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JOSEPHINE BAKER – ONZE BOUGE 2023

INTRODUCTION
Si possible, projeter la photo suivante :
« [Rire] Bonsoir Mesdames, mon Dieu que vous êtes belles
Belles, belles, belles, belles
Bonsoir Messieurs, ça va ?

Hi everybody, hi
Come on, say hi to me
I feel better

Buonasera, Ciao, Ciao


Guten Abend, meine Damen und Herren, Guten Abend
Salam Aleykoum, et Shalom, Shalom, Shalom »

Jo o séphine (ré ré mi ré)


Jo o o séphine (ré mi ré do si)

Ce prélude n'est pas de moi


Il s'agit, par une lady,
Des salutations qu'elle clama
Le dernier printemps de sa vie

Son grand final à Bobino


En 75, à Paris
Avant le chant Monte-Carlo
Un « Hi » au goût d'un « C'est fini »

Il est de « Josephin' Baker »


Dont on va chanter le brio
« Un saphir dans un cœur ouvert »
Ici, ce soir, à Yvetot

Cela fait deux années entières


Qu'elle repose au Panthéon
Dame ! Joséphine Baker
Louvoyant entre des garçons

Il est temps d'écrire sa geste


Des poèmes honorant ses dons
Ressusciter son allégresse
Mais sans masquer ses zones d'ombre

Car présente aujourd'hui, sans cesse


Elle se montrerait danseuse
De Hip Hop, de haute influence
Sur les réseaux sociaux, chanteuse
De R'n'B, contre les fascismes
Se battant, promouvant Black Lives Matter

Aux grandes dames, la patrie


Gens de couleur, reconnaissante

1.

L'Yvetot Performance Orchestra dirigé par...., la section rythmique.... et


la chorale Moderato? dirigée par Justine Desannaux vont vous jouer le
premier morceau lié à Joséphine Baker : Muganga, qui a été composé
et arrangé par Rémi Biet. Il est joué, entre autres, par la Sanza, un
instrument africain que l'on appelle aussi le piano à pouces. Joséphine
Baker a été américaine mais ce chant est là pour rappeler d'où viennent
ses aïeux qui ont sûrement chanté, entre les XVII et XIXème siècles des
work-songs, ces chants de travail qui permettaient d'oublier un tout
petit peu la lourdeur des tâches imposées. Muganga vient du swahili,
langue de l'Afrique de l'Est, et signifie « L'homme qui soigne ». Avant
l'entrée en scène de notre chanteuse guest star, c'est la boîte de
sardines bricolée par Rémi qui va être fortifiante.

Muganga
Au cours du morceau :
On peut commencer l'histoire aux États-Unis
Saint-Louis, Missouri
Coupé en deux par le Mississippi
Ville de naissance de Joséphine
Née le 3 juin 1906

Or c'est indispensable d'évoquer l'Afrique


De cannibales on a cru qu'elle était remplie
De vente d'humains on bâtit une entreprise

Dans les cales de rafiots qu'on nommait navires


On les tassa des mois, forcés sur l'Atlantique
L'esclavage aboli deux, trois siècles plus tard
On fit miroiter une mule et seize hectares
Saint-Louis, Missouri
Coupé en deux par le Mississippi
Ville de naissance de Joséphine
Née le 3 juin 1906

Elle habite tout près du palais de justice


Là où jadis de l'esclave on fixait le prix
Musclée pour les champs, Joséphine a la peau noire
Cent ans plus tôt pouvait valoir cinq-cents dollars

Ses parents n'ont plus de chaînes et pas plus d'argent


Du propriétaire ils demeurent dépendants
L'espérance de vie est de trente-quatre ans
Pas facile ainsi de se voir entreprenant

La petite Joséphine n'aspire qu'à être libre


Elle investit la seule chose qu'elle possède : son visage !
« La figure n'est pas faite pour dormir, la grimace est un sport »
« La figure n'est pas faite pour dormir, la grimace est un sport »
Au sud, la ségrégation raciale on instaure
Les chants d'église appellent à rejoindre le nord
D'Afro-américains on ordonne la mort
La danse les aide pour supporter leur sort
Saint-Louis, Missouri
Coupé en deux par le Mississippi
Ville de naissance de Joséphine
Née le 3 juin 1906

Joséphine a froid, elle bouge son corps


2.

Voici maintenant une autre composition de Rémi Biet, Feel Heat, que
l'on pourrait traduire par « Ressens la chaleur », la chaleur du feu divin.
Il s'agit en effet d'un gospel, genre qui s'est épanoui aux États-Unis, au
tout début du XXème, lorsque Joséphine était toute jeune.
Joséphine a eu une vie plutôt licencieuse mais elle disait faire « sa »
prière tous les soirs. Pour certains, c'est peut-être l'heure de la prière.
Là, maintenant, pour nous, c'est l'heure d'accueillir Amélie Payen qui va
nous réchauffer de sa voix.
Feel Heat
3.

À seize ans, coupe ses ch'veux, quitte ses proches


Bosse dans un théâtre de Saint-Louis
Cupidon sera son premier rôle
À trois mètres, fera rire toute la salle

Part pour l'Est, s'ouvre à la danse de revue


Succession de chansons, musiques, sketchs
Maquillés, les blancs pastichent les Noirs,
En même temps, ils jalousent leurs talents

En réponse, les Noirs se peignent en noir


Pour tromper et se faire embaucher
Mais aussi démontrer à quel point
C'est bouffon de les voir si bouffon

Ils imitent tout en se démarquant


S'approprient des musiques en syncope
Pas de danses d'animaux pour secouer
Se montrer créatifs, politiques
Faire passer des messages l'air de rien

Y'a cent ans, à New-York, Josephine


Commence au Music Hall de Broadway
Un spectacle cent pour cent par des blacks
Ce sera un succès remarquable
Simple « girl » dans une chorus line
Pour l'instant Joséphine est dans l'ombre
Pas assez blanche, épaisse, mûre et belle
Elle louchera lors des solos des autres

Ajoutant à l'humour, des impros


Ses longues jambes, déliées, elle agite
Au dessus, d'un public subjugué
Qui accepte enfin cette liberté

Dans un club, une mondaine la remarque


Caroline propose à Joséphine
Un salaire conséquent pour rallier
Une revue à Paris, elle dit oui
Et embarque au côté de Béchet Sidney

Voici maintenant la première chanson de notre show chantée par


Joséphine Baker : I've found a new baby, que l'on pourrait traduire par « Je
me suis trouvé un nouveau mec ». Elle a été écrite par Jack Palmer et
Spencer Williams en 1926. C'est devenu un standard de jazz repris par de
nombreux artistes, soit en version instrumentale comme celle interprétée par
Sidney Bechet, soit en version chantée. Les pronoms changent selon que
les artistes veulent s'adresser à un garçon ou une fille. Joséphine Baker
aimaient les garçons et les filles. Dans la chanson, elle s'adresse à un
garçon. Par rapport à la version d'origine, Joséphine Baker chante : « Il me
fait frissonner, je me fiche de ce que les gens peuvent penser ».

I've found a new baby


4.

Joséphine arrive à Paris en 1925. L'armistice, qui a mis fin à la première


guerre mondiale, a été signé il y a exactement 105 ans. Pour nous dans la salle.
Pour les français qui accueillent Joséphine, il a été signé il y a 7 ans. Les
traumatismes liés aux pertes de proches, aux mutilations, aux carences, à la prise
de conscience de ce que l'homme est capable de commettre... Ces traumatismes
ne se sont pas encore dissipés. Ils diffusent toujours. Jusqu'aux couches les moins
visibles. En surface, c'est la fuite en avant. Les Années folles. En surface
seulement. On veut éviter le désagréable, miser sur le déraisonnable, sans oublier
d'où l'on vient. Sacré défi. Ça plaît.
Des artistes et des producteurs de spectacle sont tombés sous le charme
des soldats afro-américains venus en 1917 combattre aux côtés des alliés et,
lorsque l'armistice fut signé, donner un aperçu de leurs talents de musiciens, de
danseurs. Puis, le jazz originel est retourné aux USA. Les européens sont restés
sur leur faim. En 1925, au théâtre des Champs-Elysées, on veut faire revenir ces
artistes et faire venir les artistes femmes. C'est la revue nègre. Mot horrible mais
légitimé à l'époque.
Quand Joséphine se promène dans nos rues, elle peut entrer dans n'importe
quelle boutique, n'importe quel hôtel. À sa guise. Les blancs sont à son service. Ici,
pas de ségrégation... apparente. L'affirmation d'une séparation entre de supposés
groupes ethniques est tout de même bien présente au sein de l'Empire colonial
français. L'exposition coloniale qui sillonne la France dans les années 1920 montre
des villages africains reconstitués dans lesquels la place de chacun est bien défini.
Des indigènes nus, faisant office de figurants, ramassent des pièces lancées par
les visiteurs qui tiennent le rôle principal.
Lorsque Joséphine danse à l'« Opéra-music-hall » des Champs-Elysées,
seins nus, portant un caleçon, un pagne de plumes et des bracelets aux chevilles
et aux poignets, une partie de la critique crie au scandale. Parce qu'on a fait éclater
les frontières. Une danseuse noire tient le rôle de vedette, de prescriptrice. L'autre
partie de la critique est sous le charme. Joséphine élastique, débridée, sur-
expressive. Chaque muscle de son corps en action. Son visage survoltée. Les bras
et les jambes constamment agités. On a l'impression que les sons de l'orchestre
sortent de son corps. Joséphine apprend aux français le charleston.

Voici maintenant une autre chanson de Joséphine Baker qui fait partie
de ses grands succès : Ma Tonkinoise. Les paroles ont été écrites par
Henri Christiné et la musique est de Vincent Scotto. Elle date de 1906,
l'année de naissance de Joséphine. Comme la chanson précédente, elle
a été reprise par de nombreux artistes. A l'origine, la chanson s'appelle
La Petite Tonkinoise et il s'agit clairement d'une chanson coloniale dont
les paroles ont été soumises à des critiques qui remettent en question
le message véhiculé et le contenu grivois. Cette chanson est le
témoignage d'une époque donc on a repris quelques couplets mais en
perturbant le tout. Rémi Biet s'est en effet « amusé » à intercaler la
chanson d'une chanteuse moderne qui a rendu hommage à Joséphine
Baker lors du centenaire de sa naissance. A vous de deviner laquelle.

Ma Tonkinoise / Déjà vu (Beyoncé)


Au cours du morceau :
Joséphine ainsi est une fabrication
Bien qu'américaine, on veut la voir africaine
Sans l'être trop pour permettre les projections
La sauvage aux traits fins qui n'aura pas de gêne

Hemingway dit avoir été son soupirant


Colette lui adresse des lettres saphiques
Simenon sera son secrétaire et amant
Mais en réalité, la danseuse est pudique

Calder la sculpte, Le Corbusier la dessine


Elle inspire Picasso et Poiret l'habille
Un teint exotique, une silhouette féline
Le Tout-Paris voudra fréquenter cette fille

Puis un tournant, elle rencontre Pépito


Un ouvrier italien qui se prétend noble
En même temps amoureux et imprésario
Fera d'elle, en dix ans, une icône de mode
Joséphine s'ouvre au cinéma et au chant
Cherche sa voix, donne la réplique à Gabin
Devient un panneau publicitaire géant
Placera des produits et promouvra les siens

Bakerfix qui fait briller les cheveux des hommes


Les pâles françaises la prennent pour modèle
Bakerskin ou soleil, pour brunir, c'est tout comme
Insoumise et glamour, c'est ce qu'on dira d'elle

En mille-neuf-cent-vingt-six, aux Folies Bergères,


Des bananes en tissu fixées à sa ceinture,
Gonflant les joues, Joséphine est drôle et guerrière
D'autres fois, en argent, elle aura fière allure
5;.

Joséphine ne se cantonne pas dans la capitale française et


enchaîne les tournées européennes
Elle y rencontre toujours le succès, plus tard, elle fait parfois face
au rejet
Suite à l'avènement du Troisième Reich en 1933, les cloches des
églises de Vienne retentissent pour prévenir les habitants de
l'arrivée de Joséphine
« Restez chez vous, L'immorale est dans les rues. Ne soyez pas
victime de la décadence des mœurs encouragée par cette femme »

Pépito meurt d'un cancer en 1936, elle épouse en 1937 Jean Lion,
un industriel français
Grâce à elle, Jean Lion profite du beau carnet d'adresses de
Joséphine, grâce à lui, Josephine Baker devient la française
Joséphine « Baker »
Elle accouche d'un enfant mort-né, plus tard, elle subira une
hystérectomie
La danseuse est une femme libre et loin d'être une fée du logis, au
mitan de sa vie, quel nouveau sens lui donner ?

Lors d'une tournée aux USA, 36 hôtels refusant de l'accueillir, elle


réalise que, là-bas, la ségrégation est plus que jamais d'actualité
On lui reproche de ne pas user de sa notoriété pour faire avancer la
cause noire
Elle s'engage dans l'armée française en tant qu'infirmière Pilote
Secouriste de l'Air puis, plus tard, les réseaux de résistance la
recrutent
Joséphine ne comprend pas pourquoi les États-Unis, alors qu'ils se
positionnent contre l'Allemagne nazie, continuent d'empoisonner la
vie des Afro-Américains

Son pays d'origine n'est pas seul à faire preuve de dissonance, la


star prend fait et cause pour l'antifascisme, cela ne l'empêche pas
de soutenir un temps Mussolini
Pendant la seconde guerre mondiale, elle est honorable
correspondante pour la France Libre, elle est prête à donner sa vie
pour son pays d'adoption
Un officier du contre-espionnage se fait passer pour son assistant
et, avec la participation de Joséphine, glisse dans ses partitions des
notes sur les installations allemandes rédigées à l'encre invisible
Plus tard, on réclame à la danseuse ses papiers, mais ce que les
autorités allemandes veulent, ce sont avant tout des autographes

Les musiciens et chanteurs vont maintenant vous interpréter la


chanson fétiche de Joséphine : J'ai deux amours, mon pays et Paris qui
date de 1930 et qui deviendra par la suite, après la guerre : J'ai deux
amours, mon pays c'est Paris, sous-entendu la France. Encore une fois,
quelques éléments disruptifs faciles à reconnaître en ce jour de
commémoration.

J'ai deux amours / Chant des


partisans / Marseillaise
6.

La couleur, blanche ou noire, Joséphine veut annuler - Violet


Pour cela, intégrer toutes les couleurs, montrer que tous les
peuples peuvent vivre en harmonie, c'est son projet dingo – Indigo
Avec son nouveau mari Jo Bouillon, elle va adopter douze enfants
selon un procédé très scrupuleux – Bleu
Joséphine veut que ses enfants aient des religions et des origines
très différentes, que cela soit conforme à la réalité n'est pas sa
préoccupation première – Vert
Un de ses enfants sera gay, bien qu'elle même bisexuelle, elle
l'exclura car ce n'est pas ce qu'elle prône - Jaune
Elle adopte un enfant d'origine japonaise, elle désire en adopter un
autre mais qui est aussi d'origine japonaise, alors on dira qu'il est
d'origine coréenne et c'est arrangé – Orangé
Joséphine va ainsi constituer sa tribu arc en ciel, sa façon à elle de
lutter contre l'injustice et de canaliser tout l'amour qui, en elle,
bouge - Rouge

Lors de la marche pour les droits civiques à Washington, elle fera la


première partie de Martin Luther King, elle sera la première artiste à
exiger que les gens puissent se mélanger, quelle que soit la couleur
de leur peau, lors de ses concerts – Lumière
En France, elle est propriétaire d'un vaste domaine, aux très
nombreux employés, qu'elle conçoit comme un village de vacances,
un parc d'attractions. Toute la « jet set » de l'époque s'y retrouve
sans forcément mettre la main au portefeuille. Elle va finir ruinée.
Brigitte Bardot lance un appel au dons lors d'un programme
télévisé, Grâce Kelly lui trouve un logement, le Château des
Milandes elle doit quitter - Obscurité

Joséphine va remonter sur scène, ce sera un triomphe. On la


retrouve, un soir, inanimée dans sa loge et meurt dans la nuit à 68
ans, en artiste prête à tout donner pour son public. Aujourd'hui, elle
fait plus que jamais parler d'elle. Si un jour, vous vous promenez du
côté de Rouen, près du lycée Flaubert, vous passerez peut-être
devant,
et ce n'est pas la seule en France, l'école Joséphine Baker –
Lumière

Avant-dernier morceau... C'est ça le vrai bonheur qui est une adaptation


d'une chanson des frères Gershwin. Joséphine Baker l'a également
chanté en espagnol Esto es felicidad. La chanteuse a été proche de
figures marquantes du XXème siècle. De Gaule l'a décorée. Et, sur un
autre bord de l'échiquier politique, elle s'est souvent rendu à Cuba et a
rencontré Fidèle Castro. C'est ça le vrai bonheur, l'entente entre les
peuples.

C'est ça le vrai bonheur / Esto es felicidad


7.

- Conclusion (JB artiste totale / Parallèle avec une autre JB anglo-


saxonne : Jane Birkin, onze bouge de l'année prochaine ?)

- Remerciements

Pour finir une chanson de Paul Misraki de 1937 écrite pour Ray Ventura
et reprise par Joséphine Baker.

Sur deux notes

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