Vous êtes sur la page 1sur 11

CENTRALITÉ DU TRAVAIL »

«
ET THÉORIE DE LA SEXUALITÉ

CHRISTOPHE DEJOURS

Contrairement à ce que l'on admet généralement, le travail ne


figure pas seulement dans le décor de l'intrigue psychonévrotique. Du
moins est-ce le point de vue que nous chercherons à argumenter en
nous appuyant sur la psychodynamique du travail. La clinique rassem-
blée par cette discipline depuis l'après-guerre, suggère en effet que le
travail occupe une place centrale dans le développement de la person-
nalité, depuis la petite enfance jusqu'à la maturité. Nous n'envisagerons
pas ici les incidences du travail sur le développement psychique avant
l'adolescence. Nous nous limiterons à discuter la place qu'occupent les
rapports sociaux de travail dans la construction de l'identité sexuelle
et à analyser les difficultés qu'ils occasionnent jusque dans l'économie
érotique, à l'adolescence. Bien que la visée de cet article soit concep-
tuelle, la discussion théorique ne pourra pas être approfondie. En effet,
nous souhaitons rassembler d'abord les éléments cliniques dont nous
avons besoin pour aborder la question de l'écoute et de l'inteiprétation
de la dimension du travail dans le fonctionnement psychique. Nous
nous appuierons donc sur le travail psychothérapique d'une jeune fille
à la fin de son adolescence.

DE LA DEMANDE INITIALE DE LA PATIENTE À LA CONSTRUCTION PSYCHANAL Y-


TIQUE D'UNE PROBLÉMATIQUE SEXUELLE NÉVROTIQUE

Elle a à peine vingt ans-quand elle franchit, la première fois, lapone


du bureau. Elle formule une demande de psychothérapie, afin d'analyser
son comportement dit-elle ! Pourquoi 7 Parce qu'elle souffre de douleurs

Christophe Dejours. Laboratoire de psychologie du travail, Conservatoire national


des arts et métiers, Paris.

Adolescence, 1996, /4, 2, 9-29.


10 CHRISTOPHE DEJOURS TRAVAIL ET THÉORIE DE LA SEXUALITÉ 11

abdomino-p-elviennes depuis plusieurs années et qu'elle se demande si impressionnantes, elles surviennent dans Ies moments de contrariété ou
cela n'aurait pas un rapport avec ce gui se passe dans sa tête. d'angoisse. Lorsqu'elle a présenté le baccalauréa~ par exemple, elle ne
Mademoiselle Mulvir es! mince et bien faite. Elle a un visage qui pouvait passer les épreuves que pendant une heure sur quatre, les trois
sort un peu du commun et qui suggère que, quand elle sera plus âgée, autres se passant dans les toilettes, pliée en deux par la douleur. Il ne
elle pourra ressembler à certains portraits de Toulouse-Lautrec. Son men- s'agissait ni de spasmes, ni de véritables coliques, mais plutôt d'une
ton est forte t proéminent. Son nez droit descend interminablement comme impression d'être poignardée de l'intérieur.
s'il voulait rejoindre le menton. Elle s'habille avec beaucoup de soin et
de coquetterie. Je suis étonné par la façon très crue dont elle parle de ses bouffées
Par la suite, elle alternera vêtements élégants et tenues composées de colère, au cours desquelles elle est sujette à des envies de frapper
de jeans collants, de boues pointues à talons hauts, de blouson de cuir violemment toutes les personnes qui l'entourent. Cependant, elle a une
parfois. Sa silhouette est longue et souple, ses attaches sont très fines, sa présentation si frêle et si féminine qu'on la voit mal se transformer en
psychomotricité est féminine et sans afféterie. brute, ni même COIJlment elle pourrait exercer une quelconque violence
Elle demeure chez ses parents avec lesquels les relations sont mar- contre quelqu'un. A d'autres moments, elle peut aussi parler de sa peur
quées par des conn its incessants, parfois très durs, notamment avec sa des hommes et de la violence, ainsi que de toutes les formes agies de
mère qui semble porter la culolle à la maison. Cette femme est irritable, rapp~rts de force physique.
surtout depujs des difficultés rencontrées dans sa vie professionnelle. Elle A mes interrogations sur les formes possibles de violence exercées
a dO quitter son entreprise et elle a traversé une période de chômage. Elle dans sa famille, elle répond qu'elles étaient extrêmement rares. La mère,
a retrouvé un emploi, moins qualifié que les précédents, et qu'elle a dû en revanche, cédait à des crises de colère et de hurlements parfois fort
cependant accepter, faute de mieux. Secrétaire, elle se plaint constamment impressionnantes. De cela, elle a gardé une sensibilité qui confine à une
de la misogynie de son milieu professionnel. Le père est « technico- véritable panique, dès que quelqu'un élève la voix. Ceci, déclenche ses
commercial ••• Par le passé, il a souffert d'un ulcus gastrique, il a songé crises de coliques. Quant au père, il est rarement violent. A l'occasion, il
à faire une psychothérapie mais ne s'est pas engagé. Il encourage sa fille lui a donné des paires de gifles, mais elle pense que celle façon de faire
dans sa démarche actuelle. a du bon et qu'il vaut mieux avoir été corrigée énergiquement que d'avoir
La situation s'est notablement détendue dans la petite cellule fami- été trop gâtée, ce qui conduirait (comme elle le constate chez ses connais-
liale lorsque Mademoiselle Mulvir a aueint l'âge de dix-huit ans. Les sances qui ont le malheur d'avoir eu une éducation trop laxiste), à devenir
parents ont considéré alors qu'elle était libre de faire ce qu'elle voulait un être malheureux pour qui la vie est difficile. Elle signale cependant
et qu'ils n'étaient plus responsables. Elle a choisi de rester sous le toit que quand son père était très en colère, il lui flanquait des coups de pieds
parental. après avoir négocié avec eux les obligations minimales de la vie au cul, à elle comme à sa sœur - et elle sourit.
en commun.
Mademoiselle Mulvir a une sœur, de deux ans son aînée, qui, elle, a À la seconde séance, elle tient à me parler de quelque chose qu'elle
quitté le domicile familial, et qui a vécu avec un garçon des relations très a omis de me raconter et qui a peut-être de l'importance. En regardant à
difficiles. Cet homme était alcoolique, souvent violent, infidèle. Il s'est la télévision l'autre jour une émission sur les rêves, elle a pensé à des
finalement révélé bisexuel. Depuis la rupture, la sœur est cloîtrée dans rêves qu'elle faisait souvent lorsqu'elle était enfant. Elle «imaginait»
une existence très renfermée et solitaire, comme si elle ne pouvait plus qu'elle avait un frère. Ç'aurait été un frère aîné, doué de toutes les qua-
éprouver aucun goût ni aucune joie dans la vie. Mademoiselle Mulvir se lités: force physique, intelligence, connaissances étendues, érudition sur
sent très concernée par le devenir de sa sœur. Elle fait beaucoup d'efforts tous les problèmes qu'on peut se poser dans la vie ordinaire, et enfin,
pour la sortir9 l'égayer et tenter de rétablir les relations avec ses parents. grande stabilité mentale et affective. « Un surhomme», ajoute-t-elle, pour
Elle présente même les choses comme si le destin de sa sœur était l'une le t:as où je n'aurais pas compris. Et elle sourit en évoquant ses rêves.
de ses préoccupations essentielles, comme si les difficultés de celle der- Elle revient à plusieurs reprises sur ce frère mythique qu'elle s'est
nière risquaient de nuire à son propre avenir. inventé. Elle dit que ce frère « avait un grand désir... » et elle s•inter~
Mademoiselle Mulvir travaille. Là aussi, elle rencontre des difficul- rompt:« Non ! j'aurais souhaité être ce frère. et dans mes rêves il arrivait
tés. Les relations avec certains collègues de sexe masculin sont vécues fréquemment que je devienne ce frère. » Elle se voy~it dans la cour de
sur le mode de la rivalité. notamment avec son chef, et elles tournent à son école, cette cour plantée d'arbres ... douée alors d'une force physique
son désavantage. Elle a remarqué que lorsque le conflit s'aggrave avec formidable qui lui permettait de grimper aux arbres et même de les sur-
son chef, elle sent monter en elle une intense colère qu'elle réprime, ce voler. De cette force, elle aurait pu aussi se servir lorsqu'elJe avait envie
qui est suivi d'une crise de douleurs abdominales. Les coliques sont fort de frapper les gens qui étaient autour d'elle.
~--·• ":;,:·

12 CHRISTOPHE DEJOURS TRAVAIL ET THÉORIE DE LA SEXUALITÉ 13

De ses rêves, elle a parlé à ses parents, après l'émission de télévision. vaginales et la pénétration s'achève souvent par des hémorragies vagina-
Stupeur citez ces derniers. La mère raconte alors, qu'effectivement, il y les, avec déchirure de la muqueuse. Elle n'est jamais amoureuse, ou bien
avait eu un frère. q•i aujourd'hui serait âgé d'une trentaine d'années. Elle c'est extrêmement éphémère. Dans ce cas elle se met à échafauder des
et lui auraient eu exactement la différence d'âge dont rêvait Mademoiselle plans incroyables sur l'avenir, sans rapport avec l'étal actuel de la situa-
Mulvir, s'il n'était mort à la naissance. Est-il possible qu'elle eût connais- tion. Entièrement structurés par des calculs rationnels, ces plans ne lais-
sance de ce fait puisque ses parents eux-mêmes n'avaient jamais jusqu'à sent guère de place à la fantaisie ou à la passion senlimentale.
ce jour évcx::iué l'existence de ce frère, ni devant elle ni devant sa sœur? La psychothérapie dure depuis déjà deux ans. Le conflit avec ses
Dans ses rêveries, elle avait donné un prénom à ce frère, qui ressem- parents redevient aigu. La mère est maintenant à 1~ relraite. Le père le
ble phonétiquement à celui de son père. sera bientôt à son tour et l'atmosphère se dégrade. A la maison, la mère
Cette problématique identificatoire aux personnes de sexe masculin est insupportable et acariâtre. Mademoiselle Mulvir veut partir et s'ins-
se retrouve aussi dans ses relations professionnelles et dans ses investis- taller chez elle, mais les deux parents, qui redoutent vraisemblablement
sements hors travail: par exemple, elle a décidé de suivre des cours de de se retrouver en tête-à-tête, sont opposés à ce projet. Elle parvient pour-
musculation - pas de culturisme, précise-t-elle. Elle y acquiert une certaine tant à partir et s'installe dans une HLM. Un jour, elle réagit furieusement
force physique et une certaine confiance en elle. Pourtant, elle sait bien contre l'attitude de ses parents. Ceux-ci ne comprennent pas ce qui lui
qu'il n'y a aucune raison d'envisager de pouvoir un jour acquérir la force prend. De façon peu convaincante, ils tentent de se justifier des reproches
d'un homme ou le potentiel musculaire qui lui permettrait de se battre ou qu'elle leur adresse. Exaspérés, ils finissent par déclarer que tout cela est
de se mesurer à eux. Mais cela lui fait plaisir quand on lui demande de certainement le résultat de cette« connerie de psychanalyse» qui la monte
l'aide pour desserrer un boulon ou un couvercle par exemple. contre eux. lis refusent de répondre à ses questions insistantes sur son
Dès le deu:x ième entretien donc, ses associations la conduisent à enfance, sur leur passé à eux, etc. Comme ils la provoquent de plus en
s'interroger rnr son identité sexuelle. Elle n'a, dit-elle, aucune attirance plus souvent à propos de ce « con d'analyste» et comme la situation
pour les femmes. Elle ne se sent pas homosexuelle. Bien au contraire, semble bloquée, je lui propose, si cela lui agrée, de leur répondre que
elle préfère la compagnie des hommes. Dans son propos.je repère qu'elle « s'ils s'intéressent tant à l'analyste, ils peuvent prendre rendez.vous avec
utilise à plusieurs reprises l'expression: « se faire faire un coup dans le lui».
dos » ou « •n co•p par derrière•. Elle pense que les femmes peuvent Ce qui a lieu aussitôt.
faire des coups par derrière, qu'elles font des coups dans le dos. Pas les Après cet enlretien, le conflit avec les parents se calme de façon
hommes I D'eux, jamais elle n'attendrait une telle conduite. Pourtant, à spectaculaire. Déculpabilisés, les parents acceptent de répondre à toutes
son lravail, ce collègue dont il a élé question lui fail des coups par derrière. les questions de Mademoiselle Mulvir, ce qui permet de sortir des non-dits
Elle travail le dans un milieu où, traditionnellement, il n'y a que des hom- et de mettre un terme à des interprétations à tendance persécutive chez la
mes. Ce collègue q•i est aussi son chef, âgé d'une cinquantaine d'années, patiente. Jusque-là, Mademoiselle Mulvir ne rencontrait que des psycho-
supporte mal la présence de Mademoiselle Mulvir, avec sa présentation pathes et des pervers, des « gars tatoués», volonti~rs violents et souvent
féminine et coq•etle, qui fait le même travail que lui, avec parfois pro- alcooliques, au cours de ses sonies du samedi soir. A partir de cette étape,
bablement plus de soin que lui, plus d'assiduité et plus d'habileté. Il lui la vie sexuelle change d'orientation et elle rencontre des garçons« moins
porte donc des coups par derrière, en parlant d'elle de façon très désa- durs ».
ventageuse il la hiérarchie. Ces coups par derrière la surprennent tellement En dépit de ses allégations initiales, elle se prend à rêvasser, parfois,
qu'elle finit par se demander si ce sont des hommes, ses collègues. Quand qu'elle est avec une femme, notamment quand elle se maslurbe, et elle
elle a quelque chose à dire à quelqu'un, elle, eh bien elle le dil en face ! me demande sincèrement, authentiquement perplexe, si, dans le fond, elle
est ou non homosexuelle.
Tant qu'on en reste à l'analyse des rapports entre ses déconvenues
Il s'agit donc d'une problématique ps)c:,v,cxue!le assez claire. sexuelles et la dynamique identificatoire de ses relations avec ses parents,
Mais comment cette problématique s'exprimè-t-dl.:: dans le registre les choses paraissent claires. Elle refuse l'identification à sa mère, elle
érotique? reprend pour elle le projet de vie de son père. Il a été technicien au début
de sa vie professionnelle, elle l'est aussi. Il a réussi à devenir technico-
Mademoiselle Mulvir aime sortir et, chaque samedi soir, elle va dans commercial, c'est aussi son rêve actuellement. Si son identification au
l'une o• l'a otre des d iscolhèques de la région. Elle danse, drague et cou- père est limpide, elle ne s'accompagne pourtant pas d'une idéalisation
che avec un gars différent. Mais à chaque fois, c'est la déception. Les de ce dernier. Au contraire, Mademoiselle Mulvir juge lamentable le style
rapports sexuels lui font mal. Elle n'a pas suffisamment de sécrétions de vie de ses parents, leur fidélité conjugale, leurs rapports sexuels heb-
14 CHRISTOPHE DEJOURS TRAVAIL ET THÉORIE DE LA SEXUALITÉ 15

domadaires s'achevant par le passage rituel de la mère à la salle de bains, malheureuses, ayant renoncé à toute ambition sociale pour n'avoir plus
etc.
comme horizon que la maternité, la vie domestique et des emplois
non-qualifiés, cependant que les hommes sont machistes, grossiers,
RÉSISTANCE À L'ANALYSE OU LUTTE CONTRE LA RÉSIGNATION? L'IRRÉDUCTI- inaffectifs et ne s'intéressent aux femmes que pour le « tableau de
BILITÉ DU SOCIAL AU SEXUEL chasse». ·
Pourtant, le travail psychothérapique piétine. L'absence de régres- Or, dans ses relations avec les garçons, du fait de ce qu'elle appelle
sion, l'absence d'hostilité contre l'analyste et l'absence de répétition son « besoin sexuel », son incapacité à supporter l'abstinence sexuelle
des conflits infantiles dans le transfert, vident toute interprétation d'une malgré ses déboires et l'absence de plaisir érotique, elle rencontre
quelconque efficacité mutative. ll s'agit là, me sembie-t-il, d'une situa- essentiellement des partenaires qui représentent ce qu'elle déteste:
tion typique où, alors que tout semble être réuni pour que la réappro- machisme, indifférence affective, tendance à la boisson et à la grossiè-
priation soit suivie d'une émancipation, rien ne bouge. On ne peut pas reté.
invoquer la réaction thérapeutique négative, ni un syndrome d'échec; Avec eux, elle semble en fait rechercher la reconnaissance d'une
la bonne réactivité des parents ne permet pas plus de retenir l'hypothèse identité, sur le mode de la pariré. Elle n'éprouve aucune affection pour
d'une relation symbiotique inapparente. ces hommes qu'elle ne connaît que le temps d'une nuit. Elle ne s'inté-
C'est en déplaçant le centre de gravité de l'écoute analytique que resse pas à eux, elle ne cherche pas à faire de compromis. Ses rencon-
de nouvelles perspectives vont s'ouvrir. Si Mademoiselle Muivir ne tres sont rigoureusement égocentriques. Elle cherche avant tout à être
parvient pas à trouver dans sa mère une référence identificatoire, ce respectée, estimée par ces hommes, en particulier par les plus machistes
n'est pas parce que cette dernière n'aurait pas été suffisamment aimante. d'entre eux. Lorsque d'aventure la situation est plus nuancée, les rap-
C'est plutôt parce que la patiente refuse vigoureusement de renoncer à ports s'inversent alors et c'est elle qui devient méprisante lorsqu'elle
certaines attentes et de se résigner à l'être-au-monde de femme que sa parle d'eux.
mère cristallise: femme fidèle, sans coquetterie, secrétaire-dactylo mal- Ce qu'elle souhaite, inconsciemment, c'est l'estime« sociale» des
heureuse à SOB travail, agressive avec son mari et ses enfants, frustrée hommes machos, pour pouvoir ensuite établir avec eux une relation
sur le plan social, déçue par une retraite qui n'offre aucune perspective érotique dans l'altérité entre les sexes, mais d'égal à égale, pas dans
d'émancipation. Cet être-femme n'a rien d'attrayant, à aucun point de un rapport dominant/dominée. Conflit qui tourne mal du point de vue
vue, en particulier au pian professionnel et social. de sa quête d'identité sexuelle, parce que la prégnance des rapports
Mademoiselle Mulvir, quant à elle, « a des ambitions» profes- sociaux de domination et la lutte qu'elle y mène la conduisent presque
sionnelles, authentiques. Certes ses ambitions ne ressemblent pas à cel- constamment à devoir se conduire comme un homme, ce qui ne lui
les dont la société se plaît à faire l'éloge, qui sont généralement emprun- permet plus alors de faire valoir son identité de femme. Dans ce milieu
tées à l'univers des classes aisées. Mademoiselle Mulvir a passé un bac social, en effet, une femme ne peut pas être l'égale d'un homme. Elle
technique difficile, puis un BTS. Elle travaille dans un atelier d'élec- devrait accepter une situation de dominée. Mais Mademoiselle Mulvir
tronique, où el le fait des montages de prototypes, souvent en « salle veut à la fois une relation différenciée homme-femme, et une relation
blanche». Actuellement elle est « technicienne-électronicienne couche d'égalité débarrassée des rapports de domination. Est-ce une impossi-
épaisse ». Elle a toujours été bonne en mathématiques. Elle souhaite bilité?
poursuivre dans cette voie et accéder ensuite à une fonction technico- C'est à ce niveau que, souvent, le psychanalyste commet une erreur.
commerciale. Mais dans la situation familiale, sociale, matérielle et Il admet pour équivalentes, s'agissant des femmes, position féminine
professionnelle qui est la sienne, il semble bien que ce projet soit incom- et acceptation de la domination par les hommes, dans les rapports
patible avec un modèle social de femme. En effet, autour d'elle, dans sociaux, le travail et la sexualité. Le refus de la domination d'une part,
son milieu d'ouvriers, d'employés et de techniciens, il n'y a que des la rétivité devant le renoncement à l'accomplissement de soi dans le
hommes. Les compagnes de ces hommes sont des « femmes rangées », champ social et professionnel d'autre part, sont alors compris comme
16 CHRISTOPHE DEIOURS TRA VAIL ET THÉORIE DE LA SEXUALITÉ 17

une revendication phallique et non comme un désir de construction et jectif au travail est abordé selon deux voies, parmi lesquelles chaque
de reconnaissance d'une identité sexuelle féminine émancipée. auteur choisit en fonction de ses présupposés.
Nous sommes rendus maintenant au cœur de la théorie de la sexua- Ou bien on considère que la société, globalement, est dotée d'une
lité et de ses rapports avec le travail. Pour analyser le conflit entre les puissance gigantesque, incomparablement plus grande que celle du
attentes par rapport à la construction de l'identité dans le champ du désir inconscient, établissant un rapport de forces semblable à celui qui
travail, et l'attente par rapport à la construction de l'identité dans le existe entre un géant malfaisant et égoïste d'un côté, un enfant sans
champ érotique, il va falloir passer par une rupture avec les conceptions défense et sans ressource de l'autre. On parle alors volontiers en termes
classiques des rapports entre travail et fonctionnement psychique. de stress ou d'agressologie, d'adaptation ou de désadaptation'.
Traditionne lierne.nt, le travail en tant que tel ne fait pas partie du Ou bien on considère que la société est ce qu'elle est et qu'elle est
champ d'investigation et de théorisation psychanalytique. Lorsque tou- la même pour tout le monde. Les troubles psychonévrotiques, quand
tefois une place lui est accordée dans la problématique psychonévro- bien même ils prendraient le théâtre du rapport au travail pour terrain
tique, elle concerne généralement des hommes ou des adolescents de d'expression privilégié, ne remettraient pas en cause la contingence du
sexe masculin. Il en est ainsi des théorisations de Freud sur la subli- travail dans leur étiologie. En effet, l'impact éventuellement délétère
mation 1• Pour autant qu'on puisse récapituler ce que nous propose la du travail ne dépendrait pas de la société mais de fragilités psychoné-
littérature en psychopathologie générale, on peut dégager deux problé- vrotiques singulières, héritées de la névrose infantile. On parle alors en
matiques types : termes de théorie du traumatisme (Barrois C.).
- celle du c ~oix professionnel, qui met en scène les questions rela- Ces approches ont toutes un intérêt, même si elles ne permettent
tives aux in~estissements sociaux, à la sublimation, aux identifications, pas de savoir si c'est le sujet ou la société qui est responsable de la
aux idéalisations et aux formes expressives de leurs échecs chez l'ado- souffrance et de la maladie de celui qui travaille (ou ne travaille pas).
lescent ou l'adulte (vectorisation inconscient-+ travail);
- celle des incidences de la situation de travail sur la vie psychique DES RÉFÉRENCES THÉORIQUES EN SOCIOLOGIE À LA FORMATION DE L"ÉCOUTE
et affective de l' adulte, voire plus généralement, sur la santé mentale PSYCHANALYTIQUE DU TRAVAIL
ou somatique (vectorisation société-+ sujet).
Dans ces deux: problématiques, se trouve implicitement admise Dans la suite de cet article, je vais donc proposer un pas de plus
l'idée selon laquelle le travail constitue une dimension ontologiquement vers l'analyse du rapport subjectif au travail, en suivant trois orienta-
extérieure au sujet, un élément de réalité où se condensent les données tions:
relatives au fonctionnement de la société (hiérarchie, dimension éco- - écouter spécifiquement l'intrication entre l'érotique et le désexua-
nomique, etc.) et à la matérialité des contraintes liées à l'activité (ges- lisé dans la formation des symptômes et la perlaboration du transfert;
tes, habiletés, savoir-faire, connaissances qu'il faut acquérir-compéten- . travailler cette question de l'intrication au moment le plus décisif,
ces-et mettre en œuvre-performances-). à savoir celui de l'adolescence ;
Si cette réalité peut être déstabilisante ou traumatique, elle n'est - enfin réfléchir aux questions praxiques à partir de la clinique
pensée par la psychanalyse que comme radicalement étrangère, ne féminine, parce que c'est là, me semble-t-il, que les difficultés sont les
posant par rapport à la vie subjective qu'un problème d'articulation, plus importantes pour l'écoute. La conception que nous avons du travail
envisagé généralement en termes d'adaptation ou d'ajustement psychi- est forgée à partir de présupposés sexistes. Les psychanalystes ont beau-
que. coup de mal, lorsqu'ils écoutent les femmes, à remettre en cause la
Dans ce cadre et lorsqu'il est source de souffrance, le rapport sub- prégnance des rapports de domination des hommes sur les femmes dans
• le monde du travail.

1. Freud S. (1910), U11 souvenir d'enfance de Uonard de Vinci, in Œuvres com- 2. Chemiss C., Staff burn out: job stress wilh human services, Sage Publications
plètes, vol. X. Ir. fr., Paris. PUF. 1993. pp. 83-164. Inc. 1980.
.....,... ... ~< ~"---·-·· -"~--..c

18 CHRISTOPHE DEJOURS
TRAVAIL ET THÉORIE DE LA SEXUALITÉ 19

Mademoiselle Mulvir, donc, fonnule clairement depuis le début de


En ce qui concerne Mademoiselle Mulvir, en tout cas, le monde
sa psychothérapie le souhait de faire un métier qui lui plaît et qu'elle
social et professionnel reste assez hermétique à cette évolution. Le prix
a choisi, de conquérir grâce à lui l'indépendance matérielle, la liberté,
à payer pour cette opiniâtreté à affinner des choix professionnels, se
c'est-à-dire l'émancipation sociale vis-à-vis des rapports de domination
solde pour Mademoiselle Mulvir, par une impasse dans le monde éro-
des hommes sur les femmes, d'échapper enfin au destin de sa mère.
tique et affectif. Dans son milieu, il ne semble pas y avoir de femme
Elle veut en somme, à la fois avoir un avenir professionnel ou s'accom-
susceptible de constituer un modèle de l'émancipation et de la réussite
plir socialement er être femme.
sexuelle dont elle rêve.
Mais aussi bien son milieu professionnel que son milieu social y
font obstacle, ne lui laissant comme perspectives que le renoncement,
Cette psychothérapie a commencé alors que, depuis une douzaine
la déception et la morosité. En d'autres tennes, Mademoiselle Mulvir
d'années déjà, j'étais engagé dans des recherches en psychodynamique
est invitée par les contraintes sociales et professionnelles à choisir entre
et psychopathologie du travail. Mais c'est seulement deux ans après le
l'être-femme el l'accomplissement de soi dans le champ social. Il s'agit
début de la thérapie que j'ai personnellement réussi, sous la houlette
là d'une situation typique, qui se distingue nettement de celle qui est
des chercheurs en sociologie, à comprendre le concept de « rapports
faite aux hommes. Pour ces derniers, il est évident que l'accomplisse-
sociaux de sexe » et les relations indissociables entre rapports sociaux
ment de soi dans le champ érotico-affectif et l'accomplissement de soi
de sexe et rapports sociaux de travail d'une part, entre rapports sociaux
dans le champ professionnel et social vont de pair et même se renfor-
de travail et rapports de domination ou rapports de production et rap-
cement mulllellement.
ports de reproduction d'autre part 3•
Ainsi apparaî1-il normal, dans un couple, que la femme accepte de
L'analyse des conflits entre conquête de l'identité sexuelle dans le
renoncer à l'accomplissement de soi dans le champ social (c'est-à-dire
champ érotique et conquête de l'identité dans le champ professionnel
à une carrière ou trn métier), pour laisser le champ libre à l'accomplis-
(et social), dont est inspirée la présentation de cas esquissée ci-dessus,
sement de l'homme. De même, il apparaît normal qu'elle accepte des
est le fait de Danièle Kergoat et Helena Hirata 4• Pendant les deux pre-
tâches déqualifiées el alimentaires pour que l'homme finisse ses études,
mières années de la psychothérapie, mon écoute, ouverte à la problé-
qu'elle renonce à sa carrière pour s'occuper du travail domestique ou
matique du travail, restait cependant essentiellement centrée sur la répé-
être disponible face aux incidents qui grèvent la vie des enfants, et
tition de la névrose infantile et sur les ouvertures psychopathologiques
enfin qu'elle accepte la dépendance financière vis-à-vis de l'homme.
vers la psychosomatique (algies abdomino-pelviennes, frigidité, patho-
Ce dernier, en contre-partie, n'en gagne que plus d'autonomie et de
logie musculo-tendineuse occasionnée par la pratique de la danse à
pouvoir au sein de la dynamique des relations dans l'espace privé.
laquelle s'adonnait aussi Mademoiselle Mulvir, dont je n'ai pas la place
de parler ici).
Incontestablement, des configurations plus équitables entre hom-
L'assimilation des concepts de la sociologie des rapports sociaux
mes et femmes sont possibles. Il existe des couples qui s'efforcent de de sexe et de la division sociale et sexuelle du travail, a été suivie, pour
respecter l'autonomie, l'égalité des droits et des aspirations sociales et moi, d'un véritable bouleversement existentiel. C'est à ce prix que la
professionnelles entre conjoints, et qui parviennent, dans le même parole de Mademoiselle Mulvir éveilla soudain en moi d'autres échos.
temps, à reconnaître les différences d'identité sexuelle entre partenai- Si sa psychopathologie sexuelle m'apparaissait jusque-là comme rele-
res. Il se peut même que soient alors réunies les conditions les plus vant d'une revendication phallique et d'un refus typique de la castra-
favorables à la construction des identités sexuelles, dans la mesure où
les relations amoureuses seraient alors débarrassées de toute référence
à la domination sociale des hommes sur les femmes. Mais la parfaite 3. Kergoat D., Plaidoyer pour une sociologie des rapports sociaux, in Le sexe du
travail, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, 1987; et les ouvrières, Paris,
égalité reste l'exception et, la diminution des inégalités, de même que Éd. du Sycomore, 1982. ·
la réduction del' usage des rapports de domination par l'homme, restent 4. Hirata H. et Kergoat D., Rapports sociaux de sexe et psychopathologie du
massivement minoritaires dans la société contemporaine. travail, in Dejours C., Plaisir et souffrance dans le travail, t. II, Paris, Éd. de I' AOCIP,
1988, pp. 131-176.
----. ~ .....,,.. ·.,-., ~

20 CHRISTOPHE DEIOURS TRAVAIL ET THÉORIE DE LA SEXUALITÉ 21

tion, elle prit alors le sens d'une lutte tragique contre ce qui, dans une sexuelle avec lui parce qu'une trichomonase vaginale s'est déclarée. Elle
construction sociale, pouvait fonctionner comme un verrou socio-pro- est chez lui, il est très tard. elle ne peut plus rentrer chez elle. Il lui offre
fessionnel à ses aspirations, comme une entrave sociale à son projet son lit et va coucher sur le canapé. Elle n'en revient pas! Elle lui propose
d'être femme et d'être estimée à l'égale des hommes, ce qui n'est pas de venir dans le lit mais en lui demandant de ne pas la toucher. Il refuse.
Elle insiste. Ils font l'amour sans préservatif, sans qu'elle ait avoué la
du tout synonyme d'être un homme. La quête de cette patiente peut cause de sa réserve.
s'inscrire dans une lutte contre la" muliérité ». La « muliérité » est le
statut conféré aux femmes par les rapports sociaux de sexe. C'est une
Malgré ces conditions psychologiquement difficiles, c'est la pre-
construction sociale plus ou moins stéréotypée dont la mère de Made-
mière expérience sexuelle réussie en près de trois ans. Avec cet homme,
moiselle Mulvir représente, somme toute, une expression typique et
elle est à la fois femme et reconnue, estimée et respectée. Mais cette
spécifique à son milieu. Le vouloir-être-femme de la patiente prend
expérience n'a été possible qu'au prix d'un changement de milieu
sens dans un processus par lequel elle tente de subvertir les détermi-
social.
nations sociales qui conduisent à la répétition de la muliérité.
En d'autres termes, la « féminité» serait ce par quoi la subjectivité
se décollerait du stéréotype social de femme-au-foyer-soumise-à-son- • STRATÉGIE COLLECTIVE DE DÉFENSE» CONTRE LA SOUFFRANCE AU TRAVAIL
homme, comme la masculinité serait le témoin du chemin fait par un ET RISQUE DE VIRILISATION
sujet pour ne pas se laisser réduire au machisme conventionnel (identité
d'emprunt)'. Par la suite pourtant, Mademoiselle Mulvir ne peut s"empêcher de
Lorsque, dans la parole que Mademoiselle Mulvir adresse à l'ana- se vanter, devant son ami, de sa liberté sexuelle. Il ne s"en choque pas.
lyste, il est possible de reconnaître simultanément son désir d'accom- Elle découvre qu'il n'a qu'une expérience limitée des femmes et le doute
plissement dans le métier de technicienne et ses aspirations à être la saisit. Toute la séance est consacrée à sa perplexité. Ce qui maintenant
la déstabilise, c'est que cet homme ne soit pas machiste, à la différence
femme, elle fait une rencontre qui rompt la répétition des aventures
de tous ceux qu'elle a rencontrés jusqu'ici. Elle ne sait plus comment se
précédentes. situer. Est-elle vraiment estimée? Reconnue? Aimée? Pas question, en
tout cas, d'être utilisée au titre d'initiatrice.
Qui rencomre-t-elle? Un étudiant en thèse de docteur-ingénieur. qui
vient dans son usine travailler sur la même technologie qu'elle. Elle lui L'insatisfaction sexuelle resurgit, mais sur un mode bien différent.
apprend des coups de main et des habiletés qu'elle a découverts en tra- Malgré plusieurs rapports sexuels où elle s'est montrée très enthousiaste
vaillant sur le tas.Et puis un samedi soir, il lui propose de sortir. Surprise ! et active, elle n'est pas satisfaite. Elle ne supporte pas l'incertitude, l'hési-
Lors de cette première soirée ensemble, ils ne se sont pas retrouvés au lit tation, l'ambivalence auxquelles elle est maintenant sujette. Elle ne sait
par le plus court chemin. Que s'est-il donc passé? Il a une voiture, ils pas attendre, ni laisser faire le temps. Elle ne parle plus que de techniques
partent, mais ont un accident. La soirée est ratée. Il a fait, le jour-même, sexuelles et ne laisse plus d'espace pour les enjeux affectifs: fuite en
un déjeuner de fête avec des amis, et il n'a pas faim. Il emmène Made- avant par incapacité de tolérer l'angoisse.
moiselle Mulvir chez lui et lui prépare, lui-même, une pizza C'est un « Vous parlez de vos relations avec votre ami, exactement comme
produit surgelé et ce n'est que moyennement bon. Mais ... ! Mais il fait un mec parle d'une nana», lui dis-je.« Vous me racontez aujourd'hui les
lui-même la cuisine~ il met le couvert, il la sert et il ne mange pas. Ils choses comme si vous vous étiez fait un mec, comme si maintenant la
parlent. seule chose intéressante c'était de jauger la technique sexuelle de ce mec
Pour la première fois de sa vie, elle éprouve un vrai mouvement et c'est à moi que vous racontez tout cela! On dirait que ce que vous
d'affection, qui explose aussitôt en un sentiment d'amour.« Ça y est, je voulez me montrer maintenant, c'est ce qu'il en est de votre tableau de
crois_q11e j'ai rencontré le prince charmant>), s'écrie-t-elle en séance. chasse, exactement comme ce qu'il n'y a pas si longtemps encore, vous
A la soirée suivante. elle sait qu'elle ne pourra pas avoir de relation disiez détester chez les mecs machos. Vous ne vous préoccupez plus de
cet ami, vous ne le reconnaissez plus, vous n'avez plus aucune estime
pour lui, vous parlez avec les mêmes termes grossiers que les mecs que
5. Dejo1ars C., Le masculin entre sexualité et société, Adolescence, 1988, 6, 1, vous dénonciez. »
89-116. Interloquée, elle se tait un bon moment.
22 CHRISTOPHE DEJOURS TRAVAIL ET THÉORIE DE LA SEXUALITÉ 23

Elle reprend la parole pour raconter ce qui se passait quand elle était récit d'une anecdote décisive qui lui revient alors en mémoire;« C'était
au lyçée, à l'entrée du BTS. une sorte d'initiation », « une sorte d'épreuve de passage», dit-elle.
A son arrivée dans la classe, où il n'y avait que des garçons, tout le Dans la classe, il y avait un gars un peu débile qui avait des résultats
monde « l'emmerdait ». Continuellement et à tout propos on se moquait scolaires fort médiocres, qui était mal intégré et qui n'aurait pas d0 pou-
d'elle. et on lui assurait que jamais elle ne réussirait, jamais elle ne par- voir rester. Mais son père était venu jusque dans l'école prendre la défense
viendrait à suivre, jamais elle ne tiendrait le coup. Surtout le professeurs, de son fils. JI avait expliqué devant toute la classe, réunie à cette intention,
qui ne pouvaient pas la supporter et faisaient pleuvoir sur elle les sarcas- que son fils avait été victime d'un accouchement difficile, avec des for-
mes. Lorsqu'elle préparait le bac technique déjà, ses professeurs, juste ceps, etc. Sa tête et son visage étaient restés déformés, etc. Un jour, le
avant rexamen, l'avaient avertie que. de toute façon, elle ne pourrait pas pauvre diable était tombé amoureux d'une fille du lycée. Il lui faisait
réussir, quels que ~soient ses résultats. Pourtant ses notes étaient bonnes passer de petits billets qu'il n'osait pas lui remettre directement el c'est
pendant l'année. A ces malveillances elle avait réagi par un surcroît Mademoiselle Mulvir qui avait accepté de faire l'intermédiaire. Et dans
d'énergie, c'était le meilleur moyen de lui lancer un défi et elle avait eu sa mission, elle avait fait tout ce qu'elle pouvait pour rassurer cette der-
le bac. nière el lui affirmer que le pauvre gars n'était pas dangereux. Un beau
« Au tout début, il y avait deux autres filles. Tous les garçons avaient jour, ce dernier avait déclaré devant,ses condisciples qu'il embrasserait
entre seize et dix-huit ans et ils ne parlaient que de cul, surtout devant cette fille et qu'il aurait des enfants. Eclats de rires généralisés, quolibets,
elles. Les deux filles ont aussitôt été éliminées parce qu'elles ont refusé sarcasmes, fusèrent de tous côtés : « Eh ! pauv'con c'est pas comme ça
de participer au système.» Pour l'une d'entre elles,« plutôt bégueule et qu'on fait des gosses. Faut bander.» Mais il ne comprenait pas ce que
qui avait mauvais caractère, ça n'a pas duré longtemps. Elle a aban- ça voulait dire.
donné». Quant à l'autre, elle était constamment la cible de remarques Situation propice à exercer le pouvoir de domination des hommes
blessantes parce gu'elle était trop replète. C'est à partir de ce moment sur les femmes : ils contraignirent Mademoiselle Mulvir à expliquer à ce
que Mademoiselle Mulvir a compris que, si elle voulait s'en sortir, il garçon ce que ça voulait dire.
n'était pas question d'avoir un kilogramme de trop, sinon il aurait fallu Le groupe l'enferma avec le gars dans la classe et attendit derrière
affronter le mépris, les injures, le dégoût des garçons. la porte. Alors, elle comprit qu'il fallait le faire, si elle-même voulait s'en
Mais surtout, eHe a trouvé une autre stratégie, un« truc». Pour cela sortir. Elle réussit à lui expliquer. Au sortir de l'épreuve, le gars dut faire
il lui a fallu trois mois. Ça consistait à adopter exactement le même lan- la preuve qu'il avait compris. Et il répondit alors: « Oui, c'est quand ça
gage que les garçons, à parler avec vulgarité et grossièreté de la sexualité devient dur. »
el des femmes, à endosser la panoplie du machisme et même à en faire
dans ce registre, encore plus que les garçons eux-mêmes. Les investigations faites en clinique et en psychopathologie du tra-
On reconnaît là, typiquement, une stratégie collective de défense vail, montrent que l'adhésion aux stratégies collectives de défense est
construite par des hommes, assurant une cohésion collective des élèves
et des professeurs, sur la base de la virilité socialement construite, comme psychiquement d'un coût élevé. Dans la majorité des cas, cette adhésion
dans les métiers exposés à des risques (Bâtiment et Travaux Publics, dont dépend l'intégration au collectif de travail, passe non seulement
production nucléaire, marins-pêcheurs, pilotes de chasse, etc.)'. Dans la par le consentement passif, mais par la démonstration, à chaque fois
mesure où Mademoiselle Mulvir, alors âgée de seize ans, ne voulait pas que les circonstances l'exigent, devant tous les autres, de sa capacité
abandonner ses études d'électronique pour lesquelles elle nourrissait une à apporter une contribution enthousiaste et déterminée au fonctionne-
,·éritarle passion, il lui fallait affronter une stratégie virile et y acquérir ment de ladite stratégie virile. Presque toutes les stratégies collectives
la reconnaissance de parité par les garçons, sous peine de subir toutes
de défense, dans le monde du travail, ont été construites par des hom-
sortes d'agressions visant à l'exclure et à la faire capituler, à l'instar de
ce qu_e décm C. Cockburn 7• mes et sont traversées par un système de valeurs fortement connoté par
A mon intérêt que je ne dissimule pas pour ses propos (qui font les signes extérieurs de la virilité 8. Pour les femmes, donc, ces stratégies
remonter l'origine des difficultés à l'âge de seize ans), elle répond par le collectives d'hommes constituent un obstacle à leur progression dans
la hiérarchie, car, plus on monte dans l'échelle des qualifications, plus
6. Dejours C., Tu1vail, usure mentale: Essai de psychopathologie du travail, les postes sont collectivement tenus pour une chasse gardée des hom-
Paris, Bayard, 1993.
7. Cockbum C .• Machinery of dominance : women, men and technical know-
how. Les cahiers APRE-IRESCO-CNRS, 1988. /, 7. 93-99. 8. Dcjour:i; C.. Trm ai/: usure mentale, op. c:ir.
1
-,~;:''. .~

24 CHRISTOPHE DEIOURS TRAVAIL ET THÉORIE DE LA SEXUALITÉ 25

mes. De sorte que, pour avoir une chance de trouver des conditions cette posture suppose de chercher des modèles d'identification virils à
propices à la reconnaissance des qualités professionnelles et à l'accom- vocation défensive (et non par idéalisation). La virilisation (qui dilate
plissement de soi dans le travail, les femmes doivent souvent se confor- le pôle masculin de la bisexualité) est effectivement commencée. En
mer à des conduites ou intégrer un habitus d'homme. Et comme ce résulte une crise d'identité sexuelle aboutissant à des troubles dans
sont des femmes, les épreuves, bizutages et autres formes de tests, sont l'usage du corps érotique et à une hésitation sur l'orientation de la
encore plus fréquents et exigeants que pour les hommes. sexualité (homo ou hétérosexuelle).
Ainsi n'est-il pas rare que les femmes qui s'intégrent le mieux, Dans le sens inverse (déconstruction associative-dissociative 11 ), il
pour obtenir des responsabilités et accéder aux tâches intéressantes, se y a d'abord la demande d'analyse mobilisée par les symptômes sexuels.
voient obligées d'adopter des conduites encore plus viriles que celles La reconnaissance par l'analyse de la conjonction du désir d'accé-
de leurs collègues hommes. Beaucoup de femmes échouent dans cette der aux conditions sociales propices à la sublimation et du désir d'être
lutte qui les déchire intérieurement entre leur identité sexuelle de femme femme, permet à la patiente de redissocier désir dans le champ érotique
et leur identité dans le champ social. Parmi celles qui ne capitulent pas, et attente de reconnaissance dans Je champ social (rencontre avec
beaucoup sont conduites à se « viriliser», et pas seulement en surface l'élève ingénieur).
mais en profondeur, c'est-à-dire à perdre une partie de leur féminité. L'analyse, enfin, du recours aux pratiques langagières machistes-
C'est qu'en effet, dans le monde du travail, la lutte est âpre, la viriles à propos d'une relation amoureuse réussie, permet de remonter
concurrence devient de plus en plus redoutable et l'on ne se fait pas à la première étape du processus de virilisation, pendant l'adolescence,
de cadeau. De sorte que, pour tenir au travail dans une posture et un pour résister à la pression des rapports sociaux de domination des hom-
habitus virils, il faut le plus souvent s'y engager complètement. La mes sur les femmes. S'esquisse enfin la perspective d'avènement de la
virilité exhibée n'est socialement efficace dans le monde du travail qu'à féminité dans un monde social recomposé.
condition de n'être pas que de surface et d'impliquer toute la person-
nalité. Aussi n'est-il pas rare que, pour ces femmes, l'ascension sociale CENTRALITÉ DU TRAVAIL ET THÉORIE DE LA SEXUALITÉ: QUESTIONS THÉORI-
et professionnel le se traduise par des perturbations dans les relations QUES
avec les hommes, par la déstabilisation des relations conjugales, par
des divorces ou des séparations, etc.9.
Quelques mois après cette séance, Mademoiselle Mulvir fait la
Voici donc comment je comprends l'évolution de la dynamique connaissance d'un autre garçon, travaillant comme technicien dans une
conflictuelle de Mademoiselle Mulvir: au point de départ, il y a son petite entreprise familiale, dirigée par son père. Ce jeune homme poursuit,
Jésir d'accéder à un travail intéressant et qualifié, qui la passionne et par ailleurs, des études de BTS d'électromécanique. Pendant leurs loisirs,
représente pour elle l'accès à un statut social, celui de technicienne, il leur arrive de faire ensemble de la mécanique, de résoudre des problè-
porteur de plus d'espoirs que celui de sténo-dactylo et ouvrant un espace mes techniques, de bricoler et de réparer des machines, voire une voiture.
authentique aux investissements sublimatoires. Pour avoir une chance Mademoiselle Mulvir connru"t les parents de son ami qui l'apprécient beau-
de pratiquer ce métier, il faut d'abord l'apprendre. Le métier étant quasi coup et l'accueillent chaleureusement. Elle sait maintenant qu'elle est
amoureuse et pense que le garçon est plus encore épris d'elle. Ils ne
exclusivement occupé par des hommes, elle ne peut y demeurer qu'en s'installeront pas ensemble avant que ce dernier ait fini son BTS. Elle
consentant à se plier aux stratégies collectives de défense et aux bizu- s'engage simultanément dans de nouvelles études en cours du soir, au
tages construits par ces hommes, condition sine qua non de l'intégra- niveau du DUT.
tion sociale. L'apprentissage de conduites viriles devrait la mener À son travail, elle est maintenant reconnue pour ses excellentes qua-
jusqu'à adopter un habitus viril (apprendre« par corps» 10). Maintenir lités professionnelles et en dépit d'une réduction importante des effectifs
et du rachat de son entreprise par un groupe plus important, elle conserve

9. Hi rata H.• KergoatD., Rapport::, sor.:iaux de sexe et psychopathologie du travail,


op. cir. , 11. Laplanche J., la psychanalyse comme anti-herméneutique, 1996 (sous
10. Bourclieu P-, Le J~ns pratique. Pa.ris, Editions de Minuit, 1980. presse).

1
26 CHRISTOPHE DEJOURS TRAVAIL ET THÉORIE DE LA SEXUALITÉ 27

son emploi. Les JToubles sexuels ont disparu ainsi que les crises abdomi• de la castration, mais par la réussite conjuguée dans les deux registres
nales et la patiente met un terme à une psychothérapie de trois ans. sexuel et non sexuel, c'est-à-dire par un dégagement vis-à-vis de la
« virilité défensive», sans basculer dans la muliérité.
On peut donc admettre que l'identification au père a fonctionné,
chez cette patiente. au profit d'une tentative pour se construire comme Soulignons que l'organisation incontestablement névrotique de la
sujet sexué féminin, ne renonçant pas à la reconnaissance sociale et à personnalité ne permet pas de préjuger de l'orientation du conflit, au
la possibilité de trouver un théâtre propice aux investissements subli- terme de l'adolescence.
matoires. Le dernier propos de Mademoiselle Mulvir en témoigne : « À La difficulté principale du travail analytique réside dans l'écoute
Paul (son ami), je lui ai dit que j'étais peut-être encore un peu gamine et dans ses incidences sur l'interprétation et l'évolution du transfert.
et que j'avais peut-être des côtés et des goûts un peu garçon.» II m'a Soutenir les investissements dans Je champ social est insuffisant si
répondu : « Moi je n'ai jamais connu une fille aussi féminine que toi », l'on ne parvient pas à les accompagner par la perlaboration du conflit
ce qui suppose que ledit Paul soit aussi, de son côté, en mesure d'échap- psychosexuel vis-à-vis de l'origine défensive de l'identification virile.
per un tant soit peu aux stéréotypes machistes-virils sur la place et le Le conflit décrit ne se situe pas entre désir et culpabilité pour obtenir
rôle des femmes. l'amour du père et affronter la rivalité avec la mère. La dimension de
Se pose évidemment la question du devenir de cette patiente, si l'Œdipe négatif n'est certes pas absente. Mais ce conflit d'identifica-
elle n'avait pas fait trois ans de psychothérapie. Les difficultés sexuel- tion, hérité de la névrose infantile, a été dans une large mesure perla-
les auxquelles elle s'est heurtée me semblent relever très précisément boré au cours de la première phase de la psychothérapie (deux ans), et
de la problématique de l'adolescence, entre sexualité et société 12 • il s'est achevé par l'autonomisation de la patiente qui parvint à se
II me semble aussi que l'issue du conflit intrapsychique n'était pas séparer de ses parents et à établir avec eux les relations débarrassées
donnée à l'avance. Trois voies au moins étaient possibles: de la composante passionnelle du début de la thérapie.
• La première consistait dans la répétition de la problématique psy- Si le conflit avait été rigoureusement attaché à la névrose infantile,
chosexuelle parentale, avec les mêmes impasses, tant dans le registre sa résolution aurait d0, dans le même mouvement, effacer Je vaginisme
sexuel que social, à l'instar de ce qui semble être le destin de la sœur et la dyspareunie (construction de l'identité sexuelle par identification
de Mademoiselle Mulvir. L'issue aurait donc été une féminité enclavée,
aux parents, dans la diachronie). Mais les somptômes ont perduré.
voire aliénée dans la maliérité. L'analyse s'est alors recentrée sur la composante sociale, c'est-à-dire
- La seconde issue était dans l'appropriation des rapports sociaux sur le conflit qui naît de la construction de l'identité sexuelle d'un sexe
de travail en continuité avec ce qui avait été esquissé depuis l'âge de par l'autre, dans la synchronie. Ce dernier conflit est toujours médiatisé
seize ans. Le refus de renoncer à l'émancipation sociale et à l'accom·
par les rapports de travail, ce qui confère à ces derniers la qualité de
plissement de soi, dans le champ professionnel, aurait pu s'articuler
ce que, par convention, on désigne du terme de « centralité du travail»
avec succès à une orientation libidinale dans Je sens de l'homosexualité.
dans la communauté scientifique des sociologues. La posture virile de
Le poids de l'écoute analytique aurait pu être décisif dans ce sens, pour
Mademoiselle Mulvir n'est pas une formation issue du désir mais une
peu que l'on restât fidèle à l'interprétation classique des conflits iden•
formation défensive, destinée à la protéger psychiquement des effets
tificatoires et qu'à la différence de l'écoute précédente, on eût validé
délétères de la concurrence sociale avec les hommes, qu'implique iné-
son horreur pour l'identification maternelle. L'issue aurait été une
vitablement la fidélité à ses investissements sublimatoires. La résolu-
sexualité captive de la virilité.
tion du conflit propre à la bisexualité passe ici par l'analyse de la
- Enfin, la troisième voie possible était celle de la résolution du
dimension défensive de cette orientation de la bisexualité vers une posi-
conflit entre investissements sexuels et investissements sociaux, non
tion virile. Les investissements sublimatoires, c'est en tout cas ce que
par le renoncement à! 'un des deux termes, au nom de la reconnaissance
suggère la clinique en psychodynamique du travail, ont leur propre
rationalité et ne s'inscrivent pas toujours aisément dans la continuité
12. Dejours C., Le rnasc ulin entre sexualité et société, op. cit. des orientations érotiques. Notamment chez les femmes qui se heurtent,
4•--··-··'-"•''~-~------·~~--•'- "-·~"- -~--·~- ,_...,._ ..,...,,_"
.. -,,.,-

28 CHRISTOPHE DEJOURS TRAVAIL ET THÉORIE DE LA SEXUALITÉ 29


,j,.
sauf dans le cas paniculier de la profession infinnière 13, à des rapports tation au concept et à la théorie, entre interprétation et construction. Si
1,
sociaux marqués par la domination des hommes sur les femmes. La tant est que, comme le montre P. Pharo 14, le paradigme de la compré-
participation adaptative aux stratégies défensives construites par les hension du sens implique un passage par le concept, qui désenclave ffl
hommes face à Ia souffrance que leur occasionne leur propre rapport l'empathie de l'arbitraire interprétatif, il est nécessaire d'accorder un
au travail, peut fonctionner comme une capture aliénante allant jusqu'à temps à l'étude de la psychodynamique du travail et de la sociologie
remettre en cause, de façon non exceptionnelle, l'identité sexuelle fémi- des rapports sociaux de sexe. « On ne trouve que ce qu'on cherche et
nine. Le dégagement de la problématique défensive passe ici par un on ne cherche que ce que l'on connaît» dit l'adage du clinicien. D'une
travail très particulier qui, lorsqu'il aboutit, conduit à aligner le choix manière générale, je suis tenté de croire qu'on éprouve des difficultés
amoureux sur les investissements sublimatoires, et non l'inverse, à écouter et à interpréter la dimension érotique et corporelle dans la
comme on le pense habituellement. Force est de conclure que l'analyse parole des patients". De même, à l'autre extrémité du champ clinique,
des réquisits de la construction de l'identité sexuelle dans le champ écouter ce qui se trame autour du rapport au travail, c'est-à-dire des
social peut prendre le pas sur l'analyse de la construction de l'identité investissements non-sexuels, et entendre les ramifications de ces inves-
dans le champ éroti(Jue, lorsque l'on cherche à comprendre la signifi- tissements jusque dans la sphère érotique, exige que l'analyste soit en
cation de symptômes sexuels. mesure d'analyser et d'interpréter son rapport subjectif au travail, à
Le cas de Mademoiselle Mulvir n'est pas unique. Au contraire, la commencer par l'analyse des incidences de sa pratique professionnelle
clinique ordinaire du psychanalyste suggère que la problématique du de psychanalyste, sur sa propre vie érotique 16 •
travail occupe presque toujours une place comparable dans le travail
analytique. Certes, le problème est davantage visible dans la clinique
féminine que dans la clinique masculine, en raison de la dissymétrie
provoquée, entre hommes et femmes, par les rappons sociaux de sexe
et la division sexuelle du travail. Mais le problème est, à la vérité, tol!t ;1
aussi présent chez les hommes, bien que sous une forme différente. A
preuve, la gravité des problèmes psychosexuels associés à la perte
d'emploi et au chômage chez les hommes, pour lesquels la perte de la l
reconnaissance et des conditions de l'accomplissement de soi dans le
champ social et professionnel, occasionne des troubles profonds et par-
tr
fois tragiques de l'idemité sexuelle. Écouter les conflits sexuels générés
par le rapport au travail est une chose difficile. Ne pas traiter le travail L
comme une réalité seulement extérieure au sujet, et ne pas le considérer
non plus comme hors de portée de l'investigation psychanalytique,
reconnaître sa place essentielle au cœur même du fonctionnement psy-
chique et des mouvements d'organisation et de désorganisation de
l'identité sexuelle, passe par une sensibilisation à la psychodynamique
et à la psychopathologie du travail. L'écoute analytique, en effet, ne
peut pas reposer seulement sur un talent naturel, même si ce dernier
est irremplaçable. L'écoute est aussi une disposition acquise qui passe
par une oscillation entre l'élaboration du contre-transfert et la confron- 14. Pharo P., l'injustice et le mal, Paris, L'Harmattan, 19%.
15. Dejours C., Le corps dans l'interprétation, Revue française de psychosoma-
tique, 1993, 2, 109-119.
13. Molinier P., PJycho-dynamique du rral'Gil et identité sexuelle, Thèse de psy- 16. Dejours C., Pour une clinique de la médiation entre psychanalyse et politique : j
chologie, CNAM, J99,. la psychodynamique du travail, Revue TRANS, 1993, 3, 131-156.
1,
L •~i

ril

Vous aimerez peut-être aussi