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La Maison individuelle :

Six questions sur MaPrimeRénov’

Octobre 2021
Crédit photo : © Dominique Eskenazi

ÉDITO
800.000 dossiers de demande de MaPrimeRénov’ pourraient être déposés en 2021 : ce
chiffre apporte indéniablement la preuve que le secteur de la rénovation énergétique connaît
une forme de décollage cette année. L’ensemble de la chaîne des professionnels le constate
sur le terrain, les carnets de commande se remplissent et Philippe Pelletier, président du Plan
bâtiment durable, a d’ailleurs assuré le 28 septembre 2021, lors d’EnerJ-meeting Nantes, que
le secteur connaissait une «petite révolution tranquille». «Nous avons complètement changé
d’échelle. L’idée de rénover son logement devient contagieuse, elle est passée à l’ensemble
du pays.» Pourquoi ce sursaut, qui, s’il se confirmait dans le temps, était attendu depuis le
Grenelle de l’environnement de 2007 ? Non seulement, la conscience environnementale a
fortement progressé ces dernières années dans toutes les couches de la société, mais des
crises telles que celles des «Gilets Jaunes» et bien sûr de la pandémie de Covid-19, semblent
avoir joué le rôle de point de bascule.

Bien sûr, MaPrimeRénov’ n’est pas exempte de tout reproche, et le livre blanc que voici ne
tait pas cette dimension. Son succès, pourtant, ne devrait pas se démentir en 2022. Raison de
plus pour vous proposer les réponses à six questions majeures entourant ce dispositif. Bonne
lecture !

Florent LACAS
Rédacteur en chef de Batiactu

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1. Quelle est la raison d’être de


MaPrimeRénov’ ?
MaPrimeRénov’ (MPR) est, à l’origine, une promesse de campagne d’Emmanuel Macron.
« Nous transformerons le Crédit d’impôt transition énergétique (CITE) en prime immédiatement
perceptible au moment des travaux et non l’année suivante, ce qui favorisait les ménages
les plus aisés : ainsi, ceux qui engagent des travaux ne seront pas soutenus par l’État un an
après leur décision, mais dès le moment où ils commencent leurs travaux », assurait-il ainsi, en
mai 2017, dans les colonnes de Batiactu. Cet engagement est devenu réalité à compter de
janvier 2020, date du lancement de MPR. Autre nouveauté : la demande de prime se fait par
Internet, via une plateforme créée pour cela : https://www.maprimerenov.gouv.fr

Le champ d’application de MaPrimeRénov’, au départ limité aux types de ménages les plus
modestes, s’est progressivement ouvert, intégrant l’ensemble des ménages en 2021, y compris
les propriétaires-bailleurs ou les copropriétés. Cet élargissement est toutefois à nuancer, en
ce que les aides réservées aux ménages les plus aisés sont très limitées, si on les compare à
celles qui sont offertes aux ménages les plus modestes. Le CITE, en tant que crédit d’impôt,
était ouvert à tous, à un taux unique.

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2. Le dispositif a-t-il rencontré le succès ?


En termes quantitatifs, la première année d’activité de MaPrimeRénov’ n’a pas atteint son
objectif initial de 200.000 primes distribuées (plafonnant à 141.000), du fait aussi d’un
contexte inédit de crise, liée à l’apparition de la pandémie de Covid-19. En 2021, grâce à
une meilleure communication, à l’évolution des mentalités et au plan France relance lancé à
l’automne 2020, une forte dynamique s’est enclenchée. L’objectif de délivrer 500.000 primes
cette année devrait ainsi être atteint, voire dépassé, l’État tablant en tout cas sur 800.000
demandes. Les pouvoirs publics, pour réagir à ce succès, ont d’ailleurs abondé le budget du
dispositif, qui est passé mi-2021 de 1,7 à 2,4 milliards annuels. Ce montant, présenté comme
un effort « sans précédent » par les pouvoirs publics, est toutefois à mettre en perspective :
certaines années, le budget affecté au CITE a été d’1,7 milliard. Là où MaPrimeRénov’ fait
nettement mieux que son prédécesseur, c’est moins dans l’ampleur de l’enveloppe, que dans
l’affectation des ressources en termes de bénéficiaires et de gestes de rénovation.

La Cour des comptes a rendu son verdict


Les Sages de la Cour des comptes ont donné un satisfecit au gouvernement et à l’Agence nationale
de l’habitat (Anah) pour leur gestion du lancement de MaPrimeRénov’, dans un rapport rendu fin
septembre 2021. En effet, la juridiction affirme que le démarrage de l’aide «a été probant et contrôlé»
et que le dispositif «répond bien aux objectifs de massification de la rénovation énergétique»,
impliquant ainsi que «son déploiement peut être considéré comme réussi». L’institution pointe toutefois
deux faiblesses potentielles. D’une part, il faudra que le budget de cette aide soit sanctuarisé dans
les années à venir, de manière à ce qu’elle ait encore une raison d’être ; d’autre part, une évaluation
du dispositif en termes de performance énergétique et environnementale devra être effectuée pour
s’assurer qu’elle est efficace, alors même que pour l’instant elle concerne surtout des rénovation mono-
gestes (remplacement d’un appareil de chauffage, typiquement).

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Les résultats constatés de MPR correspondent à ce qui était inscrit dans la philosophie du
dispositif. L’Anah indique ainsi que 63 % des dossiers déposés concernent des ménages aux
revenus modestes et très modestes, alors même que le CITE était largement consommé par
les ménages les plus aisés. Autre changement majeur : là où le CITE bénéficiait surtout aux
changements de fenêtres, geste considéré comme moins efficace, MPR concerne pour la
quasi-totalité de son budget le remplacement d’appareils de chauffage et l’isolation thermique.
Dans un souci de préservation de l’environnement, le nouveau dispositif a également pour
particularité de moins valoriser l’installation de chaudières gaz à très haute performance
énergétique (THPE), privilégiant plutôt les pompes à chaleur et les équipements biomasse.

Pour autant, MPR a connu d’indéniables ratés. Les nombreux bugs rencontrés sur la plateforme,
dans les premiers mois d’utilisation, ont fait l’objet de critiques de la part de multiples usagers.
Encore en 2021, les délais d’obtention de la prime ont pu atteindre plusieurs mois, notamment
du fait de l’intégration des propriétaires bailleurs dans le champ d’application. Plus le nombre
de ménages éligibles est important, plus le risque d’embouteillage est grand. « Nous avons été
dépassés par notre succès », a reconnu en septembre 2021 le Premier ministre, Jean Castex,
lors d’un déplacement consacré à la rénovation énergétique. Autre difficulté rencontrée : début
2020, des éco-délinquants ont surfé sur les aides à l’isolation thermique par l’extérieur pour
bâcler des travaux. Une dérive rapidement identifiée grâce à des remontées d’acteurs et des
articles de presse, ayant amené les pouvoirs publics à diminuer drastiquement les barèmes
associés en juillet 2020. Ils n’ont, pour l’instant, toujours pas été rétablis à leur niveau initial.

Enfin, de nombreux acteurs et commentateurs mettent en doute la stratégie gouvernementale


de favoriser à ce point les rénovations mono-geste, plutôt que de tout faire pour dynamiser les
rénovations globales, beaucoup plus onéreuses. « Les aides comme MaPrimeRénov ne sont
pas orientées vers les rénovations performantes », regrettait ainsi le réseau pour la transition
énergétique (Cler), en septembre 2021. « Elles font gonfler artificiellement les chiffres de
rénovations, sans faire baisser les factures de chauffage et d’électricité de manière significative,
et en dilapidant les ressources du plan de relance. » Du côté des organisations patronales
du bâtiment, on salue, à l’inverse, un dispositif ayant enfin réussi à dynamiser réellement le
marché de la rénovation énergétique, atone depuis des années. Le gouvernement est toutefois
conscient du fait qu’un développement des rénovations globales constitue un passage obligé
pour changer de braquet, comme l’a reconnu la ministre déléguée au Logement, Emmanuelle
Wargon. Mais cette évolution n’est pas encore un objectif à court terme.

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3. Quels sont les travaux les plus


financés ?
Comme indiqué plus haut, les travaux les plus financés par MaPrimeRénov’ ne sont pas ceux
qui étaient le plus financés par le CITE. D’après les dernières données rendues disponibles par
l’Agence nationale de l’habitat (Anah), qui gère le dispositif, 64% des financements concernent
un changement de chauffage (les pompes à chaleur et appareils bois arrivant en tête), et
32% l’isolation. À juillet 2021, les pompes à chaleur représentaient ainsi 18% des dossiers
(pour un coût moyen des travaux de 13.293 euros), les poêles à granulés 14% (6.537€) et
les chaudières gaz 8%, (5.509€). L’isolation constitue 32% des travaux (16.652€ pour l’ITE,
6.251€ pour l’ITI) et l’assistance à maîtrise d’ouvrage reste très marginale, représentant 1% des
opérations financées par MPR (pour un coût moyen d’intervention de 7.643€).

Source : Anah

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4. Comment maximiser ses chances pour


obtenir la subvention ?
Constituer un dossier de demande de MaPrimeRénov’ peut prendre un certain temps.
Jusqu’à représenter, dans certains cas, un parcours du combattant, à en croire un groupe de
discussion sur le sujet, créé sur un réseau social, où les bénéficiaires de l’aide partagent leurs
déconvenues. Pour répondre à ces préoccupations, l’Agence nationale de l’habitat (Anah),
qui gère le dispositif, a distillé plusieurs conseils visant à faciliter le processus d’obtention du
financement.

Premier des points de vigilance listés par l’Anah : la création du compte d’utilisateur, où les
ennuis peuvent commencer pour les particuliers. Afin d’éviter retards et blocages, l’agence
demande de « ne pas créer de compte à la place des bénéficiaires, et de respecter les
pratiques de l’utilisation des mandats ». À ce titre, l’agence précise qu’il n’existe pas de registre
des mandataires, ceux-ci étant simplement « ceux qui se livrent à une activité de mandat ».
Charge au mandant de s’assurer du respect des pratiques. Dans le même ordre d’idée, l’agence
rappelle que les documents fournis doivent être aux nom et prénom du demandeur désigné.
« Trop de dossiers ont des documents à différents noms, ce qui entraînera systématiquement un
échange avec les demandeurs », explique ainsi un responsable de l’Anah. La même vigilance
doit présider dans l’indication de l’adresse du logement à rénover. De trop nombreuses
incohérences obligent à bloquer les dossiers le temps de clarifier la situation.

L’autre grande catégorie de problèmes provient des devis et factures. Ils seraient, d’après
l’Anah, souvent trop imprécis pour remplir les critères techniques permettant d’identifier les
aides associées. L’agence rappelle donc aux professionnels qu’ils doivent « décrire clairement
la nature des travaux et rendre autant que possible compréhensible le respect des critères
techniques ». Charge, là encore, aux particuliers de faire respecter ce prérequis. Le problème
se pose à tel point que l’Anah « s’est demandée si on pouvait imposer un devis pro forma »,
précise l’agence. « Mais on ne peut pas imposer cela à 550.000 professionnels, qui ont des
méthodes différentes, des logiciels différents. »

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L’articulation de MaPrimeRénov’ avec les certificats d’économie d’énergie (CEE) pose d’autres
difficultés aux services de l’administration. Ces aides, qui reposent non sur des subventions
publiques mais sur la contribution d’entreprises privées, suivant le principe pollueur-payeur,
rentrent dans le calcul du montant de la prime MPR. Pourquoi ? Parce que le niveau des aides
cumulées ne doit pas dépasser un certain plafond de coût, en fonction de la catégorie de
ménages concernée (pour les ménages les plus modestes, il y aura par exemple un reste
à charge de 10% minimum). Il s’agit ainsi d’informer l’Anah des autres aides obtenues, hors
MaPrimeRénov’, en toute transparence. Agir autrement signifierait prendre le risque de ne pas
obtenir autant de financement qu’espéré.

Enfin, certains dossiers posent des difficultés à cause d’un relevé d’identité bancaire (Rib) ne
correspondant pas aux nom et prénom du demandeur. « Les noms des conjoints ou ceux sans
prénom ne passent pas », prévient l’Anah.

MaPrimeRénov’, une démarche en cinq points


La démarche pour obtenir une subvention MaPrimeRénov’ se fait entièrement de façon dématérialisée,
en cinq étapes, via le site https://www.maprimerenov.gouv.fr.
1. Création du compte et dépôt de la demande de prime par le bénéficiaire, accompagné des devis
établis par une société qualifiée Reconnu garant de l’environnement (RGE) ;
2. Réception par mail de la confirmation de l’attribution de l’aide et de son montant ;
3. Réalisation des travaux et réception des factures ;
4. Demande du paiement de la prime en déposant les factures sur l’espace personnel
5. Réception du versement de la prime et règlement de l’entreprise
Source : https://www.maprimerenov.gouv.fr

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5. Quel est le temps d’attente pour que le


ménage obtienne sa subvention ?
L’un des problèmes soulevés très tôt par les utilisateurs de MaPrimeRénov’, qu’ils soient
particuliers ou entreprises labellisées Reconnu garant de l’environnement (RGE), est la lenteur
avec laquelle, parfois, l’Anah paie les primes alors que les travaux sont achevés. Cette situation
est assez pénible sur le terrain au point de faire l’objet, le 28 septembre 2021, d’une question
au gouvernement de la part de Gilbert Roger, sénateur de la Seine-Saint-Denis. « De plus en
plus de concitoyens, dans mon département, font état de retards importants » dans le traitement
des dossiers et le versement de la prime, a-t-il regretté. Situation qui peut finir par s’avérer
délicate, voire problématique, puisque les ménages concernés sont souvent modestes ou très
modestes. « Ils changent leur chaudière, isolent leur logement, engageant des travaux après
que le dossier a été accepté, mais les remboursements ne viennent pas, ou alors jusqu’à six
mois à une année après. » Avec une double conséquence : certains particuliers ont l’obligation
de s’endetter à nouveau auprès d’une banque pour obtenir une sorte de crédit-relais, ou alors
obtiennent que l’entreprise intervenante patiente pour le paiement de la facture. La secrétaire
d’État auprès de la ministre de la Transition écologique, Bérangère Abba, a assuré en retour
que ces situations problématiques ne concernaient que « moins de 1% » des dossiers. « L’Anah
a monté une ‘task force’ qui débloque plusieurs centaines de dossiers par semaine », a-t-elle
ajouté. Avant de fixer de nouveaux objectifs pour l’Anah en 2022 : que 90% des dossiers
complets puissent recevoir une décision dans les quinze jours ouvrés ; et que les décisions
concernant les dossiers nécessitant des examens complémentaires soient prises sous quarante
jours.

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6. Quels seront les contours de


MaPrimeRénov’ en 2022 ?
Dans le projet de loi de finances pour 2022, le gouvernement a fixé un budget de 2 milliards
d’euros pour MaPrimeRénov’. Il était en 2021 de 2,4 milliards, dont 862 millions consommés
au premier semestre. D’après les dernières prises de parole ministérielles, les barèmes de
MaPrimeRénov’ pour 2022 ne devraient être modifiés qu’à la marge, l’État cherchant à
atteindre une forme de stabilité dans les aides.

Le principe de favoriser surtout les travaux mono-gestes, plutôt que les rénovations globales,
plus onéreuses, restera valable en 2022. La loi Climat et résilience apportera toutefois, sur
ce point, deux pierres à l’édifice. D’une part l’Accompagnateur rénov’, qui aura pour rôle
d’accompagner à partir de 2023 un ménage tout au long des opérations, notamment pour
des chantiers plus complexes. D’autre part, le prêt avance mutation (Pam), se proposant
d’aider les ménages les plus modestes à financer leur reste à charge. Comment fonctionnera
ce dispositif ? « Il s’agit, sur une rénovation globale de 40.000 euros, dont 20.000 euros
d’aides financières, de prêter la partie qui manque et de les récupérer au moment de la
mutation ou de la succession », illustrait Olivier Sichel, directeur général délégué de la
Caisse des dépôts et promoteur de ce dispositif, dans les colonnes de Batiactu. «  Vous
prenez alors un risque minimal, il ne s’agit pas d’un prêt de type ‘subprime’ : la maison a la
même valeur, voire une valeur supérieure puisque des travaux de rénovation globale ont été
effectués (nous recommandons toutefois de ne pas aller au-delà de 30% dans le ratio ‘reste
à charge / valeur du bien’). Cela peut fonctionner, car nous voyons bien que sur le marché
immobilier, de plus en plus, la dimension énergétique prend de l’importance. Quand vous
achetez un bien disposant d’un mauvais DPE, vous en tenez compte puisque vous savez que
cela nécessitera des travaux, dans un contexte où l’on va interdire à la location les passoires
thermiques dans les années à venir. » Deux établissements financiers, le Crédit mutuel ainsi que
la Banque postale, se sont déjà engagés à promouvoir ce dispositif.

2022 étant une année d’élection présidentielle, existe-t-il un risque de voir un prochain
gouvernement faire marche arrière sur ces sujets ? « N’ayez pas d’inquiétude », a assuré
le président du Plan bâtiment durable, Philippe Pelletier, devant les professionnels réunis à
EnerJ-meeting Nantes, le 28 septembre 2021. « Le sujet est lourd, va monter en puissance.
Car à côté de l’approche environnementale de la rénovation, au vu du vieillissement de la
population, un pan immense de marché va s’ouvrir pour adapter les logements aux besoins
des occupants. »

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