C'était une journée comme les autres à Londres, il était
environ dix heures et par une matinée pluviale Mme Anderson
se préparait pour aller travailler. Elle était très grande, avec une blancheur sans pareil et les traits de son visage, sévères. Elle passa une journée tout à fait banale mais eut une drôle d'impression lorsqu'elle rentra à son domicile : elle se sentait observée. Assise dans sa chambre, baignée d'un calme absolu, elle entendit soudainement des bruits. Elle n'en prit pas conscience immédiatement, mais bientôt, elle se rendrait compte de son erreur : feindre de ne rien avoir entendu causerait sa perte mais, malheureusement, pas uniquement la sienne. Les jours défilèrent si vite que dimanche arriva déjà. Mme Anderson continuait sa routine quotidienne sans se soucier du sentiment d'être observée, même si plus les jours passaient, moins elle se sentait confiante.
Le mercredi suivant Mme Anderson se trouvait dans une
immense chambre plutôt sombre avec un grand lit à baldaquin au centre de la salle, qui faisait tout le charme de la pièce. Au- dessus, se trouvait un chandelier recouvert de pierres précieuses. Et enfin au-devant du lit, se trouvait une ravissante coiffeuse. C'est dans cette même pièce, par une après-midi ensoleillée, que la domestique la retrouva, morte, empoisonnée. Le jardinier entendant le cri perçant de la domestique se rendit précipitamment sur les lieux et prévint immédiatement les secours.
Quelques instants plus tard, des dizaines de policiers se
regroupèrent autour de la scène de crime. Ils rassemblèrent en quelques minutes, tous les suspects : la cuisinière, le jardinier et la domestique. Ils étaient presque certains que l'un d'eux était l'auteur du crime.
Chacun d'eux avait des raisons de lui en vouloir. En effet,
Mme Anderson traitait la cuisinière comme une moins que rien et ne cessait de lui demander de recommencer tous ses plats jusqu'à ce qu'ils soient parfaits. Elle faisait travailler le jardinier jusqu’à ce qu'il soit proche de l'épuisement. Elle allait même jusqu'à lui faire couper l'herbe avec des ciseaux ! En ce qui concerne la domestique, elle la faisait courir partout afin de subvenir à tous ses besoins. La frêle cuisinière avec son teint rosé et ses cheveux emmêlés retenus par une charlotte, le jardinier très menu avec une tête d'enfant et la domestique avec son visage si triste, pouvaient-ils vraiment commettre un meurtre ? Seulement, malgré les apparences, ils demeuraient les premiers suspects.
La police commençait à rassembler tous les indices afin de
trouver le meurtrier. Ils trouvèrent un médicament, dangereux à une dose trop élevée et présumèrent qu'il s'agissait de l'arme du crime. Ils tentèrent d'analyser les empreintes, mais en vain. « Récupérer tout ce qui pourrait nous servir pour résoudre cette enquête ! En attendant, je vais écouter les alibis des suspects » prononça alors le commissaire après une heure de recherche. « Où étiez-vous ce matin lorsque vous avez retrouvé Mme Anderson morte ? - Elle m'a demandé de me procurer des médicaments à la pharmacie, les mêmes que ceux que vous avez trouvés. Elle en prend chaque jour et il ne lui en restait guère, selon ses dires. En rentrant, je l'ai trouvée étendue par terre, morte. J'étais tellement bouleversée que c'est le jardinier qui vous a appelés. - Je crois savoir que c'est vous qui lui diluiez ses médicaments dans l'eau. Vous devenez ainsi notre première suspecte : il suffit que vous lui surdosiez le médicament pour que le résultat soit irréparable. - Il est vrai que Mme Anderson nous sollicite pour un rien ! Prendre ses médicaments seule n'est pas imaginable pour elle, mais comme je vous ai dit je n'étais pas là ! Elle a donc pu solliciter le jardinier ou même la cuisinière. - Très bien, je vais de ce pas interroger le jardinier ! Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, dit alors le commissaire. » L'entrevue avec le jardinier ne fit pas avancer l'enquête menée par le commissaire. En effet, à l'instar de la domestique, il se déclara très occupé à exécuter les nombreuses requêtes de Mme Anderson. Cette fois-ci, il devait couper ses haies en forme d'étoiles ! Il n'était à ce qu'il dit, pas présent quand le crime, s'est déroulé. il accourut seulement après avoir entendu les hurlements de la domestique qui avait trouvé le corps inerte de leur maitresse.
Le commissaire se rendit alors chez la dernière suspecte
dans l'espoir de faire avancer son enquête. « Puisqu'il s'agissait de son anniversaire, elle m'a donné encore plus de travail que d'ordinaire. Je devais faire une immense pièce montée avec toutes sortes de décorations sophistiquées, dit la cuisinière. - Vous n'avez pas accouru quand la domestique a hurlé. Avez vous une raison ? - Les pièces sont toutes insonorisées, sauf la chambre. Mme Anderson n'aimait pas nous entendre, se hâta d'expliquer la domestique devant le regard interrogatif du commissaire. - Est-t-il possible de l'extérieur, d'entendre ce qui se passe dans sa chambre ? - Non, bien évidemment, Mme Anderson ne supportait pas le bruit alors entendre la tondeuse ou je ne sais quoi d'autre, cela serait insensé ! » La cuisinière en disant cela ne se rendit pas compte qu'elle était sur le point de changer le cours de l'enquête... Le commissaire avait enfin une piste : comment le jardinier put entendre la domestique hurler, alors qu'il était censé être dans le jardin en train de couper les haies de la villa ? «Venez donc, jeune homme, dit le commissaire au jardinier. - Où étiez-vous réellement lors de l'assassinat de Mme Anderson, car voyez-vous, il est impossible selon moi que vous ayez pu entendre la douce voix de la domestique hurler puisque tout est insonorisé. - Je ne sais que vous dire ! Mais dans ce cas comment expliquez-vous que les haies soient taillées comme Mme Anderson le souhaitait ? » - Peut-être avec un peu d'aide ! dit le commissaire. Un homme de très grande taille vint alors à ses côtés. Figurez-vous que j'ai vu de mes propres yeux cet homme s'occuper du jardin à votre place commenta le commissaire avec une pointe de fierté dans sa voix. Pourriez-vous m'expliquer pourquoi vous avez menacé ce jeune homme ici présent pour faire les haies à votre place ?» Contre toute attente, le jardinier confessa tout : il avait ordonné à cet homme de s'occuper de son travail pour pouvoir mener à bien son plan, consistant à tuer Mme Anderson.
Suite à ces aveux, les jours passèrent et cela faisait
maintenant plus de deux semaines que le jardiner était en prison.
Un matin, alors que les policiers ouvraient leur courrier, ils
tombèrent sur une lettre de Mme Anderson ! Stupéfaits, les policiers s'empressèrent de l'ouvrir afin de lire son contenu : « Au moment où vous recevrez cette lettre, j'en suis certaine, mon jardinier sera en prison pour meurtre, mais tout le monde fait des erreurs et je pense qu'il est temps de remettre les pendules à l'heure. Personne n'a commis ma mort, j'en suis la seule responsable. En effet, pour des raisons qui me sont personnelles, j'ai décidé de mettre fin à ma vie. Seulement même après mon récit, le jardinier restera derrière les barreaux, j'en suis certaine ! Pour tout expliquer, lorsque je demande quelque chose à mes employés, ceci est fait habituellement ! Alors quand j'ai appris que mon jardinier préféré dealait de la drogue dans ma cave, j'ai cherché un moyen de lui nuire. Seulement, à ma manière. J'ai tout simplement simulé ma mort en sachant pertinemment que le jardinier entendrait les cris de ma domestique, car ils ne le savent pas, mais la cave n'est pas insonorisée. De ce fait, il ne pouvait qu'être le coupable. Enfin j'imagine que vous vous demandez pourquoi il a avoué avoir commis ce meurtre ? Et bien sachez que j'en connais la raison ! Je vous conseille d'aller voir dans ma cave. Vous y trouverez le corps de la jeune fille que mon jardinier a violé et tué sous l'emprise de la drogue. Certain que vous remonteriez jusqu'à lui compte tenu de ses antécédents judiciaires il a jugé préférable de faire de faux aveux qui seraient à coup sûr moins sévèrement réprimandés. C'est ainsi que j'ai réussi à vous duper. Je souhaitais mourir, en prouvant à tout le monde que rien ni personne ne pourrait me surpasser ».
Le commissaire alla donc vérifier la véracité des
informations contenues dans cette lettre. Il trouva également un carnet dans lequel Mme Anderson expliquait pourquoi elle s'était suicidée : elle était schizophrène et se sentait suivie en permanence. Elle imaginait que cet individu voulait la tuer. Elle entendait sans cesse des bruits chez elle. Cette situation devenant insupportable, elle se suicida. Quant au jardinier, il mit également fin à ses jours ! Ainsi deux nouveaux corps reposent désormais dans le cimetière de la ville.