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LAMOTTE Clara 2019 - 2020

Fiche de lecture n°1 : Diversité culturelle, diversité biologique

Pour une approche interactive des savoirs locaux : l’ethno-éthologie, Florence Brunois (2005)

Florence Brunois fait partie du laboratoire d’éco-anthropologie du Museum d’Histoire


Naturelle, du laboratoire d’Anthropologie sociale et elle est aussi chercheuse au CNRS.
F. Brunois a également rejoint la Chaire d’Anthropologie de la Nature de Philippe Descola, au
Collège de France.

A travers son article « Pour une approche interactive des savoirs locaux : l’ethno-éthologie »,
l’anthropologue Florence Brunois s'est intéressée à une nouvelle approche de l'étude des
savoirs locaux, remises en contexte grâce à, notamment, son expérience sur le terrain avec le
peuple des Kasuas de Papouasie Nouvelles Guinée ainsi qu'en s'appuyant sur la littérature
autour de la question et des recherches scientifiques de Peter Dwyer sur l’interaction entre
l’Homme et le reste du monde. L’étude ethno-éthologique qu’elle entame vise à repenser
l’animal, non comme un être passif objectivisé comme il a pu l’être auparavant mais comme
un acteur, un influenceur, un être qui impacte notre monde, et d’étudier son comportement
spécifique comme interspécifique ; voici le fil rouge qu’elle déploie.

Son principal argument est lié à la démarche ethno-ethologique qu’elle entame et consiste
d’une certaine manière à tenter de saisir, au mieux, la logique à l’œuvre dans des
communautés hybrides homme/animal, partageant des affects, des intérêts et du sens (Lestel,
1998). Nous pourrions citer ainsi ces mots « Il n’est plus envisageable de les considérer
comme de simples objets, passifs, convoqués sur la scène sociale pour nous entretenir dans un
monologue humanocentrique. » (Brunois, 2005 : 32 ; 13-16). Cela passe ainsi par le fait
d’intégrer le comportement de l’animal ainsi que la manière dont il est perçu dans l’analyse de
manière à déterminer ses influences sur les savoirs locaux ainsi que les perceptions et
pratiques humaines, sans jamais le considérer comme un sujet dit « objet ». Elle revient dans
un premier temps sur cette dichotomie des concepts de nature et culture où la notion de
« nature » peut s’apparenter à « une invention, un artifice » (Descola). Cette vision amène à
séparer d’un côté l’humanité, de l’autre l’animalité, ce qui emmène parfois à nier toute
possibilité d’interaction/de communication entre ces deux domaines et est donc totalement
contre-productif à une enquête interrelationnelle. Elle s’appuie principalement sur les travaux
de Marylin Strathern sur les sociétés des Hautes terres de Papouasie Nouvelle Guinée, ceux de
Philippe Descola avec les Ashuar, de Bernard Latour et Detlev Nothnagel (sociétés papoues et
amazoniennes).

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En mettant de côté ce dualisme, les processus et les relations qu’entretiennent humains-non


humains remplacent l’état et les substances de ces derniers. En faisant le choix d’un certain
relativisme ontologique, Florence Brunois souhaite comprendre les modes de connaissances
des uns et des autres en soulevant le processus interrelationnel qui unit ces êtres.

Pour cela, elle doit prendre en compte l’ensemble de ces êtres, humains et non-humains, qui
participent au monde dans lequel évolue la société étudiée (soit celle des Kasuas), y compris
les esprits, et ne pas seulement catégoriser ces êtres. Elle doit aussi mener son étude en
présence de ces êtres.

Les Kasuas s’intéressent très peu à l’aspect physique et aux critères morphologiques d’une
espèce, ils ont d’ailleurs des termes similaires pour décrire l’état, la consistance physique d’un
être (par exemple le même mot est utilisé pour le corps d’un humain/animal/plante..). Ils ont
une sensibilité éthologique accru avec de nombreux critères pour reconnaitre « la vraie
nature » des êtres qui les entourent, basés sur les techniques, le domaine de la sexualité et leur
expressivité ainsi qu’une expérience interactive avec l’être. Contrairement à ce que l’on
pourrait penser, cette vision ne prête pas des caractères humains aux êtres en général, ni une
sociabilité humaine (hormis les esprits). Les Kasua peuvent être nommés « horticulteurs de la
forêt » car ils.elles réfléchissent aux relations symbiotiques qu’entretient l’environnement
avec l’ensemble des éléments qui le composent avant d’agir et de donner la mort par exemple,
ce qui a une portée profondément écologique. En conclusion, les Kasua ont une approche
relativement complexe des modes d’existence et ils.elles, au sein de leur environnement, dés-
humanocentrent leur milieu de vie.

Pour confirmer l’approche de Florence Brunois, nous ferons le lien avec Jane Goodall, une
primatologue des années 70, qui utilisait la notion de « personnalités » pour parler des singes
qu’elle étudiait. Bien que cette approche ait énormément été remise en question et ait
également fait polémique, nous pouvons la rapprocher de la vision des Kasua. Bien qu’ils ne
prêtent pas des caractéristiques humaines, aux êtres non-humains (hormis les esprits), ils les
considèrent comme des êtres « singuliers » et les nomment suivant un certain nombre de
critères préliminaires à leur catégorisation quand ils les rencontrent (cadre de la rencontre,
identité de l’humain et de l’être vivant, caractère de l’échange, réactions suite à l’échange..).
A partir de ce moment-là, ils sont plus aptes à les appréhender, les nommer et interagir avec
eux. Dans cette même lancée, d’autres auteurs ont même avancé le terme de

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« cultures » des primates (William McGrew & al.) ; les frontières tendent ainsi à diminuer
entre humains et non-humains.

Un autre lien que nous pourrions faire avec cet article, sont avec les idées, développées dans
un des textes d’Haudricourt, le précédant. Dans Les Pieds sur Terre, ce dernier se demande
lequel de l’homme ou de l’animal a déteint sur l’autre ? Il dit ainsi « Si c’était les autres êtres
vivants qui avaient éduqué les hommes, si les chevaux leur avaient appris à courir, les
grenouilles à nager, les plantes à patienter ? ». Nous trouvons cela intéressant car il avance
une idée pertinente : celle qu’il serait possible que l’environnement et les animaux fréquentés
par un être humain puisse expliquer en partie les différence entre les diverses comportements
des/entre êtres humains.

Nous trouvons l’article de Brunois passionnant, cependant sur certains points, avoir un peu
plus de précisions, aurait été fort agréable. Hormis l’exemple de l’esprit, à la forme animale,
se montrant dans la journée et repartant aussitôt lorsqu’un Kasua lui avait parlé, nous n’avons
pas les éléments en main pour comprendre concrètement par quel(s) procédé(s) le peuple
Kasua peuvent-ils prendre en compte l’intériorité d’un être et comment définissent-ils son
nom après cela.

L’implication principale découlant de ce texte est de repenser notre système d’analyse ethno-
éthologique pour obtenir une relation plus symétrique entre animal et homme, et pouvoir
avoir un aperçu plus véridique comme authentique des relations qui lient les deux.

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