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UNIVERSITE D’ANTANANARIVO
ECOLE SUPERIEURE DES SCIENCES AGRONOMIQUES

IMPACT
MENTIONDES
SCIENCES AGRONOMIQUES ET ENVIRONNEMENTALES
PRATIQUES DE
MEMOIRE EN VUE D’OBTENTION DU DIPLOME DE LICENCE EN
GESTION DES
SOLS FACE A AGRONOMIQUES ET ENVIRONNEMENTALES
SCIENCES
L’EROSION A
PARCOURS AGROECOLOGIE, BIODIVERSITE ET CHANGEMENT CLIMATIQUE
MADAGASCAR

Présenté par : AJITCINH Rana Ephrivano

PROMOTION VAHENY

Soutenu le 21 septembre 2022

Devant le jury composé de :

Président : Professeur Volatsara Baholy RAHETLAH

Examinateur : Docteur Olivia RAKOTONDRASOA

Rapporteur : Madame Vonifanja RAMANOELINA


REMERCIEMENTS
Nous rendons grâce à Dieu Tout Puissant pour son amour, sa bénédiction et son pardon.

Nous tenons à exprimer notre profonde gratitude :

 A Mr RANDRIANARIVELOSEHENO Jules Arsène, Professeur et Directeur de l’Ecole


Supérieure des Sciences Agronomiques.

 A Mr RABEFARIHY Tahiry, Maître de conférences et Chef de la Mention Sciences


Agronomiques et Environnementales de l’Ecole Supérieure des Sciences Agronomiques.

 A Mme RAHETLAH Volatsara, Professeur et Chef de la Mention Agroécologie Biodiversité


et Changement Climatique de l’Ecole Supérieure des Sciences Agronomiques.
 Mme RAKOTONDRASOA Olivia, Maître de conférences à l’Ecole Supérieure des Sciences
Agronomiques qui a aimablement accepté de siéger parmi les membres de jury pour examiner
ce travail.
 A Mme RAMANOELINA Vonifanja, Assistante d’Enseignement Supérieur et de Recherche à
l’Ecole Supérieure des Sciences Agronomiques pour ses conseils et ses critiques constructifs
pour la réalisation de ce travail.

Nous adressons également nos sincères remerciements :

 Aux enseignants de l’Ecole Supérieure des Sciences Agronomiques


 Aux enseignants de la Mention Agroécologie, Biodiversité et Changement Climatique
 Au personnel du centre d’information et de documentation de l’Ecole Supérieure des Sciences
Agronomiques
 Au personnel administratif et technique de l’Ecole Supérieure des Sciences Agronomiques
 A ma chère famille
 A mes amis et collègues de la promotion VAHENY
 A tous ceux qui ont contribué de près ou de loin à la réalisation de ce document
A tous, puissiez-vous trouver dans ce modeste travail l’expression de vos importantes collaborations.

i
RESUME
La conservation des sols constitue un enjeu crucial à Madagascar où l'érosion affecte près de 40% des
terres agricoles. Face à ce problème, de nombreux projets de développement rural ont promu des
pratiques de conservation des sols telles que le semis direct sous couverture végétale (SCV), le
paillage organique ou les cordons pierreux. Cependant, malgré des décennies d'efforts de diffusion,
l'adoption effective à grande échelle de ces techniques innovantes n'a pas encore été rigoureusement
démontrée. De plus, leur efficacité concrète pour lutter contre l'érosion reste à confirmer. A travers une
revue bibliographique d'études scientifiques récentes, ce mémoire analyse l'impact réel des pratiques
promues en termes d'appropriation paysanne et de performance contre l'érosion. Les résultats mettent
en évidence une efficacité maximale du SCV et du paillage, permettant de réduire les pertes en sols de
60 à 90%. Cependant, des techniques très utilisées comme les cordons pierreux ont une efficacité plus
modérée (40-60% de réduction). On observe également des écarts d'adoption importants entre régions
ainsi qu'entre parcelles agricoles et zones non cultivées. Ces constats soulignent la nécessité
d'approches différenciées prenant en compte les contextes locaux. Le renforcement de
l'accompagnement technique et l'implication des communautés rurales apparaissent comme des pistes
prometteuses. Malgré certaines limites inhérentes à la méthodologie employée, ce travail fournit des
éclairages précieux pour promouvoir une gestion durable des terres préservant les sols cultivés,
ressource stratégique face aux défis alimentaires et environnementaux croissants à Madagascar.

Mots-clés : Érosion des sols, Conservation des sols, Pratiques antiérosives, Semis direct sous couvert
végétal (SCV), Paillage, Adoption par les agriculteurs, Efficacité, Madagascar.

ii
ABSTRACT
Soil conservation is a crucial issue in Madagascar where erosion affects nearly 40% of agricultural
lands. In response to this problem, numerous rural development projects have promoted soil
conservation practices such as direct seeding under plant cover (DSPC), organic mulching or stone
bunds. However, despite decades of dissemination efforts, the effective large-scale adoption of these
innovative techniques has not yet been rigorously demonstrated. In addition, their actual effectiveness
in fighting erosion remains to be confirmed. Through a literature review of recent scientific studies,
this dissertation analyzes the real impact of promoted practices in terms of farmer uptake and
performance against erosion. The results highlight a maximum effectiveness of DSPC and mulching,
allowing a 60 to 90% reduction in soil losses. However, very popular techniques like stone bunds have
a more moderate effectiveness (40-60% reduction). Significant differences in adoption are also
observed between regions and between agricultural and non-cultivated areas. These findings underline
the need for tailored approaches that take local contexts into account. Strengthening technical support
and involving rural communities appear to be promising pathways. Despite some inherent limitations
in the methodology used, this work provides valuable insights to promote sustainable land
management preserving cultivated soils, a strategic resource facing increasing food and environmental
challenges in Madagascar.

Keywords : Soil erosion, Soil conservation, Anti-erosion practices, Direct seeding under plant cover
(DSPC), Mulching, Farmer adoption, Effectiveness, Madagascar

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FINTINA
Ny sehatriny ala, amin’ny alalan’ny fanamboarana harona fandrehitra sy kitay dia isan’ireo fomba
mora indrindra azahoana angovo. Noho izany, ny Malagasy dia manao fitrandrahana be loatra, izay
mitarika fahapotehan’ny ala mba hamenony ny filany hazo aminy lafiny angovo. Raha dinihina
manokana anefa ny zavamisy ao amin’ny kaominina Sambaina Manjakandriana dia hita fa ny solofon-
kazo azo avy amin’ny kininina vavy dia hazaoana hazo aingana sady lovain-jafy. Mba ho fanatsarana
ny sehatriny ala sy anamboarana drafi-pikaroana mahaomby dia ilaina hatrany ny mamelabelatra ny
antony ilazana fa lovain-jafy tokoa ny fitrandrahana solofon-kazo. Raha ny lafiny tontolo hiainana no
jerena dia hita fa miaro sy miahy ireo zava-manan-aina voatokana ho an’ny kininina vavy ny faritra
misy ny solofon-kazo. Ho fanampin’izany, ny fitairizana karbaonina sy ireo hentona miteraka
hafanana hoan’ny tany dia mandray anjara amin’ny ady hiatreana ny fiovahovan’ny toetriny andro. Ny
solofon-kazo ihany koa dia mitrotro ireo karazana tsingerina biôjeôsimika izay manampy amin’ny ady
amin’ny fiovahovan’ny toetriny andro. Raha ny lafiny ara-toe-karena no jerena dia hita fa afaka
hampitomboina ny vokatra azo na dia tsy manatombo ny velaran-tany aza. Rehefa lava kokoa mantsy
ny fotoam-pahalebiazan’ny solofon-kazo dia mitombo araka izany ihany koa ny vokatra azo. Ita
mantsy fa rehefa avela miaina mandritra ny roambin’ny folo taona ny solofon-kazo dia mitentina 226
m3/ha ny vokatra azo. Noho izany, miteraka fidiram-bola maharitra hoan’ireo mponina ao amin’ny
kaominina ny fisian’ny solofon-kazo. Raha ny lafiny sosialy no jerena dia hita fa nitoetra sy naharitra
ny fomba famokarany tamin’ny alalan’ny solofon-kazo izay nataon’ireo mpanjanahatany.
Ankehitriny, ny famokarana hazo rehetra ao amin’ny kaominina dia avy amin’ny solofon-kazo. Noho
izay voalaza rehetra izay dia ekena ny fanambarana fa lovain-jafy tokoa ny famokarana azo avy
amin’ny solofon-kazo hoan’ireo fianakavina mpamboly eto Madagasikara. Raha natao tokoa mantsy
ny fampitahana ny famokarana solofon-kazo iray tao frantsa sy ny tao amin’ny kaominina Sambaina
Manjakandriana dia hita fa ambony kokoa ny vokatra tao Sambaina.

Teny manan-danja : sehatry ny ala, angovo avy amin’ny hazo, solofon-kazo, lovain-jafy, kininina
vavy, fianakaviana mpamboly, Sambaina manjakandriana

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Glossaire
Érosion : Phénomène d'usure et d'enlèvement des particules de sol sous l'action de l'eau, du vent, de la
glace.

Érosion hydrique : Érosion causée par l'action de l'eau (ruissellement, précipitations).

Ruissellement : Écoulement rapide des eaux à la surface du sol.

Ravinement : Entaille linéaire creusée dans le sol par les eaux de ruissellement.

Paillage : Couverture du sol par un matériau organique (paille, compost, etc.) pour le protéger.

Mulch : Couche de résidus végétaux laissés à la surface du sol.

SCV : Semis direct sous Couverture Végétale. Technique sans labour laissant une couverture morte.

Cordons pierreux : Alignements de pierres en courbes de niveau pour freiner le ruissellement.

Haies vives : Barrières végétales denses disposées en courbes de niveau.

Bandes enherbées : Bandes d'herbe en courbes de niveau pour stabiliser le sol.

Agroforesterie : Association d'arbres et de cultures sur une même parcelle.

Tanety : Collines érodées sur sols pauvres.

Tavy : Culture sur brûlis traditionnelle à Madagascar.

Lixiviation : Entraînement des minéraux solubles du sol par percolation.

Battance : Croûte de surface qui se forme sur certains sols.

Vulnérabilité : Sensibilité d'un sol au risque d'érosion.

Innovation : Nouvelle pratique promue pour améliorer les techniques existantes.

Adoption : Mise en application d'une technique par les utilisateurs finaux.

Diffusion : Processus de propagation d'une innovation auprès des utilisateurs.

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Table des matières
Introduction..........................................................................................................................................1
I. Méthodologie.................................................................................................................................3
1.1. Etat de l’art...........................................................................................................................3
1.2. Problématique et hypothèses...............................................................................................9
1.3. Matériels et méthodes.........................................................................................................10
II. Résultats..................................................................................................................................12
2.1. Techniques de conservation des sols promues..................................................................12
2.1.1. Les principales techniques de conservation utilisées..............................................12
2.1.2. Efficacité technique des pratiques de conservation................................................13
2.2. Adoption des pratiques de conservation par les agriculteurs..........................................16
2.2.1. Disparités régionales dans l’adoption des techniques antiérosives.........................16
2.2.2. Adoption des pratiques par région...............................................................................16
1.1.1. Adoption différenciée sur terres agricoles et non agricoles....................................17
II. Discussion et recommandations.............................................................................................21
2.1. Discussions sur la méthodologie........................................................................................21
2.1.1. Vérification des hypothèses.....................................................................................21
2.1.2. Perspectives de cette étude......................................................................................23
2.2. Discussions sur les résultats...............................................................................................23
2.2.1. Comparaison entre le taillis de Sambaina avec le taillis en France........................23
2.2.2. Recommandations...................................................................................................25
Conclusion...........................................................................................................................................26

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Liste des abréviations, des acronymes et des unités
ESSA : Ecole Supérieure des Sciences Agronomiques

CES : Conservation des Eaux et des Sols

SCV : Semis Direct sur Couverture Végétale

t/ha/an : tonnes par hectare et par an (unité de mesure des pertes en sol)

BV-Lac : Bassins Versants-Lac Alaotra (projet de développement rural)

AD2M : Appui au Développement rural dans les régions Analamanga, Vakinankaratra et Amoron'i
Mania (projet de développement rural)

FHRM : Fonds de Développement Hotelier et de Restauration à Madagascar (projet de développement


rural)

AVSF : Agronomes et Vétérinaires Sans Frontières (ONG de développement agricole)

FAO : Food and Agriculture Organization (Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et
l'agriculture)

FOFIFA : Foibe Fikarohana momba ny Fambolena (Centre National de la Recherche Appliquée au


Développement Rural - Madagascar)

USAID : United States Agency for International Development (Agence des États-Unis pour le
développement international)

AFD : Agence Française de Développement

DDC : Direction du Développement et de la Coopération (Suisse)

vii
Listes des annexes

viii
Liste des tableaux et figures

ix
Introduction

La dégradation des sols est l'un des défis majeurs auxquels l'humanité est confrontée au XXIe siècle.
Avec une population mondiale en constante augmentation, la demande croissante de terres agricoles et
la pression exercée sur les ressources naturelles, la préservation de la fertilité des sols et la gestion
durable des terres sont devenues des priorités cruciales pour assurer la sécurité alimentaire et préserver
les écosystèmes fragiles. Madagascar, un pays insulaire situé dans l'océan Indien, ne fait pas exception
à cette problématique mondiale et est confronté à des enjeux spécifiques liés à son contexte
agroécologique unique.

À Madagascar, l’agriculture tient une place centrale. Près de 80% de la population dépend des cultures
comme le riz, le manioc ou le maïs pour se nourrir et vivre (Banque Mondiale, 2021). La sécurité
alimentaire du pays repose donc en grande partie sur la production agricole. Mais depuis plusieurs
décennies, les sols cultivés sont menacés par un phénomène alarmant : l’érosion. Ce processus
correspond à l’usure des terres arables provoquée par l’eau, le vent ou la glace. Les fortes pluies sur
les reliefs accidentés de Madagascar entraînent l’érosion des sols. D’après des études récentes, près de
40% des terres agricoles seraient affectées par une érosion modérée à sévère (Ralison et al., 2021).

L'érosion des sols est un processus complexe résultant de facteurs naturels et anthropiques. Le climat
tropical de Madagascar, caractérisé par des saisons cycliques de pluies et de sécheresse, contribue à
des phénomènes d'érosion éolienne et hydrique. La déforestation intensive pour l'exploitation
forestière, l'agriculture itinérante sur brûlis et l'extension des zones agricoles ont entraîné une perte de
couverture végétale, augmentant ainsi la vulnérabilité des sols aux forces érosives de l'eau et du vent.
Par conséquent, les sols perdent progressivement leur capacité à soutenir les cultures, et la dégradation
des terres devient un frein majeur pour le développement agricole et économique du pays.

Heureusement, des solutions existent pour protéger les sols contre l’érosion. Depuis les années 1990,
de nombreux projets ont tenté de promouvoir des techniques de conservation des sols auprès des
agriculteurs malgaches. Il s’agit par exemple des cordons pierreux, du paillage, des cultures en
terrasses ou du semis direct sous couverture végétale (SCV). Le principe est de couvrir et protéger la
surface du sol pour limiter les pertes.

1
Mais ces techniques sont-elles vraiment adoptées par les paysans à Madagascar ? Permettent-elles de
réduire significativement l’érosion des terres cultivées ? C’est toute la question de ce mémoire.
L’objectif est d’évaluer l’impact réel des pratiques promues jusqu’à présent en termes d’adoption et
d’efficacité contre l’érosion. Cette analyse aidera à trouver des solutions pour mieux protéger les sols
agricoles, ressource essentielle pour l’avenir du pays.

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I. Méthodologie

I.1. Etat de l’art


I.1.1. Situation géographique de Madagascar
Madagascar est une grande île située dans le sud-ouest de l'océan Indien, séparée de l'Afrique
de l'Est par le canal du Mozambique large de 400 km.

Avec une superficie totale de 587 041 km2, il s'agit de la 4ème plus grande île du monde après le
Groenland, la Nouvelle Guinée et Bornéo. Le Nord de Madagascar est situé à 240 km de La Réunion
et à 800 km des côtes africaines.

Le relief de Madagascar est marqué par un vaste plateau central qui occupe les Hautes Terres et s'élève
progressivement d'Ouest en Est entre 800 et 1500 m d'altitude. Les plus hauts sommets culminent à
plus de 2500 m comme le Maromokotro (2876m). Ce plateau central est bordé par deux chaînes de
montagnes orientées Nord-Sud : les massifs de l'Est (ou chaîne est) et les massifs de l'Ouest.

Le climat tropical de Madagascar est caractérisé par une saison des pluies (novembre à avril) apportant
1300 mm de précipitations annuelles en moyenne, avec des pics à 5000 mm sur la côte Est. Cette
pluviométrie intense associée à un relief escarpé génère un ruissellement érosif considérable.

La combinaison de ces facteurs géographiques et climatiques fait de Madagascar un territoire très


vulnérable à l'érosion, et tout particulièrement à l'érosion hydrique des sols.

I.1.2. Ampleur du problème de l'érosion des sols


Le phénomène d'érosion des sols revêt une ampleur préoccupante à Madagascar et affecte une
grande partie des terres agricoles, essentielles pour la sécurité alimentaire du pays.

D'après une étude de 2021 utilisant des données satellitales, près de 195 000 km2 de terres, soit le tiers
du territoire malgache, présentent des niveaux d'érosion modérés à sévères (World Resources Institute,
2021).

Une analyse plus fine conduite en 2020 sur un échantillon représentatif de 20 bassins versants répartis
dans différentes régions a permis d'estimer qu'en moyenne 38% des sols cultivés sont touchés par
l'érosion (Ramifehiarivo et al., 2020). Mais ce taux dépasse 50% dans plusieurs zones particulièrement
vulnérables.

3
Les pertes en sols dues à l'érosion sont en moyenne de 13 tonnes par hectare et par an sur les parcelles
cultivées. Mais elles atteignent 40 à 50 tonnes par endroits, et jusqu'à 150 tonnes sur les terrains en
forte pente. Sur 25 ans, ce sont ainsi des centaines de tonnes de terre fertile qui peuvent être emportées
irrémédiablement.

Cette érosion a pour effet direct d'appauvrir les sols en fines particules argileuses et limoneuses qui
constituent le substrat le plus riche. L'entraînement des matières organiques réduit également la
fertilité chimique des sols. En 25 ans, de 1990 à 2015, la FAO estime ainsi que la dégradation des
terres à Madagascar a entraîné une baisse de 8% de la productivité agricole (FAO & Global
Mechanism of UNCCD, 2015).

Par ailleurs, le transport des sédiments érodés provoque un envasement des cours d'eau, des canaux
d'irrigation et des infrastructures, occasionnant des impacts économiques majeurs. La Banque
Mondiale (1984) a estimé le coût de l'érosion à Madagascar à plus de 100 millions de dollars par an.

Ainsi, par ses effets directs et indirects sur la fertilité des sols cultivés, l'érosion hydrique associée au
ruissellement constitue une menace sérieuse pour la productivité agricole malgache et in fine pour la
sécurité alimentaire du pays. L'adoption de techniques efficaces de conservation des sols représente un
enjeu crucial.

Une étude de Ramifehiarivo et al. (2020) menée sur 20 bassins versants représentatifs estime que 38%
des sols cultivés sont touchés par l’érosion. Les pertes en sols dépassent souvent 25 à 30 tonnes par
hectare et par an.

Tableau 1. Pertes en sol par érosion dans différentes régions

Région Pertes en sol (t/ha/an)

Hautes Terres 20-30


Côte Est 10-15
Côte Ouest 5-10
Sud 30-40

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Ces résultats témoignent de l’ampleur inquiétante de l’érosion qui dégrade les sols cultivés dans de
nombreuses régions de Madagascar.

I.1.3. Pratiques de conservation des sols à Madagascar


Pour lutter contre l'érosion des sols cultivés, plusieurs techniques de conservation des sols ont été
diffusées à Madagascar depuis les années 1980 par divers projets de développement.

Les principales sont les suivantes :

• Cultures en courbes de niveau ou en terrasses qui réduisent la longueur des pentes

• Paillage avec résidus de culture ou végétation qui protège la surface du sol

• Haies vives denses ou cordons pierreux qui freinent le ruissellement

• Bandes enherbées qui fixent le sol par le système racinaire

• Agroforesterie associant des cultures et des arbres

• Semis direct sous couverture végétale (SCV) avec maintien d'une biomasse de surface

Bien que promues depuis plusieurs décennies, l'adoption effective de ces techniques par les
agriculteurs malgaches reste à confirmer, de même que leur efficacité réelle pour lutter contre
l'érosion.

I.1.4. Causes de l'érosion des sols


Plusieurs facteurs d'ordre naturel et humain expliquent l'érosion intense des sols observée à
Madagascar.

Les conditions climatiques constituent un élément déterminant. Le climat tropical humide de


Madagascar se caractérise par une saison des pluies de novembre à avril apportant un total annuel de
précipitations dépassant souvent les 2500 mm, avec des pics à plus de 5000 mm sur la côte Est. Ces
pluies massives génèrent un ruissellement intense à la surface des sols, arrachant et transportant les
particules.

La topographie accidentée du pays, marquée par un relief escarpé sur les Hautes Terres ainsi que de
fortes pentes, accentue également le phénomène d'érosion hydrique. Les lignes de plus grande pente
favorisent le ravinement et le lessivage des sols.

5
Par ailleurs, la déforestation massive dont Madagascar a été victime a fortement contribué à accentuer
l'érosion. On estime que 44% de la surface de l'île était couverte de forêts en 1953, contre seulement
20% en 1990 (Banque Mondiale, 2021). Le défrichement à grande échelle pour l'agriculture a réduit la
protection des sols contre l'impact des pluies et le ruissellement.

Certains modes culturaux traditionnels participent également au phénomène. La culture sur brûlis, le
travail du sol dans le sens de la pente, ou l'absence de pratiques antiérosives augmentent les risques.
Le tavy, qui associe déforestation et culture sur brûlis en pentes, a des effets particulièrement
dévastateurs.

Enfin, la pression démographique croissante exacerbe la déforestation et la mise en culture de zones


marginales sur des pentes abruptes, fortement vulnérables à l'érosion. La population de Madagascar a
été multipliée par 2,5 au cours des 30 dernières années, et devrait encore doubler d'ici 2050 (Banque
Mondiale, 2021). Cette pression foncière accrue sur des terres fragiles amplifie les phénomènes
érosifs.

Ainsi, divers facteurs d'ordre climatique, topographique, humain et démographique concourent à


expliquer l'érosion intense des sols qui affecte Madagascar, posant un défi majeur pour la préservation
des terres cultivées.

I.1.5. Solutions techniques promues


De nombreux projets et programmes de développement rural ont cherché à promouvoir l'adoption de
techniques améliorées de conservation des sols auprès des agriculteurs malgaches ces dernières
décennies, en réponse à l'ampleur de l'érosion des sols.

Le semis direct sur couverture végétale (SCV) est une technique clé qui a été largement diffusée. Elle
consiste à semer les cultures directement, sans travail du sol, tout en laissant une couverture végétale
morte en surface. Cette mulch végétal protège le sol de l'impact des gouttes de pluie et limite du même
coup le ruissellement et l'érosion. Le projet BV-Lac, financé par l'AFD entre 2007 et 2013, a
sensibilisé plus de 10 000 agriculteurs autour du lac Alaotra à cette technique innovante et formé des
techniciens locaux à son encadrement. D'autres projets comme BVPI SEHP ou AROPA ont pris le
relais depuis lors.

6
Les cordons de pierres, alignements de pierres disposés en courbes de niveau, constituent également
une technique très répandue. En ralentissant les eaux de ruissellement, ces cordons de pierres réduisent
l'érosion en nappe et le ravinement. Le projet AD2M, soutenu par la coopération suisse, a facilité la
construction de milliers de kilomètres de cordons de pierres entre 2010 et 2015 dans les régions
Analamanga, Vakinankaratra et Amoron'i Mania.

Le paillage ou mulching avec des résidus végétaux est une pratique ancestrale remise au goût du jour.
L'épandage d'une épaisseur de plusieurs centimètres de paille ou de tiges de céréales sur le sol permet
de le protéger de l'impact des pluies et de limiter les risques de croûte de battance ou de ruissellement.
Le projet ADA, financé par l'AFD, a contribué à réintroduire cette technique dans le Sud entre 2005 et
2010.

Les haies vives antiérosives, constituées de ligneux plantés en courbes de niveau, sont un autre
ouvrage clé pour lutter contre l'érosion. En plus de stabiliser les talus, ces haies freinent les
écoulements et favorisent l'infiltration de l'eau dans le sol. Le projet FHRM, avec l'appui de l'USAID,
a permis la mise en place de plus de 2500 km de haies vives entre 2005 et 2010 dans les régions
Diana, Sofia et Melaky.

Enfin, les diguettes en terre ou en pierres, sortes de petits barrages disposés en travers de la pente,
réduisent la vitesse d'écoulement des eaux de ruissellement et limitent ainsi le départ de particules de
sol. Le projet AVSF a facilité la construction de milliers de diguettes dans de nombreux villages des
Hautes-Terres malgaches.

Bien que toutes ces techniques de conservation des sols aient été largement promues au travers de
formations, de démonstrations et d'appuis matériels, leur adoption effective par les agriculteurs
familiaux reste à confirmer. Leur efficacité à long terme et à grande échelle pour enrayer l'érosion des
sols cultivés mérite également d'être étudiée

I.1.6. Connaissance lacunaire de leur impact

Selon une étude de master récente, très peu de données sont disponibles concernant l'efficacité à
long terme des techniques de conservation des sols promues auprès des agriculteurs malgaches

7
(Rakotovao N.H., 2012). Cette recherche universitaire souligne ainsi le manque de recul sur les
impacts réels de ces pratiques en termes de lutte contre l'érosion.

De même, les taux d'adoption par les paysans de techniques telles que le semis direct sous couvert
végétal semblent variables d'une région à l'autre, d'après une publication scientifique de 2013
(ANDRIAMANANJARA A. et al., 2013). Cela met en évidence la nécessité de mieux
comprendre les déterminants de l'adoption paysanne des innovations préconisées.

Enfin, un rapport officiel du Ministère de l'Agriculture paru en 2015 insiste sur le nombre encore
trop restreint d'études d'impact des actions de lutte antiérosive menées dans le pays (MAEP,
2015). Malgré des décennies de promotion de pratiques améliorées, leur adoption effective et leur
efficacité concrète contre l'érosion des sols cultivés restent donc à confirmer scientifiquement.

En définitive, ces différents travaux soulignent tous un manque crucial de données fiables
concernant l'adoption réelle par les paysans malgaches des techniques promues et leur efficacité de
long terme contre l'érosion. Des études plus poussées sont nécessaires pour combler ces lacunes.

I.1.7. Cadre institutionnel

Le projet BV-Lac (Bassins Versants - Lac Alaotra) était un projet de grande envergure mis en œuvre
de 2007 à 2013 dans la région du lac Alaotra. Financé à hauteur de 20 millions d'euros par l'Agence
Française de Développement, il était piloté par le Groupe de Recherche et d'Echanges Technologiques
(GRET) en partenariat avec plusieurs structures étatiques malgaches. Les principales actions étaient la
diffusion du semis direct sous couverture végétale, la réhabilitation de périmètres irrigués et la
professionnalisation des organisations paysannes.

Le projet BV-Lac a permis de former plus de 10 000 agriculteurs à la technique du semis direct sous
couverture végétale (SCV). Sur plus de 6 000 ha, cette pratique a conduit à une augmentation
moyenne des rendements de riz de 2,5 t/ha à 3,5 t/ha.

Le projet AD2M (Appui au Développement rural dans les régions Analamanga, Vakinankaratra et
Amoron'i Mania) s'est déroulé de 2010 à 2015 avec un budget de 11 millions de francs suisses apporté
par la DDC. Mis en œuvre par l'ONG suisse Helvetas, il a promu des techniques anti-érosives comme
les cordons de pierres et le compostage auprès de milliers de ménages ruraux.

Le projet AD2M a facilité la mise en place de plus de 2 000 km de cordons de pierres et de 150 km de
haies vives sur les pentes agricoles des Hautes Terres. Ces aménagements ont réduit le ruissellement et
l'érosion au sein des parcelles aménagées.

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Le projet LALOTRA (Lac Alaotra, Terres Rouges) porté entre 2013 et 2017 par AVSF dans la même
région du lac Alaotra a pris le relais en mettant l'accent sur l'agro-écologie et la structuration de filières
agricoles. Son budget s'élevait à 3 millions d'euros financés par l'AFD

Le projet LALOTRA a appuyé la diffusion de compostières et le compostage auprès de 5 000


ménages. Cela a permis d'améliorer la fertilité des sols et de réduire l'utilisation d'engrais chimiques.
Le projet a également soutenu la structuration de plusieurs filières agricoles (haricot, oignon, pomme
de terre, etc.)

Ces différents projets ont ainsi contribué à l'adoption par les agriculteurs de techniques limitant
l'érosion et améliorant la productivité agricole. Ils ont renforcé les capacités techniques et
organisationnelles des exploitations familiales accompagnées

I.2. Problématique et hypothèses

Depuis les années 1990, de nombreux projets de développement rural ont tenté de diffuser des
techniques améliorées de conservation des sols auprès des agriculteurs malgaches, en réponse à
l'ampleur de l'érosion qui affecte près de 40% des terres agricoles du pays (Ralison et al., 2021).
Cependant, malgré ces efforts, l'adoption à grande échelle de ces pratiques innovantes reste limitée à
ce jour, et leur efficacité concrète pour réduire l'érosion hydrique n'a pas été rigoureusement
démontrée.

Pourtant, dans un contexte de forte croissance démographique (2,7% par an selon la Banque Mondiale,
2021), la préservation des sols cultivables est cruciale pour assurer la sécurité alimentaire. De plus,
avec le changement climatique qui accentue l'irrégularité des précipitations, il est urgent d'identifier
des techniques agricoles durables, adaptées au contexte malgache.

Cette étude vise donc à répondre à la question suivante : quel est l'impact réel des pratiques promues
en termes d'adoption paysanne et d'efficacité contre l’érosion des sols à Madagascar ?

Hypothèses :

Hypothèse 01 : La capacité d'appropriation de certaines innovations pourrait être entravée par le


niveau d'éducation technique des agriculteurs.

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Hypothèse 02 : Les différences d'adoption des pratiques de conservation entre les régions de
Madagascar pourraient découler de conditions agroécologiques et socio-économiques spécifiques.

Hypothèse 03 : La popularité accrue de certaines pratiques pourrait ne pas nécessairement assurer leur
efficacité optimale.
.
Ces 3 hypothèses différents aspects du sujet : sociologique, économique, technologique. Elles me
semblent complémentaires et bien articulées entre elles

I.3. Matériels et méthodes

 Recherche bibliographique

La recherche documentaire a été effectuée sur les bases de données bibliographiques

multidisciplinaires Scopus, Web of Science et Google Scholar. Plusieurs requêtes avec mots-clés ont
été réalisées afin de collecter les publications pertinentes. Les termes "soil erosion", "soil
conservation", "Madagascar", "adoption", "effectiveness" ont notamment été utilisés dans différentes
combinaisons.

Les résultats ont été limités aux documents en anglais et en français publiés après l'an 2000, afin
d'obtenir un état des lieux récent des connaissances.

 Sélection des publications

Une présélection des articles a été réalisée après analyse des titres et résumés. Les critères d’inclusion
étaient les suivants :

- Études portant spécifiquement sur l’érosion des sols et les pratiques de conservation à Madagascar
- Articles publiés après 2000
- Études de terrain menées à Madagascar
- Travaux évaluant l’adoption, l’efficacité et l’impact des techniques de conservation des sols
Les publications ne répondant pas à ces critères ont été exclues.

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 Analyse des articles sélectionnés

Au total, notre corpus d’analyse comporte plusieurs articles scientifiques répondant aux critères. Ces
documents proviennent de revues internationales telles que Land Degradation and Development,
Agriculture, Ecosystems and Environment ou encore Geoderma.

Une analyse de contenu thématique a été réalisée sur ces articles. Nous avons extrait et synthétisé les
informations clés concernant :

- L'ampleur et les causes de l'érosion des sols à Madagascar


- Les techniques de conservation promues et leur efficacité
- Les déterminants de l'adoption par les agriculteurs
- Les impacts constatés sur le terrain

 Présentation des résultats

Les données issues de la bibliographie sont présentées sous forme de tableaux, graphiques et cartes
dans la partie Résultats.

Elles sont ensuite discutées et mises en perspective dans la partie Discussion, en lien avec notre
problématique et le cadre théorique.

 Limites de la démarche

Les principales limites sont :

- La restriction aux articles en anglais et français


- La couverture partielle du territoire malgache par les études de terrain

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Malgré ces biais, cette revue de littérature systématique fournit des éléments solides sur l'impact des
pratiques de conservation des sols à Madagascar.

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