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LA CORRUPTION ET LA DURABILITÉ DU

DÉVELOPPEMENT DANS LE CONTEXTE DE LA


PANDÉMIE DE COVID-19
Enjeux et recommandations

MAHMOUD GHOUIL
Conseiller des services publics
Formateur associé à l’École nationale d’administration publique

Paru dans A+ International, L’expertise nord-américaine au


service de votre administration, numéro 4, novembre 2020

www.enap.ca
Table des matières
LA CORRUPTION ET LA DURABILITÉ DU DÉVELOPPEMENT DANS LE CONTEXTE DE LA
PANDÉMIE DE COVID-19 - Enjeux et recommandations ...........................................................3
1. LE CADRE INTERNATIONAL DE LUTTE CONTRE LA CORRUPTION...................................4
1.1 La Convention des Nations Unies contre la corruption ............................................... 4
1.2 La lutte contre la corruption dans le Programme de développement durable à
l’horizon 2030 .............................................................................................................. 5
2. LES EFFETS DE LA CORRUPTION SUR LA RÉALISATION DES OBJECTIFS DE
DÉVELOPPEMENT DURABLE .......................................................................................7
2.1 Les effets sur le pilier « Peuple » : éliminer la pauvreté et la faim, sous toutes leurs
formes et dans toutes leurs dimensions, et faire en sorte que tous les êtres humains
puissent réaliser leur potentiel dans des conditions de dignité et d’égalité ............... 9
2.2 Les effets sur le pilier « Prospérité » : assurer une vie prospère et épanouissante et
un progrès économique, social et technologique en harmonie avec la nature ........ 10
2.3 Les effets sur le pilier « Planète » : protéger les ressources naturelles et le climat de
notre planète pour les générations actuelles et futures ........................................... 11
2.4 Les effets sur le pilier « Paix » : favoriser l’avènement de sociétés pacifiques, justes
et inclusives, libérées de la peur et la violence ......................................................... 11
2.5 Les effets sur le pilier « Partenariat » : un Partenariat mondial revitalisé pour le
développement durable et un esprit de solidarité renforcé ..................................... 11
3. LES RECOMMANDATIONS ONUSIENNES POUR AMÉLIORER LA GOUVERNANCE ET
L’INTÉGRITÉ ET PRÉVENIR LA CORRUPTION LIÉE À LA COVID-19 ................................12
3.1 Recommandations pour la situation immédiate ....................................................... 12
3.2 Recommandations pour le futur................................................................................ 14
Bibliographie .......................................................................................................................15

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LA CORRUPTION ET LA DURABILITÉ DU
DÉVELOPPEMENT DANS LE CONTEXTE DE LA
PANDÉMIE DE COVID-19
Enjeux et recommandations
Par : Mahmoud Ghouil, Conseiller des services publics
Formateur associé à l’École nationale d’administration publique

Devant la propagation rapide de la pandémie de COVID-19 1, tous les pays du monde ont
pris des mesures exceptionnelles, urgentes et budgétivores2 pour venir rapidement au
secours des citoyens et des entreprises en détresse afin d’éviter un effondrement
économique et social.

En cherchant à avoir un impact rapide et tangible, les pouvoirs publics dans certains pays
ont dû contourner certaines règles et procédures d’achats publics et mettre de côté
certains mécanismes habituels de contrôle.

Dans certains pays à faibles revenus, cette réponse aux urgences a été accompagnée d’un
manque de transparence et de rigueur dans la gestion des aides constituant ainsi une
occasion pour certains de profiter de la crise afin de servir leurs propres intérêts 3.

La question est désormais de savoir comment concilier l’impératif d’une réponse publique
immédiate, efficace et salvatrice et l’exigence de se conformer aux règles et procédures
dans le but de minimiser les risques de fraude et de corruption et de s’assurer que les
aides déployées sont utilisées à bon escient et profitent à ceux qui en ont le plus besoin.

Avant d’apporter une réponse à cette question, nous commencerons tout d’abord par
rappeler les effets de la corruption sur le développement et sa durabilité en général ainsi
que sur la réalisation des objectifs de développement durable (ODD) en particulier.

En nous référant aux normes et standards internationaux en matière de lutte contre la


corruption, nous présenterons ensuite un certain nombre de recommandations et de
bonnes pratiques onusiennes susceptibles de réaliser le compromis souhaité et de
maintenir la lutte contre la corruption durant la réponse à la pandémie de COVID-19.

1
La maladie à coronavirus 2019 est une maladie virale causée par le coronavirus du syndrome respiratoire aigu sévère 2 (SRAS-CoV-2).
2 Selon les estimations du FMI (mai 2020), 9000 milliards de dollars (+10 % du PIB mondial) d’appui budgétaire mondial ont été
consacrés à la lutte contre la COVID-19 : l’appui budgétaire direct est actuellement estimé à 4400 milliards de dollars dans le monde, et
les prêts supplémentaires du secteur public, les injections de capitaux propres, les garanties et autres opérations quasi budgétaires
(telles que les activités non commerciales des entreprises publiques) s’élèvent à 4600 milliards de dollars supplémentaires.
https://blogs.imf.org/2020/05/20/tracking-the-9-trillion-global-fiscal-support-to-fight-covid-19/
3 U4 – Anti-Corruption Resource Center, U4 Brief 2020 :7 La corruption au temps du COVID-19 : double menace pour les pays à faibles

revenus, https://www.u4.no/publications/la-corruption-au-temps-du-covid-19-double-menace-pour-les-pays-faibles-revenus.pdf

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1. LE CADRE INTERNATIONAL DE LUTTE CONTRE
LA CORRUPTION

1.1 La Convention des Nations Unies contre la corruption

Constituant le seul instrument mondial juridiquement contraignant de lutte contre la


corruption, la Convention des Nations Unies contre la corruption 4 (CNUCC) adoptée en
2003 souligne que le respect de valeurs fondamentales telles que l’honnêteté, l’État de
droit, la responsabilité et la transparence est indispensable pour le développement et
l’édification d’un monde meilleur.

La Convention contient toute une série de normes, de mesures et de règles que tous les
pays peuvent appliquer afin :

« a) de promouvoir et renforcer les mesures visant à prévenir et combattre la


corruption de manière plus efficace; b) de promouvoir, faciliter et appuyer la
coopération internationale et l’assistance technique aux fins de la prévention de
la corruption et de la lutte contre celle-ci, y compris le recouvrement d’avoirs;
c) de promouvoir l’intégrité, la responsabilité et la bonne gestion des affaires
publiques et des biens publics 5 ».

Elle prévoit l’adoption de mesures préventives et la criminalisation des formes de


corruption les plus répandues dans les secteurs public et privé en exigeant que les
infractions liées à la corruption soient clairement définies et pénalisées.

Ratifiée par 187 pays 6, la CNUCC fait l’objet d’un suivi et d’une évaluation au moyen d’un
processus unique d’examen par les pairs – le Mécanisme d’examen de l’application – afin
d’assurer son application effective par les États parties au niveau national.

4 La CNUCC est un traité international établi par les Nations Unies et adopté par la résolution de l’Assemblée générale des Nations
Unies 58/4 du 31 octobre 2003. Le 9 décembre 2003, 114 pays signaient la Convention à Mérida, au Mexique.
5 Nations Unies, Convention des Nations Unies contre la corruption, article premier, p. 7,

https://www.unodc.org/res/ji/import/international_standards/united_nations_convention_against_corruption/uncac_french.pdf
6 En date du 6 mai 2020, 140 pays ou organisations avaient signé la CNUCC et 187 pays l’avaient ratifiée.

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Figure 1 7 : Exemples de mesures à prendre pour contrer la corruption

Source : ONUDC
1.2 La lutte contre la corruption dans le Programme de
développement durable à l’horizon 2030

Reconnaissant la forte interdépendance entre l’État de droit et le développement


durable, la communauté internationale (193 États membres des Nations Unies) a intégré
pour la première fois l’aspect paix, justice et bonne gouvernance dans les cinq domaines
clés 8, ou les « 5 P »9, du Programme de développement durable à l’horizon 2030.
En visant à libérer l’humanité de la pauvreté, de la faim, de la violence et de la peur et en
veillant à ce que tous les êtres humains puissent réaliser leur potentiel dans la dignité et
dans un environnement sain, le Programme de développement durable à l’horizon 203010
reconnaît dans son 16e ODD 11 que les sociétés pacifiques et inclusives sont à la fois des
résultats et des catalyseurs du développement durable. L’atteinte de l’ODD 16 et de ses
12 cibles (voir encadré), dont la cible 16.5 visant à « réduire nettement la corruption et la
pratique des pots-de-vin sous toutes leurs formes », est ainsi vue comme un préalable à
la réalisation de chacun des 17 ODD.

7
Figure tirée du rapport de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), Responsabilité et prévention de la
corruption dans l’attribution et la distribution des plans de sauvetage économique d’urgence dans le contexte et au lendemain de la
pandémie COVID-19, https://www.unodc.org/documents/Advocacy-Section/COVID-19_and_Anti-Corruption_FR.pdf
8
Ces cinq domaines clés sont le peuple, la prospérité, la planète, la paix et le partenariat. Ils ont été prévus par le préambule de la
résolution A/RES/70/1 : Transformer notre monde : le Programme de développement durable à l’horizon 2030.
9 Bien qu’on puisse classer les ODD selon les domaines débutant par P, il est important de noter l’interconnexion et

l’interdépendance des 5 P, des 17 ODD et de leurs cibles, ce qui constitue une nouveauté majeure des ODD par rapport aux objectifs
du Millénaire pour le développement.
10 Le Programme de développement durable à l’horizon 2030 a été adopté le 25 septembre 2015 lors de l’Assemblée générale des

Nations Unies. Aussi connu sous l’appellation Agenda 2030 pour le développement durable, ce programme, en vigueur depuis
janvier 2016, constitue le nouveau cadre de référence mondial du développement durable pour 15 années, de 2016 à 2030, et prend
le relais des objectifs du Millénaire pour le développement, arrivés à échéance en décembre 2015.
11 ODD 16 : « Promouvoir l’avènement de sociétés pacifiques et inclusives aux fins du développement durable, assurer l’accès de

tous à la justice et mettre en place, à tous les niveaux, des institutions efficaces, responsables et ouvertes à tous. »

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Encadré 1 : Les cibles de l’objectif de développement durable 16

16.1 Réduire nettement, partout dans le monde, toutes les formes de violence et les taux
de mortalité qui y sont associés.

16.2 Mettre un terme à la maltraitance, à l’exploitation et à la traite, et à toutes les formes


de violence et de torture dont sont victimes les enfants.

16.3 Promouvoir l’état de droit aux niveaux national et international et donner à tous
accès à la justice dans des conditions d’égalité.

16.4 D’ici à 2030, réduire nettement les flux financiers illicites et le trafic d’armes,
renforcer les activités de récupération et de restitution des biens volés et lutter
contre toutes les formes de criminalité organisée.

16.5 Réduire nettement la corruption et la pratique des pots-de-vin sous toutes leurs
formes.

16.6 Mettre en place des institutions efficaces, responsables et transparentes à tous les
niveaux.

16.7 Faire en sorte que le dynamisme, l’ouverture, la participation et la représentation à


tous les niveaux caractérisent la prise de décisions.

16.8 Élargir et renforcer la participation des pays en développement aux institutions


chargées de la gouvernance au niveau mondial.

16.9 D’ici à 2030, garantir à tous une identité juridique, notamment grâce à
l’enregistrement des naissances.

16.10 Garantir l’accès public à l’information et protéger les libertés fondamentales,


conformément à la législation nationale et aux accords internationaux.

16.A Appuyer, notamment dans le cadre de la coopération internationale, les institutions


nationales chargées de renforcer, à tous les niveaux, les moyens de prévenir la
violence et de lutter contre le terrorisme et la criminalité, en particulier dans les pays
en développement.

16.B Promouvoir et appliquer des lois et politiques non discriminatoires pour le


développement durable.

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2. LES EFFETS DE LA CORRUPTION SUR LA RÉALISATION
DES OBJECTIFS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE

Bien qu’elle soit souvent difficile à détecter et à mesurer, « la corruption est un mal
insidieux dont les effets, aussi multiples que délétères, affectent tous les pays du monde
et particulièrement les pays en développement, où les ressources qui devraient être
consacrées au développement sont détournées12 ». En effet, d’après les données du
dernier rapport du Secrétaire général des Nations Unies sur les objectifs de
développement durable 13, données recueillies dans 38 pays au cours des 10 dernières
années, il apparaît que les pays à revenu élevé affichent la plus faible prévalence en
matière de corruption (3,7 % en moyenne), tandis que les pays à faible revenu payent le
plus de pots-de-vin pour avoir accès aux services publics (22,3 %).

Pour mieux examiner les effets directs et indirects de la corruption sur la réalisation des
ODD, nous tenterons, dans ce qui suit, de les détecter selon les cinq piliers (5 P) du
Programme de développement durable à l’horizon 2030, à savoir le peuple, la prospérité,
la planète, la paix et le partenariat (voir figure 2).

12
Déclaration de M. Kofi Annan, Secrétaire général des Nations Unies, au cours de la cérémonie d’adoption par l’Assemblée générale
de la Convention des Nations Unies contre la corruption.
13 Nations Unies, Rapport sur les objectifs de développement durable 2020, https://unstats.un.org/sdgs/report/2020/The-Sustainable-

Development-Goals-Report-2020_French.pdf

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Figure 2 : L’étoile des ODD

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2.1 Les effets sur le pilier « Peuple » : éliminer la pauvreté et
la faim, sous toutes leurs formes et dans toutes leurs
dimensions, et faire en sorte que tous les êtres humains
puissent réaliser leur potentiel dans des conditions de
dignité et d’égalité

La corruption constitue un obstacle majeur au développement et à l’atténuation de la


pauvreté. Selon les Nations Unies, « la corruption, la fraude, le vol et l’évasion fiscale
coûtent quelque 1,26 billion de dollars par an aux pays en développement, cette somme
d’argent pourrait être utilisée pour aider ceux qui vivent avec moins de 1,25 $ par jour
pendant au moins six ans 14 ».

En favorisant le détournement des fonds destinés aux services de base tels que les soins
de santé, l’éducation, l’eau potable, l’assainissement et le logement, la corruption
atténue considérablement les capacités des autorités publiques à répondre aux droits
fondamentaux de leurs citoyens.

La corruption entrave ainsi la réalisation de l’ODD 3 visant à « permettre à tous de vivre


en bonne santé et promouvoir le bien-être pour tous à tout âge » en entraînant
l’épuisement des budgets nationaux de la santé et par conséquent la réduction de la
capacité du gouvernement à assurer une couverture médicale universelle et un accès à
des services de santé de qualité et à des médicaments sûrs et efficaces pour les
populations les plus vulnérables. Cette situation est d’autant plus grave que le prix élevé
des médicaments 15 incite au vol et à la corruption et amplifie le risque de la mise sur le
marché de produits pharmaceutiques dangereux ou inefficaces 16.

La corruption entrave également la réalisation de l’ODD 4 qui vise à « assurer l’accès de


tous à une éducation de qualité, sur un pied d’égalité, et promouvoir les possibilités
d’apprentissage tout au long de la vie ». Fraude académique, faux diplômes, écoles
fantômes, fournitures et manuels scolaires dérobés, absence des professeurs considérés
en activité et mauvaise attribution des bourses scolaires, ce fléau cause non seulement
un gaspillage sensible sur les budgets des États, mais empêche aussi les élèves et les
étudiants de bénéficier équitablement d’une éducation de qualité.

Par contre, tout en subissant les effets néfastes de la corruption, le secteur de l’éducation
peut servir de rempart contre ce phénomène en assurant une meilleure connaissance de

14 Nations Unies, « Faits et chiffres », 16 Paix, justice et institutions efficaces, https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/peace-justice/


15 Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), les achats représentent jusqu’à 50 % des dépenses de santé dans certains pays en
développement. Voir OMS, Pourquoi une bonne gouvernance est-elle essentielle dans le secteur pharmaceutique public?,
https://www.who.int/medicines/areas/policy/goodgovernance/why/fr/
16 ONUDC – Unis contre la corruption, Corruption et développement durable,

http://www.anticorruptionday.org/documents/actagainstcorruption/print/corr18_fs_DEVELOPMENT_fr.pdf

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ses risques et de ses effets et en développant des compétences qui permettent aux
individus de lutter efficacement contre les pratiques corrompues.

2.2 Les effets sur le pilier « Prospérité » : assurer une vie


prospère et épanouissante et un progrès économique,
social et technologique en harmonie avec la nature

En faussant les règles des marchés, la corruption systémique décourage les investisseurs
nationaux et internationaux, réduit les occasions d’emploi, bride le potentiel des acteurs
économiques et entrave par conséquent la croissance économique, l’innovation et la
prospérité.

Selon le Fonds monétaire international (FMI), les pots-de-vin coûteraient à l’échelle de la


planète 2000 milliards de dollars chaque année, soit près de 2 % du PIB mondial 17. Ces
coûts ne représentent que la partie émergée de l’iceberg, il existe des effets durables
beaucoup plus profonds.

La corruption entrave ainsi, et à titre indicatif, la réalisation de l’ODD 9 qui vise à « bâtir
une infrastructure résiliente, promouvoir une industrialisation durable qui profite à tous
et encourager l’innovation ». Dans les marchés publics liés à la réalisation des projets
d’infrastructures, les pratiques de corruption sont nombreuses et peuvent aboutir à une
affectation des fonds à des projets non prioritaires, mais offrant des perspectives
d’enrichissement personnel, ou bien à des ouvrages qui ne répondent pas aux normes,
voire qui sont dangereux, ou bien à une réalisation partielle ou encore à un abandon du
projet.

Pour faire face aux conséquences néfastes de la corruption, décrites ci-dessus, l’article 9
de la CNUCC exige des États parties qu’ils mettent en place « des systèmes appropriés de
passation des marchés publics qui soient fondés sur la transparence, la concurrence et
des critères objectifs pour la prise des décisions ».

Par ailleurs, la corruption fait également obstacle à la réalisation de l’ODD 10 qui vise à
« réduire les inégalités dans les pays et d’un pays à l’autre » en affectant de manière
disproportionnée les personnes laissées pour compte et en favorisant les inégalités.

17
Fonds monétaire international, Corruption: Costs and Mitigating Strategies, p. 5,
https://www.imf.org/external/pubs/ft/sdn/2016/sdn1605.pdf

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2.3 Les effets sur le pilier « Planète » : protéger les
ressources naturelles et le climat de notre planète pour
les générations actuelles et futures

En permettant d’outrepasser ou de contourner les mesures de protection


environnementale, la corruption nuit à l’atteinte de tous les ODD liés à l’environnement,
dont l’ODD 13 18, l’ODD 14 19 et l’ODD 15 20.

La corruption est l’un des facteurs qui peut entraîner la dégradation irréversible des
écosystèmes et la réduction, voire la destruction, de la diversité biologique en
contribuant, par la criminalité liée à la faune et à la flore sauvages, à la disparition rapide
de nombreuses espèces protégées et menacées d’extinction de la planète. Cette situation
est d’autant plus grave qu’elle prive les communautés locales, dont l’existence est
étroitement liée à l’environnement, de leurs revenus et moyens de subsistance.

2.4 Les effets sur le pilier « Paix » : favoriser l’avènement de


sociétés pacifiques, justes et inclusives, libérées de la
peur et la violence

En fragilisant les institutions de gouvernance démocratiques et en sapant l’État de droit,


la corruption compromet la confiance et engendre un mécontentement et une méfiance
à l’égard des gouvernants, affectant ainsi directement et sérieusement l’avènement de
sociétés justes et pacifiques libérées de la peur et de la violence.

2.5 Les effets sur le pilier « Partenariat » : un Partenariat


mondial revitalisé pour le développement durable et un
esprit de solidarité renforcé

La complexité du phénomène de la corruption et l’interdépendance de ses effets sur tous


les domaines clés du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et ses ODD
nécessitent la conjugaison des efforts de toutes les parties prenantes tant au niveau
national qu’international afin d’apporter une réponse multidimensionnelle, innovante,
solidaire et durable à ce fléau transnational. Dans son préambule, la CNUCC insiste sur
l’importance de la coopération internationale pour prévenir et combattre la corruption
efficacement en renforçant les capacités institutionnelles, notamment des pays en
développement, et en adoptant une approche globale et multidisciplinaire.

18 Objectif 13 : Prendre d’urgence des mesures pour lutter contre les changements climatiques et leurs répercussions.
19 Objectif 14 : Conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines aux fins du développement
durable.
20 Objectif 15 : Préserver et restaurer les écosystèmes terrestres, en veillant à les exploiter de façon durable, gérer durablement les

forêts, lutter contre la désertification, enrayer et inverser le processus de dégradation des sols et mettre fin à l’appauvrissement de
la biodiversité.

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3. LES RECOMMANDATIONS ONUSIENNES POUR AMÉLIORER
LA GOUVERNANCE ET L’INTÉGRITÉ ET PRÉVENIR LA
CORRUPTION LIÉE À LA COVID-19

Dans le contexte de pandémie de COVID-19 et des risques additionnels de corruption y


afférents, plusieurs pays donateurs et organisations internationales ont pris des mesures
de gouvernance renforcées pour suivre les dépenses liées à cette crise. Pour prévenir la
corruption, la fraude et le gaspillage, l’Office des Nations Unies contre la drogue et le
crime a fait ressortir un certain nombre de règles 21 et de recommandations immédiates
et futures à l’égard des États membres que nous résumerons dans ce qui suit.

3.1 Recommandations pour la situation immédiate

1) Améliorer l’intégrité et la responsabilité du secteur public : Les institutions


gouvernementales devraient suivre de manière stricte les procédures d’achats
publics conformément aux lois et règlements en vigueur. Les processus
d’approvisionnement simplifiés ne devraient être appliqués que pendant la
pandémie.

2) Conserver les enregistrements des procédures et des approvisionnements : Toutes


les décisions doivent être correctement enregistrées et documentées. Les
institutions publiques devraient veiller à ce que la documentation soit facilement
accessible pour l’audit et à des fins connexes, durant et après la pandémie. Dans ce
cadre, le message du FMI à tous les pays a été clair : prenez toutes les mesures
nécessaires quoi qu’il en coûte, mais gardez-en une trace parce que la responsabilité
ne doit pas se perdre dans le processus22.

3) Établir des critères clairs, objectifs et transparents afin de s’assurer que ceux qui
sont dans la plus grande nécessité reçoivent effectivement l’aide dont ils ont
besoin : Les plans de secours économiques pour le secteur privé devraient être
élaborés de manière transparente. Des règles claires sur les conditions préalables à
l’octroi des prestations devraient être préparées à l’avance et être accessibles au
public.

21 Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, Guidelines on Prevention of Corruption during the Covid-19 Pandemic,
https://www.unodc.org/documents/southeastasiaandpacific//Publications/2020/2020.06.24-
Guidelines_on_Prevention_of_Corruption_v-final.pdf
22 Vitor Gaspar, Martin Mühleisen et Rhoda Weeks-Brown, Corruption et COVID-19,

https://www.imf.org/fr/News/Articles/2020/07/27/blog-corruption-and-covid-19

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4) Rendre transparentes et accessibles au public, les décisions et les mesures de
secours liées à la COVID-19 et les soumettre à un suivi régulier pendant et après la
pandémie : Il est important dans ce cadre d’ouvrir des canaux clairs de
communication et de diffusion afin de s’assurer que les bénéficiaires visés soient
informés de leur admissibilité à la prestation, de son montant et de son étendue.
Les procédures administratives devraient être simplifiées par l’utilisation de
plateformes numériques, des médias sociaux et de toute autre ressource
permettant d’assurer la cohérence du message et de réduire considérablement les
risques de corruption.

5) Utiliser la technologie pour un déblocage efficace, transparent et responsable des


ressources : La numérisation est de nature à assurer une meilleure traçabilité et à
supprimer les chaînons de transmission qui exposaient usagers et agents à la
corruption.

6) Éviter les conflits d’intérêts dans la prise de décisions : Les hauts fonctionnaires et
autres décideurs devraient éviter le risque de conflit d’intérêts et même le risque
d’apparence de conflit d’intérêts. Dans de telles situations, ils devraient s’exclure
des processus décisionnels, par exemple pour la distribution d’aide financière ou
d’autres avantages pour les membres de leur famille, leurs amis ou autres
personnes avec qui ils ont des contacts politiques, commerciaux ou personnels très
étroits.

7) Accompagner les mesures d’urgence et de déblocage rapide de mécanismes


adéquats d’audit, de contrôle, de responsabilité et de suivi : Le suivi du processus
de déblocage et la vérification de l’affectation des fonds permettent de s’assurer
que ceux qui sont dans le besoin reçoivent effectivement les ressources qui leur sont
destinées. Le rôle des médias et de la société civile serait d’une grande importance
dans ce domaine.

8) Renforcer la protection des dénonciateurs : L’un des moyens les plus efficaces pour
détecter la corruption pendant la pandémie est d’améliorer les lignes sûres de
signalement de corruption dans tous les secteurs, dont celui de la santé qui est
considéré comme le secteur le plus vulnérable à la fraude et à la corruption pendant
la pandémie de COVID-19. Des mesures particulières de protection des
dénonciateurs dans le secteur de la santé devraient être mises en place.

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3.2 Recommandations pour le futur

1) Préparer des plans d’intervention d’urgence multidimensionnels : Ces plans


devraient prévoir un ensemble d’actions à entreprendre en temps de crise sanitaire
mondiale adaptées à la gravité de la crise, à son ampleur et à sa durée tout en tenant
compte des risques de corruption y afférents. En s’appuyant sur les enseignements
tirés des expériences passées, ces actions devraient faire l’objet d’une mise à jour
régulière au fil du temps.

2) Établir un cadre juridique approprié : Un cadre juridique devrait être adopté afin
de prévoir les procédures particulières à mettre en œuvre en période de crise pour
assurer une réponse d’urgence rapide et pertinente tout en garantissant la
transparence et la responsabilité. Les risques de corruption seraient par conséquent
minimisés.

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BIBLIOGRAPHIE
Fonds monétaire international (2016). Corruption: Costs and Mitigating Strategies, note de
réflexion des services du FMI, mai,
https://www.imf.org/external/pubs/ft/sdn/2016/sdn1605.pdf

Gaspar, Vitor, Martin Mühleisen et Rhoda Weeks-Brown (2020). Corruption et COVID-19, FMI,
28 juillet, https://www.imf.org/fr/News/Articles/2020/07/27/blog-corruption-
and-covid-19

Ghouil, Mahmoud (2016). L’agenda 2030 pour le développement durable : Genèse, principes et
processus d’élaboration des objectifs du développement durable (ODD),
https://www.onu-tn.org/uploads/articles/14930305000.pdf

Nations Unis (2004). Convention des Nations Unies contre la corruption,


https://www.unodc.org/res/ji/import/international_standards/united_nations_
convention_against_corruption/uncac_french.pdf

Nations Unis (2015). Transformer notre monde : le Programme de développement durable à


l’horizon 2030, Résolution A/RES/70/1, https://undocs.org/fr/A/RES/70/1

Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (2020). Guidelines on Prevention of
Corruption during the Covid-19 Pandemic,
https://www.unodc.org/documents/southeastasiaandpacific//Publications/202
0/2020.06.24-Guidelines_on_Prevention_of_Corruption_v-final.pdf

Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (2020). Responsabilité et prévention de la
corruption, https://www.unodc.org/documents/Advocacy-Section/COVID-
19_and_Anti-Corruption_FR.pdf

ONUDC – Unis contre la corruption (s. d.). Corruption et développement durable,


http://www.anticorruptionday.org/documents/actagainstcorruption/print/corr
18_fs_DEVELOPMENT_fr.pdf

U4 – Anti-Corruption Resource Center (2020). U4 Brief 2020 :7 La corruption au temps du


COVID-19 : double menace pour les pays à faibles revenus,
https://www.u4.no/publications/la-corruption-au-temps-du-covid-19-double-
menace-pour-les-pays-faibles-revenus.pdf

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NOTE AU LECTEUR

Les opinions exprimées dans ce texte n’engagent que leurs auteurs et ne


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© École nationale d’administration publique (ENAP), 2020

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