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MÉTHODE 221

La cartographie des risques,


un outil de management des risques
en établissement de santé

M. Moulaire
Centre Hospitalier – Aubenas
I Marc Moulaire – Ingénieur sécurité – Gestionnaire des risques – Centre Hospitalier d’Aubenas – 07200 Aubenas
E-mail : marc.moulaire@ch-aubenas.fr

L a cartographie est un mode de représentation et


de hiérarchisation des risques d’une organisation
(1). C’est une composante essentielle du processus
tion des dangers potentiels sur les données rétrospec-
tives fournies d’une part par le signalement interne
des événements indésirables, et d’autre part par les
de gestion des risques (2). Son objectif est de dispo- données mises à disposition par les Agences ou orga-
ser d’un état des lieux global des vulnérabilités pour nismes externes (Centre de coordination de la lutte
l’ensemble des champs d’activité (3). La cartographie contre les infections nosocomiales (CCLIN), Agence
des risques serait actuellement utilisée par 60 % des française de sécurité sanitaire des produits de santé
grandes entreprises comme outil de gouvernance (4). (AFSSAPS), assureurs, etc.) (5).
Dans une étude commandée par la Direction de l’hos- La démarche de cartographie est primordiale car elle
pitalisation et de l’organisation des soins (DHOS) pour suscite le recensement général des risques, leur éva-
établir un modèle de gestion des risques en établis- luation et leur hiérarchisation. Elle offre des repré-
sement de santé, un cabinet de consultants a préco- sentations simples et didactiques, donnant une vision
nisé une étude prédictive des risques sur la base de d’ensemble aux décideurs pour orienter leurs choix
l’analyse des processus, complétée d’une identifica- stratégiques d’action. Les cartes sont ensuite utilisées

Résumé Abstract
La cartographie des risques est la représentation graphique des Risk mapping: a risk management tool in hospitals
risques d’une organisation. Les grandes entreprises l’utilisent cou- Risk mapping is a graphical representation of the risks of an organi-
ramment alors que le monde de la santé en fait un usage encore zation. Big companies commonly use it whereas the healthcare world
limité. Or la cartographie procure les informations de base néces- uses it in a restricted way. The mapping provides basic information
saires à la gestion des risques. Après un recensement général des that is necessary for risk management. After a global risk inventory,
risques, ceux-ci sont évalués, hiérarchisés et représentés graphi- the risks are assessed, prioritized and graphically represented in the
quement en cartes. Trois questions se posent pour la mise en form of maps. Three issues arise for the implementation in hospitals:
œuvre en milieu hospitalier : quels risques choisir, quelles carac- which risks should be chosen, which characteristics should be retai-
téristiques retenir, quelle représentation adopter ? Au centre hos- ned, which representation should be adopted? In the Aubenas hos-
pitalier d’Aubenas, cette démarche a dans un premier temps été pital, France, this procedure was firstly applied to professional risks
appliquée aux risques professionnels puis étendue à la globalité and then spread to all of the hospital’s risks. In total, 17 risk families
des risques de l’établissement. Au total, dix-sept familles de ris- were identified. The severity and occurrence frequency criteria were
ques ont été identifiées. Les critères de gravité et de fréquence retained, completed by a safety criterion that measures the risk control
d’occurrence ont été retenus, complétés par un critère de sécu- effectiveness. For each risk, the difference between the criticality (fre-
rité qui mesure l’efficacité dans la maîtrise du risque. Pour chaque quency x severity) and the safety (or control level) provides informa-
risque, la différence entre la criticité (fréquence x gravité) et la tion about more or less pronounced vulnerabilities. These various
sécurité (ou niveau de maîtrise) alerte sur des vulnérabilités plus elements provide directions for prioritizing improvement actions in
ou moins marquées. Ces différents éléments fournissent des pis- the framework of a global programme.
tes pour prioriser des actions d’amélioration dans le cadre d’un
programme global.
Mots-clés : Gestion du Risque – Hôpital – Méthode. Key-words: Risk Management – Hospitals – Methods.

RISQUES & QUALITÉ • 2007 - VOLUME IV - N°4


222 LA CARTOGRAPHIE DES RISQUES, UN OUTIL DE MANAGEMENT DES RISQUES EN ÉTABLISSEMENT DE SANTÉ

pour suivre l’efficacité des stratégies mises en œuvre risques liés à la prise en charge du patient (iatrogénie,
et forment enfin un outil très pertinent de communi- infections nosocomiales, coordination, identification,
cation sur l’état des lieux. information) et les risques de la vie hospitalière (pro-
La notion de cartographie de risques est cependant fessionnels, sociaux, alimentaires, transports, tech-
absente des principes méthodologiques de la gestion nique, environnement, système d’information, mal-
des risques publiés par l’Anaes en 2003 (6), ainsi que veillance, risques financiers) ;
des recommandations de la DHOS de 2004 (7). De • le guide WEKA sur la gestion des risques (3) pro-
même, on relève cette absence dans le manuel d’ac- pose huit classes pour la cartographie des risques :
créditation V2 (8) et dans son guide d’aide à la cota- santé/sécurité du patient, santé/sécurité du personnel,
tion (9), bien que l’identification a priori des risques biens/environnement, social/managérial, données/
soit abordée au critère 14b, en citant l’inventaire des informations/savoir-faire, responsabilité, réputation,
risques professionnels du document unique, et au cri- et finance/comptabilité ;
tère 45a. • la SHAM, principal assureur des établissements de
Après présentation de la méthode, son utilisation au santé en responsabilité civile, classe les risques en trois
centre hospitalier d’Aubenas est présentée. familles : dispositifs médicaux et produits de santé, vie
hospitalière, et causes médicales (10) ;
Méthode de production • le ministère de la santé a recensé les textes régle-
de la cartographie mentaires relatifs à la sécurité sanitaire dans les éta-
blissements de santé (11) selon sept chapitres pouvant
Première étape opérationnelle : servir de trame : sécurité d’utilisation des produits de
recenser les risques et les classer santé et vigilances, gestion du risque infectieux, acti-
Dans l’entreprise, l’objectif principal de la gestion des vité de soins, sécurité des personnes et des locaux,
risques est d’assurer la continuité et l’écoulement de sécurité alimentaire, fluides, gestion des déchets.
la production. L’analyse porte sur les risques d’image, Approche par processus
les risques liés aux relations humaines et sociales, les Une autre approche pour identifier les risques avant
risques aux personnes, aux biens, à l’environnement, de les cartographier procède de l’approche processus
les risques d’atteinte à l’intégrité des informations et (12). Un recensement détaillé des différents processus
aux pratiques de l’entreprise, les risques techniques de production, des processus supports, et des proces-
empêchant la production, et enfin les risques finan- sus de management d’une organisation, donne une
ciers (2). trame pour identifier les risques liés à chaque proces-
Typologies des risques sus élémentaire. La cartographie des risques découle
Les classifications de risques, ou typologies, sont soit alors naturellement de la cartographie des processus.
bâties sur les causes : naturelles, humaines, techni- On relèvera par exemple :
ques, économiques, environnementales, soit bâties • parmi les processus de prise en charge : les risques
sur les conséquences : pertes d’exploitation, attein- infectieux, les risques anesthésiques, les risques opé-
tes aux personnes, dommages aux biens, perte d’in- ratoires…
formations, engagement de responsabilité, sanctions • parmi les processus médico-techniques : les risques
légales et pertes d’image (2). d’exposition aux rayonnements, les risques d’erreur
S’ouvre alors un vaste débat sur la typologie des ris- d’identification de patient, la contre-indication médi-
ques hospitaliers. On peut facilement identifier les camenteuse…
grandes catégories : risques pour les personnes (en • parmi les processus logistiques : la toxi-infection
dissociant les patients ou les personnes hébergées, le alimentaire, la contamination par contact avec les
personnel, les visiteurs, les intervenants extérieurs), déchets infectieux, la panne informatique, l’incen-
risques pour les biens, risques pour l’environnement, die, les risques électriques…
risques socio-économiques. Par contre, la recherche • parmi les processus de management : les risques
du détail expose au risque d’oubli ou au contraire de sociaux, la perte de personnes ressources, la rétention
redondance. On trouve dans la littérature plusieurs d’informations…
exemples :
• les recommandations de l’Anaes sur la gestion des Deuxième étape : choisir une méthode
risques (6) différencient les risques spécifiques aux d’évaluation pour quantifier le risque
activités médicales et de soins (risques iatrogènes, Là encore, la littérature offre de multiples exemples.
nosocomiaux et organisationnels), les risques techni- Les critères « gravité » et « fréquence » bénéficient
ques et logistiques (incendie, pollution, rupture d’ap- d’un certain consensus (1) bien que la fréquence s’ap-
provisionnement, panne notamment informatique), précie soit comme un taux d’événements indésirables
les risques sociaux (grève, départ de personne-clé, rapporté à un nombre total de mises en œuvre (13),
accident du travail, fraude et faute, risque d’image) ; soit comme une fréquence (ou une probabilité) d’ex-
• les recommandations de la DHOS (7) distinguent les position au risque calculée par la durée d’exposition

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LA CARTOGRAPHIE DES RISQUES, UN OUTIL DE MANAGEMENT DES RISQUES EN ÉTABLISSEMENT DE SANTÉ 223

rapportée à la durée totale d’activité. Cette mesure de Figure 1 - Matrice de criticité.


l’aléa devient plus subjective quand on appréhende
des événements indésirables non encore produits ; on Gravité
se place alors sur des échelles de vraisemblance à par-
tir de jugements d’experts (14). catastrophique
Risque non
La gravité, ou niveau des conséquences, est évaluée
majeure
acceptable
subjectivement, par avis d’expert, de faible à forte, ou
quantitativement en mesurant par exemple les pertes
trés grave
financières engendrées ou encore les pertes d’exploi-
tation en jours de production (1). significative
Suivant les méthodes, d’autres critères sont utilisés, Risque
comme la détectabilité (AMDEC), l’étendue, le coût mineure acceptable
de maîtrise, le niveau de maîtrise (14), etc.
Quant à la mesure de ces critères, la variabilité est le ble Probabilité
yab roba lle le ine
ro n ne obab e rta
encore plus grande, avec des cotations en lettres, en inc p i o p r c
pe
u cas squ
e
oc
nombres discrets (et classiquement sur une échelle de pre
1 à 4), en pourcentage continu (de 0 à 100 %) ou en
note (0 à 20 par exemple).
Les évaluations sont plutôt qualitatives dans une pre-
mière approche. L’appréciation est très subjective car Figure 2 - Cartographie de risques.
elle est liée au métier de l’évaluateur, à son expé-
rience, à son tempérament. La variabilité peut être 5
limitée en travaillant par consensus d’un groupe hété- RISQUE
rogène, mais le résultat n’est pas entièrement satisfai- GxP = 12 INACCEPTABLE
4 GxP = 6
sant. Pour une meilleure évaluation du risque, il faut RISQUE Risque 1
pouvoir s’appuyer sur des informations quantitatives, TOLÉRABLE
3
Gravité

sur des données peu sujettes à interprétation. RISQUE Risque 2


ACCEPTABLE Risque 3
2
Risque 4
Troisième étape : représenter graphiquement
les risques et leur évaluation Risque 5
1
Les différents risques sont présentés sur des graphi-
ques avec des positions ou des dimensions représen- Risque 6
0
tatives des critères d’évaluation. C’est la mise en car- 0 1 2 3 4 5
tes ou « mapping ». La représentation classique est Probabilité
un graphique à deux axes, « fréquence » (ou proba-
bilité, ou vraisemblance) et « gravité » dans lequel
des points représenteront chacun des risques retenus Figure 3 - Cartographie des risques initiaux d’après (15).
(Figure 1 et figure 2 (15)). Mais on peut également
choisir d’autres axes, comme par exemple « criti- politiques
environnement programmatiques
cité » (fréquence x gravité) et « coût de maîtrise ». On
remarquera que la SHAM présente le même type de insécurité stratégiques
graphe où fréquence et gravité sont calculées sur des
sinistres réels (Figure 3 (16)). Chaque risque peut être management techniques
représenté par un point ou par un nuage de points
dans de tels graphiques si l’on veut tenir compte des
différents couples possibles de paramètres fréquence/ sociaux opérationnels
gravité par exemple. Plus précisément, la répartition
statistique de la criticité de chaque risque peut être système juridiques
représentée avec des rectangles imbriqués de plus d'information
en plus clairs aux extrémités exprimant la dispersion
professionnels financiers
autour d’une médiane (Figure 4).
Le diagramme en radar ou diagramme de Kiviat est commerciaux économiques
également couramment utilisé ; cet outil permet une
bonne visualisation du risque global inacceptable
La cartographie peut être thématique en présentant tolérable
sur le graphique un seul risque mais avec une répar- acceptable
tition par services ou globale en choisissant de repré- criticité

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224 LA CARTOGRAPHIE DES RISQUES, UN OUTIL DE MANAGEMENT DES RISQUES EN ÉTABLISSEMENT DE SANTÉ

Figure 4 - Représentation statistique d’un risque. quences) et de leur niveau de maîtrise. À partir de ces
deux paramètres, une cartographie a été réalisée pour
m permettre une vision globale des risques par unité de
Risque 1
travail et par famille de risque (Figure 6). Cette carto-
4S
graphie a permis ensuite une priorisation et l’élabora-
6S
tion d’un plan d’actions d’amélioration (20).

Risque 2
Extension à la cartographie globale
des risques
Risque 3 Fort de cette première expérience, le centre hospitalier
d’Aubenas a décidé d’étendre la démarche d’analyse
Criticité -------1---------2--------3 --------4--------5 a priori à l’ensemble des risques hospitaliers. L’ambi-
tion a toutefois été limitée aux risques pour les per-
senter l’ensemble des risques repérés (Figure 5). Mais sonnes et les biens, en excluant notamment les ris-
dans ce dernier cas, la représentation est en général ques socio-économiques.
limitée à une vingtaine de risques « majeurs », et ne Classification des risques
doit pas dépasser la trentaine pour des raisons de Pour adopter une classification des risques pertinente
lisibilité (2,3,17,18). et surtout facile à comprendre par les professionnels,
Une limite de ces divers modes de représentations est l’établissement s’est appuyé sur l’organisation exis-
qu’ils ne permettent de visualiser que deux paramè- tante en matière de gestion des risques et sur les tra-
tres caractérisant le risque. Avec les modèles dévelop- vaux déjà réalisés :
pés ci-après, trois paramètres apparaissent. • le risque incendie est parfaitement réglementé, il est
géré par un chargé de sécurité, assisté d’une équipe
Exemple de mise en œuvre au centre de sécurité. Il fait l’objet de formations, d’exercices
hospitalier d’Aubenas et de contrôle. Ce risque est évalué par un indicateur
développé spécifiquement dans l’établissement (21).
Première application : le document unique • les risques professionnels sont bien définis par le
d’évaluation des risques professionnels document unique et déjà exploités (cf. ci-dessus).
Dans une approche de la gestion globale des risques, • le risque infectieux (dont risques liés à « eau-air-
le centre hospitalier d’Aubenas s’est d’abord intéressé surfaces », déchets, linge, grippe aviaire) est maîtrisé
aux risques professionnels en élaborant le document par l’équipe opérationnelle en hygiène hospitalière
unique prévu par le décret du 5 novembre 2001 (19). et les correspondants en hygiène, il est évalué par les
Le document doit rassembler les preuves d’une iden- enquêtes de prévalence, l’indicateur composite Icalin,
tification globale et exhaustive des dangers pour les il est supervisé par le comité de lutte contre les infec-
travailleurs, et de l’évaluation des risques. Une démar- tions nosocomiales (CLIN).
che participative a permis une identification exhaus- • les risques liés aux produits de santé (médicaments,
tive des situations à risque pour chaque unité de tra- produits sanguins, dispositifs médicaux) sont parfai-
vail, suivie d’une évaluation de leur criticité (produit tement cernés grâce leurs correspondants respectifs,
de la fréquence d’exposition par la gravité des consé- leur système de déclaration et leur traçabilité.

Figure 5 - Cartographie des sinistres déclarés à la SHAM de 1991 à 2000 : répartition des spécialités en fonction
de la fréquence et de la gravité des sinistres déclarés.

600
Coût moyen par sinistre en kF

obstétrique
500

400
anesthésie/
réanimation neurochirurgie
300
chirurgie
200 cardio-vasculaire
chirurgie uro-viscérale orthopédie médecine urgences
100
chirurgie de la face
0
0 500 1000 1500 2000 2500

Nombre total de sinistres

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LA CARTOGRAPHIE DES RISQUES, UN OUTIL DE MANAGEMENT DES RISQUES EN ÉTABLISSEMENT DE SANTÉ 225

Figure 6 - Cartographie des risques professionnels au CH d’Aubenas.


La taille des bulles est proportionnelle à la criticité du risque. La bulle est d’autant plus sombre que le risque est peu maîtrisé.

Hôpital Bellande

Hôpital Boisvignal

Bloc opératoire

Urgences

Consultations externes

Radiologie

Laboratoires

Pharmacie

Magasins transport

Blanchisserie

Ateliers sécurité

Cuisines

Service intérieur

Administrtion Secrétariat

ion e en
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ue
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o
en Ris q Ris Ris Ge psy
Inc Ris

Légende Criticité
1 9 18

1
Sécurité

• le risque électrique est l’objet d’une abondante • le risque alimentaire est maîtrisé par le responsable de
réglementation. Les contrôles et vérifications sont la restauration à l’aide de la démarche HACCP (analyse
organisés et fréquents, les responsabilités identi- des risques par le contrôle des points critiques).
fiées. De plus l’analyse exhaustive de ce risque est • enfin les risques de la vie hospitalière (chutes, escar-
faite périodiquement depuis plusieurs années dans res, dénutrition, fugue, suicide…), les risques médi-
l’établissement avec un indicateur de synthèse (22). caux, les risques naturels, les risques environnemen-
• le risque lié aux fluides médicaux est également bien taux (radon, plomb, amiante, insectes, pollutions…),
encadré et supervisé par la commission locale de sur- la violence et les malveillances font l’objet de déclara-
veillance des gaz médicaux. tions au moyen des fiches d’événements indésirables
• le risque anesthésique fait l’objet d’un suivi spé- mises en place et exploitées collégialement depuis
cifique par les professionnels avec un indicateur plus de quatre ans, et qui alimentent une base de
adapté fruit d’une AMDEC (Analyse des Modes de données déjà conséquente. On classe dans les risques
Défaillance, de leurs Effets et de leur Criticité). médicaux, les soins non pertinents (dont erreur de
• les risques liés aux machines (dont les ascenseurs) patient, erreur de côté à opérer, erreur de diagnos-
et rayonnements ionisants sont bien encadrés par la tic…), les retards des soins, les erreurs dans la réali-
réglementation et sont évalués par vérifications exter- sation, le suivi clinique insuffisant, les complications
nes d’organismes agréés et par un entretien régu- d'actes, l’absence d'information, de consentement du
lier. patient, le non-respect du secret médical.

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226 LA CARTOGRAPHIE DES RISQUES, UN OUTIL DE MANAGEMENT DES RISQUES EN ÉTABLISSEMENT DE SANTÉ

Figure 7 - Échelles de cotations. Au total, on différencie dix-sept familles de risques


qui recoupent la plupart des typologies énoncées pré-
cédemment.
Caractérisation des risques Critères d’analyse
Au centre hospitalier d’Aubenas, les critères de gravité
Fréquence
et de fréquence d’occurrence ont été très classique-
ment retenus, complétés par un critère de sécurité qui
1 une fois par jour et plus mesure l’efficacité dans la maîtrise du risque.
très fréquent dans l'établissement
quotidien Dans chacune des dix-sept familles de risques, plu-
0,75 une fois par jour et plus
fréquent dans l'établissement
sieurs risques élémentaires ont été évalués en fré-
souvent quence et en gravité pour ne retenir que la criticité
0,5 une fois par jour et plus
peu fréquent dans l'établissement la plus élevée représentative de la famille de risques.
occasionnel Par exemple, pour le risque incendie, on compare l’in-
0,25 une fois par millénaire dans l'établissement
très peu fréquent ou une fois par an en France cendie mortel très rare, au départ de feu beaucoup
rare plus fréquent mais aux conséquences limitées. Autre
0 jamais
exemple, on compare les infections nosocomiales
cotation = 2/(2-log10F) avec F fréquence en jours-1 avec décès du patient aux infections qui n’occasion-
nent pas d’événement grave.
La mesure des indices de fréquence, gravité, criticité,
sécurité se fait sur une échelle continue de 0 à 1.
Gravité Outre la facilité de compréhension (0 correspondant
1 décès
à fréquence nulle, gravité nulle, mais aussi sécurité
très grave nulle, et 1 à fréquence maximale, gravité majeure ou
dommage majeur
0,75 menace du pronostic vital ; sécurité totale), ce système permet de coter égale-
grave incapacité permanente ment la criticité (produit de la fréquence par la gravité)
dommage important
0,5 hospitalisation ou de 0 à 1. Chacune de ces échelles est subdivisée en
peu grave prolongation d'hospitalisation quatre pour retrouver les appréciations classiques de
dommage modéré
0,25 blessure ; dommage physique ou moral la littérature (Figure 7).
bénin
dommage mineur
L’indice de fréquence est calculé par une fonction
0 inconfort tout au plus logarithmique de la fréquence réelle des événements
indésirables (voir à ce propos le commentaire de
l’échelle de vraisemblance de DESROCHES et GATECEL
(14)). Cette fréquence est soit relevée dans l’établisse-
Criticité ment quand elle y est mesurable (taux de prévalence
des infections nosocomiales, des escarres, nombre
1
très critique d’accidents du travail, nombre d’incidents médica-
menteux…), soit déduite de statistiques nationales
0,75
critique (incidents transfusionnels, accidents anesthésiques,
Criticité = fréquence x gravité
incendies mortels…) (Figure 8). La fonction a été
0,5
peu critique paramétrée pour obtenir les correspondances entre
0,25 indice et fréquence indiquées dans l’échelle de fré-
très peu critique quence de la figure 7.
0 Pour chacune des dix-sept familles, une criticité
moyenne a ainsi été calculée, sur une échelle conti-
nue de 0 à 1. L’évaluation du paramètre de maîtrise du
risque s’est faite à l’aide du rapport d’activité annuel
de gestion des risques :
Sécurité
• soit à partir d’indicateurs utilisés dans l’établisse-
risque bien
1 suppression du risque ment pour évaluer la sécurité électrique (21), la sécurité
maîtrisé incendie (22), la sécurité anesthésique, la sécurité des
0,75 contrôles périodiques, exercices, gaz médicaux, la maîtrise des dispositifs médicaux ;
risque partiellement analyses a priori et actions préventives
maîtrisé • soit à partir d’indicateurs nationaux (Icalin, préva-
0,5 formation, analyse des incidents,
risque peu maîtrisé équipement spécifiques
lences…)
• soit par utilisation des études déjà disponibles (ris-
0,25 information, consignes, procédures
risque non maîtrisé ques professionnels, rayonnements ionisants…) ;
• soit d’après les notes obtenues lors de la certifica-
0 aucune précaution ni disposition
tion V2 de l’établissement (produits sanguins).

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LA CARTOGRAPHIE DES RISQUES, UN OUTIL DE MANAGEMENT DES RISQUES EN ÉTABLISSEMENT DE SANTÉ 227

Pour représenter l’ensemble des risques étudiés et Figure 8 - Indice de référence, fonction logarithmique de la fré-
faire figurer le niveau de criticité et le niveau de maî- quence réelle.
trise, un simple diagramme en bâtons est utilisé. Au
bâton représentant la criticité, on superpose pour cha- 1
que risque, la « couverture » de ce risque, c’est-à-dire 0,9
son niveau de maîtrise. Un risque parfaitement maî- 0,8

If : Indice de fréquence
trisé aurait un indice de sécurité de 1, soit 100 %, 0,7
d’où une « couverture » à 100 % de ce risque. Inver- If = 2/(2–log10F)
0,6
sement, avec un indice de sécurité de 0, la criticité
0,5
reste entière (Figure 9).
Résultats obtenus 0,4
La figure 9 donne une image précise des risques dans 0,3
l’établissement. Deux risques se détachent quant à 0,2
leur criticité. Il s’agit du risque infectieux et des risques 0,1
de la vie hospitalière (chutes, escarres, dénutrition,
0
fugues, tentatives de suicide…). On n’insistera jamais F : fréquence : 1 10-1 10-2 10-3 10-4 10-5 10-6
assez sur l’importance de ces risques, qui engendrent
des événements indésirables quasiment quotidienne- 1 fois tous les 10 ans

ment avec des conséquences souvent graves de pro- 1 fois par trimestre

longation d’hospitalisation, voire de décès. Ces ris- 1 fois par semaine


ques trop courants ont tendance à être banalisés, et 1 fois par jour
l’intérêt d’une cartographie globale est de leur redon-
ner leur triste importance. Souvent des gestes simples,
comme l’hygiène des mains, suffisent à diminuer les affiche une des plus faibles criticité, avec une fré-
événements indésirables, mais ils doivent être répétés quence plutôt faible et peu de conséquences graves
quotidiennement, et l’habitude les fait négliger. en général, alors que c’est un des risques les plus
Dans notre établissement, le risque médical dans son redoutés. Quand on parle d’insécurité, c’est souvent
ensemble vient en troisième position. Il se caracté- ce risque qui est sous-entendu.
rise par une fréquence beaucoup plus faible que les Pour chaque risque, la différence entre la criticité et
deux précédents, mais la gravité des conséquences est la sécurité (ou niveau de maîtrise) alerte sur des vul-
plus importante. Surtout, c’est le risque médiatique nérabilités plus ou moins marquées.
par excellence, et celui qui donne lieu au plus grand On note une maîtrise du risque médical très incom-
nombre de contentieux. plète. Cela s’explique d’abord par une mauvaise
Les autres risques hospitaliers suivent de près. On appréhension de ce risque, trop peu évalué, avec des
remarquera que le risque « violence et malveillance » événements indésirables restant souvent confidentiels

Figure 9 - Exemple de cartographie globale des risques hospitaliers.


Criticité et sécurité se lisent sur une même échelle à gauche de 0 à 1. Les risques peuvent être hiérarchisés selon leur criticité
ou selon le décalage entre la criticité et la sécurité.

0,75
CRITICITÉ

SÉCURITÉ
0,50

0,25

0,00
ts

s
ux

ité

re

ie
e

ux

ux

s
ica x

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in
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228 LA CARTOGRAPHIE DES RISQUES, UN OUTIL DE MANAGEMENT DES RISQUES EN ÉTABLISSEMENT DE SANTÉ

et très peu exploités. Les contrôles sont très difficiles Conclusion


et d’ailleurs quasi inexistants, les processus de maî- Notre expérience nous amène à quelques recomman-
trise très rarement écrits. On retrouve là l’importance dations qui rejoignent les préceptes de BERWICK et
majeure du développement des recommandations de notamment : faire simple, le faire en équipe, mesurer
pratique clinique (RPC) et des évaluations des prati- avec pragmatisme, simplifier la méthodologie, démar-
ques professionnelles (EPP) dont l’objectif est l’amé- rer le plus tôt possible, diffuser et développer tous
lioration des pratiques. azimuts, surtout arrêter de se plaindre (23) !
On note également les efforts à faire dans la maîtrise Comme c’est le cas avec tous les outils de la qua-
du risque médicamenteux, avec un circuit du médi- lité, la tentation est grande d’en abuser. La démarche
cament à définir précisément et à respecter, et une est alors consommatrice de temps et perd considé-
exploitation des incidents médicamenteux. Concer- rablement de son efficacité. Plutôt qu’une profusion
nant le risque « machines » (ascenseurs, portes de tableaux et de couleurs, il faut savoir se limiter à
automatiques, machines en cuisine, en blanchisserie, deux ou trois cartes essentielles que les professionnels
outillage électro-portatif…), des progrès sont à faire pourront s’approprier facilement si leur présentation
rapidement sur leur identification, puis leur maîtrise est récurrente.
par le développement de dispositifs de protection, et Le recensement trop exhaustif des risques n’a d’inté-
surtout de formation du personnel. rêt qu’intellectuel et s’avère inefficace. Il faut savoir
Ces différents éléments fournissent des pistes pour se limiter à une vingtaine de risques majeurs pour
prioriser des actions d’amélioration dans le cadre d’un éviter la dispersion.
programme global. La cartographie n’est pas une fin en soi. Elle ne pro-
cure que des outils dont la finalité est l’aide à la déci-
sion et surtout les actions d’amélioration. Il faut pren-
dre garde de ne pas y engager toutes ses ressources,
que ce soit en compétences ou en temps.

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RISQUES & QUALITÉ • 2007 - VOLUME IV - N°4

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