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GNSS

Développer l’Afrique,
grâce au recensement des stations
GNSS permanentes
Derrick KOOME – Clement OGAJA – Eldar RUBINOV – Version française Bernard FLACELIÈRE

Cet article présente un projet de carte MOTS-CLÉS


des stations GNSS permanentes
GNSS, CORS,
(CORS: Continuously Operating Reference Corsmap, Web,
Stations) en Afrique, une carte en ligne AFREF, IGS, RCMRD
sur Internet contenant des informations
sur les stations permanentes GNSS situées sur le continent
africain. Le projet vise à compiler et à maintenir
une base de données complète de toutes les installations
GNSS permanentes en Afrique dans le but de connecter
les fournisseurs de services aux utilisateurs finaux
de la technologie. Ce document décrit l’état actuel du projet
et les projets futurs.

Introduction Figure 1. 


Une station GNSS permanente est une L’état actuel 
station GNSS qui observe en continu. de Corsmap au
Ces stations sont généralement 21 janvier 2019.
regroupées en réseaux qui peuvent
être locaux en couvrant un petit terri-
stations au service de professionnels manque et décident de remédier à cette
toire, comme une municipalité ou un
de tous types : géomètres, agriculteurs, situation. Clement Ogaja (États-Unis),
département d’un pays, aux réseaux
géographes, chercheurs, etc. Eldar Rubinov (Australie) et Derrick
régionaux, nationaux et mondiaux. Ces
Koome (Kenya) ont fondé Corsmap,
réseaux constituent des infrastructures En Afrique, l’histoire est différente. Il
une initiative visant à inventorier tous
géodésiques permettant de réaliser et existe un grand nombre de stations
les sites GNSS permanents en Afrique
d’accéder à des systèmes de références GNSS permanentes, mais très peu
et à enrichir leurs métadonnées. Cela
terrestres (ITRF, AFREF, national...) d’informations à leur sujet, ce qui rend
a abouti à une carte Web simplement
tout en surveillant les mouvements la vie difficile pour un nombre croissant
appelée Corsmap et qui peut être consul-
tectoniques. Ces réseaux permanents d’utilisateurs qui pourraient tirer parti
tée sur www.corsmap.com. La figure 1
diffusent en temps réel ou différé les de l’utilisation de cette technologie.
montre la capture d’écran de la carte
observations ou des corrections diffé- Les utilisateurs sont des chercheurs,
Web Corsmap. Les stations sont actuel-
rentielles, soit gratuitement soit à titre des scientifiques ou de grandes socié-
lement codées par couleur selon quatre
payant. Une station permanente peut tés multinationales de topographie
catégories – celles qui transmettent en
appartenir à plusieurs réseaux. effectuant des levés terrestres, hydro-
continu des données en temps réel,
graphiques et aériens, mais aussi des
Dans la plupart des régions du monde, celles qui collectent uniquement des
géomètres topographes locaux qui
les stations permanentes GNSS s’ap- données statiques (par exemple pour
peuvent recevoir des corrections RTK
puient sur une technologie mâture des applications géophysiques), celles
d’une station de référence locale.
et bien établie qui existe depuis plus qui contribuent à l’infrastructure géodé-
de deux décennies. La plupart des Il nous était très difficile de localiser les sique de référence africain (AFREF) et
pays ont mis en place leurs propres différents sites GNSS permanents en celles faisant partie du réseau IGS.
réseaux permanents. Dans certains Afrique et nous ne disposions que de Bien sûr, comme certaines stations
pays comme les États-Unis ou l’Eu- très peu de métadonnées les concernant, remplissent plus d’un de ces critères,
rope, il existe des réseaux permanents jusqu’à ce que trois professionnels des un système d’information plus complet
constitués de plusieurs centaines de techniques géospatiales constatent ce sera nécessaire à l’avenir.

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Voici quelques fonctionnalités de
Corsmap :
• il y a plusieurs façons de découvrir
rapidement les informations sur les
stations, telles que la recherche par
mots-clés,
• les moyens sont simples et faciles pour
ajouter ou modifier des informations
par les utilisateurs sur une station,
• une fois qu’une station a été identifiée,
on peut s’assurer de l’affichage des
métadonnées,
• on accède à une page d’introduction
d’une station particulière donnant des
Figure 4.
détails sur cette station de base,
Chaque station
• on peut zoomer sur une station jusqu’au
RGP possède
niveau de la rue,
sa propre page
• un forum est accessible à la commu-
comprenant
nauté, permettant aux utilisateurs
Figure 3. Un exemple de menu contextuel toutes les
d’enregistrer et d’ajouter des informa-
d’une station permanente GNSS sélectionnée. métadonnées.
tions sur les stations.

projet visant à unifier les nombreux Resources for Development (RCMRD)


Le référentiel géodésique référentiels géodésiques africains en ou Centre régional de cartographie des
utilisant entre autres les observations ressources pour le développement. Leur
africain, African Geodetic
des stations GNSS permanentes pour dernière mise à jour date de juin 2016.
Reference Frame (AFREF) un référentiel géodésique unifié. Il incite La figure 2 montre la carte AFREF.
Il est intéressant de noter qu’il existe les états africains à le faire par le biais
Les données de ces stations sont dispo-
déjà une initiative visant à encourager des agences nationales de cartogra-
nibles sur le site Web de l’AFREF, mais
et à faire pression sur les États africains phie. Leurs progrès sont mis à jour par
quelquefois peu d’informations sont
pour qu’ils installent ces stations sous une autre organisation basée à Nairobi,
disponibles concernant les stations
les auspices de l’AFREF. AFREF est un le Regional Center for Mapping of
elles-mêmes. C’est là que le projet
Corsmap peut aider des organisations
telles que RCMRD à effectuer le suivi
des stations AFRF par la synthèse des
informations.
À titre d’exemple, les figures 3 et 4
illustrent la station IGS Windhoek en
Namibie, qui fait également partie
d’AFREF. La figure 3 montre le menu
contextuel qui apparaît lorsqu’on clique
sur la station, et la figure 4 montre la
page actuelle de cette station, y compris
une photo à grande échelle, ainsi que
toutes les informations utiles sur la
station, par exemple le gestionnaire,
le contact, les modèles de récepteur et
d’antenne. Ces informations peuvent
bien sûr être accessibles sur le site IGS.

Progrès en cours
Au moment de la rédaction de cet
article (janvier 2019), 253 stations
de 27 pays étaient incluses dans la
Corsmap. La collecte d’informations
Figure 2. Carte des stations AFREF. © http://www.afrefdata.org. s’avère être un processus laborieux
q
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Afrique) qui a été publié sur LinkedIn1.


Clement et Eldar ont lu l’article et ont
contacté Derrick au sujet du contenu de
son article. Ensemble, ils ont échangé
des idées sur Skype et ont mis au point
l’idée originale de Corsmap. Depuis
lors, d’autres articles sur LinkedIn ont
été publiés dans ce but.
En janvier 2019, le site Web Corsmap
comptait 61 utilisateurs enregistrés, et
19 comptes utilisateurs supplémentaires
ont été créés par l’équipe Corsmap pour
les stations ajoutées à partir de sources
publiques.
Les pays pour lesquels le contact a été
établi et les informations vérifiées sont
Figure 5. La l’Afrique du Sud, le Mozambique, le
page Web Zimbabwe, l’Ouganda et le Ghana. Les
Trimble Pivot pays pour lesquels des informations
du réseau ont été recueillies auprès de sources
permanent au publiques sont le Botswana, l’Angola, le
Burkina Faso. Rwanda, le Nigeria, le Burkina Faso et
le Bénin. Enfin, parmi les pays dotés de
réseaux GNSS, mais qui doivent encore
figurer sur la carte, figurent entre autres
la Namibie, l’Éthiopie, la Côte d’Ivoire,
le Maroc, la Tunisie, l’Algérie et l’Égypte.
Figure 6. La page
Bien que de nombreux pays soient
Leica Spiderweb
toujours absents, Corsmap est en train
du RNRA par
de mettre en place une base de données
réseau permanent
centralisée couvrant toutes les instal-
au Rwanda.
lations GNSS en Afrique ainsi que les
métadonnées, avec l’aide de nombreux
et lent, elle est complétée en utilisant tit qu’elles soient à jour. Toutefois, en
q diverses méthodes. L’approche privilé- l’absence de contact direct avec les
professionnels du domaine géospa-
tial dans toute l’Afrique. Bien qu’il ne
giée consiste à contacter le dépositaire dépositaires des stations GNSS perma-
s’agisse pas d’un produit fini, le site
du réseau et à lui demander de fournir nentes, il s’agit d’une étape transitoire
Web Corsmap génère un trafic d’environ
les informations relatives à Corsmap. avant qu’un tel contact soit établi. Les
mille visiteurs par mois, 60 % d’entre eux
Cela peut se faire de deux manières : sources publiques les plus courantes
ayant des sessions actives. Les figures 7
les utilisateurs peuvent soit remplir un comprennent les sites Web de réseaux
et 8 montrent respectivement le nombre
questionnaire et le renvoyer à l’équipe permanents, tels que Trimble Pivot ou
de pages visitées et le nombre d’utilisa-
Corsmap, soit s’inscrire sur le site Web Leica Spiderweb, illustrés aux figures 5
teurs du site depuis sa mise en ligne.
et saisir toutes les données eux-mêmes. et 6, respectivement. Les autres sources
Il convient de noter que Corsmap ne
Cette dernière méthode est préférable publiques comprennent des documents
fournit ni coordonnées, ni accès aux
et sera à l’avenir la seule méthode. Elle de recherche et des présentations de
données des stations, mais fournit
présente de nombreux avantages, le conférences contenant des informations
plutôt un lien vers le fournisseur des
principal étant que ce soit le dépositaire sur diverses installations GNSS perma-
données de la station, afin que ces
qui gère les données sur son réseau. nentes.
informations ne puissent être obtenues
Si davantage de stations sont ajoutées
Outre le crowdsourcing, l’équipe utilise que par le gestionnaire de la station. De
ou que certaines stations tombent en
d’autres moyens pour diffuser son appel cette manière, il n’y a pas violation de
panne, il incombera au dépositaire de
à l’action. Le réseau social profession- droit d’auteur et les gestionnaires des
maintenir les informations à jour.
nel LinkedIn s’est révélé être un outil stations possèdent toujours le contrôle.
Le deuxième moyen est le crowdsour- précieux, c’est d’ailleurs la plate-forme Corsmap est simplement une liaison
cing, c’est-à-dire la collecte de données qui a réuni les fondateurs de Corsmap, entre les fournisseurs et les utilisateurs
à partir de sources publiques. Cette suite à l’article de Derrick intitulé “The de stations GNSS permanentes.
approche n’est pas privilégiée, car la CORS network conversation in the conti-
1 h ttps://www.linkedin.com/pulse/cors-
plupart du temps, les informations ne nent of Africa” (Discussion sur le réseau network-conversation-continent-africa-
sont pas complètes et rien ne garan- des stations GNSS permanentes en derrick-koome/

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Conclusion
On peut se demander quel est le but
ultime de tous ces efforts pour réunir
toutes les stations de base sous un
même toit. La réponse est simple :
créer un mouvement parmi les profes-
sionnels géospatiaux en Afrique, en
créant un symbole d’unité auquel tous
les professionnels des régions les plus
Figure 7. Graphique montrant le nombre de pages visitées depuis la mise en ligne de Corsmap. reculées d’Afrique se sentiront impli-
qués. C’est une façon grandiose de dire
que Corsmap sera une initiative géos-
patiale lancée par les professionnels
géospatiaux.

L’équipe de Corsmap souhaite réunir


toutes les bonnes volontés. Toutes les
organisations qui ont un lien avec les
réseaux et les stations permanentes
sont dans leur ligne de mire. Toutes les
Figure 8. Graphique illustrant le nombre d’utilisateurs par mois depuis la mise en ligne personnes qui créent leur propre réseau
de Corsmap. privé sont également invitées. En effet,
l’équipe souhaite que ces organisations
Récits de réussites la barrière de la langue, car il existe
et ces personnes gardent les données
un certain nombre de pays de langue
Bien que Corsmap soit encore jeune, il a sur le site Web et s’assurent que celles-
française, portugaise et arabe sur le
déjà eu plusieurs succès à son actif. Un ci sont exactes et à jour et qu’elles
continent africain et aucun des auteurs
grand nombre d’utilisateurs ont pu loca- puissent être échangées par-delà les
ne maîtrise ces langues.
liser des stations GNSS permanentes à frontières des pays voisins. Au final, les
Outre la langue, il existe également des
proximité de leurs zones de travail via le gagnants ne seront pas des fondateurs
difficultés administratives, car certains
site Web Corsmap, puis prendre contact de Corsmap, mais tous ceux qui ont
pays traitent ces informations comme
avec le fournisseur et obtenir un accès répondu à l’appel lancé pour créer cette
confidentielles, même si Corsmap ne
aux données. base de données centralisée qui appor-
publie pas les coordonnées des stations,
C’est le cas de la Côte d’Ivoire, où un tera de profonds avantages au continent
et qu’il ne fait que servir de lien dans
fournisseur commercial a enregistré et africain. l
une chaîne entre fournisseurs et utilisa-
mis une station sur la carte Corsmap et,
teurs de données GNSS. Néanmoins, de
une semaine plus tard, a été interrogé Contacts
nombreux courriels ne reçoivent pas de
par un utilisateur qui était sur le point de
réponse et de nombreuses promesses Derrick KOOME, Cheswick Consulting,
commencer un relevé bathymétrique et
de retour ne sont pas tenues. C’est Nairobi, Kenya, derrick@corsmap.com
qui souhaitait disposer de données de
un projet qui nécessite beaucoup de Clement OGAJA, National Geodetic Survey,
correction en temps réel ainsi que les
recherches de données et de coopé- Boulder, USA, clement@corsmap.com
données Rinex pour le post-traitement.
ration de la part de professionnels du Eldar RUBINOV, FrontierSI, Melbourne,
Cet exemple montre qu’il est béné- monde géospatial de toute l’Afrique. Australia, eldar@corsmap.com
fique pour les fournisseurs de stations
Cet article dans ce magazine franco-
GNSS permanentes de disposer d’in-
formations à jour sur leurs stations
phone aidera à mettre l’information ABSTRACT
en circulation dans les pays franco-
sur Corsmap, car cela peut créer This paper presents the African
phones dans l’espoir qu’une telle prise
diverses opportunités pour les entre- CORS Map project, a webmap that
de conscience puisse déclencher un
prises commerciales ainsi que pour les contains information about CORS sites
mouvement. Et si le mouvement est
travaux de recherche collaborative. (Continuously Operating Reference
assez fort, les buts et objectifs seront
Stations) in the African continent. The
atteints. Une révolution qui apportera
project aims to compile and maintain a
Travaux à venir d’immenses avantages au contenu afri-
comprehensive database of all the CORS
cain et aidera par contrecoup AFREF
installations in Africa with the aim of
Le prochain test pour l’équipe Corsmap à atteindre son objectif de réalisation
connecting CORS service providers to the
consiste à contacter les pays dotés de d’un système de référence géodésique
end-users of the technology. This paper
réseaux, mais qui ne les ont pas encore africain et de son accès avec une infra-
describes the current state of the project
inclus sur le site Web Corsmap. L’un structure GNSS permanente bien répar-
and the future plans.
des principaux défis de ce travail est tie sur le continent.

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