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Séduis-moi…

« La séduction a toujours été une histoire de manipulation » de François Raux.

Prologue
Chapitre 1 : Découverte…

Chapitre 2 : Rencontre explosive…

Chapitre 3 : La loi du plus fort...


Chapitre 4 : Maitresse du jeu…
Chapitre 5 : Maitresse du jeu bis…
Chapitre 6 : Échec…
Chapitre 7 : Entre désir et amour…
Chapitre 8 : Joue avec moi…
Chapitre 9 : Surprise, surprise…
Chapitre 10 : Séduis-moi…
Chapitre 11 : Silence…
Chapitre 12 : Embrasse-moi.
Chapitre 13 : Envie de toi…
Chapitre 14 : Amitié ou plus ?
Chapitre 15 : Le passé nous rattrape toujours…
Chapitre 16 : Tel un enfant pris la main dans le pot de confiture…
Chapitre 17 : Aimons-nous que diable !
Chapitre 18 : Amis pour toujours…
Chapitre 19 : Fuite en avant.
Chapitre 20 : Entre espoir et désespoir…
Chapitre 21 : N’abandonne jamais…

Prologue :

« La vraie séduction d’un acteur, c’est de faire admettre au public qu’il est vraiment le personnage »
de Bernard Giraudeau.

L’amphi 100 au rez-de-chaussée de l’université de la faculté de droit de Pau est plein à craquer
lorsque j’arrive essoufflée avec plus de dix minutes de retard. Je ne m’attendais pas à ce qu’il y ait autant
de monde. Tous les sièges sont occupés par des femmes de tous âges, de toutes corpulences, et de toutes
couleurs. Certaines d’entre elles, n’ayant pas trouvé de siège où s’asseoir, sont restées debout, et d’autres
attendent sagement assises sur les marches de la salle.
Je sais que je n’ai pas droit à l’erreur, si je veux réussir dans ma toute nouvelle carrière de coach
en séduction ! Je n’ai écrit aucun texte qui puisse m’aider dans mon exposé. Je connais mon rôle à la
perfection, même si je n’ai jamais eu un tel oratoire devant les yeux avant aujourd’hui.
Cette formation est exclusivement féminine. Plus de 100 personnes ont les yeux rivés sur moi,
attentives au moindre de mes mouvements. Seule une personne me lance un regard noir : Angie, ma
meilleure amie et associée, qui a misé tout ce qu’elle possédait afin de me suivre dans cette toute
nouvelle aventure.
Nous nous sommes connues sur les bancs du collège, il y a de cela plus d’une vingtaine d’années.
Et malgré que nous n’ayons pratiquement rien en commun, notre amitié est restée sans faille. Je me
souviens encore parfaitement du jour où lorsque je suis entrée en classe, alors que je passais devant elle,
elle m’avait proposé de m’asseoir à ses côtés. Je n’ai jamais compris pourquoi c’était moi qu’elle avait
choisie.
Elle, aussi brune que je suis blonde, des yeux aussi vert émeraude que je les ai couleur ambre (d’où
mon prénom), un sourire à faire pâlir un dentiste, et un corps de déesse qui déjà à l’époque faisait rêver
tous les élèves de l’école. Elle me savait amoureuse de Bruno, un élève de cinquième, et bien qu’il lui
plaisait aussi, elle s’était toujours refusée à lui accorder la moindre attention.
- Ambre ! Bon sang, mais tu étais où ? Cela fait une heure que je t’attends.
- 10 minutes tout au plus, ma choupette.
- N’essaye pas de te défiler ! Tu es en tort, et tu le sais !
- Alors ne faisons pas plus attendre ces demoiselles en détresse, veux-tu ?
Angie se tait, croise les doigts nerveusement derrière son dos, et tout comme moi, se tourne vers notre
auditoire, le sourire aux lèvres. Je prends le micro dans les mains, vérifie qu’il est bien allumé en
tapotant dessus, et fais un tour circulaire de l’amphi avec les yeux. Le brouhaha s’amenuise peu à peu, et
lorsque j’ai l’attention de tout le monde, c’est d’une voix grave que je commence à parler.
- Avant tout, permettez-moi de vous présenter, Angie, ma meilleure amie. Peut-être votre
futur coach en image. Angie, pour ceux qui ne la connaissent pas, est une grande
professionnelle de la mode. Elle a défilé pour les plus grands créateurs de mode jusqu’à
l’année dernière, où elle s’est décidée à tout arrêter sur un coup de tête, après avoir écrit un
roman qui s’intitule « Toujours trop grosse pour les bien-pensants de la mode ». Livre
autobiographique qui s’est vendu à plusieurs millions d’exemplaires.
Des petits cris d’admiration, ainsi que des applaudissements se font entendre dans la salle.
- Vous êtes aussi mannequin ? me demande une femme d’une quarantaine d’années, les
cheveux coiffés en un impeccable chignon qui lui donne un air très austère.
- Non, moi je suis psychiatre de formation. Après avoir obtenu mon doctorat à l’âge de 26
ans avec deux ans d’avance, j’ai été contactée par une ONG pour travailler en collaboration
avec des médecins de toutes formations dans de nombreux pays. Puis au bout de cinq ans,
mon côté baroudeur, et ma soif d’apprendre m’a conduite en Asie où j’ai appris de
nombreuses choses sur la programmation neurolinguistique, connue sous l’appellation de
PNL. Lors de mon retour en France il y a deux mois, j’ai décidé de vous faire partager mon
expérience dans le domaine de la séduction…
Je marque volontairement un temps de pause, pour les laisser réfléchir à ce que je viens de dire. Puis
voyant qu’aucune d’entre elles n’ose me poser de questions, bien que je devine aisément à leur regard
qu’elles en meurent d’impatience, je reprends mon exposé, mais sur une voix plus chaleureuse.
- Séduire… Tel est le thème de cette formation, mesdames et mesdemoiselles ! Qui n’a
jamais rêvé de pouvoir séduire n’importe qui, n’importe où sans avoir peur de se faire
rabrouer ? Laquelle d’entre vous, après cinq, dix, vingt ans ou plus de vie commune ne se
rappelle plus comment séduire son propre conjoint ? Nous avons toutes ce petit côté
séducteur en nous, bien que nous en soyons très peu conscientes. Séduire c’est avant tout
savoir se vendre. Se vendre pour obtenir le poste que nous convoitons, plaire au voisin d’à
côté, ou encore éviter une séparation. La première chose à retenir est que rien n’est jamais
acquis dans la vie, surtout pas en matière de sentiment.
Le regard de la plupart des jeunes femmes se fait gourmand, et je sais d’ores et déjà que le but que je me
suis fixé est en partie gagné.
- Certaines d’entre vous ici ce soir, se demanderont les yeux pleins d’espoir si je connais
effectivement le secret ultime de la séduction. La réponse est OUI ! Tout n’est pas qu’une
question d’apparence. Comme vous pouvez le constater, je ne fais pas partie des critères
féminins que tous les magazines s’acharnent à vouloir démontrer... que la femme parfaite
mesure plus de 1 mètre 70 et pèse en moyenne 40 kilos. Je mesure 1 m 66 et oscille entre 70
et 75 kg. Pourtant, je suis tout à fait capable de prendre dans mes filets n’importe quel
homme à condition qu’il ne soit pas en couple. Pourquoi pas en couple ? Car je ne suis pas
une destructrice tout simplement et que je sais que tout mariage d’amour à la base a toujours
une chance de se retrouver à condition que les deux parties y mettent du leur pour raviver la
petite étincelle qu’ils ont en eux. Lorsqu’un homme a une maitresse, ou qu’il va voir une
professionnelle, c’est à 90 % parce qu’il y a un manque évident dans le couple.
- La routine qui s’installe par exemple ? intervient une dame d’une cinquantaine d’années,
les cheveux poivre et sel.
- La routine n’est qu’une excuse, tout comme les enfants en bas âge dans bien des cas.
Quand on veut sauver son couple, on peut le faire. Seule condition… Qu’il y ait toujours
cette petite étincelle en vous deux qui ne demande qu’à se renflammer. Malheureusement, ce
n’est pas toujours le cas. Et comme je l’ai dit tout à l’heure, on ne peut forcer quelqu’un à
nous aimer, surtout si nous avons vécu avec elle plusieurs années et que votre union était à la
base une simple « formalité ».
- Vous pouvez développer ?
- Bien sûr, miss chaperon rouge.
Je la surnomme ainsi, car elle porte un sweat rouge à capuche, tout en sachant pertinemment que cela
ferait rire toute la salle. Il faut faire attention à chaque détail lorsque l’on veut intéresser un auditoire.
Sinon, c’est prendre le risque de voir quelques personnes bayer aux corneilles, et quitter la salle sans se
retourner.
- Il existe plusieurs raisons pour lesquelles nous nous accouplons. L’amour bien sûr, mais
aussi le besoin ou l’envie de fonder une famille, la peur d’être seule, etc. Dans bien des
couples, après plusieurs années de vie commune, les enfants ne sont plus que l’excuse pour
éviter une séparation. Or, au bout d’un certain temps, cela rend deux types de personnes
malheureuses. Les deux adultes qui ne se comprennent plus, et dont les disputes, ou pire
l’ignorance, se font de plus de plus insupportables, et le ou les enfants qui malgré que l’on
essaye par tous moyens de leur cacher bien des choses, ressentent les émotions négatives qui
se dégagent au sein de leur propre foyer. Mieux vaut un divorce heureux, qu’un mariage
malheureux…
La plupart des personnes se trouvant devant moi hochent la tête, convaincues par mes propos. Je sais que
celles-ci n’hésiteront pas à revenir me voir. Pour les autres, je dois encore les convaincre qu’elles
peuvent me faire confiance.
- Mon programme se divise en trois parties. La première sera de vous faire prendre
conscience que, quel que soit votre apparence physique, ou encore votre caractère, vous avez
toutes un énorme potentiel de séduction. Mais pour cela, il va vous falloir travailler sur
vous-même, en comprenant pourquoi vous n’êtes pas heureuses. On ne peut séduire un
homme que si l’on est bien dans sa tête et dans son corps. On ne peut raviver une flamme que
si l’on fait des efforts pour séduire à nouveau l’homme de sa vie. La première partie sera
donc d’apprendre à vous aimer telle que vous êtes, pour celles dont je sais qu’elles en sont
capables. Pour celles qui veulent à tout prix changer leur apparence soit en maigrissant, soit
en passant par le bistouri, je n’y vois aucun inconvénient, à condition de comprendre avant
tout pourquoi vous ressentez une telle aversion contre vous-même. Je suis consciente que
vous toutes avez un problème d’apparence, et/ou de caractère, sinon vous ne seriez pas là.
Avant de vouloir plaire aux autres, il est primordial de se plaire à soi-même. Qui n’est pas
d’accord avec ce que je viens de dire ?
Aucune main ne se lève, ce qui me fait sourire intérieurement.
- La seconde partie du programme consistera à séduire l’homme que vous convoitez. Et
enfin la dernière partie vous révèlera tous les secrets pour garder cet homme toute votre
vie… Enfin, si vous ne vous en lassez pas avant !
Les rires fusent de toute part, et je sais à présent que j’ai réussi la première étape. Elles sont toutes prêtes
à signer.
- Allez un exemple concret avant de vous laisser reprendre la route ?
- Ouiiiiiiiiiiii ! clament en chœur toutes mes « nouvelles amies ».
- Qui parmi vous suivent un régime pour maigrir ?
Plus de 80 % de mon auditoire lèvent la main ; ce qui ne m’étonne guère. J’en choisis une au huitième
rang, qui j’en suis persuadée, m’aidera tout autant que je suis en mesure de l’aider à mon tour.
- Miss Robin des bois, venez me rejoindre !
Elle est très jolie de visage, malheureusement comme beaucoup de femmes un peu rondes, elle ne sait pas
se mettre assez en valeur pour attirer le regard. Elle descend les marches une par une presque à reculons,
le visage rouge, le regard timide, vêtue d’une chemise vert pomme, d’un pantalon noir bien trop ample, et
chaussée d’espadrilles de même ton que son haut.
- Comment vous appelez-vous ?
- Sarah, et vous ?
- Ambre, comme c’est écrit sur le tract que vous tenez dans la main. Alors, dites-moi,
Sarah, comment vous sentez-vous ?
- Pas très à l’aise.
- Pourquoi ?
- Parce que je suis de nature très timide et…
Elle marque un temps d’arrêt, et j’en profite pour continuer.
- Je comprends. Il n’est pas facile de se mettre face à un tel auditoire de tigresses, mais je
vous rassure, si vous suivez ma formation, d’ici quelques semaines, vous reviendrez à cette
même place, la tête haute !
- J’espère bien…
- Sachez que je ne mens jamais, sauf peut-être à Angie… Mais ça, c’est pour la bonne
cause.
Je tire la langue à ma meilleure amie, ce qui fait s’esclaffer mes « keupines ». Angie tourne la tête de
droite à gauche et de gauche à droite tout en arborant une mine boudeuse.
- Bon, revenons à nos moutons. Donc si j’ai bien compris, vous voulez maigrir, Sarah ?
- Oui.
- Pourquoi ?
- C’est évident, non ? Je suis énorme.
- Combien mesurez-vous ?
- 1 m 65.
- Et vous pesez ?
- 68 kilos.
Je la détaille scrupuleusement de la tête aux pieds, ce qui la rend de plus en plus mal à l’aise. Elle se
dandine sur ses pieds, et se tortille nerveusement les mains.
- Vous êtes, repris-je, comme me le dit si bien Angie, chocolatée de partout. Aussi avant
de vous laisser décider quoi que ce soit sur la suite, je vais vous demander de suivre mon
amie. Je vous rassure, elle ne mord pas.
- OK… murmure-t-elle.
- Petite pause cigarette ou café pour les autres. Si vous avez des questions à me poser, je
suis à votre disposition. Profitez-en !
Plusieurs personnes se lèvent ; certaines pour sortir, et d’autres pour me rejoindre. La première femme
qui s’adresse à moi est le portrait craché de Sophie Marceau.
- Bonjour, me dit-elle le menton volontaire, tout en me serrant la main délicatement.
- Bonjour. Vous vous appelez ?
- Nathalie.
- Ravie de vous rencontrer Nathalie.
- Moi de même.
- Que puis-je pour vous ?
- Je suis mariée depuis maintenant huit ans, et je sens que ma vie m’échappe.
- Votre vie ou votre couple ?
- Les deux. Il est ingénieur, et ne veut pas que je travaille. Et comme il rentre de plus en
plus tard le soir…
- Vous avez des enfants ?
- Oui, mais maintenant qu’ils vont à l’école…
- Vous vous ennuyez ?
- C’est tout à fait ça.
- Vous lui avez parlé de votre désir de reprendre la vie active ?
- Oui, mais…
- Mais ce n’est pas cela le fond du problème, n’est-ce pas ?
Elle hausse les sourcils, étonnée.
- Comment ça ?
- Vous le soupçonnez de vous tromper…
- Co… Comment avez-vous deviné ?
- Votre air de dégoût, entre autres choses, m’a mise sur la voie lorsque vous m’avez confié
qu’il travaillait de plus en plus tard. C’est un signe qui ne trompe pas.
- Mon Dieu, vous êtes incroyable !
- Je n’ai aucun mérite, croyez-moi. J’ai étudié les micros expressions pendant de
nombreuses années, ce qui fait que je sais comment déceler une vérité, même inconsciente.
Pour être tout à fait honnête, je ne suis pas en mesure de vous aider ce soir, car il me faut
avant tout comprendre pourquoi votre couple part en vrille. Et tout cela prend du temps…
- Je peux prendre rendez-vous pour la semaine prochaine ?
- Je n’ai pas encore terminé les travaux au sein de mon cabinet.
- Quand serez-vous disponible ?
- Le 2 octobre.
- Je vous appellerai.
- Ça marche.
- J’ai hâte de vous revoir.
Je lui fais mon plus beau sourire, puis réponds à deux autres questions. Angie revient avec Sarah, qui
conformément à mes instructions, ne l’a pas laissé se regarder dans un miroir. J’attends que tout le monde
retourne à sa place, puis devant le regard admiratif et quelque peu jaloux de mon auditoire, je demande à
Sarah de fermer les yeux. Angie pose la glace de plain-pied que j’ai apportée, derrière la miss.
- Vous êtes prête ?
- Oui, répond Sarah en se pinçant les lèvres. Je suis certaine que je ressemble à un sac à
patates.
- Eh bien, ouvrez-les alors !
Lorsqu’elle découvre enfin à quoi elle ressemble, elle éclate en sanglots.
- Ce n’est pas moi, ce n’est pas possible, s’exclame-t-elle ivre de bonheur. Bon sang, je
suis…
- Très belle, oui… Vous pouvez le dire ! Le hurler même si vous voulez.
Tout le monde se lève et tout en poussant des petits cris d’admiration, les filles applaudissent comme si
elles venaient d’assister à une pièce de théâtre majestueuse.
- Elle est magnifique ! crie une voix au second rang !
- Oh oui superbe ! Je veux prendre rendez-vous ! s’écrie une autre voix, puis une autre, et
encore une autre.
- Merci Sarah, vous pouvez allez-vous rasseoir.
- C’est moi qui vous remercie ! Toutes les deux ! Oh oui merci infiniment !
- Mais je vous en prie !
Elle nous fait la bise puis repart à sa place, encore toute tremblante.
- Comme je vous l’ai dit en début de séance, vous toutes avez le potentiel d’être belles, et
de vous sentir belles. Seulement, il ne faut pas oublier que seule une apparence ne suffit pas.
Il faut aussi que le mental suive. Aussi, je vous propose de nous revoir le 2 octobre à la
même heure pour une seconde séance. Pour toutes celles qui souhaitent me revoir
individuellement, je serai joignable au numéro inscrit sur vos tracts à partir de la même date
à 9 h. Il y a 100 bulletins d’inscription ici. Vous êtes, à vue d’œil, une bonne vingtaine de
plus. Première arrivée, première servie ! La cotisation est de 300 euros par mois. Elle
comprend les réunions de groupe, le coaching, et les séances individuelles à raison d’une par
semaine. Vous pouvez arrêter à tout moment.
Je n’aurais jamais dû dire « Première arrivée, première servie ». Elles se mettent toutes à courir vers le
bureau, pour attraper le St Graal. Fort heureusement, aucune blessée n’est à déplorer !
Angie s’approche de moi et murmure un :
- Tu les as toutes hypnotisées ou quoi ?
- Non, mais je viens de commettre ma première erreur. Ne jamais dire qu’il n’y en aura
pas pour tout le monde ! Bon, tu t’occupes de prendre les abonnements et je range le matos ?
- Oui chef ! On se retrouve chez toi ?
- Ça marche !
Je souhaite une excellente soirée à tout le monde, puis m’éclipse à pas de velours avec le miroir et la
sacoche de tracts qu’Angie a emmenée au cas où il aurait fallu en redistribuer sur des parkings à la sortie
de notre petite séance d’informations. Puis je commande deux pizzas, une fois arrivée dans ma voiture.
Angie m’appelle une demi-heure plus tard, pour me demander si elle peut accepter les personnes
n’ayant pas réussi à avoir de bulletin d’inscription.
- OK, on se débrouillera pour trouver un local plus grand.
- Cool !
- Mais que personne ne nous fasse de la pub, on est plus que complet là !
- Oui chef !
Je savais avant même d’entrer dans l’amphi que je réussirais à intéresser beaucoup de monde. Tout
simplement, car bien que certaines s’en défendent becs et ongles, nous sommes toutes avides d’apprendre
à séduire pour obtenir ce que nous voulons. Mais j’étais loin d’imaginer que ce serait aussi facile. La
cotisation est loin d’être donnée, même si la formation en vaut la peine. Le plus dur reste à faire. Angie et
moi devons réussir à caser plus d’une centaine de personnes dans un agenda ce qu’il est loin d’être une
évidence, surtout en séance individuelle. La priorité sera donnée aux personnes qui travaillent, en
espérant qu’elles ne souhaitent pas toutes nous retrouver le soir. Sinon, cela risque d’être très compliqué !

Chapitre 1 : Découverte…
« Le bonheur n’est pas dans la recherche de la perfection, mais dans l’intolérance de la perfection »
Yacine Bellik.

Ma pièce préférée est celle où nous nous trouvons à présent Angie et moi. Lorsque j’ai emménagé
dans la petite résidence que je venais de louer, il y avait de la moquette grise dans toutes les pièces,
hormis le sol de la cuisine qui était en lino bleu ciel. J’ai retiré celle du salon et mon amie m’a aidée à
poser du parquet flottant à la place. Puis nous avons tapissé les murs en blanc. Après quoi, j’ai pu
installer une très grande esquisse japonaise représentant une geisha peinte à la main. Ma plus grande
fierté est mon immense bibliothèque où se trouve différents ouvrages de PNL, d’albums de voyage, d’arts
principalement asiatiques, d’auteurs étrangers, et de romans historiques, dont mon préféré est « Ambre »,
de Kathleen Winsor que j’ai dû lire plus d’une centaine de fois. Je n’ai pas de télévision au grand dam
d’Angie, qui raffole de séries policières en tout genre.
En rentrant chez moi, nous avons retiré nos chaussures, et pendant qu’Angie coupait les deux
pizzas en quartier, j’ai allumé un petit feu de cheminée.
- Tu es au courant que nous sommes toujours en été ?
- Je sais ma puce, mais c’est plus fort que moi ; j’adore le côté relaxant du feu qui crépite.
Elle pousse un petit soupir et mord à pleines dents dans sa 4 fromages.
- Je n’arrive toujours pas à croire que toutes les filles se sont inscrites à notre
programme ! s’exclame-t-elle enjouée. Ne trouves-tu pas que la cotisation est trop élevée ?
- Alors déjà, quatre séances chez le psy, tu en as pour plus de 100 euros. Un coaching, au
moins 50, et je ne te parle pas des réunions de groupe…
- Tu penses réellement que tout le monde peut trouver son âme sœur ?
- Bien sûr, ma choupette. Tout ne réside pas dans l’apparence physique, mais bien dans
l’attitude. Question… Penses-tu que tu aurais pris le temps de la réflexion avant de signer ?
- Sans aucun doute !
- Et c’est tout à fait normal.
- Pourquoi ?
- Parce que tu me connais.
- Bien justement… En te connaissant, je devrais vouloir prendre une adhésion
directement, non ?
- Non, parce que tu es restée sur ma personnalité d’il y a 15 ans. Et inconsciemment, tu
revois cette jeune fille timide, ne sachant pas comment séduire un garçon boutonneux.
Seulement, pendant ces dernières années, je ne me suis pas contentée d’analyser les relations
amoureuses.
- C’est-à-dire ?
- J’ai aussi appris à reconnaître les signes comportementaux.
Elle me regarde, étonnée.
- Tu connais la série « Lie to me » ?
- C’est celle où le héros du film est un véritable détecteur de mensonges ?
- Exactement. Ce qui fait que je sais exactement comment intéresser tout un auditoire, sans
en avoir l’air. Nous réagissons toutes de façons différentes, suivant la personne se trouvant
face à nous, mais aussi par le degré d’intérêt que nous lui portons. Cependant, je peux tout
aussi bien déceler un mensonge, que faire en sorte que tu aies une envie folle de manger une
glace dans la minute qui suit. Il me suffit de trouver les bons mots et la bonne façon de parler.
Et c’est exactement ce que j’ai fait ce soir avec les filles. Je leur ai donné envie de se battre
pour assister à la formation. Ma petite expérience avec Sarah n’était pas dénuée d’intérêt.
Elle m’a permis de faire prendre conscience à tout le monde que je savais exactement de
quoi je parlais. Bien que j’aie eu pas mal de chance sur ce coup.
- Comment ça ?
- Elle me ressemblait morphologiquement. Ce qui fait que je savais que la robe que je t’ai
demandé de prendre ce matin allait lui aller comme un gant. Tout comme je savais que tu
saurais la maquiller et la coiffer comme la professionnelle que tu es. Ce n’est pas pour rien
que j’ai accepté que tu t’associes avec moi.
Elle prend une mine boudeuse.
- Tout était calculé depuis le début en somme ?
- Ne te mets pas martel en tête, ma puce. Je sais que si je t’avais prise comme associée,
sans pouvoir te donner un autre rôle que celui d’être ma seule et unique banquière, tu aurais
fini par m’en vouloir. Parce que, ce que tu souhaites avant tout, c’est de travailler avec moi.
L’argent t’importe peu, contrairement à moi qui commence à sérieusement en manquer.
- Pourquoi ne me l’as-tu pas dit ?
- Parce que je sais que dès lundi, tu iras à la banque porter plusieurs chèques, et que je
pourrais enfin commencer par voir le bout du tunnel.
- Tu étais vraiment persuadée que nous allions cartonner, n’est-ce pas ?
- Pas à ce point, non. Mais… crois-tu en moi ? lui demandé-je en plantant mon regard
dans le sien.
- Bien sûr, quelle question ! C’est plutôt en moi que…
- Je crois en toi à mon tour, la coupé-je fermement, et je sais que tu ne me décevras pas.
Tu me l’as largement prouvé avec Sarah ce soir !
Elle marque un temps de pause, puis me demande :
- Tu vas nous apprendre les signes pendant la formation ?
- Parce que tu tiens à la suivre ?
- Je suis toujours à la recherche du grand amour, ma belle ! À trente-quatre ans, il serait
peut-être temps que je fonde une famille, tu ne penses pas ?
- Et si tu te décidais à me parler de LUI ?
- Comment sais-tu que j’ai quelqu’un en tête ?
- D’après toi ?
- J’avais oublié que tu avais étudié les…
- Angie…
- Bon OK, j’ai rencontré l’homme de ma vie !
Je manque de m’étouffer en m’esclaffant.
- Encore ?
- Ambre ! Ce n’est pas tous les jours que l’on rencontre l’homme parfait !
- Te concernant, c’est 4 à 5 fois par an.
- Tu exagères ! Quoi qu’il en soit, celui-ci est différent.
- Laisse-moi deviner. Il est blond, les yeux clairs, le sourire désarmant, et
comptabilise plus d’une centaine de noms de jeunes femmes prête à lui manger dans la
main, dans son petit calepin noir ? C’est bien ça ?
- Son quoi ?
- Son répertoire téléphonique. Oh pardon, c’est vrai… j’oubliais ! De nos jours, il
existe le téléphone portable ! Plus besoin d’avoir un agenda.
- Tu exagères ! Ils ne sont pas tous comme ça !
- Bien sûr que non. Pas tous… Juste, ceux que tu as l’habitude de rencontrer, la
taquiné-je.
- Ambre !
- Toujours présente, miss !
- Tu exagères !
- Malheureusement… non.
- Bon… Tu as peut-être raison… Quoi qu’il en soit, je puis t’assurer que celui-ci est
VRAIMENT différent.
- Tu lui as déjà parlé ?
- Non, mais…
- Tu connais son nom au moins ?
- Euuuuh…
- Donc, si je comprends bien, tu as croisé un bel homme dans la rue et…
- Qui t’as dit que c’était dans la rue ?
- Comment cela pourrait-il en être autrement puisque tu…
- Arrête de te faire des films ! Il est venu ce matin dans le bureau de Colin, mon ex-
patron, et d’après ce que j’ai compris, c’est son neveu. Cependant je ne me voyais pas
vraiment l’interpeller et lui demander son nom… Et à propos, dois-je te rappeler que tu
es censée aider des personnes que tu ne connais pas à trouver l’homme de leur vie, entre
autres choses ?
- Certes… Mais es-tu seulement prête à LE rencontrer ?
Elle plante son regard dans le mien, puis finit par pousser un profond soupir.
- J’en ai sincèrement marre de rentrer chez moi le soir, sans personne avec qui
partager quelque chose d’authentique. J’ai vraiment besoin de ton aide, ma puce.
Elle attrape son sac à main, et sort son chéquier.
- C’est bien 300 euros ?
- C’est bon, je te crois ! Et puis je te rappelle que l’on est associée…
Elle me fait son air de Pimbèche, remplit un chèque, et le pose sur la table.
- Alors tu vas m’aider ? me défie-t-elle en soutenant mon regard.
- Tu as payé pour, non ?
- Exactement !
Je n’ai pas l’intention d’encaisser quoi que ce soit venant de sa part, surtout que c’est grâce à ses
économies que j’ai pu m’associer avec elle, mais d’un autre côté, cela me permet de voir jusqu’où va sa
motivation. Et pour qu’elle me paye sans sourciller, alors que je suis tout de même sa meilleure amie,
c’est qu’elle est réellement prête à trouver le grand amour.
De par son physique, elle n’a jamais eu de mal à trouver un homme. Seulement, comme pour
beaucoup de ses congénères, elle ne sait pas aimer. Sa plus grande relation a pratiquement duré deux ans,
mais vers la fin, la routine s’est installée, et chacun a repris sa route. Pourtant les sentiments amoureux
étaient toujours bien présents, et des deux côtés de surcroît. Depuis, elle collectionne les hommes comme
on collectionne les pièces de monnaie. À l’époque je n’avais pas pu l’aider, ne connaissant encore rien
aux mystères de l’amour. C’est en partie grâce à elle que je me suis intéressée à la PNL approfondie.
- Tu veux dormir ici ?
- Ce n’est pas de refus.
Elle se lève et commence à débarrasser les assiettes.
- Laisse, dis-je en la voyant bâiller. On fera ça demain.
- OK. Bonne nuit.
- Bonne nuit…
Je prends une douche rapidement, entre dans ma chambre, et rejoins Morphée sans plus attendre.
- Enfin tu émerges ? fait mine de râler Angie, vêtue d’un tailleur, coiffée et maquillée
comme si elle allait assister à une réunion primordiale, une tasse de café fumante dans la
main. Tu sais qu’il est pratiquement 11 h ? J’ai eu le temps de rentrer chez moi me
changer et de revenir !
- Tu ne pourrais pas éviter de râler de bon matin ? J’ai à peine ouvert les yeux que tu
voudrais déjà me mettre au garde-à-vous !
- Tu as une mine épouvantable, tu le sais ça ?
- Angie !
- …
- Merci !
- J’ai une question…
- Je t’écoute…
- Pourquoi loues-tu une maison, alors que tu as la magnifique ferme de tes parents à
moins de 30 bornes d’ici ?
- Parce que je suis en train de la faire restaurer et que le bruit des travaux commence à
me sortir les yeux des orbites.
- C’est effectivement une excellente raison. On se fait un petit resto ? Je t’invite.
- Je viens à peine de me lever que…
- J’ai envie de sushi.
- Pas moi !
- Je croyais que tu les adorais.
- Au Japon, j’ai largement eu l’occasion de m’en délecter, et je puis t’assurer qu’ils
n’ont rien de comparable avec ceux que l’on trouve ici. Aussi, pour éviter de…
- Allez, fais un effort…
Angie me regarde suppliante, et quelque chose me dit que ce ne sont pas les sushis qui l’intéressent.
- Alors, dis-moi la vérité…
- À quel propos ?
- Pourquoi veux-tu aller déjeuner dans un restaurant alors que je suis certaine que tu es
loin d’avoir faim, toi aussi ?
Son teint à l’origine mat passe du rouge pâle au rouge écrevisse en une fraction de seconde.
- Eh bien…
- Vas-y… Confesse-toi mon enfant…
Elle éclate de rire, et me dit que l’on ne peut décidément rien me cacher.
- Bon OK, tu as gagné… Il sera là !
- Qui ?
- Mais mon superbe canon, pardi !
- Comment le sais-tu ?
- Parce que je l’ai entendu y inviter Colin hier, alors qu’il sortait de son bureau.
- Je vois…
- Allez du nerf, Ambre, debout !
- Hey, il n’y a pas le feu à ce que je sache. Le restaurant ne va pas fermer à midi, si ?
- Non, mais je voudrais arriver là-bas avant qu’ils pointent le bout de leur nez.
- Pourquoi ?
- Devine ?
- Pour ne pas qu’il comprenne que tu es là pour lui ?
- Pff…
- Caca prout !
- Oh purée ! Il y a longtemps que je n’avais pas entendu cette expression !
- Hey hey, ma choupette ! J’ai gardé une âme d’enfant que veux-tu !
- Oh ça… Je n’en doute point !

Chapitre 2 : Rencontre explosive.

« Le hasard n’existe pas. Tout est préconçu, préétabli, minutieusement élaboré » Mazouz Hacène.

J’ai l’estomac plein et encore moins envie de déjeuner dans un restaurant. Bien qu’Angie ait tout de
même réussi à piquer ma curiosité. Je l’ai déjà vue très enjouée lorsqu’elle me parlait d’un homme
qu’elle venait de rencontrer, mais jamais avec ce petit air aussi pétillant dans le regard. Et puis surtout,
elle, qui a toujours su comment rendre fou d’elle un homme, semble cette fois-ci complètement à l’ouest.
Je prends une douche en faisant bien attention de ne pas mouiller mes longs cheveux blonds
cendrés que j’ai préalablement attachés avec une pince. Puis après m’être séchée, je me brosse les dents
énergiquement, applique un peu de mascara vert sur mes longs cils, du Khôl sous mes paupières et du
brillant sur mes lèvres pulpeuses.

Le restaurant où m’emmène ma meilleure amie est nouveau, et passé le petit portail, j’ai la
surprise de découvrir un petit jardin japonais aux mille merveilles. Sur le côté gauche de l’allée est assis
un immense Bouddha couleur ocre, les jambes en tailleur, entouré de bonzaïs et sur la droite, tout un pan
de mur est recouvert de fleurs de Cerisier du Japon. Le parfum délicat de ces merveilles me rappelle mon
séjour au pays du soleil levant, où je me suis toujours promis d’y revenir un jour.
L’intérieur est tout aussi dépaysant. Les pieds des tables en bois sont implantés dans le sol, et
l’on nous invite à nous asseoir à même le parquet, sur de magnifiques coussins rouges cousus de fils d’or.
Seul bémol, les serveurs pour la plupart n’ont rien de japonais, ce qui malheureusement me rappelle où je
me situe…
À peine assise, Angie devient rouge écrevisse et me lance un tout petit :
- Il est là…
Je regarde discrètement dans la direction qu’elle m’indique, et en voyant l’homme s’avancer
vers nous, mon cœur se met à battre si violemment dans ma poitrine que j’en ai presque le souffle coupé.
Mes mains deviennent moites, et de dangereux frissons parcourent tout mon être.
Lorsque son regard bleu aussi transparent que l’eau claire croise mes iris couleur ambre, je sens
mes joues s’enflammer. Vêtu d’une chemise blanche laissant deviner un torse musclé, et d’un pantalon
noir taillé sur mesure, les cheveux bruns coupés courts, il s’approche de ma table, hautain, sûr de lui, et
visiblement très en colère.
- C’est bien vous que j’ai vu descendre de la coccinelle cabriolet, il y a à peine cinq
minutes ? me demande-t-il sèchement en plantant son regard dans le mien.
Je déglutis.
- …
- Je vous parle !
- Il est effectivement possible que ce soit la mienne…
- Vous prenez deux places à vous toute seule. On ne vous a jamais appris à faire un
créneau ?
Reprenant de l’assurance, je fronce les sourcils et réponds en soupirant :
- Je vois…
Ce qui commence quelque peu à le déstabiliser.
- Vous voyez quoi ?
- Monsieur n’a pas trouvé de place de parking, et a dû se garer à plus de trois mètres
de l’entrée ?
- Je vous demande pardon ?
- Vous avez des problèmes d’oreilles ?
- Vous êtes en train de vous de moquer de moi ou je rêve ?
- Quelle perspicacité !
Je tourne le regard vers Angie qui vient de s’éclaircir la gorge, et remarque qu’elle se fait violence pour
ne pas éclater de rire.
- Vous voulez vraiment vous la jouer comme ça ?
- En plus d’être sourd, il semblerait que vous soyez aussi aveugle.
Il ne s’attendait visiblement pas à cette remarque, et reste pantois quelques secondes pour finalement me
lancer en haussant le ton :
- Aveugle ?
Mon sourire taquin s’élargit.
- Oui, j’ai bien dit aveugle. N’avez-vous pas remarqué que derrière moi se trouvait
une place pour personne handicapée et devant, un magnifique passage clouté ?
Il se mord la lèvre inférieure, et je le sens peu à peu perdre patience ; ce qui n’est pas pour me déplaire.
- À moins que…
Son regard se fait plus dur encore.
- …
- Alors soit vous ne l’avez effectivement pas vu, soit le mot « Respect » ne fait pas
partie de votre vocabulaire.
Nous nous mesurons du regard quelques secondes, et bien que j’aie du mal à le soutenir, je ne plie pas.
C’est alors qu’il se retourne, et rejoint son groupe d’amis, non sans me lancer au préalable :
- On se reverra...

Angie, qui me regarde à présent comme si j’étais une inconnue venue d’ailleurs, reste la bouche
ouverte pendant quelques secondes avant de se reprendre. Je la regarde amusée, et très fière de moi.
- Tu m’as impressionnée, finit-elle par me dire en buvant une gorgée de son cocktail à
base de baies de Goji.
- Il me plaît.
- Ce n’est pas du tout l’impression que tu donnes.
- Règle numéro deux : S’adapter à la personne que l’on a en face… Si j’avais joué les
timides, il serait reparti au comptoir sans plus penser à moi. Mais là, il ne me quitte pas
des yeux, et quelque chose me dit que je ne vais effectivement pas tarder à le revoir.
Sachant pertinemment que ce n’est pas de lui qu’elle parlait à sa façon de me regarder, je me suis permis
de tenter un coup de poker pour séduire un homme qu’il n’y a pas si longtemps, je n’aurais jamais osé
affronter. J’aime les défis, et plus ils sont difficiles à gagner, plus cela me plaît.
- Bon alors, c’est lequel ton ROMÉO ?
- Comment sais-tu que ce n’est pas celui que tu viens d’envoyer sur les roses ?
- À ton attitude. Si cela avait été LUI, tu aurais réagi autrement ; par exemple en me
faisant non de la tête.
- Bon sang, que j’ai hâte que tu m’apprennes tous tes trucs !
- Je n’en doute pas !
Elle tourne la tête en direction du bar, et murmure :
- C’est celui avec la chemise bleu ciel.
Pour la seconde fois, je me retourne, et trouve enfin celui dont elle me parle depuis la veille. Je ne dirais
pas pour ma part que c’est un super canon, mais il est vrai qu’il a une bonne bouille et que curieusement,
il m’inspire confiance. Je dis bien curieusement, car à chaque fois qu’elle m’annonce rencontrer le soi-
disant « Nouvel homme de sa vie », et qu’elle m’envoie leur photo par mail, ils sont tous certes aussi
blonds aux yeux verts que ce dernier, mais ont plutôt l’allure d’un gigolo sorti tout droit d’une brochure
pour femmes mariées insatisfaites. Celui-ci a non seulement un charme fou, mais de plus, il est loin d’en
jouer ; ou alors il cache bien son jeu.
- Étrangement, je valide, finis-je par lui dire.
- Ah, tu vois !
- Oui enfin, quand je dis que je valide, c’est qu’il me fait bonne impression dès le
premier regard. Maintenant…
- Maintenant, quoi ?
- Invite-le à notre table, et je te dirai exactement ce que j’en pense. Finalement pas
besoin, il vient vers nous.
Angie devient rouge écarlate, et se met tout doucement à trembler.
- Bonjour, mesdemoiselles.
- Bonjour monsieur, dis-je en lui tendant la main.
Il me la serre gentiment puis demande en s’adressant à Angie :
- Vous travailliez bien pour l’agence de mon oncle ?
- Oui monsieur, réussit-elle à balbutier en faisant de grands efforts surhumains.
- Inutile de m’appeler monsieur, Jérôme suffira. Et vous ?
- Permettez-moi de vous présenter Ambre ma meilleure amie. Et moi c’est Angie.
Ils se regardent un long moment, totalement hypnotisés l’un par l’autre, et comprenant que je suis de trop,
je me lève en arborant un sourire très chaleureux.
- Je partais justement. Voulez-vous vous joindre à mon amie ?
- Ce n’est pas moi qui vous fais fuir, j’espère ?
- Pas du tout, mais pour tout vous dire, je n’ai pas très faim.
Angie me lance un regard suppliant, mais je fais mine de ne rien voir.
- Alors je serai ravi de tenir compagnie à Angie.

Chapitre 3 : La loi du plus fort.


« Les pédants blâment ou méprisent les savants qu’ils ne peuvent imiter » L’école des mœurs 1772.

Marc, mon meilleur ami et bras droit, me regarde avec amusement. Je fronce les sourcils,
essayant ainsi de lui faire comprendre que je ne suis pas d’humeur.
Nous nous sommes connus à l’école de police il y a plus de quinze ans de cela, et bien que nous
ayons suivi des chemins différents, nous avons toujours réussi à garder le contact.
Physiquement, nous nous ressemblons énormément et bien des gens qui nous connaissent pensent que
nous sommes frères. Nous sommes tous les deux très bruns, les cheveux coupés courts, les yeux très
clairs, et un corps athlétique qui fait rêver bien des femmes.
J’ai créé une agence de sécurité lorsque j’ai pris ma retraite à l’âge de 33 ans, et c’est tout
naturellement que j’ai proposé à Marc de s’associer avec moi. Il a accepté de quitter la fonction
publique, mais n’a jamais voulu s’impliquer plus en avant dans l’agence, prétextant qu’il ne deviendrait
jamais un sale bureaucrate.
Nous ne nous sommes jamais disputés pour une femme, et pour cause, il est homosexuel. Marié
depuis plus de cinq ans avec Hugo, ils filent tous les deux le parfait amour dans le petit nid qu’ils ont
construit près de chez moi.
Je donnerai ma vie pour Marc, et je sais qu’il n’hésiterait pas à me sacrifier la sienne en retour.
- S’il y a bien une chose que tu peux reconnaître c’est qu’elle a du tempérament la
petite, Nick.
- Ça va Marc, n’en rajoute pas. Je ne me suis jamais autant fait humilier de toute ma
vie.
Mon meilleur ami éclate de rire, ce qui me repousse encore plus dans mes retranchements.
- Je ne comprends vraiment pas ce qui t’amuse.
- Pour une fois qu’une fille te remet à ta place, je ne vais pas m’en priver !
- Il est évident, intervient Stephan un de mes employés et ami de longue date, qu’elle
mérite une leçon.
- Et elle va l’avoir, crois-moi !
- Je te parie 500 euros que tu ne réussiras pas à la faire plier.
- Je suis ! intervient Greg, mon directeur de la sécurité.
- Elle me mangera dans la main avant la fin de la semaine ! m’exclamé-je sûr de moi.
- Ce pari est ridicule.
- Voyons Marc, tu as peur de quoi ? Que je perde ?
- Certainement pas Nick ! Seulement je trouve que parier ainsi est indigne de vous
tous.
- À la guerre comme à la guerre ! Elle m’a cherché, elle va me trouver ! En attendant,
si j’ai bien compris, elle est garée sur une place handicapée.
- Et que comptes-tu faire ?
- Appeler la fourrière, Greg, voyons !
- C’est du grand n’importe quoi ! Bon allez je me casse !
- Marc ! C’est bon, arrête de faire ton gamin. Je…
- Mon gamin, Nick ? Non, mais tu plaisantes là ?
- N’ai-je point le droit de m’amuser un peu ?
- Pas de cette façon, non ! À plus tard.
Mon bras droit peut-être royalement énervant parfois. Je ne vois pas quel mal il y a à donner une leçon à
une petite mijaurée, qui pense qu’elle peut se permettre de me parler comme si j’étais le dernier des
crétins sans avoir à s’inquiéter d’un quelconque retour. Surtout qu’elle est très loin de m’arriver à la
cheville.
Je file à ma voiture, et découvre qu’elle n’est plus là. Moi qui voulais appeler la fourrière pour
qu’elle enlève la voiture de la mijaurée, c’est la mienne qui a disparu. Ce qui décuple ma colère.
- Tout va bien ? me demande Stephan en me voyant revenir la mine renfrognée.
- Ma voiture n’est plus là ! Putain, j’hallucine. Greg ?
- Oui ?
- Renseigne-toi sur elle. Je veux un dossier complet pour demain matin. Tiens, voici le
numéro de plaque de sa cox.
- C’est comme si c’était fait.
Il regarde sur son téléphone, et me donne dans un premier temps, son nom, prénom, adresse et numéro de
téléphone. Pour le reste je devrais attendre.
Diriger une société de gardes du corps comporte certains avantages non négligeables. Par
exemple, obtenir tout ce que je souhaite sans avoir de grands efforts à faire. C’est pourtant la première
fois que je demande à mon chef de la sécurité de se renseigner pour moi. Et j’espère bien que ce sera la
dernière.
Au bout de dix minutes, je n’arrive toujours pas à décolérer, malgré les efforts de mes amis à
vouloir me faire penser à autre chose. Moi qui suis d’habitude un modèle de patience et de sang-froid,
j’avoue avoir du mal à me reconnaître. J’ai passé plus de 15 ans dans la police en tant que lieutenant,
avant de créer mon agence de sécurité internationale. Aujourd’hui, je suis reconnu et respecté dans le
monde entier, aussi, j’ai beaucoup de mal à admettre qu’une fille, de surcroît aussi laide qu’un Blofish,
puisse me parler comme elle l’a fait. Elle ne perd rien pour attendre, même si effectivement, je vais avoir
beaucoup de mal à partager ma couche avec elle, vu que son physique est très loin d’être attirant. Mais un
pari reste un pari, et ayant horreur de perdre, rien ne m’arrêtera.
Lorsque je la vois se lever, je me décide à la suivre à l’extérieur du restaurant sur un coup de tête
sans savoir exactement ce que je vais bien pouvoir lui dire.
Elle marche d’un pas tranquille devant moi, ce qui me permet de pouvoir admirer ses formes oh
combien énormes. La petite robe d’été à fleurs qu’elle porte lui donne une allure de mammouth. Et encore
je pèse mes mots. Lorsqu’elle se retourne après l’avoir interpellée par son prénom, son sourire s’efface
aussitôt. Et je ne boude pas mon plaisir sachant que, cette fois-ci, je ne la laisserai pas gagner cette
seconde manche. Je vais tellement l’humilier, que je n’aurais finalement peut-être pas besoin de sortir le
grand jeu pour gagner mon pari. Je ne connais que trop bien ce genre de femmes. Quand elles sont
accompagnées, elles trouvent le courage de leurs opinions. Mais dès qu’elles se retrouvent seules face à
leur adversaire, elles sont à deux doigts de sortir leur mouchoir.

- Comment allez-vous faire sans voiture ? demandé-je le sourire aux lèvres en arrivant
à sa hauteur.
- Je vous demande pardon ? Comment ça, sans ma voiture ? Vous lui avez fait quoi ?
- Moi ?
- Non, le Bouddha qui est à votre gauche !
J’émets un petit rire. Elle a vraiment un sacré répondant.
- Je l’ai juste un peu poussée…
- Poussée ?
- Comme vous me l’avez si bien fait remarquer tout à l’heure, elle se trouvait devant
une place handicapée, aussi…
- Ne me dites pas que vous l’avez placée DESSUS !
- D’après vous, à quoi sert un frein à main ?
Elle court dans l’allée du restaurant, et se dirige vers sa voiture. Par chance, une grosse camionnette est
garée devant, et elle est tellement anxieuse, qu’elle ne se rend pas compte qu’elle n’est pas allée assez
loin.
- Oh vous ! s’exclame-t-elle en me lançant un regard noir.
- Oui ?
- Je vous hais !
- J’aime lorsque vous me parlez avec tant de sagesse dans la voix, me moqué-je.
- Vous ne perdez rien pour attendre, croyez-moi !
- Vous voulez mon numéro de téléphone ?
- Pour ?
- Mon adresse peut-être ?
- Allez voir ailleurs si les grenouilles sont vertes !
- Mais quel langage, Ambre !
Elle reste bouche bée quelques instants, se demandant très certainement comment je connais son prénom.
- Qui vous a renseigné sur moi ?
Je devrais me recycler dans la voyance. Je pense que je me ferais un excellent complément de revenu,
même si je suis très loin d’en avoir besoin.
- Mon petit doigt…
- Ça vous amuse, hein ?
- Quoi donc ?
- D’être un lâche...
Je pensais gagner la partie, mais c’était sans compter sur l’outrecuidance de cette imbécile.
- Un lâche ?
- Parce que je n’ai pas réagi comme la plupart des femmes que vous rencontrez en
temps ordinaire, vous…
- Quel genre de femmes ? la coupé-je.
- Le genre à s’excuser alors qu’il n’y a pas lieu de le faire, par exemple. Elles vous
mangent peut-être toutes dans la main, mais en ce qui me concerne, c’est loin d’être le
cas. Vous n’êtes qu’un sale gosse de riche, vous pavanant comme un coq au milieu de sa
cour, avec votre costume trois-pièces de haute couture, et votre montre très certainement
aussi chère que ma voiture. Mais quand il s’agit de se défendre à armes égales, vous
faites un piètre chevalier, MESSIRE !
Pour la seconde fois de ma vie, je serre les dents en moins d’une demi-heure, et me fais violence pour ne
pas la plaquer contre un mur pour lui apprendre les bonnes manières. Je n’ai jamais frappé une femme, et
ce n’est très certainement pas aujourd’hui que je vais commencer. Cependant, je dois avouer que celle-ci
mériterait une bonne correction.
- Allez pousser une voiture de deux mètres et appeler la fourrière pour qu’elle vienne
l’enlever… Non, mais sérieusement ! Vous pensez vraiment être à la hauteur en agissant
par-derrière ? Vous ne valez pas mieux que ces pauvres idiots qui adorent mettre le feu
aux poudres, mais qui n’hésitent pas une seconde à fuir devant l’adversité lorsque ce
dernier se rebelle. Alors oui, monsieur « Qui se croit au-dessus de tout », vous êtes un
lâche et rien de plus !
Je ne m’attendais pas à ce genre de réflexion. Cela fait la deuxième fois qu’elle m’affronte sans que je ne
sache quoi répondre. Jamais de ma vie, je n’ai eu autant de mal à garder mon self-control. Et pour
cause… Je n’ai jamais eu de ma vie à me battre contre une femme sans devoir lui passer les menottes.
Je reste à présent silencieux, cherchant une parade, mais n’en trouve malheureusement aucune assez
rapidement. Aussi en profite-t-elle pour s’engouffrer dans un taxi à la vitesse de l’éclair stationné à deux
mètres devant nous, me laissant seul face à mes réflexions et surtout ivre de colère…

Chapitre 4 : Maitresse du jeu…


« Aux vertus qu’on exige dans un domestique, VOTRE EXCELLENCE connaît-elle beaucoup de maîtres
qui fussent dignes d’être valets ? »

Après être rentrée chez moi pour échanger ma petite robe à bretelles et mes escarpins blancs
contre un bon survêtement et des baskets, je prends le bus pour me rendre jusqu’à la zone industrielle.
Je n’aime pas ce quartier. Déjà, il y a très peu de monde, et de plus, je ne sais pas pourquoi,
mais je ne m’y sens pas en très grande sécurité. Pourtant à écouter Angie, c’est un quartier sans histoire.
Je descends du bus. Entre les différents graffitis sur les murs où sont écrites de joyeuses insultes,
le bruit infernal des machines dans les usines, et la bande de jeunes, tous vêtus d’un t-shirt noir et d’un
jogging blanc qui me reluquent comme si j’étais un simple morceau de viande, mon envie de faire demi-
tour se fait de plus en plus ressentir.
J’arrive enfin à l’entrée de la fourrière et me rends à l’accueil.
- Bonjour.
- Carte grise, me demande le secrétaire absorbé par la lecture d’un magazine de motos.
« Peu aimable cet homme ! », pensé-je, mais je ne m’en offusque pas et lui réponds qu’elle se trouve dans
ma voiture.
- Permis ?
- Au même endroit.
- Ce n’est pas prudent ça ! Bon, c’est quelle marque ?
- Une W Cox cabriolet noire.
L’homme ose enfin me regarder. Ses petits yeux noirs enfoncés, son nez en trompette, ses lèvres quasi
inexistantes, et surtout sa balafre au milieu du visage, ne me disent rien qui vaille.
- Vous êtes certaine qu’elle est bien ici ?
- Il y a d’autres fourrières dans le coin ?
- Derrière Géant Casino.
- C’est à l’autre bout de la ville, ça ! m’exclamé-je désemparée.
L’homme fait un petit rictus, puis reprend là où il en était sans plus se préoccuper de ma personne. Je
pousse un profond soupir, et repars en direction de l’arrêt de bus.

À mon grand soulagement, les jeunes de tout à l’heure ne sont plus là. Angie, qui a très
certainement terminé de déjeuner avec son bel inconnu, m’appelle au téléphone, et alors que je vais pour
répondre, je remarque un énorme 4 X 4 noir de l’autre côté de la rue. Il y a une personne à l’intérieur,
mais je suis incapable de voir son visage, les vitres étant teintées.
- Oui, ma belle ?
- Oh miracle !
- Quoi miracle ?
- Tu réponds ! Bon, tu es où ?
- À la fourrière.
- Qu’est-ce que tu fais là-bas ?
- Tu te souviens du crétin du restaurant avec qui je me suis pris le chou ?
- Oui et ?
- Il s’est arrangé pour que ma titine se fasse enlever.
- Oh le con ! Mais ça ne m’étonne pas au fond.
- Pourquoi ?
- Jérôme connaît très bien le barman, et tu ne vas pas le croire.
- Détrompe-toi ! Je m’attends à tout !
Elle m’explique en détail ce que ce Nick a en tête (prénom de monsieur Crétin avec un grand C) et
lorsqu’elle en a terminé, je lui dis tout naturellement que j’ai une idée pour lui rendre la monnaie de sa
pièce.
- Tu comptes faire quoi exactement ?
- M’amuser !
- Tu ne vas pas oser…
- C’est un crime ?
- On en parle tout à l’heure.
- OK, à toute allure.
- Non attends, tu rentres quand ?
- Quand j’aurai récupéré ma voiture.
- Ce n’est pas encore fait ?
- Visiblement, il y a deux fourrières, et je ne suis pas dans la bonne.
- Bon, ne bouge pas, je viens te chercher.
- Je te remercie, mais le bus ne va pas tarder maintenant. On se retrouve plus tard,
miss.
- Comme tu voudras, mais fais-moi signe si tu as besoin.
- Ça marche !
Je range mon téléphone dans mon sac, observe la voiture noire démarrer, passer devant moi puis faire
demi-tour. Lorsque la vitre s’ouvre à ma hauteur, je mets du temps à réaliser que l’individu se trouvant à
l’intérieur n’est autre que l’enfoiré qui a envoyé ma voiture à la fourrière.
- Je vous ramène ?
- Dans vos rêves !
Il descend, ouvre la portière passagère, me prend par le bras, et me fait monter de force. Puis avant que je
n’aie le temps de descendre, il monte à mes côtes et bloque les serrures.
- Non, mais ça ne va pas ? Qu’est-ce qui vous prend ? hurlé-je le plus fort possible.
Il monte le son de la radio à fond, et prends la direction du centre-ville ce qui a pour effet de me calmer
immédiatement.
Quelques minutes s’écoulent, et il finit par baisser le volume.
- Si vous vous remettez à crier, je vous préviens, je vous mets dans le coffre.
- Pourquoi me suivez-vous ?
- Je ne vous suis pas.
- Oh bien sûr. C’est par le plus grand des hasards si vous vous êtes retrouvé à la
fourrière en même temps que moi !
- Si vous m’aviez laissé terminer tout à l’heure, vous auriez su que votre véhicule ne
se trouvait pas ici.
- Ah ? Et où est-elle ?
- À la place où vous l’aviez garée en premier lieu.
- Pardon ?
- Je l’ai poussée avec mon véhicule pour me garer derrière vous.
- Mais… lorsque je suis allée la rejoindre, elle n’y était plus.
- Vous étiez garée quelques mètres plus loin.
Je me souviens vaguement qu’il n’y avait effectivement pas de station de taxis à proximité.
- Et pour votre gouverne, c’est ma voiture qui a été enlevée.
Je me mets à rire.
- Je vous avais prévenu que c’était une place pour handicapé.
- Je sais, mais vous l’avez fait trop tard.
- La fourrière était déjà passée lorsque vous êtes sorti du restaurant ?
- On ne peut rien vous cacher. Je suppose que cela vous réjouit ?
- Vous ne croyez pas si bien dire. Cela vous apprendra à vouloir piquer la place à des
personnes à mobilité réduite !
- Je me permets tout de même de vous rappeler que vous empiétiez dessus.
- De quelques centimètres à peine, sinon la fourrière m’aurait aussi pris la mienne.
Bon, vous m’emmenez où là ? finis-je par demander, peu rassurée.
- Je vous ramène.
- Très généreux de votre part, mais puis-je savoir pourquoi ?
- Vous m’intriguez…
- Je ne vois pas en quoi...
- Que faites-vous dans la vie ?
- Je suis sexologue.
Pourquoi ai-je répondu cela, nul ne le sait. Peut-être parce que ses magnifiques yeux clairs me donnent
envie de l’embrasser, ou bien encore de lui faire l’amour jusqu’à plus soif. Son parfum enivrant
commence réellement à affoler toutes mes endorphines, et je me sens très attirée par cet homme.
- De plus en plus intéressant…
- Ne rêvez pas trop, vous ne seriez pas à la hauteur de mes exigences.
- Quelles sont-elles ?
Là je commence à sérieusement déconner. Je suis presque en train de le provoquer. Il est vital que je
redescende sur Terre.
- Je prends 2000 euros de l’heure.
Je suis à deux doigts d’éclater de rire. Non vraiment, mais qu’est-ce qui me prends de lui sortir ça ? Bon
après tout, il n’y a pas de mal à rigoler un peu.
- Oh, je vois…
- Vous voyez quoi ?
- Lorsque vous dîtes que vous êtes sexologue, en réalité vous voulez dire Call-Girl.
- Prostituée de luxe me convient mieux. Nous sommes en France, pas dans un pays
anglophone.
- Autant pour moi. Et pour 2000 euros, à quoi ai-je droit exactement ?
- Vous ?
- Oui…
- Rien !
- Rien ?
- Je ne prends que les personnes qui m’attirent un minimum.
Il se gare sur le côté, éteint le moteur, et plante ses magnifiques yeux presque aussi transparents que ma
bouteille de Contrex, dans les miens, ce qui me fait frissonner. Puis il approche dangereusement son
visage vers moi, me prend par le menton et alors que je m’approche de lui bouche entrouverte sans même
y réfléchir, il prend un air moqueur.
- Vous êtes certaine de ne pas me vouloir comme nouveau client ?
Mes neurones et surtout ma libido se mettent en ébullition. Oh oui, j’ai envie de lui… De sentir son corps
contre le mien, peau contre peau, bouche contre bouche… De me laisser tout doucement naviguer entre
ses bras musclés… Soupirs…
Il faut que je refasse surface là. Je suis en train de m’enfoncer dans les profondeurs de sa
magnifique plastique, rêvant d’un baiser doux et humide…
- Je peux peut-être faire un effort.
- Très bien… Chez vous ou chez moi ?
Me souvenant tout à coup du bordel que j’ai dans mon salon, je lui dis que je n’emmène jamais d’inconnu
à la maison, et ne manque pas d’ajouter :
- Mais les 2000 euros sont payables d’avance !
- Aucun problème !
Il sort une liasse de billets de 500 de son portefeuille, en compte la somme exacte, puis me les tend.
- Décidément ce n’est pas votre jour. Je ne prends que les petites coupures.
Pour toute réponse, il ouvre sa boîte à gants, et en extirpe une autre liasse en billets de 50 et de 20.
- Vous vous promenez souvent avec tous ces billets sur vous ? questionné-je surprise.
- Je n’ai pas eu le temps de me rendre à la banque ce matin.
Il les compte un par un et me demande si cela « sied à mademoiselle ».
Je sais que je ne devrais pas les prendre et lui avouer que j’ai menti en lui affirmant être une prostituée,
mais la tentation du jeu est la plus forte. Aussi, je les encaisse en me disant qu’il sera toujours temps pour
moi de les lui rendre d’une façon ou d’une autre avant de quitter le seuil de sa porte, mais au moment
même où j’ai ses billets entre les mains, il me lance, un sourire en coin :
- Police, vous êtes en état d’arrestation pour prostitution…
Le fou rire me prend. Un fou rire indescriptible que je ne réussis pas à arrêter même en me
pinçant le bras.
- Je peux savoir ce qui vous prend ?
J’ouvre la bouche pour répondre, mais cela m’est impossible.
- Bon, vous avez fini, oui ?
- Vous… Vous êtes… trop… drôle. Comme si… j’allais croire que… que vous étiez
flic. Alors celle-là, elle est bien bonne. Vous… Vous en avez beaucoup… des comme…
des comme ça ?
- Qui vous dit que je ne le suis pas ?
- Un flic avec un costume trois-pièces, une montre et un 4 X 4 de luxe ? Non, mais
sérieusement… Vous me prenez pour une quiche ou quoi ? Ou alors vous avez gagné des
millions au loto.
- Qui sait ?
- Mouais… Même si c’était vrai, vous auriez un devoir de réserve, et je… Enfin quoi
qu’il en soit, je ne vous crois pas. Mais je vous en prie, montrez-moi votre plaque !
Il ressort son portefeuille, et me montre une plaque argentée rapidement, puis le remet dans la poche de sa
chemise.
- Vous l’avez eu dans Bonux ?
- Vous commencez sérieusement à m’énerver, vous savez ?
- OK ! Autant pour moi ! Emmenez-moi donc au commissariat.
Nous roulons près de vingt minutes, lui plongé dans ses pensées, et moi priant pour ne pas m’être
trompée. C’est avec un grand soulagement que je le vois me déposer devant ma voiture.
- Vous êtes libre à dîner ce soir ?
- Pour m’assassiner ?
- Ne pourrait-on pas enterrer la hache de guerre ?
- Dois-je vous rappeler que c’est vous qui l’avez cherchée ?
- Je vous fais mes excuses. On repart de zéro ?
- Passez me prendre à 20 h. Je suppose que vous saurez trouver mon adresse ?
- À ce soir.
Je descends du véhicule un sourire radieux sur les lèvres…

Lorsque je pénètre dans mon salon, Angie qui possède le double de mes clefs est déjà là. Elle
semble très nerveuse, et se jette sur moi dès mon arrivée.
- Bon sang, Ambre, mais tu étais où ? Je me suis rongé les sangs en t’attendant.
- Récupérer ma voiture, comme je te l’ai dit.
- Oui bien justement ! Lorsque tu m’as dit que ton amoureux transi l’avait…
- Mon quoi ?
- Oh arrête, tu ne vas pas me la faire à moi. Vous avez eu un véritable coup de foudre
l’un envers l’autre…
- Certainement pas !
- Bref. Lorsque tu m’as dit que ta titine était à la fourrière, je n’ai pas réfléchi sur le
moment, mais je l’ai vue en partant du restaurant. Et elle est garée au même endroit où
nous l’avions laissée.
- Effectivement, elle y était. Je me suis plantée. Bon, Jérôme et toi alors ? demandé-je
voulant changer de conversation.
- Il est vraiment super, et je ne te remercierai jamais assez de nous avoir laissés tous
les deux en tête à tête. Sur le moment, je t’en ai voulu de me faire ce coup, mais
finalement, notre déjeuner s’est vraiment bien passé. Et devine…
- Quoi ?
- Il m’a invité à dîner ce soir.
- Il t’emmène où ?
- Aucune idée, mais cela n’a aucune importance. Je suis aux anges !
- J’en suis ravie pour toi !
- Et si on parlait de toi, maintenant ?
- Moi ?
- Ne fais pas l’innocente…
Je lui explique en quelques mots ce que j’ai en tête concernant Nick, et après m’avoir dit de faire tout de
même très attention, elle finit par éclater de rire.

Chapitre 5 : Maitresse du jeu bis…

« Les gens qui s’assoient sur leurs habitudes et leur confort deviennent artificiels, vaniteux et
prétentieux. Ils ne sont en réalité que les fantômes de leur propre existence » Réal Fortin.

Lorsque j’arrive à 20 h devant chez elle, la lumière est allumée. Elle habite une jolie petite
maison située à quelques minutes à pied du centre-ville. Le jardin est relativement bien entretenu. La
pelouse est fraichement tondue, et de son petit jardin de fleurs émane un délicieux parfum envoûtant. S’il
y a au moins une chose que je peux lui reconnaître, c’est qu’elle a du goût en matière de décoration.
Sur chaque côté de l’allée, elle a planté des roses rouges, noires et blanches ainsi que des tulipes de
même couleur. Sur ma droite, je ne manque pas de remarquer qu’elle a installé une mini ferme avec tout
autour des figurines en bois représentant les animaux de la jungle. Il y a des tigres, des éléphants, des
lions, des cougars, et même des loups blancs. Ce qui me laisse supposer qu’elle adore les animaux
sauvages. Ce qui ne m’étonne guère, vu son tempérament de feu.
J’ai appris qu’elle venait de créer sa propre société de bien-être, et suppose qu’elle pratique des
massages. Je reste toutefois sceptique sur le fait qu’elle puisse réellement être une prostituée. Bien
qu’elle me semble relativement intelligente, si elle venait effectivement à vendre son corps au plus
offrant, je pencherais plutôt pour une call-girl de luxe qu’une fille qui fait le trottoir. J’en saurai plus
demain, lorsque Greg me fera son rapport détaillé.
Pour l’emmener dîner, j’ai revêtu une chemise gris anthracite, faisant ressortir l’éclat de mes iris
bleus, et un jean blanc. Je suppose que, quelle que soit ma tenue, je serai, de toute façon, trop bien pour
elle.
Lorsqu’elle ouvre sa porte d’entrée, j’ai beaucoup de mal à rester impassible. Contrairement à ce
que je pensais, elle est d’une beauté à couper le souffle. Elle a laissé ses longs cheveux blonds tomber en
cascade dans le dos, appliqué un très léger maquillage sur ses paupières et laissé ses magnifiques lèvres
ourlées et rouges de nature telles quelles, laissant apparaître une dentition parfaitement blanche lorsque
son sourire s’illumine.
La robe noire échancrée devant et sur le côté droit, très près du corps, mais sans aucune vulgarité, laisse
deviner une poitrine généreuse à souhait. Cette tenue lui va comme une seconde peau et je ne manque pas
de réprimer un frisson de désir.
- Bonsoir, chuchote-t-elle d’une voix douce et sensuelle.
- Vous êtes magnifique…
- Je vous remercie.
Elle baisse les yeux, rougissante, mais lorsqu’elle les relève, son regard exprime une tout autre émotion.
Elle est joueuse tout comme moi, et je sens que la soirée va être très riche en émotion.
- Vous n’êtes pas mal non plus. On y va ?
Je la conduis jusqu’à ma voiture, ouvre sa portière, tout en regrettant de n’avoir fait aucun effort
vestimentaire. Cette femme est décidément pleine de surprises. Quand je pense que mes amis, Greg et
Stephan, nous attendent au restaurant afin de vérifier que je la ramène bien chez moi en fin de soirée…
J’en éprouverais presque des remords si je ne l’avais pas entendue me traiter de sale gamin pourri gâté.
Pour l’heure, je dois me concentrer sur ma petite vengeance. Pour le reste, nous verrons plus tard…
Nous arrivons au restaurant vingt minutes plus tard, et alors que je donne mes clefs au voiturier,
je marche d’un pas rapide pour lui ouvrir la portière. Lorsque je lui prends la main pour descendre de
mon 4 X 4, je sens comme un courant électrique m’envahir.
Je ne suis pas mécontent de mon choix. La salle de restauration est assez intime, et c’est à mon
avis, l’un des meilleurs restaurants de la ville. En face de nous se trouve une splendide cheminée en bois
sculpté avec les armoiries d’Henri IV. Le plafonnier est un immense lustre sur deux étages, dont les bras
sont recouverts de bougies en forme de diamants. Je me suis toujours demandé qui, dans le personnel peut
bien avoir assez de patience pour allumer les 82 bougies sachant qu’au moindre coup de vent, il lui
faudra pratiquement tout recommencer.
Les tables recouvertes de nappes Vichy, assorties au fauteuil en tissu velours, sont assez spacieuses pour
que les clients puissent y faire l’amour sans problème. Cette pensée me fait sourire, lorsque je me
surprends à imaginer Ambre penchée sur moi, me faisant une magnifique fellation.
Le sommelier vient nous apporter la carte des vins, et c’est alors que je commande, en plus
d’une bouteille de Rotchild, deux coupes de son meilleur Champagne.
- Pas pour moi, merci.
- Vous n’aimez pas le Champagne, Ambre ?
- Je ne le bois que lorsque je m’y sens obligée. Cependant, je veux bien de l’eau
gazeuse.
- Très bien mademoiselle, s’incline le sommelier en me jetant un coup d’œil discret.
Ambre prend la carte des menus que lui apporte le serveur, et plantant son regard dans le mien me
demande avec un brin d’ironie dans la voix :
- Est-ce bien utile que je regarde le menu, ou allez-vous choisir pour moi ?
Les hostilités ont commencé, et je sens que la soirée ne va pas se dérouler suivant le plan que j’ai mis au
point avec mes amis, assis derrière nous. Nous devions dîner sans perdre de temps, et partir avant même
de prendre le dessert.
- Mais je vous en prie, choisissez donc tout ce qui vous plaira.
- C’est dangereux de dire cela à une femme…
- Pourquoi ?
- J’espère que vous avez les moyens.
- Je les ai effectivement. À propos, je ne vous ai pas dit mon prénom.
- Quelle importance…
- Ne voulez-vous pas le connaître ?
- Pour quoi faire ? Nous allons dîner, faire l’amour comme des bêtes, et nous quitter
sans jamais nous revoir…
Je me sens soudainement mal à l’aise à la seule pensée que quelqu’un ait pu la mettre au courant de la
surprise que je lui ai préparée.
- Pourquoi me dîtes-vous cela ?
- Ne suis-je point ici pour cela ?
- Bien sûr que non.
Elle semble visiblement très déçue et fait la moue avec sa bouche, tout en caressant ses lèvres avec son
couteau à fromage.
- Je ne vous plais pas…
Elle fait mine de pleurer, et je commence à sérieusement me demander à quoi elle joue. Le serveur arrive,
et elle lui demande sans sourciller :
- Dites-moi jeune homme…
- Oui mademoiselle ?
- Si je vous proposais de terminer la soirée avec moi, vous l’accepteriez ?
Le serveur écarquille les yeux, terriblement incommodé par la situation, s’éclaircit la gorge, et lui répond
timidement par un sourire qui en dit long sur ce qu’il pense.
- Bon sang, mais à quoi jouez-vous à la fin ? commencé-je à m’énerver après que le
serveur se soit retiré avec notre commande.
- Je calcule mes chances de satisfaire mon hygiène intime à la fin de la soirée sans
avoir recours à l’autosatisfaction. J’ai mis plus de deux minutes à me préparer, alors…
selon vous, dois-je lui noter mon numéro de portable sur l’addition que vous allez payer,
ou allez-vous vous décider à jouer franc-jeu avec moi ?
- S’il y a bien une chose que je ne puis vous reprocher, c’est de savoir ce que vous
voulez ! rétorqué-je en réussissant à reprendre le sourire.
- Dois-je comprendre que vous n’êtes pas réfractaire à notre petite partie de jambes en
l’air après le repas ?
- Demandez si gentiment…
Je laisse Ambre choisir pour nous deux, et n’ayant pas les prix sous les yeux, je sais que l’addition
sera extrêmement salée. Si je n’avais pas fait ce pari à la con, je l’aurais bien laissé la payer pour lui
donner une excellente leçon de savoir-vivre.
Elle a choisi en entrée la soupe mi-tiède à l’huitre de Belon ainsi que sa tartine de foie gras à la
feuille d’huitre, et comme plat de résistance, des ris de veau façon meunière en croûte de pain aillé, ainsi
que du jarret cuit pendant 7 heures dans un nem à la truffe du Périgord. Moi qui déteste l’ail, surtout en
sachant que je vais devoir l’embrasser, je suis servi !
Ambre s’avère finalement être de très bonne compagnie par la suite. Elle me raconte ses cinq
dernières années passées en Afrique du Sud, et m’écoute attentivement lorsqu’à mon tour, je lui dévoile y
être resté jusqu’à mes dix ans.
- Vos parents travaillent dans quel domaine ? demande-t-elle en avalant une bouchée
de pommes de terre cuites au feu de bois.
- Mon père était diplomate, et ma mère, femme au foyer. Et les vôtres ?
- Ils étaient tous les deux fermiers. Vous comprenez maintenant pourquoi j’aime bien
manger et… bien manger !
- Tout s’explique effectivement.
Je ne sais que penser d’elle. D’un côté, elle me donne envie d’en connaître davantage sur elle, et de
l’autre, je ne peux m’empêcher de me dire qu’elle n’est pas faite pour moi. Nous ne venons pas du même
milieu, et n’avons visiblement pas non plus les mêmes ambitions. Elle me dit vouloir une vie simple,
avec une équipe de petits rugbymans courant partout dans le salon, tout en exerçant le métier qu’elle aime.
Elle manque véritablement d’ambition, ce qui ne m’étonne pas, vu qu’elle n’a jamais fait d’études.
- Si j’ai bien compris, vous êtes masseuse ?
- Masseuse ?
- Vous êtes dans le bien-être non ?
- Oh, je vois que vous avez pris soin de vous renseigner sur moi.
- Effectivement.
- J’aime caresser un corps… Sentir sa peau frémir sous mes mains habiles… Écouter
ses désirs, le respirer, le savourer même.
Je déglutis. Son regard est si pénétrant, et elle me parle avec tant de douceur dans la voix que je
commence à bander malgré moi. Pour la première fois de ma vie, je me sens comme un adolescent
amoureux de sa prof de sport.
- Vous êtes vraiment très joueuse, n’est-ce pas ?
- Pas vous ?
- Si, mais lorsque je connais les règles du jeu.
- Laissez-vous aller. Nous n’avons qu’une nuit à passer ensemble aussi… N’allons pas
la gâcher en posant trop de questions…
- Pourquoi une seule nuit ?
- Nous sommes bien trop différents l’un de l’autre pour pouvoir nous attacher. Vous,
l’homme beau, riche, attirant le regard des femmes de par votre seule présence, et moi…
Quelconque physiquement, pauvre, et totalement insignifiante au regard des autres.
Je n’ai jamais éprouvé autant de sensations différentes en si peu de temps. Elle m’attire, me donne
envie de la plaquer contre un mur et de la sentir en moi d’une force incommensurable, et paradoxalement,
elle m’exaspère au plus haut point.
- Pourquoi vous dévalorisez-vous ?
- La question n’est pas de savoir pourquoi je me dévalorise, mais plutôt de
comprendre pourquoi vous vous pensez supérieur à moi.
- Je le suis de par ma naissance.
- Parce que votre père était à la botte du gouvernement ?
- Je vous demande pardon ? m’énervé-je en haussant le ton.
- Être diplomate comporte effectivement certains avantages, mais il n’en demeure pas
moins que tout comme mes parents, votre père travaillait pour enrichir d’autres individus
plus haut placés que lui. Pensez-vous réellement qu’un homme puisse être supérieur à un
autre par le simple fait qu’il gagne mieux sa vie que lui ?
- Je n’ai pas dit cela.
- Alors qu’avez-vous dit exactement ?
- Mon père a fait de hautes études pour en arriver là où il en est, et…
- Je vois…
- Quoi donc ?
- Vous mesurez la supériorité par le niveau d’études ?
- Bien sûr que non ! Cependant, tout le monde n’a pas les mêmes capacités
intellectuelles pour réussir…
- Réussir ? Parce que vous pensez que vos parents ont réussi plus que les miens ?
- C’est évident !
- Pourquoi ?
- Mes parents sont actuellement en voyage et profitent tous les deux d’une excellente
retraite. Je suis persuadé que vous ne pouvez en dire autant des vôtres, n’est-ce pas ?
- Effectivement. Ils sont décédés tous les deux lors d’un accident d’avion, il y a
quelques mois.
- Je suis sincèrement désolé.
- Je vous crois. Cependant, comme je vous le disais tout à l’heure, nous sommes trop
différents l’un de l’autre pour pouvoir ne serait-ce qu’envisager de nous revoir après
cette soirée. Vous êtes tout ce que je méprise au plus profond de mon âme.
Cette annonce me fait l’effet d’une bombe.
- Tout en vous respire le paraître. Vous avez beau dire que vous ne mesurez pas une
réussite sociale à l’argent, et pourtant la seule explication que vous ayez été capable de
me donner sur le fait que vos parents soient supérieurs aux miens, était qu’ils avaient les
moyens de voyager. C’est pathétique. Si mes parents étaient encore de ce monde, ils
profiteraient de leur retraite sur une île. Celle-là même où ils étaient en train de se rendre
lorsque les deux réacteurs de leur avion se sont embrasés.
J’ai l’impression d’avoir reçu un coup de poignard en plein cœur.
- Je suppose que vous souhaitez que je vous raccompagne ?
- Non, pourquoi ? Coucher avec vous n’implique pas que je doive vous apprécier, tout
comme coucher avec moi, n’implique pas que vous deviez me trouver attirante. Je me
trompe ?
- Non...
Je demande au serveur de nous apporter l’addition et après l’avoir payée, nous rejoignons la sortie,
sous l’œil amusé de mes compères, Greg et Stephan. Pour ma part, je suis très loin d’être fier de ce que
je m’apprête à faire…

Chapitre 6 : Échec…

« Tel est pris qui croyait prendre ». Le rat et l’huitre de Jean de Lafontaine.

Comme je le supposais, Nick habite un véritable palace. Passée la grille du portail, nous traversons
une petite forêt, et arrivons devant une fontaine en marbre éclairée par la luminosité de la lune, qui n’est
pas sans me rappeler l’époque romaine. Elle est de couleur bleu ciel, et un enfant noir tout nu semble y
faire pipi sans s’arrêter.
Le majordome vient m’ouvrir la portière, et me souhaite la bienvenue. Cet homme très élégant,
d’une cinquantaine d’années, les tempes grisonnantes, aux yeux d’un noir très profond, porte une chemise
blanche avec un petit gilet bordeaux, ainsi qu’un pantalon noir. Je lui fais mon plus beau sourire, et Nick
lui donne congé.
Le hall d’entrée, lui aussi tout en marbre, fait au moins 4 fois le périmètre de ma salle à manger, et
après l’avoir traversé, nous nous rendons au petit-salon. En regardant les trois canapés en cuir noir,
disposés tout autour d’une table basse aussi grande que la surface de la salle de bain d’Angie qui dispose
d’une douche italienne et d’une baignoire, je me demande à quoi peut bien ressembler le grand salon.
Un feu de cheminée est allumé, ce qui me fait sourire. Sur ses côtés se trouvent de magnifiques Ficus,
d’une hauteur de deux mètres environ, et sur le mur, face à moi, est accrochée une télévision de 164 cm.
Un peu trop grande à mon goût.
Par la baie vitrée, je découvre une piscine en forme de coquillage et sans demander la permission,
je me dirige vers elle, me déshabille entièrement, et plonge avec délice dans l’eau.
Nick me regarde sans broncher pendant que je fais plusieurs longueurs, puis c’est essoufflée que je
reviens m’appuyer sur le bord :
- Ben alors mon doudou, tu ne me rejoins pas ?
- Je te remercie, mais j’ai autre chose en tête vois-tu…
- Comme m’offrir un Mojito, par exemple ?
- Je croyais que tu ne buvais jamais d’alcool…
- Fort…
- Pardon ?
- Je ne bois jamais d’alcool fort…
- Message reçu…
Il se dirige vers un grand abri tout en pierre, proche d’un très grand barbecue au feu de bois, et un
frigo américain. Tout chez lui est dans la démesure ; ce qui me conforte dans l’idée, encore une fois, que
ce n’est vraiment pas un homme pour moi. J’aime la simplicité, les personnes ordinaires, pas le paraître.
Je l’imagine facilement dirigeant de société, maniaque du contrôle absolu, incapable de s’amuser
autrement qu’en faisant du sport extrême. Au fond, je le plains. Il doit se sentir bien seul dans la vie…
Il revient avec deux mojitos, et tout en prenant le verre qu’il me tend, je sors de l’eau sans l’once
d’une gêne, alors que son regard enflammé se fait de plus en plus gourmand en regardant mes formes oh
combien gourmandes. Je m’allonge sur le fauteuil en tissu moelleux, puis trempe mes lèvres dans mon
verre d’alcool.
- Il n’y a pas assez de sucre, grimacé-je.
Il pousse un profond soupir d’exaspération, pose son verre à côté du mien sur la petite table en bois au
milieu des chaises longues, et repart en direction du bar. Lorsqu’il revient quelques secondes plus tard,
un sourire se dessine sur mon visage.
- La vue te plaît ? demandé-je sans sourciller.
- J’ai vu mieux…
- Tu me trouves aussi énorme que cela ?
- Je n’ai pas dit cela…
- Mais tu n’as pas dit le contraire non plus…
Je sais que je lui plais. Je n’ai qu’à l’observer pour en avoir confirmation. Tous nos gestes, nos
mimiques nous trahissent. On dit souvent que le regard est le reflet de l’âme, or c’est totalement faux. Nos
paroles et notre regard peuvent tromper, mais le corps lui, ne ment jamais… Chaque mouvement que nous
faisons inconsciemment exprime une émotion authentique, et à moins de les avoir étudiés en profondeur
ou de s’être entraîné pour les corriger comme je l’ai fait pendant des années, nul ne peut tricher très
longtemps. Pas avec moi, en tout cas.
Il s’approche de moi tout en douceur, me prend la main, et m’attire à lui. Il essaye de
m’embrasser, mais je recule. Il m’encercle alors la taille de ses bras puissants, empêchant ainsi toute
résistance, et m’entraîne vers le mur de derrière, tout doucement, sans me quitter du regard.
Je me pince les lèvres, baisse les yeux timidement, et alors qu’il me coince entre lui et le mur, il prend
mon visage entre ses doigts, et commence à me mordiller le lobe de l’oreille. Je pousse un petit soupir de
plaisir, et dégageant mes mains, je lui caresse les cheveux tout en douceur.
Sa main droite descend dangereusement vers mes fesses.
- Ne sois pas si pressé, mon cœur. Nous avons toute la nuit pour nous découvrir l’un à
l’autre.
- Je dois me lever tôt demain matin…
- Dois-je appeler un taxi ?
- Pour ?
- Rentrer ?
- Non… Je te raccompagnerai plus tard.
Il me soulève, repart à l’intérieur de la maison, traverse plusieurs pièces, et monte quatre marches. Puis il
me repose lentement, commençant à vaciller.
- Tu as bu combien de verres avant de venir me retrouver ?
- Plus qu’il n’en faut visiblement. En règle générale, je tiens bien l’alcool, mais là…
- Tu ne vas tout de même pas me faire le coup de la plancha, j’espère ! m’exclamé-je
en l’aidant à monter jusqu’à l’étage.
- Bien sûr que non, miss…
Sa chambre est, contrairement à toutes les autres pièces du bas que j’ai pu entr’apercevoir lorsqu’il
me portait, beaucoup plus petite et surtout très sobre. Les murs sont tapissés de blanc, et hormis une
peinture représentant un nu de danseuse étoile au-dessus de son lit, il n’y a rien d’autre de suspendu. Le
lit à barreau noir est recouvert d’un simple drap de soie grise, tout comme les deux oreillers. Il n’y a
aucun autre meuble, si ce n’est une petite table de chevet où y sont posés un livre de Boris Cyrulnik ainsi
qu’une lampe de chevet de couleur bordeaux.
Il file dans une autre pièce, et j’entends l’eau couler au bout de quelques secondes, comprenant qu’il
est en train de prendre une douche.
En sortant de la salle de bain, il peine à arriver jusqu’au lit, puis s’écroule de tout son long sans
demander son reste. Je retire le peignoir en soie blanche qu’il porte et découvre un corps musclé à
souhait. Je le caresse du bout des doigts pendant de très longues minutes. Puis commençant à sentir la
fatigue m’envahir, je descends chercher mes affaires dans le petit salon sans perdre de temps et remonte
dans la chambre. J’attrape mon rouge à lèvres, et dessine un petit cœur sur son pénis. Finalement, je
m’endors au creux de son épaule rapidement… Bizarre, car le gars a l’air d’avoir très envie et genre il
l’abandonne sans rien dire prendre sa douche et s’écroule alors que c’est lui qui a conduit pour rentrer et
qu’on ne l’a pas vu boire si ce n’est un mojito en rentrant !!! et je me suis permise de changer l’ordre des
évènements, car sinon à part sortir son rouge à lèvres de son c... ? je sais d’où il pouvait venir !! lol

Lorsque je me réveille le lendemain, Nick n’est déjà plus là. Je file à la salle de bain prendre
une douche, non sans admirer la baignoire avec fonction jacuzzi qui trône au milieu de la pièce. Si la
chambre me paraissait sobre, je ne puis en dire autant de cette pièce. Non seulement elle doit bien
mesurer 25 mètres carrés, mais de plus, le sol tout comme les deux lavabos sont en marbre gris anthracite
et noir. Les robinetteries sont couleur argent, et il y a assez de place pour au moins dix personnes dans sa
douche italienne.
J’ouvre une seconde porte, pensant qu’elle donne sur le couloir, mais à la place se trouve un
immense dressing où sont très soigneusement suspendus, dans la première penderie qui fait tout un pan de
mur, les chemises, cravates, pantalons et vestes triés par marque et par couleur. J’ouvre l’un des tiroirs en
face et découvre des boutons de manchette, des montres de luxe, des bijoux d’homme, et tout en bas, des
dizaines de paires de chaussures italiennes.
- Ah oui quand même, chuchoté-je comme pour moi-même.
Je remets mes sous-vêtements et ma robe de la veille, prends mes chaussures à talons aiguilles, et
descends les escaliers à pas de velours tout en appelant Angie. À peine suis-je arrivée en bas que le
majordome vient à ma rencontre.
- Bonjour mademoiselle. Monsieur vous attend au petit-salon ; si vous voulez bien me
suivre.
Moi qui pensais m’éclipser sans un bruit, c’est raté. Lorsque j’arrive dans la pièce, quatre personnes sont
déjà là. Il y a bien sûr Nick, mais aussi trois hommes que je ne reconnais que trop bien. Ce sont les
fameux amis du restaurant japonais, qui ont parié sur moi. Je me demande bien lequel a pris ma défense…
- Ambre s’exclame Nick en me voyant ! Te voilà enfin ! J’ai bien cru devoir appeler
les pompiers.
Je ne suis pas du matin, et pourtant je sais que je vais devoir faire preuve d’une patience infinie si je veux
réussir à m’en sortir haut la main.
- Oh non… soufflé-je en faisant mine d’être déçue.
- Je te demande pardon…
- Pourquoi ne les as-tu pas appelés ? Bon sang, tu aurais tout de même pu me faire ce
plaisir.
Il hausse les sourcils, étonné.
- Ben quoi mon doudou… Se faire réveiller par un pompier jeune, beau et fort est le
rêve de toutes jeunes femmes qui se respectent.
Je pousse un petit soupir pour appuyer mes dires, puis voyant la liasse de billets sur la table basse, je
m’assois sur le seul fauteuil disponible, et mets mes chaussures.
- Une prochaine fois peut-être…
- Ah ? Parce que tu penses qu’il y aura une… prochaine fois entre nous ? demandé-je
en prenant les billets et en les comptant un par un.
- Tu fais quoi, là ?
- Je prends ma part, mon cœur. Ben quoi… Normal non ? Tu ne pensais tout de même
pas que j’allais partir sans prendre ce qui me revient ?
- Je peux savoir de quoi tu parles ?
- Tu m’as prise pour une pute et personnellement cela ne me dérange en aucune façon,
à partir du moment où bien entendu, j’y gagne quelque chose.
Nick serre la mâchoire d’une telle force que je commence à prendre peur. Cependant, c’est plus fort que
moi ; il faut que mon humiliation soit complète. Après tout, ce n’est pas moi qui ai parié 1000 euros que
je le mettrais dans mon lit le soir même de notre rencontre.
- Lorsque l’on fait un pari ignoble comme celui que tes amis et toi-même avez fait hier
midi, continué-je, on ne peut quand même pas s’attendre à ce que j’accepte d’y participer
sans aucune récompense à côté ? Si ?
Je le sens prêt à exploser, ce qui décuple mon envie de poursuivre mon petit jeu. Contrairement à lui, ses
amis n’en mènent pas large visiblement. Sauf peut-être un qui semble vraiment s’amuser de la situation.
- Puis-je connaître l’identité de celui qui a refusé de participer à une telle mascarade ?
- C’est moi… m’annonce un homme d’une beauté à couper le souffle. Il est brun, le
teint hâlé, les yeux d’un bleu aussi clair que l’océan, et malheureusement pour moi, très
certainement homosexuel. Je le vois à sa façon de me regarder et de prendre ma main
dans la sienne, lorsque je la lui tends en me levant.
- Merci infiniment monsieur… Vous au moins, vous avez de la classe et connaissez la
définition du mot respect.
- Appelez-moi donc Marc.
- Ambre…
- Je suis ravie de faire votre connaissance, Ambre.
- Moi de même, Marc. Sur ce, ce n’est pas que je m’ennuie, mais il est temps que je
m’en aille, annoncé-je en me retournant vers Nick. La prochaine fois que tu voudras
spolier tes amis, n’hésite pas à faire appel à moi. Ce n’est pas tous les jours que j’ai
l’occasion de gagner 500 euros, pour dormir aux côtés d’un homme qui n’a même pas été
capable d’assurer au lit, tant il avait bu. Messieurs… Marc… Mon banquier adoré… Je
vous souhaite à tous une excellente journée.
Le majordome me raccompagne jusqu’à la sortie où m’attend Angie, morte de rire. Je l’avais
discrètement rappelée en mettant le haut-parleur de sorte qu’elle puisse entendre toute la conversation…

Chapitre 7. Entre désir et amour…

« L’amour c’est la présence, le face-à-face. Le reste est désir » Rina Lasnier.

- Je ne me suis jamais senti aussi humilié de toute ma vie ! hurlé-je en laissant éclater
ma colère après que Stephan et Greg soient repartis sans dire un mot.
- Ah mais bien sûr que si…
- Pardon Marc ?
- Pas plus tard qu’hier, et par la même personne de surcroît.
- Tu te crois drôle ?
- C’est la situation dans laquelle tu t’es mis qui l’est, pas moi…
Je donne un coup de poing dans le mur, brisant la vitre de mon cadre.
- Je vais la tuer !
- Ça, j’en doute…
- Façon de parler ! Mais je peux t’assurer que je vais la briser. Elle va voir de quel
bois je me chauffe !
- Tu n’en feras rien, Nick…
- Et puis-je savoir qui va m’en empêcher ?
- Moi !
Nous nous mesurons du regard quelques secondes, mais loin de m’avouer vaincu, je lui demande :
- Et que comptes-tu faire exactement ?
- Si tu fais ça, tu tires un trait sur moi.
Je n’arrive pas à comprendre comment mon meilleur ami peut à ce point prendre sa défense. Il va jusqu’à
me menacer de mettre fin à plus de vingt ans d’amitié.
- Tu plaisantes ?
- Pas le moins du monde. Dois-je te rappeler que c’est toi qui as commencé les
hostilités ? Je t’avais dit que tu faisais une erreur en pariant que tu la mettrais dans ton lit
avant la fin de la soirée.
- Dois-je te rappeler à mon tour que j’ai refusé de prendre l’argent ?
- Elle n’en savait rien, et tu ne peux pas lui en vouloir pour ce qu’elle t’a balancé à
travers la gueule. Bon sang, Nick ! Tu as trente-six ans, tu diriges l’une des plus grandes
sociétés de sécurité internationale du monde, et tu agis comme un gamin depuis que tu l’as
rencontré. Putain, mais tu vas te réveiller ou merde ?
Je passe une main sur mon visage, puis me sers un verre de Bourbon. Je n’avais à ce jour, jamais vu Marc
aussi furieux.
- Tu en veux un ? lui proposé-je la voix tremblante.
- Non merci. Dis-moi plutôt ce qui t’arrive…
- Rien pourquoi ?
- …
- C’est cette fille qui me rend complètement dingue, finis-je par avouer.
- Elle a un prénom…
- Ambre ! Ça te va comme ça ?
- …
- Depuis hier midi, tout va de travers.
- Tu es amoureux ?
Je le regarde d’un air étonné, puis éclate de rire.
- Amoureux ? Non, mais… Tu mesures tes propos avant de parler ?
- Tu n’as pas répondu à ce que je sache.
- Elle est masseuse, Marc ! Et va savoir ce qu’elle fait lors de ces séances. Tu me vois
vraiment tomber amoureux d’une catin ?
- Alors pour ta gouverne, sache qu’elle n’est pas du tout masseuse.
- Elle travaille dans le bien-être, non ?
- Et tu en as conclu qu’elle bossait dans un salon de massage ? Elle peut très bien être
esthéticienne, ou encore, je ne sais pas moi, kinésithérapeute ?
- Médecin ? Non, mais sérieusement, tu me prends pour qui ?
- Pour quelqu’un de complètement ignorant. Lis son dossier, et tu comprendras que tu
as tout faux la concernant.
Je prends la chemise que m’a remis Greg avant de partir, et ai la surprise de découvrir que non
seulement elle est loin d’être une prostituée, mais qu’en plus elle travaillait dans une ONG en tant que
psychiatre. Elle a quitté le foyer familial après son doctorat, et a parcouru le monde pendant plus de 10
ans, avant d’accepter de travailler pour l’OMS en Afrique. Puis sans que personne ne sache réellement
pourquoi, elle a fini par démissionner, s’est rendue quelques années en Asie, et a créé sa propre agence
de bien-être dans le domaine de la séduction et du couple en général. Elle aiderait, selon ce qui est écrit
devant mes yeux, les personnes à trouver l’âme sœur ou à le garder.
- Je dois avouer ne pas comprendre grand-chose quant à ce qui est décrit là-dedans
concernant sa vie professionnelle. Elle part travailler en Afrique, puis en Asie, et
retourne en Afrique pour revenir ici ? Il y a quelque chose qui m’échappe, là.
- Je file, j’ai du boulot, m’annonce Marc plongé dans ses pensées. Si tu veux te battre
contre elle, rien ni personne ne t’en empêchera, pas même moi. À condition que tu le
fasses à armes égales. C’est une joueuse comme tu n’en as jamais rencontré, Nick. Si je
n’étais pas marié avec un homme exceptionnel, je t’avouerais que je me laisserais bien
tenter. Tu as enfin la chance de pouvoir vivre des moments d’exception avec une femme
exceptionnelle. Ne la laisse pas passer, ou tu le regretteras toute ta vie.
Marc me laisse seul face à mes interrogations. Mon majordome vient m’apporter mon courrier, et je ne
manque pas de remarquer qu’il y a une liasse de billets sur la coupelle.
- Qu’est-ce que c’est ?
- Mademoiselle Ambre m’a demandé de vous les rendre avant de rejoindre son amie
dans la cour.
- A-t-elle dit quelque chose ?
- Non, monsieur.
- Je vous remercie. Vous pouvez disposer.
Je serre les poings, me faisant violence pour ne pas aller la retrouver. Il faut que je me calme avant
de faire quelque chose que je pourrais regretter. Mon humiliation est complète.
Je m’assois sur mon canapé, et prends connaissance du dossier que j’ai entre les mains espérant y
trouver quelque chose pour la mettre à genoux.
« Ambre Killian. Née le 14 avril 1972 à Mauléon Soule, dans le département des Pyrénées
Atlantiques. Elle a obtenu son BAC scientifique avec mention très bien à l’âge de 16 ans, puis après
l’obtention d’une bourse d’études récompensant les meilleurs élèves de son lycée, elle est entrée en
faculté de médecine avec deux ans d’avance. Une fois son diplôme en poche à l’âge de 26 ans, elle a
été contactée par une ONG pour travailler en collaboration avec les meilleurs médecins, et ce, dans
de nombreuses spécialités.
Peu à peu, je réussis à me calmer et j’ai comme un haut-le-cœur en me remémorant notre
conversation d’hier soir. Je réalise quel crétin j’ai pu paraître à ses yeux, lorsque je lui ai confirmé que
mes parents valaient mieux que les siens parce qu’ils avaient un portefeuille bien garni. Je comprends
mieux à présent pourquoi elle ne semblait pas outrée que je puisse lui balancer de telles inepties.
Persuadé qu’elle n’était qu’une prostituée, intelligente certes, mais très peu cultivée, je me suis amusé à
vouloir la rabaisser en espérant avoir trouvé son point faible. Résultat des courses ; je n’ai fait que me
ridiculiser, et avec maestria de surcroît.
« Mademoiselle Killian parle 6 langues couramment, dont l’allemand, l’anglais, le japonais, le
mandarin, l’espagnol, et le russe. Passionnée par la linguistique, l’art et la culture bouddhiste, elle a
fait plus de trois fois le tour du monde, avant de quitter l’ONG du jour au lendemain, sans donner plus
d’explication. À partir de là, il semblerait que personne ne sache exactement où elle était pendant
deux années consécutives. On trouve des traces de son passage en Chine, et au Japon. Puis elle revient
en Afrique pendant deux ans afin d’aider l’un de ses amis médecins à construire un hôpital pour les
pauvres. Enfin, elle revient en France et crée sa propre société de bien-être, avec sa meilleure amie
Angélica Delarivière, fille unique d’un sénateur très connu pour ne pas avoir sa langue dans sa poche,
et d’une procureure générale de la République »
Décidément, je ne suis pas au bout de mes surprises. J’ai connu Angie lors d’un voyage en Inde
qu’elle a fait avec ses parents il y a de cela bientôt 20 ans. Au restaurant, son visage me disait quelque
chose, mais sans savoir où je l’avais déjà vu. Puis, je me suis souvenu qu’elle avait était mannequin de
haute-couture, avant de défrayer la chronique en publiant un livre autobiographique sur les dérives de son
métier. Et c’est maintenant, en découvrant la profession de ses parents, que je me souviens parfaitement
de ces deux mois d’été que nous avions passé ensemble. À l’époque, elle était très amoureuse d’un
certain Sébastien, et de nature très fidèle, je n’avais jamais réussi à la séduire.
Je me demande bien ce qu’a bien pu faire Ambre pendant ses deux années passées en Asie. Pourquoi
personne, pas même les renseignements généraux ne semblent être en mesure de nous dire où elle se
trouvait exactement et ce qu’elle y faisait. Je dois me rapprocher de son amie, si je veux en savoir
davantage. Ce qui je pense ne me sera pas très difficile puisque, j’ai passé quelques semaines avec elle.
Lorsqu’elle m’a regardé, elle n’a pas semblé me reconnaître. Ce qui au fond ne m’étonne pas, puisqu’elle
doit être habituée de par son ancien métier à côtoyer bon nombre de personnes qui ont la même plastique
que moi. Cependant, je reste confiant.
Je ferme le dossier, et monte dans ma chambre. J’ai mal à la tête. J’ouvre le tiroir de ma commode
pour prendre une aspirine, et découvre une boîte de somnifères vides à l’intérieur, avec un petit mot
laissé à mon attention :
« Vraiment très efficace ces petites bêtes-là » suivi d’un petit smiley tout souriant.
Je comprends mieux à présent pourquoi je n’étais pas en état de lui faire l’amour hier soir. Je ne lui
en veux pas, c’est de bonne guerre. Marc a eu raison de me remettre à ma place. Cependant, même si je
lui suis reconnaissant de m’avoir empêché de la réduire en poussière, je dois avouer que je suis très
heureux de ne pas avoir suivi son conseil de laisser tomber mon odieux pari. Car si je l’avais fait, jamais
je ne me serais autant intéressée à elle.
Lorsqu’elle m’a ouvert sa porte hier soir, j’ai eu beaucoup de mal à la reconnaître. Peut-être
étais-je dans de meilleures dispositions pour enfin la découvrir telle qu’elle est réellement. Toujours
aussi ronde, mais bien plus magnifique que ce que je pensais de prime abord. Et lorsqu’elle s’est
déshabillée entièrement avant de plonger dans la piscine, j’ai su que je prendrais plaisir à caresser ses
magnifiques montagnes russes. Ce n’est pas pour autant que j’en oublie ce qu’elle a osé me faire depuis
que je la connais…

La première chose que je fais en arrivant dans mon bureau est de regarder mon courrier, et de
payer mes factures. Marc entre sans frapper et me demande si j’ai réussi à décolérer.
- Oh que oui !
- Donc, tu ne comptes plus la détruire ?
- Je suis conscient d’y être allé un peu fort ce matin, mais tu me connais…
- Effectivement, je te connais… Cependant, j’ai eu bien du mal à te reconnaître. Toi
qui d’habitude fais preuve d’une patience à toute épreuve, là, je dois avouer que tu m’as
vraiment surpris.
- Je ne m’étais jamais sentie aussi mal avant de la rencontrer. Elle a vraiment le don
pour me dérouter.
- Avoue que tu l’as cherché…
- Je l’avoue.
Mon ami lève un sourcil, cherchant à deviner mes pensées.
- Inutile de me regarder ainsi mon très cher frère, je puis t’assurer que je n’ai
nullement l’intention de me venger de quelque manière que ce soit.
- Tu as donc pris la décision de l’oublier…
- Non, mais de la faire tomber follement amoureuse de moi.
- Pour mieux la piétiner ensuite ?
- Loin de là !
- Tu es amoureux ?
- Amoureux est un bien grand mot, mais disons qu’elle est loin de m’être indifférente.
- Son physique ne te rebute plus ?
- Je te conseille de la regarder plus attentivement la prochaine fois que tu l’as verra.
- Pourquoi ?
- Parce qu’elle est d’une beauté à couper le souffle.
- Il était temps que tu t’en rendes compte !
- Ah ? Tu te sens aussi attiré par elle ?
- Comme je te l’ai dit pas plus tard que ce matin ; si je n’étais pas marié avec l’homme
de ma vie, je pense que je me laisserai bien tenter par une petite expérience
hétérosexuelle.
J’éclate de rire.
- J’ai énormément de chance alors !
- Doublement, vois-tu…
- Pourquoi ?
Il s’approche de mon télescope, le règle vers la droite, puis me demande de m’approcher.
- La maison d’Ambre n’est pas visible d’ici. Sinon, tu penses bien que j’aurais déjà
regardé.
- Sa maison peut-être, mais son bureau…
Je me lève et en y regardant à mon tour, la première chose que je remarque est la miss vêtue d’un t-shirt
blanc assorti à son bas de jogging, les pieds déchaussés, assise par terre avec son amie, Angie. Elles sont
en train de tirer de toutes leur force sur la moquette qu’elles essayent de décoller.
- Oh bon sang ! Elle a acheté l’immeuble d’en face ? m’écrié-je ravi.
- Angie connaît très bien le propriétaire, et il le lui loue pour un euro symbolique, en
attendant de trouver un acheteur.
- L’immeuble est à vendre ?
- Oui.
- Achète-le !
- Pardon ?
- Si je l’achète à mon nom, et qu’elle s’en aperçoit, Ambre ne voudra pas y rester.
Alors, fais une proposition au vendeur et je te le rembourse.
- Pourquoi tiens-tu tant à l’avoir ?
- Ne penses-tu pas qu’il serait bien que les gardes du corps logent dans des
appartements près de l’agence plutôt que dans des chambres d’hôtel ?
- Mais encore ?
- OK. Je plaide coupable. Si quelqu’un d’autre que nous l’acquiert, il est fort possible
qu’il mette Ambre à la porte. Et ça, c’est NIET ! Alors s’il te plait, rends-moi ce service,
et je t’en serais éternellement reconnaissant.
- Très bien, mais si je l’achète, je le garde !
- Aucun problème ! Tant que tu ne me l’as fait pas déménager !
- Pour quelqu’un qui est censé ne pas être amoureux…
- Je te dispense de commentaire. Je ne sais pas encore ce que je ressens pour elle.
D’un côté, elle m’exaspère, et de l’autre j’ai envie de la connaître davantage. Pour le
reste, je ne peux t’expliquer ce que moi-même je ne suis pas en mesure de comprendre.
- Très bien. Bon, lorsque tu auras terminé de faire mumuse, l’on pourra peut-être se
mettre au bilan comptable ?
- Laisse-moi un petit quart d’heure et je te rejoins dans ton bureau.
- OK ! À tout de suite !
Une fois Marc reparti, mon sourire s’efface, et mon regard s’obscurcit.
« Non Marc, pensé-je tout bas, je suis très loin d’être amoureux de ta petite protégée, et je compte bien
lui rendre la monnaie de sa pièce… »

« Au cœur de tout homme, il y a un instinct de vengeance » Laurent Barré.

Chapitre 8. Joue avec moi…

« L’amour est le seul jeu, auquel quand on refuse de jouer, on risque de tout perdre » David E. Kelley.

L’ascenseur qui mène au second étage possède un grand miroir, et en le prenant chaque matin,
j’imagine Angie donner un dernier coup d’œil à son maquillage.
Il n’y a pas de sonnette d’entrée, ce qui au final ne me gêne pas tant que ça.
La salle d’attente est tout de suite à droite en entrant, et j’y ai installé le vieux canapé dont Angie
voulait se débarrasser ainsi que deux fauteuils, sachant pertinemment qu’au pire, je ne recevrai pas plus
de deux clientes à la fois. Au milieu de la pièce tapissée en bleu clair, j’ai posé une petite table, et ajouté
quelques magazines.
Au fond du couloir se trouve le cabinet de toilette avec un lavabo, puis à droite, mon bureau.
Angie et moi avons repeint l’intérieur pour qu’il soit plus en adéquation avec un cadre zen. Les murs
jaune canari à l’origine sont devenus pêche, et j’y ai accroché quelques tableaux trouvés à la Foir’fouille.
Le premier représente un Bouddha, le second un magnifique coucher de soleil et le dernier, un Cerisier du
Japon, haut d’un mètre cinquante.
Mon bureau et les trois fauteuils sont noirs, et au dernier moment, malgré mes protestations, mon
associée a voulu ajouter une banquette trois places pour que mes futurs clients puissent s’allonger s’ils le
souhaitent. J’ai eu beau lui dire que je n’étais plus psychiatre, elle n’a rien voulu entendre.
Sur la gauche, à l’intérieur même de la pièce, il y a un autre couloir menant à une petite pièce où
j’ai pu commencer à installer quelques produits en vente libre en devenant commerciale d’objets
érotiques.
Angie a son bureau en face du mien, mais sachant pertinemment qu’elle n’y recevra que très peu
de personnes, elle y a simplement installé un bureau très design en fer trouvé dans son grenier, ainsi qu’un
fauteuil de ministre, et deux chaises rehaussées de cuir.
Le plus difficile a été de changer la moquette dans toutes les pièces. Angie et moi avons passé
plusieurs heures à les arracher, tant la colle était impossible à retirer. A la place, nous avons mis du
parquet flottant, ce qui ajoute du cachet à notre agence.
Cela fait plus de trois semaines que je n’ai pas de nouvelles de Nick, ce qui m’étonne fortement.
Je ne pense pas que ce soit le genre à se laisser humilier devant ses amis, sans qu’il y ait de retour. Je
suis certaine qu’il prépare quelque chose, et que je ne vais pas tarder à le revoir. D’ailleurs je m’attends
à chaque instant à le voir débarquer dans mon bureau sans crier gare.
Je n’ai pas jeté mon dévolu sur lui par hasard. J’ai toujours rêvé de mettre en application l’une
des étapes de mon programme à savoir « Comment rendre fou amoureux un homme inaccessible ». Et
avec Nick, j’ai trouvé matière à assouvir ma soif de connaissance en la matière.
Claudia, qui fait partie de ma formation, arrive essoufflée avec plus de dix minutes de retard. En me
voyant, elle se confond en excuse et m’explique que les bus étant en grève, elle a dû venir à vélo. Son
magnifique brushing n’a pas résisté au vent, et ses cheveux gris me font penser à ceux d’un épouvantail.
Elle a beau se passer la main plusieurs fois sur son cuir chevelu pour se recoiffer, la laque qu’elle a mise
dessus est bien trop résistante. J’ouvre mon sac et en sors ma brosse à cheveux.
- Merci…
- Allez, asseyez-vous et reprenez votre respiration, tout va bien.
Elle me fait un petit sourire, et prend place sur le divan tout en tirant sur sa jupe beige, puis pose les
mains sur ses genoux. Tout en lui servant un verre de jus de fruit, je l’observe attentivement, approche une
chaise, et m’assois en face d’elle sans rien dire.
Elle baisse les yeux, et après avoir réajusté son chemisier blanc à collerettes, elle fait tourner son
alliance plusieurs fois autour de son annulaire, perdue dans ses pensées.
- Il y a longtemps que vous êtes mariée ? l’interrompais-je dans ses réflexions.
- Trente-deux ans.
- Et tout se passe bien ?
- Très bien, pourquoi ? répond-elle d’une voix plus aigüe que d’ordinaire.
En répondant à ma question, j’ai vu qu’elle avait tourné les yeux du côté gauche, tout en faisant un petit
rictus avec la bouche. Ce sont des signes qui ne trompent pas.
- Si vous me mentez, nous n’arriverons à rien…
Elle hausse les sourcils, surprise.
- Qu’est-ce qui vous fait dire que je mens ?
- Votre attitude tout simplement. Par exemple, le froncement de nez que vous avez eu
tout en faisant un petit rictus avec la bouche lorsque je vous ai demandé si tout se passait
bien dans votre mariage exprime du dégoût. Ce qui me laisse supposer que votre mari a
soit une aventure extra-conjugale, soit que vous ne le supportez plus.
- Vous réussissez à voir tout cela ? Mais comment ?
- En vous observant attentivement tout simplement. Nous réagissons tous de la même
façon lorsque nous sommes dans un état de mensonge avéré. Notre bouche exprime
quelque chose que notre corps se refuse à accepter, et par conséquent, il en arrive à vous
faire faire des choses dont vous n’avez pas conscience. Alors, je vous repose une
dernière fois la question : est-ce que tout va bien dans votre mariage ?
- Non… finit-elle par avouer les larmes aux yeux. Je suis désolée d’avoir menti.
- Je sais… Nous ne nous connaissons pas encore, et je comprends qu’il ne soit pas
facile de discuter d’un sujet aussi intime avec une personne étrangère à votre cercle
habituel. C’est d’ailleurs pourquoi je vous ai laissé une dernière chance. Je ne suis pas là
pour vous juger, ni pour trahir votre confiance, mais pour vous aider.
- Merci. À l’avenir, je saurais m’en rappeler.
- Je n’en doute pas un seul instant.
Je sais que mes propos peuvent lui sembler durs à entendre, cependant, j’ai un mois pour réussir à l’aider
à résoudre son problème. Comme je l’ai maintes fois répété à Angie, bien que je sois obligée de
psychanalyser mes clientes, je ne peux pas m’amuser à attendre la quatrième séance individuelle pour
comprendre de quoi il retourne.
- Mon mari a effectivement une liaison, mais tout n’est pas entièrement de sa faute.
- C’est-à-dire ?
- Je n’ai plus envie de faire l’amour, et le pire est que je ne sais même pas pourquoi.
- Alors nous allons commencer par travailler là-dessus. Vous l’aimez ?
- Oui, souffle-t-elle. Plus que tout au monde.
- Lorsqu’il vous touche, cela vous dégoute ?
- Oui… Dès qu’il commence à poser la main sur moi, je…
Elle ne réussit pas à terminer sa phrase, tant elle est submergée par l’émotion.
- Depuis quand êtes-vous au courant de sa liaison ?
- Environ quatre mois.
- Et depuis quand n’avez-vous plus envie de faire l’amour avec lui ?
Elle se mord la joue tout en grimaçant, baisse les yeux vers la droite puis murmure sur un ton à peine
audible :
- Depuis que je suis au courant qu’il couche avec sa pétasse. Pardon, je…
- Vous n’avez pas à vous excuser. Laissez libre cours à vos pensées, je vous en prie.
C’est comme cela que nous réussirons à avancer.
- Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? Que cet enfoiré baise avec une minette
qui pourrait être sa petite-fille ?
- …
- Ce connard est en train de foutre plus de 30 années de mariage pour une putain de
blonde siliconée. Et tout ça pour quoi ? Parce qu’il nous fait sa crise de la cinquantaine !
Et vous ne savez pas la meilleure ? C’est une pute ! Il la paie pour coucher !
- Vous en êtes certaine ?
- Oh que oui ! Lorsque je suis allée sur son ordinateur, j’ai vu le site internet de la
pouffiasse. Alors j’ai demandé à mon voisin de l’appeler et elle prend 120 euros de
l’heure ! Non, mais je rêve !
Elle continue de verser son venin contre son mari et sa maitresse pendant encore quelques minutes, puis
lorsqu’elle en vient à ressasser les mêmes mots, je lui tends un mouchoir en papier, et profite qu’elle
essuie ses larmes pour prendre la parole.
- Qu’est-ce qui d’après vous a changé ?
- Je ne comprends pas, me dit-elle en reniflant.
- Il n’y a pas dix minutes, vous me disiez être responsable de son aventure, et
maintenant, vous me dîtes que le seul responsable de votre état, c’est lui… Alors, d’après
vous, qui est réellement le responsable de ce qui se passe dans votre foyer ?
- C’est évident que c’est lui, non ?
- Non…
Elle ne comprend pas où je veux en venir, et se passe une main sur le visage.
- C’est lui qui fricote, pas moi ! Et vous pensez que c’est ma faute ?
- Je n’ai pas dit cela.
- Vous dites quoi alors ?
- Si votre mari va voir une prostituée, c’est tout simplement parce qu’elle comble un
vide qu’il pense que vous n’êtes pas capable de remplir.
- Je ne vois pas en quoi il pourrait vouloir combler un vide, alors que jusqu’à ce que
je découvre qu’il me trompait, je ne rechignais pas à faire l’amour avec lui.
- Je sais que cela peut sembler difficile à concevoir, mais votre mari ne vous trompe
pas.
- Pardon !? s’écrit-elle.
- Si c’était le cas, il aurait trouvé une maitresse. Mais là en l’occurrence, il paye une
jeune femme ; ce qui sous-entend qu’il n’a pas l’intention de vous quitter, et qu’il y a de
fortes chances pour qu’il soit toujours amoureux de vous. Vous ne me dîtes pas tout,
Claudia…
- Je vous promets que je ne vous mens pas…
- Je sais, et c’est pourquoi je vais vous demander de réfléchir au moment précis où
vous avez eu des doutes sur son « infidélité ». Il a dû se passer quelque chose pendant
cette période.
Je la vois réfléchir, mais visiblement sans aucun résultat.
- Vous avez perdu quelqu’un ?
- Non.
- Quelque chose a changé dans votre routine quotidienne ?
- Hormis le fait qu’il rentre de plus en plus tard pour aller la retrouver ?
- Oui…
- Il… Enfin, nous nous sommes disputés.
- C’était la première fois ?
- Non, mais cette fois-là c’était plutôt intense.
- Quel en était l’objet ?
- Il voulait refaire tout l’intérieur de la maison, mais j’ai refusé.
- Pourquoi ?
- Parce qu’elle me plaît comme elle est.
- Il voulait faire les travaux lui-même ou engager du personnel qualifié ?
- La faire lui, ce qui m’a mise hors de moi. Pendant des mois, je lui avais demandé de
me faire des étagères dans la buanderie, et monsieur n’avait jamais le temps.
- Mais il a fini par les faire avant même de vous proposer de s’embarquer dans la
grande aventure ?
- Effectivement. Seulement, cet idiot est tombé de l’escabeau et a eu la jambe dans le
plâtre pendant cinq semaines.
- Tout s’explique…
- Ah bon ? demande-t-elle d’un air ahuri.
- Vous aviez raison en disant que votre mari faisait sa petite crise de la cinquantaine.
- Comment ça ?
- Je peux me tromper, mais je pense que lorsqu’il a eu son accident, il a dû prendre
conscience qu’il vieillissait, et le fait que vous ayez refusé qu’il fasse des travaux dans la
maison ne l’a malheureusement pas aidé.
- Donc d’après vous, je devrais le laisser faire ?
- Je pense que ce serait effectivement un bon début.
- J’ai peur qu’il se blesse, ou pire encore.
- Je vous comprends. Seulement, rien ne vous empêche de le surveiller en le secondant
par exemple ou en demandant à un ami, un voisin, de venir l’aider.
- C’est une idée. Je peux demander à mon fils. Je suis certaine qu’il en sera ravi.
- Parfait. Maintenant, n’oubliez pas que je peux aussi me tromper.
- J’en suis consciente, mais comme vous le dîtes vous-même, c’est déjà un début.
Merci Ambre.
- Vous me tenez au courant ?
- Bien sûr. On se voit demain soir de toute façon, n’est-ce pas ?
- Oui.
- De quoi allez-vous parler exactement ?
- De régime…
- Alors ça, ça va m’intéresser. Ma fille qui habite en Corse est une adepte de WW, et
j’avoue que je commence à en avoir un peu marre de la voir dépenser tout son argent en
produit de régime.
- Alors pensez à prendre des notes !
- Je n’y manquerai pas. Mais dîtes-moi…
- Oui ?
- Il n’y a vraiment plus de places disponibles ?
- Pas pour le moment, j’en ai bien peur. Mais je vais essayer de trouver une solution
assez rapidement.
- Merci. À demain soir ?
- À demain soir !
J’ai à peine le temps de ranger son dossier, que j’entends la porte d’entrée s’ouvrir, et pensant
que c’est quelqu’un qui s’est trompé d’endroit, le prochain rendez-vous n’étant pas avant une demi-heure,
je me dirige vers la salle d’attente. Quelle n’est pas ma surprise de découvrir CELUI que je commençais
à désespérer de revoir un jour !
Nick est là, vêtu d’un simple t-shirt blanc et d’un survêtement gris. Son sourire s’illumine en me
voyant, et lorsqu’il plante son regard dans le mien chaque cellule de mon corps réagit violemment au
désir qu’il me procure.

- Toi ?
- Bonjour, Ambre.
- Oh non pitié. Mais bon sang, qu’est-ce que tu fais là ? soufflé-je en prenant un air
désespéré.
- C’est comme ça que tu reçois tous tes clients ?
- TU N’ES PAS UN CLIENT !
- Ah, mais si, détrompe-toi. Bon alors, tu me fais visiter ?
- Il est hors de question que je te fasse visiter quoi que ce soit ! Allez ouste, du balai !
J’ai mon prochain client qui ne va pas tarder à arriver.
- Dans une demi-heure ?
Je lui lance un regard noir tout en me demandant comment il est au courant pour mon agenda.
- C’est vraiment charmant ici, me dit-il en prenant la direction de mon bureau.
- Je t’interdis d’aller plus loin sinon…
- Sinon ?
- J’appelle la police.
- Mais je t’en prie, ne te gêne surtout pas pour moi. Mes collègues seront ravis de faire
ta connaissance.
- On en a déjà parlé, et comme je te l’ai déjà signalé, tu ne me feras pas avaler tes
couleuvres.
Il entre à présent dans mon bureau, admire mes toiles, puis se dirige vers le petit couloir qui mène à la
remise ; ce qui me fait rougir en repensant à ce qu’il y a de posé sur les étagères.
Je suis très loin d’être timide, mais Nick a plutôt tendance à me ramener à ces fameuses années
où je passais le plus clair de mon temps à étudier, très peu intéressée par le sexe opposé, et surtout bien
trop novice en la matière.
Il se retourne vers moi en levant les sourcils. Je savais que je le reverrais, surtout après ma
petite scène théâtrale du mois dernier. Mais j’espérais que ce fusse autre part qu’ici même.
Oh, mais que voilà ! s’exclame-t-il le sourire élargit jusqu’aux oreilles en prenant un
godemichet. Ainsi donc, tu es réellement dans la prostitution.
- Je suis sexologue, et ce que tu tiens dans tes mains est un outil de travail.
- C’est bien ce que je disais…
- Enfin je veux dire… Oh et puis merde à la fin ! Tu m’embrouilles avec tes remarques
à la con.
Il repose l’objet, retourne au bureau, et s’allonge sur la banquette après avoir retiré ses chaussures. Je me
plante devant-lui en croisant les bras autour de ma taille, prends une profonde inspiration, et lui demande
énervée :
- Qu’attends-tu de moi à la fin ?
- Comme je te l’ai dit, je suis ton tout nouveau client.
- Qu’en sais-tu ?
- Parce que mon bureau se trouve juste en face du tien, et que de tout l’immeuble, tu es
la seule à t’y être installée.
Je prends un air surpris.
- Il n’y a personne dans les autres bureaux ?
- Sauf lorsque la concierge vient faire le ménage.
Je regarde par la fenêtre, et vois un immeuble de six étages, entièrement vitré.
- Tu travailles vraiment en face ?
- Oui.
- Quelle coïncidence, n’est-ce pas ? dis-je narquoisement.
- Eh bien, dans les faits, ce n’en est pas une…
- Comment ça ?
- Je suis le propriétaire des deux immeubles.
- Lesquels ?
- Le tien et celui d’en face.
- Je ne te crois pas.
- Pourquoi donc ?
- Parce que j’ai déjà rencontré mon propriétaire, et que tu es très loin de lui
ressembler.
- J’ai racheté l’immeuble il y a une semaine. Enfin Marc l’a acheté, mais cela revient
au même, n’est-ce pas ?
Je l’observe attentivement quelques secondes, espérant trouver un tout petit signe de mensonge en lui,
mais peine perdue. Il semble dire la vérité.
- Comment as-tu su que j’avais monté une agence ici même ?
- De la même manière que j’ai obtenu tes nom, prénom, et adresse.
- Ah oui c’est vrai j’oubliais, tu es flic.
- En réalité, plus maintenant, mais je l’ai été.
- Et que fais-tu alors dans la vie, si ce n’est harceler les jeunes filles qui te tiennent
tête ?
- Je dirige une agence de sécurité.
- Tu embauches des personnes pour faire le planton devant l’entrée des supermarchés ?
- Entre autres choses.
- Pourquoi me harcèles-tu ?
- Je ne te harcèle pas…
- Pourquoi alors avoir fait acheter l’immeuble dans lequel j’officie ?
- Parce que j’ai besoin d’appartements pour mon personnel. Et que cet immeuble est
très bien situé.
- Il n’y a que des bureaux ici.
- Il ne tient qu’à moi de faire des travaux…
- Plus sérieusement, que fais-tu ici ?
- Où ça ? Sur ta banquette ?
- D’après toi ?
- Je suis amoureux…
Mon cœur manque un battement à l’idée qu’il puisse avoir quelqu’un dans sa vie. Il est tellement beau,
avec sa chemine gris anthracite qui fait ressortir le bleu turquoise de ses yeux. Et puis surtout, cela
mettrait fin à ma petite expérience.
- C’est curieux, car j’étais persuadée que tu pouvais mettre toutes les femmes que tu
souhaitais dans ton lit.
- Hélas pas toutes… Il y en a une que je n’arrive pas à dompter, mais j’y arriverai… À
force de patience…
- Ah eh bien, celle-ci va sérieusement falloir penser à me la présenter.
- Pourquoi ?
- Parce que je pense que je vais pouvoir m’en faire une très grande alliée.
- Cela risque d’être difficile…
- Parce que ?
- Elle est devant moi !
Les battements de mon cœur reprennent un rythme normal et je me surprends à rougir malgré moi.
- Tu n’en as pas assez de te moquer de moi ?
- Mais je ne me moque pas, loin de là...
- Il te les faut vraiment toutes ?
- Non, juste une… dîne avec moi samedi soir…
- Non, et ma réponse est ferme et définitive.
- Tu me brises le cœur, mon ange.
- Va donc pleurer dans les jupons de ta mère.
- Je ne peux pas. En ce moment elle est en croisière avec mon père aux Caraïbes.
- Alors appelle une de tes conquêtes, et sois gentil, oublie-moi !
- Je ne peux toujours pas, je n’ai d’yeux que pour toi.
- Bonne journée Monsieur !
- Oh pardon, je manque à tous mes devoirs. Je me présente, Nikandry Belov. Mais
appelle-moi donc Nick.
- Tu es Russe ?
- Ya. Vy govorite ? (Oui. Tu le parles ?)
- Govoryu svobodno. (Je le parle couramment) Yeshshe ? (Autre chose ?)
- Primite moye priglasheniye na obed. (Accepte mon invitation à dîner)
- Ya ostavlyayu vas v pokoye posle togo, Kak ? (Me laisseras-tu tranquille, après ?)
- Yesli vy mûri. (Si tu es sage)
- Obeshchay mne ! (Promets-le-moi !)
- Ya zayedu za toboy do 20 h i gosta gotova. (Je passe te prendre à 20 h et un conseil
soit prête), car nous nous rendrons à un gala de charité, et j’ai horreur d’être en retard !
Il se lève, remet ses chaussures et file en direction de la sortie sans dire un mot de plus… Quant
à moi, je reprends une respiration normale, trop contente d’avoir enfin de ses nouvelles…

Chapitre 9. Surprise, surprise…

« La passion est une obsession positive. L’obsession est une passion négative » Paul Carvel.

En sortant du cabinet, je jette un regard sur ma montre Cartier, et me parie à moi-même qu’Ambre
ne mettra pas plus de dix minutes avant de venir me retrouver à son tour.
Le hall d’entrée de mon agence est impressionnant tant par son architecture que par sa taille, et
derrière le bureau d’accueil en marbre, mon matériau préféré, se trouvent deux jeunes réceptionnistes,
belles à couper le souffle. La première qui est aussi blonde aux yeux bleus me fait penser à une Nordique,
tandis que l’autre qui est brune aux yeux verts ressemble trait pour trait à Gina Lollobridgida. Et
lorsqu’elles m’aperçoivent, elles ne manquent pas comme à leur habitude de me faire les yeux doux ;
malheureusement pour elles, je ne mélange jamais travail et plaisir.
Je prends l’ascenseur qui mène jusqu’à mon bureau avec une clef spéciale, et ne résiste pas à
l’envie de regarder la petite effrontée de Marc à travers mon télescope.
« Dommage, pensé-je à voix basse, alors que je la découvre en compagnie d’une jeune femme rousse.
Elle ne viendra pas me retrouver aussi rapidement que je le pensais »
J’ai dit à Marc qu’elle m’attirait ; ce qui est vrai bien que j’aie encore beaucoup de mal à
comprendre pourquoi. Il est vrai qu’elle ne ressemble en rien à toutes ces femmes que j’ai connues
jusqu’à présent. Une chose est certaine, si je ne l’avais pas vu me souffler ma place devant le restaurant
japonais, jamais je ne lui aurais adressé la parole.
Au premier abord, elle m’a paru totalement insignifiante, mais à présent, je dois avouer que je la
trouve relativement impressionnante. En prenant connaissance de son curriculum vitae, je me suis tout
d’abord aperçu que tous mes a priori envers elle étaient faux. Non seulement, elle a fait de hautes études,
mais au-delà de cela, elle a pratiquement visité autant de pays que moi-même. Après des recherches plus
poussées, j’ai aussi appris qu’elle avait travaillé dans plusieurs domaines différents, allant de la simple
femme de ménage, à médecin psychiatrique pour une ONG. Cependant, je pense qu’elle cache un lourd
secret, et mon premier but est de découvrir lequel.
Je ne sais pas encore ce que ma petite enquête va bien pouvoir me révéler, mais une chose est
certaine ; lorsque j’aurai trouvé sa plus grande faiblesse, je saurais m’en servir à mon avantage. Ma
colère envers elle est depuis longtemps apaisée, mais mon instinct me dit qu’elle va m’en faire voir de
toutes les couleurs.
Lorsque je suis allé la retrouver dans son bureau, j’ai senti qu’elle n’était pas tout à fait sincère
envers moi. Comme si contrairement à ce qu’elle ne cessait de me dire, elle était très heureuse d’avoir
enfin de mes nouvelles. Je ne la pense pas amoureuse de moi, mais je sens qu’elle veut m’attirer dans ses
filets pour une raison bien précise.
Sur son bureau, il y avait un livre dont le titre m’a quelque peu interpellé. « Je sais que vous
mentez » de Paul Ekman. J’allume mon ordinateur, et recherche sur Amazon de quoi peut bien parler cet
ouvrage. Je ne suis pas surpris de découvrir que ce n’est pas un roman, mais un livre sur les micros
expressions. Je le commande à mon tour, pour comprendre exactement de quoi il retourne.
Étant dans la sécurité de haut niveau, j’ai souvent à faire des menteurs professionnels, et jusqu’à
présent, j’ai souvent réussi à les identifier, mais sans réellement m’intéresser sur ce qui pourrait m’aider
à tous les percer à jour. Certaines personnes sont plus douées que d’autres pour tromper leur prochain, et
je suis bien placé pour le savoir, m’étant moi-même fait avoir quelques fois, notamment par celle qui
occupe toutes mes pensées depuis bientôt quatre semaines. Rien qui n’ait réellement porté à conséquence,
cependant, si je pouvais réellement lire en elle comme dans un livre ouvert, cela me permettrait de
pouvoir la contrecarrer un peu plus souvent.
- Je parie que tu penses à ta petite effrontée ! s’exclame Marc en entrant dans mon
bureau.
- On ne peut rien te cacher !
- Alors tu as été la voir ?
- Oui.
- Et ?
- J’ai trouvé quelque chose de très intéressant posé sur son bureau.
- Ton portrait découpé en mille morceaux ?
- Très marrant ! Trêve de plaisanterie, tu as déjà entendu parler de Paul Ekman ?
- Comment crois-tu que j’arrive très facilement à savoir quand tu me mens ?
- Pas toujours fort heureusement.
- Tu en es certain ?
- Prouve-moi le contraire !
- Lorsque tu m’as dit la dernière fois qu’Ambre te plaisait énormément, j’ai su que tu
mentais.
Je prends un air surpris.
- Pardon ?
- La méthode employée par Paul Ekman est très bien développée dans ses livres. Nous
avons tous des micros expressions qui trahissent nos paroles lorsque nous mentons.
- Alors pourquoi ne m’en as-tu pas fait la remarque puisque tu savais que je te cachais
la vérité ?
- Parce que lorsque tu m’as confirmé ne pas vouloir la faire souffrir, j’ai su que là tu
me disais la vérité.
- …
- Si tu es vraiment intéressé par les livres de ce neuropsychiatre, j’ai toute sa
collection en version originale chez moi…
- Je viens d’acheter « Je sais que vous mentez » à l’instant ! Mais je veux bien que tu
me prêtes les autres.
- Je te les emmène demain. Tu as rempli les documents que je t’ai demandé ce matin ?
- Je m’y mets tout de suite.
- Je les veux pour ce soir !
- A vos ordres, mon général !
Une fois Marc partit, je me plonge dans mes papiers, jetant de temps en temps un œil dans mon
télescope. Puis arrivé 13 h, j’enfile ma tenue de sport et me met à courir sur mon tapis de course.
Je m’arrête au bout d’une demi-heure, en apercevant Ambre dans le hall d’entrée travers mon
écran d’ordinateur. Connaissant mes deux réceptionnistes, j’appelle la blondinette et lui demande de faire
monter la personne avec qui elle discute sans lui demander sa pièce d’identité.
- Tu en as mis du temps ! m’exclamé-je en l’invitant à s’asseoir sur le canapé en
velours couleur grenat à peine entrée.
- Pardon ?
- J’étais certain que tu allais venir plus tôt. Alors dis-moi, je t’offre un verre ?
- Je te remercie, mais je ne vais pas rester très longtemps.
Elle se dirige vers l’immense bibliothèque placée à droite du bureau, et prend le temps de s’arrêter
quelques secondes devant chaque livre. Il y a de la PNL, des carnets de voyage, très peu de romans, la
collection tout entière de Boris Cyrulnik, mon auteur de psychologie préféré, et bien d’autres livres dans
le même style.
Je me rapproche d’elle, et son parfum fleuri commence à réellement me troubler.
- Tu peux m’en emprunter quelques-uns si tu le souhaites, murmuré-je d’une voix si
profonde à son oreille que je la sens frémir.
- À voir…
Lorsque je me recule enfin de quelques centimètres, elle fait quelques pas sur le côté et se retrouve nez à
nez avec une aquarelle représentant un coucher de soleil orangé au-dessus de la mer.
- Je l’ai achetée au Japon il y a cinq de cela, expliqué-je.
- Tu étais où exactement ?
- À Nara, mentis-je.
- L’ancienne capitale du Japon.
- Exactement. Je crois savoir que tu y étais, toi aussi ?
Elle se retourne enfin vers moi, et lorsque nos regards se croisent, je pourrais presque entendre les
battements de mon cœur battre dans mes veines, tant elle éveille en moi un désir incommensurable.
- Comment sais-tu tout cela ?
- Je te rappelle que la sécurité est mon métier…
- Et tu t’es renseigné sur moi, car tu as eu peur que je sois un méchant loup-garou ?
J’émets un petit rire.
- Bien sûr que non, mais j’aime bien savoir à qui j’ai affaire avant de m’impliquer
personnellement plus en avant.
- Je ne t’ai rien demandé à ce que je sache…
- …
- Pour répondre à ta question, j’étais à Nara un an après toi, mais je suppose que tu le
sais déjà, n’est-ce pas ?
- L’on aurait pu se rencontrer là-bas.
- Ça, j’en doute.
- Pourquoi ?
- Parce que je ne pense pas que tu fréquentes beaucoup les quartiers pauvres.
- Que de préjugés dans cette si jolie bouche !
- …
- Tu permets que je me mette à mon aise ?
- Tu es chez toi.
Lorsque je retire mon t-shirt, mon torse musclé et à peine velu semble lui faire son petit effet. Elle pousse
un petit soupir, et se mord la lèvre inférieure.
- Le spectacle te plaît ?
- Effectivement. Je trouve que d’ici la vue est imprenable sur mon bureau, répond-elle
en se penchant sur mon télescope.
- Je ne me lasserai jamais de te regarder…
- Tu veux plutôt dire… m’espionner oui !
- …
- Tu prends souvent un bain dans ta piscine/terrasse ?
- Tu veux m’accompagner ?
- Pourquoi tant de sollicitude à mon égard ?
- Je te l’ai dit, tu me plais…
- Pour une heure, une nuit ?
Je me contente de sourire, puis sans que je m’y attende, elle pose une main sur mon épaule, s’approche de
mon oreille, et me demande d’une voix à peine perceptible :
- Monsieur serait-il joueur ?
Je sens tout mon être secoué de petites décharges électriques, mais réussis à reste le visage impassible.
- On ne peut rien te cacher… Aurais-tu par hasard une proposition à me faire ?
Elle me jauge de la tête aux pieds, et inversement, puis m’annonce tout naturellement :
- Dis-moi d’abord pourquoi tu me cours après.
- Je te l’ai dit… tu m’intrigues.
- Rien de plus ?
- Il y a aussi ce petit quelque chose en toi qui m’interpelles, et n’aimant pas rester sur
des incertitudes…
- As-tu des tabous ?
- Je ne m’en connais pas.
- En amour, es-tu plutôt du genre classique, ou plutôt dévergondé ?
- Classique, mais j’ai soif d’apprendre. Pourquoi ?
- Es-tu prêt à oublier tout ce que tu as pu connaître jusqu’à maintenant ?
Mon regard se fait de plus en plus intéressé et intense.
- Me proposes-tu une sorte de « 50 nuances de Grey inversé » où tu serais Anna et moi
Christian ?
- Qu’est-ce que 50 nuances de Grey ?
- Tu ne connais pas LE LIVRE ÉROTIQUE qui a affolé la gent féminine dans le monde
entier ?
- Je ne lis pas ce genre de chose… Au Japon, il y a un proverbe qui dit « On ne
raconte pas l’amour, on le fait ».
- Je n’en ai jamais entendu parler, pourtant ce n’est pas faute de m’être rendu là-bas à
plusieurs reprises.
- …
- Tu pratiques le sadomasochisme ? me risqué-je à demander.
- Je n’aime pas donner de noms préconçus au plaisir de la chair, quel qu’il soit. Le
sadomasochisme, tel que tu le connais fait référence au Marquis de Sade, bien connu pour
prendre son pied en faisant du mal à autrui, et à Léopold Von Sacher Masoch, écrivain lui
aussi, dont l’œuvre met en scène le plaisir de la soumission sexuelle, ni plus ni moins.
- Et comment le vois-tu ?
Elle frôle mes lèvres du bout de ses doigts, et mon envie d’elle grandit de seconde en seconde. Je ne suis
plus très certain de pouvoir rester insensible à ses charmes encore longtemps.
- Patience Nick, murmure-t-elle. Je vais te faire découvrir un monde fait de plaisirs et
de volupté, où tous tes sens seront mis en éveil.
- Quand commençons-nous ?
- Lorsque tu t’y attendras le moins… J’ai besoin de ton numéro de portable.
- Je te l’envoie par SMS.
- Très bien. On annule le dîner de samedi soir.
- Je ne peux pas. C’est une soirée qui me tient particulièrement à cœur, et je puis
t’assurer que tu vas toi aussi l’apprécier…
Elle me fait un baiser furtif sur le front, et repars sans se retourner…

Chapitre 10 : Séduis-moi…

« Un être humain est bien plus heureux et bien plus épanoui lorsqu’il se dévoue à une cause qui
dépasse sa propre personne et son autosatisfaction » Benjamin Spock.

18 h 50. J’envoie un SMS à Nick.

« 11/06/2012. 17 h 52.
Rendez-vous au bar “Le garage” dans une demi-heure. Et fais semblant de ne pas me connaître »

« 11/06/2012. 18 h 52.
OK »

Je ne doute pas, vu le physique qu’il a, qu’il ne mettra pas longtemps à se voir proposer de la
compagnie féminine. Et c’est à ce moment-là que j’entrerai en action avec plus de vingt minutes de retard.
Je ferme mon cabinet, jette un œil au sixième étage de l’immeuble en face de moi, et rentre chez
moi sans me presser.

Lorsque j’arrive au « Garage », il est près de 20 h. Il y a déjà du monde, et en entrant, je ne suis


nullement surprise de voir Nick en très charmante compagnie, un verre à la main. Il a revêtu un polo blanc
à rayures bleu foncé, un jean noir relativement serré, et des « Santiags » Il écoute d’un œil distrait la
magnifique blonde assise à ses côtés tout en me cherchant des yeux de plus en en plus régulièrement. Pour
ma part je prends plaisir à le regarder commencer à perdre patience.
Il prend son téléphone et m’envoie un texto :
« 11/06/2012. 19 h 53. Lundi.
Où es-tu ? »
« 11/06/2012. 19 h 53. Lundi.
Tout près de toi cow-boy, mais tu es tellement absorbé par la jolie jeune femme à ta droite, que tu
ne me vois pas. Par contre, fais attention, parce que je pense que le monsieur assis à ta gauche est déjà
très alcoolisé. Et je ne suis pas certaine que ton magnifique polo Lacoste reste propre encore très
longtemps »

Il fait un tour circulaire avec les yeux, fronce les sourcils, se lève de son tabouret et se dirige vers
la sortie. Il passe devant moi sans même me voir ; ce qui est normal, puisque j’ai fait en sorte de
m’habiller et me coiffer de sorte qu’il ne me reconnaisse pas.
J’ai attaché mes cheveux en queue de cheval, mis une casquette bleue où il est écrit « Stop » en
lettres blanches sur la visière, et accroché des lunettes à monture rouges sur mon nez.
Une fois dehors, il se fait apostropher par une autre jeune femme, brune cette fois-ci, mais
légèrement énervée, il l’envoie sur les roses. Elle recule, la mine défaite.

« 11/06/2012. 19 h 58. Lundi


Bon tu es où ? Je commence à perdre patience là »

« 11/06/2012. 19 h 58. Lundi.


Rejoins le parking »

« 11/06/2012. 19 h 59. Lundi.


Si je monte en voiture, je rentre »

« 11/06/2012. 19 h 50. Lundi


OK, bonne soirée alors ! »

Il accélère le pas, puis monte dans une superbe BMW cabriolet, noire. Alors qu’il met le moteur en
marche, je me place devant lui, et tends le pouce, comme si je faisais de l’auto-stop. Ne m’ayant pas
reconnue, il appuie sur la pédale d’accélérateur sans avancer. Sourire aux lèvres, loin d’avoir peur, je me
mets à danser de façon très érotique devant lui.
Il approche son visage du pare-brise, plisse les yeux, et se met à rire, tout en éteignant le moteur.
- Mais qu’est-ce que tu fais ? demande-t-il en ouvrant sa portière.
- Mets-moi de la musique, Maestro !
Le parking est désert, et je me trouve entre deux caravanes. Profitant qu’il y a très peu de malchance
pour que l’on me surprenne, je me décide à lui faire une danse endiablée. Je retire mes escarpins, et
plante mon regard brûlant d’excitation dans le sien.
Il recule son siège, ouvre la capote, et cherche quelque chose sur son portable. Il le branche sur son
autoradio, et reconnaissant la voix de Junowine qui chante à la perfection Pony, je me mets tout
doucement à onduler au rythme de la musique, tout en promenant les mains sur mon corps sans le lâcher
du regard.
Il n’en perd pas une miette, et passe sa langue sur ses lèvres lorsque je pose les mains sur mes pieds, et
les remonte en me caressant les jambes puis les cuisses très suavement. Je libère mon chemisier bleu
turquoise coincé au niveau de ma taille, et défais le premier bouton de ma mini-jupe blanche.
- Tu commences déjà à m’exciter, ma petite indomptable.
Je me retourne tout en continuant mon déhanché, et tends ma croupe en arrière.
- Oh bon sang, que c’est excitant tout ça, l’entends-je soupirer.
Je garde un œil sur le parking, au cas où quelqu’un aurait la mauvaise idée de passer par là tout en
caressant mes fesses bien rebondies.
- J’ai trop envie de me caresser…
Je m’approche de lui et lui chuchote à l’oreille :
- Qu’est-ce que tu attends ?
Il ne se fait pas prier, et déboutonne son jean. Je lui lance un petit regard timide en me pinçant les lèvres,
retire ma casquette, et fais pivoter la tête de droite à gauche et de gauche à droite, libérant ainsi mes longs
cheveux. Je me les recoiffe en me les caressant, puis commence à déboutonner mon chemisier assez bas,
le laissant entr’apercevoir la naissance de mes seins.
- Tu es magnifique, ma chérie, soupire-t-il.
Je ne vois pas son sexe, mais son bras fait des vas-et-viens de haut en bas, et inversement.
Je continue ma danse endiablée, puis passant les mains derrière mon dos, je dégrafe mon soutien-gorge et
le retire.
- Envoie-le-moi, que je puisse me délecter de ton odeur.
Pour toute réponse, je le mets entre mes dents et déboutonne un peu plus mon chemisier. Il peut à présent
voir ma poitrine se gonfler de désir lorsque je me caresse le bout des tétons, et son regard se fait brûlant,
ce qui me donne des frissons en tout le corps.
- Je ne vais plus pouvoir tenir longtemps à ce rythme-là…
Je fais un tour complet sur moi-même, n’oubliant pas au passage de regarder attentivement autour de moi,
puis remonte ma jupe jusqu’aux fesses, le laissant admirer mon porte-jarretelles accroché à mes bas
couleurs chair.
Je me mets dos à lui, pour qu’il puisse admirer ma croupe bien tendue alors que je retire les
attaches de mon porte-jarretelles.
J’ouvre sa portière, et d’une voix profonde et sensuelle, je lui murmure :
- Si tu réussis à enlever mon petit string avec les dents, il est à toi…
Il pose ses jambes sur le goudron, se penche en avant, et retire le petit bout de tissu, en le pinçant entre
ses lèvres.
Triomphant, il le prend dans les mains, et hume son parfum, tout en reprenant sa masturbation.
Pendant qu’il se termine en fermant les yeux, j’en profite pour m’éclipser sans bruit… Garée non loin de
lui, je peux l’entendre émettre un râle de plaisir ce qui me fait sourire…

- Ambre, mais quelle surprise ! J’étais à deux doigts d’appeler la police, pour qu’ils te
retrouvent, me dit Angie la mine boudeuse en m’ouvrant la porte de chez elle.
- Je sais, je suis désolée, mais comme tu peux t’en douter, j’ai été surbookée
dernièrement.
- Peut-être, mais cela nous sert à quoi de bosser dans la même agence si l’on ne peut
jamais se voir ?
- Tu me fais rentrer ou je plante la tente dans ton jardin ?
- Pardon ma puce. C’est que ta visite est tellement inattendue que… enfin bref. Je
t’offre quelque chose à boire ?
- Du frais si tu as. Il fait une chaleur infernale.
- Oh ça, je sais ! J’ai dû mettre la clim.
- Alors que racontes -tu de beau ? demandé-je en la suivant à la cuisine.
- C’est à moi que tu poses cette question ?
- Oui, alors raconte !
- Eh bien en résumé ; boulot toujours pareil, petit-ami toujours pareil et meilleure amie
invisible ! Et toi ?
- Eh bien, boulot, Nick, boulot et… boulot !
- Nick ? Tu as eu de ses nouvelles finalement ?
- Il est passé ce matin.
- Et merde ! Pourquoi j’ai choisi d’être coach en image, moi ?
Je fronce les sourcils ne comprenant pas où elle veut en venir.
- Le boulot ne te plaît plus ?
- Bien sûr que si ! Mais travaillant la plupart du temps dehors pour aller relooker nos
chères petites clientes, je n’arrive jamais au bureau avant 20 h
- Pourquoi travailles -tu aussi tard ?
- Parce que Jérôme termine aussi vers ces eaux-là, et qu’il vient me chercher à
l’agence dès qu’il est prêt. Tu le saurais si tu ne quittais pas le bureau à 19 h
- Peux-tu me rappeler à quelle heure tu commences le matin ?
- 10 h… ?
- C’est bien ce que je me disais… Je comprends mieux maintenant pourquoi l’on ne se
voit jamais, et tu oses me faire la morale.
- Hey, je n’y peux rien si mes clientes me donnent directement rendez-vous devant chez
le coiffeur.
- C’est sûr que c’est plus pratique pour vous toutes, non ? Bon, on va continuer encore
longtemps à s’envoyer sur les roses ou…
- Quand le revois-tu ?
- Qui ?
- Nick pardi. Qui d’autres ?
- Ce soir, il m’emmène à un gala de charité.
- Lequel ?
- Je ne sais pas. Tout ce qu’il m’a dit, c’est de porter ma plus jolie robe. Et comme je
n’ai rien à me mettre, il faut que j’aille faire du shopping.
- J’ai ce qu’il te faut !
Elle file dans sa chambre et en revient avec une robe longue simple, mais vraiment magnifique. Elle est
échancrée devant, dans le dos, ainsi que sur le côté droit. La matière est souple, et très douce au toucher.
- Je n’ai jamais pu la porter. Elle est toute neuve, mais elle ne me va pas. Je marche
dessus tellement est longue, et comme tu es plus grande que moi…
- Tu es certaine de vouloir me la prêter ?
- Je te l’offre. Je sais que je ne pourrai jamais la mettre.
- Eh bien, je ne sais plus quoi dire là, si ce n’est merci beaucoup.
- Essaye là avant de me remercier !
Je retire mon t-shirt et enfile la robe. Puis je retire mon jean, et la réajuste. Elle est pile à ma taille et à
voir le regard illuminé comme un sapin de Noël d’Angie, je comprends qu’elle me va à la perfection.
- Tu es superbe ma puce. Tiens, mets ça avec.
J’enroule l’étoffe noire qu’elle me donne autour de mon cou, et me rends dans sa chambre pour voir le
résultat. Il est vrai qu’elle met vraiment bien mes formes en valeur, et qu’elle fait très classe.
- Mets des escarpins noirs, un très léger maquillage et surtout fais un chignon, comme
tu sais si bien les faire avec deux mèches qui tombent sur le devant. S’il ne tombe pas
raide amoureux de toi ton Nick, c’est qu’il est homosexuel.
Je ris aux éclats devant la plaisanterie que vient de me sortir mon amie.
- Nick, homosexuel ! J’aurais tout entendu !
- Tu as rendez-vous à quelle heure ?
- Il passe me prendre à 19 h 30, mais en attendant, je dois retourner bosser. Allez je
file, et si tu veux, on peut dîner ensemble demain ?
- Ce serait super. Invite ton ami à la maison. Comme ça, on se fait une petite soirée à
quatre avec Jérôme.
- Ça marche, mais je ne te garantis rien. Bon, de toute façon on se voit à la réunion de
groupe à 18 h demain ?
- Je ne manquerai ça pour rien au monde !
- Alors à toute allure !

Chapitre 11 : Silence…

« Homme surpris est à moitié pris » Thomas Fuller

- Quelle classe ! s’exclame Ambre en me découvrant devant sa porte, vêtue d’un


simple short. Tu aurais au moins pu mettre un t-shirt.
Je lui fais un sourire renversant puis demande :
- Tu as envie de moi ?
- Non !
- Je peux me changer chez toi ?
- Mais je t’en prie, entre. Tu peux même prendre une douche si tu veux.
- Merci, c’est gentil.
Sa salle de bain est impressionnante tant en taille qu’en désordre. Il y a des vêtements dispersés un
peu partout, et un nombre prodigieux de magazines qui trônent un peu partout entre la baignoire et la
cuvette des toilettes. Je pose mon sac de sport sur le lavabo débordant de produits de beauté, prends
rapidement une douche, et revêts une chemise blanche et un pantalon noir en flanelle.
- Tu sais nouer les cravates ? demandé-je en la rejoignant au salon.
- Mmm mmm.
Lorsqu’elle s’approche de moi, son regard croise le mien, et je me fais violence pour ne pas la plaquer
contre le mur pour l’embrasser. Je ferme les yeux pour ne pas lui laisser entr’apercevoir mon trouble, et
lorsqu’elle a terminé avec mon nœud, je lui demande pourquoi elle porte une longue veste alors qu’il fait
un temps superbe.
- Parce que je veux que tu me découvres à la dernière minute.
- Tu me réserves le même genre de surprise que la dernière fois ?
- Tout vient à point à qui sait attendre…
- Ta coiffure te va à ravir, et je suis certain que quoi que tu me réserves, cela ne
manquera pas de m’éblouir.
- Lets go, my bodyguard !

En lançant « Lets go my bodiguard », elle ne pensait certainement pas si bien dire. En bas de chez
elle se trouve une limousine ainsi que Marc et Greg qui se sont proposé d’être nos gardes du corps pour
la soirée.
- Je te présente Marc et Stephan.
- Tu oublies que je les ai déjà vus… dit-elle en leur serrant la main à tous les deux.
Je les gratifie d’un petit sourire, puis monte en voiture.
- Ce sont nos gardes du corps pour la soirée, expliqué-je.
- Ils sont armés ?
- Oui, mais je te rassure, tu n’as rien à craindre.
- Alors je n’en suis pas aussi certaine que toi…
- Ils sont là pour nous protéger.
- Eh bien justement…
- Comment ça ?
- Les personnes ordinaires, comme moi en l’occurrence, n’ont pas besoin de gardes du
corps quand ils sortent de chez eux. Le fait d’en avoir, suggère qu’il peut y avoir danger,
je me trompe ?
- Ce n’est pas faux. Et je suis sincèrement désolé si cela te mat mal à l’aise.
- C’est inutile de t’excuser, le danger ne me fait pas peur…
- Vraiment pas ?
- On doit tous mourir un jour, non ?
Cette réflexion me laisse dubitatif. Je sais qu’elle s’est rendue en Afrique en tant qu’aide
humanitaire, et que quelque chose là-bas de grave lui est arrivé, bien que je ne sache pas encore
exactement quoi. Elle semble si forte et fragile à la fois que j’ai énormément de mal à la cerner.
- Il y a longtemps que vous exercez en tant que garde du corps, Marc ?
- Cinq ans, mademoiselle.
- Appelez-moi Ambre.
- …
Nous arrivons au Palais des Congrès, et il y a une multitude de journalistes derrière des barrières de
sécurité, qui photographient à tout va toutes les personnes qui ont le malheur d’assister à la réception.
Marc et Stephan descendent les premiers, et nous invitent à les suivre, après s’être assurés que
l’on ne courait aucun danger, Ambre et moi.
Elle hésite une seconde, et je devine au froncement de ses sourcils, qu’elle n’a aucune envie de se mettre
en avant.
- Je ne veux pas y aller, finit-elle par m’annoncer discrètement.
- Pourquoi ?
- Parce que je ne veux pas me retrouver demain matin dans tous les tabloïds où il sera
titré en gros : « Qui est cette inconnue dans les bras du célibataire le plus convoité de
l’hexagone ». Je suis désolée, mais je ne me sens pas prête pour cela. Vas-y, toi, je ne
t’en voudrais pas.
- Il est hors de question que j’y aille sans toi. Marc ?
- Monsieur ?
- Nous rentrons.
- Bien monsieur.
- Non ! C’est bon, je sors.
- Tu en es certaine ? Je ne veux pas t’imposer…
- C’est décidé.
Elle prend une profonde inspiration, se force à sourire, et descend de la limousine, aidée par Marc.
Elle avance tête baissée, et je commence à sérieusement regretter de l’avoir mise dans une telle
position. Nous suivons Marc et Stephan jusqu’au hall d’entrée, sans prendre le temps de nous arrêter
devant les photographes qui hurlent :
- Nick, Nick, un petit regard par ici ! S’il vous plait !
Ou encore :
- Mademoiselle, s’il vous plait !
Je les entends, mais n’y prête aucune attention. Je prends la main de mon invitée et sens qu’elle est
terrifiée, car elle ne peut m’empêcher d’enfoncer ses ongles dans ma chair. Je puis comprendre qu’elle
n’apprécie pas d’être ainsi mise en avant, mais de là à ce que cela lui fasse peur… Encore une énigme à
éclaircir. Décidément, je ne vais pas m’ennuyer avec elle ces prochains jours.
Aux vestiaires, le personnel court dans tous les sens pour prendre les vestes des invités. Toutes
les femmes sans exception portent une robe noire, ou de couleur sombre, ce qui me la met définitivement
mal à l’aise. Et lorsque c’est à son tour de retirer son cardigan, je comprends pourquoi. Elle baisse les
yeux en rougissant.
- Tu es vraiment…
- Oui je sais Nick, ridicule.
- Non, éblouissante.
- Au cas où tu ne l’aurais pas remarqué, ma robe est rouge.
- Et elle te va à merveille.
- Si tu le dis…
La salle de réception est immense et compte pas loin de 12 tables rondes, où se trouvent autour de
chacune 8 chaises. Sur le lustre en cristal plaqué or se dressant au-dessus de moi, réparti sur deux
niveaux, sont suspendus des bras ornés de guirlandes et pendentifs. Sa couronne faîtes de volutes couleur
or, et de gouttelettes en cristal sublime la pièce. Au fond de la salle se trouve une petite estrade, ou des
instruments de musique semblent attendre sagement que les musiciens viennent les solliciter.
Lorsque nous traversons la pièce pour rejoindre la table d’honneur en plein milieu de la salle,
j’ai conscience que beaucoup de personnes nous jaugent de la tête aux pieds. Je fixe le rideau ocre se
trouvant devant moi, guidant ma cavalière en lui reprenant fermement la main.
Elle se retrouve assise entre un homme d’une cinquantaine d’années, chauve comme une souris,
aux joues aussi écarlates que ma robe, mais au visage sympathique et moi. Lui non plus ne semble pas
être très à son aise.
En face de moi, je croise le regard de mon ex à peine plus âgée qu’Ambre, et qui prend un malin
plaisir à dévisager ma partenaire d’un air très peu appréciable. Je lui lance un regard noir, ce qui la fait
sourire.
Les conversations vont bons trains, et comme à mon habitude, je fais l’objet de toutes les
attentions féminines. Je suis harcelé de questions de toute part, et j’ai bien peur qu’Ambre se sente
légèrement laissée pour compte, mais elle ne semble pas s’en plaindre. Alors qu’elle commence enfin un
peu à se détendre en discutant avec son voisin, Gina l’interpelle assez fort pour que tout le monde puisse
en profiter.
- Alors comme ça, vous êtes sexologue, d’après ce que j’ai entendu dire à votre sujet,
Ambre ?
Je ne suis pas réellement mécontent de la situation. Connaissant le tempérament de feu de mon ex et de ma
petite effrontée, je sens que la soirée va devenir beaucoup plus intéressante que je ne l’aurais imaginé.
- Disons que cela fait aussi partie de mes prérogatives…
- C’est incroyable !
- …
- Et cela consiste en quoi exactement ? À éduquer les jeunes filles vierges ?
- Je peux effectivement m’occuper aussi bien de parfaire l’éducation de jeunes filles
vierges, en leur apprenant par exemple que ce qu’elles peuvent regarder dans des films
érotiques ne reflète pas du tout la réalité, que de…
- Une partie de jambes en l’air est la même pour tout le monde, non ? la coupe-t-elle
en pouffant à présent de bon cœur.
- Si je comprends bien, pour vous, faire l’amour se résume à une fellation, un
cunnilingus, et une pénétration vaginale et anale, tout en pratiquant le Kamasutra de A à
Z?
J’ai l’impression de me retrouver devant un match de tennis à compter les sets.
Le rire de Gina se fige, mais elle ne semble pas pour autant décidée à en rester là.
- Je ne vois pas ce qu’il pourrait y avoir d’autre !
- Je comprends mieux pourquoi Nick vous a plaqué.
Et tiens, prends cela dans les gencives. Gina lui lance un de ces regards noirs, à faire trembler les murs,
mais pour mon plus grand plaisir ne s’avoue toujours pas vaincue.
- Je ne vois pas en quoi faire la Geisha dans un lit, peux sauver un couple.
- Contrairement à ce que vous pensez, une Geisha, plus souvent appelée Geiko, est
avant tout une artiste et une dame de compagnie, qui consacre sa vie à la pratique
artistique raffinée des arts traditionnels japonais pour des prestations d’accompagnement
et de divertissement pour une clientèle très aisée.
- Oui, en clair, une prostituée de luxe.
- Loin de là. Elle cultive le raffinement artistique dans divers domaines tels que
l’habillement en Kimono, la musique classique, la danse, les rapports sociaux, la
conversation, les jeux, etc. Et bien que l’institution multiséculaire de la Geisha
entretienne un rapport étroit et complexe avec le phénomène de la prostitution, comme
vous dîtes, entre idéalisation de leur rôle et de leurs activités et réalités historiques et
sociales, il est toutefois certain que l’octroi de faveurs sexuelles par la Geisha et son
client n’a jamais été entendu comme systématique et allant de soi.
- Et comment pouvez-vous être certaine de vos dires ?
- J’en ai moi-même été une pendant deux ans, et je vous défie de trouver un seul
homme au Japon qui m’aurait payée pour une quelconque faveur sexuelle. Autre chose ?
- …
- Bien ! Dans ce cas, pourriez-vous avoir la gentillesse de faire du pied un peu plus à
ma droite ? Nick en sera peut-être ravi, mais en ce qui me concerne, je ne trouve pas cela
très… attrayant.
L’humiliation est complète. Je pense que si Gina avait une mitraillette à la place des yeux,
l’enterrement d’Ambre serait proche. On pourrait entendre voler une mouche à notre table, ainsi que
celles à proximité.
De complètement ignorée en début de soirée, Ambre passe pour le centre d’intérêt et si elle avait eu
son carnet de rendez-vous, nul doute qu’elle aurait fait carton plein.
Elle ose à peine me regarder, répondant aux diverses questions qu’on lui pose sur le rôle exact de sa
profession tout en dégustant un dîner digne d’un chef 4 étoiles avec au menu :
« Délice de langoustines au foie gras.
Rôti de chevreuil sauce au vin rouge accompagné d’une jardinière de légumes.
Salade
Plateau de fromages
Profiteroles au chocolat ou au café.
Café.
Vins rouges, rosés, ou blancs de très grands crûs »

Je suis tout de même sous le choc. Je ne m’attendais pas à ce que ma petite effrontée ait été Geisha,
et cela me laisse quelque peu dubitatif de l’apprendre. Si elle n’a pas menti, cela voudrait dire que les
deux fameuses années en Asie et notamment au Japon expliquerait ce qu’elle y faisait. J’ai bien du mal à
l’imaginer en Kimono, le visage coloré en blanc, assouvissant tous les désirs des hommes riches et
puissants de Tokyo. Bien que cela ne me dérangerait pas outre mesure. Après tout, si elle a dit vrai sur le
rôle que tenaient les Geishas, elle ne s’est jamais prostituée.
À la fin du repas, les musiciens prennent place, et je lui demande de m’accorder la première danse.
- Avec plaisir.
Nous sommes seuls sur la piste, et je n’ai d’yeux que pour elle. Il m’est très difficile de me
concentrer sur mes pas, car son parfum enivrant et mon imagination fertile commencent à réellement
m’émoustiller.
- Tu m’en veux ? finit-elle par me demander au bout de quelques minutes.
- Je ne me suis jamais senti aussi bien de toute ma vie, princesse.
Elle se pince les lèvres timidement, et c’est alors que je colle mon torse contre le sien et que nous
tournoyons, encore et encore, comme si nous étions seuls au monde…

- Tu es fatiguée ? m’enquis-je en la voyant bâiller dans la limousine.


- Un peu, mais je peux encore tenir quelques heures, pourquoi ?
- J’aimerais te faire découvrir quelque chose à mon tour.
- Je te suis.
Je demande à Marc de nous déposer devant mon agence, et lui donne congé.
- Tu veux m’embaucher ? questionne-t-elle alors que je coupe l’alarme de l’entrée.
- Et rendre toutes les personnes qui t’ont harcelée de questions toute la soirée,
malheureuses ?
- Pourquoi malheureuses ?
- Parce que quelque chose me dit que tu ne vas pas chômer ces prochaines semaines.
- Je n’ai malheureusement pour le moment aucune place de disponible.
- Ton agence fonctionne aussi bien que cela ?
- Tu n’as pas idée… Combien de temps es-tu resté avec elle ?
- Qui ? Gina ?
- Oui !
- Qui te dit que nous étions ensemble ?
- Son regard lorsqu’elle m’a vu avec toi dans un premier temps, et sa façon de me
déclarer la guerre.
- Tu m’émerveilles de jour en jour, tu le sais ça ?
Elle se contente de sourire timidement.
- Pourquoi cela a capoté entre vous ?
- Elle était jalouse, et avait un caractère de chien. Sans compter que sa conversation se
limitait aux potins et que j’ai fini par ne plus pouvoir supporter de, ne serait-ce que la
voir en peinture. Je ne savais pas qu’elle serait là ce soir. Sinon j’aurais demandé à
l’organisateur de nous mettre à une autre table.
- Il y en a beaucoup des Gina ?
- Comment ça ?
- J’essaye juste de savoir combien de fois je vais devoir encore sortir mes griffes.
- Tu auras la surprise !
- Merci du cadeau !
- Tu as déjà aimé quelqu’un ?
Ma question semble la surprendre, mais elle y répond par l’affirmative sans sourciller, ce qui me laisse
un goût amer sans comprendre pourquoi.
- Comment était-il ?
- Pourquoi tiens-tu à le savoir ?
- Réponds à ma question, s’il te plait.
- Beau, médecin, et vraiment très à l’écoute des autres.
- Comment cela s’est terminé ?
- Il est décédé d’une balle dans la poitrine.
- Je suis désolé. Où cela s’est-il passé ?
- En Afrique.
- D’où ton départ précipité de là-bas ?
- Effectivement…
Encore un mystère de résolu. Décidément à ce rythme-là, elle n’aura plus aucun secret pour moi avant la
fin de la soirée. Bien que je suis certain qu’elle ne me dit encore une fois pas toute la vérité.
- Et toi, tu as déjà aimé ?
- Non.
Ma réponse est ferme et définitive ce qui met fin à cette discussion.
- Tu as vraiment été Geisha ?
- Non, mais j’ai vécu avec l’une d’entre-elles qui m’a initié pour en devenir une.
- Et que s’est-il passé ?
- Elle a compris que je n’étais pas faite pour cela. J’étais bien trop… sauvage, selon
elle.
- Il va falloir que tu me la présentes.
- Un jour peut-être, si nous nous rendons au Japon ensemble. À propos de te présenter
quelqu’un…
- Oui ?
- Angie souhaiterait nous inviter à dîner demain soir, avec son ami.
- Avec plaisir, mais je ne pourrais pas être libre avant 21 h. J’ai une réunion
importante avec de grands pontes de l’industrie.
- OK.
- Allez viens, je vais te faire découvrir un secret jamais dévoilé !
- Waouh, j’ai hâte de le connaître !

Chapitre 12 : Embrasse-moi.

« Le premier baiser, c’est le lien qui relie l’obscurité du passé à l’éclat du futur » Henri-Frédéric
Hamiel.

Je me souviens de mes doutes, la première fois que j’ai passé les portes automatiques de sa société.
Et de ma gène lorsque j’ai compris que Nick était bien celui qu’il prétendait être. Il ne m’a pas été facile
de venir à son bureau, surtout après avoir compris qu’il dirigeait bien une agence de sécurité.
Nous traversons le hall, et Nick ouvre une petite porte où il est écrit dessus « Défense d’entrer ». La
pièce est petite et complètement vide. Il actionne un levier se trouvant sur la droite, et j’ai la surprise de
découvrir que la cloison s’ouvre entièrement.
- J’ai trouvé ce passage secret lorsque j’ai voulu casser le mur, m’explique-t-il. Il est
blindé, et une fois à l’intérieur, tu ne pourras plus m’échapper.
- Tu oserais me laisser enfermer toute seule dans une… Oh mon Dieu !
Le spectacle se dressant devant moi est à couper le souffle lorsqu’il allume le plafonnier. Nous nous
trouvons en face d’un immense escalier en fer, et tout en bas, à bien 50 mètres de profondeur, se situe une
immense salle avec des milliers de bouteilles.
Pour ne pas la salir, je retire ma robe, sous l’œil gourmand de mon guide, et tout en m’agrippant
à la rampe, descends les marches une par une, pas vraiment très rassurée.
- Tu es certaine qu’il est encore solide ce truc ?
- Tu pourrais sauter dessus, qu’il ne s’écroulerait pas.
- Je te fais confiance, mais toi arrête de reluquer mes fesses.
- Elles sont trop belles !
- Ah les hommes alors, il leur en faut peu !
Une fois en bas, je demande à Nick si je peux toucher.
- Quoi ? Mon corps ? Il est tout à toi !
- Non, les bouteilles !
Il émet un petit rire.
- Bon, je l’ai cette autorisation ou pas ?
- J’ai quoi en échange ?
- Le droit de me contempler !
- Je peux toucher ?
- Les bouteilles ? Assurément puisqu’elles t’appartiennent !
- Non tes jolies rondeurs…
Il se colle à moi et encercle ma taille de ses bras puissants. La chaleur de son corps contre le mien
éveille en moi des sentiments que je me refuse à admettre. Je ne dois pas tomber amoureuse de lui. Si je
baisse un peu trop ma garde, je risque de me dévoiler au-delà de ce que je suis en mesure de me
permettre. Si Nick venait à apprendre qui je suis réellement, je n’aurais plus qu’à repartir me réfugier
dans un monastère au Tibet. Là où je sais qu’il y a très peu de chance que l’on retrouve.
Je sais qu’il s’est renseigné sur moi, mais qu’il est encore très loin de découvrir qui je suis, et
surtout ce que j’ai fait de si monstrueux que n’importe quel autre humain doué de conscience ne
supporterait pas.
Seule une personne est au courant, et je sais que jamais elle ne me trahira. Le Dalaï-Lama est une
personne en qui j’ai toute confiance. C’est lui le premier qui m’a accueilli dans son monastère et qui m’a
fait comprendre que je pourrais très bien continuer de vivre avec un tel secret, mais à la condition que je
reprenne ma vie en main.
Fuir et se cacher toute une vie n’a jamais été une solution. Encore aujourd’hui je dois affronter mes
peurs, et mes incertitudes. Le Dalaï-Lama et moi avons parcouru un long chemin où même si toutes les
souffrances endurées et les larmes de mon corps n’ont pas suffi à me faire renaître de mes cendres, elles
ont cependant réussi à me faire prendre conscience que puisque revenir en arrière m’était impossible, je
devais apprendre à vivre avec mes démons. Tenter d’oublier n’a jamais été la solution. Tôt ou tard, la
vérité nous revient sans crier gare.
Je dégage quelques toiles d’araignées, attrape une bouteille de vin et retire la poussière en la frottant
avec la paume de ma main. Sur l’étiquette, le nom est en partie effacé, mais la date 1735 reste visible.
- Tu te rends compte du trésor que tu possèdes ?
- Oh que oui ! Un magnifique trésor même.
Visiblement, nous ne parlons pas de la même chose. Ses mains caressent à présent mes petites
brioches ce qui me fait rougir. Lorsqu’il se baisse pour me les embrasser, mon cœur s’accélère, et je
repose la bouteille de peur de la laisser tomber.
Je me retourne doucement, et il se retrouve face à mon petit string.
- J’aime le parfum suave que dégagent tes dessous féminins, chuchote-t-il en me
caressant le petit bout de tissu du bout des doigts, ce qui me fait frémir.
Il se relève, me prends par le menton, et tout doucement, frôle ses lèvres contre les miennes. Le
baiser que je redoute tant semble arriver plus vite que je ne l’aurais espéré.
Ma conscience me dit de reculer, mais mon être tout entier réclame cette divine caresse. Je baisse
les yeux, fuyant son regard pénétrant, et il me fait une multitude de baisers sur le front, les joues, le nez…
- Regarde-moi princesse.
J’obtempère en rougissant. Son souffle chaud sur mon visage me fait tressaillir. Il me caresse les cheveux
avec tant de douceur, que je peux sentir les battements de mon cœur s’accélérer dans mes veines.
Ses lèvres se rapprochent inexorablement des miennes, et il me les caresse du bout des doigts ; cette
caresse me rappelle la légèreté d’une plume que l’on promène lentement sur une peau satinée.
- J’ai tellement envie de toi, ma petite effrontée…
Il me mordille les lèvres, les humidifie en les parcourant avec sa langue humide, et lorsqu’enfin je les
entrouvre, il en profite pour s’y introduire avec passion. Nos langues se cherchent, s’entremêlent à perdre
haleine, et son baiser si sauvage et si chaud à la fois me font pousser un râle de plaisir. Je m’accroche à
lui emportée par l’ivresse de ce feu ardent qui me consume de l’intérieur.
Je perds complètement pied, oubliant où je suis, qui je suis, et je m’accroche à lui, enfonçant mes ongles
dans sa chair jusqu’au sang, comme si ma vie en dépendait…
Il se recule en douceur, et son regard exprime un trouble indéfinissable.
- Rhabille-toi ! m’annonce-t-il sèchement sans que je m’y attende. Je te ramène.
Nous rejoignons le parking de l’agence en silence, puis après m’avoir déposé chez moi, il accélère
brutalement sans même un regard posé sur moi…

Le doyen de l’université a accepté de nous prêter un ampli plus grand à condition que nos
réunions se fassent à partir de 20 h. Ce qu’Angie et moi-même avons bien sûr accepté.
Lorsque j’arrive, la salle est déjà pleine, et Angie qui est arrivé avec plus de vingt minutes
d’avance m’accoste avant que je n’aie le temps de poser mes affaires sur le bureau.
- Ah ça fait plaisir de te voir arriver à l’heure.
- Angie, je ne suis pas d’humeur…
- Nick t’a…
- S’il te plait, pas maintenant.
- OK. On dîne ensemble ?
- J’ai besoin d’être seule…
- Très bien.
J’ai passé la nuit à tourner et retourner dans mon lit, ne pouvant trouver le sommeil. Ce n’est pas la
façon dont a réagi Nick après notre baiser qui m’a troublée, comprenant parfaitement pourquoi il a agi
ainsi. Pour lui, comme pour moi par ailleurs, tout est parti sur des bases simples, bien que non dites.
Nous ne sommes pas un couple, mais un duo de joueurs où chacun est libre de mettre un terme à tout
moment. Il n’y a aucune promesse de faîte ni aucune attente à avoir concernant l’autre.
Seulement si notre raison nous interdit d’éprouver des sentiments l’un envers l’autre, il n’en
demeure pas moins que bien souvent le cœur se refuse à suivre toutes règles qui ne lui conviennent pas. Il
n’agit pas par intérêt, mais par émotion. Et malheureusement, les émotions ne se contrôlent pas. S’il est
vrai que l’on ne peut forcer quelqu’un à nous aimer, il est tout aussi vrai que l’on ne peut aller à
l’encontre de ses sentiments. Et je suis certaine que si Nick a réagi aussi brutalement c’est qu’il s’est
rendu compte qu’il m’appréciait déjà beaucoup plus qu’il ne se l’avouait.
Pour ma part, je n’ai pas le droit de l’aimer, si je veux continuer de pouvoir être en paix avec
moi-même. La situation serait différente si Nick n’était pas dans la sécurité, et surtout s’il n’était pas
avide de comprendre quel secret se cache en moi. Hier encore, j’espérais de toutes mes forces qu’il
n’essaye pas d’en savoir plus sur moi, mais ses questions incessantes ont finalement eu raison de mes
doutes.
- Bonsoir mes sublimes séductrices ! Vous allez bien ? crié-je en entrant dans l’amphi.
- Ouiiiiiiiiiiiiiiii ! clame en chœur mon auditoire.
- Eh bien tant mieux ! Parce que soir, comme écrit dans le programme, nous allons
parler de régime bien sûr, mais pas seulement. Alors je vais demander aux personnes
désireuses de perdre du poids de s’avancer vers moi dans la première rangée du HAUT !
Il y a 20 places, et 17 personnes qui descendent. Je les divise en deux groupes pendant qu’Angie place le
rétroprojecteur sur le grand tableau vers en ardoise accroché au mur, et allume mon ordinateur. J’ai
installé le logiciel qu’un ami a conçu pour moi, et je ne doute pas que ce soir, va être une prise de
conscience pour beaucoup d’entre elles.
- Alors mesdemoiselles, autant vous prévenir tout de suite, je ne vais pas être tendre
avec vous. Si quelqu’un a une objection avec cela, Angie la remboursera, et nous vous
souhaiterons une bonne continuation. Il faut savoir que j’aurai pu tout aussi bien intituler
cette réunion « Prise de conscience » plutôt que « régime ». J’ai téléchargé sur mon
ordinateur quelque chose qui va être pour la plupart d’entre vous une révélation ; mais
pour cela, il vous faut être prête à entendre les choses qui fâchent ! Alors… Qui souhaite
s’éclipser ?
Angie me fait les gros yeux, tout comme une majorité de mes apprenties séductrices, mais aucune d’entre
elles bougent le moindre orteil.
- Alors c’est parti ! Bonsoir Natacha.
- Bonsoir Ambre.
- Vous allez bien ?
- Oui, très bien et vous-même ?
- On fait aller ! Alors, dîtes-moi… Pourquoi voulez-vous perdre du poids ?
- Je me sens trop grosse.
J’éclate de rire, ce qui la met mal à l’aise. Lorsque je la regarde, je me demande bien d’où elle voit
qu’elle est trop grosse. Pour ma part, je la trouve mince, voire plutôt rachitique.
- Vous voyez ça ?
- Oui…
- C’est mon logiciel de vérité.
- C’est-à-dire ?
- Combien mesurez-vous ?
- 1 mètre 70.
- Et vous pesez ?
- 51 kilos.
- Et vous souhaitez perdre ?
- 5 à 6 kilos.
- À qui voulez-vous ressembler ?
- Mon rêve serait d’avoir le même corps que Laetitia Casta.
- Vous permettez que je vous prenne en photo ?
- Oui, bien sûr.
Je la photographie, branche la prise USB de mon téléphone portable sur l’ordinateur, écris les
informations qu’elle m’a communiquées, et le résultat sur grand écran ne se fait pas attendre. Un cri
d’horreur collectif se fait entendre dans l’amphi.
Natacha, qui ne s’attendait pas à se voir nue sur l’écran avec 5 kilos en moins arbore un air de dégoût.
Lorsque l’on insère une photo de plain-pied dans le logiciel, il calcule le poids que la personne souhaite
perdre, et celui qu’elle devrait prendre pour ressembler au corps de Laeticia Casta.
- Si je comprends bien la photo de droite, c’est moi aujourd’hui…
- Oui…
- Celle du milieu est celle me représentant avec 5 ou 6 kilos en moins ?
- Exact…
- Et la dernière ?
- C’est celle qui vous représente avec 8 kilos de plus. Si vous faites un régime pour
prendre du poids, et que vous vous souhaitez ressembler à une femme au corps sculptural
premier niveau, c’est 8 kilos qu’il faut prendre. Alors vous choisissez quelle photo ?
- La dernière ! Bon sang, je ne me voyais pas aussi maigre. Vous êtes certaine que
votre logiciel fonctionne ?
- Oh que oui ! Maintenant vous allez suivre Angie qui va vous faire signer un contrat
intitulé « Objectif ». Elle va vous remettre vos trois photos. Je vous conseille de les
accrocher sur le miroir de la salle de bain ; ainsi chaque matin, vous vous souviendrez
que si vous persistez à vouloir maigrir, vous finirez par ressembler à un squelette
ambulant.
- OK merci.
- Allez suivante !
Je fais passer toutes les filles minces, ou très minces l’une après l’autre, et seule l’une d’entre-elles ne
semblent pas convaincue pas ma petite démonstration. Aussi je lui demande de prendre rendez-vous avec
moi, dès la semaine prochaine.
- Vous ne réussirez pas à me dissuader, vous savez…
- On verra ça !
Je passe ensuite au second groupe. Ce sont celles dont la corpulence s’approche le plus de la mienne. Là
encore, certaines persistent à vouloir perdre du poids, mais sans excès. Je demande à celles qui veulent
finalement réfléchir à leurs intentions de se rasseoir, et demande aux autres de suivre mon associée afin
qu’elles établissent un programme de nutrition.
Puis enfin, je termine avec le dernier groupe. Et là, je sais qu’il va tout d’abord falloir les voir en
thérapie individuelle afin de trouver pourquoi elles mangent avec tant d’excès.
Je voulais leur apprendre quelques petites astuces concernant la drague, mais il est déjà tard, et je
me sens vidée. Chacune repart avec ses trois photos, et pour certaines un rendez-vous est pris pour la
semaine prochaine, mon agenda de cette semaine étant déjà complet.
- Ambre ? m’interpelle une jeune femme alors que je range mon ordinateur dans sa
housse.
- Oui Cathy ?
- Vous avez une minute ?
- Bien sûr.
- J’ai appris que vous recherchiez une personne pour coacher nos petites séductrices
en herbe en sport. Et je voulais vous laisser mon CV.
Je parcoure des yeux l’imprimé qu’elle me tend, et comprend qu’elle est exactement ce que je recherche.
- Vous êtes libre à partir de quand ?
- Hier ? me répond-elle en émettant un petit rire.
- 8 h demain matin à mon bureau !
- J’y serai ! Merci !
- Alors bonne soirée.
Cathy est une sportive dans l’âme et ça se voit. D’après ce que j’ai lu sur son dossier d’inscription,
elle n’est là que parce qu’elle est très timide avec les garçons, et qu’elle a dû mal à trouver celui qu’il lui
faut. Petite rousse d’un mètre soixante environ aux yeux noisette, elle ne s’habille jamais autrement qu’en
tenue de sport. t-shirt, jogging et basket. Elle est très jolie de visage, et possède un corps à faire pâlir
beaucoup de monde. C’est le genre de personne à attirer le regard, mais à s’enfuir dès qu’un homme ose
l’aborder. Cela n’est nullement gênant pour le travail que je me propose à lui offrir, mais à trente-deux
ans, il serait effectivement bien qu’elle commence à s’intéresser aux garçons.
- J’y vais, Angie.
- OK, bonne soirée.
- Tu peux être là demain matin à 8 h.
- Oui, pourquoi ?
- Je pense avoir trouvé notre coach sportif. Et je ne veux pas l’engager sans ton aval.
- Je te fais confiance, tu sais.
- Oui, mais nous sommes deux associées, et nous serons deux à faire tourner l’agence.
- Ça marche…
- Angie ?
- Mmm mmm ?
- Qu’est-ce qui ne va pas ?
- Tout va bien. Pourquoi me demandes-tu ça ?
Elle ment, et je sais qu’elle sait que je l’ai compris.
- Je ne partirai pas d’ici tant que tu ne m’auras pas dit ce qui ne va pas !
Elle émet un petit ricanement.
- Cela te va bien de dire ça !
- Angie…
Elle souffle un bon coup puis m’explique :
- Tu me manques… Je sais que cela peut paraître idiot, mais je pensais qu’en
m’associant avec toi, nous nous verrions plus souvent, et c’est de pire en pire. Nous
travaillons dans la même agence, mais lorsque j’arrive tu es déjà en rendez-vous, et
lorsque c’est moi qui reviens au bureau, tu es déjà partie. Et le dimanche, je suis
tellement crevée que j’ai la flemme de bouger.
- Tu me manques aussi ma puce, n’en doutes pas. Alors tu sais quoi ?
- Non dis-moi.
- Laisse-moi une semaine, et je te promets que nous trouverons une solution.
Elle me sourit de ses plus belles dents.
- Ça serait vraiment super !
- Alors à demain.
- Oui, à demain !

Chapitre 13 : Envie de toi…

« L’ignorance vaut mieux qu’un savoir affecté » Nicolas Boireau.

Lorsque le stand de tir de Lons s’est ouvert au public, j’ai été agacé pendant très longtemps de
constater que plus en plus de jeunes femmes inexpérimentées, mais de plus totalement inconscientes ne
s’y rendaient que parce qu’elles espéraient y rencontrer de beaux jeunes hommes en uniforme. Et cette
fois encore, alors qu’il est à peine 8 h 50, deux d’entre-elles sont devant le local, vêtues toutes les deux
d’un t-shirt très moulant, et d’une mini-jupe qui ne laisse aucun doute sur leurs intentions à se trémousser
devant trois de mes gardes du corps.
- Bon messieurs, on y va, ou vous comptez prendre racine ici ? dis-je sèchement en
poussant la porte d’entrée.
- Oh toi, tu n’es pas d’humeur ! s’écrit Marc en arrivant à son tour.
- Effectivement, alors évite de me chercher, veux-tu ?
- À vos ordres mon colonel !
Le club de tir comprend 25 postes cibles avec rameneurs, une cible avec électronique pour les
tireurs un peu plus expérimentés, 2 cibles pour la vitesse, et 5 postes pour le standard.
Je m’approche de la cible électronique, et moi qui d’habitude ne manque jamais de tirer mes huit balles
en plein cœur, je me retrouve à faire du n’importe quoi. Ce qui bien évidemment ne manque pas
d’échapper à mon personnel.
C’est simple, depuis ce matin, tout va de travers. Au lieu de mettre ma tenue de sport, j’ai enfilé un
t-shirt trop moulant et de surcroît trop petit, un jean noir de chez Gucci qui me rentre dans les fesses, et
des chaussures flambantes neuves qui me font un mal de chien. J’ai pris du poids ces derniers temps et à
la réflexion cela ne m’étonne pas, car j’ai un appétit de loup.
Je n’ai pas fermé l’œil de la nuit. Dès que j’avais le malheur d’essayer de trouver le sommeil, le
visage d’Ambre apparaissait et j’avais beau tenter par tous les moyens de penser à autre chose, rien ne
me détournait de ses lèvres, son corps, et surtout sa façon de m’embrasser. Même une douche glaciale n’a
pas réussi à calmer mes ardeurs, et c’est tout seul comme un con que j’ai terminé par me branler dans
mon lit.
Je n’arrive pas à penser à autre chose qu’à mon envie de lui faire l’amour. Je suis amoureux, il n’y
a pas d’autre explication à cela. Le fait de comprendre que je suis fou d’elle n’est pas ce qui me dérange.
Mais je sais qu’elle me cache quelque chose. Je le sens au plus profond de mon être. Et je devine que
c’est quelque chose dont elle a honte voire même peur que je découvre.
Même si je l’ai sentie aussi amoureuse que je le suis, elle a mis du temps à s’abandonner totalement
à mon baiser. Quelque chose la retient, et je suis conscient que tant qu’elle ne se délivrera pas de ce mal
qui la ronge, notre relation ne pourra pas évoluer.
Elle m’émerveille d’heure en heure. Apprendre qu’elle a suivi une formation de Geisha, m’a
quelque peu refroidie sur le moment. Car contrairement à ce qu’elle a avancé, plus des ¾ d’entre-elles
sont des prostituées. Elles se font soutenir par une personne riche et en échange, elles leur accordent des
faveurs sexuelles. Mais à bien y réfléchir, je ne pense pas qu’elle aurait dévoilé ce petit secret, si elle
pensait risquer quelque chose.
Je suis de plus en plus persuadé que si elle s’est ainsi confiée, c’est parce qu’elle garde espoir que
je n’essayerai pas d’en connaître davantage sur elle. Mais c’est peine perdue. Maintenant que je sais par
où commencer mon enquête, je suis bien déterminé à en venir à bout.
- Un sur huit ?
- Marc !
- Oui ?
- Qu’est-ce que tu ne comprends pas dans « Je ne suis pas d’humeur » ?
- Rien. Mais si tu veux en parler…
- Je suis amoureux.
- Tu en as mis du temps à le comprendre.
- Ah parce que tu le savais déjà ?
- Je l’ai deviné au même où tu as hurlé contre le jour où elle t’a humilié dans ton salon
après ton pari stupide.
- Alors tu me connais mieux que je ne me connais moi-même.
- Tomber amoureux rend généralement heureux… Mais toi, tu sembles très préoccupé.
Tu penses que tes parents ne l’accepteront pas ?
- Ça, c’est le cadet de mes soucis.
- Alors qu’est-ce qui ne va pas ?
- Elle me cache quelque chose et je n’arrive pas à trouver ce que c’est.
- Tu ne la connais que depuis très peu de temps, Nick. Laisse…
- Elle ne m’en parlera jamais d’elle-même. Son secret est bien trop lourd à porter.
- Puis-je savoir ce qui te fait dire cela ?
- Tout d’abord pour que les RG ne savent pas où elle se trouvait exactement en Asie
pendant plus d’un an et demi me conforte dans l’idée qu’elle se cachait ou fuyait quelque
chose, ce qui revient finalement au même. De plus, elle répond un peu trop facilement à
mes questions. C’est comme si elle voulait que je suive une piste, pour m’éloigner de
celle qu’elle désire éviter que je connaisse. Je n’ai peut-être jamais étudié les micro-
expressions, mais il n’en demeure pas moins que je sais quand quelqu’un me ment, ou
qu’il essaye de se défiler en trouvant une parade et c’est son cas. Mon instinct me hurle
de la fuir comme la peste, mais mon cœur s’y refuse.
- Et lequel des deux vas-tu écouter ?
- Mon cœur.
- Je suis impressionné…
- Pour la première fois de ma vie, je me sens heureux. Elle me subjugue. Marc…
Ambre est la femme de ma vie, j’en suis persuadé.
- Alors pourquoi vouloir à tout prix comprendre quelque chose qui pourrait
définitivement vous séparer ?
- Parce que j’en ai besoin. Sans cela, je ne pourrais jamais totalement lui faire
confiance. Et si je veux que notre relation fonctionne, il nous faut partir sur de bonnes
bases.
- Je te comprends.
- Un conseil à me donner ?
- Pose-lui la question avant d’envisager quoi que ce soit la concernant. Si ce que tu dis
est réel, et que tu venais à découvrir quelque chose de très laid la concernant, deux
possibilités s’offriraient à toi…
- Lesquelles ?
- La première est que tu l’acceptes, mais que tu ne lui en parles pas. Tu devras vivre
avec ce non-dit toute ta vie, et cela ne finira pas te bouffer. La seconde est que tu lui en
parles, et elle risque de t’en vouloir d’avoir fouillé dans son passé. L’un dans l’autre, tu
es mal barré. Sans compter qu’il est aussi tout à fait possible que tu n’acceptes pas ce que
tu découvriras. L’as-tu seulement pris en compte ?
- Oui ! Mais c’est un risque que je dois prendre.
- Tu veux que je m’occupe d’enquêter ?
- Promets-moi que tu ne me cacheras rien avant.
- Tu as ma parole.
- Alors tu as carte blanche.
- OK !
Je recharge mon arme, tire huit coups d’affilés sans manquer ma cible une seule fois.

Les semaines passent sans que je n’aie plus de nouvelles d’Ambre. J’ai laissé plusieurs
messages sur son répondeur, mais sans jamais obtenir de réponse. Je la regarde souvent travailler à
travers le télescope situé dans mon bureau et en viens à me demander si elle ne me ferait pas la tête, pour
l’avoir rabrouée après notre petite soirée romantique dans la cave de mon agence.
J’ai longtemps pensé que c’était parce qu’elle avait deviné que je ne m’arrêterais pas là dans
mes investigations, mais au final, je me suis dit que ce ne pouvait être possible, puisque je n’ai rien laissé
paraître. Marc, qui se trouve en ce moment même au Japon m’a dit n’avoir rien trouvé de particulier pour
le moment. Il m’a avoué ne pas se presser, car il reste persuadé qu’il vaudrait mieux pour tout le monde
que je me réconcilie avec Ambre et que je lui pose directement la question qui me préoccupe. Aussi c’est
à mes frais qu’il prend de superbes vacances avec son mari au pays du soleil levant.
Il n’a pas tort, et ce matin en me levant, je me suis enfin décidé à venir la rejoindre chez elle ce
soir, un bouquet de roses rouge à la main, pour excuser de mon comportement d’il y a trois semaines.
Je rentre chez moi plus tôt que d’habitude après avoir passé la journée à étudier le nouveau
contrat que j’ai bien l’intention de faire signer au gouvernement, revêt mon plus beau t-shirt moulant
laissant deviner un corps athlétique, enfile un pantalon en denim, et des chaussures de luxe sombres. Puis
sur le chemin qui me conduit chez ma petite effrontée, je passe chez le fleuriste, et me gare enfin devant le
portail de chez elle.
Elle a retiré la petite cabane ainsi que tous les animaux miniatures de sa pelouse, et les tulipes et
les roses d’il y a quelques semaines ont laissé place à de simples racines. Visiblement la mini tempête de
la semaine dernière a fait bien des ravages.
Je sonne une, puis deux, puis trois fois. Je sais qu’elle est rentrée puisque sa cox est là et qu’il y
a de la lumière. Je prends la décision de tambouriner sur la porte, et c’est alors qu’elle m’ouvre, les
cheveux en bataille, le maquillage défait, les yeux à moitié fermée.
Elle pousse un profond soupir d’exaspération en me voyant, et me demande d’un ton sec :
- Qu’est-ce que tu veux ?
- Bonsoir…
- Ouais… Bonsoir, et bonne soirée.
Elle tente de me claquer la porte au nez, mais je suis plus rapide qu’elle et la bloque avec le pied.
- Ce n’est pas gentil de m’accueillir de la sorte, lancé-je en faisant la moue.
- Je suis fatiguée, ça ne se voit pas ?
- Je t’ai manqué à ce point ?
- Si tel était le cas, j’aurais répondu à tes appels, non ?
- Je suis venu te faire mes excuses pour la soirée du gala.
- OK, souffle-t-elle, je les accepte. Maintenant, bonne soirée.
- Laisse-moi entrer Ambre… Regarde, je t’ai même apporté des fleurs.
Elle lève les yeux au ciel, puis finit par se pousser sur le côté. La ceinture de son peignoir s’est un peu
défaite, et je découvre une magnifique poitrine bien ferme. Ses tétons se sont durcis, et mon envie de la
goûter se fait plus pressante. Elle le remarque, rougie, et referme son peignoir blanc à fleurs rouges.
- Je t’écoute ! s’exclame-t-elle à présent les yeux bien ouverts.
- À quel propos ?
- Quelle est donc la raison de ta visite ?
- Tu me manquais.
- Je suis désolée pour toi, mais c’est loin d’être réciproque.
- Je sais que tu mens.
- Tout comme tu as compris que pour me détruire, tu devais enquêter sur moi ?
Sa question me laisse sur le carreau.
- Je te demande pardon ?
- Oh arrête Nick, ne fait pas l’innocent ! Tu as envoyé Marc pour se renseigner sur
moi. Tu pensais réellement que je ne l’apprendrais jamais ? J’ai encore assez d’amis là-
bas pour me tenir au courant de ce qui se passe !
- Je suis désolé.
- Mais bien sûr !
- Tu veux en parler ?
- De ?
- De ce qui nous empêche d’être heureux ensemble.
- Dois-je vraiment te rappeler que nous ne sommes pas ensemble, Nick ?
- Je ne le vois pas ainsi.
Pour toute réponse, je la renverse sur son canapé, et m’allonge sur elle en même temps, la forçant à me
regarder en tenant fermement son visage entre mes mains.
- Ose me dire en face que tu ne ressens rien pour moi.
- Je n’irais pas jusque-là, toutefois, avant de me laisser complètement aller dans une
relation qui tôt ou tard se terminera mal...
J’ouvre la bouche pour riposter, mais elle m’en empêche en posant un doigt sur ma bouche
- Je veux que nous établissions des règles.
- Lesquelles ?
- On ne se voit qu’une seule fois par semaine.
- Tu es dure en affaire, là.
- Je ne suis pas en état de t’offrir plus de temps. Comme tu peux le remarquer, je suis
crevée.
- J’en ai effectivement la preuve devant mes yeux. Pourquoi n’embauches-tu pas ?
- Parce que pour le moment, Angie et moi n’en avons pas les moyens. Nous avons déjà
engagé un coach sportif, et c’est le mieux que l’on peut faire.
- Je peux t’en prêter si tu veux…
- Merci, mais non merci.
- C’est idiot.
- Je ne veux rien te devoir, Nick.
- Prends ma proposition comme un investissement. Ce qui d’ailleurs est le cas.
- Taux d’intérêt ?
- 5 %.
- 2…
- 6.
- 1..
- Va pour 3.
- Marché conclu.
- De combien as-tu besoin ?
- Si je veux faire venir Maya d’Afrique, et être bien niveau trésorerie, je dirais dans
les 10 000 euros.
- Ça marche ! Tu auras ton chèque dès demain.
- Installe-toi confortablement, je reviens.
- Tu vas faire quoi ?
- C’est une surprise… Enfin… Tu aimes le thé ?
- Oui !
- Alors à tout de suite.
Elle file dans la salle de bain, pendant que je prends sa place en m’allongeant confortablement sur
son canapé. J’aime beaucoup la décoration de son salon. S’il y a bien quelque chose que je peux lui
reconnaître, c’est que rien n’est superflu chez elle. Sur la table basse en verre sont soigneusement empilés
quelques magazines de mode, et de psychologies lesquels sont recouverts de post-it, et en y regardant de
plus près, je découvre son journal intime. Il y a un petit cadenas dessus, mais il me suffirait de trouver
une petite épingle pour réussir à l’ouvrir sans difficulté. Je suis tenté de le cacher dans ma veste, mais je
sais qu’elle s’en apercevrait très rapidement et que cela mettrait fin à toute relation entre nous. Elle sait
déjà que Marc enquête sur elle, je ne vais pas en rajouter.
À côté de la cheminée se trouvent quelques bûches dans un petit panier en osier, ainsi qu’une boîte
d’allumettes, un petit tas de brindilles et de journaux mis en boule. Le feu est presque éteint, et je prends
la décision de remettre un peu de bois, même s’il est loin de faire froid dans la pièce.
Commençant à m’impatienter, je frappe à la porte de sa salle de bain.
- J’arrive dans une seconde ! s’écrit-elle, alors va te rasseoir.
Je m’exécute, et lorsqu’elle apparaît devant moi, j’en ai le souffle coupé. Elle a relevé ses cheveux en un
chignon impeccable, et porte un kimono de soie rouge cousue de fil d’or. Son front, ses joues, son nez et
son menton sont recouverts de blanc, et ses lèvres redessinées sont d’un rouge flamboyant.
La surprise est de taille ; vraiment je ne m’attendais pas ça. Je suis tellement subjugué par
l’émotion que j’en pleurerais presque. Elle me fait sa révérence et se met à genoux devant moi.
- Tu es… Vraiment… éblouissante.
- Arigatai (merci).
Elle me laisse l’admirer quelques secondes, puis se lève et file en cuisine à petits pas. J’entends la
bouilloire siffler au bout de quelques secondes, et elle revient avec un bateau à thé.
Elle se remet à genoux, écrase les feuilles de thé dans un petit pot en bois à l’aide d’une fourchette.
- Pourquoi les écrases -tu ? m’enquis-je le regard brûlant.
- C’est ce qui rend l’arôme plus fort, et bien plus délicieux.
Elle ajoute l’eau bouillante jusqu’à ras bord, puis laisse infuser une minute avant de transvaser le tout au
tamis dans une théière. Enfin pour terminer, elle verse le nectar suprême dans les deux tasses.
Je reste muet pendant toute la durée de la cérémonie du thé, savourant chaque geste qu’elle effectue sans
me quitter des yeux. Elle souffle dans ma tasse pour la refroidir quelques secondes, puis me la tend en
baissant la tête.
- Yakido shinai yo ni chui shite kudasai, mazuta (faites attention de ne pas vous brûler,
maître)
- …
Je suis bien trop troublé pour répondre quoi que ce soit, aussi, elle pose tout doucement sa main sur la
mienne.
Je prends une profonde inspiration et me mords les lèvres tout en tournant la tête de gauche à droite et de
droite à gauche afin de reprendre mes esprits.
- Tu te sens bien ? s’enquit-elle voyant que je ne parle toujours pas.
- Je suis… Bon sang…
Je passe une main dans les cheveux, nerveusement.
- Je ne trouve même pas les mots pour te dire ce que je ressens. Tu es… Jamais en
venant te faire une leçon de morale sur ton permis, je n’aurais imaginé que tu puisses être
aussi…
- Aussi…
- Il est inutile de parler. Tes yeux parlent pour toi.
- Merci… Je me demande quand même quelle surprise, tu peux bien encore me
réserver.
- Patience, patience…
- Dit d’une voix douce et sensuelle, mon indomptable petite tigresse.
Elle défait la ceinture de son kimono, puis chuchote d’une voix terriblement sensuelle ;
- Watachi wa anata no masuta ni zokushite imasu (Je vous appartiens maître).
Mes yeux s’agrandissent.
- Kanzen ni ? (Entièrement ?)
- Hai (Oui)
- Watachi ga suwatte kimasu (Viens t’asseoir près de moi), lui ordonné-je en déployant
le canapé.
Elle s’exécute en silence, totalement soumise.
En terminant de dénouer la ceinture de son kimono, lentement comme on effeuille un divin trésor, mon
regard se fait de plus en plus gourmand. Surtout lorsque je découvre qu’en dessous, elle est en bas et
porte un porte-jarretelles noir et petit string rouge.
- La surprise est de taille, ma petite coquine.
Elle me sourit tendrement.
- Allonge-toi tout en écartant les cuisses, que je puisse t’admirer.
Je m’allonge à mon tour sur un coude, puis l’observe de la tête aux pieds et inversement. Du bout des
doigts, j’effleure ses jambes, remonte le long de ses cuisses, survole son petit triangle, et fais des
mouvements circulaires autour de son nombril. Sa peau frissonne au contact de mes doigts.
- Ta peau est parfaite et tu sens délicieusement bon, princesse.
Elle se mord la lèvre inférieure, et me lance un regard langoureux, m’invitant à continuer mon
exploration.
Je pose à présent mes lèvres sur les siennes, joue avec elles en les aspirant, les mordillant, recule, lèche
la commissure de mes lèvres, puis lui prodigue des petits baisers sur le front, le nez, les joues, le menton,
et les tempes.
Sa respiration se fait plus intense, et elle ne peut réprimer plus longtemps un petit râle de plaisir lorsque
mon souffle chaud au creux de mon oreille la fait frissonner.
- J’ai envie de goûter chaque petite parcelle de ton corps, ma petite effrontée.
- Je vous appartiens sans restriction, Maître.
- J’aime lorsque tu t’offres à moi ainsi. Tu n’as aucun tabou ?
- Je n’aime pas avoir mal…
- Message reçu…
Ma langue chaude et humide dans mon cou, gonfle sa poitrine de désir. Je caresse délicatement le bout de
son téton droit, tout en donnant de petits coups de langue sur l’autre.
- Mmm… Ouiiii... souffle-t-elle.
Je descends lentement mes lèvres vers son ventre, remonte jusqu’à ses épaules, puis redescends… Je
caresse ses cheveux, et c’est alors j’attrape le bandeau de son Kimono et lui bande les yeux.
Mon imagination se fait plus fertile. Je continue mon exploration toujours du bout des lèvres, entre ses
cuisses, mais en faisant bien attention de ne pas toucher sa vulve. Son ventre papillonne, et son être tout
entier se couvre de petites décharges électriques.
Je la caresse ainsi longuement, faisant durer le plaisir.
- J’ai terriblement envie de goûter chaque grain de ta peau, ma petite diablesse.
- Je suis votre esclave, maitre…
Ses mots sortant de sa bouche étaient encore inespérés il y a à peine une heure. J’ai beaucoup de mal à ne
pas l’embrasser avec fougue, et me fais violence pour ne pas la prendre avec force.
J’écarte ses jambes, effleure de mes doigts habiles son sexe encore fermé, en l’effleurant tout doucement,
presque sans la toucher. Je passe et repasse le bout de ma langue sur sa vulve sans l’écarter, puis immisce
progressivement ma langue dans sa fente.
Elle agrippe le drap, et se laisse envahir par cette divine caresse.
- J’adore le goût de ton petit fruit défendu, ma petite effrontée.
Elle pousse un petit soupir de plaisir, et c’est à ce moment-là que je commence à lécher délicatement son
petit bouton, en lui donnant de petits coups de langue pointue. Je le fais rouler sur son axe de bas en haut
et de haut en bas.
- Niiiick… Oooooh… Ouiiiiii… Mmm…
J’intensifie les mouvements tout en pinçant puis le mordillant son petit trésor, et insère en même temps
deux doigts dans aa petite fente humide.
Je la sens prête à jouir. Sa respiration devient plus en plus irrégulière, ses doigts serrent le drap de plus
en plus fort, et elle est secouée de spasmes de plus en plus intenses. Enfin j’enfonce mon majeur
profondément en elle, appuie sur son Deep-spot, et tire légèrement mon doigt vers la sortie.
Elle se cambre, et jouie d’une telle intensité, que pour un peu elle en ferait presque trembler les murs.
Elle me supplie d’arrêter de la caresser, mais je ne l’écoute pas. Je continue encore et encore, pris de
frénésie, tenant fermement ses mains, puis lorsqu’elle se met à pleurer tout doucement, je la prends dans
mes bras, et la berce tout doucement, attendant patiemment qu’elle reprenne son souffle.
- Pourquoi n’as-tu pas arrêté, Nick ?
- Je voulais comprendre ce qui se passait après la jouissance.
- Tu procèdes ainsi à chaque fois ?
- Non. Contrairement à ce que tu peux imaginer, c’est la première fois de ma vie que je
fais réellement jouir une femme.
Elle se relève, m’observe quelques secondes, cherchant à savoir si je mens ou non, puis se blottit dans
mes bras.
- Tu veux dire que jusqu’à présent tu te contentais de pénétrer la personne avec qui tu
étais ?
- Je me faisais faire une fellation et une fois que je commençais à m’ennuyer, je
retournais ma partenaire, et la pénétrait jusqu’à ce que j’éjacule. Ce qui arrivait très
rapidement. Je ne suis donc pas certain d’avoir un jour réussi l’exploit avant ce soir,
d’avoir réellement mené une femme jusqu’à l’extase.
- Tu n’avais jamais fait de cunni avant moi ?
- Non. Je trouvais cela écœurant.
- Pourquoi l’as-tu fait avec moi alors ?
- Ce n’était au départ pas mon intention. Mais quelque chose en moi s’est débloqué,
et… enfin tu connais la suite…
- Pourquoi cela t’écœurait-il ?
- Ma première petite amie avait un sexe qui sentait très fort. Cela m’a complètement
refroidie. Je me souviens encore que la veille mon père m’avait surpris en train de
regarder un film hot sur une chaîne du câble, et la honte que j’avais éprouvée, même s’il
ne m’avait jamais fait de reproches.
- Tu voulais t’instruire ?
- Je n’avais que 14 ans à l’époque, et n’y connaissais rien en matière de sexe.
- Alors tu as inconsciemment ou non tenu pour responsable ta petite-amie sur le fait de
te faire surprendre par ton paternel surtout que comme tu le dis toi-même, l’odeur de sa
cyprine ne t’a pas aidé…
- C’est possible en effet.
- Tu l’as plaquée le lendemain même ?
- Non ! Le soir même, après me les être vidées en parlant poliment.
- No coment ! s’exclame-t-elle en riant. Tu veux dormir ici ?
- Proposé si gentiment je ne puis refuser.
- Alors je te propose de rejoindre ma chambre de ce pas.
- À vos ordres, maitresses !

Chapitre 14 : Amitié ou plus ?

« Le plus grand défi dans l’amitié, ce n’est pas de montrer nos défauts, c’est de lui montrer les siens »
Anonyme.

J’ai à peine le temps de remettre mon bureau en ordre que ma cliente de 10 h 15 arrive. Elle est un
peu en avance, mais cela ne me dérange pas, dans la mesure, où elle patiente sagement dans la salle
d’attente.
- Bonjour mademoiselle !
Son sourire est éclatant, et curieusement, je ne la sens pas timide pour trois sous, contrairement à ma
première impression. Ce qui est bien, car il n’y a rien de plus difficile que de mettre à l’aise quelqu’un
qui ne l’est pas. Pour certaines personnes, prendre rendez-vous avec un moi n’est déjà pas évident, faire
le déplacement encore moins, alors réussir à parler de choses intimes avec une parfaite inconnue, relève
parfois du parcours du combattant.
- Je vous offre quelque chose à boire, mademoiselle ?
- Je vous remercie, mais j’ai passé ma dernière heure dans le café d’à côté pour vous
attendre.
- Je suis désolée.
- C’est ma faute, pas la votre. Je me suis trompée dans l’horaire.
- Ça m’arrive aussi. Donc, si j’ai bien compris ce que vous m’avez dit la dernière fois,
vous recherchez à parfaire votre éducation en matière de sex-toys.
- Oui et non. En fait, ce que je souhaiterais savoir, c’est si vous vous y connaissiez en
bondage ? Et par pitié, ne me dites pas que je suis trop jeune pour ça...
- Il n’y a pas d’âge pour le pratiquer, tant que vous êtes majeure et consentante.
Cependant, je vais tout de même commencer par vous expliquer les avantages et les
inconvénients, si vous le permettez.
Son sourire s’élargit, et elle avance sa chaise tout près de mon bureau, croise les jambes, pose les coudes
sur la table et son menton sur ses mains.
Ses longs cheveux bruns tressés et ses bonnes joues de bébé lui donnent un air enfantin. C’est vrai qu’au
premier abord, elle est loin de paraître son âge. Mais en l’observant de plus près, les petites rides qu’elle
a sous les yeux trahissent quelque peu les quelques années qu’elle a de plus et qu’elle sait parfaitement
cacher avec un maquillage impeccable. De plus, elle ressemble à une écolière avec son petit chemisier
blanc à col, et sa petite jupe écossaise.
Ses yeux pétillent de malice, et je dois avouer qu’elle me rappelle moi à son âge, lorsque j’étais avide de
connaissances.
- Vous pouvez m’appeler par mon prénom, vous savez.
- Très bien Johanna, appelez-moi alors Ambre.
- OK !
- Il faut savoir que le bondage n’a pas toujours été une pratique sadomasochiste. Il
nous vient tout d’abord du Japon. Et c’était en réalité une technique de torture visant à
ligoter les prisonniers pour les faire parler.
- Ah oui quand même !
- Vous ne l’avez jamais pratiqué ?
- Non, mais mon ami et moi avons toujours rêvé d’essayer.
- Il y a longtemps que vous êtes ensemble ?
- Quatre ans. Et deux ans que je ne suis plus vierge. Nous allons emménager ensemble
d’ici le mois prochain.
- Toutes mes félicitations !
- Je vous remercie. Vous vendez des tenues en latex ?
- Non, mais vous savez, ce n’est pas indispensable pour le bondage. Vous pouvez très
bien être nue, ou en sous-vêtements. En réalité, le bondage consiste tout simplement à
encorder chaque partie du corps afin d’accroître le désir, et de sublimer le plaisir.
Lorsque vous serez plus expérimentée, vous pourrez rendre le bondage plus esthétique en
vous ligotant minutieusement, en vous inspirant des nœuds marins.
- Vous les connaissez ?
- Oui.
- Vous pourrez m’apprendre ?
- Seulement si vous êtes certaine que le bondage est une pratique qui vous plaît. Et il
faudra que votre ami soit présent.
- Pas de problème ! Je dois utiliser une corde spécifique ?
- Tout cordon peut faire l’affaire, même une corde à linge.
- Waouh ! Je n’y aurais jamais pensé.
- Mais vous pouvez aussi vous servir de menottes et autres accessoires.
- Vous en vendez ?
- Des menottes, oui. Mais avant de faire trop de frais, encore une fois, essayez cette
pratique avant, et voyez si elle vous convient à tous les deux.
- J’apprécie, surtout que je ne travaille pas en ce moment.
- Vous cherchez dans quoi ?
- Pour le moment, rien. Je viens tout juste d’obtenir mon diplôme de nutritionniste,
mais jusqu’à présent on ne m’a proposé que des postes d’assistante. Et travailler pour
gagner une misère, c’est gentil, mais non merci !
- Et si je vous proposais un poste au sein de l’agence ?
- Vous êtes sérieuse ?
- Malheureusement c’est un mi-temps.
- Je prends !
- Ne venez-vous pas de dire que pour gagner une misère, vous préfériez rester chez
vous ?
- Il y a une différence entre avoir un mi-temps avec une personne qui vous plaît, et un
boulot de remplacement avec une personne qui va se servir de moi comme secrétaire
pour classer ses papiers.
- Vendez-vous…
Elle hausse les sourcils, réfléchit un moment, puis me lance de but en blanc :
- Je refuse de me vendre. Je sais que cela va vous paraître prétentieux, mais je sais ce
que je vaux. Je suis sortie première de ma promotion, et je ne me suis pas donnée à fond
dans les études par simple caprice. Ma tante est elle-même nutritionniste, et j’ai su que
c’était le métier que je voulais faire dès lors qu’elle m’a autorisée à venir dans son
bureau si je lui promettais d’être sage. J’avais 8 ans.
- Pour quelqu’un qui ne voulait pas se vendre…
- Euuuh…
- Je vous prends à l’essai dès la semaine prochaine. À propos, j’apprécie…
- Quoi donc ?
- Que vous n’essayez pas à tout prix de me vendre quelque chose.
- C’est tout naturel. Je ne suis pas là pour soulager votre portefeuille, mais pour vous
aider.
- Je m’en suis rendu compte…
- N’oubliez pas tout de même que le bondage peut être dangereux, alors évitez le jeu
du foulard qui consiste à vous étrangler, et ne serrez jamais les liens afin que le sang qui
circule dans vos veines ne soit pas obstrué.
- Très bien.
- Qu’est-ce qui vous attire dans le bondage ?
- Le fait de dominer.
- Votre ami est d’accord pour que soyez la maîtresse et lui l’esclave.
- Au départ, c’était son idée, et j’avoue que je n’avais pas très envie de m’y coller.
Puis on a regardé des vidéos, et franchement j’en ai mouillé ma petite culotte.
Elle est très naturelle dans sa gestuelle et sa façon de parler. Je ne doute pas qu’elle fera une excellente
apprentie maîtresse ; ce qui me fait tout de même un peu peur de l’engager. Mais bon, qui vivra verra,
telle est ma devise !
- Que fait votre conjoint ?
- Il est directeur de banque.
- Il est plus vieux que vous, je me trompe ?
- Il a douze ans de plus que moi, mais je l’aime et c’est tout ce qui compte à mes yeux.
- Et vous avez bien raison. Il a déjà pratiqué le bondage ?
- Non, mais j’ai appris que c’était assez courant chez ceux qui avaient un poste à
responsabilités.
- Effectivement. Les hommes de pouvoir qui sont amenés à diriger ont parfois besoin
de se sentir dominer eux-mêmes pour avoir le sentiment d’exister. Cela n’a rien à voir
avec le fait que leurs parents étaient sévères, ou encore qu’ils aient vécu une enfance
malheureuse, et encore moins qu’ils aient une maladie mentale. Il a été prouvé que se
faire dominer afflux le sang dans le cortex, et que la plus grande majorité d’entre eux
étaient beaucoup mieux dans leur peau que les autres. Dans une certaine mesure, cela
s’apparente à faire du yoga.
- Impressionnant !
- Vous voulez un petit scénario pour commencer ?
- Je ne demande que ça !
J’émets un petit rire.
- Alors tout d’abord, mettez une musique douce, allumez des bougies, puis bandez les
yeux de votre ami.
- Mmm mmm
- Ensuite, dîtes-lui de s’allonger sur le lit, et attachez-lui les mains, avec un foulard.
Vous avez un lit à barreaux ?
- J’ai !
- Très bien. Tout doucement, vous allez commencer par le déshabiller, tout en
l’embrassant sur le front, le nez, les joues, le cou, sans oublier de lui mordiller le lobe de
l’oreille.
- J’adore !
- En premier lieu, tout doit être fait pour commencer à l’exciter.
- D’accord.
- Et lorsque vous sentirez qu’il commence par être véritablement excité, vous lui ferez
goûter ce que vous avez préparé avec amour.
- C’est-à-dire ?
- Une assiette avec des aliments qu’il apprécie beaucoup, coupés en petits morceaux,
et en petites quantités, mais aussi ceux qu’il déteste. Bien évidemment, faîtes attention à
ses allergies, s’il en a. Le but n’est pas de l’emmener aux urgences.
Elle rit de bon cœur, et son regard en dit long sur ce qu’elle pense de mon petit scénario.
- N’oubliez pas un petit piment piquant entre-deux, et bien sûr du pain de mie. Surtout
pas de liquide.
- OK.
- Je pense que rien que là, vous devriez déjà avoir un aperçu de si cela lui convient.
- J’imagine très bien la scène oui !
- S’il ne vous demande pas de vous détacher, passez aux choses plus sérieuses. Par
exemple avec une bougie de massage.
- Qu’est-ce que c’est ?
- C’est une bougie parfumée, que vous ferez brûler, et lorsque le parfum envoûtant aura
fait son petit effet, vous le masserez dans un premier temps avec de l’huile de massage,
tout en y ajoutant un peu de cire.
- Cela ne va pas le brûler ?
- Oui, mais très peu. Ce sont des bougies fabriquées à cet effet.
- Je vous adore ! Vous en avez des bougies de massage ?
- Oui.
- Je vais vous en prendre une.
- Très bien. Pour terminer, je vous offre ce petit fascicule qui vous donnera quelques
idées. Elles sont toutes sans danger, à partir du moment, où vous suivez bien les règles.
- Merci infiniment, Ambre. Je repasserai vous voir très bientôt.
- Avec plaisir, Johanna. À propos, je vous ai menti ?
Son regard s’obscurcit, mais sans méchanceté aucune.
- Vous n’avez aucun poste à me proposer, n’est-ce pas ?
- Si, mais à plein temps ! Allez à demain, pour la réunion hebdomadaire.
Je range le dossier de Johanna dans mes archives et appelle Nick pour lui confirmer notre rendez-vous de
samedi soir. Je n’étais pas très certaine de pouvoir accepter son invitation ne sachant pas si je souhaitais
réellement le revoir, et puis j’ai fini par me dire que je devais absolument arrêter de me prendre la tête
avec lui.
J’ai accepté de ne pas trop insister sur le fait que je désapprouvais qu’il ait envoyé Marc enquêter
sur moi, car je sais que de toute façon, il n’en fera qu’à sa tête. Pour le moment, je sais que son ami est à
Tokyo, et qu’il ne risque pas de trouver quoi que ce soit de plus intéressant sur moi qu’il ne sache déjà.
La seule personne au courant de mon escapade au Tibet se trouve être mon amie au Japon, celle-là même
qui m’a formée en tant que Geisha. Et j’ai toute confiance en elle. Elle me considère comme sa fille
adoptive, et je ne la vois pas me trahir même pour dix millions de dollars. Surtout sachant qu’elle-même
est très loin d’être pauvre. De plus, même si Marc venait à retrouver ma trace au pays des bouddhistes, je
doute fortement que le Dalaï-Lama confie quelques secrets que ce soit à un parfait inconnu. Il est bien
trop respectueux des traditions et des valeurs pour parler et trahir qui que ce soit, même ses pires
ennemis.

La matinée passe rapidement, et 12 h 45 passé, je vois Angie arriver à mon bureau, trempée de la
tête aux pieds.
- Tu es libre pour déjeuner ? me demande-t-elle en s’essuyant le visage avec la
serviette que je lui tends.
- J’étais justement en train d’y penser.
- Tu veux aller où ?
- Cela m’est complètement égal tant que tu ne choisis pas encore Sushis !
- Il y a « Le fruit des fondues » au quartier du château.
- Ah ça, je veux bien. Une bonne petite fondue bourguignonne ! Rien de tel que pour
me mettre de bonne humeur tout la journée. Allez, allons affronter la tempête pour régaler
notre petit ventrou.

La pluie de ce matin a enfin cessé, et nous prenons notre temps pour traverser la place Clémenceau.
Des jeunes font du skate sur les rampes et sautent au-dessus des marches tout en faisant attention aux
passants. Nous tournons en direction du cinéma, passons la petite chocolaterie, dont l’odeur m’attire plus
que de raison. Nous nous arrêtons devant les affiches du Mega CGR, et continuons notre chemin jusqu’au
quartier du château où est né Henri 4. La légende raconte qu’il a dormi dans une carapace de tortue alors
qu’il était tout bébé. Qui sait, c’est peut-être vrai…
Le quartier du château ne comporte pratiquement pas de boutiques, mais l’on trouve toutes sortes de
restaurants servant du poisson, des fruits de mer, d’excellentes entrecôtes, des pizzérias, ou encore des
crêperies, des bars à vins, et notre fameux restaurant de fondues.
La patronne, de taille moyenne, cheveux courts blonds aux yeux noisette, nous accueille avec le
sourire. Il n’y a pas grand monde à l’intérieur, et elle nous fait asseoir près de la cheminée (éteinte) dans
la plus petite salle du restaurant.
Sur les murs sont accrochées de splendides montagnes enneigées, et je dois avouer qu’il me tarde
que l’hiver arrive pour reprendre le ski. Cela fait des années que je ne l’ai pas pratiqué, mais je pense
que c’est comme le vélo : quand on a su en faire, ça ne s’oublie pas !
- Je vous sers un petit apéritif ? s’enquiert la patronne en retirant nos assiettes de la
table en bois pour les remplacer par des sets de table.
- Deux Mojitos s’il vous plaît.
- Tu veux me saouler Angie ?
- Oh ça va, ce n’est pas pour un verre que…
- Bon, allons-y pour deux Mojitos alors ! la coupé-je.
Le serveur, un grand brun aux yeux noirs, nous apporte les menus, et nous nous accordons toutes les deux
pour une fondue bourguignonne sans même prendre le temps de regarder la carte.
- Alors, comment trouves-tu Jérôme ?
- Il te rend heureuse, c’est le principal.
- Je suis amoureuse…
- C’est génial !
- Mouais…
- Quoi, mouais ?
- J’ai peur de le perdre…
- Pourquoi ?
- Je ne sais pas…
- C’est ton instinct qui…
- Non, il me dit que tout va très bien.
- Le comportement de Jérôme ?
- Non plus.
- Bon alors ?
- Je suis trop heureuse pour…
- Hey Angie ! Oh ! Tu ne vas pas me la jouer « Je ne suis pas certaine d’être à la
hauteur ! » quand même ?
- C’est la première fois que je me sens aussi bien avec un homme, alors tu
comprends…
- Oui très bien. Mais le meilleur moyen de le perdre est justement d’avoir peur qu’il te
quitte.
- Comment ça ?
- Inconsciemment, tu vas peu à peu changer de comportement, et tout faire pour que
votre couple ne fonctionne pas. Alors, vis ta relation comme si chaque jour était le
dernier de ton existence. Profite un maximum de chaque petite seconde passée avec lui, et
arrête de te prendre la tête.
- Je sais que tu as raison, mais…
Le serveur vient nous porter l’appareil à fondue, l’allume devant nous et nous dit de faire très attention,
car c’est déjà brûlant. Puis viennent ensuite la viande de bœuf coupée en morceaux et des pommes de
terre de taille moyenne avec quatre petits pots de sauce.
- Bon appétit mesdames.
- Merci, répondons-nous en chœur.
- Toi qui t’y connais bien en petits jeux érotiques, tu ne peux pas me donner quelques
petits trucs ? reprend mon amie.
- Tu as assez d’imagination pour les trouver toi-même.
- Ambre, me supplie-t-elle de sa petite voix, fais un effort…
- Très bien… Alors on va commencer tout doucement…
Ses yeux s’illuminent et elle se penche en avant, comme si elle voulait imprimer chaque mot sortant de ma
bouche.
- Tout d’abord, n’improvise pas. Il te faut tout calculer dans les moindres détails, mais
sans que Jérôme soit au courant.
- Ça d’accord.
- Connais-tu l’un de ses fantasmes ?
- Oui ! Il rêve de faire l’amour en prenant une auto-stoppeuse.
- Intéressant… Alors à la sortie de son travail, lorsque tu vois sa voiture arriver, tu te
mets au bord de la route, et tu tends le pouce.
- Et s’il ne me voit pas ?
- Et si, et si, et si… Oh Angie !
- Pardon… Je me tais.
- Bien entendu, tu ne tends le pouce que lorsque c’est lui qui arrive, et pas avant…
- J’avais compris… mais je mets ma voiture où ?
- Tu l’as gare n’importe où. Alors ce qui est important, c’est que tu mettes une jupe. Ce
sera plus facile pour vous de jouer avec.
- OK.
- Et que tu repères un endroit discret où terminer votre petit scénario.
- Tu penses vraiment à tout, merci !
- C’est quand même quelque part mon métier, ma puce.
- Oui je sais, mais je ne pensais pas que tu… comment dire…
- Lance-toi !
- Je ne pensais pas que trouver des scénarios coquins faisait partie de tes attributions.
- Le sexe n’a plus aucun secret pour moi, enfin presque…
- Où as-tu appris tout ça ?
- Au Japon principalement.
- Je les pensais très réservés.
- En Chine oui, mais pas au Japon. Ils sont bien plus libérés dans certaines régions que
nous en France. En fait, les sentiments de peur, de tristesse, de joie, etc. ne doivent jamais
être dévoilés, surtout en public. Et au Japon on ne dit pas l’amour, on le fait.
- C’est magique…
- Oui et non… Entendre Jérôme te dire « Je t’aime » te fait vibrer, non ?
- Oh que oui ! Je ne l’avais pas compris dans ce sens-là.
- Je m’en doute.
- Bon, donc j’ai repéré ce petit coin romantique où nous rendre, et ?
- Il est important que tu le vouvoies.
- D’accord…
- Puis, tu commences à jouer avec tes cheveux en les enroulant par exemple autour de
tes doigts…
- Mmm mmm
- Lorsqu’il change de vitesse, tu t’arranges pour frôler sa main, puis tu relèves un peu
ta jupe discrètement, défais quelques petits boutons de ton chemisier, soupires en disant
qu’il fait très chaud… Tu l’allumes un max, quoi !
- Ça, je sais faire ! Ensuite ?
- Je pense que le reste vous appartient.
- Oui, je pense aussi… Tu sais que…
- Oui ?
- Lorsque tu as commencé, j’avais quand même des doutes…
- Pourtant tu n’as pas hésité à me prêter de l’argent.
- Maintenant je peux bien te l’avouer… Je me foutais complètement de l’argent.
- Comment ça ?
- Je ne voulais pas te voir repartir.
- C’est trop mimi, ma choupette.
- Tu m’as tellement manqué pendant toutes ces années…
Elle se met à renifler, et une larme coule le long de ses joues.
- Promets-moi que tu ne repartiras plus…
- Je te le promets… Enfin plus jamais aussi longtemps. Tu avais raison de me dire
qu’il était temps pour moi de tourner la page « Rebelle » et de rentrer au bercail.
- Pourquoi as-tu décidé de ne pas rentrer en même temps que moi, il y a 11 ans ?
- Parce que j’avais besoin de voir du pays, et surtout de parfaire ma soif de
connaissance, avant de rentrer sans une certaine routine.
- Je comprends. Enfin, quoi qu’il en soit, je suis vraiment très heureuse d’être ton
associée !
- Et moi donc ! À propos, j’ai pris Johanna à l’essai en tant que nutritionniste.
- C’est laquelle déjà ?
- La petite brune qui paraît avoir 15 ans d’âge.
- Ah oui, je vois. Elle est adorable. Mais elle s’y connaît en nutrition ?
- Elle vient d’obtenir son diplôme et de plus, sa tante qui exerce ce métier lui a appris
quelques ficelles. On verra bien avec le temps.
- Je te fais confiance. Mais je pense qu’il serait bien de trouver une formatrice aussi,
histoire de te soulager un peu.
- J’avais pensé à prendre Maya, mon amie doctoresse.
- On a les moyens ?
- Nick m’a prêté 10 000 euros avec 3 % d’intérêt.
- C’est plus qu’honorable, ça.
- Tu peux le dire, oui.
- Tu es amoureuse ?
- Oui.
- Et lui ?
- Aussi.
- On va peut-être réaliser notre rêve de jeune fille finalement.
- Lequel ?
- Se marier le même jour, pardi !
- Oulà, attends, je n’y suis pas encore. Chaque chose en son temps. Pour en revenir à
Maya, je l’ai appelée ce matin, et elle nous rejoint au début du mois prochain.
- Combien vas-tu lui proposer ?
- Elle m’a dit accepter le SMIC horaire.
- Tu plaisantes ?
- Non, pourquoi ?
- Elle n’est pas psy ?
- Si, mais entre meilleures amies, on peut s’entraider.
Je la vois se renfrogner.
- C’est ta meilleure amie ?
- Oui.
- J’ai toujours pensé que c’était moi, murmure-t-elle comme pour elle-même les
larmes aux yeux.
- Tu es loin de l’être, Angie.
- Pardon ? s’écrit-elle en essuyant ses larmes rageusement à présent.
Les six clients de la salle se tournent vers nous, mais Angie n’y prête pas attention et continue dans sa
lancée.
- Comment oses-tu me balancer ça en pleine poire ?
- Angie, je…
- Non, mais je rêve ! Je suis quoi moi pour toi ?
- Écoute, je…
- Tu me donnes envie de vomir, Ambre ! s’exclame-t-elle en se levant. J’ai toujours été
présente pour toi, sans jamais rien te demander en retour. Je pensais que notre amitié était
sincère, mais visiblement je me suis lourdement trompée sur ton compte. Quand je pense
à tout ce que j’ai prié pour que tu reviennes en France saine et sauve, m’inquiétant pour
toi alors que tu ne me donnais plus de nouvelles pendant des mois. J’étais même prête à
parcourir le monde entier pour te retrouver, et toi pendant ce temps, tu… Oh et puis
merde ! Je me casse ! Garde ta putain de société, et ne viens plus…
- Je te considère comme la sœur que j’ai toujours rêvé d’avoir, Angie ! hurlé-je à mon
tour sous l’œil médusé des clients ressemblant étrangement à des gardes du corps. Pas
comme ma meilleure amie ! Et c’est d’ailleurs à cause de toi que je suis revenue. Sinon,
je serais encore au Tibet ! Alors, s’il te plaît rassis-toi et calme-toi. Merci ! Ah putain
c’est malin je pleure comme une madeleine maintenant, et j’ai un rendez-vous dans….
Je regarde ma montre et prends un air effaré.
- Moins de quatre minutes ! Je dois y aller… On reprend cette engueulade ce soir chez
moi à 19 h pour le dîner ?
- J’apporte les pizzas !
Le fou rire nous prend en même temps, et ce n’est qu’au bureau que je réussis à réellement reprendre mon
souffle.

Chapitre 15 : Le passé nous rattrape toujours…

« Ce que je veux, c’est me fuir moi-même » Luigi Pirandello.

- Nick ?
- Oui Greg ?
- Tu recherches toujours des infos sur Ambre ?
- Oui, et ?
- J’ai peut-être des nouvelles la concernant.
- Je suis tout ouïe, entre.
Mon chef de la sécurité s’assied face à moi, sur l’un des sièges en cuir du bureau, et me demande si je
suis au courant que son dernier petit séjour n’était pas en Afrique, mais au Tibet.
- Comment le sais-tu ? demandé-je sans cacher ma surprise.
- On est allé déjeuner au quartier du château, avec les gars à midi, et Ambre y était
avec son amie, Angie.
- OK, et ?
- Elles se sont prises le bec pour une histoire d’amitié toutes les deux, et…
- Prises le bec ?
- Ambre a eu le malheur de dire à sa pote qu’elle ne la considérait pas comme sa
meilleure amie, et l’autre a explosé de colère. Je suis certain qu’on l’entendait hurler
jusqu’au CGR.
- Ambre a vraiment balancé en pleine figure à Angie qu’elle ne représentait rien pour
elle ?
- Oui, mais si Angie l’avait laissée terminer, elle aurait eu le fin mot de l’histoire.
- Développe…
- Elle a finalement réussi en hurlant à son tour a lui dire qu’elle la considérait comme
la sœur qu’elle avait toujours rêvé d’avoir, et que c’était grâce à elle qu’elle était rentrée
du Tibet.
- Elle t’a vu ?
- Qui ? Ambre ?
- Oui.
- Non. J’étais contre le mur dos à elle, et j’ai évité de me retourner pour la regarder.
- Merci Greg.
- Mon info t’es utile ?
- Plus que tu ne l’imagines.
- À ton service.
Contrairement à ce que m’a fait croire Ambre, elle était au Tibet et non pas en Afrique. J’ai de moins
en moins de mal à comprendre pourquoi les RG l’ont pensée dans un petit village nommé Bagagi. Réussir
à duper à ce point des professionnels aussi aguerris, relève de l’exploit. Et les seuls à y arriver sont les
espions. Pourtant je ne pense pas qu’elle en soit une.
J’appelle Jean-Michel Hubert, le directeur de l’OMS, qui est l’un des plus grands amis de mon père, afin
de savoir s’il y a trace de son passage ces derniers mois en Afrique du Sud.
- Je ne connais aucune Ambre Killian, Nick. Tu es certain qu’elle a travaillé pour
nous ?
- C’est ce que je pensais, mais je me suis visiblement trompé.
- Elle était censée y faire quoi exactement ?
- Psychiatre.
- Psychiatre ?
- C’est ce qu’elle m’a dit.
- Et où ça ?
- À Bagagi.
- Ah, mais ça change tout ! Tu parles d’Ambre Soraya ? Oui, je la connais et très bien
même. D’ailleurs elle se trouve toujours là-bas, à ce que je sache. Enfin plus pour
longtemps, car elle vient juste de m’envoyer sa démission par mail.
- Elle s’y trouve toujours ?
- Effectivement. C’est une personne vraiment exceptionnelle tu sais, et je peux
t’assurer qu’on va réellement la regretter. Mais avec ce qu’elle a vécu là-bas, je
comprends tout à fait qu’elle veuille rentrer au pays.
- Tu as sa photo ?
- Pourquoi ?
- Je veux juste m’assurer que nous parlons bien de la même personne.
- Donne-moi une minute.
- OK.
Plus j’en apprends sur Ambre, et moins j’ai le sentiment de comprendre. Il doit y avoir une erreur, ce
n’est pas possible. Je ne vois pas comment elle pourrait être à deux endroits en même temps. Jean-Michel
m’envoie sa photo, et lorsque j’ouvre le fichier, j’en tombe presque à la renverse. Il n’y a aucun doute sur
l’identité de la jeune femme. C’est bien elle. Elle a bien dix ans de moins sur la photo, mais je la
reconnais facilement. J’ai compris son manège. C’est tout simplement un escroc qui reçoit un salaire de
l’OMS alors qu’elle n’y travaille plus depuis au moins deux ans.
- Tu l’as vue récemment ? demandé-je en jetant mon chewing-gum dans la poubelle.
- C’est inutile. Elle est dans un campement militaire, et le colonel Safran me fait son
rapport toutes les semaines.
- Pourquoi un rapport ?
- Elle était en liberté surveillée jusque mi-juin.
J’émets un petit rire.
- Elle a tué quelqu’un ou quoi ?
- Eh bien figure-toi que oui. Enfin pas tué, mais blessé par balle. Et elle a fait deux
victimes, dont une enfant de 13 ans.
- Tu me fais marcher ?
- J’ai bien peur que non.
- Que s’est-il passé exactement ?
- Elle devait épouser le docteur Pierre Bourlin, et d’après ce que j’ai compris, il a
annulé le mariage deux mois avant la cérémonie. Elle l’a très mal pris comme tu peux
l’imaginer, et elle lui a tiré dessus après lui avoir fait une scène de jalousie.
Malheureusement pour elle, il n’était pas seul. Et la balle qui a traversé le corps de
Bourlin est venue se loger à quelques centimètres du cœur de la petite Naïa. Elle ne doit
son salut qu’au Colonel Safran qui a proposé de la garder en liberté surveillée, comme
elle faisait de l’excellent travail.
Je tombe des nues. Ambre serait une meurtrière, jalouse à l’excès ? Non, c’est impossible. Je n’y crois
pas. Ou alors, elle a bien changé en quelques semaines. Tout s’embrouille dans ma tête, et j’ai vraiment
du mal à démêler le vrai du faux dans tout ce que me raconte Stéphane. Ce n’est pas que je ne le crois
pas, mais je sens qu’il y a autre chose.
- Pourquoi t’intéresses-tu tant à elle ?
- Je suis tombé sur un article de journal la concernant, mentis-je à la dernière seconde,
et il m’a semblé la connaître.
- Ce n’est pourtant pas le genre de femmes qui tu fréquentes habituellement, Nick !
s’esclaffe Jean-Michel. Tu sais, je n’ai jamais cru qu’elle avait pu commettre un tel acte.
D’après ce que m’en avait dit Sonia, sa collègue et très bonne amie, c’est elle qui avait
rompu avec son fiancé et non l’inverse. Je ne l’ai vue qu’une seule fois en 12 ans, mais je
peux t’assurer que j’ai été réellement surpris qu’elle puisse avoir commis un tel acte,
surtout pour des raisons qui me paraissent totalement inconcevables. Et c’est d’ailleurs
pourquoi j’ai accepté qu’elle continue de travailler pour nous plutôt que de la faire
rapatrier en France et qu’elle purge une peine de prison. Et puis, connaissant très bien le
Colonel Safran, qui a lourdement insisté pour la garder avec lui, je ne voyais aucune
raison de m’y opposer.
- Depuis quand est-elle en liberté surveillée ?
- 4 ans.
- Et elle n’a jamais quitté l’Afrique depuis ?
- Pour cela, il aurait fallu qu’elle s’enfuie, et je puis t’assurer qu’avec l’armée, c’est le
genre de chose avec laquelle on ne plaisante pas !
- Je veux bien te croire. Bon eh bien, je te remercie pour tous ces renseignements,
Stéphane : tu m’as été d’une grande utilité.
- Avec plaisir, Nick. Envoie le bonjour à ton père de ma part, et rappelle-lui qu’il me
doit une revanche au poker !
- Je n’y manquerai pas !
J’appelle Marc en suivant et lui demande de prendre le prochain avion pour l’Afrique. Il faut que je
sache exactement ce qui se passe là-bas. Pourquoi Ambre, qui est censée y être depuis plus de douze ans
sans interruption ne s’y trouve pas, et aussi pourquoi le Colonel Safran n’en a rien dit.
- On va de surprise en surprise avec la miss, me dit-il en riant de bon cœur.
D’espionne présumée, elle passe à escroc, puis à meurtrière. Tu es vraiment certain que
l’on parle de la même personne ?
- J’ai sa photo devant les yeux, Marc.
- Je te crois. Bon eh bien, allons-y pour l’Afrique !
- Tiens-moi au courant.
- Pas de soucis, je t’appelle dès que j’ai du nouveau.
- OK. Fais attention à toi quand même, le pays n’est pas très sûr.
- T’inquiètes. Allez à plus tard.
Je me sens complètement perdu. Il y a une heure encore, jamais je n’aurais imaginé que mon enquête
allait m’amener aussi loin. Je comprends mieux pourquoi Ambre a essayé de brouiller les pistes sur son
passé, qui d’après ce que j’en sais est loin de se faire oublier. Comme le dit si bien Marc, nous allons de
surprise en surprise avec elle.
J’ai beau essayer de me dire qu’elle est une voleuse, une meurtrière, mon instinct me dit que même si
je m’approche de la vérité, je suis loin de pouvoir imaginer tout ce que je vais réellement découvrir.
J’aurais pu dire à Stéphane tout ce que je savais sur elle, mais quelque chose m’a retenu.
Je me souviens du gala charité, où lorsque je lui avais demandé si elle était déjà tombée amoureuse,
elle m’avait répondu par l’affirmative, comme si cela n’avait finalement aucune importance. Je pense
qu’elle parlait de ce fameux fiancé sur lequel elle a tiré. Je ne sais pas exactement ce qui s’est passé entre
eux, mais une chose est certaine, elle ne s’en est pas prise à lui sans une excellente raison. Et je doute
fortement que cette raison soit la jalousie.
J’ai vu son indifférence lorsque je me suis amusé lors de notre dernier dîner au restaurant à faire des
yeux doux à toutes les femmes se trouvant à proximité, alors que je sais pertinemment qu’elle est
amoureuse de moi. Sinon, en apprenant que j’avais envoyé Marc enquêter sur elle, elle m’aurait claqué la
porte au nez. Or elle a fini par changer de sujet, et m’a même fait comprendre à demi-mot que quoi que
puisse trouver Marc, cela n’avait finalement plus d’importance. Je pense qu’elle en a tout simplement
marre de fuir, et qu’elle se sent prête à assumer son passé.
Je regarde l’heure, et une idée me traverse l’esprit. J’appelle, Nathan, un ami costumier, et lui
demande si je peux passer le voir. Lui seul peut m’aider à réussir ce que je m’apprête à faire
maintenant…
Il est bientôt 21 heures lorsque j’arrive à l’université de droit. Devant l’amphi 200, une bonne
cinquantaine de jeunes femmes attendent de pouvoir rentrer dans la salle. Je ne sais pas quelle est
exactement le contenu de la formation de ma petite effrontée, mais une chose est certaine toutes les filles
semblent l’adorer. Elles ne tarissent pas d’éloges sur elle et sur Angie.
Nathan est un professionnel du camouflage. Lorsque je lui ai demandé s’il pouvait faire de moi
une femme en deux heures, il s’est contenté de me sourire, et moins de deux minutes plus tard, je me
retrouvais sur sa table de massage, à me faire violence pour ne pas hurler de douleur alors qu’il m’épilait
les jambes.
- À la guerre, comme à la guerre, mon petit, m’avait-il lancé en tirant sur la cire.
- Dis plutôt que tu prends un malin plaisir à me torturer, oui !
- Tu ne crois pas si bien dire. Allez, on inspire un bon coup, on retient sa respiration et
on arrête de faire l’enfant. Le meilleur moyen de ressembler à une femme est de
commencer à prendre conscience de tout ce qu’elles endurent !
- Je ne vois vraiment pas en quoi cela est nécessaire. Je peux très bien m’habiller en
robe longue et…
Je n’ai pas eu le temps de terminer ma phrase, qu’il a tiré comme un forcené.
- Ici, c’est moi le patron ! Alors, ferme-la et assume !
Pendant tout le temps où il prenait un malin plaisir à me torturer, je me suis demandé pourquoi les femmes
acceptaient un tel supplice, alors qu’en deux temps, trois mouvements un coup de rasoir suffirait.
Vraiment cela me dépasse !
Quand il en a eu terminé, il m’a fait essayer plusieurs perruques jusqu’à trouver la bonne, puis
maquiller et habiller comme une vraie femme. Le résultat dépasse mon imagination. Je suis une
magnifique blonde aux yeux bleus, à la poitrine généreuse, et vêtue d’une robe noire m’arrivant jusqu’aux
genoux. Même moi, j’ai eu beaucoup de mal à me reconnaître en me regardant dans la glace.
Avant de me laisser partir, il m’avait rappelé qu’il vaudrait mieux pour moi éviter de parler.
Ce que je n’avais pas prévu, c’est qu’Angie vérifierait l’identité de toutes les personnes suivant
la formation. Une fois toutes les filles entrées, elle s’avance vers moi, et me demande si je fais partie du
groupe.
Je reste scotché quelque seconde ne sachant quoi répondre, puis prends le parti de lui dire la vérité.
- Je suis sincèrement désolée, mais je ne vois vraiment pas qui vous êtes. Et puis
sachez que la formation est réservée aux femmes. Nous sommes en train d’étudier…
Elle s’arrête subitement de parler, et fronce les sourcils. Elle approche son visage du mien d’un air
soupçonneux, puis comprenant que je ne suis pas loin d’être découvert, je lui demande en parlant à voix
très basse :
- Angie, tu ne te souviens vraiment pas de notre été passé ensemble en Inde ?
Elle fait mine de réfléchir, puis ses yeux s’illuminent.
- Nick Morgan ? Le petit boutonneux follement amoureux de moi, qui…
- N’en rajoute pas, tu veux. J’avais la varicelle.
Elle éclate de rire.
- C’est vrai, je m’en souviens maintenant. Cela fait tellement longtemps.
- Ambre, t’as dit que nous étions ensemble ?
- Ambre ? Parce que tu la connais ?
Je la regarde d’un air soupçonneux.
- Elle ne t’a vraiment pas parlé de moi ?
- Euh… non… Enfin… elle m’a dit sortir avec… Non, mais attends… Je commence à
comprendre là… Tu es son fameux petit-ami ? Oh purée, je n’avais pas fait la corrélation
entre le Nick de mon adolescence, et…
- Je te pardonne. Bon dis-moi, tu permets que j’entre incognito ?
- Pour quoi faire ?
- J’aimerais pouvoir comprendre en quoi consiste exactement son métier.
Elle prend un air gêné.
- Si elle apprend que tu es là, toi et moi risquons de passer un sale quart d’heure, tu
sais…
- Alors, ne lui dis rien. Je te promets que je me ferai discret.
- Très bien. Mais je te préviens, si elle le découvre, tu ne lui parles pas de moi.
- Promis !
- Attends que je vérifie quelque chose.
Elle sort son agenda, et s’exclame, le sourire aux lèvres :
- C’est vrai qu’elle va parler de réconciliation. Donc rien de très perso en somme.
OK, tu peux passer. Mais tu te mets au fond de la salle, et tu ne parles à PERSONNE !
- Tu as ma parole.
- Allez vas -y avant qu’elle n’arrive.
- Merci, je te revaudrai ça.
- Merci à toi de nous avoir prêté de l’argent. Grâce à toi, nous allons pouvoir nous
agrandir.
- C’était un plaisir. !
L’amphi est très bien éclairé, cependant, je réussis à trouver une place, sur le côté gauche, tout en
haut des escaliers manquant de me casser la figue à chaque pas. Les escarpins que m’a prêtés Nathan me
font un mal de chien. Et marcher avec, relève du parcours du combattant !
Ambre arrive quelques minutes après, et plus un mot ni un murmure ne se fait entendre. C’est
comme si d’un seul coup, je me retrouvais projeté dans un autre univers, où seul un petit bout de femme
d’un mètre soixante-cinq environ, était capable à elle seule, de par sa simple présence, d’hypnotiser une
bonne centaine de jeunes femmes.
- Bonsoir mes tigresses, crie-t-elle dans le micro qu’elle vient de prendre. Vous allez
bien ce soir ?
- Ouiiiiiiiiiiiiiiii, tonne en chœur son oratoire.
- Eh bien, vous avez bien de la chance. Parce que je moi je suis « iglootée ». Je suis
transie de froid depuis ce matin, et j’ai l’impression de me retrouver en Alaska.
Les rires fusent de toute part, et je ne peux moi-même m’empêcher de suivre le mouvement. Ambre est
vraiment exceptionnelle. Elle dégage une telle aura, que je suis très fier d’être son petit-ami.
- Quand je pense qu’hier encore, j’étais en petite robe d’été. Aujourd’hui je suis en col
roulé, et pantalon en velours. Si mon copain était là, il me fuirait à toute jambe !
Ah ? Ambre parle de moi ; intéressant…
- Bon c’est pas tout, mais, ce soir nous ne nous sommes pas réunies pour parler de la
pluie et du beau temps. Que toutes les tigresses célibataires se lèvent !
Une bonne moitié s’exécute, et Ambre les regarde en fronçant les sourcils.
- Vous pouvez vous rasseoir mes choupettes. Cependant j’ai une question… Êtes-vous
toutes des célibataires endurcies ?
- Non pourquoi ? demande une jolie rousse en riant.
- Alors vous êtes toutes aveugles… Faut-il que j’écrive mon programme en braille ?
Loin de s’offusquer, la jeune rouquine, suivie de quelques autres, s’esclaffent en hurlant :
- Noooooooooooooooon ! ce qui a tendance à me faire mal aux oreilles.
- Alors que faîtes-vous iciiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii ? crie à son tour ma petite
effrontée. Je vais parler de réconciliation, de récupération, de second souffle à une vie
commune… Ben alors mes chtites coquines ? Vous pensez déjà à vos futures disputes
avant d’AVOIR RENCONTRÉ LE GRAND AMOUR ??????????????
- Ce n’est pas ça, intervient une jeune fille tout excitée. C’est juste que l’on ne peut
plus se passer de toi !
Les autres applaudissent en se levant, et en faisant oui de la tête. J’ai devant les yeux un véritable show
télévisé américain. C’est incroyable et surtout extrêmement divertissant.
- Vous allez me faire rougir, mes tigresses. Bon, allez, c’est partiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii mon
kikiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii !
Tout le monde applaudit pour la énième fois, et se met à siffler, taper du pied si violemment que cela fait
trembler le sol, et Ambre attend patiemment que les filles se calment. Moi-même, j’avoue avoir bien du
mal à me contenir. La bonne humeur de ma petite effrontée est vraiment très communicative.
- Que vous ayez 1, 2, 5, 10, 15 voire même plus d’années de vie commune, vous n’êtes
jamais à l’abri de voir votre couple partir en vrille. Comme je vous l’ai répété à maintes
reprises, votre conjoint n’est pas votre possession. Vous ne l’avez pas acheté dans un
supermarché en allant faire vos courses. Tout comme vous ne pouvez pas l’empêcher
d’aller voir ailleurs ou de vous quitter. Mais, vous pouvez l’en dissuader. Comment ? Eh
bien la première chose à faire, est de vous rappeler comment vous l’avez séduit ? Qu’est-
ce qui lui a plu chez vous ? En discutant avec certaines d’entrevous, j’ai remarqué que
toutes celles qui comprenaient que leur couple battait de l’aile trouvaient toujours les
mêmes excuses. Nous n’avons plus les mêmes aspirations, ou bien nous ne nous
comprenons plus, ou encore, c’est la faute aux enfants… Lorsque j’entends ça, j’ai envie
de vous secouer comme des pruniers mes courgettes ! Oui, j’ai bien dit « mes
courgettes », car en me confiant ces conneries à deux balles, vous me faîtes penser à des
courges !
Je m’attends à ce que tout le monde l’insulte, mais pas un bruit ne se fait entendre. Je suis complètement
dérouté.
- Lorsque vous avez rencontré MONSIEUR avec un grand M, est-ce que vous
l’ignoriez ? Est-ce que vous vous habilliez de façon à faire fuir un ours ? Non, bien sûr
que non ! Sinon, vous ne l’auriez jamais pris dans vos filets ! Il est évident qu’avec des
enfants, surtout en bas âge, vous n’avez plus la possibilité de sortir en amoureux lorsque
vous le souhaitez. Cependant, pensez-vous réellement que ce soit cela qui fait que votre
duo vous échappe ? Bien sûr que non ! Monsieur ne vous regarde plus, car VOUS ne le
regardez plus. Lorsque vous allez au lit avec votre pyjama tue l’amour, éteignant la
lumière après vous être tous les deux couchés, et que vous retournez sur le côté après lui
avoir lancé avec désinvolture un « Bonne nuit » qui lui fait comprendre que le boogie-
woogie d’Eddy Mitchell n’aura pas lieu ce soir, même après avoir fait votre prière,
pensez-vous que vous ne lui donnez pas envie d’aller voir ailleurs ?
- En somme, tout est de notre faute ? questionne une jeune femme noire, en faisant la
moue.
- Je n’ai pas dit cela. Cependant, il est bien connu que la femme à un sixième sens bien
plus développé que l’homme. Et à ce titre, dans 90 % des cas, c’est vous les premières
qui prenez conscience que quelque chose ne va pas. Alors c’est à vous de faire le
premier pas. S’il vous trompe, ou si vous le trompez, ce n’est pas forcément parce que
vous ne vous aimez plus, mais dans bien des cas, c’est parce qu’il y a un manque dans
votre couple. Manque de communication, de sexe, de séduction. La routine, les enfants ne
sont qu’une excuse.
- Comment faire alors ? interroge une jeune femme visiblement concernée.
- Surprenez-le. Réservez-vous une soirée à deux. Si vous êtes capable de payer 300
euros pour une formation et d’y venir trois fois par semaine, c’est que vous avez les
moyens de faire garder les enfants par une nounou, si vous n’avez pas quelqu’un pour
vous les garder gratuitement, ou encore que vous pouvez prendre du temps pour sauver
votre couple. Si vous êtes là ce soir, alors que vous saviez que nous parlerions de
sauvetage, c’est bien parce que vous aimez toujours l’homme avec qui vous partagez
votre vie.
- Ce n’est pas faux…
- Hé non, Laurence, ce n’est pas faux. Alors pour commencer, je vais annuler notre
rendez-vous de samedi.
Beaucoup de regards se changent en déception.
- Je sais que nous avions prévu un repas entre filles pour fêter notre dernière semaine
ensemble, mais je vous rassure, elle n’est que partie remise. Voici ce que vous allez faire.
Dans un premier temps, pour celles qui sont mamans, vous allez vous débarrasser de vos
petits bouchons. Pour la soirée hein, pas pour toute une vie.
Un éclat de rire général se fait entendre.
- Puis vous allez préparer un excellent dîner. Évitez l’ail ! Ce n’est pas top pour le
baiser langoureux qui va suivre…
Des sifflements affluent de partout.
- Puis vous allez vous habiller sexy et lui sortir le grand jeu.
- Une petite idée à nous donner ?
- Sophie ! Nous venons de passer un mois entier à parler de petits scénarios coquins !
Sans compter que certains se trouvent sur le site !
- Je les ai déjà tous faits…
- Moi aussi ! s’écrie une « tigresse » à ma gauche, puis une autre deux rangs en
dessous du mien, et encore une, puis encore une.
Ambre prend un air étonné.
- Parmi toutes celles qui ont essayé les petits scénarios, combien d’entre vous pensent
que leur couple bat toujours de l’aile ?
Très peu de mains se lèvent.
- Et combien d’entre vous ne les ont pas essayés ?
Aucune visiblement.
- Cela veut dire que je suis en train de vous expliquer comment sauver votre couple,
alors qu’au final personne ne le voit lui échapper ?
Elles éclatent toutes de rire.
- Merci les filles, et bonne nuit !
Ambre fait mine de partir, et la réaction des filles ne se fait pas attendre. Elles sifflent, tapent des mains,
des pieds, et lui crient :
- Revieeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeens ! Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaambre !
Elle prend un air boudeur, s’assied sur son bureau, et observe la salle sans rien dire pendant quelques
secondes.
Je suis totalement subjugué par la petite séance d’une heure à laquelle je viens de participer. Ambre
reprend la parole et donne quelques idées de scénarios que je ne manque pas d’écouter avec la plus
grande attention.
Puis au moment de partir, lorsque tout le monde se lève pour s’éclipser, elle grimpe les marches en
courant, s’approche de moi, et me lance :
- Vous mademoiselle, vous restez-là !
Chapitre 16 : Tel un enfant pris la main dans le pot de confiture…

« Il n’est pas de plaisir plus doux que de surprendre un homme en lui donnant plus qu’il n’espère. »
Charles Baudelaire.

Encore une fois mon auditoire a été parfait en tous points. Je sais parfaitement que toutes les
filles n’ont pas réussi à séduire pour la seconde fois leur conjoint, malgré leurs efforts. Certaines vont se
séparer, d’autres vont venir avec leur mari, afin que j’essaye de voir s’il y a un espoir ou non de
reconquête. Mais, je suis tout de même assez satisfaite de moi, car elles sont finalement très peu dans ce
cas. Sur une trentaine de personnes qui voyaient leur couple partir en lambeaux, il n’en reste que quatre
que je n’ai pas réussi à sauver, et deux qui malgré les efforts de mes tigresses, n’ont pas réussi à raviver
la petite étincelle.
Ce soir était la dernière séance du mois, et j’espère que mes petits conseils vont réussir à aider mes
petites célibataires. Je sais que j’en reverrai quelques-unes, mais en séance individuelle. La formation de
groupe n’est là que pour les aider à se sentir mieux dans leur peau, ou encore pour leur donner des petits
tuyaux pour les aider à séduire. Mais c’est loin d’être suffisant. Et c’est pourquoi je réfléchis à
l’éventualité d’abandonner ces soirées de groupe pour ne me consacrer qu’à mon métier de psychiatre.
Angie resterait coach en image… en sport, et Nathalie en nutritionnisme.
Une personne m’a intriguée ce soir. Elle ne se levait pas, n’applaudissait pas, rirait très
rarement, et pendant toute l’heure de la formation, j’étais persuadée de ne jamais l’avoir vue. C’est
pourquoi je me suis dépêchée d’arriver vers elle, avant qu’elle ne s’éclipse.
Maintenant que je me trouve à côté d’elle, je dois avouer la trouver très étrange. Ma plus grande
peur était qu’elle soit journaliste, et qu’elle m’ait filmée ou photographiée à mon insu. Et ne tenant pas à
être en première page des journaux comme je l’ai été lors de la soirée de gala où Nick m’avait invitée,
j’étais bien décidée à lui arracher des mains tout ce qu’elle pouvait avoir comme appareil numérique.
Avec Nick, j’avais eu de la chance. Lorsque les paparazzis me photographiaient, je m’étais arrangée pour
que mon visage ne soit jamais sur un objectif. J’avais baissé les yeux jusqu’à arriver dans la salle de
restauration, et fait la même chose en sortant. De plus, j’avais demandé à mon cavalier de s’assurer qu’il
ne laisserait quiconque mettre mon portrait dans un journal ou magazine, quel qu’il soit. Et j’avais eu
beaucoup de chance, car mon vœu avait été exaucé.
La jeune femme sans âge à côté de moi fait tout pour cacher son visage à son tour, et mon instinct
me dit que ce n’est pas une journaliste.
- Vous savez, chuchoté-je comme si quelqu’un pouvait nous entendre, alors qu’il n’y a
plus qu’Angie et mes deux coachs dans la salle en bas, en train de ranger le matériel, si
vous n’avez pas les moyens de payer, ce n’est pas grave. Je peux tout de même vous
aider.
- …
Elle n’ose pas se retourner vers moi, et alors que je vais pour la rassurer encore plus, je croise le regard
d’Angie. Elle semble terriblement gênée. J’ai comme le sentiment qu’elle me cache quelque chose, car je
ne vois vraiment pas pourquoi, elle me regarderait ainsi si elle s’était tout simplement décidée à laisser
la jeune femme assister à la formation. Après tout, ma meilleure amie est aussi mon associée.
Et soudain en m’approchant au plus de la jeune fille, tout s’éclaircit.
- Nick ? Non, mais dis-moi que je suis en train de rêver là ?
- …
- Nick, avant de te déguiser la prochaine fois, prend une douche. Cela te permettra de
ne pas sentir le parfum !
- Oups…
- Qu’est-ce que tu fais là ?
Il se retourne vers moi, me fait les yeux doux en papillonnant des cils, et me fait son plus beau sourire.
- Tu me manquais…
- Mais bien sûr… Pourquoi m’espionnes-tu ?
Il prend un air outré.
- Oh arrête de me faire ce petit air innocent ! Tu n’es pas là par hasard et encore moins
vêtu comme une nénette en chaleur.
- Pardon !? s’exclame-t-il en se retournant enfin vers moi.
- Ah quand même tu oses me regarder ?
- Avoue que ma tenue te plaît…
J’inspire un bon coup, et lui pince les cuisses fortement.
- Aïe, mais arrête ça fait mal !
- Pauvre chochotte va… Bon alors… J’attends !
- Quoi donc ?
- Qu’est-ce que tu fais là ?
- Je m’intéresse à ce que tu fais, c’est un crime ?
- Avoue quand même que tu t’y prends d’une drôle de façon.
- Je plaide coupable. Bon, tu es libre à dîner ?
- J’ai déjà mangé une pizza avec Angie, merci quand même.
- Message reçu, je me casse.
- Pourquoi ?
- Je pensais que tu voulais rentrer te coucher…
- J’ai une autre idée en tête… Je suppose que tu as faim ?
- On ne peut rien te cacher.
- Allez, aide-nous à ramener le matériel dans la voiture et allons-y.
- Vos désirs sont des ordres princesse.

Aussitôt Nick arrivé, il file à la salle de bain pour se changer et en ressort démaquillé et habillé en
tenue de sport.
- Je me sens beaucoup mieux, m’annonce-t-il en se massant les pieds. Je ne
comprendrai jamais comment vous pouvez supporter des talons aiguilles toute une
journée, vous les filles.
- Question d’habitude, très chère, androgyne.
Il prend le plateau-repas froid que je lui ai préparé pendant qu’il prenait sa douche, et dévore sa salade
de chèvre au miel en deux temps trois mouvements.
- Tu sais que personne ne va te le prendre…
- Je sais, mais c’est tellement bon, et puis ta petite séance m’a mis en appétit. Je me
suis régalé ! Où as-tu appris tout ce que tu nous as enseigné ce soir ?
- Au Japon entre autres. Mais après tout est une question de bon sens. Si tu n’entretiens
pas la flamme qui brûle en toi, elle finira par s’éteindre.
- Nous ne sommes pas près de nous quitter alors…
Il y a une telle intensité dans ses yeux que je me sens littéralement fondre. J’ai envie de lui, de son corps
contre le mien, de ses caresses divines sur chaque grain de ma peau… Je pousse un petit soupir de
plaisir, qu’il ne manque pas de remarquer.
- À quoi penses-tu ?
- À mon envie de toi…
Il ne s’attendait visiblement pas à cette réplique, mais sa réaction ne se fait pas attendre. Son regard se
fait puissant, et je me mets à frissonner.
- Je suis à ton entière disposition, tu sais…
- J’ai envie d’essayer quelque chose de nouveau, mais je ne suis pas certaine que tu
apprécieras.
- Tu veux me fouetter jusqu’au sang ?
Je fais mine de réfléchir, prends un air satanique, puis finis par me lever tout en lui demandant de fermer
les yeux quelques minutes.
Il obtempère et je me rends dans la chambre, pour chercher un foulard de soie noire. En revenant, je me
place derrière lui, et lui bande les yeux.
- Cela devient plus qu’intéressant… susurre-t-il.
Je lui prends la main, et le guide jusqu’à mon lit en faisant attention qu’il ne se blesse pas. Puis je lui
ordonne de ne pas bouger.
- Oui maîtresse…
Je peine à ne pas rire. Je ne me suis jamais sentie à l’aise avec le sadomasochisme pur et je n’ai jamais
compris comment un homme pouvait devenir la soubrette d’une femme. En ce qui me concerne, ma moitié
doit être très mâle. Je ne me vois pas lui demander par exemple de se mettre à quatre pattes et de me
lécher les pieds. Bien que je ne me vois pas non plus le faire.
Par chance je n’ai aucune cliente dans le BDSM pur. Certaines souhaitent s’initier dans le bondage,
mais tout en restant soft. Si elles venaient à me demander de leur enseigner le SM pur et dur, je pense que
je les enverrai voir l’un de mes confrères. Je ne juge pas ceux qui apprécient de se faire fouetter, mais je
serai incapable de le faire moi-même.
Maintenant, il est vrai aussi que je ne rejette pas tout ce qui est BDSM, et ce que je m’apprête à faire
découvrir à mon partenaire de jeux sexuels, va nous emporter tous les deux vers un monde inconnu, où il
risque bien de ne jamais s’en remettre.
- Prêt pour la grande aventure, mon adorable petit débutant…
- Débutant en quoi ?
- En relations sexuelles…
- Ce n’est pas parce que je t’ai confié n’avoir jamais pensé qu’à moi lors de mes ébats
que je n’y connais rien en plaisir de la chair…
Cette petite mise au point me fait doucement rire, et Nick fait un petit rictus avec la bouche.
- Rassure-moi, lorsque tu dis ne pas aimer avoir mal ma petite effrontée, tu entends
aussi par-là que tu n’aimes pas faire mal à ton tour, n’est-ce pas ?
- Effectivement…
- Pourquoi ai-je donc l’impression que tu vas te servir de moi comme un cobaye ?
- Parce que c’est le cas… Allez détend-toi maintenant, et savoure chaque petite
seconde passée entre mes mains habiles.
J’allume mon poste CD et une douce musique envahit la pièce. Nick ne bouge pas. Il est allongé sur
le dos sur mon matelas, sa respiration est régulière, et il attend patiemment les bras le long du corps que
je vienne m’occuper de lui.
J’enfile une petite nuisette de soie noire, puis reviens vers lui en silence. Je prends une petite plume
posée à côté, sur ma table de nuit, et commence tout doucement à lui caresser le visage avec. Je la
promène sur son front, ses joues, remonte sur ses tempes, et lorsque je frôle ses lèvres avec, il me sourit
tendrement.
- Cela me chatouille, princesse.
- Je sais… Et c’est bien pour cela que ça m’amuse…
- Perverse !
- Tu ne crois pas si bien dire…
Il pousse un petit soupir, et je continue mon exploration tout en lui prodiguant de doux baisers en même
temps.
- Tu me fais énormément de bien, ma chérie. J’ai tellement envie de toi.
Pour étayer ses dires, il pose ses mains sur mes hanches, ce qui me fait sursauter.
- Je t’avais demandé de rester sage, petit soumis…
- Quand ça ?
- Tu oses me répondre ?
- Pardon maîtresse. Je ne recommencerai plus.
- Je ne te fais pas confiance… alors, je vais prendre les devants.
Je prends ses deux mains dans les miennes, les dirige au sommet de son crâne, puis avant qu’il ne puisse
réagir, je les lui menotte aux barreaux de mon lit.
- Dois-je avoir peur ? demande-t-il toujours le sourire aux lèvres, nullement inquiet.
- Tout dépend si tu vas ou non recommencer à jouer l’impertinent.
- Je ne pense pas avoir d’autres choix que de me soumettre à ta volonté, mon cœur.
Je m’approche de son oreille et lui dit en chuchotant :
- Il existe bien des façons de se rebeller, mon cœur…
- Certes, mais je ne suis point de taille à me battre maintenant que tu m’as attaché.
Pour toute réponse, je tire sur ses deux poignets pour le libérer, lui prouvant ainsi qu’il est libre.
À tâtons, il attrape la paire de liens, et se les remet.
- Message reçu ma chérie.
- Tu as gardé les tiennes ?
- Oui… Pourquoi ?
- Cela pourrait être intéressant de les essayer…
- C’est moi qui te les passerais… Et ainsi, tu deviendras à ton tour ma petite soumise.
- L’espoir fait vivre !
Je me penche vers lui, effleure ses lèvres du bout des doigts, lèche la commissure de ses lèvres, les
mordille, et lorsqu’il entrouvre la bouche, j’y introduis mon majeur. Il me le suce en l’humidifiant,
l’aspire, et je fais des mouvements de va-et-vient de plus en plus rapide et profond au fond de sa gorge.
Puis sans qu’il s’y attende, je rentre ma langue et lui lèche les dents.
Nous jouons ainsi pendant de longues minutes puis, voyant qu’il commence à s’agiter de plus en
plus, j’entame un ballet prénuptial en enroulant ma langue autour de la sienne. Nous gémissions à
l’unisson, et alors je m’allonge sur lui, je sens son membre se durcir contre mon ventre.
Jamais de ma vie je n’avais encore embrassé quelqu’un avec autant de frénésie. Je suis amoureuse
de cet homme comme je ne l’ai jamais été auparavant. Je sais que je ne devrais pas, sachant que tôt ou
tard le passé me rattrapera et que je passerai très certainement les 20 prochaines années de ma vie en
prison, mais cela m’est égal.
Je ne veux plus fuir. Je ne veux plus passer ma vie à mentir aux personnes que j’aime. Je veux
profiter de l’instant présent. Oh oui, je veux profiter de l’instant présent sans me soucier du reste.
Je me recule, lorsque le souffle commence à me manquer. Les battements de mon cœur s’enchainent
à une vitesse folle, et tous mes sens sont en éveil. J’ai envie de cet homme à m’en arracher les tripes.
Cette nuit, il m’appartiendra corps et âmes.
Demain, il me haïra peut-être, mais qu’importe…
Je veux savourer chaque petit moment que la vie voudra bien m’offrir en sa présence…
Je mordille le lobe de son oreille droite, tout en pinçant le bout de ses tétons qui se dressent
inexorablement. Il pousse un petit cri de surprise.
- Je t’ai fait mal, m’enquis-je ?
- Bien au contraire… Je ne me savais pas aussi sensible à cet endroit, ma chérie. Tu
me fais découvrir des sensations qui m’étaient jusqu’alors totalement inconnues…
- Cela t’apprendra à ne penser qu’à toi ! m’exclamé-je en riant.
- Non…
- Non ?
- J’ai l’impression d’être un ado tout boutonneux n’y connaissant rien aux joies de
l’amour. Et je suis vraiment très heureux de pouvoir me faire dépuceler par toi.
- Tu n’as pas l’impression d’exagérer un peu ?
- Non. Je te l’ai dit… Mes parties de jambes en l’air se limitaient à fellation et
pénétration. Comme j’avais appris en regardant les films X. Les préliminaires ne
m’intéressaient pas hormis la fameuse fellation. Et encore bien souvent, j’y mettais fin
rapidement. Ambre… Tu es vraiment exceptionnelle en tous points, tu le sais ça ?
- …
Je descends lentement ma bouche vers son ventre, griffant en même temps ses tablettes de chocolat
lorsqu’il soulève son torse en inspirant, m’extasiant du spectacle qui s’offre devant moi.
Je lui caresse les cuisses, puis retire son short. Son sexe est déjà bien dur et je masse ses cuisses, puis
son entrejambe en faisant bien attention de ne pas toucher son objet tant convoité.
- Tu n’es pas obligé, tu sais…
- De ?
- Me faire une fellation…
- Et si j’en ai envie ?
- Alors, fais-toi plaisir, mais s’il te plaît, laisse-moi en retour goûter ton nectar.
- Demander si gentiment…
Je relève ma nuisette, retire mon petit string, et m’allonge sur lui en sens inverse tout en plaçant ma petite
chatte au-dessus de sa bouche. Le premier coup de langue qu’il me donne me fait sursauter, et je pousse
un petit cri de plaisir. Il tire sur ses menottes pour se libérer, attrape mes hanches et colle sa bouche sur
mon petit bouton, pendant que je commence tout doucement à jouer avec ses deux petites noisettes en les
faisant s’entrechoquer l’une à l’autre, puis les malaxant comme si je tenais des boules de Geisha. Je dois
me concentrer, et surtout éviter de le faire jouir. Sinon ma petite surprise sera gâchée.
Pendant qu’il introduit deux doigts dans ma petite fente humide, j’entoure son pénis avec mes
doigts, et tout en remontant ma langue humide le long de son prépuce, je le branle très lentement.
Mon ventre papillonne, tant sa langue est habile. Il l’entre à présent dans ma petite fente, redescends sur
mon clitoris, l’aspire, puis le mordille tout doucement.
Je ressens une douce chaleur m’envahir et sens que je ne suis pas loin de jouir. De petites secousses
envahissent chaque infime parcelle de mon corps, et je gémis de plus en plus fréquemment.
J’ai beaucoup de mal à rester concentré sur ce que je fais. Ses mouvements de va et viens entre mon petit
bouton et la naissance de ma grotte sont si rapides à présent que je finis par totalement perdre pied. J’en
arrive à ne plus penser qu’à mon plaisir, et cesse de le branler.
Ma respiration s’accélère, mon souffle s’entrecoupe, et je termine par jouir, secouée de spasmes d’une
extrême violence. Lorsque je le supplie d’arrêter, il me renverse sur le lit, et m’emprisonne de ses bras
puissants.
Il retire son bandeau, et me serre fort contre son torse athlétique.
Il me regarde avec tendresse tout en me caressant les cheveux, et nous restons ainsi plusieurs minutes, les
yeux dans les yeux, sans dire un mot.
Je ferme les yeux, savourant cet instant de pure magie.
- Tu es fatigué ? m’enquis-je.
- Non, pourquoi ?
- Alors remets le bandeau sur tes yeux.
- À vos ordres, princesse.
Je reprends les menottes, et le rattache.
- C’est vraiment indispensable, demande-t-il en soulevant mon foulard.
- Oui…
Il pince les lèvres, me faisant ainsi comprendre qu’il me laisse carte blanche.
Je me lève sur le lit, attrape quelque chose que j’ai accroché la veille au plafond, puis le passe
entre mes jambes, l’enroule tout autour de moi, puis bloque la sangle. Je reprends son sexe entre mes
mains, et le branle tout doucement, en le léchant de haut en bas et de bas en haut.
Il se détend peu à peu, et son sexe redevient dur en très peu de temps. Je continue de le lécher, le
mordiller, et de le masturber en accélérant le mouvement.
Sa peau frisonne, et il pousse un râle de plaisir. Lorsque je le sens prêt à jouir, je défais la sangle, entre
son sexe bien dur dans ma petite chatte trempée, replie mes jambes et lâche une seconde sangle.
C’est alors qu’accrochée à un harnais de suspension, je me mets tourner sur moi-même très
lentement. Il se libère de ses menottes d’un coup sec, et retire mon foulard sans bouger son corps. Son
regard exprime une lueur que je ne lui aie encore jamais vue.
Lors du second tour que je fais sur moi-même, il se cambre, et m’attrape par mes poignées
d’amour…
Il prend une profonde inspiration, puis sans que je m’y attende, il me lâche et me retourne
violemment. Je tourne sur moi-même à une vitesse folle, toujours son objet d’amour dans mon petit
triangle d’or, et nous jouissons à l’unisson plusieurs fois, bien avant que la corde ne se soit totalement
déroulée.
Je ne maîtrise plus rien, et pleure toutes les larmes de mon corps, secouée de violents spasmes tant
mes orgasmes sont puissants. Ses hurlements de jouissance se substituent aux miens, et fort heureusement
le harnais s’arrête de tourner.
Il a la force de se redresser, me libère en dénouant le nœud principal, et je tombe lourdement sur
lui, incapable du moindre mouvement. Il ne se plaint pas, et reste sous moi, sans dire un mot pendant un
très long moment. Puis, alors que je commençais à m’inquiéter de son silence, il me repousse avec
délicatesse sur le côté, et se penche vers moi, le visage impassible.
Je prends peur… Ai-je été trop loin ? Aurais-je dû lui demander s’il était d’accord avec ce que je
viens de lui imposer alors que je n’avais pas calculé tous les risques ? Nous avons atteint un tel degré
d’intensité que nous aurions pu ne pas le supporter.
- Je suis désolée, chuchoté-je en baissant les yeux. Je n’aurais pas dû…
- Épouse-moi… me coupe-t-il en relevant mon menton avec tendresse.
Je fronce les sourcils, essayant de trouver le moindre indice m’indiquant qu’il se paye ma tête. Mais tout
ce que je vois en lui, c’est de l’amour. Il m’aime… Oh mon dieu, Nick est aussi amoureux de moi, que je
le suis de lui.
J’ai envie de me blottir contre lui, et de lui crier mon amour, mais je ne peux pas. Non, je ne peux pas
l’épouser.
- Je regrette, mais…
- Tu m’aimes ?
- Oui, soufflé-je, mais je n’ai pas le droit de…
- Pourquoi ?
- Parce que je suis une meurtrière, Nick…

Chapitre 17 : Aimons-nous que diable !

« L’amour triomphe de tout, même d’un amour impossible ». Chrystal Jones

Elle m’aime. Je n’ai presque plus aucun doute à présent. Je sais combien il lui en a coûté de me
faire une telle confidence, et pourtant elle n’a pas hésité une seule seconde.
Elle est assise en larmes, blottie contre moi, et j’attends patiemment qu’elle reprenne son calme.
Mon envie de la rassurer augmente de seconde en seconde, mais pour l’heure tout ce que je peux faire est
de lui prouver que je suis à son écoute.
Elle se redresse, essuie ses larmes avec le drap, puis file à la salle de bain prendre une douche.
J’hésite… Dois-je la rejoindre ? La laisser seule ? Après réflexion, je pense qu’il est mieux de ne pas
l’importuner.
Je me dirige au salon, attrape un livre de PNL dans sa bibliothèque, mais la concentration n’est pas
là. Je ne comprends rien à ce que je lis. Les mots défilent devant mes yeux sans aucun sens, et au bout de
quelques secondes, je le referme et le range à sa place.
Je m’en veux terriblement d’avoir demandé à Marc de se rendre en Afrique. J’aurais dû attendre
qu’Ambre me parle de son terrible secret d’elle-même. J’envoie un SMS à mon ami lui demandant de
rentrer en France en ajoutant que je lui expliquerai tout dès son retour.
Lorsque ma petite effrontée vient s’asseoir auprès de moi, elle a les yeux rougis, et des petits
cernes se creusent sur son visage. Elle semble subitement avoir pris quelques années.
- Je suis désolée, dit-elle en évitant de me regarder dans les yeux, je n’aurai pas dû
craquer ainsi. C’est que ta demande en mariage est si soudaine…
- Et réelle…
- Nick, souffle-t-elle, nous ne sommes pas faits l’un pour…
- Ne ressens-tu pas la même chose que moi ?
- Là n’est pas la question.
- Alors quelle est-elle ?
- Il existe certaines choses sur moi que tu ignores totalement, et que même par amour,
tu ne pourrais accepter.
- Parce que tu ne les accepterais pas toi-même ?
- Moi si, mais toi, j’en doute.
- Je pense devoir être seul juge, non ? Qui as-tu tué, et pourquoi ?
Je peux entendre les battements de mon cœur s’accélérer dans mes veines, et pour la première fois
de ma vie, je prie intérieurement pour qu’elle ne me rejette pas. Car si elle me demande de partir, ce dont
je suis certain qu’elle n’est pas loin de faire, jamais nous ne réussirons à avancer.
Je crois en elle, en l’amour que je lui porte, mais je ne suis plus très sûr à présent que mes
sentiments sont partagés. Je fais mon possible pour lui faire comprendre que je suis prêt à tout entendre,
mais me fait-elle assez confiance pour enfin tout me dévoiler ?
Je ne conçois pas une relation sans confiance. Et elle le sait. J’ai demandé à Marc d’abandonner ses
recherches, car je veux pouvoir donner une chance à Ambre de me dire tout ce qu’elle a sur le cœur. Mais
si elle ne le fait pas, je ne sais si j’aurais la force de continuer.
- Donne-moi ta parole que jamais tu ne t’en prendras aux personnes qui m’ont aidées.
Je plante mon regard dans le sien, soulagé et lui promets que quoi qu’elle me dise, jamais je ne la trahirai
elle, ou qui que ce soit d’autre.
- En Afrique du Sud, j’ai rencontré un médecin qui semblait correspondre à toutes mes
attentes. Nous avons vécu ensemble une histoire d’amour passionnelle, et j’ai vraiment
cru l’aimer.
Cru l’aimer…. Ces mots me ravissent. Elle n’a donc jamais été réellement amoureuse avant de me
rencontrer. Je sais que je ne devrais pas me réjouir, cependant c’est plus fort que moi, et je peine à le
cacher.
- Puis au bout de quelques mois, continue-t-elle le regard dans le vide, il m’a
demandée en mariage. Après lui avoir dit oui, j’ai de plus en plus été mal à l’aise. Au
départ je me suis dit que c’était certainement parce qu’inconsciemment j’avais peur de
me faire « enchaîner » à un homme toute ma vie, et que cela finirait par passer. Puis, j’ai
fini par comprendre que si j’avais peur d’un avenir entier avec lui, c’est que je ne devais
pas réellement être amoureuse. Aussi, six jours avant notre retour en France pour faire les
préparatifs du mariage, je lui ai annoncé que je ne pouvais pas l’épouser.
- Comment l’a t-il pris ?
- Très certainement comme toute personne amoureuse se faisant plaquer une semaine
avant les vœux de fidélité devant le curé.
- Il ne t’a pas violentée au moins ?
- Non, mais il n’en était effectivement pas loin. Nous ne nous sommes plus parlés
pendant quelques jours, puis je suis allée le trouver, et lui ai rappelé qu’il me serait
difficile de le seconder s’il ne réussissait pas à passer l’éponge. Je passais toutes mes
journées dans l’hôpital que nous avions créé avec l’armée, et bien que mon rôle n’était
pas de m’occuper de soigner des patients malades physiquement, mais de faire un suivi
psychiatrique pour les personnes traumatisées par la guerre, la famine ou la perte d’un
être cher, il n’en demeure pas moins que j’étais consciente qu’il avait besoin de moi.
- Il n’a rien voulu entendre ?
- Il a passé la journée à cogiter, et le lendemain il est revenu vers moi comme si rien
ne s’était jamais passé. Je savais que c’était loin d’être le cas, mais j’étais suffisamment
contente pour ne pas m’en soucier. Le bien-être des patients étant ce qui comptait à mes
yeux.
- Je comprends.
- Puis très vite, il y a eu des rumeurs.
- Lesquelles ?
- Nous étions six médecins dans l’hôpital. Dont quatre Africains. Le bruit courait que
l’un d’entre nous couchait avec une enfant de 12 ans.
- Quelle horreur ! m’exclamé-je avec un air de dégoût.
- Tu ne crois pas si bien dire. Lorsque je suis arrivée dans ce village, il n’était pas
rare de voir de jeunes enfants vendues à des vieux pour satisfaire leur besoin pervers,
contre quelques animaux. Bien qu’interdit par la loi, beaucoup de parents pauvres
estiment qu’il est leur devoir de faire en sorte de trouver un foyer pour leur petite fille où
ils espèrent qu’elle sera bien traîtée. La naissance d’un garçon est considérée comme un
cadeau du ciel, mais celle d’une fille comme une colère des Dieux.
- J’en avais entendu parler, mais sans vraiment y croire. Je pensais que ces coutumes
ancestrales et barbares n’existaient plus.
- Elles ont été supprimées dans les grandes villes, parfois mêmes dans des villages,
mais malheureusement pas dans les plus reculés où la pauvreté est omniprésente.
- Je vois…
- Donc, lorsque je suis arrivée, ma première mission a été de résoudre ce problème.
J’ai mis du temps à le faire comprendre aux villageois, mais ils ont fini par l’accepter,
surtout que je les aidais à mieux vivre par des dons que je recevais ici et là.
- Tu es la meilleure, ma chérie.
Elle me fait un semblant de sourire, puis prend une profonde inspiration.
- Lorsque j’ai appris que l’un des nôtres s’amusait avec une enfant, j’ai tout de suite
cherché lequel des hommes médecins pouvaient profiter de la situation pour abuser de la
confiance des autres. Le prénom de Pierre se faisait de plus en plus entendre, mais je ne
voulais pas le croire. Comment celui, qui m’avait demandé en mariage pouvait à présent
commettre un acte aussi monstrueux ?
- Je ne l’aurais pas cru non plus à ta place.
- Puis un matin, alors que je suis arrivée plus tôt que prévu dans un village à côté de
Bagagi, l’un des villageois m’a indiqué l’endroit où se trouvait Pierre. Et c’est là que je
l’ai surpris en train de jouir dans la bouche de la gamine. Quand il m’a vue, il a
violemment repoussé la gamine, puis s’est rhabillé furieux. Mon sang n’a fait qu’un tour
et je lui ai tiré dessus sans même réfléchir.
- Tu étais armée ?
- Les rebelles n’étaient pas loin, et l’armée qui m’avait appris à tirer après que Bagagi
se soit fait attaquer m’avait ordonné de ne jamais sortir sans escorte et sans arme. J’ai eu
beaucoup de mal à l’accepter au départ, puis c’est devenu une habitude. Mais jamais je
n’aurais pensé devoir m’en servir un jour, surtout pas contre Pierre. Il s’est écroulé en
avant, le regard empli de haine, et malheureusement la balle a traversé son corps et est
venue se loger dans la poitrine de la gamine à son tour.
- Merde…
- Les deux soldats qui m’accompagnaient sont arrivés et m’ont aussi ordonné de
rentrer à la base. J’ai été convoqué par le Colonel Safran et lui ai tout raconté.
- Que s’est-il passé ensuite ? J’espère qu’il a compris que tu n’avais pas fait exprès de
tirer sur la petite.
- Effectivement, et il m’avait même proposé de faire passer mon geste pour de la
légitime défense.
- C’est quelqu’un de bien…
- Oui, mais le problème est que les villageois ne l’ont pas entendu de cette oreille. Ce
que j’ignorais était que Pierre avait acheté la gamine à une jeune veuve, et qu’il lui avait
promis de l’épouser dès qu’elle serait majeure. Alors, ils sont tous arrivés à la caserne,
armés de couteaux, de machettes et je ne sais quoi encore dans le but d’obtenir justice.
- Je ne sais pas quoi dire, ma puce…
- Tes yeux parlent pour toi… L’une des unités de l’armée devait rentrer en France et a
accepté que je me joigne à elle. Une fois arrivée, j’ai repris l’avion pour la Chine, ne
voulant pas que ma famille et Angie me découvrent dans un état déplorable.
- Et c’est tout à ton honneur. Cependant, tu n’as rien à te reprocher, ma chérie.
- Je n’ai pas terminé… Veux-tu que l’on reprenne demain ?
- Non. Je veux dissiper tes doutes concernant le fait que je puisse te tourner le dos.
Elle se lève, me propose un café, que j’accepte, puis se dirige en cuisine.
J’aurais dû savoir que ce n’était pas à cause de ce qui s’était passé en Afrique qu’elle doutait
que je souhaite toujours l’épouser. N’importe quel homme doté de raison et de surcroît aussi amoureux
que je le suis accepterait sans difficulté ce qu’elle a traversé. Ce qui est arrivé à l’enfant est très
malheureux, cependant, c’était un accident. Cependant, je suis tout de même curieux de savoir pourquoi
alors, elle est persuadée que je vais tirer un trait sur elle.
Elle revient avec deux tasses de café fumantes et les pose sur la table basse.
- Prêt pour la seconde partie…
- Plus que jamais…
- Le Colonel Safran m’a appelée quelques jours après, et m’a prévenue que j’allais
avoir des problèmes si je rentrais en France. Les autorités africaines avaient reçu une
plainte contre moi, et je risquais de faire de la prison ferme. Alors il m’a proposée
quelque chose d’inimaginable.
- …
- Comme personne, hormis ses hommes n’étaient au courant de mon départ précipité, ll
m’a dit qu’il allait s’arranger avec l’armée, pour que je reste à Bagagi en liberté
surveillée.
- Mais tu ne pouvais pas rentrer ? C’était te condamner à mort, non ? m’offusqué-je.
- …
- Bon OK, je ne t’interromps plus.
- Il savait effectivement que si je revenais au village, je serais obligée de rester au
camp sachant que je vivrais avec la peur au ventre. Aussi, il s’est proposé de faire venir
son amie Maya à ma place en prenant mon identité. C’est pourquoi, si tu fais des
recherches, tu sauras que je suis censée être toujours en Afrique.
- Puisque nous en sommes aux confidences, je l’ai appris hier en appelant Hugo.
Son regard se fait très inquiet.
- Tu lui as dit que j’étais ici ?
- J’ai failli le faire, mais me suis retenu au dernier moment. Je voulais d’abord savoir
de quoi il en retournait exactement. Alors j’ai demandé à Marc de se rendre à Bagagi
avant de venir te retrouver à l’université, puis lui ai dit d’annuler alors que tu prenais une
douche tout à l’heure.
Elle prend un air soulagé.
- Merci…
- Ne me remercie pas, c’est moi qui suis désolé d’avoir agi ainsi.
- Je savais que tu chercherais, mais j’espérais que tu ne remontes pas jusqu’au Colonel
Safran.
- Lorsque j’ai quelque chose en tête, il est très difficile de m’arrêter.
- Oh ça ! Inutile de me le dire !
- Alors en résumé, le Colonel Safran a fait venir son amie à ta place, et cette jeune
femme a pris ton identité et toi la sienne ?
- Non. J’ai réussi à faire de faux papiers au nom de ma grand-mère. Ce qui fait que j’ai
eu pendant quelque temps de très gros problèmes d’argent, puisque mon salaire était viré
sur mon compte en banque originel. Et Maya, l’amie du Colonel, n’avait pas mes papiers.
Elle n’est moi que pour l’armée, et pour l’OMS, mais pour les villageois de Bagagi et le
camp militaire, elle s’appelle bien Maya Tandori. De toute façon, je pars du principe que
cet argent lui appartient puisque c’est elle qui travaille en Afirique et non-moi. Quoi qu’il
en soit, j’ai été condamnée à deux ans de liberté surveillée, car le Colonel Safran s’est
servi de ses relations pour que la justice française ne me condamne pas lourdement.
- J’ai hâte de le rencontrer.
- Il prend sa retraite à la fin de l’année, et viens s’installer à Pau avec Maya le mois
prochain. Tout va pouvoir rentrer dans l’ordre. Maya et moi allons enfin retrouver nos
vraies identités. Et je vais pouvoir débloquer les salaires que j’ai perçus pendant
maintenant plus de deux ans.
- Nous les recevrons comme des rois, tu as ma parole.
Elle réfléchit un instant tout en se mordant la lèvre inférieure, puis finit par m’avouer d’une seule traite :
- Je me suis prostituée en Chine.
Alors celle-là, je ne m’y attendais pas du tout ! Et je suis pris entre l’envie de rire, et de hurler.
- Je savais que tu ne l’accepterais pas, Nick. Et je ne t’en veux pas…
- Où as-tu entendu que je ne l’acceptais pas ?
- Tu sembles furieux, tout à coup.
- Pas pour les raisons que tu penses. J’imagine que sans argent, dans un pays inconnu,
où tu ne devais pas encore parler la langue, la vie n’a pas été facile pour toi.
- C’est sûr. Je me suis retrouvée dans les rues de Shanghai, affamée, sans un sou en
poche, et puis j’ai fini par prendre mon courage à deux mains et ai proposé mes services
dans un club de striptease de luxe. J’ai été prise de suite, et lorsqu’un client m’a proposé
de m’entretenir contre ma compagnie exclusive, j’ai accepté, et me suis retrouvée dans un
appartement de luxe, couverte de cadeaux et libre de dépenser l’argent qu’il me donnait
tous les mois sans avoir de compte à rendre à personne.
- Belle réussite…
- Tu crois ?
- J’en suis persuadé. Ambre, tu t’es battue pour rester en vie et libre ; je n’ai pas à
juger la façon dont tu t’y es prise. Tu n’as pas fait le trottoir, et quand bien même ce serait
le cas, je n’aurais pas mon mot à dire. Comment t’es-tu retrouvée Geisha ?
- Après le décès de Liant, ne pouvant toujours pas rentrer en France, plus par peur
qu’autre chose, je suis allée au Japon et j’ai fait la connaissance de Nanami, une ancienne
Geisha devenue hôtelière, et voyant que j’avais soif d’apprendre, elle m’a initiée à cette
coutume ancestrale, avec espoir que je reprenne le flambeau. Elle me considérait comme
sa fille…
- Elle n’a pas été déçue que tu ne le sois pas devenue ?
- Je l’ai été.
- Tu m’as pourtant soutenue le contraire après le gala…
- Je sais… mais à cette époque-là, je ne voulais pas tout te dire. Bien qu’au fond je ne
t’ai pas tant menti que cela. Nanami a vite compris que j’avais bien trop de caractère
pour pouvoir baisser l’échine alors que je savais que j’avais raison. Et puis, elle a fini
par comprendre qu’il y avait en moi quelque chose de briser. Aussi, elle m’a conseillé de
me rendre au Tibet pour y faire un pèlerinage. J’ai eu la chance de rencontrer le Dalaï-
Lama.
- Impressionnant…
- Oui, surtout qu’il a accepté de m’aider à retrouver ma voie. Après de nombreuses
entrevues faites de larmes, j’ai fini par comprendre qu’il fallait que je rentre en France et
que j’assume mes erreurs. Je voulais me dénoncer, mais cela aurait ruiné la carrière du
Colonel Safran, et ça, je n’aurais jamais pu le supporter. Alors, s’il te plaît…
- Arrête ! Tu n’as pas à me supplier de quoi que ce soit. Je n’ai pas l’intention d’agir
contre toi.
- Même si je refusais ta demande en mariage.
Mon cœur se serre.
- Je ne peux t’obliger à m’aimer. Et si tu veux vraiment que nous en restions là, alors
nous en resterons là. Même si je ne te promets pas de ne pas essayer de te faire changer
d’avis !
Elle se met à rire.
- Alors ? repris-je.
- Quoi donc ?
- Veux-tu m’épouser ?
- Non…
Ma déception est grande, mais comme je lui ai promis, je ne lui ferai pas de chantage. Aimer c’est aussi
accepter que la personne qui fait battre notre cœur puisse ne pas partager nos sentiments.
- Alors, attends-toi à recevoir des fleurs tous les jours !
- Tu penses vraiment que cela changera quelque chose ?
- Oui, car je sais que tu m’aimes, et que tu finiras par accepter ma demande lorsque tu
te sentiras en sécurité.
- Mais je me sens en sécurité…
Je fronce les sourcils.
- Ne partages-tu donc vraiment pas ce que je ressens pour toi ?
- Si…
- Mais ?
- Entre épouse-moi, veux-tu m’épouser lancé à la volée, et une demande romantique il
y a un très grand pas !
- Oh, mademoiselle fait sa difficile ! m’exclamé-je en faisant mine de m’offusquer.
- …
- Très bien, tu auras ta demande en bonne et due forme dès demain.
- Attends le mois prochain, veux-tu ?
- Très bien… Mais sache que je n’attendrai pas plus longtemps ! En attendant, que
dirais-tu de vivre avec moi ?
Elle fait mine de réfléchir mettant ma patience à rude épreuve. Puis elle se jette à mon cou, me renverse
sur le canapé, et tout en me faisant de doux baisers, elle hurle de toutes ses forces :
- Ouiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii !
Faisant de cette soirée, la première plus belle de ma vie !

Chapitre 18 : Amis pour toujours…

« La plus grande guérison est l’amour et l’amitié » Hubert.H Humphrey.

Les semaines passent à une allure vertigineuse. Nick, chez qui j’ai emménagé, me traite comme une
princesse. Il est toujours au petit soin pour moi, ce qui commençait à quelque peu m’énerver. Je ne
pouvais même pas me rendre aux toilettes, sans qu’il me demande :
- Tu as besoin de quelque chose ?
J’ai fini par lui dire que je n’étais pas ENCORE impotente. Il s’était mis à rire, et m’avait quelque peu
laissé souffler.
Angie et moi avons déménagé notre succursale dans un autre endroit. Celui que nous avions était
devenu bien trop petit pour que Cathy et Johanna puissent travailler correctement. Elles n’avaient pas de
bureaux à proximité et nous devions nous les partager un jour sur deux. Mais nous n’avons pas eu à aller
loin, puisque nous avons emménagé au sein même du building de Nick, au second étage.
Je ne pensais pas qu’aimer puisse être aussi violent. Lorsque nous sommes séparés, il me manque
terriblement. Et lorsque je suis avec lui, je redoute le moment où l’on va devoir se séparer. Nous passons
tout notre temps libre ensemble, sans jamais nous disputer.
Ses parents rentrent de croisière la semaine prochaine, et il veut à tout prix me les présenter.
D’après ce que j’ai compris, sa mère est une vraie mère poule, mais son père est redoutable. Nick a
essayé de me rassurer en me disant que tout allait très bien se passer, et que de toute façon, même si son
père ne m’acceptait pas, il ne me quitterait pas. En ce qui me concerne, il est hors de question que je
m’interpose entre sa famille et lui. Moi qui donnerais tout pour revoir mes parents, ne serait-ce qu’une
minute…
Je me sens très fatiguée, et j’ai de plus en plus de nausées le matin. Je pense être enceinte, mais
je n’en ai encore rien dit à Nick ne voulant pas l’inquiéter. Il adorerait avoir des enfants, et m’interdit de
prendre la pilule. Ce qui ne me dérange guère, souhaitant voir courir une ribambelle de petits rugbymans
et de joueuses de volley dans le jardin.
J’ai pris rendez-vous à l’hôpital pour faire des analyses de sang. Je ne veux pas faire de test de grossesse
en pharmacie au cas où mon petit œil de lynx tombe dessus. Je sais que si le test s’avérait négatif, il en
serait profondément désolé.
- Ambre, souffle Angie en entrant dans mon bureau, tu penses que l’on pourrait fermer
l’agence pour Noël ?
- Oui ! On a toutes besoin de vacances.
- À quelle heure arrive Maya ?
- D’ici dix minutes.
- OK, alors tu as le temps de me faire un bon café ?
- Je le ferai quand elle sera là !
- Ah oui pardon, où ai-je la tête ?
- Tu es fatiguée, et ça se comprend.
- Tu ne l’es pas toi ?
- Oh que si, et c’est bien pour cela que j’ai hâte de prendre des vacances !
- Tu vas où ?
- Je pense que l’on va rester à la maison. Et Jérôme et toi ?
- On envisageait d’aller au Maroc.
- Excellente idée. N’oubliez pas la carte postale.
- Promis.
Maya arrive à ce moment, et nous nous jetons dans les bras l’une de l’autre en pleurant. Nous restons
ainsi pendant de longues minutes, vraiment très heureuses de nous retrouver. Puis je fais les présentations
entre Angie et Maya.
Moi qui l’ai toujours vue habillée en djellaba, je suis étonnée de la retrouver en petit-haut échancré vert
bouteille assorti à une mini-jupe et des cuissardes noires.
- Waouh ! m’exclamé-je en l’invitant à s’asseoir sur le canapé en cuir blanc que Nick
m’a offert pour mon anniversaire. Quelle classe et surtout quel changement, ma
choupette !
- Hey hey ! En Afrique j’étais bien obligée de me plier aux règles, mais ici… C’est
hors de question, à moins que le poste que tu me proposes l’exige.
Je baisse les yeux, et me pince les lèvres.
- Je m’y plierai, mais en dehors du boulot, n’y compte pas.
- Le problème est que…
- Arf ! L’image de la société… Bon… OK… Je n’ai rien dit…
Angie me regarde sans comprendre.
- Ce n’est pas l’image de la société qui entre en jeu, mais le fait que tu sois la plus
belle de nous toutes, et que l’on va toutes encore plus te jalouser ! lancé-je en faisant la
moue.
- C’est vrai que tu vas nous faire de l’ombre, ajoute Angie en grimaçant.
- Ce n’est pas toi qui étais top-modèle pour les plus grands couturiers ? demande
Maya en souriant.
- Si, mais… Tu as un vrai petit cul de black, sans vouloir te manquer de respect.
- Eh bien, c’est peut-être parce que JE SUIS BLACK !
- Aux yeux bleus en prime ! À la bonne heure ! Planquez vos mariiiiiiiiiiiiiis !
Maya, très loin de mal prendre les propos d’Angie, s’écroule de rire, suivie de nous toutes. Je mets
mon percolateur en marche, remplis deux tasses de chocolat pour Maya et moi, et une de café pour ma
petite sœur.
- Je sens que je ne vais pas m’ennuyer ici. Quel bonheur de te revoir ma petite Gigi.
- Gigi ? interroge Angie.
- Je l’ai surnommée ainsi, parce que Ambre n’arrêtait pas de me dire combien sa petite
Angie lui manquait lorsque je l’ai connue. Mais maintenant que j’ai enfin fait ta
connaissance, je vais pouvoir l’appeler Ambre.
Angie écoute avec la plus grande attention, les yeux brillants, le sourire scotché jusqu’aux oreilles.
- Arrête de dire ce genre de chose devant ma petite sœur, elle va finir par avoir les
chevilles qui enflent.
- Non non, elle peut continuer, Ambre, cela ne me dérange pas du tout !
- Je n’en doute pas, mais nous sommes là pour parler boulot !
J’explique à Maya ce que nous attendons d’elle, et plus je développe, plus son regard se fait gourmand.
- Lorsque tu m’as dit au téléphone le mois dernier que tu avais un poste à me proposer,
je ne m’attendais pas à ça. Pour tout t’avouer, j’ai passé la soirée à réfléchir à comment
faire pour refuser ta proposition sans te vexer.
- Pourquoi ?
- Parce que je ne voulais pas continuer en tant que médecin. Tu sais, après ton départ,
les choses ont beaucoup changé à Bagagi. Les rebelles ont attaqué plusieurs villages
voisins, et j’en étais arrivée à ne plus rien supporter. Des dizaines de jeunes femmes
arrivaient violées et terrifiées, et les hommes étaient pour la plupart décédés ou dans un
état que je te laisse imaginer. Je suis restée jusqu’au bout, car je savais que bientôt je
pourrais arrêter sans tous nous trahir. Mais je n’aurais pas tenu six mois de plus, c’est
certain.
- Je suis sincèrement désolée de vous avoir…
- Tu n’y es pour rien Ambre. Henri t’adore et moi aussi. Avant d’accepter ce jeu du
chat et de la souris, nous en avions mesuré toutes les conséquences… Même si
effectivement, nous n’avions pas prévu que cela tournerait au cauchemar. Enfin bref, c’est
du passé maintenant, et j’accepte ta proposition avec grand plaisir ! Je commence quand ?
- Hier… suggère Angie, qui n’étant pas au courant de tout ce qui s’est passé à Bagagi
me lance un regard étrange.
- Ça roule !
- Tu n’as pas besoin de prendre des vacances ? m’enquis-je.
- Non. Au contraire, j’ai hâte de commencer. Henri nous cherche une maison où nous
installer et…
- Et vous dormez où ? la coupé-je.
- À l’hôtel, mais t’inquiète, c’est provisoire.
Je fronce les sourcils.
- Pourquoi ne me l’as-tu pas dit ? Lorsque tu m’as annoncé au tel hier que vous aviez
quelqu’un pour vous accueillir à l’aéroport, j’ai pensé que vous logiez chez cette
personne.
- On ne voulait pas te déranger…
- Maya ! Non, mais dis-moi que je rêve ! Tu vas rentrer faire vos valises, et venir chez
moi.
- Tu habites chez ton petit-ami, non ?
- Mon futur mari.
- Tu vas te marier ?! s’écrient mes deux amies en même temps.
- Nick me l’a demandé, mais j’ai refusé. Je préfère attendre que tout rentre dans
l’ordre avant. Quoi qu’il en soit, chez lui, c’est chez moi, et il a vraiment hâte de vous
rencontrer tous les deux. S’il sait que je vous ai laissé loger à l’hôtel, il va me manger
toute crue. Enfin, façon de parler bien sûr.
- Il est au courant ?
- Oui. J’ai fini par craquer et tout lui dire. Mais je te rassure, il ne nous trahira jamais.
C’est un homme de parole. Donc, c’est décidé, tu rentres et je ne veux pas te revoir sans
vos valises à tous les deux.
- Oui chef ! Bon, eh bien j’y vais de suite. On te retrouve ici ?
- Oui. Je vous attends, à moins que tu aies besoin d’aide ?
- Non ça va. Je te remercie.
Je prends les clefs de ma voiture et les lui tends.
- C’est pour quoi faire ça ?
- D’après toi…
- On va prendre un taxi, va…
- Maya, tu vas vraiment finir par m’énerver. Je t’accompagne jusqu’au parking. Angie,
tu m’attends là ?
- Je ne bouge pas.
En quittant l’ascenseur, nous croisons Marc dans le couloir et je les présente l’un à l’autre.
- Je suis ravie de mettre enfin un visage sur le nom de la meilleure amie de ma future
belle-sœur.
- J’en suis aussi ravie, Marc.
- Vous allez où, si je puis me permettre ?
- Je lui prête ma voiture pour qu’elle aille chercher Henri et ses valises. Ils vont
emménager à la maison.
- C’est une plaisanterie ?
Mon ton se durcit.
- Non, pourquoi ?
- Je doute que Nick soit d’accord.
- Pardon !?
- Ce n’est pas grave, Ambre. Henri et moi, nous…
- Il est hors de question que…
- Hey les filles, on arrête de se faire son cinéma. Nick ne sera jamais d’accord pour
que tu laisses Maya et Henri prendre ta voiture. Le connaissant, il nous fera la guerre, s’il
apprend que tu ne les as pas reçus avec tous les honneurs. Maya, attendez-moi une minute.
Je vais chercher la voiture.
Puis joignant sa parole avec son acte, il se dirige vers le fond du parking.
- Je suis désolée, Maya. C’est vrai que j’aurais dû insister pour t’accompagner.
- Angie n’est pas au courant, n’est-ce pas ?
- Non…
- Alors, dépêche-toi d’aller tout lui raconter.
- Cela peut attendre, je te rassure.
- Personnellement, je n’attendrais pas… Alors, file ! C’est à mon tour de te donner des
ordres !
- Merci ma choupette. Ah, j’ai failli oublier.
Je prends le chèque que j’avais mis dans la poche de mon jean, et le lui tends.
- C’est une avance sur salaire ?
- Non, ce sont les salaires que j’ai reçus sur mon compte pendant les deux années où tu
m’as remplacée.
Elle ne prend même pas la peine de le regarder, et le déchire.
- Grâce à toi, j’ai pu exercer en tant que médecin, car ma famille me refusait ce rôle.
Et j’ai enfin concrétisé avec Henri, l’homme de ma vie. Nous sommes quittes toutes les
deux.
Mes larmes me brûlent les yeux, et je ne sais quoi répondre. Alors je la serre dans mes bras de toutes mes
forces.
- Je ne sais pas quoi te dire si ce n’est que tu es un ange. Et que je n’aurais rêvé
meilleure amie que toi.
- Tu es aussi ma meilleure amie, ma puce. Et n’oublie pas que ce qui s’est passé entre
nous, nous a toutes les deux servies bien plus qu’il ne nous a desservi… Alors, laissons
le passé derrière nous.
- OK, mais je vous offre votre mariage !
- Qui t’a dit que nous allions nous marier ?
- J’ai dit ça en passant. Mais maintenant, je sais que c’est vrai !
- On ne peut vraiment rien te cacher. Nous voulions te l’annoncer tous les deux ce soir
au dîner.
- Alors je ferai semblant d’être surprise !
- Merci !
Marc revient avec la limousine sous l’œil émerveillé de Maya, et ouvre sa portière en s’y installant à
côté. Un chauffeur arrive et les conduit tous les deux à l’hôtel.

Lorsque je reviens dans mon bureau, Angie est toujours là, et attend impatiemment que je lui
raconte mon histoire. Je prends le parti de ne rien lui cacher.
- Pourquoi ne m’as-tu jamais rien dit ? me demande-t-elle très calme.
- Parce que c’était trop difficile pour moi. Je ne l’ai avoué à Nick que lorsqu’il m’a
demandée en mariage. J’ai littéralement craqué en fondant en larmes. Je suis désolée…
Sincèrement. Et je n’ai pour ma seule défense que le fait que je n’arrivais pas à assumer
d’avoir tué deux personnes, et de m’être ensuite prostituée. Maya et Henri ne sont pas au
courant pour la prostitution.
- Cela n’a donc rien à voir avec le fait que tu ne me fasses pas confiance ?
- Je te promets que non. Tu n’as pas idée de ce que j’ai souffert en te le cachant.
J’aurais tellement aimé pouvoir en discuter avec toi librement, mais…
Mes larmes se remettent à couler inexorablement. Angie de lève, m’encercle de ses bras, et tout en me
caressant les cheveux, elle me chuchote à l’oreille ;
- Je suis très fière de toi, ma chérie. Même si j’aurais aimé que tu m’en parles.
Cependant je comprends et je ne t’en veux pas. Mais promets-moi à l’avenir de ne plus
rien me cacher.
- C’est promis, à condition que ce soit pour ton bien.
- Non… Je veux tout savoir. Tout comme à mon tour, je te dis tout. Je ne veux plus
aucun secret entre nous. Ou alors je te préviens, tes fesses s’en souviendront pendant très
longtemps.
Nous éclatons de rire en même temps, et je me les frotte en imaginant le coup de pied qu’elle serait
capable de me donner si elle venait à apprendre que je lui ai menti ou caché quelque chose. Puis, son
rendez-vous de 13 h arrive, et elle file retrouver sa cliente.

Chapitre 19 : La fuite en avant.

« Le courage existe seulement où il y a du bon sens et non l’emportement irraisonné d’un moment. Sur
un coup de tête, on ne peut accomplir une action d’éclat, mais le vrai courage exige de la patience et
du renoncement ». René Ouvrard.

Lorsqu’en rentrant de l’aéroport, où j’ai passé la journée à Londres avec le ministre de la


Sécurité intérieure pour signer un tout nouveau contrat, je suis épuisé. Aussi, en entendant un rire
masculin que je ne reconnais pas venant du petit-salon, je presse le pas.
Comme je l’ai plusieurs fois répété à ma petite effrontée, elle est ici chez elle, et est donc libre
d’inviter qui elle souhaite. Mais jamais je n’aurais imaginé qu’elle profiterait de mon voyage à l’étranger
pour inviter un homme à la maison en mon absence.
Je n’aurais dû ne rentrer que demain, mais Ambre me manquant terriblement, j’ai pris mon jet et
suis rentré après être passé à l’hôtel prendre mes affaires au Carlton, souhaitant lui faire une surprise.
En entrant dans la pièce, je découvre un homme d’une cinquantaine d’années, les cheveux
grisonnants coupés courts, les yeux d’un gris profond, et un sourire désarmant. Il porte un t-shirt blanc
assorti à un bermuda bleu foncé, et des espadrilles de même couleur.
En me voyant, il comprend que je suis très loin d’apprécier sa présence, et son sourire s’efface.
Ambre, placée à sa droite s’exclame :
- Nick ! Tu ne devais pas rentrer que demain ?
- Écoute, je sais que je t’ai dit que tu étais ici chez toi, mais tu as intérêt à m’expliquer
pourquoi je te retrouve en charmante compagnie. Parce que s’il y a bien une chose que je
ne tolérerai pas, c’est bien de…
- Me voir en compagnie d’un homme charmant s’avérant être mon amant ?
Elle me défie du regard, et mon sang ne fait qu’un tour. Je regarde l’intrus, et lui ordonne de sortir d’ici
avant que je ne réussisse plus à me maîtriser.
- Nick ! Voyons ! Un peu de retenue. C’est comme ça que tu accueilles l’homme à qui
je dois la vie ?
- La… vie ? Oh pardon, soufflé-je en comprenant enfin qui se trouve devant moi. Vous
êtes le Colonel Safran ?
- En chair et en os ! Et vous devez être Nick Morgan, le fiancé de ma petite protégée ?
- Effectivement. Je suis sincèrement désolée pour mon conportement.
- J’aurai réagi de la même façon, surtout si Maya s’était amusée à me faire comprendre
que vous étiez son amant.
- Je n’ai rien dit de tel ! proteste l’intéressée. Ceci étant dit, Colonel permets-moi de te
présenter officiellement, Nick mon impétueux petit jaloux. Nick, je te présente, Henri
l’homme à qui je dois ma liberté, et ma vie.
Nous nous serrons la main tous les deux, et c’est alors que je demande où se trouve son amie, Maya.
- Elle était fatiguée, m’explique Henri. Aussi elle est montée se reposer.
- Je leur ai donné la chambre bleue.
- Et tu as bien fait, ma chérie.
- Nous ne vous dérangerons pas longtemps, intervient Henri comme pour s’excuser.
- Mais vous êtes ici chez vous, le temps qu’il vous plaira. Après tout ce que vous avez
fait pour ma petite princesse, c’est le moins que nous puissions faire pour vous. Je vous
offre un Bourbon ?
- Avec grand plaisir.
- J’en veux bien un aussi, ajoute Ambre.
Je l’embrasse délicatement sur le front, puis lui rétorque que ce n’est pas pour les petites filles.
- Dans ce cas, je vous laisse entre hommes. Je commence aussi à tomber de sommeil.
Vous pensez que vous allez pouvoir vous en sortir sans vous battre en duel ?
Henri et moi nous lançons un regard plein de sous-entendus.
- Qui vivre, verra ! ironise Henri.
Elle l’embrasse sur la joue, puis dépose un petit baiser sur mes lèvres, après nous avoir souhaité à tous
les deux de passer une excellente fin de soirée.
Je propose à mon nouvel ami de me suivre au bord de la piscine, et pendant qu’il s’installe confortement
sur une chaise longue, je me dirige jusqu’au bar ce qui me rappelle ma première soirée passée avec
Ambre.
À cette époque-là, je ne pensais qu’à me venger de m’être fait humilier en public au restaurant
japonais. Jamais je n’aurais pensé qu’un jour, j’en tomberais fou amoureux, et la supplierais de vouloir
m’épouser. Bien qu’en mon for intérieur, je devinais déjà qu’elle hanterait mes jours et mes nuits pendant
un long moment.
Je reviens vers mon invité, et lui tends un verre de Bourbon de plus de 50 ans d’âge.
- Il est vraiment excellent, m’annonce-t-il après en avoir bu une gorgée.
- Il appartenait à mon grand-père, expliqué-je.
- Vous n’auriez pas dû l’ouvrir alors, et le garder pour une occasion très spéciale.
- Rencontrer l’homme à qui je dois d’avoir pu faire la connaissance de ma petite
femme en est une magnifique.
- Je suppose qu’elle vous a caché m’avoir sauvé la vie bien avant que je ne l’aide à
mon tour, n’est-ce pas ?
- Comment ça ?
- Lors d’une mission dans l’un des villages près de Bagagi, j’ai fait une chute de
plusieurs mètres.
- Je suis sincèrement navré de l’apprendre.
- J’ai passé plus de deux jours à l’hôpital militaire avec un traumatisme crânien et
alors que mon cœur s’était arrêté de battre, et que mon médecin avait déclaré l’heure de
ma mort, Ambre s’est jetée sur moi pour me faire un massage cardiaque. Au moment où
mes hommes ont pensé qu’elle était folle de s’acharner sur moi comme elle le faisait, je
suis revenu à la vie. Sans elle, je ne serais plus de ce monde. En me réveillant de mon
coma, je n’avais plus qu’une idée en tête : payer ma dette envers elle.
- Et vous l’avez fait.
- Et je ne le regrette pas. Au-delà du fait que je lui devais la vie, nous avons très vite
sympathisé, et une amitié sans faille a vu le jour. Ambre et moi ne sommes pas quittes,
dans la mesure, où une amitié ne se compte pas en point.
- Vous avez bien raison… C’est aussi ainsi que je le vois. Que comptez-vous faire
maintenant que vous êtes à la retraite ?
- Je voulais voyager, mais Ambre a proposé un emploi à Maya, et je doute que ma
petite femme me suive. Lorsqu’elle est partie de l’hôtel ce matin, elle m’a dit refuser sa
proposition, car elle pensait que c’était pour travailler en tant que médecin, et lorsqu’elle
est revenue deux heures plus tard, elle m’a dit avoir trouvé le métier de ses rêves ! Ah les
femmes, alors !
J’émets un petit rire.
- Comme vous dîtes… Les femmes ! Si vous souhaitez reprendre du service, j’aurais
quelque chose à vous proposer.
- En tant que garde du corps ?
- Non, chef de la sécurité. J’ai ouvert une succursale à Los-Angles, et Greg mon actuel
chef m’a demandé sa mutation là-bas.
- Intéressant comme boulot.
- Je vous laisse y réfléchir.
- Quand est-ce que le poste est à pourvoir ?
- Début janvier.
- J’accepte à une condition…
- Je suis tout ouïe.
- Arrangez-vous pour que Maya n’occupe ses nouvelles fonctions qu’en même temps
que moi. Nous avons besoin de vacances tous les deux.
- Ça marche. Bagagi n’est pas une ville, n’est-ce pas ?
- Disons que nous avons eu notre lot de films d’horreur, les cinq derniers mois. Et
même si ma petite femme me dit que tout va très bien, je sais que c’est loin d’être le cas.
Elle a besoin de se reposer, et je compte bien l’emmener se reposer près de la mer.
- J’ai acheté une île il y a quelques années. Si cela vous dit…
Ses yeux s’illuminent.
- Ah je veux bien oui. Où est-elle située ?
- En République dominicaine. J’y ai fait construire une petite maison et je comptais y
emmener Ambre pour les vacances d’Hiver, mais j’ai appris que son rêve était de partir
en croisière. Aussi, je pense de plus en plus à exaucer son vœu. Prévenez-moi de vos
dates de départ, et je vous affréterai un avion pour vous y rendre.
- Je suis prêt à partir ! Mais je pense que Maya va vouloir rester quelques jours de
plus auprès d’Ambre, alors… Disons d’ici 15 jours ?
- Ça marche. À propos, Ambre et moi serons absents samedi soir. Je lui présente mes
parents. Alors, n’hésitez pas à faire comme chez vous. La seule pièce privée où personne
n’entre sans que j’y sois est mon bureau.
- Message reçu ! Merci Nick.
- Ne me remerciez pas. La famille de ma petite princesse est aussi ma famille.
- Alors notre famille s’agrandit ! s’exclame Henri en souriant de ses plus belles dents.
Je l’aime bien. Et non parce je pense qu’Ambre lui doit beaucoup. J’apprécie énormément ce genre de
personnes, qui n’hésitent pas à mettre plus de trente-cinq ans de carrière en jeu pour aider une amie. Si
l’armée venait à savoir ce qu’il a fait, il passerait en cours martial, et il pourrait dire adieu à sa retraite.
C’est homme d’honneur comme l’on en voit plus que très rarement de nos jours.
Je suis ravi qu’il ait accepté ma proposition. Un homme tel que lui sous mes ordres, va nous permettre à
Marc et moi de souffler un peu. Greg est quelqu’un de très compétent, mais sa demande de mutation aux
États-Unis a été assez inattendue. Et je me demandais qui nous pourrions prendre pour le remplacer.
Maintenant c’est chose faite.
- Salut vieux frère, je peux entrer ?
- Marc, mais quelle surprise ! Toi ici au milieu de la nuit ?
- J’ai un problème…
Je l’invite à s’asseoir à la place même où se trouvait Henri, et lui propose un verre de mon fameux
Bourbon.
- Je te remercie, mais je dois garder les idées claires.
- Tu ne sais pas ce que tu manques ! Bon allez, je t’écoute.
- Ton père a fait des recherches sur Ambre.
- Et ?
- Il m’a appelé furieux en me demandant pourquoi, moi qui étais censé te protéger, je
ne t’avais pas mis en garde contre elle.
Je serre les dents. Mon père qui n’a pas encore rencontré la femme que j’aime, commence déjà à préparer
le terrain. Il ne veut pas d’elle dans ma vie, ce qui ne me plaît pas du tout.
- Je dois la lui présenter, samedi.
- À mon avis, il va annuler…
- Si ce n’est pas déjà fait. Il a laissé un message sur mon répondeur, mais je n’ai pas eu
le temps de l’écouter.
- Ton père n’est pas du genre à dire ce qu’il pense sur un répondeur, Nick. À mon avis,
il va te rappeler.
- Possible…
- Tu comptes faire quoi s’il refuse que tu l’épouses ?
- Réussir à le raisonner, ou bien lui claquer la porte au nez jusqu’à ce qu’il comprenne.
Je n’ai pas besoin de lui autrement que comme un père.
- OK. Mais s’il te plaît…
- Oui ?
- Évite de lui dire que je t’ai raconté tout ce qu’il m’a dit sur elle.
- En résumé ?
- Il sait que c’est une meurtrière, et qu’elle ne vient pas d’une famille aisée. Il pense
qu’elle profite de toi.
- Il peut penser ce qu’il veut, je n’en ai cure. J’irai le retrouver demain. Merci de
m’avoir prévenu.
- C’est tout à fait normal. Allez, je te laisse, Hugo va commencer à s’inquiéter.
- Envoie-lui mes amitiés.
- Ça marche. Bonne soirée.
Je compose le numéro de ma messagerie, et écoute le message de mon père. Il exige de me voir demain
chez lui avant midi. Heure à laquelle ma mère rentrera de son shopping. J’éteins mon téléphone, et rejoins
Ambre dans la chambre, la gorge serrée.

La maison de mes parents est d’une beauté à couper le souffle. Je me demande bien ce que
Ambre penserait en la voyant. Elle qui me dit que chez moi tout est dans la démesure.
Mon père a lui-même élaboré les plans de son palace, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle lui a
coûté les yeux de la tête. L’imposante grille en fer forgé ne s’ouvre qu’avec une puce électronique
inviolable et unique. Seuls mes parents en possèdent une chacun ainsi que moi-même et monsieur
Grimoire, le majordome. Nul ne peut entrer sans passer directement par l’un de nous. Ce qui est
relativement énervant.
Je me souviens du jour où mes parents et monsieur Grimoire s’étant absentés, la femme de ménage,
Nina, avait dû m’appeler pour que je vienne lui ouvrir la grille, alors qu’elle avait oublié les clefs de
chez elle dans la cuisine. Le lendemain matin même elle était virée.
Mon père peut être très cruel avec son prochain quand la lubie le prend, et cela ne s’arrange pas en
vieillissant.
Je traverse l’immense parc arboré, et arrive dans la cour où se trouve une fontaine en forme de
coquillage, folie de ma mère, où le bassin d’eau est entouré de multiples poissons d’eau douce.
Monsieur Grimoire, m’accueille avec un large sourire. C’est pratiquement lui qui m’a élevé lorsque mes
parents étaient absents. Et lui encore qui, alors que mon père refusait obstinément de me laisser sortir le
soir avec mes amis, m’aidait à faire le mur en me faisant promettre de rentrer avant l’aube. Promesse à
laquelle je n’ai jamais failli.
- Monsieur Nick ! s’exclame-t-il en m’ouvrant la portière. Quel plaisir de vous revoir
après tout ce temps !
- Tout le plaisir est pour moi. Alors ces vacances en Inde, bien passées ?
- Je n’y suis finalement pas allé. Monsieur votre père avait besoin de moi ici, pour les
travaux de la cour intérieure.
- Il a osé… Si j’étais vous, il y a longtemps que je lui aurais claqué la porte au nez.
- À mon âge, vous savez… Et puis il n’est pas aussi mauvais que vous le pensez.
J’émets un petit rire.
- J’espère que vous plaisantez. Il a toujours été très cruel avec son personnel et avec
moi par ailleurs !
- Il part du principe que lorsqu’il paye pour un service, ce doit être fait correctement.
- Et me concernant ?
- Il vous aime, Nick. N’en doutez point.
- Si vous le dîtes. Bon dîtes-moi, comment est son humeur ?
- Un conseil prenez des gants…
- Certainement pas !
- Vous êtes vraiment amoureux cette fois-ci, n’est-ce pas ?
- Plus que vous ne pouvez l’imaginer… Allez, j’y vais. Plus vite je le verrai, plus vite
je rentrerai chez moi revoir ma petite femme.
- Bon courage !
- Merci, mais c’est à lui qu’il va falloir le dire cette fois-ci !
Je traverse le hall d’entrée où se trouvent tous les portraits de famille depuis plus de deux siècles, et
arrive au petit-salon qui fait le double du mien.
Lorsque j’entre dans la pièce, mon père qui m’a entendu arriver ne prend pas la peine de me dire
bonjour, alors que je ne l’ai pas vu depuis plus de quatre mois.
Physiquement nous nous ressemblons trait pour trait. Hormis le fait que je sois bien sûr plus jeune, et
qu’il possède moins de cheveux que moi, alors que je les ai coupés à ras. Nous avons le même regard
bleu transparent, la même taille, et surtout la même force de caractère, bien que jusqu’à présent, je me
suis toujours plus ou moins plié à ses quatre volontés. Mais cette fois-ci je suis prêt à lui faire front. Il
s’agit de mon bonheur après tout, pas du sien.
- Bonjour père.
- Assieds-toi.
Je m’exécute en silence. La partie d’Échecs commence déjà.
- Je me suis renseignée sur ta pseudo petite-amie, et je veux que tu la quittes
immédiatement !
Il est assis sur un fauteuil en cuir noir, le visage plongé dans ses papiers, une tasse de thé dans la main
droite.
- Non.
Il ose enfin un regard dans ma direction, et fronce les sourcils.
- Je te demande pardon ?
- J’ai dit, non ! Je ne quitterai pas Ambre, et tu peux tirer un trait sur moi que cela ne
changerait rien.
- C’est une tueuse d’enfants ; Nick.
- Si tu le dis…
Son regard s’obscurcit de plus en plus, ce qui me fait frissonner.
- C’est elle qui te détourne de ta mère et moi ?
- Ne la mêle pas à ça. Elle était ravie de venir dîner à la maison samedi et avait hâte
de faire votre connaissance.
- Penses -tu réellement que je vais accepter que tu épouses une personne qui non
seulement a tiré sur deux personnes, mais qui en plus est loin d’être de ta condition ?
- Alors ça, c’est le cadet de mes soucis. Je l’aime, et rien ne me détournera d’elle.
- Nick, explose-t-il en hurlant. Comment oses-tu me parler sur ce ton ?
- Je ne suis plus un enfant que tu peux manipuler à ta guise. Il serait temps que tu
commences à le comprendre. Tu peux me renier si tu le souhaites, quoi qu’il en soit, mon
camp est déjà choisi.
- Qu’a-t-elle de si exceptionnel que cela pour que tu agisses ainsi ?
- Je doute que tu le comprennes un jour.
Je lui balance sa carte magnétique à travers la figure, et tourne les talons en me dirigeant vers le hall.
C’est alors que j’entends derrière moi mon père me dire :
- L’invitation de samedi tient toujours.
- Pour que tu t’amuses à la rendre mal à l’aise ? Merci, mais c’est non.
- Nick, souffle-t-il dans un murmure à peine perceptible.
- Si tu savais depuis combien de temps, je rêve de te voir heureux… Tu n’as pas
idée…
- Je… je ne comprends pas.
- Je suppose que Marc t’a confié la pseudo petite crise que je lui ai faite hier ?
- Ta quoi ?
- Je l’ai appelé non pas pour insulter ta petite-amie comme il te l’a laissé croire, mais
pour savoir comment elle était exactement. Il m’en a fait un tel éloge, que j’ai espéré
qu’il ne se trompait pas sur tes sentiments. Alors je t’ai mis la pression, pour voir si tu
étais prêt à te battre pour elle, comme je l’avais fait pour Gina. Et j’ai été servi. Mon fils,
lorsque je me renseigne sur une personne, je vais jusqu’au bout des choses. Je suis au
courant pour l’ex-fiancé d’Ambre qui s’est avéré être un pédophile, et de ce qu’elle a fait
pour remédier au problème. Et rien que pour cela, j’ai une très grande admiration pour
elle. Alors, s’il te plaît, présente-la nous.
- Ambre n’est pas de notre condition, le défis-je.
- Tu oublies que ta mère était couturière lorsque je l’ai rencontrée. Et ton grand-père
m’a joué la même comédie afin de tester mes sentiments. Et regarde où nous en
sommes… Plus de 40 ans de mariage, et nous sommes toujours aussi amoureux l’un de
l’autre.
Je cherche longuement un détail qui pourrait trahir ses paroles, mais n’en trouve aucun. Il semble sincère.
- Nous serons présents pour 19 h, annoncé-je tout doucement.
Il se lève, m’embrasse tendrement, et me raccompagne jusqu’à ma voiture. Je suis tellement ému que je
me fais violence pour ne pas pleurer. Mon père m’aime et tout ce qu’il voulait, c’était de s’assurer que je
sois réellement amoureux avant de demander Ambre en mariage.
Dans la voiture, j’appelle Marc pour le remercier.
- J’avais peur que tu m’en veuilles, mais tu connais ton père ?
- Pas si bien que je le pensais, non.
- Il m’a dit que pour lui, c’était une tradition de tester les sentiments de leur enfant.
Alors…
- Je saurai m’en souvenir lorsque mon fils tombera amoureux.
- Je n’en doute pas un seul instant. Ç’a été chaud entre ton père et toi, non ?
- Je lui ai dit qu’il pouvait me déshériter, je n’en avais rien à faire.
- Ah oui quand même ! s’exclame-t-il en riant.
- Et puis j’ai tourné les talons. Et c’est là qu’il m’a expliqué pourquoi il avait agi
ainsi.
- Tu l’as vraiment dans la peau ma petite effrontée, n’est-ce pas ?
- Il y a longtemps que ce n’est plus la tienne, mais la mienne, Marc ! Mais pour
répondre à ta question, oui, j’en suis fou amoureux.
- Alors, va la retrouver !
- J’y cours ! À plus tard !

Je retrouve ma chérie dans la piscine en compagnie de Maya. Elle me sourit en me voyant, et toutes
les deux viennent me rejoindre dans le salon du jardin. Ambre me présente Maya, et tout comme avec
Henri, elle me fait excellente impression.
- Où se trouve Henri ? questionné-je.
- On l’a appelé pour aller visiter une maison ce matin, explique Maya. Comme je
dormais encore, il y est allé seul.
- Rien ne presse. Vous êtes ici chez vous.
- Merci c’est gentil. Mais Henri n’aime pas s’imposer trop longtemps chez quelqu’un.
Et puis, il a tellement été habitué à vivre en communauté de par son métier, que
maintenant il n’aspire qu’à avoir son propre cocon.
- On ne peut lui reprocher.
- Mais j’y pense, intervient Ambre. Pourquoi vous ne vous installeriez pas dans la
ferme de mes parents ?
Les yeux de notre invité s’illuminent.
- Elle ne serait pas à vendre par hasard ? Henri et moi avons toujours rêvé de vivre à
la campagne. Et je me souviens que nous l’avions trouvé fort agréable lorsque tu nous
avais invités pour un Noël.
- Eh bien figure-toi que oui.
- J’appelle Henri, avant qu’il ne fasse une bêtise.
Elle se précipite à l’intérieur sans attendre, me laissant seul avec ma petite effrontée.
- Alors comment s’est passée ton entrevue avec ton père ?
- Mieux que je l’espérais. Il a hâte de te rencontrer finalement.
- J’en suis ravie.
Je l’attire à moi et l’embrasse avec fougue. Malheureusement Maya revient à ce moment-là et nous
annonce, terriblement excitée :
- Vendue ! Henri est d’accord pour l’acheter. Ce dont je ne doutais pas, vu qu’il
voulait déjà le faire alors que tes parents y vivaient encore.
- Je vais de ce pas, prendre rendez-vous avec mon notaire, dis-je en me levant.
- Et moi je file. J’ai rendez-vous avec une amie.
- Très bien ma chérie.
Je sais qu’Ambre a rendez-vous à l’hôpital avec un gynécologue. Je pense qu’elle est enceinte, mais
ne veut pas m’en parler avant la confirmation du médecin. En ce moment, elle semble vraiment très
fatiguée, et a de plus de plus de nausées. Elle pense que je ne me suis aperçu de rien, mais c’est mal me
connaître. Je suis tellement attentif à tout ce qui la touche que rien ne m’échappe. Je pense qu’elle attend
le bon moment pour m’annoncer la bonne nouvelle.
J’ai hâte d’être père à mon tour. Je ne pense pas que je serai aussi sévère que mon père l’a été avec
moi. Je sais à présent que s’il a agi comme un crétin pendant des toutes ces années, c’est pour que je
puisse réussir. Cependant, j’aurais tout de même préféré avoir un père plus présent, et surtout plus à
l’écoute de mes désirs, et pas seulement de mes besoins.
Quoi qu’il en soit, je suis maintenant certain qu’il n’a jamais voulu que mon bonheur,
et je ne doute pas un instant qu’il acceptera Ambre comme sa propre fille. Elle est si
exceptionnelle, que personne ne peut la détester.
- Dîtes-moi Maya, comment vous êtes-vous connus avec Henri ?
- À l’époque, me répond-elle en s’asseyant, j’étais infirmière et lui, venait d’être
nommé Lieutenant-colonel. Il s’était rendu à l’hôpital où je travaillais pour faire des
examens de routine.
- Hmm hmm.
- Ca été le coup de foudre entre nous, mais il se refusait à tomber amoureux d’une fille
de 12 ans de moins que lui. J’ai bataillé pendant des années, mais il n’arrivait pas à se
décider.
- Vous lui avez été fidèle autant de temps, alors qu’il n’y avait rien entre vous ?
- J’ai eu quelques aventures bien sûr, mais je voulais Henri.
- Et comment avez-vous réussi à l’attraper dans vos filets ?
- Grâce à Ambre.
- Curieusement, je m’en doutais.
- Nous étions dans le même hôpital, à la différence que j’étais élève infirmière et elle
interne en psychiatrie. C’est elle qui m’a poussée à faire des études de médecine. Mes
parents ne le souhaitaient pas, alors elle m’a aidée à étudier en cachette. On en a passé
des nuits à étudier ensemble. Et puis, mes parents ont découvert que je n’étais pas
étudiante en droit, mais en médecine, et ils ont menacé de me renier. Ambre m’a dit que
c’était ma vie, et pas celle de mes parents que je mettais en jeu.
- Je suppose que la facture à payer n’était pas la même pour les deux universités ?
- C’est vrai. Mais mes parents me donnaient un chèque pour payer les frais
estudiantins, et personnels. Je complétais en travaillant à Mc Do à côté. Et lorsque c’est
devenu trop dur pour moi d’assumer les deux, Henri s’est proposé de me financer ma
dernière année entièrement, puisque ma famille m’avait tourné le dos.
- Et vous avez réussi votre doctorat.
- Oui. Sans eux, jamais je n’aurai pu aller jusqu’au bout. Puis un Noël Ambre nous a
invité Henri et moi à le passer chez ses parents, et je ne sais pas ce qu’elle lui a dit
exactement, mais le lendemain de notre arrivée, j’avais enfin droit à mon premier baiser.
- Ambre sait être très persuasive quand elle veut.
- Oh que oui !
Henri arrive quelques minutes plus tard, et je les laisse profiter de la piscine, le temps que je passe au
stand de tir.

Chapitre 20 : Entre espoir et désespoir…

« Mon âme a son secret, ma vie a son mystère. » Alexis Félix Anvers.

Mon rendez-vous chez le médecin a été très décevant concernant les résultats de ma prise de
sang. Il s’avère que non seulement je ne suis pas enceinte, mais que je doive en plus passer d’autres tests,
dont un scanner. En sortant de l’hôpital, j’ai croisé le regard d’un homme qui me rappelait quelqu’un,
mais sans me souvenir où je pouvais bien l’avoir rencontré. Il faut dire que j’étais tellement mal, que
j’aurai pu croiser Paul Ekman, mon mentor, que je ne l’aurais certainement pas reconnu.
La maison des Morgan est impressionnante. Moi qui reproche à Nick de tout faire dans la
démesure, je ne suis pas déçue du voyage avec ses parents.
Il me présente son majordome, et je devine à la façon dont il s’adresse à lui, que ce n’est pas
qu’un simple employé. Il a les tempes grisonnantes, des yeux noirs aux sourcils allongés, et une classe
indéniable.
Nous traversons le long couloir qui mène jusqu’à la salle à manger, et en entrant, je sens mon
cœur s’affoler dans mes veines. Ma plus grande peur est qu’ils ne m’acceptent pas. Je sais que dans ce
cas, je n’aurai d’autre choix que de quitter Nick, et ce, quoiqu’il nous en coûte à tous les deux. Il n’y a
rien de plus important que la famille, aussi difficile qu’elle soit.
Si je ne savais pas que l’homme vêtu d’un tweed gris chiné, et d’un jean bleu foncé était le père
de Nick, je les prendrais pour des jumeaux, tant la ressemblance est frappante. Quant à sa mère, j’étais
loin de l’imaginer comme elle apparaît devant mes yeux. Elle est blonde, a les yeux noisette, un regard
très tendre lorsqu’elle s’adresse à son fils, doit mesurer dans les 1m60 et peser autant que moi. Je
l’imaginais de taille mannequin aux formes sculpturales, et en réalité, elle est toute en rondeur. C’est
vraiment une femme magnifique.
Tous les deux m’accueillent avec un sourire chaleureux, et je réussis peu à peu à me détendre.
- Alors comme ça, Ambre, me dit son père, vous êtes coach en séduction ?
- Effectivement, réponds-je en me pinçant les lèvres.
- Cela consiste en quoi exactement ?
- J’apprends tout d’abord aux jeunes femmes à être bien dans leur tête et leur corps.
Certaines d’entre elles ne connaissent pas leur potentiel. Bien souvent, elles se trouvent
trop grosses, trop minces, le nez trop long, les lèvres trop fines, etc. Alors qu’en réalité,
il ne leur suffirait pas grand-chose pour se mettre en valeur.
- Intéressant, intervient sa mère, le regard intéressé.
- Ensuite, je leur apprends à s’aimer ou tout du moins à s’accepter telle qu’elles sont.
Comme je leur répète souvent pendant la formation, on ne grossit pas ou ne maigrit pas
sans raison. À moins bien sûr d’être médicalisée. Aussi, nous travaillons sur la cause de
leurs maux en séance individuelle.
- Waouh, impressionnant !
- Merci monsieur Morgan.
- Appelez-moi donc Laurent.
Je me pince les lèvres timidement.
- Merci… Et pour terminer, je leur donne quelques idées de scénarios pour pimenter
leur couple. Cette dernière phase intéresse énormément les personnes en couples.
- Où dois-je m’inscrire ?
- Maman !
- Hey mon fils ; on ne se mêle pas des affaires entre femmes, veux-tu ?
- Ta maman a raison. Je ne me mêle pas des tiennes, ne te mêle pas des miennes.
Nick fait une moue adorable, et je peine à ne pas rire.
- Pour répondre à votre question, madame Morgan.
- Jessica…
Je m’éclaircis la gorge, fait un petit sourire, et reprends ma phrase :
- Donc, pour répondre à votre question, JESSICA, la nouvelle formation commence le
4 janvier.
- J’y serai ! réplique-t-elle enthousiaste.
- Je crains fort que ce ne soit possible.
Elle me lance un regard interrogateur.
- La formation est complète. Cependant, vous concernant, je veux bien faire une
exception.
- Laquelle ?
- Ne m’envoyez pas vos amies, lancé-je en riant. Les huit prochaines formations sont
archi complètes, et tant qu’Angie et moi n’aurons pas engagé d’autres coach, nous ne
pourrons pas assurer les permanences individuelles.
- Ne viens-tu pas d’engager, Maya ?
- Si. Mais Maya va prendre les cessions psychologiques, Nick, et il nous faut encore
deux coachs en image, et deux en sports.
- En quoi consiste le métier de coach en image, exactement ?
- Avant tout à être honnête. C’est-à-dire ne pas avoir peur de dire à une jeune femme
qu’elle ressemble à un épouvantail, même si elle est persuadée que la robe qu’elle porte
lui va comme un gant. Et inversement.
- Je suppose qu’il faut être de taille mannequin, pour exercer ce métier.
- Non, Jessica. Il faut avoir du goût en matière vestimentaire pour soi-même et les
filles que l’on conseille.
Je la vois venir grosse comme une tomate.
- Je peux faire un essai ?
- Jess, ma chérie. Tu ne vas pas te remettre à travailler à ton âge !
- Et pourquoi pas ? Je passe mes journées à tourner en rond à la maison, ou au Rotary-
club. Tu travailles bien, toi, non ?
- C’est différent…
- Laurent…
Il hausse les sourcils, et je devine à son regard franc, son menton volontaire, et le petit pli qu’il fait avec
ses lèvres, que je dois faire très attention à ce que je vais dire.
- Votre femme n’est pas heureuse.
Jessica et Nick me regardent, interloqués, alors que Laurent serre les dents.
- Comment pouvez-vous dire cela en ne la connaissant pas. Mon épouse à tout ce
qu’elle désire au monde.
- Non. Elle est avec l’homme qu’elle aime, elle est riche, mais elle s’ennuie
profondément. Dites-moi Jessica, vous avez toujours eu cette corpulence ?
- Non…
- Quand avez-vous commencé à prendre du poids ?
- Il y a une vingtaine d’années environ.
- Vous grignotez entre les repas ?
- Je n’arrête pas ! Une petite pistache par-ci, un petit gâteau par-là, je suis très très
gourmande, cela se voit non ?
- Comme beaucoup de femmes, vous compensez votre ennui par quelque chose. Pour
certaines c’est le sport, d’autre une aventure extra-conjugale, d’autres encore la
nourriture, etc.
- Je vous trouve un peu rapide dans votre jugement, intervient Laurent froidement.
Jessica peut tout aussi très bien grossir à cause de l’âge, non ?
- Vous permettez que je vous pose une question, Laurent ?
- Je vous en prie…
- Pourquoi êtes-vous partis votre épouse et vous-mêmes plus de 4 mois en croisière ?
- N’avons-nous pas le droit de prendre des vacances ?
- Partez-vous toujours aussi longtemps, ou cela était-il exceptionnel ?
- C’est moi qui ai insisté pour faire le tour du monde en croisière, explique Jessica.
- C’était la première fois ?
Elle émet un petit rire.
- Oh que non !
- Alors pourquoi avoir accepté cette fois-ci, monsieur Morgan ?
- …
- Nous nous comprenons, n’est-ce pas ?
- Eh bien, j’aimerais que l’on m’explique, parce que là, je suis perdue.
- Cela fait des années que vous êtes aux petits soins pour votre mari. Nick m’a assuré
que la seule raison pour laquelle votre mari avait refusé de me rencontrer au départ
n’était pas car il avait appris que j’étais une meurtrière, mais parce qu’il voulait le voir
se battre pour moi. Votre mari n’est pas un mauvais bougre. Il ne souhaite qu’une chose…
- …
- Le bonheur de sa famille. Et je suis persuadée que la seule raison pour laquelle il a
été si dur avec votre fils, Jessica, c’est parce qu’il voulait qu’il réussisse seul, sans rien
devoir à personne.
- Comment peux-tu être certaine de ce que tu dis, ma chérie ?
- Tout simplement, car, un jour, tu m’as confié que ton père ne t’avait jamais aidé à
bâtir ton empire. Ce n’est pas parce qu’il voulait que tu échoues, contrairement à ce que
tu peux penser, mais parce qu’il ne voulait pas que tu lui sois redevable. Ton père, mon
très cher ami, n’a été dur avec toi toutes ces années que parce qu’il savait que, ta mère
restant à la maison, te couverait plus qu’il n’en faut. Mes parents ont exactement agi de la
même façon. Mon père s’est contenté de me soutenir moralement lorsque je lui ai dit
vouloir devenir médecin, et j’ai dû travailler à côté pour me payer les frais annexes, tels
que logement, nourriture, etc. Quant à ma mère, elle m’envoyait de temps en temps de
l’argent, mais très rarement. Et j’ai appris peu avant leur décès, après m’être violemment
disputée avec eux, que l’argent ne venait pas d’elle, mais bien de mon père. Et je me
souviendrai jusqu’à ma mort de ses paroles : nous avons toujours été là pour toi, mais ton
père qui t’aimait plus que tout au monde ne voulait pas que tu penses devoir ta réussite à
qui que ce soit. Tu n’étais à l’époque pas tout à fait certaine de vouloir devenir médecin.
Et il voulait que tu lui prouves qu’il avait tort. J’ai longtemps cru que c’était les bourses
qui m’avaient payé mes frais de scolarité, alors qu’en réalité ce sont mes parents qui ont
hypothéqué leur maison pour m’offrir ma faculté de médecine.
Tout le monde m’écoute avec la plus grande attention.
- Et c’est exactement pareil pour toi, Nick. Ton père est ce qu’il est… Mais je suis
certaine que si tu cherches bien, tu trouveras quelque chose qui te prouvera qu’il a
toujours été là pour t’épauler. Quant à vous Jessica, je pense, que votre mari n’a jamais
voulu que vous travailliez, car Nick avait besoin d’une personne pour être proche de lui.
Mais maintenant, que votre fils a réussi, j’imagine qu’il prend conscience que vous avez
de plus en plus besoin de vous sentir utile. D’où la croisière, pour vous changer les
idées. Ce qui ne semble finalement pas avoir autant fonctionné que cela, puisque vous
êtes prête à retourner à la vie active.
Je me tais subitement, comprenant que je suis peut-être allée trop loin. Si j’étais à deux doigts de me faire
accepter par la famille il y a moins de deux minutes, je ne suis plus très certaine que ce soit le cas
aujourd’hui.
- Si je vous avais connu il y a une quarantaine d’années de cela, Ambre, une chose est
certaine, je ne vous aurais pas épousée.
- Je l’imagine sans peine, Monsieur Morgan…
- Cependant je préfère vous avoir comme amie que comme ennemie. Aussi… Je
n’aurai qu’une seule chose à ajouter…
- …
- Bienvenue dans la famille, Ambre. Et s’il vous plaît, arrêtez donc de m’appeler
monsieur.
Je me sens très émue, mais réussis à refouler mes larmes.
- Comment as-tu pu aussi bien comprendre mon père, ma chérie ?
- Je suis allée à bonne école avec ma propre famille. Et si votre candidature tient
toujours, Jessica, je serai ravie de vous compter dans l’équipe. Nous avons de plus en
plus de femmes mures, et je pense qu’elles se sentiront bien plus à l’aise avec vous,
qu’avec l’une des deux jeunettes…
- Vous n’imaginez pas à quel point, vous me sauvez la vie, miss. Je commence quand ?
- Comme vous le dirait très certainement ma petite-sœur Angie… Hier matin ?
Tout le monde se met à rire, mais j’ai pourtant le sentiment que le père de Nick ne m’apprécie pas autant
que je l’aurais souhaité. Son regard se fait de plus en plus puissant, lorsqu’il le pose sur moi à plusieurs
reprises… Et cela ne dit rien qui vaille.

Déjà Noël et je suis une femme comblée. Enfin en apparence… Les parents de Nick sont
vraiment charmants, bien que j’ai encore ce sale mauvais pressentiment concernant son père qui ne me
lâche pas. Jessica et Maya ont signé leur contrat ce matin même, afin de commencer en tant que coach le 4
janvier. Henri et sa future épouse se sont offert ma ferme, et nous invitent très souvent à dîner chez eux.
Quant à Nick, je le sens très prèt à me faire sa demande en mariage.
C’est ma dernière réunion collective en tant que formatrice avant la fin de l’année, et la salle est
pleine à craquer. Maya est partie avec son ami en vacances au soleil pendant une semaine, et à peine
revenue, elle a tenu à assister à mes réunions de groupe, afin de comprendre mon fonctionnement. Avec
Angie, nous avions décidé d’apprendre aux hommes comment séduire, mais ce qu’elle ignore c’est qu’en
une fraction de seconde, j’ai fini par comprendre que cela se ferait sans moi.
Je regarde les jeunes femmes prendre place sur les sièges, le sourire scotché aux lèvres,
attendant patiemment que j’intervienne. C’est la toute dernière fois que je les vois…
Jessica, Angie, Maya, Cathy et Johanna sont sagement assises sur leur siège à côté du bureau, les
yeux brillants, très heureuses de se retrouver là. Je les regarde une par une, leur souris, tout en sachant
pertinemment que dans quelques jours trois d’entre elles me haïront plus que de raison.
- Bonjour mesdames, mesdemoiselles, et… ah non pas messieurs. C’est vrai,
j’oubliais, il n’y en a pas.
Elles se lèvent et m’applaudissent excitées comme des puces. Pourtant je n’ai encore rien dit
d’extraordinaire. C’est leur troisième jour de collectif, et je leur ai déjà appris comment apprendre à se
séduire soi-même. Je les ai pour la plupart toutes reçues en séance individuelle, et je sais que la plupart
d’entre elles seront très déçues de ne plus m’avoir comme leur thérapeute en début d’année prochaine.
- Aujourd’hui nous allons apprendre comment séduire un homme ! Enfin... Si vous le
souhaitez bien sûr. Alors ? Le souhaitez-vous ?
- Ouiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii !
- Le souhaitez-vous vraiment ?
- Ouiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii !
Elles se lèvent, applaudissent tout en frappant le sol du pied, et je regarde mes amies tout en imitant le
signe de la folie en pointant mon index contre ma tempe. Ce qui faire rire mes nouvelles tigresses.
- OOOOOOOOOOOOOk alors c’est partiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii ! hurlé-je à mon tour.
Lorsqu’elles se sont calmées, je baisse un peu le volume du micro, et reprends.
- Alors, ce qu’il faut savoir avant toute chose est que pour séduire un homme, il faut
savoir jouer la comédie, tout en jouant franc-jeu.
- …
- Que celles qui ont compris quelque chose se lèvent !
Une seule personne se fait connaître, pour se rasseoir aussitôt, l’air gêné.
- Hop hop hop mademoiselle, je vous ai vue, alors venez me voir.
Elle descend les marches à pas très lent, regardant ses pieds, et arrive à ma hauteur, rougissante.
- Comment vous appelez-vous, miss ?
- Stéphanie.
- Quel joli prénom ! Alors dites-moi ; que veut dire selon vous, jouer la comédie en
jouant franc-jeu ?
- Eh bien je dirais qu’il faut savoir se mettre en valeur sans réellement mentir sur qui
nous sommes ?
- Je ne comprends toujours pas, s’élève une voix dans le public.
- C’est effectivement mal expliqué, mais elle a cependant raison… Je développe ?
- Ouiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii !
Il faut pratiquement deux minutes pour que le silence reprenne ses marques à chaque fois que mon
auditoire tout entier se déchaîne, cependant, n’étant pas aux pièces, je prends mon mal en patience.
- Nous jouons toutes un rôle lorsque nous rencontrons un homme qui nous plaît. Ou
bien lorsque nous souhaitons obtenir un job par exemple. C’est-à-dire que nous nous
montrons sous notre meilleur jour.
- Ça dépend des personnes, chuchote Angie, en me rappelant le jour où j’ai rencontré
Nick.
- Oui bon, il y a toujours une exception qui confirme la règle. Quoi que… Mais ce rôle
nous ne le tenons que le temps d’obtenir ce que l’on désire. Car la plupart du temps, une
fois que c’est fait, notre véritable personnalité revient au galop. On ne peut mentir aux
autres ou se mentir à soi-même très longtemps, sauf si nous sommes des sociopathes en
puissance. Et c’est d’ailleurs pourquoi certaines relations ne tiennent pas la route. Il faut
savoir s’adapter à l’autre, tout en ne mentant pas sur qui nous sommes. Je prends un
exemple ?
- Ouiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii !
- Si vous rencontrez un homme sportif, n’allez pas lui dire que vous vous exercez pour
un marathon si vous détestez courir. Car non seulement il se rendra très vite compte que
vous mentez, mais de plus, il tirera un trait sur vous.
- Comment faire alors ? intervient une petite rousse, vêtue comme une collégienne, et
coiffée d’une tresse sur les deux côtés.
- Dites-lui simplement que vous aimeriez vous y mettre, mais que vous n’êtes pas très
certaine d’y arriver seule. Si vous l’intéressez, nul doute qu’il vous proposera son aide.
- Et sinon, on termine dans les choux ?
- Rhoo petite rouquine ! Vous vous avouez toujours aussi facilement vaincue ?
- Bien… oui…
- Comment s’appelle-t-il ?
- Pardon ?
- Celui que vous convoitez ?
- Comment savez-vous que je convoite un sportif ?
- Vous venez de me l’apprendre. Alors ? Son petit nom c’est quoi ?
- Benoît…
- Et le vôtre ?
- Julie.
- Allez Julie, on se lève, et on vient me rejoindre.
- Euuuuh…
- OK ! Vous êtes prêtes les filles ?
- Ouiiiiiiiiiiiiiii !
- OK alors : JU-LIE ! JU-LIE ! JU-LIE, commencé-je à m’enflammer suivie de toutes
les autres.
La jeune femme finit par se lever et me rejoindre.
- Hop hop Steph, où allez-vous ?
- Eh bien je…
- Vous ?
- Je retournais à ma place.
- Pourquoi ?
- Vous n’en avez pas terminé avec moi ?
Je fais mine de pleurer.
- Vous voulez déjà me quitter ?
Elle se pince les lèvres puis finit par secouer la tête en levant les yeux au ciel.
- Je préfère ça ! Jessica ?
- Oui, Ambre ?
- Peux-tu trouver une petite chaise pour notre Einstein féminin de la soirée ?
- Avec plaisir.
- Merci !
Pendant que Steph rejoint la mère de Nick, j’observe attentivement Julie de la tête aux pieds.
- Donc reprenons, princesse. Votre bourreau des cœurs s’appelle Benoît.
- Oui…
- Et il est sportif…
- Tout à fait.
- Mais pas vous…
- Je déteste ça.
- Il n’y a que le sport qui l’intéresse ?
- Je n’en ai pas la moindre idée.
- D’où le connaissez-vous ?
- C’est un très bon ami à une amie à moi.
- Pourquoi ne vous êtes-vous pas renseignée sur lui auprès d’elle alors ?
- Je n’ose pas…
- Pourquoi ?
Elle hausse les épaules, en signe de timidité.
- La première chose lorsque l’on s’intéresse à un homme que l’on ne connaît pas est de
se renseigner sur lui. Pour cela deux solutions. La première, vous prenez votre courage à
deux mains, et vous allez lui parler.
- Facile à dire…
- La seconde, vous le faites auprès de quelqu’un qui le connaît bien. La première est la
plus avantageuse. Car contrairement à ce que l’on peut imaginer, les hommes aiment
beaucoup parler d’eux. Et vos questions lui prouveront que vous vous intéressez à ce
qu’il fait ou pense. Et aussi, point non négligeable, à comprendre de vous-même si vous
avez des points communs. On dit souvent que nos différences nous rapprochent. Mais l’on
dit aussi souvent que nos points communs nous rapprochent. Il faut en réalité trouver un
juste milieu. Si vous êtes à l’opposé l’un de l’autre dans tous les domaines, il vous sera
plus difficile d’entretenir une relation sur du long terme, que si vous avez beaucoup de
points communs. Il ne faut pas se leurrer. Même si les contraires s’attirent, il est tout de
même mieux de ne pas avoir trop de différences.
- Et si l’on n’ose pas lui parler ?
- Dans ce cas, je vous conseille fortement de questionner votre amie.
- Je n’ose pas non plus, malheureusement. J’ai peur qu’elle n’aille lui répéter ce que je
lui ai dit.
- Dans ce cas, non seulement votre amie n’en est pas réellement une, mais de plus,
vous n’êtes pas non plus aussi attirée que vous l’imaginez par Benoît.
Elle prend un air étonné.
- Il y a une différence entre une amie et une copine, aussi excellente soit-elle. On peut
tout confier à la première, même nos secrets les plus inavouables, mais pas à la seconde.
Et de plus, finalement… même si votre copine/amie venait à dévoiler à Benoît que vous
vous intéressez à lui ; quel est le problème ?
- J’aurais trop honte.
- La honte n’existe pas. Surtout pas dans le domaine du sentimental. Le remord, le
regret, oui. Mais certainement pas la honte. Car il vaut mieux prendre le risque de se faire
rejeter, plutôt que de se demander toute sa vie « Et si j’avais osé, que se serait-il
passé » ? Le fait d’essuyer un refus vous fera mal quelques jours, quelques semaines
peut-être, mais vous finirez pas tourner la page, et jeter votre dévolu sur un autre homme.
Et qui sait… celui-là sera peut-être le bon ?
- Je n’avais jamais pensé à cela.
- Alors, arrêtez de vous torturer, et passez à l’attaque !
- Je vais suivre vos conseils, merci. Après tout c’est vrai… Qu’ai-je à perdre ?
Elle se rassied sous un tonnerre d’applaudissements.
- Bien… Maintenant que nous avons compris qu’il valait mieux se prendre un vent que
de continuer à fantasmer sur une personne qui n’en vaut pas la peine, nous allons admettre
que ce monsieur tant convoité ait répondu à l’appel de vos sens. Car si tel n’est pas le
cas, on attend le prochain coup de foudre, jusqu’à ce que l’attirance soit réciproque. On
est d’accord ?
- Ouiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii !
- Fermez les yeux !
Elles s’exécutent sans attendre.
- Maintenant, imaginez votre premier VRAI rendez-vous. On y est ?
- Ouiiiiiiiii !
- Vous vous voyez assise à cette table, face à celui qui fait s’emballer votre petit
cœur ?
- Ouiiiiiiiiiiiiiiiiiii !
- Vous êtes souriante, vêtue d’un petit haut sexy, mais non vulgaire, et coiffée comme
une petite tigresse angélique. Et là, vous repensez à moi, vous adjoignant de vous
intéresser à lui en lui posant des questions sur sa vie. Vous y êtes ?
- Ouiiiiiiiiiiiiiiii !
- Vous lui posez des dizaines et des dizaines de questions. Sur sa vie, son métier, ses
parents, etc etc. Vous me suivez toujours ?
- Ouiiiiiiiiiiiiiiiiii !
- Eh bien, je vous souhaite à toutes une excellente soirée ! Angie va vous rembourser
dans les secondes qui suivent ! Bye bye.
Elles ouvrent les yeux, effarées, ne comprenant pas ce qui se passe.
- C’est une blague !? s’exclame d’une voix sèche, une femme d’une quarantaine
d’années.
- En aucun cas ! Non, mais sérieusement les filles, vous vous y voyiez vraiment faire
subir un interrogatoire à un homme sans qu’il ne prenne ses jambes à son cou ?
- C’est ce que tu nous as dit de faire, Ambre ! s’écrie Josiane, une des clientes que j’ai
vue en thérapie deux jours auparavant.
- Certes… Cependant, je ne suis pas un gourou. Et j’essaye de vous faire comprendre
qu’avant de vous lancer à corps perdu dans le jeu de la séduction, il va vous falloir faire
preuve d’un minimum de jugeote, ou vous vous ferez berner par le premier crétin venu.
Vous avez pour la plupart toutes été parrainées, et je suppose que vos marraines vous ont
dit que je n’avais pas la langue dans ma poche ?
- Oh pour ça, Cathy me l’a dit, oui ! répond Sabrina, une jeune femme brune à lunettes.
Il paraît que vous êtes redoutable !
- Je ne vous le fais pas dire, miss. Steph ?
- Oui, Ambre ?
- As-tu compris pourquoi je les ai toutes envoyées bouler ?
- Je pense, oui.
- Nous t’écoutons !
Elle se lève, prend le micro que je lui tends puis s’éclaircit la gorge avant de parler.
- Je pense que vous voulez leur faire comprendre que si elles agissent comme des
gamines, elles ne réussiront qu’à attirer des hommes nuls dans leur vie.
- C’est-à-dire ?
- On ne fait jamais subir un interrogatoire à un homme. Sinon cela peut passer pour de
la curiosité malsaine ou de la faiblesse.
- Mais encore ?
- À mon avis, il faut leur faire comprendre que l’on est effectivement intéressée par
eux, mais il faut aussi leur laisser nous poser des questions.
- Pourquoi ?
- Parce que cela prouvera aussi leur intérêt envers nous…
- Exactement ! Merci Steph, tu peux aller te rasseoir auprès de Jessica.
- Steph a entièrement raison. Si votre interlocuteur ne fait que se pâmer devant-vous en
répondant à vos questions, sans se soucier de qui vous êtes, alors laissez tomber. Vous
serez malheureuse avec cet homme. Il faut que l’intérêt soit réciproque. En conclusion, si
vous ne le laissez pas en placer une, soit il oubliera votre numéro à la vitesse de l’éclair,
soit il pensera que vous êtes facile à manipuler et profitera de vous jusqu’à ce qu’il se
lasse. Questionner le sur sa vie, ses passions, mais n’entrez pas trop dans le détail. Tout
comme s’il vous pose trop de questions, n’y répondez jamais sans y laisser une part de
mystère. Le secret pour séduire un homme réside dans le fait que vous lui ferez
comprendre qu’il vous intéresse à condition qu’il s’intéresse à vous en retour. Sinon, je
ne donne pas cher de votre relation. Et n’oubliez pas non plus que tout dévoiler dès le
premier tête à tête, ne vous servira pas. La séduction pourrait facilement s’apparenter à
une recette de cuisine. Si vous mettez à feu vif une blanquette de veau, elle deviendra
immangeable sans aucune possibilité de retour en arrière. Mais si vous la faites mijoter,
alors vous vous régalerez.
- Je comprends mieux pourquoi je n’ai jamais plus eu de nouvelles après une soirée
passée à deux, affirme une dame d’un certain âge au premier rang.
- Moi aussi, ajoute une seconde.
- Dans les prochaines semaines, je vous apprendrai comment vous rendre
indispensable pour un homme, et ce, dès les premiers jours. Mais en attendant, n’oubliez
pas ce que ma mère m’a toujours dit : « L’amour c’est comme ton ombre. Cours-lui après,
elle te fuira. Fuis-la, elle te courra derrière ». Message reçu ?
- Ouiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii !
Et voilà, mon petit auditoire a repris le sourire, et c’est reparti comme en l’an 40.
- Alors qui peut me résumer ce que nous avons vu depuis notre rencontre ?
Plusieurs mains se lèvent, et je désigne une des jeunes femmes assises au huitième rang. Je l’ai choisie,
car elle est l’une des rares à ne pas s’être manifestée. Elle s’avance vers moi, d’un pas rapide, manque de
se casser la figure en sautant une marche, et arrive à ma hauteur en riant.
- Bonsoir, miss.
- Bonsoir, Ambre.
- Quel est votre petit nom ?
- Samia.
- Oh, vous êtes ma première cliente de demain matin en séance individuelle ?
- C’est bien moi, et j’ai vraiment hâte d’y être.
- Dans ce cas, je suppose que vous allez pouvoir nous résumer tout ce que je vous ai
appris en groupe ?
- Bien sûr. Surtout que je prends aussi des notes, annonce-t-elle en sortant un petit
carnet de son sac à main.
- Je vois ça, oui. Alors on vous écoute.
- En tout premier lieu, vous nous avez appris que la première chose à savoir était
qu’avant de penser à séduire, il fallait avant tout se sentir bien dans notre tête, et donc
dans notre corps.
- Exactement. Ensuite ?
- Vous nous avez parlé de régime, et démontrez que, quel que soit notre physique nous
avions toutes la même capacité de plaire.
- Impressionnant… Surtout que vous n’avez pas eu besoin de votre petit aide-mémoire.
Elle roule des yeux, visiblement très fière d’elle.
- Avec vous, tout semble si facile… et surtout si évident. On sent le vécu…
- Et il y en a…
Elle semble hésitée, aussi je lui annonce que, quel que soit sa question, je n’ai rien à cacher.
- J’ai entendu dire que vous aviez suivi une formation de Geisha, et je me demandais si
vous alliez pouvoir nous former à notre tour.
Je lui fais un sourire angélique alors que l’une de mes « tigresses » s’écrie :
- Ça m’intéresse !
- Moi aussi, ajoute une autre, puis une autre, jusqu’à ce que tout le monde finisse par
se lever et applaudisse.
- Je n’ai pas dit oui, les filles !
- Am-bre ! Am-bre ! Am-bre !
- OOOOOOOOOOOOOOOK, je vais voir comment procéder. On en reparle
ultérieurement. Sur ce, je vous laisse avec Angie, Maya, Cathy et Johanna afin de prendre
rendez-vous avec elle pour le 4 janvier. Quant à moi, je vous souhaite d’excellentes fêtes
de fin d’années. Bisouuuuuuuuuuuuuuuuus mes tigresseeeeeees !
Angie envoie la musique, et j’en profite pour m’éclipser sans plus attendre sous un tonnerre
d’applaudissements.

Noël. Je déteste cette fête. Je me souviens encore de l’appel d’Angie m’annonçant le 26


décembre que mes parents sont tous deux décédés lors d’un accident de voiture. Sur le moment je n’ai pas
réalisé, tout en sachant pertinemment que ma petite-sœur ne m’aurait jamais fait une telle plaisanterie.
Curieuse impression de comprendre sans vouloir l’intégrer. Nick et moi avons invité ses parents à se
joindre à nous pour le réveillon ainsi qu’Angie, Jérôme, Maya et Henri.
La soirée est animée, et je tiens mon rôle d’hôtesse à la perfection. Le grand-salon fait deux fois
le périmètre du petit-salon. Un grand feu de cheminée chauffe et éclaire toute la pièce. Laurent nous a
ramené un sanglier entier, qu’il a lui-même chassé la veille même. Avec Nick et Henri, ils l’ont
embroché, et placé dans les flammes ce qui laisse une odeur fort agréable dans la pièce.
Nous sommes tous les huit assis sur de magnifiques fauteuils en cuir disposés en cercle pour
l’occasion. Nous trinquons à cette fin d’année qui nous a tous réunis, et donc l’espoir que la prochaine
sera encore meilleure que celle-ci.
- Alors ma chérie, demande Laurent à sa femme, comment se passe ta formation ?
- Je ne me suis jamais autant amusée de toute ma vie ! répond-elle enjouée. Mais je
dois avoue que ma patronne me fait parfois très peur.
- Angie ! Comment oses-tu faire peur à ma petite Jessica ?
- Quoi moi ? Non, mais tu plaisantes, Ambre, ce n’est pas de moi qu’elle parle, mais
de toi !
- Certainement pas ! Je ne la vois jamais, sauf en formation de groupe.
- Angie a raison, Ambre, c’est bien de toi que je parle. Tu m’as fait une de ces peurs
lors de la dernière réunion !
Je fronce les sourcils.
- Quand ça ?
- Tu as très mal parlé aux filles, en leur disant que tu n’étais pas un gourou. Et j’ai bien
cru qu’elles allaient toutes partir.
Je lui lance un regard noir.
- Si ma façon de faire ne te plaît pas, tu peux très bien démissionner.
- Ambre ! intervient Nick. Qu’est-ce qui te prend ?
- Quoi ? Si ta mère n’est pas contente, je ne vois pas pourquoi elle continuerait à
travailler à l’agence. Ce n’est pas parce que c’est ta mère que je vais commencer à faire
du favoritisme. Je ne peux pas non plus tout accepter !
Nick serre les dents, et Jessica a bien dû mal à retenir ses larmes.
- Je ne comprends pas pourquoi tu prends aussi mal ce que vient de te dire Jessica.
- Oh ça va, Angie. Je ne pense pas que tu aies à intervenir dans notre conversation. Je
te signale tout de même au passage que sans moi, tu serais à la rue.
- Pardon ?
- Quoi ? Parce que tu penses vraiment que parce que tu possèdes la moitié de la
société, tu as le droit de…
- Ambre ! Non, mais merde à la fin. Qu’est-ce qui t’arrive ?
- Qu’est-ce qui t’arrive, qu’est-ce qui t’arrive, qu’est-ce qui t’arrive ? Tu comptes me
poser cette question toute la soirée, ou quoi ?
- …
- Je suis la patronne de cette agence, et si cela ne te plaît pas, tu peux aussi la quitter.
Contrairement à toi, j’y suis indispensable. C’est moi qui fais tout le boulot.
- Ça suffit, Ambre, tu vas trop loin.
- Pardon Nick ?
- Tu…
- Oh je vois. J’ai osé virer ta maman chérie et monsieur prend la mouche. Je savais de
toute façon qu’en l’engageant, je me plantais, mais je voulais te faire plaisir. Et voilà le
remerciement que j’en ai ! Putain de merde ! Trop bonne, trop conne.
- Je sais que tu es triste, car c’est à cette période que tes parents sont décédés,
intervient à son tour Henri, mais tu devrais commencer par…
- Ne mêle pas mes parents à ça, tu veux ? Ils ne sont pas là pour se défendre.
Contrairement à toi, ils ne sont pas restés le cul derrière un bureau à donner des ordres à
ses sbires.
- Je te demande pardon ?
- Quoi ? Tu penses que parce que tu étais Colonel, on te doit le respect. Mais tu as fait
quoi pour en arriver là, si ce n’est lécher le cul de tes supérieurs ?
Il se lève, prend Maya par le bras, et annonce :
- Je suis désolé, mais ma femme et moi ne resterons pas une minute de plus ici pour
nous faire insulter.
- Nous partons aussi, ajoute Jérôme.
- Attends mon cœur. Je voudrais comprendre ce qui se passe dans la tête d’Ambre.
- Comme c’est charmant, Angie ! Putain c’est pas possible ça ! Arrête donc de te plier
en quatre pour moi. On dirait une soubrette attendant sa petite fessée. Tu es amoureuse de
moi, ou quoi ?
Elle ferme les yeux, et commence à pleurer tout doucement.
- Tu m’écœures, Angélica. D’ailleurs, vous m’écœurez tous avec vos bons sentiments
à la con. Allez c’est bon, je me casse. Je ne vous supporte plus de toute façon. Garde la
société Angélica, je n’en ai plus rien à foutre. Je n’ai pas besoin de vous pour en
développer une autre. Mais perso, je doute que tu réussisses à la garder sans moi !
Je me lève, et me dirige vers la sortie sous l’œil ahuri de tous mes amis. Seul le père de Nick n’est pas
intervenu. Son visage est impassible, et je ne réussis pas à y déceler la moindre micro-expression sur son
visage, qui pourrait traduire ce qu’il pense.
Arrivé à ma voiture, Nick m’attrape par le bras.
- Ambre, tu peux m’expliquer ?
- Quoi ?
- Ton cinéma à deux balles, là. C’était quoi, ça ?
Je fais mine de réfléchir un instant, puis réplique en le regardant droit dans les yeux.
- Tu n’as rien vu venir, n’est-ce pas ?
- De quoi parles-tu ?
- Je ne t’aime pas Nick. Je ne t’ai jamais aimé, et ne t’aimerai jamais. Mon seul et
unique but était de te rendre amoureux de moi, puis de te jeter comme une vulgaire merde.
- …
- Sérieusement, dis-je en riant. Tu pensais vraiment que quelqu’un comme toi, pouvait
intéresser quelqu’un de mon niveau ?
- …
Je prends un air de dégoût.
- Mais tu t’es regardé, oui ? Toi le fils à maman et papa qui…
C’en est trop pour lui. Il lève sa main, et au moment où elle va pour s’abattre sur moi, il m’ouvre la
portière, furieux, me pousse à l’intérieur, et hurle à plein poumon :
- Dégage avant que je ne fasse la plus grosse erreur de ma vie. Et surtout, ne te
retourne pas !
Je démarre alors qu’il referme violemment ma portière, et m’éloigne en larmes…

Chapitre 21 :N’abandonne jamais…

Quelques semaines plus tard, alors que je rentre chez moi, dans un petit studio où les cafards, souris
et autre joyeux intrus s’en donnent à cœur joie dans mon salon/chambre, on vient frapper à ma porte.
Pensant que c’est mon voisin, j’ouvre en grand, et j’ai la surprise de découvrir le père de Nick, Laurent
Morgan.
- Je peux entrer ?
- Que voulez-vous ? demandé-je en soufflant, lui indiquant ainsi qu’il n’est pas le
bienvenu. Si c’est Nick qui vous envoie, dites-lui que…
- Mon fils ne sait pas que je suis là…
Nous nous mesurons du regard, puis comprenant qu’il est bien décidé à entrer, je me pousse pour le
laisser passer, et lui déclare sur un ton sarcastique :
- Si vous êtes venu pour me tuer, je vous en prie, ne vous gênez surtout pas !
- Je suis au courant pour votre cancer en phase terminale.
- Je ne vois pas de quoi vous parler, mens-je effrontément.
- Vous voulez vraiment jouer à ça ?
- …
- Ma patience a des limites…
- …
- Très bien !
Alors que je pensais qu’il allait partir sans se retourner, il me plaque contre le mur derrière moi, et
m’attachent les poignets avec des menottes. Puis alors que je commence à me débattre comme je peux en
hurlant, il me colle un mouchoir en tissu dans la bouche et me prend sur ses épaules.
Marc est dehors, et en nous voyant arriver, il ouvre la portière de la limousine.
- En route ! ordonne Laurent.
J’ai le visage contre la vitre, et je ferme les yeux en espérant me réveiller de ce maudit cauchemar.
Lorsque j’ai appris que j’avais un cancer généralisé en phase terminale, ma première question au
cancérologue a été de demander combien de temps il me restait à vivre.
- Quelques mois si vous suivez une chimio.
- Et si je refuse ?
- Deux ou trois mois tout au plus.
- J’ai donc le choix entre mourir rapidement si je refuse tout traitement, et de souffrir
le martyre en le suivant, sachant que je passerai de l’autre côté de toute façon ? C’est
bien ça ?
- Malheureusement, oui. Je suis vraiment désolé.
Je l’avais remercié, et était sortie de son cabinet après lui avoir affirmé qu’il ne me reverrait pas.
- Si vous me promettez de rester sage, je vous libère.
Je réponds oui de la tête et Laurent reprend son mouchoir et retire mes menottes.
- Nick est au courant ?
- Non. Seulement Marc et moi.
- Pourquoi êtes-vous là ?
- Nous avons un avion prêt à décoller pour les États-Unis.
- Pour ?
- J’ai un ami cancérologue, qui expérimente une nouvelle méthode qui pourrait vous
aider.
- Il n’y a plus aucun espoir, monsieur Morgan.
- Je vous ai demandé de m’appeler par mon prénom, Ambre.
- Après tout ce que je vous ai fait, vous voulez vraiment m’aider ? Pourquoi ?
- Ce n’est plus un fils que j’aie à la maison, mais un mort-vivant.
- Il doit me haïr à l’heure qu’il est.
- Je ne vous cache pas que j’ai appris plus de noms d’oiseaux en trois semaines, que
dans toute ma vie. Mais il vous aime toujours, et je refuse de le voir ainsi souffrir
impuissant.
- Comment avez-vous su pour mon cancer ?
- Je compte parmi mes amis les plus proches Jo Navarro.
- L’ex-agent du FBI qui a écrit « le secret du langage corporel » ?
- Il m’a appris tout ce qu’il connaissait à ce sujet, et comme vous pouvez l’avoir
compris, il est très difficile de me duper. Aussi, comprenant que vous deviez avoir une
excellente raison pour agir comme vous l’avez fait, j’ai demandé à Marc de reconstituer
votre emploi du temps de ces derniers mois.
- …
- Il a découvert que vous vous étiez rendue deux fois à l’hôpital. La première pour
faire un test de grossesse, et la seconde pour passer un scanner.
- Mon cancérologue lui a dit que…
- Non. C’est une infirmière. Marc sait être très persuasif lorsqu’il le souhaite.
- Je n’en doute pas. Je suis désolée de m’en être prise à Jessica. Je ne voulais pas
gâcher le réveillon de Noël, mais j’ai vu une ouverture et…
- Je sais.
- Tout le monde me déteste, n’est-ce pas ?
- Disons qu’ils ne comprennent pas ce qui vous a pris. Vous avez vraiment été très dure
avec eux.
- Je n’aurais pas supporté qu’ils me prennent en pitié. Je préfère les savoir me détester
que…
Ma voix se brise, et mes larmes trop longtemps retenues coulent à présent le long de mes joues.
- Je comprends, me dit tendrement Laurent en me prenant dans ses bras. Il me caresse
les cheveux, et me serre de plus en plus fort contre lui. On va trouver une solution,
Ambre, je vous le promets.
- Je ne veux pas que Nick ou le reste de ma famille l’apprenne. Je ne le supporterai
pas.
- Chaque chose en son temps, Ambre. Nous allons d’abord retrouver Yatachi et voir ce
qu’il nous propose. D’accord ?
- Oui… d’accord.

La chambre de la clinique privée de Los Angeles aux États-Unis est très spacieuse, et je suis
allongée sur un grand lit, attendant patiemment la venue du cancérologue. Le père de Nick est assis à côté
de moi, et lit le Wall Street journal. Pour ma part, je regarde Lucifer sur une des chaînes du câble, mais
n’ayant pas vraiment la tête à ça, je ne réussis pas à me concentrer et ne comprends rien à ce qui se dit.
Laurent est un homme bien, qui sous ses manières un peu trop conventionnelles possède un cœur
d’or. Il n’était pas obligé de m’aider. Nick aurait tôt ou tard fini par accepter notre rupture. Pourtant, il
n’a pas hésité à venir me retrouver dans un petit village perdu au milieu de nulle part en montagne, pour
me présenter à un ami cancérologue se trouvant à des milliers de kilomètres de là.
Ma plus grande peur est que Nick découvre mon cancer. Je sais qu’il n’hésitera pas à prendre soin
de moi, mais je n’en vois pas l’intérêt. À quoi bon le faire souffrir une nouvelle fois ?
Le cancérologue, Yatachi Montgomery, arrive dans la chambre, le visage impassible, ne trahissant
aucune émotion. Mon cœur s’accélère, mes mains deviennent moites, et Laurent lève la tête et demande :
- Alors Yatachi ?
Il prend une profonde inspiration.
- Il y a bien quelque chose, Laurent, mais ce n’est pas une tumeur.
- Ambre n’a pas de cancer ?
- Non. À moins que tu ne compares un fœtus de 7 semaines comme une maladie
incurable.
- Je… je suis enceinte ? interrogé-je sans y croire.
- Effectivement ma jolie. Et de triplés en plus. Vous n’avez pas fait les choses à moitié
à ce que je vois.
Je mets une main devant ma bouche, me faisant violence pour ne pas hurler de joie.
- Mais mon cancer, alors ?
- Je ne sais pas qui est votre médecin en France, mais à mon avis, il devrait revoir sa
copie.
- J’ai pourtant vu les radios, m’enquis-je.
Tout à coup le regard de l’homme que j’avais vu en sortant de l’hôpital lorsque j’avais appris que je
n’étais pas enceinte, me revient en pleine face, et je deviens blême.
- Ambre ? Tout va bien ?
- Ce… Ce n’est pas… possible… Laurent…
- Quoi donc ?
- Lorsque je suis allée… chercher les… résultats de mon test de grossesse, il y avait
un homme vêtu comme un chirurgien devant moi. Il portait un masque autour de la bouche,
et je… Je savais que je l’avais déjà vu, mais je n’arrivais pas à me rappeler où.
- Et maintenant ?
- Je dois me tromper… Ce ne peut pas être lui… Non, c’est impossible.
- Pierre ? Votre ex-fiancé ?
- Oui…
- Marc m’a dit qu’il vivait à Pau depuis quelques mois.
- C’est impossible, je suis censée l’avoir tué.
- Vous l’avez simplement blessé, Ambre, pas tué.
- Vous… vous en êtes certain ?
- Je vous pensais au courant, sinon je vous l’aurais dit depuis longtemps.
- Il est vrai qu’après lui avoir tiré dessus, j’ai dû m’enfuir et que je n’ai pas demandé
ce que lui et la jeune enfant étaient devenus, persuadée qu’ils étaient tous les deux
décédés.
- Deux ans de liberté surveillée n’auraient pas été très cher payées pour meurtre…
Enfin peu importe. Vous pensez qu’il a quelque chose à voir avec votre pseudo cancer ?
- S’il est médecin à l’hôpital de Pau, il est possible qu’il… Non, il n’aurait pas osé
trafiquer les examens…
- Je vais me renseigner. En attendant, allez vous habiller. Nous rentrons en France ! Il
est temps pour vous d’affronter vos amis !
- Oui… Il est temps en effet… Laurent ?
- Oui ma belle ?
- Merci…
- Si tu veux me remercier, rends mon fils heureux, et arrêtes de fuir au moindre
problème.
- J’avais mes raisons, et…
- Ambre ? Une famille n’est pas uniquement là pour les bons moments, compris ?
- Je saurai m’en souvenir, c’est promis.

- Papa, je ne comprends pas pourquoi tu as tant insisté pour que j’invite tout le monde
à dîner ! s’exclame Nick en entrant dans la véranda.
Je suis cachée derrière la porte laissée à moitié ouverte, de sorte que je puisse entendre tout ce qui se dit.
Laurent a réuni tout le monde chez lui, et Nick n’est visiblement pas d’humeur.
- J’ai mes raisons.
- Tu veux mettre ton grain de sel dans la société d’Angie, c’est ça ? Je t’assure qu’elle
et son équipe s’en sortent très bien, contrairement à ce qu’en a pensé cette… oui enfin
bon, tu m’as compris !
- Tu n’as toujours pas digéré qu’elle te quitte n’est-ce pas ?
- Je la hais ! Elle m’a mis à terre, mais je te rassure, une fois que j’en aurai terminé
avec elle, je réussirai à tourner la page.
- Si tu le dis…
Maya suivit d’Henri, Jessica, Angie et Jérôme arrivent dans la pièce, et Laurent les invite à s’asseoir.
- J’ai retrouvé Ambre, annonce-t-il sans plus attendre.
- Comment va-t-elle ? s’enquit Angie, Jessica, et Maya en même temps.
- Je ne vous comprends pas les filles. Après tout ce qu’elle vous a balancé comme
insanités, vous vous inquiétez encore pour elle ?
- Effectivement Jérôme ! Tu es un homme, tu ne peux pas comprendre. Pour ma part, je
pense qu’elle a eu un coup de folie passager, et qu’elle a craqué, mais sans penser
réellement ce qu’elle a dit.
- Il y a toujours une part de vérité, Angie, intervient Nick.
- Eh bien, nous allons pouvoir écouter l’intéressée, intervient Laurent d’une voix très
calme.
- Elle est ici ? s’enquit Henri en fronçant les sourcils.
- Ambre ? Tu peux venir. Je vous préviens, je n’hésiterai pas à me servir de mon arme,
si vous ne la laissez pas s’expliquer, c’est compris ?
Je pousse la porte tout doucement, le cœur affolé, les mains tremblantes, et entre à pas de velours dans la
pièce. Tous les yeux sont rivés sur moi, et je me sens subitement comme une enfant qui a fait une terrible
bêtise.
- Bonjour tout le monde.
- …
Ils sont visiblement sous le choc. Nick et Angie ont les yeux tirés, et je devine qu’ils n’ont pas dû
beaucoup dormir ces dernières semaines.
- Mon Dieu, Ambre. C’est bien toi ? me demande Angie en larmes.
- Oui, ma puce. Je suis sincèrement désolée, réussis-je à dire d’une voix cassée. Si tu
savais à quel point je m’en veux.
- Tu penses vraiment que tes excuses vont suffire ? s’emporte Nick qui ne décolère
pas. Voyons voir ce que tu vas bien pouvoir nous trouver pour justifier ton comportement.
Je ferme les yeux, puis me sens vaciller. Laurent se lève et m’allonge sur le canapé. Jessica m’apporte un
verre d’eau et je la remercie.
- Tu veux remettre cela à plus tard ? s’inquiète Laurent.
- Non, autant en finir tout de suite, réponds-je en me redressant.
- Très bien.
Curieusement, hormis Nick, personne ne semble réellement en colère. Au contraire, ils semblent soulagés
de me revoir.
- Le mois dernier, expliqué-je à voix lasse, je suis allée faire une prise de sang, car je
pensais être enceinte et, au lieu de confirmer ma grossesse, le médecin m’a envoyé voir
l’un de ses confrères.
- Pourquoi ? demande Maya. Tu es malade ?
- C’est ce qu’il m’avait laissé supposer effectivement…
Je vois plusieurs visages soulagés, dont celui de Nick. Ce qui me conforte dans le fait que
contrairement à ce qu’il dit, il est toujours amoureux de moi.
- J’ai donc passé d’autres examens, et peu avant Noël, le cancérologue m’a annoncé
que j’avais un cancer généralisé.
- Oh non, pitié pas ça…
- Tout va bien, Angie, je t’assure. En réalité, je n’ai rien.
- Comment ça ?
- Tu te souviens de ce que je t’avais dit au sujet de Pierre ?
- Oui, le monstre sur lequel tu avais tiré dessus ?
- Exactement… Je l’ai cru décédé, alors qu’en réalité…
J’ai du mal à terminer ma phrase, en repensant à ce jour-là. Angie s’approche de moi en douceur, et me
prend la main.
- Je ne t’ai jamais dit qu’il était mort, Ambre. Je suis sincèrement navré si je t’ai laissé
pensé que…
- Je sais, Henri. C’est moi qui… Enfin bref. Pierre est revenu sur Pau et s’était arrangé
pour trafiquer mes examens médicaux. Le hasard a voulu qu’il s’y était fait engager
comme médecin traitant. Mais heureusement Laurent a pris les choses en mains, et a
réussi à avoir le fin de mot de l’histoire. Il m’a accompagné à Los Angeles pour passer
d’autres examens médicaux, espérant que son ami pourrait faire quelque chose, et c’est là
que j’ai appris que je n’étais pas malade.
- Tu aurais pu m’en parler, râle Jessica, en lançant un œil de reproche à son mari.
- J’aurais pu en effet, mais tu me connais… J’aime avoir le beau rôle.
- Ma puce… Pourquoi ne nous en as-tu pas parlé ?
- Angie… Je me croyais en phase terminale, et je savais que si je vous l’avais confié,
vous m’auriez regardé avec pitié. Et ça, c’était hors de question.
- Alors tu as préféré que l’on te maudisse ?
- Oui… C’était mieux pour tout le monde.
- Mieux pour tout le monde ? s’écrie Nick. Non, mais tu plaisantes ? Nous aurions été
là pour te soutenir, et…
- Je ne voulais pas que vous vous inquiétiez pour moi ! hurlé-je à mon tour. Peux-tu
comprendre que je voulais mourir sans me sentir pitoyable ?
J’ai de plus en plus de mal à parler, et sens la fatigue m’envahir. Je me laisse lourdement retomber sur le
canapé, et Nick pose sa main sur mon front.
- Tu n’as pas de fièvre, mais tu ne sembles pas pour autant te porter très bien. Es-tu
certaine de ne pas avoir de cancer ? Papa ? Tu l’as emmené voir qui exactement ?
- Ambre, tu serais gentille de leur dévoiler la raison de ton malaise, avant que je ne
sois obligé de le faire moi…
Je me redresse péniblement, et attrape Nick par la cravate. Il est tellement beau en costard trois-pièces, et
ses yeux brillent d’un tel éclat que je sens tous mes sens se mettre en éveil.
- Je suis fatiguée, Nick.
- Oui, ça, j’avais remarqué. Mais pourquoi ?
Je voulais lui annoncer l’heureuse nouvelle en privé, mais au point où j’en suis autant tout lui dire
maintenant.
- Nous attendons des triplés…
- Des triplés ?
- Oui…
- Oh mon Dieu, je vais être papa ?
- Oui…
Ses yeux s’humidifient, et je devine qu’il se fait violence pour ne pas pleurer.
- Tu en es certaine ?
- Oh oui… Et c’est d’ailleurs pourquoi je me sens si faible. J’ai maigri alors que
j’aurais dû…
- Je vais te remettre en forme moi, tu vas voir ! Bon sang, ma chérie. Ne t’enfuie plus
jamais comme tu l’as fait, ou je te promets que la prochaine fois, je te retrouve et
t’enfermes jusqu’à ce que tu reviennes à la raison, c’est compris ?
- J’ai compris la leçon, mon cœur. Jamais plus je ne recommencerai à fuir. J’ai eu plus
que ma dose là.
- Nick ?
- Oui Angie ?
- Tu permets que j’embrasse ma grande sœur pour la féliciter ?
- Bien sûr.
J’ai droit à quelques brimades, puis embrassades. Tous me menacent, les uns après les autres de me
faire ma fête si je venais à recommencer. Puis Nick me prend dans ses bras et m’accompagne jusqu’à son
ancienne chambre.

- Je t’aime, mon ange. Et je ne supporterai plus que tu me caches quelque chose.


Surtout pas en agissant ainsi.
- Je sais, mon amour. Et je t’aime aussi. J’espère qu’un jour tu me pardonneras tout le
mal que je t’ai fait.
- C’est déjà fait mon ange. Je comprends pourquoi tu as agi comme tu l’as fait, mais il
est temps que tu comprennes que je suis là pour toi. Et que quoi qu’il se passe, je ne
cesserai jamais de t’aimer.
- Alors, fais-moi ta demande…
- Tu veux que je te demande de m’épouser, maintenant ?
- Oui…
- Je croyais que tu voulais une demande romantique…
- Je m’en fiche de ça… Je veux juste passer le reste de ma vie avec toi. Le reste n’a
aucune importance.
Il défait deux boutons de sa chemise, et retire sa chaîne. Puis il prend la bague accrochée, et s’agenouille
devant moi, le regard brûlant.
- Tu m’avais déjà acheté une bague ?
- Je l’ai acheté le lendemain même de ma première demande, mon cœur.
- Et tu ne l’as jamais retirée de ton cou, jusqu’à aujourd’hui ;
- Je l’ai mise le jour où tu m’as quitté, sinon tu l’aurais remarquée.
- Ce n’est pas faux. Mais pourquoi, alors que tu me détestais, l’as-tu mise là ?
- Parce qu’au fond de moi, j’espérais que tu me reviendrais. Et mon vœu a été exaucé.
Je suis trop émue pour dire quoi que ce soit. Son regard se fait brûlant, et mon être tout entier vibre au son
de sa voix.
- À compter de ce jour, je ferai de tes jours et de tes nuits un paradis, jusqu’à ce que la
mort nous sépare. Ambre, et vous mes petits triplés, à qui je fais la promesse d’être un
père et un mari dévoué et exemplaire, voulez-vous passer le reste de votre vie avec votre
humble serviteur ?
- Oui… nous le voulons tous les quatre, mon amour, soufflé-je persuadée que plus rien
ni personne ne pourra jamais nous séparer.

Remerciements ;

A mes deux prunelles, C et S… Ma vie, mon oxygène, sans qui je ne suis rien.
A ma petite Brina, mon ange-gardien. Sans qui je n’aurais jamais réussi à terminer ce roman avant Noël.
Et encore, je reste optimiste.
A Carole, qui a malheureusement dû arrêter en cours de lecture pour raisons personnelles.
Et à vous toutes et tous mes tigresses et mes tigrous qui répondaient toujours présents depuis le premier
jour… -

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