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LA NATURE

INTRODUCTION
Au sens large, la nature désigne le monde sensible, c’est-à-dire le milieu où vit l’homme
indépendamment des transformations qu’il y opère ; le ciel étoilé, la terre, les minéraux et les
végétaux sont des éléments de la nature. Au sens restreint, la nature d’un être renvoie à
l’ensemble des propriétés qui caractérisent cet être. C’est l’état dans lequel l’on nait. Selon
Claude LEVI-STRAUSS (1908-2009), « C’est tout ce qui est en nous par hérédité biologique ».
A cette nature, on oppose la culture ou le monde de la civilisation, qui est l’ensemble des
phénomènes sociaux : science, technique, art, religion, coutume, magie, etc. Autrement-dit, la
culture est cette partie de son milieu que l’homme crée lui-même (comme la roue, la centrale
nucléaire, les ouvrages architecturaux, etc.). Notons que la notion de culture semble se
confondre avec celle de mœurs qui est l’ensembles des habitudes sociales. C’est le cas des
goûts, du choix des aliments, leurs modes de préparations et de consommation…Si la nature en
l’homme renvoie à tout ce qui est donné à la naissance, la culture, elle, désigne ce qu’il acquiert
tout au long de son éducation. La question se pose alors de savoir s’il y a un sens à parler
d’homme naturel. Et comment expliquer le passage de la nature à la culture ?
I°) LA NATURE HUMAINE : MYTHE OU RÉALITÉ ?
1°) Le comportement naturel
La question de la nature humaine en dehors de la culture (l’éducation) rappelle le cas des
enfants sauvages. Nous pouvons citer l’exemple des deux (02) filles retrouvées aux Indes en
1920 : Amala (O2 ans) et Kamala (O8ans). Ces filles étaient incapables de se tenir débout,
trottaient sur leurs coudes et leurs genoux, ne savaient pas parler, hurlaient comme des loups,
avaient l’odorant très développé, ignoraient l’usage de la main, ainsi que le rire et le sourire.
Peut-on vraiment dire que ces enfants sont des humains ? Ne sont-ils pas à l’état de
nature? A cette question, nous dirons qu’il est difficile de qualifier ces enfants d’humains
d’autant plus qu’ils sont étrangers à tout ce qui fait l’humanité : la parole, le sourire, l’usage de
la main, etc.
Par ailleurs, l’homme est un être biologique, c’est-à-dire un animal comme les autres. A
ce titre, son comportement (comme celui des autres animaux) se définit par un ensemble de
réactions à des stimuli internes et externes. Et le plus souvent, nombreuses de ses réactions sont
liées au niveau physico-biologique, donc du naturel (Cf. le conditionnement pavlovien).

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2°) L’homme naturel des philosophes
Aux XVIIème siècle, des philosophes ont imaginé un état antérieur à l’état civil
dans
Lequel les hommes auraient vécu en dehors de toute organisation sociale.
Ainsi, chez Thomas HOBBES (1588-1679), il aurait existé des hommes à l’état de nature. En
dehors de toute institution sociale, HOBBE estime que les hommes sont égaux d’un point de
vue physique mais aussi intellectuel. Cette égalité d’aptitude les pousse à vouloir atteindre les
mêmes fins. Une situation de méfiance va alors s’installer entre eux, ce qui conduit à un état de
guerre, dans lequel « L’homme est un loup pour l’homme » In Léviathan, chap. XIII.
Jean-Jacques ROUSSEAU (1712-1778), s’inscrit dans le même ordre d’idée pour
admettre la thèse de l’état de nature. Mais, à la différence de HOBBES qui pense que l’homme
était naturellement égoïste, ROUSSEAU estime qu’il était plutôt libre et heureux. Sa morale se
réduisait à l’amour de soi-même qui est un sentiment positif d’auto-conservation. Précisons
qu’il s’agit là, chez ROUSSEAU, non pas d’un état historiquement attesté, mais d’une fiction
théorique pour expliquer la nature profonde de l’homme.
3°) l’homme comme un produit de la culture
Selon Jean Paul Sartre, l’homme n’a pas de nature. Pour lui, figé l’homme dans une
essence prédéfinit, c’est lui interdire de se prendre en charge pour se déterminer. Sartre estime
que chez l’homme « l’existence précède l’essence », cela veut dire que l’homme surgit au
monde et se détermine ensuite. Il demeure ce qu’il se fait. Ainsi, écrit Sartre « il n’y a pas de
nature humaine, puisqu’il n’y pas de Dieu pour la concevoir ».
Dans la même perspective E. Kant soutient que l’homme n’est pas un être définit
d’avance, il est un produit social, car il n’est rien d’autre que ce que l’éducation a fait de lui.
« L’homme ne peut devenir homme que par l’éducation. Il n’est rien que ce que l’éducation fait
de lui », écrit Kant.
De même, pour Lucien Malson, sans éducation l’homme demeure un sous- animal. Ce
qui veut dire qu’un individu sans éducation ne pourra jamais devenir un homme mais aussi il ne
pourra pas réaliser la performance des animaux. C’est dans ce sens qu’il affirme « Avant la
rencontre d’autrui, et du groupe, l’homme n’est rien d’autre des virtualités aussi légères qu’une
transparente vapeur ».
II°) DE LA NATURE A LA SOCIETE
1°) Rousseau et la socialisation
Au fil du temps, l’état de nature va céder la place à l’état civil avec l’apparition de la
propriété privée. En effet, avec la propriété privée naissent des besoins de sécurité et de
défense qui sont de véritables sources de violence entre les hommes. L’état de nature est alors
abandonné au profit de l’état de société. Mais, il s’agit d’une mauvaise socialisation car les
rivalités et les conflits de l’état de nature ne sont pas abandonnés. Pour des besoins de sécurité,
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les hommes sont alors obligés de trouver une forme de société dans laquelle ils puissent se
reconnaître : tel est l’objet du contrat social, forme d’association qui unit la liberté et
l’obéissance. Ce contrat crée une vie sociale organisée ainsi qu’une transformation spirituelle.
2°) La thèse de LEVI-STRAUSS
Pour Claude LEVI-STRAUSS (1908-2009), on peut saisir le point de passage de la
nature à la culture en s’appuyant sur la prohibition de l’inceste. Autrement-dit, c’est
l’interdiction du mariage entre parents proches qui fait l’articulation entre le naturel et le
culturel. En effet, la prohibition de l’inceste est une règle (elle relève donc de la culture) ; mais
elle est la seule règle qui soit universelle car elle est présente dans tout groupe sociale (pour
cela, elle relève de la nature). Parce qu’il est interdit d’épouser sa sœur ou sa fille, on est obligé
de la donner à autrui. Cela crée une relation d’échange entre les hommes. C’est le point de
départ des relations sociales. Pour LEVI-STRAUSS, l’interdiction de l’inceste apparaît
comme ayant pour fonction « d’établir, entre les hommes, un lien sans lequel ils ne pourraient
s’élever au-dessus d’une organisation biologique pour atteindre une organisation sociale »
3°) Culture et personnalité
Au sens philosophique, la culture est l’ensemble des valeurs matérielles et
spirituelles créées par l’humanité au cours de son évolution. Elle se transmet par héritage. La
culture relève de l’acquis tandis que la nature est de l’ordre de l’inné. La culture résulte de
l’action de l’homme et apporte un plus à ce qui existait déjà dans la nature.
Il apparaît alors une étroite relation entre la nature et la culture. En effet, la nature subit
l’influence de la culture. La culture, à son tour, transforme sans cesse la nature pour construire
la personnalité du sujet. Si la culture détermine les aptitudes physiques et mentales de
l’individu, on peut alors affirmer que la personnalité est le produit de l’éducation qui est, elle-
même, contrôlée par la culture. Pour cela, on peut nier l’existence d’une ‘’ nature psychique’’
ou d’une ‘’hérédité psychologique’’.
CONCLUSION
Chez l’homme, il est difficile de distinguer dans ses comportements ce qui relève
du naturel et ce qui appartient à la culture. Ceci s’explique par le fait que nature et culture
entretiennent des relations d’interaction et de complémentarité. En fait, l’homme accomplit et
développe son humanité à travers des institutions sociales et culturelles.
S’agissant de la question de la diversité culturelle, nous devons retenir qu’aucune
culture n’a de valeur absolue. Chaque culture est relative à un espace et à un temps ; son rôle est
d’adapter des hommes à leur milieu de vie et de favoriser ainsi leur épanouissement. Bref,
aucune culture ne peut se comprendre en dehors de son cadre historique et géographique. Dès
lors, toutes les cultures s’équivalent. Travaillons donc au brassage des cultures car la propriété
de notre humanité en dépend.

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