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L’évaluation du débit de projet d’un ouvrage résulte donc d’une étude hydrologique, mais aussi
d’une analyse socio-économique permettant de définir :
le coût de l’ouvrage et son entretien en fonction de sa capacité
les conséquences socio-économiques dues à l’inondation et à la destruction de l’ouvrage.
le coût de l’ouvrage ou tout simplement l’investissement augmente avec le degré de protection, alors
que, le coût d’entretien et d’exploitation ainsi que celui des dommages causés par une défaillance
diminue avec le degré de protection, c’est à dire avec la période de retour adoptée.
Le choix d’une période de retour convenable revient donc à trouver un optimum du rapport entre ces
deux composantes : investissement et exploitation d’une part et dommages d’autre part.
Si le coût de l’ouvrage ainsi que les frais d’entretien peuvent être facilement approchés, les autres
composantes de l’équation le sont difficilement . C’est le cas particulièrement des coûts supportés
par les usagers.
De telles analyses socio-économiques approfondies ne se font pratiquement pas et le choix de la
période de retour reste basé sur l’expérience et la tradition.
Au Maroc les ponts sont dimensionnés traditionnellement pour la crue centennale, les ouvrages
d’assainissement, moins important, pour la crue décennale , Les grands barrages pour la crue
décamillénaire et les petits pour la crue millénaire . Il est conseillé de se confier pour plus de détails
sur la période de retour et ses ordres de grandeur au chapitre sur le traitement statistique des données
hydrologiques .
Par analogie: dans la mesure où des données de bassins représentatifs sont disponibles.
Si tel n'est pas le cas et si les délais sont trop courts pour procéder à l'acquisition des informations
nécessaires, il faudra recourir à l'emploi des formules empiriques.
Si toutefois, l'ingénieur dispose des données pluviométriques à défaut des données de débit, il
pourra utiliser une formule de type rationnelle ou toute autre formule élaborée faisant intervenir
"l'information pluie" en plus des paramètres caractéristiques du bassin versant.
Dans le cas où l’ingénieur dispose simultanément des données de pluie et de débits, même
sous forme d'une courte série de mesures , il pourra procéder à l'analyse des relations "pluie -
débit" des événements enregistrés et mettre ainsi en oeuvre des méthodes plus sophistiquées de
calcul des débits de projet, telles que les méthodes statistiques, les régressions hydro
pluviométriques et la méthode du Gradex
On se base dans cette comparaison sur les paramètres qui définissent géométriquement et
morphologiquement le bassin : forme, pentes et indices de pente, paramètres du rectangle équivalent ,
caractéristiques du relief ,densité de drainage et rapport de confluence ainsi que des paramètres
climatiques , géologiques et pédologiques renseignant sur les types de précipitations, les perméabilités
des sols, la nature de végétation. Toutes ces informations sont capables d'aider l'ingénieur à
comprendre le comportement hydrologique du bassin et par conséquent son régime d'écoulement.
Les méthodes les plus utilisées au Maroc sont la méthode des débits spécifiques et la méthode
régionale de Francou Rodier .
On indice par A les données relatives au bassin jaugé et dans lequel une station hydrométrique a
fourni des données formant une base pour une étude statistique qui permettra de calculer le débit
QA(T) ;
Et par B les données relatives au bassin non jaugé et dont lequel on veut calculer le débit de
projet pour la réalisation d’un ouvrage hydraulique.
La méthode utilise une formule empirique régionale. La plus utilisée au Maroc est celle de Francou -
Rodier : K
S (1 )
Q 106 ( 8 ) 10
10
K est le paramètre de Francou Rodier. La méthode
consiste à transférer ce paramètre régional estimé pour un bassin jaugé, au bassin non jaugé concerné
par la détermination du débit de projet.
La deuxième étape du calcul consiste à utiliser la même valeur de K pour calculer le débit de crue
dans le bassin non jaugé de superficie SB . La formule de Francou Rodier est donc utilisée pour cette
extrapolation.
Plusieurs formules empiriques existent dans dans la littérature. On en citera les relations suivantes:
Formule de Fuller
Avec :
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Qp = débit max pour la période de retour T en m3 /s ,
S = aire du bassin versant (km2)
q = moyenne des débits maxima de chaque année, calculée d’après les données
disponibles en m3 /s , Où
L1/ 2
Q(T) : débit max en m3/s de période de retour T.
S = Superficie du bassin versant en km2
Pan = pluie moyenne annuelle en m
L = Longueur du talweg principal en km
K = coefficient variant de 0.5 à 6 ( 0,5 pour les grands bassins et 6 pour les petits bassins )
a = coefficient variant de 20 à 30
Cette formule est basée sur les observations faites sur la région sud de la Californie où les terres sont
arides.
Q(T)= K x P(24h,T) x (S0.58) x (I 0.42)
Parmi les formules les plus utilisées faisant intervenir les précipitations et le temps de
concentration, nous citerons spécialement celle de Turazza: (formule Italienne) :
C H (tc , F )S
Qmax ( F )
3.6 tc
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Q = débit maximum de crue (m3/s),
C = coefficient d’écoulement du bassin pour la crue considérée,
H = Précipitation relevée pendant une durée égale au temps de concentration tc du bassin, en mm
tc = temps de concentration (h),
S = aire du bassin versant (km²).
Cette formule, qui n'est rien d'autre qu'une formule de type rationnelle, est très adaptée dans le cas
d'études de petits bassins ou de réseaux d'assainissement urbains.
Avec cette formule apparaît implicitement la notion de fréquence du débit de crue. On admet, en
effet, en première approximation que la fréquence du débit déterminé est égale à celle de l'intensité
maximale, qui est égale à la pluie maximale sur le temps de concentration, soit H/ tc, exprimée en
mm/heure.
Remarque importante :
Les formules empiriques sont nombreuses et il faut être conscient de la fragilité et de l'étroitesse du
champ d'application de chacune d'elles. Ne perdons pas de vue que ces relations sont basées sur
l'analyse de données recueillies dans des bassins aux conditions climatologiques et topographiques
particulières, et qu'on ne peut sans vérification les extrapoler à d'autres bassins ayant des
conditions différentes de celles pour lesquelles elles ont été établies. Les dangers d'une extrapolation
inconsidérée de ces formules sont certains. Il suffit pour s'en convaincre de comparer les débits de
crue obtenus par l'application de ces différentes formules pour une même valeur des paramètres pris
en compte.
Par conséquent, il faut les utiliser avec beaucoup de réserve .
Une des façons d’optimiser l’utilisation de telles formules est de les confronter aux données de la
station hydrologique du bassin limitrophe ou du bassin similaire le plus proche, de façon à cerner au
mieux le choix des paramètres. les résultats des études de crues doivent être aussi confrontées aux
données recueillies sur le terrain de l’étude. Et ce en menant des enquêtes de crues auprès des
riverains.
Toutefois ,il faut toujours se rappeler que:
"Une mauvaise mesure vaut mieux qu'un long calcul"
Les méthodes probabilistes consistent à ajuster des lois de probabilité aux crues observées et à
extrapoler la meilleure loi qui représente la distribution empirique pour des périodes de retour
données. Deux problèmes majeurs se posent :
L'ajustement:
Dans la plupart des cas, il est possible de trouver plusieurs lois de probabilité s'ajustant correctement
aux données disponibles; Selon l’objectif de l’analyse fréquentielle établie ( interpolation ou
extrapolation , prévision des crues ou étiages ) on devrait plutôt dire que l’échantillon s’ajuste bien à
telle loi dans un intervalle a-b . La confirmation avec le test d’adéquation de KHI2 et le calcul des
intervalles de confiance autour des observations s’avéreront nécessaires dans certains cas pour mieux
qualifier le choix définitif de la loi
L'extrapolation:
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L’extrapolation suite aux ajustements réalisés à des fréquences faibles nous laisse supposer que les
crues de fréquence rare ne sont qu'un prolongement des crues courantes observées. Signalons aussi
que toute
extrapolation peut donner parfois, selon la loi adoptée , des résultats qui peuvent différer de 50 à
100% pour des crues très rares.
L'ajustement et l'extrapolation des débits de crues doivent ainsi être maniés avec beaucoup de
précautions quand au choix de la loi probabiliste
Elle admet, entre autres, que la fréquence ou période de retour du débit maximum déterminé
est égale à celle de la pluie maximale moyenne observée dans le bassin au cours de la durée tc
La forme pratique de la relation s'écrit :
C P(tc , T ) S
Qmax (T )
3.6 tc
qui est en fait équivalente à :
C I (tc , T ) S
Qmax (T )
3.6
I (tc,T) représente l'intensité de la pluie moyenne maximale tombée au cours de tc et de période de
retour T.
I est exprimée en mm/h
S est la superficie du bassin en km2
C est le coefficient d’écoulement moyen
tc est le temps de concentration du bassin, exprimé en heures
Qmax est calculé en m3/s
2. Sinon il faudra traiter statistiquement les pluies max jour par poste pour calculer la pluie max
jour de fréquence F par poste et en déduire par la suite la pluie moyenne max jour bassin de
fréquence F . On calcule ensuite une pluie moyenne de durée temps de concentration , de
fréquence F , à partir de formules régionales ( voir méthode de Gradex ). Ce qui permet d’aboutir
à l'intensité moyenne max de durée tc et de fréquence F
Elle présente l'intérêt de tenir compte de l'information "pluie" pour compléter l'information "débit"
qui est en général plus courte. Généralement les échantillons de débits sont beaucoup moins étoffés
que les échantillons de pluie. Ceci veut dire que si l'on se base uniquement sur l'échantillon de débit
on aura du mal à dépasser en extrapolation des durées de retour de l'ordre de 10 ou 20 ans. Au
contraire les échantillons de pluie étant généralement plus longs, il sera plus facile de déterminer avec
suffisamment de précision la valeur centennale , millénaire par exemple. La méthode permet alors, de
remédier à la faiblesse de l'échantillon "débit" en utilisant l'échantillon "pluie", mieux connu parce que
plus long.
Limites de la méthode
Selon le schéma classique de transformation de pluie en débit, on va s'intéresser à une pluie de durée tc
(temps de concentration) qui fait participer tout le bassin versant à l'écoulement. Si la pluie a une
durée supérieure ou égale à tc , il s'établit un équilibre et le débit à l'exutoire atteint un maximum.
On extrapolera alors les débits max dans le bassin pour les pluies de durée tc. On doit disposer
de plusieurs années de mesures pluviométriques moyennes journalières dans le bassin ( > à 10 ans) de
bonne qualité. Les débits peuvent ne pas être disponibles ou existent sur une durée très courte.
En général , il est recommandé d’appliquer cette méthode aux bassins versants assez
imperméables (pouvant atteindre la saturation pour un seuil de pluie reçu) , d'une superficie
allant jusqu'à 5000 km2 et dont le temps de concentration est compris entre 1h et 4 jours.
fondements de la méthode
Partant de l’hypothèse de perméabilité relative vérifiée , le bassin doit avoir une capacité d’absorption
limitée . il est donc capable d’atteindre la saturation pour un seuil de pluie reçu qu’on notera P0 .
La méthode du Gradex s'appuie sur deux hypothèses :
Pour toute pluie P reçue par le bassin supérieure à P0, l’écoulement serait intégral .
Si on note T0 la période de retour correspondant au seuil P0 pour lequel la saturation d'équilibre du sol
est atteinte alors l’écoulement généré par P0(T0) sera un débit Q(T0) de même période de retour . Il
est appelé "la charnière ou débit de saturation ".
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Les auteurs préconisent que la loi probabiliste du comportement du bassin , soit la loi des
écoulements extrêmes peut être déduite de la loi probabiliste des pluies au-delà de Q(T0)
Ils se sont aussi appuyés, à travers plusieurs études fréquentielles sur les précipitations journalières
maximales, sur le principe statistique que la loi Gumbel s'ajuste bien à cette variable hydrologique.
Ainsi si les plus fortes pluies suivent cette loi probabiliste, la représentation graphique de la
loi Gumbel, sur le papier Gumbel sera linéaire de pente 1/a (en fonction de la variable réduite
de Gumbel y )
La pente 1/a de la droite des pluies est ce qu'on appelle par le Gradex des pluies, qu’on notera Gp .
C’est un facteur climatologique qui caractérise, en fait, les risques des fortes pluies dans le bassin.
De ces deux hypothèses découle le fait que la fonction de répartition des débits extrêmes s'extrapole,
au-delà du débit de crue charnière, parallèlement à celle des pluies extrêmes, soit donc le débit Q
sera aussi linéaire par rapport à y à partir de la période de retour T0, puisque au delà de T0 ,
l’écoulement est intégral.
Ainsi, pour tout T> T0, la courbe des débits va tendre vers une loi de Gumbel (donc une droite)
parallèle à la droite des pluies extrêmes. Aux changements d'unités près ,le Gradex des débits se
déduit du Gradex des pluies de durée 24h par :
Gradex des débits (m3 /s) = Gradex des pluies(mm) * S (km2 )
3.6 * 24(h)
La figure 2 explicite graphiquement ces interprétations
Le Gradex des pluies de 24h se calcule sur les données de pluie moyennes max journalières .
Nous rappelons que le calcul du Gradex des pluies se fait par les formules étudiées dans le cadre du
chapitre de l’analyse statistique des données hydrologiques : voir loi Gumbel .
Figure 2:
Méthode du Gradex :
Extrapolation de la loi des
débits
Comme on s’intéresse au calcul du débit max ,de période de retour T pendant le temps de
concentration donc on doit calculer le Gradex des débits à partir du Gradex des pluies de durée tc .
On doit alors :
1. Calculer le temps de concentration soit tc = N heures
2. Calculer le Gradex des pluies pour une durée égale à tc :
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On se base sur la relation régionale expérimentée au Maroc
N
K
P ( N heures) P ( 24 h)
24
Et on l’applique sur le Gradex de pluie moyenne de durée 24h
K un paramètre régional compris entre 0,3 et 0,5 . Une valeur de 0.3 est souvent adoptée.
Où Gp est exprimé en mm
et Gd est exprimé en m3/ s et tc en heures
S la surface du bassin en km2
La loi de probabilité de Gumbel sur les débits max est valable à partir de la période de retour T0.
Elle s’écrit d’après les hypthèses précitées par :
Q( T ) = Gd ( tc ) . y (T) + Qo
Q(10) = Gd ( tc ) . y (10) + Qo
On applique souvent un coefficient de sécurité à la valeur calculée par la méthode de Gradex ,pour
déterminer le débit de pointe de la crue de projet qu’on utilisera pour la conception d’un ouvrage
important, de période de retour dépassant les 100 ans.
Un coefficient moyen appelé de passage de l’ordre de : rp = 1.5 est recommandé .
Cette méthode est basée sur le principe, selon lequel l’extrapolation de la courbe des débits vers les
fortes valeurs correspondant aux faibles probabilités de dépassement ne peut se faire raisonnablement
que de façon parallèle à la courbe des précipitations, puisqu’il ne peut pas ruisseler plus d’eau qu’il
n’en tombe et que la rétention du sol est limitée. Cela veut dire que le coefficient d’écoulement tend
vers 1 après saturation du sol .
Cette méthode admet les principes suivants :
La loi des débits instantanés est obtenue par une affinité faite sur la loi des débits
journaliers.
Autrement dit, le passage du débit journalier se fera via un coefficient de pointe. Le choix de ce
coefficient dépendra de l’analyse des débits maximums instantanés et les débits journaliers maximums.
La conduite de la méthode du Gradex est comme suit :
Etudier la variable aléatoire « pluie reçue par les bassins versants en 24 heures » ;
l’ajuster selon la loi de Gumbel et calculer son Gradex moyen ;
Extrapoler la fonction de répartition débits au-delà de 10 ans (F= 0,9) par une droite
de pente égale au Gradex de pluie converti en valeur de débit en utilisant les surfaces
des bassins versants.
Enfin nous insisterons sur le fait que tous les résultats des études de crues doivent être
confrontées aux données recueillies sur le terrain. D'où la nécessité de mener des enquêtes de crues
auprès des riverains. L'expérience a montré que ces renseignements précieux permettent de connaître
avec précision les débits de pointe, du moins jusqu'à la fréquence centenaire. C'est donc une opération
indispensable quelque soit l'aménagement, grand ou petit.
Toute valeur sur le débit obtenu doit être placée dans son contexte régional: d'où l'intérêt de
comparer entre eux les débits spécifiques. Cette approche est fort indispensable pour assurer
l'homogénéité hydrologique.
Pour conclure nous dirons tout simplement qu'il n'est pas recommandé d'utiliser telle ou telle
méthode. En effet le choix est dicté à la fois par la banque de données disponible , le bon sens et
l'initiative de l'ingénieur chargé de l'étude.