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Traitement des incertitudes dans le calcul géotechnique avec la nouvelle

norme fondations profondes NF P 94 262


Reiffsteck Philippe, Burlon Sébastien

Université Paris Est, IFSTTAR, Paris, France

Résumé

La mise en application de l’Eurocode 7, nécessite la rédaction des normes d’application


nationale. Ainsi la norme sur les fondations profondes succède au fascicule 62 titre 5 utilisé
pour le dimensionnement de fondations d’ouvrages d’art et à la norme NF P11-212-2 (ex
DTU 13.2) appliquée aux bâtiments. Elle propose une mise à jour des méthodes directes
pressiométriques et pénétrométriques et met en place la détermination des valeurs
caractéristiques de portance à partir de la méthode du pieu modèle et la méthode du modèle
de terrain. Cet article présente ces différents aspects et ce que cela implique pour la
pratique.

Abstract

The implementation of Eurocode 7, requires the drafting of national application standards.


Thus the standard for deep foundations succeeds to Fascicule 62 titre 5 used for the design
of bridge foundations and the NF P11-212-2 (eg DTU 13.2) applied to buildings. It provides
an update of direct methods based on pressuremeter and penetrometer and implements the
determination of characteristic values of bearing capacity using the « pile model » method
and the method of the « ground model ». This article presents the various aspects and
implications for practice.

Introduction
Dans le cadre de l’application pratique de l’Eurocode 7 en France, la publication de la norme
d’application nationale relative aux fondations profondes, réunissant les anciennes règles
des domaines du bâtiment et des ouvrages d’art, est sur le point d’aboutir. Cette dernière, de
part l’influence des Eurocodes, introduit deux nouveautés pour l’ingénierie géotechnique.
D’une part, apparaît la notion de valeurs représentatives ou caractéristiques pour les
paramètres de sol comme la pression limite pLM ou la résistance de pointe qc ainsi que pour
les paramètres de résistance globale comme pour la portance d’une fondation profonde.
D’autre part, il est donné la possibilité d’utiliser deux méthodes de calcul pour déterminer la
portance d’un pieu : la méthode recommandée par l’Eurocode 7 désigné en France par
« méthode du pieu modèle » et la méthode qualifiée d’alternative par l’Eurocode 7
dénommée « méthode du modèle de terrain ». Ces deux changements obligent à
s’interroger sur les incertitudes dans les calculs géotechniques depuis la détermination des
paramètres de sol mesurés jusqu’à la détermination des valeurs nécessaires à la justification
des ouvrages pour différents cas de charge (ELS, ELU). De manière générale, deux niveaux
d’incertitude peuvent être considérés : la première est liée à la détermination des valeurs des
paramètres de sol permettant la réalisation des calculs et donc à la prise en compte de la
dispersion spatiale des paramètres de sol tandis que la seconde est en rapport avec la

1
robustesse du modèle de calcul mis en œuvre pour lequel l’Eurocode 7 propose de définir
des coefficients partiels de modèle (Figure 1).

L’article se propose d’aborder comment prendre en compte ces deux niveaux d’incertitude
dans le cadre du dimensionnement de fondations profondes. En préambule, les deux
méthodes de calcul de ces ouvrages sont exposées : d’une part la « méthode du pieu
modèle » et d’autre la « méthode du modèle de terrain ». Ensuite, il s’agit de détailler à partir
de ces deux méthodes comment la dispersion des paramètres de sol est prise en compte. Il
est alors possible d’illustrer comment à partir de valeurs de données d’essais, il est
envisageable selon des approches statistiques simples de déterminer des valeurs minimales
ou moyennes de ces mêmes données géotechniques. Une autre approche est celle
proposée par l’Eurocode 7 avec les facteurs de corrélation ξ qui permettent forfaitairement
de gérer la dispersion spatiale des paramètres de sol. Ensuite, la méthodologie de
détermination de la robustesse d’un modèle de calcul est illustrée à partir du calcul de la
portance d’une fondation profonde.

Paramètres Paramètres utilisés Dimensionnement


mesurées pour les justifications d’un ouvrage

Jugement de Modèle de
l’ingénieur calcul – γR ;d

Approche
statistique

Figure 1. Incertitude dans un modèle géotechnique.

1 Présentation des méthodes de calcul des fondations profondes


Déterminer la charge admissible d'une fondation profonde de manière à être proche de sa
capacité portante réelle est encore très difficile. Dans la plupart des pays, le développement
des techniques de pieux a été fait simultanément avec la création de méthodes de
conception spécifiques. En parallèle, des efforts importants ont portés sur la reconnaissance
géotechnique sur laquelle ces méthodes se fondent. En France, en raison de la variété très
grande de terrain avec une forte prépondérance des formations complexes pour lesquels le
prélèvement d'échantillons intacts n'était pas toujours possible, les ingénieurs ont été
amenés à privilégier les essais in situ. Leur pratique s’est principalement basée sur l’essai de
pénétration statique au cône (CPT) et l’essai d’expansion au pressiométre Ménard (PMT).

Dans ces méthodes, la valeur de portance d’un pieu Rc est calculée par:

Rc;k = Rb;k + Rs;k (1)

Rb ;k la valeur caractéristique de la résistance de pointe ;


Rs ;k la valeur caractéristique de la résistance de frottement axial.

2
Cette séparation en deux termes de la capacité portante est une caractéristique commune
de toutes les méthodes de conception utilisées dans la pratique : les méthodes analytiques
basées sur le frottement (proportionnel à ϕ'-c') et des méthodes empiriques basées sur des
essais in situ (CPT, SPT, PMT). La résistance de pointe est liée à une valeur moyenne de la
résistance au cisaillement déduit de laboratoire ou des essais in situ, multipliée par un
facteur adapté aux mécanismes de défaillance, corrigé pour la classe de sol et pour certains
effets lié au remaniement induit par la technique d'installation. Le terme de frottement axial
représente l'interaction (complexe) pieu-sol et le changement des propriétés du sol dans le
voisinage du pieu après qu'il a été installé couplés à la variabilité du sol.

La valeur caractéristique de la portance Rc;k et/ou de la résistance de traction Rt ;k peut être


déterminée à partir d’essais de chargement ou d’essais d’impact dynamique et à partir de
calculs. Dans ce dernier cas, l’Eurocode 7 (norme NF EN 1990) définit deux méthodes : la
« méthode du pieu modèle » et la « méthode du modèle de terrain ».

1.1 Pieu modèle

La méthode du « pieu modèle » consiste à calculer la valeur caractéristique Rc;k de la


portance d’une fondation profonde à partir des N valeurs de portance Rc déduites de N
sondages d'un site homogène du point de vue géotechnique, il est possible de mener deux
types d'analyse : l’une basée sur l’application des facteurs de corrélation ξ, l’autre basée sur
l’application de l’annexe D de la norme NF EN 1990.

La mise en œuvre de la méthode basée sur l’application des facteurs de corrélation ξ


conduit à déterminer la valeur caractéristique de la portance Rc;k au moyen de la formule
générale suivante :

Rb + Rs
Rc;k = Rb;k + Rs ;k =
γ R ;d ξ

Les facteurs ξ s’appliquent respectivement à la moyenne ainsi qu’à la valeur minimale des N
valeurs de portance calculées et il faut alors retenir la valeur minimale parmi les deux
résultats obtenus.

La mise en œuvre de la méthode basée sur l’annexe D de la norme NF EN 1990 consiste à


déterminer avec au moins trois profils d’essais la valeur caractéristique Rc;k à partir de la
valeur Rc ;pr suivant la relation suivante :

Rc; pr
Rc ; k =
γ R ;d

Rc;pr est calculée à partir de N valeurs de portance Rc suivant les recommandations de


l'annexe D de la norme NF EN 1990 en retenant une distribution log-normale

1.2 Modèle de terrain

La méthode du « modèle de terrain », la valeur caractéristique de la portance R c;k doit être


déterminée au moyen des équations suivantes :

3
Rc;k = Rb;k + Rs ;k

qb
Rb;k = Ab qb;k = Ab
γ R;d

q s ;i
Rs ;k = ∑ As ;i
i γ R ;d

Ab et As;i respectivement les surfaces de la pointe et latérales du pieu


qb;k désigne la valeur caractéristique déduite par abattement des valeurs calculées qb de la
pression résistante limite à la base d'une fondation profonde ;
qs;k désigne la valeur caractéristique déduite par abattement des valeurs calculées qs ;i
frottement axial unitaire limite de la fondation profonde pour la ième couche de terrain.

Les valeurs qb et qs;i sont déterminées à partir de valeurs représentatives ou caractéristiques


de la pression limite pLM ou de la résistance de pointe qc. Un exemple est donné dans la
suite de l’article pour la détermination de ces valeurs représentatives ou caractéristiques.

1.3 Commentaires sur ces méthodes

Ces méthodes de calcul de la portance d’une fondation profonde incluent des traitements
spécifiques de la variabilité spatiale des paramètres de sol. La « méthode du modèle de
terrain » laisse l’ingénieur libre de son choix quant à la détermination de la valeur d’un
paramètre de sol tandis que la « méthode du pieu modèle » permet un traitement
automatique à travers le facteur de corrélation ξ. Cette différence de traitement exige un
certain nombre de précisions qui font l’objet de la partie 2. La fiabilité des modèles calcul est
quant à elle prise en compte avec le coefficient de modèle γR ;d. La valeur de ce coefficient
doit être évaluée à partir d’une base d’essais de compression de pieux par comparaison des
valeurs calculées avec le modèle à évaluer et des valeurs mesurées lors de ces essais. Un
exemple d’un tel calage est présenté en partie 3 avec les nouvelles règles de calcul de la
portance d’un pieu à partir du pressiomètre.

2 Dispersion spatiale
Les grandeurs physiques caractérisant le sous-sol présentent des variations spatiales
importantes. Il est nécessaire dans un projet de mettre en œuvre une démarche pour
identifier, ce qui est du ressort :

-de la dispersion naturelle des propriétés des terrains,


-des zones singulières que l'on s'attend à rencontrer et qui sont la source de difficultés
prévisibles,
- des situations extraordinaires et imprévisibles malgré la densité et la pertinence des
reconnaissances effectuées.
En croisant, ces informations avec la densité de reconnaissances, on est capable d'estimer
par secteur un niveau de « fiabilité » à attribuer au modèle.

Il faut être conscient qu’une part de l'incertitude provient des techniques de reconnaissance
mises en œuvre car en raison des caractéristiques techniques propres aux essais : vitesse

4
de pénétration du CPT, longueur de l'échantillonneur du SPT ou de la sonde pour PMT, la
segmentation du profil de sol varie, localisant plus ou moins précisément dans l’espace la
position des horizons et leurs propriétés mécaniques.

Ces techniques de reconnaissance diffèrent aussi par leurs erreurs d’observation. Si les
erreurs de mesure peuvent être estimées comme assez faibles en règle générale - en tout
cas en ce qui concerne la part de l’appareil -, les erreurs de représentativité sont fortes pour
le pénétromètre qui passe par un modèle de corrélation et non négligeables pour le
pressiomètre et le scissomètre, vu la façon dont on calcule les caractéristiques
géotechniques. Quant aux erreurs de l’instant et la dérivation des paramètres, nulles par
définition pour le pénétromètre, elles peuvent être considérables pour les deux autres
procédés, d’où le développement, encore modeste certes, du pressiomètre automatique.

Une des voies poursuivie pour limiter l'incertitude est la multiplication modérée des sondages
et leur combinaison pour cerner la dispersion observée et proposer des valeurs de calcul
prudentes.

2.1 Statistique sur les valeurs des paramètres géotechniques

2.1.1.1 Approche
Dans le cadre des Eurocodes, la justification des ouvrages s’appuie sur la notion de valeurs
caractéristiques des paramètres de sol ou de résistance globale telle la portance. L’obtention
d’une valeur caractéristique peut suivre deux démarches : ce peut être une estimation
prudente de la réalité (c’est-à-dire la valeur que l’on utilisait avant) ou une valeur présentant
une probabilité maximale de mise en défaut de 5% (ou autrement dit un niveau de confiance
de 95%). Cette dernière démarche oblige à utiliser des méthodes statistiques fiables.

Une méthode de traitement statistique inspirée de l’Eurocode 0 a été proposée par Baguelin
et Kovarik (2000). Elle sera toutefois difficilement applicable sur des projets d'envergure
modeste où un petit nombre de données est disponible et où persistera la difficulté à
déterminer les distances d'autocorrélation. En effet, un nombre de données supérieur à 10
est préconisé pour appliquer la méthode.

Au-delà, le seuil de confiance peut être calculé par la formule suivante en faisant l’hypothèse
que la grandeur géotechnique (une pression limite, une portance) obéit à une distribution
statistique classique comme une loi normale ou log-normale.

N +1
X 5% = x − t N −15% . .σ
N

Avec :

X5% le seuil de confiance pour un risque de mise en défaut de 5%,

t5% le facteur de fractile caractéristique à 5% correspondant à la loi normale si on connaît


l’écart-type et la loi de Student sinon (on utilise alors l’écart-type observé),

N le nombre d’essais,

σ l'écart-type observé,

5
x la moyenne des N valeurs.

La loi log-normale peut être préférée à la loi normale lorsque l’échantillon est asymétrique et
que l’on est sûr que les valeurs sont strictement positives. L’application ci-dessous est un
exemple d’application de la méthodologie.

2.1.1.2 Exemple d'application


Nous disposons de 29 sondages, au pénétromètre statique à pointe électrique, réalisés
durant une période relativement réduite sur une zone limitée en surface (4x7m).

0 50 100 150 0 50 100 150


qc (bars) qc (bars)
0 0
C PT1
C PT2 moyen
C PT3
C PT4 max
C PT5
min
2 C PT6 2
C PT7
C PT8
C PT9
C P T 10
C P T 11
C P T 12
4 C P T 13 4
C P T 14
C P T 15
C P T 16
C P T 17
C P T 18
C P T 19
6 C PT20 6
C PT21
C PT22
C PT23
C PT24
C PT25
C PT26
8 C PT27 8
C PT28
C PT29

10 10
z (m)
z (m)

12 12
a) b)
Figure 2. Pénétrogrammes (a) des 29 essais et (b) profils des valeurs minimales, maximales et moyennes

Le substratum est constitué de marnes surmontées par des produits colluviaux provenant de
la solifluxion des marnes. Cette solifluxion a entraîné des blocs de basalte provenant des
buttes volcaniques surplombant le site. La Figure 2 permet d'observer la dispersion du signal
pénétrométrique provoquée par la présence de ces éléments dans la matrice marneuse. Ces
pics auraient pu être éliminés lors du traitement mais pour l’exemple nous les avons
conservés.

Figure 3, nous avons extrait des pénétrogrammes les valeurs de la résistance de pointe tous
les mètres. Sur cette figure, les courbes de distribution naturelle sont comparées avec des
courbes de distribution de la loi Normale calées avec la moyenne et l'écart-type naturel. Pour
certains niveaux, une asymétrie élevée est observée.

6
qc (bars)
0 20 40 60 80 100 120 140
-50 0 50 100 150
0 qc (bars)
0

max
moyen
max min
X5% Student
2 moyen x-s/2
2
min

4
4
distribution naturelle

distribution loi normale


6
6

8
8

10
10
z (m)

z (m)
12
12
a) b)
Figure 3. Représentation (a) des distributions naturelles et de la loi normale sur le profil et (b) profil de la
valeur caractéristique et de la moyenne diminuée d’un demi écart-type

La courbe des valeurs caractéristiques de la variable locale déterminée avec la loi de


Student est donnée sur la Figure 3b. Du fait de la dispersion importante des jeux de données
pour les profondeurs 3, 4, 5 et 7 m des valeurs caractéristique négatives sont obtenues, ce
qui est irréaliste.

Le profil de la moyenne diminuée d’un demi écart-type qui est parfois utilisée par les
praticiens est globalement trop optimiste.

Une des solutions est de modifier la dispersion par l'apport de données régionales collectées
par exemple sur un chantier précédent. Toutefois, le risque d'erreur est grand pour
l'ingénieur qui ne connaît pas les spécificités de la géologie locale ou même de la toponymie
de certains sols (combien de sables appelés limons).

qc (bars)
0 20 40 60 80 100 120 140 -50 0 50 100 150
0 qc (bars)
0

max
max moyen
min
2 moyen X5% Lognormale
2
min

4
4

distribution naturelle
6 distribution loi lognormale 6

8
8

10
10
z (m)

z (m)

12
12
a) b)
Figure 4. Représentation (a) des distributions naturelles et de la loi log-normale et (b) profil de la valeur
caractéristique calculé à partir du fractile de la loi log-normale

7
L'autre solution consiste à utiliser une loi log-normale qui a la propriété d'avoir une courbe de
répartition positive et de mieux se caler avec ces jeux de données (Figure 4a). La Figure 4b
montre que le calage du profil des valeurs caractéristiques est satisfaisant.

Même si la couche est réputée homogène de 1 à 6 m de profondeur, la présence de blocs


suffit pour que l'écart-type ne varie pas linéairement avec la profondeur (Figure 3b), rendant
difficile l'application du concept de paramètre étendu proposé par Baguelin et Kovarik (2000).
Toutefois on peut tenter de tracer les droites sur trois zones identifiées visuellement par la
méthode des moindres carrés : 0-6 m, 6,5-8,5 m et 9-12 m.
qc (bars) qc (bars)
-20 0 20 40 60 80 100 120 140
-20 0 20 40 60 80 100 120 140
0,00
0,00

essai essai

1ere couche 1ere couche

2eme couche 2eme couche


2,00
2,00 3eme couche
3eme couche
VC 1ere couche VC 1ere couche

VC 2eme couche VC 2eme couche

VC 3eme couche VC 3eme couche


4,00
4,00 Student Student

6,00 6,00

z (m)
z (m)

8,00 8,00

10,00 10,00

12,00 12,00

14,00 14,00
a) b)
Figure 5. Représentation des points expérimentaux avec les droites de régression en considérant (a) l’écart-
type constant et (b) l’écart-type variable

Pour estimer l'erreur commise, on détermine l'écart horizontal entre la droite et les valeurs de
mesure.
ehi = qci − a.zi − b
Pour lequel, on détermine la variance résiduelle :
1 N 2
σ e2 = ∑ ehi
h
N − 2 i =1
L'écart type étant inconnu mais considéré comme constant, on calcule, pour un niveau de
confiance donné, l'erreur sur qc :
Δqc = σ eh .t5N%−2
Les trois lignes tracées pour un niveau de confiance de 5 % sur la Figure 5a sont proches du
profil donné par la loi de Student et comporte également des segments au-delà de l’axe des
ordonnées.

Il semble donc plus logique de faire varier linéairement avec la profondeur Δqc, pour cela on
pondère l’erreur sur qc avec une équation de droite ayant mêmes coefficients que la droite de
régression (Figure 5b).
On anticipe que cette méthode exigeante ne pourra être utilisée que pour des projets où
l’enjeu nécessite la justification précise des valeurs caractéristiques définies.

8
2.2 Méthode des facteurs de corrélation ξ

La méthode des facteurs de corrélation ξ est proposée par l’Eurocode 7 pour prendre la
dispersion spatiale des valeurs de portance ou de résistance à la traction d’un pieu. Elle
suppose un zonage préalable du point de vue géotechnique afin que les N valeurs de
portance de pieux déduites des N profils d’essais soient suffisamment homogènes. Les
valeurs des facteurs de corrélation ξ affectent à la fois la valeur minimale (ξ4) et la valeur
moyenne (ξ3) de ces N valeurs. Leurs valeurs sont précisées dans le tableau 1.

Tableau 1. Valeurs de ξ en fonction de N

N 1 2 3 4 5 7 10
ξ3 1,40 1,35 1,33 1,31 1,29 1,27 1,25
ξ4 1,40 1,27 1,23 1,20 1,15 1,12 1,08

Les valeurs de ces facteurs de corrélation posent toutefois un problème car ils sont
indépendants de la surface d’investigation. La norme Fondations Profondes NF P 94-262
propose une alternative en définissant le facteur de corrélation de la manière suivante :

S
ξ i (N , S ) = 1 + [ξ ' i (N ) − 1]
S réf

Avec ξ’(N) les valeurs définies dans le tableau I (les valeurs ξ’ de la norme NF P 94 262
correspondent aux valeurs ξ de l’Eurocode 7).

La formulation proposée permet ainsi pour une surface d’investigation S réduite de diminuer
le coefficient ξ ce qui est cohérent avec sa signification puisqu’à une surface d’investigation
réduite correspond une dispersion spatiale moindre des paramètres géotechnique.

3 Dispersion du modèle de calcul


3.1 Présentation du modèle

La méthode proposée, dite directe, de dimensionnement des fondations profondes à partir


des résultats de l’essai au pressiomètre Ménard fait appel à des corrélations entre des
frottements axiaux unitaires obtenus lors de campagnes d’essais de pieux et les pressions
limites collectées à proximité.

Dans le cas général d'un terrain de couches pour laquelle la distribution des pressions limites
pressiométriques pLMe en fonction de la profondeur, sont connues, chacun de ces termes
sera calculé à partir des équations suivantes:

(2)

(3)

où successivement :

9
- q0 est la pression verticale totale,
- kp le facteur de capacité portante,
- pLMe la pression limite équivalente définie comme la moyenne géométrique des
valeurs obtenues près de la base de la fondation,
- p0, la pression totale horizontale,
- qs le frottement latéral unitaire de la ième couche,
- Ab la surface de la base de la fondation.
- Asi la surface latérale de la couche i.

Bien qu'il semble inutile de commenter la plupart des paramètres de ces équations, il est
important d'insister sur la façon de déterminer le facteur de capacité portante kp et le
frottement latéral unitaire qs. Ces valeurs constituent par eux-mêmes l'originalité de la
méthode.

Le facteur de pointe kp est défini par des tables basées pour plusieurs classes de sols selon
la nature du sol et le processus d'installation. Le frottement axial unitaire qs est donnée par
des courbes empiriques en fonction de la nature du sol et la densité (représenté par la
pression limite pLMe), le mode d'installation et la nature de la fondation (Bustamante et al.,
2009). D'abord proposé dans les années soixante, les abaques ont été obtenus à partir de
l'analyse d’un petit nombre d’essais de chargement de pieux. Après vingt ans et environ 186
tests de chargement sur 88 pieux, la base de données a servi à réajuster la méthode
(Bustamante et Gianeselli, 1981; Combarieu, 1990). Cette nouvelle méthode destinée à la
conception des fondations des ouvrages d’art a été codifiée par le Fascicule 62-V (MELT,
1993). Cette méthode est proposée comme une annexe de l'Eurocode 7 partie 2 et de
nouvelles règles ont été élaborées par un groupe de travail du comité de normalisation
française (CEN, 2006 ; Combarieu et Canepa, 2007 ; Burlon et al., 2012).

Une révision de cet abaque est proposée par la norme d’application NF P94-262 de
l’Eurocode 7 au dimensionnement des fondations profondes. Il prend en compte 159 essais
de chargement et chaque courbe est validée en moyenne par une trentaine de ceux-ci.

Figure 6. Abaque de frottement latéral normalisé unitaire (d'après le projet de norme NF P94-262).

10
On note que plus logiquement les courbes partent de l'origine, ce qui n'était pas le cas du
fascicule 62 titre V. Le choix des courbes s’effectue selon un tableau en fonction du type de
sol. Les relations analytiques permettant de définir les différentes courbes de la Figure 6 sont
de la forme :
( )( *
fsol = a.p * l + b . 1 − e −c .p LM )
Les valeurs des coefficients de l'équation des courbes fsol sont données dans la norme NF
P94-262 en fonction des classes de sol.

Afin de pouvoir limiter le nombre de courbes, celles-ci donnent un paramètre normalisé fsol
qui est mis à l’échelle à l’aide d’un coefficient représentatif de l’interaction sol-structure αpieu-
sol, ainsi le frottement latéral unitaire qs est obtenu par la formule suivante.

(
qs = α pieu −sol .fsol p *LM (z) )
Les coefficients αpieu-sol sont donnés pour les différents types de pieux et de sols sous forme
d'un tableau. Afin de limiter les valeurs du coefficient de frottement latéral unitaire qs des
valeurs maximales sont fournies dans la norme.

3.2 Résultats

Les figures 7 et 8 présentent deux exemples de comparaison des valeurs locales de qs


mesurées lors des essais de chargement et celles calculées à partir des nouvelles règles.

Figure 7. Pieu foré boue – Argile et Limon

11
Figure 8. Pieu foré boue – Sable et Grave

La figure 9 montre, pour les différences classes de pieu (au total 155 pieux), la fonction de
répartition du rapport Rcalc/Rmes pour les 3 règlements : le Fascicule 62 titre V, le DTU 13.2 et
les nouvelles règles. La distribution normale correspond On observe un bon accord entre la
courbe des nouvelles règles et la loi normale. Une valeur du coefficient de modèle γR ;d égale
à 1,3 permet de définir un risque mise en défaut à 5 % de la méthode de calcul tandis qu’une
valeur égale à 1.15 permet de couvrir 87 % de la population de pieux, c’est-à-dire le
pourcentage couvert par le règlement du Fascicule 62 Titre V mais pour lequel un coefficient
égale à 1,27 était nécessaire. Il s’ensuit de ce calage une augmentation de la portance des
pieux de l’ordre de 10 % (≈ 1,27/1,15) ainsi qu’une fiabilité accrue associée à une diminution
de la dispersion des valeurs calculées. La comparaison avec la distribution normale dont la
moyenne serait égale à 1,0 et l'écart-type serait calibré pour obtenir un risque de défaut de
5% correspondant à un modèle de facteur égal à 1,15 semble satisfaisante

12
Figure9. Fonction de répartition du rapport Rcalc/Rmes.

Tableau 2. Comparaison des calages des différentes méthodes

Moyenne Ecart-type Médiane


NF P 94 262 0.99 0.36 0.91
Fascicule 62 Titre 0.96 0.21 0.95
DTU 13.2 1.19 0.57 1.04

4 Conclusion
Dans le cadre de la mise en place de l’Eurocode 7, la rédaction des normes d’application
nationale a été entreprise. Après les écrans de soutènements, les massifs de sol renforcé,
c’est au tour de la norme sur les fondations profondes d’être publiée. Ce document permet la
fusion du fascicule 62 titre 5 utilisé pour le dimensionnement de fondations d’ouvrages d’art
avec la norme NF P11-212-2 (ex DTU 13.2) appliquée aux bâtiments. La prise en compte
d’un plus grand nombre de résultats d’essais de chargement instrumentés de fondations a
permis le calage de nouveaux faisceaux de courbes pour les méthodes directes
pressiométriques et pénétrométriques.

L’ingénieur a maintenant la possibilité de déterminer les valeurs caractéristiques de portance


à partir de la méthode du pieu modèle et la méthode du modèle de terrain. Ces deux
dernières méthodes impliqueront une importance croissante de la qualité de la
reconnaissance géotechnique dans la décision du maitre d’ouvrage. En effet, l’abattement
réalisé sur les valeurs d’essais, si ceux-ci ne sont réalisés qu’en trop petit nombre, risque
d’être très défavorable.

L’apport de cette nouvelle norme est l’application de l’ensemble de la démarche proposée


par l’Eurocode (unique en Europe) grâce à la qualité de la base de données sur laquelle elle
se fonde. Il faut dorénavant envisager l’application à d'autres ouvrages : fondations
superficielles, écrans, par exemple, et à des méthodes comme les éléments finis.

13
5 Références
AFNOR (2012) Justification des ouvrages géotechniques, Normes d’application nationale de
l’Eurocode 7 – Fondations profondes, NF P94-262, 205 pages

Bowles J.E. (1997) Foundation analysis and design, 5th edition, Mc Graw-Hill Int. Eds., 1175
p.

Burlon S., Habert J., Legrand S., Frank R., Baguelin F. (2012) Design rules for pile bearing
capacity at ULS using pressuremeter and Eurocode 7, EJECE, (submitted)

Bustamante M., Gianeselli L. (1981), Prévision de la capacité portante des pieux isolés sous
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