Vous êtes sur la page 1sur 23

MOUHAMAD SEYDOU BÂ, toute une vie au service de l’Islam pour

l’expansion de la Tidjaniya

El hadj Mamadou Seydou, ou Mamadou Hawoly Bâ est né en 1900 dans le


village de Thikité (Arrondissement de Saldé, département de Podor-
Sénégal). Il est le fils du très pieux Thierno Seydou  Alpha Hammath et de
la pure et honorable Sokhna Hawoly Bâ. Il est de la province du Yirlaabe par
sa mère et de celle du Bosséa par son père.

Orphelin de mère à 9 ans et de père à 14 ans, Mouhamad Siradji allait avoir


un destin lié à celui du Prophète Mouhamed (Psl) et à celui de Cheikh
Ahmed Tidiane (Rta).

 Très jeune, Mouhamad Siradji, se fit remarquer par son intelligence, sa


piété, ses vertus et sa modestie. Il mena une vie périlleuse et pleine
d’embûches. Ses efforts, sa crainte d’Allah, sa modestie, son amour
pour le vrai et son aversion pour le faux lui valurent le respect de
tous mais aussi la jalousie et l’inimitié de certains. Par la volonté de Dieu,
Thierno Mamadou Seydou Bâ échappa à des attentats ourdis contre lui
par des jaloux de son destin. Il apprit et maîtrisa toutes les sciences
connues des érudits musulmans du Fouta de l’époque. Il fut aimé et
respecté par ses maîtres pour la vivacité de son esprit, sa grande
science et sa sagesse.

Après  avoir assimilé les enseignements et les secrets des grands maîtres
qu’il connut, il atteignit les degrés spirituels escomptés, notamment celui
du grand Cheikh et Pôle de son temps.

El Hadj Mamadou Seydou mourut le 26 juin 1980 à Dakar, suite à une


maladie qu’il contracta au cours de son célèbre pèlerinage à Fès. Il fut
enterré à Médina Gounass, la ville qu’il fonda le 27 Février1936.

Chez Cheikh Moussa Camara


Cheikh Moussa Camara était un érudit de l’islam, et particulièrement de la
confrérie Qadr. Né à Gouriky Samba Diome, il était du village de Ganngel
Cheikh Moussa. Son père s’appelait Ahmad Al Habib Camara et sa mère
Mariame Daddé Soh.

Après ses études au Fouta, en Guinée et en Mauritanie, il s’installa à


Thikitté dans le Yirlaabé. Cheikh Moussa enseignait surtout le droit
islamique, la grammaire, la littérature et la prosodie arabes. Sa méthode
consistait à faire interrompre, très tôt, l’apprentissage du Coran  au jeune
élève et à le former dans les disciplines précitées. Cheikh Moussa forgeait
dans la confrérie Qadriya.

Thierno Setdou Alpha Hammath, le futur père de El Hadj Mamadou Seydou,


figurait parmi les nombreux disciples spirituels de Cheikh Moussa Camara.

Thierno Seydou Hammath s’adonnait beaucoup à la lecture du livre intitulé


Dalaa’ilul Xayraati, un recueil de formules de prières consacrées au
Prophète Mohammad (Psl). Il découvrit dans ce livre que le Prophète
Mohammad (Psl) s’appelait aussi Muhammadun Siraajun Muniirun. Il
s’engagea alors fermement à donner ce nom à son prochain fils.

L’une des épouses de Cheikh Moussa s’appelait Sokhna Hawwa Mamadou


dont les frères Mamoudou Mamadou Bah et Abdourahmane Aly Diallo
figuraient parmi les élèves et les gendres de Cheikh Moussa. En effet, ces
derniers étaient mariés aux filles de Cheikh Moussa ; le premier à Diouldé
Thierno, le second à Youmma Thierno.

Sokhna Hawwa vivait dans la famille conjugale avec Sokhna Hawoly, sa


petite sœur.

Cheikh Moussa avait des sentiments avérés de confiance et d’affection


pour Thierno Seydou Alpha Hammath. Cheikh Moussa donna en mariage
sa belle-sœur, Sokhna Hawoly, à son bien aimé disciple, Thierno Seydou
Hammath.

De ce mariage, naquit en 1900 à Thikitté, Mamadou Saïdou appelé aussi


Mamadou Hawoly ou Mouhammad Siraaji diin.

En 1902, Cheikh Moussa retourna à Ganngel, son village d’origine, en


compagnie  de ses disciples dont Thierno Seydou Hammath et sa famille.
Avec l’autorisation de Cheikh Moussa, Thierno Seydou Hammath fonda
Gourel Thierno, village situé en Mauritanie, en face de Ganngel. Beaucoup
d’élèves choisirent de s’installer à Gourel Thierno, à côté de Thierno Seydou,
leur condisciple et frère de sang.

Le jeune Mouhammad Siradji resta à Ganngel où il fut élevé par sa tante


Hawwa Mamadou, l’épouse de Cheikh Moussa. En 1907, le jeune Mamadou
Seydou  commença les études coraniques. Par la grâce divine et par la
volonté de cheikh Moussa, le jeune Mamadou Hawoly eut comme premier
maître Thierno Mamoudou Mamadou, son oncle maternel. Très vite, il se
révéla très intelligent.

Sokhna Hawoly, la mère de Thierno Mamadou Seydou mourut en 1909.


Conformément à la méthode de Cheikh Moussa, le jeune Mamadou Seydou
suspendit, contre son gré, l’apprentissage du Coran pour se consacrer à
celui du droit islamique, de la grammaire, de la prosodie et de la littérature
arabes

L’étape de Bokki Diawé

Le jeune Mamadou Seydou avait envie de continuer l’apprentissage du


Coran et son père l’encourageait discrètement dans ce sens. Sans solliciter
l’autorisation de ses parents et du maître Cheikh Moussa, le jeune
Mamadou Seydou alla à Mbagne, chez sa tante Aminata Alpha, en quête
d’un enseignant de Coran. Sa tante l’envoya auprès d’un marabout installé
à Dabbé. Le jeune ne tarda pas à quitter Dabbé à la recherche d’un autre
enseignant plus compétent. Le jeune Mamadou Seydou alla alors s’installer
à Bokki Diawé auprès de Thierno Djiby Harouna, originaire de Thikkitté.
Pendant qu’il apprenait le Coran auprès de Thierno Djiby, le jeune Mamadou
Seydou enseignait le droit islamique, la grammaire et la littérature arabes à
ses condisciples aînés. A 14 ans, il mémorisa 7 hizib auprès de Thierno
Djiby Harouna. En 1914, il rentra à Gannguel afin de ne pas déranger
éventuellement son père écartelé entre son désir intime de voir son fils
exceller en Coran et celui de son maître Cheikh Moussa animé d’une idée
différente.

Cheikh Moussa ne manqua pas de faire au jeune fugitif des reproches


relatifs à son séjour à Thikitté pour l’apprentissage du Coran. Le jeune
Mamadou Seydou alla à Gourel Thierno rendre visite à son père. Ce dernier
lui révéla ses intentions à travers le nom de Muhammad Siraaji diin qu’il lui
a donné et le conforta dans son engagement à bien apprendre le Coran.
L’entretien entre Thierno Seydou et son fils Mamadou Siradji eut lieu sous
un jujubier situé au bord de la route reliant Gannguel et Gourel Thierno.

C’est sous cet arbre devenu sacré pour avoir abrité cet entretien qui
marqua fort la vie de Thierno Mamadou Siradji que Thierno Saïdou
Hammath et son fils Mamadou Saïdou se concertèrent pour la dernière fois.

Ngijilone ou le premier contact avec le Prophète Muhammad (Psl)

En 1918, quatre ans après la mort de son père, Thierno Seydou Alpha, le


jeune Mamadou Seydou, alla à Ngijilone, auprès de Thierno Ahmadou
Moctar Hann appelé aussiThierno Yéro Baal, un autre érudit de l’islam et de
la Tariqa Qadriya.

Thierno Yéro Baal a enseigné beaucoup d’érudits célèbres parmi lesquels


figurent Thierno Hammet Baaba Talla de Thilogne, Thierno Cheikh
Hamidou Sall de Matam et El hadji Malick Sy de Tivaoune. C’est bien lui qui
a enseigné Lihmiraar Wuldu Buuna au célèbre Serigne El Hadji Malick  Sy.

A l’arrivée de Thierno Mamadou Seydou, Thierno Yéro Baal était déjà


devenu un handicapé visuel, c’est-à-dire atteint d’une cécité oculaire. De ce
fait, Thierno Yéro avait confié l’instruction des élèves à son neveu, Thierno
Ahmadou Bocar Thierno Tilléré. Très vite, le jeune Mamadou Seydou, qui
était au niveau de Alfi  Yaati de Ibnou Malick, niveau très élevé pour son
âge, gagna l’estime de Thierno Yéro Baal. Il se chargea de conduire Thierno
Yéro Baal à la mosquée où ce dernier effectuait régulièrement les cinq
prières canoniques quotidiennes. Tel que le confirmait Thierno Dahiirou
Thierno Yéro, tout le monde  s’étonnait de la particularité de  l’affection que
Thierno  Yéro avait pour cette jeune recrue. Une nuit, à l’occasion de la
célébration de l’anniversaire de la naissance du Prophète Muhammad (Psl),
Thierno Mamadou Seydou conduisit Thierno  Yéro Baal à la mosquée pour
assister à la soirée religieuse qui y était organisée à cet effet. Ils arrivèrent
à la mosquée pendant que les chanteurs entonnaient le vers «Hananun, bal
hananun, bal hananun». Ils furent accueillis à l’entrée de la mosquée par le
Prophète Muhammad (Psl). Par l’entremise de Thierno Yéro Baal, le jeune
Mamadou Siradji qui était à l’état d’éveil vit, pour la première fois, le
Prophète Muhammad (Psl) alors qu’il n’était pas encore initié à une seule
Tarikha (Congrégation).

Une nuit de mercredi, après la dernière prière du soir (Ichaa), Thierno


Mamadou Seydou, comme d’habitude, raccompagna Thierno Yéro dans sa
chambre. Thierno Yéro le retint plus longtemps que d’habitude et pria pour
lui. Pour la première fois, ils se quittèrent tard dans la nuit. Thierno Yéro fut
rappelé à Dieu dans la même nuit.

Le séjour de Thierno Mamadou Seydou   auprès de Thierno Yéro Baal ne


dura alors que sept mois.

Thierno Mamadou Seydou  chez Thierno Hammet Baaba Talla

Originaire de Sinthiou Bamambé, Thierno Hammet Baaba était installé à


Dakar. Pour permettre au Fouta de profiter de l’érudition de Thierno
Hammet Baaba, Thierno Amadou Tidiane Wone œuvra pour l’installation de
Thierno Hammet Baaba à Thilogne.

Ainsi, Thierno Amadou Tidiane Wone subventionna le commerce de


Thierno Hammet Baaba afin de permettre à ce dernier de subvenir à ses
besoins et de pouvoir dispenser quatre jours de cours par semaine.

Thierno Yéro Baal ne cessait d’exalter l’érudition de Thierno Hammet Baba,


son ancien disciple. Aussi, Cheikh Moussa avait-il une fois fait allusion aux
compétences et à l’érudition de Thierno Hammet Baba. Fort de ces
témoignages, Thierno Mamadou Seydou  quitta Ngijilone , deux mois après
le décès de Thierno Yéro Baal pour atterrir à Thilogne auprès de Thierno
Hammet Baba Talla.

Comme ce fut le cas avec Thierno Yéro, Thierno Hammet Baaba ne tarda
pas à éprouver une affection sans limites pour le nouvel élève, Mamadou
Seydou. Thierno Hammet finit par confier la gestion de sa boutique à son
élève, Mamadou Seydou. Thierno Hammet Baaba fit de Mamadou Siradji
son fidèle compagnon. Il s’accompagnait toujours de lui pour aller à la
mosquée y effectuer les prières canoniques. Le jour, l’élève Mamadou
Siradji se consacrait exclusivement à la boutique. Le soir, Thierno Hammet
lui faisait des cours, en l’absence de tout autre disciple.

L’élève Mamadou Siradji instaura la journée du maître. En vue d’aider à


l’instauration de la Sunna dans la famille de son maître, l’élève Mamadou
Saïdou  construisit des toilettes privées pour Thierno Hammet et sa famille
ainsi que des toilettes publiques  pour les disciples et les visiteurs.

La lecture de Jawaahiral Ma’aani donna à Thierno Mamadou Seydou 


l’envie d’embrasser la Tarikha Tijjaaniya. Thierno Mamadou Seydou 
s’affilia à la voie Tijjaan en 1923. Il y fut initié par Thierno Hammet Baaba
qui l’éleva au rang de Muqaddam, c’est-à-dire, initiateur à la Voie Tijjaaniya.

Thierno Hammet Baaba n’a jamais voulu que Thierno Mamadou Seydou 
s’absente, un seul instant, de la maison. Thierno Hammet lui vouait une
confiance et une affection extraordinaires que traduisait l’anecdote ci-
après : «En compagnie de son élève Thierno Hamady Cissokho de
Niamanary (Vélingara), Thierno Hammet allait à Sinthiou Bamambé. Ils
firent escale dans un village où ils passèrent la nuit. Thierno se leva tard
dans la nuit et se mit à prier. Il réveilla son compagnon afin que ce dernier
fasse autant. Le compagnon lui répondit : <<Je ne  compte point sur mes
prières, mais sur toi>>. Et Thierno Hammet de rétorquer à Hamady
Cissokho, son compagnon : <<Je n’ai point le grade auquel tu fais allusion.
C’est mon cher Thierno Mamadou Seydou  qui est élevé à ce grade. Est
sauvée de l’enfer toute personne qui aura prié derrière Thierno Mamadou
Seydou …D’ailleurs, toi de la Casamance lointaine et lui du Fouta Toro, vous
serez des voisins…»

L’anecdote ci-après met en évidence la confiance de Thierno Hammé


Baaba à l’endroit du jeune Mamadou Seydou. «Un jour, Thierno Hammet et
ses nombreux disciples étaient au champ. A l’heure de la prière, on
constata que l’eau qui restait dans les récipients ne suffisait que pour les
ablutions d’une seule personne. Thierno Hammet ordonna à Thierno
Mamadou Seydou  de faire ses ablutions avec l’eau restante et de diriger la
prière. Thierno Hammet pria derrière lui.»

Thierno Mamadou Seydou  séjourna pendant neuf ans auprès de Thierno


Hammet Baaba Talla. Durant ce séjour, il apprit la théorie relative à la
Sunna et se perfectionna en droit islamique, grammaire, littérature et
prosodie arabes. C’est auprès de Thierno Hammet Baaba que Thierno
Mamadou Seydou  apprit et maîtrisa toutes les disciplines enseignées dans
le Fouta Toro d’alors. Il y  excellait. Percevant la place de choix du jeune
Thierno Mamadou Seydou  dans la hiérarchie des élus de Dieu, Thierno
Hammet Baaba ne cessait de lui suggérer d’aller à la rencontre des
Soufistes pour son initiation à l’ésotérisme.

L’étape de Hooré Foondé ou les prémices d’une mission

Thierno Hammet libéra Thierno Mamadou Seydou  en 1927. Il lui ordonna


d’aller s’installer à Hooré Foondé. Il lui donna en mariage Neené Mariam
Seydi Kane. Thierno Amadou Tidiane Wone prit en charge tous les frais du
mariage.

Thierno Amadou Tidiane Wone ouvrit une boutique à Ngijilone et en confia


la vente à Thierno Mamadou Seydou. La boutique fut défoncée et pillée.
Thierno Mamadou Seydou  rendit à Thierno Amadou Tidiane Wone les
marchandises restantes. Après décompte, il y avait un manquant estimé à
1750F CFA selon les uns, à 750 F Cfa selon les autres. Bien que Thierno
Amadou Tidiane ne lui réclamât point le remboursement du reliquat,
Thierno Mamadou Saïdou se considérait redevable de ce manquant vis-à-
vis de Thierno Amadou Tidiane Wone. Il tenait coûte que coûte  à le lui
rembourser.

Thierno Siradji revint à Hooré Foondé. Thierno Aly Dia lui offrit un terrain à
usage d’habitation. Il y construisit un bâtiment, y creusa un puits et se mit à
enseigner. Très vite, il gagna l’estime et la confiance de Thierno Bocar
Alpha qui, malgré son âge avancé et son autorité, rendait des visites de
courtoisie au jeune Thierno Mamadou Seydou. En dépit de l’opposition des
habitants de Hooré Foondé et des malaises dont souffrait le jeune
Mamadou Seydou, Thierno Bocar Alpha ne cessait de demander à Thierno
Mamadou Siradji de diriger les prières effectuées à la mosquée. A ceux qui
contestaient la désignation de Thierno Mamadou Seydou  pour diriger les
prières, Thierno Bocar Alpha rétorquait : «Si vous saviez ce qu’il y a en lui,
vous le solliciteriez pour diriger toutes vos prières.  Allah exauce toutes les
prières  que préside Thierno Mamadou Seydou.»

Bien que ne figurant pas sur la liste des débiteurs de Thierno Amadou
Tidiane  Wone, Thierno Mamadou Seydou décida, sur la base des
informations reçues de Thierno Oumar Touré de Kolda, de passage au
Fouta, d’aller à Kolda pour y cultiver de l’arachide afin de pouvoir
rembourser le reliquat provenant du vol des marchandises qu’il gérait pour
Thierno Amadou Tidiane Wone.

Il partit, en 1927, de Hooré Foondé avec sept de ses disciples que sont
Thierno Mamadou Oumar Kane de Dabiya, Ahmadou Oumar Bah de Boggel,
Thierno Daouda Oumar Atoumani de Diowol,  Hamidou Ngaydo de Diowol,
Thierno Djibirirou de Diowol, Thierno Aqibou du Fouta Djalon et Thierno
Nasrou Bah de Néré. Le convoi passa la première nuit à Perlel. Arrivés à
Diourbel, Thierno et ses compagnons logèrent chez Ousmane Bah. Ils y
restèrent trois mois avant de continuer sur Kaolack. A Kaolack, Thierno et
sa suite logèrent chez Thierno Bara Alpha Tall. Le convoi fit escale à Nioro
du Rip avant d’arriver à Kolda.

Thierno Ahmadou Baro, un fidèle agent de transmission


Fils de Amadou Elimane Baro du village de Sinthiou Bamambé et de
Youmma Ly de Duumnga Wouro Thierno, Thierno Mamoudou Barro est né,
après le décès de son père, à Doumnga Wuro Thierno.

Deux ans après sa naissance, sa mère, Youma Ly, alla trouver ses frères
restés à Nioro du Sahel après la fin de la guerre sainte menée par El haji
Oumar Tall au Mali. Ayant atteint l’âge d’aller à l’école coranique, le jeune
Mamoudou Baro fut envoyé au Fouta Toro par ses oncles qui tenaient ainsi
à respecter la dernière volonté de son père, Ahmadou Elimane qui mourut
avant la naissance de son fils. En peu de temps, le jeune Mamoudou
mémorisa le Coran. Il fut envoyé à Hawdou, en Mauritanie. Il y obtint alors
le Lizaasi, le diplôme le plus élevé en matière de lecture et d’écriture du
Coran. Ses oncles l’envoyèrent auprès de Chérif Mouhammad El Moctaar
de Kayes pour son initiation à la voie Tijjaaniya.

Thierno Mamoudou alla à Mbour, au Sénégal, auprès de sa mère et de sa


petite-sœur, Sokhna Maïmouna. Il fut révélé à Thierno Barro d’aller se
confier auprès de El Hadji Malick Sy. Il rencontra, pour la première fois, El
hadji Malick Sy à Dakar. A chaque fois qu’il venait rendre visite à El Hadji
Malick Sy, il le trouvait seul dans sa chambre en compagnie du Prophète
Mouhammed (Psl) et de Cheikh Ahmadou Tijjaani Chérif. El Hadji Malick Sy
lui donna le nom d’Ahmadou et l’éleva au rang de khalife, le grade le plus
élevé dans la hiérarchie de la Voie Tijjaaniya. Thierno Baro confia à El Hadji
Malick son intention d’aller au Fouta Toro pour y apprendre la Charia (droit
islamique).  Ce dernier lui conseilla de renoncer à ce projet et lui suggéra de
s’installer à Mbour, de s’adonner à la lecture du Saint Coran et à celle de
Jawaahiral Ma’aani. Thierno Baro exécuta les conseils de son maître. Il
épousa Sokhna Mariame Guèye dont le père avait beaucoup d’estime pour
Thierno Barro en raison de ses qualités religieuses.

Une nuit de dimanche de l’année 1927, Cheikh Oumar et son fils Ahmadou
rendirent visite à Thierno Ahmadou Baro et lui demandèrent d’effectuer des
voyages pour le compte de l’islam en général et de la confrérie Tijjaaniya en
particulier. Ils lui signifièrent d’aller à leur rencontre en Côte-d’Ivoire ; ils le
chargèrent d’une mission auprès d’un certain Mamadou Seydou. Ils lui
indiquèrent des éléments et des signes précis permettant de reconnaître le
destinataire de la mission. Cette mission consistait à transmettre à Thierno
Mamadou Seydou  un Nom (secret) de Dieu à évoquer et l’ordre d’égrener
chaque nuit 12000 fois le Salatul Fatih. Il s’agit d’un nom recelant les
mystères de la Tijjaaniya et révélé au Qutb. La manifestation d’un Qutb
(Pôle) est annoncée aux grands maîtres de l’Ordre par une connaissance
ésotérique propre à la Voie. Trois jours après la visite de Cheikh Oumar et
de son fils, Thierno Ahmadou fut visité par feu El hadji Malick Sy, son
maître qui lui dit : «Pourquoi refusez-vous d’exécuter la mission que vous
ont confiée Cheikh Oumar et son fils Ahmadou ? Faites cette mission. Vous
n’avez plus rien à attendre.»

Le surlendemain, Thierno Barro quitta Mbour et chargea son ami et


condisciple Boubacar Guèye de s’occuper du baptême de sa fille,
Maïmouna Barro, née il y a trois jours. Il entreprit alors le voyage devant le
conduire en Côte d’Ivoire pour son rendez-vous avec Cheikh Oumar
Foutiyou et son fils Ahmadou qu’il avait reçus  en visite. Il passa par
Kaolack, Nioro du Rip, Ziguinchor, Kolda et la Guinée pour des visites de
courtoisie à des autorités religieuses et divers hommes de Dieu.

Kolda, un lieu de rencontre pour la transmission d’une mission

Dans la même période, Thierno Mamadou Seydou  entreprit le voyage de


Kolda car Thierno Oumar Touré, lors de son voyage au Fouta, avait convié
Thierno Mamadou Siradji à Kolda pour y cultiver de l’arachide. Ce qui lui
permettrait de rembourser à Thierno Amadou Wone le reliquat des
marchandises volées. Arrivé à Kolda, Thierno Mamadou Seydou  logea
avec ses disciples chez Thierno Oumar Touré. Thierno Mamadou Seydou 
mit à profit son séjour à Kolda pour cultiver, enseigner ses élèves et faire
un peu de commerce.

Thierno Oumar Touré était originaire de Néré. Il était le disciple de El hadj


Malick Sy. Il hébergeait chez lui tous les immigrés venus du Fouta Toro.
Thierno Oumar Touré donna sa fille, Sokhna Aïssata Touré, en mariage à
son protégé Thierno Mamadou Seydou.  De ce mariage est né, en 1936,
Thierno Ahmadou Tidiane, l’actuel Khalife de Madina Gounass.

En escale à Kolda, Thierno Amadou Barro logea, par la volonté de Dieu,


chez Thierno Oumar Touré où vivait déjà Thierno Mamadou Seydou. Ce
dernier eut la gentillesse et l’intuition d’inviter le nouvel étranger dans sa
chambre pour partager avec lui son petit-déjeuner. Ils se présentèrent l’un à
l’autre. Chacun déclina son niveau d’instruction. Au cours de leur entretien,
Thierno Barro eut l’occasion de tendre à Thierno Mamadou Seydou  le livre
intitulé Djawahirou-l-Ma’ani. Thierno Mamadou Seydou se saisit du livre, se
mit à lire certains passages à haute et intelligible voix pour Thierno
Amadou Barro avec l’espoir d’impressionner ce dernier. Thierno Amadou
Barro choisit lui-même un passage du livre et demanda à Thierno
Mamadou Seydou de le traduire en Pulaar et de le commenter. Thierno
Mamadou  Seydou  lui répondit : «Le Jawaahiral Ma’aani comporte des
passages qu’on lit  mais qu’on ne  commente pas.» Thierno Ahmadou
commenta alors le passage en question. Thierno Mamadou Seydou  s’en
étonna et se rappela les recommandations de Thierno Hammet Baaba qui
lui disait : «Jawaahiral Ma’aani comporte des passages que je n’ai pas
commentés pour toi. Est ton maître, la première personne qui commentera
ces passages pour toi.» Thierno Mamadou Saïdou  comprit qu’il était en
face d’un soufi. Thierno Mamadou se confia à Thierno Barro et lui demanda
de l’accepter comme disciple. Ils restèrent 10 jours ensemble à Kolda.
Thierno Barro l’éleva au grade de Muqaddam, puis à celui de Khalif dans la
voie Tijjaaniya. Il lui fit le compte-rendu des visites que lui avaient rendues
les feux El hadji Oumar Tall, Ahmadou Afo Diiné et El Hadji Malick  Sy. Il lui
expliqua la mission dont ses visiteurs l’avaient chargée. Il lui transmit alors
le Grand Nom d’Allah à évoquer.

Sur ce, Thierno Mamadou Oumar demanda à Thierno Mamadou Seydou  de


lui donner le Wird. Il emboîta ainsi le pas à Néné Mariame et devint le
deuxième disciple de Thierno Mamadou Seydou  en matière de Wird
Tijjaani. Thierno Barro initia Thierno Mamadou Seydou à la pratique de 12
000 salatul fatih par nuit. Un jour, Thierno Barro dit à Thierno Mamadou
Seydou  ceci : «C’est à toi la congrégation (Dental) de Madina Seydi Aly.
Telle est la volonté de Dieu. Vas rendre visite à Thierno Seydi Aly. Tu devras
rester au moins huit mois avec lui. Il te remettra ce dont il est chargé de te
remettre. Quant à moi, je  te remettrai, le moment venu, la part que je suis
chargé de te remettre.»

Thierno Barro poursuivit son voyage à destination de la Côte d’Ivoire, via la


Guinée-Conakry pour son rendez-vous avec El hadji Oumar et son fils
Laamiido Dioulbé. Il séjourna longtemps à Hamdallaay et à Koula.  Il aurait
donné le wird Tidiane à Cheikh Abdourahime de Koula.

El hadji Seydi Aly Thiam, le fondateur du Dental

El Hadji Seydi Aly Thiam est né à Nounkoudou, une localité de la Guinée-


Bissau. Il est le fils de Thierno  Aboubacry Thiam et de Mariane Mbaalo.
Son père faisait partie de l’expédition de Cheikh Oumar Tall. Sur
recommandations de son maître, Cheikh Oumar, Thierno Aboubacry
s’installa en Guinée. Il y exerçait du commerce d’or et d’argent métallique. Il
était un homme de Dieu. Dieu exauçait ses prières. Il engendra Aliou
communément appelé Thierno Seydi Ali.  En partance pour la Mecque pour
y effectuer le pèlerinage, Thierno Aboubacry confia sa famille à son beau-
frère, l’oncle maternel de son futur fils Aly. Thierno Aboubacry ne revint pas
de son voyage de la Mecque.

Le jeune Ali fut éduqué par son oncle. Il excella dans la lutte qui était à
l’époque le jeu favori des jeunes ruraux après les travaux champêtres.
Subitement, le jeune Ali décida de renoncer à jamais à la lutte pour
apprendre le Coran et pour se consacrer à l’Islam.

En quête de savoir coranique et de droit islamique, Thierno Seydi Ali alla à


Ndiaye Counda ( Kaolack) auprès du vénéré Aliou Boun Ismaila Dème. Ce
dernier était de la voie Qadr avant de s’affilier à la voie Tidiane sur
injonction de Cheikh Oumar Tall qui lui disait en rêve ceci : «Tu voulais faire
partie de mon armée, mais Dieu en a décidé autrement. Abandonne la
confrérie Qadr pour embrasser la tijjaaniya. Tu prendras un lapin vivant
dans tes mains. Ce sera la preuve que c’est bien moi Cheikh Oumar
Foutiyou qui te parle ainsi.»

La preuve ne tarda point. Thierno Aliou Boun Ismaila alla à Banjul


demander le Wird à Thierno Mamadou Ibrahima Diallo, un talibé d’Amadou
Dème, lui-même discipline de  Aboubakry Touré de Hayré Lao. Aboubacry
Touré était le disciple de Cheikh Oumar Tall.

Thierno Aliou Boun Ismaila faisait 1000 rakkas toutes les 24 heures. Il
récitait chaque nuit 12 000 fois Salatul Fatihi et 800 fois le sayfiyu.

Libéré par son maître spirituel Aliou Boun Ismaila, Thierno Seydi Ali alla
s’installer en Guinée Bissau pour y fonder sa communauté religieuse en
1910. Il pratiquait l’Islam basé sur la Sunna et la charia. Dans le souci de
mettre le maximum d’informations à la portée des prosélytes, Thierno
Seydi Ali faisait certaines prières à voix haute. C’est le cas de :

–       Allah humma anta salaam…,

–       Allah humma innii nuqaddimu Aleyka,

–       Allah humma innii nawaytu biti laawati haazal wirdi…

Thierno Seydi Ali instaura le battage du mil avant le Zakat

En raison de la jalousie, de la crainte et de l’hostilité que lui vouait


Moundiourou, le chef de province de Ngabou, Thierno Seydi Aly s’exila en
1916, en compagnie de quelques disciples, au Sénégal, le pays d’origine de
ses ancêtres. Trois ans durant, il logea dans le village de Dianguète, chez
Thierno Aliou Dianguète, un condisciple de son maître. Les autorités
administratives de Kolda lui permirent de s’installer à une vingtaine de
kilomètres de Kolda. Il fonda, en 1918, son propre village, appelé Madina El
Haji Seydi Aly, en souvenir de la sainte ville de Médina Mounawar. Il fut
rejoint par des disciples, venus principalement de la Guinée-Bissau. Les
disciples d’El Hadji Seydi Aly étaient constitués majoritairement de peulhs
Ngabounké, allochtones venus de la région de Ngabou (Guinée-Bissau).
Malgré son mariage avec une femme du Fouladou, El hadj Seydi Ali Thiam
avait très peu de disciples parmi les autochtones, les Foulacounda du pays
hôte.

L’exaucement d’un rêve ou le passage du témoin

En 1927, Thierno Seydi Aly devait aller à Sobulde auprès du mausolée de


chérif Mouhamadou Ibnou Ibrahima. La date de son départ fut reportée du
fait de la naissance de son fils Ousmane. A l’occasion de ce voyage,
Thierno Seydi Aly fit escale à Kolda. Comme d’habitude, il logea chez
Thierno Oumar Touré, son gendre. Il fit connaissance  avec Thierno
Mamadou Seydou. Il le découvrit et finit par l’élever au rang de Muqadam
dans la Voie Tijjaaniya. Thierno Seydi Aly invita Thierno Mamadou Seydou 
à Madina El hadji en ces termes : «Thierno, il est grand temps que tu
viennes continuer le travail que j’ai entamé pour toi. Tu es mon élève et
mon héritier. Je le sais depuis huit ans…»

Thierno Seydi El Hadji Aly continua son voyage de Sobouldé. Thierno


Oumar Touré rejoignit Thierno Seydi Aly à Sobouldé en compagnie de
Thierno Mamadou Seydou  et y passa une journée.

Après la ziara de Sobouldé, Thierno Seydi Aly rentra  à Madina Seydi Aly, via
Kolda. Thierno Mamadou Seydou  se rendit alors à Madina Seydi Aly pour
répondre à l’invitation et pour exécuter les consignes de Thierno Amadou
Barro. A son arrivée, Thierno Seydi Aly convoqua ses proches
collaborateurs. Thierno Seydi Aly s’adressa publiquement à Thierno
Mamadou Seydou  en ces termes : «Depuis 8 ans, je t’attends. J’ai fait
publiquement des prières et des sacrifices aux fins de connaître mon
successeur. Le présent Dental t’appartient. Tu es mon remplaçant. En effet,
j’ai eu à faire un rêve il y a 8 ans de cela. Le lendemain, j’ai relaté mon rêve
à mes collaborateurs ici présents. J’avais rêvé d’avoir déposé une charge
très lourde que je portais. J’ai demandé à ceux qui étaient avec moi de
venir un à un soulever et porter cette charge. Personne n’a pu le faire. Il y a
eu un jeune garçon, mince et beau qui est venu soulever et porter cette
charge. Cela fait huit ans que le rêve a eu lieu. Après ce rêve, j’ai fait des
prières et des sacrifices pour demander au Bon Dieu de me faire connaître
mon successeur».

S’adressant à l’assistance, Thierno Seydi Aly dit ceci : «C’est celui-là que
j’avais vu en rêve.» Il souhaita la bienvenue à Thierno Mamadou Seydou  en
ces termes : «Nous te souhaitons la bienvenue non seulement dans nos
chambres, mais aussi et surtout dans nos cœurs.»

Thierno Seydi Aly reçut Thierno Mamadou Seydou  avec beaucoup d’égards,
d’enthousiasme, de plaisir et de joie. Il chargea Thierno Mamadou
Seydou de diriger les prières et d’enseigner les élèves. El hadji Aly exprima
à Thierno Siradji son désir de voir ce dernier rester pour de bon à Madina
Seydi Aly. Thierno Mamadou Seydou demanda à son hôte et nouveau
maître l’autorisation d’aller à Thilogne recueillir l’avis de son maître Thierno
Hammet Baaba sur la proposition que Thierno Aly venait de lui soumettre.

Foi en Dieu ou résignation devant la volonté divine

Thierno Mamadou Seydou  arriva au Fouta Toro en compagnie de Néné


Aïssata Touré, son épouse. Il alla à Thilogne. Il fit à Thierno Hammet Baaba,
son maître  en enseignement général, le compte-rendu fidèle de son voyage
en général et de son entretien avec Thierno Seydi Aly en particulier. Thierno
Hammet Baaba lui demanda de regagner sa famille à Hoore Foondé et de
ne plus lui parler de cette question jusqu’à nouvel ordre. En guise de
témoignage et de reconnaissance des qualités surnaturelles de Thierno
Mamadou Seydou, les habitants de Hooré Foondé réservèrent un accueil
chaleureux à Thierno Mamadou Seydou  et décidèrent de le maintenir pour
toujours dans leur village. Thierno Mamadou Seydou  resta des mois à
Hooré Foondé, tout en ayant l’esprit à Madina Seydi Aly. Cet état de fait est
corroboré par les propos de Thierno Mamadou Seydou qui relatait lui-
même : «De la brousse de Hooré Foondé, j’entendais les habitants de
Madina Seydi Ali exalter le nom d’Allah.»

Un jour, au terme de huit mois de silence observé par Thierno Hammé


Baaba sur la requête de Thierno Mamadou Saidou, Thierno Hammet
convoqua Thierno Mamadou Seydou et lui dit : «J’accepte que tu ailles à
Madina Seydi Aly. Vas-y ! Tu les aideras dans l’enseignement de l’Islam. Ce
sont de vrais pratiquants, des sunnites, mais ils ne sont pas suffisamment
lettrés.» Thierno Hammet Baaba lui remit une note destinée à Thierno Seydi
Ali. Il s’agissait d’une note dans laquelle il recommandait Thierno
Mamadou Seydou à Thierno Seydi Aly.

Les recommandations d’un visionnaire honnête

Thierno Mamadou Seydou quitta Hooré Foondé, contre la volonté des


populations de ce village, en compagnie de sa famille et de quelques
disciples volontaires. Il décida d’aller s’installer auprès de Thierno Seydi Aly.

En 1929, Thierno Mamadou Saïdou  arriva à Madina Seydi Aly. Le maître


des lieux lui répéta ces propos : «Sois le bienvenu parmi nous. Par la
volonté d’Allah, tu es mon successeur spirituel et temporel. Ce Dental
t’appartient. Si les disciples qui sont là restent résignés devant la volonté
divine, ce sera tant mieux pour eux. S’ils s’érigent contre cette volonté
divine, ce sera tant pis pour eux, car ta destinée n’est pas entre leurs mains.
C’est Allah qui se charge de toi. Sois courtois et accueillant avec tous ceux
qui viennent à toi, même avec ceux-là même qui te contestent. Ceux de
mes anciens disciples qui te feront allégeance, accepte-les et accorde leur
beaucoup de considération…»

Thierno Mamadou Seydou  intégra le milieu. El Hadji Seydi Aly lui confia sa
progéniture et ses disciples. Il lui transmit la gestion du Dental :
enseignement, causeries religieuses, prières, conversion à l’Islam, initiation
à la confrérie Tijjaani, etc. Thierno Seydi Aly allait avec lui aux cérémonies
officielles qui se déroulaient à Kolda et auxquelles il était invité. Il ne
manquait jamais l’occasion de présenter Thierno Mamadou Seydou  aux
autorités administratives. A l’occasion d’une cérémonie organisée à Kolda,
il fit la présentation entre Thierno Mamadou Seydou  et son ami Yéro
Djeïnaba, le chef de Canton de Cantora, une province du Fouladou situé
dans le département de Vélingara. Il les confia l’un à l’autre.

Thierno Seydi Aly transmit ainsi à Thierno Mamadou Seydou tout ce qu’il
détenait en science, secret et lumière. Il lui confia l’initiation, l’éducation et
la formation de sa progéniture et de ses disciples.

Thierno Seydi Aly Thiam fut rappelé à Dieu le 12  avril 1935.

Madina Gounass ou l’émergence d’une cité religieuse sur un site promis

Quarante jours après la mort de El hadji Seydi Aly et comme s’y attendait,
du reste, Thierno Seydi Aly, certains dignitaires du Dental aux esprits ruinés
par la proclamation du dernier venu manifestèrent leur déception et mirent
en cause le choix porté sur Thierno Mamadou Seydou.  Une crise de
succession conduisit à l’éclatement du village et à la dispersion des
disciples et marabouts qui avaient rejoint El hadji Seydi Aly.  Des disciples
et marabouts influents partirent avec leurs partisans créer leurs propres
villages.

Thierno Mamadou Seydou quitta alors Madina El Hadji en compagnie de sa


famille et de quelques fidèles à la recherche de la terre promise (endroit vu
en rêve). Ses détracteurs le calomnièrent auprès de l’administration
coloniale qui finit par l’assigner en résidence surveillée de huit mois à Kolda.

Pendant son séjour forcé à Kolda, il perdit son garçon Mamadou Lamine. Il
ne voulut pas l’enterrer dans les cimetières de Kolda par ce que ceux-ci
servaient aussi bien aux musulmans qu’aux non musulmans. Il l’enterra à
Guiro Yéro Bocar après le refus des dignitaires de Madina El Hadji de
recevoir le corps chez eux, à Médina El Hadji. Le refus de Thierno
Mamadou Seydou  d’enterrer son fils à Kolda aiguisa davantage l’hostilité
des populations de Kolda à son égard.

Thierno Mamadou Seydou  adressa à Thierno Barro une lettre dans laquelle
il écrit : «Les autorités administratives de Kolda veulent me chasser de leur
territoire. Je souhaite que Serigne Ababacar Sy intercède en ma faveur
auprès des autorités administratives du Sénégal.  Je ne souhaite pas
quitter la région de Kolda. Je veux y habiter.» Thierno Barro présenta la
lettre à Serigne Ababacar Sy. Après avoir lu la lettre, Serigne Ababacar Sy
dit à Thierno Barro ceci : «Allah a décidé que Mamadou Saïdou  s’installe
dans le territoire de Kolda. La volonté de Dieu est irréversible. Thierno
Mamadou Seydou  n’a besoin de l’intervention d’aucun être humain pour
rester là-bas. Il y restera. Telle est la volonté de Dieu.»

Thierno Barro informa Thierno Mamadou Seydou  de la suite que Serigne


Ababacar Sy a donnée à sa lettre. Thierno Mamadou Seydou  s’en réjouit et
remercia davantage Allah.

A l’occasion d’un voyage à Kolda, Yéro Dieynaba avait invité Thierno


Mamadou Seydou  à aller s’installer dans le canton de Cantora dont il était
le chef. Au terme de sa résidence surveillée, Thierno Mamadou Seydou 
quitta Kolda en compagnie de certains de ses disciples. Il y laissa son
épouse, Néné Aïssata Touré, et quelques disciples dont Abdarahmane Aly
Gangué, Thierno Alpha Issaga de Louggué et Ahmadou Tafsirou de
Bogguel. Il laissa une bonne partie de son contingent à Mawong, localité
située à une quinzaine de kilomètres de Kolda. Il désigna Thierno Ibrahima
Diallo responsable du groupe resté à Mawong. Il poursuivit son périple qui
le conduisit à Fafacourou, Bansang, Fatoto, Niamanari, Hamdallayi….

Yéro Dieynaba, le chef de canton de Cantora alla le rencontrer à Niamanari


et lui souhaita, ainsi qu’a tous ses compagnons, la bienvenue dans sa
province.

Thierno Siradji expliqua à son hôte son aventure et son intention de créer
un village. Yéro Dieynaba l’invita, avec insistance, à s’installer dans sa
province au prix de son pouvoir. Il lui dit toute sa disponibilité à être à ses
services en qualité de disciple. En raison de l’engagement sans réserve de
Yéro Dieynaba, Thierno Mamadou Seydou finit par accepter l’invitation de
son hôte. Yéro Dieynaba mit alors à sa disposition un guide, du nom de
Samba Bâ, pour l’aider à trouver dans son canton un endroit de son choix.

En compagnie du guide, Thierno visita la zone et porta son choix sur un


endroit très boisé et inhabité, situé près d’un affluent (Kossobo), non loin
de Gounassiyel, un hameau peuplé de chasseurs et dont le chef d’alors
s’appelait Thierno Coumba Boiro. Thierno Siradji reçut de Yéro Dieynaba
l’autorisation de défricher l’endroit choisi et d’y créer son village. Ainsi, le 27
Février 1936, à 200 km de Madina  Seydi Aly, Thierno  Mamadou Saïdou Ba
défricha un terrain vierge pour y fonder le village de Madina Al Mounawar,
devenu par la suite Madina Gounass, en référence à Gounassiyel, le petit
hameau qui était à côté. Thierno Mamadou Seydou fut le premier à couper
à coup de hache une branche avant de donner à ses compagnons le signal
d’assaut. Ses compagnons répétèrent son geste sous le cri de «Allah
Akbar». Thierno Mamadou Seydou dirigea ses illustres compagnons pour
accomplir la première prière du Dental sur ce nouveau site béni.

Deux à trois jours après leur installation dans leur nouveau hameau,
Boubabar Maana Baldé arriva de Kolda et annonça la naissance de Thierno
Ahmadou Tijjaani, l’actuel Khalif.

Par la grâce de Dieu, Thierno Mamadou Seydou et ses fidèles compagnons


purent résister à l’hostilité de la zone. Tobo, le chef de Canton de Témento
qui s’opposait farouchement à leur installation, ne manquait l’occasion de
les harceler. Des brigands les attaquaient. Des mauvais esprits les
perturbaient. Ils ne cédèrent point au découragement malgré la forte
présence de bêtes féroces et de reptiles venimeux.  C’est dans ces
conditions que fut créée Madina Gounass, la religieuse.

Madina Gounass, une ville champignon

Thierno Mamadou Seydou  invita ses anciens condisciples de Madina El


hadji à venir le rejoindre dans son nouveau village pour poursuivre avec lui
l’œuvre de leur maître El hadji Seydi Aly Thiam sur la base d’un engagement
à accepter et respecter les règles suivantes :

Suivre à la lettre les directives du marabout

Œuvrer pour le renforcement des relations humaines entre tous les


membres de la communauté sans distinction.

Eviter d’être à la source de problème dans et/ou pour le village.

Thierno Mamadou Seydou se donna pour mission la poursuite de l’œuvre


de son défunt maître, El Hadji Seydi Ali Thiam. Sa mission consistait alors à
éduquer, en prêchant l’Islam pur, basé sur le Coran et la Sunna, à
développer la tarikha Tijjaani ainsi que le culte du travail et des relations
humaines. Il professa la prière, l’enseignement islamique, le travail et le
respect de l’autorité tant religieuse qu’administrative.

Dès la première année, Madina Gounass enregistra une population de 1200


âmes établies dans 117 concessions réparties dans 12 quartiers. Thierno
donna à chaque quartier le nom d’un site ayant abrité un événement ou un
personnage religieux. Il choisit pour chaque quartier l’emplacement de sa
mosquée.

El Hadji Mamadou Seydou  organisa le village de Madina Gounass. Il divisa


le village en 12 groupes de travail et chaque groupe désigna son
responsable. Il créa un comité consultatif pour l’appuyer dans la gestion de
la cité. Le comité était composé des 12 responsables de groupe. Le comité
était chargé principalement de faire exécuter les consignes du grand
marabout et de veiller au respect strict des règles de conduite édictées par
le marabout. Les travaux collectifs et les investissements humains se
faisaient à tour de rôle par les groupes ainsi institués. Le marabout fit
promulguer des règles régissant la vie à Madina Gounass, règles basées
sur le respect des préceptes du Coran et de la Sunna. Il établit le plan
d’aménagement du village et constitua des comités de lotissement et de
distribution de parcelles. Il développa un type d’habitat approprié. Il délégua
la chefferie à ses fidèles venus de Madina El Hadji. Tout nouvel arrivant se
devait de se présenter chez le marabout pour manifester son désir de
s’installer dans le village. Le marabout était le seul habilité à permettre
l’installation d’un nouvel arrivant dans le village, à lui octroyer un  terrain
d’habitation et à lui autoriser de défricher un terrain de culture.

En 1998, la population de Madina Gounasss était estimée à 29 000 âmes


dont plus de 70% se réclamant de familles venues du Fouta Toro, du Djolof,
du Ferlo, du Boundou. Les autochtones, c’est-à-dire les Foulacounda, en
forment les 2%. Les originaires du Mali, de la Mauritanie et du Fouta Djalon
en constituent les 7%, tandis que les Ngabounké, venant de la Guinée-
Bissau, en forment moins de 20%. A Madina Gounasss, le Pulaar constitue
la langue de communication.

Madina Gounass compte 20 quartiers séparés par des avenues et


traversés par des rues larges et droites. Les rues étaient tracées du temps
de Thierno, sous sa supervision.

Le village totalise 22 mosquées. Madina Gounass dispose de l’électricité et


de l’eau courante. Madina Gounass est le chef lieu de la Commune.

Toute une vie au service de l’Islam et pour l’expansion de la Tijjaaniya

Thierno Mamadou Seydou  a vécu 80 ans dont 44 à Madina Gounasse. Il a


réalisé beaucoup d’œuvres socio religieuses.

En 1941, Thierno Mamadou Saïdou  effectua son premier pèlerinage à La


Mecque en compagnie de Thierno Ibrahima Guèye du village de Dondou,
d’El Hadji Mahmoudou du village de Guiraye et d’El Hadji Moussa Diao de
Madina Gounass. Le voyage dura deux ans.

En 1943, Thierno Ahmadou Barro le convainquit de construire une grande


mosquée en ces termes : «N’aie point de crainte ! Ce village ne sera pas
abandonné. Il grandira. Cesse d’hésiter à construire une grande mosquée
dans ce village.»

En 1944, El hadji Mamadou Saidou  effectua son premier voyage islamique.


Il fit ce voyage en Gambie. Le second voyage, il le fit en 1945 en Guinée-
Conakry. En 1947, il fit un voyage de trois mois au Fouta Toro.

En 1948, il fit son premier pèlerinage à Madina Seydi El Hadj et à Fès.

Il a effectué 46 voyages dont huit à Fez, trois en Arabie Saoudite pour le


pèlerinage, quatre à Oulounfani (en Mauritanie) auprès du mausolée de
Chérif Mouhamadou Hafaz.

El Hadji Mamadou Seydou a créé 53 villages. En plus des 19 mosquées de


Madina Gounass, il a construit 33 mosquées dont 20 dans les villages qu’il
a lui-même créés. Il a organisé et participé à 27 éditions du Daaka. Il les a
célébrées à tour de rôle sur 14 sites différents. Le premier Daaka a eu lieu
en 1942 à Aynou Mahdi. C’est à partir de 1960 que les Daaka se tiennent
régulièrement chaque année. Depuis 1973, les Daaka se tiennent sur le site,
à Abi Samaoun.

Madina Gounass, après son érection en chef-lieu de communauté rurale

Malgré la diversité de leurs origines, les habitants de Madina Gounass 


vivaient dans une parfaite entente. Le marabout prônait les mariages inter-
ethniques. Tout le monde suivait à la lettre les directives du marabout.
Chacun œuvrait au renforcement  de la communauté. Les populations de
Madina Gounass avaient une seule référence, en la personne de leur guide
Thierno Mamadou Siradji qui avait bâti son œuvre sur le Coran, les Hadiths
et la Sunna. Sur la base des préceptes de l’Islam, le marabout avait
vulgarisé le port du voile chez les femmes, amené ses adeptes à éviter les
rassemblements mixtes (hommes et femmes) et à dispenser la gent
féminine de certains travaux (commerce mobile, travaux champêtres,
recherche de bois mort). Il  avait simplifié les événements familiaux
(baptêmes, mariages, décès). Les problèmes tant individuels que collectifs
étaient soumis au marabout.
En 1979, un an avant la mort du vénéré Thierno Mamadou Seydou, le village
de Madina Gounass fut érigé en chef-lieu de communauté rurale. Il  fallait
trouver un lettré en français pour en être le président. Seuls les immigrés
récents, au demeurant, originaires du Fouta Toro, remplissaient ce critère.
Le marabout  porta alors son choix sur Amadou Tidiane Gollo. Certains
Ngabounké originaires de la Guinée-Bissau contestèrent alors cette
décision.

Seydi Diallo enseignant à l'IEF de Guinguinéo. rappaetoile@gmail.com

Vous aimerez peut-être aussi