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N° 24011324
4H8MO7D
Sociétés modernes et contemporaines dans la mondialisation
2nd semestre
Préambule
Le document est référencé sous la côte 26N carton 870 dossier 11 consultable sur le site
mémoire des hommes sous l’url :
https://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/fr/arkotheque/inventaires/
ead_ir_consult.php?&fam=3&ref=6&le_id=4748
Le journal est au format manuscrit d’une écriture parfaitement lisible faite de pleins et de
déliés. On constate une modification de l’écriture qui laisse présager un changement de
rédacteur à la date du 23octobre 1916 (premier jour de l’engagement des compagnies du
bataillon sur le front de Verdun, ce qui laisse supposer soit une mutation soit une disparition
de l’officier tenant le cahier). Le document comporte 52 pages couvrant la période du 19 juin
1916 (date d’un ordre de transfert du camp de Courneau 1 près de la Teste-de-buch en Gironde
vers la « région des armées » ) jusqu’au 25 octobre 1917 (le Bataillon est alors en réserve à
l’arrière sur le front de l’Aisne). Il est à noter que le journal retrace la vie du bataillon au jour
le jour et dans le respect des instructions contenues dans la fiche du 5 décembre 1874
présentée au format dactylographié en préambule du document. Ainsi le document, s’il
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Le camp du Courneau est un camp « d’hivernage » crée en Février 1916 pour accueillir spécifiquement les
bataillons d’Africains qui souffraient du froid sur le front est. Construit sur un marais insalubre, les conditions
de vie étaient particulièrement difficiles entraînant un taux de mortalité important. Les troupes provenant de
l’Afrique sub-saharienne étaient le plus souvent débarquées à Bordeaux et séjournaient dans ce camps.
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présente les activités de façon détaillée, exclut tous commentaires personnels, émotionnels. Il
constitue une restitution strictement factuelle des evenements même quand ceux-ci sont
porteurs d’une dimension tragique (soldats tués, soldats condamnés, soldats gazés…). Par
ailleurs ce document comporte des reproductions de cartes d’état majors qui permettent de
visualiser les mouvements de troupes (particulièrement au moment des confrontations en
premières lignes) ainsi que des photos et coupures de presse (à l’occasion de la décoration du
bataillon en 1916)
Le 43ème Bataillon de Tirailleurs Sénégalais est une unité de fantassins composée en juin 1916
de 4 compagnies, elles-mêmes divisées en sections dont certaines sont spécialisées (à
plusieurs reprises il est fait mention des sections de grenadiers et de bombardiers) et une
section hors cadre (S.H.R). Quatre officiers généraux dirigent le bataillon qui comptent en
juin 1916, 95 européens et 898 Indigènes. Le journal commence par l’ordre de rejoindre la
zone de combat à Verdun avec un transfert du bataillon du camp du Courneau vers Loix dans
la Somme puis le 17 août 1916 à Lemmes dans la Meuse au camp Drouot situé au bois
Nixeville. Le bataillon est alors rattaché à la IIème Armée engagée dans la bataille de Verdun.
C’est donc dans le contexte de la défense de Verdun que commence la rédaction de ce JMO,
plus exactement dans la phase de contre-offensive des armées françaises sur ce front
commencée en mai 1916 et qui s’achève à la fin de la même année.
Le JMO répertorie au jour le jour les activités du bataillon à compter de cette date en
distinguant les informations suivantes qui s’enchevêtrent tout au long du document :
- L’instruction
On note que le Bataillon quand il n’est pas au combat ou en réalisation de travaux
passe de grande période de temps en instruction. L’instruction concerne en particulier
les sections spécialisées dont il est fait mention, les grenadiers et les bombardiers
(sections de fantassins qui lancent des objets explosifs par mortier ou lance-grenades
au moment des assauts). L’instruction se fait dans des camps retranchés à l’arrière.
- Les travaux
Les compagnies sont souvent détachées auprès de régiment du génie pour constituer
de la main d’œuvre affectée à des taches de nettoyage et/ou de consolidation de
boyaux dans les tranchées. La réalisation des travaux présente une certaine dangerosité
dans la mesure où elle s’effectue sur la ligne de front et se traduit donc par des pertes,
blessés et tués, soit par l’effet des tirs d’artillerie ou tir de mitrailleuses ennemis
(exemple : le 14 octobre 1916 un seul bombardement fait 2 blessés et 9 tués alors que
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les hommes sont entrain de réaliser des travaux de terrassements dans un boyau. Cf.
page 5)
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L’encadrement est essentiellement constitué d’officiers européens, les tirailleurs indigènes
atteignent au maximum le grade de sous-officier (sergent, caporal) il n’y a aucun officier
supérieur d’origine indigène.
Les décorations sont délivrées avec parcimonie aux combattants Sénégalais qui ne reçoivent
pas beaucoup de décoration individuelle. Ainsi après les glorieux combats du 24 et 25 octobre
1916, 4 officiers et sous-officiers européens reçoivent une décoration (légion d’honneur pour
les officiers, croix de guerre pour les sous-officiers. Un seul tirailleur indigène reçoit une
Croix de guerre (pages 19 à 20) En revanche le bataillon dans son ensemble reçoit la Croix de
Guerre (fourragère attachée au drapeau).
L’analyse approfondie du relevé des pertes tend à démontrer que les tués, blessés et disparus
affectent de façon homogène les troupes européennes et indigènes. Pour illustrer le propos,
nous avons compilés les listes nominatives répertoriant les pertes après les combats du 24
octobre 1916 (pages 14 à 18) à Verdun et du 17 avril 1917 ( pages 31 à 35) en nous appuyant sur les
noms de famille (les tableaux ne présentent pas les chiffres consolidés). S’il n’y a pas
d’éléments qui démontreraient un traitement spécifique entre européens et indigènes dans les
phases d’assaut, il n’en reste pas moins que le bataillon est engagé à deux reprises dans des
combats extrêmement meurtriers et que le tribut payé par les hommes est réparti également.
On notera néanmoins que les relevés de pertes distinguent nettement les deux catégories de
combattants ; les listes commencent toujours par les Européens puis et suivi par la liste des
indigènes ; On peut s’interroger sur le signe d’une importance plus grande accordée aux
pertes d’origine européennes qui comptent en outre des officiers ?
D’une façon générale, le JMO constitue une source historique passionnante dans laquelle
apparaissent les preuves de la dureté des conditions de vie des soldats de la première guerre,
soumis aux bombardements ennemis mais aussi au tir de barrage de l’artillerie française,
quant ils sont placés dans la zone des armées, aux déplacements de longue distance par voie
de terre, aux alternances de phases de travaux, instructions et combats. Les pertes sont
fréquentes et l’exigence des officiers et de la vie militaire est sans limite. On pense au sous-
lieutenant Gatineau condamné à 5 ans de prison et à la destitution par le conseil de guerre de
la division en date du 2 aout 1917 pour abandon de poste face l’ennemi (page 42).
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essentielle pour la chronologie de faits militaires, l’organisation des troupes et la gestion des
effectifs, il conviendrait de croiser ce type de document avec des lettres, des journaux intimes
et autres sources plus intimes pour faire une histoire « humaine » d’un bataillon durant cette
rude période de 1916 à 1917.