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Canadian Journal of Development Studies / Revue

canadienne d'études du développement

ISSN: 0225-5189 (Print) 2158-9100 (Online) Journal homepage: http://www.tandfonline.com/loi/rcjd20

Écotourisme, aires protégées et expansion


agricole : quelle place pour les systèmes
socio-écologiques locaux?

Stéphane Bernard, Yann Roche & Bruno Sarrasin

To cite this article: Stéphane Bernard, Yann Roche & Bruno Sarrasin (2016) Écotourisme, aires
protégées et expansion agricole : quelle place pour les systèmes socio-écologiques locaux?,
Canadian Journal of Development Studies / Revue canadienne d'études du développement, 37:4,
422-445, DOI: 10.1080/02255189.2016.1202813

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Published online: 18 Aug 2016.

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CANADIAN JOURNAL OF DEVELOPMENT STUDIES
REVUE CANADIENNE D’ÉTUDES DU DÉVELOPPEMENT, 2016
VOL. 37, NO. 4, 422–445
http://dx.doi.org/10.1080/02255189.2016.1202813

Écotourisme, aires protégées et expansion agricole : quelle


place pour les systèmes socio-écologiques locaux?
Stéphane Bernarda, Yann Rochea et Bruno Sarrasinb
a
Département de géographie, Université du Québec à Montréal, Montréal, Québec, Canada; bDépartement
d’études urbaines et touristiques, Université du Québec à Montréal, Montréal, Québec, Canada

RÉSUMÉ CHEMINEMENT DE
L’article s’attache au rôle de l’écotourisme dans la dynamique L’ARTICLE
d’adaptation et de résilience des communautés locales dans un Reçu le 8 juin 2015
contexte d’expansion agricole et de mise en place de zones de Accepté le 10 février 2016
conservation. À la lumière des deux études de cas présentées, les
MOTS-CLÉS
activités écotouristiques n’ont pas permis de freiner l’expansion Écotourisme; aires protégées;
des cultures du palmier à huile à Sabah (Malaisie) et de l’hévéa à expansion agricole; résilience
Nam Ha (Laos). La mise en place des zones de conservation, allant socio-écologique; exclusion
de pair avec l’expansion des activités écotouristiques, a plutôt
complexifié l’accès aux ressources pour les populations locales, et
engendré des conséquences négatives sur la résilience socio-
écologique des systèmes locaux.

ABSTRACT
This article focuses on the role of ecotourism in enhancing the
adaptation and resilience of local communities as they cope with
conflicting schemes for land use: agricultural expansion versus
extension of conservation areas. As demonstrated in two case
studies, ecotourism projects have failed to halt the progression of
oil palm cultivation in Sabah (Malaysia) and rubber plantations in
Nam Ha (Laos). The expansion of conservation areas, a
prerequisite for increased ecotourism activities, seems to have
created more complex land dynamics for local populations and in
fact generated negative consequences for the socio-ecological
resilience of local systems.

Introduction
La mise en valeur des ressources naturelles est souvent confrontée à divers usages concur-
rents du territoire, a fortiori dans les pays en développement où les impératifs d’une crois-
sance économique rapide priment souvent sur les considérations de durabilité. Dans ces
pays, les communautés locales se trouvent régulièrement exposées à la fermeture de
l’accès aux terres dont provient une part substantielle de leur subsistance. Ce problème
fait actuellement l’objet d’un corpus d’études universitaires provenant d’un vaste éventail
de domaines et de disciplines, notamment celles sur le recul forestier, la conservation et les
aires protégées, l’expansion agricole et la transition agraire, l’accaparement des terres et
des ressources, et l’exclusion.1 Dans le cadre de cet article, nous utiliserons la notion de

COORDONNÉES Stéphane Bernard bernard.stephane@uqam.ca


© 2016 Canadian Association for the Study of International Development (CASID)
CJDS / LA REVUE 423

fermeture de l’accès à la terre et aux ressources, sous l’angle de la résilience socio-écologi-


que des communautés et de l’exclusion dont elles peuvent faire l’objet. L’écotourisme,
secteur d’activité économique en forte expansion et privilégié par bon nombre d’organisa-
tions, gouvernements et communautés comme principale solution à des problèmes de
gestion du territoire, est remis en cause en raison des conflits d’usages qu’il génère à
diverses échelles et qui imposent souvent des transitions radicales quant aux activités de
subsistance des populations locales (Gagnon 2010; Ojeda 2012; Sarrasin et Tardif 2012;
Sarrasin, Tardif, et Flores 2012; Sarrasin 2013a). Souvent présentés comme une panacée
dans la préservation des ressources et leur utilisation durable, les projets « écotouristiques »
ont offert des résultats mitigés au cours des dernières années. Celui-ci peine à promouvoir
des pratiques plus « écologiques » encadrant le développement des territoires. Les modèles
de gestion actuels ayant du mal à prendre en compte la pluralité d’acteurs et d’intérêts à
l’œuvre sur les territoires concernés, on assiste au contraire à une prolifération de conflits
d’usages.
L’un des principaux types d’espaces ciblés par le développement de l’écotourisme sont
les aires protégées. Ces espaces, tout comme les zones adjacentes, étant soumis à des pro-
cessus concomitants de diversification et d’intensification de l’usage du territoire, il appa-
raît opportun d’identifier les effets des pratiques écotouristiques sur leur gestion, et plus
particulièrement sur la résilience des populations locales qui tirent leur subsistance de
la mise en valeur de ces espaces. L’objectif de cet article vise à identifier les limites des pra-
tiques écotouristiques dans un contexte de fermeture de l’accès aux terres et de pressions
vers l’établissement de plantations agricoles et de zones de conservation. Notre démarche
propose d’abord un cadre d’analyse et définit les concepts centraux avant de les appliquer à
deux études de cas illustrant des réalités distinctes en Asie du Sud-Est. Dans un premier
temps, nous présenterons la situation des communautés locales de l’État de Sabah, en
Malaisie dans le secteur de la vallée du fleuve Kinabatangan, un territoire soumis à une
intense expansion du palmier à huile qui entre en compétition avec des zones de conser-
vation, dans un contexte d’intensification des activités écotouristiques. Dans un second
temps, nous étudierons le cas du projet écotouristique de Nam Ha, dans le nord du
Laos, un territoire forestier jusqu’à tout récemment enclavé et situé à la frontière chinoise
et où progresse la culture de l’hévéa. La mise en lumière de ces cas contribuera à cerner les
pressions auxquelles sont soumises les communautés locales en butte à une transformation
intense du régime d’accès alors que des processus concurrents d’usage du territoire et des
ressources viennent se heurter aux pratiques écotouristiques. De façon générale, l’article se
veut aussi une contribution au développement de nouvelles approches unifiées visant l’éta-
blissement d’une perspective transdisciplinaire pour aborder la question de l’accès à la
terre et la transformation des formes d’appropriation des ressources dans leur ensemble.

Le cadre d’analyse
La littérature scientifique traitant de l’écotourisme n’offre pas de position unanime sur sa
définition (Fennell 2001; Donohoe et Needham 2006; Dehoorne et Transler 2007; Weaver
et Lawton 2007). Par exemple, Marie Lequin (2001) a établi trois groupes de définitions :
celles axées sur la demande, sur les ressources et sur les communautés d’accueil. Parmi
celles les plus souvent citées, on trouve la définition proposée en 1990 par The Inter-
national Ecotourism Society pour qui l’écotourisme est une forme de voyage responsable
424 S. BERNARD ET AL.

dans les espaces naturels qui contribue à la protection de l’environnement et au bien-être


des populations locales (TIES [1990] 2015).2 L’Union internationale pour la conservation
de la nature (UICN) évoque plutôt un voyage responsable sur le plan environnemental et
la visite de milieux naturels relativement peu perturbés dans le but d’apprécier la nature,
ainsi que toute manifestation culturelle passée ou présente observable de ces milieux,
encourageant la conservation, ayant un impact négatif très limité et s’appuyant sur une
participation active des populations locales dans le but de générer des avantages (Cebal-
los-Lascuráin 1996). Le terme, soulignait Ziffer (1989, 5) dans l’une des premières
études exhaustives sur l’écotourisme, « has eluded firm definition because it is a complex
notion which ambitiously attempts to describe an activity, set forth a philosophy, and
espouse a model of development ». Bien que ce constat s’applique encore aujourd’hui, cer-
tains auteurs militent pour l’adoption d’une définition stricte permettant d’ajuster nos
actions en fonction des caractéristiques uniques de l’écotourisme (Björk 2000). D’autres
misent plutôt sur les principes qui le sous-tendent (OMT et PNUE 2002; Honey 2008).
Malgré la pluralité des approches, cinq principes de l’écotourisme sont régulièrement
mentionnés dans la littérature : (1) une forme de tourisme axée sur la nature, (2) qui com-
prend une composante éducative, (3) qui contribue au bien-être des communautés locales,
et (4) qui encourage leur participation, et (5) qui contribue à la protection du milieu
naturel. Malgré les débats entourant le sens précis du terme, les auteurs s’entendent gén-
éralement pour affirmer que l’écotourisme doit satisfaire des objectifs de conservation et
de développement local (Brockington, Duffy, et Igoe 2008).
Parce qu’elles mettent l’accent sur la conservation de la biodiversité et des écosystèmes,
les aires protégées représentent des lieux privilégiés pour l’écotourisme, lequel dépend en
grande partie d’un environnement naturel de qualité. Selon Goodwin (1996), l’écotour-
isme peut contribuer à la conservation de ces espaces de trois façons : (1) en générant
des revenus pour gérer et protéger les habitats naturels et les espèces; (2) en donnant la
chance aux communautés locales de faire des gains économiques; et (3) en offrant un
moyen par lequel l’intérêt pour la conservation peut être accru. Cette contribution peut
donc être directe (en générant des revenus qui seront alloués spécifiquement à des activités
de conservation) ou indirecte (en proposant des alternatives aux communautés). Le tour-
isme représente ainsi un des moyens les plus souvent utilisés pour justifier et légitimer la
conservation par les aires protégées (Brockington, Duffy, et Igoe 2008, 131; Sarrasin et
Tardif 2011; Sarrasin 2013a). Cependant, l’écotourisme, comme toute forme d’activité
d’ailleurs, aura toujours des impacts, tant sur l’environnement naturel que sur le
système social dans lequel il s’insère, que ce soit en raison des touristes, des infrastructures
ou encore des nouveaux arrangements institutionnels qui viennent modifier les dynami-
ques sociopolitiques et économiques. Les aires protégées mises en place dans le secteur de
la vallée du fleuve Kinabatangan à Sabah en Malaisie, et dans le cadre du projet écotour-
istique de Nam Ha, dans la province de Luang Namtha au Laos n’y font pas exception.
Notre analyse de ces deux régions sera guidée par l’approche théorique de Plummer et
Fennell (2009) qui ont proposé une approche spécifique au développement de l’écotour-
isme dans les aires protégées. Celle-ci est axée sur une cogestion adaptative leur permettant
d’évaluer la durabilité d’un système socio-écologique, particulièrement dans ses dimen-
sions sociopolitiques. Les auteurs voient la cogestion comme un système de gouvernance
impliquant des réseaux d’acteurs hétérogènes à plusieurs échelles cherchant à résoudre des
problèmes, prendre des décisions et entreprendre des actions. Leur approche, qui s’inscrit
CJDS / LA REVUE 425

dans une réflexion sur les systèmes complexes, est dérivée de Berkes (2007) et se décline en
six étapes résumées comme suit : (1) définir le système socio-écologique à l’étude; (2)
établir les principales tâches de gestion et les problèmes à résoudre; (3) clarifier les partici-
pants dans les activités de cogestion et dans les processus de résolution de problème; (4)
analyser les liens et les interactions; (5) évaluer les besoins en renforcement des capacités;
et (6) proposer des solutions qui vont participer à la durabilité du système. Cette approche
présente un processus itératif dont les étapes sont liées entre elles par des boucles de rétro-
action.3 La cogestion adaptative est un point d’entrée pertinent en ce qu’elle s’articule
autour de deux concepts bien établis (collaboration et adaptation) et offre, d’après les
auteurs, une approche distinctive qui embrasse à la fois la notion de gouvernance et
celle des systèmes complexes à l’œuvre ce qui se rapproche de l’analyse des conflits
sociaux et territoriaux au sein desquels on trouve des enjeux touchant l’accès, l’exclusion,
la vulnérabilité et la résilience.

Accès, vulnérabilité et résilience


Dans la littérature scientifique, la notion d’accès est généralement réduite à sa dimension
légale et institutionnelle (Schlager et Ostrom 1992). Il y a quelques années, Ribot et Peluso
(2003) ont cependant proposé de conceptualiser l’accès de façon plus large en le définis-
sant comme la capacité d’un acteur de tirer profit des ressources naturelles. Cette lecture
attire l’attention sur un plus vaste répertoire de relations sociales qui peuvent contraindre
ou aider les acteurs à tirer des bénéfices de ces ressources. Cette conceptualisation de
l’accès a été reprise récemment par Hall, Hirsch, et Li (2011, 7). Ces auteurs utilisent la
notion d’exclusion, définie comme « the ways in which people are prevented from benefiting
from things (more specifically, land) », pour éclairer les transformations qui affectent l’accès
à la terre en Asie du Sud-Est. Tout comme dans l’approche de Ribot et Peluso (2003), l’ex-
clusion fait ici référence non seulement à la présence ou à l’absence de droits et de règles,
mais aussi à un éventail plus large de pouvoirs qui empêchent les acteurs d’accéder au
foncier. Étant donné que l’exclusion est inévitable, il importe de saisir qui profite et qui
subit l’effet du découpage des nouvelles frontières. L’accès aux ressources et les bénéfices
qu’il est possible d’en tirer sont différenciés et ce sont souvent les plus marginalisés qui en
pâtissent, exacerbant ainsi leur vulnérabilité.
La vulnérabilité a d’abord été définie en lien avec les catastrophes naturelles et la pauv-
reté puis, plus récemment, en lien avec les changements climatiques et l’adaptation des
populations. Elle comprenait initialement deux dimensions traitées en séquence, à
savoir d’une part, l’exposition et la sensibilité au stress, d’autre part, la capacité à l’absor-
ber, proposant ainsi une approche statique de son évaluation. La relation entre ces deux
composantes n’était pas réellement étudiée avant que les recherches sur la vulnérabilité
ne s’inspirent du concept de résilience en écologie (Maguire et Cartwright 2008). Cela a
représenté une percée conceptuelle dans la mesure où la réaction des populations face à
leur état de vulnérabilité constituait le nouvel objet d’étude. La résilience devenait ainsi
la façon d’opérationnaliser les transformations nécessaires face à la vulnérabilité, c’est-
à-dire ce que font les populations pour s’adapter et se transformer faisant ainsi référence
à la dimension dynamique de la résilience (Reghezza-Zitt et Rufat 2015). Ce concept s’est
d’abord développé de manière déterministe dans sa relation avec les êtres vivants (l’adap-
tation du vivant à son environnement), avant d’intégrer une vision interdisciplinaire et
426 S. BERNARD ET AL.

systémique (Reghezza-Zitt et Rufat 2015). Les nouvelles approches théoriques emprunter-


ont à l’écologie le concept d’adaptation pour le définir comme le fruit de choix délibérés
afin d’échapper aux contraintes du milieu, faisant fi de la capacité des populations à mettre
en place des formes d’activités et à renverser la dynamique (Maguire et Cartwright 2008).
Vers 1960, les travaux interdisciplinaires furent orientés vers l’analyse de l’adaptation des
populations aux risques naturels. Il s’agissait notamment d’évaluer les choix des ingénieurs
dans les politiques de développement, et donc de sortir du cadre purement « économico
scientifique » pour intégrer l’influence des facteurs perceptifs et cognitifs. La notion de
capacité d’adaptation englobait ainsi les aspects interdisciplinaires autour du thème de
l’environnement. Le concept d’adaptation devint alors un outil pour analyser la relation
entre l’environnement et la société dans une perspective systémique d’actions réciproques
permettant la recherche de solutions face à des problèmes d’origines multiples, issus de
l’accélération des changements environnementaux et socio-économiques globaux
(Maguire et Cartwright 2008).
Initiée par l’étude de la vulnérabilité, la compréhension des formes d’adaptation passées
et présentes pour saisir le fonctionnement des agents de changements (États, marchés et
société civile) fut ainsi placée au cœur d’un débat renouvelé (Adger 2000, 2003, 2006;
Reghezza-Zitt et Rufat 2015). La notion de vulnérabilité a ouvert la voie à celle de résili-
ence, intégrant : (1) la capacité à anticiper ce qui peut l’être pour prévenir l’aléa; (2) la
capacité à réagir face à ce qui survient de manière imprévue ou non; (3) les aspirations
des populations à une amélioration de la situation.4 L’un des types d’espaces soumis à
ces contraintes sont les aires protégées. Elles représentent une composante importante
de la stratégie de conservation de la biodiversité de la plupart des pays. Loin d’être
neutre, leur création s’accompagne généralement de changements économiques, poli-
tiques, sociaux et environnementaux non négligeables. Les aires protégées ont fait
l’objet de la part de l’UICN d’un effort de définition et de classification afin de fournir
un cadre conceptuel cohérent et normalisé. Elles représentent selon la définition commu-
nément employée par l’UICN, « une portion de terre et/ou de mer vouée spécialement à la
protection et au maintien de la diversité biologique, ainsi que des ressources naturelles et
culturelles associées, et gérées par des moyens efficaces, juridiques ou autres » (UICN 2010,
86). Leur classification, en fonction de leurs types de gestion comprend sept catégories, qui
apparaissent au Tableau 1, gradation également associée à une intervention croissante de
la part de l’Homme. Ce dernier est quasi absent dans les catégories I à III, et de plus en plus
impliqué dans les catégories suivantes.
L’apparition soudaine des aires protégées sur des territoires utilisés depuis des décen-
nies par les communautés locales et d’autres acteurs ainsi que les nouvelles règles qui
en découlent concourent à modifier les dynamiques locales et régionales, parfois de
façon importante. Comme le rappelle Depraz (2008, 72), « les tensions mises à jour par
la création d’un espace protégé doivent être relues comme la surimposition d’une territor-
ialité sur une autre : avant l’espace protégé, les lieux avaient déjà un sens, ils étaient partie
prenante d’une représentation collective de l’espace par les populations rurales ». La maté-
rialisation d’une aire protégée par un certain nombre de marqueurs (panneaux, infrastruc-
tures, etc.) délimite une nouvelle frontière, la plupart du temps sous contrôle de l’État.
Cependant, ce dernier n’est plus le seul acteur à contrôler ce type de territoire. Par
exemple, les grandes ONG internationales en conservation jouissent d’un pouvoir crois-
sant depuis les années 1970, et elles occupent aujourd’hui une position d’experts (autorité
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Tableau 1. Catégories d’aires protégées par type de gestion.


Catégorie Type de gestion
Ia Réserve naturelle intégrale : aire protégée gérée principalement à des fins scientifiques
Ib Zone de nature sauvage : aire gérée principalement à des fins de protection des ressources sauvages
II Parc national : aire gérée principalement dans le but de protéger les écosystèmes et à des fins récréatives
III Monument naturel : aire protégée gérée principalement dans le but de préserver des éléments naturels
spécifiques
IV Aire de gestion des habitats ou des espèces : aire gérée principalement à des fins de conservation, avec
intervention au niveau de la gestion
V Paysage terrestre ou marin protégé : aire gérée principalement dans le but d’assurer la conservation de
paysages terrestres ou marins et à des fins récréatives
VI Aire protégée de ressources naturelles gérées : aire protégée gérée principalement à des fins d’utilisation
durable des écosystèmes naturels
Source : Adapté de l’UICN (2010, 92).

scientifique) qui leur permet d’orienter le débat dans ce domaine (Brockington, Duffy, et
Igoe 2008). En s’appuyant sur la notion de bien commun, elles réussissent à réaliser leurs
objectifs, remplaçant même parfois l’État dans ses fonctions régaliennes, souvent au détri-
ment des populations locales. Ce pouvoir accru des ONG en conservation vient notam-
ment du fait qu’elles ont intégré dans leurs approches récentes les valeurs du modèle de
développement dominant, s’appuyant sur le libéralisme économique et politique. La cré-
ation et le maintien d’une aire protégée s’apparentent donc à un processus de contrôle ter-
ritorial, entraînant dans son sillage plusieurs formes d’exclusion, en dépit des projets
écotouristiques qui y sont souvent associés. Les deux études de cas exposent, à travers
la lecture proposée par Plummer et Fennell (2009), les limites de l’écotourisme à l’égard
de la mise en valeur durable des ressources dans un contexte de pressions exercées par l’ex-
pansion agricole et montrent comment ce dernier peut représenter un catalyseur de con-
flits d’usages du sol et d’exclusion des communautés locales, aux effets déstructurants pour
la résilience du système socio-écologique.

Écotourisme, palmier à huile, conservation et populations locales à Sabah


La première étude de cas porte sur l’État de Sabah, en Malaisie. On constate dans ce pays
des transformations importantes du régime d’accès à la terre et aux ressources dans un
contexte d’intensification de la mise en valeur des terres publiques en grande partie
sous couvert forestier. Il en résulte, dans bien des cas, une fermeture de l’accès au
foncier pour les populations locales par des processus générés en grande partie par les
acteurs du « haut ». Les principaux vecteurs de l’occupation des territoires ruraux par
l’État malaisien passent par l’expansion du palmier à huile, des plantations forestières
et, de manière synchrone, par l’expansion des zones de conservation qui représentent
les espaces privilégiés d’expansion des activités écotouristiques, elles aussi en forte pro-
gression. Depuis la décennie 1990, la superficie en palmier à huile s’est étendue de près
de 43 pour cent dans la zone intertropicale, principalement en raison de l’accroissement
de la demande provenant de l’Inde, de la Chine et de l’Union européenne (Bernard et Bis-
sonnette 2011; Dayang Norwana et al. 2011).5
Sur le terrain, il en résulte, en plus d’un recul forestier progressif, de profondes trans-
formations des systèmes fonciers et de nombreux conflits d’usages impliquant tant les
acteurs locaux, régionaux qu’internationaux alors que la propriété du sol, et les droits
428 S. BERNARD ET AL.

d’usages sur les espaces forestiers (principale cible de l’expansion du palmier à huile)
demeurent fortement contestés (Bissonnette et Bernard 2008; Bernard et Bissonnette
2011; Profitos 2012). L’expansion des monocultures associées aux grands planteurs
privés s’affirme de plus en plus comme un facteur prédominant de consommation de
l’espace, le spectre des agrocarburants amplifiant cette tendance (Bernard 2009). Cette
expansion entre en concurrence avec les systèmes vivriers locaux, et de multiples cas de
confiscation des terres ancestrales et publiques ont été rapportés au détriment des popu-
lations locales alors que d’autres communautés ont délibérément choisi de convertir une
partie de leurs terres à cette culture de façon à préserver leur droit d’usage voire d’acquérir
des titres de propriété formels sur des terres communales (Fletcher 2009). À ce processus
s’ajoute également la progression soutenue à Sabah d’un secteur du tourisme particulière-
ment friand d’espaces naturels.6
Considéré comme un espace à faible intensité d’occupation, l’État de Sabah possède une
proportion importante de terres coutumières traditionnellement aménagées par les com-
munautés locales (Profitos 2012). Cela se traduit par la présence de systèmes agricoles
diversifiés (agroforêts) et d’autres activités mixtes incluant la collecte de produits forestiers
non ligneux, la riziculture sèche, l’exploitation d’arbres fruitiers ainsi que la chasse et la
pêche. Du haut du ciel, l’expansion du palmier à huile semble être un processus d’expan-
sion uniforme motivé par la demande mondiale. Ce n’est pas le cas sur le terrain, puisqu’il
inclut beaucoup de négociations et des stratégies diverses s’exprimant à travers des jeux
d’acteurs complexes qui déterminent au final la dynamique d’exclusion/inclusion. Nos
entretiens exploratoires suggèrent que, de façon générale, le processus observé à Sabah
apparaît influencé par les pouvoirs politiques, légaux et économiques nationaux et régio-
naux et la façon dont ceux-ci distribuent l’accès aux ressources forestières et foncières. Des
dynamiques concurrentes d’appropriation du sol sont à l’œuvre, où parallèlement à celles
liées à l’expansion de la culture du palmier à huile, on constate l’allocation de vastes por-
tions de territoire à de grandes industries du bois et des pâtes et papiers par les gouverne-
ments des États. Parallèlement, près de 16 pour cent du territoire de l’État a été zoné en
aires protégées, répondant à des impératifs de conservation de la biodiversité, la forêt bor-
néenne étant considérée comme l’un des grands foyers de biodiversité de la planète (Bis-
sonnette et Bernard 2008).7
Le gouvernement malaisien contribue donc à implanter une économie dont les retom-
bées positives pour les populations locales sont discutables alors que ses impacts environ-
nementaux sont significatifs (Bernard et Bissonnette 2011). À Sabah, l’huile de palme s’est
rapidement imposée comme première production agricole. Face à cette forte progression,
l’écotourisme et l’établissement de zones de conservation qui y sont associés se sont alors
imposés comme facteur de résistance à l’expansion du palmier à huile. Ces deux activités
concurrentes, grandes consommatrices d’espace, sont ainsi devenues une source de boule-
versements de l’accès au foncier et aux ressources pour les populations locales de l’État,
dans un contexte où cohabitent deux systèmes fonciers entre pluralisme juridique et
droit coutumier (Profitos 2012; Cooke 2013).8 Ces éléments font écho aux quatre pre-
mières étapes de Plummer et Fennell (2009) à l’échelle de l’État de Sabah et représente
la trame de fond du système socio-écologique en place dans le secteur du fleuve
Kinabatangan.
Une recherche documentaire et des travaux de terrain comprenant de l’observation
participante, des entrevues avec des informateurs clés et la réalisation d’entrevues semi-
CJDS / LA REVUE 429

dirigées dans des villages situés au cœur de la région d’étude entre 2008 et 20129 ont
montré que les populations locales ont été fortement affectées à la fois par la progression
du palmier à huile par les grandes plantations agro-industrielles, par l’établissement de
zones de conservation, mais aussi par l’accroissement rapide des activités écotouristiques.
L’accès aux ressources pour la subsistance a été intensément modifié (Bernard et Bissonn-
ette 2011).

Le cas de la vallée du fleuve Kinabatangan


Pour poursuivre plus spécifiquement la description des quatre premières étapes du cadre
de Plummer et Fennell (2009), mais cette fois à l’échelle de la région spécifique d’étude, il
importe de mentionner que le bassin versant du fleuve Kinabatangan constitue la plus
grande plaine alluviale en Malaisie. D’une longueur de 560 kilomètres, il draine près du
quart de la superficie de l’État de Sabah. Le fleuve et ses affluents sont une importante
route de communication pour les populations locales qui résident le long des rives de
ce territoire traditionnellement à faible densité d’occupation. Depuis le début des
années 1990, une demande accrue pour l’observation de la faune et de la flore a entraîné
une diversification de l’économie locale avec le développement de l’industrie du tourisme
(Vaz 1993).
Les processus menant à la dynamique de fermeture de l’accès aux ressources convergent
sur ce territoire créant un contexte particulièrement propice à l’étude des processus d’in-
clusion/exclusion (Fletcher 2009; Bernard et Bissonnette 2011). Les pouvoirs d’exclusion,
sous-jacents au troisième axe de la démarche proposée par Plummer et Fennell (2009),
s’appliquent par le jeu d’une série d’acteurs relevant de plusieurs échelles. Parmi les prin-
cipaux acteurs, on compte le Sabah Forestry Department et le Sabah Wildlife Department,
chargés tous les deux de la gestion des aires protégées en vertu du Sabah Wildlife Conser-
vation Enactment de 1997; le Ministry of Tourism Culture and Environment Sabah, dont
le rôle est de promouvoir et d’encadrer le développement de l’industrie du tourisme et de
veiller à la conservation de l’environnement; l’ONG française HUTAN qui a établi, en col-
laboration avec le Sabah Wildlife Department, un projet de conservation lié spécifique-
ment à la préservation de la population d’orangs-outans de Sabah; et la branche du
WWF de Sabah œuvrant à la mise en valeur durable des ressources et la conservation
de la biodiversité.
Concernant les populations locales, on retrouve sur place des travailleurs indonésiens et
philippins des grandes plantations de palmiers à huile (dont une proportion importante de
sans-papiers), les Orang Sungai, un groupe d’origine malaise traditionnellement présent
dans cette région et vivant de l’exploitation des ressources de la rivière et de la forêt
ainsi que de l’agriculture pratiquée en bordure des rives. Une communauté Bugis, d’ori-
gine indonésienne, implantée dans le secteur et agissant aussi comme travailleurs sur les
plantations est aussi présente (Vaz 1993). Plusieurs Bugis louent des terres auprès des
communautés locales pour pratiquer une agriculture de subsistance tout en agissant
comme travailleurs dans les plantations commerciales de palmier à huile. La dynamique
d’inclusion/exclusion y est fortement conditionnée par la citoyenneté, alors que près de
75 pour cent de la population du district serait composé de non-résidents (Bernard et
Bissonnette 2011) qui n’ont en fait aucun statut légal donc, en principe, aucun droit
foncier. Les illégaux sont ainsi, par définition, les premiers à être touchés par le processus
430 S. BERNARD ET AL.

d’exclusion bien que paradoxalement leur nombre semble toujours en augmentation du


fait qu’ils constituent la plus grande part de la main-d’œuvre pour l’exploitation du
palmier à huile tant sur les grands domaines que dans les petites exploitations privées.
L’afflux de migrants dans la région a créé de nombreux problèmes pour la conservation
des ressources naturelles et ainsi contribué à faire augmenter la pression sur les ressources,
mais aussi sur les infrastructures et les services publics (Azmi 1996). La population du dis-
trict a été estimée à près de 97 000 personnes en 2000 desquels environ 90 pour cent de la
population active était employée dans l’agriculture, la chasse et le secteur forestier ce qui
exclut les travailleurs illégaux. Cependant, la plus grande part de la population en particu-
lier les sans-papiers est employée dans le secteur du palmier à huile comme mentionné
précédemment. Selon une perspective plus historique, la région de la vallée du fleuve Kina-
batangan a été le théâtre d’une succession d’activités et de cycles d’exploitation des
ressources depuis les années 1950 (Hutton 2004), date des premières coupes forestières.
Auparavant, les Orang Sungai y pratiquaient surtout la collecte des produits forestiers
et la riziculture inondée dans la plaine de débordement du fleuve. Les années 1970
virent apparaître les premières cultures commerciales, avec le défrichement des terres
en vue de l’établissement de plantations de caféiers, d’hévéas et de cacaotiers, alors que
les rizières s’étendaient également vers l’intérieur. C’est au début de la décennie 1980
alors que les coupes forestières atteignent leur maximum d’intensité (Hutton 2004) que
les zones forestières les plus dégradées par les cycles successifs de coupes ont changé de
statut foncier et seront graduellement ouvertes aux plantations de palmiers à huile. Les
années 1990 furent le cadre d’une expansion intense du palmier à huile. Toutefois, sous
la pression des lobbies conversationnistes et les demandes répétées des organisateurs de
voyages opérant à partir de Kota Kinabalu (le grand centre régional de l’État à partir
duquel s’organisent les grands voyagistes de l’écotourisme) pour protéger la faune et la
flore de la région, le Sabah State Government par l’entremise du Sabah Forestry Depart-
ment et du Sabah Wildlife Department, et ce en collaboration avec le WWF Malaysia,
proposa l’établissement d’une zone de conservation. Le bassin du bas Kinabatangan fut
de ce fait déclaré au préalable Gift to the Earth10 sans que ne soit accordé un nouveau
statut juridique formel en vertu de la Sabah Land Ordinance qui gère la délimitation
des catégories de terres à Sabah.
Alors que se poursuivait l’expansion du palmier à huile dans le secteur et que la zone ne
disposait toujours pas de statut légal de conservation, les autorités concernées ont proposé
en 2002 l’établissement d’un « Corridor of Life » (Corridor de vie).11 Cela n’empêcha pas,
entre 2002 et 2005, qu’une part significative (plus de 30%) du sanctuaire proposé soit tout
de même plantée en palmier à huile. C’est finalement en 2005 que fut promulgué un sanc-
tuaire faunique (Wildlife Sanctuary) (catégorie IV), sur une superficie de 260 kilomètres
carrés, venant compléter le réseau préexistant de zones de conservation composé de
petites zones de Virgin Jungle Reserve (catégorie VI) (Tableau 1 et Graphique 1), ainsi
qu’une autre aire ayant le statut Protection Forest Reserve (catégorie I). En 2008 vint
s’ajouter dans le secteur de la côte une vaste zone RAMSAR, sur près de 78,8 kilomètres
carrés (Kinabatangan-Segama Wetlands) (Sabah State Government 2011) comprenant
plusieurs zones de catégories de protection variées et comportant un haut degré de frag-
mentation alors que l’ensemble est quasi encerclé par les plantations de palmiers à huile
(Graphique 1).
CJDS / LA REVUE 431

Graphique 1. Kinabatangan : palmier à huile, déforestation et conservation (1982–2009).


Sources : Ces cartes sont basées sur des données provenant de National Geographic, ESRI, Delorme,
Here, UNEP-WCMC, USGS, NASA, ESA, METI, NRCAN, GBECO, NOOAA, Increment P Corp. Réalisation :
Mourad Djaballah et Stéphane Bernard, 2016.

Depuis la mise en place formelle de la zone de conservation, celle-ci attire sur une base
annuelle un nombre croissant de touristes alors que la petite ville de Sukau est devenue le
centre névralgique de l’industrie écotouristique en développement dans cette région et
dont l’attrait principal se fonde sur l’observation d’une faune exotique rare tels les
orangs-outans, les éléphants pygmées de Bornéo, les singes nasiques, etc. En 2006, près
de 23 pour cent de la population de Sukau était employée dans le secteur touristique.
Le fait de travailler dans ce secteur devait avoir pour effet de motiver les populations à pro-
téger leur environnement. Malgré cela, les populations locales de Sukau demeurent d’avis
qu’elles ne bénéficient pas suffisamment des activités touristiques et que la culture du
palmier à huile sur leurs petites exploitations offre un meilleur potentiel de subsistance.
Un autre problème réside dans le fait que de grandes plantations achètent les titres de
432 S. BERNARD ET AL.

propriété des populations locales pour étendre les superficies cultivées en palmier à huile
(Fletcher 2009).
En effet, une part significative des paysans locaux résidents possède des terres recou-
vertes par la forêt et qui servent de lien entre les espaces protégés caractérisés par une
forte fragmentation. Par contre, plusieurs d’entre eux prévoyaient convertir leurs terres
forestières en petites plantations de palmier à huile ce qui compromet à la fois la conser-
vation et les activités écotouristiques dans les zones protégées. Déjà depuis le milieu des
années 1990, le Sabah Tourism Master Plan (Sabah State Government 1996) identifiait
clairement que le succès de la conservation était directement lié aux bénéfices que la popu-
lation locale pourrait tirer des activités écotouristiques comme moyen de subsistance
(Fletcher 2009; Bernard et Bissonnette 2011).
Des recherches menées au début des années 2000 ont montré que le tourisme dans le
secteur du fleuve Kinabatangan dépendait essentiellement de voyagistes privés provenant
surtout de la capitale de l’État (pour les capitaux et l’expertise) et que l’implication des
locaux y était minimale. La plupart de la main-d’œuvre provenait des villes plus ou
moins éloignées et les provisions et autres biens de consommation étaient principalement
achetés à l’extérieur (Payne 1989; Pang 2003). En 2000, la petite ville de Sukau qui est la
porte d’entrée des touristes dans le secteur avait reçu 13 000 visiteurs (Hutton 2004). En
2001, le nombre de visiteurs enregistrés dans les auberges touristiques a été évalué à 18 000
(Rajaratnam, Pang, et Lackman-Ancrenaz 2008). Il a été par la suite estimé que plus de 60
000 touristes ont résidé à Sukau en 2006 (Fletcher 2009) selon les chiffres cumulés des
séjours en auberge où 99 pour cent des visiteurs résident. Selon Fletcher (2009), les recettes
touristiques se chiffreraient à plus de 47 millions de RM en 2006. L’étude mentionne que la
part des revenus demeurant dans les communautés locales n’est pas connue, mais serait
plutôt faible outre les salaires versés alors que le programme de logement Homestay dével-
oppé pour loger les touristes chez les populations locales et leur apporter des revenus d’ap-
point ne semble avoir attiré qu’environ un pour cent du total des touristes sur une base
annuelle.
L’analyse des interactions et l’évaluation des besoins de renforcement des capacités pro-
posées par Plummer et Fennell (2009) montrent que les problèmes d’accès à la terre par-
ticulièrement sévères pour les populations d’origines indonésienne et malaise ainsi que la
pollution de l’eau liée à l’usage massif d’intrants chimiques pour la culture du palmier à
huile, ont fortement affecté l’écosystème, menaçant ainsi l’ensemble du système socio-éco-
logique. Dans ce sens, la concertation entre les acteurs doit être renforcée alors que l’en-
semble du système semble s’exposer à un risque d’effondrement tant sur les plans de
l’environnement et de la conservation que sur celui du maintien des activités touristiques.
De façon générale, une part de la population malaise (citoyenne) bénéficie de l’expansion
du palmier à huile, étant devenue elle-même productrice du fait de la conversion de leurs
petites exploitations à cette culture telle que cela a été observé sur le terrain et rapporté lors
des entrevues semi-dirigées réalisées dans le secteur et corroboré par la littérature scienti-
fique produite depuis les années 1990 (Fletcher 2009; Vaz et Agama 2013; Wong 2014).
Cette démarche a été appuyée tant par l’État fédéral que par le gouvernement de l’État
de Sabah dans le cadre de programmes d’élimination de la pauvreté. Cela répond aux
limites des activités écotouristiques qui n’ont pas permis de générer des revenus suffisants
pour encourager une conservation effective par les populations locales face à l’attrait finan-
cier que constitue le palmier à huile. Ainsi, les activités d’écotourisme n’ont pas
CJDS / LA REVUE 433

suffisamment bénéficié aux populations locales ni pour encourager la conservation ni pour


freiner l’expansion du palmier à huile (Vaz et Agama 2013). Les profits touristiques liés à
l’écotourisme dans la vallée du fleuve Kinabatangan enrichissent plutôt les acteurs que
sont les grands voyagistes. Autrement dit, le « Corridor de vie » (zones de conservation)
et les activités écotouristiques n’ont pas fait le poids face au palmier à huile, plus rentable
pour les populations locales, du moins pour la population résidant légalement sur le ter-
ritoire (Orang Sungai) alors que les plus marginalisés, les sans-papiers se voient parfois
directement expulsés et exclus (Wong 2014).
Le tourisme pratiqué dans le secteur du fleuve Kinabatangan et dont les touristes pro-
viennent essentiellement de l’Amérique du Nord, de l’Europe et de l’Australie consiste
essentiellement en l’observation de la faune le long du fleuve Kinabatangan et ses affluents.
Selon les critères retenus pour l’écotourisme, ces activités devraient permettre d’établir un
lien entre le développement touriste et un renforcement de la conservation par les popu-
lations locales qui devraient pouvoir améliorer leurs moyens de subsistance de façon sig-
nificative. Certes des bénéfices directs ont pu être observés au niveau de l’augmentation de
l’offre d’emploi alors que des bénéfices indirects ont été constatés au niveau des infrastruc-
tures, de la conscientisation à la conservation et à l’éducation et la création de nouveaux
emplois dans la vente de biens et de services. Mais les bénéfices réels pour les commu-
nautés locales demeurent mitigés. Les revenus d’emploi demeurent pour la plupart bien
en deçà du seuil de la pauvreté (fixé à 290 CAD par mois environ en 2007 à Sabah)
alors que les salaires atteignent cette même année environ 300 CAD par mois pour les ges-
tionnaires d’auberges (provenant souvent des villes) et à environ 100 CAD par mois pour
les employés réguliers. Par comparaison, un travailleur dans les plantations d’huile de
palme avait un salaire garanti d’un peu plus de 100 CAD12 et un propriétaire touchait
environ le double pour l’exploitation d’une petite plantation privée de palmier à huile; acti-
vité lui laissant par ailleurs du temps pour d’autres occupations rémunérées. En ce sens, le
travail dans les auberges ne semble pas avoir amené de progrès significatifs sur le plan des
revenus tirés des salaires versés par l’industrie de l’écotourisme (Fletcher 2009). De façon
générale, au-delà du fait que les contacts avec les touristes ont été considérés bénéfiques
sur le plan de l’éducation, les populations locales sont généralement d’avis que le tourisme
n’a pas suffisamment bénéficié à leur communauté sur le plan financier. Outre les emplois
dans les auberges dont les propriétaires ne sont pas des locaux, seulement 35 emplois dans
la conservation ont été créés (Fletcher 2009). S’il semble bien que l’afflux touristique ait
dans un premier temps permis de freiner la déforestation dans les zones de conservation,
les terres privées des locaux demeurent sous la pression de l’expansion du palmier à huile
tant par les propriétaires eux-mêmes que par les grands domaines de plantation qui les
encerclent. Dans ces conditions, l’expansion agricole se poursuit toujours depuis 2010
en raison des meilleurs revenus que la culture du palmier à huile permet de générer. En
ce qui concerne le renforcement des capacités des populations locales, et bien que certaines
améliorations ont été constatées découlant notamment des échanges avec les touristes sur
le plan de la dissémination des connaissances et de l’éducation, des progrès réels tant pour
la conservation que des revenus générer par le tourisme tarde à se manifester. Dans ce
contexte, les effets du tourisme en regard des critères de l’écotourisme demeurent
mitigés sur le plan de la conservation, les revenus générés étant encore insuffisants pour
freiner la conversion des terres forestières privées en palmier à huile.
434 S. BERNARD ET AL.

Le cas du projet NAM HA au Laos


Le cas du Laos, où se situe le second exemple, est significatif à la fois des aires de conver-
gence et des spécificités associées aux cadres politique, ethnique, économique et naturel
dans lesquels se déroulent ces conflits d’usage du foncier. La première caractéristique
qu’il convient de noter est que le pays, la République démocratique Lao (RDP), est
pauvre et enclavé, ayant fortement souffert économiquement de la chute de l’URSS.
Suite à l’arrêt brutal de l’aide financière fournie par cette dernière, la RDP s’est tournée
depuis les années 1990 vers l’aide internationale, au point qu’on la désigne parfois
comme un État « éponge », sur lequel coule cette fameuse aide (Pholsena et Banomyong
2004). Soucieux de maintenir la continuité du financement de la part des bailleurs de fonds
de l’aide au développement, le gouvernement laotien fait de son mieux pour apparaître
aujourd’hui comme un élève modèle, notamment en matière de protection environne-
mentale et de gestion durable de ses ressources. C’est dans ce contexte qu’il a prôné très
tôt, en même temps qu’il s’ouvrait au développement touristique, un effort particulière-
ment marqué en faveur de l’écotourisme. De par l’état relativement préservé de ses écosys-
tèmes et de ses riches traditions culturelles, le Laos est en effet considéré comme étant en
position idéale pour profiter du rapide développement de son secteur écotouristique et
pour générer ainsi d’importants bénéfices économiques et de conservation, à la condition
de gérer et de contrôler ce développement de manière à éviter les effets négatifs (Schipani
et Marris 2002).
La nécessité de structurer et d’encadrer l’effort du pays en faveur d’un véritable écotour-
isme est donc réelle et reconnue comme telle par les autorités. La LNTA (Lao National
Tourism Administration), organisme officiel laotien consacré à la gestion du tourisme a
d’ailleurs mis en place, en partenariat avec l’ONG néerlandaise SNV,13 un plan de dével-
oppement national de l’écotourisme qui confirme l’importance qu’elle attribue à l’activité
écotouristique et aux notions de conservation et de développement socio-économique
local. Elle précise sa vision de la façon suivante :
Laos will become a world renowned destination specializing in forms of sustainable tourism
that, through partnership and cooperation, benefits natural and cultural heritage conservation,
local socio-economic development and spreads knowledge of Laos’ unique cultural heritage
around the world. (LNTA 2007)

Pour apporter un cadre de protection de la biodiversité et du couvert forestier laotien et


assurer un soutien aux efforts de développement écotouristique, le gouvernement a mis en
place au début des années 1990 un réseau national d’aires protégées le National Biodiver-
sity Conservation Areas (NBCA), couvrant au total près de 30 000 kilomètres carrés ou
12,5 pour cent du territoire. Quatorze de ces vingt NBCA sont financées grâce à l’aide
internationale, sans qu’il soit possible d’évaluer l’impact de ce financement sur la
qualité de la conservation de l’environnement dans le réseau. Ce réseau d’aires protégées
sous-tend une stratégie nationale économique, sociale et environnementale, et s’inscrit
dans un cadre juridique et administratif principalement défini par le Décret 164 du
premier ministre (PM 164), promulgué en 1993 et complété par la Loi forestière de
1996 (Paille 2006). Ses objectifs officiels peuvent se résumer ainsi : Conservation de la bio-
diversité (Décret 164); Préservation de la stabilité écologique (Décret 164); Protection des
zones pittoresques pour les loisirs et la recherche (Décret 164); Protection de vastes zones
CJDS / LA REVUE 435

naturelles ayant une importance sur le plan culturel (Loi forestière, 1996, art. 18); Protec-
tion des bassins versants (Loi forestière, 1996). Ces objectifs semblent rattacher le réseau
laotien à l’une des catégories I à III de la typologie de l’UICN (Tableau 1), puisqu’officielle-
ment sa démarche est orientée d’abord et avant tout sur la protection. Seuls les points trai-
tant des zones pittoresques et des zones naturelles font une plus large part à la
participation humaine et le réseau ne se subordonne pas explicitement au développement
touristique. Les espaces qu’il définit sont très diversifiés en taille, en potentiel et en acces-
sibilité, mais ils présentent aussi des points communs, à commencer par le fait qu’ils sont
gérés par des unités de gestion (Management Units), relevant du Département des forêts.
Celui-ci, en définissant le rôle des unités de gestion, établit clairement le lien entre le dével-
oppement des aires protégées et les priorités nationales (amélioration des conditions de
vie, réduction de l’agriculture sur brûlis, stabilisation des populations et lutte contre la
pauvreté), dans les aires elles-mêmes ou dans leur voisinage.
« Aire protégée » n’est hélas pas souvent synonyme d’efficacité dans la lutte contre la
pauvreté et la déforestation. La notion de protection au Laos est d’ailleurs scindée en
deux niveaux d’aires protégées : les aires de protection totale ou Total Protection Zones
(TPZ), et celles à usage contrôlé ou Controlled Use Zones (CUZ). Ces deux niveaux sont
souvent présents dans une même aire protégée, l’associant parfois, ce qui est le cas de la
NBCA de Nam Ha, à deux catégories différentes de l’UICN : Ia ou Ib pour la zone de pro-
tection totale et VI pour la zone à usage contrôlé. L’État propose donc des espaces multi-
fonctionnels qui peuvent donner lieu, au moins en partie, à l’occupation et à l’exploitation
humaines. À ce titre, bon nombre des aires protégées du Laos relèvent de la catégorie VI de
la typologie de l’IUCN. En tout état de cause, elles fournissent un cadre juridique et poli-
tique aux efforts de protection et de développement (notamment écotouristique) dans les
zones concernées. Le cas de Nam Ha illustre toutefois à quel point ce cadre peut se révéler
insuffisant pour réguler les usages conflictuels et prévoir les situations d’exclusion des
communautés locales. Comme pour le premier cas, notre analyse s’inspirera de la
démarche proposée par Plummer et Fennell (2009) pour appréhender l’écotourisme
dans les aires protégées en relation avec le système socio-écologique.

Le projet écotouristique de Nam Ha, dans la province de Luang Namtha


Le système socio-écologique à l’étude est situé dans la province septentrionale de Luang
Namtha, excentrée, adossée aux frontières chinoise et birmane. Il s’agit de la première
NBCA du pays, celle de Nam Ha, créée en 1993 (Graphique 2) qui s’étendait à l’époque
sur 640 kilomètres carrés. En 1999, elle fut agrandie significativement par des pans de
forêt situés sur son flanc ouest puis en absorbant l’aire protégée provinciale de Nam
Kong au nord, devenant adjacente à la réserve de Shang Yong, dans la province chinoise
du Yunnan (Marris et al. 2002). Elle totalise à présent 2 224 kilomètres carrés, ce qui la
place au troisième rang des aires protégées nationales laotiennes pour la superficie.
L’aire protégée de Nam Ha vise avant tout, à l’image des autres aires du réseau laotien,
la protection du patrimoine naturel et du potentiel écotouristique du pays. C’est, du
moins officiellement, sa mission première. Les obstacles auxquels elle se heurte sont néan-
moins fort nombreux : située en plein cœur de la province, la zone est caractérisée par une
très forte présence humaine. Selon Marris et al. (2002), pas moins de 109 villages la
bordent, dont 16 (soit environ 600 personnes) sont situés entièrement à l’intérieur de
436 S. BERNARD ET AL.

ses limites. Tout effort de conservation doit donc obligatoirement prendre en compte les
activités humaines, et notamment la dimension ethnique puisque la province est très
diversifiée sur ce plan, le groupe le mieux représenté étant l’ethnie Akha, qui a longtemps
fait l’objet d’une activité de trekking spécifique, l’Akha Experience, un projet touristique
axé sur la communauté, mené en collaboration par Vientiane Travel/Exotissimo et
l’ONG allemande GTZ. Les activités écotouristiques ou supposées telles y ont été nom-
breuses et variées, avec des résultats inégaux.
La NBCA de Nam Ha est la plus structurée du pays du point de vue de son exploitation
écotouristique. Elle accueille le Nam Ha Ecotourism Project, la plus ancienne initiative du
genre au pays. Il s’agit d’un projet UNESCO, en collaboration avec la LNTA, financé con-
jointement par les gouvernements néo-zélandais et japonais. Par ailleurs, plusieurs agences
d’écotourisme appartenant entièrement ou partiellement à des intérêts étrangers, comme
Vientiane Travel/Exotissimo et Green Discovery, s’y sont implantées depuis longtemps.
Malgré des résultats mitigés et le fait qu’il est fréquemment cité comme un exemple éco-
touristique phare, le projet Nam Ha a évolué au fil du temps. Après une première phase de
mise en place et d’expérimentation, une seconde phase fut initiée en 2005, avec des objec-
tifs clairs et ambitieux, revus en fonction de la phase I :
Lao ecotourism providers and local communities supported by this project will then form a
critical mass of local expertise that will assist the province to realize long-term conservation,
poverty alleviation and heritage protection benefits that well-conceived and managed ecotour-
ism is capable of producing. (UNESCO Bangkok Office 2004)

Projets et itinéraires abondent à Nam Ha, chacun ayant sa propre structure de gestion et
ses caractéristiques, bien que relevant ultimement, officiellement, de l’État à travers le
Département des forêts et la LNTA. Cette multiplicité des acteurs n’aide pas à clarifier
les choses, d’autant qu’on observe un certain roulement parmi les acteurs non gouverne-
mentaux. Certains acteurs se sont en effet retirés, d’autres ont pris de l’importance, et l’État
est également impliqué dans les activités concurrentes venant menacer l’écotourisme à
Nam Ha, notamment l’agriculture commerciale. La position centrale de la NBCA la
rend par ailleurs très vulnérable aux projets d’infrastructure routière qui se développent
dans le nord du Laos, notamment dans le but d’améliorer les échanges avec le voisin
chinois. C’est ainsi que la route numéro 3 reliant Houei Xai à la ville de Luang Namtha
coupe à travers l’aire protégée, avec des conséquences environnementales et sociales très
largement supérieures à ce que les études d’impact préalables avaient laissé entendre.
Les activités écotouristiques, nombreuses et variées, attirent un nombre important de
touristes occidentaux. À ce titre, il faut mentionner que si les touristes régionaux (Thaïs
et Chinois principalement) sont présents en nombre important, ils montrent peu d’intérêt
pour l’un des principaux atouts écotouristiques de la province, à savoir sa grande diversité
ethnique et l’importante présence de minorités montagnardes (Paille 2006). Parmi les pro-
blèmes évoqués, notamment en ce qui concerne justement les populations locales, des iné-
galités se sont développées en regard des bénéfices du projet. Certains villages ont pu
bénéficier d’infrastructures construites pour héberger les touristes, mais pouvant ensuite
être utilisées par les habitants. Cela a induit une différenciation que ne compense pas la
redistribution des bénéfices entre les communautés impliquées. De même, on a pu consta-
ter lors de visites de terrain effectuées en 2005, que les villages sélectionnés en tant qu’é-
tapes sur les circuits de trekking ont plus de chances de bénéficier de retombées directes
CJDS / LA REVUE 437

Graphique 2. Luang Namtha : aire protégée et réseau routier.


Sources : Ces cartes sont basées sur des données provenant d’Ecotourism Laos et WCS-Lao Programme,
2005 et 2007. Réalisation : Mourad Djaballah et Yann Roche, 2016.

que les autres – ce qui occasionne inégalités et rancœurs. Exclusion et conflits d’usage
commencent aussi à émerger à Luang Namtha, en dépit des succès du projet Nam Ha,
comme le mentionne Schipani (2007). L’ensemble de la province commence à faire
l’objet d’investissements chinois massifs, et si cela a des impacts positifs, notamment
sur la qualité des infrastructures routières provinciales, il n’en est plus de même au-delà
des frontières de la province. Il en résulte un enclavement vis-à-vis du reste du Laos et
un rattachement effectif croissant vis-à-vis de la Chine. Cette influence s’insère également
dans les cultures commerciales pratiquées dans la province. L’hévéa, dont la culture est
recommandée par le gouvernement laotien et par les acteurs chinois de la province, est
en progrès constant à Luang Namtha, et constitue une menace importante pour l’aire pro-
tégée et pour l’écotourisme de la province.
438 S. BERNARD ET AL.

Face à cette tendance, dont les retombées économiques sont potentiellement bien
supérieures à celles de la plupart des activités écotouristiques, les risques de voir se mul-
tiplier les conflits d’usages du sol sont importants, et ils ne feront sans doute que croître à
l’avenir. Dans ce contexte, et au regard de la résilience sociale et écologique, la démarche
proposée par Plummer et Fennell (2009) suggère que les besoins en renforcement des
capacités sont criants, d’abord auprès des populations locales, bien que ces dernières
soient souvent intimement intégrées dans les efforts de développement des activités,
entre autres à travers la formation de guides locaux et d’efforts de sensibilisation des vil-
lageois à la préservation des ressources naturelles. Ils le sont tout autant auprès des auto-
rités, tant nationales que locales, qui au-delà des discours ont toujours tendance à prioriser
dans les faits les activités en fonction de leur rendement économique direct et à court
terme. À cet égard, Schipani a bien tenté en 2007 de proposer une solution de compromis
(Schipani 2007). S’appuyant sur les chiffres d’Alton, Bluhm, et Sananikone (2005), il sou-
lignait les bénéfices de l’écotourisme, même s’il ne manquait pas de remarquer que cette
activité telle qu’elle était pratiquée à Luang Namtha ne satisfaisait pas à tous les critères de
protection de la biodiversité, de la stabilité écologique et des paysages à des fins de loisirs et
de recherche qui sont les objectifs initiaux des aires protégées laotiennes (Schipani 2007,
13). Il précisait que les bénéfices économiques associés à l’activité des plantations d’hévéa
ne se font pas sentir immédiatement, mais demandent plusieurs années avant d’atteindre
leur plein rendement. Comparant les 4 580 hectares d’hévéa recensés par Alton, Bluhm, et
Sananikone dans la province en 2005, il faisait valoir que les revenus qui leur étaient ass-
ociés étaient inférieurs de 10 pour cent à ceux de l’activité écotouristique de cette même
province pour la même année. Conscient des enjeux que représentent les plantations
aux yeux des planificateurs, Schipani soulignait que les progrès de l’hévéa avaient un
impact négatif indirect sur les portions de territoires voisines, car même lorsque ces der-
nières restaient officiellement dédiées à l’écotourisme, leur valeur allait décroissant au fur
et à mesure que progressaient les cultures commerciales à proximité. Il proposait donc de
mettre un frein au développement ultérieur de l’hévéa et surtout demandait la mise en
place d’un zonage de la province visant à limiter la proximité spatiale entre les deux acti-
vités concurrentes, dont le Graphique 2 illustre les occurrences en 2006. Les recomman-
dations de Schipani n’ont guère été entendues, même si l’hévéa n’a pas connu la
progression fulgurante que l’on pouvait envisager en 2007. En ce qui concerne le
zonage, aucune démarche particulière n’a été entamée dans le sens d’une planification
répondant aux attentes exprimées par Schipani. Il est difficile d’obtenir des chiffres officiels
postérieurs à 2007 quant aux retombées économiques et à la durabilité des projets à Luang
Namtha, mais un rapport du Programme des Nations Unies pour le développement
(PNUD) paru en 2012 continuait à faire l’apologie des résultats obtenus, de la transparence
de sa structure organisationnelle et de son apport majeur dans les différentes initiatives
politiques étatiques en matière de développement que sont la National Growth and
Poverty Eradication Strategy, le Sixth National Socio-Economic Development Plan
(2006–2010), la National Tourism Strategy, les National Ecotourism Strategy and Action
Plan (2006–2010) et enfin la National Biodiversity Strategy to 2020 (PNUD 2012).
Malgré ces discours que l’on pourrait qualifier de triomphalistes, la vulnérabilité des com-
munautés de Luang Namtha et plus particulièrement de l’aire protégée de Nam Ha,
demeure très grande et nuit à la résilience du système socio-écologique.
CJDS / LA REVUE 439

Conclusion
Malgré leur caractère succinct, les exemples malaisien et laotien illustrent de manière con-
crète la diversité des situations d’usages concurrents du sol menant pour les communautés
locales à la fermeture des terres et à des situations d’exclusion. Malgré des capacités de rési-
lience souvent sous-estimées, ces communautés se trouvent souvent prises entre les prior-
ités divergentes prônées par des acteurs étatiques ou non gouvernementaux, voire privés,
dont l’intérêt vise souvent à privilégier les usages commerciaux, plus rentables du foncier.
Comme d’autres études empiriques l’ont montré (Fletcher 2009; Dehoorne et Murat 2010;
Sarrasin 2013b), les populations locales privilégient au final une meilleure subsistance en
s’appuyant sur l’agriculture commerciale malgré la menace que cela représente pour la
préservation des écosystèmes et leur mode de vie ancestrale comme en témoigne les
deux études de cas présentées. Dans un cas comme dans l’autre, ces conditions contribuent
à la fragilité du système socio-écologique tel que nous l’avons défini. Les prémisses d’une
médiation réussie quant à la durabilité reposent principalement sur la volonté de concilier
trois objectifs bien distincts, soit le développement économique et social (création de
revenus et d’emplois), l’aménagement de l’espace pour les touristes et la protection des
ressources naturelles. Ces objectifs structurent un système de tensions particulièrement
instable puisque les projets de développement écotouristique proposent notamment des
moyens d’ajuster ces différents niveaux d’intérêts en s’imbriquant de façon plus ou
moins cohérente dans une multitude de régulations antérieures, allant des plus générales
(liberté d’entreprendre, propriété privée) aux plus spécifiques (classement des sites, con-
trôle des risques, règlementation d’activités telles que transport, chasse, pêche, etc.). En
mettant en place des dispositifs de conciliation locaux entre projets de développement,
d’aménagement et de protection de l’environnement, l’usage prédéfini du sol (à vocation
écotouristique ou d’exploitation agricole) s’insère dans un dispositif d’arbitrages qui
produit nécessairement des solutions déséquilibrées, c’est-à-dire des décisions qui privilé-
gient unilatéralement un intérêt au détriment des autres. Tant dans le cas de la vallée du
fleuve Kinabatangan à Sabah en Malaisie que dans celui du projet Nam Ha dans la pro-
vince laotienne de Luang Namtha, il semble que les aires de conservation vouées au dével-
oppement de l’écotourisme ont du mal à résister à l’attrait de l’expansion des cultures
commerciales que sont le palmier à huile à Sabah et l’hévéa à Nam Ha. Cela semble
vrai à la fois pour les acteurs possédant le plus de ressources (économiques et politiques)
comme les grands planteurs, mais aussi, et surtout, auprès des populations locales qui
semblent y voir de meilleures opportunités de subsistance que ce qui peut être dérivé de
leur participation au régime écotourisme/conservation.
Ce contexte permet-il l’émergence d’un nouveau modèle de mise en valeur du territoire
ou de compromis « socio-écologique »? Cela contribue à faire émerger de nouvelles ques-
tions et hypothèses : le problème d’accès à la terre et aux ressources peut-il être résolu par
l’adoption des cultures commerciales pérennes par les populations locales? Cela contri-
buerait à éviter l’exclusion en comparant leur intégration au régime d’écotourisme/conser-
vation qui ne semble pas faire le poids, quitte à intégrer ces pratiques au régime en
aménageant des zones d’exploitations agricoles en périphérie des zones de conservation.
L’écotourisme ne serait-il qu’une étape transitoire facilitant le passage des populations
locales (notamment par le développement d’infrastructures rendant ces territoires plus
accessibles et en facilitant le développement de relations marchandes) à une nouvelle
440 S. BERNARD ET AL.

subsistance plus intensément liée à l’économie marchande dans la recherche d’une résili-
ence accrue face à leur condition de subsistance? C’est ce que semblent proposer les études
de l’école économique du développement (Livelihood Studies). Quant à la conservation de
la biodiversité et des équilibres environnementaux et la durabilité des systèmes, comment
peuvent-elles être conciliées avec la nouvelle dynamique territoriale émergente et les
aspirations des populations locales? La décennie à venir en apportera la réponse, mais
les perspectives en la matière paraissent bien sombres. Au final, et comme le suggère le
numéro thématique dans lequel s’insère cet article, notre analyse aura contribué à docu-
menter les enjeux liés à l’accès à la terre. Il aura permis d’illustrer certaines convergences
dans les dynamiques de l’appropriation et de la mise en valeur des ressources naturelles
découlant du développement des activités écotouristiques et de la conservation lorsque
ces secteurs d’activités se concurrencent auprès des populations locales pour la mise en
valeur des mêmes espaces territoriaux.

Notes
1. Voir Sarrasin (2003, 2006, 2009); Borras, McMichael, et Scoones (2010); De Koninck,
Bernard, et Bissonnette (2011); Hall, Hirsch, et Li (2011); Bernard (2012); Klare (2012); Prof-
itos (2012) et White et al. (2012).
2. En 2015, TIES a révisé sa définition de l’écotourisme en y ajoutant : « et implique interprét-
ation et éducation ».
3. La première étape consiste à identifier le plus précisément possible le système de ressources, le
système social et la structure générale du système; la deuxième étape prend en considération
les décisions de gestion à court, moyen et long terme et tente d’identifier qui prend ces
décisions; la troisième étape s’intéresse entre autres à la façon dont la gestion est organisée
et comment le pouvoir est partagé parmi les participants; la quatrième étape inclut la
façon de lier entre eux les niveaux local, régional et national, ainsi que l’analyse du contexte
historique et politique du système; la cinquième étape implique d’identifier les efforts néces-
saires pour stimuler, améliorer et utiliser les habiletés des participants et les institutions.
4. Derrière la notion de résilience, on trouve l’idée de retour à l’équilibre après une perturbation
souvent désignée comme la résilience statique autant que les « possibilités de transformation,
de réorganisation, de renouvèlement » des structures et fonctions d’un système, c’est-à-dire la
résilience dynamique. De ce fait, la résilience représente la capacité de s’adapter et à répondre
positivement à un stress ou à de nouvelles contraintes. Elle englobe donc, face à l’aléa, à la fois
la stabilité (capacité de la mémoire tampon ou résilience statique), la récupération (rebondir)
et la transformation (créativité ou résilience dynamique) (Brand et Jax 2007).
5. La production mondiale a été multipliée par neuf depuis 1980. L’Indonésie et la Malaisie pro-
duisaient plus de 85 pour cent de la totalité de l’huile de palme consommée sur la planète en
2010 et fournissaient près de 90 pour cent des exportations mondiales. Voir aussi Bissonnette
(2016).
6. Selon le Board of Tourism Malaysia (2013), près de 2,87 millions de touristes (65% en pro-
venance de la Malaisie et 35% provenant de pays étrangers) ont visité Sabah en 2012 générant
près de 5,1 milliards de RM alors qu’une croissance de l’ordre de 13,5 pour cent des arrivées
fut enregistrée en 2013.
7. L’établissement de ces zones de conservation s’opère dans un contexte où le palmier à huile
occupe déjà plus de 15 pour cent du territoire de l’État et où il est toujours en progression. On
estime en fait que 66 pour cent du territoire ayant un potentiel agricole a déjà été planté en
palmier à huile, ce dernier occupant 90 pour cent du territoire alloué à l’agriculture
commerciale.
8. Pluralisme juridique : codification et loi de l’État (Sabah Land Ordinance ou SLO, Ladang act,
Torrens system); droit coutumier : Adad tanah, Native Customary Land ou NCL, CT.
CJDS / LA REVUE 441

9. Ce fut dans le cadre d’un projet de recherche intitulé Expansion agricole, déforestation, bio-
carburants, marché mondial : Bornéo au cœur de la tourmente.
10. Expression employée par les autorités de l’État de Sabah pour désigner la future zone de con-
servation à mettre en place.
11. Terme utilisé pour définir à la fois la zone de conservation à mettre en place sous formes
d’une bande longitudinale et ses visées, c’est-à-dire la préservation de la faune et de la
flore sauvage à la base des activités écotouristiques et de la conservation.
12. Ces chiffres ont été estimés par les auteurs suite à une série d’entretiens auprès des popu-
lations locales et d’informateurs clés et sont corroborés par l’étude de Fletcher (2009).
13. Organisation non gouvernementale néerlandaise spécialisée dans le développement des capa-
cités locales.

Remerciements
Les auteurs désirent remercier les membres de l’équipe du Centre interdisciplinaire de recherche en
développement international et société (CIRDIS) de l’Université du Québec à Montréal (UQAM)
pour leur soutien ainsi que monsieur Mourad Djaballah au département de géographie de
l’UQAM pour la cartographie.

Financement
La réalisation de cet article a été rendue possible par l’apport financier du Conseil de recherche en
sciences humaines du Canada (CRSH) dans le cadre du projet Réseau d’études internationales sur la
valorisation et l’exploitation de la nature, des terres et des ressources en Afrique, Asie et Amérique
latine (REINVENTERRA) subvention [89020130056] (CRSH Développement de partenariat).

Déclaration
Aucun conflit d’intérêts potentiel n’a été rapporté par les auteurs.

Les auteurs
Stéphane Bernard est docteur en géographie de l’Université Laval. Il est professeur au département
de géographie de l’Université du Québec à Montréal et a enseigné à l’École de développement inter-
national et mondialisation à l’Université d’Ottawa. Spécialiste des questions de développement en
Asie du Sud-Est, ses recherches portent sur les transformations territoriales et la marchandisation
des territoires. Il s’intéresse principalement aux questions d’accès aux ressources s’articulant autour
de la dyade recul forestier/expansion agricole ainsi qu’à la souveraineté alimentaire des États.
Yann Roche est professeur au département de géographie de l’Université du Québec à Montréal depuis
1997. Docteur en géographie de l’Université Laval, il se spécialise dans l’étude de l’Asie du Sud-Est,
notamment le Vietnam et le Laos, par l’application des Systèmes d’Information Géographique (SIG)
et de la cartographie à la protection de l’environnement et à la gestion des ressources naturelles.
Bruno Sarrasin, docteur en science politique, est professeur titulaire et directeur du département
d’études urbaines et touristiques de l’Université du Québec à Montréal. Il a dirigé le programme
de gestion du tourisme et de l’hôtellerie et la revue de recherche en tourisme Téoros. Ses travaux
portent sur l’économie politique du développement, la sociologie politique des politiques publiques,
principalement dans le domaine de la protection de l’environnement, et l’analyse sociopolitique, la
prévision et la prospective du phénomène touristique.
442 S. BERNARD ET AL.

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