Vous êtes sur la page 1sur 9

LES VIOLENCES FAITES AUX FEMMES

Approches 

- Les violences faites aux femmes dans nos coutumes 

Qu’entend-on par l’expression « violence faite aux femmes » ? Je vous entends de ma


position vous demander pourquoi je pose une question si évidente. Or, cette question a son
importance dans la mesure où la conception de violence varie considérablement selon les
contextes. L’Assemblée Générale des Nations-Unies définit les violences faites aux femmes
comme : « […] tout acte de violence basé sur l’appartenance au sexe féminin, qui a eu ou
peut avoir comme conséquence un dommage ou une souffrance physique, sexuelle ou
psychologique pour la femme, ainsi que les menaces de violence, le harcèlement ou la
privation arbitraire de liberté, qui se produisent aussi bien dans la sphère publique que dans
la sphère privée. » (AGNU, 1993).

Les violences faites aux femmes dans un assertion générale, s’apparentent à tout acte dont le
but est de faire forcer une femme à faire ou à ne pas faire quelque chose, à la dominer. Il ne
s’agit pas ici de savoir si oui ou non elle est vraiment effective, la réponse est d’ores et déjà
trouvée : Oui, elle l’est. Et la raison de la commission de ces actes ? Est-elle psychologique ?
Géographique ? Economique ? Culturelle ? Il n’existe pas de facteur sui generis, unique et
particulier pour expliquer ce phénomène. Qu’elles soient physiques, sexuelles,
psychologiques ou verbales, ces violences peuvent naître de partout. Cependant, dans nos
sociétés africaines et camerounaises en particulier, consciemment ou pas, nous sommes
conditionnés à accomplir un certain nombre d’actes dont le caractère « violent » tarde à être
assimilé. On les ignore, certains les acceptent, d’autres encore, plus aveugles, n’y voient rien
de répréhensibles.

Nous voulons parler ici de ces violences commises tous les jours contre les femmes sous
couvert de nos traditions ancestrales.

Il n’est plus à démontrer que le Cameroun compte un nombre impressionnant d’ethnies, peut-
être même en ignorons-nous encore certaines. Chacune d’entre elles a ses habitudes, ses
coutumes, ses traditions et dès la naissance, nous sommes mis dans le bain, nous n’avons pas
le choix. On dit qu’un Bamiléké, un Bassa’a, un Duala, un Béti, un Bulu, un Haoussa, un
Pygmée, etc. fait ceci et ne doit pas faire cela. On nous façonne, on nous abreuve, nous gave
de pratiques étranges sans poser de question. C’est là notre erreur, car dans ces pratiques, se
cachent des abus flagrants où comme par miracle, les femmes sont presque à chaque fois les
victimes.

Il est bon de savoir que malgré le fait que les mœurs camerounaises se modernisent peu à peu,
il n’en reste pas moins qu’une majorité écrasante de la population vit encore dans les villages
et vivent une vie qui ne ressemblent pas à celle qui est visible dans les grandes villes. Nos
traditions sont les premiers vecteurs de violences faites à l’égard des femmes et il est
nécessaire de les dénoncer.

Dès lors, il s’agira pour nous de faire un état de ces abus (I), ainsi que des moyens de lutte mis
en place au Cameroun (II).

I- Les violences faites aux femmes dans les coutumes camerounaises

Dans la tradition africaine en général, l’homme a autorité sur la femme. Un adage dit
d’ailleurs qu’ « … elle ne s’appartient pas, elle appartient… » soit à ses parents quand elle
n’est pas mariée, soit dans le cas contraire, à son époux. Voilà de prime abord d’où nous
partons, d’une considération archaïque de la femme en tant qu’objet donnant naissance à tous
les abus que subissent les femmes. Cependant et tel que mentionné en supra, la tradition
africaine et camerounaise en particulier n’est pas une et unique et il ne s’agira pas de faire un
état des us et coutumes de toutes les tribus du Cameroun. Il conviendra plutôt de recenser le
situations ou actes de violence récurrentes à l’égard des femmes bien ancrés dans nos
traditions et qui perdurent jusqu’à ce jour. Selon l’Association Camerounaise pour la Lutte
contre les Violences faites aux Femmes (ALVF), l’on distingue entre autres :

- La violence domestique ;
- Les rites de veuvage ;
- Les mutilations génitales : l’excision/l’infibulation ;
- Le mariage forcé/précoce (le lévirat a été aboli ?) ; (mariage forcé : art 356 CP)
- La succession : Le droit civil en matière de succession, ne reconnait à la conjointe
survivante qu’un droit d’usufruit. Elle n’hérite de rien et en présence d’enfant mineur, n’a
vocation qu’à l’administration des biens en attendant que les enfants atteignent la majorité.
- Le culte de la femme-objet (femme en tant que « machine de reproduction », l’entrave à la
scolarisation et à une activité professionnelle, d’outil de prostitution ou de marchandage)
A – La violence domestique

« Si un homme ne bat pas sa femme, c’est qu’il ne l’aime pas ». Qui n’a pas déjà entendu
cette affirmation ? Contrairement à ce que les croyances nationales disent, cet état des choses
n’existe pas uniquement dans les régions du Sud, du Centre et du Nord, mais est présente dans
l’intégralité du territoire camerounais. Il n’est que la personnification de la conception selon
laquelle la femme « appartient » à l’homme et qu’à ce titre, il peut en faire ce qu’il veut.
Dès lors, violences physiques (bastonnades et autres), des violences sexuelles (viol,
prostitution), des violences psychologiques ou émotionnelles (privation de sa liberté, injures
et autres) ainsi que des violences économiques (interdiction d’avoir une activité génératrice de
revenu ou remise de tout son revenu à son mari ou à ses frères) sont monnaie courante au
Cameroun.

B- Les rites de veuvage1

Au Cameroun, les rites de veuvage sont très ancrés dans la société, particulièrement dans
l’Ouest, Nord-Ouest et Sud-Ouest du pays, où la tradition est fortement respectée.

Les rites de veuvage sont une sorte de rituel composé d’un ensemble de pratiques infligés au
conjoint survivant et généralement mis en place durant la période de deuil. En réalité, ces rites
sont exercés tant sur l’homme que sur la femme, cependant, là où pour les hommes, ces rites
symbolisent « la victoire de la vie sur la mort et préparent le veuf à une nouvelle vie sans sa
compagne disparue », pour les femmes, il s’agit d’un ensemble de « violences physiques,
psychologiques et économiques subies pendant les obsèques et bien longtemps après, comme
pour la punir du décès de son époux ».

Ces pratiques consistent entre autres à se couper les cheveux, à se scarifier, à prendre des
bains dans des eaux glacées ou dans des marigots, exposant sa nudité ; à uriner en public ou
à se faire badigeonner avec du sang d’un quelconque animal ; à se faire fouetter avec des
lianes ou avec une queue de cheval ; à ne pas se laver pendant plusieurs jours, à ne manger
que lorsque les responsables du rituel en auront donné l’ordre ; à dormir à même le sol, à
sauter par-dessus des feux ou à marcher pieds nus, etc…

1
Source : Site de l’AVLF
Pour justifier cela, les auteurs de ces actes arguent du fait que la femme, bénéficiant d’une
espérance de vie plus longue que son mari, était soupçonnée d’être à l’origine de sa mort et
qu’il fallait prouver son innocence.

C- Les mutilations génitales2

Les mutilations génitales sont des violences que tant la communauté internationale que la
communauté africaine tentent d’éradiquer. Cependant, les considérations coutumières sur le
sujet ont la peau dure. L’excision et l’infibulation sont des mutilations génitales que les
femmes continuent de subir même aujourd’hui.

L’excision est l’ablation partielle ou totale du clitoris tandis que l’infibulation consiste en la


suture de la majeure partie des grandes ou des petites lèvres de la vulve, ne laissant qu’une
petite ouverture pour que l’urine et les menstruations puissent s’écouler.

Dans les régions du Nord et de l’Est en particulier et même de façon plus discrète dans la
région du Centre, ce phénomène perdure. Selon les considérations coutumières, ces attributs
seraient à l’origine de la l’intérêt sexuel de la jeune fille. L’en débarrasser permettrait selon
les croyances à la « désintéresser d’une sexualité épanouie et donc débridée, de manière à la
préserver de la débaucher » et de l’infidélité afin qu’elle ne soit que le « bien de son mari ».

Cet acte par du postulat selon lequel la femme « est le bien de son mari », « lui appartient à lui
et à lui seul » et il faut maintenant cet état des faits par tous les moyens. Par ailleurs, sous
prétexte que les parents, grands-parents ou arrière-grands-parents aient eu à le faire, la
tradition perdure sans plus de questionnement sur les effets de cette pratique.

Très souvent pratiquée dans des conditions douteuses parce qu’interdite, l’excision et
l’infibulation causent une douleur incommensurable, des hémorragies susceptibles d’entraîner
le décès, des infections vaginales ou le dérèglement de la sexualité, ici libido (frigidité).

Aujourd’hui, 1, 4% des femmes camerounaises en sont victimes, dont 20% en zones rurales.3

Ce pourcentage est très révélateur des influences. Le poids de la tradition s’assimile à la Terre
sur le dos d’Atlas.

2
Source : https://www.voaafrique.com/a/excision-en-afrique-un-fonds-de-commerce-pour-les-promoteurs-de-
la-pratique-consideree-comme-une-forme-de-torture-par-des-experts-de-l-onu/1939035.httml (2014)
3
Source : http://www.cameroonvoice.com/news/article-news-37055 (2019)
D- Le mariage forcé/précoce

L’ALVF le dit clairement, le Cameroun a « un problème avec les valeurs patriarcales ». Une
fille est appelée à être la femme de son mari et à faire des enfants. Le mariage est considéré
comme un accomplissement dans certaines coutumes, allant même jusqu’à considérer les
femmes célibataires comme des prostituées ou des sorcières.

Cet état des faits est visible dans les régions de l’Adamaoua, du Nord et de l’Extrême-Nord où
plusieurs considérations accompagnent cet acte.

- La jeunesse de la fille est un signe de pureté. Dès lors, les familles tentent de marier au plus
vite leurs filles afin que non seulement la preuve de la virginité de la jeune fille ne fasse plus
aucun doute, mais également pour démontrer de sa valeur.

- La pauvreté est également un facteur qui pousse les familles à vite marier leurs filles et cela
n’est plus seulement visible chez les Peuls. Dans certaines familles, l’on mise sur le garçon
car il est appelé à être le chef de la famille ou alors à étendre le nom de la famille s’ils sont
plusieurs. La fille n’est dès lors qu’une charge qu’il convient de se débarrasser au plus vite.

Le mariage forcé/précoce a des conséquences tant dans l’éducation des femmes que sur leur
développement personnel. Elles entrent dans la vie maritale sans avoir fini de grandir et de se
fait, n’ont pas appris à se défendre, manquent de confiance en elles et sont entièrement
dépendantes de leur mari. Et n’oublions pas les risques d’une grossesse précoce.

E- La succession

La conception ancestrale de la succession n’est certes plus la même selon le Code Civil
camerounais ou les femmes ont vocation à succéder. Cependant, si la situation de la
fille/sœur/mère ne pose plus de réel problème, celui de la femme en tant qu’épouse n’est pas
exempt d’abus. En effet, que ce la soit dans le code civil ou dans le droit coutumier, la
vocation successorale de la conjointe survivante est soumise à de nombreuses conditions.

La femme passera toujours après les enfants, les frères et sœurs ainsi que les parents de son
conjoint décédé. Encore même que le cas échéant, elle n’aura droit qu’à l’usufruit des biens
laissés par ce dernier en dehors de toute disposition testamentaire. Il est difficile d’imaginer
dès lors que ce droit écrit est plus favorable que le droit coutumier dans la mesure où non
seulement seuls les hommes ont vocation successorale, mais également où la femme peut être
laissée sans rien selon le bon vouloir de sa belle-famille.

Ceci s’explique par le fait que la femme n’est en réalité qu’un « bien » et qu’un objet ne peut
hériter.

Voilà les réalités de nos traditions, des traditions où une femme sans mari n’est plus rien, ne
vaut rien et n’a droit à rien. (art 767 CC)

F- Le culte de la femme-objet

Cette considération est le début et la fin de tout car partant de ce postulat, tous les cas de
violences mentionnés en supra en sont tirés et par analogie, elle en est également la
conséquence.

Dans de nombreuses tribus camerounaises, cet état des fait est flagrant notamment dans les
régions du Nord et dans l’Ouest Cameroun.

Cette vision de la femme en tant qu’objet a plusieurs ramifications qu’il convient de citer

- La femme en tant qu’objet de reproduction :

- La non-scolarisation de la femme et l’interdiction d’exercer une activité professionnelle :


selon les perceptions coutumières, une femme n’a pas besoin d’être instruite. Après tout, à
quoi cela lui servirait-il dans le rôle qui lui a été dévolu à savoir s’occuper de son foyer ? Cet
à cet égard que les familles ont naturellement érigé en privilège la masculinité, donnant en
tout la préférence au fils, tant sur la prérogative de l’éducation que sur celle d’exercer une
activité professionnelle.

Nos coutumes participent activement aux violences faites aux femmes du fait de la persistance
de désuètes, en totale contradiction avec les idées modernes qui essayent de s’imposer dans le
monde. Le Cameroun n’est pas aveugle sur le sujet et c’est pour cette raison qu’il se ligue lui-
même contre ces conceptions ancestrales à travers des structures et des textes bien établis.
Cependant, il conviendra peut-être de se demander si ces mesures sont vraiment effective.

II – Les moyens de lutte mis en place


Des textes internationaux, régionaux et nationaux consacrent une partie de leur disposition
non seulement à la protection des individus, mais à celle des femmes en particulier et des
associations œuvrent en permanence contre les violences faites aux femmes.

A- Les textes internationaux, régionaux et nationaux

C’est le cas de la Déclaration Universelle des droits de l’homme de 1948, garante des libertés
fondamentales des individus, de la Charte africaine des droits de l’hommes et des peuples de
1986 ou encore la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à
l’égard de la femme de 1978 ratifiée par le Cameroun.

Cependant, il convient de préciser que leur application reste assez difficultueuse ou alors est
supplantée par les textes nationaux.

Le Code Pénal camerounais de 2016 n’est pas en reste dans la mesure où de nouvelles
dispositions viennent appuyer les textes internationaux et régionaux en pénalisant :
mutilations génitales (art 277-1), le harcèlement sexuel (art 302-1) ; et l’entrave au droit à la
scolarisation (art 355-2).

Ces infractions s’ajoutent à celles déjà présentes et pouvant être appliquées tant aux hommes
qu’aux femmes à savoir le viol (art 296), les brutalités physiques (278 à 281 CP), la
persécution verbale (art 307 sur les injures = expression outrageante, geste ou terme de mépris
d’une invective), l’adultère (art 361 CP), l’expulsion du domicile conjugal (art 358-1 CP), la
prostitution (art 343 CP), le proxénétisme (art 294 CP) et bien d’autres encore.

Cependant, malgré la présence de textes en la matière, il est bon de se demander si la


répression de ces abus est vraiment effective et ce, à bien des égards.

Le mariage forcé ou précoce par exemple, est interdit à l’article 356 CP. Cependant, il
faudrait s’entendre sur la notion de « précoce » et de « forcé » car lorsque la loi camerounaise
stipule qu’une fille âgée d’à peine 15 ans peut se marier avec le consentement parental, cela
relève d’une certaine incongruité.

De même, les victimes de violence domestiques ont peu de recours pour obtenir une
protection. En l’occurrence, aucune loi n’octroie aux femmes victime de ces violences des
ordonnances de protection contre leurs agresseurs. Il n’y a aucune loi contre le viol conjugal
par exemple. A la place, nous comme condamnés à user de lois qui « peuvent s’appliquer » en
la matière, à défaut de mieux et qui, d’ailleurs, sont laissée à l’appréciation du juge saisi par la
victime.

De même, il est à noter que peu de victimes de violence domestique se tournent vers les
autorités et ce pour plusieurs raisons.

- La législation fait toujours appel à la médiation familiale pour résoudre le « conflit ». Dès
lors, un conseil de famille sera mis en place et dans la plupart des cas, il sera intimé à la
femme de rester dans le foyer ou des excuses lui seront présentées pour que la même situation
se présente quelques temps plus tard.
- Les juridictions compétentes en la matière sont majoritairement menées par des hommes
auxquels une femme violentée aura du mal à attribuer sa confiance
- Nous évoluons dans une société où un homme à un droit de « discipline » sur une/sa femme
et où il sera toujours reproché à cette dernière son « caractère »
- Le coût social pour la femme qui dénonce est trop élevé dans notre société (isolement,
menaces, rejet, voire même, la mort).
C’est au regard de tous ces éléments que la présence d’Associations spécialisées en la matière
est importante.

B- Les associations

- L’Association de Lutte contre les Violences faites aux femmes


Fondée en 1991 par 7 femmes, elle compte aujourd’hui 4 antennes (Centre, Littoral, Ouest et
Extrême-Nord). Chacune d’entre elle dispose d’une structure d’aide directe aux femmes
(Centre Vie de Femmes)
Cette association a pour mission d’éliminer toutes formes de violence physique, sexuelle ou
morale dont les femmes et les filles sont victimes dans tous les espaces : privées, publics ou
politiques, informer les femmes de leurs droits.
- L’Association Camerounaise des Femmes Juristes : basé à Yaoundé ; élaboration de lois
qui régissent la condition de la femme et de l’enfant, combattre toutes les discriminations à
l’égard de la femme et de l’enfant ; les dénoncer ; rassembler et diffuser les informations sur
la condition juridique, économique, sociale et culturelle de la femme et de l’enfant
- Horizons Femmes : Réduire les inégalités sociales, particulièrement celles qui affectent les
femmes.

Vous aimerez peut-être aussi