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ROMANSI<

INSTITUTS
DUPLll<EREDE
0

SMASl<RIFTER
Nummer 23 December 1973

Marcel Hénaff:
'' ... LA LITTERATURE
N'EXISTE PAS .. ."

Introduction à la Sémanalyse
de Julia Kristeva

Romansk Institut
Rigensgade 13
1316 Kbh . K Pris 2 kr.
"Pour la sémiotique, la littérature
n'existe pas • Elle n'existe pas en
tant qu'une parole comme les autres
et encore moins comme objet esthétique
Elle est une pratique sémiotigue parti-
culière qui a l'avantage de rendre plus
s~isissable que d'autres cette problé-
matique de la production de sens qu'une
sémiotique nouvelle se pose ••• "
( Sémiotiké p.4 1) KRISTEVA
LIMINAIRE

Au cours de ces dernières années la sémiotique littéraire a connu


en France un développement assez considérable et assez spécifique
pour que certains soient déjà tentés de parler à ce propos d'une
"Ecole de Paris" (comme un temps il fut question de celle de
Francfort) bien qu'au sein de ce mouvement les différences et les
divergences soient souvent très importantes. On pourrait, pour
orienter le regard dans lè panorama, avancer des noms déjà bien
co~nus comme ceux de BARTHES, GREIMAS, TODOROV, GENETTE, auxquels
il faudrait ajouter la liste de ceux qui travaillent avec Barthes
à !'Ecole pratique des Hautes Etudes et publient dans la revue
"Communications" (BREMOND p.ex.) ; i l faut en outre mentionner
l'activité de revues comme: "Langages", "Langue française", "Poè-
tigue", "Çritique" etc ••• ainsi que la collection "Langue et lan-
gage" où se signalent les travaux du Groupe~ sur la rhétorique
(DUBOIS notamment). A signaler aussi les recherches de DUCROT
sur les présuppositions ,
Dans ce champ de recherches fort diversifié une position très
particulière est tenue par une sémioticienne comme Julia KRISTEVA
en raison de l'ampleur théorique de son travail, en raison aussi
de sa connaissance exceptionnelle des sémioticiens soviètiques
contemporains dont elle fut souvent la premlère à signaler les
travaux en France ( tel s ceux ne Baktine, Mall,Volkova,Lotman ••• );
bulgare elle-même, elle s'est trouvée depuis son arrivée en
rrance (1966) liée au groupe TEL QUEL où ses contributions n'ont
pas peu s~rvi à l'audience internationale de la revue du même nom.

N.B. Reprise d'un cours destiné à des non-initiés, cet exposé


s'est voulu innocemment didactique; il s'agissait donc
statens trykningskontor moins de discuter que de simplement présenter les positions
de Kristeva.
Un 44-2
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TABLE A- LE P'1.0JET SEMIOTIQUE GENERAL :


DE LA SEMIOLOGIE A LA SEMANALYSE
A/- LE PROJET SEMIOTIQUE GENERAL
1- La sémiotique: approches d'une définition.
DE LA SEMIOLOGIE A LA SEMANALYSE
1- La sémiotique: approches d'une définition Tout d'abord une remarque: on emploie aujourd'hui presque indif-
féremment les termes sémiologie ou sémiotique; cependant c 'est
2- Le niveau sémiotique; recherche d'un statut
ce dernier qui tend de plus en plus à l'emporter du fait qu'il
3- Le champ sémiotique; passage à la sémanalyse
s'est imposé dans l'usage des auteurs anglo-saxons et qu'il répond
plus directement au terme grec sémeiotiké; du fait également que
B/- LA LITTERATURE EN QUESTION
le terme sémio-logie se trouve grevé d'un "logos" dont la charge
ET L'EMERGENCE DU TEXTE
métaphysique a été analysée avec toutes ses implications dans les
1- Sur quelques présupposés du concept travaux de Derrida (cf. De la grammatologie ) ( Ainsi, il est
classique de littérature
intéressant de noter qu'entre deux éditions d'un m~me texte, Kris-
a)Le concept d'~ comme idéologème de l'échange
teva a remplacé sémiologie par sémiotique ••• )
b)Le concept de signe comme idéologème métaphysique
Ceci dit demandons-nous : qu'est-ce que la sémiologie ? (gardons
- représentation
provisoirement ce terme). Il nous faut en chercher la première
- communication
définition importante chez le fondateur de la linguistique moderne:
- échange (bis)
à savoir F. de Saussure:
2- L'émergence du texte "On peut donc concevoir une science qui étudie la vie des
a) Le texte comme pratique signifiante signes au sein de la vie sociale; elle formerait une partie
de la psychologie sociale, et par conséquent de la psycho-
b) Le texte comme production translinguistique logie générale; nous la nommerons sémiologie ( du grec
semeîon,"signe"). Elle nous apprendrait en quoi consistent
- négativité les signes, quelles lois les régissent ••• La linguistique
- rapport phéno-texte/géno-texte n'est qu'une partie de cette science générale, les lois que
découvrira la sémiologie seront applicables à la linguisti-
- fonction anaphorique que, et celle-ci se trouvera ainsi rattachée à un domaine
bien défini dans l'ensemble des faits humains•
c) Le texte comme inter-textualité (Cours de linguietique générale p. 33 )
- le paragrammatisme Ce qu'il y a de remarquable dans cette définition c'est le statut
- le dialogisme relatif qui se trouve assigné à la linguistique par rapport à la
sémiologie: celle-ci serait l'étude générale des signes dont le

REMARQUES - CONCLUSION signe linguistique n'est qu'une variante. Reprenant cette question
dans ses Eléments de sémiologie Barthes pense que cette relati-
&
visation de la linguistique n'est pas tenable pour cette raison
& &
que tous les systèmes de signes ne nous sont accessibles qu'à
N,B. Presque toutes les citations de Kristeva utilisées t r avers le langage ou, en tout cas,se doublent d'un message
dans cette étude sont extraites de son ouvrage :
" Sémiotiké. Recherches pour une sémanalyse" (196g) l inguistique " en sorte qu'au moins une partie du message iconique
est dans un rapport structural de redondance ou de relève
Cet ouvrage sera constamment désigné par le sigle S •
avec le système de la langue" (p. 80 ;ed.Gonthier.•Médiations•)
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eu le mérite de mettre l'accent sur un aspect très important de


D'autre part le savoir sur les sil!l1es non linguistiques est lui-
la démarche sémiotique (aspect quelque peu négligé par Saussure
même énoncé dans la langue. Le relai du langage est donc inévitable.
et ses continuateurs) à savoir : la possibilité et la nécessité
Barthes conclut: d'une formalisation des systèmes de signes les plus divers sur
" La sémiologie est donc peut-être appelée à s'absorber dans le mode des systèmes mathématiques.
une trans-linguistigue, dont la matière sera tantôt le mythe,
le récit,l'article de presse, tantôt les objets de notre ci- Cètte formalisation intégrale s'affirme également comme le but
vilisation, pour autant qu'ils sont parlés ( à travers la essentiel d'une autre tentative sémiotique de premier ordre à savoir
presse, le prospectus, l'interview, la conve~·sation et peut-
être même le langage intérieur d'ordre fantasmatique). IL la glossématigue de H,iemiev. Il n'est pas de recherche sémiotique
faut en somme admettre dès maintenant le possibilité de ren- aujourd'hui qui ne doire reconna1tre sa dette envers Hjemslev et n'aie
verser un jour la proposition de Saussure: la linguistique
n'est pas une partie, même privilégiée, de la science géné- donc à régler ses coDp;es avec lui. C'est ce que fait Kristeva(S,22-25)
rale des signes, c'est l a sémiologie qui est une partie de la en reconnaissant à la elossématique deux mérites fondamentaux:
l inguistique: très précisément cette partie qui prendrait en
charge les grandes unités signifiantes du discours". (p.B 1 ) - avoir défini la meilleure procédure de formalisation des systèmes
signifiants
Cétte mise au point situe une problèmatique sémiologique telle qu'elle - traiter tous les éléments linguistiques comme étant de nature
s'est déterminée à partir de la linguisqtique; il en existe une physique
autre qui s'est déterminée à partir de la logique formelle; ainsi Cependant les limites de la glossématique hjemslevienne apparaissent
c'est au logicien Charles Sanders PEIRCE ( un de ceux qui avec en ceci que :
Boole,Morgan,Peano,Frege,Russ el, Hilbert furent les principaux - ses concepts fondamentaux (substanceiforme; expression/contenu;
fondateurs de la logique mathématique soit l'axiomatique) que immanence/transcendance)resten"tfolidaires de la tradition métaphysique
l'on doit la définition suivante: et de son idéologie; Hjemslev en donne certes des définitions précises
"La logique, dans son sens général est ••• seulement un autre et fonctionnellesmais n'en critique pas les présupposés.
mot pour la sémioti ue, une doctrine quasi-~éces sa ire ou for-
melle des signes" cité dans S,17) - le matériel sémiotique esttraité comme matériel an-historique
Ce que Peirce propose c'est une sorte de mathématisation aussi c'est-à-dire posé comme structure universelle de la Raison systématisante
complète que possible des signes de t ous ordres, de manière à - une clôture logique est postulée dans l es systèmes étudiés grâce
aboutir à un calcul logique des modes du signifier • ( On retrouve au subterfuge formel offert par la constitution d•un méta-langage
là renouvelé et modernisé le célèbre et ambitieux projet de Lei bniz ou d'une méta-sémiologie, ce qui aboutit au postulat d'une neutralité
de mettre au point une r,aractéristique universelle qui , d'une du domaine signifiant, comme totalité lo8Îque sans "dehors" historique.
part, réduirait les langues à leurs éléments •formels et, d'autre Ce qui amène Kristeva à conclure:
part, serait en mesure de produire une langue internationale sur "La théorie hjemslevienne est finaliste et systématisante; elle
le mode des systèmes mathématiques) retrouve dans la'transcendance' ce qu'elle s'est donnée comme
'immanence' , et dessine ainsi les confins d'une totalité close
La nature même du projet sémiotique de Peirce ( tout comme le cernée par une desciption aprioriste du langage, en coupant la
projet d'une Caractéristique chez Leibniz) impliquait la mécon- voie à la connaissance objective des systèmes signifiants
irréductibles au langage comme'système biplan' "••• (S,22-23)
naissance de la dimension historique et donc dialectique du lan-
et encore:
gage; cette impossibilité pour la linguistique de jamais depenir
"Les recherches postérieures à Hjemslev sur le signe littéraire
une science déductive explique pour une bonne part l'échec de (connotatif) aboutissent à des constructions mécaniques complexes
l'école du "positivisme logique". Pourtant cette tentative avait qui ne brisent pas l'enclos du signe-ber.ne de la dénotation",S,23)
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témologique d'un concept de phy sique): bref toute production d'un


il n'en demeure pas moins que:
"La théorie sémiotique de Hjemslev par sa précision et son ampeur métalangage serait extra scientifique; la science se limite à la
et malgré son extrême abstraction ( l'anti-humanisme devenant un production d'un langage-objet sur lequel el1e ne saurait comme
logicisme aprioriste)est sans doute la mieux définie de celles qui
proposent une procédure de formalisation des systèmes signifiants". telle produire un langage-vrai. Cette limi tation mPthodologique
(S,22) le savant la réclame en outre comme fo~dement de l'objectivité
de son savoir et de ses résultats; savoir hors-discours,hors-
2- Le niveau sémiotique; recherche d'un statut.
histoire et donc hors-idéologie: la science est neutre. Mais c'est
Par ranport aux sciences exactes, la sémiotique offre cette parti- précisément là sa "tache aveugle" où éclat e l'idéologie dont elle
cularité et cette possibilité d'être à la fois une pratique scien- s e croit exempte et qui se ramène à quelques postulats positivistes
tifique et une théorie de cette pratique. Sort statut épistémolo- qui se résument pour l'essentiel à cette proposition : la science
gique propre est de rendre inséparable les deux démarches. C'est s'arrête où commence la critique de la science . Cette critique
leur rapport dialectique qui définit précis ément pour Kristeva le marque le saut hors de la neutralité revendiquée par la science
niveau sémiotique. En effet la pratique productrice de modèles ( sur les implications idéologiques de cette "neutralité" voir
manifeste la théorie qui la constitue, et, réciproquement: le livre d'Alain Badiou:Le concept de modèle -Maspero). La science
" à chaque cas concret de la recherche sémiotique, une s'interdit donc de penser les conditions de sa production, de son
réflexion théorique dégage le mode de fonctionnement
fonctionnement , autrement dit elle refoule son propre travail, mais
signifiant qu'il s'agit d'axiomatiser, et un formalisme
vient représenter ce que la théorie a dégagé" (S,30) en outre elle restreint considérablement le champ de la scientifi-
" La sémiologie est ainsi un type de pensée où la science cité et se met donc en contradiction avec son ambition d'un savoir
se vit(est consciente) du fait qu'elle est une théorie.
A chaque moment où elle se produit, l a sémiotique pense dont la compréhension égalerait l'extension. Bien plus en se
son objet, son outil et leur rapport, donc se pense, et refusant à théoriser l ~s conditions de sa production la science
devient 9 dans ce retour sur elle-même, la thPorie de la
se condamne en fait , ~n ~ise de subs titut, à secrète r une phi-
science qu'elle est" (S,30)
Il s'agit là d'une démarche nouvelle assignPe à la science, dans losophie spontanée, naïve sur sa dé marche ( cf sur ce point les

la mesure où celle-ci , clas s iquement, se r efusait à reconnaître analyses de Bachelard et d'Althusse r)

comme i ntégrable à son activité spécif ique le mouvement critique C'est précisément cette naïvet? que veut éviter la démarche sémio-

concernant cette activité. Autrement dit la science incluait dans tique, car s'il est vrai "qu'une théori e est toujours implicite

sa définition l'impossibilité d'un retour sur soi. Un discours dans les modèles 1ie chaque science"(S , 30), la rigueur scientifi-
que elle-même exige que soit exhibée et problématisée cette thé-
critique ne pouvait que lui être extérieur sinon étranger, bref
orie.
un discours sur la science par le non-savant . Quant au savant lui-
même il n'était affecté d'aucune manière par ce discours sur sa "Ayant commencé avec comme but une connaissance, elle finit
~ar trouver ~omm e résul~at de son trajet une théorie qui,
pratique. Seules des diff icultés internes (erreurs de calcul, extra- etant elle-meme un systeme signifiant, renvoie la recherche
polations ,nouvel 1es découvertes etc ••. ) étaient censées capables sémiotique à son point de départ: au modèle de la sémiotique
elle-même pour le critiquer et le renverser" (S,30 )
de modifier cette pratique . Ce_la signifie que la science calcule,
Si au contraire la sémiotique ( et une certaine sémi otique y
opère, produit mais qu'elle ~e peut en tant que science se cri-
succombe) se contentait de produire des modèles et d'opérer sur
tiquer, s'évaluer car elle le ferait alors avec des concepts exté-
eux à la manière de la lo~ique formelle, elle ne ferait alors
rieurs et même inutiles à sa démarche ( ainsi le physicien cesse
qu e répèt er le vieux sch~ma positiviste : un savoir qui f onctionne
de faire de la physique lorsqu'il s'interroge sur la portée épis-
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10 de la problématique du signe- sa tendance est de privilégier le


· de modèles formels ne peut ~comme ensemble statique dont il s'agit seulement d'exhiber
sur un travail refoulé. La p r oduction
t ment critiquée les structures ( Précisément il constitue le concept- clef du
donc ~tre réellement scientifique qu' a etre cons am
' A

et développée par la théorie qui les institue. Bien plus: c'est structuralisme classique dont le principe méthodologique fonda-
·t· e lui· même qui fonde la scientificité de la mental est de s'en tenir aux énoncés produits, à la langue comme
ce retour cri iqu -
d~marche sémiotique. Ainsi donc si "toute sémiotique ne peut se résultat).
faire que comme critique de la sémiotique"(S,31) elle devient de La critique de Xristeva aboutit donc à une certaine disqualifi-
. 1 • ou • si l'on veut
ce f ai•t un "scandale" pour la science en P ace, cation de la définition traditionnelle de la sémiotique et de
'ne'ral a nécessairement affaire dans la sémiotique son objet pour lui substituer celle-ci: analyse de la production
la science en ge
'elle se montre capable dans une de ses ré-
à elle-même en tant qu signifiante. Ainsi ce qui est proposé comme àüet à la sémiotique
plus avancées de contester radi-
gions les plus nouvelles et les ce n'est plus le système mais la production , non plus le signe
•oture interne de son propre discours.
calement la tentation de Cl mais la signifiance. C'est du m~me coup une toute autre disci-
Le discours sémiotique se présente donc aujourd'hui comme le seul pline qui est par là définie et à laquelle il est possible de
réalise
capable de réaliser au niveau du s~ ce que le t~ donner un autre nom : la sémanalyse : analyse du sémainein soit
au niveau de la fiction, à savoir une subversion radicale du code de l'acte du signifier; ( la question d'un changement de termino-
institué, en tant que celui-ci assure et surveille la fermeture logie n'est donc pas gratuite : elle implique une option théorique
de la science, fermeture qui f onctionne comme système de défense fondamentale quant à la délimitation du champ de recherches et
face à l'agression(supposée) d'un d~s ' d'un hors-discours quant à sa théorisation).
dans lequel la sémiotique elle sait reconnaître les instances pro- Mais qu'en est-il exactement de ce concept nouveau de signifiance
ductrices de tout d:B::ours: société,travail,histoire. que Kristeva avance ici ? Elle s'en explique elle-mJme1
"Nous désignerons par signifiance ce travail de différencia-
tion, stratification et confrontation qui se pratique dans
3- Le champ sémiotiquef passage à la sémanalyse . la langue, et dépose sur la ligne du sujet parlant une chaine
signifiante communicative et grammaticalement structurée.
La sémanalyse qui étudiera dans le t~ la signifiance et
A s'en tenir aux de'f"ini·t·ions de Saussure et de Peirce , on pourrait ses types, aura donc à traverser le signifiant avec le sujet
et le signe, de même que l'organisation grammaticale du
dire 1ue l'objet de la Sémiotique (ou plus largement son champ) discours, pour atteindre cette zone t;l\2 s'assemblent les
c'est l'ensemble des systèmes de signes. La plupart des sémioti- germes de ce qui signifiera dans la présence de la langue"
ciens classiques se sentiraient à l'aise devant cette désignation (S,9)
La Signifiance est donc un concept qui se situe d'emblée au-delà
· c'est pre'ci·sem'ent à ce niveau que Kristeva
de leur objet. Mais
de la problématique signifiant/signifié qui malgré son statu~
introduit un doute quant au statut des concepts de s.!5!!e et de
linguistique très précis reste dans la mouvance des vieux sché-
système .D'une part le concept de signe a depuis l'antiquité
mas dualistes forme/fond ou contenant/contenu •
été le véhicule privilégié de toute la tradition du dualisme
Ce que la signifiance désigne c'est le travail d'engendrement de
métaphysique dont on retrouve les traces jusque chez Saussure
la langue, le mouvement de production du texte qui apparatt sous
comme Derrida l'a bien montré dans De la grammatologie, d'autre
et travers sa surface repérable comme "chatne communicative et
part ce concept s'est trouvé étroitement lié à tous les modèles
grammaticalement structurée"; c'est ce niveau de la surface ,
échangistes de la langue par quoi sont privilégiés les effets
effet du travail de l'engendrement, que la p~oblématique signe/
de communication aux dépens des conditiora de production (ou de
système se contente d'analyser.
génération). Quant au concept de système - intimement dépendant
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Bref anticipant sur une terminologie qui sera à préciser ultéri- Il s'agit là d'un concept qui demande à être explicité, mais avant
de le faire il faut préciser ce contre quoi il s'inscrit , à savoir
eurement, on peut déjà av.ancer ceci:
10) la problématique signe/système développe un point de vue le concept traditionnel de littérature • Ce dernier a presquetou-

statique qui se contente de dégager les structures du phéno-texte jours été utilisé comme une aorte de clef magique ouvrant sur

(structures de surface) sans s'interroger sur les conditions de l'espace ineffable où oeuvrent les génies et donî il n'y a rien
à dire sinon que ce qu'ils font est beau. Le littéraire est pos-
leur génèse.
20) la problématique signifiance/production développe un point tulé beau parce que littéraire et réciproquement; toute une tradi-

de vue dynamique mettant en cause le rapnort dialectique phéno- tion du commentaire esthétisant et psychologiste vit de ce pos-
tulat tautologique qui s'abrite sur les évidences du s~ns commun
texte/ géno-texte (structures de surface/structures profondes)
Ce que la sémanalyse veut théoriser ce sont les conditions et les (qui ne sont que les lieux communs d'une certaine idéologie) dont

lois de formation de ce qui apparaîtra ensuite -seulement- au l'appel au''bon goût" était l'instrument de chantage implicite

niveau de la communication et de l'échange comme système structu- ( car enfin qui oserait ne pas admirer ce que toute une société
déclare beau ••• ).
ral de signes oblitérant le travail dont il est issu.
Il se~ait naïf de dire que la sémanalyse se donne comme objet le Que la "littérature" et son concept aient toujours eu un rapport

géno-texte, comme si celui-ci était doué d'une existence autonome très précis avec l'idéologie des classes au pouvoir peut déjà

il n'apparaît jamais qutà travers le phéno-texte, ce qui signifie ressortir de la double contrainte toujours exercée sur le t~

que la sémanalyse englobe autant qu'elle transgresse la perspec- d'une part sur le mode de la c~e, d' au t re part sur le mode
de la récupération
tive structutaliste.
Censure en ceci qu'il s'agit au nom d'un certain postulat du
beau d'empêcher que s'écrive "n'importe quoi" (ainsi que se le
B~ LA LITTERATURE EN QUESTION
permettront des écrivains comme Sade, Lautréamont) et à cette
ET L'EMERGENCE DU TEXTE
fin d'enfermer le littéraire dans les canons rigides d'une
1- Sur quelques présupposés du concept classique de littérature.
----------------------------------------------------------- rhétorique constituée en code de classe ou à défaut d'enfermer
Que devient cet objet que l'on appelle littérature lorsqu'il est les écrivains délinquants dans ces lieux hautement protégés que
soumis à l'analyse sémiotique ? Kristeva répond: sont la prison (-?Sade ou l'asile psychiatrique(,... Artaud).
" Pour la sémiotique la littérature n'existe pas. El le n'existe Ces cas d'intervention physique sur 1 1 écrivain ne font que mettre
pas en tant qu'une parole comme les autres et encore moins
comme o'Qjat esthétique. Elle est une pratique sémiotique par- à nu la violence larvée que le code institué entend exercer sur
ticulière qui a l'avantage de rendre plus saisissable que l'écriture elle-même et dont l'effet attendu est celui d'une
d'autres cette problèmatique de la production de sens qu'une
sémiotique nouvelle se pose, et par conséquent n'a d'intérêt auto-censure (bien douce aux chantres de l'ordre "littéraire"
que dans la mesure où elle (la "littérature") est envisagée
dans son irréductibilité à l'objet de la linguistique norma- et général, à l'heure de la dlstribution des prix).
tive( de la parole codifiée et dénotative)." (S, 41) Récupération en ceci que les textes les mieux acceptés ( Racine,
Par conséquent la question centrale d'une critique sémiotique nou- Rousse~u, Diderot, Balzac, Zola ••• entre autres) comportent tou-
velle (ou sémanalyse) c'est précisément celle que la critique tra- jours un élément d'excès, un supplément qu'il faut bien recon~

ditionnelle (positiviste;universitaire;esthétisante ••• ) ne pou- naître puisqu'il est la marque du "génie" mais que du même coup
vait que manquer, à savoir celle du t~ comme pratique et comme on oblitère sous cette catégorie vide et passe-partout qui traine
lieu d'une production spécifique~
15
14
Elles produisent ainsi une notion et son objet qui, extraite
son cortège de notions satellites : ine.ffable,sacré, sublime,ex-
du travail producteur, interviennent, au titre d'objet de
. du1 gent , on pardonnera certains excès
ceptionnel . (Ainsi on sera in consommation, dans un circuit d'échange (réel-auteur- oeuvre-
public). Il s'agit de la notion et de l'objet "littératurre":
limités à l'artiste~ l'inspiration est à ce prix ••• ) travail translinguistique que hotre culture n'atteint que
sur le mode d'une violence inavouée et dans l'après-production (dans la consommation); productivité
En fait ce que la censure reconnait occultée, remplacée par la représ entation d'un écran qui
que la récupération admet sur le mode de la dénégat i on et de double l'"authentique" et/ou par l'audition d'un discours
- objet secondaire p11r rapport au''réel" et susceptible
la déformation, ctst la puissance critique et subversive que le d'être apprécié, pensé, jugé uniquement dans sa substitu-
t~ de fiction exerce sur le code linguistique et à travers lui tion réifiée" (S , 209)
sur l'ensemble des autres codes • Ce à quoi cette remarque se réfère c'es t à la critique marxiste

Donc parler de texte aujourd'hui plutôt que de litté rature permet bien connue de la valeur d'échange er. tant què celle-ci reçoit
pour fonction d'oblitérer la valeur d'usage et plus fondamentale-
tout d'abord de marquer une certaine suspicion vis à vis d'un
ment de censurer le travail de la production. Il est danâ l'inté-
concept lourdement hypothèqué par l'idéologie dans laquelle il a
rêt et la logique du capital de valoriser le produit sous le seul
fonctionné et que lé développement d'une théorie critique des
angle où le capital apparaît comme moteur du circuit de la produc-
idéologies- le marxisme- a permis de déconstruire.
tion à savoir dans la vente du produit , dans sa valeur marchande;
Simultanément l'avénement des sciences linguistiques a rendu pos-
ce qu'il faut cacher cest le travail qui crée le produit et dont
sible une attention à la ma~ère même de la langue, à son fonction-
nement signifiant ouvrant ainsi la voie à une sémiotique du texte la plus-value assure la reproduction du capi tal. Le produit n'est
' ' · · de formation et de signi-
1es 1ois alors que le rapport du capital au capital ( C~ P~O ) : telle
qui s'efforcera de de~rminer
· a' la logique d'une matière est la raison de sa réduction à s a valeur marchande, et sa
fication d'un texte en tan t que soumis
spécifique:cel Je de la langue,au lieu de se précipiter sur le fétichisation comme objet de consommation •

signifié, comme la cri•t·ique c 1assique,


· pour le paraphraser avec Dans l'espace capitaliste mercantiliste ce sont toutes les formes
des catégories de psychologue amat...eur (subj ectivisme) ou avec d~ produit qui se trouvent soumises au même schéma de réduction
des élans lyriques d'esthète de salon. et en premier lieu le produit littéra ire où se répète la même
Cette critique du concept classique de litt érature Kristeva va occultation du travail producteur au profit de son résultat
la préciser dans deux directions convergentes: échangeable et consomrnable:l'oeuvre. Il faut même dire que cette
_ la 1ère porte sur le concept d'oeuvre où se marque fondamen- occultation est remarquablement virulente pour ce type particulier
talement la récupération de l'objet littéraire dans le circuit de produit dans la mesure où la matière transformée est le langage
mercantiliste de l'échange . c'est à dire le lieu d'énonciation de tous les autres codes, le
-La 2è concerne la critique du s~ en tant qu'idéologème signe linguistique étant celui dans lequel se p~oduit le Discours.
constitut if de la tradition métaphysique en ceci qu'il a été la Ce qui nous amène au 2è moment de la critique de Kristeva:
condition de formation de tout un· réseau de concepts ( représen-
tation, communication, pensée,essence ••• ) à travers lesquels .................................................
b) Le concept de signe comme idéologème métaphysique
Une première critique du signe a été esquissre plus haut; il f aut
· l"ici· t ement déterminé le concept même de littérature .
s•est imp la r eprendre de plus près. L'insistance de Kristev~ sur ce point
a) Le.~~~S~P.~.~:~~~~~~.S~~~~.~~~~~~~~~.~~.~:~~~~~~~· pourrai t surprendre ceux pour qui justement la problématique du
Kriste.,;~ ecrit: si.gne depuis plus d'un demi-siècle avait ouvert la voie aux pre-
11 Notre civilisation et sa science s'aveuglent devant une
productivité: l'écriture, pour r ecevoir un effet: l'oeuvre. mières recherches struc turales et porté un coup sévère à toutes
17
16
antérieure à celui-ci, une 'hébuleuse" indéterminée que la langue
les théories "impresionnistes" et subjectivistes concernant le
organise et structure ( Cours de linguistique générale ~ • 156)
langage et la littérature. N'est-ce pas précisément sur une
Il ya le maintien tenace d'un présupposé qui s'est formé avec le
théorie cohérente du signe que Saussure fonde l'ensemble de sa
concept grec de ~ transcendant et qui se perpétue dans sa forme
démarche analytique tout comme ses choix méthodologiques ?
moderne avec celui de Sens , valeur autonome qui survole les signes
N'est-ce pas à ce modèle que se réfère constamment le rénovateur
et s'investit en eux ( Un signe étant donné, on se demande quel
de l'anthropologie:Lévi-Strauss , ainsi que les rénovateurs de la
en est le sens) Il y a donc une dichotomie signe/sens que la
théorie de la littérature:les formalistes russes et tchèques ?
problématique signifiant /signifié réintroduit dans le signe lui-
N'est-ce pas également à cette problématique du signe que Husserl
m~me • Par ailleurs, comme le rappelle Kristeva, cette probléma-
-et Merleau-Ponty à sa suite- demandent de débarasser une bonne
tique
~ elle-même n'est pas nouvelle, e 11 e es t · t
JUS emen t cont emporaine
·
fois la philosophie des séquelles de l'idéalisme transcendental
de la naissance de la métaphysique; en effet dès l'époque plato-
pour instau~er une phénoménologie des structures signifiantes ?
nicienne une distinction importante est établie entre:
En vérité ,s'il faut reconnaître que la problématique du signe a,
- ta semainomena : les objets signifiés
dans un premier temps, joué un rôle stratégique dans la liquida-
- ta semainonta : les objets signifiants
tion de l'hégémonie métaphysique, il faut aussi discerner à quel
opposition à laquelle les Stotciens ajouteront un troisième terme:
point à.le réinscrivait subrepticement cette hégémonie dans la
- ta lekta :les exprimés
définition de son concept et que, dès lors, une sémiotique ne peut
Nuance importante en ceci que !'exprimé ou sens produit par
réaliser son projet critique radical qu'à répéter à 1°égard de le d:iroours ne se confond plus avec l'objet signifié soit le réfé-
cette problématique du signe la mise en question que celle-ci avait
rent)
opéré• à l'endroit de la problématique -métaphysique- de l'essence. Ce passage de la diade platonicienne à la triade stoïcienne consacre
Ce que Kristeva va montrer c'est en quoi l'idéologème métaphysique en fait l'autonomie du sens (l'exprimé) comme donnée purement men-
du signe s'est constitué dans la liaison (logique et chronologique) tale c'est-à-dire comme représentation. Il s'agit là plus largement
des trois présupposés suivants : - représentation de l'aboutissement de toute une idéalisation qui affecte en même
-communication temps le théâtre grec , lequel dissout peu à peu le geste rituel
- échange (encore ••• ) et l'inscription du corps dans l'espace &cènique à une représen-
(cf les rpincipaux textes sur cette question dans Sémiotiké tation d'une parole qui n'en finit pas de renvoyer à un logos
pp. 64- 73 •L 1 idéologème du signe" pp116-119 "Du symbole au despote ettransoendant libre de s'investir dans les discours, et
signe" ; pp46-49 "Contre le signe" ) qui deviendra ce sens-représentation de l'idéalisme occidental:
" La représentation lektonique( symbolique) n'est possible que
Reprenons ces troià points : comme un après de la représentation théâtrale • I,e lekton
Représentation.- Les théories du signe lors même qu'elles affirment (le sens, le signe) abolit le geste pour lui substituer un
son qui vise le non-visuel. Autrement dit, le lekton est une
que le signifié n'est donné que par et dans la chaîne des signifiants
dénégation, mais non une négation, d'une dimension: celle qui
n'en continuent pas moins de l~ présupposer comme représentation situe l'activité translinguistique dans l'espace avec lequel
elle fait corps ( ce qui veut dire que le corps n'eziste pas
mentale, comme concept ou essence que le signifiant matérialise
comme s'il était doué d'une existence pré-linguistique. Ainsi comme l'opposé de la langue). L'espace scénique ainsi amputé, le
théâtre, comme pratique et jeu à la fois, est mort s le logos
Saussure, malgré son affirmation explicite que la pensée n'est intériorise-linéarise cette mort pour se constituer comme signe"
pas séparable du langage , la présente cependant comme une entité
( s. 66)
18 19

Ce texte de Saussure est on ne peut plus explicite:


" Le lekton (le sens) est ainsi, comme représentation, l'em-
blème d'iiiïe perte ( celle de l'espace ) et d'une ~ ( celle "Les associations ratifiées par le consentement collectif, et
du thé~tre comme pratique); il est nn substitut de l'espace, dont l'ensemble constitue la langue, sont des réalités qui ont
du travail; il se dresse eur un manque dans lequel fermente la leur siège dans le cerveau" (~ p .32)
"conscience tragique" ····" ( s,66) Ce que Kristeva commente ainsi:
" Le sens est l'autre complémentaire dçun corps-différencié- " Sous le masque d'une socialisation et d'un réalisme mécaniste
du-reste, comme parler est l'autre complémentaire de vo~r. La l'idéologie lingu:iS;ique, absorbée par la science du signe ins-
cha~ne sonore supplantant le visuel, le l~ se substitue talle le sujet-signe comme centre, commencement et fin de toote
au corporel; le sens rejoint ainsi le phonétique qui~exige.et activité translinguistique, et l'enferme, l'assoit dans sapa-
dont il est inséparable. La société phonétique est necessa1re- role que le positivisme conçoit comme un psychisme qui a son
ment la société du sens et de la représentation. Un absent siège dans le cerveau" ( S, 69)
le travail. La science du dire ( du signe) se construit en
l'étouffant, sur une pratique qui est sa propre science : la Par sa critique du concept de communication Kristeva n'entend pas
science parlée remplace le faire scientifique" ( s, 6?) du tout évidemment nia-la socialité du langage mais au contraire
Communication • Si dans l'Antiquité et à l'âge classique( mais dénoncer-la pseudo-socialité qui est pensée sous la catégorie de
aussi dans les séq~elles néo-kantiennes ou néo-cartésiennes communication comme intrument d'une représentation ; ces deux
sensibles jusqu'à une époque encore récente) c'est dans le concepts se maintiennent dans le champ de l'idéalisme métaphyqique
concept de représentation que s'est investiede la manière la plus parce que _Yest affirmée l'équation: sujet parlant=cogito ; les
évidente la dichotomie fondamentale qu'instituait la problématique instances du sujet sont posées selon un schéma linéaire
du signe, aujourd'hui, et par l'effet de la reprise de cette pro- (locuteur/locuté/message) seul pos$ible dans le système
blématique dans une théorie linguistique cohérente et nouvelle, "conscience".
c'est le concept de communication qui a pris à son compte cet la parole dénotative est posée comme normalité du
investissement • Ou plutôt cette nouvelle problèmatique s'est langage par quoi les contraintes du code deviennent
développée en intégrant l'ancienne c'est-à-dire en soudant de les évidences du sens commun , érigées en principe de
manière irréductible r eprésentation et communications la pensée( et les obstacles sinon les ennemis du sens
"Pour les théories modernes du signe ( Peirce, Saussure) de com~un seront désignés comme : folie, excès, subversion)
même que pour les stoïciens, le signe est explicitement lié etc ••• )
à la repr ésentation et à la communication" ( S, 68)
Kristeva conclut:
Peirce écrit en effet: " Opérant dans la linéarité de la chaîne parlée, le signe met
"Le signe, ou representamen, est ce qui remplace pour quelqu'un
quelque chose dans un certain aspect ou position. I L s'adresse à nu la topologie du circuit communicatif: ce circuit se révèle
à quelqu'un , c'est-à- dire il crée dans l'esprit de cette être non pas une pluralité d'instances, mais la linéarisation
personne un signe équivalent ou peut être un signe à peine découpée d'une seule i nstance, celle du sujet parlant"
développé" (• Log:ic as semiotic: the Theory of Signa" in S,68) " La civilisation du signe est la civilisation du sujet; dans
Par là est postulé que le signe est ce qui exige un circuit com- un dictionnaire ne la société de l'échange, le signe serait le
synonyme du sujet, de la communication et de la parole" ( S,69)
municatif: sujet parlant-sujet écoutant , locuteur- locuté etc •••
liés l'un à l'autre par un message qui fait l'objet d'une commune EchanRe • Il s'agit d'un idéologème que nous avons déjà analysé
à propos du concept d'oeuvre; il sous-tend Pgalement la problé-
représentation.
Saussure de même articule explicitement les deux exigences: matique du signe; mais ce qui est en question ici c'est moins la
- il y a dabord la représentation mentale où il voit la part catégorie de consommation ( et son pendant la fétichisation) que

individuelle du langage (~ p.24) celle de représentation abstraite de la valeur réalisée par la


- puis il y a la communication : c'est l'aspect nécessairement monnaie et don t l'homologue métaphysique est la catégorie de s~.
social du langage qui présuppose une sorte de contrat collectif .
21
20
men; ~raverse
la face de la science, de l'idéologie et de la
Le sens comme la monnaie ci rcule et s'investit dans dans des objets
comme discours, et s'offre pour les confronter, les
p~l·, ~ique
particuliers; il constitue une norme de représentation par quoi deplier,.les refondre. Pluriel, plurilinguistique parfois, et
p~lyph~~ique ~ouvent ~ de par la multiplicité de types d'énon-
les éléments matériels (c.a.d. ici :les signifiants) sont dépar-
ce~ qu il artic~le), il p:és7n~ifie le graphique de ce cristal
ticularisés pour ~tre réduits à leur valeur d'échange - de com- qu e~t ~e.t~avail de la signifiance prise à un point précis de
~on.infinite: un point présent de l'histoire où cette infinité
munication- au prix d 'un ref oulement du travail qui les produit insiste" ( S,p. 16)
et du champ des forces productives où une fois produit s ile conti- On voit que ce sont de multiples dimensions que le texte recueille
nuent de se produire et dont il se constitue,· pour la c 1 arte' de l'analyse nous en re-
Bref : " Ainsi associatif et substitutif le signe est le noyau de tiendrons trois fondamentales:
l'échange" (S, 70) - le texte comme pratique signifiante
( Pour l'ensemble de cette question il faut renvoyer au~ travaux de - le texte comme production translinguistique
de J.J.GOUX rassemblés dans "Economie et symbolique" -seuil 1973
notamment: "Numismatiques" pp.5)-115 - le texte comme intertextualité
"L'inscription du travail" PP• 125- 149
"Economie monétaire et philosophie idéaliste" pp.17)-201)
Conséquence méthodologique importante : toute sémiotique qui s'en ...................................
a) Le texte comme p~atique
signifiante
tiendrait aux modèles échangistes de la communication ne pourrait Pourquoi parler ici de pratique et que spécifie le fait de la
que réduire les pratiques signifiantes à des systèmes de représen- la désigner comme signifiante ? Kristeva s'explique de la manière
tation, c'est-à-dire en viendrait non seulement à méconnaître leur la plus complète sur ce choix théorique dans un article intitulé
loi de production mais"exercerait sur ellœune rétroaction modifiante " Pratique analytique, pratique révolutionnaire" paru dans la
en les réduisant à une norme et à un symbolisme" (S,47), tant il r evue Cinétique (No IO) ( Notre sigle de référence sera Cin IO)
.QU~ toute science
est vrairdetermine ie statut de son objet par ses choix théoriques.
Pourquoi pratique
_ ? Il s'agi·t l'a d' un concept qui s'est principa-
Ainsi une sémiotique idéaliste se découvre une littérature idéaliste.
lement ~éveloppé dans la problématique marxi·ste et sur lequel
Althusser a fait le point d'une man1·ère dont o~ doit maintenant
nécessairement teniJ" compte (cf. "Pour Marx" pp. 165-174)
2- ~~~~!~~~~-~~-~~~~~
Sa définition est la suivante:
Nous l'avons dit déjà :parler de texte plutôt que de littérature
"Pa r prat·i9ue en general,nous
,, entendrons tout processus de
est un choix à la fois polémique et théorique visant à désoccuiter transformation d'une matiere prem1ere donnée déterminée e un
ce que la problématique classique refoulait : la matérialité signi- produi~ ,déterminé, utilisant des moyens (de "producti~n")
d~~e~ines. ~ans toute pratique ainsi conçue, le moment (ou
fiante du texte et le tra..-vail qui l'engendre.(~) l.element) ~eterm~nant du p~ocessus n'est ni la matière première
" Aussi voit-on de nos jours le texte deveni r le terrain où ni le.produit, mais la pratique au sens étroit; le moment du
travail de transformation lui- même qui met en oeuvre dans u
se joue : se pratique et se présente, le remaniement épisté-
mologique, social et politique. Le texte littérai r e a ctuelle- struc~ure spéèifique, des hommes , des moyens et une m~thode ne
t echnique d'utilisation des moyens" (p. 167)
Appliquée au texte cette définition a pour effet:
(1) Barthes précis a i t r écemment (Communi cations 19, p.4) :
" Le Texte : ne nous méprenons ni sur c e singulier ni sur cette - de le désigner comme procès de transformation soit comme
majuscule: quand nous disons le Texte , ce n ' e s t pas pour le divi- productivité c'est-à-dire dynamiqYement e t non p1us comme système
niser, en faire la déit é d'une nQuvell e mystique, c ' e s t pour déno-
ter une mas se , un champ, obl ige ant à une expression partitive et d'énoncés clos (soi t comme produit fini disposé à la consommation
non numérative : tout c e qu ' on peut dire d 'une oeuvre, c 'es t qu'il dans l e circuit de l'échange )
y a en elle du Texte"
23
22

- de l'inscrire immédiatement dans les instances de la socialité Donc réduction externe dans un caa, interne dans l'autre.
- de le spécifier en fonction de sa matière première déterminée: C'est ce double écueil que se propose d'éviter Kristeva avec le concept

le langage ("déterminée" c'est-à-dire possédantsa logique spéci- de pratique signifiante.


"Consi· de'r er l es " ar t s " par exemp l e comme des pratiques signifiantes
fique) est, me semble-t-il, la seule façon qui permet de les envisager
On a donc ainsi les trois moments du processus con:m~ ~e~ ~ormations.socio-historiques tout en désignant la
specificite du fonctionnement du sens et àu sujet en elles1 sans
- mode production les ,r~duire à l~idé?logie, mais sans les alièner non plus comme
- rappotts de production experiences subJectives-pathologiques ( lieux de schizophréni-
sation) ou.es~hétiques ( lieux du pur imaginaire et de la jouis~
- moyens de production sance narc1ss1que) • Les-"arts"-comme-pratiques-signifiantes
Cette définition générale de la pratique ne vaut pout le texte veut dire qu'ilJjltssi tout cela, plus autre chose : lieux de
la contradiction historique, participation. à l'histoire sociale"
qu'à la condition de déterminer celui-ci comme pratique particu-
( Cin IO, 74)
lière au sein de la pratique sociale , c'est pourquoi Kristeva le
Une pratique signifiante est donc le lieu d'un rapport dialectique
désigne comme pratique signifiante soit une pratique dont le
cf définition plus haut p.9 du sujet à l'histoire sociale par la médiation des formes(ou signi-
champ propre est la signifiance
fiants ) • Donc définir le texte comme pratique signifiante c'est,
où s'inscrit le rapport dialectique de la langue (ou tout autre
code) au sujet qui la ~raverse pour s'y produire et s'y énoncer. d'une part, reconnaitre sa forme spécifique, son signifiant propre,

Cette spécification de la pratiq~e en fonction d'une matière pre- et d'autre part, le travail qui le produit dans des conditions histo-
riques déterminées.
mière déterminée (possédant sa logique propre et un développement
différencié~ 1 lst ce qui permet d'éviter l'erreur de méthode d'un
b),Le texte comme production trans-linguistique
certain marxisme mécaniste ramenant sous la critique générale des .......•....•................•...•••.•.......
~ Irréductible à un énoncé le texte est un fonctionnement
"idéologies" des pratiques signifiantes aussi diverses que : litté-
translinguistique" ( S, 76)
rature, cinéma, arts plastiques, musique etc , •• en court-circuitant
Le langage usuel, langage de la communication àe tient au plus près
par là la spécificité du signifiant propre à chacune de ces pratiques.
du code et tend constamment à en ~érifier les schémas reconnus et
Interrogée sur la question du cinéma Kristeva répond:
stabilisés, moyennant quoi l'échange est assuré. L'échange ne marche
"Substituer l'idéologie au signifiant est dans ce cas non seulement
une erreur théorique, mais conduit à un blocage du travail pro- bien que dans le statu quo du code et en utilisant au maximum les
prement cinématographique qui se voit remplacé par des discours structures qui en conditionnent la fermeture ( jamais totale quoi qu'il
sur sa fonction idéologique• fCin IO, p.72) en soit et c'est bi en ce qui à un premier niveau perturbe nécessai-
Cette erreur est en quelque sorte l'opposé de celle de l'immanentisme rement l'échange) • Ce qu'exige le langage usuel c'est la fixité des
structuraliste qui pour mieux dégager la logique propre des ensembles nomminations; ce qui intéresse l'échange ce n'est pas la production
signifiants procède préalablement à une asepsie complète de ses mais le produit, non la genèse mais le résultat.
conditions historiques de production. L'oeuvre de fiction, le texte, en tant que pratique signifiante ,
n'existe au contraire qu'à transgresser la langue commme code, comme
(1) Althusser est attentif à cette exigence puisque après la définition
de la pratique en général il ajoute:"Cette définition générale de la système des structures dénotatives, et tout d'abord les lois mêmes de
pratique inclut en soi la possibilité de la particularité: il existe la grammaire dans la mesure où celle-ci définit une normalité du
des pratiques différentes , réellement distinctes, bien qu'appartenant
langage renvoyant fondamentalement à une normalité sociale ( dont la
à une même totalité complexe. La "pratique soci ale~ l'unité complexe
des pratiques existant dans une société déterminée, comporte ainsi grammaire est un des instruments actifs de contrôle sinon de répression).
un nombre élevé de pratiques distinctes" ( Pour Marx, 167)
24 25

n Toucher aux tabous de la langue en redistribuant les catégories Cette trans-linguisticité du texte Kristeva la précise sous plusieurs
grammaticales et en remaniant ses lois sémantiques, c'est aussi
toucher aux tabous sociaux et historiques" (S,9) aspects:
- négativité
Le texte dont parle le linguiste n'est donc pas du tout celui que
- rapport phéno-texte/géno-texte
définitune sémanalyse:
- fonction anaphorique
" Une description positiviste de la grammaticalité (syntaxique ou
sémantique), ou de l'agrammaticalité, ne sufifira pas à définir la
spécificité du texte tel qu'il est lu ici. Son étude relèvera d'une Négativité
analyse de l'acte signifiant - d'une mise e~ question des catégo-
ries même s de la grammaticalité- et ne saura prétendre fournir Il ne suffit pas de parler d'étrangeté, encore faut-il lui donner
un système de règles formelles qui finirait par couvrir sans un statut logique déterminé; le concept de n8gativité semble en
reste le travail de la signifiance" ( S,I6)
mesure de satisfaite c ette exigence; philosophiquement il s'agit
C'est précisément dans ce reste que la simple analyse linguistique
d'un concept dont l'histoire, de Platon à Hegel, est extrêmement
laisse pour compte que se manifeste de travail qui engendre le texte
complexe. On peut dire schématiquement qu'une ligne de partage se
en fiasurant la surface du discours communicatif, en excédant ses
dessine entre deux conceptions:
règles et son ordre~
-une conception intellectualiste pour laquelle le négatif n'existe
" Le t!!i! n'est pas un ensemble d'énoncés grammaticaux ou agram-
maticaux; il est~ qui se laisse lire à travers la particularité que dans le jugement; il n'y a pas de non-être.
de cette mise en ensemble de différentes strates de la signifiance - une conception dialectique pour l aquelle le négatif existe comme
ici présente dans la langue dont il éveille la mémoire: l'hisoire.
C'est dire qu'il est une pratique complexe dont les graphes sont à moment de révélation de la contradiction en tant que principe moteur
saisir par une théorie de l'acte signifiant spécifique qui s'y joue de tout devenir concret.
à travers la langue, et c'est uniquement dans cette mesure que la
s~ience du texte aura quelque chose à voir avec la description La première conception s'inscrit dans la logique de la parole, celle
lingu~ique" (S, I6-I7) de l'onto-théologie de la métaphysique occidentale: tentative de

En tant que pratique signifiante le texte est donc en position de maîtrise totale du discours préalablement ramené aux représentations

rupture par rapport à la normalité du code linguistique; bien plus de la conscience et expurgé des i nterférences affectives et historiques.

il lui devient en quelque sorte étranger en i~troduisant en lui Dans cette problématique "la négation dans l'univers de la parole
(du signe) bannit le nié lui-même (l'autre) hors-dicours;dans le
l'étrangeté selon des lois et des opérations précises mais que
l'analyse linguistique conme telle n'est nas en mesure d'identifier. Logos ce terme est pour ainsi dire ex-logique" (S,250)

" Plongé dans la langue, le "texte" est par conséquent ce que Dans cette perspective il n'y a pas vraiment de négativité puisque
celle-ci a de plus étranger: ce qui la questionne; ce qui la change l'acte (intellectuel) de négation revient à énoncer le non-être du
ce qui la décolle de son inconscient et de l'automatisme de son
déroulement habituel" (S,8) nié; le nié c'est le non-être donc ce qui est refoulé du savoir comme
Cette étrangeté n'est donc pas à comprendre comme le signal d'une simulacre trompeur, image délirante; bref l'autre du savoir' tout
différence magique, comme la marque sentimentale d' un merveilleux ce qui échappe au savoir donc le menace l met en question ses limites
"je-ne-sais-quoi" qu'invoque l'esthétique humaniste (qui de ce non- donc le système des opérations qui définit ces limites.
savoir tire des bavardages infinis); mais elle est à comprendre comme Dans la logiquenu jugement la négation n'est en féfinitive que le
la marque du travail de la signifiance, mouvement d'engendrement du moyen de renier et dénier la négativité.
langage poètique dans la langue par subversion des structures de Pour la pensée dialectiq~e au contraire la négativité est reconnue
celle-ci. comme principe actif de la contradiction et donc moment réel du
devenir ( ainsi chez Hegel) , mais elle n 'existe qu'à être constamment
27
26

assum~e et dépassée dans le moment suivant dont elle rend possible


mouvement et le jeu de la signifiance. Problématiser cette genèse

l'avènement • Ici l'autre n'est pas renié ni dénié, il est intégré c'est la tâche que s'assigne la sémanalyse:
" Sémanalyse: théorie de la signification textuelle, qui considérera
mais au point que sa différence s'efface dans une réconciliation
le s~ comme l'élément spéculaire, assurant la représentation de
trop généreuse ou trop vorace pour être honnête • Prise dans cet engendrement- ce processus de germination- qui lui est intérieur
tout en englobant et dont il s'impose de définir les lois.Autrement
l'AUfhebung la négativité se dilue dans le moment où elle est
dit, sans oublier que le texte présente un système de signes, la
affirmée. Chez Hegel l'hégémonie du Logos reste encore entière, sémanalyse ouvre à l'intérieur de ce système une autre scène: celle
que l'écran de la structure cache, et qui est la signifiance comme
c'est-à-dire que la Raison réductrice et linéarisante s'avère encore
ppération dont la structure n'est qu'une retombée décalée• (S,279)
incapable ie reconnaître ensemble les termes de la contradiction. Il y a donc une statique du texte qui s'en tient au niveau de la
Mettre en oeuvre et en scène une négativité qui soit à la fois posée structure et donc de l'énoncé produit; une dynamique du texte au
comme telle et maintenue , c'est ce que réussit le langage poètique. contraire problématise le travail d'engendrement. Lire ce travail
Il est à même de faire tenir ensemble plusieurs plans contradictoires n'est pas une opération archéologique qui tenterait de retrouver une
sans leur chercher un point de résolution ou de synthèse: il ouvre vérité enfouie sous des strates superficielles ; lire ce travail c'est
le volume de leur silmultanéité ( Simultanéité par exemple du changer de problématique
possible et de l'impossible, du concret et et du général, du réel " La zone générative ainsi ouverte offre un ..objet de connaissance
qui déroge aux principes de la localisation euclidienne et n'a
et du fictif que Kristeva analyse à propos d'un poème de Baudelaire
pas de spécificité substantielle. Le texte sera donc un objet
cf. S pp; 252 sq ) • Une telle forme de la négativité aucune philoso- dynamisé; le discours qui en traitera - la sémanalyse- aura pour
but de déceler les types d'objets dynamisés qui se présentent
-phie occidentale n'a été en mesure de la problématiser, précisément comme signifiants" (S, 280)
peut-être parce que s'y risquer c'était ébra~ler fondamentalement Le structuralisme classique s'en tient à une statique du texte, au
et même destituer le sujet du discours métaphysique : plan du signe, bref au phéno-texte; la sémanalyse renvoie tout énoncé
"Dans cet espace autre où les lois logiques de la parole sont produit à sa production: le géno-texte.
ébranlées, le sujë-tS°ê dissout et à la place du signe c'est le heurt
de signifiants s'annulant l'un l'autre qui s'instaure. Une opération Cette distinction phéno-texte/géno-texte, déjà proposée par ~aumjan
de négativité généralisée, mais qui n'a rien à voir avec la négati- et Soboleva, renvoie-t-elle explicitement à la problématique
vité qui constitue le jugement (Aufhebung) ni avec l a négativit~
interne au jugement ( la logique 0~1 ); une négativi6 qui annihile, chomskiste structures de surface/ structures profondes ? Cela semble
et que les anciennes philosophies, t el le bouddhisme, ont entrevue évident. Cependant Kristeva fait une importante réserve à l'égard
en la désignant par le terme de ~unyl!.vadt.. Un s ujet "zérologique",
un non-sujet vient assumer cette pensée qui s'annule" (S,273) de la théorie de ChomskyJ ce que ce dernier appelle s tructure profonde se
contente de représenter la phrase à engendrer comme structure abstraite
Phéno-texte/géno-texte linéaire non-grammaticalisée et non lexicalisée ("basic subject-predicate
form");
Apparemment le texte s'écrit dans les mots de la langue usuelle et
" Les composants de la profondeur sont structuralement les mêmes
pourtant il lui :œste étranger {statut de la négativité). C'est la que ceux de la surface et aucun processus de transformation, aucun
genèse de cette étrangeté que la théorie sémiotique doit être à même passage d'un type de composants à un autre, d'un type de logique
à un autre, n'est observable dans le modèle chomskien. Ainsi la
de formuler ; elle le fait en marquant la contradiction qui s'insti- grammaire générative ne génère à proprement parler rien du tout:
tue entre le plan du signe ( niveau de la communication,de l'échange elle ne fait que poser le principe de la générationsen postulant
une structure profonde qui n'est que le reflet archétypal de la
et celui de la production, de l'engendrement • Le texte est précisé-
performance•" (S , 282 )
ment ce qui manifeste cet engendrement comme tel; il est l'ensembl e
des marques, des tracesquàans le code, à travers lui, signalent le
28 29

Ce renvoi à une structure archétypale conduit Chomsky à des hypothèses scientifique ou si c'est cette approche qui dans son état actuel (dans
métaphysiques étrangement vieillies, à savoir l'existence d'une un domaine donné) est encore incapable en raison de ses limites
structuré mentale universelle sur le modèle de celle que Descartes tant théoriques que techniques de problématiser une pratique qui
~t,son école postulaient chez le sujet du Cogito. déborde les schémas actuellement disponibles et oblige même à les
Comment donc définir le géno-texte, s'il ne se réduit pas à une remettre en question fondamentalement.
structure répertoriable fut-ce comme modèle universel ou abstrait Précisément dans la problématique linguistique phonologique il est
sous-tendant le phéno-texte dont la fonction serait de l'actualiser? une fonction qui est éliminée ou en tout cas qui reste en blanc dans
S'il n'est pas le systéme des signifiants (même à l'état virtuel) la théorie, c'est celle de l'indication ou fonction anaphorique,
ni un Signifiant privilégié (qui ne serait qu'une réplique du Logos ) la quelle déborde aussi bien la voix que l'écriture (alphabétique).
i l est plutôt: précisément parce qu'elle réinscrit dans la langue elle-même la
" Pluralité des signifiants dans laquelle- et non pas en dehors dimension gestuelle (ainsi le pronom démons t ratif) et avec elle la
de laquelle- le signifiant formulé (du phéno-texte) est situable résistance du corps aux catégories de la représentation • La fonction
et, comme tel, surdéterminé. Le géno-texte est ainsi non pas
l'autre scène par rapport au présent formulaire et axial, mais anaphorique précède donc toute dichotomie idée/mot , signifiant/
l'ensemble des autres scènes dans la mutiplicité desquelles il signifié , et exige la constitution de modèles sémiotiques entière-
manque un index écarté- écartelé- par la surdétermination"(S,283)
qui définit, de l'intérieur, l'infini" (S,283) ment nouveaux; non plus le modèle du signe et donc des catégories
Le géno-texte est donc l'infinité sil'Jlifiante qui fait trace dans le grammaticales, syntaxiques, logiques qu'il implique, mais plutôt le
phéno-texte; il est ce qui insiste dans la structure et que celle-ci modèle de la fonction au sens mathématique du terme, permettant une
occulte ou même censure.; il est le mouvement de la structuration dans formalisation des signifiants selon une perspective volumétrique où
le structuré, le développement du volume dans et à travers la surface. s'opèrent des connexions et des déplacements qui ne sont plus prison-
Le texte s'écrit au point de jonction des deux i nstances (géno(phéno~ niers du double plan siB;!'!ifiant/signifié.
c'est à dire que nécessairement produit dans le plan du s igne , il Cette tentative pourrait constituer une véritable anaphorique mettant
n'est lisible que par ce qui transgresse ce plan, et ce qui renvoie en cause radicalement l'idéologie du signe et avec elle la primauté
à ses instances de production. du discours représentatif et du phonologisme métaphysi que :
" L'anaphore traverse et désigne des espacee étrangerB à la surface
La fonction anaphorique lingu~sti~ue prononcé7 et recopiée. Elle relie la langue ( ce qui
est dit) a tout ce qui est hors de la langue mais ne peut être
Si la problématique "signe/structure/système" s'est un momeat imposée pensé qu'à travers la langue(ce qui n'est pas dit). Elle est
avec une telle autorité à la recherche linguistique moderne, c'est non-structurée, donc non- pononçable, silencieuse, muette et même
non-écrite si l'on considère comme "écrit" le tracé visuel du
que ses modèles de base étaient avant tout phonologiques ( et la décrit. El l e n'est pas ce qui est tracé, elle est le saut du
réussite de la phonologie tenait lieu de nreuve méthodol ogique) et tracé ~s, ~.~ travers ." (S, 82 )
qu'il semblait donc évident à la linguistique de s'en temir 1°)aux 11
A travers l'anaphore, la variable f"lit surgir dans le texte écrit
énoncés produits, 2°)aux énoncés discursifs • Du coup ce qui fut les tex;e~ absents (la politique, l'économie, les . mythe~• • •Le lan- '
r;age ~oet1que, tout texte citationnel, l e rêve, l'écriture hiéro-
négligé voi re délibérément exclu c'est toute une ~ imens ion de la g~yph1que, se const ruisent comme anaphoriques, irréductibles au
signifiance non-discursive: celJe qui se réalise dans le lan p;age du signe"(S , 83)

corps lui-même, dans 13 ~stualité • "Face à l'anaphore, la rPgular.ité harmonique de la structure


se démasque comme une fiction scientifique" ••• (S,83)
La questio~ est de savoir si la gestualité doit être écartée de la
recherche sémiotique comme étant impropre par nature à l'approche
30 31

C) Le texte comme inter-textualité Ce jeu peut être déterminé sous deux aspects principaux:
··••···••••········•····•••··•· - le paragrammatisme
Deus citations de Kristeva peuvent d'emblée situer l'enjeu du débat
- le dialogisme
concernant ce concept d'inter-textualité qu'alle fut une des premières
Le para ~rammatisme
à proposer
-"Oans la langue le texte pense la langue, c'est-à-dire redistribue L'insistance du signifiant dans la texte 1 Saussure fut un des premiers
son ordre en mettant en relation la surface d'une parole communica-
tive visant l'information directe, avec l'espace d'autres types à en formuler l'hypothèse dans un travail longtemps méconnu :les
d'énoncés antérieurs ou synchroniques" (S,76) ~nagrammes que la recherche actuelle a remis à l'honneur (cf.Starobinski:
-" Le signifié poètique renvoie à des signifiés discur~ifs autres, "Les mots sous les mots") et où elle voit la première grande tentative
de sorte que dans l'é~oncé poètique plusieurs autres discours sont de critique textuelle:
lisibles. Il se crée, ainsi, autour du signifié poètique, un es~ace
textuel multiple dont les éléments sont suceptibles d'être appliqués " Les Anagrammes de Saussure sont à situer parmi ces théories qui
dans le texte poètique concret. Nous appellerons cet espace inter- cherchent la signification à travers un signifiant démantelé par un
sens insistant en action. Comme s'il reniait sa propre théorie du
textuel".(S,255) signe, Saussure découvre la dissémination de ce qu'il croit être
L'exigence qui se marque dans ces deux textes c'est celle de penser le un nom de chef ou de dieu à travers le texte. Cette action du
texte selon une logique multidimensionnelle (non-littéaire) dans signifiant que nous avons nommée "paragrammatique11 , brise définiti-
vement l'opacité ob jectale de la langue et l'ouvre vers ce double
l'espace total de ses relations; le texte renvoie aux autres testes, fond que nous avons évoqué en commençant: l'engendrement du gèno-
lesquels se recoupent,se citent, jouent les uns par rapport aux autres. texte" (s,393)
Ce qui est donc récusé par J.à, c'est l'existence même d'un signifié (Kristeva préfère parler de ~amme plutôt que d'~gramrne pour
mieux souligner le mouvement de traversée et de dissémination du
mythique auquel se référait la "Littérature" (le Beau, le Sens ••• ) signifiant) '
et ce qui est affirmé c'est l'espace matériel de l'inscription de Poser l'intertextualité comme paral$I'ammatisme ce serait donc travailler
l'écrit,le texte, dans le jeu disséminé des traces qui en marquent avec les hypothèses sémiotiques suivantes:
la genèse( et lire c'est réeffect_uer cette genèse "pris dans" et "en - Dans tout texte il y a une expansion d'une fonction signifiante
prise sur" cette matérialité ). précise qui transgresse et traverse le signe ou le mot classiquement
D'autre part le concept d'intertextualité permet de faire définitive- considérés comme unités de base de la signification.
ment l'économie du concept psychologiste d'inter-subjectivité forte- -Le signifiant n'a pas une : onction distributive mais focalisante
ment hypothéqué par l' idéologie échangiste de la communication qui il focalise à chaque fois le processus signifiant lui-même comme
supposait un transfert de contenu de conscience à conscience ( trans- engendrement infini .
fert secret comme tout transfert de fonds ••• ); ce qu'il faut donc - le signifiant ne peut plus être pensé dans la problématique
poser c'est que: du signe lequel reste une structure de renvoi linéaire présupposant
"L'interlocuteur étant un texte, le sujet est aussi un texte"(S,1 8? ) une dualité d'ordre (signifiant/signifié1présence/absenee; caché/révélé)
Cependant intertextualité ne veut pas simplement dire rapport entre le signifiant devrait nlutôt être pensé dans la problématique du
textes différents, mais existence d'une multiplicité textuelle à nombre • Le nombré ne représente ni ne s ignifie mais il indique
l'intérieur d'un même texte; ce qui ins titue le~ comme tel ~cf. ci-dessus l'anaphorique et le concept de fonction); non seulement
( et le distingue du simple discours conmunicatif) c 'est cette il indique mais il opère. Ce qu'il opèr e c'est une mise en liaison
"polyphonie"(comme dit Bakltine) où dans un ensemble figural de renvois, et en j eu de rapports qu'il ne représente pas : i l les produit dans
d'échos, se manifeste le jeu géno-textuel du signifiant. le texte et ne renvoie à aucune transcendance (Sens; "réalité"absente;
intention ••• ) donc aucun référent ni comme dehors nj comme dedans
33
32
la soumission à un signifié transcendant ; l'épique est par nature
ou plutôt comme espace matériel le texte est toujours déjà dehors
religieux, théologique; mais c'est le cas aussi de tout récit réaliste
hors de t oute structure de dualité.
en tant que centré, linéaire, homogène au code opérant une mise en
_ le texte s'affirme comme réseau de sign"fiants, mais réseau
scène des caractères fondée sur un thème monovalent.
multidimensionnel, déterminant son propre volume mais où s'inscirent
A l'opposé le carnaval transgresse simultanément les règles du code
( au lieu du référent) les autres instances productrices du réel soit
linguistique comme celle de la morale conventionnelle; par là sa
les autres"textes" : société, histoire avec leurs déterminations
logique s'apparente à celle du langage poètique .•
politiques, économiqmes, symboliques etc •••
Donc l'opposition monologique/dialogique va s'expliciter en opposition
Kristeva donne ici une longue définition qu'il nous faut citer in épique/carnavalesque ou encore homogène/hétérogène, monophonique/
extenso en raison même de son importance théorique : polyphonique.
"Dans cette perspective le texte littérai re se présente comme un Le jeu de différents textes à l'intérieur d'un même texte doit se
système de connexions multiples qu'on pourrait décrire comme une
structur~ de réseaux paragrammatiques. Nous appelons réseau para- définir en même temps comme ambivalence c'est-à-dite que le traxail
grammatique le modèle tabulaire (non linéaire) de l'Jl~boration de . de destruction de la linéarité monophonique présuppose que celle-ci
l'image littéraire, autrement dit, le graphisme dynamique et spatial
désignant la pluridétermination du sens (différent des normes soit à la f ..:·is maintenue et rappelée ; à vrai dire elle 1 1 est nécessai-
sémantiques et grammaticales du langage usuel) ~a~s le l~n~g: , rement de par la structure même de la phrase occidentale réglée par
poètique. Le terme de réseau remplace l'univoc1te (la 11near1te)
en l'englobant, et· l!fuggère que chaque ensemble ~séquence) est la logique du signe (sujet/prédicat; identité;causalité ••• ); logique
aboutissement et commencement d'un rapport plurivalent. Dans ce qui définit les normes du vraisemblable dont le point extrême d'abou-
réseau les éléments se présenteraient comme des sommets d'un graphe
(dans ia théorie de Konig), ce qui nous aidera à formal~ser le tissement est le récit réaliste ( é::e récit en "reproduisant" le réel-au
fonctionnement symbolique du langage comme marque dynamcque! comme -ce qui est supposé tel- ne fait que traduire et renforcer le niveau
comme 'isramme' mouvant donc paragramme, qui fait plutôt qu'il
n'exprime un sens v (S, 184) moyen du code).Il faut donc envisager une toute autre logique:
Problématiser le texte selon ces modèlœnouveaux ne doit pas laisser "La logique que le "dialogisme" implique est à la fois:1) Une logique
de distance etde relation entre les différents termes de la phrase
glisser à des formes raffinées du positivisme, car en définitive le ou de la structure marrative, indiquant un devenir - en opposition
texte reste une pratique transgressive qui met radicalement en cause au niveau de continuité et de substance qui obéissent à la logique
de l'être et qui seront désignés comme monologiques 2) Une logique
les éléments qu'il utilise (lexique, syntaxe ••• ) : d'analogie et d'opposition non exclusive.en opposition au niveau
de causalité et de détermination identifiante qui sera désigné comme
"L'écriture paragrammatique est une réflexion~c ontinue, ~ne contes-
monologique. 3) Une logique du 1 transfini' concept que nous emprun-
tation écrite du code, de la loi et de soi-meme, une ~ (une tons à Cantor, et qui introduit à partir de la puissance du continu
trajectoire complète) zéro (qui se nie); c'est la démarche du langage poètique (0-2) un second principe de formation, à savoir:
philosophique devenue langage (structure discursive)" (S,197) une séquence poètique est 'immédiatement supé~ieure' (non déduite
causale~ent) à toutes les séquences précédentes de la suite aris-
totélicienne (scientifique, monologique, narrative)." (S,1 53 )
Le dialogisme
Pour Bakhtine c'est le carnaval qui s'offre comme le modèle d'une
Les premiers formalistes russes avaient émis l'hypothèse que toutes telle transgression; si en effet le texte polyphonique se présente
les structures de la langue se formaient sur l'exigence du dialogue. comme une mosaïque de citations et comme une absorbtion-transforma-
Ce sera là le point de départ de l 1opposition monologisme/dialogisme tion d'un autre texte, c'est bien là l'opération permanente du carnaval
à laquelle Baktine fera appel pour lui conférer un statut central qui en outre comporte les traits 'dialogiques' suivants:
dans son approche sémiotique des textes. -il est un spectacle sans rampe où est abolie la dichotomie acteur/
Le discours monologique c'est le discours de type épique , impliquant spectateur; il y a un échange permanent des rôles et des fonctions
34 35

où se dissout la logique de la représentation; la scène est la vie, confrontation de toutes les pratiques sociales • Le texte n'est pas
le rêve est jeu, le discours est spectacle. la scène de leur représentation, mais en tant qu'il met en question
- c'est un texte sans auteur qui ouvre la possibilité d'une production le code par excellence : la langue,il s'affirme comme le lieu d'énon-
non à partir d'une individualité qui maîtrise un code rhétorique ciation et de contestation des autres codes.
reconnu comme littéraire, mais à partir du langage lui-même comme D'autre part la lecture même dl.L texte que pratique la sémanalyse
pratique sociale et dont le code est ironisé, relativisé, transformé. oblige à remettre en question la lecture de l'histoire elle-même.
- enfin le carnaval n'est pas simplement parodique c'est à dire C'est-à-dire qu'il s'agit de contelter radicalement les modèles
n'est pas le simple renversement de ce qu'il met en cause, opération linéaires et finalistes de l'histoire qui sévisent encore jusque dans
illusoire de la fausse transgression , celle que la Loi prévoit et certaines formulations marxistes néo-humanistes ( cf.sur ce point la
favorise; mais il est toujours en même temps comique et tragique, virulente critique d'Althusser dans sa Réponse à John Lewis) • Penser
c'est encore peu dire: en vérité sa scène est autre : celle du rire l'histoire non plus comme domaine du sens (point de vue hégélien)
dans la mort, ou du mourir de rire Jc'est le spectacle dionysien dont c'est-à-dire Discours continu, orienté,"phrasé", mais comme réseau;
rêvait Nietzche (et les dionysies étaient un canaval) et qui travaille volume, ensemble discontinu de pratiques spécifiques.
comme leur fond violent, délirant et refoulé, tous les grands romans De là à parler de l'histoire, de la société,comme de textes il y a un
polyphoniques' Rabelais,CerDantes,Swift,Dostoïevski,Sade, Balzac, glissement métaphorique auquel Kristeva s'abandonne vonlontiers, et

Joyce,Proust,Kafka •••• ) c'est bien ce qui fait problème. Le risque est d'identifier les
pratiques avec les codes qui les stucturent et où elles s'énoncent.
Citons par exemple ce passage:
REMARQUES/ CONCLUSION
11 j"Le textE!!.sans rassembler - simuler- un réel fixe, construit le
Cette "Introduction à la sémanalyse" de Kristeva n'a pas excédé son
le théâtre de son mouvement auquel il contribue et dont il est
propos, c'est dire qu'elle a laissé dans l'ombre ou qu'elle a à peine l'attribut. En transformant la matière de la langue (son organisa-
tion logique et grammaticale) et en y transportant le rapport des
mentionné un certain nombre de concepts impFtants comme ceux de
forces sociales de la scène historique ( dans se signifiés réglés
nombre, de variable, d'infinité signifiante, de s tructure orthocom- par le site du sujet de l'énoncé communiqué), le texte se lie - se
plémentaire, de différentielle signifiante, d' "application", etc ••• lit - doublement par rapport au réel: à la langue (décalée et trans-
formée), à la société ( à la transformation de laquelle il s'accorde)
Outre ces concepts spécifiquement fonctionnels dans le cadre du
( s, 9-10)
travail sémiotique, il en est d'autres concernant la théorie en
Ce qui doit être lu attentivement ici ce n'est pas ce que Kristeva
général , à savoir tous ceux qui touchent à la question du rapport
souligne mais ce qu'elle fait fonction~er métaphoriquement sur fond
entre texte et société. A ce sujet il faut bien dire qu'une certaine
d'une évidence supposée acquise à savoir : théâtre du texte, scène de
hésitation se lit dans la formulation de Kristeva. Certes la problé-
l'histoire; spectacles en somme, mais pour qui sinon pour le théoricien-
matique sémanalytique ouvre la voie à une formulation renouvelée
voyeur (eût-il l 'oeil immensément dilaté du sémioticien) ; le risque
de cette question. Le concept de pratique signifiante pe rmet de saisir
est de s'attarder encore dans l'espace de la représentation;et si l'his-
correctement en quoi le texte s'écrit . dans l'histoi re et en quoi
toire est encore nommée "scène" ce n'est que par l'illusion Œla perspec-
l'histoire insiste dans le texte ( c'est-à-dire dana l'économie de
~e spectaculaire/spéculaire dont la pensée classique nous a laissé
son signifiant propre) • On est- heureusement - loin des théories du
l'héritage tenace et dont1plus conséquente que la nôtre sur ce point 1
•reflet" et de leurs présupposés évidents (expres sion, représentation)
elle attribuat.t à Dieu seul et à son oeil c~opéen la vision infinie.
~~ t ant que pratique spécifique le texte s'ingrit dans l'histoire ,
Nous savons mieux depuis Marx que l'histoire est taut autre chose
=~is dans la mesure où l'histoire est le champ d' intégr at i on et ~e
36

q'une scène et si à l'intérieur de son champ le texte peut ouvrir ROMAN SI<
un espace théâtral ce n'est pour aucun oeil de Maître (surtout pas
divin) mais pour ce regard ex-orbité, ex-centrique, multiple du peuple
au carnaval selon ce mot étonnant de Bakhtine: " Tous les actes du
INSTITUTS
drame de l'histoire mondiale se sont déroulés devant le choeur populaire
riant".
DUPLll<EREDE
0

Tout ce à quoi la sémanalyse certes acquiescerait; cette remarque ne


vise qu' à suggérer un supplément de rigueur dans le maniement symptoma-
SMASl<RIFTER
tique d'une métaphore remarquablement insistante dans le langage sémio-
tique actuel dès lors qu'il s'agit de problématiser le rapport texte/ Nummer 24 April 1974
société; si ces glissements sont très perceptibles dans "SEMIOTIKE"
-qui rassemble les premiers écrits de Kristeva jusqu'en 1969 - il en
va différemment dans les textes les plus récents notamment ceux qui
furent présentés au colloque Artaud/Bataille de Cerisy (Juillet 1972)
et dont l'enjeu est la question du sujet ; mais ce serait aussi l'enjeu Svend Johansen
d'une autre étude ••• ou plutôt d'une étude supplémentaire.
Fra
''LJESNINGER 1
---§§§§????§§§§---
FRANSK LITTERATUR
19. ârhundrede"

Romansk Institut
K0benhavns Universitet
Rigensgade 13
1316 Kbh. K Pris 2 kr.

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