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Mars 2017
1 – Introduction
Comment est-il possible que le travail ait un tel impact sur la santé
mentale ? Ce sera dans la première partie ce que j’essayerai d’aborder. Dans un
deuxième temps je préciserai ce que les recherches en clinique du travail
identifient, parmi les transformations du travail, comme causes principales de
l’accroissement des pathologies mentales du travail. Dans un troisième temps je
parlerai des voies que l’on peut tracer pour mettre un terme à cette évolution
On sait que ces atteintes à la santé du corps sont principalement (mais pas
exclusivement) en rapport avec les conditions de travail : conditions physiques
du travail (bruit, température, radiations ionisantes, ….), conditions chimiques
du travail (vapeurs, poussières, solvants, insecticides,…) et les conditions
biologiques du travail (virus de l’hépatite et du sida, parasites, bactéries,
champignons,…). Le modèle d’analyse est celui d’un rapport entre le travail
considéré comme un environnement extérieur à l’individu et à l’organisme
anatomo-physiologique.
C’est une erreur, mais elle reste très largement dominante, surtout dans
les pays qui restent fidèles à la pensée anglo-saxonne. La clinique du travail
française, en particulier la psychodynamique et la psychopathologie du travail
soutiennent un tout autre modèle explicatif.
Depuis les années 1980 on a établi que si la santé de corps dépend des
conditions du travail, donc de l’environnement, la santé mentale quant à elle,
est principalement en rapport avec l’organisation du travail, ce qui est tout
autre chose. Je n’ai pas le temps de définir ce qu’on entend par organisation du
travail, je ne retiendrai qu’un seul de ces éléments : l’organisation c’est un
Mais cette intelligence qui mobilise toutes les propriétés du corps exige en
fait que la personnalité tout entière soit habitée par le travail jusque dans ce
qu’elle a de plus intime. Les infirmières et plus généralement les soignants,
pensent à leurs malades bien au-delà du temps de travail. Ils y pensent
longtemps après avoir quitté l’hôpital, ils en font des insomnies, et même, ils en
Dans ce cas, donc, le travail peut générer le meilleur. Mais pour que ce
chemin du plaisir au travail soit possible, il faut des conditions précises. Et c’est
là que le bât blesse. Car dans de nombreuses situations de travail aujourd’hui,
l’organisation du travail ne formule pas que des prescriptions. Elle impose aussi
des contraintes de discipline, de contrôle, de commandement, et de domination
qui entravent l’exercice et le développement de l’intelligence au travail. Le
résultat est alors désastreux : l’expérience du travail génère de la déception, de
l’amertume, de la colère, du ressentiment, de la haine, et au-delà, de
l’impuissance, de la résignation, de l’effondrement, du mépris de soi, de la
dépression. Et au-delà encore, se profile le spectre des « décompensations » : les
maladies mentales proprement dites :
A côté des maladies mentales que je viens d’évoquer il faut faire une place
à un certain nombre de maladies du corps dont toutefois la genèse passe par
des troubles infligés au fonctionnement psychique – ce sont les pathologies de
surcharge :
- Les TMS
- Le burn-out
- Le karôshi
- Mais dans de très nombreux métiers, sinon dans tous, la pression exercée
par le nombre, et surtout la standardisation des modes
opératoires :
Pour les chercheurs et les cliniciens, il n’y a donc plus aucun mystère dans
la dégradation ininterrompue depuis plus de 25 ans de la santé mentale au
travail. La brutalité du processus est telle, non seulement en France mais dans le
monde entier, qu’on en vient à croire que cette évolution est incoercible,
irrémédiable, que c’est une fatalité.