuis 2012, ils sont
passés à 378 ! Selon le directeur du centre, M. Barro, d’importants
efforts ont été aussi accomplis dans le recrutement d’enseignants et
la formation du personnel existant. Le niveau de recrutement a été
relevé par l’ouverture du BEP, avec un impact positif sur la forma-
tion des élèves et surtout sur l’image du centre, jusqu’alors considéré
comme le lieu de « recasement » des recalés du système éducatif. Il y
a aussi le développement de partenariat local et international. Une
base de données est en cours d’élaboration pour un suivi de l’inser-
tion des sortants. Grâce à la volonté et l’engagement du directeur,
le CFA, naguère ignoré, a connu un bond qualitatif qui le rend plus
attractif pour les jeunes issus de l’enseignement général.
À la recherche de partenariats
Cependant, il reste à faire. Surtout en infrastructures, en équipement
et en approvisionnement en matière première. Les bâtiments datent
d’avant 1960. Le centre compte sur ses propres ressources et l’appui
de partenaires internationaux pour le matériel pédagogique, qui
Francophonies du Sud | n° 42 | novembre-décembre 2017
| ENQUÊTE
coûte cher. Selon un ancien formateur, actuellement créateur d’une
entreprise, le problème premier est celui de l’insertion. Par exemple,
pour la filière cordonnerie – qui forme au CAP sur 3 ans et au BEP
sur 2 ans –, il n’existe pas pour les sortants d’entreprise de fabrica-
tion de chaussures. La solution serait alors l’auto-emploi. Mais il y a
aussi un problème d’approvisionnement en matière première (cuirs
et peaux), et aussi la forte concurrence des produits chinois qui ont
envahi le secteur des métiers du cuir. Les sortants doivent donc béné-
ficier d’une formation technique plus solide dans la filière, mais aussi
en gestion et en entrepreneuriat.
Face à cette situation, le CFA a introduit deux expériences d’insertion.
L’une a consisté à impliquer les parents et les sensibiliser pour aider les
sortants, regroupés en Groupement d’intérêt économique (GIE), en
versant une petite cotisation pour avoir un fonds de départ. Le centre
met à leur disposition des locaux pour les vacances, du matériel avec
l’accompagnement des formateurs. Cela a permis à certains de créer
leur propre atelier de production artisanale. Ils ont pu participer à
deux manifestations nationale et internationale, le « louma » (mar-
ché agricole) de Dakar et la Foire internationale de Dakar (FIDAK)
pour l’exposition et la vente de leurs produits. La seconde expérience
a regroupé les sortants en GIE et mis à leur disposition un atelier
alternatif appelé « Atelier de transition », avec accompagnement par
un ancien du centre qui les aide à obtenir une carte professionnelle
auprès des chambres de métiers. Cela leur permet de bénéficier de
projets de financement (publics, privés, etc.) pour l’artisanat.
Pour M. Barro, le CFA constitue un important gisement d’emploi pour
les jeunes Sénégalais. Il doit passer à la vitesse supérieure et capter
une part plus large issue de l’enseignement général, en augmentant
l’accès et la qualité grâce à un investissement en infrastructures et en
équipement pédagogique. Pour cela, tout partenariat sera bienvenu ! Q
DR
27
FICHE PÉDAGOGIQUE | FOS

DÉCODER UNE DÉFINITION

DANS UN COURS MAGISTRAL
FICHE RÉALISÉE PAR ABDELKRIM KAABOUB MATÉRIEL
NIVEAU : LYCÉE OU 1ER CYCLE UNIVERSITAIRE „ Document support : il s’agit de la transcription d’un cours oral. Si vous
souhaitez partir de l’oral pour ce travail, vous pouvez enregistrer vous-même
OBJECTIFS ce cours pour le diffuser à la classe ; vous pouvez encore joindre l’auteur pour
„ Repérer une définition obtenir un fichier oral (kaaboub.creafos@yahoo.fr)
„ Identifier l’organisation d’une définition „ Photocopies du document support et des fiches d’activité. Les fiches
„ Répertorier les moyens linguistiques pour donner une définition « outils », à réaliser en classe, sont des modèles pour l’enseignant

LES ÉTAPES À SUIVRE 3. Correction collective.

A. Repérer une définition
Étape 2
1. Prise de connaissance du document
2. Repérage des notions définies 1. Réalisation de l’exercice proposé dans la fiche activité 1.
3. Rediffusion du document audio 2. Bilan collectif.
4. Repérage des définitions entières 3. Élaboration collective de la fiche outil 2.
5. Bilan collectif sur les critères permettant de repérer une dé-
finition C. Répertorier les moyens linguistiques pour donner
6. Élaboration de la fiche outil 1. une définition
1. À partir de la transcription du document, repérer les mar-
B. Identifier l’organisation d’une définition queurs linguistiques utilisés pour donner les définitions.
Étape 1 2. Réalisation de l’exercice de la s.
1. Repérage des termes définis dans le document 3. Bilan collectif.
2. Mise en évidence de la structure-type d’une définition à partir 4. Élaboration collective de la fiche outil 3.
des définitions relevées du document audio.

FICHE OUTIL 1 | Comment reconnaître une définition?

Repérer les marqueurs linguistiques utilisés pour donner les définitions se trouvant dans le texte ci-dessous, puis compléter le tableau.
đƫ!/ƫ hü*%0%+*/ƫ !ƫ)+0/ƫ+*0ƫ,+1.ƫ10ƫ !ƫ"%.!ƫ+**ˆ0.!ƫ(!ƫ/!*/ƫ Ě1*ƫ)+0ƫHƫ!14ƫ-1%ƫ+*0ƫ h&Hƫ1*!ƫ*+0%+*ƫ,(1/ƫ+1ƫ)+%*/ƫ(%.!ƫ+1ƫ+/1.!ƫ !ƫ(ƫ$+/!ƫ-1!ƫ
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Indices Exemples
C’est (présentatif) La solidification, c’est le passage de l’état liquide à l’état solide.
Être Les jeux de boule sont des sphères compactes et rigides.
Définition Prenez la définition du rayon covalent…
Définir On peut définir un atome par son rayon…
Question rhétorique Qu’est-ce qu’un atome ? Un atome c’est quoi ?
Indicateur de reformulation La mécanique c’est-à-dire la science qui étudie le mouvement des systèmes matériels.

FICHE OUTIL 2 | L’organisation d’une définition

Une définition se présente sous la forme X = Y.
Indices Moyen linguistique liant X et Y Exemples
X = Y
La sublimation c’est Les jeux de boule sont des sphères compactes et rigides.

FICHE OUTIL 3 | Les moyens linguistiques pour donner une définition

đƫPour exprimer une équivalence : être – c’est – définir – peut être assimilé à – il est assimilable – signifier – correspondre à.
đƫPour reformuler : c’est-à-dire – ça veut dire – ou (bien) – en d’autres termes – autrement dit – on peut dire aussi – on entend par.

28 Francophonies du Sud | n° 42 | novembre-décembre 2017

 DOCUMENT SUPPORT
Variations périodiques du rayon atomique

DR
Sachez d’abord que, pour définir le rayon atomique, il faut qu’on puisse avoir une
idée sur la forme ou la géométrie d’un atome.
Un atome en général est considéré comme étant une sphère, on l’assimile à une
sphère, il est assimilable à une sphère compacte, pleine, rigide… c’est comme
une boule… Les jeux de boule sont des sphères… elles sont compactes et rigides.
Mais en plus, ça veut dire que si les atomes sont rigides et compacts… quand
vous mettez un atome A avec un atome B, ça veut dire que les deux atomes ne
vont pas s’interpénétrer… ce n’est pas comme une pâte à modeler par exemple.
Vous mettez une boule avec une autre boule, elles s’écrasent. Les deux atomes
sont censés être deux sphères compactes. La position limite ce sera la position
juste où elles se touchent. D’accord. Ça, c’est la 1re hypothèse avant de définir
un rayon atomique.
La liaison se fait à une distance la plus proche possible, ça veut dire que quand
les deux sphères, les deux atomes se touchent… Je prends par exemple l’atome
1, vous avez le noyau au centre + E et ça, je vais l’appeler l’atome H 1-1. Vous
prenez le 2e atome, et là vous avez … +E étant la charge nucléaire de l’atome
d’hydrogène, ce sera l’hydrogène 2. Et cette distance, la distance qui sépare les
deux noyaux, on l’appelle la distance internucléaire. On l’appelle aussi la lon-
gueur de la liaison.

FICHE ACTIVITÉ 1 | L’organisation d’une définition

Compléter le tableau suivant à partir des petits textes ci-dessous.
Terme défini Phrase définitoire
D1

D2

D3

D4

D5

1. Une distribution continue sera définie comme un ensemble infini de charges infinitésimales réparties dans l’espace selon des géométries particu-
lières: en longueur, en surface et en volume.
2. La concentration correspond à la quantité de soluté dans un litre de solution
3. Le terme « électrostatique » signifie que les charges en interaction sont immobiles par rapport au référentiel de l’opérateur.
4. La solidification c’est-à-dire le passage de l’état liquide à l’état solide
5. Les armatures sont deux sphères concentriques, l’une creuse et l’autre pleine.

FICHE ACTIVITÉ 2 | Les moyens linguistiques pour donner une définition

Repérer les marqueurs linguistiques utilisés pour donner les définitions se trouvant dans le texte ci-dessous, puis compléter le tableau.
đƫ*ƫ)h*%/)!ČƫĚ!/0ƫ1*ƫ//!)(#!ƫ Ě+.#*!/ƫ//1&!00%/ƫHƫ !/ƫ(%%/+*/ċƫ!((!/ġ%ƫ//1.!*0ƫ(Ě%))+%(%/0%+*ƫ.!(0%2!Čƫ0+0(!ƫ+1ƫ,.0%!((!Čƫ !ƫ !14ƫ,%t!/ƫ
adjacentes. La liaison est une fonction mécanique élémentaire dont l’élément de base est la pièce qui a un rôle et doit assurer une ou plusieurs fonctions.
đƫ!ƫ10ƫ !/ƫ(%%/+*/ƫ!/0ƫ !ƫ/1,,.%)!.ƫ,.0%!((!)!*0ƫ+1ƫ0+0(!)!*0ƫ(!/ƫ)+12!)!*0/ƫ.!(0%"/ƫ Ě1*!ƫ,%t!ƫ,.ƫ.,,+.0ƫHƫ1*!ƫ10.!ċƫ
%*/%Čƫ+*ƫ hü*%0ƫ1*!ƫ
liaison mécanique comme étant le moyen qui lie au moins deux pièces lorsque les mouvements de l’une par rapport à l’autre ne sont pas tous possibles.
FICHES ACTIVITÉS

đƫ!ƫ)+12!)!*0ƫ.!(0%"ƫ Ě1*!ƫ,%t!ƫ!/0ƫ hü*%ƫ,.ƫ(!ƫ*+).!ƫ !ƫ !#.h/ƫ !ƫ(%!.0hƫ.h(%/h/ċƫ*ƫ+.,/ƫ%/+(hƫ */ƫ(Ě!/,!ƫ,+//t !ƫ/%4ƫ !#.h/ƫ !ƫ(%!.0hƫ

dont trois mouvements en translation et trois en rotation comme le montre la figure 2.

Terme défini Moyen linguistique utilisé pour donner la définition

Francophonies du Sud | n° 42 | novembre-décembre 2017 29

FICHE PÉDAGOGIQUE |

LIRE UN POÈME ENGAGÉ

FICHE RÉALISÉE PAR ODILE GANDON
NIVEAU : COLLÈGE ET LYCÉE
OBJECTIFS
MATÉRIEL „ Découvrir un poétesse burundaise contemporaine, analyser des procédés poé-
„ photocopie du texte tiques, définir une poésie engagée, Dire un poème à plusieurs voix

TROIS ETHNIES
1 Trois ethnies 20 Trois petits bouts d’enfance s’envolent en éclats.
Trois jolis sourires Trois rêves déchiquetés, trois rires muets.
Trois jeunes destins Trois destins étouffés, trois boutons de fleurs écrasés.
Trois petites filles Trois chants inachevés.
5 Trois éclats de rire qui chatouillent les manguiers
Un, deux, trois pleurs identiques s’élèvent dans un ciel désastré.
Elles jouent en cercle en se tenant la main, 25 Trois silhouettes vêtues d’imvutano (1) noirs s’allongent,
Sandales et peurs au vent, Cheveux rasés, âmes calcinées.
Trois rêves ludiques,
Trois mères,
Trois chansons.
Trois plaies.
10 Un, deux, trois, elles sautillent, Trois cœurs fendus à jamais.
Et petites nattes se hissent à l’horizon. 30 Hutu, Tutsi, Twa.
Un, deux, trois, elles sautillent, Trois ethnies.
Six petits pieds se posent sur la terre fébrile ; Une seule agonie.
Fraîchement violée par ses fils, Un seul fleuve de larmes qui s’écoule et s’écoule, à l’infini
15 Féconde et porteuse en son sein de l’infâme.
Et ce silence
Un, deux, trois, et la terre minée s’ouvre, 35 Le silence lourd et écarlate du sang des innocents.
Rugissante et béante,
Ketty Nivyabandi, in Chants du métissage, éd. Bruno Doucey, 2015.
Purulente de petits monstres,
Elle avale les trois chansons 1. Vêtement traditionnel des femmes burundaises, composé d’une longue robe nouée à l’épaule.

KETTY NIVYABANDI : Poétesse burundaise, née en Belgique, mais qui a vécu son enfance au Burundi, où sont retournés ses
parents. Après des études en France, puis au Kenya, elle travaille comme journaliste à Bujumbura, où, avec des amis écrivains,
elle crée un café littéraire, le Samandari. Engagée dans la défense des droits humains dans son pays, elle a dû s’exiler au Canada
en 2015. « L’art, dit-elle, est un regard sur le monde et l’une des façons les plus fortes et audacieuses de résister et de se libérer. »

MISE EN ROUTE lecture : les répétitions du chiffre « trois » ; le passage de l’atmos-

t
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EFO
EJTUSJCVFS
MB
QIPUPDPQJF
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ÌMÏWFT

PO
MFVS
MJSB
gique de la fin ; les images frappantes (la terre minée, les « petits
le texte à haute voix pour une première approche, qui don-
nera lieu à un échange oral : de quoi s’agit-il dans ce poème ?
qu’est-ce qui vous a frappés dans ce texte ?
t
&O
GPODUJPO
EFT
SÌQPOTFT
È
DFT
RVFTUJPOT

PO
QSÌDJTFSB
RVF
MF
ANALYSE DE L’ŒUVRE
cadre du poème est les luttes sanglantes qui ont eu lieu dans
la région des Grands Lacs. On situera le Burundi, on évoquera
les tensions entre ethnies (Hutus, Tutsis, Twa) qui ont ravagé
la région. On présentera l’auteur, très sensible aux souffrances
endurées par les populations.
t
0O
QSÌDJTFSB
BWFD
MFT
ÌMÏWFT
DF
RVJMT
BVSPOU
QV
SFUFOJS
TVS

la forme et le contenu du poème à l’écoute de cette première
phère de bonheur et de jeu au début du texte à la tonalité tra-
monstres », les « rêves déchiquetés », les silhouettes noires des
mères en deuil).
A) Approche collective
t
0O
EJTUSJCVF
MFT
QIPUPDPQJFT
EV
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-FT
ÌMÏWFT
QSPDÏEFOU
È
VOF

lecture silencieuse, puis répondent oralement aux questions suivantes
qui précisent la nature du texte et la compréhension générale :
– À quoi voit-on que ce texte est un poème ? Il est écrit en vers, avec
des retours à la ligne.

30 Francophonies du Sud | n° 42 | novembre-décembre 2017

– Ces vers sont-ils réguliers ? Riment-ils ? Non, ce sont des vers libres,
de longueurs différentes, sans rimes, sinon quelques sons répétés en
fin de vers (ex. : v. 22-26 ; v. 32-33)
– Dégagez les grandes parties du texte ; donnez-leur un titre à cha-
cune. Le texte comporte trois parties : le jeu des enfants (v.1 à 13) – le
drame des mines (v. 14 à 23) – le deuil des mères (v. 24 à 35).
t
-FT
SÌQPOTFT
TFSPOU
OPUÌFT
BV
UBCMFBV
FU
SFDPQJÌFT
QBS
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ÌMÏWFT
B) Travail par groupes
t
0O
QBSUBHF
MB
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USPJT
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$IBRVF
HSPVQF
USBWBJMMF
È

partir d’un questionnaire, inscrit au tableau et qui permet d’ana-
lyser plus précisément le texte. On procédera ensuite à la mise en
commun des réponses.
t
1er questionnaire : sur la 1re partie du texte (v. 1 à 13)
1-1. Comment appelle-t-on la répétition de termes dans un texte ?
Une anaphore. Ici : répétition du mot « trois », puis de « un, deux, trois ».
1-2. À quel genre de texte ce début peut vous faire penser ? À une
comptine, qui accompagne les jeux d’enfants.
1-3. Repérez les termes qui montrent la joie des petites filles.
« Sourire, éclats de rire, elles jouent, ludiques, chansons ».
1-4. Relevez une image qui symbolise la bonne humeur. « Trois
éclats de rire qui chatouillent les manguiers » = double personnifi-
cation des « éclats de rire » et des « manguiers », qui indique que la
nature participe aux jeux des enfants.
1-5. Deux mots, dans cette première partie introduisent une légère
inquiétude. Quels sont-ils ? « peurs » (v. 7) et « fébrile » (v. 13).
t
2e questionnaire : sur la 2e partie du texte (v. 14 à 23)
2-1. Relevez tout le vocabulaire qui évoque la violence du drame.
« violée, Infâme, minée, rugissante et béante, purulente, monstres
déchiquetés, muets, étouffés, écrasés ».
2-2. Expliquez l’expression « violée par ses fils ». Les fils repré-
sentent les hommes de la région qui ont mis des mines dans la terre.
2-3. À quelle figure de conte est comparée la terre porteuse des
mines ? À un monstre (les mines étant les « petits monstres ») ou à un
ogre qui « avale » les enfants.
2-4. Par quels procédés l’auteur insiste-t-elle sur l’horreur du

JM
TBHJU
EVO
QPÏNF
RVJ
UÌNPJHOF
FU
EÌOPODF
VOF
SÌBMJUÌ

drame ? Par l’emploi du vocabulaire (voir question 2-1) ; par les op-
positions, au sein des mêmes vers, entre les enfants, leurs rêves, leurs
chants et la violence des mines (par ex. : « elle avale les trois chan-
sons », « trois rêves déchiquetés »…).
t
3e questionnaire : sur la 3e partie du texte (v. 24 à 35)
3-1. Quel mot fait écho au « chant » du vers 23 ? Le mot « pleurs »,
réponse des mères au chant interrompu des enfants.
3-2. Expliquez le néologisme « désastré » (v. 24). En quoi ce mot,
inventé par l’auteur, est-il adapté à la situation ? Cet adjectif est
formé sur le substantif « désastre », il évoque avec force la violence du
drame et indique aussi une participation de la nature (« un ciel ») à
la douleur humaine.
3-3. Quelle impression se dégage de l’apparition des « trois sil-
houettes » ? Annoncées par les « pleurs », les silhouettes évoquent
d’abord un rituel de deuil (« noirs », « cheveux rasés ») impressionnant.
L’auteur procède à une véritable mise en scène : on entend d’abord, puis
on voit, puis on entre dans le cœur de ces femmes meurtries.
Francophonies du Sud | n° 42 | novembre-décembre 2017
© Adobe S tock
Manguier.
3-4. Relevez les mots qui expriment la souffrance des mères.
« âmes calcinées, plaies, cœurs fendus à jamais ».
3-5. Repérez les symétries entre le début et la fin du poème. Pour-
quoi, à votre avis, l’auteur utilise-t-elle ce procédé ? La répétition du
nombre « trois », la mention des « trois ethnies » rappellent le début
du poème. Mais la symétrie devient opposition quand aux rires et au
chant du début répondent les larmes et le silence de la fin. On peut
penser que, dans l’atmosphère de deuil et de tristesse de la fin, l’auteur
veut faire encore entendre la joie du début, qui s’est effacée à jamais.
C) Discussion
Une fois le poème bien analysé et compris, on peut engager une
discussion avec l’ensemble de la classe sur le thème : En quoi
peut-on parler d’un poème « engagé » ?
t
0O
FTTBJF
EF
EÌGJOJS
MB
GPODUJPO
RVF
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BWPJS
VO
QPÏNF

EJT-
traire, exprimer des sentiments personnels, mais aussi témoigner
d’une réalité que l’on dénonce ou que l’on glorifie : il s’agit alors de
poésie engagée.
t
*DJ
vécue dans les pays de la région des Grands Lacs. On peut partir de
ces trois vers : « Trois ethnies/Une seule agonie/Un seul fleuve… »,
et demander aux élèves d’expliquer ce qu’a voulu dire l’auteur.
L’auteur dénonce les conflits ethniques qui ravagent son pays et pro-
voquent la mort des enfants et la douleur infinie des mères.
PROLONGATION
t
-BSU
EF
MBVUFVS
BQQFMMF
VO
travail oral d’interprétation à
plusieurs voix de ce poème. On divise la classe en trois groupes
(chaque groupe prend en charge une des trois parties du texte).
Dans chaque groupe, on se répartit les vers, qui peuvent être dits à
une, deux ou plusieurs voix.
t
*M
GBVESB
USBWBJMMFS
MB
diction, l’intonation, le rythme de façon
différente en fonction du contenu du texte, pour rendre l’atmos-
phère particulière de chaque partie (1. joie et légèreté – 2. violence
et peur – 3. ritualisation et tristesse).
31
FICHE PÉDAGOGIQUE |

ACTIF OU PASSIF ?
FICHE RÉALISÉE PAR ODILE GANDON
NIVEAU : PRIMAIRE ET COLLÈGE OBJECTIFS
„ Distinguer formes actives et passives
„ Pas de matériel : les exercices et les exemples peuvent être écrits au tableau. „ Construire et utiliser ces formes

remarquer les transformations entre les formes actives et pas-

sives ; on leur demande enfin de transformer les phrases actives
DR

en phrase passives et inversement (par oral, puis par écrit au ta-

bleau : tour à tour des élèves viennent au tableau pour transfor-
mer les phrases, les autres participent en corrigeant les phrases
éventuelles).
Exemples de phrases :
1. Mon frère a emprunté ce roman à un ami.
2. Nous serons reçus par le maire à midi.
3. Le chauffeur provoqua un accident.
4. Sa maison est construite par un architecte.
5. Ce cadeau vous avait été envoyé par votre famille.

MISE EN ROUTE
t
On inscrit deux phrases au tableau :
1. Le tigre attrape la gazelle. / 2. La gazelle est attrapée par le tigre.
Demander aux élèves de préciser les différences (de sens et de
conjugaison) entre ces deux phrases.
La scène décrite est la même, mais dans la phrase 1, le sujet (le tigre)
fait l’action (attraper la gazelle) ; dans la phrase 2, le sujet (la ga-
zelle) subit l’action. on a changé de point de vue sur l’action.
Le verbe de la phrase 1 est à la forme active ; le verbe de la phrase 2
est à la forme passive.
t
On demande aux élèves d’analyser les éléments des deux
phrases et on introduit la notion de « complément d’agent » dans
la phrase passive (qui fait l’action dans la phrase 2 ?).
Le tigre attrape la gazelle la gazelle est attrapée par le tigre
sujet verbe COD sujet verbe Ct d’agent
CONJUGAISON, ANALYSE DE PHRASES ET
ENTRAÎNEMENT
t
On compare les deux formes verbales :
– phrase 1 : « attrape » est au présent de l’indicatif actif : c’est une
forme simple.
– phrase 2 : « est attrapée » est au présent de l’indicatif passif :
c’est une forme composée de l’auxiliaire « être » au présent et du
participe passé. Rappeler aux élèves qu’ils doivent faire atten-
tion à l’accord du participe passé dans les phrases passives.
t
En travail collectif, on propose aux élèves quelques phrases,
à l’actif et au passif ; on leur demande d’analyser le temps, de
t
$FT
QISBTFT
QFSNFUUFOU
EBGGJOFS
MBOBMZTF

– Attention au temps employé qui doit rester le même à l’actif
et au passif ! Exemple : dans la phrase 1, « a emprunté » est un
passé composé actif, ce qui donne au passif la forme « a été em-
prunté » les temps composés passifs sont formés de trois
éléments (voir aussi la phrase 5, au plus-que-parfait passif).
– Insister sur le fait qu’à chaque fois, le sujet de la phrase active
devient complément d’agent dans la phrase passive (et inver-
sement).
t Remarques très importantes :
– Seuls les verbes transitifs directs (qui ont un COD) peuvent
être mis à la forme passive. Le COD de la phrase active de-
vient sujet de la phrase passive.
– Les verbes qui font leurs temps composés avec l’auxiliaire
« être » (comme les verbes de mouvement) ne peuvent pas être
à la forme passive. Exemple : Les élèves sont montés dans le
bus scolaire. « sont montés » est le passé composé du verbe
« monter », qui se conjugue avec l’auxiliaire être » aux temps
composés. Le verbe « monter » (comme « venir », « descendre »,
« arriver », « sortir »…) n’ont jamais de formes passives.
– Dans certaines phrases passives, il n’y a pas de complément
d’agent exprimé. Exemple : Ma sœur a été bousculée dans la rue
(mais je ne sais pas par qui). Si l’on veut mettre la phrase à l’ac-
tif, le sujet sera alors le pronom indéfini « on » On a bousculé
ma sœur dans la rue.
t
Entraînement : une fois terminé ce passage en revue des
« pièges » à éviter, faire produire aux élèves des phrases actives
ou passives, et les faire s’exercer à des transformations : passage
de l’actif au passif (ou inversement) et changement de temps
(temps simples et temps composés).

32 Francophonies du Sud | n° 42 | novembre-décembre 2017

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