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Ethnographies

des mondes à venir


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ISBN 978‑2-02‑147304‑9 • © Éditions du Seuil, septembre 2022

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Philippe Alessandro
Descola Pignocchi

Ethnographies
des mondes à venir
AVANT-PROPOS

À
une époque, je disais volontiers que j’étais un passionné de « nature », que j’éprouvais
un fort besoin de la côtoyer. Les perspectives de combat politique dans ce domaine
me semblaient assez claires : multiplier les structures de type parc national, laisser
le maximum de zones de nature tranquilles en expulsant autant que possible de leurs fron‑
tières les humains et leurs activités destructrices. Puis on m’a mis entre les mains les livres de
Philippe Descola, notamment Les Lances du crépuscule dans lequel il raconte son séjour avec
sa compagne Anne-Christine Taylor chez les Indiens Achuar1, en Amazonie équatorienne.
Ce récit me touchait d’autant plus qu’il faisait écho à mes premiers voyages en Amazonie,
où je m’étais rendu pour observer les oiseaux et où j’avais été amené à fréquenter des Shuar,
une ethnie proche des Achuar. Je n’avais à ce moment-là aucune curiosité anthropologique
et m’étais certainement dit que ces Indiens étaient fabuleusement « proches de la nature ».
De cette expression éculée, voilà ce qu’écrit Descola : « Dire des Indiens qu’ils sont “proches
de la nature” est une manière de contresens, puisqu’en donnant aux êtres qui la peuplent une
dignité égale à la leur, ils n’adoptent pas à leur endroit une conduite vraiment différente de
celle qui prévaut entre eux. Pour être proche de la nature, encore faut-il que la nature soit,
exceptionnelle disposition dont seuls les Modernes se sont trouvés capables et qui rend sans
doute notre cosmologie plus énigmatique et moins aimable que toutes celles des cultures qui
nous ont précédés2. » Un nouveau monde s’ouvrait à moi.
Je découvrais, éberlué, que le concept de nature, loin de désigner une réalité objective, est
une construction sociale de l’Occident moderne. La plupart des autres peuples du monde se
passent de la distinction entre nature et culture et organisent de façon toute différente les
relations entre les humains et les autres êtres vivants. La protection de la nature ne pouvait
donc pas être, comme je l’avais imaginé, le contrepoint politique radical à la dévastation du
monde orchestré par l’Occident industriel. Protection et exploitation sont les deux facettes
complémentaires d’une même relation d’utilisation, d’un rapport au monde où plantes, animaux
et milieux de vie se voient attribuer un statut d’objets dont les humains peuvent disposer à
leur guise – fût-ce pour les protéger. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas protéger ce qui
peut encore l’être, mais cette prise de conscience ouvrait des perspectives politiques autrement
enthousiasmantes : défaire la distinction entre nature et culture pour inviter les plantes, les
animaux et les milieux de vie à partager la sociabilité des humains. Non plus des objets à pro‑
téger, mais des êtres avec lesquels vivre en bonne entente, des interlocuteurs légitimes, dotés de
leurs propres intérêts, désirs et perspectives sur le monde. Les possibilités de relation avec eux

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devenaient infiniment plus riches et joyeuses que ce qui est autorisé par la fausse opposition
entre exploitation et protection.
J’ai alors contacté Philippe Descola et l’ai rencontré dans son bureau du laboratoire d’anthro‑
pologie sociale. Je l’ai sollicité, entre autres, pour qu’il me donne quelques indications qui me
permettraient de me rendre chez les Achuar : je voulais voir de mes yeux à quoi ressemblait
un monde où l’on discute quotidiennement avec les plantes et les animaux. Je repartais donc
en Équateur, tout excité, avec Les Lances du crépuscule sous le bras.
Si mes séjours auprès des Achuar, qui sont depuis devenus des amis chez qui je retourne régu‑
lièrement, m’ont apporté beaucoup de choses, sur le plan de mes objectifs initiaux ils ont été une
relative déception. Je découvrais à mes dépens qu’on ne fait pas de l’anthropologie en quelques
semaines, surtout sans parler la langue de celles et ceux qui vous accueillent… Ce monde était
trop discret, trop lointain pour que j’en tire des enseignements, des directives précises qu’il
aurait été possible d’importer chez nous3.
La situation concrète qui est venue percuter ma sensibilité naissante pour l’écologie politique,
je l’ai trouvée des années plus tard, sur la Zad de Notre-Dame-des-Landes. Ce que j’explorais
abstraitement depuis quelque temps prenait soudain une existence très réelle. Je me retrouvais
emporté par un monde où chaque humain, si il ou elle en a envie, peut être dans la même
semaine agricultrice, artisan, charpentière, naturaliste, boulangère, pamphlétaire, danseuse ou
encore metteur en scène ; et où toutes ces activités s’enchevêtrent organiquement dans la maille
du bocage, avec un effort constant pour tenter de les déployer dans une relation de bonne
entente avec les cohabitants non humains. Le fait qu’un mois après mon arrivée l’État lance
une opération militaire d’éradication du monde que je venais de découvrir avec émerveille‑
ment a contribué à rendre toute chose moins rhétorique, à inscrire dans ma chair la notion de
conflictualité politique. Opération qui a heureusement été un échec. Bien que transformée, la
Zad a survécu et s’est rétablie. Elle est entrée dans une deuxième phase de son existence et est
aujourd’hui fleurissante4.
Cette fois, c’est moi qui invitais Philippe Descola et Anne-Christine Taylor à venir découvrir
ces terres où l’on détricote méticuleusement, de façon réflexive ou non, la distinction entre
nature et culture. De nos conversations et de nos débats, à propos des Achuar, des luttes
territoriales et de l’état du monde, est née l’envie d’écrire ce livre. Il se veut relativement
pratique : que fait-on ? Nous sommes collectivement écrasés par un monde hégémonique,
régi par les lois de l’économie, où les plantes, les animaux, les milieux de vie et une quantité
toujours croissante d’humains se retrouvent assignés à la catégorie des objets que l’on exploite,
que l’on use jusqu’à la trame, sans la moindre retenue ni le moindre devoir de réciprocité.
Comment faut-il s’y prendre pour affaiblir ce monde, le fracturer, et laisser émerger d’autres
mondes, plus égalitaires, où le pouvoir politique serait non seulement réparti équitablement
entre les différents humains mais aussi étendu, dans le même mouvement et de multiples
façons, aux autres êtres vivants ?

Alessandro Pignocchi
1
POLITISER L’ANTHROPOLOGIE
DE LA NATURE
Où l’on se demande pourquoi il convient
de dépasser la distinction moderne
entre nature et culture

Alessandro Pignocchi : On entend de politiques claires, ou du moins on ne discerne


plus en plus parler de plantes, d’animaux, de pas encore ce qu’une transformation de nos
champignons, de milieux de vie, de « vivant » liens aux vivants implique précisément de
ou encore des « vivants non humains ». Sur‑ remises en question de nos modes d’organi‑
tout, on entend dire qu’il va falloir transformer sation sociale, de refonte institutionnelle et
radicalement notre rapport à tous ces êtres et de métamorphoses de notre façon collective
à toutes ces entités que l’on regroupe encore d’être au monde7. Ce flou laisse la place à des
sous le concept général de nature. En ces temps critiques qui accusent l’intérêt pour les vivants
de crise sanitaire, de monde désenchanté et d’être un problème purement bourgeois, qui
de désastre écologique, nous sentons de plus ne concernerait que celles et ceux – de plus en
en plus précisément que des ajustements à la plus rares – qui ont le loisir de penser à autre
marge ne seront pas suffisants, que l’époque chose qu’à leur propre survie matérielle. Pire :
appelle un bouleversement de notre façon de la préoccupation pour les plantes et les animaux
faire qui touche à ses fondements même. Cette pourrait détourner l’attention des vraies luttes,
idée se diffuse, voire devient à la mode. Avec celles qui s’en prennent aux différentes formes
elle, émerge toute une cohorte d’affects, que de domination – sociales et économiques,
certains appellent des « affects terrestres5 », politiques, patriarcales, raciales – qui écrasent
et qui mêlent un dégoût pour notre rapport tant d’humains8.
utilitariste et destructeur aux vivants et un désir Ton avis nous intéresse car une part des travaux
d’« autre chose », une aspiration à trouver de autour du vivant se développe sous ton aile
nouvelles façons, plus intimes et respectueuses, tutélaire et s’appuie plus ou moins explicite‑
de nous lier à eux. ment sur ce que tu as appelé « l’anthropologie
De ces idées et de ces affects, on ne sait de la nature ». Je reprends la formule « anthro‑
cependant pas encore bien quoi faire politi‑ pologie de la nature », même si celle-ci est
quement. Des intellectuels et intellectuelles un peu paradoxale dans la mesure où l’un des
de toutes disciplines se sont saisis de la principaux apports de cette approche a été de
question du vivant pour accompagner et montrer que le concept de nature est propre
nourrir ce déplacement de l’attention, cet à l’Occident moderne et que la majorité des
accueil dans l’attention collective d’êtres qui autres peuples n’en utilisent pas d’équivalent.
en étaient largement exclus6. Toutefois, de cet Autrement dit, si on appelle « anthropologie
ensemble relativement hétérogène de travaux de la nature » la discipline qui s’intéresse
n’émergent pas, pour l’instant, de perspectives à la manière dont différentes populations

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organisent les relations entre les humains et les d’un intitulé évidemment contradictoire. Car
non-humains, sa grande découverte a été que la depuis plusieurs siècles, en Europe, la nature
répartition entre nature et culture qui nous est se caractérise par l’absence des humains ; et
si familière, qui structure de façon si profonde les humains, par ce qu’ils ont su surmonter de
nos subjectivités et nos institutions, n’a rien naturel en eux. Cette contradiction dans les
d’universel et qu’il existe une multitude d’autres termes – un oxymore en rhétorique – m’a paru
façons d’être au monde. Si nous, Occidentaux une façon suggestive de désigner le domaine
modernes, rejetons les plantes, les animaux et qui m’intéressait en ce qu’elle rendait mani‑
les milieux de vie dans la sphère autonome de feste une impasse de la pensée moderne en
la nature, avec ses propres lois que la science même temps qu’elle suggérait un moyen de
a pour mission d’étudier, il est plus habituel, à s’en libérer. En présumant d’une distribution
l’échelle de l’histoire des sociétés humaines, de universelle des humains et des non-humains
mêler les non-humains, d’une façon ou d’une dans deux domaines d’existence bien séparés,
autre, au tissu des relations sociales. la culture et la nature, la pensée moderne s’est
Depuis mes premiers voyages sur tes traces en effet trouvée mal armée pour comprendre
chez les Achuar, j’essaie dans mes différentes toutes ces manières de composer des mondes
bandes-dessinées de « mettre au travail » les dans lesquels une telle distinction est absente,
idées développées par l’anthropologie de la celles en particulier que les anthropologues
nature, de les frotter au domaine du politique. étudient. Ainsi que je m’en étais aperçu chez
Pour l’instant, j’ai principalement accompli cet les Achuar, la nature n’existe pas en tant que
exercice sur le mode de l’humour absurde9. domaine de réalités autonomes chez tous les
­J’aimerais qu’on approfondisse ici cette ques‑ peuples. Comme cela m’est aussi apparu nette­
tion sous une forme plus classique, intermé‑ ment lorsque, à mon retour, j’ai commencé à
diaire entre la BD et l’essai – tout en restant étudier ces questions de façon comparative, la
plus proche du second que de la première –, tendance à voir les humains comme séparés
celle d’un dialogue. Par la discussion, en nous des non-humains, le « naturalisme », est même
contredisant parfois, j’aimerais que l’on précise exceptionnelle dans l’histoire de l’humanité. J’ai
la dimension politique de l’anthropologie donc appelé « anthropologie de la nature » ce
de la nature, que l’on abandonne progressi‑ champ de recherche nouveau en lui fixant pour
vement toute affirmation de neutralité, afin ambition de comprendre, non seulement pour‑
de spécifier l’apport de cette discipline pour quoi et comment tant de gens estiment dotés
penser et nourrir les luttes présentes et celles de propriétés sociales la plupart des êtres que
qui s’annoncent. nous, les Modernes, désignons comme « natu‑
rels », mais aussi pourquoi et comment il nous
Philippe Descola : Ce sont en effet des a paru nécessaire, à nous, Modernes, d ­ ’exclure
questions qui m’importent de plus en plus ces entités de notre destinée commune. Ce
et je suis très content d’avoir l’occasion de champ de recherche a maintenant acquis son
les développer dans ce dialogue avec toi. autonomie, en France et à l’étranger, tout en
Commençons par préciser que le caractère conservant le nom que je lui ai donné à l’ori‑
paradoxal de l’expression « anthropologie de gine. Du fait de son aspect contradictoire, ce
la nature » est volontaire. C’est le titre un peu nom a le mérite de poser une question ouverte
provoquant que j’ai donné il y a quarante ans plutôt que d’apporter une réponse définitive,
à mon enseignement, d’abord à l’École des ce qui est le propre de la démarche scientifique
hautes études en sciences sociales, puis au et philosophique. Cela dit, comme l’écrivait
Collège de France. Je voulais délimiter un Proust, « les paradoxes d’aujourd’hui sont les
champ nouveau en anthropologie au moyen préjugés de demain », et si l’anthropologie de

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la nature parvient à gagner droit de cité, elle Nous sommes arrivés à ce terme. Cet aveu‑
deviendra peut-être un jour, elle aussi, un lieu glement a été partagé jusque très récemment
commun à remettre en cause. tant par les penseurs libéraux que par ceux
qui se réclament du socialisme. Chez Marx,
Alessandro : Soulignons tout de suite que il résulte d’une évolution de sa pensée dont les
nous employons le concept de « naturalisme » conséquences politiques se font encore sentir.
dans le sens très particulier que tu lui as donné. Dans ses écrits de jeunesse, où il subit encore
Il désigne le rapport au monde des Occiden‑ l’influence de Hegel, il voit la nature comme
taux modernes, pour qui il existe quelque chose à la fois conditionnée par l’activité formatrice
qui s’appelle la « nature ». L’ensemble disparate de l’homme, c’est-à-dire métamorphosée par
de choses, de phénomènes et d’êtres que cette la façon dont il l’appréhende, et en partie
catégorie englobe se distingue nettement de ce différenciée de lui par ses caractéristiques
qui se passe de l’autre côté de la frontière, là physiques propres. Les humains et la nature
où se construisent les sociétés humaines et la se conditionnent mutuellement. Plus tard,
diversité des cultures. Le terme « naturalisme » notamment dans Le Capital, il s’intéresse
n’a donc pas le même sens que dans son usage surtout aux ressorts de l’exploitation capi‑
courant, où il désigne les passionnés de plantes taliste et la nature devient une condition de
et d’animaux. Certains amis naturalistes t’en l’activité économique, un substrat en théorie
veulent d’ailleurs un peu d’avoir choisi ce inextinguible. Or, si l’analyse des mécanismes
terme, puisque maintenant on voit des titres, de l’exploitation capitaliste proposée par Marx
dans les journaux qui vulgarisent tes idées, reste pertinente, il nous a cependant fallu
annonçant que « les naturalistes sont respon‑ apprendre au cours des dernières décennies que
sables de la crise écologique ». Mais bon, on te traiter la nature comme une réalité extérieure
pardonne car le terme convient en effet bien aux humains, une ressource corvéable à merci,
à l’usage que tu proposes. engendre des conséquences dramatiques qu’il
était impossible d’envisager auparavant. C’est
Philippe : Pour poursuivre sur la dimension l’analyse du caractère distinctif de la cosmolo‑
politique de l’anthropologie de la nature, il gie naturaliste par l’anthropologie de la nature
est vrai que celle-ci est longtemps demeurée qui a contribué à le montrer.
implicite, et c’est l’un des objectifs de notre
dialogue de la préciser et de la développer. Mais Alessandro : Le premier petit pas de
l’on peut dès à présent dire que la seule façon l’anthro­pologie de la nature vers la politique se
d’envisager des alternatives à la dévastation que fait donc lorsqu’on affirme que le naturalisme
le capitalisme industriel – en quelque sorte le doit aujourd’hui être dépassé, qu’il nous faut
bras armé du naturalisme – a déversé sur le sortir collectivement de la distinction entre
monde est d’abord d’identifier correctement nature et culture pour aller vers un rapport au
ce qu’il faut combattre. Malgré tout ce que monde où les activités des humains et celles des
nous devons en matière d’outils analytiques aux autres êtres vivants seraient plus intimement
grands penseurs du socialisme du xixe siècle, mêlées. La principale raison généralement
de Fourier et Proudhon à Marx et Engels, on invoquée tient au lien que tu viens de faire
doit reconnaître qu’ils n’ont pas perçu que lier entre naturalisme et crise écologique.
l’émancipation des travailleurs à l’augmentation
du bien-être – la « croissance des forces pro‑ Philippe : Il serait sans doute très simplifi‑
ductives » – impliquait de soumettre la Terre cateur d’affirmer que le naturalisme est seul
à une exploitation implacable de ses ressources responsable de la dévastation de la planète, de
qu’elle serait à terme incapable de supporter. l’exploitation capitaliste et du réchauffement

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global. Mais il est en effet intimement lié à ces seulement au prix de l’exploitation du prolé‑
événements. Sans en être une cause directe, tariat ouvrier, mais aussi de la dépossession
il en est l’une des conditions. À partir du et de la chosification d’une grande partie du
moment où, au xviie siècle en Europe, on a reste du monde. L’opposition entre nature et
commencé à théoriser la séparation de droit société a donc pris très tôt, dès le xviiie siècle,
entre humains et non-humains, il devenait l’allure d’une dissociation de caractère politique
inévitable que ces derniers se transforment entre les êtres et les choses existant à l’état
en ce conglomérat muet que nous appelons la brut et spontané qu’il fallait mettre au travail
nature : tout à la fois objet d’enquête scienti‑ et discipliner – les « sauvages », les pauvres,
fique, ressource pour l’approvisionnement des les terres supposément vierges à conqué‑
humains en biens matériels, pourvoyeuse de rir – et les dominants qui se rangeaient par
symboles et de métaphores pour penser la vie contraste du côté de la civilisation, c’est-à-dire
sociale et, depuis le romantisme, espace de repli de l’exploitation rationnelle des hommes et
où échapper à la vie urbaine. Une fois cette des ressources. Mettre en cause l’universalité
dissociation opérée, la grande illusion moderne de la distinction entre nature et société, c’est
pouvait se déployer : la croissance infinie des aussi montrer combien ce couple conceptuel
richesses grâce à la « mise en valeur » de la Terre typiquement naturaliste exprime et cherche à
au moyen du progrès infini des techniques. faire passer pour évidente une hiérarchie dans
Le naturalisme a ainsi une double face. En laquelle certains humains exercent leur pouvoir
faisant de la nature un objet d’investigation sur d’autres humains en même temps que sur
neutre et mathématisable, il a rendu possible les non-humains.
le développement des sciences ; en exhaussant
les humains, certains humains, au-dessus de Alessandro : On pourrait te répondre – et de
la nature, il a rendu acceptable l’idée que nombreux membres des classes possédantes/
la personne humaine, certaines personnes dirigeantes10 te diraient sans doute quelque
humaines, devait être reconnue comme titulaire chose comme ça – que l’on peut décorréler
de droits inaliénables. Mais le naturalisme a le naturalisme et l’exploitation sans limite
aussi été le terreau sur lequel s’est épanoui le de la planète. Il suffirait pour cela d’attribuer
pillage des ressources de la planète, en premier une valeur économique suffisamment élevée
lieu dans l’expansion coloniale européenne. aux « choses naturelles ». Les plus radicalisés
Grâce à celle-ci, grâce à la combinaison de des économistes libéraux te diraient même,
spoliation territoriale et de mise au travail peut-être, qu’avec la raréfaction des ressources
forcée des populations locales ou importées, et des espaces naturels cet équilibrage se fera
des pays européens de taille réduite, comme le tout seul grâce aux lois du marché. Les moins
Royaume-Uni, ont pu poursuivre outre-mer radicalisés proposeront que cette valeur soit
la politique de mercantilisation des communs attribuée par l’État, ou par toute autre insti‑
déjà engagée en Europe. Avec l’économie de tution suffisamment puissante voire, pourquoi
plantation, ces pays accumulaient le capital pas, une institution démocratique.
nécessaire au démarrage de la révolution L’argument primordial pour rejeter cette
industrielle. Les forêts du Nouveau Monde et perspective tient simplement à un désir de
leurs habitants, les esclaves venus d’Afrique, diversité, sur lequel nous reviendrons en détail.
devinrent des « choses » abondantes et peu Le naturalisme est désormais hégémonique, il
coûteuses, moyens de profits déjà considérables exerce partout sur terre sa force homogénéi‑
que la mécanisation du travail et le contrôle du sante et c’est là, sans doute, la meilleure raison
commerce mondial ne pouvaient qu’accroître. de tenter de le fissurer pour laisser de la place
Bref, l’accumulation du capital s’est faite non à d’autres façons d’être au monde. Mais il y

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a aussi de nombreux arguments plus spéci‑ qui structure nos institutions et notre façon
fiques qui invitent à penser que naturalisme collective de nous rapporter aux non-humains
et destruction de la planète ne peuvent pas est dominé par l’utilitarisme. On imagine
être réellement décorrélés. bien qu’il est plus riche et plus exaltant de
Notre concept de nature limite nos relations marcher dans une forêt lorsqu’on a été socialisé
aux non-humains à un choix unique entre dans un collectif animiste, c’est-à-dire dans
exploitation et protection, bien visible sur le un collectif où il est spontanément admis
territoire où les zones dévastées par l’agriculture que chaque arbre et chaque animal qui nous
intensive et l’urbanisation alternent avec de entoure est un interlocuteur potentiel, avec
– modestes – parcs nationaux qui tentent de son tempérament propre, que lorsque la même
mettre la « nature » sous cloche11. Ces deux forêt est perçue comme de la « nature » ou de
modes de relation, que l’on croit opposés, l’« environnement », comme un ensemble de
sont les deux variantes d’une même relation ressources ou un simple décor. Léna Balaud
d’utilisation, dans laquelle les non-humains et Antoine Chopot parlent de l’arrivée du
n’existent qu’à travers les fonctions qu’ils naturalisme comme d’une atrophie générale
remplissent pour les humains (ressources, de la socialité, un rétrécissement des sphères
services écosystémiques, contemplation où opère un devoir de réciprocité13.
esthétique, etc.). Cette fausse alternative entre
exploitation et protection est biaisée : lorsqu’on Philippe : Malgré ma familiarité avec les
décide de protéger, il est aisé de changer d’avis Achuar et leur langue, je ne me hasarderai pas à
et d’exploiter12. L’inverse est nettement plus affirmer que je suis en mesure de connaître leur
complexe. La moindre modification dans expérience affective et subjective d’une marche
la situation politique et économique d’un en forêt, et en quoi elle diffère de celle d’un
territoire peut faire basculer de la protection garde forestier européen. Disons seulement que
vers l’exploitation, le chemin retour, même le naturalisme est un filtre, imparfait à l’instar
s’il existe une écologie de la restauration, ne des autres filtres ontologiques, et qu’il laisse
se fait pas avec la même désinvolture. Cette donc passer dans son tamis beaucoup plus que
asymétrie introduit donc un phénomène de les intuitions naturalistes. Il ne contraint pas
cliquet qui fait inévitablement tendre vers la celles et ceux dont il schématise l’expérience
destruction complète. du monde à appréhender en permanence ce
Par ailleurs, la relation d’utilisation dans monde comme s’ils étaient de purs sujets
laquelle nous enferme le naturalisme est très connaissants sortis d’un manuel d’épistémo‑
pauvre d’un point de vue psychologique. Elle logie. Chacun d’entre nous peut à l’occasion,
se résume à un calcul coût/bénéfice, où l’autre faire l’expérience d’un compagnonnage avec
est évalué à travers le seul prisme de nos des plantes et des animaux, des rivières et des
intérêts immédiats. Les interactions sociales montagnes, éprouver le sentiment de partager
sont au contraire beaucoup plus riches sur le avec eux une destinée commune, se sentir
plan cognitif, elles sont colorées par toute une bouleversé par les attaques qu’on leur porte. Un
palette d’affects, elles mobilisent les facultés chercheur en physique des particules, dressé
empathiques et notre aptitude à attribuer des par son éducation à envisager les éléments de
désirs et des croyances à autrui. Il est bien sûr la nature comme des êtres et des phénomènes
possible, en Occident, de développer ponc‑ mesurables et objectivables par le calcul, peut
tuellement des relations affectives avec un aussi être un ornithologue enthousiaste ou
animal domestique ou d’essayer de se mettre un passionné de la faune sauvage. Lorsqu’il
à la place d’une bête sauvage pour entrevoir à ne traque pas des quarks ou des muons, il
quoi ressemble sa vie, mais le mode de relation s’immerge peut-être dans quelque forêt voisine

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où chaque chant d’oiseau, chaque volètement faire dans le sens inverse de ce qu’elles font
entre deux branches, chaque fougère déroulant aujourd’hui. Au lieu de nous pousser à chosi‑
sa crosse au pied d’un arbre évoque en lui un fier et exploiter les vivants non humains, des
sentiment de présence et d’intimité aussi riche institutions post-naturalistes nous inciteraient
que celui qu’il peut ressentir en compagnie à mobiliser nos facultés sociales dans nos
de certains de ses semblables. Le braconnier rapports à eux, à les voir non plus comme de
solognot dont Maurice Genevoix raconte la matière mais comme des partenaires de vie.
l’histoire dans Raboliot est plus animiste que Dans cette aspiration à dépasser le natura‑
certains Achuar contemporains ! lisme, les autres peuples ne constituent pas
des exemples à suivre, mais des sources d’ins‑
Alessandro : En Occident, il est bien sûr piration. L’anthropologie devient un réservoir
possible à des personnes isolées, ou à des petits « d’outils de dérangement intellectuel15 » qui
groupes de gens, de développer une sensibilité nous aident à nous penser nous-mêmes et à
particulière aux vivants non humains et de prê‑ imaginer l’avenir comme un foisonnement de
ter attention à leurs intérêts. Mais ce sont des possibilités, et non plus comme un trajet unique
cas isolés justement, qui n’ont pas réellement et tout tracé vers le désastre. Les concepts qui
de répercussions institutionnelles. Ce que nous façonnent notre rapport au monde ne peuvent
appelons une « façon d’être au monde », c’est la en effet devenir des objets de réflexion que si
rencontre entre des façons de faire, de sentir et l’on est en mesure d’imaginer leurs contraires,
de penser individuelles et les institutions dans de ressentir leur caractère relatif. L’anthropo‑
lesquelles elles s’enchevêtrent, par de complexes logie permet cela, elle offre des contre-points
jeux de déterminations réciproques. « Institu‑ à nos manières de faire et donne ainsi prise
tions » doit ici être entendu dans un sens très à la pensée critique sur des facettes de notre
large, qui englobe l’ensemble des structures, rapport au monde qui autrement passeraient
implicites ou explicites, qui organisent la vie inaperçues, diluées dans l’habitude et l’évidence.
d’un collectif. Or, globalement, les institutions Pour politiser l’anthropologie de la nature, c’est
naturalistes nous poussent à développer des bien l’anthropologie en général qu’il s’agit de
relations utilitaristes aux non-humains et à mobiliser, car dès que l’on s’en prend à la dis‑
bloquer à leur égard nos aptitudes sociales. tinction entre nature et culture, c’est l’ensemble
Un petit éleveur qui a donné un prénom à de nos concepts les plus fondamentaux qui se
chacune de ses bêtes, qui entre en résonance fragmentent et appellent réorganisation : celui
empathique avec elles, développe des modes d’économie au premier chef, mais aussi ceux
de relation qui échappent au naturalisme. Mais de travail, de progrès ou même d’État.
les institutions le pousseront à s’agrandir, à
augmenter ses rendements, à se plier à des Philippe : Cela va même bien au-delà. Car les
logiques économiques qui iront frontalement à notions-clés des sciences sociales, des termes
l’encontre de ce déploiement empathique. Les comme « culture », « nature », « société », « his‑
structures institutionnelles dans lesquelles il se toire », « économie », « politique », « religion »
trouve pris le forceront à considérer ses bêtes ou « art », ont d’abord servi à nommer des
comme des objets, comme de la ressource pro‑ réalités qui étaient en train d’émerger de façon
ductive14. Je n’ai pas lu Raboliot mais tu dis que visible en Europe entre le début du xviie siècle
c’est un braconnier, c’est peut-être significatif : et la fin du xixe. Certes, les mots existaient déjà
il est en marge des lois dominantes. dans le vocabulaire des langues européennes,
Dépasser le naturalisme implique donc de puisqu’ils viennent du latin ; mais leur signi‑
transformer les institutions de telle sorte qu’elles fication s’est métamorphosée lorsqu’on s’en est
façonnent les subjectivités et les manières de servi pour désigner des processus nouveaux. Le

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mot « nature », issu du verbe latin nascor, naître, soucier de savoir s’ils habillaient correcte‑
qui portait donc l’idée d’un développement ment d’autres corps que le sien. Car on aurait
propre – et que l’on employait surtout pour grand-peine à reconnaître ce que Rousseau
rendre l’idée grecque de phusis, c’est-à-dire le ou Durkheim appellent « société » dans les
principe qui fait qu’un être est tel qu’il est par assemblages sociocosmiques que forment les
lui-même –, ce mot en est venu à désigner à royautés sacrées d’Afrique ou de Polynésie ;
partir du xviie siècle une totalité extérieure aux ou à percevoir dans les réseaux de relations
humains, caractérisée par des déterminismes personnelles que les Amazoniens tissent avec
propres. Le mot « économie », dérivé du grec les plantes et les animaux dont ils s’alimentent
oikos, le foyer, et qui faisait référence à la bonne ce que Turgot ou Adam Smith définissent
gestion domestique, devient le terme qui comme le domaine de l’économie.
qualifie, à une tout autre échelle, la production Cet étalonnage à partir de gabarits conceptuels
et la circulation des marchandises. Le mot européens de la diversité des relations dans
« société », qui dénote en latin une association lesquelles les humains sont parties prenantes
d’humains, se transforme dans le lexique des a été facilité par l’idéologie évolutionniste,
Lumières et de la sociologie naissante en dominante à partir du xixe siècle, c’est-à-dire
l’institution normative par excellence qui fait durant la période de formation des sciences
l’humanité des humains. Et ainsi de suite. Ce sociales. Sans doute l’évolutionnisme voyait-il
bourgeonnement de concepts se glissant dans les types socio-économiques ayant précédé
des mots anciens a accompagné l’émergence et la société moderne comme des ébauches de
le développement du naturalisme, car il fallait celle-ci, mais leur architecture ne s’en présen‑
pouvoir mettre des mots sur les phénomènes tait pas moins comme une préfiguration des
et les processus entièrement nouveaux dont découpages modernes : même les chasseurs-
l’Europe faisait alors l’expérience : l’expulsion cueilleurs réputés les plus primitifs pouvaient
des non-humains de la cosmologie chrétienne, être décrits en séparant nettement leur éco‑
l’autonomisation de la marchandise et de la nomie, leur organisation sociale et politique,
sphère sociale, l’émergence d’une temporalité leur religion, comme si, dès l’enfance supposée
cumulative orientée par l’idée de progrès que de l’humanité, apparaissait déjà en filigrane la
l’on a appelée l’évolution historique, etc. société bourgeoise du xixe siècle.
Du fait des conditions de leur genèse, tous ces L’eurocentrisme des concepts des sciences
concepts si familiers renvoyant à la vie humaine sociales, concepts qui sont maintenant entrés
sont donc relatifs à une situation historique dans l’usage commun, ne les rend pas seulement
bien particulière, celle de l’Europe s’émancipant impropres à décrire des réalités différentes de
de la tutelle théologico-politique de l’Ancien celles qui sont familières aux Occidentaux,
Régime et inventant le capitalisme industriel. voire aux Modernes au sens large. Cet eurocen‑
Pourtant, malgré l’absolue singularité de ce trisme les rend aussi inappropriés à se saisir
que ces termes désignent, l’anthropologie a de l’état du monde dans lequel nous sommes
employé « société », « économie », « culture », entrés avec le nouveau régime climatique,
« nature » ou « histoire » comme des catégories un état caractérisé par des frontières entre le
analytiques et descriptives à portée universelle monde des humains et celui des non-humains
afin de calibrer et d’interpréter des pratiques beaucoup plus poreuses que celles que le
et des institutions observées dans le cours de naturalisme avait tracées. L’attraction terrestre
l’expansion coloniale en Afrique, en Océanie, ou la formule chimique de l’eau qualifient des
en Asie et dans les Amériques. Ce faisant, la objets et des phénomènes dont les principes
pensée européenne taillait dans le tissu du de composition et de fonctionnement sont
monde des vêtements à sa mesure, sans se identiques partout sur notre planète ; il n’en va

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pas de même de notions comme « société », immuables et destinées à durer toujours, mais
« culture » ou « nature » qui découpent la trame ce n’est heureusement pas vrai. Sans doute y
du monde selon des schèmes organisateurs qui a-t-il eu une uniformisation progressive du
sont propres à une seule partie du monde et à fait du colonialisme et de la globalisation
une certaine époque. marchande, mais le monde est encore beaucoup
C’est pourquoi l’anthropologie et l’histoire, plus divers que ce que son survol superficiel
loin de nous confiner dans le passé ou dans par le tourisme ou les mass-média permet de
l’exotisme, sont des ressources si cruciales mesurer. L’anthropologie et l’histoire nous
pour penser le futur. Elles nous apportent des apportent la preuve que d’autres voies sont
connaissances précieuses sur les différentes possibles pour nous assembler et régler nos
façons d’être humain, de nous lier entre nous vies que celles qui nous sont familières en
et aux non-humains. Elles nous permettent Occident, puisque certaines d’entre elles, aussi
aussi de nous dégager de la tyrannique myo‑ improbables qu’elles puissent paraître, ont été
pie du présent. Faute de recul, il est facile de explorées et mises en pratique ailleurs. Elles
vivre dans l’illusion d’un présent éternel, de montrent que l’avenir n’est pas un prolonge‑
croire que les institutions que nous connais‑ ment automatique de l’actuel, reconductible
sons à l’heure actuelle, juridiques, politiques, à intervalles réguliers, mais qu’il est ouvert à
les formes d’appropriation de la terre et des tous les possibles pour peu que nous sachions
objets, les types d’échange de biens, etc., sont les imaginer.
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