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VOLET 2

STRATÉGIES DE CIRCULARITÉ POUR


LA RÉDUCTION DES ÉMISSIONS DE
GAZ À EFFET DE SERRE PAR LES
ÉMETTEURS INDUSTRIELS QUÉBÉCOIS
PROJET DE RECHERCHE SUR LE POTENTIEL DE L’ÉCONOMIE
CIRCULAIRE SUR LA RÉDUCTION DE GAZ À EFFET DE SERRE
DES ÉMETTEURS INDUSTRIELS QUÉBÉCOIS

PARTENAIRES DE PROJET

PARTENAIRES INDUSTRIELS PROJET FINANCÉ PAR


AUTEURS-CONTRIBUTEURS
François Saunier, Centre international de référence sur le cycle de vie des produits, procédés et services (CIRAIG),
Polytechnique Montréal
Julien Beaulieu, Centre de transfert technologique en écologie industrielle (CTTEI)
Pascal Lemoine, CTTEI
Flavien Binet, CIRAIG, Polytechnique Montréal
Julien Pedneault, CIRAIG, Polytechnique Montréal
Alexandre Labelle, Polytechnique Montréal
Luc Beaudoin, Hydro-Québec
Hugo Guerche, Chaire de gestion du secteur de l’énergie, HEC Montréal
Johanne Whitmore, Chaire de gestion du secteur de l’énergie, HEC Montréal
Pierre-Olivier Pineau, Chaire de gestion du secteur de l’énergie, HEC Montréal

PARTENAIRES UNIVERSITAIRES
Jean-Marc Frayret, Polytechnique Montréal
Manuele Margni, CIRAIG, Polytechnique Montréal
Daniel Normandin, Centre d’études et de recherche intersectorielles en économie circulaire (CERIEC),
École de technologie supérieure (ETS)

PARTENAIRES INDUSTRIELS
Norma Kozhaya, Conseil du patronat du Québec (CPQ)
Hélène Lauzon, Conseil Patronal de l’Environnement du Québec (CPEQ)
Philippe Noël, Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ)
Jean-Noël Cloutier, Hydro-Québec

RELECTEURS DU MILIEU INDUSTRIEL


René Drolet, Association Canadienne du Ciment (ACC)
Anik Dubuc, Association de l’aluminium du Canada (AAC)
Jean-Pierre Bernier, ArcelorMittal Produits longs Canada
Étienne Angers, RECYC-QUÉBEC

REMERCIEMENTS
Les auteurs et collaborateurs tiennent à remercier les organisations et personnes suivantes pour leur soutien,
leur contribution et leurs commentaires :
• Manon Boiteux, Institut EDDEC
• Raymond Paquin, Université Concordia
• Benjamin Laplatte, CERIEC, ETS
• Les participants aux ateliers de travail des 14 et 15 mai 2020
• Anne-Marie Boulay, CIRAIG, Polytechnique Montréal

Ce projet de recherche a bénéficié du soutien financier du Fonds de recherche du Québec – Nature et technologies.

Le contenu de ce rapport n’engage que ses auteurs et d’aucune façon les individus et les organisations qui en ont fait
une relecture et fourni des commentaires.

Pour citer le rapport : Saunier, F., Beaulieu, J, Lemoine, P., Binet, F., Pedneault, J., Labelle, A., Beaudoin, L., Guerche, H.,
Whitmore, J., Pineau, P.-O . Projet de recherche sur le potentiel de l’économie circulaire sur la réduction de gaz à effet de serre
des émetteurs industriels québécois : Volet 2 – Stratégies de circularité par la réduction des émissions de gaz à effet de serre par
les émetteurs industriels québécois, CIRAIG, Polytechnique Montréal, CTTÉI, Chaire de gestion du secteur de l’énergie, HEC
Montréal 2021.

Dépôt légal : 2021


ISBN : 978-2-9815420-1-4 (version PDF)

©2021 CIRAIG. Ce rapport n’engage que la responsabilité des auteurs.

Révision : Ruth Picard


Infographie : Brigitte Ayotte (Ayograph)

Images de couverture : ©DepositPhotos


Résumé
Le Québec a d’ambitieux objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) : il vise une réduction
de 37,5 % pour 2030 par rapport aux émissions de 1990 et s’est fixé un objectif de carboneutralité pour 2050.
Les efforts passés n’ont pas réussi à atteindre leurs cibles (une réduction de 6 % était atteinte en 2018 alors
qu’on visait 20 % de réduction pour 2020), et les émissions ne diminuent plus depuis 2014. Dans ce contexte,
il est essentiel de repenser en profondeur les approches de lutte contre les changements climatiques, pour
innover et trouver des solutions qui permettent d’atteindre les cibles. Les émissions du secteur industriel, bien
qu’ayant réduit d’environ 20 % depuis 1990, font ainsi face à des enjeux complexes et à des solutions plus
onéreuses, les solutions les plus faciles ayant déjà été mises en œuvre. Le premier volet de ce projet, publié en
20191, a brossé le portrait des émissions du secteur industriel québécois.

L’économie circulaire propose un ensemble de stratégies en rupture avec plusieurs approches actuelles, qui
permettront d’augmenter la productivité des ressources et d’ainsi réduire les besoins (matériels et énergétiques)
associés à leur extraction et à leur transformation. Ces stratégies peuvent évidemment contribuer à réduire
les émissions de GES. Ce rapport vise à estimer le potentiel de réduction des émissions de GES par la mise en
œuvre de stratégies de circularité dans trois importants secteurs industriels au Québec : fer–acier, ciment–béton
et aluminium. Ces trois secteurs ont été choisis parce qu’ils sont à la source d’importantes émissions de GES
(11,42 Mt éq. CO2 en 2019 pour ces trois secteurs combinés), qu’un nombre relativement petit d’acteurs y sont
actifs, qu’ils représentent des activités économiques clés pour le Québec et que leur empreinte matérielle est
significative.

Le présent rapport rappelle en premier lieu les principes généraux de l’économie circulaire, qui reposent sur
quatre grandes familles de stratégies. La première se situe en amont de la chaîne de production et invite à
repenser les pratiques en faisant usage de l’écoconception, d’un approvisionnement responsable et d’une
optimisation des opérations. La deuxième famille vise une intensification des usages des biens produits, par
différents mécanismes de mise en commun des produits pour éviter de devoir en produire davantage. La
troisième famille de stratégies travaille à allonger la durée d’usage des produits, par l’entretien et la réparation.
La quatrième et dernière famille de stratégies se concentre sur les problématiques de fin de vie des produits, à
travers l’écologie industrielle, le recyclage et la valorisation.

Dans le contexte de ce rapport, quatre grandes stratégies issues de ces familles  sont traitées pour les trois
grands secteurs industriels du Québec sélectionnés (fer–acier, ciment–béton et aluminium) :

1. Optimisation des opérations (amélioration ou modification des technologies employées pour diminuer
les besoins en ressources).
2. Écologie industrielle (stratégies de symbioses industrielles, où les déchets d’un secteur sont utilisés par
un autre).
3. Valorisation en fin de vie (recyclage ou valorisation des produits après leur utilisation).
4. Action sur la demande (visant à repenser certains usages de l’acier, du béton et de l’aluminium)

La principale contribution de ce rapport est de documenter, pour chacun de ces trois secteurs, quel potentiel
de réduction d’émissions de GES peut être envisagé par l’application de ces quatre stratégies. Les principaux
obstacles au déploiement de ces stratégies ont également été déterminé afin de mieux cibler les actions à
prendre.

1
Pineau, P.–O., Gauthier, P., Whitmore, J., Normandin, D., Beaudoin, L. et Beaulieu, J. 2019. Projet de recherche sur le potentiel
de l’économie circulaire sur la réduction de gaz à effet de serre des émetteurs industriels québécois : Volet 1 – Portrait et pistes de
réduction des émissions industrielles de gaz à effet de serre au Québec, Chaire de gestion du secteur de l’énergie, HEC Montréal.

• III •
Un cadre méthodologique spécifique a été développé dans le cadre de ce projet, l’objectif étant qu’il puisse
être reproductible à d’autres régions ou à d’autres secteurs industriels. Composé de six étapes, le cadre
méthodologique propose de partir d’une étude du métabolisme industriel2 d’un ou de plusieurs secteurs de la
région pour en déterminer les stratégies de circularité potentielles. Leur applicabilité est ensuite évaluée, pour
converger vers une liste plus restreinte de stratégies dont l’effet sur les réductions directes et indirectes de GES
est évalué à l’aide de la perspective du cycle de vie. Il est alors possible de prioriser les stratégies à mettre en
œuvre, sur la base des différents apprentissages, tout en minimisant le risque de déplacement d’impacts.

Potentiels de réduction des émissions de GES


Les potentiels de réduction d’émissions directes (touchant immédiatement les opérations d’une industrie) et
indirectes (se situant en périphérie de l’industrie en question, au Québec ou à l’étranger) sont présentés dans
le tableau ci–dessous. Ils se déclinent selon les quatre grandes stratégies et par action. Ils varient de quelques
kilotonnes à quelques millions de tonnes d’équivalent CO2. Une comparaison directe des potentiels entre les
secteurs et les stratégies n’est cependant pas conseillée, ces valeurs ne reposant pas toutes sur les mêmes
hypothèses en termes de maturité d’opérationnalisation et de réalisme.

Effet sur les Effet sur les


Stratégies (secteur) émissions directes émissions indirectes
(Mt éq. CO2) (Mt éq. CO2)
Réduction à l’hydrogène (acier) –0,90 –0,48

Optimisation des Électrolyse à anodes inertes (aluminium) –4,04 –0,16 à –0,34


opérations Efficacité énergétique (aluminium) – –0,38

Efficacité énergétique (ciment) –0,35 –0,04

Valorisation du scandium (aluminium) – –0,02

Valorisation des boues rouges (aluminium) – –0,68

Écologie industrielle Valorisation de la chaleur résiduelle (aluminium) – –2,2 à –2,6

Combustibles alternatifs (ciment) –0,36 –0,03

Valorisation du béton micronisé (ciment) –0,19 –0,01

Recyclage de l’acier –1,21 –0,79


Valorisation en fin
Recyclage de l’aluminium ND ND
de vie
Recyclage du béton en granulats – –0,04 à –0,16

Surspécification (acier) –0,14 –0,11

Action sur la Allègement des véhicules (acier) – –3,71


demande Autopartage (acier) – –1,00

Surspécification (béton) –0,21 –0.04

Total3 = –7,40 –9,69

2
Analyse des flux de matières et d’énergies sous–jacents aux activités impliquées pour un secteur.
3
– Bornes inférieures utilisées, le cas échéant.

– Addition des potentiels individuels, même si certaines synergies entre stratégies pourraient en diminuer le potentiel lorsqu’elles sont combinées.

• IV •
Le potentiel de réduction des émissions directes de GES de 7,40 Mt éq. CO2 représente 65 % des émissions des
trois secteurs, alors que le total du potentiel de réduction des émissions indirectes est de 9,69 Mt éq. CO2. Les
émissions directes représentent environ 10 % de l’inventaire québécois des émissions de GES, un potentiel de
réduction important pour atteindre les cibles ambitieuses de –37,5 % à l’horizon 2030. De plus, les émissions
indirectes, qui se réalisent ailleurs dans la chaîne de valeur de ces industries, en lien avec leurs intrants ou
extrants, ont aussi lieu en partie au Québec. À noter que ces diminutions sont issues de la somme des potentiels
de réduction individuels des actions considérées, que celles–ci ne sont en réalité pas toujours cumulatives et que
leur mise en œuvre réelle pourra nuancer certains potentiels. À l’inverse, certaines de ces stratégies pourraient
être exportées ou mises en œuvre en dehors du Québec, et contribuer ainsi encore plus à la diminution globale
des émissions de GES.

Plusieurs sources importantes de réduction des émissions reposent sur des stratégies d’optimisation dont
les technologies ne sont pas encore matures. Par exemple, l’électrolyse à anodes inertes pour l’aluminium
(4,04 Mt éq. CO2) représente la plus grande proportion du potentiel direct de réduction identifié, mais est en
développement. La réduction du fer avec de l’hydrogène (0,9 Mt éq. CO2) n’est aussi pas commercialement viable
dans les conditions actuelles.

Dans le potentiel indirect, l’allègement des véhicules (3,71 Mt éq. CO2) est très prometteur car il induit une baisse
de la consommation de carburants et une réduction des émissions de combustion associées, mais il demande
une évolution du parc automobile qui n’est pas sous le contrôle direct de l’industrie québécoise. En effet, les
types de véhicules en circulation dépendent des constructeurs automobiles, des préférences des individus et des
normes établies. La valorisation de la chaleur perdue par les industries présente aussi un potentiel intéressant
de réduction des émissions de GES (de 2,2 à 2,6 Mt éq. CO2), et des études de faisabilité plus poussées devraient
être faites sur cette opportunité.

Parmi les principales barrières immédiates au déploiement des stratégies d’économie circulaire qui ont été
mentionnées par les acteurs de l’industrie sondés dans le cadre de ce projet se trouvent les lois et les mesures
des gouvernements, le marché et l’environnement concurrentiel, les obstacles financiers et les coûts ainsi que
les enjeux organisationnels (structures et individus). Ces barrières immédiates sont des obstacles surtout pour
les stratégies d’optimisation, d’écologie industrielle et de valorisation. Les barrières à la demande de biens et
services requièrent un effort collectif important, qui dépasse le champ d’action d’une organisation en particulier.

Pistes d’action
Bien que la contribution principale de ce rapport se trouve dans l’estimation du potentiel de l’économie circulaire
pour trois secteurs industriels québécois et dans le développement d’une méthodologie pour le faire, des pistes
d’action sont aussi suggérées pour les entreprises et pour les gouvernements. Elles découlent de ce projet et de
travaux effectués en parallèle par différents membres de l’équipe.

Pour les entreprises :

• Développer un meilleur réseau de communication interindustriel.

• Développer des pratiques de gestion visant à faciliter l’introduction de stratégies ou de modèles d’affaires
liés à l’économie circulaire.

• Développer des indicateurs de circularité qui peuvent être intégrés dans les processus décisionnels des
industries.

• Établir des cibles et des programmes d’amélioration de la circularité de la chaîne de valeur des différents
secteurs industriels.

• V •
Pour les gouvernements :

• Assurer une meilleure communication industrie–gouvernement.

• Adopter une stratégie nationale ou une feuille de route d’économie circulaire complète menée par le
gouvernement.

• Sensibiliser la population et les acteurs industriels.

• S’assurer d’un financement adéquat.

• Établir une approche normalisée pour la cartographie de la chaîne de valeur et l’analyse de flux de
matière des secteurs.

• Mettre en place un système de comptabilité national pour mesurer la progression vers des objectifs de
circularité de l’économie et en faire le suivi, en favorisant le recours à la modélisation pour évaluer les
gains environnementaux et économiques.

• Déterminer les nouvelles compétences et expertises à développer auprès de la main–d’œuvre actuelle


(perfectionnement) et future (formation) pour la mise en œuvre de stratégies d’économie circulaire en
milieu industriel.

• Réaliser une revue de la réglementation et des lois qui pourraient freiner le déploiement de stratégies
d’économie circulaire.

• Mettre en place une écofiscalité permettant d’opérationnaliser le principe de pollueur–payeur, de


favoriser la soutenabilité financière des initiatives d’économie circulaire et de limiter les augmentations
des usages de ressources naturelles liées aux gains de productivité.

• VI •
Table des matières

RÉSUMÉ. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . III

TABLE DES MATIÈRES. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VII

ABRÉVIATIONS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . IX

1 | INTRODUCTION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1

1.1 Contexte et objectif de l’étude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1

1.2 Retour sur le volet 1 du rapport . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3


1.2.1 Constats initiaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
1.2.2 Pistes de réduction des émissions de GES. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3

1.3 Organisation du rapport . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4

2 | QUEL EST LE LIEN ENTRE L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE ET LES ÉMISSIONS DE GES ?. . . . . . . . . . . . . . . . . 5

2.1 Économie circulaire : définition et principales stratégies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

2.2 É
 conomie circulaire, source de réduction des émissions de GES ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9

3 | EFFET DE L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE SUR LES ÉMISSIONS INDUSTRIELLES


DE GES AU QUÉBEC : DES STRATÉGIES GLOBALES, À IMPACT LOCAL ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13

3.1 E
 njeux liés à l’évaluation de l’effet sur la réduction des émissions de GES du niveau
global au niveau local. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13

3.2 Quels outils appliquer pour cette évaluation ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14


3.2.1 Ce que nous dit la littérature . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
3.2.2 Comparaison des approches et choix pour l’étude. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16

3.3 M
 éthodologie : une approche combinée pour des études stratégies/secteur spécifique . . . . . . . . . . 16

4 | STRATÉGIES D’ÉCONOMIE CIRCULAIRE POUR RÉDUIRE LES ÉMISSIONS INDUSTRIELLES :


ÉTUDES DE CAS AU QUÉBEC . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19

4.1 P
 résentation des études de cas sur l’application de stratégies de circularité au Québec . . . . . . . . . . . 19
4.1.1 Sélection des secteurs prioritaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
4.1.2 Types de stratégies étudiées par secteur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
4.1.3 Émissions directes et indirectes de GES au Québec. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22

4.2 Étude de cas 1 : la chaîne de valeur du fer-acier au Québec . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24


4.2.1 Cycle de vie de l’acier au Québec . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
4.2.2 Analyse de flux de matière du fer au Québec. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
4.2.3 Émissions directes et indirectes de GES pour le secteur sidérurgique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
4.2.4 Quelles stratégies de circularité pour le secteur ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
4.2.5 Quels gains potentiels de réduction des émissions de GES ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30

4.3 É
 tude de cas 2 : la chaîne de valeur du ciment-béton au Québec . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
4.3.1 Cycle de vie du ciment et du béton au Québec . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
4.3.2 Analyse de flux de matière du béton au Québec. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
4.3.3 Émissions directes et indirectes de GES pour le secteur du ciment et du béton. . . . . . . . . . . . . . . . . 39
4.3.4 Quelles stratégies de circularité pour le secteur ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40
4.3.5 Quels gains potentiels de réduction des émissions de GES ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45

4.4 Étude de cas 3 : la chaîne de valeur de l’aluminium au Québec. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50


4.4.1 Cycle de vie de l’aluminium au Québec . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50
4.4.2 Analyse de flux de matière de l’aluminium . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51
4.4.3 Émissions directes et indirectes de GES pour le secteur de l’aluminium. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52
4.4.4 Quelles stratégies de circularité pour le secteur ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
4.4.5 Quels gains potentiels de réduction des émissions de GES ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57

4.5 Étude de cas 4 : captage et valorisation du CO2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65


4.5.1 Sources de CO2. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65
4.5.2 Utilisation du CO2. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66

4.6 Bilan des études de cas . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67


4.6.1 Synthèse des études de cas sur l’acier, l’aluminium, le ciment et le béton. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67
4.6.2 Limites des études de cas. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70

4.7 Barrières et pistes d’action. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71


4.7.1 Lois et mesures des gouvernements. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72
4.7.2 Marché et environnement concurrentiel  . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73
4.7.3 Obstacles financiers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73
4.7.4 Barrières organisationnelles (structurelles). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74
4.7.5 Barrières organisationnelles (individuelles). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74
4.7.6 Enjeux techniques et technologiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74
4.7.7 Problèmes liés aux produits et ressources. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75
4.7.8 Consommateurs et société. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75
4.7.9 Pistes d’action. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75

5 | PISTES D’ACTION GÉNÉRALES POUR ENTREPRISES ET GOUVERNEMENTS. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77

5.1 F
 avoriser les stratégies d’optimisation et les symbioses industrielles –
Recommandations affectant directement les entreprises. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77

5.2 D
 évelopper un cadre pour faire émerger des stratégies de fin de vie et des actions
sur la demande – Recommandations dirigées vers les gouvernements et
les instances réglementaires. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78

5.3 M
 ettre en valeur la position privilégiée du Québec dans la mise en œuvre
de nombreuses stratégies. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79

6 | RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80

ANNEXES. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87

Annexe A – S
 ynergies déterminées pour le secteur du ciment et du béton. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87

Annexe B – S
 ynergies déterminées pour le secteur de l’aluminium . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89

• VIII •
Abréviations
AAC Association de l’aluminium du Canada
ACC Association Canadienne du Ciment
ACV Analyse du cycle de vie
AESÉE Analyse entrée–sortie étendue à l’environnement
AFM Analyse de flux de matières
AMEM ArcelorMittal Exploitation Minière
CCS Carbon capture and storage
CCU Carbon capture and utilization
CH4 Méthane
CIRAIG Centre international de référence sur le cycle de vie des produits, procédés et services
CO2 Dioxyde de carbone
CPEQ Conseil Patronal de l’Environnement du Québec
CPQ Conseil du patronat du Québec
CTTEI Centre de transfert technologique en écologie industrielle
DRI Direct Reduction Iron
EAF Electric Arc Furnace
ECCC Environnement et Changement climatique Canada
FCCQ Fédération des chambres de commerce du Québec
GES Gaz à effet de serre
I/O Analyse entrée–sortie
IAI International Aluminium Institute
IEA International Energy Agency
IPCC International Panel on Climate Change
ISQ Institut de la statistique du Québec
MEI Ministère de l’Économie et de l’Innovation
MELCC Ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques
PIOT Physical Input–Output Tables
REAFIE Règlement sur l’encadrement d’activités en fonction de leur impact sur l’environnement
RÉEIE Règlement relatif à l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement
de certains projets
RTFT Rio Tinto Fer et Titane
SCEE Système de comptabilité économique et environnementale

• IX •
1 | Introduction

1.1 Contexte et objectif de l’étude


L’objectif du projet de recherche Potentiel de réduction d’émissions de gaz à effet de serre associé à l’économie
circulaire pour les émetteurs industriels québécois est d’évaluer le potentiel de réduction d’émissions industrielles
de GES, directes et indirectes, associé à la mise en œuvre au Québec de stratégies d’économie circulaire et
d’écologie industrielle. Le présent rapport, qui tente de répondre à cette question, constitue la seconde partie
de ce projet de recherche. Un résumé du premier volet de cette étude (Pineau et al., 2019) est présenté à la
section 1.2.

Le Québec s’est doté d’ambitieux objectifs de réduction d’émissions de GES pour 2030 et 2050. La production
d’électricité de la province étant déjà décarbonisée, les émissions de GES proviennent essentiellement de trois
grands secteurs : les transports, le bâtiment et l’industrie. En ce qui concerne les deux premiers, leurs émissions
sont avant tout liées au mode de vie de la population et à des choix logistiques (modes de transport et types de
bâtiment). Très peu de richesse est directement générée par la combustion d’énergie fossile liée à ces émissions,
qui sont plutôt associées au niveau de revenu et aux choix de consommation. Par contre, pour ce qui est du
secteur industriel4, la dynamique est toute autre : les émissions de combustion et de procédés sont intimement
liées à la productivité et à la création de valeur. Une réduction des émissions de GES de 37,5 % en 2030 par
rapport au niveau de 1990 et l’atteinte de la carboneutralité d’ici 2050 (un engagement que le Québec entend
prendre à plus long terme (MELCC, 2021) exigent, dans une large mesure, des reconfigurations industrielles
beaucoup plus substantielles que dans les secteurs des transports et du bâtiment (même si ces deux secteurs
ont aussi un rôle majeur à jouer dans ces réductions).

Le défi de la réduction des émissions industrielles au Québec FIGURE 1-1 • RÉPARTITION DES ÉMISSIONS DE GES
est d’autant plus crucial que celles-ci sont proportionnellement PAR SECTEURS D’ACTIVITÉ AU QUÉBEC
plus importantes que dans le reste du Canada et dans le EN 2016 (PINEAU ET AL., 2019)
monde, en partie en raison de la présence d’une électricité peu
carbonée qui donne plus d’importance aux autres secteurs. SECTEUR DU BÂTIMENT
= 12 %
Ainsi, près de 24 % des émissions québécoises proviennent
Bâtiments résidentiels 6 %
des industries manufacturières et des procédés industriels,
Bâtiments CI 6 %
alors que cette proportion n’est que de 14 % au Canada SECTEUR
(Environnement et Changement climatique Canada, 2018). Industrie INDUSTRIEL
(GES (incluant
Si l’on inclut toutes les industries, dont les industries agricoles énergétiques) agriculture
16 % et déchets)
et de la gestion des déchets, la part des émissions québécoises Transport (GES énergétiques
(véhicules et non énergétiques)
issues du secteur industriel grimpe à 39 % (ou 44 % selon la personnels) TOTAL Procédés = 44 %
22 % GES industriels
manière d’effectuer les regroupements industriels (Pineau AU QUÉBEC : et utilisation
77 Mt éq. CO2 de produits
et al., 2019). Sans compter que les émissions des industries 13 %
manufacturières et des procédés industriels ont déjà reculé Transport Industrie
SECTEUR DES commercial Agriculture
de 23 % entre 1990 et 2016 au Québec, alors que le reste TRANSPORTS (marchandises, 10 %
(GES non énergétiques)
28 %
= 44 % industriels
des émissions est resté stable. Pour continuer à réduire les et voyageurs)
émissions industrielles sans nuire à l’économie, il est impératif 22 %

de bien saisir les options qui s’offrent à l’industrie. Gestion de déchets 5 %

4
Dans le cadre de notre étude sur les émissions industrielles de GES, les secteurs d’activité faisant partie du secteur industriel sont les suivants : agriculture, foresterie,
exploitation minière, construction, autres fabrications, pâtes et papiers, ciment, raffinage pétrolier, produits chimiques, sidérurgie, fonte et affinage de métaux non ferreux
et gestion des déchets

• 1 •
Le changement de paradigme proposé par l’économie circulaire peut entraîner des réductions de GES
substantielles pour le secteur industriel puisque, selon un récent rapport (Circle Economy, 2021), moins de 9 %
des flux de matières seraient présentement bouclés à l’échelle globale, et la tendance est à la baisse. Le Pôle
québécois de concertation sur l’économie circulaire, qui rassemble les acteurs québécois de cette transition,
définit l’économie circulaire comme un « système de production, d’échange et de consommation visant à
optimiser l’utilisation des ressources à toutes les étapes du cycle de vie d’un bien ou d’un service, dans une
logique circulaire, tout en réduisant l’empreinte environnementale et en contribuant au bien-être des individus
et des collectivités » (Québec Circulaire, 2021). Les filières de recyclage, le reconditionnement, les synergies et les
symbioses industrielles de même que l’économie de fonctionnalité sont quelques-unes des stratégies visant à
opérationnaliser l’économie circulaire.

Le projet de recherche dans lequel s’inscrit le présent rapport couvre les grands émetteurs du secteur industriel
(émissions annuelles supérieures à 10 000  tonnes d’équivalent  CO2 (t éq. CO2), ainsi que les émissions de
l’industrie agricole (10 % des émissions québécoises) et celles de l’industrie de la gestion des déchets (5 % des
émissions québécoises). La principale question à laquelle ce projet vise à répondre est la suivante :

Quel est le potentiel de réduction d’émissions de GES des émetteurs industriels québécois associé à
la mise en œuvre d’une plus grande circularité des ressources dans leur organisation économique ?

Le projet propose deux volets d’analyse. Le volet 1 consistait à dresser un portrait des émissions industrielles
de GES au Québec (Pineau et al., 2019). Le volet 2 – le présent rapport – présente une analyse du potentiel de
réduction des émissions de GES dans une perspective d’économie circulaire.

Ce volet, contrairement au premier, adopte une approche plus globale pour ne plus mettre l’accent seulement
sur les émissions directes associées au secteur industriel, mais aussi pour aborder l’ensemble des émissions
directes et indirectes associées au cycle de vie des produits issus de ce secteur. Dans un premier temps, l’analyse

FIGURE 1-2 • NIVEAUX D’INTERVENTION POUR RÉDUIRE LES GES DANS LE SECTEUR INDUSTRIEL
(PINEAU ET AL., 2019)

3. Refonte des écosystèmes et économie circulaire


• Échelle : Régionale ou plus / sectorielle / intersectorielle
• Acteurs : Gouvernements / Associations / Directions
• Opportunités d’optimiser globalement l’utilisation des ressources (matières, machines, humaines,
informationnelles) à travers la chaîne de valeurs et aux intersections des organisations

2. Nouvelles technologies
• Échelle : entreprise / usine
• Acteurs : Directions / cadres
• Opportunités d’améliorer la productivité de l’entreprise et développement de nouveaux produits

1. Gérer l’énergie et le processus


• Échelle : installation / usine / département
• Acteurs : Techniciens, ingénieurs, gestionnaires
• Opportunités d’optimisation dans le cadre existant et améliorations techniques
marginales

• 2 •
du potentiel de réduction des émissions de GES grâce aux stratégies liées à l’économie circulaire est discutée.
Une méthodologie générale pour évaluer l’effet de stratégies de circularité à un niveau global est ensuite
présentée, et testée pour une combinaison de stratégies et de sous-secteurs industriels. Elle inclut une analyse
des freins et leviers liés à la mise en œuvre de ces stratégies, ainsi qu’une évaluation du potentiel de réduction
des émissions de GES.

1.2 Retour sur le volet 1 du rapport


Le secteur industriel québécois – y compris les industries agricoles et celles spécialisées dans la gestion des
matières résiduelles – génère 44 % des émissions québécoises de GES. La diversité des sous-secteurs industriels
rend le portrait des émissions de GES du secteur industriel particulièrement important, dans la mesure où les
circonstances et les solutions envisageables sont très différentes d’une activité industrielle à une autre. Par
ailleurs, les émissions industrielles ayant déjà diminué d’environ 20 % depuis 1990, il est essentiel de comprendre
ce qui peut être fait dans ce secteur pour les réduire davantage sans nuire à l’économie. Le volet 1 de l’étude
présente une vue d’ensemble des émissions industrielles directes, ainsi qu’un portrait des principaux sous-
secteurs industriels.

1.2.1 Constats initiaux


Outre l’importance des émissions industrielles directes de GES (Constat 1), quatre autres constats déterminants
ont été tirés du portrait effectué dans le volet 1. Constat 2 : Les émissions industrielles directes de GES sont
majoritairement non énergétiques (CO2 ou CH4 issus de procédés). La simple substitution énergétique (vers
des énergies avec moins de carbone, voire sans carbone) ne suffira donc pas. Une refonte des procédés et
des approches en matière de gestion de l’énergie sera nécessaire pour atteindre les objectifs de réduction.
Constat  3 : Ces émissions proviennent d’un grand nombre de différents sous-secteurs et acteurs, quelques
grands émetteurs étant prédominants (chacun produisant plus d’un demi-million de tonnes par an) dans les
secteurs du raffinage, des alumineries, de la sidérurgie et du ciment. Ces secteurs particuliers doivent donc
être analysés, car leur transformation constitue un des facteurs clés dans l’atteinte des cibles de réduction de
GES. Constat 4 : Le sous-secteur des autres entreprises manufacturières, troisième émetteur en importance
du secteur industriel québécois, pose un défi important pour la décarbonisation puisqu’il regroupe des milliers
de petites et moyennes entreprises (PME). Le nombre élevé d’acteurs qu’il faut accompagner et la diversité des
procédés employés d’une usine à l’autre rendent plus complexes la gestion et la mise en œuvre de programmes
ciblés pour ce sous-secteur. En revanche, comme ces acteurs sont établis à proximité des milieux urbains et
que la source des émissions qu’ils produisent est principalement liée à une importante consommation d’énergie
(surtout du gaz naturel) pour la production de chaleur, il est possible de réaliser des gains en adoptant des appro­
ches de symbiose industrielle et de récupération de chaleur. Enfin Constat 5 : une grande quantité d’émissions
sont issues de la biomasse et concentrées dans le secteur des pâtes et papiers. Ces émissions sont pourtant
pratiquement absentes des inventaires d’émissions de GES parce qu’elles sont « neutres », dans la mesure où
elles proviennent de plantes qui, en repoussant, vont séquestrer le carbone émis.

Une panoplie impressionnante de technologies est déjà disponible pour réduire les émissions de GES. Elles
ont été passées en revue dans la section 4 du volet 1 du rapport. Le portrait des émissions dressé ainsi que la
revue des solutions technologiques disponibles ont permis de dégager quatre grandes pistes de réduction des
émissions de GES, même en l’absence de coûts précis pour la mise en œuvre des solutions potentielles.

1.2.2 Pistes de réduction des émissions de GES


1. Chaleur : mieux la produire, mieux la réutiliser. De nombreuses technologies visant à produire
de la chaleur plus efficacement sont mises au point et commercialisées. Des thermopompes aux
technologies solaires, ces solutions technologiques devraient faire l’objet d’efforts particuliers pour
faciliter leur diffusion et leur adoption. Lorsque la chaleur est fatale (chaleur résiduelle non récupérée),
des boucles devraient être créées pour la valoriser dans des applications industrielles complémentaires.

• 3 •
2. Matériaux de structure (ciment, acier, aluminium). Des efforts importants devraient être déployés
pour améliorer l’utilisation et le réemploi de ces matériaux. En outre, ces trois industries majeures au Québec
devraient faire l’objet d’analyses plus poussées pour favoriser l’implantation de technologies réductrices
d’émission, tout en explorant les avenues de symbioses industrielles permettant de valoriser au maximum
les intrants et extrants de ces chaînes de production – dans une philosophie d’économie circulaire.
3. Regroupements d’initiatives. Dans le secteur manufacturier, les coûts liés à la réduction d’émissions
de GES peuvent être ou paraître plus élevés à cause du grand nombre de petites et moyennes
entreprises. L’éclatement de ce secteur très diversifié limite également l’analyse des possibilités de
décarbonisation. Le regroupement d’initiatives, le partage de ressources et les approches communes
offrent cependant des occasions de surmonter les obstacles, de mieux cibler les priorités et de réduire
les GES dans ce secteur.
4. Agriculture et déchets : gestion du méthane et des engrais. L’analyse des émissions agricoles dépasse
le cadre du présent portrait. Mais vu l’importance des émissions de méthane (CH4) et de protoxyde d’azote
(N2O) produites par le milieu agricole, ainsi que de méthane dans le secteur de la gestion des déchets, des
approches plus explicites doivent être élaborées pour gérer et réduire ces émissions.

1.3 Organisation du rapport


Le rapport est présenté de la manière suivante : la section 2 offre un portrait global du lien entre économie circulaire
et réduction des émissions de GES. La section 3 affine la question en se penchant sur son application à une échelle
locale, telle que le Québec. La section 4 présente une analyse du potentiel de plusieurs combinaisons de stratégie/
secteur, réparties selon quatre grands types de stratégies (optimisation des opérations, écologie industrielle, fin de
vie, et action sur la demande) et appliquées à trois secteurs (acier, ciment-béton et aluminium). Dans la section 5,
les principaux apprentissages des différentes analyses sont présentés, ainsi qu’une série de recommandations.

• 4 •
2 | Quel est le lien entre l’économie
circulaire et les émissions de GES ?
Le Québec vise la croissance économique, en parallèle avec d’ambitieux objectifs de réduction des émissions de
GES. Les mesures de réduction des émissions de GES mises de l’avant dans le Plan pour une économie verte sont
importantes, mais ne sont pas suffisantes pour transformer les marchés et renverser les tendances. Pour arrimer
ces deux objectifs, le gouvernement devra favoriser les opportunités de création de richesse des entreprises par
l’optimisation, la réduction de pertes et l’utilisation efficace des ressources énergétiques et matérielles à travers la
chaîne de valeur de leur produit ou service (Whitmore et al., 2019). Autrement dit, les efforts devront être voués à
produire beaucoup mieux avec beaucoup moins. C’est ce que propose l’économie circulaire.

L’économie circulaire est un concept de plus en plus utilisé dans les efforts mondiaux vers une économie sobre
en carbone. Son attrait est qu’elle offre la possibilité de réduire les émissions de GES par la réduction de la
consommation ou la revalorisation de ressources (matériel et énergétique) dans une chaine industrielle, tout en
améliorant le niveau de valeur économique produite. Elle permet aussi de pallier les coûts plus élevés associés
à des sources d’approvisionnement qui sont circulaires et écologiques.

Lorsque l’effet rebond est minimisé, ces stratégies permettent de découpler les émissions liées à la consommation
totale de ressources d’une entreprise de sa valeur ajoutée produite. Améliorer la circularité des secteurs indus­
triels offre donc l’avantage de mettre de l’avant la productivité des ressources, ce qui permet de centrer l’attention
des décideurs sur la variable qui les intéresse généralement le plus : la création de valeur ajoutée.

La transition vers une économie circulaire ne fait pas qu’améliorer la productivité et la résilience des entreprises,
elle permet d’améliorer leur position concurrentielle et leur performance environnementale. Le concept offre
ainsi la possibilité d’allier les objectifs de la décarbonisation à ceux de la croissance économique. Une approche
de la décarbonisation basée sur ces stratégies permettrait donc de dépasser les horizons explorés dans le Plan
pour une économie verte 2030.

Cette section présente le concept d’économie circulaire, ainsi que son rôle dans la réduction des émissions de GES.

2.1 Économie circulaire : définition et principales stratégies


Le Pôle de concertation québécois sur l’économie circulaire définit l’économie circulaire comme « un système de
production, d’échange et de consommation visant à optimiser l’utilisation des ressources à toutes les étapes du
cycle de vie d’un bien ou d’un service, dans une logique circulaire, tout en réduisant l’empreinte environnementale
et en contribuant au bien-être des individus et des collectivités ». 

L’économie circulaire s’oppose à l’économie linéaire (voir la Figure 2-1), ce dernier modèle reposant sur le
continuum « extraire – produire – consommer – jeter ». Depuis les débuts de l’ère industrielle, l’optimisation
continue de ce modèle a permis de rendre accessible un nombre sans cesse croissant de produits au plus faible
coût possible. Or, ce modèle est confronté à une limite : celle de la capacité physique de la planète de soutenir
ce modèle extractif et de s’y adapter. Le modèle linéaire sous-entend l’utilisation d’une quantité grandissante de
ressources pour répondre aux besoins d’une population croissante, dont le niveau de consommation global est
en hausse.  Cette extraction massive de ressources, de même que leur transformation, leur consommation et la
fin de leur vie utile, a des répercussions sur l’environnement, notamment sur les émissions de GES. On estime
que 62 % des GES totaux seraient émis durant les phases d’extraction et de transformation des ressources,
ainsi que lors de la fabrication des produits (Circle Economy, 2020).

• 5 •
FIGURE 2-1 • ILLUSTRATION DES PRINCIPALES DIFFÉRENCES ENTRE LES MODÈLES
ÉCONOMIQUES LINÉAIRE ET CIRCULAIRE (QUÉBEC CIRCULAIRE, 2021)

ÉCONOMIE LINÉAIRE

EXTRACTION
REJETS
TRANSFORMATION DISTRIBUTION UTILISATION

SURCONSOMMATION GASPILLAGE, POLLUTION ET DÉCHETS


DE RESSOURCES

© Institut EDDEC, 2018. En collaboration avec RECYC-QUÉBEC. Reproduction autorisée. Modification interdite.

ÉCONOMIE CIRCULAIRE
2.3 DONNER UNE NOUVELLE VIE
AUX RESSOURCES
• Écologie industrielle
• Recyclage et compostage
• Valorisation
rce
ou s
2.2 PROLONGER LA DURÉE DE
Ress

VIE DES PRODUITS ET DES


sants
po COMPOSANTS
Com

• Entretien et réparation
uits
rod • Don et revente
• Reconditionnement
P

• Économie de fonctionnalité

2
OPTIMISER
2.1 UTILISER LES
PRODUITS PLUS
FRÉQUEMMENT

1
REPENSER
• Économie
collaborative
• Location court-terme
EXTRACTION TRANSFORMATION DISTRIBUTION UTILISATION
POUR RÉDUIRE LA
CONSOMMATION DE
RESSOURCES ET
PRÉSERVER LES
ÉCOSYSTÈMES
• Écoconception
• Consommation et
approvisionnement
responsables
• Optimisation
des opérations

© Institut EDDEC, 2018. En collaboration avec RECYC-QUÉBEC. Reproduction autorisée. Modification interdite.

La quantité de ressources sur Terre étant limitée et leur accès étant conditionné par leur disponibilité (physique
et sociale), il sera difficile – sans hypothéquer considérablement les générations à venir – de répondre aux
besoins d’une classe moyenne qui devrait pratiquement doubler à l’échelle mondiale d’ici 2030.  

L’économie circulaire propose de mettre en œuvre un ensemble de stratégies qui visent à éliminer le gaspillage
de ressources et à augmenter la productivité lors des phases d’extraction et de transformation. Pour ce faire,
l’économie circulaire compte, entre autres, sur de nouveaux modes de production et de consommation et sur
l’arrivée de nouvelles technologies et approches, telles que les technologies propres, l’intelligence artificielle,
la gestion des données massives et les plateformes numériques.  

• 6 •
L’économie circulaire repose sur une douzaine de stratégies regroupées en quatre catégories (voir Figure 2-1).
La première de ces catégories vise à réduire, en amont, la quantité de ressources consommées et à
préser­­ver les écosystèmes. Pour ce faire, cette catégorie de stratégies s’appuie sur :  

L’écoconception, soit l’ntégration de critères environnementaux dès la conception du produit. C’est à cette
étape que les matériaux sont sélectionnés. On privilégiera, entre autres, des matériaux à contenu recyclé, non
toxique et recyclable. On visera également à réduire, autant que faire se peut, la quantité de ressources utilisées
dans la fabrication même du produit. On pourra aussi s’assurer que le produit puisse remplir plusieurs fonctions
de manière à éviter la fabrication d’autant de produits que de fonctions à remplir. Par exemple, au-delà de
sa fonction de communication, le téléphone intelligent remplit une multitude d’autres fonctions (GPS, caméra,
lecteur de musique, etc.), ce qui permet d’éviter la fabrication d’autant de produits. On privilégiera un assemblage
de composantes qui facilitera la réparation et le désassemblage.

L’approvisionnement responsable concerne l’intégration du développement durable et de la responsabilité


sociétale aux processus d’acquisition des organisations privées et publiques. Il consiste à intégrer des critères
environnementaux, sociaux et économiques aux processus d’achat des biens et services, comme moyen de
réduire l’impact sur l’environnement, d’augmenter les bénéfices sociaux et de renforcer la durabilité économique
des organisations, tout au long du cycle de vie des produits.

L’optimisation des opérations intègre, par exemple, la minimisation et la réutilisation des chutes de production,
l’efficacité énergétique et les nouvelles technologies de production, telles que la fabrication « additive » (impression
3-D), qui requiert moins de ressources pour la fabrication d’une composante ou d’une pièce que la traditionnelle
fabrication dite « soustractive » (usinage, moulage par injection, assemblage par soudage, collage, etc.).  

La deuxième catégorie de stratégies vise l’intensification de l’usage des produits en circulation dans le
marché. Cette catégorie comporte deux stratégies : 

L’économie collaborative, aussi appelée économie du partage, repose sur le partage ou l’échange entre
particuliers de biens, de services ou de connaissances, avec ou sans échange d’argent, par le biais ou non de
plateformes numériques, quoique ces dernières ont littéralement fait exploser l’économie collaborative au cours
des dix dernières années. Au-delà des plateformes les plus connues, soit Uber et AirBnB, il existe actuellement
plus de 170 plateformes au Québec (Observatoire de la Consommation Responsable, 2016) et des milliers à
travers le monde, et ce marché continue d’être en forte croissance (Forum économique mondial, 2019).  

La location à court terme constitue également une autre façon d’intensifier l’usage de produits existants.
Elle peut s’appliquer autant aux particuliers qu’aux entreprises et permet d’éviter, tout comme l’économie
collaborative, la production d’unités sous-utilisées.    

La troisième catégorie de stratégies vise l’allongement de la durée d’usage des produits et des composantes.
On retrouve dans cette catégorie des stratégies traditionnelles et d’autres plus innovantes :  

L’entretien et la réparation des produits, équipements et composants sont des stratégies tradition­nelles
pratiquées à la fois par les particuliers et l’industrie, notamment pour les voitures, les flottes de camions lourds,
les équipements industriels ou les aéronefs. 

Le don et la revente permettent également à divers produits et équipements de trouver une nouvelle vie. Ces
pratiques sont en hausse, notamment grâce à la mise en œuvre de plateformes numériques dédiées telles que
Kijiji, LesPac ou Craigslist.   

Le reconditionnement, qui consiste à remettre à neuf des produits, des équipements ou des compo­sants,
est par ailleurs une pratique courante dans certaines industries (aéronautique, automobile, pâtes et papiers,
pétrolière, etc.). Certains produits de consommation, comme les ordinateurs et les téléphones portables,
commencent à en faire l’objet également.  

• 7 •
L’économie de fonctionnalité est une stratégie novatrice qui consiste, pour une entreprise manufac­turière, à
vendre l’usage (ou la performance) d’un produit ou d’un équipement plutôt que le produit ou l’équipement lui-
même. Cette stratégie permet à l’entreprise de conserver son « capital matière » et d’être moins vulnérable, du
moins en partie, à la volatilité du cours des matières premières tout en contractualisant sa relation avec un client
sur un horizon défini. Pour maximiser ses profits, une entreprise qui adopte cette stratégie aura avantage à offrir
des produits qui sont résistants, réparables et dont les composants sont réutilisables et recyclables.  

La quatrième catégorie de stratégies vise, entre autres, à donner une nouvelle vie aux ressources. On y trouve :   

L’écologie industrielle, qui regroupe elle-même un ensemble de stratégies inspirées des cycles natu­rels et
fondées sur le bouclage des flux de matières et d’énergie, qui permet aux entreprises et aux organisations
d’optimiser l’utilisation des ressources. On cherche, par exemple, à créer des « synergies de substitution », où
les résidus ou coproduits d’une entreprise peuvent servir d’intrants à une autre et réduire ainsi les besoins de
cette dernière en matières premières vierges. Selon ce principe, une entreprise pourrait, par exemple, utiliser
les surplus ou les pertes de chaleur d’une entreprise voisine pour combler, en tout ou en partie, ses propres
besoins. On y trouve également des « synergies de mutualisation » qui consistent à partager des services, des
équipements ou des ressources entre entreprises. L’objectif de l’écologie industrielle est de réduire, pour un
groupe d’entreprises, les besoins en matières vierges, de même que les déchets et les émissions, dont les GES.   

Le recyclage et le compostage constituent des stratégies qui s’appliquent autant aux matières résiduelles
issues de la consommation des ménages qu’à celles issues des entreprises. Le recyclage est un procédé de
traitement des métaux, des plastiques et des déchets qui permet de réintroduire, dans le cycle de fabrication
d’un produit, des matériaux qui composaient un produit similaire ou non, arrivé en fin de vie, ou des résidus de
fabrication. Le compostage, quant à lui, est un processus biologique aérobie de conversion et de valorisation des
matières organiques (sous-produits de l’élevage, biomasse, déchets organiques d’origine ménagère, etc.) en un
produit stabilisé, hygiénique, semblable à un terreau, riche en composés humiques et minéraux, soit le compost. 

La valorisation comprend un ensemble de technologies et de procédés destinés aux déchets qui ne peuvent
être recyclés ou compostés et qui visent à obtenir des produits utiles ou de l’énergie à partir de matières
résiduelles. En particulier, la valorisation énergétique consiste à récupérer et à valoriser l’énergie produite lors
du traitement des déchets par combustion ou méthanisation. L’énergie produite est utilisée sous forme de
chaleur ou d’électricité. La valorisation énergétique peut être directe : le déchet est brûlé dans une installation
spécialisée, construite et exploitée selon des critères définis afin de minimiser les impacts environnementaux et
sanitaires. Elle peut aussi être différée – pour les déchets industriels de préférence – soit par la production d’un
combustible solide de récupération, soit par la production d’un gaz, d’un combustible liquide ou d’un coke, ou
encore dans des procédés de gazéification ou de pyrolyse.  

Selon les simulations effectuées par les experts du Forum économique mondial et de la Fondation Ellen MacArthur,
la mise en place d’une économie circulaire permettrait de dégager des économies substantielles pour la société
(dont les entreprises), tout en réduisant la volatilité des prix des ressources et en engendrant une meilleure
résilience de l’économie. L’économie circulaire donnerait également lieu, selon certaines études, à une réduction
des émissions de GES allant jusqu’à 70 % dans certains cas (Wijkman & Skånberg, 2017). Évidemment, il faudrait
évaluer l’ampleur de ces retombées dans un contexte québécois où l’énergie hydroélectrique domine.  

• 8 •
2.2 É
 conomie circulaire, source de réduction
des émissions de GES ?
Comment les stratégies de circularité peuvent-elles induire une réduction des émissions de GES ? Par exemple,
dans le cas d’une synergie industrielle impliquant la valorisation d’un déchet ou la capture du CO2 dans un
sous-produit, on peut facilement concevoir que moins de GES seront émis dans l’atmosphère. Pour ce qui est
des autres stratégies de l’économie circulaire, une approche cycle de vie est l’outil par excellence qui permet de
quantifier l’ensemble des réductions directes et indirectes des émissions de GES.

Utilisons l’équation IPAT pour illustrer ces effets. Cette équation permet de décomposer l’impact environnemental
global d’un système de production et consommation selon trois facteurs : population, affluence et technologie.
À noter que l’impact peut être calculé en termes d’effet sur les changements climatiques, mais aussi d’autres
enjeux comme l’acidification des sols ou l’écotoxicité :

I [impact] = Population [Nombre d’habitants] x Affluence [PIB/habitant] x Technologie [impact/PIB]

Pour réduire l’impact, il est donc possible d’agir sur l’un des trois facteurs. En modifiant la façon dont on
fabrique et consomme les produits, l’économie circulaire peut agir sur le facteur technologique T, améliorant
l’intensité des impacts par unité consommée. Si l’amélioration de l’intensité technologique est plus importante
que l’augmentation de la population et l’affluence (revenus par personne), une réduction globale de l’impact
de nos sociétés est possible tout en maintenant ou améliorant le niveau de vie de notre société. Différentes
études proposent des variantes de cette équation, soit en décomposant les trois facteurs, soit en en ajoutant
de nouveaux (Chertow, 2000). En décomposant le facteur technologique T, Lonca et al. (2019) déterminent par
exemple trois mécanismes liés à l’économie circulaire pouvant réduire l’impact environnemental d’un produit,
d’une entreprise ou d’un secteur :

• diminution de la quantité d’intrants utilisés ou de matières résiduelles générées ;

• augmentation de la part de matériaux secondaires ayant une empreinte carbone plus faible ;

• diminution de l’impact associé au traitement des matières résiduelles.

Un rapport de Material Economics utilise une variante de cette équation (présentée à la Figure 2-2) dans laquelle
les émissions de GES liées à un service utile (répondant à un besoin de notre société) dépendent de l’empreinte
carbone des matériaux, de la quantité de matériaux entrant dans la composition des produits utilisés et de la
quantité de produits nécessaires pour combler le besoin (Material Economics, 2018). En remplaçant les matériaux
vierges par des matières recyclées, en optimisant la production et en assurant une utilisation efficiente des
produits, l’économie circulaire peut amener à des réductions importantes d’émissions de GES.

FIGURE 2-2 • ÉQUATION REPRÉSENTANT L’EFFET DES STRATÉGIES DE CIRCULARITÉ SUR LES ÉMISSIONS
DE GES (TRADUIT DE MATERIAL ECONOMICS, 2018)

MODÈLES
CIRCULARITÉ EFFICACITÉ
D’AFFAIRES
DES MATIÈRES MATÉRIELLE
CIRCULAIRES

ÉMISSIONS GES MATÉRIAU PRODUIT


ÉMISSIONS GES = SERVICE UTILE X X X
MATÉRIAU PRODUIT SERVICE UTILE

• 9 •
Le Tableau 2-1 reprend les principales catégories de stratégies de circularité présentées à la Figure 2-1 et
explique comment celles-ci agissent sur les émissions de GES tout au long du cycle de vie d’un produit.

TABLEAU 2-1 • EFFETS ANTICIPÉS DES STRATÉGIES DE CIRCULARITÉ SUR LES ÉMISSIONS DE GES
AU LONG DU CYCLE DE VIE

Émissions de GES
Groupes de stratégies
Extraction Transformation Utilisation Fin de vie

1.1 Réduire la consommation de ressources    


2.1 Utiliser les produits plus fréquemment    –

2.2 P
 rolonger la durée de vie des produits
et composants    
2.3 Donner une nouvelle vie aux ressources   – 
réduction majeure  réduction mineure – effet négligeable  effet variable,

En ce qui concerne les phases d’extraction et de transformation des matières vierges, l’ensemble des stratégies
de l’économie circulaire ont pour but de diminuer les quantités de matières vierges extraites et transformées
(un des principaux objectifs de l’économie circulaire est de diminuer notre dépendance aux ressources vierges).
Des stratégies du premier groupe (écoconception, achats responsables, optimisation des opérations) peuvent
également agir sur l’impact carbone des intrants. Ces deux éléments ont pour effet de diminuer les émissions
industrielles de GES.

Les émissions de la phase d’utilisation concernent principalement le transport et la consommation énergétique


des utilisateurs, provenant des combustibles utilisés dans les moteurs et l’énergie pour les bâtiments. Un
déploiement mal articulé de l’économie circulaire pourrait augmenter les émissions liées à l’utilisation. Par
exemple, le maintien dans l’économie de produits ou de composantes énergivores pourrait avoir un effet négatif
sur la lutte contre les changements climatiques. Des initiatives d’économie de partage, comme Uber ou Lyft,
peuvent avoir pour effet d’augmenter les émissions, car elles ont recours à des véhicules souvent plus gros et
ont un taux de transport à vide important (Union of Concerned Scientists, 2020).

Enfin, plusieurs stratégies agissent sur la fin de vie, notamment en détournant des matières de l’élimination.
Cela a pour effet de diminuer l’impact associé à l’enfouissement ou à l’incinération des matières résiduelles. Si
l’impact carbone des activités de réemploi, de remise à neuf ou de recyclage n’est pas nul, il tend à être faible en
comparaison de la production de matières vierges qu’elles remplacent.

Une analyse quantifiée de l’impact de l’économie circulaire doit prendre en considération à la fois les réductions
et les augmentations de GES causées par celle-ci. Les activités permettant de faire recirculer les ressources
(ex : logistique inverse, conditionnement, recyclage, etc.) peuvent avoir un impact environnemental non
négligeable ou des effets inattendus. Dans le domaine de l’énergie, l’effet rebond décrit un phénomène par
lequel un gain en efficacité énergétique mène à une augmentation de la consommation, ce qui diminue, voire
annule, les gains espérés. Le concept de l’effet rebond peut également s’appliquer à l’économie circulaire
(Zink & Geyer, 2017). D’une part, il n’est pas certain que l’augmentation des activités de réemploi et de recyclage
amène une diminution de la production de matières vierges. Autrement dit, l’ajout de matières secondaires
dans le cycle pourrait s’ajouter à l’extraction de matières vierges plutôt que la remplacer. D’autre part, des
prix moins élevés pour des options circulaires ont pour effet d’augmenter la consommation ailleurs. Les
acteurs (organisations et individus) économisent en ayant une consommation plus sobre de ressources et ces
économies réinvesties mènent ultimement à une augmentation de la production dans d’autres secteurs. L’impact

• 10 •
environnemental de ces secteurs annule en partie les effets recherchés. Si cette « consommation rebond » est
dirigée vers des secteurs à faible impact environnemental (culture, éducation, services), il est possible de limiter
considérablement ces conséquences.

En d’autres mots, l’économie circulaire n’est pas de manière inhérente toujours plus verte que l’économie
linéaire : une analyse approfondie est donc nécessaire pour distinguer les bonnes idées des fausses bonnes idées
(Lonca et al., 2019).

Plusieurs études sur le lien entre économie circulaire et GES avancent des chiffres sur les réductions possibles
d’émissions de GES par la mise en œuvre de stratégies de circularité, le plus souvent à une échelle globale.
Récemment, une étude menée par Circle Economy (2021) propose par exemple une série de stratégies
(la plupart étant basées sur des concepts de l’économie circulaire) liées aux principaux besoins sociétaux (mobilité,
logement, communication, santé, services, consommables et nutrition) et évalue leur potentiel de réduction de
la quantité de matières vierges consommées et des émissions globales de GES. Elle démontre la contribution
importante que ces stratégies peuvent avoir pour limiter l’augmentation de la température moyenne du globe à
moins de 2 °C d’ici 2050 (plus de 85 % des réductions nécessaires peuvent impliquer des stratégies de circularité,
en complément des engagements nationaux issus de l’Accord de Paris). Dans cette étude, les stratégies à plus
grand potentiel sont liées au choix des matériaux (basculer vers des matériaux recyclés ou biosourcés) et à
l’efficience de l’utilisation des ressources dans le secteur de la construction, à la diminution des espaces de
plancher (multifonctionnalité des espaces, meilleur partage, etc.), à la production durable de nourriture et à la
diminution des déplacements.

En ciblant particulièrement le secteur industriel, une étude de Material Economics (2018) établit que les trois
axes de circularité présentés à la Figure 2-2 permettraient une diminution en 2050 de 56 % des émissions
de GES européennes associées à quatre secteurs industriels majeurs (acier, plastiques, aluminium et ciment,
représentant 66 % des émissions industrielles mondiales de GES). Plus de la moitié de ces réductions (60 %)
seraient liées à une meilleure circularité de la matière, c’est-à-dire à une augmentation et à une amélioration

FIGURE 2-3 • POTENTIEL DE RÉDUCTION DES ÉMISSIONS DE GES EN EUROPE EN 2050 PAR
LA MISE EN ŒUVRE D’UNE ÉCONOMIE PLUS CIRCULAIRE (ADAPTÉ DE MATERIAL
ECONOMICS, 2018)
564 530 178

234 –56 %
Acier
56
Plastiques
62
Aluminium

132 234 Ciment

83

114

2015 Référence 2050 Circularité Efficacité Modèles d’affaires Scénario


des matières matérielle circulaires circulaire 2050

• 11 •
du recyclage de ces matériaux en fin de vie qui viennent remplacer une production primaire de ces matériaux
pour satisfaire la demande. L’efficacité matérielle, par une meilleure conception ou une réduction des pertes de
transformation, et les modèles d’affaires circulaires (diminuant les besoins en produits par l’augmentation de la
durée de vie ou le partage des ressources) contribuent chacun à environ 20 % du potentiel de réduction.

Outre ces rapports faisant une évaluation de l’économie circulaire à des échelles globales, des études à des
échelles plus locales permettent aussi de mettre en lumière les gains et les limites de stratégies de circularité
dans la réduction des émissions de GES, souvent à travers une meilleure utilisation des matériaux tout au long
du cycle de vie afin de limiter les besoins en production de nouveaux matériaux (Blomsma & Brennan, 2017).
Par exemple, dans le domaine automobile, Smith et Keoleian ont mis en lumière les réductions d’émissions de
GES du reconditionnement des moteurs. Un moteur neuf nécessite de 3,1 à 5,9 fois plus d’énergie et cause des
émissions de 73 % à 87 % plus élevée lors de sa production qu’un moteur reconditionné (Smith & Keoleian, 2008).
Cette solution est déjà utilisée par exemple par Renault en France, Volkswagen en Allemagne ou Caterpillar. Pour
les bâtiments, Ortiz et al. a montré l’intérêt de l’économie circulaire dans la gestion des résidus de construction
avec un exemple local en Catalogne, où le recyclage paraît le plus apte à réduire les émissions de GES avec un
impact négatif grâce à la réduction de matériaux primaires, malgré l’impact environnemental du processus de
recyclage et le transport des matériaux (Ortiz et al., 2010).

• 12 •
3 | Effet de l’économie circulaire sur
les émissions industrielles de GES
au Québec : des stratégies globales,
à impact local ?

3.1 E
 njeux liés à l’évaluation de l’effet sur la réduction des
émissions de GES du niveau global au niveau local
Les bénéfices potentiels de l’économie circulaire pour la réduction des émissions de GES à l’échelle mondiale
semblent indéniables. Tel que discuté dans la section 2.2, plusieurs mécanismes peuvent intervenir pour
expliquer l’effet de stratégies de circularité sur les émissions industrielles de GES, en influant sur les différentes
étapes du cycle de vie des produits ou services consommés par nos sociétés. L’évaluation au niveau local, c’est-
à-dire pour une région donnée, de réductions qui sont évidentes au niveau global n’est toutefois pas sans enjeu.
Plusieurs d’entre eux sont illustrés dans cette section.

Penser global, agir local


Bien qu’en termes absolus la problématique du réchauffement climatique et l’objectif de réduction des émissions
de GES soient globaux, l’évaluation de l’effet local des stratégies est néanmoins pertinente à plusieurs égards.
Dans un premier temps, de nombreux gouvernements ou entités régionales fixent des objectifs spécifiques à
leur territoire permettant de prendre en compte leurs propres contextes et priorités dans le cadre des objectifs.
Même si d’un point de vue planétaire toute réduction est bonne, peu importe où elle a lieu, une analyse des
retombées locales est essentielle car ce sont ces dernières qui seront priorisées ou qui justifient la mise en
œuvre des stratégies de réduction. De plus, certains outils économiques, comme les taxes ou marchés du
carbone, impliquent de quantifier les émissions ou gains locaux lors du calcul de droits ou de crédits d’émissions.

Imports-exports
Le cycle de vie d’un produit ou d’un service est rarement circonscrit dans une région donnée, mais compte tenu
de l’organisation actuelle de notre économie, dépend souvent de chaînes de valeur mondiales. Les stratégies
de circularité appliquées à un produit ou service dans une région donnée peuvent donc avoir des effets sur
les réductions de GES dans une toute autre région du monde où il sera utilisé, et, à l’inverse, des stratégies
appliquées ailleurs peuvent affecter les émissions de GES associées aux produits ou services utilisés dans la
région étudiée. Il est donc essentiel de considérer les importations et exportations associées à la chaîne de
valeur de biens et services lorsqu’on analyse les effets de stratégies de circularité à une échelle locale.

Émissions directes et indirectes


Les émissions directes d’une activité (par exemple un procédé industriel), c’est-à-dire celles émises sur le site
où elle a lieu, sont les plus évidentes et les premières à être évaluées. Ce sont ces émissions-là qu’un émetteur
devra quantifier et rapporter pour les inventaires gouvernementaux, tel que détaillé dans le volet 1 de ce projet
(Pineau et al., 2019).

Néanmoins, de nombreuses autres émissions indirectes peuvent être associées à une activité, par les intrants
et extrants qui y sont associés. Les intrants, qu’ils soient des matériaux, des matières consommables ou de
l’énergie, ont eux aussi nécessité diverses activités pour leur production, qui sont sources d’émissions de GES.
En aval d’une activité, la gestion des déchets qu’elle génère peut aussi être une source d’émissions de GES. Alors
qu’il est certain que les émissions directes ont lieu localement, les émissions indirectes peuvent être liées à des

• 13 •
activités à l’intérieur ou à l’extérieur de la région étudiée. Une connaissance précise des chaînes de valeur est
donc nécessaire pour savoir si une réduction de ces émissions aura un effet local ou non.

Prise en compte du contexte industriel local


Selon la taille de la région considérée, toutes les activités industrielles associées aux produits et services qui
y sont consommés n’ont pas nécessairement lieu dans celle-ci. Certains secteurs et activités seront plutôt
surreprésentés par rapport à la moyenne mondiale. Une étude du contexte industriel local et des principaux
émetteurs de GES associés est donc importante pour déterminer les secteurs à prioriser dans l’étude de la mise
en place de stratégies de circularité.

3.2 Quels outils appliquer pour cette évaluation ?


3.2.1 Ce que nous dit la littérature
Tant au Québec qu’à l’international, plusieurs études portent sur la contribution de l’économie circulaire à la lutte
contre les changements climatiques. Afin de modéliser les réductions de GES associées à l’économie circulaire,
plusieurs outils sont employés, mais trois sont le plus fréquemment observés :

• Analyse du cycle de vie (ACV) d’un produit/procédé/secteur

• Analyse du cycle de vie couplée à l’analyse des flux de matière (ACV-AFM)

• Analyse entrée-sortie (I/O)

3.2.1.1 Analyse du cycle de vie (ACV) d’un produit/procédé/secteur


L’analyse du cycle de vie est l’analyse des impacts environnementaux potentiels d’un produit ou d’un service, de
l’extraction des matières premières jusqu’à son traitement en fin de vie. Une ACV se décline en quatre étapes, soit la
définition des objectifs et du champ de l’étude, l’inventaire du cycle de vie, l’évaluation des impacts et l’interprétation
des résultats (ISO, 2006). L’ACV peut être employée pour comparer un produit dit circulaire à une option linéaire
équivalente. Par exemple, de l’extraction des matières premières à la porte de l’aciérie, la production d’acier
vierge québécois (par réduction directe) émet 1,3 kg éq. CO2/kg d’acier, tandis que la production d’acier recyclé
(par four à arc électrique) n’émet que 0,4 kg éq. CO2/kg d’acier (CIRAIG/Institut EDDEC, 2018). L’ACV comparative
est particulièrement utile pour évaluer les réductions des émissions de GES liées aux synergies industrielles. Une
étude d’ACV sur un parc industriel finlandais a par exemple fait valoir que les différentes synergies implantées
ont réduit l’empreinte carbone de 40 % à 75 %, selon le comparatif choisi (Sokka et al., 2011). Au Québec, quelque
400 synergies mises en place en 2017-2019 par les démarches de symbiose industrielle ont permis des
réductions de 12 000 t éq. CO2 (Beaulieu & Pinna, 2019).

L’ACV comparative porte habituellement sur un produit ou une stratégie individuelle. Pour porter les résultats de
l’ACV à un niveau régional, différentes méthodes complémentaires peuvent être employées : étude de marché,
analyse technico-économique, etc. Une étude de Deloitte portant sur les réductions de GES européennes associées
à plusieurs catégories de produits illustre, par exemple, que dans le secteur de l’automobile, l’augmentation de
22 à 70 % du contenu recyclé dans les composants des voitures permettrait de réduire les émissions de GES de
17 %, tandis qu’en misant sur une réutilisation de 50 % des composants il serait possible d’obtenir des réductions
de 32 % (Deloitte Sustainability, 2016). Une plus récente étude conclut que la production d’acier primaire nécessaire
pour la mobilité pourrait être réduite de 70 %, en considérant une augmentation du taux de recyclage, une
meilleure utilisation des matériaux et une utilisation partagée des véhicules (Material Economics, 2018). Par cette
même approche, on estime qu’à l’échelle globale, l’économie circulaire peut permettre des réductions de 45 % des
émissions de GES liées aux produits (Ellen MacArthur Foundation, 2019).

• 14 •
3.2.1.2 Analyse du cycle de vie couplée à l’analyse des flux de matière (ACV-AFM)
Dans le cadre de l’évaluation de la performance de l’économie circulaire, une méthode complémentaire
pertinente à l’ACV est l’analyse des flux de matière (AFM, ou material flow analysis). L’AFM est l’étude systématique
des flux et des stocks d’une substance ou d’une matière pour une période et une région données (Brunner &
Rechberger, 2003). L’AFM se base sur différentes sources (données primaires, enquêtes, imports-exports, avis
d’experts, etc.) afin de construire une vue consolidée de la production, de l’utilisation et de la fin de vie d’une
ressource. Au Québec, des AFM ont été réalisées sur trois métaux stratégiques – fer, cuivre et lithium – (CIRAIG/
Institut EDDEC, 2017), ainsi que sur les textiles (Beaulieu et al., 2020), afin de proposer ensuite des stratégies
pour améliorer la circularité de ces matières. L’AFM permet de modéliser les changements de flux associés à des
stratégies circulaires, que ce soit au niveau du recyclage, de l’optimisation des procédés ou de la prolongation
de la durée de vie. L’impact sur les émissions de GES de ces changements de flux peut ensuite être calculé grâce
à l’ACV. Par exemple, une ACV-AFM portant sur les déchets électroniques en Belgique conclut que les deux
principaux facteurs pouvant améliorer leur circularité sont l’efficacité du tri et l’attitude des consommateurs
envers le recyclage (De Meester et al., 2019).

3.2.1.3 Analyse entrée-sortie (I/O)


Une solution de rechange à l’ACV de type procédé est l’analyse entrée-sortie étendue à l’environnement
(environmentally extended input-output analysis, AESÉE ou EEIO). En comptabilité nationale, les tableaux entrées-
sorties modélisent les flux de produits et services des industries composant une économie. En complémentant
avec des données environnementales (c’est-à-dire les extractions de ressources et les émissions par secteur),
l’empreinte environnementale de chaque industrie ou commodité peut être déterminée. Les données des
tableaux entrées-sorties peuvent par la suite être modifiées pour modéliser l’impact de différentes stratégies
de circularité.

Les flux entre les secteurs peuvent être décrits en termes monétaires (Monetary Input-Output Tables, MIOT) ou
en termes physiques (Physical Input-Output Tables, PIOT). Les PIOT ont l’avantage de mettre en lumière les flux
de déchets, dont certains ont des valeurs monétaires faibles et n’apparaissent pas dans un MIOT. Les modèles
Waste input-ouput tables (WIOT), comme leur nom l’indique, portent une attention particulière à la génération
industrielle de déchets et à l’impact des technologies de traitement (Nakamura & Kondo, 2002). Par exemple,
une WIOT appliquée à l’échelle du Japon conclut que la prolongation de la durée de vie des appareils ménagers
n’aurait aucun effet sur la réduction des GES, compte tenu des déplacements supplémentaires nécessaires pour
leur réparation (Takase et al., 2008). Une autre AESÉE déduit par exemple qu’une amélioration de l’efficacité
d’utilisation des ressources à l’échelle de l’Europe peut faire varier les émissions de GES de –25 % à +0,5 %, selon
les hypothèses choisies (European Commission, 2014).

Des chercheurs ont récemment développé une application, RaMa-Scene, permettant de modéliser l’impact d’inter­
ventions circulaires (Donati et al., 2020) en se basant sur EXIOBASE, une base de données entrées-sorties étendue
à l’environnement couvrant plus de 40 pays, 200 types de produits et 163 types d’industries (Tukker et al., 2013).
Au Canada, Statistique Canada développe progressivement le Système de comptabilité économique et environ­
nementale (SCEE). Ce dernier s’appuie sur le Système de comptabilité nationale en ajoutant des informations sur
certains flux : consommation d’eau, consommation d’énergie et génération de GES (Statistique Canada, 2016).
L’initiative Open IO-Canada (CIRAIG, 2020) est un exemple d’application basé sur le SCEE, qui pourrait être utilisée
pour modéliser l’effet de stratégies de circularité.

Une synthèse de différentes études basées sur l’utilisation de l’AESÉE propose par ailleurs des leviers similaires
à ceux présentés dans la section 2.2 pour le lien entre stratégies de circularité et émissions de GES. L’économie
circulaire amène des changements structuraux et des réductions d’émissions de GES en agissant sur 1) la gestion
des matières résiduelles 2) la création de boucles 3) l’extension de la durée de vie et 4) l’efficacité des ressources
(Aguilar-Hernandez et al., 2018).

• 15 •
3.2.2 Comparaison des approches et choix pour l’étude
Une comparaison détaillée des trois approches relevées dépasse le cadre du présent rapport. Plusieurs études
ou articles scientifiques abordent les avantages et inconvénients de l’utilisation de ces approches dans un
contexte d’évaluation de l’économie circulaire (par exemple Reimann et al., 2010 ; Walzberg et al., 2021).

Dans le cadre d’études portant sur l’économie circulaire, l’AESÉE a l’avantage de présenter un portrait plus complet
de l’économie, évitant la délimitation de frontières et l’utilisation de règles de coupure comme en ACV. Son niveau
de détails est cependant moins précis que celui de l’ACV et son adaptation pour représenter des stratégies
précises, plus complexe. Cette approche est surtout adaptée pour analyser des mesures macroéconomiques
(taux de substitution, mesures fiscales, politiques publiques, etc.) et donne peu de pistes sur leur implantation.

L’ACV de type produit/procédé présente un niveau de détails élevé et offre ainsi une meilleure vue sur les
mécanismes qui conduisent à une modification des émissions de GES. Elle peut donc mieux guider les décideurs
politiques et industriels. Elle permet aussi de tester des stratégies beaucoup plus ciblées, influant sur une portion
ou un flux spécifique à une activité. L’ACV-AFM offre une approche hybride intéressante, en prenant du recul sur
un simple produit et en permettant une évaluation des flux propres au contexte local.

Le présent rapport se concentrant sur l’effet de stratégies de circularité dans un secteur spécifique, le secteur
industriel, c’est une approche ACV-produit ou ACV-AFM qui a été préférée. À noter qu’une étude évaluant l’effet
de stratégies de circularité et basée sur l’AESÉE est aussi en cours au Québec (RECYC-QUÉBEC, 2020), et pourra
apporter des informations complémentaires sur les potentiels de réduction des GES ainsi que sur et les forces
et les faiblesses de ces différentes approches.

3.3 M
 éthodologie : une approche combinée pour des études
stratégies/secteur spécifique
Afin d’étudier l’effet de stratégies de circularité sur les émissions de gaz à effet de serre du secteur industriel
québécois, un cadre méthodologique reproductible à d’autres régions ou secteurs a été développé dans le cadre
de ce projet. Il est présenté ci-dessous de manière générale, puis appliqué à quelques études de cas dans la
section 4. Ce projet ayant un objectif illustratif (initier la réflexion sur le lien entre émissions de GES et économie
circulaire au Québec), l’application de la méthodologie a parfois été partielle. La réalisation d’analyses de flux de
matière détaillées n’a par exemple pas été faite, même si elles sont présentées dans la méthodologie comme
un l’élément de l’étape 2. Similairement, ce projet n’est pas allé jusqu’à une priorisation des stratégies et des
recommandations spécifiques, par manque d’exhaustivité et de ressources.

La méthodologie développée se base sur une approche combinée, intégrant ACV, AFM et analyse de freins et
leviers. Elle est divisée en 6 étapes, qui sont détaillées dans la Figure 3-1.

• 16 •
FIGURE 3-1 • MÉTHODOLOGIE POUR L’ÉTUDE DE L’EFFET DE STRATÉGIES DE CIRCULARITÉ SUR
LES ÉMISSIONS DE GES À UNE ÉCHELLE LOCALE

ÉTAPES RÉSULTATS

1. Sélection des secteurs prioritaires Secteurs d’intérêt pour l’étude

2. Étude du métabolisme industriel

Portrait des GES directs / Portrait des flux de Cartographie des secteurs
indirects (ACV) matière (AFM)

3. Identification des stratégies de circularité

Analyse de stratégies Liste de stratégies potentielles


Revue de littérature
existantes

4. Applicabilité des stratégies de circularité

Analyse Liste restreinte de stratégies


Entrevues
technico-économique

5. Effet des stratégies sur la réduction des émissions de GES

Potentiels de réduction de GES des stratégies


Analyse des réductions de GES directs / indirects (ACV)

6. Priorisation des stratégies, recommandations


Stratégies à prioriser
et limites

1. Sélection des secteurs prioritaires


Cette première étape vise à déterminer les sous-secteurs à analyser au sein du secteur à l’étude. Cette priorisation
n’est pas forcément nécessaire, mais dépend de la taille du secteur à étudier et des ressources disponibles pour
l’étude. Plusieurs paramètres peuvent être pris en compte pour cette priorisation, comme la contribution des sous-
secteurs aux émissions de GES totales du secteur, l’importance des sous-secteurs dans l’économie de la région,
les priorités stratégiques de développement régional, etc. Dans notre étude, le secteur industriel québécois a été
divisé en plusieurs sous-secteurs représentant les grands types d’industries présentes dans la province.

2. Étude du métabolisme industriel


Une fois les sous-secteurs à analyser sélectionnés, une analyse de leur métabolisme industriel est nécessaire.
Elle permet de mieux comprendre les flux de matière et d’énergie, ainsi que les stocks associés à ces sous-
secteurs, en recensant les intrants et extrants de chaque activité et de chaque technologie les représentant,
dans la région étudiée. À l’aide de l’analyse du cycle de vie, il est possible de quantifier les émissions de GES
directes et indirectes des différents sous-secteurs, pour évaluer la contribution relative des différents intrants et
extrants aux changements climatiques.

• 17 •
La cartographie des flux entre activités des sous-secteurs peut être réalisée de différentes manières, comme
une revue de littérature, une consultation de bases de données, des entrevues avec des experts des industries
sélectionnées, etc. Pour quantifier les échanges de matière et d’énergie et les impacts associés, l’analyse de flux
de matière et l’analyse du cycle de vie sont utilisées (voir la section 3.2).

3. Identification des stratégies de circularité


Cette étape vise à établir une liste des stratégies de circularité potentielles à mettre œuvre pour les sous-secteurs
à l’étude, que ce soit par une revue de littérature, une consultation d’experts ou une analyse d’études de cas
effectuées dans d’autres régions ou au niveau global.

Ces pistes de stratégies de circularité peuvent être nombreuses. Il est utile à cette étape de bien définir l’économie
circulaire et d’évaluer la portée de celle-ci pour l’étude. Toutes les stratégies de réduction des émissions de GES
ne sont pas forcément des stratégies de circularité. Dans notre étude, la définition de l’économie circulaire
proposée par le Pôle de concertation québécois sur l’économie circulaire a été choisie5. Elle inclut donc des
stratégies de circularisation des ressources, mais aussi d’écoconception et d’optimisation des opérations. Un
changement de technologie conduisant à une réduction des ressources consommées est donc aussi vu dans
cette étude comme une stratégie de circularité.

Cette étape est aussi l’occasion d’identifier les stratégies de circularité déjà en œuvre dans la région étudiée.
Elles sont déjà potentiellement sources de réduction d’émissions de GES, mais elles peuvent être amplifiées si
leur effet bénéfique est confirmé.

4. Applicabilité des stratégies de circularité


Les pistes de réduction potentielles sont ensuite évaluées selon des angles techniques et économiques.
Cette évaluation peut prendre la forme d’analyses technico-économiques, d’analyses des marchés, d’analyses
géographiques des sites industriels, d’analyses de faisabilité, etc. Des entrevues avec des acteurs des sous-
secteurs étudiés ou d’autres acteurs clés dans la mise en œuvre des stratégies considérées peuvent aussi
permettre à ce stade d’évaluer leur applicabilité. Ces analyses permettent de restreindre la liste des stratégies
les plus pertinentes pour le secteur dans le contexte local.

5. Effet des stratégies sur la réduction des émissions de GES


L’effet des stratégies sur les émissions de GES est finalement analysé à cette étape. Une approche cycle de vie
permet d’évaluer à la fois les augmentations et les réductions d’émissions directes et indirectes (qu’elles soient
locales ou à l’extérieur de la région étudiée) de GES associées à la mise en place des stratégies en comparaison
d’un scénario de base sans stratégie de circularité. Lorsque c’est possible, la réduction potentielle est calculée à
l’échelle de la province.

6. Priorisation des stratégies, recommandations et limites


À partir des étapes précédentes, en particulier de l’analyse de l’applicabilité des stratégies et de leurs potentiels
de réduction des émissions de GES, une priorisation des stratégies de circularité à mettre en œuvre peut être
effectuée. Des recommandations générales ou spécifiques à certains sous-secteurs peuvent aussi être faites pour
favoriser l’implémentation des stratégies, ainsi qu’une analyse des limites de l’étude et de pistes d’amélioration

• 18 •
4 | Stratégies d’économie circulaire pour
réduire les émissions industrielles :
études de cas au Québec

4.1 P
 résentation des études de cas sur l’application de
stratégies de circularité au Québec
L’utilisation de stratégies d’économie circulaire dans le milieu industriel est encore peu courante au Québec.
Le concept est émergent et son application n’est pas favorisée dans le contexte actuel, en raison notamment
des faibles coûts des ressources. Contrairement à d’autres régions dans le monde, le Québec n’a pas encore
de stratégie nationale, de feuille de route ou d’objectifs globaux en matière de circularité. La province dispose
toutefois de programmes visant à améliorer la circularité de certains secteurs de son économie et de ses
entreprises. Dans le but d’explorer le potentiel de réduction des GES de stratégies de circularité dans un
contexte québécois, des études de cas pour les productions du ciment et du béton, de l’acier et de l’aluminium
sont présentées dans cette section selon la méthodologie présentée à la section 3.

4.1.1 Sélection des secteurs prioritaires


Afin de restreindre le nombre d’études de cas, une sélection des secteurs d’activité à analyser a été effectuée au
cours du projet. Parmi les critères de sélection possibles, les quatre critères suivants ont été retenus :

• Importance des émissions de GES du secteur d’activité

• Faible nombre d’émetteurs du secteur d’activité

• Importance stratégique du secteur d’activité pour le Québec

• Empreinte matière

Le présent projet mettant l’accent sur les émissions industrielles de GES, il est naturel de se concentrer sur les
principaux émetteurs québécois. La décision de sélectionner des secteurs pour lesquels il n’existe que peu
d’émetteurs se justifie par le fait que leurs émissions sont plus concentrées et donc que des solutions à plus
grande échelle sont susceptibles d’être appliquées.

Il a également été décidé de cibler des secteurs d’activité propres au Québec. Les quotients de localisation
permettent d’identifier les secteurs d’activité d’un territoire. Ils comparent les proportions sectorielles d’emplois
ou de PIB d’une province à celles du niveau national. Un quotient de localisation supérieur à 1 indique donc une
plus grande concentration des activités au Québec.

Enfin, il paraît nécessaire de cibler des secteurs d’activité associés à des flux importants de matière. Bien que les
principes de l’économie circulaire s’appliquent à l’ensemble des industries, les entreprises de fabrication sont
davantage concernées par l’ensemble des stratégies. À l’heure actuelle, il n’existe pas de comptabilité sectorielle
des flux de matière à l’échelle du Québec : une étude de Circle Economy actuellement en cours devrait permettre
d’identifier les secteurs principalement associés aux flux de matière (RECYC-QUÉBEC, 2020). Au niveau global, les
principaux flux associés à l’extraction des ressources sont les minéraux entrant dans la composition du béton,
les métaux et les produits alimentaires (Circle Economy, 2021).

• 19 •
Le Tableau 4-1 compare différents secteurs d’activité québécois, selon les critères choisis. Selon ces critères, les
secteurs suivants ont été sélectionnés :

• Production de ciment et de béton

• Production d’acier

• Production d’aluminium

TABLEAU 4-1 • CRITÈRES DE SÉLECTION POUR LES SOUS-SECTEURS INDUSTRIELS QUÉBÉCOIS

Importance :
Quotient de
Source Importance :
Logistique : localisation -
importante Quotient de Empreinte
Faible nombre emplois
Secteur/critère d’émissions localisation – matière
d’émetteurs (% emplois
industrielles PIB (% PIB QC/ (t/an) d
(Nombre)a QC/
de GES (Mt)a % PIB CA) c
% emplois
CA) b
Secteurs sélectionnés
Ciment, béton et minéraux non
2,26 4 1,0 0,8 ***
métalliques
Sidérurgie 2,19 6 1,2 1,6 **
Aluminium et métaux non ferreux 6,26 15 1,2 1,6 **
Autres sous-secteurs
Exploitation minière 1,55 7 0,4 0,3 ***
Fabrication d’aliments ND ND 1,0 1,0 **
Fabrication de textiles, de produits
ND ND 1,5 1,6 *
textiles et de vêtements
Fabrication de produits en bois ND ND 1,2 1,1 *
Fabrication de papier 0,99 13 1,2 1,4 *
Impression ND ND 1,1 0,9
Raffinage pétrolier 2,47 2 0,5 0,5 **
Fabrication de produits chimiques,
1,01 7 1,0 0,8 **
plastique et caoutchouc
Fabrication de matériel de transport ND ND 0,8 1,1 *
Gestion des matières résiduelles 1,09 12 1,0 1,0

a : Gouvernement du Canada, 2020.


b : Adapté de Statistique Canada, 2016a.
c : Adapté de Statistique Canada, 2021.
d : Adapté de Circle Economy, 2020.

• 20 •
4.1.2 Types de stratégies étudiées par secteur
Pour les différents secteurs à l’étude, plusieurs stratégies de circularité ont été considérées et analysées. Elles
ont été regroupées en quatre grandes catégories :

1. Optimisation des opérations : diverses stratégies principalement discutées dans le volet 1 du projet,
portant sur l’amélioration ou la modification des technologies employées.
2. Écologie industrielle : Stratégies de symbioses industrielles, où les déchets d’un secteur sont utilisés
par un autre.
3. Valorisation en fin de vie : Stratégies de recyclage ou valorisation des produits du secteur après leur
utilisation.
4. Action sur la demande : Stratégies ayant une influence sur la quantité de produits nécessaire pour
satisfaire les besoins de la société.

Le Tableau 4-2 résume les stratégies analysées pour les secteurs sélectionnés. Elles sont détaillées dans les
sections 4.2 à 4.4. Des stratégies transversales ont aussi été considérées et l’exemple de la valorisation du CO2
est présenté à la section 4.5.

TABLEAU 4-2 • STRATÉGIES DE CIRCULARITÉ ÉTUDIÉES EN DÉTAIL DANS LE PROJET

Acier Aluminium Ciment-béton Transversale


(1) Anode inerte
Stratégies (1) Hydrogène pour la (1) Efficacité
(2) Efficacité –
d’optimisation réduction énergétique
énergétique
(3) Valorisation de la
chaleur résiduelle (2) Combustibles
Stratégies alternatifs
(4) Valorisation
d’écologie – Valorisation du CO2
du scandium (3) Béton recyclé pour
industrielle
(5) Valorisation des clinker
boues rouges

Stratégies de fin (2) Augmentation (6) Augmentation (4) Béton recyclé



de vie du recyclage du recyclage comme granulat

(3) Limitation de la
surspécification
Stratégies agissant (5) Limitation de la
(4) Allègement – –
sur la demande surspécification
des véhicules

(5) Autopartage

• 21 •
La Figure 4-1 illustre le positionnement des stratégies étudiées par rapport au schéma général de l’économie
circulaire présenté à la section 2.1.

FIGURE 4-1 • POSITIONNEMENT DES STRATÉGIES DE CIRCULARITÉ ÉTUDIÉES SUR LE SCHÉMA DE


L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE

4.1.3 Émissions directes et indirectes de GES au Québec


Pour mieux comprendre l’effet des stratégies sur les émissions de GES associées au secteur industriel, ces
émissions ont été divisées en deux grandes catégories. Elles illustrent les principales sphères d’intervention des
stratégies dans la réduction potentielle des émissions de GES :

Émissions directes : émissions propres à l’industrie considérée, issues des procédés ou de consom­mations
énergétiques sur site (émissions couvertes dans le volet 1 du projet).

Émissions indirectes : émissions liées aux produits ou services consommés par l’industrie, ainsi qu’à la gestion
de ses déchets, qui ont lieu à l’intérieur ou à l’extérieur des frontières du Québec.

Pour les secteurs à l’étude, ces émissions directes et indirectes ont été évaluées par la réalisation d’analyses du
cycle de vie des principaux produits (minerai de fer, acier, ciment, béton, alumine, aluminium). Ces analyses ont
été effectuées selon une perspective du « berceau à la porte » (sauf dans l’étude ACV-AFM couplée présentée
pour l’acier). Les potentiels de réchauffement climatique utilisés proviennent de la méthode IPCC 2013 (GWP100),
qui considère les émissions de carbone biogénique issues de la biomasse comme neutres (facteur 0).

Aucune donnée spécifique n’a été collectée dans le cadre du projet. Cette étude a été réalisée à partir de données
secondaires (c.-à-d. des données génériques ou théoriques issues de la base de données d’inventaire ecoinvent
(Ecoinvent, 2019), de la base de données interne du CIRAIG, de bases de données publiques disponibles, d’une
revue de littérature et de jugements d’experts). Dans tous les cas, les données sélectionnées sont représentatives
du contexte de production québécois, sans pour autant nécessairement couvrir toutes les options disponibles
sur le territoire.

• 22 •
En l’absence de données primaires, collectées directement auprès des émetteurs, les émissions indirectes
représentent donc un estimé réaliste de ces émissions et non une donnée réelle. Le contexte et la réalité
d’exploitation de chaque entreprise peuvent influer significativement sur les intrants et extrants de l’organisation.

De même, lorsqu’elle est effectuée, l’attribution des émissions indirectes à des émissions au Québec ou hors
Québec se base sur une évaluation de la présence ou non de producteurs de ces matériaux au Québec, ainsi que
d’un jugement d’expert sur le marché québécois pour les produits concernés. Une collecte de données spécifiques
auprès de chaque émetteur et de ses fournisseurs serait nécessaire pour valider ou affiner cette évaluation.

Par ailleurs, il est considéré dans ces études que la réduction de la consommation et de la demande d’une
quantité de matière impliquerait la réduction de la production de cette même quantité, mais cela n’est pas
forcément toujours réaliste, cette matière pouvant simplement trouver un autre débouché et les flux de
production resteraient stables.

La Figure 4-2 illustre les émissions de GES directes et indirectes pour quelques produits pendant le cycle de vie
des trois secteurs à l’étude. Ces résultats sont détaillés dans les sections suivantes.

FIGURE 4-2 • RÉPARTITION DES ÉMISSIONS DIRECTES ET INDIRECTES POUR LES PRINCIPAUX
PRODUITS DES TROIS SECTEURS À L’ÉTUDE

100 %

80 %

60 %

40 %

20 %

0%
Minerai de fer Acier Ciment Béton Alumine Aluminium

Émissions indirectes au Québec Émissions directes liées Émissions directes


ou hors Québec (Scopes 2 et 3) à l'énergie (Scope 1) du procédé (Scope 1)

• 23 •
4.2 Étude de cas 1 : la chaîne de valeur du fer-acier au Québec
4.2.1 Cycle de vie de l’acier au Québec
L’acier est l’un des principaux matériaux utilisés dans notre société moderne : il sert à la fabrication de nombreux
objets, des infrastructures aux objets du quotidien (véhicules, équipements électriques et mécaniques, électro­
ménagers). Il est composé de fer auquel est ajoutée une quantité de carbone (allant de 0,02 % à 2 % de l’alliage),
ainsi que d’autres éléments comme le nickel, le chrome, le manganèse ou le silicium (mais dans des proportions
très faibles) qui permettent de lui conférer les propriétés physicochimiques désirées. L’acier est donc en grande
majorité (+98 %) directement issu du minerai de fer. Les proportions des alliages dépendent de l’utilisation finale
du produit qu’il constitue (structure, automobile, outils).

FIGURE 4-3 • CYCLE DE VIE DE L’ACIER

La Figure 4-3 illustre le cycle de vie de l’acier, qui débute avec l’extraction du fer. La croûte terrestre contient
une quantité importante de fer sous forme d’oxyde comme l’hématite (Fe2O3), la magnétite (Fe3O4) ou d’ilménite
(FeTiO3). Au Québec, cette extraction est faite aux sites miniers de Mont-Wright et de Fire Lake d’ArcelorMittal
Exploitation Minière (AMEM) et à la mine du lac Tio de Rio Tinto Fer et Titane (RTFT).

Ce fer est ensuite acheminé par train à Port-Cartier pour AMEM et à Havre-Saint-Pierre pour RTFT pour un
premier traitement, et une partie est alors directement exportée. Le reste est livré aux usines de Contrecœur
pour ArcelorMittal et de Sorel-Tracy pour RTFT, pour y être transformé en acier. À Port-Cartier, ce premier
traitement transforme le minerai en boulettes d’oxyde de fer. Le minerai y est broyé, traité, compacté et cuit
pour former des boulettes d’oxyde de fer enrichies ayant une teneur en fer d’environ 70 %. L’étape de cuisson
est réalisée jusqu’à 1 300  °C, mais les boulettes ont ensuite une meilleure réactivité en aval de la chaîne de
production et leur manutention est simplifiée.

Aux usines de Contrecœur, les boulettes d’oxyde de fer sont réduites par le procédé Midrex de réduction directe
(Direct Reduction Iron, ou DRI), qui permet de retirer l’oxygène des boulettes à haute température en le faisant
réagir avec le carbone du gaz naturel, ce qui est à la source d’émissions de CO2 (de procédé). Ce fer réduit sert de
matière première dans les fours à arc électrique (Electric Arc Furnace, ou EAF) dans lesquels il est mélangé avec
de la ferraille issue de l’acier en fin de vie, afin de créer de l’acier qui est ensuite coulé pour former des pièces
semi-finies. Ces pièces sont ensuite transformées dans les laminoirs pour produire des barres d’armatures, des
barres plates et profilées, du fil d’acier et autres produits semi-finis et finis.

Au complexe métallurgique de RTFT, un procédé de réduction, composé des différents fours, traite l’ilménite. Le
minerai est ainsi transformé en plusieurs produits : dioxyde de titane, fonte, acier et poudres métalliques. Le fer
contenu dans le minerai est séparé du dioxyde de titane dans un four à arc électrique, où la réaction avec les

• 24 •
électrodes est une source d’émissions de CO2. Le dioxyde de titane, qui se retrouve dans les scories, est ensuite
extrait et purifié par le procédé UGS (upgraded slag).

Les usines d’ArcelorMittal à Contrecœur et de RTFT à Sorel-Tracy sont répertoriées parmi les grands émetteurs
de GES du volet 1 de ce projet (Pineau et al., 2019).

Les produits en acier ont de nombreuses utilisations, notamment les bâtiments et infrastructures, le transport,
la machinerie ou les biens de consommation courante. Plus des deux tiers du stock de fer actuellement en
utilisation est dans le secteur des bâtiments et infrastructures (CIRAIG/Institut EDDEC, 2017). L’acier en fin de vie
est soit recyclé, soit enfoui, soit exporté, comme la section 4.2.2 le présente.

4.2.2 Analyse de flux de matière du fer au Québec


Ce projet se base sur une analyse des flux de matière du fer au Québec issue d’un précédent projet (CIRAIG/
Institut EDDEC, 2017) datant de 2015 et présentée à la Figure 4-4. À noter que l’AFM représente les flux et les
changements de stock de fer, et non de l’acier ou de minerai qui le contiennent. Les masses d’acier ou de minerai
sont plus importantes et les chiffres indiqués seraient plus élevés si ces masses étaient rapportées.

FIGURE 4-4 • A
 NALYSE DE FLUX ET STOCK DE FER AU QUÉBEC EN 2015 (ADAPTÉ DE CIRAIG/INSTITUT EDDEC, 2017)

Importation

Fer, Québec, 2015


Gisement
Stock > 2 500 Mt
6,0 Mt

1,9 Mt
28
Mt

1,9 Mt 0,5 Mt 3,8 Mt


Extraction et Production Utilisation
Fabrication
traitement (+0,5) Mt 101 (+3,1) Mt

0,2 Mt

1,4 Mt
1,0 Mt
Recyclage
26,1
Mt
1,9 Mt

2,7 Mt

Enfouissement

Exportation

En premier lieu, le Québec extrait une quantité importante de fer (28 Mt/an) de la lithosphère dans les infrastruc­
tures d’ArcelorMittal Exploitation Minière et de Rio Tinto Fer et Titane. Une grande majorité du fer extrait est
ensuite directement exportée sous forme de minerai (18,7 Mt/an de fer) ou après un traitement pour former
des boulettes de fer (7 Mt/an de fer).

Une partie de ce minerai (1,9 Mt/an de fer) continue néanmoins son cheminement au Québec et est envoyé sous
forme de minerai ou après avoir été transformé en boulettes d’oxyde de fer au site de métallurgie primaire pour
être transformé en acier. Il y est mélangé à 1 Mt/an de fer provenant de ferrailles. À cette étape, le fer passe de

• 25 •
la forme de minerai et de boulette à de l’acier grâce à la réduction directe et au four à arc électrique (c’est à cette
étape que les ferrailles sont ajoutées).

À la sortie de cette phase de métallurgie et de transformation, presque la moitié du fer est exportée et l’autre
moitié passe à l’étape de transformation métallique où l’acier est transformé en produits semi-finis. L’acier est
coulé en continu en brame, en billette ou sous d’autres formes puis peut être transformé en produits semi-finis
et subir des traitements, comme la galvanisation. Cet acier semi-fini est exporté (les deux tiers environ) ou passe
à l’étape de fabrication et d’assemblage pour former des produits finis, comme des véhicules, des biens de
consommation ou des éléments de structure. Durant cette étape de fabrication et d’assemblage, une quantité
importante de produits semi-finis est importée (6 Mt/an de fer). De même lors la phase d’utilisation, 3,8 Mt/an
de fer viennent de produits fabriqués au Québec et 1,9 Mt/an de fer provient de l’importation de produits finis.

La mondialisation et les échanges jouent donc un rôle important dans les flux d’acier au Québec, les quantités
exportées ou importées étant presque toujours majoritaires à toutes les étapes du cycle de vie. Les produits
d’acier utilisés au Québec proviennent à 95 % de l’importation alors que 93 % du fer extrait au Québec est
exporté. Il sera important de prendre en compte cette donnée dans le choix des stratégies de circularité et
l’analyse de l’impact que ces stratégies peuvent avoir sur les émissions de GES au Québec et ailleurs.

En ce qui concerne les stocks d’acier, la durée de vie moyenne d’un produit en acier est de 34 ans (Allwood &
Cullen, 2012), ce qui crée un stock important d’acier en utilisation (101 Mt de fer).

4.2.3 Émissions directes et indirectes de GES pour le secteur sidérurgique


Faute de données disponibles pour représenter la technologie employée par RTFT, les résultats présentés dans
la Figure 4-5 sont basés sur le cycle de vie de l’acier produit au Québec par la filière DRI-EAF sur les sites de
Contrecœur Est et Ouest (ArcelorMittal Produits longs Canada). Ce sont aussi ces données qui ont été utilisées
pour les calculs de la section 4.2.5.

FIGURE 4-5 • ÉMISSIONS DIRECTES ET INDIRECTES AU QUÉBEC ET HORS QUÉBEC POUR


L’EXTRACTION DE MINERAI, LE TRAITEMENT DU MINERAI EN BOULETTES
ET LA PRODUCTION D’ACIER
100 %

90 %

80 %

70%

60 %

Émissions indirectes (hors Qc)


50 %
Émissions indirectes (Qc)
40 %
Émissions directes

30 % Étape du cycle de vie précédente

20 %

10 %

0%
Extraction Traitement Production

• 26 •
Les émissions de procédés associées à l’extraction du minerai correspondent à environ 3 % de l’empreinte carbone
totale de l’acier. Les principales émissions de cette étape sont liées à l’utilisation d’explosifs (émissions indirectes
pour leur production), à l’utilisation de machineries dans les mines ainsi qu’au transport du minerai sur site
(émissions directes de combustion et émissions indirectes de production des carburants).

L’extraction du minerai de fer (orange) contribue à environ 15 % des émissions de GES de l’étape de traitement
(bouletage). Les émissions directes du traitement proviennent du procédé lui-même (cuisson à 1 300  °C du
minerai avec du carbonate de calcium-magnésium) et de la combustion de combustibles fossiles pour atteindre
les températures de procédé nécessaires. Les émissions indirectes correspondent à la production des matières
premières nécessaires à ce procédé de bouletage ; les émissions indirectes hors Québec comprennent notam­
ment une partie de la production et de l’acheminement des combustibles utilisés.

Le traitement contribue à environ 18 % des GES de la production d’acier (réduction directe et le four à arc élec­
trique). Les émissions directes représentent les émissions du procédé, c’est-à-dire la libération de CO2 lors de
la réduction directe, ainsi que celles liées à la combustion des combustibles nécessaires pour atteindre les
températures de réaction. Les émissions indirectes représentent les matières premières et l’énergie nécessaires
à ce procédé, une partie provenant du Québec (production d’électricité, par exemple) et le reste étant hors
Québec (par exemple la production du gaz naturel utilisé comme combustible et pour la réduction du fer).

TABLEAU 4-3 • SOMMAIRE DES ÉMISSIONS DIRECTES ET INDIRECTES DE L’ENSEMBLE


DES ACTIVITÉS ASSOCIÉES À L’EXTRACTION, À LA TRANSFORMATION
ET À LA PRODUCTION D’ACIER

Émissions Émissions
Émissions totales Émissions
indirectes au indirectes hors
Étape (produit) (kg éq. CO2/kg directes
Québec Québec
produit) (Mt éq. CO2/an)
(Mt éq. CO2/an) (Mt éq. CO2/an)

Extraction (minerai) 0,02 0,27 0,05 0,28

Transformation
0,16 0,9 0,07 0,33
(boulette)
0,6 à 1,6 (selon taux
Production (acier) 1,17 0,13 0,6
de ferrailles)

4.2.4 Quelles stratégies de circularité pour le secteur ?


4.2.4.1 Stratégies déjà en place
Au Québec, l’ensemble de la production est issu de la voie DRI-EAF (réduction directe et four à arc électrique)
mais sur le plan mondial, la voie des hauts fourneaux (BOF : Basic Oxygen Furnace) reste la plus répandue pour
la production d’acier. Cette technologie désoxyde le minerai de fer en brûlant du coke qui permet d’atteindre les
températures désirées et réduit le fer en même temps. D’un point de vue des émissions directes de gaz à effet de
serre, le procédé actuel au Québec émet moins de GES que les hauts fourneaux, les températures nécessaires
sont moins élevées, et il consomme moins de ressources (en masse de ressources consommées, le gaz naturel
est plus avantageux que le charbon-coke). Il faut ajouter à cela que les aciéries québécoises bénéficient d’une
électricité propre issue de centrales hydroélectriques, permettant à l’acier québécois d’être déjà en avance sur
le reste du monde au niveau des émissions de GES par masse d’acier produite.

De plus, grâce notamment à la présence de la voie DRI-EAF, le recyclage de l’acier est déjà bien implanté au
Québec. En effet, l’introduction de ferraille d’acier est possible dans les fours à arc électrique, où cette ferraille
est mélangée avec le fer réduit pour former de l’acier. Les taux entre acier secondaire et fer réduit peuvent
varier et influencent la qualité de l’acier coulé en sortie de four, selon les propriétés physiques et les classes
d’emploi de l’acier. Le traitement de l’acier en fin de vie étant bien moins émetteur que la production de fer
réduit (impliquant aussi l’extraction et le traitement du minerai en amont), cette solution permet de réduire

• 27 •
grandement les émissions (du berceau à la porte de l’usine), allant de 1,55 kg éq. CO2/kg d’acier pour un acier
primaire avec uniquement du fer réduit sans ferraille à 0,62 kg éq. CO2/kg d’acier avec un acier secondaire
100 % ferrailles (émissions théoriques, la production étant souvent un mélange de fer réduit et de ferrailles).

En ce qui concerne les émissions dues au bouletage du minerai avant de le préparer pour la réduction directe,
des options sont déjà à l’étude et testées, par exemple l’utilisation de biomasse (sous forme d’huiles pyrolytiques
ou de biochar) (ArcelorMittal, 2021). L’utilisation de biomasse forestière résiduelle comme source de biomasse
permettrait de réutiliser les déchets forestiers et des scieries.

L’augmentation de l’efficacité énergétique par l’optimisation énergétique des procédés, soit par le préchauffage
des gaz de combustion ou le maintien de l’acier à certaines températures entre les étapes, sont des options
constamment mises en œuvre et améliorées par les aciéries québécoises.

Les résidus sidérurgiques sont aussi déjà valorisés sous différentes formes. Plus de 900 000 tonnes de matières
résiduelles issues de sites sidérurgiques (dont ceux de RTFT et de ArcelorMittal) sont par exemple valorisées par
Minéraux Harsco (TechnopoleEI, 2021) pour en récupérer le métal résiduel ou convertir les résidus en divers
produits, comme des sables de filtration pour les piscines ou des granulats.

4.2.4.2 Stratégies possibles


Les stratégies d’économie circulaire applicables au secteur du fer et de l’acier sont multiples et touchent l’ensemble
de la chaîne de valeur. Particulièrement au Québec, où les interactions avec l’extérieur à travers l’importation et
l’exportation sont nombreuses tout au long du cycle de vie, une étude approfondie de l’impact de ces stratégies
doit être conduite pour comprendre sur quelles émissions ces stratégies opèrent. Un ensemble de stratégies a été
présenté dans le volet 1 de l’étude (Pineau et al., 2019) et certaines sont reprises et détaillées ici.

Optimisation des opérations


L’optimisation des opérations à travers l’efficacité énergétique est déjà un moyen bien en place dans les aciéries
pour limiter leur consommation énergétique et leurs émissions de GES. En complément de ces stratégies
traditionnelles, l’utilisation de convoyeurs électriques ou de camions électriques dans les mines pourrait être
un moyen intéressant, notamment dans un contexte québécois où l’hydroélectricité est faible émettrice de GES.

Une autre avenue particulièrement étudiée à l’heure actuelle est l’utilisation de l’hydrogène à la place du
gaz naturel pour la réduction du fer. En effet, cette étape de réduction est une des plus problématiques du
cycle de vie de l’acier au niveau des émissions, en raison des températures très élevées du procédé, atteintes
souvent à l’aide de combustibles fossiles, et du fait que le procédé en lui-même est émetteur de GES, du CO2
étant libéré lors de la réaction chimique. L’utilisation de l’hydrogène permettrait de limiter à la fois les impacts
de la combustion et de la réaction. Une attention particulière doit être portée aux modes de fabrication de
l’hydrogène pour ne pas déplacer l’impact à cette phase, en privilégiant une production basée sur des ressources
renouvelables. Le passage à l’hydrogène implique aussi d’importants changements dans les installations, qui ont
un coût économique très important.

Écologie industrielle
Contrairement aux secteurs du béton et de l’aluminium, les stratégies d’écologie industrielle n’ont pas été
étudiées en détail pour cette étude de cas. Néanmoins, plusieurs stratégies d’utilisation de résidus d’autres
secteurs ou de valorisation des résidus de l’industrie sidérurgique sont possibles et pourraient faire l’objet d’une
étude spécifique. Les scories sidérurgiques sont par exemple utilisables à différentes étapes du cycle de vie du
béton, que ce soit dans la production de ciment ou comme granulats (voir la section 4.3.4.2). Elles sont aussi
utilisées comme amendements agricoles, leur utilisation étant déjà assujettie à une norme au Québec (Norme
BNQ 0419-090).

La capture du carbone en sortie de cheminée serait aussi une stratégie envisageable aux différentes étapes
(bouletage, aciérie, etc.), et d’autres études complémentaires pourraient évaluer à quelles étapes de la chaîne

• 28 •
de valeur cette capture aurait le plus de sens. La section 4.5 discute plus spécifiquement de la question de la
capture et de la valorisation du CO2.

Valorisation en fin de vie


Tel que présenté à la section 4.2.2 sur l’analyse de flux de matière du fer au Québec, l’acier en fin de vie a actuelle­
ment trois avenues principales :

• Le recyclage au Québec (40 %), c’est-à-dire le retour en métallurgie primaire pour être utilisé dans les
fours à arc électrique et mélangé à de l’acier primaire, cette stratégie étant bénéfique d’un point de vue
des GES associés à l’acier car le procédé de recyclage est bien moins émetteur que la production d’acier
primaire (sans compter qu’il faut aussi extraire et traiter le fer associé à cet acier primaire en premier lieu).

• L’exportation de la ferraille vers d’autres provinces ou pays, ce qui correspond à environ 53,5 % de la
masse d’acier.

• Une partie de cet acier en fin de vie n’est actuellement pas valorisée et se retrouve éliminée à l’enfouissement.

L’augmentation du recyclage permettrait de limiter la quantité actuellement enfouie, même si des efforts
devront être faits pour améliorer les filières de tri en fin de vie du métal (électronique, électroménager, véhicules,
démolition des infrastructures, etc.) et limiter la contamination entre métaux qui posent des problèmes pour
créer des alliages purs dans la production d’acier recyclé.

De plus, la ferraille actuellement exportée pourrait être traitée directement au Québec, afin de favoriser le
traitement local de la ressource. Mais une étude approfondie sur cette stratégie devra être menée pour ne pas
simplement déplacer l’impact si cette ferraille est déjà correctement traitée et recyclée après son exportation.

Action sur la demande


En ce qui a trait à la consommation des biens en acier, de nombreuses stratégies sont possibles, comme l’allonge­
ment de la durée de vie des produits. De nombreux produits contenant de l’acier sont détruits avant leur fin de
vie réelle. Par exemple, des véhicules sont mis au rebut alors que de nombreuses pièces fonctionnent encore, ou
des bâtiments sont détruits pour reconstruire de nouveaux quartiers et bâtiments plus modernes. Il est estimé
qu’en prenant en compte ces questions dès la phase de conception, il serait possible d’allonger la durée de vie
des bâtiments de 65 à 90 ans en moyenne et celle des véhicules de 10 à 15 ans en moyenne.

De nombreuses études (voir la section 4.2.5.4) font aussi état d’une surspécification quasi systématique dans
les bâtiments. Une partie importante de l’acier utilisé dans ces constructions n’aurait aucun intérêt structurel ou
de sécurité, mais serait simplement ajouté par habitude, assurance et commodité des pièces standards. Cette
surspécification est évaluée en moyenne à 36 % de la quantité d’acier utilisé dans les bâtiments, mais bien sûr ce
chiffre est une moyenne mondiale et doit être évalué plus précisément en fonction du contexte et des habitudes
de construction québécoises. Néanmoins, cette donnée montre l’ampleur de ce phénomène qui permettrait une
économie d’acier très importante et donc une réduction des émissions associées à sa production.

L’allègement des véhicules, bien qu’il soit à la portée des consommateurs de choisir leur véhicule, est une solu­
tion qui doit être adoptée par les fabricants automobiles. Ils pourraient proposer des véhicules plus légers et
moins émetteurs sur l’ensemble de leur cycle de vie (et pas seulement sur leur consommation énergétique
d’utilisation). Une réduction de la masse des véhicules permettrait une économie substantielle d’acier et le poids
étant le premier responsable de la consommation de carburants, l’impact sur les émissions directes des véhicules
serait très avantageux. Une autre solution où les consommateurs sont plus responsables est l’autopartage. Il
est estimé que la démocratisation de l’autopartage permettrait à la fois une réduction du nombre de véhicules
en circulation (et donc une réduction de l’acier produit pour fabriquer ces véhicules) ainsi qu’une réduction de
l’utilisation de ces véhicules (voir la section 4.2.5.5).

• 29 •
4.2.4.3 Stratégies sélectionnées
Les impacts sur les émissions directes et indirectes de GES et les flux de matières sont étudiés dans la section 4.2.5
pour les 5 stratégies suivantes :

1. Utilisation de l’hydrogène pour la réduction du fer dans la production de l’acier (optimisation des opérations)
2. Augmentation du recyclage de l’acier en fin de vie au Québec (fin de vie)
3. Allègement des véhicules (action sur la demande)
4. Limitation de la surspécification dans les bâtiments (action sur la demande)
5. Augmentation de l’autopartage (action sur la demande)

4.2.5 Quels gains potentiels de réduction des émissions de GES ?


4.2.5.1 U
 tilisation de l’hydrogène pour la réduction du fer dans la production de l’acier
(optimisation des opérations)
Tel que présenté dans les sections précédentes, un des enjeux principaux de la réduction des émissions
de GES associées au secteur sidérurgique du Québec est la combustion de gaz naturel pour atteindre les
températures nécessaires aux réactions chimiques qui réduisent le minerai de fer et permettent d’en retirer
l’oxygène. L’utilisation du gaz naturel sert à la fois à alimenter la combustion pour maintenir les températures
recherchées et à provoquer les réactions avec l’oxygène. De l’hydrogène pourrait être utilisé aux mêmes fins tout
en limitant la libération de CO2 lors de la réaction (Karakaya et al., 2018 ; Kushnir et al., 2020 ; Vogl et al., 2018).
En effet, la réaction du minerai avec l’hydrogène produit principalement de l’eau en lieu et place du CO2. Pour
simplifier : FeO + H2 -> Fe + H2O. Cette technologie de production de l’acier à partir de l’hydrogène est en cours
de développement dans le monde, notamment à travers le processus Hybrit développé en Suède (SSAB; LKAB;
Vattenfall, 2021). Il faut mentionner que cette technologie présente un intérêt dans la réduction des émissions
de GES principalement si l’hydrogène produit a une faible empreinte carbone, en étant par exemple issu de
l’électrolyse de l’eau à partir d’électricité issue de sources renouvelables (ce qui est le cas au Québec).

La Figure 4-6 illustre le potentiel de réduction des émissions de GES avec l’utilisation de l’hydrogène pour la
réduction du fer dans la production de l’acier.

FIGURE 4-6 • POTENTIEL DE RÉDUCTION DES ÉMISSIONS DE GES LIÉ À UN CHANGEMENT


TECHNOLOGIQUE BASÉ SUR L’UTILISATION DE L’HYDROGÈNE ISSU DE L’HYDROLYSE
DE L’EAU À PARTIR DE SOURCES RENOUVELABLES, POUR RÉDUIRE LE FER DANS
L’INDUSTRIE SIDÉRURGIQUE QUÉBÉCOISE (ÉTAPE DE PRODUCTION UNIQUEMENT)
2,5

2,0

1,5
Mt eq. CO2 / an

Émissions indirectes (hors Qc)

1,0
Émissions indirectes (Qc)

Émissions directes

0,5

0,0
Actuelle Avec hydrogène
Production d’acier

• 30 •
Cette solution permet des réductions significatives des émissions de production aussi bien directes
(–0,9 Mt éq. CO2/an) qu‘indirectes. Cette amélioration est due surtout à la diminution de la consommation
de gaz naturel qui réduit les émissions indirectes hors Québec (-0,48 Mt éq. CO2/an) de la production et de
l’acheminement de ce gaz naturel et les émissions directes car le procédé émet moins sur le site de la sidérurgie.
Cette stratégie n’a un impact qu’à l’étape de production, à travers un changement technologique du procédé
avec le remplacement du combustible et agent réducteur. Les étapes en amont d’extraction et de traitement
restent inchangées, les mêmes quantités de fer extraites et traitées en boulettes étant considérées.

4.2.5.2 Augmentation du recyclage de l’acier en fin de vie au Québec (fin de vie)


L’augmentation du taux de recyclage au Québec permettrait d’augmenter le taux de ferrailles introduit dans
les fours à arc électrique et de remplacer d’autant la quantité de fer réduit nécessaire, et donc de diminuer
la quantité de fer extrait et traité. La Figure 4-7 illustre le potentiel de réduction des émissions de GES avec
l’augmentation du recyclage de l’acier au Québec.

Cette solution permet de réduire à la fois les émissions de la production car la quantité d’acier réduit est moins
importante, donc les émissions directes de procédés et de combustion (–0,99 Mt éq. CO2/an) et les émissions
indirectes de production et d’acheminement des combustibles (–0,69 Mt éq. CO2/an) utilisés dans les fours
de réduction directe, ainsi que les émissions d’extraction (–0,25 Mt éq. CO2/an directes, –0,02 Mt éq. CO2/an
indirectes au Québec et –0,09 Mt éq. CO2/an indirectes hors Québec) car la demande de minerai de fer (brut
ou sous forme de boulettes) est réduite par l’augmentation de la consommation de ferrailles. À noter que les
émissions du recyclage augmentent (+0,03 Mt éq. CO2/an directes, +0,01 Mt éq. CO2/an indirectes au Québec)
car le volume recyclé augmente, mais ces émissions – à quantité égale – étant bien plus faibles que celles de la
production primaire, les gains sont encore très appréciables.

Deux mises en garde doivent être relevées concernant cette stratégie circulaire. D’abord, l’augmentation du taux
de ferrailles comparativement au taux de fer réduit peut modifier la qualité de l’acier produit et une attention
particulière doit être apportée à la contamination du métal. Des études complémentaires doivent être entreprises
pour vérifier la faisabilité technique et les limites de taux de ferrailles possibles, afin de ne pas dégrader l’acier
produit. Ensuite, cette solution propose que l’ensemble de l’acier en fin de vie soit traité au Québec, mais une

FIGURE 4-7 • POTENTIEL DE RÉDUCTION DES ÉMISSIONS DE GES LIÉ À L’AUGMENTATION


DU RECYCLAGE DE L’ACIER AU QUÉBEC
2,5

2,0

Émissions indirectes (hors Qc)


1,5
Mt éq. CO2 /an

Émissions indirectes (Qc)

Émissions directes

1,0

0,5

0,0
Extraction / Production Recyclage Extraction / Production Recyclage
Traitement Traitement

Actuel Avec augmentation du recyclage

• 31 •
partie est actuellement exportée et probablement déjà traitée ailleurs. Il faudrait donc s’assurer que cela ne
provoque pas seulement un déplacement d’impact et peu de gain absolu (même si le recyclage au Québec, basé
sur un des mix électriques les plus faibles en Amérique du Nord, est sûrement souvent préférable).

4.2.5.3 Allègement des véhicules (action sur la demande)


La stratégie d’allègement des véhicules joue sur la masse des véhicules en réduisant la masse des nouveaux
véhicu­les. Elle impliquerait une volonté des gouvernements, des constructeurs et des consommateurs de
changer leurs habitudes d’utilisation. Toutefois, la tendance actuelle est plutôt à l’inverse, car les ventes de
camions légers sont en augmentation constante au détriment des automobiles classiques.

L’utilisation de matériaux plus légers ou la réduction de la taille des véhicules permet une économie de carbu­­
rant et donc une réduction des émissions liées à la combustion de ce carburant (Dhingra & Das, 2014 ;
Hertwich et al., 2019 ; Kim & Wallington, 2013). Avec l’utilisation de matériaux plus légers, il faut vérifier par des
études sur l’ensemble du cycle de vie que les gains à l’utilisation ne sont pas contrebalancés par des impacts
environnementaux plus importants en phase de production (Hottle et al., 2017). Actuellement, les véhicules sont
principalement composés d’acier (en moyenne 65 % de la masse pour les automobiles, 80 % pour les camions
légers et lourds (Milovanoff et al., 2019), avec une moyenne pour la flotte québécoise de 72 %). Ainsi, réduire la
taille des véhicules réduirait directement le besoin d’acier ainsi que la consommation énergétique à l’utilisation.
Une réduction de 23 % de la masse des véhicules utilisés est employée pour cette stratégie et le potentiel de
réduction des émissions de GES associé est présenté dans la Figure 4-8.

Cette stratégie permet une baisse de la consommation des véhicules car le poids est le principal facteur influençant
la consommation d’un véhicule. Les émissions des véhicules sont représentées comme indirectes bien qu’elles
soient situées au Québec, parce que comme l’étude est sur l’acier, ce n’est pas l’acier directement qui émet
mais l’utilisation qui en est faite. La consommation de carburant des véhicules diminuant avec leur allègement,
les émissions indirectes au Québec diminuent (–2,84 Mt éq. CO2/an), ainsi que les émissions de production
des carburants (–0,37 Mt éq. CO2/an) correspondant à l’extraction du pétrole (indirectes hors Québec) et à son
raffinage (majoritairement indirectes au Québec).

FIGURE 4-8 • POTENTIEL DE RÉDUCTION DES ÉMISSIONS DE GES LIÉ À L’ALLÈGEMENT


DES VÉHICULES UTILISÉS AU QUÉBEC

20

18

16

14

12
Mt éq. CO2 /an

10 Émissions indirectes (hors Qc)

8
Émissions indirectes (Qc)

Émissions directes
6

0
Production hors Qc Utilisation Production hors Qc Utilisation
acier importé acier importé

Actuel Avec allègement des véhicules

• 32 •
Ces véhicules ne sont pas directement produits au Québec, donc l’allègement des véhicules n’aura pas pour
conséquence de diminuer la consommation d’acier québécois mais de diminuer la quantité d’acier nécessaire
là où les véhicules sont produits. Les émissions de la production hors Québec de l’acier utilisé pour créer ces
véhicules qui vont être importés pour leur utilisation (voir la section 4.2.2) vont elles aussi diminuer (–0,5 Mt éq.
CO2/an) car moins d’acier sera nécessaire pour fabriquer ces véhicules allégés.

4.2.5.4 Limitation de la surspécification dans les bâtiments (action sur la demande)


Environ 65 % du stock d’acier au Québec est contenu dans les constructions et les infrastructures, et 35 % à
40 % de l’acier consommé chaque année est utilisé pour cette application. L’intensité d’utilisation des matériaux
est contrôlée par les lois et les codes régissant la profession (Almirall et al., 2019), encourageant un maximum
de qualité et de sécurité sans tenir compte que de nombreuses études (Allwood & Cullen, 2012 ; Austin, 1998 ;
Moynihan & Allwood, 2014) ont prouvé que la surspécification dans les bâtiments serait responsable de près
de 36 % d’utilisation d’acier non nécessaire pour la structure ou la sécurité. C’est ce pourcentage de réduction
de l’acier utilisé dans les infrastructures qui est appliqué pour cette stratégie et le potentiel de réduction des
émissions de GES associé est présenté dans la Figure 4-9.

La réduction de la surspécification entraînerait la réduction de la quantité d’acier utilisée et par conséquent


la quantité d’acier produite. Cette réduction de production impliquerait aussi un besoin plus faible de fer et
donc une diminution de l’extraction et du traitement du minerai de fer. Cela réduirait proportionnellement
les émissions directes et indirectes des phases d’extraction et de traitement (–0,03 Mt éq. CO2/an directes,
–0,01 Mt éq. CO2/an indirectes hors Québec) et de production (–0,11 Mt éq. CO2/an directes, –0,02 Mt éq. CO2/an
indirectes au Québec, –0,08 Mt éq. CO2/an indirectes hors Québec).

FIGURE 4-9 • POTENTIEL DE RÉDUCTION DES ÉMISSIONS DE GES LIÉ À LA LIMITATION


DE LA SURSPÉCIFICATION AU QUÉBEC
2,5

2,0
Mt éq. CO2 /an

1,5

Émissions indirectes (hors Qc)

1,0 Émissions indirectes (Qc)

Émissions directes

0,5

0,0
Extraction Production Extraction Production
Traitement Traitement

Actuel Avec limitation de la sur-spécification

• 33 •
4.2.5.5 Développement de l’autopartage (action sur la demande)
Les véhicules personnels sont utilisés en moyenne seulement 5 % de leur vie et très souvent loin de leur capacité
maximale (en moyenne au tiers seulement, et le conducteur est souvent seul dans le véhicule (ORNL, 2017 ;
USDOT, 2020).

L’autopartage consiste à mutualiser un véhicule par plusieurs consommateurs et à éviter que chaque utilisateur
ait son propre véhicule personnel. Une vision favorisant l’autopartage pourrait permettre de réduire la flotte de
véhicules de 20 % (Litman, 2000). De plus, des études (Bourel, 2005 ; Communauto, 2016 ; Hertwich et al., 2019 ;
Yin et al., 2018 ; Yu et al., 2017) soulignent que le fait de ne plus posséder de véhicule personnel, même en
pratiquant l’autopartage, permettrait de réduire l’utilisation des véhicules jusqu’à 30 % par personne par an.
Le potentiel de réduction des émissions de GES associé à cette stratégie est présenté dans la Figure 4-10.

Comme pour la stratégie d’allègement des véhicules, les gains de la stratégie d’autopartage sont doubles.
D’abord au niveau de l’utilisation, car les usagers utilisent moins les véhicules (émissions indirectes au Québec
des véhicules réduites de 0,79 Mt éq. CO2/an) et la consommation de carburant diminue (émissions indirectes
hors Québec de production de ce carburant réduites de 0,1 Mt éq. CO2/an).

De plus, la réduction du nombre de véhicules permettrait de limiter la quantité d’acier nécessaire pour la
production de ces véhicules. Ces véhicules étant en grande partie construits en dehors du Québec, cela réduirait
les émissions de production hors Québec en lien avec cet acier non utilisé (–0,11 Mt éq. CO2/an d’émissions
indirectes hors Québec).

FIGURE 4-10 • POTENTIEL DE RÉDUCTION DES ÉMISSIONS DE GES LIÉ À L’AUTOPARTAGE


AU QUÉBEC
20

18

16

14
Mt éq. CO2 /an

12

10 Émissions indirectes (hors Qc)

8 Émissions indirectes (Qc)

Émissions directes
6

0
Production hors Qc Utilisation Production hors Qc Utilisation
acier importé acier importé
Actuel Avec un meilleur auto-partage
des véhicules

• 34 •
Comment communiquer les potentiels de réduction des émissions de GES d’un secteur ?
Les potentiels de réduction des émissions de GES présentés dans cette section peuvent être communiqués de
différentes manières. Deux d’entre elles sont présentées ci-dessous.

1. Diagramme en cascade
Dans cette approche, c’est plutôt le potentiel des stratégies pour atteindre un objectif de réduction qui est mis de l’avant.
L’effet individuel et cumulé des stratégies sur les émissions au Québec (directes et indirectes, hors utilisation)
est présenté en fonction des étapes du cycle de vie impliquées.

FIGURE 4-11 • EFFET DES STRATÉGIES DE CIRCULARITÉ SUR LES ÉMISSIONS DIRECTES ET INDIRECTES
LIÉES AU SECTEUR DE L’ACIER AU QUÉBEC (UTILISATION EXCLUE)
3,0
Recyclage - indirectes
2,5 Fabrication - indirectes
–55 % Production - indirectes
2.0
Mt éq. CO2 /an

Extraction - indirectes
1,5
Recyclage - directes

Fabrication - directes
1,0
Production - directes
0,5
Extraction - directes

0,0
2016 Autopartage Allègement Surspécification Durée Hydrogène Recyclage Circulaire
de vie

2. Couplage visuel ACV-AFM


Dans cette approche, les informations issues de l’analyse de flux de matière et des analyses du cycle de vie sont
combinées pour illustrer l’importance des différentes étapes au Québec en termes de flux (flèches) et d’émissions directes
et indirectes (cercles). Les potentiels de réduction possible selon différentes stratégies sont ensuite représentés par les
quartiers plus pâles des cercles d’émissions.

FIGURE 4-12 • COUPLAGE DE L’ANALYSE DE FLUX DE MATIÈRE DU FER AU QUÉBEC ET DES ÉMISSIONS
ASSOCIÉES, ET EFFET DES STRATÉGIES SUR LA RÉDUCTION DES ÉMISSIONS

Flux fer(Mt / an)


Direct
Reduction (R.) direct
Augmentation (A.) direct
Indirect au Quebec
R. Indirect Qc
A. Indirect Qc
Indirect hors Qc
1,2 Mt
5,7 Mt R. Indirect hors Qc
A. Indirect hors Qc
Indirect Qc utilisation
Extraction Production Fabrication Utilisation
Traitement R. Indirect hors Qc utilisation
Gisement Indirect hors Qc utilisation
0,3 Mt 0,3 Mt 3,3 Mt
R. Indirect hors Qc utilisation
25,5
Importation
2,4 Mt Recyclage
R. Importation

25,2 Mt
2,4 Mt 2,7 Mt

Exportation

• 35 •
4.3 É
 tude de cas 2 : la chaîne de valeur du ciment-béton
au Québec
4.3.1 Cycle de vie du ciment et du béton au Québec
Le béton est un des principaux matériaux utilisés dans le secteur du bâtiment et des infrastructures, ce qui en
fait un matériau essentiel à notre mode de vie actuel. Il est essentiellement composé d’un matériau cimentaire
(ciment et ajouts cimentaires), de granulats grossiers (par exemple, du gravier ou de la pierre concassée), de
granulats fins (par exemple, du sable) et d’eau, auxquels des adjuvants ou d’autres matériaux peuvent être
ajoutés pour lui conférer des propriétés spécifiques. Un mélange typique de béton résidentiel peut contenir
(en pourcentage massique) environ 10 % de matériau cimentaire, 41 % de granulats grossiers, 41 % de sable et
7 % d’eau (Association Béton Québec, 2020b). Ces proportions sont néanmoins variables selon les propriétés
voulues pour le produit et le type d’application.

Plus de 4,5 millions de mètres cubes de béton prêt à l’emploi (Association Béton Québec, 2020a) et 2,8 millions
de tonnes de ciment (ISQ, 2020) sont produits annuellement au Québec. La fabrication de ciment et de produits
en béton emploie par ailleurs directement plus de 7 000 personnes (Statistique Canada, 2020). La production de
béton est souvent réalisée à petite ou moyenne échelle, proche des sites de construction ou pour la fabrication
de produits préfabriqués. L’Association Béton Québec, regroupant les producteurs de béton prêt à l’emploi,
compte ainsi près de 50 membres exploitant 160 usines (Association Béton Québec, 2020a). À l’inverse, la
production de ciment requiert des installations plus importantes, et seules cinq usines produisent du ciment
au Québec (Lehigh Cement Company6, Ciment Ash Grove, Ciment Québec, Lafarge Canada et Ciment McInnis).
Plusieurs de ces producteurs de ciment sont aussi producteurs de béton alors que certains vont vendre leur
ciment à d’autres producteurs de béton.

FIGURE 4-13 • CYCLE DE VIE DU BÉTON

Le cycle de vie du béton au Québec est illustré dans la Figure 4-13. Les principales étapes sont l’approvisionnement
en matières premières (y compris la production du ciment), la fabrication du béton, son utilisation et sa fin de
vie. Les matières premières constituant le béton ont chacune leur propre cycle de vie, allant de l’extraction des
ressources pour les fabriquer jusqu’à leur acheminement au lieu de fabrication, en incluant leur transformation.

6
Depuis novembre 2018, le ciment produit par cette usine utilise du clinker produit dans une autre usine de cette compagnie, située en Ontario (Drolet, 2021).

• 36 •
Le ciment est produit en faisant chauffer, dans un four rotatif, un mélange composé d’environ 80 % de calcaire
et de 20 % de matériaux divers, dont de l’argile et du sable. Cette cuisson provoque l’agglomération du mélange
pour former du clinker, qui est ensuite réduit en poudre. Le ciment le plus communément utilisé, le ciment
Portland, est composé de 92 % de clinker (en masse), auquel des constituants secondaires (comme du gypse)
sont ajoutés pour contrôler diverses caractéristiques, comme le délai de prise.

La réduction du rapport clinker/ciment est considérée comme l’une des principales stratégies de réduction de
l’empreinte carbone de la production de ciment. Le ciment peut ainsi être mélangé à des ajouts cimentaires
pour diminuer la proportion de clinker. Les ajouts cimentaires utilisés dans l’industrie sont principalement des
sous-produits industriels : cendres volantes, fumées de silice condensées et laitiers sidérurgiques7 (Association
Béton Québec, 2020b). Ils contribuent à une amélioration des propriétés du ciment et sont ajoutés à l’étape de
fabrication du ciment (le produit vendu est alors un mélange de ciment et d’une proportion d’ajouts cimentaires)
ou directement lors de la fabrication du béton. Le ciment Portland peut également être mélangé avec du calcaire,
ce qui donne un ciment dit « calcaire », qui présente aussi un avantage carbone (son empreinte carbone est au
moins 10 % plus faible que celle du ciment ordinaire) sans nuire à ses propriétés (Association Canadienne du
Ciment, 2020b) . Ce ciment Portland au calcaire représente environ 15 % du ciment produit au Québec, et sa part
de marché augmente depuis son introduction dans les dernières années.

Les granulats, qu’ils soient sous forme de pierres concassées, de gravier ou de sable, sont principalement extraits de
gisements naturels (sablières, gravières, carrières) et séparés selon leurs granulométries pour obtenir différents
grades. Des granulats recyclés, provenant principalement d’activités de démolition d’infrastructures, peuvent
aussi être utilisés.

Une fois acheminés sur le lieu de fabrication du béton, les différents ingrédients sont dosés pour correspondre à la
recette voulue (qui est choisie en fonction des propriétés désirées) et malaxés pour obtenir un mélange homogène.
Il existe trois principales catégories de produits en béton : le béton prêt à l’emploi, les produits en béton préfabriqué
et les unités de maçonnerie en béton (blocs de béton). Le béton prêt à l’emploi est principalement fabriqué dans
une usine de béton, puis distribué par bétonnière jusqu’au site de construction. Il peut aussi être produit sur place
pour de petits volumes. Les deux autres catégories de produits sont fabriquées entièrement dans des installations
spécialisées et transportées ensuite sur le site de construction pour leur assemblage.

Le béton est utilisé comme produit dans les constructions, que ce soit pour des bâtiments ou d’autres infra­
structures comme les routes ou les canalisations. Sa durée de vie est élevée, ce qui mène à une augmentation
constante de son stock dans notre société.

En fin de vie, les produits en béton peuvent être recyclés sous forme d’agrégats ou éliminés dans des sites
d’enfouissement.

4.3.2 Analyse de flux de matière du béton au Québec


La Figure 4-14 présente une analyse de flux de matière simplifiée du béton et des matériaux le constituant.
Seuls les principaux flux de matière associés au cycle de vie du béton sont présentés sur le diagramme (les flux
n’excédant pas 50 000 t/an ne sont pas représentés). Les données utilisées pour établir cette analyse proviennent
principalement de données de Statistique Canada, de l’Institut de la statistique du Québec, de la base de données
d’inventaire du cycle de vie ecoinvent, de RECYC-QUÉBEC et de la littérature scientifique (Krausmann et al., 2017).

7
Matières minérales artificielles produites par l’industrie du fer et de l’acier (https://www.ctpl.info/les-laitiers-siderurgiques/).

• 37 •
FIGURE 4-14 • ANALYSE DE FLUX DE MATIÈRE SIMPLIFIÉE DU BÉTON ET DE SES CONSTITUANTS
AU QUÉBEC

Importations
Béton et composantes, Québec, 2019

Gestion des
Extraction Production Production Production Utilisation
matières
argile clinker ciment béton 850 (+15) Mt
résiduelles

Extraction Traitement
Enfouissement
calcaire des eaux

Production Extraction Sous-fondations


gypse gravier

Extraction
sable

Production
eau

Ciment Béton Exportations


Autre Béton usé

En raison de la proportion entre les ingrédients utilisés dans la recette de fabrication du béton, les principaux
flux entrant à cette étape sont ceux de granulats (gravier et sable). Ils représentent chacun environ 7  Mt/an
(l’analyse ne considère que les granulats utilisés pour la production de béton, alors que ces matériaux ont aussi
de nombreuses autres applications, non illustrées ici). Le flux de ciment entrant est plus faible, de l’ordre de
2 Mt/an. L’eau représente le dernier flux entrant important dans le cycle du béton (environ 1,5 Mt/an). Les autres
intrants ont des ordres de grandeur moins importants et ne sont pas représentés. Les deux autres flux d’intérêt
considérés pour la production de béton sont les boucles de recyclage des pertes de production et des granulats
de béton concassé en fin de vie, mais ces flux sont encore très minimes au Québec.

La production de ciment étant d’un grand intérêt pour cette étude, elle a aussi été détaillée dans l’analyse de
flux de matière. Environ 2,8 Mt de ciment ont été produites au Québec en 2018 (Institut de la statistique du
Québec, 2020), dont 2 Mt sont utilisées dans la production québécoise de béton et le reste est exporté. Le clinker
constitue le principal intrant dans la production de ciment (2,5 Mt/an). Il est lui-même produit principalement à
partir de calcaire (3,6 Mt/an), d’argile (0,5 Mt/an) et de sable (0,3 Mt/an).

Des 17 Mt de béton prêt à l’emploi et de produits en béton fabriqués annuellement, une grande majorité (plus
de 87 %) est utilisée au Québec. Selon les informations disponibles, les importations de produits en béton sont
assez faibles au Québec, et les exportations vers d’autres provinces ou à l’international représentent seulement
environ 12 % de la production.

La phase d’utilisation représente le principal stock dans le système à l’étude. En effet, le béton étant un produit
ayant une très longue durée de vie, son stock a tendance à continuellement augmenter dans notre société.

• 38 •
Au niveau mondial, il est estimé que le stock moyen de béton est de 48 t par personne, mais il est environ trois
fois plus élevé dans les pays industrialisés (Krausmann et al., 2017). Un stock d’environ 850 Mt de béton est donc
estimé pour le Québec, et la grande majorité est dans des bâtiments et infrastructures encore en utilisation.

Par la rétention de la majeure partie du béton produit annuellement dans la croissance du stock en utilisation,
les flux annuels en fin de vie sont très faibles (estimés à environ 0,3 Mt). Plus des trois quarts de ce béton est
éliminé dans des sites d’enfouissement, et le quart est recyclé sous forme de granulats dans la construction de
routes ou pour la production de nouveaux bétons.

4.3.3 Émissions directes et indirectes de GES pour le secteur du ciment et du béton


La production du béton étant divisée entre de très nombreux sites, aucun d’entre eux n’était parmi les grands
émetteurs de GES répertoriés dans le volet 1 de ce projet (Pineau et al., 2019). Néanmoins, ces sites étant les
principaux utilisateurs du ciment produit au Québec, c’est ce produit qui a été considéré dans cette étude de cas.
Le fait d’agir sur son cycle de vie affecte directement celui du ciment.

La Figure 4-15 illustre les principaux contributeurs à l’empreinte FIGURE 4-15 • EMPREINTE CARBONE DE LA PRODUCTION
carbone moyenne du béton prêt à l’emploi produit au Québec. DE BÉTON PRÊT À L’EMPLOI AU QUÉBEC
Cette analyse est basée sur une évaluation des données
disponibles dans la base de données ecoinvent (Ecoinvent,
1,4
2019), qui ont été développées à partir de données primaires
fournies par l’industrie canadienne du ciment et de données
secondaires issues de la littérature. 1,2

Les émissions directes de GES lors de la production de béton


1,0
(liées à l’énergie consommée sur site) sont négligeables par Émissions directes
rapport aux émissions indirectes liées aux matières premières
Autres entrants
utilisées dans sa production. Parmi les matériaux utilisés
Mt éq. CO2 /an

0,8
dans la fabrication du béton, les matériaux cimentaires, en Sable
particulier le ciment, sont la principale source d’émissions
Gravier
de GES. Bien que le ciment ne représente que de 10 % à 0,6
15 % des intrants (massiques) dans la production du béton, il Ciment

représente environ 90 % de son empreinte carbone.


0,4

L’empreinte carbone de la production de ciment est présen­


tée à la Figure 4-16. C’est la production du clinker qui est la 0,2
principale source d’émissions de GES lors de la fabrication
du ciment, et ces émissions sont en majorité des émissions
directes de CO2 à la cimenterie. En effet, la cuisson du calcaire 0,0

et des autres ingrédients vise principalement à décomposer


le carbonate de calcium (CaCO3) du calcaire en chaux vive (CaO) et en dioxyde de carbone (CO2), libérant
directement ce dernier dans l’air. Cette calcination (à environ 1 450 °C) est par ailleurs une grande consommatrice
d’énergie (environ 90 % des besoins énergétiques de la cimenterie servent à cette étape (Åhman et al., 2012)), qui
libère elle-aussi des GES lors de sa production. Les sources d’énergie pour chauffer le four varient grandement
(gaz naturel, coke de pétrole, charbon, biomasse ou matières résiduelles) et peuvent influer sur les émissions de
GES. Au Québec, le combustible utilisé dans les cimenteries représente de 35 % à 40 % des émissions directes
de GES, tandis que la décarbonatation du calcaire en émet de 60 % à 65 % (Pinel, 2015).

• 39 •
FIGURE 4-16 • EMPREINTE CARBONE DE LA PRODUCTION DE CIMENT AU QUÉBEC

1.0 Ciment 1.0 Clinker

Autres entrants -
0.8 0.8 émissions indirectes
Approvisionnement
en combustible -
émissions indirectes
Matières premières -
kg éq. CO2 / kg ciment

kg éq. CO2 / kg clinker


0.6 0.6 émissions indirectes

Émissions directes
(procoédé et combustibles)

0.4 0.4

0.2 0.2

0.0 0.0
Ciments alternatifs Ciment Portland Moyenne Quebec Clinker
(calcaire, SCM…)

Production des autres ingrédients (calcaire, gypse, etc.) - indirectes

Clinker - émissions indirectes et directes (voir détails)

En moyenne, les émissions directes (issues des combustibles brûlés pour chauffer le four et de la calcination
du calcaire) représentent environ 93 % des émissions de GES associées à l’industrie du ciment, tandis que
les émissions indirectes (approvisionnement en matières premières, combustibles et gestion des déchets)
représentent 7 % des émissions. Ces proportions sont basées sur des données moyennes de production du
ciment disponibles dans la base de données ecoinvent et peuvent donc différer selon le type de ciment et les
contextes propres à chaque producteur. Les cinq producteurs de ciment en exploitation en 2019 au Québec
étaient à l’origine des émissions directes de 3,3  Mt éq. CO28 . Les émissions indirectes associées sont donc
d’environ 0,22 Mt éq. CO2.

4.3.4 Quelles stratégies de circularité pour le secteur ?


4.3.4.1 Stratégies déjà en place
Tel que discuté précédemment, de nombreuses stratégies ont déjà été mises en place dans ce secteur pour
réduire les émissions de GES associées à l’utilisation du béton. Plusieurs d’entre elles peuvent déjà être consi­
dérées comme des stratégies dites « circulaires ».

L’utilisation de matériaux secondaires dans la production du béton est un exemple de stratégies déjà en place.
Ces matériaux peuvent être des co-produits d’autres industries, comme par exemple les laitiers sidérurgiques
ou les cendres volantes utilisées en remplacement du ciment comme ajouts cimentaires, ou des résidus en

8
Les émissions pour Ciment McInnis, CRH Canada, Ciment Québec et Lafarge Canada, les quatre plus gros émetteurs, viennent du Registre des émissions de gaz à effet
de serre du Québec pour 2019 (http://www.environnement.gouv.qc.ca/changements/ges/registre/index.htm), alors que celles de Lehigh Hanson Materials sont celles
déclarées au Québec pour 2018 dans le Programme de déclaration des gaz à effet de serre de ECCC (https://www.canada.ca/fr/environnement-changement-climatique/
services/changements-climatiques/emissions-gaz-effet-serre/declaration-installations/donnees.html) et n’incluent pas la production du clinker (qui a lieu depuis la fin
de 2018 en Ontario).

• 40 •
fin de vie, comme l’utilisation de déchets de CRD (construction, rénovation et démolition) comme granulats.
Lafarge Canada propose par exemple une gamme de béton nommée EcoPact, qui est conçue pour offrir une
performance similaire à des bétons traditionnels mais avec des émissions de CO2 réduites de 30 à 70 % (Lafarge
Canada, 2020). Ces réductions sont obtenues grâce à une combinaison de plusieurs stratégies, dont l’utilisation
d’une proportion plus élevée d’ajouts cimentaires et de granulats de béton recyclés.

En allant à l’extrême dans le remplacement du ciment, c’est-à-dire son élimination complète dans la fabrication
du béton, la compagnie CarbiCrete a développé un processus de carbonatation activée permettant la fabrication
de produits en béton préfabriqué à base de scories d’acier (un sous-produit de la fabrication de l’acier) et de CO2,
qui est alors stocké durablement dans le produit (CarbiCrete, 2020). Cette technologie est en développement et
un programme de démonstration va voir le jour à Drummondville.

Compte tenu de la grande contribution du ciment dans l’empreinte carbone du béton, une réduction de l’empreinte
carbone du béton passe indéniablement par une réduction de celle du ciment, lorsqu’il ne peut pas être remplacé.
L’optimisation énergétique des procédés de production du ciment, visant à la fois à en augmenter l’efficacité
énergétique et à en récupérer la chaleur résiduelle, est une première stratégie déjà bien en place dans cette
industrie. Les gains potentiels supplémentaires sont donc moins significatifs, mais peuvent varier d’une usine
à l’autre, selon l’ancienneté des installations et les gains déjà réalisés. Ciment Québec mentionne par exemple
que son procédé appelé Synergia requiert, par rapport à la moyenne de l’industrie cimentaire du Québec, 30 %
moins d’énergie combustible lors de la fabrication de ciment et génère ainsi jusqu’à 10 % moins d’émissions de
GES. Cette amélioration est obtenue entre autres par une amélioration du procédé (un four rotatif plus court) et
une récupération de la chaleur résiduelle à plusieurs étapes pour préchauffer le cru en amont du four (Ciment
Québec, 2020). Une tour de préchauffage est par ailleurs aussi utilisée à la cimenterie de Ciment McInnis.

L’utilisation de combustibles alternatifs, issus de matières résiduelles, est une stratégie de circularité déjà couramment
implémentée pour réduire les émissions de GES associées à la production de ciment. Ces combustibles alternatifs
viennent remplacer les combustibles fossiles traditionnels comme le charbon ou le coke de pétrole (Association
Canadienne du Ciment, 2020a). Ils peuvent être très variés, allant des huiles usées à des bardeaux d’asphalte ou
des déchets agricoles. Ciment Québec possède par exemple des installations consacrées à sa cimenterie de Saint-
Basile pour réceptionner, conditionner et doser les matières résiduelles utilisées en valorisation énergétique dans
ses opérations, permettant de valoriser plus de 50 000 tonnes de matières résiduelles par année (Ciment Québec,
2020). La cimenterie CRH (Ciment Ash Grove) à Joliette comble quant à elle 30 % de ses besoins en combustibles
par des combustibles alternatifs, en faisant affaire avec un centre de valorisation des matières résiduelles voisin
pour leur traitement avant combustion (Ciment Ash Grove, 2020).

La capture et la valorisation du CO2 en sortie du four est aussi une stratégie de circularité explorée au Québec. CRH
a ainsi travaillé avec le CTTÉI pour évaluer la faisabilité de capter une partie des émissions de CO2 de sa cimenterie
grâce aux poussières de four, qui sont un résidu de la production de ciment (Ciment Ash Grove, 2020). En Gaspésie,
la cimenterie de Ciment McInnis travaille elle aussi de concertation avec le Pôle des technologies propres de la
Gaspésie pour étudier le potentiel de captage et d’utilisation du CO2 qu’elle émet (Écotech Québec, 2020).

4.3.4.2 Étude des synergies industrielles pour le secteur


Parmi les nombreuses stratégies de circularité pouvant être mises en place, un accent a été mis pour ce secteur
sur l’étude des stratégies d’écologies industrielles, en particulier celles de synergies entre différents secteurs ou
de valorisation de matières résiduelles.

Une revue de la littérature a été effectuée pour répertorier au Québec et à l’international les synergies existantes
ou étudiées aux étapes de production du clinker, du ciment et du béton. Elles ont été classées selon les principaux
intrants et extrants du cycle de vie du béton, tel que présenté à la Figure 4-17, et sont détaillées dans l’annexe A.

• 41 •
FIGURE 4-17 • SCHÉMA SIMPLIFIÉ DES INTRANTS ET EXTRANTS POUR LA PRODUCTION
DE CLINKER, DE CIMENT ET DE BÉTON

CO2 I
SO2 NOx PM
Chaleur Eaux usées G

Poussière de four de ciment F

Clinker Ciment Béton H


Production Production Production
de clinker de ciment de béton

Calcaire C Gypse Sable


Argile, sable, shiste
E
D Ajouts cimentaires Gravier
Combustibles fossiles
Électricité Eau
A Combustibles alternatifs Ajouts cimentaires*
Adjuvants chimiques
B Matières premières alternatives

Un atelier de travail avec des représentants de l’industrie du ciment et du béton et des acteurs académiques
du secteur a été tenu le 14 mai 2020 par vidéoconférence. Les participants ont eu l’occasion de partager leurs
perspectives et expériences sur différentes synergies industrielles liées à leur secteur d’activité. Les forces, les
faiblesses, les opportunités et les risques liés à ces synergies et à leur mise en œuvre au Québec ont ainsi été
déterminés. Cet atelier se basait sur le travail de revue des synergies présenté dans l’annexe A. Les principaux
apprentissages de la revue et des ateliers sont présentés ci-dessous.

Synergies pour les intrants de la production de clinker, ciment ou béton

A. Combustibles alternatifs
De nombreux combustibles alternatifs sont déjà utilisés dans la production de ciment, mais leur proportion
pourrait être augmentée.  Les solutions de rechange sont multiples et peuvent provenir de très nombreuses
sources, allant de déchets organiques à des huiles usées. Dans tous les cas, les principaux critères de performance
dans le choix de ces combustibles sont leur pouvoir calorifique élevé, leur faible taux d’humidité et l’absence de
contaminants (halogènes, soufre, etc.).

Le potentiel de cette synergie est important, mais de nombreuses contraintes y sont liées. La réglementation
visant à éviter la libération de plusieurs contaminants limite l’utilisation de nombreux combustibles alternatifs
qui doivent être certifiés avant de pouvoir être utilisés. La compétition pour ces ressources et la stabilité
d’approvisionnement sont aussi des enjeux, ainsi que le transport jusqu’à la cimenterie (qui peut augmenter
les coûts significativement). Une des limitations à l’utilisation de combustibles alternatifs est l’effet sur la
consommation énergétique de la cimenterie. En effet, ceux-ci ayant généralement un plus faible pouvoir
calorifique que les combustibles fossiles qu’ils remplacent, ils entraînent une légère augmentation de la demande
spécifique d’énergie thermique pour la production du clinker (IEA, 2018).

• 42 •
B. Matières premières alternatives
Les matières premières alternatives viendront se substituer au calcaire ou aux autres matières premières
utilisées pour la production du clinker (argile, sable, etc.). Elles doivent donc fournir les mêmes éléments que
ceux des matières qu’elles remplacent, comme la chaux vive (CaO), la silice (SiO2), l’alumine (Al2O3) ou l’oxyde
de fer (Fe2O3). Plusieurs sources sont possibles pour ces matières, comme les mines (résidus miniers riches en
aluminosilicates), les procédés métallurgiques (boues rouges issues des alumineries ou scories des aciéries), les
activités d’extraction de calcaire (particules fines de carrières, etc.) ou des résidus (béton micronisé issu de CRD,
résidus alimentaires ou de pêche).

Le potentiel de cette synergie est important, et le tonnage traité est élevé. De nombreuses contraintes y sont
néanmoins liées, notamment le transport des matières si les gisements sont éloignés des cimenteries et une
instabilité potentielle des fournisseurs, surtout si les volumes utilisés sont faibles. Le processus de certification
des matières est aussi un frein potentiel à l’emploi de nouvelles matières.

C. Additifs au clinker
Du gypse est mélangé au clinker lors de la production de ciment, où il agit comme retardateur de prise. À la
place du gypse naturel, du gypse recyclé issu des CRD ou du gypse synthétique produit lors de la désulfuration
de gaz de combustion (issus d’une centrale thermique ou d’un procédé métallurgique) peuvent être utilisés.
La principale contrainte est leur conditionnement et leur traitement pour respecter la qualité du ciment.

D. Ajouts cimentaires 
Les ajouts cimentaires sont déjà une pratique courante dans l’industrie, principalement par l’ajout de cendres
volantes, de fumées de silice ou de scories d’aciérie. Les deux premières matières sont cependant à risque de
pénurie dans le futur, et d’autres solutions doivent être envisagées. Il est cependant important de s’assurer de
la qualité des matières utilisées, car elles affecteront directement les propriétés du produit final. L’utilisation de
matières non certifiées présente donc d’importants risques. La poudre de verre, les cendres de pâtes et papier
ou les briques de CRD sont des solutions actuellement testées. Le développement de filières locales permettrait
une plus grande autonomie et une plus grande sécurité d’approvisionnement pour ces ajouts.

E. Granulats alternatifs
La sable et le gravier constituent la grande majorité des intrants massiques dans la production de béton. Les
remplacer implique donc de trouver des gisements assez importants, disposant de performances similaires
en termes de résistance mécanique, d’homogénéité et de granulométrie. Leur utilisation constitue encore un
marché de niche mais est amenée à se développer dans le futur, sous la contrainte de pénurie de sable ou de
pierre facilement disponibles. Les coûts sont néanmoins un enjeu, car ceux des granulats traditionnels sont
encore souvent plus faibles que ceux de leurs remplaçants.

Les résidus de béton issus de CRD présentent une solution de rechange intéressante en raison de leur grand
volume, mais ils sont actuellement plutôt valorisés comme matériaux de remblais. Les résidus miniers seraient
une option disponible dans d’importants volumes, mais ils sont souvent situés loin des lieux de production du
béton et leur transport est difficilement viable économiquement. Les scories sidérurgiques, les sédiments de
dragage ou les sables de fonderie usées sont d’autres pistes utilisées à petite échelle ou à explorer.

Synergies pour les extrants de la production de clinker, de ciment ou de béton

F. Poussières de fours à clinker ou ciment déclassés


En sortie des activités, les poussières de four ou les ciments déclassés peuvent être valorisés dans d’autres
secteurs, par exemple comme amendements agricoles. Ces extrants sont néanmoins souvent valorisés à
l’interne, car ils sont réintroduits dans la fabrication du clinker.

• 43 •
G. Boues de lavage des bétonnières
Les boues de lavage des bétonnières sont valorisables comme amendement calcique en agriculture. La norme
BNQ 0419-090 encadre leur utilisation. Le principal enjeu est le ratio coûts/bénéfices lié au traitement de la
matière pour la rendre sèche et obtenir la bonne granulométrie.

H. Résidus de béton
Les résidus de béton proviennent des bétonnières ou de la fabrication de produits préfabriqués. Ils sont
utilisables comme granulats dans la production de béton, ou sous forme de matériau de remblai. Cette seconde
option, plus économique, est souvent celle qui est favorisée.

I. Séquestration et valorisation du CO2


La séquestration du CO2 (et sa valorisation) est une stratégie essentielle dans la réduction de l’empreinte carbone
du ciment et du béton. Cette synergie est traitée plus en détail dans la section 4.5.

4.3.4.3 Autres stratégies possibles


Outre les stratégies d’écologie industrielle, trois autres grandes catégories de stratégies ont été considérées
dans cette étude de cas.

Optimisation des opérations


Plusieurs améliorations technologiques, en particulier en lien avec l’optimisation de la consommation énergétique,
peuvent être mises en place dans les cimenteries. Elles sont néanmoins souvent déjà bien implémentées par
l’industrie, étant celles qui sont les plus évidentes et directement liées aux coûts d’opération.

L’utilisation accrue de ciment Portland au calcaire est aussi une stratégie envisageable, qui est une forme
d’écoconception. En modifiant les ingrédients nécessaires et en utilisant directement plus de calcaire sans
passer par sa calcination en clinker, l’utilisation des ressources est optimisée. À court terme, elle présente une
opportunité intéressante de réduction des émissions de GES pour le secteur, car ce type de ciment réduit jusqu’à
10 % les émissions de GES de la fabrication de béton comparé à du ciment traditionnel. Il est estimé que des
émissions de GES de près de 1 Mt éq. CO2 pourrait être évitées si du ciment Portland au calcaire remplaçait tout
le ciment consommé au Canada (Drolet, 2021).

Valorisation en fin de vie


Tel qu’illustré dans l’AFM, une portion du béton en fin de vie est déjà recyclée dans la production de béton sous
forme de granulats, mais elle est très faible. Cette boucle n’est donc pas exploitée à sa pleine capacité, et l’accès
au stock urbain « dormant », par le biais d’une stratégie d’exploitation des « mines urbaines » pourrait augmenter
significativement les gisements disponibles.

Action sur la demande


La demande de béton est le principal moteur de la production de ciment au Québec. Une réduction de celle-ci
pourrait donc agir directement sur les quantités de ciment produites, et donc sur les émissions de GES associées.
Cette diminution de la production de béton peut passer par plusieurs stratégies, comme l’écoconception des
bâtiments (réduction du surdimensionnement ou meilleur design), l’élimination des déchets de construction
(par exemple par l’utilisation d’éléments préfabriqués), l’économie collaborative (partage de bâtiments) ou
la réhabilitation (pour prolonger la durée de vie des infrastructures plutôt que d’en construire des neuves)
(Ellen MacArthur Foundation, 2019).

• 44 •
4.3.4.4 Stratégies sélectionnées
L’impact sur les émissions directes ou indirectes de GES est étudié à la section 4.3.5 pour cinq stratégies :

1. La réduction des pertes de chaleur à la cimenterie (optimisation des opérations)


2. L’utilisation de résidus de biomasse comme combustible alternatif (écologie industrielle)
3. Le remplacement de l’argile ou du calcaire dans la production de clinker par du béton micronisé
(écologie industrielle et fin de vie)
4. Le remplacement des granulats dans la production de béton par du béton concassé (fin de vie)
5. La réduction de la production de béton due à des surspécifications lors de la conception (action sur
la demande)

4.3.5 Quels gains potentiels de réduction des émissions de GES ?


4.3.5.1 Amélioration de l’efficacité énergétique à la cimenterie (optimisation des opérations)
La production de ciment est un procédé énergivore, car la calcination du calcaire nécessite une température
d’environ 1 500 °C. La performance énergétique d’une cimenterie dépend des équipements utilisés et de ses
opérations, mais entre 3 GJ et 4 GJ de chaleur sont nécessaires par tonne de clinker (Åhman et al., 2012).

L’industrie du ciment a diminué sa consommation d’énergie de manière importante depuis deux ou trois
décennies, de sorte qu’une grande partie des gains potentiels ont déjà été obtenus. Il semble néanmoins que
la performance ne soit pas uniforme entre les différentes cimenteries du Québec, celle de Ciment Québec à
Saint-Basile mentionnant par exemple que son procédé Synergia requiert 30 % moins d’énergie combustible
par rapport à la moyenne de l’industrie cimentaire du Québec (Ciment Québec, 2020) et la cimenterie McInnis
à Port-Daniel–Gascons déclare un gain de 40 % par rapport aux autres cimenteries (Écotech Québec, 2020).
Des gains seraient donc encore possibles dans plusieurs usines.

La récupération de la chaleur fatale est une stratégie possible à cet effet. Elle permettrait de diminuer la demande
de combustibles, et donc de réduire les émissions de GES associées à leur utilisation. Le préchauffage du four
à partir de la chaleur récupérée dans la cheminée apporte des économies intéressantes, mais de nombreuses
cimenteries utilisent déjà ce procédé. Les possibilités de gains semblent donc limitées, mais une analyse plus
poussée de chaque cimenterie au Québec serait nécessaire pour confirmer les possibilités. Selon une estimation
optimiste, 30 % des besoins énergétiques de la production du ciment à l’échelle du Québec pourraient être réduits
par cette stratégie, ce qui correspond à une hypothèse forte où toutes les cimenteries atteignent la performance
revendiquée par les cimenteries les plus modernes. Cette amélioration semble le maximum atteignable et vise à
illustrer les effets sur l’empreinte carbone du béton si une telle stratégie était réellement possible.

Comme seulement 35 % des émissions directes de la production de ciment sont associées aux combustibles
utilisés (et donc à l’énergie nécessaire pour le procédé), une réduction de 30 % des besoins énergétiques ne
signifie pas une réduction de l’empreinte carbone totale du ciment de 30 %. Compte tenu des émissions directes
et indirectes présentées à la section 4.3.3, cette stratégie offrirait plutôt un potentiel de réduction de 10 % de
l’empreinte carbone du ciment produit au Québec. Appliqué aux 3,3 Mt éq. CO2 émises directement et aux
0,22 Mt éq. CO2 émises indirectement par les cimenteries au Québec en 2019, cela conduirait à une réduction de
0,35 Mt éq. CO2 (-10 %) des émissions directes et de 0,04 Mt éq. CO2 (-18 %) des émissions indirectes du secteur.

4.3.5.2 Utilisation de résidus de biomasse comme combustible alternatif (écologie industrielle)


À l’échelle mondiale, en 2014, 94 % des besoins thermiques des cimenteries étaient issus de combustibles
fossiles. Mais les scénarios prospectifs de décarbonisation de cette industrie prévoient une réduction de cette
proportion à 67-70 % d’ici 2050, et une part croissante des déchets et de la biomasse comme combustibles
alternatifs (IEA, 2018). L’utilisation de combustibles alternatifs est une stratégie déjà bien implémentée par

• 45 •
les cimenteries québécoises. Le taux global de substitution atteint de 25 % à 30 % au Québec, comblant une
proportion similaire des besoins en énergie (Pinel, 2015). Les solutions de rechange utilisées sont la plupart du
temps des déchets qui sont complexes à traiter ou à recycler et dont la valorisation énergétique est une voie
privilégiée (huiles usées, pneus usés, etc.). Parmi les combustibles alternatifs moins développés, les résidus de
biomasse présentent une avenue intéressante et sont analysés ici, même si d’autres combustibles alternatifs
comme les plastiques non recyclables présentent aussi un grand intérêt pour le secteur (en raison de leur
abondance dans les sites d’enfouissement et de leur potentiel calorifique élevé).

Près de 3,9 Mtma (mégatonne métrique anhydre) de biomasse forestière résiduelle (c’est à dire de résidus de
la récolte de bois par l’industrie forestière) étaient disponibles pour valorisation en 2013, excluant les volumes
à laisser sur place pour maintenir la fertilité des sols et protéger la biodiversité (Lemieux et al., 2013). Outre
la biomasse forestière résiduelle, de la biomasse agricole ou issue des entreprises agroalimentaires est aussi
disponible en quantités importantes (respectivement 1,8 Mtma/an et 1,2 Mtma/an en 2011 (Hydro-Québec,
2014). Le pouvoir calorifique de ces biomasses dépend du type : elle est d’environ 20 MJ/kg pour la biomasse
forestière et de 14-19 MJ/kg pour les deux autres types (Clarke & Preto, 2011). Le besoin thermique pour la
production de clinker au Québec étant situé autour de 14 PJ, les ressources de biomasse résiduelles disponibles
sont largement suffisantes d’un point de vue du contenu énergétique (respectivement au moins 78 PJ, 25 PJ et
17 PJ pour les biomasses forestières, agricoles et agroalimentaires selon les données présentées ci-dessus). La
substitution totale n’est néanmoins pas techniquement possible, un pouvoir calorifique d’au moins 20-22 MJ/kg
étant nécessaire au bon fonctionnement du four de calcination (IEA, 2018) et le niveau élevé d’humidité pouvant
être un frein à l’utilisation de ce type de ressources. Des taux de substitution globaux d’environ 20 % par de
la biomasse sont recommandés pour conserver une calcination stable et obtenir un clinker de bonne qualité
(Mikulčić et al., 2016), même si des valeurs plus élevées sont possibles à certaines étapes du processus (jusqu’à
60 % pour la précalcination, par exemple (IEA, 2018). Les cimenteries seront aussi en compétition avec d’autres
acteurs pour l’utilisation de ces résidus. De plus, les résidus ne sont pas toujours disponibles et proches des
cimenteries ou dans des zones facilement accessibles, leur transport étant un frein majeur à leur utilisation, en
termes à la fois de coûts mais aussi d’émissions de GES supplémentaires pour cet approvisionnement.

La cimenterie McInnis prévoyait lors de sa conception de combler environ 30 % de ses besoins en énergie par
de la biomasse forestière, brûlant ainsi environ 100 000 tonnes de biomasse par année en remplacement de
coke de pétrole. Bien que la cimenterie soit déjà en exploitation, ce combustible est encore à la phase d’étude de
faisabilité et ne devrait pas se concrétiser avant quelques années, preuve de la complexité de mettre réellement
en place cette stratégie (Écotech Québec, 2020).

Pour cette stratégie, une hypothèse de remplacement de 30 % de combustibles fossiles par de la biomasse
résiduelle a été utilisée pour les calculs, en plus de sources alternatives déjà utilisées. Elle correspondrait à une
situation idéale en termes de disponibilité de la biomasse à proximité de la cimenterie et de faisabilité technique.
Il est supposé que cette substitution de combustibles n’affecte pas le reste du procédé.

Compte tenu des émissions directes et indirectes présentées à la section 4.3.3, cette stratégie offrirait un
potentiel de réduction de 11 % de l’empreinte carbone du ciment produit au Québec. Appliqué aux 3,3 Mt éq.
CO2 émises directement et aux 0,22 Mt éq. CO2 émises indirectement par les cimenteries au Québec en 2019,
cela conduirait à une réduction de 0,36 Mt éq. CO2 (–11 %) des émissions directes et de 0,03 Mt éq. CO2 (–13 %)
des émissions indirectes du secteur.

Une autre option de combustibles alternatifs à exploiter serait les boues papetières ou municipales (ces dernières
sont déjà partiellement utilisées, par exemple par Ciment Ash Grove). Elle n’a pas été analysée en détail, mais
les gains en termes d’émissions de GES seraient similaires à ceux de l’utilisation de la biomasse résiduelle, les
gisements disponibles semblant suffire pour combler les besoins énergétiques actuels.

• 46 •
4.3.5.3 R
 emplacement de l’argile ou du calcaire dans la production de clinker par du béton
micronisé (écologie industrielle et fin de vie)
Parmi les stratégies permettant la valorisation du béton en fin de vie, son utilisation en remplacement de l’argile
et du calcaire dans la production de clinker est testée ici. Elle correspond à la fois à une stratégie d’écologie
industrielle (valorisation de résidus de construction comme intrant de la production de ciment) et à une stratégie
de fin de vie (boucle de circularité dans le cycle de vie du béton).

Le béton issu de déchets de construction et de démolition présente une composition chimique similaire à celle
des intrants utilisés traditionnellement dans la production de clinker (Galbenis & Tsimas, 2006 ; Mikulčić et al.,
2016). Il est donc supposé pour cette stratégie que 10 % des intrants de la production de clinker pourraient
être remplacés par du béton recyclé, diminuant ainsi de 5 % le besoin énergétique de la production du clinker
et de 5 % les émissions dues au procédé (car le béton recyclé est déjà partiellement décarboné). En l’absence
de données fiables, les émissions liées à la micronisation du béton sont considérées comme négligeables.
Elles devraient être faibles si un procédé électrique est utilisé, en raison de la faible empreinte carbone du mix
électrique québécois.

La Figure 4-18 illustre le potentiel de réduction des émissions de GES associé à la mise en place de cette stratégie
au Québec. Appliqué aux 3,3 Mt éq. CO2 émises directement et aux 0,22 Mt éq. CO2 émises indirectement par
les cimenteries au Québec en 2019, cela conduirait à une réduction de 0,19 Mt éq. CO2 (–6 %) des émissions
directes et de 0,01 Mt éq. CO2 (–2 %) des émissions indirectes du secteur, pour un potentiel de réduction de 6 %
de l’empreinte carbone du ciment produit au Québec.

FIGURE 4-18 • POTENTIEL DE RÉDUCTION DES ÉMISSIONS DE GES DES CIMENTERIES PAR LA
MISE EN PLACE DE STRATÉGIES DE CIRCULARITÉ LIÉES AUX COMBUSTIBLES
OU À DES MATIÈRES PREMIÈRES ALTERNATIVES
3,0

2,5

Émissions indirectes liées


aux matières premières
2,0 Émissions indirectes liées
aux combustibles
Mt éq. CO2 /an

Émissions directes

1,5

1,0

0,5

0,0
Actuel Efficacité Biomasse Béton recyclé
énergétique

• 47 •
4.3.5.4 R
 emplacement des granulats ou du ciment dans la production de béton par du béton
recyclé (fin de vie)
La valorisation de résidus de béton dans la production de nouveaux bétons est déjà une pratique en cours,
mais elle pourrait être développée à plus grande échelle. Lafarge Canada propose par exemple l’intégration de
résidus de béton comme une option pour réduire les émissions de GES dans un produit appelé EcoPact (Lafarge
Canada, 2020). Selon un rapport de la Fondation Ellen MacArthur, l’utilisation de granulats recyclés peut générer
de 40 % à 70 % moins d’émissions de GES en comparaison de l’utilisation de granulats vierges (Ellen MacArthur
Foundation, 2019). Néanmoins, ces chiffres ne considèrent que l’empreinte carbone des granulats. Or, ils ne
représentent qu’une faible proportion (entre 6 % et 10 %) de l’empreinte carbone totale du béton prêt à l’emploi
(voir la Figure 4-15). Les gains potentiels sont donc limités, mais non négligeables à cause des volumes élevés de
béton produit annuellement au Québec.

En plus de remplacer les granulats, le béton recyclé pourrait aussi potentiellement remplacer une portion de
ciment. Shima et al. (2005) proposent par exemple une technologie permettant de séparer, en chauffant les
résidus de béton, la pâte de ciment des granulats. Cela permettrait ensuite, après broyage, d’utiliser la poudre
de mortier obtenue en remplacement partiel de ciment vierge (jusqu’à 10 % de substitution) et les granulats
recyclés en remplacement de sable et gravier.

Deux scénarios de substitution d’intrants de la fabrication de béton prêt à l’emploi par du béton recyclé ont
été considérés pour cette stratégie. Dans le scénario A, 30 % du sable et 50 % du gravier sont remplacés par
des résidus de béton, alors que dans le scénario B, 30 % du sable, 100 % du gravier et 10 % du ciment est
substitué. Dans les deux cas, des émissions supplémentaires associées au procédé de recyclage des granulats
sont considérées.

La comparaison de ces deux scénarios à un béton prêt à l’emploi moyen produit au Québec est présentée
à la Figure 4-19. Les réductions potentielles des émissions de GES par mètre cube de béton produit sont
respectivement de 3 % et de 12 % pour les scénarios A et B. Appliquées aux 4,5 Mm3 de béton prêt à l’emploi
produits annuellement au Québec, les réductions potentielles seraient de l’ordre de 0,04 à 0,16 Mt éq. CO2 par
an, ces émissions étant indirectes à la production de béton et ayant principalement lieu au Québec (extraction
de sable et de gravier et production de ciment).

Pour cette analyse, aucune limitation technique au réemploi de béton recyclé comme granulats n’est considérée,
mais il en existe de nombreuses. Il serait nécessaire de les analyser plus en détail pour valider la réelle faisabilité
de la mise en œuvre de cette stratégie. Les principaux obstacles à l’utilisation de particules ou de granulats de
béton recyclé sont leur forte absorption d’eau qui peut négativement influencer la maniabilité du béton frais et
les impuretés indésirables présentes dans les résidus, qui pourraient dégrader les propriétés mécaniques du
béton (Pavlů, 2018). Le remplacement de granulats naturels par des granulats recyclés pourrait aussi conduire
à une augmentation de le la proportion de ciment dans la recette du béton, pour en maintenir des propriétés
similaires (Pavlů, 2018). Le gain du scénario A serait alors diminué ou même inversé par l’augmentation des
impacts associés au ciment dans la production de béton. Les gains potentiels associés à l’utilisation de granulats
recyclés sont aussi sensibles à la distance de livraison du matériau de substitution (Turk et al., 2015).

Globalement, l’utilisation du béton recyclé comme sous-fondation (la principale stratégie en œuvre actuellement
pour ce résidu) semble moins contraignante.

• 48 •
FIGURE 4-19 • POTENTIEL DE RÉDUCTION DES ÉMISSIONS DE GES DANS LE SECTEUR
DU BÉTON PAR LA MISE EN PLACE DE STRATÉGIES DE CIRCULARITÉ
LORS DE LA PRODUCTION DU BÉTON PRÊT À L’EMPLOI
1,4

1,2

1,0
Béton recyclé

Autres
Mt éq. CO2 /an

0,8
Sable

Gravier
0,6
Ciment

0,4

0,2

0,0
Actuel Stratégie A. Stratégie B.
30 % sable 30 % sable
50 % gravier 100 % gravier
10 % ciment

4.3.5.5 R
 éduction de la production de béton due à des surspécifications lors de la conception
(action sur la demande)
Une dernière stratégie de circularité a été testée, qui agit directement sur la demande de béton et indirectement
sur la demande de ciment. Une des pistes pour réduire cette demande est de mettre en œuvre une stratégie
de diminution de la surspécification du béton lors de son utilisation dans des bâtiments ou des infrastructures.
Cette surspécification peut être liée à plusieurs facteurs, comme l’uniformisation des dimensions ou types de
bétons pour faciliter la construction (réutilisation de mêmes coffrages, facilité d’approvisionnement, etc.), la
protection contre la corrosion inutile pour une utilisation intérieure ou une résistance surestimée inutilement.
Dans le cas des routes, la surestimation du trafic est aussi une source de surspécification. Il est ainsi estimé
qu’environ 20 % du béton utilisé pourrait être économisé en modifiant la façon dont les éléments sont spécifiés
à la conception (Shanks et al., 2019).

Cette réduction de la quantité de béton produit agit directement sur la quantité de ciment produite, la diminuant
d’un même facteur. Les réductions anticipées par cette stratégie sont donc de 20 % des émissions directes et
indirectes de l’industrie du béton prêt à l’emploi au Québec, soit 0,25 Mt éq. CO2. Il est supposé qu’elles ne
s’appliquent pas au ciment exporté en dehors de la province. La Figure 4-20 illustre le potentiel de réduction des
émissions de GES associé à la mise en place de cette stratégie au Québec.

• 49 •
FIGURE 4-20 • POTENTIEL DE RÉDUCTION DES ÉMISSIONS DE GES DANS LE SECTEUR DU BÉTON
PAR LA MISE EN PLACE DE STRATÉGIES DE CIRCULARITÉ LORS DE L’UTILISATION
DU BÉTON PRÊT À L’EMPLOI
2,0

1,8

1,6

1,4
Autres

1,2 Sable
Mt éq. CO2 /an

Gravier
1,0
Ciment
0,8

0,6

0,4

0,2

0,0
Scénario actuel Scénario circulaire

4.4 Étude de cas 3 : la chaîne de valeur de l’aluminium au Québec


4.4.1 Cycle de vie de l’aluminium au Québec
Au Québec, l’industrie de l’aluminium est responsable de 8 % des exportations de la province et de 24 500 emplois
directs (AAC, 2018). On compte 9 alumineries sur le territoire québécois, ainsi que 1 500  transformateurs et
recycleurs. Principalement située en région, notamment au Saguenay–Lac-Saint-Jean, l’industrie bénéficie d’une
hydroélectricité abondante, fiable et bon marché depuis plusieurs décennies. Le cycle de vie de la production
d’aluminium est montré à la Figure 4-21.

FIGURE 4-21 • CYCLE DE VIE DE L’ALUMINIUM

• 50 •
La première étape consiste en l’extraction de la bauxite, une roche sédimentaire composée principalement
d’oxyde d’aluminium, de silice, d’oxydes de fer et de dioxyde de titanium (The Aluminum Association, 2019).
Présente en région tropicale, la bauxite ne se trouve pas au Québec, ce qui fait en sorte que les alumineries
doivent importer cette matière première9.

La bauxite est ensuite raffinée à l’aide du procédé Bayer afin d’y isoler l’oxyde d’aluminium (Al2O3), aussi appelé
alumine. Les principales étapes de ce procédé sont le broyage, l’attaque, la décantation, la précipitation et la
calcination. Pour produire 1 948 kg d’alumine, soit la quantité nécessaire pour ultimement produire une tonne
d’aluminium, 4 352 kg de bauxite, 109 kg de soude caustique et 49 kg de chaux calcinée sont nécessaires alors
que près de 1 490  kg de résidus de bauxite (boues rouges) sont produits (IAI, 2017). Cette boue rouge, un
mélange alcalin et corrosif d’eau et d’oxyde de minéraux, est simplement stockée dans des sites d’enfouissement
privés réservés à cette fin. Une seule usine de raffinage est présente au Québec (exploitée par Rio Tinto à
Vaudreuil). Les autres alumineries québécoises importent leurs alumines.

L’étape suivante consiste à réduire l’alumine en aluminium à l’aide d’un procédé d’électrolyse nécessitant une
grande quantité d’électricité selon l’équation stœchiométrique suivante :

L’alumine est premièrement dissoute dans un bain d’électrolyte fluoré (Na3AlF6). On plonge ensuite des anodes
consommables dans ce mélange pour qu’un courant électrique relie la cathode aux anodes tout en réduisant
l’aluminium. La production d’une tonne d’aluminium nécessite 1 948 kg d’alumine, environ 14 800 kWh d’électricité
(y compris les étapes d’électrolyse, de production d’anodes et de coulée) et 423 kg d’anode (IAI, 2017). L’anode,
composée d’un mélange d’agrégats de coke de pétrole calcinés et d’un liant appelé brai (14-35 % massique), est
alors consommée et son carbone se lie à l’oxygène de l’aluminium pour produire du CO2.

L’aluminium n’est pratiquement jamais utilisé sous sa forme pure mais plutôt en alliage. L’ajout d’éléments
d’alliage tels que le cuivre, le manganèse, le silicium, le magnésium et le zinc permet de modifier les propriétés
mécaniques et chimiques du matériau selon ses besoins spécifiques. On compte deux familles d’alliages : les
alliages corroyés, où l’on applique des procédés de corroyage, laminage, poinçonnage, etc., et les alliages de
coulée qui sont transformés à l’aide de procédés de moulage.

Une fois allié puis transformé en sous-produits et en produits, l’aluminium est utilisé sous différentes formes.
À l’échelle mondiale, l’aluminium est presque également consommé par les secteurs du transport, de la
construction, des équipements industriels et des produits et emballages (Cullen & Allwood, 2013).

Une fois arrivés en fin de vie, les produits faits d’aluminium sont soit enfouis soit recyclés afin d’être réintroduits
dans la production de nouveaux produits.

4.4.2 Analyse de flux de matière de l’aluminium


Aucune analyse de flux de matière complète n’existe sur l’aluminium au Québec ou même au Canada, et la
réalisation de ce type d’analyse n’a pas été faite dans le cadre du présent projet. Une AFM à l’échelle mondiale
est publiée par l’International Aluminium Institute, mais ne présente une résolution qu’à l’échelle des grandes
régions de production (le Canada étant agrégé avec les États-Unis pour représenter la région Amérique du Nord)
(IAI, 2021). Une présentation des principaux flux liés à la production d’aluminium primaire est tout de même
réalisée dans cette section à partir d’informations publiques.

9
Un projet de production d’alumine à partir d’argile alumineuse (en substitution à la bauxite) a été envisagé en Gaspésie dans les années 2010, mais n’a jamais vu le jour
(https://www.lesaffaires.com/secteurs-d-activite/ressources-naturelles/exploration-orbite--de-l-aluminium-un-peu-plus-quebecois/516396).

• 51 •
Premièrement, la production annuelle totale des alumineries au Québec est de 2,9  millions de tonnes
d’aluminium (AAC, 2020 ; AluQuébec, 2020). À partir de cette valeur, il est possible d’extrapoler que les alumineries
québécoises ont le potentiel de consommer 1,17 Mt d’anode et 5,39 Mt d’alumine. Étant donné que la seule
usine de production d’alumine présente au Québec a une capacité annuelle de 1,5 Mt, plus de 3,5 Mt d’alumine
doivent être importées annuellement.

Le volet 1 de la présente étude (Pineau et al., 2019) a montré que les alumineries ont émis en 2016 un total
de 5,81 Mt éq. CO2, dont 89 % proviennent des émissions directes du procédé d’électrolyse qui transforme le
carbone contenu dans l’anode en CO2 .

Un autre indicateur souvent utilisé dans les AFM est celui du stock de matière par habitant. On estime qu’on
retrouve en moyenne 426 kg d’aluminium par habitant en Amérique du Nord en 2018 (IAI, 2020a). À l’échelle du
Québec, qui a 8,4 millions d’habitants, on obtient un stock total de 3,58 Mt d’aluminium. Une telle donnée permet
de mieux évaluer le gisement disponible pour le recyclage une fois que ce stock sera arrivé en fin de vie. Ce stock
serait principalement présent dans les secteurs du transport et de la construction, suivis de la machinerie et des
équipements, des biens de consommation et des équipements électriques (Chen, 2017).

4.4.3 Émissions directes et indirectes de GES pour le secteur de l’aluminium


L’empreinte carbone de l’aluminium est généralement dominée par les émissions associées à la production de
l’électricité consommée par l’aluminerie. En ce sens, il existe une grande variabilité de l’empreinte carbone entre
les pays à cause des différents mix électriques qui alimentent les alumineries (Paraskevas et al., 2016). Le cas des
alumineries québécoises est particulier, étant donné la très faible empreinte carbone de l’électricité québécoise
qui est très majoritairement produite à partir de l’hydroélectricité (environ 0,02  kg CO2/kWh au Québec
(Hydro-Québec, 2021). La Figure 4-22 illustre l’analyse de la contribution des différents intrants nécessaires à
la production d’aluminium au Québec avec une perspective de cycle de vie. On remarque que les principaux
impacts proviennent des émissions directes et de la production d’alumine. Les émissions liées à la production
de l’anode, au transport des matières premières et à l’électricité suivent ensuite. Enfin, la production de bauxite
a un impact minime en comparaison des autres étapes. Les étapes hachurées du graphique, soit le transport et
la production de bauxite, sont celles qui n’ont pas lieu sur le territoire québécois. En ce qui concerne l’alumine,
comme discuté plus tôt, une seule usine est en exploitation et environ 70 % de l’alumine doivent être importés,
ce qui signifie que ces émissions n’ont lieu que partiellement au Québec.

FIGURE 4-22 • ANALYSE DE LA CONTRIBUTION DES IMPACTS DE LA PRODUCTION D’ALUMINIUM


PRIMAIRE LIQUIDE AU QUÉBEC
5,0

4,5
Émissions directes
4,0
Électricité
3,5
Production anode
kg éq. CO2 /kg aluminium

3,0 Production alumine (Qc)

2,5 Production alumine (hors Qc)

2,0 Transport

Production bauxite
1,5
Note : Les étapes hachurées
1,0 sont celles qui n'ont
pas lieu au Québec
0,5

0,0

• 52 •
Ces émissions directes sont principalement dues aux émissions de CO2 produites par la consommation des
anodes. Les autres GES proviennent plutôt des émissions de gaz fluorés, dont les potentiels de réchauffement
climatique sont beaucoup plus élevés que le CO2. Quant aux impacts liés à la production d’alumine, ils proviennent
principalement de la combustion de combustibles fossiles qui servent à produire la chaleur nécessaire au procédé.

4.4.4 Quelles stratégies de circularité pour le secteur ?


4.4.4.1 Stratégies déjà en place
Les producteurs d’aluminium ont déjà intégré des pratiques circulaires dans leurs opérations de différentes
matières. En voici quelques exemples.

Les mégots d’anodes précuites devenus trop petits pour être utilisés dans la cellule d’électrolyse sont retirés
puis réintégrés dans la production de nouvelles anodes. De 15 % à 30 % du carbone nécessaire à la fabrication
d’anodes provient de mégots d’anodes (Fischer & Perruchoud, 1991).

Le fluor, un élément essentiel à l’équilibre chimique du bain, est également traité de manière circulaire dans
une aluminerie. Dans le but de limiter les émissions de gaz fluorés et de réduire les coûts d’achat du fluor, une
boucle de récupération du fluor au sein de l’usine a été développée dans les alumineries. Les gaz des cuves sont
collectés puis filtrés à travers l’alumine, qui sert de média filtrant, afin de capter les fluors dans les gaz. L’alumine,
chargée en fluor, est ensuite envoyée dans les cuves pour produire de l’aluminium.

Les écumes d’aluminium, produites à la surface des cellules d’électrolyse, sont un autre exemple de résidus
valorisés. Elles sont recueillies et traitées afin d’être réintroduites dans la fabrication d’aluminium et d’éviter les
pertes d’aluminium dans les procédés.

Plus récemment, un partenariat entre Rio Tinto, Geocyle Canada et Lafarge Canada a permis la mise au point d’un
système pour valoriser un des sous-produits du traitement des brasques des alumineries. Les brasques sont
les résidus accumulés provenant du revêtement des cellules d’électrolyse. Un sous-produit de leur traitement
est traité pour être introduit dans la production de ciment (Rio Tinto, 2020). Cette percée permet de réduire la
quantité de brasque enfouie.

De manière plus systémique, il existe d’autres initiatives circulaires sur le matériau aluminium telles que la
consigne sur les canettes d’aluminium qui vise un taux de retour supérieur à 75 % ou simplement la collecte
sélective qui permet de récupérer l’aluminium utilisé dans les ménages québécois. Des systèmes de valorisation
des véhicules hors d’usage, des déchets de construction, de démolition et de rénovation ou des biens hors
d’usage sont également présents au Québec et permettent de récupérer et de recycler l’aluminium dans les
produits en fin de vie.

4.4.4.2 Étude des synergies industrielles pour le secteur


Parmi les nombreuses stratégies de circularité pouvant être mises en place, un accent a été mis pour ce secteur
sur l’étude des stratégies d’écologie industrielle, en particulier celles de synergies entre différents secteurs ou de
valorisation de matières résiduelles ou de sous-produits.

En premier lieu, la liste des intrants nécessaires et des extrants générés a été définie pour l’ensemble des étapes
de production de l’aluminium primaire au Québec (voir la Figure 4-23). Ensuite, une revue de la littérature a été
effectuée pour répertorier au Québec et à l’international les synergies existantes ou étudiées aux étapes de
production de l’alumine ou de l’aluminium. Le Tableau 4-4 présente les principales initiatives à l’international
alors que l’Annexe B résume les pistes proposées pour le contexte québécois.

• 53 •
FIGURE 4-23 • SCHÉMA SIMPLIFIÉ DES INTRANTS ET EXTRANTS POUR LA PRODUCTION
D’ALUMINIUM (ECCC, 2020)

CaSO4 I A
Activités primaires
Bauxite,
Activités d’appoint CaO, NaOH
H
Combustible
CaF2, H2SO4
Usine de
production Boue
C d’alumine B rouge

C Coke calciné E
Cryolite
Alumine
Coke de Brai de AIF3, etc.
pétrole goudron
G

Écume
Calcination du Fabrique d’anodes Résidu C Usine de réduction
Na2SO4 J Écume
D coke vert précuites Résidu F de l’alumine des écumes
F
Aluminerie

Combustible Fonte,
Réfractaires Centre de
Centrales
réfection
hydroélectriques
E des cuves

J Brasque

TABLEAU 4-4 • EXEMPLES DE SYNERGIES INDUSTRIELLES RECENSÉES DANS LA LITTÉRATURE POUR LE SECTEUR DE
L’ALUMINIUM

# Synergies Figure 4-23

1 Remplacement de bauxite par des cendres volantes (combustion du charbon). A

2 Réutilisation des boues rouges dans l’industrie du ciment.

3 Réutilisation de scandium extrait des boues rouges pour diverses applications. B

4 Transformation des boues rouges en zéolites LTA.

5 Utilisation d’écume dans la production d’aluminium primaire.

6 Utilisation d’écumes des écumes pour le stockage thermique.

7 Utilisation des sels d’écumes des écumes pour le recyclage des écumes. J

8 Utilisation des sels d’écumes des écumes pour déglacer les routes.

9 Utilisation des sels d’écumes des écumes pour la tannerie.

Tout comme l’étude de cas du béton, un atelier de travail avec des représentants de l’industrie de l’aluminium
et des acteurs académiques du secteur a été tenu le 15 mai 2020, par vidéoconférence. Les participants ont eu
l’occasion de partager leurs perspectives et leurs expériences sur différentes synergies industrielles liées à leur
secteur d’activité, et à identifier les forces, les faiblesses, les opportunités et les risques pour leur organisation
liés à ces synergies et à leur mise en œuvre au Québec. Cet atelier se basait sur le travail de revue des synergies
présenté à l’annexe B. Les principaux apprentissages de la revue et des ateliers sont présentés ci-dessous.

• 54 •
USINE DE PRODUCTION D’ALUMINE
A. Intrants
• Bauxite : Le procédé Bayer est conçu pour traiter la bauxite et limite considérablement l’utilisation de
sources alternatives d’alumines. Le remplacement de cet intrant n’est donc pas envisagé.

• NaOH et CaO : Rio Tinto Alcan valorise déjà du NaOH généré lors du traitement des brasques à l’interne
(voir J ci-dessous). Il y a donc une ouverture pour tester d’autres sources.

B. Extrants
• Boues rouges : Ce sous-produit généré en très grande quantité représente un des principaux enjeux
de l’industrie en raison de son pH très élevé. De nombreux débouchés sont explorés et, parmi ceux-ci, la
valorisation en cimenteries représenterait la meilleure solution. Par contre, outre la distance de transport,
le frein majeur à cette synergie est la teneur trop élevée en sodium (venant du NaOH utilisé en A).

• Alumines « déclassées » : L’alumine ne respectant pas les critères de qualité pour produire de
l’aluminium est vendu dans d’autres secteurs d’activité.

CALCINATION DU COKE VERT


C. Intrants
• Coke de pétrole et coke calciné : Rio Tinto Alcan est la seule à produire du coke vert calciné au Canada.
Elle ne comble pas ses propres besoins et doit donc en acheter. En soi, le coke de pétrole est un sous-
produit de l’industrie pétrolière et sa valorisation constitue déjà une synergie industrielle. Des solutions
de rechange sont considérées, tel le biochar, mais les spécifications recherchées sont difficiles à obtenir.

D. Extrants
• Na2SO4 (sulfate de sodium issu de la captation du soufre lors de la calcination) : Ce sous-produit
n’est plus généré et c’est plutôt du sulfate de calcium qui est formé. Ce dernier, qui contient aussi de la
chaux hydratée, est déjà valorisé à l’externe.

FABRIQUE D’ANODES PRÉCUITES


E. Intrants 
• Braie de goudron : Cet intrant est acheté à l’extérieur du Québec. Des solutions de rechange sont
étudiées, dont certains produits issus de la pyrolyse de matières diverses. Par contre, les propriétés
requises sont difficiles à obtenir.

• Résidus carbonés : Ces résidus proviennent des mégots d’anodes générés dans les cuves d’électrolyse
de l’usine de réduction de l’alumine (voir J ci-dessous). Ces mégots sont traités pour séparer les résidus
fluorés du carbone encore utilisable. Il s’agit donc d’une boucle de valorisation d’un sous-produit généré
à l’interne et implantée depuis longtemps.

F. Extrants 
• Résidus fluorés : Ces résidus issus du traitement des mégots d’anodes sont retournés dans les cuves
d’électrolyse de l’usine de réduction de l’alumine. Ils participent à la boucle de valorisation mentionnée
précédemment.

• Anodes « déclassées » : Elles sont retournées comme intrants (E) à la fabrique d’anodes.

• 55 •
USINE DE PRODUCTION DE HF (seulement chez Rio Tinto Alcan ; pour fabriquer AlF3) :
H. Intrants
• CaF2 : Le fluorure de calcium utilisé est de grade minier. Celui généré par le traitement des brasques
(voir J ci-dessous) est présentement étudié pour valorisation à l’interne.

I. Extrants
• Anhydrite (CaSO4) : Ce sous-produit serait complètement valorisé à titre d’amendements agricoles,
de retardateur de prise du ciment, de précurseur de plâtre de Paris et dans des formulations de béton
auto-nivelant.

USINE DE RÉDUCTION D’ALUMINES


G. Intrants
• Cryolite (Na3AlF6) et AlF3 : Ces intrants fluorés servent à abaisser le point de fusion de l’alumine.
Les écumes générées comme extrants à l’usine de réduction d’alumines (voir J ci-dessous), qui sont
aussi riches en fluor, sont plutôt valorisées comme apport d’aluminium et ne peuvent remplacer
complètement le besoin en intrants fluorés.

J. Extrants
• Mégots d’anodes : Ces sous-produits sont pratiquement tous valorisés à l’interne, tel que décrit
précédemment (voir E et F).

• Écumes : Couche en surface des cuves d’électrolyse qui doit être retirée. Selon leur teneur en aluminium,
les écumes sont retournées dans les cuves d’électrolyse ou directement dans les cuves de coulées,
sinon elles sont dirigées vers l’enfouissement. Cependant, différentes technologies sont proposées par
des entreprises québécoises pour retirer l’aluminium métallique des écumes afin de le retourner dans
la production primaire. Le sous-produit généré par cette opération, les écumes des écumes, serait
valorisable en cimenterie. Si elles ne sont pas valorisées, les écumes ou écumes des écumes peuvent
être dirigées vers l’enfouissement.

• Brasques  (recouvrement des cuves) : Celles-ci doivent être périodiquement retirées, et Rio Tinto
Alcan a développé un procédé pour les traiter. Ce procédé génère quatre sous-produits, soit du NaOH
déjà valorisé à l’interne (voir A ci-dessus), du CaF2 présentement étudié pour valorisation à l’interne (voir
H ci-dessus), un concentré de carbone sans débouchés actuellement et un concentré de briques qui
sera valorisé en cimenteries. Lorsqu’elles ne sont pas valorisées, les brasques sont traitées et enfouies.

4.4.4.3 Stratégies sélectionnées


Cet atelier a permis de mettre en lumière que l’industrie québécoise de l’aluminium primaire faisait déjà depuis
longtemps de l’écologie industrielle en valorisant à l’interne et à l’externe la grande majorité de ses sous-produits.
Toutefois, les boues rouges et les brasques constituent encore un enjeu majeur pour lequel l’industrie aimerait
avoir des solutions.

Le nombre de stratégies d’écologie industrielle à étudier restant limité, d’autres stratégies ont été considérées
(ex. : optimisation des opérations). La section 4.4.5 présente l’étude de l’impact sur les émissions directes ou
indirectes de GES des 7 stratégies suivantes :

1. Électrolyse à anodes inertes (optimisation des opérations)


2. Amélioration de l’efficacité énergétique (optimisation des opérations)

• 56 •
3. Capture et stockage du carbone (écologie industrielle)
4. Valorisation de la chaleur résiduelle (écologie industrielle)
5. Valorisation des boues rouges dans le ciment (écologie industrielle)
6. Valorisation du scandium des boues rouges (écologie industrielle)
7. Recyclage de l’aluminium post-consommation (fin de vie)

4.4.5 Quels gains potentiels de réduction des émissions de GES ?


4.4.5.1 Électrolyse à anodes inertes (optimisation des opérations)
L’électrolyse à anodes inertes est une technologie en développement qui permettrait de produire de l’aluminium
sans émettre directement de GES comme le montre l’équation suivante.

Contrairement au procédé d’électrolyse Hall-Héroult où les anodes de carbone sont consommées puis émises
sous forme de CO2, les anodes inertes auraient une durée de vie 30 fois plus longues (Elysis, 2019). Au Québec,
l’entreprise Elysis, cofondée par Alcoa et Rio Tinto en 2018 vise à commercialiser une technologie d’électrolyse à
anodes inertes d’ici 2024.

Afin de quantifier les gains potentiels de la mise en place de cette technologie dans les alumineries québécoises,
les impacts environnementaux des anodes inertes ont été modélisés en supposant une composition de 55 %
de cuivre, 20 % de nickel et 25 % de fer, et les émissions directes de CO, CO2, SO2, PFC et PAH sont supposées
nulles (Kovács & Kiss, 2015).

Une des principales incertitudes concernant le procédé d’anodes inertes porte sur sa consommation énergétique.
Théoriquement, la quantité d’énergie minimale pour la réaction est de 9,2 kWh/kg d’aluminium, soit presque 3 kWh
de plus que le procédé avec anodes précuites (au minimum 6,2 kWh/kg d’aluminium avec les anodes précuites)
(Obaidat et al., 2018). Ces consommations minimales théoriques sont loin des consommations réelles, même si
avec 13,9 kWh/kg d’aluminium pour l’électrolyse avec anodes précuites, le Canada est parmi les régions les plus
performantes du monde (AAC, 2020). Il est envisageable que lorsque la technologie sera à maturité, la consommation
énergétique totale de la cellule soit équivalente à celle des anodes précuites (Kvande & Haupin, 2001).

Les émissions de GES du procédé d’électrolyse à anodes précuites et à anodes inertes sont montrées à la
Figure 4-24. Les résultats de la technologie à anodes inertes avec une demande énergétique supplémentaire
variant de 0 à 3 kWh/kg d’aluminium sont présentés. On remarque que l’électrolyse à anodes inertes permettrait
de réduire de presque 60 % les émissions de GES, principalement grâce à la réduction des émissions directes.
L’augmentation de la consommation électrique d’une cellule d’électrolyse à anodes inertes ne changerait
pratiquement pas les gains au niveau des GES dans le contexte québécois, où l’approvisionnement en énergie
provient de l’hydroélectricité.

• 57 •
FIGURE 4-24 • ÉMISSIONS DE GES DES PROCÉDÉS D’ÉLECTROLYSE PAR ANODES PRÉCUITES
ET ANODES INERTES, EN FONCTION DE LA CONSOMMATION D’ÉLECTRICITÉ
(PROCÉDÉ SEULEMENT, SANS L’APPROVISIONNEMENT EN ALUMINE)
3,0

2,5

Émissions directes
kg éq. CO2 /kg alulminium

2,0
Anode

Électricité
1,5

1,0

0,5

0,0
Anode Anode inerte Anode inerte Anode inerte Anode inerte
précuite +0 kWh +1 kWh +2 kWh +3 kWh

En mettant à l’échelle ces gains potentiels avec la capacité de production du Québec, la mise en place de l’électro­
lyse à anodes inertes dans toutes les alumineries du Québec permettrait de réduire de 4,2 à 4,4 Mt éq. CO2 les
émissions annuelles directes et indirectes des alumineries.

Toutefois, il est peu probable qu’une transformation complète des alumineries québécoises soit faite dans les
prochaines années. D’une part, la technologie d’anodes inertes qui n’est aujourd’hui fonctionnelle qu’à petite
échelle doit toujours faire ses preuves à l’échelle industrielle. D’autre part, étant donné la longue durée de vie
des alumineries et les coûts de remplacement des infrastructures, le renouvellement des installations et des
infrastructures québécoises ne pourra pas se faire en quelques années seulement.

4.4.5.2 Amélioration de l’efficacité énergétique (optimisation des opérations)


Le procédé d’électrolyse de l’aluminium est un procédé énergivore. La performance énergétique d’une aluminerie
dépend des équipements utilisés et de ses opérations. Un paramètre important de l’opération de la cellule est la
distance anode-cathode (DAC). Plus la DAC est petite, plus la consommation énergétique sera faible. Une revue
de la littérature a permis de déterminer différentes mesures visant à améliorer la performance énergétique du
procédé d’électrolyse (Haraldsson & Johansson, 2018).

Le Tableau 4-5 regroupe différentes mesures ainsi qu’une brève description et leur référence associée. Bien que
non exhaustives, ces mesures donnent un aperçu des différentes pistes d’amélioration possibles.

• 58 •
TABLEAU 4-5 • MESURES PERMETTANT DE RÉDUIRE LA CONSOMMATION ÉNERGÉTIQUE
DES CELLULES D’ÉLECTROLYSE

Gain
Mesures Description Référence
(kWh/kg)
Anodes Matériau ou revêtement pour la cathode permettant au bain de
2,3 (Heidari, 2012)
mouillables toucher la cathode, ce qui permet de diminuer la DAC
Nouvelle structure Modification de la forme de la cathode pouvant limiter la
0,75 (Feiya et al., 2013)
d’anode fluctuation du métal et réduire la DAC
Amélioration des Contrôleur de température du bain basé sur la logique floue pour
0,6 (Zeng et al., 2010)
procédés prédire la température du bain
Système de Système de contrôle de 2e ou 3e génération intégrant de
0,4 (Mulder et al., 2014)
contrôle l’automatisation et le diagnostic en temps réel
Perforation du bout des anodes afin de diminuer l’épaisseur des
Anodes perforées 0,8 (Tian et al., 2013)
bulles et réduire la DAC
Optimisation de la Optimisation de la forme de la barre de collection de courant pour
0,7 (Zhou et al., 2012)
barre de collection en diminuer le courant horizontal
Système de ventilation spécifique, variable et optimisé permettant
DPS system 0,4 (Segatz et al., 2016)
de diminuer la consommation électrique de la ventilation

Le calcul des gains de GES potentiels associés à la mise en place de ces mesures a été fait en mettant à l’échelle
les gains par kg à la capacité totale de production du Québec et en utilisant une empreinte carbone de l’électricité
québécoise de 22 g éq. CO2/kWh.

La Figure 4-25 illustre les gains de GES possibles pour chacune des mesures du tableau. La taille du cercle est
proportionnelle aux gains effectués. En adoptant toutes ces mesures (qui sont théoriques et en réalité pas
toutes cumulatives), il serait possible de réduire les émissions directes et indirectes de GES liées aux alumineries
de 0,38 Mt éq. CO2.

FIGURE 4-25 • GAINS POTENTIELS RELIÉS À L’AMÉLIORATION DE L’EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE


DES CELLULES D’ÉLECTROLYSE

Procédés
Anodes perforées
36,2 kt CO2
48,2 kt CO2

Anode mouillable
380 kt CO2
138,7 kt CO2
Nouvelle structure anode
45,2 kt CO2

Barre collection
42,2 kt CO2

Système de contrôle Système DPS


24,1 kt CO2 24,1 kt CO2

• 59 •
Grâce à son approvisionnement en hydroélectricité, le Québec a un mix électrique à très faible empreinte
carbone. Pour cette raison, des améliorations de l’efficacité énergétique des alumineries ne se traduisent pas
en importantes réductions de GES et présentent des coûts d’investissement associés qui peuvent être élevés.
Les alumineries ont toutefois avantage à réduire leur consommation électrique pour réduire leurs coûts de
production, mais les gains environnementaux sont assez limités dans un contexte québécois.

4.4.5.3 Capture et stockage du carbone (écologie industrielle)


La production d’aluminium émet directement environ 1,5 t éq. CO2 par tonne d’aluminium produite. En multi­
pliant cette valeur par la production québécoise, 4,2  Mt éq. CO2 sont émis annuellement avec le procédé
d’électrolyse. Une solution pour réduire ces émissions sans changer le mode de fonctionnement des alumineries
serait d’installer des systèmes de capture et de stockage du carbone.

Toutefois, la faible concentration de CO2 dans les gaz d’échappement des alumineries, qui est d’environ 1,2 %,
compromet la faisabilité économique de la capture. Ce point a notamment été soulevé lors de l’atelier avec les
acteurs de l’industrie. Selon Lassagne et al. (2013), la configuration la plus adéquate sur les plans technique et
économique est d’augmenter au préalable cette concentration à 4 %, ce qui complexifie la mise en place d’un
système de capture et de stockage du carbone.

En bref, la capture et le stockage du carbone du secteur de l’aluminium n’est pas intéressant avec les technologies
actuelles en raison des faibles concentrations de gaz d’échappement. D’autres percées technologiques ou des
changements législatifs importants devront être réalisés avant d’envisager la mise en place de ces systèmes dans
les alumineries.

4.4.5.4 Valorisation de la chaleur résiduelle (écologie industrielle)


Le procédé d’électrolyse dégage de grandes quantités de chaleur. La valorisation de cette chaleur pourrait être
faite grâce à des symbioses industrielles. Selon une étude sur les pertes de chaleur et les pistes de valorisation
de l’aluminerie Deschambault (Alcoa), presque 2 TWh de chaleur sont dissipés annuellement par l’aluminerie, et
34 % de cette chaleur serait facilement utilisable (Nowicki & Gosselin, 2012).

La valorisation de cette chaleur permet d’éviter la consommation d’énergie (parfois de combustibles fossiles)
qui aurait autrement produit cette chaleur. La Figure 4-26 montre les émissions de GES évitées en fonction
de la quantité de chaleur valorisée et du combustible remplacé. La ligne pointillée verticale montre la chaleur
potentiellement utilisable de l’aluminerie Deschambault (Nowicki & Gosselin, 2012). Ainsi, il serait possible de
faire des gains en émissions de GES entre 0,20 et 0,24 Mt éq. CO2 en valorisant la chaleur disponible sortante
d’une seule aluminerie.

En mettant à l’échelle la chaleur disponible de cette aluminerie spécifique à la production totale du Québec,
on obtient 26,4 PJ de chaleur disponible. Évidemment, cette mise à l’échelle suppose une uniformité dans les
alumineries et une relation linéaire entre la capacité et la chaleur émise, mais elle permet tout de même d’avoir
une idée de l’ordre de grandeur. Selon cet estimé, il serait possible d’éviter entre 2,2 et 2,6  Mt éq. CO2 en
valorisant cette chaleur selon le type de combustible remplacé.

Ce potentiel de réduction semble prometteur mais certaines limites doivent être spécifiées en lien avec cette
estimation. Puisqu’il est difficile de transporter de la chaleur sur de longues distances, une quantification plus
précise des besoins énergétiques autour des alumineries devrait être faite afin d’évaluer s’il est possible de
valoriser les 26,4  PJ disponibles. Le facteur économique est également important à considérer. Pour pouvoir
valoriser cette chaleur, il est nécessaire d’installer des échangeurs de chaleur et autres équipements pour la
capter. Les investissements financiers pour mettre en place de tels équipements devront être économiquement
viables. Beaucoup d’incertitude entoure les revenus potentiels engendrés par la vente de cette chaleur, ce qui
rend l’analyse économique difficile à effectuer de manière générale au Québec. Un projet de recherche en
cours au Québec vise à étudier plus en détail le potentiel de valorisation des rejets de chaleur dans la province
(Polytechnique Montreal, 2020).

• 60 •
FIGURE 4-26 • ÉMISSIONS DE GES ÉVITÉES EN FONCTION DE LA QUANTITÉ DE CHALEUR
VALORISÉE ET DU COMBUSTIBLE REMPLACÉ

300

Aluminerie Deschambault
(Nowicki and Gosselin, 2012)
250

200
kt éq. CO2

150
Mazout

Gaz naturel
100
Propane

50

0,0 0,5 1,0 1,5 2,0 2,5

PJ de chaleur évité

Malgré ces limites, la valorisation de la chaleur des alumineries pourrait être une opportunité pour d’autres
entre­prises de venir s’installer près d’une aluminerie et de bénéficier d’une source de chaleur qui s’inscrit dans
une logique circulaire. Dans un sens inverse de valorisation énergétique, l’usine de production d’alumine de Rio
Tinto Alcan à Vaudreuil récupère par exemple de la chaleur de la fonderie Elkem Metal située à trois kilomètres
d’elle, ce qui montre l’ouverture de ce secteur à ces synergies.

4.4.5.5 Valorisation des boues rouges dans le ciment (écologie industrielle)


Les boues rouges, un sous-produit alcalin généré lors de la production d’alumine, ont le potentiel d’être utilisées
pour fabriquer différents matériaux de construction (Lima et al., 2017). L’intégration de boues rouges dans la
production du ciment semble être une voie prometteuse. Manfroi et al. (2014) ont montré qu’il était possible
d’intégrer 15 % de boues rouges calcinées à un mélange de ciment tout en conservant les propriétés de ce
dernier. Des prétraitements seraient néanmoins nécessaires, à cause de la composition chimique (teneur élevée
en alcalis, présence de fluor, etc.) et de l’humidité des boues rouges.

La réduction des émissions de GES obtenue par l’intégration des boues rouges au ciment a été évaluée, en
supposant un taux de remplacement de 15 % et en négligeant les traitements nécessaires. En supposant que les
boues rouges doivent être transportées sur 500 km et que l’énergie nécessaire à la calcination est équivalente à
celle de la calcination du clinker, une réduction de 15 % des GES pour la production de ciment est évaluée. Tel
qu’illustré à la Figure 4-27, les émissions liées au transport et à l’énergie pour la calcination ainsi que les émissions
évitées par le stockage des boues rouges sont assez négligeables. À noter que cette analyse se concentre sur les
émissions de GES, et les conclusions pourraient changer si d’autres indicateurs environnementaux sont considérés.

• 61 •
FIGURE 4-27 • COMPARAISON DES GES ÉMIS POUR LA PRODUCTION DE CIMENT ET DE CIMENT
CONTENANT 15 % DE BOUES ROUGES

0,9

0,8
Énfouissement évité

0,7 Énergie

0,6
Transport
kg CO2 /kg ciment

Boues rouges
0,5
Ciment

0,4

0,3

0,2

0,1

0,0
100 % Ciment 85 % Ciment / 15 % Boues rouges
–0,1

À l’échelle du Québec avec une production de 2,8 Mt de ciment en 2016 (voir la section 4.3.2), le remplacement
de 15 % de la production totale de ciment par des boues rouges permettrait d’éviter 0,68  Mt éq. CO2. Cette
substitution permettrait de valoriser 50 % des boues rouges produites au Québec. Toutefois, des améliorations
techniques et des changements de pratiques dans le secteur du ciment devraient être réalisés afin qu’une telle
application à grande échelle de cette stratégie de substitution soit envisageable (IAI, 2020c).

4.4.5.6 Valorisation du scandium des boues rouges (écologie industrielle)


Le scandium est un métal ayant le numéro atomique 21 et classé parmi les terres rares. On l’utilise pour certains
alliages d’aluminium d’aéronautique, dans les lampes à vapeur de mercure et pour certains traitements de surface
en optique (Royal Society of Chemistry, 2020). Alors que la demande mondiale pour ce métal augmente au fil des
ans, les faibles volumes de production font en sorte qu’il est très dispendieux. Dans la dernière décennie, le prix
au kilogramme a varié entre 4 000 et 20 000 $US (Strategic Metal Investments Ltd, 2020).

Une composition de scandium dans les boues rouges est mesurée, variant entre 60 ppm et 120 ppm selon la
provenance de la bauxite entrant dans le procédé Bayer (N. Zhang et al., 2016). Des procédés de lixiviation avec
des acides, d’extraction par des solvants et d’adsorption et échange d’ions permettent de récupérer le scandium
des boues rouges (N. Zhang et al., 2016).

La récupération de scandium dans les boues rouges permettrait de valoriser le résidu des usines d’alumine en
métal ayant une grande valeur, en plus d’éviter l’extraction de terres rares. En ce sens, les gains environnementaux
associés à cette extraction potentiellement évitée ont été calculés en fonction de la quantité de boues rouges
produites annuellement au Québec. Avec une génération de 90 000 tonnes de boues rouges annuellement au
Québec, il serait possible d’en extraire environ 810 kg de scandium.

Sachant qu’il est nécessaire d’extraire environ 68 500 kg de minerai pour obtenir 1 kg de scandium (Wang et al., 2020),
le calcul des GES émis pour l’extraction et le broyage de cette matière a été fait. Ainsi, la production de scandium
à partir des boues rouges générées au Québec permettrait d’éviter 17,6  kt éq. CO2 à l’échelle mondiale.

• 62 •
On suppose par la suite que les étapes de séparation et de purification de l’oxyde de scandium ont des impacts
environnementaux similaires, qu’ils proviennent de l’extraction minière ou de la transformation des boues rouges.

Il est intéressant de mentionner ici que Rio Tinto Fer et Titane a annoncé la construction à son complexe
métallurgique de Sorel-Tracy d’une installation de traitement de résidus de la production de dioxyde de titane
(et d’acier, voir la section 4.2.1) pour en extraire de l’oxyde de scandium (Rio Tinto, 2021). D’une capacité de
production de trois tonnes d’oxyde de scandium par année, cette installation commencera sa production
commerciale en 2021. La volonté de valoriser le scandium dans les résidus métallurgiques est donc déjà en
œuvre au Québec.

4.4.5.7 Recyclage de l’aluminium postconsommation (fin de vie)


Dans une perspective systémique, le recyclage plus important de l’aluminium postindustriel (pertes industrielles
lors de la fabrication de produits en aluminium) et postconsommation (récupéré en fin de vie de produits
contenants de l’aluminium) permettrait de réduire les émissions de GES liées à la consommation d’aluminium
dans la province. En effet, le procédé de recyclage de l’aluminium consiste plutôt à une refonte de l’aluminium
faisant en sorte que le procédé d’électrolyse n’a pas à être fait. Le recyclage de l’aluminium consomme 95 %
moins d’énergie que la production primaire. La Figure 4-28 illustre l’empreinte carbone de la production de 1 kg
d’aluminium recyclé en comparaison de 1  kg primaire issu d’une production québécoise ou chinoise. À titre
indicatif, la Chine représente plus de 55 % de la production primaire mondiale d’aluminium (IAI, 2020b).

FIGURE 4-28 • EMPREINTE CARBONE D’ALUMINIUM RECYCLÉ ET PRIMAIRE ISSU


DE LA PRODUCTION QUÉBÉCOISE ET CHINOISE

30

25
kg éq. CO2 /kg Aluminium

20

15

10

0
Recyclage Primaire (Qc) Primaire (Chine)

Le premier élément qu’on constate est la faible valeur de l’empreinte carbone de l’aluminium recyclé en compa­
raison de la production primaire. De plus, un facteur 5 est observé entre l’empreinte carbone de l’aluminium
québécois et celle de l’aluminium chinois. Cela s’explique par le fait que les alumineries en Chine sont
principalement alimentées par des centrales au charbon, ce qui augmente considérablement les émissions de
GES associées à la production d’électricité pour produire de l’aluminium.

• 63 •
Bien que le recyclage de l’aluminium semble être une bonne manière de réduire les émissions de GES, certains
facteurs limitent les gains associés au recyclage tels que les taux de collecte de l’aluminium postconsommation
trop faibles, la contamination des alliages et l’exportation de l’aluminium à recycler.

On observe généralement une perte de qualité de l’aluminium recyclé due à sa contamination par les éléments
d’alliage des différents alliages mélangés ensemble. Pour cette raison, les recycleurs doivent ajouter de
l’aluminium primaire à leur mélange afin d’atteindre des tolérances d’éléments d’alliages acceptables. Cela vient
considérablement augmenter l’empreinte carbone de l’aluminium recyclé. En pratique, on peut observer un taux
de dilution de 25 % (Cullen & Allwood, 2013). La Figure 4-29 montre l’empreinte carbone de l’aluminium recyclé
selon différents taux de dilution avec de l’aluminium primaire provenant du Québec et de la Chine. On remarque
que lorsque l’aluminium recyclé est dilué avec de l’aluminium primaire à haute empreinte carbone (provenant
de Chine, par exemple), son empreinte carbone augmente considérablement. À partir de 20 % de dilution avec
de l’aluminium provenant de Chine, l’empreinte carbone de l’aluminium recyclé est supérieure à l’aluminium
primaire québécois.

FIGURE 4-29 • EMPREINTE CARBONE DE L’ALUMINIUM RECYCLÉ SELON DIFFÉRENTS TAUX


DE DILUTION AVEC DE L’ALUMINIUM PRIMAIRE

10

Dilution avec de l’aluminium primaire (Qc)


9
Dilution avec de l’aluminium primaire (Chine)
8

7
kg eq. CO2 /kg Aluminium

0
0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25 0,3 0,35 1
Taux de dilution

Cela montre l’importance de préserver la qualité de l’aluminium recyclé afin de limiter les besoins de dilution.
Pour ce faire, une amélioration du tri des différents alliages en amont permettrait de réduire la contamination
lors de la refonte. Des procédés de purification peuvent également être appliqués afin de retirer les impuretés
de l’aluminium liquide et ainsi réduire le besoin de dilution (L. Zhang et al., 2011).

• 64 •
4.5 Étude de cas 4 : captage et valorisation du CO2
Il serait difficile d’écrire un rapport sur l’économie circulaire et les émissions de GES sans aborder la circularisation du
CO2. Sachant que le captage et la valorisation du dioxyde de carbone pourrait faire l’objet d’un projet de recherche
en lui-même, la présente section vise à dresser un bref survol des enjeux pour son applicabilité au Québec. Le sujet
a été brièvement abordé dans le volet 1 (Pineau et al., 2019), et certains éléments d’analyse sont repris ici.

Le captage et la séquestration géologique du carbone (carbon capture and storage, CCS) vise à capturer le CO2
lors de son émission puis à l’injecter dans des puits de pétrole, des puits de gaz naturel, des couches de charbons
ou d’autres formations géologiques. Au Québec, un potentiel de stockage de 4 Mt de CO2 dans des aquifères salins
profonds du Saint-Laurent a été déterminé (NACSA, 2012). À titre comparatif, les émissions industrielles de GES du
Québec sont estimées à 21 Mt (Pineau et al., 2019), démontrant les limites pratiques de la solution.

Par opposition, le captage et la valorisation du carbone (carbon capture and utilization, CCU) vise à donner une
seconde vie au CO2 en le réutilisant directement ou en faisant appel à des procédés de séparation et de conversion.

4.5.1 Sources de CO2


Tant pour les projets de séquestration que pour les projets de valorisation, certaines caractéristiques de la
source d’émission influent sur le captage. Idéalement, le dioxyde de carbone doit être généré en quantité et en
concentration suffisantes pour permettre une économie d’échelle des installations de captage. L’IPCC propose
un seuil de 0,1 Mt/an (300 t/jour) pour identifier les sources volumineuses (IPCC, 2005). Cette source doit être
exempte de certains contaminants pouvant poser problème aux procédés de conversion ou à l’utilisation finale
du CO2. De plus, elle doit être située à proximité de l’utilisateur final, de manière à réduire les coûts de transport.
Certains projets proposent aussi l’extraction directe du dioxyde de carbone de l’atmosphère, avec l’aide ou non
de biomasse (à travers la croissance des végétaux, du CO2 passe de l’atmosphère aux plantes). Hormis les projets
de reboisement, ces initiatives ont un faible niveau de maturité et un ratio coût/potentiel élevé (International
Energy Agency, 2020).

Le National Energy Technology Laboratory tient à jour une base de données contenant 305 projets de stockage
au niveau mondial (National Energy Technology Laboratory, 2021). Les projets en cours ou passés dont l’échelle
est connue (n = 117) opèrent à des échelles variant de 1,92 à 40  000  t éq. CO2 par jour. Parmi ces projets,
27 sont à l’échelle pilote (< 100 t/j), 29 à l’échelle industrielle (100 à 1 000 t/j) et 63 sont des projets d’envergure
(>  1  000  t/j). En comparaison, le Québec compte 25  établissements générant plus de 1  000  t/jour (MELCC,
2020b), provenant de secteurs variés tels que l’aluminium, le ciment, l’acier, les produits pétroliers et les pâtes et
papiers. Sur cette base, ces établissements seraient donc propices à des projets de capture.

Les concentrations en dioxyde de carbone à la source varient d’une industrie à l’autre. Des exemples de
procédés générant des flux à concentration élevée sont la production d’ammoniac, la production d’hydrogène, la
fermentation et la biométhanisation. Toutefois, ces sources représentent une faible partie des émissions (IPCC,
2005). Au Québec, une usine de production d’ammoniac combinée à une production d’urée a été étudiée puis
abandonnée. La production d’hydrogène par reformage du gaz naturel est courante dans l’industrie chimique
et pétrochimique. Des procédés de fermentation sont utilisés pour la production d’éthanol ou d’autres alcools.
Les entreprises de ces secteurs faisant partie du Registre des émissions de gaz à effet de serre sont susceptibles
d’émettre des flux très propices à la capture. Plusieurs usines de biométhanisation sont en développement au
Québec et doivent purifier le biogaz (mélange de CO2 et de CH4) avant l’injection du méthane (CH4) dans le réseau
de gaz naturel. Un CO2 à forte concentration sera donc disponible.

Pour les industries ciblées par cette étude, les concentrations de CO2 en sortie des cimenteries sont de l’ordre de
14 à 33 %, des procédés sidérurgiques, de 20 à 27 % et des procédés de combustion, de 3 à 14 % (IPCC, 2005).
Du côté des alumineries, les concentrations sont de l’ordre de 1,2 à 4 % (Lassagne et al., 2013). Pour la plupart
des technologies de captage, le coût d’opération augmente lorsque la concentration est faible. Par exemple,
une analyse technico-économique sur le coût de capture d’une aluminerie québécoise trouve un coût de 58 à

• 65 •
107 $/t (Lassagne et al., 2013). En comparaison, l’enchère du système de plafonnement et d’échange de droits
d’émission (SPEDE) de novembre 2020 place le prix du carbone à 23,68 $/t (MELCC, 2020a).

Enfin, la source de carbone doit être située à proximité de potentiels utilisateurs, de manière à minimiser les coûts
liés au transport du CO2. Les fiches présentées au volet 1 de cette étude présentent l’emplacement des principaux
émetteurs de GES. Plusieurs sources volumineuses sont situées en contexte urbain ou périurbain. Les sources des
secteurs pétrolier, chimique, sidérurgique, du ciment ou de l’aluminium tendent à être situées à proximité des villes,
tandis que celles liées à l’exploration minière sont en région éloignée.

4.5.2 Utilisation du CO2


Les possibilités de valorisation du CO2 peuvent être classées en trois catégories : utilisation directe, voies de
synthèse et minéralisation.

Le CO2 sert comme intrant direct dans des industries variées. Notamment, il peut servir en agriculture pour
enrichir l’environnement des serres (de manière à favoriser la croissance des plantes), en transformation
alimentaire pour la carbonatation des boissons gazeuses ou alcoolisées ou en sidérurgie dans les convertisseurs à
hydrogène (comme agent de sous agitation). Dans les Prairies canadiennes, le CO2 est utilisé pour la récupération
assistée du pétrole. À plus petits volumes, il sert d’agent de conservation dans la fabrication du vin ou dans les
emballages à atmosphère contrôlée, permet d’extraire la caféine (sous forme supercritique), peut neutraliser le
pH des eaux usées basiques, est utilisé comme glace sèche à l’état solide, etc.

Par diverses voies de synthèse, le CO2 peut être converti en diverses molécules pouvant être utilisées
directement ou pouvant servir d’intrants à d’autres industries. La méthanation du CO2 (combinaison du CO2 avec
de l’hydrogène) permet d’obtenir du CH4 « synthétique », un remplaçant du gaz naturel. Par la suite, le méthane
ainsi produit peut être converti en hydrogène par diverses méthodes (reformage à sec, gazéification, biocatalyse,
etc.). Le méthane et l’hydrogène gazeux peuvent être utilisés comme carburants ou encore comme intrants
dans plusieurs industries. La production de divers acides (acide acétique, acide formique, etc.) est également
envisagée. La conversion en différents polymères (ex. : polyuréthane, polycarbonate) est une avenue à un stade
plus expérimental.

Une troisième catégorie d’utilisation est la minéralisation. Certaines initiatives comme celle de Carbicrete propose
l’injection de CO2 lors de la coulée du béton de manière à accélérer sa carbonatation naturelle. Une autre piste
est la séquestration dans des résidus ou sous-produits riches en calcium ou en magnésium. L’exemple des
poussières de four provenant des cimenteries a déjà été mentionné plus haut (Ciment Ash Grove, 2020). S’ils
sont précipités, les carbonates de calcium ou de magnésium qui en résultent sont utilisés dans divers produits.

Pour juger de l’applicabilité des utilisations au contexte québécois, quelques critères doivent être considérés :
la durée de stockage, le niveau de maturité ainsi que la taille des marchés.

Certaines pistes évoquées se contentent de donner une deuxième vie au carbone sans aucune capacité de
stockage. Par exemple, le dioxyde de carbone qui serait injecté dans une boisson gazeuse sera réémis dès que
la bouteille sera ouverte. Pour d’autres produits, le dioxyde de carbone sera emmagasiné sur plusieurs années,
jusqu’à l’incinération ou la dégradation naturelle du produit. Enfin, le carbone peut être séquestré de manière
permanente, de façon similaire à une séquestration géologique.

Il est aussi important de distinguer le niveau de maturité des pistes évoquées. Notamment, certains projets sont
au stade expérimental (maturité faible), au stade de la démonstration (maturité moyenne) ou constituent déjà
des initiatives à échelle industrielle (maturité élevée).

Enfin, il est important d’apprécier la taille des marchés et de déterminer les débouchés permettant d’écouler de
grands volumes de carbone. Un ordre de grandeur des marchés québécois a été défini en se basant sur diverses
hypothèses (taille de l’industrie, taux de consommation, prix moyens, etc.).

• 66 •
Le Tableau 4-6 énumère certaines utilisations du CO2 ainsi que leur applicabilité dans le contexte québécois.
Dans l’ensemble, la capture et la valorisation du carbone peuvent permettre de donner une deuxième vie à
73,3 Mt de CO2 (voir le Tableau 4-6). Toutefois, seulement 1,1 Mt pourrait véritablement être considéré comme
un stockage à long terme. Des analyses supplémentaires, dont une analyse technologique, devront être réalisées
afin de mieux caractériser les différents débouchés.

TABLEAU 4-6 • VALORISATIONS POTENTIELLES DU CO2 AU QUÉBEC ET APPLICABILITÉ DES STRATÉGIES


(ESTIMATION DES AUTEURS)
Estimation
Durée de du CO2 utilisé
Utilisation Description Maturité
stockage (Mt/an,
Québec)
Utilisation directe
Environnement enrichi de CO2 afin de favoriser la
Serres Jours-mois Élevée 53,0
croissance des plantes
Carbonatation Boissons gazeuses et boissons alcoolisées Jours-mois Élevée 3,9
Synthèse
Méthane Méthanation du CO2 Jours-mois Variable 13,0
Reformage à sec du méthane, gazéification
Hydrogène Jours-mois Variable ND
ou biocatalyse
Urée Synthèse de l’urée à partir d’ammoniac Jours-mois Élevée 0,3
Faible
Acide acétique Carboxylation du méthane pour la production d’acides Années < 0,1

Synthèse de carbamates, polycarbonate, polyéthylène,


Polymères Années Faible ND
polyuréthane, etc.
Carburants Fischer-Tropsch, acide formique par hydrogénation Jours-mois Variable ND
Minéralisation
Résidus Séquestration dans des résidus industriels riches en
Permanente Faible 0,2
industriels calcium/magnésium
Béton Injection pour accélération de la carbonatation du béton Permanente Moyenne 0,9
Total 71,3

4.6 Bilan des études de cas


4.6.1 Synthèse des études de cas sur l’acier, l’aluminium, le ciment et le béton
La vaste panoplie de stratégies de circularité qui s’offre aux secteurs industriels québécois présente de nombreuses
opportunités de réduction des émissions de GES. Ces réductions peuvent avoir lieu très localement, sur le site
d’une entreprise, ou en dehors de ses limites, par les biais des intrants (énergie, matières premières, ressources)
qu’elle consomme ou la façon dont ses extrants (résidus, émissions et produits) sont traités et utilisés.

Selon le type de stratégie à mettre en œuvre, le mécanisme d’action sur les émissions de GES différera. Alors
que le secteur industriel représente principalement les étapes d’extraction et de transformation (primaire
ou secondaire) des ressources dans le cycle de vie d’un produit, les stratégies de circularité peuvent affecter
l’ensemble des étapes du cycle de vie d’un produit. Elles vont donc agir directement sur le secteur industriel,
en modifiant ses propres opérations, ou indirectement, en modifiant la façon dont ses produits sont utilisés.
Des stratégies d’optimisation des opérations ou de synergies industrielles vont par exemple agir sur les étapes
d’extraction ou de transformation (qui sont souvent les principales sources d’émissions industrielles de GES).
À l’inverse, des stratégies comme l’écoconception ou l’économie de fonctionnalité vont affecter les quantités
de matériaux ou de produits nécessaires et permettent une réduction des émissions de GES, si ces stratégies
conduisent à une réduction des volumes produits par le secteur industriel.

• 67 •
Les potentiels de réduction des émissions de GES sont résumés dans la Tableau 4-7 et varient selon les stratégies
considérées de quelques kilo tonnes d’équivalent CO2 à quelques millions de tonnes. Une comparaison directe
des potentiels entre les secteurs et les stratégies n’est cependant pas conseillée, ces valeurs ne reposant pas
toutes sur les mêmes hypothèses en termes de maturité d’opérationnalisation et de réalisme.

Les améliorations ou changements technologiques sont des stratégies avec un important potentiel de réduction
(voir le Volet 1 de l’étude). Plusieurs des solutions testées étant encore en développement, leur mise en œuvre
ne sera néanmoins pas immédiate. Par exemple, l’électrolyse à anodes inertes pour l’aluminium (4,04  Mt)
représente la plus grande proportion du potentiel direct identifié, mais est en développement. La réduction du
fer avec de l’hydrogène (0,9 Mt) n’est pas non plus commercialement viable dans les conditions actuelles.

Les stratégies liées à l’écologie industrielle présentent des potentiels très variables, qui conduisent à des
réductions directes (si le résidu valorisé agit sur les combustibles utilisés ou les émissions de procédé) ou
indirectes (si le résidu remplace une ressource actuellement produite ailleurs). De nombreuses contraintes
limitent néanmoins la mise en œuvre de ces synergies, et sont présentées à la section 4.7.

La récupération et le recyclage des ressources en fin de vie, qui sont supposés conduire à une réduction de la
production primaire, est aussi une stratégie clef. L’évaluation de cette stratégie est néanmoins plus complexe, les
gisements de matières résiduelles n’étant pas toujours facilement identifiables. De plus, la présence d’impuretés,
en particulier pour l’acier et l’aluminium, peut limiter le contenu de matières recyclées atteignable sans altérer la
performance du produit.

Les stratégies agissant sur la demande présentent des potentiels intéressants, si la réduction de la demande
supposée est bien effective. Il ne faut en effet pas que la production évitée conduise à un effet rebond10, comme une
augmentation de la demande ailleurs. De plus, ces gains n’ont pas forcément lieu dans le secteur industriel québécois.

Ces trois études de cas illustrent que les émissions de GES indirectes ne sont pas à négliger lorsque des stratégies
de circularité sont mises en place. En effet, que ce soit en amont ou en aval des activités d’une industrie, ces
émissions peuvent contribuer à une part importante de l’empreinte carbone de celle-ci. Il est donc nécessaire
de les considérer dans l’analyse du potentiel de réductions de GES associé à une stratégie d’économie circulaire
et d’identifier le risque de déplacer les sources d’émissions de GES à travers la chaîne de valeur d’un produit ou
d’un service. En effet, un matériau ou un produit acheté par une industrie exploitée au Québec peut avoir été
extrait et transformé ailleurs dans le monde. Les stratégies affectant cette industrie peuvent donc avoir un effet
sur les émissions dans une autre région, qu’il soit positif ou négatif.

Dans l’étude de l’effet de stratégies d’économie circulaire sur les émissions de GES, il est aussi difficile de
fonctionner en silo et de considérer les secteurs indépendamment les uns des autres. Susciter des échanges
entre les différents acteurs est en fait un des nombreux avantages de l’économie circulaire. Le cycle de vie d’un
produit impliquant très souvent de nombreux autres produits et ressources, l’étude des stratégies de circularité
d’un type d’industrie (qui fabrique ce produit) implique donc d’autres industries (qui extraient ces ressources
et fabriquent ces autres produits). Réduire les émissions d’une industrie peut donc passer par l‘adoption
de stratégies dans d’autres industries qui vont indirectement l’affecter. Une bonne compréhension de ces
interactions, par la cartographie des flux de matière et d’énergie dans la chaîne de valeur, et une communication
claire entre les acteurs dans cette chaîne est donc nécessaire.

L’étude de cas sur l’acier montre, par exemple, qu’un des gains significatifs dans la stratégie d’écoconception des
véhicules est la réduction de la consommation de carburants. Une stratégie appliquée à la chaîne de valeur de
l’acier peut donc affecter indirectement celle du pétrole. Les émissions de GES associées aux raffineries au
Québec seraient donc aussi réduites. De manière similaire, les synergies présentées dans cette étude, sous la

Plus de précisions sur les différents types d’effets rebonds sont disponibles dans le livre blanc Productivité énergétique – amorcer la décarbonisation en stimulant
10

l’économie (Whitmore et al., 2019).

• 68 •
catégorie « écologie industrielle », illustrent des liens entre les différentes industries.  Les résidus de bauxite
(boues rouges issues de la filière de l’aluminium) peuvent être valorisées dans la production de ciment, ou les
scories sidérurgiques peuvent être utilisées pour remplacer le ciment dans la production de certains bétons.
À l’inverse, une concurrence des usages de certains résidus, comme les cendres volantes de centrales thermiques
qui peuvent être utilisées comme ajout cimentaire ou comme intrant dans la production d’alumine, pourraient
affecter les volumes d’approvisionnement.

TABLEAU 4-7 • POTENTIELS DE RÉDUCTION DES ÉMISSIONS DE GES DIRECTES (AU QUÉBEC, DANS L’INDUSTRIE
CONSIDÉRÉE) ET INDIRECTES (AU QUÉBEC DANS D’AUTRES SECTEURS OU HORS QUÉBEC) POUR
LES STRATÉGIES À L’ÉTUDE

Effet sur les


Effet sur les
émissions
Stratégies (secteur) émissions directes
indirectes
(Mt éq. CO2)
(Mt éq. CO2)

Réduction à l’hydrogène (acier) –0,90 –0,48

Optimisation Électrolyse à anodes inertes (aluminium) –4,04 –0,16 à –0,34


des opérations Efficacité énergétique (aluminium) – –0,38

Efficacité énergétique (ciment) –0,35 –0,04

Valorisation du scandium (aluminium) – –0,02

Valorisation des boues rouges (aluminium) – –0,68


Écologie
Valorisation de la chaleur résiduelle (aluminium) – –2,2 à –2,6
industrielle
Combustibles alternatifs (ciment) –0,36 –0,03

Valorisation du béton micronisé (ciment) –0,19 –0,01

Recyclage de l’acier –1,21 –0,79


Valorisation en
Recyclage de l’aluminium ND ND
fin de vie
Recyclage du béton en granulats – –0,04 à –0,16

Surspécification (acier) –0,14 –0,11

Action sur la Allègement des véhicules (acier) – –3,71


demande Autopartage (acier) – –1,00

Surspécification (béton) –0,21 –0.04

Total11 = –7,40 –9,69

- Bornes inférieures utilisées, le cas échéant


11

- Addition des potentiels individuels, même si certaines synergies entre stratégies pourraient en diminuer le potentiel lorsqu’elles sont combinées.

• 69 •
4.6.2 Limites des études de cas
Des interactions entre les secteurs complexes à modéliser
L’interdépendance des secteurs n’est modélisée que de façon simplifiée dans notre étude. Les stratégies ont
été étudiées individuellement et les potentiels de réduction sont calculés sans prendre en compte les synergies
potentielles entre les secteurs (une stratégie affectant le béton pourrait agir sur une étape du cycle de vie de
l’acier, et donc amplifier ou compenser le potentiel de réduction initial). Pour mieux intégrer ces interactions,
une approche comme l’AESÉE (voir la section 3.2) pourrait être utilisée car elle est basée sur une représentation
matricielle plus complète des interactions entre les secteurs.

Une définition de l’économie circulaire qui pourrait être plus commune


La production d’acier à partir d’hydrogène est-elle vraiment une stratégie de circularité ? La question peut se
poser. Le lien avec la circularisation des ressources n’est pas direct. Mais selon la définition choisie, l’utilisation
de ressources renouvelables (un hydrogène vert dans ce cas) ou l’écoconception d’un procédé peuvent être
reconnues comme des stratégies de circularité. Le choix de la définition de l’économie circulaire affecte donc
le type de stratégies qui peut être considéré dans l’étude. Ce choix n’est pas toujours consensuel, car il existe
presque autant de définitions de l’économie circulaire que d’acteurs la mettant en œuvre (voir par exemple
Kirchherr et al. (2017)).

Dans notre étude, la définition du Pôle de concertation québécois sur l’économie circulaire a été choisie car elle
est la plus consensuelle au Québec. Elle offre une large panoplie de stratégies de circularité possibles. Celles qui,
selon le schéma associé, permettent d’optimiser l’utilisation des ressources (stratégies des catégories 2.1, 2.2
et 2.3) sont néanmoins les plus couramment citées dans la littérature sur le sujet.

Des stratégies théoriques pas toujours faciles à mettre en œuvre


Une des premières questions à se poser face à une stratégie de circularité est :  pourquoi n’est-elle pas déjà
en place ? Même si sur papier les gains pour la réduction des émissions de GES semblent intéressants, de
nombreux freins à la mise en œuvre d’une stratégie peuvent être présents. Ils peuvent provenir de différents
facteurs, qu’ils soient technologiques, économiques, législatifs, organisationnels ou culturels. Il ne faut donc pas
voir les potentiels de réduction des émissions de GES comme des gains faciles à obtenir, mais plutôt comme une
direction possible, que la réalité du terrain viendra nuancer.

Un ratio coût/bénéfice à déterminer


Toutes les stratégies ne sont pas équivalentes en termes d’investissements. Une analyse des coûts de réduction
des émissions de GES associés aux stratégies seraient donc une information complémentaire très intéressante
au travail effectué dans ce rapport. Elle permettrait de ne pas prioriser seulement les stratégies aux plus grands
potentiels de réduction, mais aussi celles où les bénéfices sont les plus faciles à réaliser. Des courbes coûts
unitaires/potentiels de réduction sont couramment utilisées à cet effet et pourraient enrichir le travail de ce projet.

De potentiels déplacements d’impacts à mieux considérer


L’approche systémique employée, considérant à la fois les émissions directes et les émissions indirectes de GES,
vise en partie à éviter les déplacements d’impacts au long du cycle de vie. En effet, une stratégie de circularité
peut conduire à un transfert des émissions d’une étape du cycle de vie à une autre, si par exemple un procédé
de recyclage permet d’économiser de la matière vierge, mais consomme plus d’énergie que le procédé primaire
qu’il remplace. L’utilisation de l’analyse du cycle de vie dans cette étude permet de mesurer ces potentiels
contrecoups de la mise en place de stratégies de circularité. Les stratégies étudiées ont néanmoins été
modélisées de manière simplifiée et en adoptant une approche plutôt macroscopique. Des analyses propres à
un site industriel, permettant par exemple de calculer précisément les distances de transport entre fournisseurs
de résidus et entreprises les valorisant, serait nécessaire pour confirmer ou nuancer au cas par cas les gains
potentiels présentés dans le rapport.

• 70 •
Une analyse plus poussée des effets rebonds de l’économie circulaire serait aussi pertinente, pour déterminer
si les gains qu’elle semble apporter mènent à une augmentation des émissions de GES ailleurs. Les acteurs
(organisations et individus) économisent en consommant de manière plus sobre les ressources, mais ces
économies peuvent mener ultimement à une augmentation de la production dans d’autres secteurs dans lesquels
elles sont réinvesties. L’impact environnemental de ces secteurs annule alors en partie les effets recherchés.

De plus, l’impact des activités humaines sur l’environnement ne se limite pas seulement aux émissions de GES.
D’autres problématiques environnementales devraient être considérées, comme l’acidification ou l’écotoxicité,
pour s’assurer que les stratégies de circularité mises en œuvre n’occasionnent pas un transfert des impacts
d’une problématique à une autre.

4.7 Barrières et pistes d’action


Le potentiel de différentes stratégies d’économie circulaire pour les industries de l’acier, du ciment et de
l’aluminium a été présenté dans les sections précédentes. Outre les technologies en développement, et donc
non disponibles, différents obstacles existent et limitent le déploiement de ces stratégies. Cette section présente
les principales barrières qui se dressent face à l’économie circulaire, selon des acteurs de l’industrie. Les résultats
présentés dans cette section sont issus d’une recherche complémentaire au projet, qui est basée sur une revue
de la littérature des obstacles au déploiement de l’économie circulaire et des mesures d’efficacité énergétique
ainsi que sur 15 entretiens avec 18 acteurs québécois issus de l’industrie (aluminium et ciment, 11 personnes),
des consultants (3) et des professionnels de la fonction publique (4).

Le Tableau 4-8 regroupe les 107 barrières, nommées dans les entretiens, en 8 catégories. Près du tiers des
barrières se trouvent dans la catégorie Lois et mesures des gouvernements, suivies de celles qui relèvent
d’enjeux financiers, de marché et de concurrence. Les obstacles liés aux structures organisationnelles et
individuelles arrivent en 4e et 5e place respectivement, suivis des limites techniques ou technologiques. Enfin,
bien que peu mentionnées, des contraintes liées à la disponibilité de ressources ainsi qu’aux consommateurs
étaient présentes.

Dans les prochaines sous-sections, les résultats détaillés de chaque catégorie d’obstacles mentionnés lors des
entretiens sont présentés.

TABLEAU 4-8 • FRÉQUENCE DE MENTION DES OBSTACLES ET BARRIÈRES DANS LES ENTRETIENS
(GUERCHE, 2020)

Nombre de barrières trouvées


Barrières
dans les entretiens
Lois et mesures des gouvernements 30
Marché et environnement concurrentiel 17
Obstacles financiers et coûts 16
Organisationnelles (Structurelles) 16
Organisationnelles (Individuelles) 11
Techniques et connaissances technologiques 10
Produits et ressources 4
Consommateurs et société 3
Total général 107

• 71 •
4.7.1 Lois et mesures des gouvernements
Ces barrières ont été soulevées 30 fois par les différents acteurs. De manière pondérée, tous les acteurs les
ont mentionnées à plusieurs reprises. La principale contrainte se résume à la « lourdeur administrative des
processus du ministère » qui est citée à 10 reprises sous différentes formes. À ce titre, deux participants
industriels considèrent qu’« ouvrir un dossier pour des accréditations de client prend au minimum quatre mois »
et notent qu’apporter des changements aux certificats d’autorisation peut prendre jusqu’à quatre ans. Selon eux,
les autorisations ministérielles demandent beaucoup d’engagement administratif (« c’est très exigeant, [c’est de
la] paperasse environnementale ») et peuvent s’avérer onéreuses (100 000 $ pour un test ou encore de 3 000 $
à 5 000 $ par client). Selon un autre répondant industriel, le temps des réponses pour faire valider les résultats
d’une étude auprès du MELCC (Ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques)
peut être de plusieurs mois. Il termine en disant que « cela est un exemple parmi tant d’autres des délais de
réponse et de la lourdeur du MELCC ». Ainsi, la lourdeur administrative s’avère un obstacle majeur à l’adoption
de stratégies d’économie circulaire pour les industriels.

Du côté des consultants, l’un d’eux témoigne que le processus de certification, qui peut s’étendre sur trois
phases d’une durée de 5 à 15 ans, fait perdre beaucoup de temps et d’investissement aux industries. Des repré­
sentants gouvernementaux reconnaissent également que « le lot de procédés peut représenter un obstacle […]
notamment au niveau [de l’industrie du] ciment ». Le processus d’évaluation environnementale, dans sa forme
actuelle12, prend en compte plusieurs facteurs, ce qui allonge la durée des phases d’évaluation, reconnaissent
deux répondants gouvernementaux. Mais, selon eux, il serait possible d’améliorer ces processus afin de les
optimiser. Des réformes pour moderniser les règlements sont en cours, dont celles du Règlement relatif à
l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement de certains projets (RÉEIE), adopté le 23 mars 2018,
et du Règlement sur l’encadrement d’activités en fonction de leur impact sur l’environnement (REAFIE), entré en
vigueur le 31 décembre 2020.

De manière générale, la lourdeur administrative des processus gouvernementaux ralentit l’avancée des procé­
dés circulaires. La complexité de la documentation et des procédures administratives ainsi que le contexte
réglementaire actuel inhiberaient le déploiement de stratégies d’économie circulaire, résument des consultants.

Le deuxième obstacle le plus important qui a été nommé est le manque d’orientation politique et de mesures
gouvernementales pour déployer des stratégies d’économie circulaire en milieu industriel. Selon un consultant,
il existe peu d’études pour alimenter la prise de décision. Celle-ci se ferait le plus souvent « sur un coin de
table », selon l’intervenant, qui qualifie cette approche récurrente « d’une maladie qu’on a au Québec ». Selon
des répondants gouvernementaux, il y a un « manque d’audace » de la part du gouvernement pour encourager
l’adoption de stratégies de circularité. Une approche plus proactive, menée par un leader désigné et appuyée par
une combinaison de mesures incitatives et contraignantes (« bâton et carotte »), sera nécessaire pour accélérer
leur déploiement. Certains intervenants de la fonction publique soulignent toutefois que plusieurs facteurs
pèsent dans la balance de la prise de décision des décideurs, dont les changements d’administration, les fusions
entre organisations et les priorités économiques du gouvernement.

La réglementation environnementale, inadaptée au niveau des matières résiduelles, est un autre obstacle qui
a reçu un niveau d’attention semblable au précédent. En effet, les matières résiduelles, qui pourraient être
revalorisées entre les entreprises, ne peuvent pas être librement échangées sur les marchés sans autorisation
préalable, car elles sont toujours reconnues comme des matières résiduelles selon les normes actuelles du

« L’évaluation environnementale est un instrument privilégié de développement durable. Elle vise avant tout une prise de décision éclairée par le gouvernement quant à
12

l’autorisation des projets d’envergure ou suscitant des préoccupations importantes, notamment dans le public et les communautés autochtones. Elle permet également
de considérer les préoccupations environnementales et sociales à toutes les phases de la réalisation d’un projet, de sa conception à sa fermeture, le cas échéant. Elle
aide l’initiateur à concevoir un projet qui, en plus d’être économiquement et techniquement réalisable, a été optimisé pour être davantage intégré au milieu récepteur et
globalement acceptable sur le plan environnemental. L’évaluation environnementale prend en considération les opinions, les réactions et les principales préoccupations
des personnes, des groupes, des organisations et des communautés locales et autochtones concernés par le projet. À cet égard, elle rend compte de la façon dont les
divers acteurs concernés ou intéressés ont été associés au processus de planification du projet et tient compte des résultats des consultations effectuées. » Ministère de
l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, « L’évaluation environnementale ». http://www.environnement.gouv.qc.ca/evaluations/inter.htm

• 72 •
MELCC. Autrement dit par un industriel, le MELCC considère « que ces matières, lorsqu’elles sortent du site où
elles sont conditionnées, demeurent une matière résiduelle, puis lorsqu’elles sont reçues » dans une autre usine
pour être réutilisées « c’est encore une matière résiduelle, tant et si bien qu’à nouveau, celui qui veut l’utiliser,
ça lui prend un certificat d’autorisation ». Selon lui, ce manque de flexibilité pour échanger librement sur les
marchés des matières résiduelles à revaloriser est le « plus grand désincitatif pour [les] réutiliser ».

Les intervenants ont soulevé d’autres barrières d’importance, notamment : l’absence de feuille de route et de
données ; le manque de coordination entre les ministères en raison de l’approche « en silo » ; la réglementation
environnementale complexe qui favorise l’enfouissement des matières résiduelles plutôt que leur valorisation ; la
hausse des prix des centres de tri due à la hausse du prix d’enfouissement ; la mauvaise communication gouver­
nementale ; le manque d’intérêt des ministères pour la synergie industrielle ; un « programme Écoperformance
pas adapté à l’électricité ».

4.7.2 Marché et environnement concurrentiel 


Les obstacles liés aux marchés et à la concurrence des entreprises figuraient au deuxième rang en importance
dans les entretiens. Il y a une grande diversité dans les réponses, mais les principales barrières reconnues
concernent le manque de communication et d’échanges d’information entre les industries, et ce, même entre
les acteurs d’un même secteur industriel, selon un répondant. Dans le secteur du ciment, certains participants
considèrent que leur secteur a « mal joué ses cartes », car ils ne se sont pas assez concertés. Des intervenants
gouvernementaux reconnaissent également que ce manque de transparence et de communication est une
entrave majeure à l’adoption de stratégies de synergies industrielles.

La concurrence déloyale des sites d’enfouissement, les différences de culture industrielle entre entreprises et
secteurs, les réalités géographiques (régions urbaines par rapport à régions éloignées) et la réticence de certaines
industries à adopter des pratiques de synergies industrielles sont d’autres barrières qui ont été soulevées pour
cette catégorie. En outre, certaines limites secondaires ont été évoquées, dont les enjeux de concurrence de
l’industrie face au marché américain (et parfois même à l’intérieur de son propre secteur dans le marché local),
le manque de connaissances sur l’efficacité énergétique, la difficulté de trouver des débouchés sur les marchés
américains et la nécessaire entente avec le client [industriel].

Enfin, l’économie circulaire demeure un concept émergent dans certains secteurs industriels : il peut y avoir un
« manque d’intérêt du marché pour l’économie circulaire dû à l’absence de consommateurs directs et à la taille
de l’industrie » (c’est-à-dire que les industries proches du consommateur sont plus préoccupées par les enjeux
d’acceptabilité sociale et de lutte contre les changements climatiques que celles qui n’ont pas de clients directs
comme les fabricants d’acier, par exemple).

4.7.3 Obstacles financiers


Dans la catégorie des obstacles financiers, la plus grande entrave à l’adoption de stratégies de synergies
industrielles est la justification de l’investissement financier. Selon des intervenants industriels, « introduire
de nouveaux équipements, ça prend des nouveaux silos […] ça prend un côté économique qui justifie cet
investissement ». Ainsi, selon eux, « l’obstacle est toujours financier », de telle sorte qu’ils souhaitent avoir plus
de financement pour recycler davantage de résidus industriels à l’interne. La réalité des industriels est qu’il
leur faut justifier auprès de leur direction chaque investissement qui est fait dans chaque usine – un processus
d’approbation qui peut complexifier et freiner la réalisation de projets de synergies.

Le coût de transport est perçu comme un deuxième frein notable dans la catégorie des obstacles financiers.
Selon des intervenants, la proximité entre les acteurs (fournisseurs, distributeurs et acheteurs de matières
résiduelles à valoriser) dans un écosystème de synergies industrielles est très importante, en raison des coûts
de transport. La pandémie de la COVID-19 a également été reconnue comme un risque au déploiement de
stratégies d’économie circulaire en raison des coûts additionnels qu’elle pourrait engendrer et de l’impact

• 73 •
qu’elle pourrait avoir sur la priorité de financement des entreprises. Enfin, les coûts de conditionnement des
matières résiduelles, les processus de certification trop coûteux, qui poussent à l’enfouissement, et la récession
économique pourraient contribuer à ralentir le déploiement de projets en économie circulaire, selon certains.

4.7.4 Barrières organisationnelles (structurelles)


Selon les entretiens, l’importance des barrières organisationnelles structurelles équivaut à celle des obstacles
financiers. Pour plusieurs, l’absence d’intérêt et de compréhension du concept de l’économie circulaire par des
industriels et la haute direction des entreprises freinerait son intégration dans les modèles d’affaires. D’autres
soulignent toutefois qu’il est déjà courant d’optimiser des procédés par une certaine valorisation des résidus
et des pertes dans une usine. Mais il est moins courant d’explorer l’application de stratégies de circularité plus
poussées à travers l’ensemble de la chaîne de valeur de l’entreprise. La complexité et le manque de connaissances
de ces nouvelles applications constituent de véritables barrières organisationnelles, selon un consultant. À ce
titre, le niveau de maturité d’une entreprise et son niveau de résistance au changement, dû aux pratiques et
cultures organisationnelles, exerceront une grande influence sur son niveau d’adoption de stratégies circulaires.

L’absence de données (due à un manque de recherche ou de divulgation aux gouvernements), les différentes
priorités entre les installations et les départements d’une entreprise et la tendance de maintenir le statu quo dans
les grandes industries, en raison de leur manque d’agilité, sont d’autres obstacles qui ont été nommés dans cette
catégorie. La période d’incertitude économique causée par la COVID-19 favoriserait également l’adoption de
visions à plus court terme dans le milieu industriel. Enfin, le manque de transparence, en raison d’une culture de
confidentialité dans les organisations, contribuerait au manque d’ouverture à divulguer des informations internes
qui pourraient favoriser le déploiement de mesures d’économie circulaire, selon un répondant gouvernemental.

4.7.5 Barrières organisationnelles (individuelles)


La résistance interne aux changements est un des freins organisationnels individuels les plus importants qui a
été noté par les participants. Des craintes liées à des pertes d’emplois dans un environnement syndiqué ou des
incertitudes face à l’approche du marketing ont été soulevées à titre d’exemples. Les participants expliquent
qu’il « a fallu [se] battre avec les employés pour les amener à faire les efforts qu’il fallait ». Selon deux autres
répondants industriels, une telle résistance peut s’établir avec le temps, ce qui constitue un défi.

En sus des craintes liées à la perte d’emplois, un intervenant mentionne que les syndicats pourraient résister
à l’adoption de nouvelles pratiques en économie circulaire, en raison des normes établies (ex., sécurité, santé,
convention collective), même si la direction du développement durable leur explique ce qu’ils auraient à y gagner.
Des résistances aux changements de pratiques pourraient également subvenir au niveau du personnel de
maintenance, des ingénieurs et des employés attitrés aux fours dans les usines.

D’autres obstacles secondaires sont le « défi d’adaptation pour les nouveaux employés », le « taux de roulement
des décideurs qui a des répercussions négatives sur l’économie circulaire » et le « travail en silo dans les
organisations ». Il y a donc 8 barrières qui représentent une forme de résistance au changement sur 11 dans
cette catégorie d’entraves.

4.7.6 Enjeux techniques et technologiques


La moitié des mentions liées aux barrières techniques et technologiques concerne les défis des infrastructures
existantes. Selon un consultant, implanter de nouvelles technologies dans des usines qui sont peu optimisées est
souvent coûteux. Un répondant industriel explique qu’il faut « profiter d’une infrastructure existante […] quand
on parle de résidu qui [n’] a pas une grande valeur, vous [ne] pouvez pas vous permettre des investissements
majeurs pour partir une nouvelle usine qui s’occupera de ça ». D’autres industriels soulignent aussi que les
« vieilles installations » sont un frein technologique.

• 74 •
Les autres barrières mentionnées sont le manque de « connaissance des produits et procédés » et d’expertise
technique dans l’application de stratégies d’économie circulaire en milieu industriel. Certains industriels notent
que plusieurs « projets d’améliorations sont sur la touche » à cause de la pandémie. Enfin, un intervenant a
souligné le manque de financement pour la recherche sur des études avant le début de projets.

4.7.7 Problèmes liés aux produits et ressources


Ce regroupement d’obstacles a été nommé quatre fois par les acteurs, tous issus de l’industrie. Trouver un produit
ou une matière de remplacement adapté aux besoins de l’entreprise est mentionné comme un défi notable.
Selon un répondant, « la nouvelle matière doit être comparable au niveau prix et coûts » et de la performance
recherchée (ex., niveau thermique, si utilisé comme combustible). La disponibilité des approvisionnements des
matières à revaloriser est également importante. Pour que les stratégies de synergies industrielles soient viables
à long terme, elles doivent pouvoir répondre aux besoins d’approvisionnement au-delà de « 4-5 mois », comme
le souligne un intervenant. Une autre barrière mentionnée est la variabilité des produits selon les saisons
(ex., humidité hivernale qui peut créer des problèmes).

4.7.8 Consommateurs et société


La dernière catégorie d’obstacles est associée aux consommateurs et à la société. Il n’y a que trois mentions
en tout pour cette catégorie. Des répondants du milieu gouvernemental parlent de « méconnaissance » dans
toutes les couches de la société, tandis qu’un intervenant industriel mentionne que certaines villes ne « veulent
rien savoir » de certains sous-produits réutilisables. Enfin, deux autres industriels mentionnent, à titre d’exemple,
qu’une résistance de la communauté avoisinante est survenue il y a quelques années.

4.7.9 Pistes d’action


Plusieurs pistes d’action peuvent être déterminées à la suite de ces résultats13. Le gouvernement peut sûrement
en faire plus pour guider les industries et les amener à l’économie circulaire et aux synergies. Plusieurs ont
mentionné le besoin de rencontrer plus facilement les décideurs politiques, comme le premier ministre
ou le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques du Québec. Ainsi, une
stratégie de concertation, comme des tables rondes entre l’industrie et les ministères, pourrait être organisée.
Pour rassembler le plus d’acteurs possible, des villes avoisinantes et d’autres organisations seraient invitées à
participer à des tables de concertation de la même nature, respectant les besoins des acteurs locaux. Ce faisant,
briser les vases clos de communication entre les industriels et les administrations gouvernementales pourrait
être accompli.

Les entreprises devraient de la même manière partager plus aisément leurs données entre elles et avec le
gouvernement par souci de transparence : cela pourrait aider à avoir des informations qui serviraient à établir
une feuille de route, une vision à long terme. Il s’agit d’un obstacle majeur qui a été soulevé non seulement au
niveau des barrières gouvernementales, mais aussi dans les barrières liées au marché et à l’environnement
concurrentiel par les intervenants, citant une mauvaise communication à plusieurs niveaux.

Les pratiques de gestion en entreprise doivent être adaptées pour sensibiliser et former les employés à adhérer
aux changements de pratiques menant à l’économie circulaire. Les industries ont réussi à surmonter beaucoup
de barrières organisationnelles individuelles en mettant en place des comités internes, en faisant appel à des
experts sur la question et en adoptant des incitatifs financiers ou autres qui permettent de changer les mentalités
et de faciliter l’adoption de mesures d’économie circulaire. Ce sont des pratiques de gestion qui devraient être
diffusées. Les industriels sondés affirment que les organisations ont un intérêt pour l’économie circulaire. Selon
les consultants et les représentants du gouvernement, il y a des barrières organisationnelles structurelles qui
sont présentes en industrie : les organisations devraient donc mettre l’accent sur l’économie circulaire et la
prioriser afin de ne pas se détourner de ce type d’économie.

13
Une analyse plus détaillée se trouve dans le rapport complet duquel sont tirés ces résultats (Guerche, 2020).

• 75 •
Les industries du ciment, de l’aluminium et de l’acier devraient se rapprocher et favoriser des discussions prenant
le format de forums d’industrie – c’est un point qui a été soulevé à maintes reprises par les industriels. Ce
faisant, beaucoup de bonnes pratiques pourraient être partagées et des synergies pourraient être présentées.
De la même manière, les industries devraient s’assembler ou être considérées par le gouvernement comme
des grappes industrielles afin de favoriser le dialogue interindustriel de même que l’échange de procédés ou
de matériaux.

Le gouvernement a un très grand rôle à jouer et a déjà reconnu l’économie circulaire comme une orientation
stratégique de sa prochaine Stratégie de développement durable 2022-2027. Cependant, comme cela a été
évoqué précédemment dans ce rapport, il n’y a pas beaucoup de données ou de réflexion présentes depuis
2015. Cinq ans plus tard, en 2020, le gouvernement a pris connaissance de ses lacunes, et quelques initiatives ont
été prises, comme des ateliers de travail organisés ou l’étude conjointe sur la circularité au Québec entre RECYC-
QUÉBEC et l’organisation Circle Economy (dont la publication est prévue au printemps 2021). Les intervenants
issus d’administrations gouvernementales évoquent entre autres la « volonté du gouvernement de travailler sur
les sites d’enfouissement » ou les certifications, le besoin pour celui-ci de développer son expertise au sein des
ministères et de faire de plus en plus de formations. Les industries attendent notamment que le gouvernement
prenne sa place pour accompagner les changements et facilite la transition vers une économie circulaire.
De la même manière, les réflexions gouvernementales devraient aussi inclure une sensibilisation plus large
de la population quant à l’économie circulaire et ses dérivés comme les synergies. Il semble donc nécessaire
d’informer toutes les sphères de la population des bienfaits et de la nature de l’économie circulaire.

Enfin, quelques intervenants ont aussi évoqué l’idée d’implémenter l’écofiscalité. Cette mesure s’applique au
secteur de l’énergie et il ne semble pas qu’elle soit absolument nécessaire dans le contexte des industries du
ciment, de l’aluminium et de l’acier. Les entrevues menées dans ces entreprises ont tout de même démontré
l’intérêt des intervenants et de leur compagnie pour les synergies et l’économie circulaire. Cependant, le concept
d’écofiscalité pourrait peut-être s’appliquer à un niveau plus global d’énergie, pour aider à conscientiser les
entreprises du Québec.

Pour conclure, le Tableau 4-9 résume les six pistes d’action à privilégier.

TABLEAU 4-9 • SOMMAIRE DES PISTES D’ACTION POUR FAVORISER L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE (GUERCHE, 2020)

1. Assurer une meilleure Meilleur réseau de communication entre les industries et le gouvernement
communication industrie- (créer des tables de concertation, développer la transparence pour le partage
gouvernement de données)

2. Adopter une stratégie d’économie


Développer un intérêt politique, mais aussi une expertise ministérielle ;
circulaire complète menée par le
une feuille de route établit une vision à long terme
gouvernement

Partager les pratiques de gestion et les données essentielles aux synergies,


3. Développer un meilleur réseau de
établir des liens et développer une forme de transparence (forums de l’industrie,
communication interindustriel
grappes industrielles)

4. Sensibiliser la population et les Par le gouvernement, à titre d’acteur principal, ce qui permettra la diffusion
acteurs industriels de connaissances aux industries et à la société

5. Développer des pratiques de gestion


Généraliser l’utilisation de pratiques de gestion spécifiques pour briser
pour faciliter l’introduction de
les barrières individuelles et la résistance
l’économie circulaire

Industries : prioriser l’économie circulaire et les synergies pour mettre à jour


6. S’assurer d’un financement adéquat les infrastructures et projets

Gouvernement : accompagner avec des incitatifs et même plus

• 76 •
5 | Pistes d’action générales pour
entreprises et gouvernements
Ce rapport ne vise pas directement à faire des recommandations. Son objectif est de mieux cerner le potentiel de
l’économie circulaire dans la réduction des émissions de GES dans le secteur industriel. La section 4 du rapport
répond à cet objectif, mais évidemment de manière perfectible. Cette courte section suggère un ensemble de
pistes d’action que les chercheurs qui ont participé à ce rapport ont déterminées. Ce ne sont pas forcément des
pistes d’action qui découlent directement des résultats de la recherche, mais un ensemble de pistes émergeant
aussi du processus de recherche et des expériences acquises durant celle-ci.

Ces pistes d’action sont regroupées en deux grandes catégories :

1. Favoriser les stratégies d’optimisation et les symbioses industrielles – recommandations affectant


directement les entreprises.
2. Développer un cadre pour faire émerger des stratégies de fin de vie et des actions sur la demande –
recommandations dirigées vers les gouvernements et les instances réglementaires.

5.1 F
 avoriser les stratégies d’optimisation et les symbioses
industrielles – Recommandations affectant directement
les entreprises
L’étude des barrières et obstacles aux stratégies d’économie circulaire a permis de dégager deux pistes d’action
concernant directement les entreprises :

• Développer un meilleur réseau de communication interindustriel.

• Développer des pratiques de gestion pour faciliter l’introduction de stratégies et de modèles d’affaires
liés à l’économie circulaire.

Lors de travaux parallèles à ce projet, pour la rédaction du document L’économie circulaire au Québec : Quelles
options pour la stratégie gouvernementale en développement durable 2022-2027 ?  (Korai & Whitmore, 2020),
certaines pistes d’actions directement liées aux industries ont aussi été identifiées et sont reprises par les
chercheurs du présent rapport :

• Développer des indicateurs de circularité qui peuvent être intégrés dans les processus décisionnels des
industries. Des cadres d’analyses reconnus (Ellen MacArthur Foundation, 2020 ; WBCSD, 2020) existent
à cet effet.

• Établir des cibles et des programmes d’amélioration de la circularité de la chaîne de valeur des différents
secteurs industriels.

Ces pistes d’action demandent un engagement des entreprises à travailler à l’interne pour mieux articuler
leurs stratégies d’économie circulaire. Un contexte porteur plus général, émanant d’orientations sociétales et
gouvernementales, doit aussi soutenir ces initiatives. Le second ensemble de pistes d’action vise à permettre à
ce contexte d’émerger.

• 77 •
5.2 D
 évelopper un cadre pour faire émerger des
stratégies de fin de vie et des actions sur la demande –
Recommandations dirigées vers les gouvernements
et les instances réglementaires.
L’étude des barrières et obstacles aux stratégies d’économie circulaire a permis de dégager quatre pistes d’action
concernant les gouvernements et les instances réglementaires :

• Assurer une meilleure communication industrie-gouvernement.

• Adopter une stratégie d’économie circulaire complète menée par le gouvernement.

• Sensibiliser la population et les acteurs industriels.

• S’assurer d’un financement adéquat.

Un autre ensemble de pistes d’action pertinentes pour les secteurs industriels du Québec sont issues des
travaux liés au rapport Korai et Whitmore (2020) :

• Établir une approche normalisée pour la cartographie de la chaîne de valeur et l’AFM des secteurs.

• Mettre en place un système de comptabilité national pour mesurer la progression vers des objectifs de
circularité de l’économie et en faire le suivi, en favorisant le recours à la modélisation pour évaluer les
gains environnementaux et économiques.

• Déterminer les nouvelles compétences et expertises à développer auprès de la main-d’œuvre actuelle


(perfectionnement) et future (formation) pour la mise en œuvre de stratégies d’économie circulaire en
milieu industriel.

• Réaliser une revue de la réglementation et des lois qui pourraient freiner le déploiement de stratégies
d’économie circulaire.

• D’une manière générale, surtout pour s’assurer de minimiser les effets rebonds qui peuvent se produire
lorsque des gains d’efficacité se produisent, des signaux de prix doivent décourager l’utilisation
croissante de ressources naturelles. La dernière piste d’action vise donc à ancrer ce principe dans le
contexte général :

• Mettre en place une écofiscalité permettant d’opérationnaliser le principe du pollueur-payeur, de


favoriser la soutenabilité financière des initiatives d’économie circulaire et de limiter les augmentations
des usages de ressources naturelles liées aux gains de productivité.

• 78 •
5.3 M
 ettre en valeur la position privilégiée du Québec dans la
mise en œuvre de nombreuses stratégies
Le Québec peut se positionner comme un acteur majeur de l’économie circulaire dans le secteur industriel et
miser sur 5 forces ou atouts pour développer son application :

• Une électricité décarbonée à prix compétitif. Une partie des stratégies de circularité mise sur
l’utilisation efficace d’électrotechnologies.

• Une expertise technique déjà bien implantée. Le réseau des CCTT (centres collégiaux de transfert
de technologie), les universités et les centres de recherche publics sont des acteurs essentiels dans
la mise en œuvre de l’économie circulaire. Ils peuvent faciliter le difficile passage du stade de l’idée à
celui de l’application pratique. Les programmes de subvention à la recherche en matière d’économie
circulaire sont à développer.

• Des financements accessibles. En ce qui concerne tant les programmes facilitant l’efficacité
énergétique (Hydro-Québec) que la réduction des émissions de GES (TEQ, MELLC) ou le financement
d’entreprise (MEI, Financement-Québec, programmes de financement du gouvernement du Canada),
les options disponibles sont nombreuses et les entreprises devraient être encouragées et guidées dans
leur utilisation.

• Une capacité entrepreneuriale. Plusieurs modèles industriels québécois rayonnent dans de


nombreux secteurs partout dans le monde pour l’usage circulaire associé à la transformation des
matières premières et résidus : métaux, fibre, plastiques, etc.

• L’accès aux ressources. Il faut développer ou améliorer le réseau des ressources par un meilleur
système de cueillette et d’échanges (matières résiduelles, rejets thermiques, etc.).

Il faut miser sur ces axes stratégiques et les renforcer. Un exercice d’évaluation quantitative du potentiel de circu­
larité par segment industriel et technologies associées serait bénéfique, et ce, dans la perspective d’en solidifier
les assises économiques.

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• 86 •
Annexes

Annexe A – S
 ynergies déterminées pour le secteur du ciment et
du béton
TABLEAU A-1 • LISTE DES SYNERGIES RECENSÉES POUR LES INTRANTS DE LA PRODUCTION DE CLINKER,
DE CIMENT ET DE BÉTON

Intrant remplacé  Critère de performance Alternative Provenance 


Biomasse résiduelle
Pouvoir calorifique
Boues

Plastiques usés  Sources multiples 


Humidité
Combustible (A)  Caoutchouc usé (ex. : pneus) 

Solvant et huile usés 


Absence de contaminants Coke de pétrole  Raffinerie pétrolière 
(halogènes, soufre, etc.)
Viande et os  Abattoir 

Scories d’aciéries  Production d’acier 

Boues rouges  Production d’aluminium 


Source de chaux (CaO), silice
Matière première
(SiO2), alumine (Al2O3) et oxyde Résidus de béton  CRD 
pour clinker (B) 
de fer (Fe2O3)
Particules fines 
Production de calcaire et de dolomie 
Boues 

Gypse recyclé  CRD 


Additifs au Désulfuration des gaz de combustion
Pouvoir retardateur de prise
clinker (C)  Gypse synthétique (centrale thermique, procédés
chimiques)
Scories sidérurgiques  Production d’acier 

Cendres volantes  Centrale au charbon, pâtes et papiers 


Indice de pouzzolanicité
Ajouts 
Fumée de silice  Production de silicium 
cimentaires (D) 
Poudre de verre Recyclage du verre 

Briques  CRD 

Verre  Déchet municipal 

Granulométrie Coquilles d’huîtres  Déchets marins 

Pièces solides  Industrie du carrelage 


Granulats
Homogénéité Résidus de béton  CRD 
alternatifs (E) 
Scories d’aciéries  Production d’acier 
Résistance mécanique Fibres naturelles  Sources multiples 

Sable de fonderie  Fonderie 

• 87 •
TABLEAU A-2 • LISTE DES SYNERGIES RECENSÉES POUR LES EXTRANTS DE LA PRODUCTION DE CLINKER,
DE CIMENT ET DE BÉTON

Extrants  Critères de performance Utilisation Destinataire 

Poussières de fours Amendement de sol Agriculture


à clinker ou à ciment ND
déclassés (F) Ajout cimentaire Production de béton
Boues de lavage des
ND Amendement de sol Agriculture
bétonnières (G)
Granulats Production de béton
Résidus de béton (H) ND
Remblai Construction d’infrastructures

Carbonatation du béton Production de béton


Séquestration du CO2 (I) ND
Autres (voir la section 4.5) Multiples (voir la section 4.5)

• 88 •
Annexe B – S
 ynergies déterminées pour le secteur de l’aluminium
TABLEAU B-1 • SYNERGIES PROPOSÉES POUR LES INTRANTS ET EXTRANTS DE LA PRODUCTION
D’ALUMINIUM PRIMAIRE

USINE DE PRODUCTION D’ALUMINE

Intrants (A) Alternatives Extrants (B) Débouchés

Cimenteries
Cendres volantes de centrales Géopolymères
au charbon
Bauxite Boues rouges Pigments
Stériles miniers enrichis
en aluminosilicates Réfractaires

Adsorbant

Abrasifs
Sous-produit provenant du
NaOH et CaO Alumines « déclassées » Agent réfléchissant/peinture
traitement des brasques (J)
Raffinerie

CALCINATION DU COKE VERT

Intrants (C) Alternatives Extrants (D) Débouchés

Fournisseurs québécois
de carbone résiduel Détergents et savons
Coke de pétrole et coke
Biochar Sulfate de sodium Fabrication du verre
calciné
Graphite des projets miniers Absorbant
québécois

FABRIQUE D’ANODES PRÉCUITES

Intrants (E) Alternatives Extrants (F) Débouchés

Braie de goudron Huile pyrolytique Anodes « déclassées » Valorisation à l’interne

USINE DE PRODUCTION DE HF

Intrants (H) Alternatives Extrants (I) Débouchés

Amendement agricole
Sous-produit provenant du
CaF2 Anhydrite (CaSO4) Retardateur de prise
traitement des brasques (J)
du ciment

• 89 •
USINE DE RÉDUCTION DE L’ALUMINE
Intrants (G) Alternatives Extrants (J) Débouchés
Après traitement :
Résidus carbonés valorisés
Mégots d’anodes à l’usine d’anodes précuites
Résidus fluorés valorisés
dans les cuves d’électrolyse

Valorisées dans les cuves


Écumes d’électrolyse, avec ou sans
Cryolite (Na3AlF6) traitement préalable
Écumes
et AlF3
Après traitement :
Résidus carbonés en (C)
NaOH valorisé en (A)
Brasques
CaF2 en (H)
Briques résiduelles
valorisées en cimenteries

• 90 •

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