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Conférence Internationale de Géotechnique – Beyrouth 2004

Variabilité bidimensionnelle des paramètres de gonflement

Bi-dimensional Variability of the swelling parameters

Abdelmalek BEKKOUCHE, Youcef HOUMADI & Sidi Mohammed AISSA MAMOUNE


Département de Génie Civil, Faculté des Sciences de l’Ingénieur
Université Aboubakr Belkaïd–Tlemcen BP 230 Tlemcen 13000 Algérie
E-mails : a_bekkouche@hotmail.com ou aissa_mamoune@hotmail.com

RÉSUMÉ –La variabilité des paramètres physiques du sol a une influence certaine sur
l’estimation des paramètres de gonflement (amplitude et pression). Le présent travail est
consacré à l’étude de la variabilité bidimensionnelle (2D) des paramètres de gonflement du
site de l’ex. ITE (Tlemcen) par une méthode probabiliste basée sur la description aléatoire de
la variabilité des paramètres du sol. Cette technique permet d’identifier les paramètres de
gonflement dans des zones où l’information sur les paramètres physiques n’est pas
disponible.

ABSTRACT – It is well known that the variability of the soil properties have a great influence
on the assessment of the swelling parameters. The present work aims to analyze the bi-
dimensional (2D) variability of the swelling parameters of a soil located in ex-ITE (Tlemcen)
through a probabilistic method based on a random description of the soil properties
variability. This method allows the identification of the swelling parameters in many areas
where no information on the soil properties is available.

1. Introduction

Un certain nombre de travaux ont été mené durant les 15 dernières années pour estimer les
paramètres de gonflement (Aissa Mamoune S. M 2002), lesquels sont décrits par l’amplitude
et la pression du gonflement. La stabilité des structures fondées sur des sols gonflants
représente une des priorités de l’ingénieur. Plusieurs modèles d’estimation indirecte de ces
paramètres, basés sur une analyse statistique des données de sol (Djedid et al, 2001), ont
été mis en place. Cette approche permet, dans la phase préliminaire du projet, de connaître
les paramètres de gonflement en fonction d’un certain nombre de paramètres physiques.
Ainsi si l’information sur ces paramètres est disponible, l’estimation des paramètres de
gonflement peut être facilement effectuée. Toutefois, le sol est caractérisé par une grande
variabilité et par conséquent l’utilisation des modèles d’estimation indirecte des paramètres
de gonflement reste tributaire de la disponibilité de l’information sur les caractéristiques du
sol laquelle est, dans la plus part des cas, très rare.
L’objectif du présent travail s’inscrit dans le développement d’une approche probabiliste
d’estimation des paramètres de gonflement laquelle peut être perçue non seulement comme
étant complémentaire à l’approche déterministe sus citée mais aussi du fait qu’elle permet
d’investir de nouveaux horizons. Il s’agit essentiellement de prendre en charge la variabilité
bidimensionnelle des paramètres physiques du sol.
Pour ce faire, on a considéré que les paramètres de sol sont caractérisés par des
champs aléatoires définis par une fonction de distribution de type lognormale. Cette
hypothèse trouve son origine dans les fondements du théorème de limite centrale qui
s’applique parfaitement aux différents paramètres de sol. L’approche probabiliste d’estimation

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des paramètres de gonflement, développée dans le présent article, fera l’objet d’une étude
exhaustive quant aux effets de la variabilité des caractéristiques physiques du sol.
Les résultats obtenus montrent que l’estimation des paramètres de gonflement du sol
sans pris en charge de la variabilité des paramètres physiques du sol conduit à une
estimation de ces paramètres et par conséquent peut avoir des effets non négligeables sur la
stabilité des structures.

2. Description du modèle statistique d’estimation des paramètres de gonflements

Plusieurs auteurs ont proposé des modèles d’estimation des paramètres de gonflement à
savoir la pression et l’amplitude. Ainsi certains ont proposé des corrélations entre ces
paramètres et les caractéristiques intrinsèques du sol (Aissa Mamoune S. M 2002). Ces
corrélations ont été obtenues sur la base d’une analyse statistique de donnée. A titre
d’exemple, dans le cas du modèle établi pour les marnes de Tlemcen, la pression (σg en
Bars) avec (1 bars = 105 Pa) et l’amplitude (ε g en %) de gonflement sont fonction des
élément inférieur à 0.02µm C (%) , de la teneur en eau naturelle du sol ω n (%), de la densité
sèche γ d (t/m3) et de la profondeur Z (m). A partir de ces relations validées, il est possible
d’estimer indirectement les paramètres de gonflement et ce en utilisant uniquement des
paramètres de sol facilement et relativement mesurables. Ainsi, les paramètres de
gonflement sont donnés par :

log σ g = −0.0026Z − 0.02ω n + 0.0146C + 0.0165γ d + 0.0564 (1)

ε g = −0.7548Z − 0.169ω n + 0.04477C + 0.584γ d + 10.496 (2)

Les expressions (1) et (2) ont été obtenues pour le cas des marnes de Tlemcen, nous les
avons par conséquent adopté pour le site de l’ex-ITE situé à Tlemcen. Au niveau de ce site 4
sondages ont été effectués, les propriétés du sol ont été déterminées au niveau de ces
sondages et grâce aux expressions (1) et (2) il est possible de déterminer les paramètres de
gonflement. La question qui se pose maintenant réside dans la détermination de ces
paramètres au niveau d’un point quelconque A (Figure 1) de coordonnées (X,Y). Le
paragraphe sera consacré à la mise en place de notre approche pour justement déterminer
ces paramètres.

Figure 1. Dispositions des sondages au niveau du site ex-ITE

3 Méthodologie générale de prise en charge de la variabilité des paramètres


physiques du sol

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En mécanique des sols, l’approche probabiliste a été utilisée dans l’estimation du taux de
consolidation du sol de caractéristiques aléatoires (Gordon et al., 2002) ; d’autres auteurs ont
abordé la problématique du calcul du coefficient de sécurité en considérant que le sol
présente une variabilité de ses caractéristiques (Favre et al., 1995) ; et enfin, le problème de
la consolidation a été récemment abordé (Magnan et al., 1995), (Magnan et al.,1996). Cette
même approche a été utilisée en vue de modéliser de la variabilité spatiale des propriétés du
sol.
Il a été considéré que les variables contrôlées (mesurées) des modèles utilisés sont
indépendantes. L’analyse spatiale de ces paramètres géotechniques consiste à décomposer
leur variation en une fonction déterministe des coordonnées des points de mesure suivant la
profondeur Z, appelée dérive (Tableau I), et une composante aléatoire de moyenne nulle.

Tableau I. Données introduites dans les calculs

Fonction déterministe Loi de


Paramètres Ecart-type
(R > 60%) distribution

Densité sèche γ d (t/m3) 15.349+0.608 Z-0.036 Z2 0.70 lognormale

Les éléments <0.002µm C (%) 48.147+0.075 Z2 10.48 lognormale

Teneur en eau naturelle du sol


ω n (%) 26.321-1.765 Z+0.105 Z2 2.54 lognormale

La technique de simulation de Monte Carlo consiste à calculer un grand nombre de fois


les paramètres de gonflement des marnes de Tlemcen en attribuant aux paramètres des
modèles statistiques (1) et (2) des valeurs tirées aléatoirement d’après leurs lois de
distribution. Ces trois variables observées ont été modélisées chacune par une fonction
lognormale dont les paramètres statistiques sont respectivement µLn(γ) la moyenne ,σLn(γ)
l’écart type et θLn(γ) la distance de corrélation. La distribution lognormale d’un champ aléatoire
est obtenue dans une première simulation par une distribution normale du champ aléatoire
″GLn(γ)(x)″ qui a une moyenne nulle, une variance unitaire et une distance de corrélation θLn(γ).
A titre d’exemple, pour la densité du sol, la fonction correspondante est donnée par :

γ i = Exp{(µ Ln ( γ ) + σ Ln ( γ ) * G Ln ( γ ) ( X i )} (3)

Où : Xi est le vecteur des coordonnées du centre de l’élément ″ i ″ et ″γi ″ est la valeur de


la densité affectées à l’élément ″ i ″ ; σ γ est la variance de la densité sèche ″γd″ du sol et
2

( µ γ ) est sa moyenne
Les deux premiers moments sont données par :

σ 2Ln( γ ) = Ln (1 + σ 2γ / µ 2γ )
(4a)
1
µ Ln( γ) = Ln (µ γ ) − σ 2Ln( γ )
2 (4b)

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Les deux autres paramètres géotechniques utilisés, les éléments <0.002µm C (%) et la
teneur en eau naturelle du sol ω n (%), pour l’estimation des paramètres de gonflement sont
modélises de la même manière.
Ainsi grâce à cette méthodologie, il est possible de déterminer en tous point les 03
paramètres géotechniques du sol qui, injectés dans les Equations (1) et (2) vont nous
permettre de déduire les paramètres de gonflements.

4. Application au cas du site de l’ex-ITE Tlemcen

L’exemple traité est le profil géotechnique du sol d’assise de l’ex-ITE composé


essentiellement de marnes. Ce profil, de10m de profondeur et 30m de largeur, a été
décomposé en 1200 éléments quadratiques. Pour chaque élément les caractéristiques du
sol ont été simulées à partir de la méthodologie développée et injectés dans les modèles
statistiques (1) et (2) pour obtenir les paramètres de gonflement.
Les valeurs des 1000 calculs des paramètres de gonflement ont été générées d’une
manière aléatoire en tenant compte de la dérive non linéaire en fonction de la profondeur et
en utilisant des lois de distribution modélisées à partir des données disponibles et aussi les
échelles de fluctuation (verticale et horizontale) et la fonction de variance qui correspond à la
fonction d’autocorrélation de forme triangulaire. La figure 2 montre clairement que les
paramètres de gonflement suivent une loi normale, ce résultat est en conformité avec le
théorème de la limite centrale.

Figure 2 .Histogrammes des pressions (Bars) et amplitudes (%) de gonflement dans la dernière
simulation

Par ailleurs, nous avons étendu notre travail à la détermination des paramètres de
gonflement en tous points du massif de sol. Les résultats obtenus sont dressés dans les
figures 3 (pression de gonflement) et 4 (amplitude de gonflement). Les résultats obtenus
montrent clairement que les paramètres de gonflement se caractérisent par une grande
variabilité et ce suivant X et Z.
Afin de mieux visualiser ce résultat nous avons considéré par ailleurs, la variation suivant
l’axe X pour trois profondeurs Z=2.5, 5 et 7.5 (Fig. 5) de la pression de gonflement. On
remarque ainsi qu’à la profondeur Z=2.5 m, la pression de gonflement varie de 3 bars à 4
bars ce qui peut avoir des effets considérables sur une fondation si la variabilité n’avait pas
été prise en charge. En particulier cette variabilité a lieu en des points très proches distants
de moins de 3m. Les méthodes classiques négligent cette variabilité et considèrent
uniquement une valeur moyenne de cette pression ce qui est fondamentalement incorrecte.

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Figure 3. Pression de gonflement (105Pas)

Figure 4. Amplitude de gonflement (%)

Figure 5. Variation de la pression du gonflement en plan à différentes profondeurs

Par ailleurs, nous avons considéré la variation de la pression de gonflement pour trois
positions de X à savoir, X=2.5, 15 et 27.5m (Figure 6). Il ressort ainsi une nette variation de la
pression en fonction de la profondeur qui passe par exemple de 2.8 bars à la surface à 5

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bars à Z=8m et ce pour X=27.5m. Ce résultat montre la nécessite de recourir à des


approches telles que celle développée dans le présent travail pour quantifier les paramètres
de gonflement.

Figure 6. Variation de la pression du gonflement en plan à différentes positions

Il serait aussi intéressant de visualiser la variation de l’amplitude en fonction de la distance X


pour Z=2.5, 5 et 7.5m (Figure 7). L’examen de cette figure montre que l’amplitude de
gonflement varie faiblement et ce par rapport à la distance X. Ce résultat est du en partie à la
faible variabilité de la densité du sol qui est par ailleurs fonction de l’amplitude. Par contre la
variation de l’amplitude en fonction de Z est assez importante. En effet, nous avons examiné
la variation de l’amplitude pour trois positions de X, X=2.5, 15 et 27.5m et ce en fonction de la
profondeur (Figure 8). L’examen de cette figure montre que l’amplitude varie 17.3% (en
surface) à presque 12.5% (à Z=10m). De plus, grâce à cette figure on montre que le sol
d’assise de l’ex-ITE est composé principalement de 02 couches (Z=0 à 3m, Z=3m à 10m).
Ce constat peut être justifié par la variation de l’amplitude qui est presque constante quelque
soit X et ce pour Z=3m à 10m.

Figure 7. Variation de l’amplitude du gonflement en plan à différentes profondeurs

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Figure 8. Variation de l’amplitude du gonflement en plan à différentes positions

Les résultats obtenus montrent que la variabilité des paramètres du sol influe sur la
répartition des paramètres de gonflement. En fait, il est tout à fait clair que l’analyse ne peut
prendre en compte la variabilité spatiale des paramètres de gonflement à cause de
l’insuffisance de l’information. Souvent, l’interpolation entre points de mesures c'est-à-dire
uniquement entre les points où l’information est enregistrée, est difficile et est entachées
d’erreurs. L’information en ces points est difficilement généralisable à tout le profil. De ce fait,
les résultats obtenus par l’approche classique, paraissent surestimés. C’est certainement du
a l’insuffisance de l’information et aux erreurs d’interpolation entre points de mesure. Par
contre, les résultats obtenus par l’analyse probabiliste donne des valeurs raisonnables des
amplitudes de gonflement.
Cette approche peut donner de probants résultats, si les lois de probabilité correspondante
au phénomène étudié sont bien établies. En effet, la méthodologie développée est facilement
utilisable si d’autres lois de probabilité autres que la loi lognormale sont introduites.

3. Conclusions

L’estimation des paramètres de gonflement représente une étape importante dans le


dimensionnement des structures. Plusieurs modèles d’estimation indirectes des paramètres
de gonflement à partir des paramètres géotechniques aisément et rapidement mesurables
ont été développés. Toutefois, le sol est caractérisé par une grande variabilité et par
conséquent l’utilisation des modèles d’estimation indirecte des paramètres de gonflement
reste tributaire de la disponibilité de l’information sur les caractéristiques du sol laquelle est,
dans la plus part des cas, très rare. Le présent travail nous a permis de surpasser cette
restriction par la mise en place d’une méthodologie permettant la génération probabiliste des
caractéristiques du sol. Les résultats obtenus montrent que l’estimation des paramètres de
gonflement du sol sans pris en charge de la variabilité des paramètres physiques du sol
conduit à une estimation de ces paramètres et par conséquent peut avoir des effets non
négligeables sur la stabilité des structures.

5. Références bibliographiques

Aissa Mamoune S. M. (Juillet 2002), contribution à la mesure, prévision et modélisation du


comportement des sols expansifs. Mémoire de magister. Université de Tlemcen, FSI, Département
de Génie Civil, Algérie.

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Bekkouche A., Aissa Mamoune S.M. & Houmadi Y. 2003 : Variabilité des paramètres de gonflement
sous une fondation superficielle (05-07 Novembre 2003) ; Symposium International sur les fondation
superficielles FONDSUP ; Paris, France.
Djedid A., Bekkouche A. & Aissa Mamoune S. M. (2001) Identification et prévision des paramètres du
gonflement de quelques sols de la région de Tlemcen (Algérie). Bulletin LCPC N°233, PP 67-75
Favre J. L., Genevois B. (1995) Analyse de la sécurité des fondations superficielles vis-à-vis d’un défaut
de portance: effet de la variabilité spatiale des paramètres du sol. Revue française de géotechnique.
Gordon A. Fenton, Griffiths D. V. (2002) Probabilistic foundation settlement on spatially random soil.
Journal of geotechnical and geoenvironmental engineering. PP, 381-390.
Magnan J. P., Bouheraoua A. (1995) Stochastic analysis of soil consolidation in theory and practice.
Aplications of statistics and probability, ICASP7, Balkema, Rotterdam, PP, 77-83.
Magnan J. P., Bouheraoua A. (1996) Analyse probabiliste de la consolidation unidimensionnel des sols.
Revue française de géotechnique 4eme Trimestre 1996. PP, 19-30.

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