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ART DE SOIGNER

Le recours à l’acte chez


L’angoisse abandonnique
est un trait constant chez
le sujet état limite, au point
que la relation à l’autre est
toujours surinvestie.
La personne recherche
désespérément la fusion
avec autrui, et lorsque
cela n’est pas possible,
les passages à l’acte
apparaissent comme des
tentatives de défense.
Illustration avec Marc, sujet
borderline en thérapie
après un divorce.

Pour de nombreux profession-


nels de la psyché, la catégorie clinique
des états limites, en tant que structure,
n’existe pas. Certains évoquent même
l’idée d’une « catégorie poubelle » qui
permettrait de regrouper des patients
difficiles à diagnostiquer. Historiquement,
cette notion d’état limite a été introduite
pour définir un état psychique passa-
ger, notamment chez des adolescents en
crise (1). Aujourd’hui, dans une société
qui prône la jeunesse éternelle et la
consommation effrénée, une nouvelle
dynamique groupale semble à l’œuvre (2),
où la personnalité borderline n’apparaît

Stéphanie GERMANI

Docteur en psychologie,
psychologue clinicienne et
psychothérapeute en prison et en libéral.

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le sujet borderline

© Epictura

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plus comme un état psychique périodique observons à la fois la description d’un ombre. Je ne suis pas certain que ma
mais comme un « mode d’être », au passé vécu de façon douloureuse sur mère soit capable de penser par elle-
même titre que la névrose, la perversion le plan narcissique et en même temps même. Lorsque j’étais petit, mon père
et la psychose. Jean-Pierre Lebrun inter- l’espérance d’un avenir meilleur, idéalisé, pouvait être jaloux qu’elle passe des
roge : « Le social a-t-il une influence investi dans la relation de dépendance moments avec nous. Il avait besoin d’être
sur la construction du sujet ? Ce que vis-à-vis de l’autre (…). Les mécanismes le centre d’attention. Du coup, j’ai eu très
certains ont appelé le “déclin du Nom- de défense utilisés dans l’état limite sont peu de temps de jeux avec elle. Elle doit
du-père” a-t-il des conséquences sur la plus proches de ceux utilisés dans la toujours s’occuper de mon père. »
construction du sujet et ce déclin aurait-il psychose : clivage, idéalisation primitive, Une autre fois : « Ma mère, c’est comme
engendré une forclusion qui entraînerait identification projective, omnipotence et une femme morte, une femme oubliée,
les sujets vers la psychose ou aurions-nous dévalorisation, déni ». (8) une femme en dépression… mais qui
plutôt désormais affaire à une névrose Pour appuyer ces arguments mais aussi ne sait même pas qu’elle l’est… d’une
différente, ou à une nouvelle perversion, mettre en avant les rouages inconscients certaine manière, elle n’existe pas. »
voire à ce qui serait alors une quatrième qui mobilisent le recours à l’acte chez – À propos de son enfance, Marc confie :
structure ?  » (3). ces personnes, je vais présenter le cas de « Je crois avoir manqué de ma mère.
De mon point de vue, il existe effecti- Marc (9), que j’ai suivi en psychothérapie Mon père a pris toute la place et l’a fait
vement une quatrième structure. L’état analytique, durant deux ans, à raison disparaître. J’ai le sentiment de n’avoir
limite posséderait en effet une configu- d’une séance toutes les deux semaines. jamais vraiment eu de mère. Il y avait
ration psychique bien spécifique, qui se bien une femme qui faisait à manger,
différencierait pleinement des trois autres UN PÈRE TYRANNIQUE, qui tenait joliment la maison et qui nous
(névrose-perversion-psychose). Durant UNE MÈRE INDISPONIBLE habillait tous les matins et nous douchait
cinq années de pratique en milieu car- Au début de cette psychothérapie, Marc, le soir, mais est-ce suffisant pour être
céral, j’ai en effet constaté combien ces 45 ans, est en instance de divorce. Père une mère ? »
sujets borderline utilisent le registre du d’un enfant de 10 ans, il éprouve de – Marc évoque les nombreux moments
passage à l’acte autoagressif (tentative de grandes difficultés à incarner la figure au cours desquels la relation avec sa
suicide, scarification, prise de toxique…) parentale, en lien avec son histoire infan- mère paraissait « décousue » tandis qu’il
mais aussi hétéroagressif. Ils sont souvent tile complexe. surinvestissait son père du fait de la
incarcérés pour des motifs qui touchent la – Issu d’une fratrie de cinq enfants, il forte personnalité de ce dernier. Marc
question des limites : « jeu » avec le code explique avoir eu beaucoup de mal à trou- devait toujours être « en accord » avec les
de la route, dépassement des limites du ver sa place dans cette famille nombreuse. perceptions et les exigences de son père
partenaire, confrontation aux situations à Marc décrit son père comme un homme au risque de provoquer un raz-de-marée
risque pour flirter avec la mort, tendance tyrannique qui projetait ses idéaux sur chez cet homme tyrannique.
à en venir aux mains pour signifier que son entourage. Violoniste professionnel,
les bornes sont dépassées… Marc n’a ainsi jamais voulu exercer ce LE BESOIN D’UNE RELATION
Généralement, du point de vue théo- métier. Selon lui, son père, guitariste DÉPENDANTE
rique, on considère que leurs symptômes rêvait de devenir un artiste reconnu. Il – Marc se décrit comme un adolescent
« névrotiques » remplissent une fonction a donc reporté son désir sur ses enfants en quête de relations amicales et amou-
défensive contre l’irruption de la psy- et les a tous inscrits à des cours de reuses. Contrairement à certains de ses
chose (4). Ces individus sont souvent musique, alors que plusieurs d’entre eux amis beaucoup « plus centrés sur la
bien adaptés socialement, mais ils ont des (dont Marc) manifestaient leur rejet de question du sexuel », il ressentait un
relations affectives instables, marquées toutes pratiques musicales, préférant les grand besoins de relations affectives. À
par la dépendance « anaclitique » (5) et la activités sportives ou manuelles. Incon- 15 ans, il s’engage pour la toute première
manipulation agressive. Ils se défendent sciemment, les désirs autres que ceux fois dans un lien amoureux. Cette « pas-
contre la dépression faite surtout d’un venant du père ne pouvaient être reconnus sion » dure neuf mois. Entre idéalisation
sentiment de solitude, de vacuité et d’en- et acceptés dans la famille. et dépendance, son investissement est
nui. Chez eux, « le règlement des tensions – Dès l’âge de 8 ans, Marc était un enfant parfois « étouffant », au point que sa
conflictuelles utilise préférentiellement fasciné par le football, passion qu’il par- petite amie le quitte. Le recours aux
des passages à l’acte, entraînant une tageait avec ses meilleurs amis de classe. passages à l’acte débute à ce moment-là,
instabilité socioprofessionnelle et affec- Mais chaque soir, il était contraint, après Marc menaçant la jeune fille à plusieurs
tive mais aussi des conduites d’autodes- ses devoirs, de travailler ses partitions sous reprises de faire une tentative de suicide
truction par impulsion suicidaire ou abus le regard scrupuleux de son père. « Malgré si elle ne revient pas. Observant que ce
toxiques » (6). André Green définit la lui », Marc a donc abandonné tout intérêt chantage n’a aucune prise sur elle, le
personne état limite comme « un sujet en pour le sport pour devenir un prodige du jeune homme passe à l’acte et doit être
double limite, soit l’existence d’un double violon et satisfaire le désir paternel. hospitalisé plusieurs semaines dans une
clivage empêchant la construction d’un – Marc décrit sa mère comme une femme clinique psychiatrique.
espace psychique dans sa cohérence et sa sous emprise : « Elle n’a pas son mot à – À 18 ans, Marc se met en couple avec
plénitude » (7). Vigneron précise pour sa dire. Elle n’a pas le droit de désirer quoi une femme âgée de 28 ans. Il explique
part : « L’angoisse est massive et diffuse. que ce soit. Il faut toujours faire comme avoir été épris de manière obsédante :
C’est une angoisse de perte d’objet avec le veut mon père, lui, c’est un chef d’or- « Elle était la mère que je n’avais jamais
la dépression comme symptôme. Nous chestre. D’ailleurs, elle est devenue son eue : tendre, affectueuse, à l’écoute de

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mes sentiments, et si généreuse dans la sur notre enfant. J’existais de moins en interviennent à des moments particu-
relation. Nous nous sommes aimés pen- moins à ses yeux et dans son désir. Au liers. Toute situation conflictuelle avec
dant deux années où nous avons été très fur à mesure, j’ai commencé à ressentir sa femme provoque chez lui l’angoisse
heureux. Mais elle était de plus en plus une forme d’agressivité et il m’est arrivé de la rupture et du divorce. Parfois, il
indépendante. Après l’obtention de son d’être violent envers elle. D’abord par la se sent obligé de prendre sa voiture et
diplôme, elle s’est mise à travailler et à parole, de manière très fréquente, puis de rouler la nuit à toute vitesse, pour
fréquenter de nouveaux amis qui sortaient j’en suis venu aux mains. Une fois, elle a « contrer les pensées de séparation ».
souvent après le travail. Je vivais diffi- été transportée aux urgences. Je m’en suis Marc se remémore d’ailleurs son premier
cilement ses sorties, elle ne me donnait tellement voulu, mais évidemment, elle a accident de la route. C’était un dimanche,
plus rendez-vous dans son appartement, demandé le divorce. J’avais franchi une il rentrait d’un barbecue familial, accom-
comme nous le faisions auparavant. Peu limite, il n’y avait plus de marche arrière pagné de son épouse. Sur le chemin,
à peu, elle a installé une distance qui possible. Heureusement j’ai été soutenu elle lui annonce qu’elle envisage de se
m’angoissait. Je voulais retrouver notre par mon meilleur ami, j’ai entamé une rendre dans le sud de la France pour
lien du début, où l’on se voyait presque thérapie et un traitement médicamenteux. une conférence. L’angoisse l’envahit.
tous les jours, où je dormais chez elle très Sans cela, je pense que je me serais Marc dépose sa femme à leur domicile


régulièrement. Mais avec son travail et ses suicidé et cette fois-ci sans me louper ». familial, puis repart illico en voiture faire

 arc court inconsciemment derrière cet autre objet perdu et


M
inaccessible, avec l’angoisse de revivre la séparation et l’abandon.
D’où la demande sans limite de rester collé à l’objet d’investissement. »

nouveaux amis, ces temps diminuaient. Ainsi, depuis toujours, Marc s’inscrit dans un tour « afin de se vider la tête. (…)
Je suis devenu très jaloux. Je lui faisais des relations amoureuses où la dépen- Dans ces moments-là, j’appuie sur le
des crises. Notre couple est passé d’une dance figure toujours au premier plan, champignon pour ressentir la vitesse et je
relation sereine à un lien conflictuel. J’ai où chaque rupture est marquée par des roule en oubliant la police, les panneaux
commencé à fumer du cannabis pour angoisses massives qui provoquent divers de signalisation, les risques… »
supporter ces moments où elle préférait passages à l’acte (tentatives de suicide, Au fil des séances, nous observons com-
être avec d’autres personnes que moi. alcoolisations massives et conduites rou- bien ses divers passages à l’acte (violences
Parfois, j’allais en bas de son apparte- tières dangereuses, violences conjugales). conjugales, transgressions routières) sont
ment juste pour savoir à quelle heure elle une recherche inconsciente, désespérée
rentrait… Puis elle m’a quitté. Je suis « VOUS N’ALLEZ PAS et réitérée pour retrouver l’objet maternel
tombée dans une dépression importante ABANDONNER LE MÉTIER ? » qui a manqué et manque encore. Marc
et j’ai refait une tentative de suicide, en Toute la thérapie est centrée sur la court inconsciemment derrière cet autre
espérant qu’elle reviendrait par pitié. Bien dimension affective, ce qui constitue objet perdu et inaccessible, avec l’an-
au contraire, elle s’est réfugiée dans les une particularité de la prise en charge goisse de revivre la séparation et l’aban-
bras d’un autre homme. C’est là que j’ai des patients borderline. Le transfert est don. D’où la demande sans limite, de
commencé mes premiers tatouages et ma massif. Marc vit douloureusement mes rester collé à l’objet d’investissement.
rébellion contre mon père. » périodes de vacances, mes absences La psyché du sujet borderline est ainsi
– Plus tard, Marc rencontre son ex-femme. de dernière minute, et éprouve toujours marquée par un trauma dans lequel il peut
« J’avais 23 ans. Nous avions la même une grande crainte que je l’abandonne : se sentir enfermé dès que cette blessure
problématique affective, c’est-à-dire « Vous n’allez pas cesser votre activité est réactivée. Sa douleur se traduit par
besoin d’une relation dépendante. Nous professionnelle ?  » ou encore « Vous n’al- des tensions angoissantes qui proviennent
nous sommes très vite installés ensemble. lez pas changer d’avis et abandonner d’éprouvés infantiles. Face aux carences
Cette jeune femme m’a permis de quitter votre métier ? Vous aimez bien ce travail, et à la dépression de sa mère, l’enfant a
mes parents. Nous avions les mêmes hein ?  » La question de la présence et de ressenti de vives angoisses qui n’ont pu
intérêts, les mêmes envies. Notre bonheur l’absence n’est pas une problématique être reconnues, entendues et contenues.
était parfait. Elle était ma petite amie, simple à dénouer. Marc me demande Il en résulte un manque de représentation
ma meilleure amie, mon amante et ma d’être disponible et accessible au quo- de l’absence et de la séparation. Son
mère. J’étais pleinement comblé. Nous tidien pour qu’il ne vive pas d’angoisses psychisme a été submergé par un surcroît
nous sommes mariés après quatre années abandonniques. d’angoisses et d’excitations qui ont créé
de vie commune. On s’aimait comme À plusieurs reprises, Marc évoque sa une tension permanente. D’où cette ten-
au premier jour… Malheureusement les tendance à ne pas respecter le code de dance à vouloir éviter les séparations mais
choses ont commencé à changer avec la route et à conduire dangereusement. aussi à surinvestir la relation affective.
la naissance de notre fils. L’enfant a Il ne lui reste que trois points sur son Les situations limites et transgressives
mis une distance entre elle et moi. Ma permis au début de la thérapie. Il peut sont alors recherchées pour trouver une
femme a transposé toute sa vie affective objectiver que ces « crises routières » forme de contenance et une limite à

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l’explosion interne. Un comportement de limite. Ces « organisations bancales » est une façon de préserver le moi du
toute-puissance apparaît pour se subs- proviennent d’une mauvaise intégration sujet particulièrement fragilisé. La survie
tituer à la tension psychique. Il s’agit de la fonction parentale. psychique n’étant plus assurée, « accu-
de « décharger la tension et la parer, Les divers passages à l’acte permet- lés, ils passent à l’acte dans un ultime
c’est-à-dire, de contrer, de se protéger, traient ainsi de faire l’économie d’un sursaut psychique proche de l’instinct
d’éviter. L’objectif est alors de passer pré- éprouvé affectif intolérable, ou tout au de survie. »  (14) « Chez nos patients,
cipitamment à l’action pour court-circuiter moins d’une excitation envahissante et nous constatons combien l’extrême est
la réalité psychique » (10). Claude Balier impossible à transformer par les voies présent : trop d’excitation et trop peu
précise également que : « L’étanchéité du psychiques. Ce registre apparaît comme de protection dans les aléas de leur
clivage du moi est d’éliminer tout risque un climat d’urgence, d’affolement face enfance. Ils se sont construits en suivant
d’effraction psychotique. Le prix à payer aux non-réponses immédiates qui stabili- les modalités de ces “trop” et alternent
pour cette modalité défensive est lourd, seraient l’angoisse. « L’environnement est d’une position de passivité, soumise à
puisqu’il s’agit d’éliminer en même temps utilisé comme un moyen d’arrachement l’autre/l’environnement, à une position de
tout travail psychique et d’y substituer d’un lien maternel archaïque résurgent, maîtrise par l’agir violent (…). Pour eux,
la violence la plus extrême sur autrui et dans la poursuite du processus d’œdipi- l’autre externe est synonyme de menace
sur soi-même. » (11) fication. Nous soutenons que l’appel au de destructivité. » (15)
Le cas de Marc est en quelque sorte Tiers représenté par le délit ne concerne
exemplaire : la mère est indisponible pas seulement le Tiers paternel ; il s’ins-
(carences psychiques et affectives) et crit dans une quête d’expérience venant
la relation d’emprise du père engendre contenir l’expansion du Moi. L’acte de
chez l’enfant une rupture de continuité confrontation ne se substitue pas au 1- J-P Chartier, « La transgression adolescente : une quête
identitaire. Marc a ainsi ressenti beaucoup fantasme, il tente de restituer les limites de limites » dans La lettre de l’enfance et de l’adolescence,
trop tôt une forme de fracture dans sa de son espace. » (12) num° 48, 2002/2, p. 21 à 26.
relation à l’autre, et ce sentiment perdure Cette organisation psychique, marquée 2– S. Germani, « Regard analytique sur le groupe social »
dans sa vie adulte. par un sentiment d’abandon important, dans Empan, num° 112, 2018.
n’a donc pu réguler les mouvements 4– J-P. Lebrun, « Lacan et les états-limites », dans
DE L’ANGOISSE ABANDONNIQUE pulsionnels. C’est pour cette raison que Connexions, 2012/1, n° 97, p. 79.
AU PASSAGE À L’ACTE ces sujets font appel à des modalités 4– J-Laplanche et J-B Pontalis, Vocabulaire de la psycha-
Cette angoisse abandonnique du sujet défensives considérables, dont le recours nalyse, Puf, Paris, 2009, p. 59-60.
borderline est donc un trait constant, à une forme d’agressivité-destructivité. 5– Lien d’attachement pathologique (relation de dépen-
au point que le retard, l’éloignement, les Ils s’organisent à partir d’un clivage que dance excessive)
vacances, les non-réponses aux appels/ l’on pourrait qualifier de « structurel » 6– J. Postel, Dictionnaire de psychiatrie et de psychopatho-
sms téléphoniques, et certaines attitudes comme le défend Gérard Bayle : « Les logie clinique, Larousse, Paris, 1998, p. 182.
sont interprétés comme des signes de clivages structurels sont les résultats 7– Green cité par C. Balier, Violence en abymes, Paris,
rupture. Tous ces « mouvements d’ab- de défenses contre une carence nar- Puf, 2005, p. 323.
sences » peuvent ainsi provoquer un raz- cissique par défaut de symbolisation et 8– F. Vigneron, « Le passage à l’acte chez une personnalité
de-marée dans ce type d’organisation de subjectivation. Ils tendent à isoler le limite : l’agir comme acte de parole » dans L’information
psychique et engendrer de nombreux Moi du sujet des manifestations de la psychiatrique, 2006/2, p 139.
passages à l’acte tels que la consom- carence narcissique, qui est elle-même 9– Prénom fictif
mation de drogues et/ou d’alcool afin de un ensemble confus associant la psyché 10– C. Balier, Violences en abymes, Paris, PUF, 2005,
maintenir un sentiment d’anesthésie voire des objets précoces (…). » (13) p. 323.
d’apaisement. La relation à l’autre est Lorsque surgit l’angoisse d’abandon ou 11– Ibid., p. 72.
souvent surinvestie car le sujet borderline même sa menace, et que les mécanismes 12– C. Balier, Violences en abymes, Paris, PUF, 2005,
pense que l’interlocuteur a le pouvoir de d’emprise ne suffisent plus à la contrer p. 33-34.
faire quelque chose (de positif ou de ou l’annuler (péril du fonctionnement 13– G. Bayle, Clivage, Moi et défenses, Paris, PUF, 2012,
négatif) sur son mal-être et ses angoisses. psychique), le passage à l’acte reste p. 195.
Cet aspect est souvent au premier plan le seul recours comme destruction de 14– O. Verschoot, Du déni au crime, Paris, Imago, 2015,
en raison des fragilités narcissiques la limite extérieure pour préserver les p. 113.
qui constituent la particularité du sujet limites internes. Ce système de défense 15– Ibid., p. 106-107.

Résumé : L’angoisse abandonnique est un trait constant chez le sujet borderline, au point que la relation à l’autre est toujours surinvestie. Leurs
relations anaclitiques en sont la manifestation symptomatique. Il recherche désespérément la fusion avec autrui, et lorsque cela n’est pas possible, divers
passages à l’acte apparaissent comme tentative de défense. Le recours aux actes permet de faire l’économie d’un éprouvé affectif intolérable, ou tout au
moins d’une excitation envahissante et impossible à transformer par les voies psychiques. Ce registre apparaît comme un climat d’urgence, d’affolement
face aux non-réponses immédiates qui stabiliserait l’angoisse surgissant. L’auteure illustre ces aspects théoriques avec le cas de Marc, sujet borderline en
thérapie après un divorce.

Mots-clés : Angoisse d’abandon – Carence affective – Cas clinique – Clivage – Dépendance psychique – Dépression anaclitique
– Emprise – Etat limite – Passage à l’acte – Tentative de suicide.

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