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Economies, sociétés,
civilisations
Guitel Geneviève. Comparaison entre les numérations aztèque et égyptienne. In: Annales. Economies, sociétés, civilisations.
13ᵉ année, N. 4, 1958. pp. 687-705;
doi : https://doi.org/10.3406/ahess.1958.2777
https://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1958_num_13_4_2777
aztèque et égyptienne
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ANNALES
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traduire très simplement leur numération parlée en utilisant pour les mots,
dix, cent, mille des signes aussi simples que ceux qu'ils utilisaient pour
nommer les premiers nombres. Tout s'est passé pour eux comme si nous
écrivions le nombre 7 534 sous la forme 7 m 5 с 3 d 4, les lettres m, c,
d signifiant 1 000, 100, 10. Cette écriture des nombres ne suggère
évidemment l'idée de multiplication et d'addition qu'aux seuls mathématiciens !
Il est bien difficile de savoir si l'idée de multiplication était incluse
dans l'esprit des Grecs lorsqu'ils écrivaient 30 000 à l'aide de la lettre M
surmontée de y, il est bien probable qu'ils ne songeaient qu'à trois
myriades, ce qui était déjà très remarquable. L'étude de deux numérations
appliquant le principe d'addition montrera que remplacer les premiers
nombres, — qu'il s'agisse d'unités simples ou des premiers multiples des
puissances de la base, — par des chiffres bien individualisés, dans lesquels
l'unité a disparu, représente un effort intellectuel dont nous ne pouvons
plus mesurer la difficulté.
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que les grains d'encens contenus dans le sac utilisé par les prêtres dans les
cérémonies » (2) [fig. 1].
La numération égyptienne utilisait la base 10. L'unité était
représentée par un petit trait vertical ; la dizaine par un signe ressemblant à un
CHIFFRES 1
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Justifions le choix de cet exemple : il nous aurait plu d'utiliser une constante
universelle, la vitesse de la lumière 299 776, exprimée en km par seconde ; mais ce nombre,
supérieur à 160 000, ne pouvant être représenté correctement avec les quatre chiffres
de la numération aztèque, un cinquième chiffre eût été indispensable. Les numérations
aui utilisent le principe d'addition ne peuvent en effet fixer le nombre de leurs chiffres :
dépend de la grandeur du nombre qu'on veut représenter symboliquement. Le
nombre 31 416 n'a pas été choisi au hasard, on reconnaît 3,1416 multiplié par 10 000 ;
de sorte que le nombre obtenu est en même temps inférieur à 160 000 et supérieur a
8 000, ce qui permet d'utiliser les quatre chiffres de la numération aztèque. — Aucune
difficulté pour écrire 31 416 à l'aide de la numération égyptienne, mais son écriture à
l'aide de la numération aztèque exige un véritable calcul du fait que la base 20 est
substituée à la base 10 :
31 416 = 3x8 000 + 18 X 400 + 10 X 20 + 16, ce qu'on pourrait convenir d'écrire
symboliquement 3.18.10.16.
fer à cheval ; la centaine par une spirale ; mille par un lotus, exquisement
dessiné, avec son pied ; dix mille par un index levé, cent mille par un
têtard, un million par un dieu qui lève les bras en l'air (13) [fig. 1].
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Signalons en passant une erreur qui s'est glissée dans Cajori (4)
relativement à 105, qui, nous venons de le voir, est représenté par un têtard.
Malgré l'habituelle beauté des hiéroglyphes égyptiens, le dessin de cet
animal est très maladroit, on pourrait aussi bien le prendre pour un
reptile des temps secondaires que pour un têtard ! Dans l'ouvrage de
Cajori il s'agit d'un bel oiseau, qu'il nomme a burbot ; cet oiseau
ressemble à un pigeon, métamorphose inattendue de ce têtard, destiné du
reste à jouer par la suite un rôle important.
L'ordre dans lequel sont placés les divers chiffres, qui constituent la
représentation symbolique d'un nombre, aura pour l'évolution de ces
numérations une très grande importance. On considère, en général, que
cet ordre va de soi : il semble très naturel qu'on commence par les plus
grandes puissances de la base, puis qu'on dispose ensuite les chiffres les
uns à côté des autres en utilisant les puissances décroissantes de la base
et en terminant par les unités simples. C'est bien ainsi que les choses
finiront par se passer, mais se limiter à ne présenter qu'un seul exemple
de nombre, alors que l'ordre hiérarchique est fixé, c'est simplifier
dangereusement la question et trahir une partie de son intérêt.
Limitons-nous, tout d'abord, à l'écriture hiéroglyphique, ce qui, au
sens moderne du mot, signifie l'écriture gravée par opposition à
l'écriture hiératique dessinée sur papyrus (8). Nous étudierons ultérieurement
cette dernière écriture, car son intérêt est très .grand. Les signes
hiéroglyphiques étaient disposés en lignes verticales ou en lignes horizontales.
Dans ce dernier cas, ils peuvent alors se lire de droite à gauche ou de
gauche à droite. Le sens est indiqué par les signes représentant des hommes
ou des animaux : ceux-ci tournent la tête du côté par lequel l'inscription
se lit. Il ne s'agit donc pas d'une écriture boustrophédon ; pour une
inscription déterminée, toutes les lignes du texte se lisent dans le même sens,
du reste visible au premier coup d'œil (1).
Le fait que les Egyptiens n'avaient pas une direction privilégiée pour
leur écriture complique évidemment leur numération écrite, mais que
serait-il arrivé si leur écriture avait été une écriture boustrophédon ?
Je ne connais malheureusement aucun texte d'une écriture boustrophédon
contenant des parties numériques, mais je puis signaler que dans les
hiéroglyphes de l'île de Pâques, les signes qui représentent une figure
humaine sont placés, pour le lecteur du bois gravé, la tête en haut quand
on écrit de gauche à droite et la tête en bas lorsque l'écriture s'écrit de
droite à gauche ; le sens dans lequel on écrit oriente les signes, au sens
mathématique du mot.
Chez les Egyptiens, cette idée d'ordre hiérarchique pour l'écriture
d'un nombre s'est fixée de bonne heure, qu'il s'agisse d'une inscription
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Telle qu'elle était, avec son ordre rigoureux, ses chiffres semblables
bien groupés, la numération égyptienne devait à la stricte application
du principe d'addition une certaine capacité d'être utilisée pour le calcul.
Il a existé une arithmétique égyptienne ; nous ne savons pas encore
grand-chose de l'arithmétique aztèque. Il est vrai qu'en Egypte une
multiplication n'est qu'une série de duplications successives que la numération
est parfaitement apte à formuler. Tout se passe comme si le
multiplicateur avait été écrit dans le système de base deux, — de manière
parfaitement inconsciente, évidemment. <
Signalons que la multiplication d'un nombre par dix était
particulièrement aisée, puisqu'il suffisait de substituer à chaque chiffre celui qui
correspondait à la puissance de dix immédiatement supérieure (10).
L'inconvénient majeur des numérations qui utilisent le principe
d'addition réside dans le nombre important de chiffres qu'il faut écrire lorsqu'on
veut représenter de grands nombres et la morne répétition de ces chiffres
devient rapidement fatigante.
Le plus grand nombre que pouvaient écrire les Aztèques était 159 999
et l'on ne pouvait le réaliser correctement qu'en juxtaposant 19 sacs à
encens, 19 arbres, 19 drapeaux, 19 petits cercles, soit au total 76 chiffres.
Même chez les Egyptiens, pour écrire 9 999 999, il aurait fallu 63 chiffres.
En général, dans ces numérations, des irrégularités s'introduisent à la longue
pour diminuer le nombre de chiffres, afin de simplifier leur écriture.
Ces irrégularités sont de valeurs intellectuelles inégales ; ni la
numération égyptienne, ni la numération aztèque n'ont introduit de nouveaux
chiffres destinés par exemple à remplacer par un symbole unique certains
diviseurs de la base ou des puissances de la base. Cette dernière est restée
pure ; elle ne s'est pas croisée avec un sous-multiple de cette base comme
dans le système grec hérodien ou dans le système latin, dont l'évolution
s'est trouvée ainsi stoppée définitivement, l'écriture des nombres devenant
en outre impropre au calcul.
Il nous faut signaler que de bons ouvrages prêtent justement aux
Aztèques une irrégularité simplificative de cette nature, mais ils n'en sont
aucunement responsables.
Le petit arbre qui figure 400 peut en effet perdre un quart de ses
branches, il signifie alors 300 ; s'il en perd la moitié, il devient 200 ; et les
trois quarts, il ne signifie plus que cent. On fait ainsi une appréciable
économie de drapeaux, mais ce chiffre, si intelligemment mutilé, ne s'observe
que dans les textes qui ont été écrits après la conquête : cette introduction
de fractions d'une des puissances de la base est d'origine espagnole et
perd ainsi tout intérêt spécifiquement aztèque. Tous les spécialistes
modernes de cette dernière civilisation, G. С Vaillant, H. J. Spinden,
J. E. Thompson, C. A. Burland sont d'accord pour rejeter cette
irrégularité de la numération aztèque, irrégularité qui pouvait passer pour un
progrès en se plaçant au seul point de vue de la rapidité de l'écriture.
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-DOCUMENTS EGYTIENS-
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■DOCUMENT AZTEQUE-
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ANNALES
COMMENTAIRE DE LA FIGURE 3 :
Sept villes sont nommées sur cette page ; I, Tochpan ; — II, Tlalti-
çapan ; — III, Ciyateopan; — IV, Papantla; — V, Ocelotepec; — VI, Miaua
apan ; — VII, Mictlan.
Les objets que ces villes devaient fournir comme tribut aux seigneurs
de Mexico sont les suivants :
1 : 400 capes de tissu quadrillé noir et blanc.
2 : 400 capes de tissu richement travaillé en rouge et blanc, vêtements de
seigneurs.
3 : 400 pagnes (maxtlatl).
4 et 5 : 400 grandes capes blanches de 4 brazas
(2 longueurs).
6 et 7 : 400 capes de huit brazas (4 longueurs)
chacune, rayées orange et blanc-
8 : 400 grandes capes blanches de 8 brazas
(4 longueurs) chacune.
9 : 400 capes rayées vert, jaune et rouge
(1 longueur).
10 : 400 tuniques et jupes de femmes.
11, 12, 13 : 80 capes richement travaillées en
rouge, blanc et noir, que portaient
les seigneurs et les caciques.
Tous ces vêtements étaient payés en tribut tous les six mois.
14 et 15 : 1 vêtement de guerrier avec son bouclier, richement décoré de
plumes.
16 et 17 : 400 balles ďaxi sec.
18 : 20 saes de petites plumes blanches destinées à garnir les capes.
19 et 20 : 1 rang de perles de jade.
21 : 1 rang de belles pierres de turquoise.
22 et 23 : 1 plaque incrustée de belles pierres de turquoise.
Tous ces objets devaient être livrés une fois par an.
(D'après le commentaire de James Cooper Clark.)
Ce commentaire traduit les explications données en espagnol par le
prêtre chargé de rendre intelligibles en Europe les hiéroglyphes aztèques.
Cette page du Codex Mendoza a été choisie parce qu'elle renferme
plusieurs exemples de nombres qui ont été lus de manière erronée : 402, 404,
408. Le texte espagnol, qui utilise les chiffres romains, est parfaitement
clair ; l'élégante écriture est très lisible : il s'agit toujours du nombre 400
écrit à la manière ancienne, la lettre С étant répétée quatre fois.
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COMMENTAIRE DE LA FIGURE 6 :
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ANNALES
L'exemple le plus intéressant que cite Kurt Sethe (13) est celui de
10 100 000. Pour le représenter, en l'absence du signe pour un million,
11 aurait fallu dessiner 101 têtards. Même le grave égyptologue signale
l'ennui qu'il y aurait eu à dessiner ou à graver ce « grouillement de
têtards ». Les Egyptiens résolurent le problème en ne dessinant qu'un
têtard placé au-dessus du nombre 101 correctement écrit : une spirale
suivie d'un trait vertical.
Voici une condensation d'écriture qui fait passer la numération
égyptienne du type d'addition au type mixte, sous la forme utilisée par les
Grecs. L'écriture des nombres devient ainsi plus abstraite ; cette
abstraction est du reste curieusement réalisée par l'introduction de deux
directions perpendiculaires, aussi bien pour le scribe égyptien qui écrit sur un
papyrus que^ffcnir le scribe grec qui utilise une tablette de cire. Nous
venons de voir combien l'introduction d'une direction orientée suivant le
sens de l'écriture a été importante ; maintenant il s'agit d'une direction
perpendiculaire à la précédente, mais ici le choix du sens est indifférent.
L'introduction de deux directions privilégiées relatives à un rectangle
a donc permis à l'écriture des nombres une simplification qui ne comporte
aucune ambiguïté ; il est remarquable que cette influence de la géométrie
sur l'arithmétique ait accentué le caractère abstrait de l'écriture des
nombres.
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trouve pour 40 000, pour 70 000 ; elle s'étend aussi au lotus pour 4 000,
5 000 (fig. 2).
Kurt Sethe signale, avec étonnement semble-t-il, qu'il a trouvé dans
des textes contemporains des précédents le nombre 660 000 écrit avec
6 têtards et avec 6 index. Cet exemple est intéressant, car il était plus
difficile de l'écrire sous forme condensée que les exemples précédents. S'il
s'était agi de 600 000 ou de 60 000, aucune difficulté ; s'il s'était agi
de 6 600 000, la disparition du symbole pour le million obligeait, soit de
dessiner 66 têtards, soit d'employer la méthode abrégée, — ce que le
scribe aurait sûrement fait. Mais 660 000, c'est tout différent ; il n'était
pas naturel de dessiner 66 index ou d'employer la méthode abrégée,
puisque le signe pour 100 000 n'était pas tombé en désuétude ; mais il
était sûrement encore plus hardi de dessiner 1 têtard surmontant 6 unités,
suivi de 1 index surmontant 6 autres unités. Avec cette écriture une voie
nouvelle pouvait s'ouvrir pour la numération égyptienne ; la notation
abrégée, au lieu d'être une exception, serait devenue la règle, et le système
hybride aurait été intégralement appliqué comme dans le vieux système
chinois. L'écriture aurait été grandement simplifiée ; mais il y a beaucoup
plus : le fait que la hiérarchie des puissances a été observée, que les nombres
s'écrivent de gauche à droite en commençant par les puissances les plus
élevées, prouve qu'on aurait pu conserver uniquement les signes inférieurs
et écrire n'importe quel nombre en utilisant uniquement le symbole qui
représente l'unité. L'index, le lotus, la spirale, le fer à cheval deviennent
inutiles, ils peuvent donc être sous-entendus (fig. 2).
Qu'on ne se récrie pas qu'il s'agit d'une imagination artificielle et que
la numération dite « de position » ne peut s'introduire, pour une base n
quelconque, que si l'on invente n — 1 signes distincts pour écrire les
n — 1 premiers nombres et un ne signe pour indiquer l'absence d'unité
dans une collection. C'est cette conception rigide qui est artificielle :
elle représente le fruit de la méditation du mathématicien qui veut
caractériser la réalisation d'un outil parfait, mais une étude approfondie nous
apprend que l'outil n'est devenu parfait que par épurations successives
de systèmes compliqués *.
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Geneviève Guitel.
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BIBLIOGRAPHIE
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