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Entre les lignes


Le plaisir de lire au Québec

André Sauvé
Du coq à l’âme
Annick Duchatel

Volume 5, numéro 3, printemps 2009

URI : https://id.erudit.org/iderudit/707ac

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Éditeur(s)
Les éditions Entre les lignes

ISSN
1710-8004 (imprimé)
1923-211X (numérique)

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Citer ce document
Duchatel, A. (2009). André Sauvé : du coq à l’âme. Entre les lignes, 5(3), 10–12.

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E N T R E LES LIGNES

André Sauvé

Du coq à I âme
Les fées yvon Deschamps et Marc Labrèche se sont penchées sur son berceau.
Ex-thérapeute, André Sauvé est apparu il y a trois ans sur la scène de l'humour.
L'homme à la cervelle colonisée par un hamster frénétique met en scène ses
propres «bibittes». Pour la plus grandejoie du public : non seulement il a récolté
en 2008 l'Olivier de la découverte de l'année, mais son premier spectacle solo,
maintenant en tournée, accumule les ovations debout. Il nous parle des
lectures qui l'ont accompagné et qui ont nourri son humour déjanté.

ENTREVUE ANNICK DUCHATEL


PHOTO JULIE DUROCHER

Entre les lignes : La lecture a-t-elle je suis parti en Egypte et en Israël. qu'un qui, à son époque, a osé quel-
toujours tenu une grande place dans J'ai travaillé comme aide-serveur que chose de totalement nouveau.
votre vie? dans un restaurant pour payer mon F.T.î. : On vous imagine pourtant avec
André Sauvé : Oui, j'ai toujours beau- billet de retour. Puis j'ai étudié la une bibliothèque plutôt zen, pleine
coup lu. À l'adolescence, c'était sou- technique théâtrale avec la comé- de philosophes asiatiques...
vent pour m'évader de mes problè- dienne et metteure en scène Pol Pel- A. S. : Sans doute parce qu'il m'ar-
mes. Dans ce que je faisais, il y avait letier. Je me suis plongé dans un au- rive de glisser le nom de Lao Tseu
des choses que je ne saisissais pas. teur qui me passionne toujours beau- ou de Confucius dans mes chroni-
J'avais des problèmes relationnels, coup : Antonin Artaud. J'ai lu tout ce ques de 3600 secondes d'extase, l'é-
mais avec moi-même ! Il y avait ce mission de Marc Labrèche. Mais je
qu'il a écrit sur le théâtre. Les auteurs
hamster qui tournait dans ma tête. qui révolutionnent quelque chose, dois avouer que je ne les ai pas lus...
Ça n'arrêtait pas ! Je me demandais qui cassent un moule m'ont toujours Par contre, j'ai fait beaucoup de bha-
pourquoi j'étais comme ça. Je faisais rata natyam, la danse classique in-
fasciné. Artaud a cassé celui de la scé-
rire mes camarades d'école, je pas- nographie, et il l'a payé de sa peau, dienne, ce qui m'a amené à lire énor-
sais pour quelqu'un de drôle, mais de sa santé mentale. Quand je relis mément sur l'Inde, et ensuite à par-
quand il s'agissait de créer des liens ce qu'il a écrit, je me trouve encore tir là-bas. L'Inde a quelque chose
plus profonds, j'avais plus de mal. très peureux! J'ai aussi beaucoup lu de transformateur. C'est un tel pays
Alors, je dévorais des livres sur les le théâtre d'Ionesco... {Leschaises, de contrastes qu'on entre en relation
grandes mythologies : celles de l'E- La cantatrice chauve). d'amour-haine avec lui. Ça nous
gypte des Pharaons, de l'Inde... Ça ELL : D'où le côté absurde de votre place face à nous-mêmes. Mais je ne
me passionnait et ça m'éclairait, car propre humour? suis pas allé là-bas pour m'endoc-
les mythes, c'est la psychologie hu- A. S. : Il y a sans doute u n e in- triner dans quoi que ce soit. Les deux
maine mise en histoires ! fluence, quoique dans mes monolo- auteurs que j'ai lus et relus à cette
ELL : Comment cela vous a-t-il aidé gues, ça a l'air décousu, mais je fais période ne cherchaient pas à attirer
a
à dissiper votre mal-être ? bien attention à ne jamais perdre le une foule de disciples. Il y a Jack
A. S. : Ça m'a surtout donné le goût spectateur, le fil conducteur est tou- Kornfield [Après l'extase, la lessive),
de voyager! À 18 ans, sans un sou, jours là. Ionesco, c'est aussi quel- un moine bouddhiste américain qui

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ENTRE LES LIGNES

a fait connaître cette doctrine en être le gourou de personne. J'ai lu enseignement, c'était de s'affranchir
Occident. Et aussi Krishnamurti, un ses œuvres complètes. Il disait qu'il du connu pour vivre dans l'étonne-
Indien occidentalisé, affranchi de faut se libérer de soi-même, parce ment du présent. Savoir saisir à cha-
toute religion, qui n'a jamais voulu qu'on est son propre bourreau. Son que instant le potentiel de chaque
événement.
ELL : L'étonnement, c'est d'ailleurs
le titre d'une de vos chroniques
d'humour...
A. S. : Oui, et j'ai souvent des thèmes
qui ouvrent une fenêtre sur la psy-
chologie, comme «La fin» ou «Le
rien». Ou «La confusion». On me voit
souvent me battre avec les objets du
quotidien. Faire l'épicerie, ça peut
déboucher sur une crise existentielle !
Je suis un rêveur, et c'est un peu
comme ça que je réagis.
ELL : Vous vous décrivez comme
« hypocondriaque psychologique-
ment ». Est-ce que cela se traduit par
une boulimie de livres de psycho-
logie ?
A. S. : Pendant une quinzaine d'an-
nées, de la fin de la vingtaine à celle
de la trentaine, j'ai essayé toutes sor-
tes de thérapies, par curiosité et pour
trouver une solution à mon mal-être.
Je suis donc passé du thérapeute qui. S
t'écoute le menton dans la main à
la hutte amérindienne où on va suer !
Et je lisais beaucoup là-dessus.
ELL : Vous avez fini par devenir thé-
rapeute...
A. S. : Oui, pendant près de deux ans,
au CRAM (Centre de relation d'aide
de Montréal), avec l'approche huma-
niste et centrée sur la personne prô-
née par Carl Rogers {La relation d'ai-
de et la psychothérapie). J'ai beau-
coup appris sur la relation avec le
patient en lisant Pouvoir et relation
d'aide d'Adolf Guggenbùhl-Craig, un !
psychiatre suisse, analyste jungien.

RE LES LIGNES ::: PRINTEMPS 2009 I 11


ENTRE LES LIGNES

LES CHOIX D'ANDRÉ SAUVÉ Dans le fond, le thérapeute soigne pas lu. Mais pourquoi pas, si les gens
pour aider l'autre, mais aussi pour y trouvent des réponses ? Chacun va
LE LIVRE DE LA MEDITA-
s'aider lui-même ! vers les solutions qui lui conviennent.
TION ET DE LA VIE
ELL : Toutes ces recherches ne vous Moi, à part la méditation et le yoga,
Krishnamurti
ont pas empêché de faire une dé- ce qui m'a énormément aidé, c'est
Le Livre de Poche,
1999
pression? un atelier où on passe six jours dans
A. S. : Ça m'a frappé au tournant de le silence et l'immobilité !
la quarantaine (j'ai aujourd'hui 43 ELL : Ça a un côté thérapeutique,
POUVOIR ET ans), au retour d'un séjour en Asie l'humour?
RELATION D'AIDE du Sud-Est. Tous ces voyages avaient A. S. : Oui, énormément. La création
Adolf Guggenbiihl-Craig fini par m'apparaître comme une a donné une raison d'être à tout ce
Pierre Mardaga éditeur, fuite. Je me suis dit : qu'est-ce que que j'ai fait avant, à tout ce question-
1995 je fais de ma vie? Grosse question nement. La méditation m'a aidé à ai-

Jack Komfield PERILS ET PROMESSES


Périls et promesses

v
de la vie
spirituelle^ -
DE LA VIE SPIRITUELLE « L'écriture de Bobin, c'est comme un fruit qui
Jack Komfield
Pocket, tombe de l'arbre de la réalité ; lui, il met son panier en
à, 2003
dessous et le recueille.»

Autoportrait
AUTOPORTRAIT existentielle ! Avec un ami, on s'est guiser mon regard, à voir, à obser-
au radiateur AU RADIATEUR dit qu'on allait gagner quelques sous ver. Mon style d'humour, ce n'est pas
Christian Bobin en faisant de la peinture en bâtiment. la tasse de café qui se renverse, ça
Gallimard, Folio,
C'est très thérapeutique. Tu décou- serait trop gros, mais la toute petite
2000
pes, tu couvres, tu montes sur l'es- chose que personne n'a vue. Et il y

*t9 cabeau, tu descends... C'était concret,


ça ne me demandait pas de réfléchir.
a des livres qui m'inspirent beaucoup
dans ce sens. Annie Ernaux, j'ai tout
La dépression, c'est un état. On peut lu d'elle. Elle pose son regard sur les
PASSION SIMPLE
Annie Emaux
s'offrir la possibilité d'aller voir ce choses minuscules, le quotidien d'une
Gallimard, Folio, qu'il y a au fond, c'est ça qui fait re- femme qui ne fait qu'attendre son
1994 monter. Or, il n'y a rien dans la so- amant, par exemple {Passion simple).
ciété qui nous encourage à vivre Et elle m'a mené à Christian Bobin.
notre dépression, au contraire, il faut Lui, c'est vraiment mon auteur de
en sortir le plus vite possible. Mais chevet. Il vit en reclus dans une ville
il faut avoir le courage d'être vulné- minière du centre de la France, Le
ŒUVRES rable, il y a de l'humilité à aller cher- Creusot, et pourtant, il y a un monde
Antonin Artaud cher là-dedans. Je suis content de dans ses livres. L'écriture de Bobin,
Gallimard, Quarto, m'être permis de vivre ça. c'est comme un fruit qui tombe de
2004
Ça m'a aidé à prendre mon swing, l'arbre de la réalité; lui, il met son
à passer à l'action. J'ai fait de la ra- panier en dessous et le recueille.
dio, puis le Festival Juste pour rire. ELL : Aimeriez-vous publier vos
J'ai mis bout à bout les observa- textes en livre?
tions que je collectionnais depuis A. S. : Oui, petit à petit, j'en rassem-
longtemps et... le succès est venu. ble. Et comme mon style d'humour
ELL : Que pensez-vous de l'abon- s'inspire de micro-événements, j'ai
dance de psychologie populaire sur un matériau inépuisable. Je me dis
le marché? que je pourrais passer des années
A. S. : Je ne peux pas parler d'un gros dans une cellule de prison, et j'au-
best-seller comme Le secret, je ne l'ai rais encore de quoi écrire ! •

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