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GEORGES SIMENON
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LIBRAIRIE HACHETTE
79, boulevard Saint-Oermain, Paris VIe
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CARTE D'IOENTITÉ
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i�ns : Des jourtulisles • tris curieux...
ti�nte,
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r�sque.
�er �e On était Je 4 aoüt. Le commissaire Maigret avait
amais ouvert toutes Jes fenétres de son bureau. Mais l'air du
d. Son dehors érait aussi chaud que J'air de la piécc oú le
s pen commissairc travaillait.
egard, Que! été ! Maintenant , Maigrct enlcvait veste et
pages era vate.
Pl<:ce Son ami, Je comrnissairc Janvier, faisait de rnérne.
ualités Mais un autre de lcurs collegues ·, Lognon, avait,
alors lui, gardé sa cravatc - une tres belle cra".ate
rouge - et portait un étonnant chapcau de paille.
tron �> Jamais on n'avait vu Lognon habillé ainsi ; alors,
admi quoi, a la Policc ' judiciairc, c'était un peu Jes
a par vacanccs?
suiore, Hélas ! Les vacances ! c'était pour les autrcs, ceux
artager qui avaient la chance d'aller au bord de lamer et de
. pouvoir se baigncr daris l'cau fraiche ...
étier e� Maigrct poussa la porte du burcau voisin et
lz:incelt demanda :
�stes.se. « Est-cc que Baron, le journalistc, est lá?
ié pour Dcpuis une demi-hcurc, patron.
ce cóti Pas d'autres journalistes?
ue aur Le petit Rougin vient d'arriver.
on lrts Pas de photographcs?
Un seul. »
O U. Ces trois personnes, Maigrcl savait qu'eJles vien-
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draient. Non pas devant son burcau, mais dcvant le
burcau de son colleguc Bodart.
Car Bodart allait in terroger •, dans un momen�, un
voleur dont on avait beaucoup parlé dans les jour-
naux : Bénat. .
C'cst Maigret qui avait demandé a Bodart d'intcr-
roger Bénat. Car, pour voir. Bénat,. les journa�istes
viendraient. Et Maigret avait besom que les JOUr-
nalistes soient la ...
Bénat entre deux policiers, venait d'entrer chez
Bodart. 'Quelques minutes. aprés, on vit arrivcr dcux
autres poljcicrs; ils poussaíent de�ant cux u� _homme
assez Jeune qui cachai l son visagc derriere son
chapeau... . . .
Déjá, les trois journahstes 9uittaien� le bureau de
Bodart et couraient vers cclui de Maigret. .
« Qui �t-ce? demanderent-ils. C'est pour Mai- M
gret ? » . . , . at
Ces journalistcs conn�1ssa1e�t tres bien les _homme�
de Ja poi ice parisienne, i ls avaient tout. d_e suite pense
a une grosse affaire en voyant dcux policiers du guar- ch
tier Montmartre amener un suspcct • chcz Maigrct. im
lis continuaicnt d'interroger Lognon
« C'est pour l'assassin ·? Celui qui a tué cinq la
femmes dans le quartier de Montmartre?
- Je ne peux rien dire. de
- Pourquoi?
Ce son t les ordres du patron.
Mais cct homme, d'oú venait-il? Oú l'avcz- so
vous arrété " ? gr
Demandez au comrnissaire Maigret.
- C'est pcut-étre l'assassin? jou
- Je vous dis que je ne sais pas. » .
_ Le commissaire Lognon s'en �ll<l:,- � de co
dire : « Comprenez-moi,jevoudrais bien dire quelque ..
ici
chose, mais je ne peu� pas ... » •
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Mainunant, ils étaien! cinq joumalistes et pholographes qui
attendaient au bout du couloir.
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La mérnc chose que vous.
Mais quoi?
Attcndre. Combien sont-ils lá-dedans ? dcman-
da-t-ellc en montrant le bureau de Maigret.
_ Cinq ou six. On ne peut pas les comptcr, \a
entre et ¡;:a sort tout le temps. .
_ Alors c'cst tres séricux, tres important ? .
_ Tres; ils ont fait venir de la biérc ", du pain
et de la viandc froide. .
- lis sont la jusqu'á dcrnain !
- L'homme arrété, vous l'avez vu? . .,
_ Qui, mais pas son visage. Il se cachait dernere
son chapean.
- Jeunc? . •
:- Ni jeune,. ni, v�eux;. tre�te ans1 pcut-etre. »
Maintenant, ils étarcnt cmqJournahstcs �t.photo-
graphes qui �tlcndaient au bout du couloir .
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Tous les journalistes s'étaicnt levés. La porte
s'ouvrit ; le comrnissaire Janvier sortit le prcmier,
an- suivi du suspect, le visage toujours caché derrierc
son chapeau. Maintenant, les photographes cntou-
\a raient les trois hommcs et prenaicnt photos sur
photos. Un momcnt, Maguy fil tornbcr le chapcau,
. mais l'homrne mit ses dcux mains dcvant son visagc
ain et les dcux cornmissaircs, qui l'avaient pris sous les
bras, se dépéchercnt de sortir.
Maigrct était rcntré dans son burcau, suivi des
, journalistes.
ere Quel bureau ! Partout des bouteilles vides, des
verres, des papiers déchirés, des bouts de cigarettes
dans tous les coins... ·
. » Maigret, qui venait de se lavcr les mains, rcmcttait
to- sa veste et sa cravate.
« Alors, Commissaire, vous allcz bien nous dirc
quelquc chose? »
Maigrer les rcgarda avec les gros yeux qu'il avait
LOujours dans ces morncnts-lá, et qui scrnblaient
regarder les gens sans les voir.
« Qui est-cc, Commissairc?
�e Qui?
air L'hommc qui sort d'ici.
uis, Quelqu'un avcc qui j'ai beaucou p parlé.
ans Un suspcct, quelqu'un qui a vu I'assassin de
Montrnartre ?
- Je n'ai ríen a dirc,
voir - Vous l'avez mis en prison ·?
- Messieurs, je voudrais vous Iaire plaisir, mais
ent cette fois je ne pcux rien vous dire.
Un - Vous nous direz quelque chose dernain?
mps - Je ne sais pas; peut-étrc.
ur�. Vous allez voir le juge?
ruit Pas ce soir; quelle heure est-il ?
Onze heures et demie.
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- Bon le restaurant du « Dauphin » est encore
'
ouvert · je vais aller manger un morceau. »
.
Tout le monde sortit; Maigre_t, Janv!er et Lo�non
entrérent au restaurant. Les journalistes, qui les
avaient suivis, s'arrétercnt au bar· pour prcndrc
un café. De ternps en tcrnps, ils jetaicnt un rcgard
vers les trois policicrs qui parlaienl a voix bassc,
l'air séricux.
Quand ils furcnt partís, tout changea. Maigret,
le premier, releva la tete; un sourirc tres gai, tres
jeune, monta a ses levres.
« Et voila ! la plaisanterie • est fin ic. »
Janvier dit : , . .
« Je crois que nous avons tres bien joué la comé-
die •. Mais qu'est-cc qu'ils vont écrirc?
- Je n'en sais ríen, mais ils écriront sürcrnent
quelque chose, et quclque chose de tres ?ien, de tres
étonnant, vous verrez.
- El s'ils voient qu'on les a trompés?
- 11 ne faut pas qu'ils le voieni. Pas tout de suite.
Demain, la comédie continue . .)'espere que vous
rr'avez ricn dit a personne?
- A personne. »
JI était minuit et demi quand Maigret rcntra
chez lui. 11 aimait bien marchcr a pied. Plusieurs fois,
il avait rencontré des femmes seules-: chaque fois, il
avait vu la peur au fond de leur regard.
C'est que, depuis six rnois, cinq femmcs qui,
comme elles, rentraient a la maison, ou allaient
chez une- arnie, cinq femmes qui marchaient, seules,
dans les rues de París, avaicnt été assassinées.
Chosc ét.onnante, les cinq femmes avaient toutes
été tuées dans le mérne cndroit de Paris : a Mont-
martre.
Ces cinq crimes, Maigret les connaissait mieux
que personne : il savait tout sur l'endroit, sur l'heure,
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... depuis six mois, cinq femmes aoaient été assassinées dans
les rues de París.
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Les idées du prolesseur Tisso!
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Et vous, vous y croyez, professeur?
Comme médecin, non.
Et comme homme?
Eh bien, je ne sais pas ... peut-étre ...
De tout facon, l'explication n'est pas bonne ici.
Deux crirnes sur cinq seulcment ont été 'commis des
soirs de pleinc lunc. J'ai aussi pensé au jour de la
semainc : il y a des gens qui boivent toujours un peu
plus cl'alcool le samedi, ou le lundi, qui est un jour
triste. Mais ccci ne donne rien non plus; l'assassin
frappe n'importe quel jour de la semaine.
« Autre chose, dit Maigret : le quartier; tout se
passe dans quelques rues du quartier de Montrnartre.
Il est sur que l'assassin a une grande habitude du
quartier. Il connait les endroits éclairés, et ceux qui
ne le sont pas, et aussi toutes les petites rues par oú
il peut s'échappcr aprés avoir tué. C'est pour i;a
que nous u'avons jamais pu le prendre, et mérne
que personnc ne !'a jamais vu !.
.Je croyais que les journaux disaient le
contrarre.
- Ils disent n'irnpor te quoi. Nous avons tout
contrólé ". Tenez, la dame du premier étage, rue
Rachel, celle qui donnc le plus d'informations : un n
homme grand, maigre, avec un manteau jaune, et n
un chapeau gris baissé sur les yeux ... D'abord, c'est p
ce que nous racontent neuf personnes sur dix, daos p
ces sortes d'affaires. Les gens ne voient pas, ils
croient voir. Ensuite, nous sommes allés chez elle : p
de sa fenétre, il n'est pas possible de voir l'endroit
du crime ! Pour le petit garcon qui, lui, a bien vu v
quelqu'un, il n'a pas pu se rappeler et il n'a prcsque m
nen dit. Ce qui est ccrtain, encore une fois, c'est que
l'homme connait tres bien le quartier. Beaucoup
disent mérne qu'il l'habite et chacun surveille son l
voisin ! Nous avons re9u plus de cl!'flt�Iettres de
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personncs nous disant que dans lcur ruc ou mérnc
daos leur maison, un homme paraissait suspcct,
qu'un autre av�it un vilai� rcgard, qu'un autrc
cnc�r� se cachait po�r �ort1� ! Nous avons pensé
aus�1 ª. un h?rnme qui n habitcrait pas le quarticr
rnais vicnd rau y tra vailler. •
- Et vous avez controlé tout ca ? Tous les
cmployés, les ouvriers, les domestiques· ?
- Tout. II a fallu des centaines d'hcures. Et je
ne parle pas du travail fait dans nos burcaux, de
toutes les listes· de crimincls plus ou moins fous que
nous avo:is rcvues de tre� w�s. ( t>'l ,-�e�)
- Mais rcvenons aux victimes. Se rcssernblaieru-
elles ? ·
, - T �cs p�u. L'une d'elle est née _e� Bretagnc,
I autre a Paris ; une autre dans le M1d1. .. Pour la
profcssion, mérne chose : on trouvc une bouchérc
un� infirmicr�, une employée des postes, une femm�
qw travaillait chcz elle. Ccrtaines habitaient le
quarticr, d'autrcs pas. Nous avons voulu aussi savoir
si ces femmcs se connaissaient : pas du tout.
- Qucl travail, Commissaire !
- Nous avons été plus loin; nous savons qu'elles
n'.alla_icnt pas dans les mérnes boutiques, qu'ellcs
n ava1enL pas le mérnc docteur, qu'elles n'allaient
pas dans les mérnes cinémas, qu'elles ne partaient
pas en vacances dans les mérnes cndroits.
- On peut done dire que l'assassin prenait la
prcmiére venuc, sans choisir.
. � Pas tout)l fait; vous a vez vu les photos des
victimes, elles sont toutes assez petitcs plutót grosses
mérne la plus jeune. ' '
Je l'a��is. noté, aussi », <lit le professcur.
Maigrct s etait leve; les deux hommcs allérent vers
la fenétre. Une pluie fine cornmcncait a tornber.
« 11 y a une question que je me pose, <lit Mai-
J
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J
.. �ta�ent des faihles. qui voulaient faire croirc qu'ils
eta1entforls. Ce qui les pousse a tuer, c'est l'orgueil ' . ....>
ns - C'est bien vrai, dit Maigret. Et tres soavent ils
a veulent que quclqu'un de lcurs amis - des femmes
e quelquefois - sachent _que c'c�t cux les coupables ·,
u eux qui ont tué, eux qui ont fait cctte chose terrible
e dont tout le monde parle. '
2 Et vous n'avez pas questionné les filies des
us ba_rs? Certai_ns garcons de mauvaise vie qui tra-
va.illent. aussi un P.eu pour la policc?
e - S1, vous pensez bien. Mais personne n'a nen
e pu dire.
e - Vous pensez done que ce n'cst pas un crimine!
e de profession ? ·
n - Non. C'est sürcrnent un homme qui a une vie
normale, un rnéticr, pcut-étre une fcmme, des
d \ enfants. Et tout d'1m coup sa folie le prcnd, il
? 1 tuc ...
: - Et comme il est seul a savoir, il souffre • dans
, �on orgue,i_l. Voila pourquoi, aprés quelques jours,
, il Jaut qu 11 recommencc. Je pcnse, en effet, qu'il
t recornmencera. Et c'est ainsi que vous pourrcz le
t prendrc. Car vous le prcndrez. 11 y a, chez ces
sortes de crimincls, quelquc chose qui les pousse a
r se faire prendre, un jour ou l'autre, pour que tout
l le monde connaisse enfin leurs crimes : c'cst encore
une sorte d'orgueil. Je ne veux pas dire qu'ils vont
tout droit a la police, non. Mais ils jouent au
. chat et a la souris • : me prcndra, me prendra pas ...
s Ils ont de moins en moins pcur : tout va si bien ! et
tout d'un coup, clac ! la souris est prise.
, - Je reviens a votre idée, dit Maigret : l'orgueil.
Et si quelqu'un était prisa sa place, si en ouvrant son
e joumal, le tueur lisait : « L'assassin de Montmartre
- enfin arrété »... que ferait-il?
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e t: .... --r. . :"' ............ º ... ••vr '""�ll!Q ... "'- ...::."-411
- Je pense qu'il aurait envíe d'une scule chose :
montrer qu'il cst toujours la, libre, plus fort que la en
police. Il faudrait done qu'il tue une fois de plus ...
- C'cst vraijdit Maigret, plusieurs fois j'ai vu des bo
crirnincls écrire auxjournaux ou a la police pour dirc:
« Vous vous trompez, l'homme que vous arrétcz n'a Je
pas tué, c'est moi, l'assassin ... » av
- Une pareille lettre vous aidcrait ?
- Je le crois; nous aurions au moins quclquc lc
chose, alors que pour le momcnt nous ne savons m
ríen du tucur, ríen ... M
- Oui, mais écrirait-il? Et s'il préférait tucr, une se
fois encore ?
- Tout est possible >>, dit Maigret, jou
Il était tard. On se dit au rcvoir, Maigret el sa co
femmc, qui habiiaient tout pres, rernrércnt a picd. pe
« Voila une bonne soiréc, dit Mmc Maigrct.
Mme Tissot est une femme tres intelligcnte. Et luí?
- Tres bien, répbndit Maigret : tres intéressant. »
Ce fut pcut-étre en s'endormant, ou peut-étrc le
rnatin, au réveil, que Maigret eut l'idée de tcndre
son picge •. .
Et voila - c'était une chance! - voila que ce écr
rnatin, Mazct était venu a son bureau. Un vieil ami, M
de la police cornme lui, partí pour l'Afrique dcpuis dit
plus de dix ans, · d'a
« Qu'cst-ce que tu fais a París?
- Je me soignc; les moustiques ont été plus forts dit
que ma santé. le
- Tu es la pour longtemps ? la
- Cinq ou six semaines. Aprés, j'aimerais bien -
rentrer dans la police parisicnne : l' Afrique, c'cst ch
fini pour rnoi. Ce serait possible? . -
- Bien sur, d'accord; et pourquoi pas tout de -
suite? J'ai besoin de toi. de
Vrai? po
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- Viens me chercher a midi. Nous déjeuncrons
ensemble et nous parlerons. »
lis avaient déjeuné dans un restaurant, a l'autre
bout de París.
« ll ne faut plus qu'on se voic pres de mon burcau,
Je ne vcux pas que les journalistcs te rcconnaisscnt »
avait dit Maigrel. '
EL Maigret avait expliqué son plan : dcux col-
lcgucs. du cornmissariat de Montrnartrc, que J'on
mcttrau clans le sccrct ·, conduiraient Mazct chcz
Maigrct. Mazet cacherait son visage. Des journalisics
seraicnt la ...
Et ('affaire avait parfaitement réussi : tous les
journaux parlaient de Maigret, des deux autrcs
commissaires et d'un homme longuemcnt interrogé,
peut-étrc l'assassin ...
1
d. Maigret entra chcz le grand patrón. Luí aussi
e semblait inquiet :
e. « Vous avcz vu le juge?
s - Oui, nous avons parlé.
e Et il vous laissc contínuer? II cst d'accord?
- - Il n'a pas dit oui, mais il n'a pas dit non. Si
. l'affaire tourne mal, tour me rciombcra sur le dos,
t ¡;:a il est d'accord !
- Alors, vous continuez ;>
n - Il faut trouvcr I'assassin : croycz bien que tout
- ceci ne m'amuse pas.
r - Vous pensez q�r les journalistes encore
e longtemps?
n - Je fais tout ce que je peux pour ¡;a : jusqu'á
, maintenant ca n'a pa.� mal réussi. >'
n
1
pas marié, il sort avec des amis, ou alors il les ren-
contre au café, il plaísante, il parle de la pluie et du
beau temps : qui -pourrait penser qrr'il vient de tucr
quelqu'un? Le lendernain, il va a son bureau a son
atclier. Et voyez comme il est adroit : jamais personne
. .., -. ne "I'a v.u a cóté de sa victime : on ne J'a mérne
pas �·.,'courir ou essayer de se cacher.
. - J� voudrais encore vous poser une question :
cmq fois, cet homrne tranquílle, cet homrne comme
vous et rnoi, a changé d'árne et d'une minute a
l'autre est devenu un criminel. Mais comment
change-t-il? Est-ce qu'íl choisit sa rue? Est-ce qu'il
.ª
pe_nse longuement _ce qu'il va faire? Est-ce qu'il
suit longtemps sa victime? Ou bien est-ce que l'envie
de tuer vient tout d'un coup, au hasard d'une
rencontre, quand il voit une femme scule · dans la
rue? Ce serait tres important pour moi de savoir
cela. S'il tue la premiére venue, c'est qu'il habite le
quart_ier, ou un quartier voisin; ou alors, il vient
travailler a Montmartre cbaque soir. Mais si l'envie
de tuer luí vient plusieurs jours avant le crime alors
il peut habiter a l'autre bout de París et venir a
Montmartre seulement pour y choisir une victime.
Mais pourquoi Montmartre? Pourquoi pas un autrc
quartier? Seul l'assassin le sait. »
Le professeur Tíssot avait écouté Maigret et il ne
répondir pas tout de suite.
« Il est difficile de donner son avis : pensez que
nous ne savons ríen du malade ... je veux dire : de
l'assassin. Je crois qu'á un moment il doit partir en
chasse, comrne une béte. Et la, ce n'est plus le mérne
homme : ses yeux voient plus loin, ses oreilles
entenden t le plus léger bruit; il devine le meilleur
rnornent et tue.
- Bon, mais il rencontre, tout au long des rues
beaucoup de femmes qu'il pourrait tuer : pour-
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- quoi, tout d'un coup, choisir celle-ci et non pas
u celle-lá ?
r � Peut-étrc un geste, un coup d'eeil, une parolc
n qui lui font peur. Peut-étre tout simplement la
e couleur de la robe. A-t-on noté la coulcur des
e robes?
-:- II Y en avait de t?utes les couleurs, dit Maigret,
mais pas de couleur clairc ; surtout des gris. »
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Maigret ne répondit pas, car il n'aimait pas lui
mentir.
« Tu rcntreras tard?
- Je pense, oui, que je rentrerai asscz Tard.
- Pcnscs-tu toujours que, quand ccuc affaire
sera finie, nous pourrons, nous aussi, prcndrc des
vacances ? »
Cettc année, ils dcvaicnt allcr en .13rctagnc. Mais
elle avait maintenant l'habitude de ces vacanccs
retardécs de mois en mois ...
« Peut-étrc », murmura Maigrct.
Pcut-étre, cela voulait dire : oui, si je réussis ce
soir ; mais si le tucur ne fait pas ce que j'cspcrc, si le
,professeur Tissot et moi nous nous sornmcs trompés,
il n'y aura pas de vacances : tout sera a recommencer ·
.
les journaux accuseront la police, l'inquiétude •'
porte grandira chez les Parisiens, le juge Coméliau dira :
« J'avais raison, tout cela est votre Iautc ! » Et
peut-étre mérne que le chef de la Police judiciaire
abi- devra s'expliqucr devant le ministre· ... Mais le plus
terrible, c'est qu'il y aurait encere des fcrnrnes assas-
née, sinées, des employées, des ouvriéres, de bonncs meres
r, la de famillc parries pour acheter leur pain ou rcvcnant
ques de chez une amie.
« Tu sembles fatigué », lui dit M"'c Maigrct,
.
oir ? 11 leva les épaules comme pour dirc : Bah ! un
peu plus,, ?n yeu moins ... Il était trop tót pour partir;
sont la nuit n était pas encore ven u e. Maigrct allai t d 'une
piéce a l'autre, remplissait sa pipe.
Il finir par s'arréter devant la fcnétre et regarda la
erte. rue un long moment.
dan� Pendant ce temps, sa femme avait preparé une
r. S1 chemise propre et brossé sa veste.
Quand il fut prét, il revint a son bureau et sa
femmc vit qu'il prenait son pistolet •, et le glissait •
dans sa poche, ce qui n'était pas dans ses habitudes. 1
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fernme passait, perite, assez grosse, habillée simple-
ment : une des íemmes-agcnts qui attcndaient
T atraque du LUCUT ••.
Mais combien de tcmps allait-on attcndrc? Dcpuis
son prcmier crimc, le tueur avait toujours frappé un
pcu plus tard ; seulemcnt, dcpuis une sernaine, les
jours devcnaient plus courts, il faisait nuit un pcu
plus tót.
Alors, qu'allait faire l'assassin?
Daos une minute, ou cinq, ou dix, on cntendrait
pcut-etrc le cri d'un passant pris de peur a la vue
d'un corps couché sur le trottoir. C'était comme �a
que les choses s'étaient passées, les autres fois.
Et cette fois, comment allaient-elles se passer ?
« Qu'est-ce que je fais, patron? demanda le
chauffeur.
- Rcviens vers la rue des Abbesses. »
11 aurait pu prendre une voiturc-radio et attcndre
les informations des policiers qui surveillaient les rues,
mais tout le monde connaissait les voitures-radio de
la policc. 11 ne fallait pas que l'assassin soit inquict :
qui sait s'il n'observait pas longuement le quartier
avant de fi�ppcr?
Mon Dieu, pensa Maigret, faitcs qu'il n'y ait pas
de victime ce soir ! A dix heures, il ne s'était ríen
passé. Tout allait bien ; trop bien ! Il ne viendra pas,
pensa Maigret. 11 fit arréter la voiture pres d'un
café et demanda une hiere. Avant de sortir, il donna
un coup de téléphone a la Police judiciaire. Ce fut
J anvier qui répondit :
« Rien d'intéressant ; un marin qui avait trop bu
a frappé une filie dans un bar. Mais il était sans
arme et se trouvait en France seulement depuis
trois jours.
Les journalistes sont toujours la?
Non, ils sont allés dormir. »
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.. · il Y aoait a quelques pas de la des doueaines de oetites mes
dre saus lumiire.i, ' r
ues, De temps en temps, une femme passait ... 111,c des [emmesagents
de qut auendaient l'auaque du tuera ...
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pas,
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ans
puis
Janvier sortit; Maigrct téléphona a Lognon.
« Lognon ? ... Bonjour. Quoi de nouvcau dans ton
quartier?
- Peu de chose; un homme m'altendait ce matin
devant ma porte, il m'a suivi. Maintcnant, il cst en
bas en face du cornmissariat.
� Envoie un agent lui demandcr ses pap1ers.
C'est sürcrnent un journaliste.
- Je le ero is aussi.
- Bon je t'attends ici, avcc Janvicr. Vous Ierez
montcr Mazet, cornme la dernicrc fois.
- Tout de suite?
- Disons dans dix minutes. »
Quand Mazet apparut • entre deux _policic�s, dans
le couloir, les photographes et les J?urnahstes �e
levérent comrne poussés par un ressort .. Mazet avait
encore mis son chapeau devant son visagc : Maguy
s'approcha de luí et réussit, une fois encare, a faire
tornber le chapean, mais Mazet, les <leux mains devant
la figure, le ramassa et entr_a dans_ le bureau. de
Maigret. Infatigables, les journalistes lancaient
question sur question : pas de réponse !
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Il scmblait qu'on entendait des bruits _de pas, des
gens qui couraient du �ólé d,c �a rue _Lcp1c._ .
lis essa yaien t de dcviner d o� venai t le br ui t. A ce
moment une voiturc de police passa.
« Suis-Ies », dit Maigret.
En quelques secon?es, ils se �rouver�nt e?tourés
de voitures-radio, qui, elles aussi, rou!a1ent a toute
vitcssc vers la rue Lepic. On cntcndi t des appels,
des cris. U_n hommc courait s�r le tr_o;toir. Enfin !
il se passait quelque chose. Mais quo1. ,�
des
ce
rés
ute l 'allaque
els,
n!
4-3
· Jl aperyul u11 groupe d'une doucaine de personnes.
44
n'était pas elle qu'il avait vue, tout a l'heure en train
d'crnbrasser un garcon ? Pendant le tra�ail, pas
scrieux, 1,a !
« Teru-z, continua-t-elle ; un des boutons de sa
veste m'cst resté dans les doigts.
JI vous a auaquée ?
Oui, je passais devant ceue petite rue. Comme
vous voycz, elle est tres étroite et tres sombre.
j'ai tout de suite pensé qu'il pouvait étre la. J'ai
avancé sans aller plus vite, et j'ai tout d'un coup vu
une. ombre d_errie�e moi. Je me suis retournée, j'ai
senn u�e ':lªm qui essayait de me serrer le cou, j'ai
alors reussi a le prcndre au poignet ' et cl'un coup
bien placé je l'ai jeté par terre. »
La. foulc, place du Tertre, avait compris qu'il se
passait quclque chose; beaucoup de curieux laissant
la leur hiere et leur vin blanc, s'avancaient du cóté
d'oú venait le bruit.
Un agcnt essayait de les arréter, mais les gens
étaient a chaque minute plus nombreux. Un car de
l
police s'arréta : une dizaine d'agents se mirent en
rang, d'un cóté a l'autre de la rue.
Et I'assassin ? Maigret pensa que, pour ce soir
il n'y avait plus aucune chance : comment retrouver
un hornmc au milicu de tout ce monde?
11 se rctourna vers la jeunc fille et lui dit : « Com-
ment vous appcllc-t-on ?
- Marthc J usscrand.
- Vous avez vingt-deux ans?
- Vingt-cinq, »
C'était une filie plutót petite, assez largc d'épaules
solide sur ses jambcs. '
«Ala Police judiciaire », dit Maigret au chauffeur.
C'était la, en eflcr, qu'il pouvait avoir le plus
d 'informa t ions.
II fit monter la jcune filie a ses cótés et dita Lognon :
45
« Je rentre au bureau. Téléphonez-moi s'il y a du
nouveau. »
On, traversait la place Clichy; des gens sortaient
du cinérna. Les cafés étaient éclairés.
« Vous avcz cu peur? demanda Maígret a lajeunc
fi lle.
Pas trop, sur le moment, mais aprcs, oui, j'ai
eu tres peur.
- Vous I'avez vu?
- Oui, mais je n'ai pas �u l� ten:-ps, d_e b�en le
regarder; tout c;:a s'est lait tres v1_te : )C l ar pns par
le poignet, j'ai tiré, _il es� to0;bé; Je fais beaucoup de
sport, vous savez, JC surs _ t,res forre.
- Vous n'avez pas ene?
- Je ne sais pas. ». ., . .
A la véri té, elle rr'avait pas ene, mais avait appelé
quand elle avait vu l'homme se sauver.
« Alors vous ne pouvez ríen dirc?
- Il porte un vétcment gris foncé, ses chcveux
sont bloods, courts, et je crois qu'il cst assez
jeune. .
- Assez jeune? moins de trente ans ? plus?
- Je ne sais pas, je ne me rappclle plus.
- 11 Iallait regarder, c'est important; on vous
l'avait bien dit.
- Je sais, mais pendan� l'attaq_ue j'ai tout oubli,�.
C'est terrible, vous savez, Je pensais au couteau qu 11
avait dans les mains ...
- Et le couteau, vous l'avez vu? »
Elle ne savait plus tres bien. Maís elle. se ra�pe-
lait maintenant la couleur de ses yeux : ils étaient
bleus.
« Vous le teniez bien ; commen t s' est-il échappé * ?
- Je ne sais pas;'je ne comprends pas_. J'ai essayé
de l'arréter par le bord de sa veste, mais le bouton
m'est resté dans la mam. »
du Elle avait l'air fatigué.
« Vous ne voulez pas boirc quclquc chosc?
nt demanda Maigret.
- No_n,_ merci, j� ne bois jamais. Mais une ciga-
nc rette, oui, Je veux bien.
:----;:- Je n'en ai pas - je me suis arrété d'en fumer
'ai voila un mois - rnais, attendez. »
II arréta la voiturc..á cóté d'un burcau de tabac.
« Quelles cigarcucs furnez-vous ?
le - Des américaines. »
par C'était bien la prcrnierc fois que Maigret achetait
de du tabac blond ! �rrivé quai des Orfévres, il la
Iit monter devant lui, Janvier était la.
« Toujours ríen? demanda Maizret.
- Toujours ríen. Il court toujours. »
elé Il court �ouj_ours, ou il ese chez lui, bien tranquille,
pensa Maigret.
« Asseyez-vous, rnadernoiselle. Qa va mieux ?
ux .- Qa va tout a Iait bien, monsieur le Cornrnis-
sez saire. »
Maigrct rcdit j anvier ce qu'on savaii maintenant
á
us? de I'assassin.
« Faitcs passcr une note dans tous les commissariats
ous et dans toutes les garcs »
Puis, se tournant vers la jcune filie
li,�. « Voyons, comment était-il ? grand? petit?
u 11 - Pas plus grand que moi.
- Gros ? maigre ?
- Pas tres gros.
pe- - Vous avez dit assez jeune, essayez de vous
ent rappeler: trente, quarante ans?
- Trente peut-érre, mais pas quarante.
*? - Et ses véternents, ses chaussures ?
ayé - Je vous ai dit ce que j'avais vu.
ton - Pas de era vate?
- Si, il me scrnblc.
47
- A quoi ressemblait-il? a un ouvricr? a un
crnployé ? » . , .
La jeune fille <;ssaya1t de se r�ppe!er .. C était
difficilc. La rue n étart pas tres bien éclairée.
« II était cornrne beaucoup de gens : un ouvrier?
non, je ne crois pas ; pcut-étrc un c�ployé. Ah!
je me rnppcllc, il avait une bague au doig t.
- U ne alliancc • ? »
Elle terma les vcux pour micux se rappcler. Un
mornent elle avait touché la main de l'assassin.
« Oui, je crois, une petite bague, une bague toute
simple.
- Et les cheveux, longs, eourts?
- Pas tres courts.
- Vous norcz tour ceci », dit Maigrct a ses deux
collegucs . ,' . . . .
Maizrct cnlcva sa veste : pourtant 11 Iaisait moins
chaud,"c!cpuis une h�ure o_u dcux ; mais il n;sp�rait
rnieux aj nsi. 11 Iallait mamtcnant dernandcr a la
jeunc filie ele racontcr son histoirc par écrit.
« Asscvcz-vous a mon burcau, ne vous presscz pas,
écrivez lcnternent, pcnscz bien a tout ; mérnc les plus
perites choscs pcuvcnt étrc importantes! ». , .
Maigret savai t que, so\1.vcnt, l�s gens q�1 ccnv�nt
retrouvent des choses qu ils avaicnt oublié de dire.
« Quand vous aup:z fini, v��s m'appcllc1�ez .. »
Il passa dans le bure�u vo1s�n : LuC;as était au
téléphone. Toutes les. rrunutcs, �l recevait un appel
des voitures-radio qui con tmu aient leur recherche.
Les agents restés sur place contrólaient tous le_s hó�els,
passaicnt dans toutes les_ charnbres. Mais nen.
Plus le temps passait et moms on avait de chance de
retro u ver l' assassin.
Maigrct avait trouvé, au fond de sa pochc, le
bouton que la jeune filie avait arraché a la veste de
l'hornme. Un bouton gris, avec un petit morceau
d'étoffe. Maigret le regarda de plus pres : un bouton
comme des millions d'autrcs boutons !
Mais il fallait tout essaycr : Maigrel íit appcler
Mocrs, le chef du laboratoirc • de la police.
Au mérnc moment, Lognon appcla Maigrct.
« Alió, Lognon ?
- Oui, c'est moi; on continuc ele chcrcher.
Mais on ne trouvera ríen. J'ai vu l'hornme partir en
courant, et justement vers le quartier oú j'habite.
Tu n'as pas pu le suivrc ?
- Non, il allait plus vite que moi !
- Tu ri'as pas tiré•? C'était les ordres tirer dans
les jambes.
- J'allais tircr, mais juste a ce mornent-Iá une
vieillc femmc est sortie de chez elle; j'ai eu peur ele
la blesscr.
- Et tu ne l'as plus revu?
- Non, mais j'ai appelé tous les agents qui
étaicnt daus le coin ; nous avons interrogé les gens
clans les cafés. Au café des « Bons amis », on a vu
cntrcr u11 hommc; il a demandé a téléphoner, et il
est rcssorti sans ricn dire.
- Commcnt était-il?
- Blond, jcune, mince, sans chapeau, Il était
habillé d'un véternent sombre.
- Je te remercie.
- Je reste dans le quartier, Je continue de
chercher.
- Tu as raison, il faut continuer. »
Ce client, dans ce café, était-� l'assassin? A qui
avait-il téléphoné? Cet homme n avait peur de ríen :
il avait peut-étre <lit a sa femme de venir le cher-
cher ! Mais quelle explication lui avait-il donnée? /
49
On ne pcut pas téléphoner a sa fcmme et lui dirc :
« Viens vite, j'ai tué quelqu'un ! »
Maigret rctourna a son bureau ; la jeunc filie
avait fini d' écrire.
« J'ai écrit c?m!11e <rª. me venait, ,il. y � peut-e�r.e
des fautes, mais Je cr?•s que Je n ar �1en oublié.
- Merci » dit Maigret. Il lut rapiderncnt les
deux pages ': il n'y avait ríen de _nouveau. .
« Mocrs le chef du laboratoirc, est arrivé, dit
Janvicr. o'n !'a révcillé, il était déjá couché.
- Je vous demande pa1�d�n, di� �aigr�L en
tcndant la main a l\1oers, mais 11 Iallait Iairc vite et,
souvent, une heure de perdue cornpte pour dix, dans
ces affaires.
- Vous a vez bien fait, dit Moers ; je vais regarder
�a, vous vene� avec moi?
- Pourquoi pas. »
lis passércnt dans Je laboratoire. La, Moers
prit Je bouton et le rcgarda longuement, de tres
pres.
« Qu'cst-ce que vous voulez savoir ?
- Tout !
- Eh bien, je peux vous dirc déjá une chose : ce
bouton est de tres bonnc qualité, on n'cn trouvc pas
dans les pctits magasins. Sculs les grands tailleurs se
servent de ces boutons-lá. Demain, nous le mon-
trerons a quelques gros marcbands, et ils nous
diront sürerncnt d'oü il vient.
Et le fil?
C'cst un fil, cornme tous les fils; ríen a dire.
Bon et le morceau de tissu ?
I· - ya,' c'cst plus intéressant. Il cst aussi de tres
bonne qualité; je suis presque sur que c'cst un tissu
qui vient d'Angleterre .. ll y,ª seu_lement quatre ou
cinq vendcurs de ces nssus � Pans. On r�trouvet:a
facilcrnent le cornmcrcant qui a vendu cclui-lá. Mais
50
t
nous ne pourrons pas cornrncnccr a chercher avant
demain 8 hcures.
- Bien, prenez avec vous tous les gens qu'il \'OUS
faut et voycz tous les rnarchands de boutons et ele
tissus anglais, l'un aprés l'autre.
- Ce sera facilc, ils habircnt prcsquc tous au
quarticr du Temple. » /
51
1·
1
- Vous ne voulez pas le dire? Elle est mariée ? 1
- Je vous répcie, ce n'cst pas la femme qui nous [
intéresse, e' cst le tucur.
- On l'a vu ? 011 va I'arrétcr ?
- Peut-étre.
- Vous ne pouvcz ríen dire de plus?
- Si, je peux vous dire ce que je sais de I'hornme
de ce soir. » .
Les journalistes écrivaient, ne perdant pas un
mot ...
« Voila, c'cst tout pour le moment, dit Maigret
en se levant. ,
- Alors, l'homme que vous avez interrogé hier, e�a
vous allez le rernettre en liberté? <l, a
na
- Il n'a jarnais été arrété, c'est une personne qui
I
nous est utile pour l'affaire, c'esi tout. Plus de
sur
questions? E
- Nous vous avons vu, avec NL Moers, sortir
Ro
du laboratoire. L'assassin a laissé quelque chose?
Son arme peut-étre ? _«
rru
- Messieurs, je vous ai dit tout ce que je pouvais
vous dire. Je suis fatigué et j'ai sommeil. Vous aussi, P
con
je pense; alors, a demain. J'aurai peut-étre d'autres nal
informations a vous donner. » .,..-
pas
les
apr
rec
Q
avc
com
«
(
iyra
I ho
pas
1·
1
1
[
53
J
et obligcr le vrai tucur a se montrcr. C'était un
piege, » . .
Et Rougin, qui était un garcon intclligcnt,
expliquait le plan de Maigret : , . . .
« Le commissaire a-t-il cru que l assassin vicndrait
pres du commissariat pour voir qui était arrété a
sa place? C'cst possible. Mais nous croyons plutót
que le cornrnissairc � joué su_r l'orgu�il de l'assassi�_;
sans doutc un dcrni-fou, qui voudrait montrcr _qu il
était plus fort �ue la po_lice. L'assassin a réussi. .. a
moitíé - Maigret auss1. » . .
Maigret entra dans le bureau de Janv1er. Son ami
était la. .
« Tu es toujours ici? Tu ne vas pas dorrnir ?
- J'ai dormi dans un fauteuil; je vais me passer
un peu d'eau s_ur la fig�re �t m� donncr un coup de
peignc, et ca rra tout a fa1t_ bien. .
- Avec qui peut-on travailler ce matm?
- Presquc tour le monde est la. .
- Appellc-moi Lognon, Lucas et deux ou trois
autrcs collegues. »
Il était 8 heurcs et la visite des marchands de
tissu anglais et de boutons a_llait �ommenccr. .
« Voici quclqucs adrcsscs, dit Maigret a ses amis.
Partagez-vous en deux groupes : les uns chercheront
les tissus les autres les boutons. »
Maigr�t. reprenait
co�_rage; _il se �sait que
rien rr'était perdu et qu il aurait peut-étre de la
chance.
Il reprenait courage, mais il n'_ét�it pas g�i; cel_a
se voyait a son· visage. Il pensa1t. a l assassm qui,
maintenant, avait donné une partie de son secret;
son image, dans l'esprit d� Maigret, était plus claire,
mieux dessinée. Il le voyait jeune, blond, sans doute
de bonne famille; il était marié, il avait peut-étre
encore son pére et sa mere. Qu'avait-il fait aprés
54
un
l'attaquc manquéc de la nuit dcrniére ? II avait
dormi, pcut-étrc ...
nt,
Le premier iravail de Maigret fut d'aller chez le
. juge Coméliau. Justement, le juge lisait les journaux
ait
du matin.
a « Eh bien, Commissaire, qu'cst-ce que j'avais dit?
tót
C'est vous qui avez lancé toute cctte affaire; et
�_; pou r arri ver oú ?
u il - L'assassin nous a laissé q uelq uc chosc ; je crois
a que c'est intércssant. Nous finirous par le rctrouvcr,
. vous vcrrcz.
mi
- Mais quand?
- Dans une sec= ine. rlans un iour, personne ne
peut le dire ... »,.
ser
de
.
ois
En vérité, il ne fallut rnérnc pas dcux heures ...
de
Chez le prcmicr cornmercanr oú Lognon était
allé, le patron avait reconnu le bouton qu'on lui
. montrait :
is.
« Cela vicnt de la maison Mullcrbach, dit-il, ils
nt
ont leurs bureaux ici mérne, dcux étages au-dcssus. »
Le patron de la maison Mullcrbach recut Lognon
ue avec beaucoup de politessc.
la
« Est-ce vous qui vendez ces boutons?
- Mais oui, c'est nous.
el_a - Pouvcz-vous me donner les noms des tailleurs
ui, parisicns qui ont acheté cctte rnarchandise ?
t;
- Je vous demande une minute.»
re, Le patron donna des ordres a un employé qui,
te
bientót, revint avec une liste d'une quarantaine
re de noms, dont une moitié était ceux de taillcurs
és travaillant a Paris.
55
« Voila, monsieur, je vous souhaite bonne chance. »
Lognon remercia et redescendit sans perdre une ce
minute. Il entra dans un café et téléphona la bonne
nouvclle a Maigret, qui était encore chez le juge. lu
« Téléphone a Janvier et aux autres, dit Maigret
et prenez trois ou quatrc adresses chacun. » ' vo
Bonn e facón de partager le travail, mais on d'
n'avait qu'un seul morceau de tissu. La encore, M
la chance fut pour Maigret; le premier tailleur
in tcrrogé rcconnut le tissu; il en avait encore; on
put done en dormer un morceau a chacun des poli-
ciers. Et la chasse recomrnenca. Dix tailleurs seule- tro
ment avaient fait, a París, des costumes de ce tissu. un
Ce fut Lucas qui trouva la bonne adresse.
Un petit tailleur polonais, qui travaillait en
charnbre, avec un seul employé. po
« Vous connaissez ce tissu? Lu
- Mais oui, vous voulez un costume ? C'est un his
tres bon tissu, tres a la mode ... po
- Non, je veux seulernent le nom du client qui
vous a demandé un costurne dans ce tissu. po
C'est qu'il y a plusieurs mois ...
Et vous ne savez plus son nom?
Mais si, c'est M. Moncin. Un monsieur tres
bien, vous savez, qui s'habille chez moi depuis plu-
s1eurs années ... » M
Le policicr prenait des notes. Était-ce possible?
Tout d'un coup, les choses allaicnt trop bien, trop da
vite ! 11 demanda I'adresse. de
« C'est au 28, rue Dufour, tout pres d'ici.
- Vous le connaissez? II est marié? M
- Oui, sa fcmmc cst venue plusieurs fois avec lui.
Elle est tres bien, elle aussi, une vraie dame. » do
Le policier remercia rapidcrnent, descendit l'esca-
licr en courant et, courant toujours, arriva au 28.
C'était done la!.,,
56
Mais il ne pouvait continuer seul. I1 ne fallait pas
cette fois, que l'oiseau s'échappát ! '
Un agent de police était au coin de la rue. Lucas
luí rnont ra ses papiers,
« Je suis de la police, surveillez cette porte; si
vous voyez sortir un homme blond, d'une trentaine
d'années, demandez-lui ses papiers ; il s'appelle
Moncin, ne le laissez pas partir.
- Mais, pourquoi ?
- Je vous le dirai plus tard ; je vais téléphoner. »
Lucas appela Maigret, mais tout d'un coup il ne
trouvait plus ses mots, il voulait tout dire a la fois,
une sueur froide mouillait son front ...
« Restez la, dit Maigret, je viens. »
Un quart d'heure aprés, plusieurs voitures de
police arrivaient. Maigret était la; en dcux mots,
Lucas luí raconta la courte, mais intéressante
his�o�re du tail�eur polonais. Pendant ce temps, les
policiers prenaient place autour de la maison.
Maigret et son collégue s'avancérent vers la
porte de la concierge ",
« M. Moncin, s'il vous plait? 1
- Second étage, a gauche. •
57
pensa Maigret. Mais, déjá, M?" Moncin s'avan-
cai t.
« Qu'est-ce que c'est?
- Madame, ce sont deux messieurs qui veulent
voir Monsieur. »
Maigret salua et demanda :
« Est-ce que votre mari est �ci, �adame?
- Oui mais il dort; en fin, Je crors,
- Je vous demande de bien. vouloir le révciller.
- Mais qui ércs-vous, rncssicurs ? .
- Police judiciairc. Veuillez appeler votre ma1:,
madame. Je. pensc qu'il cst rentré tard, la nuit
derniére ? Je vois qu'il dort encore a onze heures !
- Mon' mari travaille souvent tard le soir.
- Il ri'cst pas sorti lá nuit dernicre ?
- Je ne pense pas. Si vous voulcz vous asseoir,
messieurs. >• ·
La jeunc fen:i-mc so�tit et revi nt presque tout de
suite. Elle avait repeigné ses cheveux. .
« Mon mari s'habille ; il n'aime pas qu'on le voie
en robe de chambre. »
Elle n'avait pas J'air gené; aucun; .inquiétude
dans ses paroles. Etait-ce une comedie? Est-ce
qu'clle savait quelque. ch�s�?
« Votre mari travaille 1c1?
- Oui voila son bureau. »
) •
59
11 prit dans sa peche le rnorceau de tissu et le
montra a Moncin.
« Vous aviez un costume fait avcc ce tissu? » tr
au
Moncin rcgarda le morceau d'étoffe.
« Oui. .
cia
- Ou est-il?
- Quelqu'un, dans l'autobus, me l'a brülé avec
une cigarette. po
- Vous l'avez fait réparer?
- Non, je n'aime pas sortir avcc des véternents no
m
réparés. Je l'ai jeté.
- Vous avez jeté ce véternent presque neuf?
- Non, a vrai dire, je I'ai donné a un pauvre,
dans la rue. ex
- Oú sont les souliers que vous portiez hier au
soír? » ·
Moncin devina le piége et, tres calme, répondit :
« Je n'avais pas de souliers puisque je suis resté
chez moi, j'avais les panroufles • que j'ai aux pieds.
- Voulez-vous appeler Ja domestique? »
C'était une jeune filie venue de Ja campagne, un
pcu inquiete devant un policier,
« Vous couchez ici?
- Non, monsieur, j'ai une chambre au sixieme
étage.
Vous étes montée a quelle heure, hier au soir?
V ers g h cures.
Oú était M. Moncin, a ce moment-Iá ?
Dans son burcau.
Habillé comment?
Comme mainrenanr.
Quand M. Moncin a-t-il mis son costume
gris a perites lignes bleues pour la derniére fois?
- Je ne sais pas bien, deux ou troisjours peut-étre.
- Vous n'avez pas entendu dire a M. Moncin
qu'on avait brülé son costurne ?
60
- Je ne me rappelle pas. »
Maigrct se r etourna vers Moncin qui souriait
' ca 1 me, avcc sculernent quclques gouttes
tres ' de sueur'
au-dessus de la lévre.
. <'. Je vous prie de me survre a la Police judi-
ciaire.
- Tr�s bien ; mai_s est-ce que je peux savoir le
pourquo1 de tour ceci ?
- Je pense que_ vous a:1ez beaucoup de choses a
nous dire sur les cnmes qui ont étéyommis a Mont-
martre, ces derniers mois.
- Je ne comprends pas.
- Tout a l'heure, dans mon bureau, Je vous
expliquerai. »
1
'
La ves!e esf retroevée
e
La rnaison de la mere était moins bellc que cclle l
du fils. Maigret sonna. Q
La fcmme qui vint ouvrir était encere jeunc, mais
on voyait remuer sans arrét ses bras maigres et ses
épaules. j
« Qu'est-cc que vous voulcz?
- Cornrnissairc Maigret. Vous avez vu votre
fils, hier au soir? M
- Pourquoi me dema�dez vous <;a? Mon fils
n'a ríen a faire avec la pollee.
- Répondez, s'il vous plait. Je pense que votre
fils vous rend visite de temps en temps? n
Souvent.
Avec sa femme? f
Qu'est-ce que i;a peut vous faire?
Il est venu hier au soir?
Non mais allez-vous m'expliquer pourquoi
toutes ces' questions? Je suis chez _moi, je suis une p
honnéte femme. Je ne vous répondrai plus. l
- Madame Moncin, il se passe des choses tres
sérieuses : votre fils est interrogé par la police; nous
pensons qu'il a tué cinq femrnes, dcpuis quelques mois. t
J
- Qu'cst-cc que vous di tes?
- Je dis que c'cst sans d?ute luí qui a assa�siné
les cinq fernmcs du quarncr Mont mart rr- ; il a
recommcncé hicr au soir, mais il a manqué son coup !
- Quoi? Mon Marcel, un assassin ? Eh bien,
je vous dis rnoi que ce n'est pas vrai ; Marce! n'a
jamais fait de mal a pcrsonnc.
- Votre fils n'cst pas vcnu vous voir dans la
journée d'hicr? »
Elle répéta avcc force
« Non, non, non.
- Ditcs-rnoi, madarne Moncin, quand il érai ;
enfant, cst-cc qu'il a fait une grossc rnaladic ?
- Non, il a fait de perites rnaladics, cornrn e tous
les enfants; qu'cst-ce que vous voulez me fairc dirc ?
Qu'il est fou?
- Lorsqu'il s'est marié, vous étiez d'accord?
- Oui, c'cst moi qui ai cu l'idée de ce mariagc ;
je pensais avoir trouvé quclqu'un de bien ...
- Et elle n'cst pas bien?
- Ce ne sont pas vos affaires. Vous avcz arréré
Marce!?
Il est dans mon bureau, quai des Orfévres.
- Vous allcz le mettre en prison?
- Peut-étre, la jeune fille qu'il a artaquée, la
nuit dernierc, l'a reconnu.
- Elle ment, ce n' est pas vrai. Je veux voi r mon
fils. Emrnenez-rnoi quai des Orfévres. »
Ses yeux étaient cornme brillants • de fiévrc.
« Je vous emméne », dit Maigret.
Dans les couloirs de la Policc judiciairc, elle vit les
photographes et marcha droit sur eux, le point
levé : ils rcculerent.
Dans le bureau de Maigret, il n'y avait que son fils.
« N'aie pas peur, Marcel, je suis ici. Est-ce qu'ils
t'ont Irappé ?
J
- Mais non, maman.
- lis sont Ious, je te dis qu'ils sont fous ! Mais je
vais aller voi r le meilleur avocar • de París. J'écrirai
au ministre, au présidcnt de la République, s'il faut.
- Calrnc-toi, maman.
- Asscycz-vous, rnadamc, dit Maigrct.
- Je ne veux pas m'asseoir, je vcux qu'on me
rende mon fils.
- Veuillez vous asscoir, madame, et répondre
a quelques qucstions.
- Rien du tout ! N'aic pas peur, Marcel, Je
m'occupc de roi, Je rcviendrai bientót. »
Et, avcc un rcgard méchant pour Maigret, elle
sortit.
« Laissez-la partir», dit Maigrct. Puis il se retourna
vers Moncin.
« Votrc mere vous aime bcaucoup?
- Elle n'a plus personne ; je suis son scul enfant.
- Elle était h cu reusc avec votrc perc ?
- C'était un boucher.
- Et alors? C'est un vilain métier?
- Je n'ai pas dit ¡;a. Laissez ma mere en paix,
Et ma femme a ussi , Elles ne savcnt rien et ne vous
dironl ríen. Et moi non plus. »
Maigret af:>pela J anvier.
« Interroge-Ie, sur lui, sur sa vie, sur ses amis, sur
la veste brüléc. Demande-luí ce qu'il faisait les
jours oú les cinq femmes ont été assassinées. Essaie
de savoir pourquoi sa mere et sa femme ne s'airnent
pas. »
Il était midi et demi. Maigret entra au restaurant
« Dauphine ». Il était fatigué, triste. Et pourtant, les
choses ne marchaient pas mal ! Il fallait trouver la
veste : mais les pauvres qui tendent la main au coin
des rues ne sont pas tellement nombreux dans Paris.
Ce qui gcnait Maigrct, c'était de ne pas comprendre
66
is je
rirai
aut.
me
dre
Je
elle
rna
67
J
Janvier était toujours avec Moncin ; Maigrct
rcgarda les notes de l'interrogatoire et n'y �i.t rie1.1
cl'intéressant. Il passa dans le bureau voism ou
Lognon l'attcndait.
« On a visité sa chambre; on a rarnassé des coupe-
papier et un couteau, ayee une lame de huit cerui-
metros. »
Maigret pcnsa a ce qu'avait dit le doctcur qui
avait regardé les blessures : on avait frappé avec une
lame étroitc.
Il revint a son burcau.
« Nous avons retrouvé votre veste, monsicur
Moncin. M
- Sur les bords de la Scinc? f
- Oui ...
- Je prends ta place», dit Maigret a Janvier. t
Quand la porte fut referrnéc, il retira sa veste, d
s'assit devant son bureau et, pcndant cinq minutes, M
regarda Moncin sans rien dire. h
« Vous étes tres malheureux, ri'est-ce pas? » e
Moncin ne bougeait pas. Enfin, il dit :
« Pourquoi serais-je rnalheurcux?
- Quand avez-vous compris que vous n'étiez pas
commc les a u tres?
- Vous pcnsez que je ne suis pas comme les
a u tres?
- Lorsquc vous étiez jeune, vous sentiez déja
en vous quclquc chosc qui n'allait pas? » e
Maigrct chcrchait ses mots : il savait _qu'il ne p
dcvait pas se trompcr, une seule quesuon mal p
posée, et Moncin s'cnfcrrnerait dans le silcncc.
« Vous savez que les juges comprendront tres M
bien votre ... comrnent dire? votre maladie. Vous d
n'irez pas en prison.
-- Je n'irai pas en prison, parce que je ne suis pas la
coupablc ; maintenant, je ne vous dirai plus rien. » q
68
.
•
J
69
a tous ceux qui auraicnt pu voir l'architecte lesjours
oú l'assassin avait tué.
Maigret se fit conduire ci:1 auto au 28 d� la �ue
Dufour. La jeune domestique de Moncin vmt
ouvrir :
« Votre collégue est déja la», luí ?it-elle.. .,
C'était Janvier q_ui, tout l� maun, avart étudié
les papiers de Moncin, r�gard(: dans tous les meubl�s
et qui, maintenant, faisait une note sur tout ce qu 11
avait vu d'intércssant. .
« Oú est sa fcmme? demanda Maigret.
_ Elle vient de me dirc qu'cllc était fatiguée ;
elle est dans sa charnbre.
- Elle t'a parlé? . .
- Tres pcu; de �e�ps en temps, el�e _ve�a1t voir
ce que je faisais. Je n _a1 nen trouvé de tres mteressant.
- Et la domestique ? . . .
_ Nous avons parlé. Elle est la depuis six mois.
Les Moncin ont une vic tres simple; ils ont peu
d'amis. De tcmps en temps, ils vont passer le
dimanche chcz ses parents a elle.
- Qu'est-cc qu'ils font, s_es pare�ts ! ,
_ Le pérc était pharrnacien ; n1:a1s il n est plus
tres jeune, il a ve�du �� pharmae1e. » . ,
Janvier morura a Maigret la photogr�ph1e d un
groupe, dans un jardín. On voyait �o,nc1� en �este
d'été un homme aux cheveux gns a coté d une
fernme assez grosse qui souriai], la main posée sur le
toit d'une vieille auto.
« En voici une autre, dit Janvier. La je�ne fem?'le
est la sceur de M?" Moncin ; elle a aussi un frcre
qui vit en Afrique. »
Il y avait une pleine b?ite de photos, surtout de
Mm• Moricin et de sa farnille. .
« J'ai aussi trouvé quclques lettres de ses cl1�nts,
assez peu : il ne faisait pas beaucoup d'affaires.
70
Des lcttres de cornmcrcants aussi qui écrivaient
(souvent plusicurs fois) pour éire payés. »
Mme Moncin, qui avait entcndu parler, était
revenue dans la piécc. Elle avait le visagc fatigué.
« Vous n'avcz pas rarnené mon mari?
- Je le rarnenerai s'il nous donnc les explications
que je lui demande.
- Vous croyez vrairncnt que c'cst lui? »
Maigret ne répondit pas. Elle leva les épaules
et dit :
« Vous verrcz, un jour, que vous vous e tes trompé,
et que vous tui avcz fait du mal pour rien.
- Vous l'aimez?
- C'est mon mari. »
La réponse n'était pas tres clairc. Elle continua
« Vous l'avez mis en prison?
- Pas encere. 11 est dans mon bureau. On a
encere des qucstions a lui poser.
- Qu'est-ce qu'il dit ?
- Il ne vcut pas répondre. Et vous, vous n'avez
ríen a me dire?
- Ríen.
- Cornprencz bien, madame, mérnc si votre rnari
est coupable, il ne sera pas jugé comme un crirninel ;
je le lui ai dit. Un homme qui, sans raison, tuc
cinq Icmrnes daos la ruc, est un malade. Dans ses
moments de calme, il peut trornpcr ceux qui I'en-
tourent, vivrc avec sa farnille comme un homme
normal. Mais c'est tout de mérne un malade. Vous
m'écoutez?
- J' écouie. »
Elle écoutait peut-étre, mais elle avait I'air de
penser a autre chose, comme si on ne parlait pas de
son mari, mais d'un étranger qu'elle n'aurait pas
connu.
« Cinq femmes sont mortcs, continuait Maigret.
i[
'..
«
Toutes mées dans la rue, Mais .il peut changcr
d'idée, s'attaq11a aux gens qui vivent pres de luí.
Vous navcz pas peur ?
- Je n'ai pas peur.
- Vous nr pensez pas que, pendant des armées, se
vous a vez éLé en grand danger?
- Non.>)
Le calme de certe fcmmc érait étonnant. Mai-
gret la regardait et essayait de comprendre. Elle
demanda:
« Vous avez \'U sa mere? fai
-· Elle est venue a la Police judiciaire et nous a
dit des choses tres désagréables ... Elle ne vous arme ma
il
pas beaucoup, pourquoi? .
- Je rr'ai me pas parler de c;:a ..ce sont nos affaires. pou
Vous allez me rendre mon man ?
- Non, pas maintenant. » , 1 pa
! fem
-�- 1
« Vous le reconnaissez ?
- Je deis dire la vérité, n' est-ce p.as ?
- Seulernent la vérité, mais toute la vérité.
- Je suis súre que c'est lui. »
Et tout d'un coup cette fille, pourtant courageuse,
se mit a pleurer,
« Vous avez entendu? » dit Maigret a Moncin.
- J'ai entendu.
- Vous n'avez rien a dire?
- Rien. »
Le travail de Maigret était terminé. Au juge de
faire le sien.
11 aurait dü étre content : son piége avait bien
marché. Le coupable était arrété. Seulement, voila,
il n'avait toujours pas la réponse a sa question :
pourquoi?
Il ne comprenait toujours pas ce qui s'était
1 passé dans !'esprit de Moncin ; ni dans celui de sa
! femme.
1
73
Dcpuis combien de temps ,dor�ait-il quand_ le
téléphone se rnit a sonner? ll n aurau pa� pu le dire.
TI laissa sonncr un long morncnt, pu1s tcndit le
bras et prit l'appareil.
« All6 ? ...
- C'cst vous, monsieur le Commissaire?
- Qui cst-ce qui parle?
- Ici, Lognon ... Je vous demande pardon de vous
révcillcr. .. vous rri'cntcndcz ?
- Oui je t'écoutc, oú es-tu?
- A M.ontmanrc, ruc de Maistrc ... un nouveau
crime vicnt d'étrc commis.
- Quoi?
- Une femmc ... a coups de couteau ... sa robe
est déchirée ...
Vous étes sürs ? Alió, Lognon ...
- Oui, je suis lá, j'écoute.
- Quand?
- V ers 1 1 hcurcs et dcrnie.
- J'arrive. .
- Encere une? » demanda l\tfmc Maigrct,
Il fit oui de la iérc, et dit :
« Appcllc-rnoi la Policc judiciairc, pendant que je
m'habille.
- Je croyais que I'assassin était arrété ?
- Je pcnse qu'il l'est toujours.
- Alló ! la Police j udiciaire? C'cst toi, Lucas? Tu
sais ce qui se p�sse ?. Est-c.e que º'?,tre _homme �st
toujours la? ... oui ? ... ti est la ... Bon, J arnve. Envoie-
moi une voiture. »
74
Rue de Maistre, il vit un groupe d'unc vingtainc
de personnes, � un c�dro�l mal écl_airé. _Logno�
était la et aussr un medecm et des infirrniers qui
attendaient les ordres. Une femme était couchée _le
long d u mur; du sang coulait encorc s�r le trott�ir.
« j'ai compté six coups de coutcau, dit le médecin.
- Toujours dans le dos?
- Non, quatre dans la poi trine, el un autre. au
cou. Quelques blessurcs aussi aux bras et aux mains.
- On a trouvé les papicrs de la victime?.
- Oui, dit Lognon, dans son sac : c'est une jeunc
domestique qui travaille chez des cornmercants du
quarticr.
- Que! áge ?
- Dix-neuf ans. »
Maigrct n'cut pas le courage de la regarder,
elle avait une robe bleu pále, sa plus bcllc robe peut-
étre. Sans doutc était-elle allée danscr. Pauvre fille !
Maigrct se tourna vers Lognon.
« Tu as donné des ordrcs ?
- J'ai mis sur le quarticr tous les agents que.j'ai
pu trouver. » . . • . . .
II fallait le faire bien sur, mars Maigrcr savair
bien que tout ca ne' servirait a ríen, cncorc une fois,
Une auto arrivait; clic s'arréra pres du groupe :
c'était Rougin, le journaliste. .
« Alors monsieur le Commissairc, l'hommc d'hier,
ce n'était ' pas encore le vrai? » .
Maigret ne répondit pas. 11 remonta dans sa voi-
ture ...
« Oú allons-nous, patron? demanda le chauffeur.
- Dcscendez vers la place Clichy. »
11 n'avait plus sommeiJ. Il fit arréter la voiture
pres d'un café qui était encore ouvert et demanda
une biére. Il fuma trois pipes, l'unc aprés l'autre,
sans retrouver le calme ..
75
Jusque-lá, tout avait si bien marché! Mais il
avait cornmis une faute, il le savait ; il y avait une
chose a laquelle il n'avait pas pensé : il aurait dú
surueiller quelqu'un ... Et il ne l'avait pas fait. Et une
pauvre filie était marte, en revenant de danser,
marte dans sa bel le robe bleue ...
Et que penseraient ses agents, ses collegues, demain
matin, quand ils liraicnt les journaux? Que pense-
raient-ils de lui, Maigret ?
Et le juge Coméliau ? Il entendait déja son coup
de .téléphone !. ..
·Il se fit conduire quai des Orfévres. II passerait
la nuit dans son bureau. La, il aurait tout le temps de
penser a ce qu'il fallait faire. Il téléphona asa femme
et lui die qu'il ne rentrerait pas.
Il téléphona ensuite a Janvier et a Lucas en leur
demandant d'étre la des 5 heures du matin. Puis
il s'assit a son bureau et ferma les yeux. �
11 était cinq heures moins 5 quand un agent lui
apporta une tasse de café. J anvier était la.
« Et Lucas ? demanda Maigret.
- Me voila, patron !
- Bon, toi, Janvier, tu vas chez sa mere et tu la
rarnénes ici ; attcntion ! S:ª ne sera pas facile. Quant
a toi, Lucas, tu iras me chercher la femme de
Moncin. Quand elles seront la, vous les rnettrez
toutes les deux dans Je mérne bureau et vous revicn-
drez me voir.
- Les journalistes sont déja dans le couloir, pa-
tron; s:a ne fai t ríen ?
- Non, laissez-Ies. »
Maigret avait toujours, dans un coin de son bureau,
ce qu'il faut pour se laver et se raser, En un quart
d'heure, il fut prét,
11 regardait les quais, par la fenétre. 11 faisaitjour,
maintenant. Des bateaux glissaient sur la Seine.
Lá-bas, pres du pont, un pécheur surveillait sa
ligne ...
On entcndit un bruit dans Je couloir et une fcmme
qui parlait. Maigret reconnut la mere de Moncin.
« Ca y ese, dit Janvier, en entrant dans le bureau;
elle est la. Elle ne voulait pas m'ouvrir, j'ai dit que
j'allais faire dérnolir la porte ... Elle a fini par s'habil-
ler et me suivre. »
Une dizaine de minutes plus tard, Lucas arrivait
a son tour.
« Tu les as mises ensemble? demanda Maigret.
- Oui, mais elles ne se sont pas regardées ...
qu'est-ce que je fais maintenant?
- Va dans le bureau qui est a cóté, mets-toi
pres de la porte, et écoute.
Et si elles ne disent rien?
- On verra bien. 11 faut tout essayer. »
�
77
Heigre! cotnptend el gagne
79
mais elle voulait que son enfanL soit élcvé comme un enf
fils de ministre. Elle ne vivait que pour vous, vous I ma
achetait les plus beaux costumes, les plus beaux un
jouets • ... » cha
Moncin se taisait toujours. pen
« Cela ne vous a pas géné, fatigué, d'érre airné peu
comme cela? d'étrc soigné, survcillé comme une
filie et, pour tour dirc, cornmc un malade? Vous bie
auricz pu vous défendre, dcmander votre liberté, mo
comme beaucoup d'autres ont fait. Mais vous ne «
l'avez pas voulu parce que vous étes a la fois un hom
gars:on sans courage et surtout un orgueilleux ... M
« Ne croyez pas que je vous disc tout ca parce que fen
je suis votre ennerni ; non, pour moi, vous étes surtout san
un malheurcux ; je vous parle sans haine ·, sans «
méchanccté; croyez-moi ;j'essaie de vous comprendre rép
e�, en rnérne temps, je voudrais que vous me compre- c'e
ruez. Et
«Je sais que vous étes intelligent, mais je voudrais Vo
aussi que vous ayez du cceur. » dan
Moncin le regardait sans bouger et sarrs rien Pas
dirc ; Maigrct, lui, attendait toujours un geste, un «
regard, un mor, qui lui ferait deviner ce qu'il y vou
avait derriére ce visage silencieux. , vot
« Je ne suis pas sur que vous aimiez votrc femme : vot
vous n'aimez que vous. Vous vous éies marié, poussé vou
par votrc mere, en pensant que vous scricz un peu fou
plus libre. Votre mere, elle, pensait que cettc jcune crim
fcmme lui obéirait ·, comme vous aviez obéi. Scule- crir
rncnt, la, elle s'est trompéc. Votre fernmc, au bout bes
de quclque temps, n'a plus voulu partagcr. Elle a pas
voulu vous avoir pour elle toutc scule. Et vous avcz je s
quitté l'appartement de votre mere. Une nouvelle vic vou
a cornrncncé, mais c'était toujours la mérne chose, M
votre femme a pris la suite de votre mere: a elle aussi, yeu
il fallait obéir, elle aussi vous rcgardait cornme un terr
80
enfant, qu'il faut toujours surveiller, comme un
malade ... Et ces deux femmes ont fait naitre en vous
une haine terrible, car toutes les deux vous empt
un
chaient d'étre homme. Et c'cst alors 'que vous avez
pensé a tuer, a les tuer. Seulcmcnt, la, vous avcz cu
peur : la police vous aurait tout de suite acensé.
« Et puis vous avez bcsoin de ces dcux femmes;
bien sur, vous étiez lcur chosc, lcur jouct ·, mais au
moins, elles, elles vous aimaicnt.
«J'ai <lit qu'ellcs vous empéchaicnt d'étre un
homme; mais non, vous n'étiez pas un homme ! »
Maigret, la sueur au front, se leva et alta vers la
fenétre, Moncin le suivait des yeux, sans rien dire,
sans bouger.
« Vous ne dites rien, continua Maigret. Vous ne
répondez pas. Parce que vous savez que j'ai raison ;
c'est votre orgueil qui vous ernpéche de parler.
Et c'est aussi votre orgueil qui vous a poussé a ruer.
Vous vouliez étre quelqu'un. Mais commcnt? Pas
dans votre métier, vous n'étes pas un vrai architecte.
Pas dans votre farnille : vous avcz toujours obéi.
« Alors, parce que votre malheur venait des femmes,
vous avez voulu frapper les femmcs. Et vous avcz tué
votre prerniére victime. Oh ! vous aviez bien calculé
votre affaire, pris toutes vos précautions : vous ne
vouliez pas alter en prison, ou erre enfermé avec les
fous. Vous étes un crirninel, Moncin, mais un
crimine! qui ne ueut pas payer Le prix. Vous éies un
crirnincl qui a besoin d'étrc airné, soigné, qui a
besoin d'une vie confortable. Tenez, si vous n'étiez
pas un rnalade, je crois que je vous Irappera is, oui,
je suis sur que la peur des coups vous Icrait parler,
vous ferait lácher votre sale secrct... »
Maigret devait étre terrible a voir : Moncin, les
yeux agrandis par la pcur, étai e devcnu cou lcur de
terre.
Gr
« N'ayez pas peur, <lit Maigrct en revenant a son
bureau, je ne vous frapperai pas-; je n'ai jamais
frappé un suspect ...
« Il y a pourtant quelque chose que je voudrais
savoir : est-ce que vrairnent votre femme et votre
mere vous croient coupable ? Je pense que oui. Au
moins, l'une des deux. Et celle-lá a essayé de vous
sauver, elle a essayé, en tuant elle-mérne, exacte-
ment • comme vous aviez fait : coups de couteau,
véternents déchirés... Quand je dis exactement, ce
n'cst pas tout a fait vrai, car il y a quelques petites
différences; mais nous en reparlerons ... »
Maigret appela J anvier.
« Fais venir les deux femmes. »
Il avait besoin d'en finir. S'il n'arrivait pas au
bout dans la dcrni-heure qui allait venir, Maigret
cornprit qu'il ne saurait plus jamais la vérité.
« Entrez, mesdames. »
Il leur tendit une chaise a chacune.
« Écoutez-moi je n'essaie pas de vous trompcr. ..
Ferrnc la porte, Janvier. .. Non, ne sors pas. Reste la,
prends des notes ... Je dis queje n'cssaie pas de vous
trornpcr, de vous faire croire que chacun de vous
m'a tout dit, en vous inrerrogcant les uns aprés les
autres. Non, nous allons cssaycr de rcgarder la vérité
en Iace, tous ensemble. »
La mere navair pas voulu prendre la chaise que
Maigrct lui tcndait. Yvonne Moncin, elle, s'érait
assise au bord de sa chaise et écou tai t sans bouger,
tres calme, cornme si Maigret ne parlait pas pour elle.
« De toute facon, continua Maigret, qu'il parle
ou non Marce! Moncin ira en prison, ou sera
enfermé' chez les fous : trop de choses l'accusent. Mais
l'une de vous deux a pensé qu'en tuant encore un�
fois elle ferait croire que Marce! n'était pas le vrai
coupable. Il me reste ª. savoir qui, de ':'ous deux,
a tué une jeune domestique, rue de Maistre, cette
nuit. »
La mere s'était approchée, l'air mauvais, les dents
serrées.
« Vous ne pouvez pas nous interroger tant que
nos avocats ne sont pas la.
- Asseyez-vous, madame, s'il vous plaít, et
dites-rnoi, tout simplement, si vous étes coupable ou
non.
- Coupable, moi ! Il m'accuse, maintenant
Soyez poli, monsieur. .. » . . .
Elle frappa sur le bureau, l'ceil _bnllant de ha11:e.
«Je _vous demande encore une fo�s de vo�� asseoir ;
sinon, JC vous envere chez mon collegue et J interroge
votre fils et sa femme sans vous ... »
Laisser son fils seul, aux mains de ces fous? Elle
se calma tout d'un coup et s'assit.
« Done une de vous a eu le courage de cornmettre
un nouvcau crime. Elle savait, si elle était prise,
quelle serait sa punitio� : la m�rt. �lle sait �onc
qu'elle ne revcrra peut-etrc plus pma1s ce man -:-
ce fils - qu'clle airne plus que tour, plus que la v1�,
mais elle essaie quand mérne de le sauver. Je suis
obligé de dire qu'un tel amour est a la fois �ra�d et
terrible. Mais Jaquelle de vous deux pouvait airner
cet homme avec assez de force pour ...
- Ca m'est égal de mourír pour mon fils. C'est
mon cnfant oui mon enfant a rnoi, vous entendez? »
Debout, ie vi;age penché vers Maigret, la mere de
Marce! s'accusait.
« C'est vous qui avez tué Jeanne Laurent?
« <;a m'est égal de mourir pour mon fils. »
l�
..
.
�
..
.
Exercices
INDICATIF
TEXTE INFINITIF
PRÉSENT
ll s' en alla ( p.s.) s'en aller ll s'en va
Il aurait (cond.) avoir ll a
Vous auriez (cond.) avoir Vous avez
Qu'il y ait (sub.) avoir ll a
Vous aviez (imp.) avoir Vous avez
11 apparut (p.s.) apparaitre Il apparait
11 comprit (p.s.) comprendre ll comprend
Qu'il connaisse (subj.) connaitre ll connait
l I devrait (cond.) devoir 11 doit
JI faudrait (cond.) falloir 11 faut
II faudra /ut.) falloir JI faut
JI fallut (p.s.) Ialloir Il faut
11 fut (p.s.) e ere Il est
]Is furcnt (ps.) etre lis sont
JI pourrait (cond.) pouvoir Il peut
11 serait (cond.) etre Il est
Qu'il soit (sub.) etre 11 est
Qu'ils soienr (sub.) étre Ils sont
Que vous soyez (sub.) etre Vous étes
Il viendrait (cond.) venir Il vient
Je voudrais (cond.) voulqir Je veux
Veuillcz (impératif) vouloir Vous voulez
lis voyaient (imp.] lvoir Ils voient
86
; .
87
8 Ou sont les choses qui glissent ? ( deux lcttres)
A �
B �
e � 1 ;;?¿
88
A quoi sert une note écrite? A a plaisanter ?
B a s'informcr ?
e a s'échapper?
16 Que! est l'anirnal le moins clangcreux ?
A la souris ?
B le serpen t ?
e le chien?
V 91 V zr ::)·V 8 yt
RÉPONSES S: �I a-v 11 V l o t
V ti 8: 01 s9 g: z
a tl a: 6 as VI
89
Lexique
¡
oú l'on boit debout. rhéárre ou l'on rit. b) une
suite d'actions* et de men-
de. la biire songes bien arrangés pour ha
i
tromper quelqu'un.
.
commettre : faire une mauvaise
act ion : commettre un crirne.
90
revo
r
le crimine](Isssassin}
�o
¡ hall,
/$
i
revolver
xlR
Innocent? líbéré
un� cornmissaire de police : chef une espéce de : une sorte de.
de la police. Il travaille exactement : de facón tout a
dans un commissariat. fait pareille.
un concierge : dans les grandes glisser : passer sur quelque
maisons oú il y a plusieurs chose ou dans quelque
appartcments, c'est I'ern- chose tres légérernent, sans
ployé qui surveille la porte. frotter,
amtréler : regarder de pres la haine le contraire de
si tout va bien, si tour est l'amour. On a de la haine
en ordrc. pour ses enncmis.
un couloir : la partie longue imprudent : qui ne fait pas
et étroire d'une rnaison ou assez attention au danger.
on passc pour aller dans une informatlon : ce qui nous
les charnbres. informe, nous apprend du
un coupabl« : cclui qui a fait nouveau sur quelque chose:
le mal et qui doit étre puní. les journaux, la radio
donnent des informations sur
un crime : la mau vaise action les sports, la politique, etc.
d'un crirninel.
inquiet : dont I'esprit n'est pas
un criminel : celui qui a com- tranquille, qui pense que
mis* un crirne, une grosse quelque chose de mal va
faute. arriver,
la date : le jour, le mois, I'an- étre inquiété : avoir des ennuis
née. Pour les Francais, le avec la police ou la justice,
14 J uillet est une date une inquiétude : �e q1;1c sen�
importante. une personne inquiete, qui
deoiner : dirc ce qui va se a un peu peur.
passer, comme si oo voyait un inspecteur de police un
les choses avaot qu'elles
arrivent. policier qui aide le com-
missaire.
un dipléme : un papicr qui di:
l'inteliigence : la pensée; ce qui
qu'on a fait des érudes et fait que nous sommes diffé-
qu'on a réussi a des exa- rents des anirnaux.
mens.
interroger : poser des questions.
un domestique : un ernployé Le professeur interrogo l 'éléve.
qui rravail!c dans une fa-
millc et s'occupe des choses des jouets :
de la maison.
s'échapper : tromper celui qui
vous garde et s'eu aller
�
g2.""<!-·0
tres vite.
L
de. étre le jouet de quelqu' 1111 : se p/ile : qui n'a prcsque plus ele
a laisscr commander. couleur.
w1 jo11rnaliste : cclui qui écrit une pantoufle : une chaussurc
ue dans un. journal. légcre pour la maison.
ue un passani : cclui qui marche
ns w1 laboratoire : un atelicr oú
travaillent les hornrnes de - qui passe - dans la rue.
scrence. il se passe quelque diose : Il y a
de quelquc chose de nouveau ;
ine 1111eliste : des rnots ou des
noms mis les uns au-dcssus quclquc chose d'Iruércssaru
se fait ou va se faire,
<les autrcs.
as un pistolet : voir page 91.
er. maladroit : qui n'cst pas adroit.
une plaisanterie : quelque chose
us des menottes : qu'on fait ou qu'on dit
du pour fairc rirc.
e:
io un ¡,la11 une note qu'on
ur ministre : une personne qui écrit avant de fai1'C un
11n
travail pour, en donner les
tc. fait partie du gouverne-
ment d'un pays el qui est grandes parties. C'est quel-
as quefois un dessin : le plan
ue placé a la téte d'un servicc d'une maison, d'un moteur.
va irnportant. Ex. : le ministre
de I'Lntérieur, le ministre le poignet : la partic du bras
des Finances. juste avanl la main.
uis
normal. : qui va bien, qui est la Police judiciaire : bureau de
ce,
comrne il Iaut. Il a une vue police qui étudie les affaires
n� normale, il n'a pas bcsoin avant de les donner au
ui de lunetces. juge d'instruction, qui lui-
une note écrite : un papier oú meme les passe au tribunal.
un l'on a écrit des informa- A París, la P. J. cst au
m- bord de la Seine, quai des
tions", des ordres : j'ai
Orfevrcs.
pris note de votre adrcsse -
ui j'ai noté votre adresse. pourtant : mot qui sert a pré-
fé- senter une idéc qui étonm;
obéir : [aire ce qui est comruan-
dé : il faut obéir a la loi. apres ce qui a été <lit.
ns. la priso11 : la tnaison de justice
l'orgueil : le défaui de l'or- ou l'on enferme· les cou-
ve.
gueilleux qui vcut dépas-
ser LOUL le monde. pables.
un psychiatre : un· médecin qui
un orgueilleux : celui qui se
croii plus fon, plus intclli- soigne les fous.
genr. plus bcau que les la psychologie : la science qui
auues. essaie de savoir commcnt
93
L. - r "
---------- --
=�"
�
M
silencieux : qui se tait, qui Ex
fait silence.
une victime : celui a qui on
a fait du mal. Ici, I'assassin
souffrir : avoir tres mal. Sa et sa femme ont fait six Lg
dent malade le fait souffrir. victimes.
To
1 Cin
Jea
ph
94
• ·:,a, ..
1¡
..
Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86
Lgxique .: . . . . 90
pas
la rcvue trancaise p
pas
vous plaira
pass
Di tes
á
voire professeur
i
pass
et les conditions d'a
pas
79. Boulevard S
Oépo1 lógol n• 0
Edn,on n• 07 · �
1)
Les
extes en fram¡;ais facile
aisent. Alors vous aimerez lirc f
passe-partout
ncaise pour la [eunesse du monde.
I; 1±
pages écrites en Irancais facile par des
pécialernent pour vous.
jeux. les sciences et les spectacles. les
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