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A PARAITRE

DROITS FONDAMENTAUX ET POLITIQUES DE SOLIDARITÉ AU PRISME


DE L’ACTION SOCIALE DE LA PREMIÈRE DAME DU CAMEROUN

Actes du Colloque organisé du 1er au 3 novembre 2016, Université de Yaoundé II


Colloque sur le thème :
Sous la Direction du Pr. Adolphe MINKOA SHE
SOMMAIRE
NOTE DE PRÉSENTATION .................................................................................................................................. 1
DISCOURS D’OUVERTURE, PROFESSEUR JACQUES FAME NDONGO, MINISTRE DE
L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR, CHANCELIER DES ORDRES ACADÉMIQUES. ......................................... 3
PROLOGUE, PROFESSEUR ADOLPHE MINKOA SHE, RECTEUR DE L’UNIVERSITE DE YAOUNDE II--
PRESIDENT DU COMITE SCIENTIFIQUE DU COLLOQUE. ............................................................................. 9
PREMIERE PARTIE : .......................................................................................................................................... 20
LA PREMIERE DAME DU CAMEROUN : APPROCHES ANTHROPOLOGIQUE, HISTORIQUE ET
INSTITUTIONNELLE. ......................................................................................................................................... 20
HISTOIRES DES PREMIERES DAMES AU CAMEROUN DEVENU SOUVERAIN. LES ACTIONS DES PREMIERES DAMES AU
CAMEROUN : QUELLE PROFONDEUR HISTORIQUE ? PROFESSEUR DANIEL ABWA, HISTORIEN, UNIVERSITE DE
YAOUNDE I............................................................................................................................................................ 21
LA FEMME DU CHEF EN AFRIQUE : LES SECOUSSES FEMININES DANS LES MAILLES DU POUVOIR , PROFESSEUR JEAN
NJOYA, POLITOLOGUE, UNIVERSITE DE YAOUNDE II. ............................................................................................... 31
LE CADRE INSTITUTIONNEL DE L’ACTION SOCIALE DE LA PREMIERE DAME. PROFESSEUR ALAIN ONDOUA,
UNIVERSITE DE YAOUNDE II.................................................................................................................................... 61
TRAJECTOIRE HISTORIQUE ET INSTITUTIONNELLE DE L’ACTION DE LA PREMIERE DAME. PROFESSEUR LOUIS
MARTIN NGONO, POLITOLOGUE, UNIVERSITE DE YAOUNDE II.................................................................................. 83
DEUXIEME PARTIE : ........................................................................................................................................ 109
LES DROITS FONDAMENTAUX AU CŒUR DE L’ACTION DE LA PREMIERE DAME ......................... 109
TYPOLOGIE DES DROITS FONDAMENTAUX DANS L’ACTION DE LA PREMIERE DAME AU CAMEROUN. MONSIEUR
GHISLAIN BOMBELA MOSOUA, CHERCHEUR-DOCTORANT EN DROIT PUBLIC, UNIVERSITE DE YAOUNDE II (CAMEROUN)
.......................................................................................................................................................................... 110
LES MECANISMES NON-CONVENTIONNELS DE GARANTIE DES DROITS FONDAMENTAUX DANS L’ACTION DE LA
PREMIERE DAME. PROFESSEUR BERNARD-RAYMOND GUIMDO DONGMO, UNIVERSITE DE YAOUNDE II. ............... 135
LE DROIT A L’EDUCATION DE LA FEMME : UN DROIT FONDAMENTAL ? PROFESSEUR THERESE ATANGANA-
MALONGUE, AGREGEE DES FACULTES DE DROIT- UNIVERSITE DE YAOUNDE II (CAMEROUN) .................................. 156
LE DROIT A LA FAMILLE AU CAMEROUN. DR. NDJOLO VODOM FRANK ELVIS, ENSEIGNANT-CHERCHEUR, UNIVERSITE
DE YAOUNDE II.................................................................................................................................................... 181
TROISIEME PARTIE : ....................................................................................................................................... 205
DIMENSIONS PUBIQUE ET INTERNATIONALE DES ACTIONS DE LA PREMIERE DAME ................ 205
LA NOTION DE POLITIQUES PUBLIQUES ENTRE SENS ET PUISSANCE. PROFESSEUR CELESTIN T. KAPTCHOUANG,
POLITISTE- UNIVERSITE DE YAOUNDE II, M. AUXENCE AUGUSTIN KOA, UNIVERSITE DE YAOUNDE II, M. JEAN-PIERRE
BIWONI AYISSI, UNIVERSITE DE DOUALA ........................................................................................................... 206
L’ACTION SOCIALE DE LA PREMIERE DAME DU CAMEROUN ENTRE ENGAGEMENT HUMANITAIRE, ETHIQUE
SOLIDAIRE, MOBILISATION SOCIALE ET ECHANGE POLITIQUE. PR MATHIAS ERIC OWONA NGUINI, POLITOLOGUE,
UNIVERSITE DE YAOUNDE II.................................................................................................................................. 232
DE QUOI LES ACTIONS SOCIALES D’UNE PREMIERE DAME SONT-ELLES LE NOM ? PROFESSEUR NADINE
MACHIKOU, POLITOLOGUE, UNIVERSITE DE YAOUNDE II. .................................................................................... 257
LA RECONNAISSANCE INTERNATIONALE DES ACTIONS DE LA PREMIERE DAME : UN ATOUT POUR LA DIPLOMATIE
CAMEROUNAISE ? PROFESSEUR BRUSIL MIRANDA METOU, AGREGEE DES FACULTES DE DROIT- UNIVERSITE DE YAOUNDE
II. ...................................................................................................................................................................... 277
QUATRIEME PARTIE : ..................................................................................................................................... 297
PLAIDOYER POUR LE SOUTIEN A LA CAUSE ENVIRONNEMENTALE, CULTURELLE ET SPORTIVE
.............................................................................................................................................................................. 297
LA PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT : UNE CAUSE NOUVELLE DANS L’AGENDA DE LA PREMIERE DAME.
MONSIEUR HERVE MVONDO MVONDO, ATTACHE DE RECHERCHE / MINRESI / CNE ........................................... 298
POLITIQUES PUBLIQUES DE LA CULTURE AU CAMEROUN : UN REGARD A PARTIR DES IMPLICATIONS DE LA
PREMIERE DAME. DR. MICHEL OYANE, POLITOLOGUE, UNIVERSITE DE YAOUNDE II. ............................................ 319
L’APPORT DE MADAME CHANTAL BIYA DANS LA PROMOTION DU DROIT AU SPORT AU CAMEROUN : ANALYSE A
PARTIR DE SON ACTION SOLIDAIRE POUR LE RAYONNEMENT DU CYCLISME . DOCTEUR CLAUDE BEKOMBO JABEA,
DIPLOMATE- MINREX......................................................................................................................................... 343
LES TEMOIGNAGES ......................................................................................................................................... 357
LE CIRCB ORGANE STRATEGIQUE POUR LA VISION DE LA PREMIERE DAME. PROFESSEUR ALEXIS NDJOLO,
DIRECTEUR DU CIRCB. ....................................................................................................................................... 358
LA REPRODUCTION HUMAINE : UN DROIT FONDAMENTAL FEMININ. PROFESSEUR JEAN MARIE KASIA,
ADMINISTRATEUR DIRECTEUR GENERAL CHRACERH ............................................................................................ 369
LES ŒUVRES DE MADAME CHANTAL BIYA DANS LA LUTTE CONTRE LE VIH/SIDA ET LES SOUFFRANCES.
MONSIEUR JEAN STEPHANE BIATCHA, SECRETAIRE EXECUTIF DE SYNERGIES AFRICAINES ........................................ 388
LES MISSIONS ET ACTIONS DU CERAC. DOCTEUR LINDA YANG, COORDONNATRICE GENERALE DU CERAC ......... 392
L’IMPACT DE L’ACTION SOCIALE DE LA PREMIERE DAME SUR LA MISE EN ŒUVRE DE LA POLITIQUE
D’ASSISTANCE SOCIALE DU GOUVERNEMENT. MADAME PAULINE IRENE NGUENE, MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES
.......................................................................................................................................................................... 403
LA PREMIÈRE DAME DU CAMEROUN ET L’EFFICACITÉ DE LA POLITIQUE ENVIRONNEMENTALE AU CAMEROUN.
MONSIEUR HELE PIERRE, MINISTRE DE L’ENVIRONNEMENT, DE LA PROTECTION DE LA NATURE ET DU DÉVELOPPEMENT
DURABLE ............................................................................................................................................................ 415
SYNTHESE DES TRAVAUX DU COLLOQUE. PROFESSEUR ADOLPHE MINKOA SHE, RECTEUR DE
L’UNIVERSITE DE YAOUNDE II--PRESIDENT DU COMITE SCIENTIFIQUE ............................................ 423
NOTE DE PRÉSENTATION

Telle une institution, le concept de « Première Dame » s’est progressivement imposé


dans la vie publique que ce soit en Afrique ou ailleurs. Historiquement, il désignait le premier
personnage féminin dans l’ordre protocolaire d’un Etat monarchique (impératrice, régente ou
bien la mère du souverain). De nos jours, il est utilisé pour désigner la conjointe de tout Chef
d’Etat (ou Chef de Gouvernement dans le régime parlementaire), qu’elle dispose ou non
d’attributions protocolaires. Au Cameroun, l’évolution du statut de la Première Dame est
intimement liée à l’histoire politique, à l’institution présidentielle et donc au pouvoir exécutif.
Si aucun texte légal ne lui reconnait une fonction officielle, son implication et ses
nombreuses actions dans des domaines divers et variés en revanche, permettent de parler
autrement au point de lui conférer de « fait » une fonction officielle. Ces actions doivent
davantage être considérées comme relevant de ce que les spécialistes des politiques publiques
appellent le bottom-up c’est-à-dire les approches par le bas. Son rôle n’étant pas un rôle officiel
au sens théorico-constitutionnel, son dynamisme peut épistémologiquement être analysé sous
le prisme du volontarisme individuel, de l’engagement personnel, de l’attachement à la
personne humaine et donc de la promotion de la dignité humaine.
La promotion et la préservation de la dignité humaine sont sans doute au cœur des
objectifs visés par les Nations Unies. En effet, depuis la Déclaration des Droits de l’Homme et
du Citoyen du 26 Août 1789, il est clairement affirmé à la lecture de l’Article 16que : « Toute
société dans laquelle la garantie des Droits n’est pas assurée, (…), n’a point de Constitution
». Ce principe fondamental de promotion des Droits Fondamentaux sera réaffirmé plus tard
avec la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 10 Décembre 1948. Depuis lors,
chaque Etat est appelé à élaborer des politiques publiques visant à promouvoir et à protéger les
Droits de l’Homme dans leur diversité. S’arrimant à cette Déclaration, le Cameroun a depuis
son accession à la souveraineté internationale mené des actions visant à favoriser la promotion
et la protection des droits fondamentaux, notamment l’accompagnement des différents acteurs
qui sont engagés dans ce processus.
Le partenariat public-privé dans le domaine de la promotion et la préservation des droits
fondamentaux est assez remarquable. Parallèlement aux actions étatiques, les acteurs privés et
notamment ceux de la société civile, apportent une part contributive considérable à la promotion
de la dignité humaine. C’est dans ce cadre que s’inscrivent les actions sociales de Madame
Chantal BIYA, Première Dame du Cameroun. Loin d’être inscrit dans une opération de
marketing politique pure et simple, l’engagement humanitaire et humaniste de Madame Chantal

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BIYA, lui a valu de nombreuses reconnaissances internationales pour ses actions décisives
contribuant indéniablement à la promotion et la préservation de la dignité humaine.
D’abord, Madame Chantal BIYA crée la Fondation Chantal BIYA en 1994, laquelle
bénéficie du statut consultatif spécial du Conseil Economique et Social des Nations Unies.
Ensuite, en 2002 elle fonde et préside Synergies Africaines. Depuis le 14 Novembre 2008, elle
est Ambassadrice de Bonne Volonté de l’UNESCO, puis en 2015 elle devient Ambassadrice
Spéciale de l’ONUSIDA. Enfin elle a été faite à Paris le 09 avril 2016 Lauréate d’Or avec
Cordon du Grand Prix Humanitaire de France (GPHF). Son engagement humanitaire impose
respect et admiration dans l’opinion publique nationale et internationale.
Ces actions qui sont visibles dans les domaines de l’éducation, de la santé, du soutien à
la cause de la femme et de la jeune fille etc., s’inscrivent en droite ligne des exigences du pacte
de 1966 sur les droits économiques, sociaux et culturels. Ses actions constantes, permanentes
et incessantes intéressent la Communauté universitaire à plus d’un titre qui se propose de jeter
un regard scientifique sur elles comme des opérations relevant de dispositifs complémentaires
aux politiques publiques nationales et surtout une volonté manifeste d’œuvrer à la promotion et
à la protection des Droits Fondamentaux. Madame Chantal BIYA serait donc une actrice
majeure de ce qu’on pourrait « oser » appeler au Cameroun « les politiques parapubliques » ;
concept nouveau susceptible d’analyses convergentes ou divergentes.
L’Université de Yaoundé II, berceau national de l’enseignement et de la recherche en
matière de sciences juridiques et politiques avec différents partenaires techniques et
institutionnels, se propose d’organiser ainsi du 1erau 3 novembre 2016 dans la Salle des Actes
de l’Université de Yaoundé II ce Colloque dont le thème retentissant est « Droits
Fondamentaux et Politiques de Solidarité au prisme de l’Action Sociale de la Première Dame
du Cameroun ».
But
Le but recherché dans l’organisation de ce Colloque est de poser un regard critique,
analytique et constructif sur les actions sociales de la Première Dame du Cameroun (substance,
valeur, fonctions et portée), et d’en faire le lien avec le monde universitaire qui s’intéresse aux
questions de Droits de l’Homme et de Politiques publiques à travers divers enseignements.

Objectifs
Les objectifs poursuivis par ce Colloque sont d’ordres général et spécifique:

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• Objectif général
Mener une réflexion pour une éventuelle institutionnalisation du statut de la Première
Dame. Réunir des Enseignants, des Experts nationaux et internationaux, des Responsables des
structures en charge de la mise en œuvre de la vision et de la philosophie de la Première Dame,
pour poser un regard transversal sur les actions sociales de cette personnalité au Cameroun
comme des actions inscrites dans l’agenda de l’ONU, de ses organismes spécialisés et des Etats.
• Objectifs spécifiques

➢ Inventorier les actions sociales de la Première Dame au Cameroun ;


➢ Produire des Actes du Colloque qui contribueront à enrichir la recherche opérationnelle
au niveau universitaire et même dans le milieu professionnel, et qui serviront de
propositions de nouvelles idées pour les actions à venir de la Première Dame au
Cameroun.
➢ Construire un cadre interdisciplinaire (sciences du gouvernement, sciences médicales,
sciences historiques…) permettant de penser la figure et les actions de la Première Dame
du Cameroun.
Articulations et Méthodologie
➢ Conférence d’ouverture : elle réunira les responsables des pouvoirs publics, des
Missions diplomatiques, des Organisations Internationales, des Universités et de la
Société Civile.
➢ Tables-rondes : elles porteront sur des sous-thèmes précis en rapport avec le thème
général du Colloque et seront animés par différents Experts.
➢ Conférence de clôture : une restitution des travaux sera faite par le Comité scientifique
assortie de recommandations fortes.
➢ Animations culturelles : elles porteront essentiellement sur des intermèdes artistiques
de l’ouverture à la clôture du colloque.
➢ Photo de Famille. /

DISCOURS D’OUVERTURE, Professeur Jacques FAME NDONGO, Ministre de


l’Enseignement Supérieur, Chancelier des Ordres Académiques.

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- Mesdames et Messieurs les membres du Gouvernement,
- Mesdames et Messieurs les membres du Corps Diplomatiques,
- Mesdames et Messieurs les Responsables des Organisations Internationales,
- Monsieur le Secrétaire exécutif de Synergies africaines,
- Madame la Coordonnatrice générale du CERAC,
- Madame la Secrétaire générale de la Fondation Chantal BIYA,
- Madame l’Epouse du Président du Sénat,
- Madame l’épouse du Président de l’Assemblée Nationale,
- Monsieur le Secrétaire Général du Conseil Economique et Social,
- Monsieur le Préfet de la Mefou et Afamba,
- Monsieur le Recteur de l’Université de Yaoundé II,
- Monsieur le Recteur de l’Université de Yaoundé I,
- Monsieur le Président du Comité scientifique et du Comité d’organisation du Colloque,
- Mesdames et Messieurs les Vice-Recteurs, Secrétaires Généraux, Chefs
d’Etablissements,…
- Monsieur le Représentant – Résident du Bureau de l’AUF en Afrique centrale,
- Monsieur le Sous-Préfet de Soa,
- Monsieur le Maire de la Commune de Soa,
- Leurs majestés les Autorités traditionnelles, gardiens de la tradition millénaire,
- Mesdames et Messieurs les participants, Experts-Intervenants, Responsables
institutionnels et Modérateurs,
- Mesdames et Messieurs les Professeurs, Maître de conférences, Chargé de cours,
assistants, ATER, moniteurs, Personnel d’appui,
- Chers étudiants,
- Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,

De prime abord, il me fait plaisir d’exprimer ma très déférente gratitude à S.E.M le


Premier Ministre, Chef du Gouvernement, qui a bien voulu me créditer de l’insigne honneur de
le représenter ici à l’Université de Yaoundé 2, à l’occasion du colloque sur les Droits
fondamentaux et politiques de solidarité au prisme de l’action sociale de la Première Dame du
Cameroun.

Ceci dit, je vais m’employer, maintenant, à expliquer les fondements scientifiques de ce


Colloque que le Premier Ministre, Chef du Gouvernement, parraine à bon escient.

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Si tant est que, comme l’affirme l’éminent sociologue Emile Durkheim, il faille
considérer les faits sociaux comme des choses, c’est-à-dire des objets observables froidement
et susceptibles d’être analysés scientifiquement, loin de toute subjectivité, pour tirer de ce
décryptage des lois universelles et intangibles, force est de connaitre, également, comme le
soulignait Protagoras, dans l’Antiquité grecque, que l’homme est la mesure de toute chose.
L’homme dans sa totalité, être de sang, de chair, d’esprit qui a besoin de repères dans un monde
de plus en plus mécanisé, déshumanisé, techniciste où l’homme est, parfois, en pleine
déréliction. Comment, dès lors, ne pas féliciter les organisateurs de ce Colloque qui, par-delà
la science juridique, politique, économique ou historique ont introduit une notion-clé dans ce
banquet intellectuel : la solidarité, assorti d’un concept corrélatif : l’action sociale et d’un
sujet-acteur : la Première Dame du Cameroun, dans son prolongement de la politique sociale
et humaniste de Son illustre époux, Son Excellence Paul BIYA.

Car sans solidarité, sans action sociale et humanitaire, le monde ne serait plus qu’un
conglomérat de machines et de personnes en zombies, l’homme devenant un loup pour l’homme
(homo homini lupus) selon la célèbre phrase de Plaute, reprise par Hobbes. Le défi et
l’originalité épistémologiques de cet important colloque consistent dans le maillage objectif
entre un thème à forte connotation humaine voire humanitaire (solidarité, action sociale,
Première Dame) et une grille de lecture scientifique, objective, quantifiable et vérifiable.

Est-ce à dire que les faits sociaux puissent être décodés stricto sensu, comme la matière
inerte (objet de la géologie) ou vivante (objet de la biologie) ? Les sciences sociales ou
humaines peuvent-elles entretenir des rapports d’homologie structurelle avec les sciences de la
matière ou les sciences expérimentales voire mathématiques ? Si Aristote précisait qu’un
l’homme est un animal social, le baron de Montesquieu énonçait, lui, que les faits sociaux
obéissent à des lois nécessaires. Mais c’est au 19ème siècle, d’abord avec Auguste Comte,
ensuite avec Durkheim que la sociologie se constitue comme science. Une science de plus en
plus transversale qui sous-tend, parfois, le droit, l’économie, la médecine etc. Durkheim répond
à cette question épistémologique : « le principe : traitons les faits sociaux comme des choses
n’est pas une affirmation doctrinale, mais une règle méthodologique. Il s’agit de considérer les
faits sociaux de l’extérieur : la chose s’oppose à l’idée comme ce que l’on connait du dehors à
ce que l’on connait du dedans. Nous sommes nous-mêmes témoins et acteurs dans les faits
sociaux, mais nous ne les connaissons scientifiquement la lumière, du seul fait que nous la
voyons empiriquement » (Les règles de la méthode sociologique).

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Sur un autre plan, la sémiologie nous apprend que tout est texte : texte matériel, texte
environnemental, texte linguistique, texte architectural, texte vestimentaire, texte
comportemental, texte métaphysique, texte biologique, texte social, texte mathématique et j’en
passe.

L’homme de science ne se contente pas de voir, constater, de sentir, de s’émouvoir, de


frissonner, d’aimer ou de haïr, de sublimer ou de détester, voire dénigrer.

En sublimant outrancièrement ou en dénigrant systématiquement, l’homme est englué


dans le mythe de la caverne dont parlait Platon, le monde des émotions, des sentiments, des a
priori, des fantasmes, des allégories, des élucubrations et des ténèbres, loin de la Lumière de la
Raison. Sa devise pourrait être : « tout, sauf la science ». Or, l’homme de science (juriste,
politiste, sociologue, historien, géographe, démographe, psychologue, sémioticien, économiste,
biologiste, physicien, mathématicien, linguiste, communicologue etc.) transcende ses
sentiments, ses tendances, ses instincts et se situe au-dessus des idées frelatées ou faisandées de
l’homme à la mentalité magique ou pré-logique.

L’homme de science étudie les lois objectives qui régissent le fonctionnement du texte,
quel qu’il soit (inerte ou vivant, social ou physique, idéel ou matériel). Il décrypte les lois
scientifiques, selon une méthode chère à Gaston Bachelard : « observateur, hypothèse
vérification, loi ». Il rend le texte visible, lisible, intelligible, comme le géologue décrypte la
roche, l’entomologiste dissèque l’insecte, le phonéticien décode les sons d’une langue, le juriste
analyse les composantes. L’observation, construit un système de signes, une sémiotique
objective et rigoureuse. C’est fort de ces préalables méthodologiques inoxydables que le
Ministre de l’Enseignement Supérieur, Chancelier des Ordres académiques, apporte sa caution
institutionnelle et régalienne à ce colloque au titre évocateur : « Droits fondamentaux et
politiques de solidarité au prisme de l’action sociale de la Première Dame du Cameroun »
que l’Université de Yaoundé 2 et ses partenaires stratégiques ont décidé d’organiser. Ce
colloque bénéficie de l’onction de la haute hiérarchie étatique et notamment gouvernementale
car, il faut le rappeler, le présent Colloque est placé sous le Haut Parrainage de Monsieur le
Premier Ministre, Chef du Gouvernement, Son Excellence Philemon YANG.

Questionner la dimension heuristique de l’œuvre sociale de la Première Dame du


Cameroun est une tache exaltante. Depuis des décennies, Madame Chantal BIYA s’est affirmée
en posant des actions sociales et humanitaires au plan national et international ; ces actions lui

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ont valu de nombreuses reconnaissances au plan international et ont reçu un accueil
enthousiaste à l’échelon mondial.

Il n’est pas inutile de le rappeler que tout fait social, dans la perspective durkheimienne
peut faire l’objet d’une analyse scientifique.

Il ne s’agit pas d’aimer ou d’exécrer telle ou telle action : il s’agit d’analyser son
fonctionnement interne et externe (à l’aune de la théorie de Lucien Godman, à savoir le
structuralisme génétique qui exhume les structures internes du texte et les insère dans les
structures externes, c’est-à-dire dans une vision du monde.

Je dois reconnaître, avec fierté, le leadership de l’université de Yaoundé 2 en matière de


réflexion en sciences sociales dans les domaines des sciences juridiques et politiques,
économiques, de gestion, communicationnelles, internationalistes et démographiques.
L’organisation du présent Colloque est la preuve palpable du dynamisme de cette institution
qui s’affirme de plus en plus comme un technopole des Sciences Sociales au Cameroun, en
Afrique et dans le monde.

Pendant trois jours, nous allons écouter les spécialistes des sciences juridiques, des
sciences économiques, des sciences médicales, des sciences historiques et de bien d’autres
disciplines des sciences sociales et humaines pour saisir la quintessence réelle de l’œuvre
sociale et humanitaire de la Première Dame de notre pays.

Je précise qu’en matière de sciences, l’important n’est pas le sujet mais l’objet, bien que
le sujet engendre l’objet.

Je dois remercier l’Université de Yaoundé 2 et ses partenaires (Observatoire National


du Patrimoine, CERAC, CIRCB, CHRACERH, FCB) pour le choix de cette thématique qui fait
la fierté de l’Université Camerounaise aujourd’hui avec la réalisation effective du Colloque
dont je félicite le Président du Comité d’organisation, le Pr. Adolphe MINKOA SHE, éminent
juriste, s’il en fût.

Je ne doute pas un seul instant que les savants ici rassemblés dans une dynamique
multidisciplinaire sauront exhumer la substantifique moelle de l’œuvre humanitaire de Madame
Chantal BIYA, à l’aune de l’outil scientifique et du regard des experts à la compétence
internationalement reconnue. Les débats seront parfois houleux, souvent critiques et toujours
constructifs (thèse, antithèse, synthèse).

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A toute l’intelligentsia camerounaise, je rappelle que le terme « Colloque » vient du
latin « cum-loqui » (parler avec). Venez donc, ici, pendant trois jours, dire, contredire, débattre,
démontrer, expliquer, parler ensemble afin de trouver les lois irréfutables qui sous-tendent
l’action sociale de la Première Dame du Cameroun, grâce à une grille de lecture qui convoque
aussi bien les sciences humaines et sociales que les sciences expérimentales. Que personne ne
se complaise dans sa tour d’ivoire ou son splendide isolement. C’est ici la Lumière. Rendons-
là, ensemble, plus étincelante.

Long live the University of Yaoundé 2,

Long live the Ministry of Higher Education,

Long His Excellency Paul BIYA, Président of the Republic, Head of State, apostle of the New
University governance policy,

Long live Cameroon, our beloved conutry,

Thank you very much for your kind attention.

I declare open the colloquium on the First Lady social action.

And may God bless all of us.

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PROLOGUE, Professeur Adolphe MINKOA SHE, Recteur de l’Université de Yaoundé II--
Président du Comité Scientifique du Colloque.

Quelles pistes épistémologiques peuvent être-elles visitées au sujet de la Première Dame


du Cameroun ? Pourquoi à travers ses œuvres sociales et son engagement humanitaire la
Première Dame du Cameroun intéresse-t-elle les Universitaires au point de susciter une
rencontre interdisciplinaire regroupant plusieurs spécialistes et chercheurs de divers champs
des sciences sociales ? L’affirmative/analyse heuristique à ces questionnements est le défi
épistémique que se propose de relever ce colloque inédit dans notre pays.

N’occupant légalement aucune place officielle dans l’architecture institutionnelle de


l’État, la « Première Dame » s’est progressivement imposée dans la vie publique à travers son
implication et ses nombreuses actions dans les divers domaines du social et de l’humanitaire
dans notre pays et dans le monde. Son volontarisme et sa détermination à combattre et à
éradiquer les souffrances humaines au Cameroun et ailleurs lui ont valu des distinctions au
niveau international. Quelques exemples pour illustrer nos propos : la Fondation qui porte son
nom et qu’elle crée en 1994 bénéficie du statut consultatif spécial du Conseil Économique
et Social des Nations Unies, en 2002 elle fonde et préside Synergies Africaines qui réunit les
Premières Dames d’Afrique et d’ailleurs pour lutter contre le VIH-SIDA dans le monde, depuis
le 14 Novembre 2008 elle est Ambassadrice de Bonne Volonté de l’UNESCO, en 2015 elle
est consacrée Ambassadrice Spéciale de l’ONUSIDA et enfin, le 09 avril 2016 à Paris elle est
faite Lauréate d’Or avec Cordon du Grand Prix Humanitaire de France (GPHF).

Ces reconnaissances internationales constituent la consécration de la visibilité de ses


actions dans les domaines de l’éducation, de la santé, du soutien à la cause de la femme et de la
jeune fille, de l’assistance aux enfants, etc.

Partant des considérations qui précèdent, on constate de manière froide et lucide que la
« Première Dame » du Cameroun n’est plus seulement la conjointe ou l’épouse du Chef de
l’État camerounais, elle devient également un acteur de premier plan dans le champ social
camerounais et mondial, elle devient ainsi une institution qui exerce de « fait » une fonction
« officielle ».

Les actions sociales de la « Première Dame » entrainent donc un processus de


métamorphose et de transfiguration qui conduisent à une mutation ou à une évolution de son

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statut. C’est donc la relation entre les actions de la « Première Dame » et son statut qui sera
questionnée tout au long de cette manifestation scientifique.

Il s’agira bien dans le cadre de ce colloque d’agapes scientifiques, j’ajouterai même


d’agapes épistémologiques. En effet, ce colloque ne relève pas de l’inédit, il ne constitue pas le
premier du genre, le premier cadre dans lequel on mènerait une réflexion scientifique sur une
« Première Dame ». En effet, la revue scientifique de renommée internationale dans le domaine
des sciences sociales Politiques Africaines a consacré tout un numéro spécial aux premières
dames, intitulé « Les Premières Dames en Afrique ». Il s’agit plus précisément du numéro 95
de l’année 2004. Par ailleurs, plusieurs travaux de recherche à l’Institut des Relations
Internationales du Cameroun (IRIC), Établissement de l’Université de Yaoundé II, ont porté
sur la Première Dame du Cameroun. Dans la même perspective, plusieurs auteurs ont élaboré
des réflexions dans le sens de questionner le dynamisme social et international de la Première
Dame du Cameroun.

De ce qui a été dit plus haut, deux conséquences peuvent être tirées. Premièrement, la
« Première Dame » peut et a même déjà fait l’objet d’études scientifiques. Deuxièmement, un
colloque sur la « Première Dame » du Cameroun peut intéresser et doit même intéresser
l’Université de Yaoundé II berceau national du droit et de la science politique, comme objet
d’étude et d’analyse scientifiques.

De ce point de vue, l’Université de Yaoundé II qui étudie de manière centrale les


institutions sociales et qui renferme en son sein les sciences de l’État questionne aujourd’hui le
concept de « Première Dame » au Cameroun. Plusieurs disciplines sont convoquées pour mener
de manière collective cette réflexion.

Ce Colloque naît d’une préoccupation d’ordre épistémologique. Les actions sociales de


la « Première Dame » actuelle ne conduisent-elles pas à lui conférer un statut officiel ? Son
volontarisme, son humanisme et son dynamisme lui ont conféré « de facto » une fonction
officielle. Sur le plan local, elle mobilise des institutions publiques et privées dans l’élaboration
et l’implémentation des politiques publiques sociales et humanitaires et sur le plan international,
ses différentes distinctions lui permettent de mener une diplomatie a- typique qui vend l’image
de marque du Cameroun à l’étranger. Le droit positif camerounais va-t-il donc continuer à
ignorer ce personnage méconnu du droit constitutionnel et du droit international classiques ?

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Le droit ne constitue pas la seule matrice scientifique de ce Colloque. La science
politique et plus précisément les politiques publiques se saisissent également de ce phénomène
que constitue l’actuelle « Première Dame » du Cameroun. Ce champ de la science politique
détermine que les actions de madame Chantal BIYA relèvent du bottom-up c'est-à-dire des
approches par le bas. Son rôle n’étant pas officiel au sens du droit constitutionnel et du droit
international, son dynamisme peut épistémologiquement être analysé sous le prisme théorique
du volontarisme individuel, de l’engagement personnel et de l’individualisme méthodologique.
Madame Chantal BIYA serait devenue une actrice tellement majeure dans les politiques
publiques sociales et humanitaires au Cameroun au point où l’on serait tenté de se demander,
de se questionner si son action ne permet pas de concevoir la notion de « Politiques
parapubliques ? ».

La communauté universitaire se réunit donc pendant trois jours à compter d’aujourd’hui


pour jeter un regard scientifique sur cet objet mouvant, mutant et finalement stimulant que
constitue la « Première Dame » du Cameroun.

L’objectif recherché par ce Colloque est de poser un regard critique, analytique,


constructif et prospectif sur les actions sociales de la Première Dame madame Chantal BIYA
et de voir l’impact de ses actions dans la perception que l’on a ou que l’on devrait avoir de son
statut dans notre État.

Au regard du fait que son action se déploie dans le domaine de l’humanitaire en assurant
le respect de la dignité de la personne humaine et participe également des politiques publiques
de l’État du Cameroun, le thème général de ce colloque devient évident :

Droits fondamentaux et politiques de solidarité au prisme de l’action sociale de la Première


Dame du Cameroun

Son articulation va obéir à une logique précise et rigoureuse.

Le Colloque sera inauguré par une Session d’ouverture consacrée aux approches
historique et institutionnelle et aux assises conceptuelles pour planter le décor. C’est la
raison pour laquelle le premier sous thème de cette session d’ouverture est intitulé de la manière
suivante :

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- Sous Thème 1 : La Première Dame du Cameroun : approches historique et
institutionnelle

Le professeur Daniel ABWA, historien de renom va nous ressortir la profondeur


historique des actions de la Première Dame au Cameroun. Il ressortira également l’histoire des
Premières Dames du Cameroun depuis l’autonomie interne jusqu’à nos jours.

Après ce préalable historique, le professeur Alain ONDOUA, Agrégé des Facultés de


Droit, enseignant à l’Université de Yaoundé II, va questionner l’arrière-plan institutionnel de
l’action sociale de la Première Dame au Cameroun. Il va se poser la question de savoir si
l’environnement dans lequel se déploie madame Chantal BIYA est un cadre formel ou
informel ? Il va également aborder l’épineuse question du statut juridique de la Première Dame
dans l’articulation institutionnelle de l’État du Cameroun.

Ensuite, le professeur Louis Martin NGONO, Agrégé de science politique, enseignant


à l’Université de Yaoundé II, fera une analyse politologique sur la trajectoire historique et
institutionnelle de l’action de la Première Dame. En s’appuyant sur les théories
institutionnaliste, néo institutionnaliste et fonctionnaliste, il devra nous ressortir les
caractéristiques majeures qui structurent l’action de madame Chantal BIYA dans la longue
durée et dans sa capacité à impacter la quotidienneté des Camerounais.

Après ce cadrage historico-institutionnel, il faudra asseoir l’un des concepts


fondamentaux qui irrigue ce colloque celui de droits fondamentaux. D’où le deuxième sous
thème de cette session d’ouverture :

- Sous Thème 2 : Les droits fondamentaux au cœur de l’action de la Première


Dame

Monsieur Ghislain BOMBELA MOSOUA, juriste doctorant en droit public à


l’Université de Yaoundé II aura la lourde tâche de mener une réflexion épistémologique sur le
concept de droits fondamentaux et montrer le rapport avec les actions de la Première Dame. Il
devra nous ressortir les différents droits fondamentaux qui sont réalisés ou dont le respect est
assuré par l’action sociale de madame Chantal BIYA.

Apres lui, le professeur Bernard Raymond GUIMDO DONGMO, Agrégé des


Facultés de Droit, enseignant à l’Université de Yaoundé II, devra démontrer qu’à travers son
action, la Première Dame du Cameroun met sur pied ou mobilise des rouages non formels, des

12
facteurs sociaux de garantie des droits fondamentaux au Cameroun. Il s’agit là d’un mécanisme
intéressant, méconnu des manuels qui traitent des droits de l’homme. L’analyse du professeur
GUIMDO aura donc une portée heuristique incontestable.

À sa suite, le professeur James MOUANGUE KOBILA, Agrégé des Facultés de Droit,


enseignant à l’Université de Douala mais également Vice-président de la Commission
Nationale des Droits de l’Homme et des Libertés (CNDHL) va nous ressortir la perception que
l’on a de la protection des droits fondamentaux dans l’action sociale de la Première Dame à
travers le regard de ce mécanisme non juridictionnel de promotion et de protection des droits
de l’homme dans notre pays. Il aura donc une analyse qui oscillera entre théoricien et praticien
des droits de l’homme.

La communication du professeur MOUANGUE KOBILA va clore le deuxième sous


thème et également la session d’ouverture du colloque.

Après donc la session d’ouverture qui aura balisé le cadre historique et institutionnel
ainsi que certains préalables conceptuels dans l’appréhension de l’action sociale de la Première
Dame, la place devra maintenant être faite à une analyse pragmatique et situationnelle de cette
action. C’est la raison pour laquelle, on ouvrira la deuxième Session de ce colloque qui portera
sur : Les Actions de la Première Dame en question.

Il sera davantage question de couvrir les différents domaines d’intervention de la


Première Dame dans son action sociale. C’est ainsi que le premier sous thème sera intitulé :

Sous thème 1 : Dans le domaine de la santé

Le professeur Alexis NDJOLO, Agrégé de médecine et Directeur du Centre


International de Référence Chantal BIYA pour la recherche sur la prévention et la prise en
charge du VIH-SIDA (CIRCB) nous éclairera sur le rôle de cette institution dans le domaine de
la santé publique. Il nous permettra de comprendre comment madame Chantal BIYA par le
truchement de ce centre mène une lutte acharnée contre la pandémie du VIH-SIDA et comment
elle assiste les personnes infectées et affectées par cette maladie.

À sa suite, le professeur Jean Marie KASIA, médecin également et Administrateur


Directeur Général du Centre Hospitalier de Recherche et d’Application en Chirurgie
Endoscopique et Reproduction Humaine (CHRACERH) va nous entretenir sur un aspect
particulier de l’action sanitaire de la Première Dame au Cameroun. Il va nous démontrer

13
comment notre Première Dame assure la réalisation d’un droit fondamental particulier : le droit
à la reproduction humaine.

Monsieur Jean Stéphane BIATCHA, Secrétaire Exécutif de Synergies Africaines,


quant à lui va mettre en exergue l’action de madame Chantal BIYA dans le cadre de la lutte
contre le VIH-SIDA et les souffrances dans le monde.

L’intervention de monsieur BIATCHA va permettre de clôturer le premier sous thème


de cette deuxième session. Après le domaine de la santé, il sera par la suite question d’entrevoir
l’action de la Première Dame dans le domaine des affaires sociales. C’est la raison pour laquelle
le deuxième sous thème sera intitulé :

Sous thème II : Dans le domaine de l’éducation et des affaires sociales

Ce sous thème sera inauguré par monsieur le Docteur Frank Elvis NDJOLO VODOM,
juriste et enseignant à la faculté de Droit de l’Université de Yaoundé II, qui va nous planter le
décor sur le cadre légal familial au Cameroun. Au regard du fait que la Première Dame dans
son action protège la famille, monsieur NDJOLO , en droite ligne avec la problématique des
droits fondamentaux qui innerve ce colloque va nous éclairer sur la question de savoir si le droit
à la famille est un droit fondamental en droit positif camerounais.

Madame le professeur Thérèse ATANGANA-MALONGUE, Agrégée des Facultés de


Droit, enseignante à l’Université de Yaoundé II et membre de la Commission Nationale des
Droits de l’Homme et des Libertés (CNDHL), va nous entretenir sur une thématique forte
intéressante : la fondamentalité du droit à l’éducation de la femme. Il s’agira d’une réflexion
éminemment épistémologique sur un droit qui se situe au cœur de l’action sociale de madame
Chantal BIYA.

Par la suite, madame le Docteur Linda YANG, universitaire et Coordonnatrice


Générale du Cercle des Amis du Cameroun (CERAC), va nous éclairer sur les œuvres sociales
de cette association créée par la Première Dame du Cameroun. Elle nous montrera comment au
travers de cette institution, madame Chantal BIYA constitue un acteur majeur de la lutte contre
les souffrances humaines et comment elle protège les couches sociales les plus défavorisées de
notre pays.

Ce deuxième sous thème sera achevé par la communication de madame Pauline Irène
NGUENE, Ministre des Affaires sociales, qui va nous éclairer sur le fait de savoir si l’action

14
de la Première Dame a un impact sur la mise en œuvre de la politique d’assistance sociale du
Gouvernement. Il s’agit là d’une intervention importante qui nous permettra de voir si l’action
de madame Chantal BIYA complète celle du gouvernement dans l’implémentation des
politiques de solidarité nationale. Cette action au-delà de compléter les politiques d’assistance
sociale du gouvernement, permet-elle à ce dernier de changer de paradigme dans la conception
et l’opérationnalisation des politiques de solidarité nationale ? Telles sont les préoccupations
qui seront abordées dans le cadre de cette communication.

L’intervention de Madame le Ministre va clore le deuxième sous thème et la première


journée de ce colloque.

La deuxième journée du Colloque s’ouvrira avec une première session de conférence qui
portera sur : Les actions sociales de la Première Dame : une approche contributive des
politiques publiques par le haut (top down) ou par le bas (bottom-up) ?

Il sera question dans le cadre de cette session d’analyser l’action de madame Chantal
BIYA sous le prisme théorique et épistémologique des politiques publiques comme grille de
compréhension et d’interprétation de son dynamisme.

Pour plus d’intelligibilité, cette session s’ouvrira avec comme prolégomènes


l’intervention de monsieur le Docteur Jean Paul MBIA, politologue et Chargé de Cours à
l’Université de Yaoundé II, qui va nous entretenir sur le thème : Comprendre la notion de
politiques publiques. Il s’agira dans le cadre de cette intervention de clarifier l’auditoire sur la
notion de politiques publiques. S’agit-il d’une théorie ou d’une discipline autonome ? Quel est
son objet, quelle est sa méthode, quels sont ses paradigmes ? Ce sont ces éclairages que le
Docteur MBIA va nous apporter.

À sa suite, monsieur le Docteur Mathias Éric OWONA NGUINI, politologue de génie


et enseignant-chercheur à l’Université de Yaoundé II, va nous aider à comprendre comment
est-ce que les actions de la Première Dame se situent entre l’engagement humanitaire, la
mobilisation sociale et l’échange politique. Il nous fera une analyse qui nous permettra de voir
comment la Première Dame comme organe coutumier d’accompagnement de l’exercice de la
puissance présidentielle mobilise et capitalise cette proximité pour mener une action sociale et
humanitaire efficace.

Madame le professeur Nadine MACHIKOU, Agrégée de science politique,


enseignante à l’Université de Yaoundé II, va mener quant à elle une réflexion forte stimulante

15
qui nous permettra de voir comment madame Chantal BIYA à travers son action sociale
introduit une dynamique privée dans les politiques publiques au Cameroun. Cette réflexion va
la conduire à se poser la question de savoir si la dynamique privée menée par la Première Dame
dans le champ des politiques publiques camerounaises ne pourrait pas amener les spécialistes
des politiques publiques à inaugurer la notion de« Politiques parapubliques ». Il s’agira peut
être là d’une nouvelle catégorie analytique qui pourrait permettre de comprendre les interactions
et les intersections des dynamiques institutionnelles publiques et privées mobilisées par un
même acteur.

L’intervention du professeur MACHIKOU permettra d’achever la première session de


cette seconde journée de réflexion sur les actions sociales de la Première Dame.

La seconde session sera consacrée à la reconnaissance internationale des actions de


la Première Dame et la nécessaire extension à d’autres domaines.

Cette seconde session aura pour premier sous thème :

Sous thème 1 : La reconnaissance internationale des actions de la Première Dame

Il sera question dans le cadre de ce sous thème d’analyser l’action internationale de la


Première Dame et de voir si elle constitue un instrument pertinent et déterminant de la
diplomatie camerounaise.

Son Excellence, monsieur Pierre Emmanuel TABI, Ministre plénipotentiaire et


Directeur de l’Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC), va se questionner sur
le dynamisme international de madame Chantal BIYA. Il va nous éclairer sur le fait de savoir
si son dynamisme participe de la diplomatie ou de la para diplomatie camerounaise. Cette
réflexion sur le plan de la théorie des relations internationales et même du droit international
pose le problème de la place de l’individu sur la scène internationale. Un individu par son
dynamisme et son charisme peut-il constituer un cadre formel de la diplomatie d’un État ? Voilà
une réflexion pertinente que va nous proposer monsieur le ministre plénipotentiaire.

Dans le même ordre d’idée, madame le professeur Brusil Miranda METOU, Agrégée
des Facultés de Droit, enseignante à l’Université de Yaoundé II, va se demander si la
reconnaissance internationale de l’action de madame Chantal BIYA a un impact sur la
diplomatie camerounaise. Autrement dit, sa réflexion consistera à nous éclairer sur le fait de

16
savoir si les distinctions et récompenses, à l’international, de la Première Dame du Cameroun
ont permis de modifier ou de transformer la diplomatie camerounaise.

Cette analyse de madame le professeur METOU va parachever le premier sous thème


sur l’action internationale de la Première Dame.

Le second sous thème va porter sur les extensions de l’action de la Première Dame sur
des domaines nouveaux, des domaines dans lesquels on ne verrait pas de prime abord l’impact
de ses actions. Ces domaines porteront sur l’environnement, la culture et le sport. C’est
pourquoi ce second sous thème sera intitulé :

Sous thème II : Plaidoyer pour le soutien à la cause environnementale, culturelle


et sportive

Ce sous thème sera inauguré par la communication de monsieur Hervé MVONDO


MVONDO, Chercheur et doctorant en droit public à l’Université de Yaoundé II, qui va
interroger la politique de solidarité menée par la Première Dame et voir son rapport avec la
protection de l’environnement. Autrement dit, il va se demander si les différentes politiques de
solidarité et d’assistance sociale conduites par madame Chantal BIYA intègrent la protection
de l’environnement. Il s’agit en fait de voir si la préservation de l’environnement fait partie de
son agenda.

À sa suite, monsieur Pierre HELE, Ministre de l’Environnement, de la Protection de la


Nature et du Développement Durable, va nous entretenir sur une réflexion qui va nous permettre
de voir si la Première Dame constitue un acteur pertinent et déterminant qui assure l’efficacité
de la politique environnementale au Cameroun.

Après monsieur le Ministre, monsieur Michel Ghislain OYANE, chercheur et


doctorant en science politique à l’Université de Yaoundé II, va nous embarquer dans une
réflexion qui se voudra rigoureusement épistémologique et opérationnelle sur les politiques
publiques de la culture au Cameroun. Cet Expert en Ingénieries de Politiques Culturelles par
ailleurs Directeur de l’Observatoire National du Patrimoine, va interroger les politiques
publiques de la culture qui sont déployées dans notre pays et entrevoir si elles peuvent constituer
un référentiel d’action. Une telle réflexion se situe dans le cadre de prolégomènes
indispensables à une perception intelligente et intelligible de la politique culturelle au
Cameroun permettant par la suite d’intelliger l’impact de l’action de la Première Dame dans ce
secteur spécifique des politiques publiques à l’intérieur du triangle national.

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C’est donc en toute logique qu’après le préalable théorico-épistémologique de
l’intervenant précédent, que monsieur le professeur Narcisse MOUELLE KOMBI, Agrégé
des Facultés de Droit, et Ministre des Arts et de la Culture, va nous édifier sur les rapports qui
existeraient entre l’action de la Première Dame et la politique culturelle du Cameroun. En
d’autres termes, il va nous éclairer sur la question de savoir si l’action de madame Chantal
BIYA peut être au service d’une politique culturelle moderne et ambitieuse.

Ce sous thème va s’achever avec une réflexion originale de monsieur le Docteur Claude
BEKOMBO JABEA, universitaire et diplomate, qui va se pencher sur la question de l’apport
de madame Chantal BIYA dans la promotion du droit au sport au Cameroun à partir de son
action solidaire pour le rayonnement du Cyclisme. Cette réflexion sera stimulante dans la
mesure où, elle nous permettra de savoir si le droit au sport est un droit fondamental et si tel est
le cas, la Première Dame facilite-t-elle par son action la réalisation de ce droit ?

L’intervention du Docteur BEKOMBO va clôturer ce deuxième sous thème et la


deuxième journée du Colloque.

Le troisième et dernier jour du Colloque portera sur une communication de monsieur


Armand Claude ABANDA, Représentant Résident de l’IAI Cameroun, qui va nous entretenir
sur l’action de madame Chantal BIYA dans le domaine de l’éducation des femmes et des jeunes
filles en leur permettant de s’arrimer à l’usage de l’outil informatique et des Nouvelles
Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC). En s’appuyant sur un certain
nombre de Programmes dont elle a été la Marraine Nationale à l’instar de « l’Opération 100 000
femmes à l’horizon 2012 » ou du Projet MIJEF 2035 qu’elle a initié, madame Chantal BIYA
se présente comme un acteur majeur du développement numérique dans notre pays. Monsieur
ABANDA va nous permettre de comprendre qu’à travers de telles entreprises, la Première
Dame combat les inégalités entre les hommes et les femmes, les garçons et les filles et garantit
les droits de l’enfant à l’éducation.

Après l’intervention de monsieur ABANDA, l’on aura les interventions et les


témoignages des représentants de l’OMS, de l’UNICEF, de la Croix Rouge, de la Fondation
Chantal BIYA, de l’Observatoire National du Patrimoine, etc.

Après cette présentation générale des justifications épistémologiques et des articulations


du Colloque, il se dégage que cette rencontre qui mobilise des universitaires, des experts, des
responsables des administrations publiques et privées et des représentants des organisations

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internationales, obéit aux exigences des manifestations scientifiques de cette ampleur. Comme
vous pouvez donc le constater Mesdames et Messieurs, ce colloque constitue une admirable
occasion d’échanges culturels, un merveilleux moment d’agapes intellectuelles que tout
universitaire sérieux et vertueux ne saurait bouder. /

19
PREMIERE PARTIE :

LA PREMIERE DAME DU CAMEROUN : APPROCHES ANTHROPOLOGIQUE,


HISTORIQUE ET INSTITUTIONNELLE.

20
Histoires des Premières Dames au Cameroun devenu souverain. Les actions des
Premières Dames au Cameroun : Quelle profondeur historique ? Professeur Daniel
ABWA, Historien, Université de Yaoundé I

INTRODUCTION

Aujourd’hui, il est unanimement accepté que le terme « première dame » désigne


« l’épouse d’un monarque, d’un Président de la République ou d’un chef de gouvernement ».
Aux États-Unis, la First Lady, la compagne du président de la République assume très tôt un
statut et un rôle protocolaire précis. Dans les vieilles aristocraties européennes, la reine, c’est-
à-dire l’épouse du roi, tenait une cour où se nouaient et dénouaient des intrigues politiques de
même que toute la vie mondaine du royaume. En France de la cinquième République, depuis
Yvonne de Gaulle jusqu’à Valérie Trieveller, même si la fonction d’épouse ou tout simplement
de compagne du Président de la République n’est rattachée à aucun statut officiel, - qu’on
l’appelle la présidente ou la première dame de France -, son rôle public s’est profondément
accru. À la vérité, sous tous les cieux et partout dans le monde, sans nécessairement porter le
titre de « première dame », il existe des épouses qui occupent un rang prestigieux dans les
sociétés où leurs maris sont des souverains et elles jouent auprès d’eux un rôle important. Cette
vérité universelle se vérifie également en Afrique en général et au Cameroun en particulier où
un adage affirme que « derrière un grand homme se cache une grande dame ». Il en est ainsi au
Cameroun, déjà avant l’arrivée des Européens et surtout depuis que le Cameroun a acquis sa
souveraineté internationale. A ce niveau, chacune des premières dames, selon son charisme et
son tempérament, a eu à marquer son temps. C’est l’histoire de ces premières dames dans
l’histoire du Cameroun qui fait l’objet de ma communication qui s’articule autour de deux
grands moments : les premières dames au Cameroun avant l’arrivée des Européens et les
premières dames au Cameroun devenu souverain.

I. Histoire des premières dames au Cameroun avant l’arrivée des européens

21
Deux catégories de femmes occupent une place prépondérante dans les sociétés
camerounaises précoloniales : la mère du souverain et sa première épouse dans les
communautés où se pratique la polygamie. L’importance de la mère du souverain ne souffre
d’aucune contestation ; car, partout et jusqu’à ce jour ; elle est auréolée d’une puissance
compatible avec la grandeur de son souverain de fils. Quelques exemples pris dans l’histoire
du Cameroun profond peuvent permettre d’illustrer la pertinence de cette assertion Le rapt de
la mère du lamido de Ngaoundéré par celui de Tibati, alors qu’il était en razzia hors de son saré,
a donné lieu à une longue guerre entre les deux lamidats et à une grande animosité dont les
séquelles sont encore perceptibles aujourd’hui. De même, dans la guerre qui opposa les Foulbé
aux Mboum au 19è siècle, la paix ne fut rétablie que grâce à une résolution qui voulait que tout
lamido qui monterait désormais sur le trône de Ngaoundéré devrait avoir eu pour génitrice une
Mboum, de préférence l’une des épouses du bellaka. Dans les chefferies bamiléké, la mère du
souverain, la reine mère qui porte le titre de mafo, est la principale conseillère du fo, le chef et,
à la mort de ce dernier, elle ne peut plus devenir l’épouse d’un autre homme et si elle en aime
un autre, c’est elle qui l’ « épouse » parce qu’il vient résider dans son palais distinct de celui de
son fils. Au royaume du Wandala, la mère du roi, le Tklisé, porte le titre honorifique de Maral
tklisé ou Maguira et elle est investie du pouvoir de régner après l’intronisation de son fils. Elle
tient une cour dans son palais – distinct de celui de son fils - avec ses dignitaires chargés
respectivement de l’intendance et des redevances qui lui sont dues. Et on peut multiplier des
exemples de cette nature.

Pour ce qui est des épouses des souverains que l’on peut assimiler à des « premières
dames », elles occupent une place à part dans les sociétés camerounaises précoloniales. Dans
les chefferies bamiléké, la « première dame » portant également le titre demafo, est intronisée
avec le fo au cours de la même cérémonie ; ce qui lui donne une prééminence, non seulement
sur toutes les autres femmes du chef mais aussi sur toutes les femmes de la chefferie. Elle assiste
très souvent à certaines réunions des sociétés secrètes présidées par le chef en présence des
notables mâles. La situation dans le royaume bamoun est encore plus explicite à ce sujet. Dans
ce royaume; en effet, après la mort du fondateur Nschare, c’est sa fille Mandou qui lui succède
parce qu’il n’a pas laissé d’héritier mâle. Seulement, après quelques frasques perpétrées par les
impératrices bamoum, il leur est interdit de monter à jamais sur le trône du royaume, comme
ce fut le cas quelques siècles plus tôt en France, à en croire l’information suivante :

La succession au trône est interdite aux femmes depuis les Valois, au XIVe siècle, avec la mise
en avant d’une réinterprétation d’une loi salique : les reines ou impératrices depuis cette

22
époque n’assurent le pouvoir qu’au titre de leurs enfants mineurs ou lors de l’empêchement de
leur mari.

Ce faisant, les « premières dames » dans le royaume bamoun ne peuvent désormais assurer que
des régences. C’est ce qui se passe lorsque la princesse Ngungure assure la régence pour 30
minutes afin de faire hériter son fils Nsangou et rétablir par ce fait la descendance de Nschare,
l’ancêtre fondateur dont le trône avait été usurpé par un esclave. De même, à la mort du roi
Nsangou ; c’est la « première dame » Njapdunke qui assure la régence jusqu’à la majorité de
celui qui deviendra le sultan-roi Ibrahim Njoya.

Si avant l’arrivée des Européens, le territoire du Cameroun connaît l’existence de plusieurs


« premières dames » partout où il existe un pouvoir politique bien établi, il n’en est plus de
même lorsque le Cameroun acquiert sa souveraineté internationale car, à chaque fois, il n’y a
plus qu’une seule « première dame » qui existe au Cameroun.

II./ Les premières dames au Cameroun ayant acquis sa souveraineté internationale

Territoire sous protectorat allemand (1884-1916) dont les frontières internationales sont
clairement établies, le Cameroun est par la suite occupé par les Anglais et les Français après
leur victoire sur les Allemands longtemps avant la fin de la Grande Guerre. Les vainqueurs se
partagent en effet ce territoire en 1916, partage entériné par la conférence de Versailles qui en
fait un territoire sous mandat de la SDN. A la fin de la Seconde Guerre mondiale, le Cameroun
devient un territoire sous tutelle des Nations Unies confié à nouveau aux Anglais et aux
Français. Ce n’est qu’en 1957 qu’une partie du territoire camerounais, celle sous tutelle
française, obtient une certaine souveraineté internationale. En effet, après la mise en place des
réformes consécutives à la loi-cadre Gaston Defferre, le Cameroun sous administration
française devient une « Etat sous tutelle » avec un Premier Ministre nommé, André Marie
Mbida (12 mai 1957-16 février 1958) C’est ce Premier Ministre qui fait voter par l’Assemblée
Législative du Cameroun (ALCAM) les premiers éléments constitutifs de l’État autonome du
Cameroun à savoir un drapeau tricolore « vert -rouge -jaune », une devise « Paix-Travail -
Patrie) et un hymne ( Le chant de ralliement : Au Cameroun berceau de nos ancêtres). Ahmadou
Ahidjo lui succède (18 février 1958-20 janvier 1960) et quand, en 1959, il se rend aux Nations
Unies pour demander la levée de la tutelle de cette organisation internationale sur le Cameroun,
bien qu’accompagné du représentant français, il le fait en tant que « chef de gouvernement
camerounais ». Lorsque le Cameroun français devient indépendant le 1 er janvier 1960, sa
souveraineté internationale est confirmée quand il devient membre de l’Organisation des

23
Nations Unies. Cette souveraineté internationale demeure permanente quand le Cameroun
devient une République fédérale (1961-1972), une République unie (1972-1984) et une
République du Cameroun (depuis 1984). C’est dire que depuis 1957, le Cameroun connaît deux
Premiers Ministres sous le régime parlementaire (1957-1960) et deux Présidents de la
République sous le régime présidentiel (de1960 à nos jours) soit un total de quatre « premières
dames ». Ces quatre « premières dames peuvent être divisées en deux catégories : celles qui le
sont devenues longtemps après leurs mariages et celles qui sont devenues soit quelques temps
après le mariage, soit immédiatement avec le mariage.

II.1/ Elles sont devenues premières dames longtemps apres leur mariage respectif

Deux premières dames camerounaises se sont mariées avec leurs époux longtemps avant que
ceux-ci n’occupent les fonctions qui font d’elles des premières dames. Il s’agit de Marguerite
MBIDA née EMBOLO, épouse du 1er Premier Ministre camerounais André Marie MBIDA et
Jeanne Irène BÍYA, née ATYAM, 1èreépouse du 2ème Président de la République du Cameroun.
Chacune des deux premières dames, auprès de son mari, a marqué son temps par son
tempérament et son charisme.

II.1.1/ Marguerite MBIDA, Première dame de 1957 à 1958

Fille de Fabien ASSIGUENA, un chef de la tribu Eton, et de Marie MBONO, infirmière


accoucheuse de la tribu de Ko’lo de Yaoundé Mbankomo, Marguerite EMBOLO épouse André
Marie MBIDA le 14 août 1946 alors qu’il est agent d’affaires à l’étude de Me FOULETTIER
à Yaoundé et Ebolowa. Avant ce mariage, André Marie MBIDA est d’abord renvoyé du grand
séminaire de Mvolyé où il a étudié la philosophie et la théologie puis de l’école primaire de
Balessing où il a exercé les fonctions de directeur d’école. Au moment où André Marie MBIDA
est désigné Premier Ministre de l’Etat sous tutelle du Cameroun par le haut- commissaire Pierre
MESSMER le 12 mai 1957, date qui fait de Marguerite EMBOLO la toute Première dame du
Cameroun souverain, le couple a déjà plus d’une dizaine d’années de vie commune et des
habitudes se sont déjà installées et même cristallisées. Est-ce parce que le Premier Ministre se
présente comme le « seul interlocuteur valable du Cameroun » et qu’il a vis-à-vis de ses
interlocuteurs camerounais et français une attitude peu commode, pour dire le moins, que la
Première dame se considère elle-même comme la « seule interlocutrice valable » pour avoir
avec ses compatriotes et les Françaises un comportement à la limite de la brutalité ? Cette
question reste posée. Toujours est-il que la mémoire collective des Camerounais de son époque

24
a retenu qu’elle est « querelleuse et bagarreuse » et qu’elle a giflé une Française. C’est bien ce
que rapporte Gilbert TSALA EKANI citant Enoh MEYONMESSE :

C’est une querelleuse et une bagarreuse chevronnée… C’est quotidiennement qu’elle bagarrait
contre d’autres épouses au marché central de Yaoundé. Les dames blanches n’étaient pas
épargnées…Elle avait ensanglanté une Française dans les rayons du magasin Printania
aujourd’hui score.

Sans nier l’attitude de sa mère envers les autres femmes camerounaises, son fils, Louis Tobie
MBIDA justifie ainsi, dans une interview accordée à Gilbert TSALA EKANI, le comportement
de sa mère à l’endroit de la Française :

Ma mère a giflé une femme blanche au marché central de Yaoundé. Ma mère a été en Europe,
elle savait qu’on faisait la queue devant les caisses. Et ce jour, il y avait une Européenne qui
ne voulait pas pratiquer cette règle.

Elle arrive et refuse de se mettre en queue de file. Les gens lui disent : « voici l’épouse du
Premier ministre qui s’aligne et toi tu t’alignes pas ? Elle a répondu de manière arrogante. Ma
mère va lui infliger une gifle.

La première dame Marguerite MBIDA n’a eu que neuf mois pour jouir de cette position
prestigieuse et il est difficile de porter un jugement de valeur à partir de ces quelques
témoignages. Ce que la mémoire collective a cependant insuffisamment retenu, c’est l’acte de
bravoure politique qu’elle pose en avril 1964 alors que son mari est un prisonnier politique
depuis 1962. Aux élections législatives d’avril 1964 au Cameroun oriental, en effet, alors
qu’aucun parti politique autre que l’Union Camerounaise (UC) d’Ahmadou AHIDJO n’ose se
présenter à ces élections ; Marguerite MBIDA est tête de liste du Parti Démocratique
Camerounais (PDC), parti politique créé par son mari en 1958. Jeanne Irène BIYA est d’un
autre tempérament.

II.1.2/ Jeanne Irène BIYA, première dame du Cameroun de 1982 à 1992

Jeanne Irène ATYAM et Paul BIYA se rencontrent en France alors qu’ils y poursuivent leurs
études. Jeanne Irène ATYAM est à l’Ecole des Sages- femmes de Nantes tandis que Paul BIYA
fait des études supérieures à Paris. Leur rencontre se termine par un mariage célébré à Antony
le 2 septembre 1961. Lorsque le couple revient au Cameroun en 1962 ; Paul BIYA commence
une carrière administrative et politique tandis que Jeanne Irène BIYA exerce le métier

25
d’infirmière à l’hôpital central de Yaoundé. C’est dire que quand Paul BIYA devient Président
de la République le 6 novembre 1982, Jeanne Irène BIYA a vécu 22 années de sa vie avec lui
et a assisté à tous les moments de son ascension, depuis le chargé de missions qu’il a été à son
retour au Cameroun jusqu’au Premier Ministre qu’il est devenu avant la magistrature suprême.
Jeanne Irène doit alors apprendre à vivre en première dame. Seulement, si l’on en croit les
témoignages de ceux qui l’ont côtoyée, « elle faisait partie de la classe des épouses des chefs
d’Etat qui faisaient la différence entre la fonction de leur mari et leur foyer. C’était une dame
effacée et discrète ». De ce fait, elle se tenait généralement loin de la politique et les seules
sorties publiques que l’on lui connaît sont celles qu’elle effectuait chaque année, en décembre,
au pavillon Baudeloque de l’hôpital central de Yaoundé. La vie de première dame lui déplaisait-
elle tant ? Personne ne peut y répondre aujourd’hui. Toujours est- il qu’il se dit qu’au lendemain
de la tentative de putsch du 6 avril 1984 et des moments d’effervescence politique du début
des années 1990, elle aurait demandé à son époux de président d’abandonner cette fonction
pour jouir d’une retraite paisible dans la résidence que le couple s’est fait construire à
Mvoméka. Sa mort ; survenue le 29 juillet 1992 est venue mettre un terme à sa vie de première
dame dont la discrétion reste le principal trait de caractère qu’elle partage avec Germaine
AHIDJO qui l’a précédée dans cette fonction.

II.2/ Elles sont devenues premières dames quelque temps ou immédiatement après leurs
mariages

La deuxième catégorie des premières dames que le Cameroun a connue est constituée de deux
femmes ayant épousé leurs maris très peu de temps avant que l’un ne devienne Premier Ministre
tandis que l’autre est déjà Président de la République. Il s’agit de Germaine AHIDJO et de
Chantal BIYA.

II.2.1/ Germaine AHIDJO, née HABIBA, première dame de 1957 à 1982

Le 17 août 1957 a lieu le mariage musulman de Ahmadou AHIDJO et de Germaine HABIBA


faisant d’eux, selon le Coran ; mari et femme. AHIDJO est alors, depuis le 12 mai 1957 ; Vice
Premier Ministre, ministre de l’Intérieur de l’Etat sous tutelle dans le gouvernement de André
Marie MBIDA. À la suite de la démission de ce dernier, il est promu, le 18 février 1958, par le
haut-commissaire Jean RAMADIER, Premier Ministre de l’Etat sous tutelle du Cameroun,
faisant de facto de Germaine HABIBA la première dame du Cameroun. Il est vrai que devant
de la loi, elle ne le devient officiellement qu’en 1960, après leur mariage civil.

26
L’histoire de Germaine HABIBA, cette fille métisse de père Libanais et de mère Massa avec le
Peul Ahmadou AHIDJO ne commence pas leur mariage musulman du 17 août 1957. Les deux
tourtereaux se connaissent longtemps avant, comme elle le rapporte elle-même en disant :

On s’est côtoyés puis fréquentés pendant dix ans avant de nous marier. En fait, j’étais élève à
Douala et lui, à 23ans, était receveur de poste à Garoua, parallèlement avec ses activités
politiques. Je suis allée en vacances là bas et, un jour, un certain monsieur, Sanda Oumarou,
un postier, me dit que le receveur a un télégramme pour moi ; je suis allée le récupérer et cela
s’est mal passé…et voilà j’étais fâchée mais, ensuite, on se voyait parfois chez des amis
communs pour écouter la musique, du Tino Rossi ; c’était populaire !... Il lisait beaucoup et
moi aussi. Et on s’échangeait les livres. Je suis allée en France pour mes études d’infirmière ;
je me suis mariée et j’ai fait un fils ; cela a duré quelques mois….. Il me transmettait des
salutations et des signes par ses amis politiques. Il m’avait toujours dit en plaisantant : « je
vais t’épouser ». Mais moi je le croyais.

Germaine AHIDJO est, à ce jour, la première dame qui a occupé cette position pendant la durée
la plus longue. Elle a été première dame du Premier Ministre Ahmadou AHIDJO (1958-1960),
du Président de la République du Cameroun (1960-1961) ; du Président de la République
fédérale (1961-1972) et de la République unie du Cameroun (1972-1982) soit 24 années de
première dame sans discontinuité. Sur le plan historique, elle a participé à l’organisation des
festivités de l’indépendance du Cameroun français du 1er janvier 1960. Elle rapporte ce qui
suit :

qui occupait le palais où nous devrions nous installer. Etant donné que nous attendions des
leaders africains comme Ould Dafa de la Mauritanie, François Tombalbaye du Tchad, Léopold
Sedar Senghor du Sénégal ou Léon Mba du Gabon, le Secrétaire général des Nations Unies,
on s’inquiétait de là où on devait les loger et comment les recevoir pour le déjeuner du palais.
Alors le monsieur avait promis qu’il laissera tout y compris le personnel à son départ ; mais
lorsque nous avons pris la maison une semaine plus tard il n’y avait même pas une cuillère ;
nous avons trouvé Rosalie, la blanchisseuse, assise sur une seule chaise, et pas plus. Donc, à
une semaine de la date de l’indépendance, il fallait tout faire, peindre la maison, loger les
invités, et trouver une solution pour le déjeuner de midi au palais…Eh bien on a trouvé des
chambres dans les hôtels, rares à l’époque, et puis pour le déjeuner on a fait appel à un service
traiteur pour tout. Pendant les 24 années passées comme première dame, Germaine AHIDJO
est restée aux côtés de son époux en étant sa conseillère occulte sans pour autant abandonner

27
son métier de sage-femme à l’hôpital central de Yaoundé. Elle savait s’effacer devant son mari
et on ne la voyait en public qu’à des rares occasions comme lors de ses visites à des orphelinats
ou au centre des handicapés d’Etoug Ebe. Cette humilité et cette discrétion n’ont pas dû lui
peser outre mesure car son éducation musulmane l’y prédispose. Lorsque son époux abandonne
le pouvoir le 4 novembre 1982 et est condamné par contumace après la tentative de putsch du
6 avril 1984, elle l’accompagne dans son exil au Sénégal où elle réside en simple citoyenne
même après le décès de son mari. Chantal BIYA a vis-à-vis de son mari, le président Paul
BIYA, un comportement différent.

II.2.2/ Chantal Pulchérie BIYA, née VIGOUROUX, première dame depuis 1994

Le 23 avril 1994 c’est le mariage entre Chantal Pulchérie VIGOUROUX, fille du Français
Georges VIGOUROUX et de la Camerounaise Roseline, NDONGO MENGOLO et Paul
BIYA, Président de la République du Cameroun. Chantal Pulchérie BIYA devient de facto la
quatrième première dame du Cameroun. A la différence des trois autres qui l’ont précédée, elle
adopte un style différent, un style qui lui est propre. S’il fallait la comparer à une autre première
dame qui lui est contemporaine, ce serait à Danielle MITTERAND décrite ainsi qu’il suit :

Après l’élection à la présidence de la République de son mari François Mitterrand, la nouvelle


« première dame »de France se plie au protocole en remplissant ses obligations d’hôtesse pour
les invités de marque ; néanmoins, elle prévient qu’elle compte imposer son style : « je ne suis
pas une potiche ». Celle qui préfère se faire nommer « l’épouse du Président de la République»
que « première dame de France » a son bureau personnel au palais présidentiel de l’Elysée…

Après avoir pris le temps nécessaire pour s’imprégner de la position de première dame du
Cameroun qu’elle s’est acquise par son mariage, Chantal Pulchérie BIYA décide de ne pas
devenir une potiche au palais présidentiel de l’Unité et adopte un style qu’aucune première
dame du Cameroun avant elle n’avait pratiqué. Pour parodier ; on pourrait appeler ce style « ton
pied, mon pied » comme le dit une chanson populaire bien de chez nous. Chantal Pulchérie
BIYA accompagne son président de mari dans tous les voyages qu’il entreprend dans sa
fonction tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du triangle national. Le 20 mai de chaque année, jour
de fête nationale au Cameroun, elle est en bonne place à côté de son mari au Boulevard du 20
mai lors du défilé consacré à cet effet. Au-delà de cet aspect purement protocolaire, elle
s’emploie également à accompagner son mari dans l’humanitaire à travers des œuvres sociales
qui lui valent une profonde reconnaissance tant au Cameroun qu’à l’extérieur de notre pays.
C’est ainsi qu’elle crée, en 1994, deux ans seulement après son mariage, une fondation portant

28
son nom, la « Fondation Chantal BIYA » dont l’objectif principal est de venir en aide aux
couches sociales défavorisées et la lutte contre les souffrances. C’est le début de création d’une
série d’associations dont l’objectif est de soulager les souffrances humaines. Elle crée ainsi les
Synergies africaines, une ONG qui regroupe les premières dames du continent africain dont elle
est la présidente-fondatrice. Les Synergies africaines interviennent dans l’assistance aux
personnes démunies et dans la lutte contre la pandémie du siècle et la transmission mère-enfant
du VIH SIDA. Il y a aussi la création du Centre international de Référence Chantal BIYA
inauguré le 23 février 2006 avec pour missions la recherche, la santé publique, la formation et
les essais cliniques pour une meilleure prise en charge des malades. Il faut enfin signaler la
création du Cercle des Amis du Cameroun ; le CERAC dont la dernière action en date est
d’alimenter les banques de sang des hôpitaux camerounais pour sauver la vie des accidentés du
vendredi 21 octobre 2016 consécutifs au déraillement du train CAMRAIL en provenance de
Yaoundé et en direction de Douala où presqu’une centaine de Camerounais a perdu la vie et
des centaines d’autres sont blessés. Nous n’oublions pas les « écoles des champions » que l’on
retrouve dans tous les coins et recoins du Cameroun. Tous ces engagements humanitaires de
Chantal Pulchérie BIYA lui valent une reconnaissance internationale qui a fait d’elle depuis le
14 novembre 2008 l’ambassadrice de bonne volonté de l’UNESCO ou encore en 2009, à Los
Angeles aux États-Unis la dignité de Présidente d’honneur de US Doctor for Africa. Les
Camerounais, sur le plan national, lui marquent également leur reconnaissance, notamment en
commençant par les jeunes, la JACHABI, les femmes le CERAC, les intellectuels, ce colloque
qui est organisé par l’Université de Yaoundé II à Soa. Il ne serait pas honnête d’oublier
l’accompagnement politique que la première dame du Cameroun, Chantal Pulchérie BIYA,
apporte à son époux, le Président Paul BIYA en jouant le rôle de Présidente d’honneur de
l’OFRDPC (Organisation des Femmes du Rassemblement Démocratique du Peuple
Camerounais), la section qui regroupe les femmes du parti au pouvoir. On aurait tort de penser
que cette présence quasi permanente de Chantal Pulchérie BIYA sur les champs humanitaire
et politique puisse faire ombrage au Président Paul BIYA. Ceci témoigne au contraire que le
Cameroun dispose aujourd’hui d’un véritable couple présidentiel et c’est pourquoi l’annonce
de l’organisation de ce colloque en hommage à la première dame Chantal BIYA a entraîné une
levée de bouclier de l’opposition politique au Cameroun.

En conclusion, si le Cameroun, depuis qu’il a acquis sa souveraineté internationale a connu


quatre premières dames ; il y en a une qui s’impose à la mémoire collective par ses œuvres hors
pair. C’est Chantal Pulchérie BIYA.

29
30
La femme du chef en Afrique : les secousses féminines dans les mailles du pouvoir,
Professeur Jean NJOYA, Politologue, Université de Yaoundé II.

Résumé

Cet article est un questionnement sur la place de la femme auprès des détenteurs
suprêmes du pouvoir et singulièrement du pouvoir politique. C’est une approche
anthropologique qui soustrait la femme du chef d’une approche structuraliste qui d’ordinaire,
la fige dans les fonctions ‘’matronales’’. Si dans la « société traditionnelle de cour », leur
déploiement hors de limites palatines est frustre, les premières Dames de la « société de cour
républicaine » apparaissent plus proactives. La figure de première Dame s’impose de plus en
plus sur la scène nationale. Elle est même parfois au cœur de l’action politique. L’on aurait
une nomenclature en trois variantes : le type idéal d’enfermement et de cantonnement palatin
qui correspond à la société traditionnelle, le type idéal parapolitique qui construit socialement
sa stature, et faisant de l’ « apolitisme politique » à travers les actions caritatives (Madame
Chantal Biya), et le type idéal politique proactif sur le champ politique et tentant parfois de
supplanter leur conjoint (Madame Soglo et Madame Gbagbo).

En tout état de cause toutes participent à la co-construction de l’image de l’institution


présidentielle.

Mots clés : Apolitisme, adjuvantes, pouvoir, cour, structuralisme

31
L’expression « la femme du chef » n’est pas très usitée dans l’Afrique traditionnelle et
pourrait d’ailleurs constituer un blasphème, une énième provocation comme se plaisent à en
faire certains anthropologues évolutionnistes (Morgan, 1877) ; (Goody, 1979).1
Inutile d’en forcer les traits ! Ne devrait-on pas avantageusement troquer cette
expression singulièrement restrictive contre celle plus commode qui établisse une proximité
avec la réalité ? En tout cas la figure charismatique du chef traditionnel tenait pour une part
importante à la capitalisation des femmes, des biens et des pouvoirs matrimoniaux (Van Velsel,
1964) ; (Balandier, 1995 : 82-83).. L’on aurait convenablement au regard de la grande
polygamie du chef traditionnel en Afrique, parlé des « femmes du chef ». « Femmes du chef »
ou « femme du chef » : Fredy Jacques nous conseille de renvoyer les deux expressions à des
attributs volatiles, « cumulables ou permutables » (Fredy, 2009 :7).
Considérons donc - avec la claire conscience que nous en paierons le prix théorique -,
l’expression « la femme du chef » comme un horizon d’interprétation qui permet d’objectiver
une réalité produite par les représentations des « agents sociaux » (Boudon, 1979).2 Il s’agira
de procéder à une anthropologie dynamique de cette « institution » afin de débusquer la position
et le rôle effectif de la femme du chef au-delà du procès biologique que lui fait volontiers l’école
structuraliste ; même si la « valence différentielle des sexes » (Héritier, 1996) ; (Sindjoun,
2000 : 8)3, demeure encore une variable exploratoire pertinente dans la traque anthropologique
du potentiel symbolique de l’inégalité entre l’homme et la femme. Au lieu
d’appréhender « la femme du chef » dans une perspective individualiste, il vaut mieux
l’enserrer dans une structure « actancielle » d’interdépendance et de complémentarité où le
« héros » (le chef) réalise ses prouesses dans le commun effort avec l’« adjuvante » (Greimas,
1966 : 28-59). L’on gagnerait en finesse analytique si l’on considère cette institution comme
une réalité socialement construite. L’approche constructiviste nous permettra ainsi de rompre
avec la rudesse de l’individualisme méthodologique qui renvoie généralement la question du
genre aux réalités désincarnées dominées singulièrement par des rationalités individuelles.
Dans la société africaine traditionnelle, la position et la

1
Dans ses « lois des trois étapes », Lewis H. Morgan situe la polygynie au stade de la barbarie ; la monogamie
étant le signe d’une évolution vers la civilisation ; l’anthropologue Jack Goody ne trouve par exemple dans la très
grande polygynie du chef africain qu’une motivation sexuelle.
2
C’est la sociologie de Bourdieu qui fait profusément usage de cette expression ; mais c’est Raymond Boudon qui
en fait la différence avec le concept d’ « acteur » ; en effet, dans les « systèmes fonctionnels » où l’individu occupe
un rôle social, il est considéré comme un « acteur » ; dans les « systèmes d’interdépendance », il revête la figure
de l’« agent ».
3
L’ouvrage qu’a dirigé le Pr Luc Sindjoun adopte également une perspective dynamique dans la mesure où il
considère le genre comme « une configuration dynamique impliquant la nécessité analytique d’historiciser les
rapports homme-femme dans leur dimension concrète et imaginaire ».

32
fonction de la femme du chef procèdent indéfectiblement de celles de ce dernier. Cette
dépendance la cantonne d’ordinaire à une occupation plutôt périphérique de l’espace chefferial
ou palatin selon le mode d’organisation politique.
L’on note pourtant dans le contexte actuel, une propension
consolidée des femmes du chef à s’extirper de cette « cage de fer » pour un déploiement social
aux contours fort variés. Cette escapade constitue l’une des formes les plus perceptibles de la
mutation fonctionnelle de la femme du chef.
Pour mieux apprécier cette dynamique, il sera judicieux
de faire le départ entre la femme du chef dans la « société de cour » traditionnelle et la femme
du chef dans la « cour républicaine » (Elias, 1985a) ; (Lagroye, 1992 : 141- 162).4
Paradigmatiquement, les métaphores goffmaniennes de la « coulisse » et de la « scène »
(Goffman, 1973) paraissent mieux à même de restituer avec du relief la double appréhension
de cette institution : la « femme du chef », « femme des coulisses » qu’incarne sur ses traits
essentiels la société traditionnelle ; et la « femme du chef », « femme sur scène » dont l’État
moderne constitue le lieu de déploiement.
Notre focale analytique prend donc appui sur la capacité de
projection sociale de la femme du chef ; une projection qui s’opère à travers une centrifugation
se déployant du centre palatin vers la périphérie sociale. D’ordinaire, la polygynie du chef
traditionnel emporte une difficile appréhension de la conjugalité chefferiale, qui ne peut
véritablement s’appréhender qu’en termes de harem ou de multitude ; ce qui déteint
considérablement sur le déploiement social de sa conjointe. Par contre, la tendance de plus en
plus consolidée des chefs d’État africains à l’option monogamique emporte une conjugalité
plutôt duale qui affiche parfois la « première dame » comme une égérie ; image d’Épinal pour
le moins surfaite. L’on peut dès lors rendre intelligible le concept de « femme du chef en
Afrique » en montrant comment dans le contexte de l’Afrique traditionnelle de polygynie, ce
déploiement parait frustre en raison d’une distinction sociale très marquée par la capitalisation
hégémoniques des femmes et une très forte domination masculine (I) ; en contrepoint d’une
projection spatiale de plus en plus effrénée de la femme du chef dans l’État moderne, dont la
pro-activité mêle confusément actions sociales et entreprises politiques (II).

4
Les palais présidentiels des Etats modernes ne fonctionnent pas autrement que comme des cours monarchiques,
car le personnage central demeure le président de la république dont les déférences de son entourage participent à
son « assomption » ; il n’est pas rare d’y repérer les mêmes intrigues, les mêmes compétitions, exploitées par le
chef pour se maintenir ; le recours à cette notion a valeur.

33
I. La « femme du chef » dans la « société de cour » traditionnelle : polygynie,
difficile repérage et déploiement frustre.

La « femme du chef » est une catégorie prisonnière du patriarcat : cet « ennemie


principal » (Delphy, 1998) que le structuralisme a contribué à ériger en matrice réflexible de la
question du genre. Le couple masculin/féminin fait partie des incarnations qui dans le potentiel
de symbolisation de l’esprit humain, hantent toutes les sociétés. Le
« deuxième sexe » où qu’il se trouve, serait le sexe de la solitude (Brugère, 2008), victime des
constructions spatiales et culturelles. L’approche holiste aurait alors raison d’une analyse
interactionniste où la notion d’ « espace vécu » serait primordiale parce que corrélée à « un
ensemble de fréquentations localisées ainsi que des représentations qui en sont faites et les
valeurs psychologiques qui y sont attendues » (Fremont, 1984 : 172) ; (Coutras, 1989 : 111-
115). La
« femme du chef » loge dans la « société de cour » où la consommation de prestige est indexée
sur le rang, et où l’étiquette - instrument de domination -, agence les rôles, forge les attitudes et
structure les actes. La « société de cour » est selon Norbert Élias une « formation sociale » où
l’emprise du roi sur le pays n’était qu’une excroissance de son autorité sur sa maison et sa cour
(Elias, 1985 b :17)5. Il n’est pas aisé de repérer la
« femme du chef » dans un univers où le chef lui-même est l’organisateur d’un rituel centré sur
sa personne et où elle (sa femme) est inscrite dans un réseau inextricable de connexions enserré
par le lignage cheffal. Réalité socialement construite, la « la femme du
chef » est charriée par une pratique censitaire de « circulation des femmes », proportionnelle à
la position de surplomb du chef. Il y a donc une dilution statutaire de la femme dans la
très grande polygynie du chef (I.1.), qui impacte sur ses fonctions palatines (I.2.)

I.1. La femme du chef dans le complexe polygynique de la Cour : la dilution statutaire


dans la stratégie d’intégration sociale

Dans la société africaine, la capitalisation des femmes est un marqueur du pouvoir


cheffal (Lalouette, 1985 : 132)6 ; elle participe de la construction d’un
centre politique coextensif à la société. Elle shunte toute la hiérarchie sociale jusqu’à la cellule

5
« Ce que nous entendons par cour - écrit Elias -, est en premier lieu la maison régnante et le ménage des rois de
France, de leurs familles, des toutes les personnes qui de près ou de loin en font partie ».
6
Cette pratique est reconnue chez les patriarches et les rois d’Israël (Abraham, Moïse, David (17 femmes) et
Salomon le plus polygame des rois bibliques avec 700 femmes et plus de 300 concubines (Rois 11/1) ; les vikings
chrétiens de la Normandie ont pourtant pratiqué la polygamie dans l’Egypte ancienne.

34
familiale. Ceci répond sans doute à la « nécessité de multiplier les alliances » (Kandji &
Camara, 2000 : 167). Il y aurait même une étonnante continuité historique de cette pratique
entre l’Egypte ancienne et l’Afrique post-pharaonique (Moussa Lam, 2007 : 45).
Cette capitalisation des femmes était parfois d’envergure exponentielle ; des « noces
hittites » de Ramsès à la très grande polygamie du roi Salomon 7, l’on n’enregistre quasiment
pas de discontinuité. Cette polygamie du chef était le « droit commun » des transactions
matrimoniales dans les royautés « grassfields » du Cameroun.
En regard, Claude Tardits rapporte sur la base des matériaux dont il disposait au moment
de son enquête de terrain que le roi Njoya aurait eu mille deux cent (1200) femmes (Tardits,
1980 : 606) 8 ; statistiques qui pourraient revêtir le caractère d’une haute probabilité au regard
du « fait du prince » qui structurait par le haut les alliances matrimoniales : « le roi n’achète
pas une femme chez les Bamoun, il met le bracelet de cuivre au bras de leurs filles…c’est le
signe qu’elles sont devenues femmes royales. Cela sera toujours ainsi », écrit le roi Njoya
(Njoya, 1952 : 97) ; une sorte de droit de préemption spécifique qui n’emporte d’ordinaire
aucun coût de transaction pour le monarque. Dans ce dispositif, la femme du chef semble noyée
dans un complexe polygamique qui participe de la dilution de son statut ; elle n’est finalement
réparable que dans cet ensemble diffus soumis à la discipline curiale de la chefferie. A ce titre,
la « formation sociale de la cour » s’apparente à ce qu’Erving Goffman désigne par « institution
totale » (Goffman, 1968). L’appropriation d’une femme sans
contrepartie était perceptible dans plusieurs royaumes « grassfields ». Kaberry le signale
comme pratique dominante chez les Banso du Nord-Ouest du Cameroun, tout en relevant en
contrepoint des situations de « don et de contre-don » où une forme d’échange symbolique était
institutionnalisée : « daughters and grand daugters of kings were given in marriage to
commoners irrespective to wether they had served or not in the palace in their youth or not.
Where no bride price was given, and this was the usual practice, one of the sons of the princess
might be brought into the palace to act as page or a youthful member of the regulatory society»
(Kaberry, 1962: 293). Ce passage recoupe celui que rapporte Claude Tardits dans le cas des
Bamoun (Tardits, 1980b : 606) ; en tout cas il y a un consensus historiographique sur l’origine
Tikar de ces populations (Kerchache, 2008).
L’origine sociale des femmes du chef est une variable qui
peut également renseigner sur l’univers « clos » du palais royal ; si l’on s’en tient

7
Livre des Rois 11/1
8
Pour des besoins de concision, notre démonstration portera pour l’essentiel sur les chefferies montagnardes de
l’ouest du Cameroun notamment des pays Bamoun et Banso.

35
singulièrement au cas Bamoun sus-évoqué, l’on peut repérer cinq bassins de recrutement fort
diversifiés : les lignages des conseillers du royaumes, les lignages ordinaires, les
familles serviles, les rois soumis, les lignages issus des sociétés étrangères au royaume, les
origines inconnus (Tardits, 1980c : 607) ; sous le règne du roi Njoya où cette nomenclature était
encore perceptible, il appert que le souverain épousait « très bas » ; ses épouses étaient pour
l’essentiel d’extraction sociale servile.
La noblesse palatine ne se construisait pas
nécessairement sous le label de la « noblesse de Royaume » (Bourdieu, 1989) ; (Lévi-Strauss,
1949)9 avec une circulation hégémonique des femmes. La forte proportion des reines d’origine
servile et des « rois soumis » traduit vraisemblablement une volonté de construire une centralité
politique capable de réduire les occurrences conflictuelles d’une société qui s’est formée par
absorption des composantes étrangères (Njoya, 2014 : 89-90). Le recrutement était alors
faiblement censitaire, et obéissait à des considérations plus variées.
Les analyses de Jack Goody sur les facteurs de la polygynie paraissent
ne pas éclairer suffisamment sur la complexité de cette institution (Goody, 1974 : 175-190). Il
conclut au terme d’une étude sur la femme en Afrique que la polygamie est liée aux
préoccupations libidinales et reproductrices ; perspective analytique qui passe sous silence les
fonctions économiques et de production, les fonctions d’intégration et de socialisation ; le lien
d’alliance avec une famille servile n’aménage-t-il pas l’emprise du social sur le biologique ? Il
y a dans la plupart des chefferies des « grasslands » du Cameroun un croisement des facteurs
explicatifs de la polygynie (économiques et politiques) qui tranche avec les conclusions de Jack
Goody. La « femme
du chef » peut apparaître alors comme un connecteur ensembliste, un embrayeur
socialisant, figurant « le jeu d’une aiguille à coudre les toitures, et qui tantôt dehors tantôt
dedans mène et ramène toujours la même liane qui fixe la paille » (Salmon, 2011 : 15). Dans
l’économie des biens symboliques, l’échange des femmes n’est pas toujours un échange
« utilitaire » ; il participe aussi de la construction de la trame des relations sociales. L’on
pourrait suspecter un relent structuro-fonctionnaliste dans cette approche idyllique.
Mais au delà de ce
structuralisme instrumental, la femme du chef réussit à opérer quelque affranchissement au
moyen ce que Goffman appelle « les adaptations secondaires ». En effet la femme du chef bien

9
Alors que Pierre Bourdieu explique l’émergence de la noblesse d’Etat par le travail des grandes écoles et de
l’esprit de corps, nous pastichons son expression en usant de la variable de la « circulation des femmes » privilégiée
par Claude Lévi-Strauss.

36
qu’astreinte à une « adaptation primaire » à l’espace clos de la « société de cour »,
s’ « émancipe » ensuite au travers des « adaptations secondaires » intégrées pour s’affirmer en
tant que être « capable de distanciation c'est-à-dire capable d’adopter une position intermédiaire
entre l’identification et l’opposition à l’institution et prête à la moindre pression à réagir en
identifiant son attitude dans un sens ou dans l’autre pour retrouver son équilibre » (Goffman,
1968d : 373 ; 98-99). Cette perspective incline à l’adoption d’un institutionnalisme moins
veblenien et moins porté à une explication renvoyant au dressage des corps et des esprits par la
structure (Veblen, 1898).

I.2. La femme du chef dans l’univers clos de la cour : au-delà du structuralisme


instrumental, une subjectivation feinte de l’institution palatine

La chefferie est un espace de conformisme institutionnel ; c'est-à-dire un espace de


normalisation des conduites. Dans cette perspective, l’espace et les rapports de pouvoir se lisent
singulièrement dans « une structuration scalaire » (Clerval, Fleury, Pebolier et Weber, 2015 :
99-109). La « valence différentielle des sexes » déterminerait fatalement le statut de la femme
du chef et sa fonction au sein de la « formation sociale » palatine. Le pouvoir cheffal construirait
en conséquence une figure de loyauté qui ne lui aménage qu’un territoire étriqué et où au surplus
la défection et la prise de parole revêtent le caractère d’une faible probabilité (Hirschman, 1970)
; (Daudé, 2007 : 244-245). Doit-on alors soutenir que la femme du chef est victime des
assignations spatiales et fonctionnelles ? (1) ou que dans cette « société du secret » (Fontaine,
2013 :79)10, elle incarne la figure d’un « sujet producteur de sa vie, pas totalement soumis aux
rôles et statuts sociaux liés à l’intégration sociale » ? Il s’agit alors de
cerner la femme du chef dans le dispositif de l’« institué » où le « souci de soi se construit dans
la docilité » (Machikou, 2015-2016 : 125-148). C’est dire que la soumission peut devenir désir
de soumission.

Mais en dépliant les « milles feuillets » de l’univers opaque des palais traditionnels
africains, l’on peut arriver à pénétrer le camouflage institutionnel et traquer tous les « résidus »
(Wilfredo, 1968) c'est-à-dire des espèces et des genres d’actions à travers lesquelles la femme
du chef se joue de l’institution.

10
C’est une autre appellation de la société traditionnelle considérée comme « société sans publicité » où la femme
ne participe pas à la construction de l’espace public.

37
I.2.1. La femme du chef dans le dispositif de l’institué : « L’idiote utile »11

Dans l’analyse actancielle la femme figure l’image d’une « adjuvante » dont le sort est
indéfectiblement lié à celui du « héros » (le chef). Située dans l’axe du pouvoir, elle servirait à
réaliser les productions désirantes du héros dans son épreuve glorifiante (Greimas, 1968b). Elle
est dans un attelage de tandem où elle apparait comme le moteur de la mobilité. Mais le vocable
« tandem » peut paraître problématique dans un contexte où « la tendance naturelle et
universelle chez les hommes est la polygamie … seules des limitations nées du milieu et de la
culture sont responsables de son refoulement » (Levi Strauss, 1949c : 44). Sans tomber dans les
travers de la « valence différentielle des sexes » décriée par Française Héritier, force est d’en
déduire plutôt une intuition heuristique. La
société de cour est une « formation sociale » qui consacre une certaine clôture du champ
hégémonique. La plupart des royaumes « grassfiels » de l’Ouest-Cameroun renferment cette
clôture dans une structuration scalaire de l’espace qui fait du palais le centre d’irradiation
sociale sous-tendu par le mythe de l’origine commune12. Chez les
Bamoun le palais royal se pose comme l’homocentre d’un univers coextensif à la société ; il
exerce à ce titre une fonction matricielle : « tous ceux qui sont nés en pays Bamoun
appartiennent au Roi », lit-on dans L’histoire des coutumes et des traditions Bamoun. Cet
agencement par le haut offre du palais l’image du « village qui a engendré tous les autres
villages » (Njoya, 1952b :92). Il s’agit certes là d’un registre « performatif » qui s’alimente
dans les « actes de langage » (Asaraf, 2011 : 111-120).13 La fonction génératrice du palais met
en avance l’idée d’enfantement qui est un invariant anthropologique de la fabrique de la
« masculinité hégémonique » (Connel, 2014). L’on en déduit que la captation du monopole de
la sexualité reproductive participe de la construction de la centralité politique. Il s’agit du
monopole de la « circulation des femmes » qui conforte l’assertion bien Lévi-Straussienne que
le mariage « n’est pas établi entre des hommes et des femmes, mais entre les hommes au moyen
des femmes qui en sont seulement la principale occasion » (Levi-Strauss, 1949 :136).
La femme du chef
apparaît donc comme une matrice de parturition sociale enchâssée dans l’anonymat palatin. La

11
Expression attribuée à Lénine et utilisée pour désigner et stigmatiser des intellectuels de gauche occidentaux
soutenant aveuglement le régime soviétique et utile à sa propagande. C’est dans la terminologie de Pareto des
personnes qui accomplissent des « actions non logiques du troisième genre » servant aussi des desseins qui
contredisent leurs convictions intimes.
12
Chez les Banso et Bali-Kumbat, une telle clôture est perceptible au regard de la position centrale du palais,
cercle réduit de la noblesse de sang et de la noblesse palatine.
13
« Les actes de langage » mettent en évidence le pouvoir des mots sur l’environnement ; le locuteur cherchant à
agir sur ses interlocuteurs par ce moyen.

38
fonction matricielle du palais s’opère par le moyen de la « femme du chef » appréhendée
comme objet de fécondité et objet social ; il est par ailleurs vraisemblable que la formation des
sociétés politiques africaines précoloniales ait été fortement structurée par l’hypergamie,
caractéristique du phénomène de cour mais aussi des sociétés segmentaires (Laburthe, 2009 :
201-224). En tout cas le phénomène était largement répandu dans la plupart des sociétés
montagnardes de l’ouest Cameroun (Ritzenthaler, 1966) ; (Tardits, 1970); (Waeler, 1976).
Objet de fécondité, mais objet social, la polygamie ne saurait renvoyer au simple désir sexuel
du monarque. Elle est liée à la fonction génératrice du palais et précisément à ce qu’il entend
perpétuer. En revenant aux données
factuelles relatives aux Bamoun, l’on rappellera que les souverains épousaient majoritairement
« très bas » dans les familles serviles et des « rois soumis ». Le souci d’incorporation de cette
catégorie démographiquement importante était très net dans un contexte où la sociogenèse du
royaume avait partie liée avec les invasions guerrières. Au surplus, une politique
« malthusianiste » aurait tranché avec une dynamique générale d’implantation lignagère conçue
dans l’optique de la couverture maximale d’un territoire aux frontières encore labiles. Les
matériaux historiques signalent sous le règne du Roi Njoya quarante lignages princiers et cent
lignages palatins installés qui contribuèrent au « développement du corps central de la société »
(Barbier, 1985 : 129). De même dans le mouvement inverse, le souverain
attribuait les princesses prioritairement aux chefs des lignagers palatins et subsidiairement aux
rois soumis et aux familles serviles. Dans ces transactions matrimoniales, le lignage royal en
position de surplomb procédait par fiction créatrice à l’« engendrement » de la société. La
proximité que ces transactions entre le Roi et ses sujets par l’entremise de la « femme du chef »,
faisait du souverain le point d’irradiation sur la société. Traversée par une douce subjugation
parentale la société traditionnelle Bamoun offre l’image d’une « parenté gouvernante » (Njoya,
1994) ; (Tardits, 1973: 37-49). où la « femme du chef » assure une formidable fonction de
connexion sociale. Dans ce contexte, le mariage et la procréation restent les critères
déterminants de l’épanouissement de la femme du chef, bien que décriés comme des butoirs de
la pensée anthropologiques (Héritier, 2009 : 173). Enchâssée dans l’univers clos de la cour, la
femme du chef s’appréhenderait sous le prisme d’une triple logique érotique, manducatoire et
ludique : « aimer, manger et danser » rythmaient la quotidienneté palatine ; Claude Tardits le
relève avec un remarquable trait d’humour : « au palais les femmes ne travaillaient que peu ou
pas, lorsqu’elles remplissaient des tâches, elles étaient de caractère domestique et l’économie
du palais ne leur devait rien, … Les femmes du Roi dépendaient donc matériellement,
directement ou indirectement de celui-ci… ». Et puis - précise-t-il -, « les deux traits

39
remarquables des relations avec le monarque : les femmes étaient constamment engagées dans
les compétitions à caractère ludique qu’entrainaient les entretiens de la journée et les danses
de soirée : il s’agissait de se faire remarquer et de plaire au Roi. Attendant une maternité, des
épouses royales devenaient l’objet d’une attention constante et de marques de satisfactions
royales qui allaient de la simple corbeille de maïs à la maison, voir au domaine… » . « Entre
les deux temps de la vie des femmes, celui réservé à la séduction et celui laissé à la gestation,
l’union avec le Roi n’occupait qu’un moment rare pour toutes, mais doublement désirable
puisque l’on y était poussée par des incitations quotidiennes et par les perspectives des
avantages et des honneurs qu’on en tirait lorsqu’on en portait les fruits… un constante
émulation, si ce n’est plus, était entretenue parmi les épouses par ce mari auquel on accédait
peu, mais qui se rendait présent par la remise répétée des cadeaux qui étaient exposés et
comptés » (Tardits, 1985 : 128-129). Dans les douceurs de cette
subjugation de la femme du chef, doit-on passer sous silence l’idée toute frustre mais pertinente
que l’univers palatin est traversé par des relations de « pouvoirs multiples » que le jargon
foucaldien appelle les « micro-pouvoirs » (Foucault, 1980) interprétés à la fois du point de vue
interpersonnel que structurel ? Dans le dispositif de l’institué, il
existe en marge du « bloc hégémonique de la masculinité », un « bloc hégémonique de la
féminité » ; et si l’on rompt avec l’épistémologie terrorisante qui appréhende le pouvoir dans
sa singularité verticale, l’on privilégiera sa stricte immanence c'est-à-dire les formes d’action
qui « incitent, induisent, détournent, facilitent ou rendent difficile, élargissent et limitent,
rendent plus ou moins probable, contraignent ou empêchent absolument » (Foucault, 1994 :
237). La chape de plomb de la masculinité n’altère donc ni les modes de subjectivation, ni les
techniques de soi employés diversement par la femme du chef.

I.2.2. La femme du chef : séduction et capture du pouvoir royal


La thématique de la femme voire de la « femme du chef » singulièrement assignée à la
fonction de reproduction domine encore très fortement la pensée anthropologique. Cette pensée
pourtant en mouvement, frappe encore d’interdit analytique l’appréhension des rites
d’interaction constitutifs de l’action réelle de la femme dans cette « société de cour ».
Pour résoudre l’énigme, il s’agit - toutes proportions gardées -, de projeter une « micro-
analyse » (Goffman, 1988 : 191) pouvant mettre en évidence les miettes de la vie quotidienne

40
dans cette institution « totale » (Goffman, 1968).14 Le jeu de la
femme du chef s’inscrirait donc dans un horizon où l’on peut l’appréhender sous ses facettes
multiples. Chantal Guilmain Gauthier les recense dans une nomenclature peut être tautologique
mais expressive d’une image fort éclatée de la reine : « femme donnée, femme reçue, … mais
aussi femme passerelle, femme dialogue, femme-don, femme-refus ou femme richesse, femme
enjeu ou femme gage, femme promise et femme due et surtout femme pivot d’une société
d’hommes. Toujours cachée, toujours présente, son autorité est à la mesure de sa discrétion »
(Guilmain-Gauthier, 1985 : 37). Dans les sociétés grassfields du
Cameroun, c’est surtout la « femme pivot d’une société d’hommes » qui constitue la focale
analytique la plus féconde. L’histoire de ces sociétés révèle l’importance de son rôle dans la
chaine des médiations politiques en conjonctures critiques ; tantôt fondatrice d’un royaume,
tantôt assurant l’interrègne dans un contexte de révolution de palais, son rôle est au demeurant
crucial dans la sociogenèse des États traditionnels. L’histoire des peuples Tikar confortent cette
entremise féminine dans les médiations politiques (Marran, 1954; Eldrige, 1974 ; Chilver et
Kaberry, 1971 ; Barbier, 1969 : 69-80). Aussi reconnait-on "Ngouonso" comme fondatrice du
Royaume Banso ; dans cette rare occurrence, la « valence différentielle des sexes » peut paraitre
frustre ; même si Françoise Héritier souligne tout de même le caractère transitoire qui - à court
ou à moyen terme -, aménage la clôture de cette « anomalie » matrilinéaire pour rétablir
structuralement la normalité patrilinéaire (Héritier, 2002).15 De même, Ngoungoure (fille du
Roi Mbouombouo) et Njapdounké (veuve du Roi Nsangou) ont assuré l’interrègne dans
l’ancien royaume Bamoun l’une de courte durée, l’autre pour une décennie. Elles demeurent
toujours selon Héritier des femmes exceptionnelles dont la conduite a été considérée comme
masculine. Dans son propos sur la très grande polygamie des Rois Bamoun cité plus haut,
Claude Tardits en fait un régime d’« amour, de manducation et du ludisme ». C’est dans les rets
de ce système d’indices que la femme du chef mobilise rationnellement son répertoire d’action.
Dans la soumission supposée totale de la femme du chef s’introduisent insidieusement une
« pratique de la convivialité et une stylistique de la connivence » (Mbembe, 2000 : 16-19) qui
en atténuent la rudesse.
Quelques extraits de l’ouvrage de Tardits consacrés au Royaume Bamoun renforcent
pourtant les traits d’une « institution totale » où n’est aménagé aucun interstice même

14
Il entend par « institution totale », « un lieu de résidence et de travail où un grand nombre d’individus placés
dans la même situation, coupés du monde extérieur pour une période relativement longue, mènent ensemble une
vie recluse dont les modalités sont explicitement et minutieusement réglées »
15
Dans le cas des Banso, la matriléarité a succombé à la patrilinéarité par un rétablissement définitif du pouvoir
mâle.

41
d’apparente liberté à la femme du chef : « les femmes du Roi ne circulaient pas librement dans
le palais ; elles ne se rendaient qu’aux lieux où les appellent leurs tâches et s’annonçaient en
tapant des mains et en criant : "voici la femme du Roi" afin d’éviter de croiser des serviteurs
adultes. Les sorties en ville ou à la campagne étaient exceptionnelles. Une femme du Roi allait
à l’enterrement de sa mère accompagnée d’autres épouses et des serviteurs désignés » (Tardits,
1985 : 624-625). L’on dirait un « archipel de Goulag » où une véritable industrie pénitentiaire
happe violemment la femme du chef. Seules les « sociétés segmentaires » concèdent quelques
largesses à certaines reines qui peuvent se voir octroyer un concubin ou servir à relever
charnellement le dispositif d’hospitalité d’un hôte de marque (Laburthe-Tolra, 2009 : 256).16
Pratiques qui tranchent avec la sévérité du traitement réservé à la femme dans les royaumes
grassfields : « les femmes vivaient dans un cadre restreint, relate encore Tardits, leurs
coépouses et le Roi d’une part, des enfants et des hommes âgés de l’autre… L’infraction la plus
lourde était l’adultère ; il s’en commettait malgré les précautions prises pour isoler les femmes.
On assommait l’épouse coupable et on la précipitait du haut d’un monticule proche de la ville ;
celles qui s’enfuyaient dans les Royaumes voisins, et que l’on ramenait, ce que prévoyait une
coutume répandue dans tous les États de montagne, étaient également mises à mort ».
Cette effrayante peinture de la femme du chef obstrue
malheureusement les possibilités d’une appréhension apte à révéler la circulation des femmes
dans les « mailles du pouvoir » (Foucault, 1981 : 182-194). En effet, dans la noblesse
chefferiale « la masculinité hégémonique » côtoie une « féminité hégémonique » ; dans le cas
Bamoun, la « féminité hégémonique » s’exprime dans une hiérarchie de pouvoir où est
consacrée une duplication du masculin et du féminin, et qui ensuite s’agence secondairement
dans une ligne hiérarchique singulièrement féminine. Ce qui consacre son caractère hybride :
c’est dire que les masculinités aussi que les féminités ne sont pas fixes et n’existent pas
« antérieurement à l’action sociale, mais commencent à exister en même temps que les gens
agissent » (Connel, 2000 : 198-199). L’on verra ainsi dans le cas sus évoqué des situations de
co-succession (impliquant le roi (Fon) et la cohéritière (Momafon)) qui font penser à une
royauté bicéphale. Par ailleurs la hiérarchie des reines s’exprimait dans un agencement
territorial couvrant trois colonnes d’habitation le long du noyau central du palais de Foumban ;
hiérarchie structurée par des catégories générationnelles avec une prééminence des « aînées
conjugales » sur les « cadettes conjugales ».

16
Il s’agit généralement chez les Beti des « Minlua», c'est-à-dire des languissantes ou "Olongo" (nourrisseuse).
Mais la société de cour étant une société du secret, ces transactions s’opèrent dans les strictes limites du périmètre
chefférial et dans une rhétorique de la connivence.

42
Cette bipartition hiérarchique (hiérarchie des hommes/hiérarchie des
femmes) (Tardits, 1985 : 611-612)17 exprime l’existence dans le corps « hermétique » du palais
d’un « micro-pouvoir » fonctionnant dans un « souci de soi » qui incline la femme du chef à
une subjectivation de l’institution. L’œil anthropologique pourrait y voir un « pouvoir
matronal » que les femmes âgées acquièrent proportionnellement à leur processus irréversible
de ménopause et qui les rend « détentrices de pouvoir, autorisées à prendre la parole et à décider
d’un certain nombre de choses » (Héritier, 1996 : 103). En déplaçant la perspective d’analyse
du sexe vers l’usage du corps, il appert que le corps de la femme du chef est un redoutable lieu
de condensation d’énergie de séduction hypnotique.
« Chanter », « danser » et « aimer », entrent dans ce registre de l’inversion sociale où le
puissant (le Roi) peut devenir objet de dérision dans le temps clos de la fête, introduisant ainsi
par la théâtralisation, une transgression dans le champ social. Dans certains royaumes
grassfields du Cameroun, en dehors des activités domestiques, les femmes du chef consacraient
un temps précieux à l’exhibition de leur corps en présence du Roi qui payait le prix quotidien
de cette théâtralité. La frénésie corporelle des reines suscitait les préférences du monarque et le
classement subséquent. Ce qui impliquait le roi dans un jeu de canalisation de son pouvoir.
Une épopée
que l’Histoire des coutumes et des traditions Bamoun corrobore fait état des récurrentes
occasions où le Roi Njoya eut à exprimer sous cape ses attirances en répondant aux
provocations sensuelles de certaines de ses épouses (Nico, 2002 : 99-113). Le pasteur Henri
Nicod relate l’une des dérobades du Roi Njoya séduit par sa préférée (Megweloune) lors de la
fête du Ngouon où il s’est autorisé une transgression sacrilège en dansant avec frénésie en public
(Nico, 2002b : 102-105) ; ce fut une forme d’ « inversion sociale » incontrôlée et insécurisée
ne s’inscrivant plus dans les limites précises de la ritualité (Perrot, 1967 : 434-443). Dans cette
scène, l’amour et la danse s’engouffrent dans les failles d’un système où la « masculinité
hégémonique » est étreinte par la « féminité hégémonique », replaçant le pouvoir dans le champ
des stratégies féminines qui l’émasculent sur scène. La femme du chef en Afrique était capable
« du drame, de l’embrouille, de l’envers » (Balandier, 1980)18, mais aussi de dérision.
Il s’agit précisément d’une dérision
résignée qui tourne autour de la gestion de la polygynie où trop longue est souvent l’attente de

17
Cette hiérarchie est agencée ainsi qu’il suit : au sommet le momafon ou cohéritière, le Njigbiéfon (l’épouse la
plus âgée ou une reine veuve), les Mùtnjü gbiéfon (adjointes aux Nji gbiéfon et les gbiéfon (reines les plus récentes).
18
Georges Balandier considère l’« embrouille », le « drame », et l’« envers » comme des ingrédients de la
théâtralité politique.

43
l’appel charnel du roi. En contrepoint de la « danseuse du Roi » plus expressive dans la
banalisation du pouvoir royal, la dérision résignée a des intentions déstabilisatrices beaucoup
moins affirmées. Il s’agit dans la perspective de Patrick Brunetaux d’une inversion qui passe
par la dévirilisation du chef (Brunetaux, 2000 : 217-226). En effet, la femme du chef intériorise
dans sa prison phallique, la structure du mépris et retourne au bourreau certaines de ses
applications. Dans le langage hermétique de la cour royale
Bamoun, l’on est très souvent débordé par un usage quasi-inflationniste des louanges
zoomorphiques dont les reines affublent ironiquement le Roi. L’on le ressent dans la démesure
de leurs récitals à la cour royale. Leur époux est assimilé indistinctement au « lion, roi des
animaux », à la « panthère » considérée dans l’onomastique Bamoun comme un « dangereux
félin », à l’ « éléphant » dont l’imposante majesté du corps l’épargne des petites épreuves, à
l’ « araignée » ce « tisserand patient doué d’une exceptionnelle intelligence », ou au « serpent
à deux têtes qui mord tous azimuts ».
Les anthropologues considèrent que cette narration a
partie liée avec la virilité mâle 19 qui dans le cas Bamoun contraste fort avec un époux que la
polygamie rend quasiment absent. Dans cette solitude assumée, le « souci de soi » s’opère par
une subjectivation de l’institution à travers une véritable métaphysique - d’apparence
intelligible -, mais dont l’obscurité relève de la profondeur attendue d’un texte philosophique.
Dans la même veine et avec une douce provocation une des chansons les plus populaires de la
cour s’adresse ainsi au Roi : « puisque nous n’avons rien à faire, en t’attendant nous labourons
ton vaste champ à l’arrière cour du palais ». Il s’agit ici d’une ontologie de la réalité
réorganisée par la chanson (Mercier, 2001). La dérision n’est pas l’humour : l’humour n’ayant
pas de victime ; nous envisageons la dérision dans la perspective d’une « mise en abîme » de
l’autorité20 (Foucault, 1966). Ainsi l’image féroce du lion se dissout-elle dans le manquement
au devoir de sa charge conjugale. « En attendant, nous labourons ton vaste champs… puisque
nous n’avons rien à faire ». Ce récit sert de ressources créatrices contre les conventions jugées
trop rigides. C’est une escapade vers un lieu-refuge où l’exercice du vivre passe par la
« dévirilisation » du chef. La dérision dévoile ainsi quelques clartés dans la nuit.
Somme toute, dans le complexe polygynique et l’enferment
palatin de la femme du chef, « aimer », « danser » et « chanter » assurent une fonction

19
Ces descriptions sont puisées dans le langage hermétique de la cour royale dont les reines font usage pour moquer
l’indifférence charnelle du roi (Voir Héritier (Françoise), Masculin/féminin, op.cit., pour les rapports entre la
narration choquante et la virilité mâle)
20
Il s’agit d’une analyse en détails des Ménines empruntées au célèbre portrait de Diego Velázquez (1656)
consacré à la famille de Philippe IV.

44
libératrice parfois dans une narration excentrique non dénuée de provocation. Comme chez les
indiens, la dérision ne fait-elle pas rire de ce que l’on craint ? (Taylor, 2013 : 114-121). Si la
femme du chef dans la « société traditionnelle de cour » adopte un tempérament casanier,
subjuguée par une « masculinité hégémonique », dans le contexte de la modernité politique sa
projection sociale l’affranchit de certaines contraintes de la société de cour. Dans le processus
de construction de la figure de « première dame », l’on note une fluidité des frontières palatines
qui aménage sa pro-activité politique et sociale.

II. La « femme du chef » dans la « République de cour » : fluidité des frontières


palatines et projection spatiale.

L’État postcolonial est aussi le lieu de recomposition de la figure de la « femme du


chef ». Émasculées par les rationalisations wébériennes et une polygamie de moins en moins
rendue possible par l’adoption du christianisme, les chefferies traditionnelles s’érodent en
capitaux matrimoniaux, en prestige et en influence21, accusant ainsi un net raidissement du
harem. Au sommet de l’État, en dehors de quelques rares cas emblématiques de polygamie
sérielle22, la figure de « première dame unique » s’impose de plus en plus sur la scène nationale ;
elle est même parfois au cœur de l’action politique et sociale. Le
processus de construction de la personnalité de la première dame s’inscrit dans des cercles
concentriques de projection fort différenciée. Dans cet agencement, l’on peut formuler trois
types idéaux : le cantonnement palatin, la projection politique et la projection sociale. Il est
toutefois difficile de faire le départ entre la nature singulièrement politique ou sociale de cette
projection car elles procèdent toutes de la nature du système politique et des liaisons
paradoxales entre l’ordre politique et l’ordre social (Grawitz et Leca, :469-565).

II.1. L’ordre politique et la production sociale de la femme du chef : cantonnement


palatin et subjectivation endogène du champ.

21
Parfois l’option pour la polygamie survient ex-post ; les devoirs de la charge traditionnelle imposant au nouveau
chef l’option polygamique conforme à l’idée que ce dernier a pour successeur le prince né sur le trône ( c’est le
cas du sultan Ibrahim Mbombo Njoya qui compte aujourd’hui une dizaine d’épouses alors qu’il est demeuré
monogame jusqu’à son départ du gouvernement).
22
C’est le cas du Roi Mswati du Swaziland avec quatorze femmes, le président Jacob Zuma d’Afrique du Sud
avec quatre épouses, feu Mouammar Kadhafi avec deux femmes et trois pour Yaya Jammeh de Gambie.

45
L’on pourrait avec quelques raisons corréler la posture de la femme du chef (première
dame) à la nature du système politique. Les systèmes « clos » ou monolithiques charrieraient
un tempérament casanier de la femme du chef ; l’on a pu observer dans les cas camerounais,
congolais, ivoirien et gabonais, un système de cantonnement des « premières premières
dames » dans les limites étriquées des palais présidentiels 23 ; la première dame est demeurée
selon Yatabary Aïcha « celle qui chuchote à l’oreille du président ... qui inaugure les
pouponnières » (Yatabary, 2017).
La peinture peut paraitre excessive parce que même dans cette « société du secret » se
forge toujours un souci d’affirmation endogène de soi. En effet, le palais présidentiel est une
« configuration » au sens de Norbert Élias (Delmotte, 2010 : 29-36) ; et comme tel, s’y trament
des transactions et des tractations porteuses d’externalités positives que le méta-pouvoir
féminin mobilise pour parasiter le dispositif institutionnel soit par contournement, soit par
intelligence subjective. Il
faudrait éviter ici un contresens. Le cantonnement palatin ne renvoie pas à un enfermement de
« Goulag » ((voir « Hermès, 2000 : 217-226.)24 ; ni le sujet à l’acteur mais à la capacité d’être
acteur et de construire son existence dans une structure de jeu donné. Les figures
du tempérament « casanier » sont incarnées par Mme Jeanne Irène Biya et Mme Germaine
Ahidjo. Dans le contexte monolithique, la domination de la figure présidentielle sur l’univers
palatin procède quasiment d’un fonctionnement patriarcal où s’appuyant sur des gens qui
dépendent en tous points de lui se constitue en épicentre d’un système coextensif à la structure.
Il y a alors une correspondance de la personne du Président de la République avec l’esprit du
temps monolithique.

La proximité professionnelle des deux « premières premières dames »25 leur conférait
la figure « affectueuse » de mère d’enfant ou mieux de « matrones bretonnes » aux quelles
Françoise Héritier fait allusion pour renforcer les traits de la domination masculine.
Leur visibilité publique était restreinte pour l’essentiel aux voyages officiels du chef de
l’État et aux dîners d’État ; la notion de « couple présidentiel » est dans ces circonstances
mobilisée pour des liturgies de représentation (Rivière, 1988) ; (Abélès, 1990). C’est une clause

23
Germaine Ahidjo, Marie Thérèse Houphouët-Boigny, Patience Dabany Bongo et Edith Bongo et Antoinette
Sassou Ngesso ont eu un tempérament passif du moins au regard de la pro-activité des premières dames de la
deuxième génération.
24
La dérision est d’ailleurs une forme de subjectivation de l’institution que Patrick Brunetaux met en exergue dans
les camps de concentration.
25
Madame Germaine Ahidjo était infirmière généraliste des maladies tropicales ; Madame Jeanne Irène Biya
diplômée de l’École des Sages Femmes de Nantes (cette dernière a par contre continué d’exercer à l’Hôpital
Central de Yaoundé même après l’accession de M. Paul Biya à la magistrature suprême).

46
de style protocolaire qui masque la domination mâle. Appréhendée à la verticalité et non à
l’horizontalité, elle figure le destin d’une première dame condamnée à suivre de deux pas en
arrière son époux. Mme Irène Biya et Mme Germaine Ahidjo ont été des « femmes relativement
effacées » ; l’on trouve difficilement trace d’une quelconque prise de parole publique de la part
de ces dernières. Madame Ahidjo n’aurait jamais pris part au défilé de la fête nationale. Pour le
Journal le Messager « c’était une femme qui savait s’effacer devant Mr le président qui ne
l’amenait d’ailleurs que dans des tournées à l’intérieur du pays. Elle se limitait ainsi à ses
sorties publiques constituées des visites à caractère social dans les orphelinats ou autres
institutions spécialisées telles que le centre cardinal Leger qui s’occupe notamment des
handicapés ; jamais on ne l’a vue au défilé lors de la fête nationale. Elle n’apparaissait que
dans les réceptions offertes par le couple présidentiel et lors des voyages à l’étranger »26.
Le même
portrait est fait de Mme Irène Biya avec une note de chaleur maternelle qui - du reste -, la
singularisait : « considérée comme une sorte de mère de la nation camerounaise, maternelle,
elle l’était effectivement, il appelait tout le monde « mon fils » ou encore « ma fille », « mes
enfants » … garde de corps, responsable de protocole, cuisinières, jardinières »27.
Cette « passivité »
participait d’un style de « présentation de soi » sur scènes qui contraste pourtant fort avec leur
capacité à construire en « coulisse » leur existence dans le sous-système palatin. En effet, dans
ce sous-système, les deux premières dames déployaient une « politique d’affection » (Sindjoun,
1998). qui leur permettait de dominer l’arrière cour du palais. En tout cas les femmes comme
les hommes sont détentrices d’une volonté de pouvoir et « c’est dans la façon d’imposer la loi
ou de livrer ses convictions qu’il peut y avoir des nuances » (Badinter, 2016). Le maternalisme
qu’affiche Mme Irène Biya shunte tout l’appareil palatin et fait circuler le pouvoir
intermittemment d’une cavité à l’autre. Les appellations affectueuses ("maman",
"mon fils" ou "ma fille") qui structurent l’« agir communicationnel » dans ce sous-système
constituent des « actes perlocutoires »28 (Austin, 1970) au regard de l’effet psychologique que
pourraient produire de telles références sur le récepteur ; par l’entremise de cette interaction
communicationnelle se construit une « zone d’incertitude » (Crozier, Friedberg, 1977) où se
déploie une ingénierie de siphonage du pouvoir.

26
Le Messager du 28 février 2014, « Cameroun 50 ans d’indépendance : trois premières dames, trois styles
différents ».
27
Le Messager, ibid.
28
Un acte perlocutoire est la conséquence psychologique qu’entraine un énoncé d’un sujet parlant sur son
auditoire.

47
Ainsi, Mme Germaine Ahidjo se présente-t-elle comme
l’intercesseur, ou mieux la médiatrice toujours prompte à offrir ses bons offices dans les
différends opposant son époux à ses collaborateurs ; se délectant - parfois dans sa disgrâce -,
d’avoir toujours considéré Monsieur Paul Biya « comme son fils ». Ses déclarations à Radio
France Internationale confortent l’impression qu’elle exerçait un fort tropisme sur les décisions
du chef de l’Etat ; du moins l’éclairait-elle sur le choix de ses principaux collaborateurs29.
Cette « politique d’affection » pourrait aussi être appréciée à l’aune les « trophées
politiques » engrangés par les premières dames. Ils auront été pour l’essentiel des gratifications
ex-post. La fibre parentale de Mme Biya n’aura été activée comme levier politique qu’à titre
posthume. Aussi note-t-on une cooptation par le Président Biya des figures marquantes de la
famille de son ex-épouse30. Il en a été de même pour Mme Germaine Ahidjo lorsque la question
du rapatriement de la dépouille de son époux s’imposait de plus en plus comme un enjeu de
réconciliation nationale. Le retour médiatisé d’Aminatou Ahidjo (fille d’Ahmadou Ahidjo) en
2013 et son enrôlement au parti au pouvoir, la nomination du fils aîné de l’ancien président
comme Ambassadeur itinérant par le président Biya participent de cette « politique
d’affection » qui retisse les liens politiques entamés par le traumatisme historique des
circonstances de la disparition de l’ancien de l’État. Dans un cas comme dans l’autre, le « mort
saisit le vif » (Bourdieu, 1980 : 3-4) dans une logique d’usage politique de la parenté. Les
deux « premières premières dames » dans leur cantonnement palatin ont organisé et structuré
« des zones d’incertitude » où se déploie efficacement un jeu de fond de cour. Ce faisant, elles
ont préservé un espace du pouvoir présidentiel que les autres ne maîtrisent pas.

De nos jours, les premières dames acquièrent une notoriété inégalable ; devenues
proactives, elles rompent avec la figure sobre d’adjuvante du président et s’engouffrent dans
les failles d’un dispositif institutionnel de plus en plus émasculé par les demandes sociales.

II.2. La « femme du chef » dans les conjonctures de fluidités politique et sociale

29
Foka (Alain), Archives d’Afrique : Ahmadou Ahidjo, (18), RFI, 2010.
30
M. Robert Nkili frère cadet de Mme Irène Biya est ministre du travail entre 2002 et 2011 et des transports entre
2011 et 2015 ; neveu de Mme Biya M. Louis Paul Motaze est ministre de l’Economie, de la Planification et de
l’Aménagement du Territoire ayant été au préalable Secrétaire Général des services du PM ; cousin patrilatéral de
Mme Biya, Emmanuel Ava-Ava a été député du Nyong et Mfoumou de 1997 à 2003.

48
Les premières dames de la deuxième génération semblent saisies par la fluidité des
« conjonctures critiques »31 (Dobry, 1986). Celles-ci inaugurent leur « magistrature féminine
suprême » quasiment dans un contexte d’effondrement des routines et de métamorphose de la
régulation politique. Le contexte général de la démocratisation s’offrant d’ordinaire comme une
« structure d’opportunité » d’action ; dans la mesure où la compétition a ouvert aux agents
sociaux de larges perspectives d’émancipation sociale et politique.
Les premières dames sortent pour ainsi dire, de leur « réclusion » palatine pour porter
le « chapeau phrygien » d’une pro-activité qui se déploie dans les domaines politique,
économique et social. L’on peut - avec le risque de trop schématiser une réalité fort complexe
-, proposer deux idéaux-types de pro-activité des premières dames : un - d’allure apolitique -,
que l’on peut considérer comme une « pro-activité sociale », l’autre plus marqué par des luttes
d’occupation du champ politique que l’on pourrait appeler « pro-activité politique »32 (Lagroye,
2004 : 715-723) ; (Pelloux, 1980 : 123-141). Notre
tentative d’objectivation se limitera à trois figures proéminentes qui incarnent sur leurs traits
essentiels ces deux types idéaux. Il s’agit d’un horizon d’interprétation qui inclut aussi bien le
métapolitique, le para-politique que le politique lui-même. Il n’y a d’ordinaire pas de type pur
qui ne puisse se laisser saisir par la politique puisque parfois situé à l’interface des institutions
publiques, parapubliques et même privées (Michaux, 2010 : 210-234).
Entre Mme Chantal
Biya, Simone Gbagbo et Rosine Soglo, la commune mesure c’est leur projection hors du cercle
étriqué du palais présidentiel.

II.2.1. La première dame du Cameroun et la construction sociale de sa stature :


L’« apolitisme politique » des actions caritatives de Mme Chantal Biya

La figure proéminente de Mme Chantal Biya résulte d’une construction sociale


(Luckman et Berger, 1986) ayant partie liée avec les représentations collectives qui structurent
les perceptions que les agents sociaux ont d’un enjeu quelconque : « nymphe de l’Égérie »,
« mère de la nation », « présidente dans l’ombre » sont autant de qualificatifs que l’opinion
politique lui concède volontiers par antonomase (Eboko, 2004 : 91-10). Le contexte

31
Les « conjonctures critiques » selon Dobry sont marquées par une mobilisation multisectorielle assortie d’une
désectorisation. Elles révèlent une certaine plasticité du système social qui offre des opportunités en termes de
« coups politiques » tendus.
32
Pierre Favre est plus profond sur cette question : à propos du sens et du non-sens d’une problématique récurrente,
il se demande bien si la question de l’objet de la science politique a finalement un sens ; puisque nous nous
attardons très souvent sur des considérations essentialistes.

49
de crise économique très singulièrement marqué par la crise du secteur sanitaire et éducationnel
a été un embrayeur de l’action humanitaire de la première dame camerounaise. Il s’agit d’un
domaine où les politiques publiques de santé et de l’éducation accusent une crise de verticalité
et où la puissance de l’État est en question (Eboko, 49-68) ; les « cadets sociaux » semblent
désemparés par une dispersion due à une adhésion au départ plutôt passive du Cameroun à la
lutte contre le VIH/Sida ; même si les pouvoirs publics ont pris quelques décisions hardies
portant sur les coûts des trithérapies 33. Dans la constellation
d’acteurs (État, Médecins Sans Frontières, Association des Frères et Sœurs Réunis,
SunAIDS…) qui anima une solidarité passablement minimale à partir de 1990, l’action de Mme
Biya est apparue dans un contexte de demandes sociales toujours pressantes comme une force
de sustentation des souffrances des populations vulnérables. La construction de sa stature
parait s’inscrire dans une stratégie d’appropriation largement tributaire du « charisme
d’institution » (Weber, 2013 : 463-486). En regard, la Fondation Chantal Biya s’implante sur
les fonts baptismaux d’une initiative encore frustre de Mme Jeanne Irène Biya de l’« Aide à
l’Enfance Malade » logée au pavillon pédiatrique portant à l’époque son nom ; de même bien
qu’étant originellement présidente du CERAC 34, elle a trouvé prise sur les linéaments d’une
institution en gestation par la constitution des soutiens divers à travers ce que Christian Topalov
appelle le « sens commun réformateur » (Topalov, :12). Le charisme d’institution peut ainsi
permettre au « mort de saisir le vif ». Cette mobilisation plutôt « stalagmite » s’est
socialement ancrée grâce aux « structures d’opportunités politiques » de la conjoncture fluide
de la démocratisation. La lutte politique a en effet était pour l’essentiel une lutte de dé-
légitimation du pouvoir dirigeant accentuée par les contre-performances économiques que
l’opposition mettait au compte d’une gouvernance caractérisée par une corruption généralisée.

Face à un « style de l’absence » ou mieux à un éloignement de l’espace public que


certains auteurs attribuent volontiers au président Biya à la suite des deux premiers essais
électoraux de l’ère pluraliste35, Mme Chantal Biya va déployer une pro-activité effrénée dans
le domaine humanitaire, visiblement pour sustenter socialement un pouvoir éprouvé par des

33
Notamment le protocole d’accord signé avec Lionel Laplace le 04 avril 2001 qui aboutit à une baisse de plus de
90% par rapport au prix coûtant ; mais surtout le décret présidentiel de juillet 2002 annonçant une baisse sensible
des prix des molécules antirétrovirales et une baisse consécutive du coût des examens biologiques.
34
Le Cercle des Amis du Cameroun à sa création était pour l’essentiel composé des femmes des diplomates. Cette
extraversion statutaire était pour le moins un obstacle à son ancrage social. D’où son ouverture aux élites
camerounaises ; d’ailleurs la dénomination « masculinisée » (Cercle des Amis du Cameroun) et non Cercle des
Amies du Cameroun traduit cet esprit d’ouverture.
35
L’expression « style de l’absence » utilisée par Fred Eboko s’origine dans un article de Stephen Smith : « Un
vacancier au pouvoir à Yaoundé » in Libération, 16 février 1995.

50
luttes singulièrement politiques. Il y a dans le « répertoire d’actions » de la première dame ce
que Hanspeter Kriesi appelle « involution », c'est-à-dire une accentuation de son mouvement
sur des incitations sociales (Mc Adam, MacCarthy J.D, Zald N. M., 1996 : 156). Cette offre est
visiblement en congruence avec les attentes des secteurs sociaux les plus éprouvés par la crise
politique et économique. Cette
« involution » va s’accompagner d’une « institutionnalisation » épousant une projection
spatiale en cercles concentriques : projection endogène sous le label de la Fondation Chantal
Biya et du CERAC, projection internationale sous le sceau des Synergies Africaines contre le
SIDA et les Souffrances. Ces institutions sanctuarisent toutes sortes d’action en faveur des
couches sociales défavorisées 36. La Fondation Chantal Biya suscite à elle seule un formidable
attrait des personnalités de marque avec quarante cinq (45) visites de mai 2003 à novembre
201337. Le « complexe caritatif » de
la première dame camerounaise comporte essentiellement des associations apolitiques et
déclarées d’utilité publique par décret présidentiel. Mais ces initiatives s’inscrivant dans les
séquences constitutives d’une politique publique, l’on peut questionner la légitimité de ces
actions parapubliques (Machikou : 2016) ; autrement dit, l’apolitisme de Mme Biya n’est-il pas
in fine politique ? Certes la notion de « couple présidentiel » n’est plus très usitée au regard de
l’excessive personnalisation des actions de Mme Biya ; elle affiche une ascension solitaire que
ses prises de parole confortent, à travers un recours « déférenciel » plutôt rare à l’égard de son
mari ; s’est-elle frayé un champ de déploiement solitaire exempt de toute immixtion
présidentielle ; syntômatique est d’ailleurs la domiciliation de ces structures hors de la
présidence de la république marquant ainsi un détachement organique. En tout cas les œuvres
sociales de la première dame s’offrent comme une réplique hardie à une adhésion au départ
plutôt « passive » du gouvernement à lutte contre les souffrances humaines.
Elle « fait la politique » autrement que par

36
Dans le « complexe caritatif » de Mme Biya les objectifs se recoupent parfois. La FCB a pour objectifs : la
prévention et le soulagement des souffrances humaines, la protection, l’éducation et les actions sociales et
sanitaires en faveur de la mère et de l’enfant, l’assistance aux personnes âgées, lutte contre la pauvreté et la misère,
la protection de la famille, l’assistance en matériels et en médicaments aux hôpitaux et centres de santé nécessiteux.
Les missions des Synergies Africaines sont plus spécifiques : lutte contre le travail des enfants et autres sévices
subis par ceux-ci, promouvoir par tous les moyens l’amélioration des conditions de vie des femmes rurales
africaines, apporter un appuis résolu à la mise en œuvre effective de la Déclaration de Genève et des plates-formes
africaine et mondiale, lutte contre le VIH/SIDA. Le CERAC vise à « cultiver l’amitié et la solidarité entre ses
membres, apporter une assistance humanitaire aux populations vulnérables, favoriser l’accès des déshérités aux
soins de santé de qualité, promouvoir l’éducation intensive, contribuer à la lutte contre la pauvreté et les
souffrances humaines, œuvrer à la promotion du rayonnement international du Cameroun notamment à travers la
section diplomatique ».
37
Voir n° spécial FCB-Magazine 2014, p. 46.

51
son implication formelle dans le champ politique. La notion emblématique de « champ » que
Pierre Bourdieu considère comme un enjeu de lutte entre agents et organisation qui le
constituent, suggère l’idée de sa relative ouverture (Bourdieu, 2000) ; n’étant pas un espace
fermé, le « champ politique » héberge toujours des substances apolitiques potentiellement
politisables. Les œuvres de la première dame sont logées au
sein des institutions publiques (CHU, Hôpital Central etc.) ; elles hébergent une dynamique
privée des politiques publiques. Ce glissement paradigmatique (des politiques publiques aux
politiques parapubliques) pose le problème plus général de la mutation conceptuelle de la notion
d’intérêt général. La conception volontariste qui place l’État au centre de l’action publique
réduirait ainsi les politiques publiques aux « interventions d’une autorité investie de puissance
publique et de légitimité gouvernementale sur un domaine spécifique de la société ou du
territoire » (Thoenig, 2014). Cette notion migre progressivement vers une formulation
démocratique et participative à des fins d’intérêt général qui suppose un exit des sites classiques
des formulations des politiques sociales vers des « communautés de responsabilité » plus aptes
aux « mobilisation instituantes » (Badie, 1999) ; (Njoya, 2016 : 1-18).
Somme toute, la première dame est un acteur politique car il y a toujours un
chevauchement de sphères - aussi minimal soit-il (Daloz, 2006 : 617-623) -, entre le politique
et l’apolitique. Et au surplus, l’entreprise de politisation par les entrepreneurs politiques rend
inéluctablement politique ces actions ; comme nous le rappelle Jacques Lagroye, ce processus
de politisation renvoie à la « requalification des activités sociales les plus diverses,
requalification qui résulte d’un accord pratique entre les agents sociaux enclins, pour de
multiples raisons, à transgresser ou à remettre en cause la différenciation des espaces
d’activités » (Lagroye, 2003 : 361).
Le débat sur la nature politique ou apolitique de l’objet du colloque consacré aux actions
sociales de la première dame organisé par l’université de Yaoundé II, révèle des prises de
position politiquement clivées au regard de la posture partisane des protagonistes. Cet objet
pourtant scientifiquement objectivable a été largement approprié par les « entrepreneurs
politiques », et l’on ne peut s’étonner que beaucoup laissent entendre qu’à défaut de suivre leur
raisonnement, l’Université de Yaoundé II se placerait hors de la scientificité 38. Il est constant
que la première dame politise moins ses œuvres sociales que ne le font les entrepreneurs

38
Quelques jours avant ledit colloque, Monsieur Alain Fogue, maître de conférences à l’université de Yaoundé II
a adressé une « laborieuse » lettre ouverte au Premier Ministre et aux universitaires pour dénoncer ce qu’il a appelé
« meeting politique scientifique » qui pourtant demeure dans la sociologie durkheimienne un « fait social »
scientifiquement objectivable.

52
politiques. Somme toute, si
l’oxymore ne sonnait parfois pas comme un barbarisme, l’on arguerait peut-être - avec quelques
hésitations -, que Mme Chantal Biya fait de l’« apolitisme politique ».
Pourtant le type-idéal de projection
politique des premières dames est incarnée par Mme Simone Gbagbo et Mme Rosine Soglo au
regard de leur occupation du champ politique de leur pays respectif.

II.2.2. L’idéal-type de première dame politique : Simone Gbagbo, Rosine Soglo et la


politique en duo

Dans cet idéal-type, la femme du chef marque véritablement le champ politique.


Le président et la première dame jouent en duo sur le terrain politique. Tantôt adjuvante
politique de son conjoint, tantôt tente-elle parfois de supplanter ce dernier par une
occupation quasiment ubiquiste de l’arène politique. Dans le contexte ivoirien l’activisme
politique de Mme Gbagbo a même confiné une prise de pouvoir (Touré, 2004 : 32-36). Le
récit de vie des premières dames de Côte d’Ivoire révèle en elle un type-idéal très politisé
tranchant nettement avec ses devancières 39. Sa formation universitaire a été un puissant
incubateur de son activisme politique. Dans la carrière politique de Mme Gbagbo l’on peut
précisément prêter attention au rôle qu’elle a joué dans l’aménagement des « structures de
plausibilité de coups » contre l’establishment politique en Côte d’Ivoire. Elle a appartenu
à tout un « réseau d’occurrences » (Berger, Luckmann, 1971 : 174-175) de la figure du
désobéissant : elle adhère à la « cellule Lumumba » considérée comme un groupe anarcho-
révolutionnaire, dirige le syndicat des enseignants du supérieur (SYNARES), impulsant du
même coup des mouvements de grève à l’enseignement supérieur 40 ; elle est aussi très
marquée par une foi évangélique à tout crin à laquelle elle convainc son époux.
Le « répertoire d’actions politiques » (Tilly, 1984 :
89-108) du président Gbagbo recoupe celui de son épouse. Très marqué à Gauche par un
syndicalisme actif dans les années soixante dix, il a été l’artisan des manifestations qui ont
abouti à la fermeture des universités et des grandes écoles en 1982.
Deux socialisations politiques congruentes qui vont imposer dans
le jeu politique ivoirien une « noblesse des motivations désobéissantes » (Pedretti, 2001 :

39
Marie-Thérèse Houphouët-Boigny, Henriette Kona Bédié, Rose Doudou Gueï étaient des « femmes de
l’ombre ».
40
Soudan (François), « Simone Gbagbo, le pouvoir jusqu’à la lie », Jeune Afrique, 2-8 déc. 2016, pp. 24-32.

53
59-62). Les deux acteurs ont laborieusement mobilisé ces répertoires d’action dans un
système difficile d’accès, mais embrayé par le « changement des alignements politiques…
la division des élites et la répression » (Tarow, 1994).
Duo ou duel sur le champ politique ? Il est difficile de trancher. Si l’on ne peut parler
de bicéphalisme, peut être faudrait-il évoquer l’image du « tandem » : « pédalé de l’arrière
par Simone Gbagbo ». Mais le sentiment d’un bicéphalisme à la tête de l’État est demeuré
tenace chez la plupart des observateurs de la vie politique ivoirienne : « en fait, et le cas
est unique en Afrique, il n’y a pas en Côte d’Ivoire, de 2000 à 2011, un seul chef qui règne,
mais deux »41. L’hypothèse de la de la « domination masculine » peut alors paraître frustre
dans une telle supposition. Plus ironiquement d’aucuns lui attribuent volontiers le
qualificatif de « dame de fer de son président mari »42. Le Secrétaire général de l’ONU ne
soulignait-il pas déjà en 2001 l’influence de la première dame ivoirienne en envisageant de
l’inviter au sommet sur la Côte d’Ivoire en raison - arguait-il -, de « sa meilleure
compréhension des solutions » pouvant aider à mettre vite en œuvre les décisions arrêtées
(Goffman, 2003). Simone se révèle aussi être, l’autre Gbagbo à la tête de la Côte d’Ivoire
souligne dans la même veine le journal le Monde. En réalité, il
y a dans cette apparente rivalité, un jeu l’« oie du pouvoir » structuré par une interaction
symbolique qui leur permet de « sauver la face »43. Jouant le jeu de la « figuration » et des
« échanges réparateurs », elle veillait à ne jamais contredire publiquement le président
Gbagbo. Très souvent elle marquait une distance avec la presse et s’effaçait dans les
réunions officielles présidées par le Chef de l’État. En contrepoint toutefois, elle irradiait
le gouvernement de son magistère d’influence : « tous les ministres ont du respect pour
moi ; et on me situe souvent au dessus d’eux »44, déclarait-elle au journal l’Express. Lors
d’un meeting politique à Abidjan en 2010, elle saluait en ces termes l’accession du
président Gbagbo à la magistrature suprême : « Merci à Dieu de nous avoir donné ce
président de la république, merci mon Dieu tout simplement d’être Dieu ».
Une lecture
anthropologique de la « maison africaine » nous conforte dans l’idée que faute de s’être
emparé du pouvoir, la première dame ivoirienne a exercé un fort tropisme sur le système

41
Soudan (François), op.cit., p. 25.
42
Simone, la « Dame de fer » de son président mari », in le Figaro, 2-3 avril 2011, p. 20.
43
Cité par François Soudan, Jeune Afrique, op.cit., p. 26.
44
Vincent Hugueux, Côte d’Ivoire : les femmes du président font campagne, octobre 2010. Elle a constitué un
noyau de soutien à Laurent Gbagbo composé de l’universitaire de Mamadou Koulibaly, d’Amselme Seka Yabo,
Blaise Gbotta Tayoto (son directeur de cabinet), Marcel Gossio (DG du port d’Abidjan), Charles Poli Goudé
(leader estudiantin devenu Ministre), Désiré Trago (conseiller spécial à la présidence).

54
politique. Sur la scène politique ivoirienne elle occupe le « côté cour » et le « côté jardin »
(Guillemard, 2007) qu’elle domine de sa solennité subjugante 45.
L’épouse du président
Nicéphore Soglo incarne aussi avec quelques nuances et variations cette figure politique
de la « femme du chef ». Le couple présidentiel béninois présente quelques exogénéités
identitaires qui auraient pu le desservir politiquement ; dans la mesure où il ne bénéficiait
pas de « structures d’opportunité de proximité » (McAdam, McCarthy et Zald, 1996). En
effet, Mme Rosine Soglo est issue d’un lignage « Aguda », nom local donné aux familles
afro-brésiliennes de Ouidah. Nicéphore Soglo quant à lui appartient à l’aristocratie
princière de Behanzin et né en 1934 d’une mère d’origine togolaise ; ni l’un, ni l’autre
n’affiche un passé politique éprouvé malgré des brillantes études universitaires 46.
Dans la « configuration de l’envol
politique » du couple, les analystes notent en elle « une méconnaissance du savoir-faire
politique intérieur » due à sa très forte « occidentalisation » (Tozo, 2004 : 73). Comble
d’exogénéité : Nicéphore Soglo a été contraint à l’exil de 1974 à 1990. Consciente peut-
être du difficile ancrage social de l’offre politique du président Soglo, elle a procédé par
des « anticipations adaptatives » 47 (Lawson, 1980 : 305-320). C’est dans cette optique que
va s’inscrire la création de la Renaissance du Bénin parti très marqué de l’empreinte de la
première dame, qui in fine va en faire une gestion quasiment néo-patrimoniale.
Contrairement à Mme Chantal Biya qui fait la
politique de biais, Mme Soglo s’y investit sans fards à travers un processus d’accumulation
et de « redistribution clientéliste » sous-tendu par le « straddling associatif » (Tozo, 2004 :
76). Sur ce dernier trait, le réseau associatif (Vidole) 48 qu’elle crée en 1991 a été un
embrayeur de la transmutation du capital social en capital politique. Elle développe un

45
Les métaphores du « côté cour » et du « côté jardin » sont empruntées à la comédie française du 17 e siècle
signifiant les espaces réservés respectivement à la Reine et au Roi. Mme Gbagbo avait fait oublier la polygamie
de son conjoint et a défaussé la deuxième épouse du président (Nadiana Bamba) en lui intimant de quitter le palais
présidentiel (Jeune Afrique du 2 au 8 septembre 2016, pp. 24-32). Mais la seconde épouse du président a pesé de
tout son poids dans les campagnes du président à travers l’agence de communication qu’elle dirigeait, sans pour
autant supplanter « l’épouse historique » dans la vie politique.
46
Rosine Soglo est diplômée en droit privé et a officié comme huissier. Nicéphore est économiste et diplômé de
l’ENA avec le grade d’inspecteur des finances. Sur le plan politique l’on note un passage météorique à la tête du
Ministère de l’Economie et des Finances de 1965 à 1967, promotion qu’il devait à son oncle le général Christophe
Soglo qui dirigeait alors le Dahomey.
47
L’«anticipation adaptative » est une notion de l’intelligence économique liée au modèle de formation des
opinions concernant l’événement futur. Les « anticipations adaptatives » supposent qu’une partie de l’erreur
d’anticipation est corrigée pour la prochaine anticipation.
48
Vidole signifie littéralement « l’enfant est un trésor » ; c’est une association caritative s’occupant des catégories
sociales vulnérables notamment les enfants et les familles démunis.

55
leadership à la lisière du transactionnel et de l’autoritarisme. Comme « leader
transactionnel » (Burns, 1978), elle transige et concède des récompenses implicites ou
explicites mais dans une logique d’évergétisme. Comme « leader autoritaire », elle
excellait dans les mises gardes, prenant en grippe quasi instantanément les détracteurs de
son mari. Elle va ainsi répondre à l’éclatement du groupe parlementaire « le Renouveau »,
principal soutien au président Soglo, par un sabordage des partis constitutifs du groupe. Le
communiqué sans concession qu’elle signe en 1993 enjoint non sans succès les leaders
desdites formations politiques à rejoindre sans délai la Renaissance du Benin ; stratégie qui
a permis au Président Soglo d’élargir son spectre électoral. Il est même fait allusion à une
dérive néo-patrimoniale avec une forte imbrication de la parenté et de la politique 49 (Tozo,
2004 : 80) dans la gestion de l’appareil étatique. Tissant sa toile sur un fond de parenté
biologique, elle avait au terme du mandat du président Solo causé d’énormes attritions à la
Renaissance du Benin et impacté sérieusement une gestion de l’État très marquée par une
forte concentration des pouvoirs (Campbell, 1996 : 63-66)50. C’est
cette forte intrication de la parenté et du politique qui révèle la part variable de l’occupation
du champ politique par les premières dames africaines. Présence furtive dans le champ
lorsque l’action de la première dame (Mme Chantal Biya) se focalise sur les œuvres
sociales avec une dissimulation feinte des externalités politiques de son action ; présence
massive sur le champ politique lorsqu’elle (Mme Solo, Mme Gbagbo) affiche à tout crin
une pro-activité politique : sur ce dernier trait les deux premières dames font la politique
en duo avec leur époux respectif dans un rituel d’interaction charriant « figuration » et
« préservation de la face » (Goffman, 1973), et qui ne laisse transparaître aucun interstice
d’apparente conflictualité. Ces « premières
dames-garçons » ne supplantent, ni n’héritent (de) leurs époux : elles sont - pour puiser
dans le vocabulaire greimasien -, des « adjuvantes » d’un « héro » en assomption. Il en
résulte que toute la grammaire politique mobilisée à l’effet de conforter la thèse de la
« prise de pouvoir » par les premières dames en raison de leur dynamisme proactif, ne fait

49
Le beau frère du président Désiré Vieyra a ainsi été nommé ministre d’Etat en charge de la coordination de
l’action gouvernementale et intérimaire du président ; Saturnin Soglo fut également désigné ambassadeur en
Allemagne. Le colonel Christophe Soglo était commandant de la garde présidentielle ; Lehady Soglo, fils aîné du
président a été nommé chargé de mission à la présidence de la république ; l’actuel président Patrice Talon a
également bénéficié des mêmes largesses du réseau familial présidentiel, étant le beau-frère de Désiré Vieyra lui-
même beau-frère du président.
50
Joseph Campbell relève qu’à la fin du mandat du président Soglo, ce dernier entretenait des rumeurs de coup
d’Etat qui l’ont amené à démettre Vieyra ministre de la défense pourtant beau frère du président.

56
qu’effleurer une réalité éminemment complexe : celle de leur participation à la co-
construction de l’image de l’institution présidentielle.

57
BIBLIOGRAPHHIE

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60
Le cadre institutionnel de l’action sociale de la Première Dame. Professeur Alain
ONDOUA, Université de Yaoundé II

Alain ONDOUA, est Agrégé des Facultés de Droit et Professeur de Droit public à
l’Université de Yaoundé 2 depuis juin 2014. Avant cette date, il a été titulaire d’une chaire de
Professeur de Droit public à l’Université de Limoges puis à l’Université de Poitiers (France).

Résumé : Interroger le cadre institutionnel de l’action sociale de la Première Dame


revient à mettre en valeur les visages institutionnels qui constituent les principaux leviers
opérationnels de sa mission de solidarité. Cette dernière est incarnée par un maillage
institutionnel progressivement renforcé, et dont la finalité première est la réalisation d’activités
dites de générosité publique ou, plus exactement, d’utilité sociale. Un tel déploiement
d’activités ne justifierait pas, à notre sens, la mise en place d’un statut officiel de Première
Dame. On cristalliserait ainsi un rôle qui s’avère étroitement dépendant de la personnalité du
conjoint (de sexe opposé) du chef de l’État.

Abstract : To question the institutional framework of the First Lady’s social action
amounts to recognising the institutional organs that constitute the main operational levers of
her solidarity mission. The latter is embodied by an institutional network strengthened
gradually, and whose primary goal is the realization of so-called public generosity or, more
accurately, social utility activities. Such deployment of activities would not, in our view,
warrant the introduction of an official status of First Lady. This would amount to crystallizing
a role that in reality is closely dependent on the personality of the Head of State’s partner (of
the opposite sex).

Mots-clés : Établissement d’utilité publique, Établissement public, Générosité


publique, Statut non écrit, Utilité sociale

Keywords : Public interest institutions, Public institutions, Public generosity,


Unwritten status, Social Utility

61
Afin de mieux fixer les esprits, il nous a paru judicieux d'ouvrir la présente réflexion
par la mise en valeur d'un point de vue récent d'un chroniqueur reconnu et engagé des
monarchies européennes, sur ce qu'il qualifie de « drame des Premières Dames françaises ».
Les trois extraits choisis pour la circonstance sont les suivants :

- d'abord, « ...Les Français, […], entretiennent un rapport passionnel à leur Première


Dame, qui correspond assez bien à la relation ambiguë qui les unit au Président élu d'une
République d'essence monarchique qui confère au chef de l'État un pouvoir régalien... » ;

- ensuite, « ...Toutes les Premières Dames de la Vème République ont tenté de donner
une substance à un statut qui n'en est pas un et d'incarner un rôle que la Constitution n'a pas
prévu... » ;

- enfin, « ...Partout en Europe, les reines et les princesses se sont dessiné un rôle à la
leur mesure comme super-assistantes sociales, se dévouant aux causes caritatives et
humanitaires dont les responsables politiques se déchargent volontiers. Les Français
gagneraien1t sans doute à ce qu'une « Fondation de la Première Dame » - avec bureau et
secrétariat – permette à l'épouse du prochain président de la République d'assumer ce rôle
caritatif et social autrefois réservé aux reines de France » (BERN, 2016 : 68 et s.).

Cette entrée en matière permet de souligner, si besoin en était encore, l'intérêt, la


pertinence et la légitimité de questionner – cette fois-ci du point de vue scientifique – le rôle et
l'action des Premières Dames dans nos sociétés démocratiques ou, pour certaines, en plein
processus de démocratisation. Non pas que rien n'ait été construit ni écrit en la matière. En effet,
s'il convient de signaler au passage quelques essais, parfois engagés sur certaines épouses de
chefs d'État (VERHOEVEN, 2008 ; SCHNEIDER, 2014), il faut bien reconnaître que les
travaux qu'il nous a été donné de découvrir ressortissent davantage du champ de la science
politique (ÉBOKO, 2004 : 91-106) voire de la communication politique.

Ces travaux ne s'éloignent pas radicalement de la perspective dressée supra par


Monsieur Stéphane BERN. Ils se sont ainsi attachés à montrer soit qu'elles jouaient le rôle de
« …« dame patronnesse » impliquée dans des projets bénévoles, humanitaires ou sociaux... »
(QUINETTE, 2013-2014 : 24), soit qu'« elles s'adonnent à du bénévolat, mettent sur pied des
fondations, prêtent leur nom à diverses causes... » (TREMBLAY, 2010 : 207), soit encore que

1
Cet appel semble avoir été entendu, avec la publication le 21 août 2017 sur le site de l’Élysée d’une Charte de la
transparence relative au conjoint du chef de l’État, disponible sur www.elysee.fr/communiques-de-
presse/article/charte-de-transparence-relative-au-statut-du-conjoint-du-chef-de-l-etat/, consulté le 12 mars 2018.

62
« ...les bonnes œuvres des épouses de présidents se sont transformées en politiques
compassionnelles... » (MESSIANT et MARCHAL, 2004 : 16), soit enfin que ce rôle participe
de « l'humanisation de l'image de leurs époux par des œuvres sociales » (POKAM, 2006 : 2-5).

Ces travaux scientifiques au diagnostic quasi-concordant ne peuvent, à notre sens,


mettre au rebut le diagnostic de « ...l'absence de tradition universitaire de recherche sur cette
thématique... », voire le constat de «...la rareté des analyses de fond du phénomène des
Premières Dames dans les médias et les revues universitaires » (MESSIANT et MARCHAL,
Ibid. : 9). Cette considération et ce constat ne peuvent qu'être pris au sérieux par le juriste
publiciste, qui opinera, sans crainte d'être démenti, que la recherche juridique sur le rôle, le
statut et les actions des Premières Dames est quasiment orpheline de travaux.

En ce sens, la présente réflexion ne constitue qu'une esquisse du questionnement sur


le soubassement institutionnel de l'action sociale de la Première Dame. De ce point de vue, il
convient de souligner, sans fards, qu'une approche strictement positiviste sera adoptée, dans la
mesure où elle sera fondée sur le droit en vigueur au Cameroun et prendra pour terrain
d'investigation l'arrière-plan institutionnel de l'action sociale de l'actuelle Première Dame, en
l'occurrence Madame Chantal BIYA.

Cette appréhension positiviste de l'action sociale de la Première Dame prendra pour


objet quelques marqueurs institutionnels : le Cercle des Amis du Cameroun (CERAC), le Centre
International de Référence Chantal BIYA pour la recherche sur la prévention et la prise en
charge du VIH-Sida (CIRCB), la Fondation Chantal BIYA et Synergies Africaines contre le
SIDA et les souffrances.

Son ancrage théorique emprunte à l'institutionnalisme juridique du doyen Maurice


HAURIOU2. En effet, celui qui a incarné l'École dite de Toulouse, mettait notamment en avant
la catégorie des institutions-personnes caractérisées par trois composantes : l'idée d'œuvre
(élément majeur, idée directrice de l'entreprise qui devient action), le pouvoir de gouvernement
organisé et les manifestations de communion. Ces composantes sont déduites de la formulation
principale suivante : « une institution est une idée d'œuvre ou d'entreprise qui se réalise et dure

2 Cf. notamment, SCHMITZ (Julia), La théorie de l'institution du doyen Maurice HAURIOU, Paris, L'Harmattan,
coll. Logiques juridiques, 2013, 523p ; JEANNOT (Gilles), « La théorie de l'institution de Maurice HAURIOU et
les associations », Les Annales de la recherche urbaine, n° 89, juin 2001, p. 19 ; TANGUY (Yann), « L'institution
selon Maurice HAURIOU : doctrine et postérité », in ALONSO (Christophe), DURANTHON (Arnaud) et
SCHMITZ (Julia), La pensée du doyen HAURIOU à l'épreuve du temps : quel(s) héritages(s), Aix-en-Provence,
PUAM, 2015, 711p.

63
juridiquement dans un milieu social ; pour la réalisation de cette idée, un pouvoir s'organise qui
lui procure des organes ; d'autre part, entre les membres du groupe social intéressé à la
réalisation de l'idée, il se produit des manifestations de communion dirigées par les organes du
pouvoir et réglées par des procédures » (MILLARD, 1995 : 392).

Il en résulte pour nous que le cadre institutionnel ne peut être entendu seulement au
strict plan organique, mais également dans sa dimension fonctionnelle voire substantielle. Car,
en effet, « l'institution est d'une part ce qui est institué : l'organisation […]. Mais, d'autre part,
l'institution est également le processus qui institue un groupe humain : moins que la forme
instituée, elle est la constitution de cette forme dans la durée... » (MILLARD, Ibid. : 385).

C'est la raison pour laquelle il nous semble pertinent de nous poser la question de
savoir quel est le fondement (le véhicule) institutionnel de l'action sociale de la Première
Dame ? En guise de tentative de réponse, l'on peut soutenir que cette action sociale repose sur
un maillage institutionnel adapté à la mission de solidarité qu'elle incarne. D'où la double
considération selon laquelle, d'une part l'action sociale de la Première Dame est soutenue par
un cadre institutionnel progressivement renforcé (I) et, d'autre part, qu'il s'agit d'un cadre
institutionnel répondant à une finalité première, en l'occurrence prendre en charge une mission
de solidarité sociale (II).

I. Un cadre institutionnel progressivement renforcé

L'idée de maillage institutionnel est en cohérence avec le tissu d'organismes qui sert
de projection à l'action sociale de la Première Dame. Ce tissu répond, à notre sens, à une double
caractéristique : d'abord, un fort ancrage associatif (I.1) ; ensuite, un renforcement par des
organismes disposant d'une personnalité publique spécialisée (I.2).

I.1. Un fort ancrage associatif

Originellement, l'action sociale de la Première Dame a, en grande partie, épousé la


forme associative. En effet, le CERAC (1995) comme la Fondation Chantal BIYA (1994) sont,
à la base des associations. A ce propos, il faut exclure d'emblée tout nominalisme juridique qui
voudrait que la seconde structure nommée soit considérée comme une fondation au sens
juridique du terme ; c'est-à-dire « l'acte par lequel une ou plusieurs personnes physiques ou

64
morales décident l'affectation irrévocable de biens, droits ou ressources à la réalisation d'une
œuvre d'intérêt général et à but non lucratif »3.

En réalité, ces structures reposent sur la liberté d'association consacrée par le


préambule de notre Constitution - celui-ci ayant pleine valeur constitutionnelle depuis la
révision du 18 janvier 1996 (TÉTANG, 2015 : 953-978) - , et qui prévoit à ce sujet que la liberté
d'association est garantie « dans les conditions fixées par la loi ». Cette clarification de la valeur
du préambule vient ainsi conforter l'arsenal législatif libéral de 1990 (OLINGA, 1996 : 116-
126). Pour ce qui nous concerne, les structures susmentionnées ont été créées sous le régime de
la loi n° 90/053 du 19 décembre 1990 portant liberté d'association au Cameroun 4. Cette liberté
est clairement affirmée à l'article 1er du texte : « (1) La liberté d'association proclamée par le
préambule de la Constitution est régie par les dispositions de la présente loi. (2) Elle est la
faculté de créer une association, d'y adhérer ou de ne pas y adhérer. (3) Elle est reconnue à
toute personne physique ou morale sur l'ensemble du territoire national ».

Dans cette mesure, le CERAC et la Fondation Chantal BIYA ressortissent plus


précisément du régime des associations déclarées de la loi n° 90/053 (articles 6 à 14)
(KEUTCHA TCHAPNGA, 2013 : 37-45), qui est un régime répressif au sens des libertés
publiques puisque reposant sur la libre déclaration (DEFFAINS, 1993). Synergies Africaines
contre le Sida et les souffrances (15 novembre 2002), réserve étant faite de son envergure
internationale, bénéficie également du statut associatif. Si l'on privilégiait l'appellation usuelle
d'organisation non gouvernementale (ONG), on renverrait alors au régime de la loi n° 99/014
du 22 décembre 1999 régissant les ONG au Cameroun (KEUTCHA TCHAPNGA, Ibid. : 72-
76)5. Son article 1er établit un lien avec la législation sur la liberté d'association ; lien d'autant
plus réel qu'est une ONG, « ...une association déclarée ou une association étrangère autorisée
conformément à la législation en vigueur, et agréée par l'administration en vue de participer à
l'exécution des missions d'intérêt général ». L'agrément, dont la procédure est spécifiée aux
articles 4 à 11 du texte, n'est accordé qu'à certaines associations ; celles qui justifient d'une
contribution effective de trois ans au moins, notamment dans l'un des domaines suivants :

3 Article 18 (modifié) de la loi française n° 87/571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat. Sur le
statut des fondations, voir notamment : BREEN (Emmanuel), « Fondations », JurisClasseur Administratif, Fasc.
165, 23 octobre 2007 ; FARJAT (Armelle), « Fondations d'utilité publique », Juris Corpus Dalloz – Droit des
associations et fondations, étude 63.
4 Ce texte a été modifié par la loi n° 99/011 du 20 juillet 1999, qui prévoit un article 5(4) nouveau aux termes
duquel : « Les partis politiques, les syndicats, les associations sportives et les organisations non gouvernementales
sont régis par des textes particuliers ». Pour la teneur de ces deux lois, Revue de Droit administratif n° 2-1er
semestre 2013, pp. 9-13.
5 Revue de Droit administratif n° 2-1er semestre 2013, pp. 17-20.

65
« ...juridique, économique, social, culturel, sportif, éducatif, humanitaire, en matière de
protection de l'environnement ou de promotion des droits de l'homme ». Si ce statut bénéficie,
à l'heure actuelle, à très peu d'associations déclarées au Cameroun, le recours à un faisceau
d'indices peut aisément conduire à classer Synergies Africaines dans la catégorie des ONG.

En tout état de cause, cet ancrage largement associatif de l'action sociale de la Première
Dame a connu un premier renforcement avec la reconnaissance d'utilité publique de certaines
structures. En effet, et par ordre chronologique, la Fondation Chantal BIYA a été reconnue
d'utilité publique par décret présidentiel n° 99/098 du 30 avril 1999 ; le CERAC l'a été quant à
lui par le décret n° 2007/116 du 16 avril 2007. La législation camerounaise se distingue sur ce
point de la loi française du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association dans la mesure où
les articles 10 et 11 ne précisent pas les critères de la reconnaissance d'utilité publique. Il résulte
cependant de la pratique du Conseil d'État, deux critères : « l'action de l'association doit avoir
une ampleur, un retentissement suffisant, qui excède en principe le cadre strictement local » ;
« le domaine de son activité doit correspondre à un intérêt public ou, au moins, à un intérêt
moral collectif éminent » (CONSEIL D’ÉTAT, 2000 : 18).

Le législateur camerounais a quant à lui veillé à préciser à l'article 32(1) de la loi n°


90/053 que le caractère d'utilité publique ne peut être reconnu qu'à « toute association dont la
contribution effective est déterminante dans la réalisation des objectifs prioritaires du
Gouvernement... ». Ce caractère permet aux associations concernées d'obtenir la « grande
capacité » ou « large personnalité civile » qui, aux termes de l'article 32(2) du même texte,
revient notamment à « recevoir des dons et legs de toute nature sous réserve de l'autorisation
du ministre chargé de l'administration territoriale pour les dons et legs immobiliers »,
« recevoir des subventions de l'État et des collectivités décentralisées ; dans ce cas, l'État doit
s'assurer de la bonne utilisation de ces subventions ».

Cet avantage « compétitif » par rapport aux autres associations déclarées « permet
d'inscrire l'action de l'association dans la durée et constitue une garantie essentielle du bon
fonctionnement des grandes associations » (CONSEIL D’ÉTAT, Ibid. : 13). Il est possible
d'ailleurs de rechercher la signification profonde du statut d'association reconnue d'utilité
publique du point de vue de l'État et du côté du bénéficiaire. S'agissant de l'État, il faut convenir
qu'il « use de son pouvoir de reconnaissance des identités. Il consacre une personne morale
particulière en lui conférant un titre reconnu qui donne un accès légitime à des avantages et
privilèges, et fonctionne comme un label officiel à l'égard des tiers publics et privés, producteur

66
de rétributions symboliques ou réelles » (GAXIE, 2016 : 43.113). Quant aux associations
reconnues, cela traduit la volonté « d'acquérir un statut d'acteur « public », à vocation nationale,
représentatif d'une cause, […], et à ce titre, en position d'interlocuteur et de partenaire privilégié
des pouvoirs publics... » (GAXIE, Ibid. : 43.114)6.

Ainsi labellisées, les structures rattachées à l'action sociale de la Première Dame sont
distinguées comme faisant partie des « associations les plus éminentes […] signe de leur
partenariat avec l'État, au service de l'intérêt général » (CONSEIL D’ÉTAT, Ibid. : 67). C'est
la satisfaction de ce même intérêt général qui justifie la mise en place de services publics
personnalisés.

I.2. Une cristallisation par la personnalité publique spécialisée

Le concept de service public spécialisé renvoie à la formule de l'établissement public


(THÉRON, 1976), qui est l'une des formes les plus anciennes de personne publique spécialisée.
En effet, apparue au milieu du XIXème siècle, cette catégorie de personne publique, ainsi que l'a
montré le professeur Jacques CHEVALLIER, « a entraîné une mutation profonde des principes
d'organisation administrative traditionnels en provoquant la coexistence au sein du secteur
public des collectivités publiques territoriales dotées d'une compétence générale et des
personnes publiques spécialisées dans l'exercice d'une activité précise » (CHEVALLIER, 1972-
1973 : 5). Ce qui le conduit à définir l'établissement public comme une « personne morale de
droit public, agissant dans un domaine spécialisé de l'action administrative et placée sous la
tutelle d'une collectivité publique... » (CHEVALLIER, Ibid.).

Le législateur camerounais ne s'est pas éloigné de cette perspective lorsqu'il considère


à l'article 2(3) de la loi n° 99/016 du 22 décembre 1999 portant statut général des établissements
publics et des entreprises du secteur public et parapublic que : est un établissement public
administratif (ÉPA), « une personne morale de droit public dotée de l'autonomie financière et
de la personnalité juridique ayant reçu de l'État ou d'une collectivité territoriale décentralisée
un patrimoine d'affectation, en vue de réaliser une mission d'intérêt général ou d'assurer une
obligation de service public »7. C'est sur ce fondement que le CIRCB a été érigé – renforçant

6 Dans le même sens, le Conseil d'État, dans son étude précitée, p. 16, constate que : « ...la reconnaissance publique
affirme la vocation de l'association à avoir des relations privilégiées avec les collectivités locales mais surtout avec
l'État pour les actions qui correspondent au but qu'elles se sont assignées ».
7 Sur cette catégorie de personne publique spécialisée, cf. SANDIO KAMGA (Armel-Habib), L'établissement
public en droit administratif camerounais, Thèse de doctorat en droit public, Université de Yaoundé 2-Soa, 2014,
401p. Cette définition a gagné en rationalisation, à la faveur de l’adoption de la loi n° 2017/010 du 12 juillet 2017
portant statut général des établissements publics, dont l’article 4 dispose notamment qu’il s’agit d’une « personne

67
alors la perspective dressée par des textes réglementaires antérieurs 8 – en ÉPA national par le
décret n° 2012/049 du 31 mai 2012 portant création, organisation et fonctionnement de ce
Centre. Il est doté de la personnalité juridique et de l'autonomie financière, et est placé sous la
tutelle technique du ministère chargé de la santé publique et la tutelle financière du ministère
chargé des finances9. Ce statut a également été reconnu à une structure pouvant être considérée
comme une excroissance de l'action sociale de la Première Dame, le Centre Hospitalier de
Recherche et d'Application en Chirurgie Endoscopique et Reproduction Humaine
(CHRACERH), par le décret n° 2011/336 du 13 octobre 2011 portant création, organisation et
fonctionnement de ce Centre hospitalier.

La création d'ÉPA constitue, nous semble-t-il, un renforcement institutionnel dans la


mesure où « l'un des atouts de la formule de l'établissement public tient à ce qu'elle permet de
conférer la personnalité morale à un organisme public. Cette qualité permet de garantir une
autonomie de gestion forte à l'entité ainsi créée, mais aussi une identité institutionnelle plus
marquée » (CONSEIL D’ÉTAT, 2010 : 27). Au demeurant, il a été démontré qu'à l'origine la
formule de l'établissement public s'est développée dans le domaine des services d'assistance
(hôpitaux, hospices, bureaux d'aide sociale, organismes de recherche...). Cela permettait en
effet « d'attirer les libéralités parce que le donateur sait que sa donation sera bien affectée au
service et n'ira pas se noyer dans le budget de l'État ou d'une collectivité locale... »
(CHEVALLIER, Ibid. : 5).

Il convient de souligner par ailleurs que les textes fondateurs des deux structures
susmentionnées les qualifient d'ÉPA de type particulier. Cette qualification renvoie à l'un des
traits caractéristiques des établissements publics, qui est le principe de spécialité (DOUENCE,
1972 : 758-810). Autrement dit, « ...un établissement public a un champ d'action limité à celui
circonscrit par le périmètre de ses missions » (CONSEIL D’ÉTAT, 2010 : 11). Ce principe a
été diversement traduit par la doctrine administrativiste classique : « aussi HAURIOU
proposait-il de définir l'établissement public comme un « service public personnifié », Léon

morale de droit public dotée de la personnalité juridique et de l’autonomie financière, chargée de la gestion d’un
service public ou de la réalisation d’une mission spéciale d’intérêt général pour le compte de l’État ou d’une
collectivité territoriale décentralisée ».
8 Textes organiques antérieurs : arrêtés n° 0357/CAB/MSP du 17 février 2006 portant création, organisation et
fonctionnement du CIRCB ; n° 0872/MINSANTÉ du 12 mars 2010 portant réorganisation et fonctionnement du
CIRCB.
9 Article 2 du décret n° 2012/049.

68
DUGUIT comme un « service public patrimonialisé » ou encore Léon MICHOUD comme un
« service public doué de personnalité » » (CONSEIL D’ÉTAT, Ibid. : 10).

Relativement à ce qui précède, le CIRCB et le CHRACERH peuvent donc être


considérés comme des ÉPA spécialisés dans le domaine de la recherche. Pour le premier,
l'article 3(1) du décret n° 2012/049 du 31 mai 2012 dispose que c'est « une structure publique
de recherche pluridisciplinaire à vocation nationale et internationale, dont l'objectif général
est l'amélioration des connaissances et de la qualité des soins et services destinés aux personnes
infectées et affectées par le VIH-SIDA ». Quant au second, il ressort du décret n° 2011/336 du
13 octobre 2011 qu'en sa qualité de structure de recherche, il est notamment chargé de mener
des activités de recherche en matière d'endoscopie et de reproduction humaine et de dispenser
des soins de santé de haut niveau, en autres dans les domaines de la chirurgie endoscopique, de
la reproduction humaine, de la sénologie plastique et reconstructive, du diagnostic prénatal et
de la prise en charge des grossesses à haut risque.

Ces missions spécifiques, au-delà de la qualification neutre de « structure publique de


recherche », pourraient renvoyer à la catégorie particulière d'établissements publics à caractère
scientifique et technologique (LAFITTE, 1988 : 302-307) ; qui ont principalement vocation à
contribuer au développement et au progrès de la recherche et d'en valoriser les résultats, à
assurer la diffusion des connaissances scientifiques et à favoriser la formation en matière de
recherche10. D'aucuns pourraient soutenir, compte tenu du phénomène contemporain
d'éclatement de la personnalité publique spécialisée (SANDIO KAMGA, 2014 : 167-189 ;
MONEMBOU, 2017 : 223-263), que cet empilement de structures publiques serait synonyme
de crise de la notion d'établissement public (MELLERAY, 2003 : 711). A rebours, on peut
plutôt plaider en faveur des capacités d'adaptation de ces services publics spécialisés car il ne
faut pas perdre de vue que « le premier avantage de la formule de l'établissement public réside
dans sa plasticité, qui lui permet de répondre à une très grande variété d'objectifs » (CONSEIL
D’ÉTAT, 2010 : 12)11. Cette flexibilité fonctionnelle de l'établissement public couplée au label
des établissements d'utilité publique sert de levier opérationnel à la mission de solidarité sociale
qu'accomplissement les différentes structures rattachées à la Première Dame.

II. Un cadre institutionnel de prise en charge d'une mission de solidarité sociale

10 Le CIRCB et le CHRACERH peuvent d'ailleurs « mener des activités d'enseignement spécifique, en relation
avec les administrations concernées, et former des équipes spécialisées dans le cadre de [leurs] missions,
conformément à la législation et à la réglementation en vigueur » (art. 3(2), décret n° 2012/049).
11 Conseil d'État, Les établissements publics, op. cit., p. 12.

69
Les différentes structures rattachées à l'action sociale de la Première Dame peuvent se
réclamer du principe de solidarité qui est au cœur du pacte républicain 12. Elles participeraient
donc de la revitalisation d'une « République sociale » (BORGETTO et LAFORE, 2000) 13, qui
« exige que la société accorde une aide à tous ceux qui en ont besoin, que soient instituées et
initiées un certain nombre de prestations et d'actions en matière sociale » (BORGETTO et
LAFORE, 2015 : 45). En ce sens, elles sont les vecteurs d'une nouvelle forme de générosité
publique (II.1), qui se traduit concrètement par des activités relevant de l'utilité sociale (II.2).

II.1. Les nouveaux visages de la générosité publique

La générosité publique est très souvent rattachée à l'activité associative, en tant qu'elle
renvoie aux associations qui sont éligibles à faire appel aux dons. Cette possibilité a par exemple
été codifiée en France sous la forme de l'appel public à la générosité (anciennement, appel à la
générosité publique). Cela revient à solliciter, en vue de soutenir une cause notamment sociale,
familiale, humanitaire, philanthropique ou encore éducative, les dons de la part du grand
public14. Pour notre part, si en effet la dimension apports généreux du public demeure
pertinente, il s'agit davantage en l'espèce de mettre en avant le caractère adapté et territorialisé
des actions de générosité des structures liées à la Première Dame.

Cette nouvelle forme de générosité publique, adaptée aux besoins des bénéficiaires,
doit être distinguée par exemple du mécénat. Il s'agit dans cette dernière occurrence d'un
« soutien matériel apporté, sans contrepartie directe de la part du bénéficiaire, à une œuvre ou
à une personne pour l'exercice d'activités présentant un intérêt général »15. Aussi, assiste-t-on
de plus en plus au développement du mécénat culturel et humanitaire (PIQUET et TOBELEM,
2006 : 49-64), au mécénat d'entreprise (GAUTIER, 2015 : 13-32), bref à l'essaimage des
fondations philanthropiques des firmes (HUYHN, 2015 : 43-60). Si tout ceci participe de l'effet
louable, mais néanmoins de mode, de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE)
(DIAWARA et LAVALLÉE, 2014 : 431-451 ; CAILLET, 2014), il reste que l'action des
établissements d'utilité publique envisagés dans la présente réflexion vise, pour sa part, à

12 BORGETTO (Michel), La notion de fraternité en droit public français : le passé, le présent et l'avenir de la
solidarité, Paris, LGDJ, coll. Bibliothèque de droit public, tome 170, 1993, 689p ; BÉGUIN (Jean-Claude),
CHARLOT (Patrick) et LAIDIÉ (Yan) (dir.), La solidarité en droit public, Paris, L'Harmattan, coll. Logiques
juridiques, 2005, 350p.
13 Parmi les formes et caractères de la République du Cameroun, l'article 1(2) de la Constitution précise qu'« elle
est une et indivisible, laïque, démocratique et sociale ».
14 Cf. notamment, article 8 de l'ordonnance (française) n° 2015-904 du 23 juillet 2015 portant simplification du
régime des associations et des fondations, JORF 24 juillet 2015, p. 12632.
15 Arrêté (français) du 6 janvier 1989 relatif à la terminologie économique et financière.

70
répondre de façon étroite aux besoins essentiels des populations rurales et/ou défavorisées voire
des personnes vulnérables. Rien d'extraordinaire en soi, car établissements d'utilité publique et
générosité publique « restent, en pratique, intimement liés... » (BOITEAU, 2006 : 130).

Cette générosité publique est favorisée notamment par le capital confiance et la


reconnaissance internationale de la Fondation Chantal BIYA16, qui s'est positionnée en
« ...partenaire incontournable des organisations internationales concernant l'accès aux
médicaments et le sort des enfants victimes du VIH/Sida » (ÉBOKO, 2004 : 98). Cette position
favorable, et les ressources qu'elle génère, constituent le catalyseur d'une générosité publique
territorialisée17. De ce point de vue, seules quelques balises peuvent être posées à ce stade,
faute d'une étude empirique approfondie18. C'est dans cette mesure que l'on peut observer assez
régulièrement le maillage territorial des actions et autres dons du CERAC, ou encore la politique
éducative (là aussi territorialisée) de la Fondation à travers l'expérience des Écoles « Les
Champions ». En tout état de cause, un tel déploiement territorial dévoile des établissements
d'utilité publique au visage d'« ...associations altruistes qui œuvrent dans un but de justice ou
d'harmonie sociale... » (LANGLAIS, 2008 : 30) ; une autre façon d'envisager, cette fois dans sa
dimension matérielle, la fonction principielle des structures dédiées à l'action sociale de la
Première Dame.

II.2. La réalisation d'activités d'utilité sociale

Il faut souligner d'emblée, pour ne pas avoir à y revenir, que les activités menées
notamment par les associations reconnues d'utilité publique rattachées à la Première Dame sont
principalement tournées vers la lutte contre les maladies (notamment le VIH-Sida), les
souffrances ou encore l'aide apportée aux populations défavorisées et aux personnes
vulnérables. Ces activités peuvent logiquement épouser la notion d'utilité sociale, très utilisée
dans le domaine de l'économie sociale et solidaire, et considérée à l'origine « comme
caractérisant tout service répondant à des besoins peu ou pas pris en compte par l'État ou le

16 Rappelons qu'elle a obtenu, le 12 juillet 2006, le statut consultatif général auprès du Conseil économique et
social (ECOSOC) des Nations Unies.
17 Sur la territorialisation dans le champ du droit et de la science politique, on peut renvoyer notamment à :
MADIOT (Yves), « Vers une territorialisation du droit », RFD adm. 1995, n° 5, pp. 947-960 ; WORA (Georges),
La territorialisation du droit et le principe d'égalité, Thèse de doctorat en droit public, Université Lumière-Lyon
2, 2015 ; DOUILLET (Anne-Cécile), « Les élus locaux face à la territorialisation de l'action publique », RFSP
2003/4, vol. 55, pp. 583-606 ; FAURE (Alain) et NÉGRIER (Emmanuel), Les politiques publiques à l'épreuve de
l'action locale : critiques de la territorialisation, Paris, L'Harmattan, coll. Questions contemporaines, 2007, 302p.
18 Quelques actions phare sont tout de même évoquées dans l'ouvrage précité de Beatrix VERHOEVEN, Chantal
BIYA, la passion de l'humanitaire, Paris, Karthala, 2008, 262p et, à certains égards, dans l'étude précitée de Fred
ÉBOKO, op. cit., pp. 91-106.

71
marché » (RODET, 2008 : 165 ; AMBLARD, 2010 : 21). De façon plus systématique,
l'approche très souvent retenue de l'utilité sociale est celle avancée par Jean GADREY, pour
qui, « est d'utilité sociale, toute organisation qui a pour objectif spécifique et pour idée directrice
de contribuer : à la réduction des inégalités économiques et sociales, y compris par l'affirmation
de nouveaux droits ; à la solidarité […] et à la sociabilité ; à l'amélioration des conditions
collectives du développement humain durable (dont font partie l'éducation, la santé, la culture,
l'environnement et la démocratie) » (GADREY, 2016).

Cette approche a été prolongée et confortée par le législateur français. En effet, l'article
2 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire, dispose que :
sont considérés comme « poursuivant une utilité sociale », les organismes qui visent
notamment à « apporter, à travers leur activité, un soutien à des personnes en situation de
fragilité, soit du fait de leur situation économique ou sociale, soit du fait de leur situation
personnelle et particulièrement de leur état de santé ou de leurs besoins en matière
d'accompagnement social et médico-social... », ou à « contribuer à la lutte contre les exclusions
et les inégalités sanitaires, sociales, économiques et culturelles, à l'éducation à la citoyenneté,
notamment par l'éducation populaire, à la préservation et au développement du lien social ou
au maintien et au renforcement de la cohésion territoriale... »19.

Le caractère englobant de cette conception de l'utilité sociale intègre forcément les


activités menées par les établissements d'utilité publique que sont le CERAC et la Fondation
Chantal BIYA. Par ailleurs, ainsi appréhendées, les diverses activités d'utilité publique de ces
associations ont des liens de correspondance avec la notion d'intérêt général (EUILLET, 2002 :
207-228) qui, on le sait, est « la pierre angulaire de l'action publique », dont il détermine la
finalité et fonde la légitimité (CONSEIL D’ÉTAT, 1999 : 245). Ceci implique leur
reconnaissance par les pouvoirs publics, et concrétise les liens désormais réels entre
associations et collectivités publiques (LONG, 2010). L'importance de ces liens a par exemple
été soulignée par certains textes infra-réglementaires en France (PONTIER, 2014 : 1251-1257).
Ainsi, en est-il de la circulaire du Premier ministre du 27 janvier 1975 relative aux rapports
entre les collectivités publiques et les associations assurant des tâches d'intérêt général, qui
souligne que : « L'État et les collectivités publiques n'ont pas le monopole du bien public. Dans
bien des cas, c'est d'abord l'initiative privée qui a permis de répondre à des besoins. […]. Les

19 JORF 1er août 2014, p. 12666.

72
associations participent ainsi, aux côtés de la puissance publique, à l'action sociale, culturelle,
éducative, sportive ou en faveur des loisirs »20.

En adoptant une vision pragmatique de l'action publique, ces rapports figurent, non
pas l'existence au sein du paysage associatif camerounais d'associations transparentes ou
ectoplasmiques derrière lesquelles se réfugieraient les collectivités publiques 21, mais plutôt une
forme d'association au service public 22. Cette dernière n'implique pas un transfert de la gestion
du service public à ces associations 23, mais « s'analyse en la reconnaissance par l'État du
caractère d'intérêt général de l'action menée par l'association, assortie d'un droit de regard
étendu sur ses activités et d'une contribution financière importante accordée
annuellement... »24. Il s'agit, en d'autres termes, de la figure de « l'utilité sociale sans le service
public » (KOUBI et GUGLIELMI, 2007 : 517) qui met en exergue le phénomène selon lequel
« ...les structures privées précèdent souvent, puis relaient efficacement la puissance publique
qui peut alors, plutôt que de tenter de les supplanter, vouloir simplement les associer et les
contrôler » (BORGETTO et LAFORE, 2015 : 168).

S'il est vrai que ces rapports entre associations réalisant des activités d'utilité sociale
et pouvoirs publics méritent d'être mieux sécurisés du point de vue juridique, par exemple par
des conventions de subventionnement appelant par ricochet un meilleur contrôle (De ROY,
2002 : 117-134), il reste que les actions des premières ont pour avantage de « compléter l'action

20 Circulaire citée par DENIZEAU (Charlotte), « Associations. - Associations de droit commun. - Associations
para-administratives », JurisClasseur Administratif, Fasc. 170, 28 février 2008, n° 26.
21 AUBY (Jean-Marie), « La théorie des institutions « transparentes » en droit administratif », RD publ. 1988, p.
265 ; DENIZEAU (Charlotte), « Associations. - Associations de droit commun. - Associations para-
administratives », op. cit., n° 104 à 152. L'association para-administrative a été définie par le Conseil d'État
français, 21 mars 2007, Commune de Boulogne-Billancourt : Contrats-Marchés publics 2007, étude 14, François
LICHÈRE, ainsi : « Lorsqu'une personne privée est créée à l'initiative d'une personne publique qui en contrôle
l'organisation et le fonctionnement et qui lui procure l'essentiel de ses ressources, cette personne privée doit être
regardée comme « transparente »... ».
22 A propos de cette notion, cf. notamment : CHEVALLIER (Jacques), « L'association au service public », JCPG
1974, I, n° 2667 ; LACAMPAGNE (Bertrand), L'association au service public, Thèse de doctorat d'État en droit
public, Université de Paris 1-Panthéon Sorbonne, 1979 ; HEYMANS (Xavier), L'association au service public,
Mémoire de DÉA de droit public interne, Université de Paris 2-Panthéon Assas, 2002.
23 Pour le maniement d'une telle nuance, voir l'arrêt de principe du Conseil d'État français, sect., 6 avril 2007,
Commune d'Aix-en-Provence : AJDA 2007, p. 1020, chron. F. LÉNICA et J. BOUCHER ; RFD adm. 2007, p. 812,
concl. F. SENERS et p. 821, note J.-Cl. DOUENCE, où l'on peut lire : « ...lorsqu'une personne privée exerce, sous
sa responsabilité et sans qu'une personne publique en détermine le contenu, une activité dont elle a pris l'initiative,
elle ne peut, en tout état de cause, être regardée comme bénéficiant de la part d'une personne publique de la
dévolution d'une mission de service public ; que son activité peut cependant se voir reconnaître un caractère de
service public, alors même qu'elle n'a fait l'objet d'aucun contrat de délégation de service public procédant à
sa dévolution, si une personne publique, en raison de l'intérêt général qui s'y attache et de l'importance qu'elle
revêt à ses yeux, exerce un droit de regard sur son organisation et, le cas échéant, lui accorde, dès lors
qu'aucune règle ni aucun principe n'y font obstacle, des financements ».
24 Formulation utilisée par Conseil d'État, Section de l'intérieur, avis n° 370.169, 18 mai 2004, Cinémathèque
française : Rapport public 2005, p. 185.

73
menée par les pouvoirs publics, inspirant même à ces derniers de nouvelles formes
d'intervention »25. Ces dernières pourraient par exemple consister en une entreprise
d'amélioration voire de consolidation des services publics dits de protection (GUGLIELMI,
2016 : 12). Quoiqu'il en soit, l'intervention, en matière sociale, des entités reconnues d'utilité
publique rattachées à la Première Dame vient illustrer de façon significative l'« influence
associative sur l'action publique, une sorte de co-production de l'action publique » (JEANNOT,
2001 : 22).

Au sortir de la présente réflexion, il convient de revenir rapidement sur l'allusion sous-


jacente aux extraits mis en avant dès son entame, à savoir la question de la légitimité statutaire
et/ou institutionnelle de l'action sociale de la Première Dame, et donc de l'opportunité de prévoir
un statut au bénéfice de cette dernière. Une certitude pour commencer : il n'est pas exagéré de
parler d'un statut constitutionnel non identifié voire d'affirmer que « la fonction de conjoint d'un
chef d'État est réglementée de manière tacite, par des coutumes, soit des règles non écrites »
(QUINETTE, Ibid. : 10). Autrement dit, on serait en présence d'un statut ne se réclamant que
d'usages voire de convenances républicaines 26, à partir desquels pourrait émerger une sorte de
convention de la Constitution (AVRIL, 1997 ; MONEMBOU, 2014 : 85-120).

Nous préférons pour notre part faire preuve de réserve en regard de l'idée
d'institutionnalisation du statut de Première Dame. En effet, on cristalliserait ainsi un rôle qui
reste étroitement dépendant de la personnalité de l'épouse du président de la République ; sans
exclure que la perspective pourrait être inversée et qu'il faudrait, au final, prévoir un statut de
conjoint (de sexe opposé) du chef de l'État. Il nous semble par conséquent préférable de
maintenir la souplesse actuelle d'un statut non écrit à caractère fonctionnel, c'est-à-dire
étroitement dépendant de l'orientation et des actions développées par son bénéficiaire27. Au
demeurant et au vu de la situation actuelle, il serait possible – par analogie à la théorie du
collaborateur occasionnel et bénévole du service public 28 – de considérer que l'action sociale

25 Circulaire (française) du 24 décembre 2002 relative aux subventions de l'État aux associations, JORF 27
décembre 2002, p. 21697.
26
La Charte de la transparence relative au conjoint du Chef de l’État, publiée le 21 août 2017, évoque quant à elle
la « tradition républicaine » et la « pratique diplomatique ».
27
Pour revenir à la Charte française précitée, elle formule le constat qu’aucun texte ne codifie le rôle du conjoint
du Chef de l’État. Dans ce texte de droit souple, est souligné le rôle de représentation, de patronage et
d’accompagnement du Chef de l’État dans ses missions, notamment en soutenant les initiatives publiques ou
privées qui permettent à la société française d’être plus inclusive face aux différences.
28 Théorie mise en valeur par l'arrêt du Conseil d'État français, ass., 22 novembre 1946, Commune de Saint Priest-
la-Plaine, commenté notamment dans : LACHAUME (Jean-François), PAULIAT (Hélène), BRACONNIER
(Stéphane) et DEFFIGIER (Clotilde), Droit administratif. Les grandes décisions de la jurisprudence, 16ème éd.,
Paris, PUF, coll. Thémis droit, 2014, pp. 808-818 ; LONG (Marceau), WEIL (Prosper), BRAIBANT (Guy),

74
de la Première Dame place, certes de facto mais de façon déterminante, les organismes qui
l'incarnent dans une situation de collaboration consentie et partenariale aux services publics
remplissant une mission de solidarité sociale.

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80
TEXTES

Cameroun

Loi n° 90/053 du 19 décembre 1990, modifiée par la loi n° 99/011 du 20 juillet 1999, portant
liberté d’association

Loi n° 99/014 du 22 décembre 1999 régissant les Organisations non gouvernementales (ONG)
au Cameroun

Loi n° 99/016 du 22 décembre 1999 portant statut général des établissements publics et des
entreprises du secteur public et parapublic

Loi n° 2017/010 du 12 juillet 2017 portant statut général des établissements publics

Décret n° 99/098 du 30 avril 1999 portant reconnaissance d’utilité publique de la Fondation


Chantal BIYA

Décret n° 2007/116 du 16 avril 2007 portant reconnaissance d’utilité publique du Cercle des
Amis du Cameroun (CERAC)

Décret n° 2011/336 du 13 octobre 2011 portant création, organisation et fonctionnement du


Centre Hospitalier de Recherche et d’Application en Chirurgie Endoscopique et Reproduction
Humaine (CHRACERH)

Décret n° 2012/049 du 31 mai 2012 portant création, organisation et fonctionnement du Centre


International de Référence Chantal Biya pour la recherche sur la prévention et la prise en charge
du VIH-Sida (CIRCB)

Arrêté n° 0357/CAB/MSP du 17 février 2006 portant création, organisation et fonctionnement


du CIRCB

Arrêté n° 0872/MINSANTÉ du 12 mars 2010 portant réorganisation et fonctionnement du


CIRCB

France

Loi n° 87/571 du 23 juillet 1987 modifiée sur le développement du mécénat

81
Loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire

Ordonnance n° 2015-904 du 23 juillet 2015 portant simplification du régime des associations


et des fondations

Arrêté du 6 janvier 1989 relatif à la terminologie économique et financière

Circulaire du Premier ministre du 27 janvier 1975 relative aux rapports entre les collectivités
publiques et les associations assurant des tâches d’intérêt général

Circulaire du 24 décembre 2002 relative aux subventions de l’État aux associations

Charte de la transparence relative au conjoint du Chef de l’État, publiée le 21 août 2017

82
Trajectoire historique et institutionnelle de l’action de la Première Dame. Professeur
Louis Martin NGONO, Politologue, Université de Yaoundé II

Résumé :

Institutionnellement plurielle et diversifiée, l’action de la Première dame présente au Cameroun


une trajectoire se déployant autour de deux axes principaux. Le premier axe est l’engagement
humanitaire visant l’allègement des souffrances occasionnées par le VIH/Sida et le soulagement
des peines relatives à l’infertilité. Le second concerne l’investissement de promotion de la
dignité humaine et de quête d’une vie meilleure pour les personnes démunies. Si cette action
de Chantal Biya se veut autonome, elle recherche par ailleurs, à travers la multitude de ses
activités, la transformation du réel et la projection dans la durée. Elle s’avère fonction directe
et complexe des effets de la crise des années 1990, et fait figure, en même temps de dispositif
de mise en valeur du principe de subsidiarité par rapport à l’action publique nationale et
internationale.

Mots-clefs Action ; Activité ; Crise ; Durée ; Subsidiarité ; Dispositif.

Abstract :

Institutionally multi-dimensional and diversified, actions carried out by the First Lady in
Cameroon revolve around two major axes. The first axis constitutes humanitarian undertakings
designed to lessen HIV/AIDS-derived sufferings and to relieve agonies inherent to infertility.
The second devotes its investment to restoring human dignity and bettering the livelihood of
the underprivileged. Admitting that such actions are autonomous, the First Lady, through these
wide-ranging activities, seeks render them real and sustainable. Indeed, these actions are
directly and intricately motivated by the 1990 crises, even as they constitute a mechanism for
developing the principle of subsidiarity in regard to national and international public actions.

Key words: Action, Activities, Crisis, Sustainability, Subsidiarity, Mechanism.

Penser l’action de la Première dame, c’est en quelque sorte fixer ce qui bouge, tenter de
retenir ce qui échappe. Tel est précisément l’objet de la présente communication que de mettre

83
en perspective historique et institutionnelle l’action sociale du premier personnage féminin dans
l’ordre protocolaire présidentiel au Cameroun. Mais, dans la mesure où les interventions
sociales de Germaine Habiba Ahidjo s’avèrent historiquement embryonnaires et très peu
documentées et que l’œuvre de Jeanne-Irène Biya a littéralement été intégrée à l’action de
Chantal Biya, parler donc de l’évolution au Cameroun de l’action sociale de la Première dame,
c’est en d’autres termes examiner les activités de Chantal Biya, actuelle épouse du Chef de
l’État du Cameroun.

La présente analyse est arrimée à la Science Politique et comporte trois caractéristiques :


d’abord elle défend une approche dynamique et, par conséquent, admet la prééminence du flux
de la vie. Ensuite, cette réflexion se veut contextuelle et reconnaît que le sens de l’action se
constitue de façon locale et temporaire. Enfin, l’analyse opte pour une approche non-
intellectualiste et pose le primat de la pratique sur la théorie, afin de saisir l’incessant
mouvement des organismes, des perceptions, des jugements et des raisonnements qui, ensemble
et en relation les uns avec les autres, constituent l’action en train de se faire.

Très souvent, les sciences sociales sont enclines à considérer que l’action, en tant qu’il s’agit
d’une œuvre humaine s’effectuant dans différents milieux sociaux (Rocher, 1968), est organisée
et contrôlée par un sujet réfléchissant, doté de croyances et de désirs, enchaînant
rationnellement ses motifs et ses agissements, traitant l’environnement comme un objet de
connaissance et construisant la chaîne fins-moyens en suivant les règles du syllogisme pratique.
La sociologie de l’action s’est développée sur la base de ces intuitions. C’est alors qu’elle a
pris l’allure d’une analyse des acteurs, envisagés sous l’angle de leur intégration à un collectif
ou de la place qu’ils occupent dans un système, un champ ou une structure d’action ; ou celles
d’une analyse postulant que les conduites individuelles traduisent un choix rationnel. La
première rend généralement compte de l’action en l’attribuant à un sujet doté de buts et de
raisons d’agir qui le dépassent et le déterminent à faire ce qu’il fait, 1 tandis que la seconde
substitue subrepticement la réflexion à l’action.

Une tout autre manière d’envisager le travail d’une sociologie de l’action s’est lentement
imposée. Elle est construite sur une idée simple, qui fonde le travail ci-après : si on veut
comprendre l’action dans la diachronie, et en particulier l’action de la Première dame, il faut

1
En ce sens l’analyse de F. Eboko (2004a : 91), procédant par relative confusion entre personnalité et action, se
proposant de dégager la signification des sentiments et discours générés par l’image de la Première dame
camerounaise à tous les échelons de la société et ainsi appréhender les enseignements qu’inspirent ses actions
« parapolitiques ».

84
examiner la manière dont elle se réalise, sans faire de cette réalisation le produit nécessaire d’un
déterminisme ou d’une rationalité. Petit à petit, cette nouvelle approche a élaboré les outils
conceptuels permettant d’appréhender les caractéristiques d’un phénomène : l’agir en situation.
Elle a fini par démontrer la pertinence d’une description du phénomène qui se contente
d’observer comment il s’accomplit dans le cours d’une activité pratique donnée et dans la durée
des échanges qui s’ordonnent dans cette circonstance. Dans cette approche, l’action implique
une intervention concrète sur un état de choses pour le transformer, et un ajustement continuel
des agencements qui configurent, de façon provisoire les conditions de la coordination entre
individus. On dispose en ce sens du mot grec, praxis qui, en français donne « pratique », afin
précisément de désigner l’action en ce qu’elle transforme le donné. Et pour mieux appréhender
la trajectoire historique et institutionnelle de l’action de la Première dame, partant de la
considération que cette action est désormais érigée au rang d’institution, 2 et que l’institution
ne se définit pas comme être, mais comme pratique (Sartre, 1990), il paraît opportun
d’envisager d’autres dimensions, d’ordre étymologique, pouvant enrichir ce terme pour mieux
l’appréhender. Cela consiste concrètement à retenir les mots de sens voisin ou ceux qui sont
formés sur la même racine, auxquels l’usage fixe une acception déterminée, pour les confronter
au terme d’action, en examiner le mouvement et davantage cerner l’objet de l’analyse.

Le premier de ces mots est celui de passion (Verhoeven, 2008), véritable antonyme de l’action.
C’est un mot qui dérive du pathos des Grecs et qui signifie souffrance, dans le double sens de
douleur et passivité. De fait, le mot passion évolue dans deux directions, la première est
psychologique et désigne l’affection de l’âme, la manière dont le sensible affecte le sujet
sensible. C’est de la même réalité dont il est question, lorsqu’on parle du mot compassion, qui
littéralement signifie « souffrir avec ». Lorsque nous éprouvons de la compassion, nous
sommes frappés des souffrances d’autrui come si elles étaient contagieuses. La seconde
direction donne pâtir, subir. Le premier sens est véritablement le plus intéressant pour une
meilleure circonscription de notre objet. Car en effet, il y a une forme de l’action logée dans la
passion. La manière dont le sujet passionné est « affecté » le conduit à un certain type de

2
Sans doute faut-il rappeler que les institutions sont des construits sociaux et politiques, issues de conflits et de
négociations. Ce sont des règles, des normes et des procédures, des séquences d’action standardisées, plus ou
moins coordonnées et contraignantes, qui gouvernent des interactions entre individus, notamment pour la
production de politiques publiques. Elles survivent et se reproduisent sans mobilisation particulière, à partir de
mécanismes sociaux et politiques auto entretenus, routiniers. Les règles varient selon trois dimensions principales :
leur degré de précision, leur formalisme et leur poids normatif. Si donc les institutions sont socialement construites,
elles permettent l’action collective tout en exerçant une contrainte ; elles conduisent à des anticipations des acteurs,
des comportements relativement réguliers et prévisibles.

85
comportement. De tout cela découle qu’analyser l’action de Chantal Biya, c’est aussi
s’intéresser à sa passion, à la manière dont elle s’exprime. L’action de la Première dame
camerounaise, telle qu’elle est conçue, est donc aussi « une action affectuelle » (Weber, 1971).

Le second mot retenu est celui de l’acte. Il désigne une intervention volontaire sur la réalité.
Mais, cette réalité est limitée à elle-même. Mais alors que l’action consiste en un enchaînement,
on se doit de considérer que par moment, ce processus se matérialise en fait accompli. Cet
accomplissement oriente le sens du mot dans la direction de ce qui est concret, de l’action sous
l’aspect du révolu et partant du tangible. Reste que l’acte soit toujours concret, et qu’en
revanche l’action conserve une acception abstraite : de fait, on dit « une femme d’action » et
non « une femme d’acte » parce qu’on détermine une nature, un caractère. Concrètement, juger
une femme sur son action, ce n’est pas juger une femme sur ses actes. Le premier jugement
prend en compte une existence, des intentions ; le second, auquel souscrit ce travail, ne retient
que les faits. D’où la présente analyse, se limitant à indiquer les faits selon lesquels : Chantal
Biya est présidente d’honneur de l’Organisation des Femmes du Rassemblement Démocratique
du Peuple Camerounais (OFRDPC) ; la Première dame est Présidente d’honneur de
l’association US Doctor for Africa. Elle est également : Ambassadrice spéciale de l’Onu-
Sida ; Lauréate d’Or avec Cordon du Grand Prix Humanitaire de France (GPHF) ;
Commandeur de l’Ordre international de la protection civile ; Ambassadrice de bonne volonté
de l’UNESCO depuis le 14 novembre 2008. C’est que, dans la démarche qui est la nôtre, qui se
veut sociologique et donc scientifique, ce qui retient exclusivement l’attention est l’activité de
la Première dame ou le résultat de celle-ci, se traduisant en actes.

À l’action en effet, il est possible de confronter le terme d’activité. On dit, par exemple, d’une
activité qu’elle « occupe », au sens où elle inscrit le sujet actif dans le temps, celui de la durée
mais aussi celui de la répétition, de l’habitude. Certes, l’activité investit l’espace de la vie,
comble la vacance de l’existence, alors que l’action, en revanche, ne comble pas le vide ; elle
« n’occupe » pas, elle produit. C’est dire qu’à la différence de l’activité, l’action n’est pas à
elle-même sa propre finalité, elle est visée et trouve sens dans son aboutissement. L’idée est
que si l’action constitue un procès, c’est-à-dire, quelque chose qui procède graduellement vers
un état final à travers un travail interne d’organisation, et se déroule dans le temps, elle n’est ni
représentable, ni programmable à l’avance. Car, elle doit traiter une infinité de contingences
liées au changement de son objet et au développement même des circonstances sous l’effet de
ce qui est effectué et de ce qui se produit.

86
N’empêche qu’en envisageant la trajectoire de l’action de la Première dame du Cameroun, on
est emmené à considérer par nécessité heuristique, que cette action est consubstantielle des
activités de Chantal Biya, qui sont de l’ordre caritatif et/ou de bienfaisance. Ces activités de
Chantal Biya ont pour finalité de soulager la pauvreté et d’alléger toute autre forme de détresse
sociale. Leur trajectoire figure d’une part, un cheminement volontaire portant sur le réel pour
le transformer et, de l’autre part, une construction progressive soucieuse de la durée.

UN CHEMINEMENT VOLONTAIRE PORTANT SUR LE RÉEL POUR LE


TRANSFORMER

Les réalisations caractéristiques de l’action de Chantal Biya illustrent l’ampleur de sa


générosité. Si celle-ci s’accomplit en dehors de toute contrainte, c’est bien pour essayer de
changer la société, en ayant recours à un répertoire de formes sociales diversifiées,
successivement instituées par réaction aux effets dévastateurs d’une crise persistant en Afrique
en général et au Cameroun en particulier.

Un répertoire de formes sociales diversifiées

Pour percevoir la dialectique institutionnelle de l’action de Chantal Biya au Cameroun, sans


doute faut-il partir de l’institué. Celui-ci doit constituer l’indispensable point d’ancrage de
l’analyse. C’est par référence à la logique qui préside à l’organisation des formes instituées
qu’il sera possible alors de mesurer la pression de l’instituant et suivre les progrès de
l’institutionnalisation.3 Mais, dans la mesure où cet institué se présente sous forme d’un
éventail, celui des moyens par lesquels se matérialise l’action de la Première dame au
Cameroun, il faut nécessairement procéder par effeuillage. Dès lors, convient-il, à toute fin
pratique, de distinguer préalablement deux configurations, par lesquelles se déploient les
formes sociales instituées par Chantal Biya, qui sont constitutives de son action.

La première configuration concerne l’engagement humanitaire en rapport direct avec les


questions sanitaires. La Fondation Chantal-Biya (FCB) y figure au commencement. À la mise
en place initiale de cette institution en 1994, 4 l’année même de l’accession officielle de Chantal

3
Par institutionnalisation, il convient d’entendre le processus qui repose sur les dynamiques par lesquelles les
règles et les procédures apparaissent, se développent au point de constituer un espace social et produisent en
définitive des comportements chez les acteurs qui les ont générées et/ou intégrées. De manière plus précise, le
processus d’institutionnalisation s’observe ainsi lorsque les règles et les procédures sont de plus en plus
nombreuses, gagnent en précision et deviennent réellement prescriptives.
4
La FCB, officiellement créée en 1994 par l’épouse du chef de l’État camerounais est régie par la loi n° 90/053
du 19 décembre 1990 et reconnue d’Utilité publique par Décret n° 99/098 du 30 avril 1999. Cette loi du 19

87
Biya au rang de Première dame, les objectifs qui lui furent assignés, conformément aux termes
des statuts de cette forme sociale, consistaient à apporter de l’aide aux couches sociales
défavorisées et lutter contre les souffrances liées à la maladie.

En s’attardant quelque peu sur la signification même du terme de fonder, c’est-à-dire faire le
premier établissement d’une chose, Chantal Biya, à travers la mise en place de la première
structure arborant son nom, établissait le premier fondement d’une construction qui désormais
s’avère consubstantielle de son œuvre. La FCB apparaît ainsi sous le signe particulier d’une
action spécifique, tant elle puise aux sources mystérieuses de l’origine : elle a pu absorber en
son sein le Centre Mère et Enfant qui connaissait alors une phase déclinante de ses activités.
Ce faisant, le Centre Mère et Enfant, créée par feue Jeanne-Irène Biya à laquelle Chantal Biya
a succédé au rang de Première dame, va participer à l’inspiration de la Première dame
d’entreprendre action et lui servir de tremplin à la mise en place de la FCB.5 Dorénavant, le
Centre Mère et Enfant représente le support organisationnel central et la cheville ouvrière de la
FCB. Cette capacité de fonder de la Première dameva également lui octroyer la légitimité de
commander et de se doter du prestige indispensable en la matière (Coulon G., Martin D.-C.,
1991), celui de l’origine et désormais de l’ancienneté, généralement recherché par tous ceux
qui visent les bénéfices de l’autorité. On parle ainsi souvent de la « puissance des
commencements ».

Ensuite, il y a le Centre International de Référence « Chantal-Biya » (CIRCB), inauguré le 23


février 2006, afin d’accomplir des missions ciblées dans les domaines que sont : la recherche
fondamentale et opérationnelle en vue d’éradiquer le virus du Sida ; la formation et les essais
cliniques pour améliorer la prise en charge des malades touchés par cette pandémie. Plus
récemment a vu le jour le Centre Hospitalier de Recherche et d’Application en Chirurgie
Endoscopique et Reproduction Humaine (CHRACERH). Portée sur les fonts baptismaux en
date du 06 mai 2016 pour lutter contre l’infertilité, cette nouvelle structure constitue, elle aussi,
un établissement de référence soutenant toute femme confrontée aux pathologies relatives à la
stérilité. Le CHRACERH se spécialise ainsi dans la procréation médicalement assistée. Les

décembre 1990 venait abroger la loi d’exception de 1972. Elle régit la liberté associative, de même qu’elle fonde
le contexte pluraliste au Cameroun.
5
Et Fred Eboko (2004a : 91), de souligner que : « La FCB s’est donc inscrite, dans un premier temps, dans le
sillage de l’aide à l’enfance malade que feue Mme Jeanne Biya avait initiée de son vivant. Le centre névralgique
de la FCB a pris ensuite le relais du pavillon pédiatrique « Jeanne-Biya » sis à l’Hôpital central de Yaoundé
(HCY) rebaptisé pour les besoins de la cause pavillon « Chantal-Biya ». De fait, les préoccupations classiques de
la Première dame Jeanne Biya sont devenues la rampe de lancement de la carrière « apostolique » de Chantal ».

88
soins qui y sont offerts s’inscrivent dans le prolongement des activités menées au Centre Mère
et Enfant, composante intrinsèque de la Fondation Chantal-Biya.

La seconde configuration de déploiement de l’action de la Première dame du Cameroun est


concernée par ses investissements dans un cadre de promotion de la dignité humaine et de
quête d’une vie meilleure pour les couches défavorisées de la population. Les chantiers
constitutifs de ce volet d’action font généralement place à des appareillages souples, ramifiés,
digitalisés, qui mesurent la diffusion de l’ordre social jusque dans les moindres parcelles de la
vie sociale au Cameroun. Ces chantiers comprennent : des interventions personnelles dans la
prise en charge totale de certaines opérations de chirurgie dites délicates, tant « Sauver les vies »
est dorénavant le mot d’ordre de la Première dame, l’octroi des dons alimentaires et
nutritionnels aux populations rurales, à travers les quatre coins du pays, seule ou en coaction
avec son époux ; la création et la livraison clés en main d’écoles de référence suivant un projet
pilote initialement baptisé « Ecoles des champions », principalement dans les régions de
l’Ouest et de l’Est du Cameroun. À cette seconde configuration de l’action de Chantal Biya
viennent s’intégrer les activités caritatives du Cercle des Amies du Cameroun (CERAC). Il
s’agit-là d’une association placée sous l’égide de la Première dame, rassemblant exclusivement
les femmes de l’élite nationale et toutes celles qui bénéficient de positions sociales élevées,
quelle que soit leur nationalité. Le CERAC s’élargit aux diplomates occidentales ou
compagnes de diplomates et autres hautes personnalités installées au Cameroun. L’action de la
Première dame se traduit également en lobbying constant et organisation de campagnes de levée
et de collecte de fonds. Mais tant la coopération et l’intégration africaines sont aux yeux de la
Première dame des valeurs éminemment recherchées, au travers de la participation des épouses
de Chef d’État africain, une structure fédérative d’encadrement des projets continentaux
d’ensemble a officiellement été mise sur pied par Chantal Biya du 15 au 16 novembre 2002. Il
s’agit de l’Organisation Non-Gouvernementale (ONG) et panafricaine les Synergies africaines
contre le Sida et les souffrances.

Dès lors que ces configurations distinctives de l’action de Chantal Biya ont rapidement été
examinées, ce qui mérite d’être souligné à leur propos est que la typification qui les concerne
ne doit en aucun cas conduire à une lecture caricaturale. Bien qu’elles soient autonomes, il
existe un lien opérationnel évident, une sorte de continuité de l’action, entre la première
configuration concernée par l’engagement humanitaire en relation directe avec les questions
sanitaires, et la seconde où l’investissement s’effectue dans un cadre de promotion de la dignité
humaine et de quête d’une vie meilleure pour les couches défavorisées de la population. Ces

89
divers territoires institutionnels de l’action de Chantal Biya ne sont pas hétérogènes. Ils se
situent sur un même « plan d’organisation », produit du découpage de l’espace social dont ils
constituent des portions ou des fragments indissociables. Dès lors, la différenciation des
institutions matérialisant son action ne devient plus qu’une technique d’occupation ou de
quadrillage de l’espace social camerounais, obéissant à certaines lois et produisant certains
effets. Ce qu’il convient d’ajouter est le défaut de fondement méta-social de cette action. Il
s’agit, en d’autres termes, d’une action non-confessionnelle. De même, les interventions de la
Première dame se veulent à but non lucratif.

Si son action se polarise donc sur la lutte contre la pandémie du Sida et le combat pour alléger
les souffrances, de la même façon, elle se focalise sur la femme et l’enfant. Sida, souffrance,
femme et enfant constituent ainsi les éléments qui orientent la passion de Chantal Biya et qui
en font une action affectuelle, ainsi qu’on a déjà eu à le souligner. Et pour rendre
compréhensible cette action, au lieu d’un renvoi au vécu personnel de la Première dame, ainsi
que nous l’avons également exclu, il faut considérer que ladite action constitue une
ethnométhode (Garfinkel, 1967). En la matière, seul l’acteur social lui-même (Chantal Biya)
est compétent pour comprendre le sens des situations qu’il produit. Le chercheur, en ce qui le
concerne, doit devenir « membre » pour accéder à cette compréhension. Aussi, à l’occasion de
l’inauguration du CHRACERH, le 06 mai 2016, la Première dame a-t-elle dans son discours
évoqué elle-même, son engagement à « placer la santé des Camerounais et de la femme au
centre de ses préoccupations et de ses combats ».

Reste la question qui taraude constamment, à l’observation du déploiement de cette action, qui
consiste à se demander si, malgré sa passion pour la femme et l’enfant, le temps n’est pas
venu, pour que la sollicitude spéciale de la Première dame connaisse un recentrage significatif
au bénéfice d’une prise en charge des personnes âgées indigentes, au moyen, par exemple,
d’une multiplication substantielle des structures d’encadrement et non pas d’enfermement, des
foyers temporaires d’accueil et de soins ? Ce seraient alors des lieux d’hébergement et de soins
qui font défaut au système camerounais de santé. La gériatrie en est le parent pauvre. Autant
que les femmes et les enfants, bon nombre de personnes concernées, qui sont du troisième âge,
se présentent également comme les victimes d’une crise profonde comportant multiples
visages. Les effets ravageurs de cette crise ont nécessairement suscité et/ou déterminé cette
réaction de Chantal Biya.

Une réaction aux effets ravageurs d’une crise comportant multiples visages.

90
De l’action de la Première dame, on peut en retenir qu’elle est fonction directe et complexe des
effets congruents et cumulatifs d’une crise indissociablement économique, sociale et politique,
sévissant en Afrique au cours des années 1980-1990 (Coussy J. et Vallin J., 1996). Il ne fait pas
de doute que les effets de ladite crise ont de tout leur poids pesé en faveur de la décision de
Chantal Biya de s’impliquer (Eboko, 2004a: 98). Ce d’autant que les rapports des institutions
internationales et les études économiques faisaient alors mention de la situation du Cameroun
comme détenteur du record du pays s’étant le plus appauvri en Afrique noire entre 1985 et
1993, avec des croissances négatives de –6% par an en moyenne (Eboko, 2004b :120). Quoi
qu’il en soit, les effets de cette crise vont principalement concerner : une misère haussière
émanant tout d’abord de l’échec des politiques de développement des années 1960 ; ensuite de
la faillite par inadaptation des programmes économiques d’ajustement structurel (Cilliers 2004)
et, enfin, de l’inanité des mesures de lutte contre la pauvreté. Autant de péripéties qui ont en
quelque sorte constitué la rampe de lancement au Cameroun de l’action de Chantal Biya.

L’échec des politiques de développement des années 1960.

S’agissant des politiques de développement des années 1960, les mesures y relatives furent
élaborées dans le cadre d’un projet de transformation sociale destiné aux pays africains accédant
à l’indépendance. Ces mesures étaient largement fondées sur la mise en place des industries
lourdes. A la fois, les mesures concernées avaient pour base plusieurs autres éléments parmi
lesquels : la réforme agraire, se devant de moderniser l’agriculture à partir de l’industrie et lui
servir de débouché ; le contrôle et la valorisation des ressources naturelles ; la substitution des
importations et le développement du marché intérieur ; la nationalisation des entreprises et le
contrôle du commerce extérieur. La mise en mouvement de ce dispositif, au lendemain des
indépendances, impliquait la construction concomitante d’un État puissant, garant de l’unité
nationale. Mais très vite, vers le début des années 1970 précisément, des limites se firent sentir
au fonctionnement du système, lui imposant de profondes évolutions.

La première des limites se situe au niveau de la construction même de l’État. Conçue au départ
comme moyen de développement, cette construction devint très vite une fin en soi. La
fonctionnarisation accélérée et l’urbanisation galopante provoquèrent un déséquilibre structurel
des fondamentaux économiques : budget, balance commerciale, balance des paiements. La
modernisation de l’agriculture, telle qu’elle était conduite, s’effectuait sans y associer la
paysannerie. Les entreprises d’État vont se bureaucratiser et s’avérer incapables de réduire la
dépendance technologique et commerciale par rapport aux multinationales. À côté de tout cela,

91
au Cameroun comme dans plusieurs autres pays africains, le régime politique en place se
décrédibilise du fait de l’absence de liberté en son sein. Les déséquilibres macroéconomiques
devinrent donc structurels : déficit budgétaire, endettement étouffant, inflation galopante et
déficit commercial chronique. On pensa, en début de la décennie des années 1980, pouvoir
redresser ces économies sinistrées d’Afrique noire et les faire sortir de la crise par une mise en
œuvre, en leur sein, des programmes économiques d’ajustement structurel. Mais, à leur tour,
ces programmes ne manqueront pas de péricliter dans la faillite.

La faillite par inadaptation des programmes d’ajustement structurel.

Les programmes économiques d’ajustement structurel désignent un ensemble de dispositions


intervenues dans les économies africaines entre 1980 et 1986, dans le but de transformer leur
mode de fonctionnement, en y réduisant les déséquilibres structurels et relancer de ce fait, le
processus de développement à court terme par des mesures à caractère macroéconomique. Mais,
de nos jours encore, trois décennies après l’intervention de ces mesures, le débat suscité porte
toujours sur leur faillite dont on souligne la concomitance avec une misère haussière dans la
société.

Pour réduire les déséquilibres structurels et relancer le processus de développement des


économies africaines, les programmes économiques d’ajustement structurel correspondaient en
effet à des mesures pragmatiques et de bon sens. Mais, au moment de leur application concrète,
on s’aperçu très vite que ces mesures concernaient plutôt une politique d’austérité fondée sur
des propositions contraires à celles que mirent en avant les politiques de développement du
lendemain des indépendances nationales. Désormais, ces politiques de développement étaient
considérées comme figurant la cause des déséquilibres constatés. Les programmes
économiques d’ajustement structurel auront donc pour objectif de remédier à la situation, en
introduisant un système de « pilotage à vue » signifiant, pour les États africains, l’obligation
de s’abstenir de toute intervention sur les éléments de base fondant tout développement.

Il n’est pas superflu de rappeler que les programmes économiques d’ajustement structurel
avaient originellement été définis autour de trois équilibres qu’il fallait, coûte que coûte, établir
et maintenir : l’équilibre de la balance des paiements, l’équilibre de la balance commerciale et
l’équilibre du budget d’État. Dans ce dispositif, c’est l’équilibre de la balance des paiements
qui s’avère généralement déterminant, tant son absence est susceptible de conduire aux
difficultés à assurer le service de la dette et donc à l’insolvabilité du pays concerné. Or, c’est à
l’effet justement, d’éviter cette insolvabilité qu’il fallut organiser la correction des autres

92
déséquilibres. Priorité sera, en ce sens, donnée à l’exportation effrénée des ressources
permettant une importante rentrée des devises. En dehors du remboursement de la dette
(certains pays y consacrant jusqu’à 70% du revenu des exportations), on prônait la libéralisation
des échanges en accordant la priorité aux investissements internationaux et aux opérations de
privatisation. De la même façon, on préconisait la flexibilité en mettant la pression sur les
salaires. À toutes ces mesures viendront s’ajouter : la réduction des systèmes publics de
protection sociale, la réduction des dépenses budgétaires considérées comme improductives,
ce qui aura pour conséquences : la réduction des budgets de santé, la baisse des dépenses
étatiques dans l’éducation, le logement, les salaires, les subventions aux entreprises et à
l’agriculture puis, la dévaluation de la monnaie s’avérant incapable de relancer l’économie.

De par leur caractère contraignant et l’inadaptation aux structures économiques des pays
africains, l’application effective de toutes ces mesures fit rapidement apparaître que
l’ajustement structurel n’allait pas permettre l’atteinte, aussi vite que souhaité, des objectifs
attendus. N’empêche la persistance du Fonds Monétaire International (FMI) et de la Banque
Mondiale, à signer dans leur confiance envers la politique menée, pourtant critiquée de toute
part, comme cause de l’accroissement substantiel de la pauvreté en Afrique noire. Ces deux
institutions vont plutôt chercher à incriminer les gouvernements et les structures trop rigides
des États, qui n’auraient pas à leurs yeux mené, aussi vigoureusement que souhaitable, leur
libéralisation.

Dorénavant, certains économistes, qui pourtant avaient auparavant servi de référence au Fonds
Monétaire International (FMI) et à la Banque Mondiale, prenaient ces entités à partie. Réalisant
une critique de l’action du Fonds Monétaire International (FMI) sur différents dossiers traités
par cette institution depuis le début des années 1990, en se basant sur son expérience
d’économiste en chef à la Banque Mondiale de 1997 à 2000, Joseph Stiglitz par exemple, qui
de ce fait probablement, obtint le prix Nobel d’économie en 2001, dénonçait ce que pendant
longtemps des politiques inappropriées avaient été menées. Ces politiques ne prenaient pas en
compte les spécificités des États africains, ce qui aggravait les crises économiques sur le
continent ou déclenchaient des crises sociales (Stiglitz 2002 : 17-127). Stiglitz rappelait, par
ailleurs, que les institutions de Bretton Woods n’avaient pas fait confiance aux compétences
des pays pauvres d’Afrique concernés. Outre qu'il explicitait l’importance de l’État et du cadre
institutionnel, y compris pour privatiser, Stiglitz opposait l’intérêt de la voie chinoise au chaos
russe et montrait que les privatisations ont, au moins dans un premier temps, accru la corruption.

93
Au Cameroun en particulier, où l’insatisfaction économique était donc au plus haut niveau, le
pays étant par ailleurs en Afrique subsaharienne celui qui semblait connaître la récession la plus
forte (Hugon, 1996 : 35-44), on comprend a posteriori la décision de la Première dame de
s’impliquer activement, tant de plus en plus pressants et néfastes se faisaient déjà les
conséquences de la mise en application des mesures constitutives de programme économique
d’ajustement structurel.

En effet, l’application de ces mesures supposait que ceux qui vivent à la charge de l’État soient
privés d’assistance. De cela va découler une montée en flèche de la paupérisation des couches
sociales et l’augmentation concomitante du nombre de citoyens vivant en dessous du seuil de
pauvreté. Dans les villes en particulier, l’installation du chômage de masse, du fait des
compressions économiques de personnel, va provoquer des situations inédites de pauvreté,
pendant que se déployaient des stratégies de survie accusant des différentiations entre
privilégiés, ceux qui réussissaient à tirer parti des politiques menées, et les autres catégories
sociales. Parallèlement, on assistait à une dilution des frontières entre secteur structuré et
secteur informel, et même, la notion de secteur informel sera profondément remise en cause.
Les tensions sociales vont donc se propager et s’accentuer, d’autant que la plupart des États du
continent, vulnérables et plus ou moins immatures, faisaient leur apprentissage du pluralisme
et du partage du pouvoir, après des décennies de dictature militaire ou de régime monolithique.
Dans ces États, la tradition démocratique était soit courte, soit déficitaire et/ou parfois même
inexistante.

Au plan strictement social, on pouvait également observer, non pas la rupture des individus
avec leurs appartenances et identités d'origine (domestique, villageoise, clanique, tribale,
religieuse), mais des réaménagements de plus en plus sélectifs par cause des mêmes effets de
la crise : la recomposition des liens communautaires (Courade et Sindjoun, 1996) ; la
multiplication des tentatives s'inscrivant dans des champs sociaux extra-communautaires ou de
façon plus générale, l'ouverture à de nouveaux champs au sein desquels les individus
s'individualisent ou sont de plus en plus interpellés en tant que tels.

D’où l’extrême fragilité, au cours de cette période fatidique, de l’armature politique et la


vulnérabilité permanente des États africains apparaissant comme faibles, nécessitant appui,
avec quelques cas d’effondrement complet (Somalie et Libéria par exemple). La liberté
d’expression et de réunion n’existant pas véritablement au sein de ces États, c’est l’illégalisme

94
de principe qui se retrouvait en vigueur, s’ajoutant à l’illégitimité croissante des dirigeants
auxquels on reprochait l’incapacité de surmonter la crise économique.

Dans ce cadre africain où la misère s’accroissait donc considérablement malgré ou à cause de


l’application des programmes économiques d’ajustement structurel, il va clairement apparaître
que l’étape suivante, devenant la référence prioritaire des interventions économiques, était celle
de la lutte contre la pauvreté. Mais, l’inanité des mesures y relatives va nécessiter l’ajout, en
1996, de l’initiative Pays Pauvres Très Endettés (PPTE) consistant justement à accorder des
facilités de crédit et de remboursement aux Pays Pauvres Très Endettés.

L’inanité des mesures de lutte contre la pauvreté.

Sans doute, faut-il le souligner que c’est bien parce que les pays subissant les programmes
économiques d’ajustement structurel évoluaient à travers des conditions fort différentes
(potentiel économique, niveau de corruption, conflits armés, etc.), mais se retrouvaient tous,
peu ou prou, dans la même situation de paupérisation continue que cette lutte contre la pauvreté
fut décidée. Mais, en dehors de sa mise effective au centre des préoccupations, les manières de
l’aborder seront modifiées par les résultats de plusieurs Sommets internationaux comme celui
de Copenhague sur le développement social en 1995.

Les contributions des différents groupes de travail dans le cadre de ces Sommets, la réflexion
sur la dimension sociale de l’ajustement structurel, les travaux des Nations Unies sur le
développement humain, la mise en chantier de nouvelles orientations de la coopération
internationale, les remises en question au sein de la Banque Mondiale et biens d’autres
contributions, traduisaient déjà une prise de conscience nouvelle sur la question. Mais, la prise
de conscience fut celle également des bailleurs de fonds, qui désormais reconnaissaient que,
concernant un phénomène complexe comme celui de l’appréhension de la pauvreté, on ne
pouvait plus se limiter au seul revenu (pauvreté monétaire) et que la lutte contre la pauvreté se
devait de prendre en compte des questions sociales, institutionnelles et politiques.

Mais, alors que les programmes économiques d’ajustement structurel visaient à rendre les
économies africaines plus compétitives et relancer la croissance, notamment par le
rétablissement des équilibres macroéconomique et budgétaire, la lutte contre la pauvreté, quant
à elle, misait sur l’amélioration des conditions de vie des pauvres en s’investissant dans la
satisfaction des besoins primaires (santé, éducation, alimentation, etc.). Dans les faits, la lutte
contre la pauvreté n’atteindra pas ces objectifs. En atteste pour la période la recrudescence en

95
particulier de la mortalité infantile révélant une situation de misère encore et toujours
grandissante pour un nombre toujours croissant d'individus dans la population ; des effets
toujours ravageurs du Sida (Tedga, 2004), face auxquels se retrouvaient en première ligne
mères et nouveau-nés (Delaunay, 1999 ; Vidal, 1999), dans un contexte de forte progression
épidémique du Sida (Eboko, 2004b : 120); l’incurie et la mauvaise gestion des structures de
soins. Dans le même temps, on pouvait noter : la réduction de la part du budget national
consacrée à la protection maternelle et infantile ; réduction également du poids du budget de la
santé dans le budget national. Les conditions étaient ainsi réunies pour qui sait faire preuve de
compassion, comme Chantal Biya, de s’impliquer dans l’action qui, rétrospectivement, figure
une construction progressive soucieuse de la durée.

UNE CONSTRUCTION PROGRESSIVE SOUCIEUSE DE LA DURÉE

Parler de l’action de Chantal Biya comme d’une construction progressive, c’est s’inspirer de la
perspective élaborée par Harold Garfinkel (1967), et fonder l’analyse sur un double constat.
D’après le premier constat, l’action de la Première dame s’avère au Cameroun une « réalité »
construite. Aussi articule-t-elle trois processus, indifféremment envisagés par la suite : un
processus d’extériorisation, dans la mesure où cette action se définit comme une entité
impersonnelle ; un processus d’objectivation, tant elle relève de l’ordre de l’évidence ; et un
processus d’intériorisation, parce qu’il s’agit d’une action que chacun incorpore à son propre
vécu. Le second constat est que l’action de la Première dame figure, au fil du temps, un
processus continu de « donation de sens ». Cette action consiste en une re-création permanente
de signification des situations sociales, dont le sens est toujours fortement dépendant du
contexte. Mais, le contexte en lui-même est moins décisif que la manière dont il peut être
interprété et intégré à la stratégie des acteurs.

Ainsi par exemple, bien qu’elle ait une empreinte politique, 6 en ce sens que le politique désigne
une « forme objectivée des rapports sociaux », l’espace politique correspondant concrètement
à la capacité des gouvernants et des institutions politiques à organiser et à rendre intelligible,
légitime et pérenne un ordre différencié d’activités politiques et administratives (Lagroye,
François, Sawicki, 2002), l’action de la Première dame n’est en rien marquée par la fulgurance.
Partant de là, il est judicieux de douter que la fin du mandat présidentiel de son illustre époux,

6
Faut-il le rappeler, le terme de « politique » est ambigu. L’anglais distingue : politics (la vie partisane, partis,
élections), polity (le système politique, les fondements théoriques de l’État), policy (les politiques publiques). Pour
F. Eboko (2004a), concernant l’action de Chantal Biya, c’est d’une entreprise politique dite de surveillance et de
communication qu’il s’agit.

96
coïncidant avec le terme de sa fonction de Première dame, puisse correspondre à la dislocation
de son action. Tout au contraire. L’action de la Première dame intègre la donne du temps et en
agrège les éléments constitutifs que sont d’une part, la préoccupation de pérennité, et de
l’autre part, l’appui à l’action publique nationale et internationale.

La préoccupation de pérennité ou le défi lancé au temps

Parvenue à la fonction de Première dame en 1994, après avoir nécessairement touché du doigt
les réalités implacables du terrain camerounais, 7Chantal Biya aurait pu se contenter d’exercer
exclusivement sa charge familiale à l’ombre de la stature de son époux. Dans ce cas, elle se
serait alors contentée, aux côtés du président de la République, d’une vie de représentations
officielles, des honneurs, d’une présence discrète, « potiche », inaugurant les chrysanthèmes,
assistant aux Sommets nécessairement assortis de programmes spéciaux élaborés pour les
compagnes de Chef d’État. De ceci ou de cela, il n’en a rien été. La Première dame du Cameroun
a plutôt choisi de s’impliquer activement dans le cadre d’un défi lancé au temps, afin que son
action lui survive. Son engagement résultait, certes, de l’insuffisance des mesures étatiques de
lutte contre la pauvreté. Mais, tant cette pauvreté s’avérait endémique, sévissant avec
persistance depuis les indépendances, l’action de Chantal Biya va, à son tour, s’inscrire dans la
durée (sustainable action), pour combattre efficacement les effets ravageurs de cette crise
sévissant au Cameroun et dans l’ensemble du continent africain.

On le voit bien quand on prend en considération la nature des activités constitutives de cette
action. Elles n’ont rien qui soit éphémère tant le processus de leur
accomplissement/construction nécessite temps et projection dans le futur. Il en est ainsi aussi
bien pour ce qui est de la création des écoles, de la recherche médicale en matière de lutte contre
le Sida que pour ce qui relève des soins prodigués aux familles à travers la prise en charge
sanitaire de la mère et de l’enfant. Toutes ces activités sont par ailleurs connectées entre-elles
par le même souci primordial qui est celui de la durée.

Dès l’instant où, suivant la même veine, on envisage la dimension infrastructurelle (processus
d’objectivation) de l’action de la Première dame, et que de ce fait on se penche sur le patrimoine
immobilier créé à l’occasion du lancement de ses activités, une perspective nouvelle se
découvre. Les édifices concernés, qui abritent donc les activités constitutives de l’action de

7
On se doit au moins d’évoquer ici les opérations « villes mortes », caractéristiques de la période fatidique, lancées
par la coalition des partis de l’opposition, durant lesquelles des émeutes seront organisées, des pillages, la
fermeture du Port de Douala et tous les commerces. L’économie du Cameroun va durement en pâtir, avec des
effets sociaux désastreux.

97
Chantal Biya, intègrent eux aussi la donne du temps, tant dans la conception que dans les
aménagements architecturaux. En atteste la ligne imposante, du point de vue esthétique, de
nombre de ces édifices répondant aux nécessités d’ordre futuriste et démontrant une volonté
claire de projection dans l’avenir.

Si, en sciences sociales, il est clair qu’aucune organisation ne peut naître et subsister sans
principe d’ordre et imposition à ses diverses composantes des normes communes destinées à
réduire leur particularisme (processus d’intériorisation), il va de soi que pour atteindre leurs
buts spécifiques, toutes les organisations s’octroient des structures. Cela se fait généralement
par la distribution de l’autorité officielle et par conséquent par le fait de donner à ceux qui
occupent les principales positions de responsabilité en leur sein le droit d’exiger des autres un
certain comportement et de leur rendre des comptes (Dockès, 1999). Si, partant de là, on
envisage donc les règles statutaires régissant chacune des formes sociales instituées, par
lesquelles s’accomplit l’action de la Première dame, tant pour ce qui est de la Fondation
Chantal-Biya, que pour ce qui concerne l’ONG panafricaine Synergies africaines, le
CIRCB et le CHRACERH, on observe, là également, une évidente prise en compte d’un fort
élément temporel.

Ainsi, par exemple, la forme institutionnelle figurant au commencement de son action, la


Fondation Chantal-Biya, a-t-elle été structurée en droit au port du titre de fondation. Outre
qu’elle représente le premier vecteur de l’influence de la Première dame, cette entité juridique
matérialise l’acte par lequel les époux Biya décident l’affectation de biens, droits et ressources
à la réalisation au Cameroun d’une œuvre d’intérêt général. Le plus important pour notre
réflexion est que l’affectation ainsi consentie est par principe irrévocable et perpétuelle.

Mais, dans la mesure également, où les actes constitutifs de la Fondation Chantal-Biya, mise
en place en 1994 et reconnue d’utilité publique en 1999,8 ont été posés après qu’elle a épousé
le président de la République et que de ce fait elle est devenue la Première dame du Cameroun,
on peut en inférer une solidarité conjointe des deux époux. Cette solidarité vise, à travers
l’action menée par Madame Biya, à conforter la position du couple présidentiel dans le champ
politique camerounais. De toute façon, on est emmené à concevoir que toute l’œuvre de la
Première dame n’est en réalité qu’une délégation de responsabilité effectuée à son bénéfice
par son époux, le Chef de l’État du Cameroun. On voit bien, à partir de là, comment l’action
de Chantal Biya s’avère également une action de cadrage de la société camerounaise par une

8
Cf. Décret n° 99/098 du 30 avril 1999

98
autorité politique centralisée, en l’occurrence le président de la République, par le truchement
de son épouse. Par le biais de cette action s’effectue l’articulation des régulations sociales et
politiques. Mais, tant la fondation est avant tout de l’argent privé mis à disposition d’une cause
publique, l’action de Chantal Biya se dévoile également comme une forme de redistribution
effectuée par le couple présidentiel, afin de conforter sa légitimité, au bénéfice des couches les
plus défavorisées de la population. Denis-Constant Martin (1991 : 157) le note d’ailleurs, qui
souligne, à juste titre, qu’en Afrique, la légitimité est essentiellement liée à la capacité de
redistribution (matérielle et symbolique) ; elle s’érode lorsque les citoyens sont persuadés qu’il
y a manquement injustifié à cette obligation. Il s’agit de la sorte de répartir des ressources, de
créer ou de compenser des inégalités dans la société camerounaise (processus
d’intériorisation).

Action de la Première dame, au même titre d’ailleurs que celle du Chef de l’État du fait de leur
union, l’action de Chantal Biya assume ainsi un rôle collectif consistant à établir un ordre
politique en imposant un cadre légitime dont la fonction est d’ordonner les interactions au sein
de la société camerounaise (processus d’objectivation/processus d’intériorisation). Dans cette
logique, plus l’existence des rôles institutionnels s’impose aux acteurs et plus les
représentations qu’ils se font des règles de conduite à tenir sont intériorisées, plus la stabilité de
l’ordre politique sera assurée. C’est ainsi à la fois en termes de pratiques et de croyances que
les activités de la Première dame font sens et le processus d’institutionnalisation auquel elles
sont soumises de correspondre à la diffusion et à la stabilisation des représentations et des
pratiques partagées. Cette institutionnalisation correspond à une forme d’objectivation et un
enjeu politique majeur, un élément clé de construction sociale de la légitimité du système
politique camerounais mis en place par son époux, le président de la République Paul Biya
(Lagroye, François, Sawicki, 2002).

À tout ce qui précède s’ajoute que l’institutionnalisation concernée ne se limite pas à la


codification juridique des activités constitutives de l’action de la Première dame. Elle
concrétise, de la même façon, la circulation d’un modèle d’action, de « bonnes pratiques » entre
acteurs qui, par conséquent se légitiment réciproquement (processus d’extériorisation).

Ainsi en est-il, par exemple, de l’ONG panafricaine les Synergies africaines. Par la mise sur
pied de cette organisation, la Première dame camerounaise indique certainement à ses paires
africaines la nécessité d’une coopération durable comme voie essentielle à suivre. Mais, au lieu
de la promotion et/ou de la valorisation de cette idée de mise en commun et ses raisons d’être

99
dans le paysage institutionnel du continent, ce sont plutôt des calculs d’intérêt particulier qui
émergent, limitant la préoccupation de pérennité contenue dans ses réalisations et leur processus
de construction sociale de la légitimité. En d’autres termes, au lieu de promouvoir l’existant,
certaines Premières dames africaines préfèrent dupliquer, trait pour trait, les réalisations de
Chantal Biya dans leur pays respectif. 9 L’opération se matérialise chaque fois par le
débarquement successif dans la capitale camerounaise des équipes de collaborateurs en mission
de copiage des réalisations constitutives de l’action de Chantal Biya, aux fins d’en reproduire
fidèlement les traits dans leur pays respectif. Si de la sorte, la durée des réalisations de la
Première dame camerounaise n’est directement pas engagée, se pose cependant un problème
de rayonnement de son action au niveau sous régional, les autres Premières dames africaines,
commanditaires de ces opérations de copiage servile, ayant tôt fait d’en limiter l’étendue.

Si donc le processus d’institutionnalisation, consistant à définir les règles statutaires de


fonctionnement pour chacune des formes sociales instituées par Chantal Biya, a le mérite
d’avoir dégagé la Première dame de toute responsabilité de gestion (processus
d’extériorisation),10 c’est par ce moyen également, que Chantal Biya a pu se libérer des
avantages personnels qui auraient pu découler de la gestion par elle-même des formes sociales
qu’elle a institué. Celles-ci ont toutes été statutairement rattachées à l’État du Cameroun qui
en assure désormais la tutelle.

De cela découle que l’État en soit devenu le dépositaire de l’identité et leur maître de sens. C’est
lui qui désormais fait exister ces formes sociales comme entités autonomes. Il joue par rapport
à elles le rôle d’instituant symbolique. Il garantit leur permanence et leur continuité. Grâce à
l’État, les formes sociales instituées par Chantal Biya se retrouvent rassemblées et
homogénéisées sous l’empire d’un ordre totalisant unique. Mais, si l’État du Cameroun permet
que ces formes sociales échappent, en quelque sorte, à la « mort » ou résistent à l’éphémère,
de la même façon, il justifie leur détachement de la volonté, celle de la Première dame, qui les
a fait naître (processus d’extériorisation) comme structures d’appui à l’action publique
nationale et internationale.

L’appui à l’action publique nationale et internationale

9
Verhoeven (2008) signale, à ce sujet, la concurrence qui existe avec Édith Bongo pour le leadership humanitaire
dans la sous-région d’Afrique centrale. Il n’est pas exclu que cette concurrence puisse recouvrir d’autres enjeux
inhérents à cette sous-région.
10
Cf. Décret n°2012/249 du 31mai 2012 portant création, organisation et fonctionnement du Centre International
de Référence Chantal BIYA pour la recherche sur la prévention et la prise en charge du VIH-SIDA (CIRCB) ;

100
Nulle part, dans l’organigramme officiel de la République du Cameroun ne figure de
prérogatives ou de responsabilités dévolues à la Première dame, bien qu’elle soit bénéficiaire
d’importantes attributions protocolaires. N’empêche que son action soit en réalité la
prolongation de celle de l’État pour le suppléer.

La prolongation de l’action de l’État pour le suppléer

C’est dans le cours des années 1970 que le besoin de suppléance s’est fortement manifesté à
travers la remise en cause du rôle même de l’État dans sa capacité à diriger seul la société. Trois
facteurs s’étaient alors conjugués : un effet de ciseau, à savoir une réduction des ressources
financières due à la crise économique et pétrolière alors que les demandes des politiques
sociales augmentaient. Ensuite, les échecs des politiques anciennes, comme on l’a vu et, enfin,
la superposition des critiques marxistes et néolibérales de l’État capitaliste pour son
impuissance ruineuse.

Pour autant, l’État n’eut pas à disparaître après coup. C’est davantage son poids qui parfois a
diminué sous des logiques de restructuration de l’action publique et son intervention. Les débats
actuels portent principalement sur les transformations de la façon de gouverner, sur la place que
doit occuper l’État et sur ses moyens d’action. L’accord s’est dorénavant établi sur le constat
d’une société fragmentée, aux relations complexes (multiniveaux), qui serait devenue de plus
en plus difficile à gouverner sur un mode autoritaire et centralisé.

De cela a émergé le thème de la « gouvernance » à partir des années 1990. Il avait pour point
de départ ces débats sur les failles du gouvernement, et les échecs des politiques publiques
classiques, ainsi que le constat de la prolifération des formes nouvelles d’échanges et
d’organisation. Si tant est que la décennie 1990 a donc vu « la respectabilité de l’État »
s’effondrer, concernant spécifiquement le Cameroun (Mbembe, 1990), cette problématique a
permis de mettre l’accent sur : la nécessité des formes horizontales d’interaction entre acteurs ;
les interdépendances ; l’autonomisation des secteurs et de réseaux par rapport à l’État ; les
processus de coordination des acteurs politiques et sociaux ; les formes renouvelées de
négociations, de contraintes et d’incitations. C’est bien cela qui fonde le chantier, de nos jours
inachevé, de la gouvernance. L’idée n’est pas neuve. Le terme latin médiéval : gubernantia
renvoie à l’idée d’orientation des conduites. 11 De fait, la gouvernance s’entend comme un
processus de coordination d’acteurs, de groupes sociaux, d’institutions pour atteindre des buts

11
Pour nombre d’auteurs en sciences sociales, la notion de « bonne gouvernance » n’a aucun sens puisqu’elle
présuppose que tout doit être organisé pour favoriser le développement économique.

101
discutés et définis collectivement. Elle renvoie ainsi aux dynamiques multi-acteurs et multi-
formes qui assurent la stabilité d’une société et d’un régime politique, son orientation et sa
capacité à fournir des services et donc à assurer sa légitimité. C’est bien sur ces entrefaites
qu’est advenu l’action de la Première dame se définissant de facto comme une action
subsidiaire.

L’action de la Première dame comme action subsidiaire.

Le premier sens du mot « subsidiaire » caractéristique de l’action de la Première dame évoque


la même idée de suppléance, de quelque chose de second. C’est le nom que l’on donnait, sous
l’Antiquité, aux troupes de réserve (subsidiarii). Cela signifie que l’autorité supérieure (l’État)
ne peut intervenir que pour autant que l’autorité inférieure (ou la personne) a révélé ou prouvé
son incapacité. Ce premier sens fonde le principe de non-ingérence du pouvoir et invite, pour
le moins, à définir les conditions dans lesquelles sa mise en œuvre peut être considérée comme
légitime ou souhaitée. À partir de là, la subsidiarité se présente comme un principe de limitation
du pouvoir sans pour autant qu’il revête un caractère normatif. Plus qu’une norme qu’il définit
en effet, il indique une tendance. Il laisse ouvertes les conditions de son application et celles-ci
peuvent varier suivant les circonstances de temps et de lieu.

Le second sens du mot « subsidiaire » évoque l’idée de secours (subside) et sous-tend plutôt
une idée d’intervention (subsidium=réserve/recours/appui). Il s’agit cette fois de mesurer non
pas si l’autorité a le droit d’intervenir mais surtout si elle n’en a pas le devoir. Dans ce second
sens, la subsidiarité renvoie à une forme d’aide qui encourage et/ou autorise l’autonomie et
l’initiative privée.

Mais, si l’on s’en tient au seul aspect institutionnel retenant notre attention, l’intervention du
principe de subsidiarité s’effectue à trois niveaux. D’abord comme critère de formulation des
politiques des pouvoirs publics. Ensuite comme critère de définition de leurs modalités
d’exercice. Et enfin, comme procédé de répartition des compétences publiques et pas seulement
locales, entre différents niveaux dotés d’une capacité juridique et des moyens effectifs de
l’exercer dans une sphère de compétence propre. Cela dit, et en raison de sa relative nouveauté
dans l’ordre juridique et son caractère naturellement vague, la subsidiarité traduit davantage
une méthode d’organisation des pouvoirs qu’une finalité de l’action publique, quoiqu’il soit
déjà arrivé de l’interpréter dans les deux sens, aussi bien pour justifier le passage d’une
compétence au niveau institutionnel supérieur (subsidiarité ascendante) que pour conserver une
compétence au niveau le plus proche du citoyen (subsidiarité descendante).

102
Le postulat retenu pour la présente réflexion est que l’action de la Première dame, outre qu’elle
articule les significations précédentes attribuées à la notion de « subsidiarité », elle repose, de
surcroît, sur une conception des plus courantes d’après lesquelles la mise en œuvre de l’action
subsidiaire conduit à privilégier, autant que possible, l’initiative privée. En tant que telle, elle
encourage une gestion proche du citoyen, ainsi qu’on l’observe dans plusieurs de ses usages
s’inscrivant dans le droit.

Si, en effet, on part du principe courant, selon lequel l’action est synonyme de décision, plus
précisément de décision résultant d’un choix, considérant que l’application des décisions
prises au sommet de la hiérarchie organisationnelle ne va toujours pas de soi, l’idée qui sous-
tend dès lors, la mise en œuvre de l’action subsidiaire est qu’elle constitue un processus
exceptionnel d’accomplissement d’un objectif. Celui-ci est fixé dans le cadre de la possibilité
que les textes réglementaires octroient au dirigeant de l’instance hiérarchiquement supérieure
(le président de la République) d’intervenir ponctuellement à quelque échelon inférieur que ce
soit, sur un état de choses pour le transformer. Pour dire les choses autrement, la mise en œuvre
de l’action subsidiaire consiste en l’application concrète d’un programme d’action à un
problème ponctuel identifié (Thoenig, 1985). Cette application s’effectue généralement dans le
cadre d’une actualisation du principe de subsidiarité. Elle se forme à titre éventuel pour le cas
où l’action principale, l’action publique, ne serait pas admise, ou s’avère défaillante (Pontier,
1987). C’est d’un ajustement exceptionnel des agencements qu’il s’agit, qui configurent, de
façon toujours provisoire, les conditions de la coordination entre les types d’action.

Ainsi, la mise en œuvre de l’action subsidiaire touche-t-elle aux interactions d’acteurs


impliqués (le président de la République et son épouse). Elle reflète les rapports de pouvoir et
les ressources que ces acteurs détiennent. Autrement dit, Paul Biya, président de la République,
ne pouvant agir personnellement face aux défaillances de l’action étatique pour efficacement
enrayer la pauvreté dans les années 1990, son épouse aurait été encouragée par son action de
monter au créneau.

Plus qu’un simple principe d’organisation sociale ou de répartition des compétences qu’il
préconise donc,12 entre l’État et la société civile (le président de la République et la Première

12
Trois fonctions permettent d’appréhender le principe de subsidiarité selon Constantinesco (1991 : 38) :
il s’agit tout d’abord d’ « un principe d’éthique politique, puisqu’il exprime une vision
« communautaire » de la société : celle-ci n’est pas tant formée d’individus que de communautés
diverses dans lesquelles l’individu se situe et qui en permettent l’épanouissement ». C’est aussi « un
principe de répartition des compétences en ce sens que c’est selon l’idée de subsidiarité que l’allocation
de compétences entre les niveaux d’organisation publique doit être établie : chaque niveau de pouvoir

103
dame), le principe de subsidiarité s’analyse comme un principe permanent d’action. Cette action
s’inscrit en complément de l’action gouvernementale.

À titre d’exemple, en réalisant le projet dit « Écoles des Champions », sans pour autant se
substituer à l’action gouvernementale, par cette activité supplétive de l’action étatique, la
Première dame couvre les carences en la matière de l’État dans sa mission régalienne
d’éducation des citoyens. Rétrocédées à l’État, ces écoles permettent de désengorger les
établissements scolaires publics aux effectifs pléthoriques pour une amélioration qualitative de
l’enseignement primaire au Cameroun.

Mais, par son ampleur, l’action de la Première dame fait figure de dispositif de soutien auquel
Chantal Biya accorde son patronage.

L’action de la Première dame figurant un dispositif de soutien.

Les structures mises en place par la première Dame du Cameroun ont globalement l’allure d’un
dispositif, au sens où Michel Foucault (1994 : 299) envisage ce terme comme : « un ensemble
résolument hétérogène, comportant des discours, des institutions, des aménagements
architecturaux, des décisions réglementaires, des lois, des mesures administratives, des
énoncés scientifiques, des propositions philosophiques, morales, philanthropiques, bref : du dit
aussi bien que du non-dit ». Le dispositif dont il s’agit opère en soutien autant à l’action
publique nationale qu’à l’action publique internationale.

En effet, très rapidement après leur mise en place successive, les activités constitutives de
l’action de Chantal Biya eurent à établir au plan national des partenariats incontournables avec,
par exemple, le Comité National de Lutte contre le Sida (CNLS), et les instances biomédicales
et universitaires camerounaises (Eboko, 2004 : 98). Mais, d’autres partenariats vont rapidement
se nouer, de la même façon, avec les organisations internationales, par exemple en matière de
fourniture de médicaments et la prise en charge des orphelins sur le sol camerounais. Dès
l’année 2000, c’est par exemple, la Fondation Glaxo Smith Kline qui devint partenaire de la
Fondation Chantal-Biya (FCB). Par la suite, le 12 juillet 2006 à Genève, la FCB pourra
également bénéficier du statut consultatif spécial du Conseil Économique et Social des Nations
Unies. Ce privilège international va lui permettre de participer à la vie dudit conseil à travers

ne doit alors se voir attribuer que les compétences qu’il est le mieux à même d’exercer(…) Elle est enfin
un principe qui, intervenant dans le domaine des compétences concurrentes, permet l’actualisation
d’une compétence potentielle de la Fédération.

104
des communications écrites, des pétitions et des perspectives de collaboration ou de partenariat.
Ainsi, la FCB est-elle en mesure de profiter de la plus haute tribune internationale pour faire
entendre la voix de ceux pour lesquels elle œuvre au quotidien. Déjà, le 7 juin 2006, c’est le
conseil d’administration du Réseau Mère et Enfants de l’Organisation Internationale de la
Francophonie (OIF) délivrant des soins hospitaliers de qualité, qui eut à décider d’admettre en
son sein, le Centre Mère et Enfant, partie intégrante de la FCB.

Reste seulement à prendre en considération ce que les institutions établies par la Première dame
soient en mesure de justifier des critiques pour stigmatiser le régime du président Biya, qui a
rendu possible leur mise en place. On entre là dans un cadre de lutte politicienne demeurant
possible. Les réalisations constitutives de l’action de Chantal Biya pourraient en effet se voir
critiquées, en étant considérées non pas comme des activités supplétives de l’action publique,
mais comme des doublons néfastes et dirimant l’initiative publique nationale. De la même
façon, il n’est pas à exclure de voir les activités de la Première dame considérées comme des
opérations de torpillage des programmes officiels de l’Etat. Ces activités peuvent en effet, servir
à étayer l’affirmation fallacieuse d’une moindre qualité de la recherche médicale au Cameroun,
et l’engagement de la Première vouée à constituer une tentative d’érection illégitime de ladite
recherche au niveau des standards internationaux.

Quoi qu’il en soit, l’action de Chantal Biya, qui est susceptible de critiques de toutes sortes, fait
dorénavant partie intégrante du paysage institutionnel au Cameroun. Tout laisse penser qu’il
en est ainsi pour bien longtemps.

De l’analyse de la trajectoire historique et institutionnelle de l’action de la Première dame du


Cameroun, on voit finalement comment par un ensemble d’actes touchant les Camerounais,
cette action sert à combler une béance, un vide insupportable occasionné par la défaillance de
l’État face à la misère haussière et la montée en puissance de la pandémie du Sida. Si l’action
de Chantal Biya sert donc à pallier la défaillance de l’action étatique, de la même façon, elle
participe de la création d’un ordre social et politique. Dans tous les cas, elle contribue à la
direction de la société camerounaise, à la régulation de ses tensions, à l’intégration des groupes
et à la résolution des conflits. Dès lors, l’État n’apparaît plus au Cameroun en position
dominante ou en situation de centralité dans un jeu désormais collectif où peuvent se mêler
d’autres acteurs, à l’image de la Première dame. Pour autant, si le mythe de l’État en majesté,
homogène et impartial, a quelque peu été écorné, son rôle sort plutôt renforcé, dans le sens de
la régulation/réglementation et le contrôle des initiatives privées comme celle de la Première

105
dame. Quelles que soient les critiques pouvant être formulées contre cette action initialement
vouée à la lutte contre la pauvreté et les souffrances, l’examen de sa trajectoire montre bien
qu’elle allège les souffrances et qu’elle sauve des vies. Puisqu’en la matière tout est bon à
prendre, Chantal Biya a tôt fait d’apparaître aux yeux de ses concitoyens, non pas simplement
comme la Première dame du Cameroun mais véritablement, comme une Dame de cœur.

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108
DEUXIEME PARTIE :

LES DROITS FONDAMENTAUX AU CŒUR DE L’ACTION DE LA PREMIERE


DAME

109
Typologie des droits fondamentaux dans l’action de la Première Dame au Cameroun.
Monsieur Ghislain BOMBELA MOSOUA, Chercheur-Doctorant en Droit Public, Université
de Yaoundé II (Cameroun)

Résumé : Dans le cadre de son immense action sociale, la Première Dame se présente
incontestablement comme un mécanisme non conventionnel de garantie des droits
fondamentaux. Ces derniers sont ainsi implémentés et réalisés au travers de son action. Cette
implémentation des droits fondamentaux qu’elle assure obéit à une double logique. D’une part,
elle réalise les droits fondamentaux de manière indifférenciée. Et, sous ce prisme, elle garantit
les droits fondamentaux classiques. D’autre part, elle protège les droits fondamentaux en tenant
compte de la vulnérabilité, du genre et de l’âge. En ce moment, elle garantit les droits
spécifiques.

Mots-clés: Droits fondamentaux, droits de l’homme, action sociale, mécanisme non


conventionnel de garantie des droits de l’homme, Première Dame.

Abstract : Within the framework of the important social action, the first lady should be
undoubtedly presented as a non-conventional mechanism which guarantees fundamental laws.
Therefore, these fundamental laws are implemented and carried out though her action and from
two perspectives. On the one hand, she guarantees undifferentiated fundamental laws which are
fundamental classic laws. On the other hand, she protects fundamental laws by taking into
account the vulnerability, gender and age. From that perspective, she guarantees specific laws.

Key words: Fundamental laws, Human rights, social action, Non-conventional mechanism
which guarantees human rights, First lady.

110
Mener une réflexion sur les droits fondamentaux n'a jamais été une tâche aisée lorsque
celle-ci est davantage abordée sous le prisme de l'action sociale et humanitaire d'un acteur aussi
singulier qu'est la Première Dame du Cameroun. En effet, procéder à une analyse rigoureuse et
scientifique des droits fondamentaux mis en exergue dans l'action de Madame Chantal Biya
peut s'avérer une entreprise périlleuse pour au moins trois raisons. La première est que, la notion
de droits fondamentaux cherche encore son critère d'identification 1 et pose de sérieux
problèmes à la science du droit en tant que catégorie juridique nouvelle2. La deuxième vient de
ce que, l'institution de « Première Dame » demeure une inconnue de la science du droit
constitutionnel et peut être considérée comme un objet juridique non identifié (OJNI) 3 et plus
précisément comme un objet constitutionnel non identifié. Des deux considérations qui
précèdent, il ressort clairement que les notions qui constituent les discriminants de cette
réflexion brillent par leur évanescence et l'imprécision de leurs contours. La troisième difficulté
que présente cette étude vient du risque de confusion du discours scientifique et du discours
politique. En effet, analyser les droits fondamentaux mis en branle par la Première Dame du
Cameroun dans le cadre de son action sociale peut donner l'impression, si on ne fait pas preuve
d'une vigilance épistémologique, d'être dans une logique propagandiste et d'angélisme béat 4.
Or, tel n'est pas le cas. En tant qu'acteur social important, la Première Dame peut bel et bien
faire l'objet d'une étude et d’un questionnement scientifique pertinent.
Pour éviter de tomber dans ces écueils et pour ne pas se perdre en conjectures, il urge
de baliser épistémologiquement la présente étude. Quatre préalables épistémologiques sont
donc nécessaires pour mener à bien cette réflexion.

1
À ce propos, le professeur Olivier Dord affirme avec vigueur et pertinence que, l'absence d'unité des critères
d'identification des droits fondamentaux justifie la diversité des conceptions doctrinales dont ils font l'objet et 111
l'incertitude qui caractérise leur statut juridique. Cf. Dord, 2008 : 333.
2
À ce sujet, un numéro spécial d'une revue française a été consacré à cette notion et s'est davantage appesanti sur
le problème de sa catégorisation. Cf. L'actualité juridique-Droit administratif, 20 juillet/20 août 1998 numéro
spécial, Les droits fondamentaux. Une nouvelle catégorie juridique?
3
Cette notion bien que nouvelle a déjà été convoquée par la doctrine. Cf. Ouattara, 2014 : 15-31.
4
Il y aurait lieu de soulever à ce niveau le risque de tomber dans l'obstacle épistémologique que Gaston Bachelard
appelle l'opinion. Basée sur des préjugés, l'opinion traduit les besoins en connaissance en désignant les objets par
leur utilité et en s'interdisant de les connaitre. C'est pourquoi, l'épistémologue français affirme avec énormément
de rigueur que : « L'opinion pense mal ; elle ne pense pas (...) on ne peut rien fonder sur l'opinion : il faut la
détruire. Elle est le premier obstacle à surmonter (...) L'esprit scientifique nous interdit d'avoir une opinion sur
des questions que nous ne comprenons pas, sur des questions que nous ne savons pas formuler clairement. Avant
tout, il faut savoir poser des problèmes. Et quoi qu'on dise, dans la vie scientifique, les problèmes ne se posent pas
d'eux-mêmes. C'est précisément ce sens du problème qui donne la marque du véritable esprit scientifique. Pour
un esprit scientifique, toute connaissance est une réponse à une question. S'il n'y a pas eu de question, il ne peut
y avoir connaissance scientifique. Rien ne va de soi. Tout est construit. » Cf. Bachelard, 1967 : 17.
Le premier est celui de la définition du syntagme « droits fondamentaux ». Ce vocable
est souvent usité de manière interchangeable avec les notions de libertés publiques et de droits
de l’homme5.
Le vocable de droits fondamentaux ne peut être intelligé qu’à partir de la notion de
droits de l’homme. Les droits fondamentaux apparaissent ainsi comme une catégorie de droits
de l’homme. Il est donc nécessaire de cerner la notion de droits de l’homme pour appréhender
celle de droits fondamentaux. Si les droits fondamentaux constituent une catégorie de droits de
l'homme, quel serait donc le critère à partir duquel on pourrait les identifier ? Autrement dit,
dans la galaxie des droits de l'homme, quel serait le critère qui distinguerait un droit qui est
fondamental de celui qui ne l'est pas ? La réponse à cette question a fait jaillir deux écoles, deux
perceptions, deux visions des droits fondamentaux en fonction du critère choisi.
Foncièrement positiviste et s'inspirant du système juridique allemand, la conception
formelle ou formaliste des droits fondamentaux les appréhende comme des permissions
juridiques consacrées par une norme de degré supérieur, Constitution et/ou traité, et garantie
par l'existence d'un juge que les titulaires de ces droits peuvent saisir (Dord, 2008 : 333). On
entend donc par droits et libertés fondamentaux, les droits et libertés protégés par les normes
de niveau constitutionnel ou international ni plus ni moins (Favoreu et alii, 1999 : 60-61). Les
droits fondamentaux se caractérisent ainsi par leur rang supra-législatif et leur justiciabilité
(Dord, 2008 : 333). Ayant pour chef de file le professeur Louis Favoreu, fondateur de ce qu'il
est convenu d'appeler l'école Aixoise de droit public, cette conception formelle des droits
fondamentaux repose sur trois critères essentiels. Le premier critère est celui des sources des
droits fondamentaux. Ces derniers sont des droits et libertés consacrés et protégés par les
instruments normatifs constitutionnels et internationaux (Levinet, 2006 : 60-61). Le second
critère est celui des bénéficiaires des droits fondamentaux. Au-delà des individus, les
bénéficiaires des droits fondamentaux peuvent aussi être des personnes morales, de droit public
comme de droit privé (Ibid., 61-62). Le troisième critère est celui des garanties des droits

5
Il faudrait dire que la notion de libertés publiques renvoie à l’ensemble des droits et libertés consacrés dans la loi 112
et garantis par les juges judiciaire et administratif. Il s’agit d’une notion foncièrement positiviste parce que c’est
l’État qui les consacre et qui détermine leur exercice. Par conséquent, les critères des libertés publiques sont leur
consécration par la loi et leur garantie par les juges internes (plus précisément les juges judiciaire et administratif).
Contrairement aux libertés publiques qui sont une notion exclusivement positiviste et relevant purement du droit
interne, les droits de l’homme quant à eux intègrent la doctrine jus naturaliste et le champ du droit international.
En effet, les droits de l’homme jaillissent avec les instruments internationaux tels que la Déclaration universelle
des droits de l’homme (DUDH) du 10 décembre 1948, les Pactes Internationaux de 1966 relatifs aux droits civils
et aux droits économiques, sociaux et culturels, etc. Il s’agit donc des droits et libertés consacrés dans les
instruments internationaux et garantis par les juridictions supranationales (à l’instar des différentes juridictions
régionales des droits de l’homme). Sur le plan substantiel, les droits de l’homme sont des droits inhérents à la
personne humaine. Des droits dont jouit du simple fait que l’on soit une personne humaine.
fondamentaux. Ces derniers sont garantis par le juge constitutionnel et le juge supranational
(Favoreu et alii, 2002 : 67). Cette conception identifie les droits fondamentaux à partir des
critères formels que sont les sources et les garanties juridictionnelles supra-législatives
indépendamment de tout critère matériel relatif au contenu et à la substance des droits concernés
(Ibid., 60).
La seconde approche quant à elle s'inspire de la doctrine jus naturaliste et insiste sur la
substance, l'essence, la propriété constitutive des droits fondamentaux (Dord, 2008 : 333). C'est
pourquoi elle est qualifiée de conception substantielle, substantialiste voire essentialiste des
droits fondamentaux (Levinet, 2006 : 63). Cette approche des droits fondamentaux est
vigoureusement défendue par le professeur Etienne Picard. Il commence par détruire les
arguments de l'approche Aixoise qui réduit la « fondamentalité » d'un droit à sa consécration
par une source formelle de rang supra-législatif. Pour lui, ce n'est pas tant le droit formel qui
produit les droits fondamentaux, ce sont plutôt les droits fondamentaux qui saisissent le droit
et le charpentent en sa structure générale (Picard, 1998 : 8). La hiérarchie formelle n'est donc
pas pertinente ici pour déterminer un droit fondamental, puisque ces droits se retrouvent dans
toute la structure normative (constitution, traité, loi, règlements) (Ibid.). Aucune norme
formelle ne peut en rendre compte, ni intégralement ni exclusivement, et à cet égard, la
catégorie des droits fondamentaux apparaît comme une catégorie hors norme, dans la mesure
où aucune norme n'en a le monopole ni ne le contient ou ne le détermine entièrement (Ibid., 8-
25). Si aucune norme formelle ne peut rendre compte de la fondamentalité d’un droit, quel serait
donc le critère à retenir pour savoir qu’un droit est fondamental ? Le professeur Etienne Picard
répond en disant que la fondamentalité réside dans la valeur propre du droit lui-même (Ibid.,
15). Les droits fondamentaux se caractérisent par leur rôle et l’importance qui leur est reconnue
(Ibid., 9). Il s’agit de droits qui apparaissent suffisamment essentiels pour le jurislateur et qui
sont susceptibles de prévaloir contre toute prétention qui pourrait s’y opposer (Ibid.). Ces droits
prévalent même sur des prétentions qui présentent des titres formels supérieurs (Ibid.). Les
droits fondamentaux présentent donc certains traits intrinsèques. Ce sont des droits importants,
prééminents et essentiels (Ibid.). Au fondement des droits fondamentaux, il existe des principes
fondateurs, une dynamique qui s’alimente aux convictions et aux représentations les plus
essentielles et renvoie à une certaine anthropologie qui se tient au fondement de notre droit, à
une conception de l’humanité (Levinet, 2006 : 63-64). Comme le précise clairement le
professeur Etienne Picard, la fondamentalité est extérieure au droit (Picard, 1998 : 29). Elle
n’est pas restreinte au droit considéré qu’elle marque seulement de son empreinte ; elle n’est
donc pas essentiellement dans le droit ou intrinsèque au droit, elle se trouve dans un principe
113
qui agit sur le droit (Ibid.). Ce n’est donc pas tant le droit qui est fondamental, mais le principe
sur lequel se fonde le droit et qui lui permet de prévaloir (Ibid.). Ce principe qui est fondamental
réside dans le sens fondamental que l’ordre juridique lui reconnaît dans son contenu et dans sa
portée (Ibid.). La fondamentalité touche le droit et le dépasse même (Ibid.). Le droit n’est donc
qu’un vecteur de la fondamentalité 6. C’est pourquoi, la fondamentalité peut être intra et
extranormative (Picard, 1998 : 15-20).
Cette deuxième perception des droits fondamentaux nous semble la plus pertinente dans
la mesure où, elle prend en compte les éléments de l’approche formelle mais la dépasse en
même temps et réconcilie parallèlement les droits fondamentaux avec le droit naturel en les
situant dans une perspective anthropologique qui enrichie davantage leur compréhension. C’est
pourquoi c’est cette seconde approche qui sera retenue dans le cadre de cette étude.
Après avoir balisé le concept de droits fondamentaux, le second préalable
épistémologique qui s’impose à notre analyse est l’intégration de l’individualisme
méthodologique dans l’appréhension du thème abordé. Une explication est dite individualiste
au sens méthodologique lorsqu’on fait explicitement d’un phénomène social la conséquence du
comportement des individus appartenant au système social dans lequel le phénomène social en
question est observé (Boudon et Bourricaud, 2011 : 306). Autrement dit, on a affaire à une
méthodologie individualiste lorsque l’existence ou l’allure d’un phénomène social, ou lorsque
la relation entre deux ou plusieurs phénomènes sociaux sont explicitement analysés comme une
conséquence de la logique du comportement des individus impliqués par ce ou ces phénomènes
(Ibid.). De manière plus précise, l’individualisme méthodologique postule que tout phénomène
social (un processus, une structure, une institution, un habitus) se laisse expliquer par les actions
et les propriétés des individus qui en font partie (Laurent, 1994 : 36). Même si la réflexion se
veut éminemment juridique, la prise en compte de ce paradigme important des sciences sociales
abondamment développé en sociologie notamment par Max Weber et Raymond Boudon,
s’avère cruciale dans le cadre de cette étude. En effet, ressortir les droits fondamentaux à partir
de l’action sociale de la Première Dame du Cameroun met en exergue l’appréhension d’un pan
du champ social camerounais à partir des actions d’un individu. Ce qui implique nécessairement
le recours à l’individualisme méthodologique.
Le troisième préalable épistémologique est de situer la présente réflexion dans le cadre
de la pensée complexe d’Edgar Morin. En effet, dans l’un de ses aspects, l’épistémologie de la
complexité insiste sur le fait que le domaine du savoir doit être porteur de changement cognitif

6 114
Ce vecteur peut être international, constitutionnel ou infra-constitutionnel. Cf. Levinet, 2006 : 64.
(Mbala Essomba, 2010 : 125). L’objectif de la science n’est donc plus de transmettre un savoir
pur mais une culture qui nous permet de comprendre notre condition et qui nous aide à vivre
(Morin, 1999 : 9-11). Cette nouvelle perception permet à l’humanité d’affronter les nouveaux
défis qui se présentent à elle, notamment les problèmes éthiques, bioéthiques, pauvreté,
réchauffement climatique, développement durable (Mbala Essomba, 2010 : 125) etc. C’est ce
genre de posture que le sujet étudié ici nous invite à adopter. L’analyse des droits fondamentaux
par le truchement de l’action de la Première Dame nous sort du monde froid des juristes habitués
aux joutes théoriques et nous invite à aborder la condition humaine par l’analyse d’une catégorie
juridique déterminée : les droits fondamentaux.

Le quatrième et dernier préalable épistémologique est la prise en compte de la


philosophie et de la sociologie du droit comme sciences et méthodes juridiques dans le cadre
de ce travail. En effet, étant dans une perspective jus naturaliste propre à l’étude des droits
fondamentaux, la présente réflexion s’appuie sur la philosophie du droit comme science 7 et
comme méthode8 du droit. Accordant un point d’honneur à l’effectivité du droit, la sociologie
du droit nous permet de voir l’adéquation de la norme aux faits (Corten, 2009 : 26). Comment
est-ce que les règles juridiques s’appliquent-elles ? Quels sont les mécanismes sociaux de leur
implémentation ? En mettant en exergue les moyens entrepris par la Première Dame pour
implémenter un certain nombre de droits fondamentaux, cette étude relève incontestablement
de la sociologie juridique et nous évite de produire une science juridique décontextualisée et
désincarnée comme le présente le positivisme normativiste9. Cette posture méthodologique est
motivée par l’idée selon laquelle, l’analyse du droit en Afrique ne saurait se limiter au premier
degré, à savoir à l’énoncé du droit (Keudjeu de Keudejeu, 2017 : 94). La démarche

7
Comme science du droit, la philosophie du droit s’appréhende comme l’ensemble des propositions
systématiquement construites pouvant aller jusqu’à l’élaboration d’un schéma complet d’État idéal et d’un plan de 115
réforme de la société fondé sur la réalisation, exprimée ou non, de telle ou telle fin générale (la liberté, l’ordre, la
justice, le bien être, etc.). En tant que discipline juridique, la philosophie du droit se préoccupe de l’essence du
juridique et s’efforce de cerner les fins et donc le fondement du droit. De manière générale, la philosophie du droit
se scinde en quatre parties : l’épistémologie du droit (elle cherche à ce niveau à voir les conditions d’élaboration
de la connaissance juridique), la téléologie du droit (elle s’intéresse aux fins ou finalités du droit), l’ontologie du
droit (elle se préoccupe de l’essence du droit), la logique juridique (elle s’applique à ce niveau à étudier les
différents raisonnements auxquels font recours les juristes pour comprendre ou pour appliquer le droit). Cf. Bobbio,
1999 : 17.
8
Comme méthode, la philosophie du droit permet de traiter un sujet donné en évaluant la règle juridique à la
lumière de la théorie de la justice. Sous ce prisme méthodologique, on se demande si telle ou telle règle est juste
ou injuste. Cf. Corten, 2009 : 26.
9
Le positivisme est cette théorie juridique qui consiste à n’analyser que le droit positif et rien que le droit positif
en écartant les faits sociaux, l’histoire, le droit naturel et les principes moraux. Est alors délaissée l’étude des
fonctions sociopolitiques du droit ou du contenu des normes. Cette orientation caractérise le positivisme
normativiste de Hans Kelsen. Son positivisme est associé à la décontextualisation de l’analyse du droit. Le droit
n’est alors étudié que pour lui-même sans considérations du contexte de sa production, ni de ses fonctions ou effets
politiques ou sociaux. Cf. Champeil-Desplats, 2014 : 47-48.
épistémologique adéquate impose le dépassement du positivisme normativiste par le recours au
positivisme sociologique qui prend en compte, au-delà du droit posé, son adéquation au social
afin de vérifier l’effectivité de l’application du droit formel, et par voie de conséquence son
adéquation aux besoins de la société (Ibid.).

Ces préalables posés, il devient plus facile d’aborder le thème étudié. Il s’agit en réalité
d’un exercice de taxinomie. La science juridique effectue très souvent l’opération de
classification pour mieux saisir les réalités qu’elle décrit (Troper, 1989 : 945). Comme le relève
avec pertinence le Doyen Magloire Ondoa, les opérations de classification et même de
qualification ont un intérêt scientifique indéniable. Ce sont des opérations qui s’inscrivent dans
le cadre des opérations intellectuelles de production des concepts scientifiques nécessaires à la
systématisation, la captation et l’intelligibilité de la réalité (Ondoa, 2002 : 8). La classification
est l’attitude et la réaction de l’esprit humain qui constate la complexité et le désordre des choses
et décide de les simplifier et de les mettre en ordre, afin de ramener le réel à la mesure de son
esprit (Laghmani, 1988 : 36). Il s’agit donc d’un mode naturel de penser (Ibid.) qui permet de
saisir la réalité.

À la lumière de tout ce qui a été énoncé, la question naturelle que cette réflexion conduit
à poser est celle de savoir : quels sont les droits fondamentaux qui sont protégés dans l’action
sociale de la Première Dame au Cameroun ?

Il ressort que dans le cadre de son action socio-humanitaire, la Première Dame assure
tant la réalisation des droit fondamentaux que l’on pourrait qualifier de classiques ou
traditionnels (I) que celle des droits fondamentaux qui peuvent être taxés de spécifiques ou
catégoriels (II).

I- La réalisation des droits fondamentaux classiques

Dans la théorie des droits et libertés fondamentaux, l’une des classifications qui s’est
présentée comme l’une des plus pertinentes est la classification intergénérationnelle proposée
par Karel Vasak (Levinet, 2006 : 70-73). Ce dernier distingue les droits de la première
génération qui correspondent aux droits civils et politiques qui regorgent les droits et libertés
qui interdisent l’ingérence de l’autorité publique (Ibid., 71) et qui assurent une autonomie à
l’individu. Il s’agit des « droits-libertés » qui portent tant sur la liberté-autonomie (liberté de
pensée, d’opinion, de culte, etc.) que sur la liberté-participation (droit de participer à la gestion
de la cité, la liberté de manifestation publique, la liberté d’association, etc.) (Ibid.). La deuxième

116
génération porte sur les droits économiques, sociaux et culturels que l’on qualifie également de
« droits-créances » (Ibid.). Ce sont des droits qui appellent une prestation des autorités
publiques, notamment par la mise en œuvre d’un service public permettant l’effectivité de ces
droits ( Ibid.). Au cœur des droits qui correspondent à cette catégorie nous pouvons citer : la
liberté syndicale, le droit au travail, le droit à la sécurité sociale, le droit à la santé, le droit à
l’éducation, etc. (Ibid., 71-72). La troisième génération correspond aux « droits-solidarités »
dont l’émergence serait largement due à l’influence exercée dans la société internationale par
les États du tiers monde (Ibid., 72). Il s’agit du droit à la paix, du droit au développement, du
droit à un environnement sain, etc. (Ibid.).

Ces trois catégories de droits fondamentaux correspondent à la classification classique


ou traditionnelle de ces droits. Lorsqu’on regarde de près l’action sociale et humanitaire de
Madame Chantal Biya, il ressort clairement que les droits appartenant à ces trois catégories de
droits fondamentaux sont protégés et réalisés à travers son action. Ainsi, la Première Dame du
Cameroun protège tant les droits-libertés (I.1.) que les droits-créances et solidarités (I.2.).

I.1. La réalisation des droits fondamentaux-libertés

La Première Dame du Cameroun dans son immense action humanitaire et sociale assure
la réalisation de quelques droits fondamentaux généralement logés dans la catégorie des droits-
libertés. Au cœur de ces droits se trouvent le droit à la vie d’une part (I.1.1.) et la protection de
l’intégrité physique et morale d’autre part (I.1.2.).

I.1.1. La garantie du droit à la vie

Dans l’une de ses plus célèbres affaires, la Commission africaine des droits de l’homme
et des peuples a eu à affirmer avec force et vigueur que le droit à la vie est le plus fondamental
de tous les droits humains 10. C’est pourquoi, il ne serait pas exagéré de reconnaître que le droit
à la vie est le premier des droits de l’homme, celui qui conditionne la jouissance de tous les
autres droits (Mebu Chimi, 2011 : 144). Ce droit constituerait donc la valeur suprême dans
l’échelle des droits de l’homme (Sudre, 2012 : 306). Dans son action, Madame Chantal Biya
assure la protection du droit à la vie et le droit au respect de la vie par le biais du réseau
d’institutions qu’elle a mis sur pied.

10 117
Com. 155/96 Social and Economic Rights Action Center, Center for Economic and Social Rights c. Nigeria §
67.
Le Centre Hospitalier de Recherche et d’Application en Chirurgie Endoscopique et
Reproduction Humaine (en abrégé CHRACERH) spécialisé dans la procréation médicalement
assistée est un établissement de référence qui soutient la femme face aux différentes pathologies
qui l’accablent et entretient ainsi la chaîne de la vie. Par le canal de cet établissement, Madame
Chantal Biya, tout en aidant les couples qui ont des difficultés de conception célèbre la vie.
Ainsi, on comprend tout le sens de cet extrait de son discours lors de l’inauguration du
CHRACERH le 06 mai 2016 en s’adressant au corps médical en ces termes : « soyez toujours
avec dévouement et responsabilité au service de la vie11 ».
Par ailleurs, Madame Chantal Biya garantit le droit à la vie à travers la concentration de
ses efforts dans la lutte contre certaines maladies et épidémies. La Première Dame du Cameroun
a fait de la lutte contre le SIDA son cheval de bataille. Le Centre International de Référence
Chantal Biya pour la recherche sur la prévention et la prise en charge du VIH/SIDA (CIRCB) 12
constitue l’institution par laquelle elle concrétise ce combat. Se présentant simultanément
comme un centre de formation de qualité et un laboratoire de recherche de haut vol, le CIRCB
mène une action considérable pour l’éradication de la pandémie du SIDA. En plus de garantir
le droit à la vie, la Première Dame du Cameroun protège également l’intégrité physique et
morale de la personne humaine.
1.1.2. La protection de l’intégrité physique et morale
En plus de garantir la protection du droit à la vie, la Première Dame à travers son action
assure également la protection de l’intégrité physique et morale. En tant que support organique
de la personne humaine, le physique ou le corps apparaît comme la matérialisation de la vie
humaine et la partie palpable de l’être humain (Mebu Chimi, 2011 : 143). La protection de
l’intégrité physique ou le droit à l’intégrité physique est le droit de jouir de son corps dans son
entièreté sans souffrir d’une ablation ou d’une mutilation quelconque et sans subir des douleurs
dans sa chair (Ibid.).
Les différentes institutions créées par Madame Chantal Biya œuvrent également pour
assurer le droit à l’intégrité physique. Le Cercle des Amis du Cameroun (CERAC) 13, la

11
Fondation Chantal Biya Agenda 2017, 23 ans de passion humanitaire. 1994-2017, p.67. 118
12
Le CIRCB est l’aboutissement des efforts de la Première Dame du Cameroun, Madame Chantal Biya. Inauguré
le 23 février 2006, le CIRCB est le résultat d’un grand plaidoyer initié par les Premières Dames d’Afrique à travers
l’ONG Synergies africaines, en direction d’un certain nombre de partenaires : Gouvernements camerounais et
italien, Fondation Mondiale Recherche et Prévention SIDA, UNESCO, Institut de Virologie Humaine. Depuis
2012, il a fait l’objet d’une restructuration profonde et a aujourd’hui le statut d’un établissement public
administratif de type particulier. Cf. Fondation Chantal Biya Agenda 2017, 23 ans de passion humanitaire. 1994-
2017, p.103.
13
Le CERAC est une association humanitaire, apolitique et à but non lucratif créée en 1995 par la Première Dame
du Cameroun, Madame Chantal Biya. Ses nombreuses réalisations concrètes lui ont valu d’être reconnu d’utilité
publique au Cameroun par le décret n°2007/116 du 23 avril 2007 du Président de la République.
Fondation Chantal Biya14 et les Synergies africaines15 travaillent pour la prévention et le
soulagement des souffrances humaines, luttent pour la fin du travail des enfants et autres
sévices qu’ils subissent. Par de telles actions, la Première Dame assure aussi bien la protection
de l’intégrité physique en luttant contre les souffrances humaines, les sévices que subissent les
enfants, que pour la protection de l’intégrité morale en luttant contre le travail des enfants. Si
l’intégrité morale renvoie au reflet, à la perception sociale de la personne, à la notoriété dont
jouit la personne dans son milieu social (Mebu Chimi, 2011 : 146), il est clair que Madame
Chantal Biya au travers de son action sociale et humanitaire restaure l’intégrité morale des
femmes, des enfants, des personnes âgées, des personnes handicapées en leur apportant secours
et en luttant contre les clichés que la société entretient à l’endroit de ces catégories de personnes
humaines généralement qualifiées de vulnérables.
Le droit à la vie et à l’intégrité physique sont des droits primordiaux qui assurent la sacralité
de la personne humaine (Ibid., 143). Faudrait par ailleurs noter que les droits fondamentaux
créances intègrent également ses priorités dans son œuvre sociale.

I.2. La réalisation des droits fondamentaux-créances et solidarités

Dans le cadre de son action sociale et humanitaire, la Première Dame du Cameroun


assure également la garantie des droits-créances qui sont les droits économiques, sociaux et
culturels (I.2.1.) et les droits-solidarités qui sont des droits que l’on qualifie souvent de droits
de la collectivité (I.2.2.).

I.2.1. La garantie des droits fondamentaux-créances


L’action sociale et humanitaire de Madame Chantal Biya assure également la réalisation
de cette catégorie de droits fondamentaux. Au cœur de cette typologie de droits fondamentaux

14
La Fondation Chantal Biya est une association apolitique, non confessionnelle et à but non lucratif, à caractère
119
humanitaire créée par Madame Chantal Biya, Première Dame du Cameroun. Cette association est régie par la loi
n°90/053 du 19 décembre 1990 sur la liberté d’association au Cameroun. Cette fondation a été reconnue d’utilité
publique par le décret n°99/098 du 30 avril 1999 du Président de la République. Désormais, la Fondation Chantal
Biya bénéficie du statut consultatif spécial du Conseil Économique et social des Nations Unies. Elle est également
membre du Réseau Mère et Enfant de la Francophonie.
15
De son vrai nom « Synergies africaines contre le sida et les souffrances », Synergies africaines est une
association à but non lucratif qui a la forme juridique d’une organisation non gouvernementale (ONG) reconnue
comme telle par les droits nationaux de chacun des membres signataires. Cette ONG est née de l’initiative de
Madame Chantal Biya lors du 32ème Sommet de l’OUA en novembre 2002. Elle regroupe les Premières Dames
d’Afrique et d’autres continents qui consentent à adhérer à ses statuts, les personnes physiques ou morales de
bonne volonté et les scientifiques qui contribuent à la vie active de l’association, ainsi que les anciennes Premières
Dames d’Afrique. Il s’agit pour ces Premières Dames de créer un cadre commun de réflexion, de concertation,
d’échanges et d’actions concrètes en vue de la mobilisation continue des sociétés africaines et de la communauté
internationale pour la lutte contre la pandémie du VIH/SIDA et les autres fléaux qui affectent les populations
africaines.
dont elle veille à la réalisation nous pouvons citer : le droit à la santé, le droit à l’éducation et
le droit au logement.

• La garantie du droit à la santé

Madame Chantal Biya mène une action d’assistance consistante dans le domaine de la
santé. Notons en passant que le devoir d’assistance fait obligation à l’État ou à toute autre
institution d’apporter aux populations des soins appropriés en cas de maladie (Mengue Me
Engouang, 2011 : 351). Autrement dit, à ce niveau, c’est la dimension curative de l’action de
la Première Dame qui est prise en compte. Cette dimension curative est pleinement visible à
travers la création par la Première Dame d’un réseau de centres de recherches, de centres
hospitaliers et de formations sanitaires qui traitent au quotidien des maladies dont souffrent les
camerounais. On peut ainsi citer le Centre de Recherche et d’Application en Chirurgie
Endoscopique et de Reproduction Humaine de Yaoundé, qui fut créé le 06 mars 1998 et qui
dispose de 30 lits, et travaille essentiellement dans la chirurgie endoscopique, la procréation
médicalement assistée, et les activités de formation en endoscopie et reproduction humaine, la
sénologie (cancer de sein), prise en charge de grossesses à haut risque, diagnostic anténatal16.

Le réseau des centres hospitaliers et des formations sanitaires de Madame Chantal Biya
compte le Centre Médical de Meyomessala dans le sud Cameroun qui fut créé le 18 avril 1998.
Ce centre compte 25 lits et couvre en moyenne chaque année, 2500 consultations, 100
accouchements, 470 hospitalisations, 25 000 doses de vaccins administrés 17. On ajoute à cela,
le Centre Mère et Enfant de Yaoundé créé le 23 février 1999. Ce centre compte à ses actifs 258
lits18. Il est spécialisé dans la santé de la mère et de l’enfant et dans la prise en charge des
malades indigents. Dans la rubrique de ses réalisations, on compte chez les enfants, 11 597
consultations externes, 9 859 consultations d’urgence, 5 822 hospitalisations enregistrées 19 et
chez la femme, 4 857 consultations prénatales de grossesses normales et grossesses à haut
risque20. Ce centre enregistre 33 000 femmes et enfants vaccinés.

16 120
Fondation Chantal Biya Agenda 2017, 23 ans de passion humanitaire. 1994-2017, p.69.
17
Ibidem.
18
Ibidem.
19
Ibidem.
20
Ibidem.
Le droit à la santé bien qu’étant au cœur de l’action de Madame Chantal Biya, n’est pas
le seul droit-créance dont elle veille au respect. Le droit à l’éducation figure aussi parmi les
priorités de son action sociale.

• La garantie du droit à l’éducation

Le droit à l’éducation nécessite l’alphabétisation et la scolarisation et impose donc


l’accès aux établissements d’enseignement (Boumghar, 2011 : 366). C’est pourquoi, la
Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, dans sa résolution sur l’éducation,
affirme que l’éducation recouvre l’enseignement primaire, secondaire et supérieur (Ibid). Vu
sous cet angle, nous observons que Madame Chantal Biya s’active énormément à assurer le
respect du droit à l’éducation au Cameroun. On compte parmi ses réalisations dans ce domaine,
la construction d’une école primaire à cycle complet avec le concours d’EDICEF dans les
localités suivantes : Dimako, Nanga-Eboko, Bangangté , Maroua , à Memiam , Yabassi ,
21
Limbé , Garoua , Bamenda . Elle est la présidente fondatrice des écoles dénommées les
champions FCB qui voient le jour le 27 mai 2005. Ces écoles s’étendent dans la province du
centre et dans celle du littoral. À ce jour, 10 de ces écoles ont été construites et rétrocédées à
l’État du Cameroun22.

Au niveau de l’enseignement supérieur, le Centre Mère et Enfant de la Fondation


Chantal Biya abrite la formation des étudiants et résidents dans le domaine de la médecine et
des sciences biomédicales. Une activité de recherche y est menée avec à son actif, trois thèses
de doctorat, deux mémoires de résidents, une publication sur les méningites bactériennes, une
publication sur la tuberculose et une publication sur le VIH (IRIS) 23. À travers les Synergies
africaines et le CIRCB, Madame Chantal Biya mobilise un réseau de chercheurs de renommée
internationale à l’instar des professeurs Luc Montagnier et Robert Gallo les deux chercheurs
qui ont co-découvert le virus du SIDA24. Avec de tels chercheurs dans son équipe, on comprend
aisément pourquoi le CIRCB noue des partenariats avec des institutions de notoriété dans le
domaine de la recherche à l’instar de l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF), du
Conseil Africain et Malgache pour l’Enseignement Supérieur (CAMES). Les laboratoires du
CIRCB ont même abrité certaines épreuves du dernier concours d’Agrégation de Médecine du
CAMES organisé à Yaoundé en novembre 2014. Ce qui illustre clairement que les institutions

21
Fondation Chantal Biya Agenda 2017, 23 ans de passion humanitaire 1994-2017, p.7. 121
22
Ibid, p.73.
23
Ibid, p.26.
24
Ibid, p.42.
de recherche mises sur pied par Madame Chantal Biya rayonnent d’un éclat singulier dans
l’univers de la formation et de la recherche universitaires en Afrique et dans le monde.

Notons qu’à côté du droit à la santé et du droit à l’éducation, la Première Dame assure
la garantie d’un autre droit-créance important : le droit au logement.

• La garantie du droit au logement

Dans le cadre de son action sociale et humanitaire, Madame Chantal Biya garantit
également le droit au logement. À cet effet, elle a créé le 24 décembre 2002 un orphelinat de
48 lits pour enfants et 10 lits pour adultes dénommé le Children First Center de Yaoundé. Cet
orphelinat accueille les enfants abandonnés et orphelins, assure l’assistance aux familles en
détresse, la réinsertion sociale, l’aide à l’éducation 25. Par une telle initiative, Madame Chantal
Biya garantit le droit au logement et lutte contre le phénomène des enfants de la rue. Elle permet
ainsi à ces enfants d’avoir un abri et une famille, de recevoir une éducation, d’être soignés, de
jouir de la vie comme tout enfant devrait le faire.

Notons qu’en plus de garantir les droits fondamentaux-créances, la Première Dame


assure également la réalisation de certains droits fondamentaux-solidarités.

I.2.2. La garantie des droits fondamentaux-solidarités

La Première Dame du Cameroun garantit un certain nombre de droits solidarités dans le


cadre de son action sociale. Il s’agit principalement de la protection du droit à un
environnement sain et du droit au développement.

• La garantie du droit au développement

Madame Chantal Biya au travers de son action sociale et humanitaire garantit le droit
au développement. Ce dernier s’inscrit dans le sillage du nouvel ordre économique
international (Eteka Yemet, 1996 : 212). C’est un droit d’origine africaine26. Sur le plan interne,
ce droit exige une répartition équitable des ressources nationales afin d’améliorer la vie et la

25
Fondation Chantal Biya Agenda 2017, 23 ans de passion humanitaire. 1994-2017, p.19-70. 122
26
En effet, l’expression du droit au développement a été prononcée pour la première fois à Alger en octobre 1967
lors de la Conférence économique des "77". À l’occasion de cette conférence monsieur Doudou Thiam, ministre
sénégalais des affaires étrangères déclarait qu’au même titre que les nations développées ont proclamé les droits
individuels relatifs à la santé, à l’instruction, au travail, les nations du Tiers-Monde doivent proclamer le droit au
développement. Ce droit aura écho dans le monde académique à la suite du cours donné par le juge Keba M’Baye
à l’Institut International des Droits de l’Homme de Strasbourg en 1972. Cf. Ouguergouz, 1993 : 190. Et Eteka
Yemet, 1996 : 74.
dignité de l’homme (Benchikh, 2011 : 598). On comprend donc aisément pourquoi, l’article 8
de la Résolution 128-41 du 4 décembre 1986 de l’Assemblée Générale des Nations unies sur le
droit au développement énonce que tous les États doivent prendre sur le plan national toutes les
mesures nécessaires pour la réalisation du droit au développement en assurant notamment
l’égalité des chances de tous dans l’accès aux ressources de base, à l’éducation, aux services de
santé, à l’alimentation, au logement, à l’emploi, et à une répartition équitable du revenu. Il s’agit
donc sur le plan interne d’un droit qui vise l’épanouissement et l’amélioration des conditions
de vie. C’est ce sens interne du droit au développement qui est pris en compte ici.

Au regard des considérations qui précèdent, la Première Dame du Cameroun garantit


assurément le droit au développement. Elle aide et assiste l’État dans son devoir d’amélioration
des conditions de vie des populations. Les différents services sociaux de base qu’elle offre aussi
bien dans le domaine de la santé que dans celui de l’éducation qui ont été énumérés plus haut,
témoignent à suffisance de sa participation au développement des populations. Le fait que ces
services sociaux de base dont elle gratifie les camerounais se réalisent sur toute l’étendue du
territoire et même dans les zones ou les localités les plus reculées témoigne de son apport
indéniable à l’amélioration des conditions de vie. Au-delà de la santé et de l’éducation, les
actions de Madame Chantal Biya en faveur du droit au développement se traduisent aussi par
la construction, la réhabilitation de puits, forages, châteaux d’eau par le CERAC dans les villes
suivantes : Kousseri, Kolofata, Mokolo, Yagoua, Messamena, Zoétélé, Mvangan, Ambam,
Akom II, Mfou, Monatélé, Fouban. La Fondation Chantal Biya offre des dons d’aliments,
assiste les sinistrés des catastrophes naturelles, apporte son appui chaque année aux structures
d’encadrement des personnes vulnérables, notamment les orphelinats, les centres d’accueil pour
vieillards et pour personnes handicapées et contribue comme on l’a vu dans les lignes qui
précèdent à l’amélioration de l’hydraulique rurale par la construction des puits 27. Tout ceci
témoigne clairement de ce que la Première Dame œuvre énormément pour l’amélioration des
conditions de vie, et elle se positionne par conséquent comme un acteur important qui garantit
le droit au développement à côté de l’État.

• La protection du droit à un environnement sain

27 123
Fondation Chantal Biya Agenda 2017, 23 ans de passion humanitaire. 1994-2017, p.74.
En plus de garantir le droit au développement, Madame Chantal Biya garantit aussi le
droit à un environnement sain. Dans son avis consultatif du 8 juillet 1996, la Cour Internationale
de Justice (CIJ) nous rappelle que : « l’environnement n’est pas une abstraction, mais bien
l’espace où vivent les êtres humains et dont dépendent la qualité de leur vie et leur santé, y
compris pour les générations à venir 28». Cette définition élaborée fait preuve d’une actualité
saisissante, car elle prend en compte non seulement l’environnement en tant que cadre de vie
quotidien, mais aussi et surtout en tant qu’élément d’un développement durable (Tcheuwa,
2006 : 23). Ce qui est intéressant ici est que dans la définition de l’environnement, le cadre de
vie, la qualité de vie et la santé sont des éléments structurants. Ces éléments favorisent donc un
environnement sain.

De ces éléments, il ressort clairement que l’action sociale de la Première Dame lui
permet de garantir le droit à un environnement sain. En réhabilitant les centres de santé, en
fournissant l’eau potable aux populations se trouvant dans les zones rurales à travers la
construction des puits et des forages, en garantissant une nutrition adéquate et équilibrée aux
nourrissons afin de leur éviter les maladies diarrhéiques et la malnutrition à travers des
campagnes d’éducation des mères à une bonne nutrition en famille, en portant secours aux
populations sinistrées des catastrophes naturelles, Madame Chantal Biya participe assurément
à l’amélioration de la qualité de vie et de la santé des populations et à ce titre, elle garantit le
droit à un environnement sain au sens où l’entend la CIJ.

Parvenu au terme de l’analyse des droits fondamentaux classiques protégés par la


Première Dame dans le cadre de son action sociale et humanitaire, il ressort que Madame
Chantal Biya œuvre énormément pour la dignité de la personne humaine. Il faudrait cependant
relever que dans le cadre de cette garantie, un accent particulier est mis sur des catégories de
personnes considérées généralement comme étant vulnérables. Ce qui signifie que l’action de
la Première Dame porte aussi sur la protection des droits fondamentaux qualifiés de spécifiques
ou de catégoriels.

124
28
CIJ, avis du 8 juillet 1996, Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, Rec. 1996, § 29.
II- La concrétisation des droits fondamentaux spécifiques

Dans son émergence historique, au nom du principe d’égalité, le droit international des
droits de l’homme visait à protéger l’homme de manière indifférenciée (Mahouvè, 2011, 62).
Autrement dit, il protégeait une espèce d’individu abstrait que rien ne distingue d’un autre, ni
son état ou ses besoins physiques ou moraux, ni son état social encore moins son lien avec un
territoire précis (Ibid.). Mais très vite, on s’est rendu compte qu’une protection effective des
droits de l’homme passe par la mise en relief de l’homme situé et daté, donc différencié par ses
origines, ses activités, ses aspirations propres et qu’il convient justement de protéger à travers
sa situation particulière (Ibid., 62-63). On va donc assister à un mouvement de catégorisation
des droits de l’homme qui va accorder aux genres humains jusque là frappés d’exclusions et de
discriminations de toutes sortes des droits spécifiques visant à les sortir de leur situation
effective d’inégalité (Ibid., 63). C’est ainsi que vont apparaître des instruments juridiques
internationaux relatifs aux droits de l’homme portant sur des catégories de personnes : les
femmes29, les enfants 30, les jeunes31, les refugiés32, les personnes déplacées 33, les travailleurs 34,
etc.

La Première Dame du Cameroun dans le cadre de son action humanitaire garantit


également les droits fondamentaux différenciés et situés. Une lecture attentive conduit à
percevoir dans son action une focalisation, une fixation, une attention particulière sur certaines
catégories de personnes du fait de leur vulnérabilité. On peut ainsi citer les enfants, les femmes,
les handicapés, les personnes âgées, les personnes les plus démunies de la société. Cependant,
pour des raisons d’analyse et de format, la réflexion s’attardera davantage sur deux catégories.
Il ressort donc qu’à travers son œuvre sociale, Madame Chantal Biya insiste sur la protection
aussi bien des droits fondamentaux de l’enfant (II.1.) que sur ceux des femmes (II.2.).

29
La Convention des Nations unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes 125
adoptée le 18 décembre 1979 et le Protocole à la charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux
droits des femmes adopté le 11 juillet 2003 à Maputo.
30
La Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant adoptée le 20 novembre 1989 et la Charte
africaine des droits et du bien être de l’enfant adopté le 11 juillet 1990.
31
La Charte africaine de la jeunesse adoptée en juillet 2006.
32
La Convention des Nations unies relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951.
33
La Convention de l’OUA sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées en Afrique adoptée le 22
octobre 2009.
34
On peut citer à ce niveau les diverses conventions de l’Organisation internationale du travail.
II.1. Une insistance sur la protection des droits fondamentaux de l’enfant

Consciente de la vulnérabilité et des risques qui guettent l’enfant africain, la Première


Dame du Cameroun, dans le cadre de sa lutte contre la souffrance humaine a mis une emphase
particulière sur ce genre humain. À travers son action sociale et humanitaire, Madame Chantal
Biya réalise aussi bien les droits individuels (II.1.1.) que les droits économiques, sociaux et
culturels (II.1.2.) de l’enfant.

II.1.1. La garantie des droits individuels de l’enfant


Madame Chantal Biya garantit les droits de l’enfant que l’on pourrait qualifier
d’individuels. À ce niveau, il ressort qu’elle participe à la réalisation du droit de l’enfant à la
vie et à la protection de l’enfant contre les mauvais traitements.
• Le droit de l’enfant à la vie

Il est indéniable que la Première Dame garantit le droit à la vie des enfants. N’oublions pas
que selon la Convention des Nations unies sur les droits de l’enfant et la Charte africaine des
droits et du bien être de l’enfant, l’enfant est tout être humain âgé de moins de dix-huit ans.
Dans cette catégorie, on n’y trouve donc pas que de nouveau-nés et des bébés, mais également
des enfants un peu plus grands et certains jeunes adolescents. La Première Dame a mis un accent
particulier sur la garantie du droit à la vie de l’enfant. À titre d’illustaration, la Fondation
Chantal Biya a mis sur pied un programme de prise en charge de nombreux sujets
drépanocytaires SS. Les drépanocytaires issus de familles démunies bénéficient désormais de
programmes de prévention et de mitigation de crises 35 ; nul besoin de rappeler que, parmi les
sujets qui en ont bénéficié figurent les enfants de tout âge. Ces derniers ont bénéficié de
consultations régulières et de mise en œuvre des vaccinations spécifiques aux
drépanocytaires 36.

• La protection de l’intégrité physique et morale de l’enfant

En créant des orphelinats à l’instar du Children First Center, la Première Dame accorde
aux enfants de la rue abandonnés à eux mêmes et aux violences de toutes sortes, un abri et une
possibilité de se protéger de tout mauvais traitement. En effet, dans les rues, les enfants sont
exposés aux agressions, aux viols, à la mendicité, etc. En réhabilitant les centres sociaux et les
orphelinats se trouvant un peu partout au Cameroun à travers le CERAC, la Première Dame

35 126
Fondation Chantal Biya Agenda 2017, 23 ans de passion humanitaire. 1994-2017, p.9.
36
Idem.
multiplie les possibilités de réduire le phénomène des enfants de la rue, et donne ainsi l’occasion
à plusieurs milliers d’enfants d’échapper aux mauvais traitements que leur réserve la rue et évite
aux jeunes filles abandonnées des viols et la prostitution.

Il se trouve que concernant les droits fondamentaux de l’enfant, la Première Dame


œuvre aussi énormément pour la protection des droits sociaux et culturels de l’enfant.

II.1.2. La garantie des droits économiques, sociaux et culturels de l’enfant

Cette catégorie de droits fait l’objet d’une attention particulière de la part de Madame
Chantal Biya. Dans le cadre de son action sociale et humanitaire, elle pose des actes et met sur
pied des activités qui ont pour finalité la réalisation des droits, économiques, sociaux et culturels
de l’enfant.

• La réalisation du droit à la santé de l’enfant

Dans le cadre de l’association dont elle est la fondatrice, à savoir les Synergies
africaines, Madame Chantal Biya et les autres Premières Dames ont fait de la réduction de la
transmission du VIH de la mère à l’enfant leur premier projet phare 37. La protection du
nouveau-né d’une mère séropositive contre le VIH/SIDA ne garantit pas seulement le droit de
l’enfant à la vie comme on l’a vu plus haut, mais également son droit à la santé. À travers le
Centre Mère et Enfant de la Fondation qui porte son nom et le CIRCB, Madame Chantal Biya
concrétise le droit de l’enfant né d’une mère séropositive d’être en bonne santé en lui évitant de
contracter le VIH/SIDA. À cet effet, le CIRCB a en son sein un laboratoire d’immunologie qui
étudie le phénotypage lymphocitaire et un laboratoire de virologie qui analyse la charge virale
et les résistances génétiques aux antirétroviraux chez les enfants et le Centre Mère et Enfant de
la Fondation Chantal Biya et le Centre Médical de Meyomessala sont équipés d’une unité de
prise en Charge des PVVIHs38. Ce programme de Prévention de la transmission du VIH/SIDA
Mère-Enfant (PTME) du Centre Mère et Enfant de la Fondation Chantal Biya et du CIRCB se
fait en collaboration avec le CASS de Nkoldongo et l’hôpital de district de Dschang.

37 127
Fondation Chantal Biya Agenda 2017, 23 ans de passion humanitaire. 1994-2017, p.60.
38
Ibid, p.22.
• La garantie du droit de l’enfant à l’éducation

Madame Chantal Biya construit plusieurs établissements scolaire primaires dénommés


« École des champions » et qui sont généralement connues sous le vocable ci après : « Les
Champions-FCB ». À ce jour, 10 de ces écoles ont été rétrocédées à l’État du Cameroun 39.

Un accent particulier est mis sur les enfants handicapés. Ainsi, dans le Centre Orchidée
Home de Douala, la Première Dame a fait construire le Pavillon scolaire Chantal Biya afin
d’accueillir les enfants souffrant d’autisme comme cela a été énoncé plus haut. Ces derniers y
suivent des cours de la SIL au CM2 et bénéficient d’un encadrement et d’une logistique
appropriés qui prend en compte leurs déficiences en matière de communication et d’interaction
sociale. Notons que, la Première Dame s’occupe personnellement de la scolarité de quelques
pensionnaires autistes de cette école issus de familles pauvres.

Dans le cadre de la protection des droits fondamentaux spécifiques, la Première Dame


accorde également un point d’honneur aux droits fondamentaux de la femme.

II.2. Une constance dans l’implémentation des droits fondamentaux de la femme

Étant elle-même une femme, une épouse et une mère, Madame Chantal Biya est mieux
placée pour connaître la condition de la femme en général et celle de la femme africaine en
particulier. C’est donc normal que son action s’attarde aussi sur le sort particulier des droits
fondamentaux de la femme. Une approche analytique nous conduit à constater que la Première
Dame, à travers son action, assure l’implémentation des droits classiques des femmes (II.2.1.)
et de leurs droits qui entrent dans des champs nouveaux (II.2.2.).

II.2.1. La protection des droits classiques des femmes

Dans cette catégorie, la Première Dame assure la protection des droits individuels et des
droits économiques, sociaux et culturels des femmes. Relevons que son action est très
remarquable à ce niveau.

• La garantie du droit de la femme à la vie

Le Centre Mère et Enfant de la Fondation Chantal Biya assure un travail remarquable


pour la réduction de la transmission du VIH de la mère à l’enfant. Il s’agit pour la Fondation de
faire la promotion de la prévention primaire de la transmission du VIH de la mère à l’enfant par

39 128
Ibid, p.73.
les actions de sensibilisation visant les groupes de femmes en âge de procréer 40. Il est également
prévu de faciliter les soins aux femmes enceintes dépistées séropositives et de fournir une
alimentation de substitution aux nouveau-nés issus des mères séropositives 41. À travers ce
programme, la Première Dame ne garantit pas seulement la vie de l’enfant comme nous l’avons
vu un peu plus haut, mais elle préserve aussi la vie de la mère. Le fait pour elles de connaître
leur statut sérologique est un moyen de préserver leurs vies. Celles qui n’ont pas ce virus seront
sensibilisées sur l’importance d’avoir des comportements qui leur permettra de se préserver de
cette pandémie et celles qui sont contaminées une prise en charge est engagée pour leur
permettre de ne pas développer la maladie et pour celles qui sont enceintes de ne pas contaminer
leur bébé. De telles mesures visent à protéger leur vie et celle de leur bébé.

À côté du droit de la femme à la vie, la Première Dame accorde un point d’honneur au


droit de la femme à l’éducation, à la santé et à bien d’autres droits sociaux.

• Le droit de la femme à l’éducation, à la santé et à d’autres droits sociaux

En ce qui concerne le droit de la femme à l’éducation, notons que c’est l’article 12 du


Protocole de Maputo relatif au droit des femmes en Afrique qui s’y attarde. Une telle exigence
est prise en compte par madame Chantal Biya. La Première Dame du Cameroun a été la
marraine du programme « Opération 100 000 femmes à l’usage des TIC à l’horizon 2012 »
lancée par l’Institut Africain d’Informatique (IAI) en partenariat avec le Ministère de la
Promotion de la Femme et de la Famille (MINPROFF). Ce programme parrainé par madame
Chantal Biya a été conçu pour permettre aux femmes d’obtenir des connaissances et des
compétences dans le domaine de l’informatique. Grâce à ce programme, plusieurs femmes
issues des différentes régions du pays et ayant des statuts sociaux divers savent désormais
utiliser un ordinateur et travailler sur des programmes d’application. Elles savent aujourd’hui
saisir et traiter des textes sur Word Microsoft, effectuer des opérations de calcul sur le tableur
Excel Microsoft, naviguer sur Internet, etc. Le Centre d’excellence Technologique Paul Biya
(IAI-Cameron) sur les hautes recommandations de Madame Chantal Biya, a mis sur pied le
nouveau programme MIJEF 2035 qui a pour ambition de former un million de femmes, de
jeunes et d’enfants pour l’émergence du Cameroun à l’horizon 2035. Il faut également
mentionner que dans le domaine du droit de la femme à l’éducation, Madame Chantal Biya
accorde une attention particulière à l’éducation de la jeune fille. La Première Dame décerne

40 129
Fondation Chantal Biya Agenda 2017, 23 ans de passion humanitaire. 1994-2017, p.60.
41
Idem.
régulièrement des prix spéciaux aux meilleures élèves et étudiantes des établissements scolaires
et universitaires du Cameroun afin de promouvoir l’éducation des jeunes filles 42. L’une des
missions assignées à la Fondation Chantal Biya est justement de veiller à l’éducation de la jeune
fille43.

À côté des droits classiques de la femme, Madame Chantal Biya veille également au
respect des champs nouveaux du droit des femmes.

II.2.2. La garantie des droits nouveaux de la femme

Dans cette rubrique figurent des droits qui se trouvent seulement dans l’instrument
conventionnel africain relatif aux droits des femmes. Il s’agit pour le cas qui nous intéresse du
droit à la santé au contenu actualisé (Mahouvè, 2011 : 78). Se trouvent dans cette catégorie, le
droit encadré à l’avortement thérapeutique et le droit à la maîtrise de ses fonctions
reproductives. Dans le cadre de cette réflexion, nous parlerons davantage du droit de procréer
et d’avoir des enfants. Même s’il ne figure pas dans les textes relatifs au droit des femmes, le
droit du couple à la fécondité est un droit fondamental. Il entretient la chaîne de la vie, et permet
à la femme d’exercer sa fonction de procréer. Pour implémenter un tel droit, la Première Dame
a inauguré le 06 mai 2016 le CHRACERH créé par un décret présidentiel. Cette institution est
là pour redonner espoir aux couples stériles. Elle mène des activités comme la chirurgie in vitro
et en reproduction humaine. Le CHRACERH est donc spécialisé dans la procréation
médicalement assistée. Il constitue une réponse, un moyen d’implémenter un droit fondamental
de la femme à savoir celui de pouvoir procréer. Il s’inscrit dans le prolongement des activités
Mère et enfant de la Fondation Chantal Biya. Il s’agit ici d’un droit nouveau dont la Première
Dame assure la réalisation.

42 130
Fondation Chantal Biya Agenda 2017, 23 ans de passion humanitaire. 1994-2017, p.73.
43
Ibid, p.63.
CONCLUSION

Il ressort clairement de cette réflexion que l’action sociale de Madame Chantal Biya
permet la réalisation de plusieurs droits fondamentaux qui ont été présentés avec à-propos. Une
telle étude a une portée heuristique indéniable dans le domaine des droits fondamentaux. Elle a
permis de voir et de comprendre qu’une modalité non conventionnelle de garantie des droits
fondamentaux peut se révéler être efficace s’agissant de leur protection et de leur
implémentation. Elle a pu montrer que la volonté et l’engagement sont des éléments nécessaires
pour la protection des droits fondamentaux.

Ce travail sur le plan heuristique a aussi permis d’analyser le droit sous le prisme
épistémologique de la complexité. Cette dernière dénonce les visions mutilante,
unidimensionnalisante et aveuglante des connaissances scientifiques dominées par le
paradigme de simplification qui détruisent les ensembles et les totalités en isolant les objets
de leur environnement (Morin, 2005 : 18-19). Dans ce mouvement pathologique de la science,
les disciplines des sciences humaines ont abandonné la notion d’homme en concluant que ce
dernier n’a pas d’existence, sinon illusoire (Ibid., 19). En s’inspirant de cette vision mutilante
et aveuglante des sciences de la nature, la science du droit a également développé une
pathologie grave à travers la méthodologie positiviste qui a érigé la connaissance de la loi au
rang de culte (Diebolt, 2000 : 6). En promouvant exclusivement le formalisme et la technique,
le positivisme juridique a déshumanisé la science juridique en l’écartant des préoccupations
axiologiques, sociologiques, écologiques voire philosophiques du monde contemporain. On
comprend ainsi aisément pourquoi le professeur Alain Didier Olinga affirme avec une
profondeur indéniable que tout ce que la mobilisation pertinente de la technique juridique
permet au plan purement logique n’est ni humainement, ni socialement édifiant (Olinga, 2013 :
8). Il n’y a pas d’investissement dans le travail juridique savant sans choix éthique, axiologique
et moral car le juriste est une personne humaine qui travaille sur une matière dont la finalité
première est d’influencer et de réguler les interactions humaines et sociales concrètes (Ibid.,
75). C’est la raison laquelle, cette étude a mis au centre de ses préoccupations l’homme par le
truchement de l’œuvre sociale de Madame Chantal Biya.

Toutes les actions, tous les moyens et toute cette énergie dépensés par Madame Chantal
Biya montrent à suffisance qu’elle s’inscrit dans une volonté sans cesse renouvelée d’œuvrer
pour la promotion de la dignité de l’homme.

131
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134
Les mécanismes non-conventionnels de garantie des droits fondamentaux dans l’action
de la Première Dame. Professeur Bernard-Raymond GUIMDO DONGMO, Université de
Yaoundé II.

Biographie:
Le Pr Bernard-Raymond Guimdo Dongmo est agrégé de droit public et science politique. Il est
Professeur titulaire à l’Université de Yaoundé II où il enseigne notamment le droit administratif,
les droits de l’homme et libertés publiques, la philosophie du droit et le droit international des
droits de l’homme. Il est par ailleurs enseignant associé et/ou missionnaire dans d’autres
universités camerounaises et d’ailleurs et auteur de nombreuses publications.

Résumé :
Si l’État représente le principal violateur des droits fondamentaux, il reste celui qui en assure
la protection. Il fait recours à des mécanismes traditionnels qu’on peu qualifier de
conventionnels. Mais il n’a pas l’exclusivité de cette protection des droits fondamentaux. En
effet, d’autres acteurs entre en jeu et utilisent des mécanismes relativement différents de ceux
qu’utilise l’État. C’est le cas de la première Dame du Cameroun. Mme Chantal BIYA a fait de
la promotion et de la protection du droit à la santé et à l’éducation sa priorité. Pour cela, elle
fait recours à des mécanismes non-conventionnels de protection qui ont déjà montré leur
efficacité.
Mots-clés : Mécanismes non conventionnels, droits fondamentaux, garantie, santé, éducation.

Abstract:
If the state is the principal violator of fondamentals rights, he remains the principal protector of
this one. He uses traditional mechanisms that we can qualify of conventionals. But, he is not
the only one to protect this fondamentals rights. Others people come into play and use
mechanisms relatively different from that used by the state. It is the case with the First lady of
Cameroun. Missis Chantal BIYA as made the promotion and the protection of right to health
and education her priority. For that, she calls on the non conventional mecanisms of protect,
that as already show her effectiveness.

Keywords: Non-conventionnals mecanisms, fondamentals rights, protection, health;


education.

135
INTRODUCTION

Le positionnement du discours sur les droits fondamentaux au cœur des États modernes
est devenu un phénomène récurrent. En effet, les droits humains sont l’une des préoccupations
les plus importantes aujourd’hui à travers le monde entier.

La mobilisation dont ils font l’objet au plan scientifique semble être la même, sinon,
davantage marquer au plan politique. Initialement objet de réflexion pour les philosophes, les
droits humains ont faire leur émersion dans la sphère juridique à la faveur des premières
déclarations de droit44.

Leur consécration juridique s’est faite progressivement, d’abord au plan national, puis
international après la seconde guerre mondiale avant de connaitre un développement au niveau
continental ou régional. Leur importance a contribué à faire qu’ils soient considérés à côté de
la séparation des pouvoirs comme un critère de classification des États. Ainsi, l’attachement
d’un État aux droits fondamentaux le fait rentrer dans la catégorie des États démocratiques et
l’aversion d’un État pour lesdits droits le classe dans la catégorie des États dictatoriaux ou
totalitaires.

La fondamentalité des droits de l’homme fait qu’aujourd’hui ils sont classés dans ce
qu’on appelle « l’ordre public international », c’est-à-dire des règles impératives qui
s’imposent à tous les États, indifféremment de leur adhésion formelle à une convention relative
aux droits de l’homme (Kamto, 2007 : 428).

Mais la catégorisation des droits fondamentaux telle qu’on la connait aujourd’hui s’est
faite au fil du temps, de manière séquentielle (Vasak, 1978 : 780 ). Ainsi, la première catégorie
est constituée des droits civils et politiques. Ils sont dits droits libertés ou droits attributs dans
la mesure ou leur réalisation dépend de l’abstention de l’État. Leur critique par les marxistes,
qui les qualifient de droits égoïstes et capitalistes, va favoriser l’apparition de droits nouveaux
dits droits créances ou économiques et sociaux dans la mesure ou leur réalisation dépend de
l’intervention de l’État.

44
Les textes relatifs aux droits de l’homme en Angleterre sont notamment ; le Bills of Rights en Angleterre, la 136

Déclaration des droits de l’État de Virginie et la Déclaration (française) des droits de l’homme et du citoyen.
A la faveur de l’apparition de nouveaux problèmes dont la résolution dépend
essentiellement de la solidarité entre les États, d’autres droits sont naitre. Il s’agit des droits
dits de la « troisième génération » ou droit fraternité.

Au regard de l’importance de ces droits humains, les États mettent en place, par voie
conventionnelle et unilatérale, des mécanismes, moyens ou techniques de leur garantie.

Il existe ainsi, à côté des mécanismes universels de garantie des droits fondamentaux,
des mécanismes régionaux que l’on retrouve aussi bien au niveau européen, africain, américain,
qu’arabe.

La localisation territoriale de la personne humaine fait en sorte que pour que ces
différents mécanismes soient mis en œuvre, les États mettent en place au niveau national des
mécanismes de protection. Au demeurant, ce système étatique est principiel et non exclusif dans
la garantie des droits fondamentaux.

En effet, des personnes autres que l’État interviennent aussi dans la garantie de ces droits
en mettant en place des mécanismes parallèles (mais complémentaires) à ceux que l’État a
institués dans le cadre de ses obligations conventionnelles. Il s’agit des personnes morales,
comme les ONG et les associations 45et des personnes physiques. C’est dans cette dernière
catégorie qu’il faut ranger l’action de la « Première Dame » du Cameroun.

Le concept de « Première Dame » est une construction politique et non juridique. Il


désigne l’épouse d’un chef d’État. Ainsi, c’est le concept de Chef d’État qui donne vie ou génère
celui de « Première Dame ».

S’il est vrai que de manière traditionnelle les premières Dames occupent de plus en plus
l’espace social dans les États et font même des émersions au plan politique dans le soutien de
l’action de leurs époux, il reste qu’il serait curieux, voire dangereux de parler de « vide
constitutionnelle » en l’absence de dispositions constitutionnelles qui consacrent cette
« institution » factuelle et lui confère des domaines de compétence dans la sphère sociale en
dehors des compétences de l’État. En effet, que se passerait-il dans l’hypothèse où un Chef
d’État n’a pas d’épouse, comme c’est le cas en France avec le président François Hollande ?
Serait-il alors considéré comme violant la constitution par le fait de n’avoir pas de première

45 137
Elles sont très actives sur le terrain et leur apport est parfois extrêmement déterminant dans la protection des
droits.
Dame ou encore le fait d’intervenir dans le domaine de compétence constitutionnellement
dévolu à la première Dame ?

De plus, dans l’hypothèse où le Chef de l’Exécutif est une femme ou de sexe féminin,
comme c’est le cas en Grande Bretagne (la Reine Élisabeth) ou en Allemagne (La chancelière
Angela Merkel), qui serait compétent pour agir dans le domaine de compétence de l’institution
de la Première Dame ?

Bien que l’importance de la Première Dame dans les États modernes soit un fait établi,
il reste que sa consécration constitutionnelle créerait plus de problèmes qu’elle n’en résoudrait.

En l’état du droit actuel au Cameroun et dans les autres États, l’absence d’une
« Première Dame », n’emporte aucune conséquence juridique. Elle est certes une personnalité
publique, mais n’a pas une fonction officielle, bien que politiquement marquée, car
difficilement dissociable de l’institution présidentielle qui lui donne vie ou naissance : celle du
Président de la République.

De manière traditionnelle, dans les États où on a des premières Dames, on note trois
modèles d’organisation du travail.

Le premier modèle consiste pour le Chef de l’État à mener une action globale qui intègre
les questions sociales, quelle que soit leur nature et, dans ce sens, la Première Dame est reléguée
à un rôle moindre aux côtés de son époux.

Le deuxième modèle consiste pour le Chef de l’État à exclure de son champ d’action les
questions sociales et les laisser dans une zone « ante-politique » à la charge de la « Première
Dame ».

Le troisième modèle, enfin, consiste à former ce qu’on peut appeler des « duo-
politiques », c’est-à-dire des partages de responsabilités symboliques sur les questions sociales.
Le Cameroun semble répondre à ce dernier modèle.

Le Chef de l’État et son épouse se répartissent les actions sociales. Seulement, certains
domaines semblent davantage relever de la compétence « non-politique » de la Première Dame.
Il s’agit surtout de la lutte contre le SIDA et la prise en charge des couches vulnérables 46.

138
46
Le site www.cairn.info note que : « En ce qui concerne la pandémie du VIH/sida et ses configurations
transnationales, on peut dire que Paul Biya refuse « le pouvoir » de « gouverner les images du sida » (tel que la
C’est ainsi que dans son champ d’action, la Première Dame a mis en place des
mécanismes divers pour combattre le SIDA et les souffrances et promouvoir l’éducation. Il
s’agit des mécanismes non conventionnels qui permettent de protéger des droits fondamentaux
tels le droit à la santé et le droit à l’éducation, et, travers ces droits, le droit à la vie et à la dignité
de la personne humaine.

On le voit bien, il s’agit des droits qui se recrutent dans la sphère des droits socio-
économiques ou droits créances. Ces droits sont exigibles à l’État. En l’absence d’intervention,
ils ne peuvent être réalisés. Il est donc tout naturel que leur réalisation soit difficile, voire
impossible en l’absence de l’État.

La question récurrente qui se pose est généralement celle de savoir si à l’égard de ces
droits l’État a une obligation de moyens ou de résultats. Dans les États en développement, la
situation économique conduit très généralement à conclure que l’État n’en a qu’une obligation
de moyens. Dans cette logique, l’action d’autres acteurs est largement souhaitée et souhaitable
pour, soit compléter, soit suppléer, soit substituer à celle de l’État. C’est dans cette logique que
ce situe l’intervention de la première Dame du Cameroun dans la protection des droits
fondamentaux.

À propos de ces droits, Véronique Champeils-Desplats souligne que« l’apparition d’un


nouveau concept n’emporte pas ipso facto l’apparition de droits nouveaux » (Champeil-
Desplats, 1995 : 42). Ainsi, « les auteurs cèdent à l’air du temps terminologique, sans modifier
la structure de leur pensée » (Champeil-Desplats, 2010 : 2).

Sur les enjeux de cette mutation terminologique, J.Morange note que « reconnaitre que
les libertés publiques constituent des droits fondamentaux devrait, logiquement, conduire à en
assurer le respect le plus rigoureux » (Morange, 1995 : 97.)

Le concept de droits fondamentaux apparaît pour la première fois en droit allemand à


travers la Constitution de 1949. Il est réceptionné dans la jurisprudence française par le Conseil
constitutionnel dans l’affaire liberté d’association (Conseil Constitutionnel, décision du 16
juillet 1971.)

communauté internationale le demande aux chefs d’État africains) et qu’il le délègue à son épouse. Dans le même 139
sens, si « la politique se joue dans le visible, dans l’apparence, qu’elle est un théâtre où comptent non seulement
les actions des hommes […] mais aussi le retentissement de leurs actions, la façon dont elles sont comprises,
perçues et interprétées ».
Il s’agit donc des droits de l’homme dont l’importance amène à une mutation
terminologique dont la finalité est leur meilleure prise en compte par les États et l’Humanité.
Cette importance conduit à la consécration des droits à un niveau éminent. Dans cette logique,
le Doyen Louis Favoreu écrit qu’en matière de protection des droits fondamentaux, « les textes
de référence sont de plus en plus de niveau constitutionnel ou international »(L. Favoreu, 1993 :
48).

La fondamentalité des droits de l’homme tient donc à leur consubstantialité à la


personne humaine, d’où l’idée de droits naturels, inaliénables, inviolables et imprescriptibles et
à leur reconnaissance à un niveau éminent. Aujourd’hui, le concept est « d’une grande actualité
en droit des droits de l’homme » (A. Makougoum, 2015 : 27).

Les mécanismes qu’utilise l’État camerounais pour protéger les droits fondamentaux
sont connus. Il s’agit des règles, organes et procédures qu’il met en place et applique pour
protéger lesdits droits. Ces mécanismes sont juridictionnels et non-juridictionnels.

Ces mécanismes peuvent se montrer insuffisants et justifier l’intervention d’autres


acteurs. Ainsi, comme le relève Patrice Rolland, face aux faiblesses des modes de protection
institués par l’État, il y a le « besoin d’une protection complémentaire » (P. Rolland, 1995 : 69.)
qui peut s’exprimer dans « le recours à des procédés non-étatiques de protection des libertés »
(ibid. : 97.).

La consécration des mécanismes étatiques fait en sorte qu’ils relèvent de la sphère


conventionnelle. Mais dans la mesure où les mécanismes utilisés par la première Dame pour
promouvoir et protéger certains droits fondamentaux restent hors de la sphère formelle, ils
peuvent dès lors être qualifiés de « non-conventionnels ». Ainsi, quels sont ces mécanismes
non-conventionnels de garantie des droits fondamentaux que l’on retrouve dans l’action de
la Première Dame du Cameroun?

La pertinence d’une étude sur la recherche de ces mécanismes dans l’action de la


première Dame peut être discutée, mais, il reste que leur impact sur la société est suffisamment
important pour légitimer cette action. En effet, dès lors qu’un phénomène a un impact sur la
société et plus encore sur des domaines que le droit consacre, comme les droits de l’homme, il
est tout naturel qu’il fasse l’objet d’étude.

140
L’action de la Première Dame du Cameroun révèle ce qu’il est possible d’accomplir en
marge des obligations internationales, constitutionnelles et législatives et des contraintes
politiques qui pèsent sur les États.

Cette action se localise dans la sphère où le besoin d’intervention est impératif pour que
soient réalisés les droits humains. Il s’agit de la sphère socio-éducative. Il convient donc de
déterminer ces mécanismes non-conventionnels de garantie des droits fondamentaux dans cette
action. Ils sont d’une part d’ordre sanitaire (I), et d’autre part, d’ordre éducatif (II).

I- Les mécanismes non-conventionnels d’ordre sanitaire

Dans l’action de la première Dame, le droit à la santé est un droit matriciel dans la
mesure où il permet la réalisation d’autres droits. En effet, ce droit permet de garantir d’autres
droits que sont notamment le droit à la vie et le droit au travail, le droit à l’éducation. Or, il
s’agit d’un droit créance pour l’État, c’est-à-dire, un droit dont il est le débiteur (Voir
notamment, Braud, 1968 : 476 ).

Du fait de son importance, le droit à la santé figure dans presque tous les textes
internationaux et nationaux qui consacrent les droits de l’homme.

L’article 25 de la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948


dispose, dans ce sens que, « toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa
santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le
logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaire… ».

Le Pacte international relatif aux droits socio-économiques et culturels du 16 décembre


1966 précise que « les États parties au présent Pacte reconnaissent le droit qu’a toute personne
de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu’elle soit capable d’atteindre » (Article
12 paragraphe I.). Dans cette logique, les mesures prises par les États devraient, entre autres,
servir à « la diminution de la mortalité et de la mortalité infantile ainsi que le développement
sain de l’enfant » (Article 12, paragraphe I, a).

La Charte africaine des droits de l’homme et des peuple de 1981 consacre également ce
droit dans son article 16, qui dispose que « toute personne a le droit de jouir du meilleur état
de santé physique et mentale qu'elle soit capable d'atteindre. Les États parties à la présente
Charte s'engagent à prendre les mesures nécessaires en vue de protéger la santé de leurs
populations et de leur assurer l'assistance médicale en cas de maladie ».
141
Au niveau national, le droit à la santé est consacré dans le préambule de la constitution
camerounaise comme d’ailleurs dans les constitutions de la plupart des États d’Afrique
francophone à travers la réception des textes internationaux relatifs aux droits de l’homme 47.

La consécration du droit à la santé dans les textes éminents lui permet de bénéficier
d’une protection renforcée. Au niveau international, il peut être invoqué devant les juridictions
régionale et universelle. Au niveau national, il bénéficie des mécanismes du contrôle de
constitutionalité et de conventionalité.

Bien que tous ces mécanismes juridictionnels soient efficaces grâce à l’obligatoriété qui
y est attachée, il reste que parfois ils sont un peu lents à produire des effets pertinents.

47
C’est le cas notamment de la Côte-d’Ivoire : « Le peuple de Côte d’Ivoire (…) Proclame son adhésion aux droits
et libertés tels que définis dans la, Déclaration universelle des Droits de l'Homme de 1948 et dans la Charte
africaine des Droits de l'Homme et des Peuples de 1981 ».Loi n°2000-513 du 1er août 2000 portant constitution 142
de la Côte d’Ivoire ; le Tchad : « Réaffirmons notre attachement aux principes des Droits de l'Homme tels que
définis par la Charte des Nations Unies de 1945, de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948 et
la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples de 1981 » ; du Togo : « Nous, Peuple togolais, nous
plaçant sous la protection de Dieu, - décidé à bâtir un État de Droit dans lequel les droits fondamentaux de
l'homme, les libertés publiques et la dignité de la personne humaine doivent être garantis et protégés ; - convaincu
qu'un tel État ne peut être fondé que sur le pluralisme politique, les principes de la démocratie et de la protection
des droits de l'homme tels que définis par la Charte des Nations unies de 1945, la Déclaration universelle des
droits de l'homme de 1948 et les pactes internationaux de 1966, la Charte africaine des droits de l'homme et des
peuples adoptée en 1981 par l'Organisation de l'unité africaine ; Proclamons solennellement notre ferme volonté
de combattre tout régime politique fondé sur l'arbitraire, la dictature, l'injustice ».Constitution du 14 octobre
1992 ; le Gabon : « Le peuple gabonais (…), Affirme solennellement son attachement aux droits de l'homme et
aux libertés fondamentales tels qu'ils résultent de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et
de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, consacrés par la Charte africaine des droits de
l'homme et des peuples de 1981 et par la Charte nationale des libertés de 1990 » ; Le Benin : Réaffirmons notre
attachement aux principes de la démocratie et des droits de l'homme tels qu'ils ont été définis par la Charte des
Nations unies de 1945 et la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, à la Charte africaine des droits
de l'homme et des peuples adoptée en 1981 par l'Organisation de l'unité africaine, ratifiée par le Bénin le 20
janvier 1986 et dont les dispositions font partie intégrante de la présente Constitution et du droit béninois et ont
une valeur supérieure à la loi interne » ; le Cameroun : Le Peuple camerounais, Proclame que l'être humain, sans
distinction de race, de religion, de sexe, de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés ; Affirme son
attachement aux libertés fondamentales inscrites dans la déclaration universelle des droits de l'homme, la charte
des Nations Unies, la Charte africaine des Droits de l'Homme et des Peuples et toutes les conventions
internationales y relatives et dûment ratifiées » ; le Congo :« Déclarons partie intégrante de la présente
Constitution les principes fondamentaux proclamés et garantis par:- la Charte des Nations Unies du 24 octobre
1945 ;- la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme du 10 décembre 1948 ;- la Charte Africaine des Droits
de l'Homme et des Peuples du 26 juin 1981 ;- tous les textes internationaux pertinents dûment ratifiés relatifs aux
droits humains ;- la Charte de l'Unité Nationale et la Charte des Droits et des Libertés adoptées par la Conférence
Nationale Souveraine le 29 mai 1991 » ; le Sénégal : « Le peuple du Sénégal souverain, (…) : - son adhésion à la
Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 et aux instruments internationaux adoptés par
l'Organisation des Nations Unies et l'Organisation de l'Unité Africaine, notamment la Déclaration Universelle
des Droits de l'Homme du 10 décembre 1948, la Convention sur l'élimination de toutes les formes de
discrimination à l'égard des femmes du 18 décembre 1979, la Convention relative aux Droits de l' Enfant du 20
novembre 1989 et la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples du 27 juin 1981 »(Constitution de la
République du Sénégal du 22 janvier 2001).
Dans ce cas, l’efficacité du système de protection du droit à la santé dépend dans une
large mesure de sa multiformité et de sa multiplicité. C’est pour cela qu’à côté des mécanismes
juridictionnels mis en place par le Cameroun, d’autres mécanismes, plus souples, proposent des
procédures moins rigides pour la garantie des droits fondamentaux et donc du droit à la santé.

C’est dans ce cadre que s’inscrivent les actions de la première Dame du Cameroun en
faveur du droit à la santé. Les mécanismes qu’elle met en place se localisent aussi bien au
niveau national (I.1) qu’au niveau international (I.2).

I.1- Les mécanismes nationaux

La localisation géographique de la personne humaine favorise la considération du


caractère essentiel des mécanismes nationaux de protection des droits de l’homme. C’est pour
cette raison que le principe de subsidiarité est mis en place afin de prioriser l’action des
institutions et des normes qui se trouvent au niveau interne.

Ce système étatique de protection des droits de l’homme est accompagné par d’autres,
plus privés, dans lesquels se trouve l’action de la Première Dame du Cameroun. Ainsi, dans
cette action, qui ne relève aucunement de la mise en œuvre d’une convention signée par le
Cameroun, note-t-on la création d’organes de prises en charge des personnes vulnérables.

A travers la création de ce mécanisme, il y’a une spécialisation de la prise en charge de


ces personnes vulnérables.

I.1.1- La création d’organes de prise en charge des personnes vulnérables

Le système étatique de protection des droits fondamentaux est naturellement composé


d’organes multiples. Il y a d’une part les organes juridictionnels (Voir notamment, J. Robert,
1990 : 1256-1283), à savoir le juge constitutionnel et les juges ordinaires (J. Rivero, 1990 :
48.)48, et, d’autre part, les organes non-juridictionnels à l’instar delà Commission nationale des
droits de l’homme et des libertés (Loi n°2004/016 du 22 juillet 2004 portant création,
organisation et fonctionnement de la Commission Nationale des Droits de l’Homme et des
Libertés). C’est dire que les organes que crée la première Dame participent simplement au
renforcement de ceux qui existent déjà.

143
48
J. Rivero note que « c’est à la dualité de juridiction qu’on doit l’existence d’un système de protection des libertés
contre le pouvoir exécutif ».
Le premier organe crée par la première Dame dans le but de participer à la protection
des droits de l’homme date de 1994. À peine son statut acquis, elle crée la « Fondation Chantal
BIYA » (FCB). Cette Fondation joue deux rôles clés : elle est un partenaire privilégié des
institutions sanitaires et une force de pression sur les États, spécifiquement celui du Cameroun,
en faveur d’une mobilisation plus importante contre les souffrances.

La Fondation est présidée par la Première Dame elle-même. Le bureau est composé, par
ailleurs, d’un Secrétaire Général et d’un adjoint, d’un Chef de la Division Médicale et
Technique, Coordonnateur, et des sous-directions des filières soignantes, médicale et
laboratoire.

Dans le premier volet de son action, la « Fondation Chantal BIYA » aide au quotidien
les victimes des calamités naturelles ainsi que les démunis et déshérités à travers les différents
Centres d’accueil pour lépreux, aveugles, sourds-muets, handicapés moteur, orphelins, enfants
abandonnés et vieillards.

C’est une association qui œuvre dans l’humanitaire et qui a été reconnue d'utilité
publique par décret n°99/098 du 30 avril 1999. Elle bénéficie du statut consultatif spécial du
Conseil Économique et Social des Nations Unies. Par ailleurs, elle est membre du Réseau Mère
et Enfant de la Francophonie.

Ses objectifs sont : prévenir et soulager les souffrances humaines; protéger, éduquer et
mener des actions sociales et sanitaires en faveur de la mère et de l'enfant ; assister les malades
démunis; assister et encadrer les enfants abandonnés; assister les personnes âgées; lutter contre
la pauvreté et la misère; protéger la famille; assister en matériels et en médicaments les hôpitaux
et les centres de santé nécessiteux.

I.1.2- La définition d’un champ et des méthodes de protection des personnes vulnérables

L’État utilise des méthodes déterminées dans sa mission de protection des droits de
l’homme. Elle consiste, pour les organes juridictionnels soit à renvoyer l’acte qui viole un

144
droit49, soit à l’annuler 50, soit encore à faire réparer un préjudice découlant de la violation d’un
droit51, et, pour les organes non-juridictionnels, à des actions de promotion des droits de
l’homme qui s’effectue à travers notamment des séminaires de formation, des plaidoyers et des
rapports52.

Les méthodes utilisées dans l’action de la Première Dame du Cameroun ne sont pas de
la même nature, mais participent du même but. Elles pourraient être qualifiées de concrètes
dans la mesure où elles se situent exactement au niveau matériel. Ainsi, la FCB est
spécifiquement chargée de la prise en charge des enfants malades et des personnes atteintes du
VIH/SIDA. Pour la réalisation de cette mission, deux procédés sont développés.

La première consiste à se positionner comme partenaire privilégié des institutions


conventionnellement compétentes pour résorber les souffrances qui se situent dans le champ de
l’action de la FCB. La seconde méthode consiste à faire pression sur les gouvernements,
spécifiquement celui du Cameroun, pour que davantage d’actions soit posées en faveur des
personnes vulnérables.

Dans son premier rôle, c’est-à-dire celui de partenaire des institutions sanitaires, la FCB
a créé, en 1994, une unité sanitaire spécialisée au sein d’un hôpital public de référence, à savoir
l’hôpital central de Yaoundé.

Le « Pavillon Chantal BIYA » se consacre exclusivement à la prise en charge des enfants


malades. L’offre de service est diversifiée et va de la néonatalogie à l’hospitalisation des enfants
malades en passant par la maternité.

Concernant les conditions d’admission, le « Pavillon » est accessible à tous, moyennant


le règlement d’un cout réduit, compte tenu des subventions que reçoit la FCB. Il compte en son
sein des pédiatres camerounais spécialisés, de même que des pédiatres d’autres pays, qui
apportent leur expertise sur la base des accords.

Après la création du « Pavillon Chantal Biya » pour la prise en charge des enfants
malades, la Fondation a étendu son action aux personnes malades du SIDA. Elle est ainsi

49
C’est par exemple le cas du renvoi pour modification par le Conseil constitutionnel d’une loi qui violerait un 145
droit fondamental contenu dans la constitution.
50
C’est par exemple le cas de l’annulation par le juge administratif d’un acte administratif qui violerait un droit
fondamental.
51
C’est l’hypothèse du recours en indemnisation des préjudices causés par des actes administratifs.
52
C’est notamment la mission du CNDHL.
devenue un partenaire du Comité national de lutte contre le sida (CNLS) et, plus généralement,
un interlocuteur des instances biomédicales et universitaires camerounaises.

Dans son second rôle, c’est-à-dire comme force de pression, la FCB mène des actions
de lobbying auprès du gouvernement pour une prise en compte plus importante des malades et
plus spécifiquement ceux du SIDA.

La participation de la FCB à la Conférence internationale sur le sida et les MST en


Afrique (Cisma), tenue à Lusaka en 1999, lui a permis de se positionner comme une
organisation nationale et africaine essentielle dans la lutte contre le SIDA. Dès lors, elle s’est
érigée en partenaire incontournable des organisations internationales concernant l’accès aux
médicaments et le sort des enfants victimes du VIH/sida.

Elle compte parmi les plus importantes organisations nationales rattachées aux
programmes de l’Unicef pour la prévention de la transmission du VIH de la mère à l’enfant et
est formellement rattachées aux programmes nationaux de lutte contre le sida en Afrique.

La visibilité de la FCB, sans doute favorisée par le statut de sa présidente fondatrice, lui
permet, par ailleurs, d’être un organe central au Cameroun dans la réception des dons et aides
divers au niveau national et international. Par exemple, depuis 2000, la Fondation Glaxo Smith
Kline France, qui lutte contre l’infection des enfants dont les mères sont séropositives et mènent
des actions dans plusieurs États, est en partenariat avec la FCB. Celle-ci est chargée de
l’accompagnement de cette Fondation dans ses actions au niveau du Cameroun.

Cette fondation internationale mène des actions dans plusieurs États africains
notamment au Sénégal et au Burkina Faso.

Les mécanismes non-conventionnels mis en place pour la protection des droits


fondamentaux dans l’action de la première Dame ne s’épuisent pas au plan national.

I.2- Les mécanismes internationaux

Au cœur des mécanismes non-conventionnels développés dans l’action de la première


Dame du Cameroun au plan international, il y a un organe africain, qui est le cœur ou l’épicentre
d’un système qui vole au secours des personnes infectées.

146
I.2.1- La création d’un organe international de lutte contre le SIDA

Le système international de protection des droits fondamentaux est composé d’organes


qui se situent aussi bien au niveau régional qu’universel. Au niveau de la région Afrique, ont
été créées une Commission et une Cour africaines des droits de l’homme et des peuples (Voir
Charte Africaine des droits de l’homme et des peuples de 1981 et Protocole additionnel créant
la Cour Africaine des droits de l’homme et des peuples de 1998.). Au niveau universel, il existe
un Conseil et des comités des droits de l’homme (des Nations Unies).

Le mécanisme de protection du droit de la santé mis en place par la première Dame sort
également de l’enfermement des frontières nationales pour s’étendre au plan international.

L’organe le plus visible de tout le système de protection des droits fondamentaux mis
en place par la première Dame au plan international est, sans aucun doute, les Synergies
africaines contre le sida et les souffrances.

Les prémisses de la création de cette organisation peuvent être situées en 2001 à


l’occasion du Sommet des chefs d’État de France et d’Afrique tenu à Yaoundé. En marge de ce
sommet, en effet, la Première Dame du Cameroun avait organisé un Forum des Premières
dames contre le sida. Il a rassemblé, en présence de l’épouse du Secrétaire Général de l’ONU
de l’époque, Nane Annan, les épouses des Chefs d’Etats qui sont revenues chacune sur les
actions qu’elles mènent dans leurs États respectifs pour lutter contre le SIDA.

Ce forum sera clôturé par « la Déclaration de Yaoundé » le 18 janvier 2001 dans


laquelle, les premières Dames s’engageaient à se mobiliser davantage contre le SIDA et les
souffrances et interpellaient les gouvernements à développer plus d’actions en faveur de cette
cause.

Cette Déclaration sera la première d’une longue série. En effet, cinq rencontres vont
suivre au cours de la même année. À l’ordre du jour, des thèmes variés, mais unifiés dans leur
objectif : lutter contre les souffrances.

Ces rencontres sont généralement clôturées par une déclaration. La première de cette
série, faite le 21 avril 2001, porte sur la petite fille. La deuxième, faite le 08 mai 2001, porte sur
la réduction de la mortalité maternelle et néonatale en Afrique. La troisième, faite le 19 mai
2001, porte sur la persistance des conflits en Afrique. La quatrième, faite le 22 mai 2001, porte
sur les enfants et la prévention du sida.
147
Ces préalables vont être précisés en novembre 2002, lors de la venue conjointe à
Yaoundé des deux scientifiques qui ont découverts le virus du sida, à savoir le Français Luc
Montagnier et l’américain Robert Gallo. Ainsi, c’est en 2002, qu’est officiellement crée les
Synergies africaines.

C’est une organisation non gouvernementale regroupant les Premières Dames d’Afrique
et d’autres continents qui consentent à adhérer à ses statuts, les personnes physiques ou morales
de bonne volonté et les scientifiques qui contribuent à la vie active de l’association, ainsi que
les anciennes Premières Dames d’Afrique et d’autres continents qui en font la demande.

A sa création de cette organisation, la Première Dame du Cameroun est portée par ses
pairs à sa tête et la première Dame du Burkina Faso, est élue comme vice-présidente. Un
Secrétaire exécutif est nommé pour mener à bien ses missions.

Cette organisation est l’organe phare d’un système africain de protection des personnes
infectées par le VIH ou celles qui sont en état de souffrance.

Il est important de souligner que l’action d’influence de la Première Dame, à travers les
différends plaidoyers en faveur des personnes en souffrance, a conduit à la création, en 2006,
au Cameroun, du Centre International de référence Chantal Biya pour la recherche sur la
prévention et la prise en charge du Vih/Sida 53(Arrêté du 17 février 2006).

Cette institution entend participer à l'élan global de la communauté internationale pour


accélérer des connaissances et la qualité des soins et services destinés aux personnes infectées
et affectées par le Sida. Pour réaliser ses objectifs, le Centre a été doté d'un plateau technique
de référence comportant entre autre quatre laboratoires 54 et d'un séquenceur d'Adn.
L’équipement doit permettre d'étudier les résistances génétiques aux antirétroviraux.

Cette institution se range donc naturellement dans la logique du système de secours aux
personnes infectées imaginé par la Première Dame du Cameroun.

I.1.2- L’institution d’un système de secours aux personnes infectées par le VIH

L’ONG « Synergies africaines contre le Sida et les Souffrances » a mis en place un


mécanisme essentiellement consacré à la prévention du SIDA et la prise en charge des

148
53
C’est en abrégé, CIRCB.
54
Immunologie, biochimie et hématologie, épidémiologie et bio-informatique, virologie.
personnes déjà infectées. Dans le premier volet de son action, elle mène des actions de
sensibilisation, notamment à travers l’organisation des campagnes intenses de sensibilisation et
d’éducation.

Dans le second volet, c’est-à-dire la prise en charge des malades, l’ONG vise deux
objectifs essentiels : faire muter les mentalités de la société sur le SIDA et alléger la souffrance
de ceux qui en sont infectés.

Pour parvenir à cette fin, elle a été créée des centres de traitement de l’infection à VIH,
procédé à la baisse du coût des médicaments ARV et au renforcement de la sécurité de la
transfusion sanguine.

En plus des mécanismes non-conventionnels d’ordre sanitaire, l’action de la première


dame repose également sur des mécanismes non-conventionnels d’ordre éducatif de garantie
des droits fondamentaux.

II- Les mécanismes non-conventionnels d’ordre éducatif

Le droit à l’éducation est un droit créance. Cela signifie que son exercice dépend
largement de l’État qui a l’obligation de mettre en place les composantes nécessaires pour sa
réalisation, notamment en formant les enseignants et en construisant les écoles.

Au demeurant, il n’est pas exclu que les particuliers puissent participer à la réalisation
de ce droit, bien évidemment sous le contrôle de l’État 55.

Ce droit est consacré dans des textes internationaux et nationaux importants. Il en est
ainsi de la Déclaration universelle des droits de l’homme, en son article 26 56, du Pacte
international relatif aux droits socio-économiques et culturels, plus expansif sur son contenu,

55
Le préambule de la Constitution énonce que « L'organisation et le contrôle de l'enseignement à tous les degrés 149
sont des devoirs impérieux de l'État ».
56
« 1. Toute personne a droit à l'éducation. L'éducation doit être gratuite, au moins en ce qui concerne
l'enseignement élémentaire et fondamental. L'enseignement élémentaire est obligatoire. L'enseignement technique
et professionnel doit être généralisé; l'accès aux études supérieures doit être ouvert en pleine égalité à tous en
fonction de leur mérite. 2. L'éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et au
renforcement du respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle doit favoriser la compréhension,
la tolérance et l'amitié entre toutes les nations et tous les groupes raciaux ou religieux, ainsi que le développement
des activités des Nations Unies pour le maintien de la paix. 3. Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le
genre d'éducation à donner à leurs enfants ».
en son article 1357, et de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, en son article
1758.

C’est un droit qui a suscité des réflexions importantes en doctrine. En effet, la question
s’est posée de savoir s’il emportait une liberté de choix ou non, c’est-à-dire si on pouvait choisir
ou pas d’être enseigné. Mais le débat est aujourd’hui tranché (Voir pour détails, J. Rivero,
1977 : 293).

La liberté et l’obligation ont été consacrées en même temps. L’obligation scolaire est
consacrée jusqu’à une certaine étape de l’instruction et la liberté de refuser l’enseignement
après cette étape. C’est dans ce sens que la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme
précise que « l'enseignement élémentaire est obligatoire » (Article 26).

Cette obligation est reprise dans les textes internes de la plupart des États. Au Cameroun,
le préambule de la constitution pose ainsi le caractère obligatoire de l’enseignement primaire 59.

Au Cameroun, l’action de la Première Dame s’inscrit dans le cadre de la participation


des particuliers à la réalisation du droit à l’éducation. Elle est spécifique en ce qu’elle se

57
« Les États parties au présent Pacte reconnaissent le droit de toute personne à l’éducation. Ils conviennent que
l’éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et du sens de la dignité et renforcer le 150
respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Ils conviennent en outre que l’éducation doit mettre
toute personne en mesure de jouer un rôle utile dans une société libre, favoriser la compréhension, la tolérance
et l’amitié entre toutes les nations et tous les groupes raciaux, ethniques ou religieux et encourager le
développement des activités des Nations Unies pour le maintien de la paix. 2. Les États parties au présent Pacte
reconnaissent qu'en vue d'assurer le plein exercice de ce droit : a) L'enseignement primaire doit être obligatoire
et accessible gratuitement à tous; 6) L'enseignement secondaire, sous ses différentes formes, y compris
l'enseignement secondaire technique et professionnel, doit être généralisé et rendu accessible à tous par tous les
moyens appropriés et notamment par l'instauration progressive de la gratuité; c) L'enseignement supérieur doit
être rendu accessible à tous en pleine égalité, en fonction des capacités de chacun, par tous les moyens appropriés
et notamment par l'instauration progressive de la gratuité; d) L'éducation de base doit être encouragée ou
intensifiée, dans toute la mesure possible, pour les personnes qui n'ont pas reçu d'instruction primaire ou qui ne
l'ont pas reçue jusqu'à son terme; ë) II faut poursuivre activement le développement d'un réseau scolaire à tous
les échelons, établir un système adéquat de bourses et améliorer de façon continue les conditions matérielles du
personnel enseignant. 3. Les États parties au présent Pacte s'engagent à respecter la liberté des parents et, le cas
échéant, des tuteurs légaux, de choisir pour leurs enfants des établissements autres que ceux des pouvoirs publics,
mais conformes aux normes minimales qui peuvent être prescrites ou approuvées par l' État en matière
d'éducation, et de faire assurer l'éducation religieuse et morale de leurs enfants conformément à leurs propres
convictions. 4. Aucune disposition du présent article ne doit être interprétée comme portant atteinte à la liberté
des individus et des personnes morales de créer et de diriger des établissements d'enseignement, sous réserve que
les principes énoncés au paragraphe 1 du présent article soient observés et que l'éducation donnée dans ces
établissements soit conforme aux normes minimales qui peuvent être prescrites par l' État.
58
« 1. Toute personne a droit à l'éducation. 2. Toute personne peut prendre part librement à la vie culturelle de
la Communauté. 3. La promotion et la protection de la morale et des valeurs traditionnelles reconnues par la
Communauté constituent un devoir de l'État dans le cadre de la sauvegarde des droits de l'homme ».
59
Il souligne que « L'Etat assure à l'enfant le droit à l'instruction. L'enseignement primaire est obligatoire ».
démarque par son originalité aussi bien relativement au mécanisme organique (II.1) et
mécanisme matériel (II.2) de promotion et surtout de garantie de l’éducation au Cameroun.

II.1- Le mécanisme organique

L’importance accordée au droit à l’éducation a conduit à la création par l’État du


Cameroun de pas moins de trois ministères : le ministère de l’éducation de base, le ministère
des enseignements secondaires et le ministère de l’enseignement supérieur.

A côté de ces institutions étatiques, d’autres organes privés ont été créés pour compléter
ou renforcer leur action au plan de l’éducation. C’est le cas du « Cercle des Amies du
Cameroun » (CERAC), principal organe du mécanisme de garantie des droits fondamentaux
mis en place par la Première Dame. Il est organisé comme la plupart des associations et sa
mission est essentiellement orientée vers la promotion de l’éducation.

II.1.1- L’anatomie du CERAC

Le régime des associations au Cameroun est déterminé par la loi n°90/053 du 19


décembre 1990 portant liberté d’association. Des associations à régime dérogatoire sont régies
par des lois spéciales.

D’après la loi n°90/053 du 19 décembre 1990, l’association est une « convention par
laquelle des personnes mettent en commun leurs connaissances et leurs activités dans un but
autre que de partager des bénéfices » (Article 2). Il en résulte que les groupements de personnes
peuvent se réunir de manière permanente et mener des actions désintéressées en faveur de
l’Education. C’est le cas du CERAC qui rentre dans la catégorie d’associations ordinaires ou
déclarées.

Créé en 1995 par la Première Dame, le CERAC est une association composée au départ
de femmes de diplomates installés au Cameroun et présidée par la Première dame. Il s’est élargi
après à l’ensemble des femmes camerounaises occupant une position importante ou ayant un
statut social éminent.

Le CERAC a ainsi deux volets : d’une part un volet diplomatique, qui regroupe les
épouses des Ambassadeurs et Hauts Commissaires accrédités au Cameroun et, d’autre part, un
volet national, qui comprend les membres du gouvernement et assimilés de sexe féminin, les
responsables femmes des entreprises publiques et parapubliques, les épouses des membres du
151
gouvernement, les élus du peuple de sexe féminin. La Première Dame en est la présidente
fondatrice.

Le CERAC a une Coordonnatrice générale, l’épouse du Premier ministre. Il est par


ailleurs composé des membres du bureau exécutif national et du volet diplomatique. Ses
missions sont certes diverses, mais le plus marquant reste son soutien à l’éducation.

II.1.2- La physiologie du CERAC

Le CERAC a essentiellement pour mission de promouvoir l’éducation. Dès 2001, il a


mis en place un projet baptisé « Écoles des champions » qui consiste d’une part à construire
des écoles et de faire des livraisons clés à main, et, d’autre part, à sélectionner les meilleurs
élèves dans une localité et de mettre à leur disposition des enseignants qualifiés. Mais ces dons
ne se limitent pas aux infrastructures et à la motivation des élèves.

Le CERAC offre d’autres matériels et dons. Il en ainsi des fournitures scolaires qu’il
offre régulièrement aussi bien au niveau de la région du Centre que dans les autres régions du
pays. Par exemple en 2015, il offre des dons au Centre communautaire de l’enfance qui encadre
des orphelins, les enfants abandonnés ou en difficulté, au Centre des Arts et Métiers, Sports
pour Handicapés; de l’Orphelinat Notre Dame de la Miséricorde; et du Foyer-école Colonel
Daniel de Rouffignac pour Aveugles, Malvoyants et Abandonnés, qui œuvre aux côtés de ces
déshérités.

Dans son programme de l’année 2017, le CERAC prévoit la remise de matériel


didactique et informatique à de nombreux élèves et la réfection des établissements scolaires. Il
s'agit, entre autres, du groupe scolaire de Mora 1 et Mora 2 dans l’Extrême-Nord, de l'école
publique bilingue de Menji dans le Lebialem au Sud-Ouest, l'école publique de Yaoundé 7.

L’action de la Première Dame au plan éducation s’opère également au moyen d’un


mécanisme matériel en vue de garantir le droit à l’éducation des jeunes au Cameroun.

II.2- Le mécanisme matériel

À côté des mécanismes mis en place par les États pour garantir le droit à l’éducation,
l’action de la Première Dame consiste, pour renforcer la garantie de ce droit, à mettre en

152
parallèle un mécanisme qui, non seulement fait la promotion de l’éducation ordinaire (1), mais
aussi celle d’une éducation spécifique (2).

II.2.1- La promotion de l’éducation ordinaire

Entre 2011 et 2013, le CERAC a procédé à la réhabilitation du complexe scolaire de


l’École publique d’Application du quartier Bonamoussadi dans l’arrondissement de Douala V.
Il s’est agi, au total, de six écoles primaires remises en l’état ou réhabilitées par cette
Association.

En 2010, « le Centre Orchidée Home de Douala » et « le Pavillon scolaire Chantal


BIYA » ont été inaugurés. Comme le Littoral et le Centre, plusieurs régions du Cameroun ont
bénéficié de telles œuvres du CERAC.

L’accompagnement de l’État dans la promotion de l’éducation par la Première Dame ne


se limite pas l’éducation ordinaire, elle concerne aussi l’éducation spécifique.

II.2.2- La promotion d’une éducation spécifique

Dans les États pauvres, le dispositif en matière d’éducation est général et tient peu
compte de ceux qui ont des besoins spécifiques. En effet, du fait de certaines pathologies,
certains enfants n’ont pas les aptitudes nécessaires pour s’intégrer dans le modèle ordinaire ou
classique. Ces enfants développent des pathologies particulières et ont des difficultés à
s’adapter au système éducatif normal. Ils ont donc besoin d’un suivi particulier que n’offrent
pas les écoles classiques.

C’est pour aider à la mise en place d’une éducation adaptée, faite sur la base des
techniques particulières, que le CERAC et la Première Dame ont mis en place certaines écoles
spécifiques. Il s’est agi de donner une chance aux enfants malades de pouvoir avoir une
éducation comme les autres. C’est le cas de ce que le CERAC appelle « l’École pour tous ».

Cette action participe de ce que l’on nomme en matière de droits de l’homme la


discrimination positive, un mécanisme qui permet de passer de l’égalité formelle à l’égalité
réelle en matière éducative. C’est dans cette logique qu’en 2010, l’Association a créé une école
spécialisée pour les enfants souffrant d’autisme. Il s’agit du « Pavillon scolaire Chantal BIYA ».
Les enfants y suivent des cours d’initiation à la langue.

153
Cette école a bénéficié d’un encadrement et d’une logistique adaptés qui permet une
prise en compte des déficiences des enfants en matière de communication et d’interaction
sociales. C’est une innovation importante dans la mesure où il n’existait jusqu’alors aucune
école adaptée pour ces enfants.

L’encadrement spécialisé dont ces enfants autistes bénéficient au « Pavillon scolaire


Chantal BIYA » leur permet de s’assimiler aux enfants normaux, est le meilleur gage du succès
et la voie idoine pour barrer la route à leur stigmatisation.

En plus de la création de cette école, la Première Dame prend en charge la scolarité


de certains enfants issus de familles pauvres.

CONCLUSION

L’action de la Première Dame contribue effectivement à la garantie des droits


fondamentaux que sont notamment le droit à la santé et le droit à l’éducation. Elles complètent
ainsi celles multiformes de l’État et d’autres acteurs sociaux et politiques.

Mais, comme toute action humaine, l’action de la Première Dame du Cameroun dans
la garantie des droits fondamentaux est et reste perfectible et ce d’autant plus que la garantie
desdits droits constitue une quête permanente pour les États et l’Humanité.

BIBLIOGRAPHIE
1- Braud P., (1968), La notion de liberté publique en droit français, LGDJ, Paris, 1968.

2- Champeil-Desplats V.(1995), « La notion de droit « fondamental » et le droit


constitutionnel français », Recueil Dalloz-Sirey, Paris, Dalloz, pp. 342-329.

154
3- Champeil-Desplats V. (2010), « Des libertés publiques aux droits fondamentaux : effets
et enjeux d’un changement de dénomination » Jus Politicum, n°5, pp. 1-16.

4- Favoreu L. (1993), dans une allocution prononcée lors du Colloque international à Port-
Louis dans la République de Maurice les 29, 30 septembre et 1er octobre, paru dans un
ouvrage intitulé L’effectivité des droits fondamentaux dans les pays de la communauté
francophone.

5- Kamto M.(2007), La volonté de l’État en droit international, tiré à part du Recueil des
cours Tome 310 de l’Académie de Droit International de la Haye, Marthinus Nijhoff
Publishers, Leiden/Boston,

6- Makougoum A. (2015), Ordre public et libertés publiques en droit public camerounais.


Contribution à l’étude de la construction de l’Etat de droit au Cameroun depuis 1990,
Thèse Université de Yaoundé II-Soa.

7- Morange J. (1995), Les libertés publiques, Coll. Que sais-je?, PUF.

8- Rivero J. (1990), « Dualité de juridiction et protection des libertés », RFDA, pp. 48-52.

9- Rivero J.(1977), Les libertés publiques, Tome II : Le régime des principales libertés,
PUF.

10- Robert J. (1990), « La protection des droits fondamentaux et le juge constitutionnel


français. Bilan et réformes », RDP, pp. 1255-1284.

11- Rolland P., (1995), La protection des libertés en France, Dalloz.

155
Le droit à l’éducation de la femme : un droit fondamental ? Professeur Thérèse
ATANGANA-MALONGUE, Agrégée des Facultés de Droit- Université de Yaoundé II
(Cameroun)

Résumé
L’analyse épistémologique de la fondamentalité du droit à l’éducation de la femme révèle
qu’au-delà de sa constitutionnalisation et de sa qualification juridique, se posent surtout des
problèmes d’effectivité. Dans de nombreux cas, en effet, les femmes et les filles sont victimes
de discrimination dans l’accès à l’instruction et dans la répartition des ressources économiques
et sociales. Certes, en respect des exigences constitutionnelles, des efforts multiformes
appréciables ont été déployés à travers notamment l’adoption de normes protectrices à la fois
incitatives et dissuasives. Il reste que, tout droit fondamental dont la satisfaction passe par
l’intervention active et financière des pouvoirs publics sera plus difficile à réaliser.
Mots-clés
Femme - éducation – droits fondamentaux – non-discrimination – État.

Abstract
The epistemological analysis of the fundamentality of the right to education of women reveals
that beyond its constitutionalization and its legal qualification, arise problems of effectiveness.
In many cases, indeed, women and girls are victims of discrimination in access to education
and in the distribution of economic and social resources. Certainly, in respect of the
constitutional requirements, significant multifaceted efforts been made through including the
adoption of protective standards both incentives and dissuasive. It remains that every
fundamental right whose satisfaction goes through active and financial government intervention
will be more difficult to achieve.
Keywords
Woman – education – fundamental rights – non-discrimination – State

Le droit à l’éducation de la femme constitue-t-il un droit fondamental ? La question


peut, de prime abord, surprendre. En effet, le droit à l’éducation consacré par les textes
156
internationaux, régionaux et nationaux n’est-il pas aussi celui de la femme ? Plus concrètement,
existe-t-il un droit spécifique à l’éducation de la femme qui trancherait dans sa nature juridique
et, éventuellement, dans son régime juridique de celui de l’homme ? Avant d’y répondre, l’on
rappellera que l’éducation est constituée d’un ensemble des processus et des procédés
permettant à tout enfant d’accéder progressivement à la culture ; l’accès à la culture étant ce qui
différencie l’Homme de l’animal (Reboul, 1989 : 9). Par l’éducation, l’on intègre l’enfant dans
la société, d’où la nécessité pour l’État et la communauté internationale d’assigner des objectifs
précis à l’éducation. Celle-ci doit notamment viser au plein épanouissement de sa personnalité
et du sens de sa dignité, renforcer le respect des droits de l’Homme et des libertés
fondamentales, mettre toute personne en mesure de jouer un rôle utile dans une société libre,
favoriser la compréhension, la tolérance et l’amitié entre toutes les Nations et tous les groupes
raciaux, ethniques ou religieux (art. 13.1, PIDESC).
Il reste que la notion n’est pas facile à circonscrire car les textes juridiques n’opèrent
pas toujours de distinction claire entre l’éducation et l’instruction (Grataloup, 1998 : 432). Les
deux termes y sont employés tantôt alternativement, tantôt exclusivement. Au fond,
l’instruction n’est qu’un élément de l’éducation laquelle recouvre divers domaines :
intellectuel, moral, philosophique, religieux, politique, etc. Dans un effort de clarification, la
Cour européenne des droits de l’Homme (Cour EDH) retient que « l’instruction vise la
transmission des savoirs, des connaissances et la formation intellectuelle » alors que l’éducation
est « la somme des procédés par lesquels, dans une société, les adultes tentent d’inculquer aux
plus jeunes leurs croyances, coutumes et autres valeurs » (arrêt Campbell et Cosans c/
Royaume-Uni, 25 février 1982). Le droit à l’éducation est un droit humain consacré de manière
asexuée par la Constitution camerounaise du 2 juin 1972, imposant ainsi une réponse négative
à la question de l’existence d’un droit à l’éducation spécifique de la femme. Mais, est-ce un
droit fondamental ? La question bénéficie d’un nouveau souffle ; l’insertion du droit à
l’éducation dans la Constitution lui conférant, sans conteste, une valeur constitutionnelle. Le
Préambule, « partie intégrante de la Constitution » (art. 65, Const.) dispose très clairement que :
« L’État assure à l’enfant le droit à l’instruction. L’enseignement primaire est obligatoire »
(§5.17). Quant aux textes internationaux relatifs aux droits de l’Homme, régulièrement ratifiés,
ils lui apportent, en raison de leur intégration dans le bloc de constitutionnalité, une protection
supranationale particulièrement forte. Simplement, le droit à l’éducation est classé parmi les
droits sociaux classiquement définis comme des droits d’inspiration sociale visant le bien-être
des membres de la société et entraînant une protection accordée par l’État à ceux qui sont dans
le besoin (Terneyre, 1991 :155) d’où leur surnom de « droits des pauvres » (Imbert, 1989 : 739).
157
Il appartient, de ce fait, à la catégorie des « droits-créance », c’est-à-dire des droits collectifs
que les juristes ont, au demeurant, coutume de présenter dans une perspective historique comme
des droits de la seconde génération des droits de l’Homme (Roman, 2011 : 200) par opposition
aux droits civils et politiques entrant dans la catégorie des « droits-libertés » et constituant
la première génération (Gay, 2007 : 27). Une telle présentation suggère insidieusement une
graduation entre les droits humains : les uns seraient moins bien protégés parce qu’ils sont
seulement exigibles à l’État tandis que les autres le seraient pleinement du fait de leur
opposabilité à l’État (Roman, 2009 : 285). Il s’en suit que leur reconnaissance constitutionnelle
serait purement formelle ; les « vrais » droits c’est-à-dire les droits subjectifs « étant du côté
des droits civils et politiques, par nature parfaits et pleinement justiciables » (Rivero, 2003 :
90). Du reste selon cette thèse, la plénitude de leur régime juridique résiderait à la fois dans le
fait qu’ils ne nécessiteraient pas l’intervention de l’État mais son abstention, et dans la
possibilité pour leur titulaire de recourir au juge pour sanctionner toute action violatrice de
l’État ou de toute autre personne publique ou privée. Toutefois, comme cela a été relevé par
une partie de la doctrine, la dichotomie ainsi instituée au sein des droits humains n’est pas
toujours pertinente, du moins en ce qui concerne leur qualification juridique (Vidal-Naquet,
2007 : 10). Déjà en 1950, l’Assemblée générale des Nations-Unies rappelait que : « La
Déclaration universelle envisage l’Homme comme une personne à laquelle appartiennent
indubitablement des libertés civiques et politiques, ainsi que des droits économiques, sociaux
et culturels » (Résolution 421). C’est donc en toute logique que la Constitution du Cameroun
fondée sur une conception plutôt socio-libérale des droits de l’Homme, considère les droits
civils et les droits sociaux comme interdépendants et « également nécessaires » (Redor-Fichot,
2009 : 78) à l’universalité et à l’effectivité des droits humains. Quelques exemples pour en
prendre la mesure exacte : la satisfaction du droit au logement, du droit à la santé et du droit à
l’éducation concourt à garantir respectivement le droit à la vie privée, le droit à l’intégrité
physique et les libertés d’expression et de participation à la vie civile, sociale, économique,
politique ou culturelle. Il n’est, d’ailleurs, pas exagéré d’affirmer que de l’éducation, dépend la
capacité de la personne à exercer l’ensemble de ses droits humains. Ce qui explique, sans doute,
que les nouvelles Constitutions, notamment africaines, invitent à classer dorénavant les droits
civils, politiques, économiques, sociaux, culturels et même environnementaux dans une
catégorie unique de « droits fondamentaux »1. Et bien que sa définition demeure un exercice

1
Cf. Constitution du Gabon avec un Titre préliminaire consacré aux « Principes et droits fondamentaux » parmi 158
lesquels le droit à l’éducation et à l’instruction ; Constitution du Bénin : avec plusieurs dispositions se référant aux
« Droits fondamentaux » (§3 et §6 du Préambule, art. 114, 117 et 126).
périlleux pour le juriste, la terminologie « droits fondamentaux », en raison de sa proximité
congénitale avec des notions voisines telles que les droits de l’Homme et les libertés publiques,
renvoie selon la formule de Louis Favoreu « à une forme de droits protégés non seulement par
la loi, mais aussi par la Constitution, et également par les textes internationaux et
supranationaux » (Favoreu, 1993 : 47). Cette conception formelle qui fait reposer les droits
fondamentaux sur leurs sources est confortée par une approche matérielle dans laquelle le
caractère fondamental du droit réside dans sa capacité à prévaloir substantiellement sur d’autres
droits et, le cas échéant sur des normes juridiques. Il apparaît donc que les droits de l’Homme
tout comme les libertés publiques peuvent être érigés en droits fondamentaux à la fois par la
Constitution, les conventions internationales et le juge constitutionnel.
Au-delà de la constitutionnalisation du droit à l’éducation, c’est l’efficacité de sa mise
en œuvre qui importe. Or, celle-ci se heurte dans notre environnement socioéconomique et
juridique à un problème majeur : la discrimination fondée sur le sexe. Dans de nombreux cas,
en effet, les femmes et les filles sont victimes de discrimination dans l’accès à l’instruction et
la répartition des ressources économiques ; de sorte que la lutte contre l’analphabétisme des
jeunes filles et des femmes apparaît incontestablement comme un enjeu primordial pour les
droits fondamentaux et aussi un facteur de croissance économique et de réduction de la
pauvreté. En l’occurrence, le droit à l’éducation correspond au deuxième des huit Objectifs du
Millénaire pour le développement (OMD) et au quatrième des dix-sept Objectifs de
développement durable (ODD). Qu’elle soit de jure ou de facto, l’égalité se définit souvent par
l’absence de discrimination directe ou indirecte (Luchaire, 1986 : 1229) c’est-à-dire que, non
seulement tous les citoyens doivent avoir les mêmes droits, mais ils doivent avoir réellement
les mêmes possibilités de les faire valoir. Ainsi sous le double prisme de la dignité humaine et
du principe d’égalité, toute personne quelle que soit son sexe doit se voir accorder une égalité
des chances de jouir pleinement du droit constitutionnel à l’éducation. Cela implique que, le
droit à l’éducation soit au quotidien garanti égalitairement à l’homme et à la femme. À
l’observation, les discriminations constantes dont sont encore sujettes les femmes dans notre
pays obligent le juriste camerounais à réinvestir la question de la fondamentalité du droit à
l’éducation à l’aune du principe de l’égalité. Comme le rappelle la Convention pour
l’élimination de toutes formes de discriminations à l’égard des femmes (CEDEF) 2, « le
développement complet d’un pays, le bien-être du monde et la cause de la paix demandent la

2
La CEDEF a été adopté le 19 décembre 1979 par l’Assemblée Générale des Nations-Unies, est entrée en vigueur 159
le 03 septembre 1981 (30 jours après 20e ratification, art. 27.2). Le Cameroun l’a signé le 06 juin 1983, l’a ratifié
le 15 juillet 1988 et a déposé les instruments de ratification le 23 août 1994.
participation maximale des femmes, à l’égalité avec les hommes, dans tous les domaines,
complet d’un pays », de sorte que la question du caractère fondamental du droit à l’éducation
de la femme invite à s’interroger sur son effectivité.
En mettant en perspective notre question de départ, l’on constate que la fondamentalité
du droit à l’éducation sans discrimination est clairement proclamé (I). Mais, cette proclamation
se heurte à des problèmes d’effectivité et de mise en œuvre, qui in fine, la compromettent, la
galvaudent (II).

I. Une fondamentalité proclamée


À l’opposé de certaines Constitution africaines 3, la Constitution du Cameroun n’évoque
nulle part la notion de « droits fondamentaux » bien que l’expression « libertés fondamentales »
y apparaisse subtilement dans son Préambule. Néanmoins en reprenant à son compte certains
droits de l’Homme parmi lesquels le droit à l’instruction et le droit à la non-discrimination,
notre Constitution apporte à leur qualification de « droits fondamentaux » des fondements
solides (I.1.) tout en assurant leur mise en œuvre d’un certain nombre de garanties légales (I.2).

I.1. Les fondements constitutionnels du droit à l’éducation sans discrimination


Dans l’ordre juridique camerounais au moins deux arguments fondent une réponse
positive à la question de la fondamentalité du droit à l’éducation de la femme et, par ricochet
du droit à la non-discrimination dans la jouissance dudit droit : d’abord, l’article 65 de la
Constitution autorise à conférer une valeur constitutionnelle et donc une fondamentalité aux
droits à l’éducation et à la non-discrimination qui y sont proclamés (I.1.1) ; ensuite, le
Cameroun a souscrit au principe de l’indivisibilité des droits de l’Homme (I.1.2).

I.1.1. La constitutionnalisation des droits à l’éducation et à la non-discrimination


Le droit à l’éducation de la femme est nécessairement situé au rang constitutionnel en
raison de la consécration des droits à la non-discrimination et à l’éducation dans le Préambule
de la Constitution dont on sait depuis la révision constitutionnelle du 18 janvier 1996 qu’il « fait
partie intégrante de la Constitution » (art. 65). Cette constitutionnalisation est enrichie par
l’affirmation de l’attachement de l’État « aux libertés fondamentales inscrites dans la
Déclaration universelle des droits de l’homme, la Charte des Nations Unies, la Charte africaine

3
À l’instar de la Constitution du Gabon qui consacré un Titre entier aux « Principes et droits fondamentaux » ou 160
encore de la Constitution du Bénin qui utilise, de multiple fois, l’expression « Droits fondamentaux » (Préambule :
§ » et 6 ; art. 114, 117 et 121).
des droits de l’homme et des peuples et toutes les conventions internationales y relatives et
dûment ratifiées » (§ 11, Préambule) à l’instar de la Convention pour l’élimination de toutes
formes de discriminations à l’égard des femmes (CEDEF) et du Protocole additionnel à la
Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes (PA-
CADHP)4, dit « Protocole de Maputo » auxquelles, il conviendra d’adjoindre, le cas échéant,
les décisions du juge constitutionnel camerounais.
Le Constituant de 1996 a ainsi tenté de combler, avec plus ou moins de réussite, les
lacunes de la Constitution du 02 juin 1972 en proclamant notamment que « l’être humain, sans
distinction de race, de religion, de sexe, de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés »
(§4, Préambule) et que la République « assure l’égalité de tous les citoyens devant la loi » (art.
1er, al. 3) après avoir préalablement précisé que « l’État garantit à tous les citoyens de l’un et
de l’autre sexe, les droits et libertés énumérés au Préambule de la Constitution ». La notion de
« sexe » est aujourd’hui entendue comme englobant celle de « genre ». En effet, selon le Comité
des droits économiques, sociaux et culturels (CoDESC), elle ne recouvre plus seulement les
caractéristiques physiologiques, mais vise également la construction sociale de stéréotype, de
préjugés et de rôles préétablis concernant les hommes et les femmes, ce qui fait obstacle à la
réalisation des droits économiques, sociaux et culturels sur un pied d’égalité (Obs. gén. n°
20).De surcroît, la consécration du droit à la non-discrimination, droit transversal par
excellence, est complétée par un catalogue de droits humains à la fois « droits libertés » et
« droits sociaux » parmi lesquels le droit essentiel à l’éducation. Aussi, le Préambule prescrit-
il sans équivoque que : « L’État assure à l’enfant le droit à l’instruction. L’enseignement
primaire est obligatoire. L’organisation et le contrôle de l’enseignement à tous les degrés sont
des devoirs impérieux de l’État » (§ 5. 18). Il convient de lire cette disposition à l’aune du
dynamisme du bloc de constitutionnalité camerounais qui permet d’associer toutes les autres
dispositions issues de « toutes les conventions internationales y relatives et dûment ratifiées »
tels que l’article 26 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH), les articles
13 et 14 du Pacte internationale relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC),
les articles 28 et 29 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant (CIDE),
l’article 17 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP), l’article 11
de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant (CADBE), l’article 10 de la CEDEF
et l’article 12 du PA-CADHP.

161
4
Le PA-CADHP a été adoptée le par l’Assemblée Générale de l’Union africaine, est entrée en vigueur le. Le
Cameroun l’a ratifié le 28 mai 2008.
En conférant ainsi une valeur constitutionnelle au droit à l’éducation à toute personne,
l’État du Cameroun affirme sa détermination à le protéger sans discrimination tout en le
sécurisant au cœur de la loi suprême. Cette constitutionnalisation du droit à l’éducation de la
femme, fondement de sa fondamentalité se prolonge dans la souscription constitutionnelle par
l’État du Cameroun au principe de l’indivisibilité des droits humains.

I.1.2. La constitutionnalisation du principe de l’indivisibilité des droits humains


Hormis les deux Pactes de 1966, l’un consacré aux droits civils et politiques, l’autre aux
droits économiques, sociaux et culturels, tous les autres textes internationaux relatifs aux droits
de l’Homme énoncent, à la suite de la DUDH, le nécessaire respect de tous les droits humains
fondant leur indivisibilité sur la dignité et l’unité de la personne humaine. C’est donc très
logiquement que le principe a été proclamé par l’Assemblée générale des Nations unies dans sa
Résolution 421 et réitéré par la Déclaration de Vienne du 25 juin 1993.S’inspirant de la
solidarité consubstantielle aux sociétés africaines postcoloniales, la Charte africaine souligne
sans surprise que « les droits civils et politiques sont indissociables des droits économiques,
sociaux et culturels, tant dans leur conception que dans leur universalité, et que la satisfaction
des droits économiques, sociaux et culturels garantit la jouissance des droits civils et
politiques » (§7, CADHP). Le principe est relayé de manière plus spécifique parle Protocole de
Maputo qui reconnait et garantit les droits de la femme« en tant que droits humains,
inaliénables, interdépendants et indivisibles » (§5, PA-CADHP). Désormais donc, la
catégorisation des droits humains en droits civils, sociaux et environnementaux, conséquence
évidente de l’hétérogénéité de leur régime juridique semble s’effacer, du moins dans les
systèmes constitutionnels africains, pour laisser place à une catégorie unique de « droits
fondamentaux » (Pavia et Rousseau, 2000 : 354).
La thèse de l’indivisibilité des droits à laquelle souscrit pleinement le Constituant
camerounais de 1996 à travers son bloc de constitutionnalité permet de relativiser l’argument
de la nature juridique spécifique des droits sociaux, développé sous d’autres cieux. En effet,
s’est posée au sein de la doctrine européenne la question de savoir si la constitutionnalisation
des droits de l’Homme implique de leur conférer la même force juridique. La controverse
concerne particulièrement les droits sociaux auxquels certains auteurs dénient un régime
juridique identique aux droits civils et politiques, instituant par là même une dichotomie entre
les droits humains de manière à minorer l’importance des premiers (CEDH, Airey c/ Irlande, 9
octobre 1979, série A, n ̊ 32). Comme l’exprime fort justement Isabelle Boucobza, très souvent
« derrière l’argumentation juridique des constitutionnalistes se cachent des options politiques
162
au sens large, des préférences en termes de valeurs » (Boucobza, 2010 :). La
constitutionnalisation de l’indivisibilité et de l’interdépendance invite au contraire à considérer
tous les droits humains comme également fondamentaux et, par conséquent, tous également
justiciables. L’on fera observer qu’il n’y a pas, du point de vue formel, meilleure garantie de
l’effectivité d’un droit que de l’inscrire dans le texte le plus élevé dans la hiérarchie des
normes c’est-à-dire la Constitution, qualifiée à cet égard de « loi fondamentale » ou « loi-
suprême ».
Dès lors, il est rassurant de constater que la doctrine constitutionnaliste africaine a très
vite pris la mesure du piège de « la théorie de l’intangibilité sélective des droits humains »
(Ouguergouz, 1993 : 13) confortant ainsi la jurisprudence audacieuse de la Commission
africaine des droits de l’homme et des peuples (Com ADHP) dans l’environnement
socioéconomique et politique du continent africain où le lien entre les carences en matière de
respect des droits sociaux et la mauvaise gouvernance est très régulièrement mis en exergue
(Nguematcha, :128). Ainsi, en précisant qu’elle « appliquera n’importe lequel des droits
contenus dans la Charte africaine » et « qu’il n’existe pas de droit de la Charte qui ne puisse
être mis en œuvre » (Com ADHP, 13-27 octobre 2001, Social and Economic Rights Action
Center, Centre for Economic and social Rights c. Nigeria, n°155/96,), la Commission africaine
entend, peut-on dire, combattre activement la pauvreté et l’exclusion sociale par le droit
(Roman, 2009 : 315), précisément en conférant aux droits dits « pauvres » (Imbert, 1989 : 739)
toute leur fondamentalité. L’indivisibilité oblige, en effet, à accorder à tous les droits
constitutionnalisés la même valeur juridique. S’il y a d’un point de vue historique des droits de
première, deuxième et troisième génération, il ne saurait avoir de droits fondamentaux de
première, deuxième et troisième classe (Cassin, 1951 : 302) ; aucune hiérarchie de cette sorte
n’ayant été établie ni par la Constitution du Cameroun ni par les conventions internationales
dûment ratifiées. Cependant, l’effectivité des droits fondamentaux à l’éducation et à la non-
discrimination reste tributaire de leur intégration dans les lois ordinaires, gage de leur garantie
étatique.

I.2. Les garanties légales du droit à l’éducation sans discrimination

163
La réalisation du droit à l’éducation de la femme nécessite, à l’instar des autres droits
fondamentaux, une intervention positive de l’État5. Celle-ci incombe au premier chef au
législateur (art. 26, Const.). Et bien que la Constitution du Cameroun prescrive d’aménager
certaines prestations matérielles publiques en vue de la réalisation effective du droit à
l’éducation sans discrimination, il convient cependant de signaler que tout droit fondamental
dont la satisfaction passe par l’intervention active et surtout financière des pouvoirs publics sera
toujours plus difficile à mettre en œuvre. Néanmoins, en respect des exigences
constitutionnelles, le législateur camerounais a fait des efforts appréciables dans l’effectivité du
droit à l’éducation sans discrimination par l’adoption d’un certain nombre de mesures
protectrices tantôt incitatives (I.2.1) tantôt dissuasives (I.2.2).

I.2.1. Des mesures incitatives pour l’accès des femmes au système éducatif
Guidé par le souci de garantir le droit d’accès à l’éducation sans discrimination, le
législateur camerounais impose l’obligation scolaire et la gratuité de l’instruction primaire. La
loi n° 98/004 du 14 avril 1998 portant orientation de l’éducation reprend, à cet égard, les
dispositions constitutionnelles sur le caractère obligatoire de l’enseignement primaire (art. 6,
loi 98) tout en précisant que « l’État garantit à tous l’égalité de chances d’accès à l’éducation
sans discrimination de sexe, d’opinions politiques, philosophiques et religieuses, d’origine
sociale, culturelle, linguistique ou géographique » (art. 7, loi 98).
L’obligation scolaire implique que l’accès à l’enseignement primaire ne saurait être
facultatif ni pour les parents, ni pour l’État. Elle dure, en pratique, jusqu’à l’âge de onze ans
c’est-à-dire jusqu’à l’obtention du certificat d’étude primaire par l’élève ayant suivi
normalement l’enseignement général (Document de Stratégie Sectorielle pour l’Education
(DSSE), 2004 : 28). On observe d’emblée qu’à l’instar de la Constitution, le principe de la
gratuité ne figure pas dans la loi du 14 avril 1998. Ce qui est contestable. Dès lors que
l’instruction est obligatoire, la nécessité d’un enseignement public gratuit apparaît comme une
évidence afin de permettre aux familles les plus pauvres de se conformer à l’obligation légale.
Toutefois, en se référant au bloc de constitutionalité, l’on peut observer que la gratuité est une
exigence constitutionnelle. De surcroit, les textes à portée générale tout comme la CIDE et la
CADBE prescrivent aux États parties de « fournir un enseignement de base gratuite et
obligatoire » (art 28. a ; art. 11. 3. a). À l’évidence, l’obligatoriété va de pair avec la gratuité,

5
La Cour EDH a ainsi développé une jurisprudence très active sur les obligations positives imposées aux États 164
pour le respect effectif des droits sociaux. L. Gay, « La notion de “droits-créances” à l’épreuve du contrôle de
constitutionnalité », Les cahiers du Conseil constitutionnel, n°. 16, 2004, p. 247.
ce qui explique qu’elle ne soit impérative que pour l’enseignement primaire. Mais alors, qu’est-
ce qu’un enseignement gratuit ? Selon le CoDESC, la gratuité signifie que les coûts financiers
directs et indirects de l’éducation ne doivent pas être à la charge ni des enfants ni des parents
ni des tuteurs. Autrement dit, les parents ne doivent pas avoir à payer les droits d’inscription ou
les autres contributions obligatoires (frais d’uniformes, cotisations obligatoires, etc.). En
principe, ces charges incombent aux collectivités publiques du moins le temps de la scolarité
obligatoire (Obs. gén. n° 11).Au Cameroun, il a fallu attendre le Décret n° 2001/041 du 19
février 2001 pour voir supprimer les frais exigibles à l’inscription des élèves dans les écoles
rendant ainsi l’enseignement primaire public gratuit (art. 47, Décret de 2001), malgré la
persistance de nombreux frais indirects liés à l’éducation (fournitures scolaires par exemple).
À ce propos, l’on fera observer qu’en ce qui concerne les filles, le principe de l’égalité d’accès
à l’instruction n’est pas pleinement appliqué. Nonobstant la loi n° 2001/005 du 16 avril 2001
sur l’enseignement supérieur, le privilège de masculinité semble avoir repris du service dans
certaines familles. Cette préférence des familles pour les garçons trouve sa justification dans
l’infériorité socioculturelle de la femme et, plus concrètement dans la croyance communément
partagée que tout ce qui est investi dans la fille ne sert en fin de compte qu’à la famille du futur
époux6. Et même dans l’hypothèse où elle aurait accès à l’école, la salle de classe reproduit
souvent les modèles de discrimination que l’on rencontre dans la société. En parcourant le
PIDESC, l’on constate que la question de la gratuité y est saisie sous l’angle de la
discrimination, principe fondamental transversal ; de sorte qu’une éducation qui ne serait pas
obligatoire et gratuite sera considérée comme discriminatoire (art. 13, al. 2. C.).
Du reste, au niveau africain, la Com ADHP a eu l’occasion de retenir la violation du
droit à l’éducation en présence d’actes de pillages, de massacres, de déportation de la population
civile (Com ADHP, mai 2003, R.D. Congo c/ Burundi, Rwanda et Ouganda, n° 227/99) ou
d’étrangers (Com ADHP, 11 novembre 1997, Union Interafricaine des droits de l’Homme, c/
Angola) et même de fermeture d’universités et écoles secondaires pendant deux ans (Com
ADHP, 10 octobre 1990, Union Interafricaine des droits de l’homme, les Témoins de Jéhovah
c% Zaïre). Elle a par la suite souligné que la violation n’est pas établie si le requérant ne peut
en rapporter la preuve en l’occurrence il s’agissait d’une part, de la politique de sous-
financement ou de refus d’allocation des ressources humaines dans le secteur éducatif du
primaire d’une région, et d’autre part, de restriction de l’entrée des étudiants originaire d’une
région dans une grande école mise en place par l’État était discriminatoire (Com ADHP, mai

165
Ainsi, si une famille a de nombreux enfants (ce qui est généralement le cas !), elle préférera, si elle n’a pas de
6

moyens financiers suffisants, envoyer les garçons à l’école.


2009, Kevin Mgwanga Gunme et al c/Cameroun).Mais, c’est au niveau international que le
contenu de l’obligation de l’État a été explicitement déterminé. Le CoDESC affirme à cet effet
qu’il ne peut être question d’obliger chaque État à créer un système général et officiel, mais
uniquement de garantir aux personnes placées sous sa juridiction, le droit de se servir, en
principe et sans discrimination, des moyens d’instruction existant à un moment donné ( Obs. gén.
n° 11 et 13) ; les moyens dont il s’agit et la manière de les organiser ou de les subventionner
étant laissés à l’appréciation de l’État. Par conséquent, dès lors que l’État dispose d’un système
d’enseignement, celui-ci doit être considéré comme garantissant le droit à l’éducation sous la
réserve qu’il réponde aux caractéristiques interdépendantes et essentielles que sont la dotation
(mise à disposition), l’accessibilité (physique et économique), l’acceptabilité (pertinence de la
forme et du contenu) et l’adaptabilité (aux besoins de la société et des apprenants). Il convient
cependant de souligner qu’un « État partie ne peut échapper à l’obligation sans équivoque
d’adopter un plan d’action sous prétexte qu’il manque de ressources nécessaires » (Obs. gén.
n° 3). En d’autres termes, l’État est tenu d’une obligation progressive de mettre en œuvre et
d’une obligation immédiate de respecter, protéger et promouvoir le droit à l’éducation sans
discrimination.
L’État du Cameroun a pris d’autres mesures incitatives à l’égard des filles notamment
en abrogeant les textes qui excluaient la jeune fille de l’école du fait de la grossesse alors que
le père adolescent ne l’était pas. La circulaire du 19 janvier 1980 autorise la suspension de la
scolarité de la fille pendant la grossesse et sa réadmission après l’accouchement 7. Il s’en suit
que l’expulsion d’une élève enceinte au milieu de l’année scolaire constitue non seulement une
violation de son droit à l’éducation mais aussi une discrimination directe dans ce sens que les
pères adolescents ne sont pas inquiétés, et il n’y a pas de doute que le juge saisi ordonnera sa
réintégration8. Aussi, est-on perplexe de lire dans la CADBE que les États parties « s’engagent
à prendre des mesures spéciales pour veiller à ce que les enfants féminins doués et défavorisés
aient un accès égal à l’éducation » (art. 11, al. 3, e). Ces mesures incitatives étant réservées aux
seuls « enfants féminins doués et défavorisés », qu’adviendrait-il des enfants féminins douées
et favorisés ou non douées et défavorisés ? Une telle distinction ne semble pas pertinente dans
un texte juridique protecteur des droits de l’enfant ; la condition intellectuelle constituant un
critère objectif suffisant pour lutter contre les discriminations à l’égard des filles dans l’accès à

7
Circulaire n° 10/1/562/MINEDUC/ESG/DEPF/DDP du 19 janvier 1980 relative à la grossesse des élèves dans 166
les établissements scolaires publics et privés de la République du Cameroun.
8
Voir, par exemple, Cour constitutionnelle de la Colombie, Affaire T-211/95, 12 mai 1995.
l’éducation sans avoir à en créer une autre entre les enfants féminins fondée sur leur condition
socioéconomique.
En pratique, l’implémentation des différentes mesures incitatives semble avoir eu des
effets appréciables puisque le taux global de scolarisation au primaire est passé de 70,4% en
2007 à 77,6% en 2010 et celui d’achèvement des études dans le primaire est passé de 57,9%
sur l’année scolaire 2003/2004 à 73% en 2009/2010. Quant à l’indice de parité, il s’est amélioré
passant de 0,76 à 0,85 en 2010 dont 79,7% pour les filles et 93,9% pour les garçons, à
l’exception dues régions du grand Nord et de l’Est où le déséquilibre persiste avec seulement
74 filles scolarisées pour 100 garçons 9.Tout comme l’accès au système éducatif, le maintien
des enfants, surtout des filles constitue l’autre défi majeur pour la réalisation du droit
fondamental à l’éducation sans discrimination.

I.2.2. Des mesures dissuasives du maintien des femmes dans le système éducatif
Les statistiques d’abandon des femmes dans le système éducatif sont parlantes : au
niveau national 27% d’enfants quittent l’école avant la fin du cycle. Ce taux est de 22% pour
les garçons et de 32 % chez les filles (Annuaire Statistique MINEDUB (2010-2011). Dans
l’enseignement secondaire, le taux de rétention est de 77,4% pour les filles et 76,2% pour les
garçons en ce qui concerne le second cycle ; en revanche dans le second cycle, il est de 54%
pour les filles contre 76% pour les garçons (DSSE, 2000). Ces disparités de genre sont encore
plus importantes dans les zones d’éducation prioritaire (ZEP) où près de 62% de filles quittent
l’école avant la fin du cycle primaire. Afin d’adresser efficacement le problème, le législateur
camerounais a pris un certain nombre de mesures dissuasives, concourant toutes à l’effectivité
du droit à l’éducation sans discrimination.
Tout d’abord, la loi n° 2016/007 du 12 juillet 2016 réformant le Code pénal camerounais
sanctionne désormais d’une amende de 50.000 à 500.000 F CFA « le parent qui, disposant de
moyens suffisants, refuse de scolariser son enfant » (art. 355-2 du C. pén) et en cas de récidive,
la peine d’amende se transforme en emprisonnement (2 à 5 ans). Sans remettre en cause le bien-
fondé de la réforme, l’on s’interrogera néanmoins sur son opportunité, porteuse d’un défaut
congénital. En effet, si l’enseignement du moins l’enseignement primaire obligatoire est

9
Annuaire Statistique MINEDUB (2010-2011). Les disparités entre les régions sont encore plus criardes : 167
Adamaoua : 73,1 % de filles, contre 98.1 % de garçons pour un Indice de parité selon le sexe de 0.75 ; Extrême
nord : 68,2 % de filles, contre 101,1 % de garçons pour un Indice de parité selon le sexe de 0.67 ; Nord : 69,9 %
de filles, contre 103,6 % de garçons pour un Indice de parité selon le sexe de 0.67 ; Est : 76,9 % de filles, contre
91,1 % de garçons pour un Indice de parité selon le sexe de 0.84. Et les 2/3 d'adultes analphabètes dans le
Septentrion et l’Est sont des femmes.
effectivement gratuit conformément au Décret de 2001, comment dès lors comprendre que la
disposition de « moyens suffisants » soit un élément constitutif de l’infraction d’entrave à la
scolarisation ? Au demeurant, l’État peut-il imposer aux familles, un certain seuil d’éducation
s’il n’a pas les moyens ni d’en garantir la jouissance, ni d’en contrôler la réalité ? Rappelons
que dans notre contexte socioéconomique, une partie importante des familles travaille dans le
secteur informel en marge de toute réglementation étatique (travail, fiscalité, formalités
administratives, etc.), rendant de ce fait quasi-impossible l’administration de la preuve des
ressources financières. Et nonobstant, la loi d’orientation du 14 avril 1998 prévoyant une
éducation de qualité pour tous les enfants et des réformes tendant à corriger les problèmes
pédagogiques (art. 7), ainsi que les dotations en matériels à l’instar des paquets minimum, force
est de constater que le financement de l’éducation continue de peser sur le budget des ménages
par le biais de coûts indirects 10. Cette carence de l’État en la matière justifie, sans doute,
l’implémentation d’actions sociales de plus en plus importantes par divers acteurs privés à
l’instar de la Première dame du Cameroun.
Ensuite, la sanction du mariage forcé ou précoce (art. 356, CP cam) a joué un rôle déterminant
dans la prise en compte d’un problème longtemps ignoré en Afrique et pourtant considéré
comme un frein au maintien de l’enfant, particulièrement de la jeune fille dans le système
scolaire. Les statistiques nationales montrent, à ce propos, que la proportion de femmes de 15
à 19 ans en mariage coutumier ou civil est de 24%, parmi lesquels 17% des femmes de 25 à 49
le sont avant d’atteindre l’âge de 15 ans et 45% avant 18 ans (Source EDS-MICS 2011). Or,
selon le CoDESC, il existe un lien direct entre le taux de scolarisation des filles dans le primaire
et le recul sensible des mariages précoces (Obs. gén n° 4). Actuellement au Cameroun, l’âge
médian de mariage est de 15,8 ans chez les femmes n’ayant aucun niveau d’instruction contre
20,1 ans chez celles ayant un niveau secondaire 1er cycle et 24,4 ans chez celles ayant un niveau
d’instruction secondaire 2nd cycle ou plus. Il faut noter également que l’abandon scolaire accroit
les chances des filles d’être victimes de diverses violations d’autres droits humains. Par
exemple, la non-scolarisation des filles peut conduire au travail illégal, au trafic et à la traite
des personnes, infractions sanctionnées plus sévèrement lorsqu’elles sont commises à l’égard
de mineur de quinze ans (art 342-1, CP cam).
Bien plus, en criminalisant plus sévèrement le harcèlement sexuel lorsque l’auteur des
faits est préposé à l’éducation de la victime (art. 302-1 al. 3, CP cam), le législateur
camerounais de 2016 répond là encore à un autre problème majeur de société. Le harcèlement

168
De nombreuses écoles fonctionnent avec des maitres à charge des associations de parents et l’accès aux examens
10

de fin de cycle primaire est payant, et donc inaccessible a un grand nombre d’élèves.
sexuel en milieu éducatif porte incontestablement atteinte à la dignité de l’apprenant, et même
si les deux sexes sont concernés, les chiffres révèlent, malgré tout, qu’il touche davantage les
jeunes filles et les femmes (Pondi, 2010), avec de lourdes conséquences sur la santé 11 et les
relations sociales12 des victimes. Au niveau de l’enseignement supérieur, quelques cas de
sanctions administratives sont recensés13. L’on observe par ailleurs qu’au-delà du harcèlement
sexuel, les filles et les femmes sont surtout victimes de harcèlement sexiste lié notamment aux
représentations stéréotypées qui se forgent dès la prime enfance chez les garçons et les filles,
représentations dont il conviendrait de toute évidence de sanctionner pour une effectivité
optimale du droit à l’éducation de la femme.
Enfin, la puissance paternelle (ou autorité parentale) constitue une autre mesure
dissuasive mise en place par le législateur camerounais. Selon le Code civil et l’ordonnance du
29 juin 1981, les parents ont l’obligation de veiller à l’éducation de leurs enfants mineurs non
émancipés. En cas de défaillance ou de carence, ils s’exposent à des sanctions qui peuvent aller
de la déchéance totale ou partielle de leurs prérogatives (art. 31.4, CP cam) à des mesures de
surveillance et d’assistance éducative.
Quoi qu’il en soit, l’égalité implique aussi la mise en place de politiques différenciées
tenant compte des spécificités entre les sexes ; la promulgation des lois indifférenciées entre les
deux sexes ne suffisant pas toujours à instaurer in concreto le droit à l’éducation de la femme
c’est-à-dire un droit à l’éducation sans discrimination. En réalité, la question de la
fondamentalité du droit à l’éducation de la femme masque le début d’un réquisitoire sur sa
preuve avec en ligne de mire l’interrogation que celle-ci serait illusoire, ou du moins galvaudée.

II. Une fondamentalité galvaudée ?

11
Cf. : l’anxiété, la dépression, les troubles de sommeil, de la concentration, la peur, la honte, etc. 169
12
Voir : la perte de l’estime de soi, l’isolement, la méfiance vis-à-vis de l’entourage, etc.
13
Décision N° 18130589/MINESUP/SG/DAJ du 16 Juillet 2013 portant sanction disciplinaire à l’encontre de M.
Njiale Pierre Marie, maître de conférences, enseignant à la Faculté des sciences humaine et vacataire à l’Ecole
normale supérieure de l’Université de Yaoundé I. L’enseignant est sanctionné d’une suspension temporaire de
quatre années académiques pour les motifs pour les motifs suivants : 1) Harcèlement sexuel, moral et
psychologique des étudiants ; 2) Manquement aux obligations professionnelles d’encadrement des étudiants ; 3)
atteinte à la dignité et à la déontologie universitaires par monnayage des prestations académiques ; 4) Violation
grave des droits spécifiques des étudiants visé par le statut commun des étudiants des institutions universitaires
publiques.
Dans l’ordre juridique camerounais, tous les droits humains sont fondamentalement de
même nature, complémentaires et interdépendants. À cette universalité des droits de l’Homme
devrait logiquement correspondre l’unité de régime juridique, et notamment celle de leur
justiciabilité nécessaire à l’effectivité des droits proclamés. Le CoDESC observe à ce propos
qu’au-delà de l’égalité théorique exprimée dans les dispositions constitutionnelles, les textes de
loi et les politiques gouvernementales, l’article 3 du Pacte prescrit l’égalité concrète des
hommes et des femmes du point de vue de l’exercice des droits proclamés (Obs. gén. n° 16 :
2005). Pourtant, dans sa mise en œuvre, la fondamentalité du droit à l’éducation semble
compromis à la fois par le paradoxe de sa justiciabilité (II.1) et par la minimisation des autres
mesures aptes à le rendre effectif (II.2).

II.1. Le paradoxe de la justiciabilité du droit à l’éducation sans discrimination


La possibilité d’obtenir le respect d’un droit en justice est une condition évidente de son
effectivité. Or, cette justiciabilité est régulièrement contestée aux droits sociaux par une partie
de la doctrine juridique (Mathieu et Verpeaux, 2002 : 274). À la lisière de ces débats, le système
juridique camerounais lie intimement la question de la justiciabilité des droits sociaux à leur
fondamentalité, autorisant par là même, un contrôle juridictionnel des obligations de l’État pour
tous les droits constitutionnalisés, tout en subordonnant leur satisfaction à l’effort national, à
l’assistance et la coopération internationales, compte tenu de l’organisation et des ressources
disponibles (art. 22, DUDH ; art. 2.1, PIDESC). En d’autres termes, si la Constitution organise
la protection du droit à l’éducation sans discrimination en mettant en place des garanties
juridictionnelles (II.1.1), la spécificité de la mise en œuvre de ce droit impose un impérieux
respect de la séparation des pouvoirs entre l’exécutif, le législateur et le juge (II.1.2).

II.1.1. L’existence de garanties juridictionnelles


La Constitution donne respectivement aux juges constitutionnels et ordinaires le pouvoir
à la fois de protéger les droits fondamentaux qu’elle proclame (art. 46) et de rendre justice en
cas de violation (art. 37).
Au niveau de la justice constitutionnelle, la protection du droit à l’éducation est assurée
à travers le contrôle de la constitutionnalité des lois, mécanisme qui selon le doyen Vedel, met
en cause « la conformité ou la non-conformité d’un texte de valeur législative aux normes de
valeur constitutionnelle définissant les droits individuels ou sociaux et les libertés publiques »
(Vedel, 1988 : 149). Il s’ensuit que les lois ordinaires doivent être élaborées sur la base de la
Constitution et se conformer à ses dispositions. Concrètement, les lois garantissant l’effectivité
170
du droit à l’éducation sans discrimination telles que la loi du 14 avril 1998 et celle du 16 avril
2001 doivent être conformes à la Constitution et le juge constitutionnel, garant des droits
fondamentaux est tenu de s’en assurer. On regrettera, toutefois, que cette exigence ne concerne
que les lois non encore promulguées puisque seul le contrôle a priori de la constitutionnalité
des lois est prévu en droit camerounais. Sans doute, sera-t-il attendu du juge constitutionnel,
une interprétation audacieuse en vue d’une meilleure justiciabilité des droits sociaux (Boni,
2011 : 258).Mais là encore, l’on déplorera la compétence restrictive du Conseil constitutionnel
camerounais en ce que sa saisine demeure fermée au citoyen pourtant très souvent la victime
principale des violations (Degni-Segui, 2001 : 77). Cette impossibilité pour le citoyen d’accéder
au juge constitutionnel par voie d’exception ou même par voie de requête directe n’est
certainement pas protectrice des droits fondamentaux. À titre de droit comparé béninois, tout
citoyen peut saisir la Cour constitutionnelle sur la constitutionnalité des lois, soit directement,
soit par la procédure de l’exception d’inconstitutionnalité invoquée dans une affaire qui le
concerne devant une juridiction (art. 117, Const. bén) ; cette dernière étant tenu de surseoir
jusqu’à la décision de la Cour constitutionnelle (art. 122, Const. bén). Dans la perspective d’une
garantie réelle du droit à l’éducation sans discrimination, et plus généralement des droits
fondamentaux, il semble opportun d’insister sur la nécessité d’instaurer dans notre pays un
système performant à la fois de contrôle de constitutionnalité des lois s’inspirant notamment de
l’exemple béninois (auto saisine et saisine élargie à toute personne, contrôle a priori et a
posteriori, QPC) et de garantie du statut du juge constitutionnel en terme d’indépendance
institutionnelle et financière (Olinga, 124).
En sus de la garantie constitutionnelle du droit à l’éducation sans discrimination,
plusieurs instruments internationaux relatifs aux droits humains prévoient un recours en cas de
violations des droits qu’ils proclament (art. 8, DUDH ; art. 7.1, CADHP ; art. 27, PA-CADHP).
Il existe donc un droit d’action international de l’individu lui permettant de faire respecter
l’exercice effectif de son droit à l’éducation sans discrimination et, éventuellement d’obtenir
réparation si la violation est établie. Une femme peut donc, après épuisement des voies de
recours internes, se prévaloir devant la Cour ADHP de la violation de son droit à l’éducation.
Ce qui pourrait contribuer à l’émergence d’un contentieux social devant la juridiction régionale
africaine. À titre de droit comparé, l’on indiquera que c’est via les droits à la non-discrimination
et à un procès équitable que la Cour EDH a développé une protection plus efficace des droits
sociaux (Sudre, 2000 : 28). En attendant une saisine de la Cour africaine, l’on doit à la Com
ADHP, organe quasi-juridictionnel, une jurisprudence audacieuse et précurseur en matière de
droit à l’éducation, même si elle ne concerne pas spécifiquement le droit à l’éducation de la
171
femme. Dans ses communications 25/89, 47/90, 56/91 et 100/93 d’octobre 1995, elle a conclu
que la fermeture pendant deux ans des universités et des écoles secondaires dans l’ancien Zaïre
constitue une violation grave et générale du droit à l’éducation inscrit dans la CADHP. Bien
plus, dans l’affaire Social and Economic Rights Action/Center for Economic and Social Rights
(SERAC and CESR) c/ Nigeria, la Commission a confirmé « le devoir de respecter la jouissance
des droits économiques, sociaux et culturels » (Com ADHP, SERAC et CESR c. Nigeria, Communication
n° 155/96, 13-27 octobre 2001).

Au plan interne, la Constitution garantit la possibilité pour les justiciables d’invoquer


les normes internationales protectrices des droits humains directement devant les juges
ordinaires à travers un contrôle a posteriori (art. 45, Const.). Et c’est dans les arrêts Société
anonyme des Brasseries du Cameroun du 29 décembre 1994 (CS, 29 décembre 1994, arrêt
n°02/A) et Michel Zouhair Fadoul du 15 juillet 2010 (CS, 29 décembre 1994, arrêt n°02/A,)
que la Cour suprême a reconnu respectivement au juge administratif et judiciaire le pouvoir de
sanctionner la violation d’une convention internationale. Il convient cependant de souligner que
cette garantie juridictionnelle présente quelques faiblesses en matière de protection du droit à
l’éducation sans discrimination : d’une part, il ne peut intervenir que dans le cadre d’une
instance en cours et d’autre part, les décisions qui en découlent n’ont qu’une autorité relative
de la chose jugée. Cependant, l’action en contrôle de conventionalité est renforcée par
l’obligation pour les juges ordinaires de rendre justice dès lors qu’ils sont saisis d’une requête
alléguant la violation d’un droit protégé par les lois nationales sous peine de déni de justice (art.
6, C. civ). À ce stade, se pose la question de l’étendue de ces garanties juridictionnelles avec le
risque que celles-ci confèrent au juge un rôle interventionniste qui concurrencerait celui du
législateur et du gouvernement. Cette question suggère à tout le moins que la justiciabilité du
droit à l’éducation impose le respect impérieux de la séparation des pouvoirs.

II.1.2. L’impérieux respect de la séparation des pouvoirs


Les textes internationaux exhortent les États parties à assurer l’effectivité du droit à
l’éducation par voie de législation ou par d’autres moyens appropriés ; conférant ainsi le choix
des modalités de mise en œuvre des droits sociaux en général aux pouvoirs législatif et exécutif.
Il est donc clair malgré l’arbitrage du juge constitutionnel et le contrepouvoir du juge ordinaire
que c’est bien le législateur qui est en charge du quotidien. En droit européen par exemple, le
juge ne peut obliger l’État à créer un système éducatif déterminé ni à accueillir les préférences
linguistiques (Cour EDH, 23 juillet 1968, Linguistique Belge, Série A n° 6) à la condition,

172
toutefois, que cette inaction ne porte pas atteinte à la substance même du droit à l’éducation
(Cour EDH, 10 mai 2001, Chypre c/ Turquie, n° 25781/94
La réalisation du droit à l’éducation de la femme implique, en effet, que l’État déploie et mette
en action des moyens (financiers, humains et matériels) significatifs. L’on relèvera cependant
que la contribution de l’État camerounais au financement de l’éducation (15% des dépenses
publique en 2015) par rapport à d’autres pays de niveau de développement similaire ou inférieur
(par exemple Togo 20% en 2012 (CEDAW/C/TGO/CO/6-7, §30)reste relativement faible pour couvrir
le coût d’une éducation de qualité. Aussi, le Comité pour l’élimination des discriminations à
l’égard des femmes (CoEDEF) lui a-t-il spécifiquement recommandé « d’allouer des ressources
budgétaires nécessaires aux programmes visant à faciliter l’éducation des enfants en particulier
les filles » et « d’accorder des avantages spécifiques aux parents qui envoient leurs filles à
l’école tels que des micro-crédits, des subventions pour alléger les tâches ménagères ou des
bourses ». Parallèlement, l’article 2.1 du PIDESC autorise la réalisation progressive des droits
sociaux, compte tenu des circonstances et des ressources disponibles. Avec l’affaire Purohit et
Moore c/ Gambie, touchant au droit à la santé, la Com ADHP a eu l’occasion d’affirmer,
nonobstant le problème de pauvreté rendant les États africains incapables de fournir les
équipements, infrastructures et ressources nécessaires à la pleine jouissance des droits sociaux,
que ceux-ci ont l’obligation « de prendre des mesures concrètes et sélectives tout en tirant
pleinement profit des ressources disponibles, en vue de garantir que le droit à la santé est
pleinement réalisé sous tous ses aspects, sans discrimination d’une quelconque nature » (Com
ADHP, 29 mai 2003, Communication 24/01). Le raisonnement de la Commission africaine serait sans
conteste le même relativement au droit à l’éducation. En réalité, cette atténuation des
obligations de l’État à garantir le droit à l’éducation sans discrimination est aujourd’hui
doublement encadrée.
D’une part, le CoDESC exige que l’État agisse (obligations de protéger et de mettre en
œuvre) pour assurer progressivement le plein exercice du droit à l’éducation sans discrimination
et aussi qu’il ne prenne pas de dispositions pour en retarder ou en supprimer la jouissance
(obligation de respecter). Il s’ensuit que si l’État supprime, restreint ou limite le contenu des
droits déjà garantis, il commet une violation du droit à l’éducation. En l’occurrence, l’État ne
peut adopter ou omettre d’abroger des mesures restreignant l’accès à l’enseignement à certaines
catégories de personnes telles que les filles. Il existe, à ce sujet, un large consensus sur le
contenu minimal du devoir qui incombe à l’État, à savoir fournir un enseignement primaire
universel, gratuit et obligatoire (Obs. gén. n°13). Concernant plus particulièrement la gratuité,
il faut noter que l’obligation de l’État de respecter, protéger et mettre en œuvre varie en fonction
173
du type d’enseignement : impérative pour le primaire, elle est seulement considérée comme un
moyen permettant de généraliser l’enseignement secondaire et supérieur (Obs. gén. n° 13).
D’autre part, afin d’éviter que sous des prétextes fallacieux, l’État ne se réfugie derrière
l’absence ou l’insuffisance de ressources, le CoDESC a imposé aux États diverses obligations
ayant un effet immédiat. Il en est ainsi de l’article 3 [droit égal de l’homme et de la femme au
bénéfice de tous les droits économiques, sociaux et culturels] et de l’article 13, paragraphe 2
[droit à l’enseignement primaire gratuit], du paragraphe 3 [liberté des parents de choisir l’école
de leurs enfants] et du paragraphe 4 [liberté des individus et des personnes morales de créer des
établissements d’enseignement] (Obs. gén. n° 3). À ce titre, il est exclu que l’État reste inactif,
sous peine de voir sa responsabilité engagée. Cette mise en évidence des obligations du
législateur enrichit sans aucun doute la notion de protection et celle de justiciabilité du droit à
l’éducation de la femme.
Au fond, l’État partie doit non seulement adopter des lois et politiques qui garantissent
les mêmes critères d’admission pour les garçons et les filles quel que soit le niveau
d’enseignement, mais faire aussi en sorte que les familles renoncent à donner la préférence aux
garçons lorsqu’elles scolarisent leurs enfants et veiller à ce que les programmes d’enseignement
encouragent l’égalité et la non-discrimination. Ce qui n’est pas toujours le cas au Cameroun où
les autres mesures complémentaires participant à l’effectivité du droit à l’éducation de la femme
ont été largement minimisées par les pouvoirs publics.

II.2. La minimisation des garanties extra-juridiques inclusives des genres


Conscients de ce que la marginalisation éducative est le produit d’un ordre social
inégalitaire, les textes internationaux détaillent très précisément les domaines du système
éducatif qui doivent être protégés sur la base de l’égalité entre les sexes et au-delà entre les
genres. Pour ce faire, les États doivent, en sus des garanties législatives et juridictionnelles,
prendre toutes autres mesures visant à éliminer tous les stéréotypes qui perpétuent cette
discrimination à l’encontre des femmes. Pourtant, force est de constater que l’État du Cameroun
n’implémente pas suffisamment ces actions éducatives sensibles aux genres (II.2.1), ce qui
impose d’apprécier à leur juste valeur les actions sociales entreprises par des acteurs privés à
l’instar de la première Dame du Cameroun (II.2.2).
II.2.1. Une insuffisante implémentation des actions éducatives sensibles aux genres
De manière générale, les actions envisagées par les pouvoirs publics doivent viser à
combattre les disparités persistantes dans différents champs de l’éducation à savoir : l’accès au
système éducatif, la réduction du taux d’abandon scolaire, la sécurisation des écoles,
174
l’éducation à la sexualité responsable, la formation et le recrutement des enseignantes de sexe
féminin et l’implication des familles, de la communauté. Rappelons que notre système éducatif
reflète bien souvent des relations de pouvoirs enracinés dans la société et c’est à ce titre que les
jeunes filles y sont peu ou pas interrogées, souvent orientées vers des formations non
scientifiques, et sont plus que les garçons victimes de violences diverses. Il est évident que
l’État doit lutter contre les causes systémiques et structurelles de la discrimination en protégeant
les femmes contre les pratiques patriarcales qui les détournent du système éducatif.
Analysant le rapport de l’État du Cameroun, le CoDESC prescrit de prendre des mesures
temporaires spéciales pour s’assurer que les filles aient le même accès que les garçons à l’école.
Concrètement, cela signifie qu’au-delà des dispositions légales asexuées des conditions d’accès
aux études à tous les niveaux et d’obtention de diplôme, l’État doit instaurer un environnement
favorable pour garantir notamment la sécurité des enfants, en particulier des filles, sur le trajet
de l’école. Il s’agit aussi d’améliorer les installations scolaires y compris dans les zones rurales
en nombre d’écoles, de classes et de places disponibles. Surtout ces équipements doivent
intégrer les préoccupations spécifiques des femmes avec notamment l’installation des sanitaires
non mixtes afin de préserver leur intimité et leur sécurité. L’on observe également que les
situations de handicaps et d’urgence accroissent inéluctablement les risques d’exclusion des
filles du système éducatif. D’après une étude récente effectuée en Afrique de l’Ouest, les filles
handicapées sont davantage sujettes à l’isolement, à la stigmatisation et à la discrimination.
Elles ont plus difficilement accès à l’éducation et à d’autres possibilités de participer à la vie
communale et sont particulièrement exposées au risque d’abus, y compris à la violence sexuelle
sous ses diverses formes. Parallèlement, la proportion d’enfants non scolarisés qui vivent dans
des pays touchés par un conflit est passée de 30% en 1999 à 36% en 2012. Les exactions du
groupe terroriste Boko Haram pose sans conteste d’énormes problèmes de sécurité dans
l’Extrême-nord du Cameroun avec le spectre de l’enlèvement de plus de 200 jeunes filles d’une
école de la communauté Chibok de l’État de Borno, preuve ultime d’agression contre
l’éducation des femmes. Il va s’en dire que certaines familles enfreignent le droit à l’éducation
de leurs filles dans un souci de les protéger des diverses agressions perpétrées parfois par des
enseignants et les camarades aussi bien au sein des établissements que sur le trajet de l’école.
L’État doit donc assurer leur sécurité à la fois par la prévention et la répression.
Il faut également noter que le constat des inégalités entre les genres concerne autant les
élèves que les enseignantes, lesquelles sont sous-représentées dans les établissements. L’on
observe en effet une faible représentation des femmes enseignantes dans les salles de classe.
Or, il existe un lien entre la présence d’enseignantes compétentes dans un établissement
175
d’enseignement et la performance des filles. Plusieurs études ont démontré que la faible
représentation des femmes enseignantes dans les salles de classes surtout dans les zones rurales
impacte négativement sur le taux de scolarisation des élèves de sexe féminin, ce d’autant plus
que l’identification entre les élèves et les enseignants facilite la transmission des connaissances.
De ce point de vue, il peut être opportun de suivre l’initiative prise par l’UNESCO visant à
réduire les disparités entre les genres dans les instituts de formation à travers une préparation
spécifique des femmes et la création des conditions à la fois pour un meilleur accès et pour leur
maintien dans ces écoles de formation (Grosbon : 283). Les différentes « mesures de
discriminations positives » recommandées par le CoEDEF afin de former et recruter des
enseignants de sexe féminin s’avèrent particulièrement opportunes. Ces programmes spéciaux
s’adressent aussi aux enfants autochtones et nomades notamment à travers l’adoption d’un
calendrier scolaire adapté. Aussi, le CoDESC recommande-t-il « de sensibiliser les
communautés, les familles, les étudiants, les enseignants et les décideurs, en particulier les
hommes, à l’importance que revêt l’instruction des femmes et des filles » (Cameroun, 2014,
CEDAW/C/CMR/CO/4-5, §27). On pense également à la nécessité de renforcer les programmes
d’alphabétisation des femmes particulièrement en zone rurale. Les politiques en ce sens se
doivent donc d’être pragmatiques et efficaces et reposer sur une démarche axée sur les résultats.
Et c’est précisément dans le cadre de ces mesures correctives que s’insèrent les actions sociales
de la Première dame ; actions venant en appui à l’action des pouvoirs publics en matière
d’éducation.

II.2.2. Un apport appréciable des actions de la première dame en matière


d’éducation
La fondamentalité d’un droit s’apprécie aussi par son degré de réalisation, son
effectivité. Comme il a déjà été indiqué, cette responsabilité incombe en premier ressort à l’État.
Pourtant, l’on constate dans notre environnement socioéconomique que les salles de classes
sont surpeuplées, mal équipées. En même temps, les enseignants qualifiés et la capacité
d’accueil des élèves restent insuffisants, ce qui a des conséquences indéniables sur la qualité de
l’enseignement. Il est clair aussi que si l’insuffisance des ressources ne constitue pas un fait
justificatif de la non réalisation du droit à l’éducation, c’est précisément parce que les textes
internationaux soulignent que toute personne « est fondée à obtenir la satisfaction des droits
économiques, sociaux et culturels indispensables à sa dignité et au libre développement de sa
personnalité, grâce à l’effort national et à la coopération internationale, compte tenu de
l’organisation et des ressources de chaque pays » (art. 22, DUDH). En l’occurrence, par
176
l’expression « effort national », il faut comprendre tous les acteurs publics et privés de la
société, à l’instar des associations, personnes de droit privé, notamment celles mises en place
par la première Dame du Cameroun qui contribue ainsi à travers les initiatives courageuses de
ses associations à la fondamentalité du droit à l’éducation sans discrimination. C’est le cas de
la Fondation Chantal Biya (FCB), des Synergies africaines contre le Sida et les souffrances
(Synergies africaines), du Centre international de recherche Chantal Biya (CIRCB). À ce
propos, l’on a l’esprit deux initiatives phares qui visent à rendre effectif le droit à l’éducation
des enfants et particulièrement des filles :
D’abord, la construction et la rétrocession au Ministère de l’éducation de base
(MINEDUB) des écoles de la chaine des Champions par la FCB. Cette action permet en effet
de résoudre les problèmes d’accessibilité des jeunes et surtout des filles au système éducatif et
d’abandon scolaire, même si l’on pourrait regretter que « ces écoles d’excellence » bénéficiant
d’un meilleur encadrement pédagogique et fonctionnel (fournitures scolaires à disposition,
meilleure condition de travail des enseignants, infrastructures de qualité, existence de sanitaires,
etc.) créent in fine une discrimination entre les enfants des localités dans lesquelles elles sont
implantées c’est-à-dire entre ceux qui auront le privilège d’accéder à ces « écoles champions »
et les autres qui devront se contenter des écoles publiques que l’on pourrait qualifier par
analogie des « écoles perdants ». Aussi, l’État devra-t-il reprendre le flambeau en proposant à
la population des écoles de standing identique en construisant et en réhabilitant des écoles au
minimum du standing de celles de la FCB, en veillant à ce que le matériel didactique soit fourni,
et que les enseignants hommes et femmes soient formés et payés.
Ensuite, les campagnes nationales de sensibilisation et de formation des enseignants du
primaire à l’éducation au VIH/SIDA entreprises conjointement par le MINEDUB, le CIRCB et
l’UNESCO ainsi que le programme « Vacances sans Sida ». Ces actions participent de
l’éducation à la sexualité responsable permettant, de ce fait, aux jeunes filles de mener une
sexualité saine et responsable et de les doter de connaissances, compétences, attitudes et valeurs
dont elles ont besoin pour déterminer leur sexualité et s’y épanouir (à travers des programmes
d’éducation préventive VIH/SIDA et d’éducation sexuelle). Si ces actions multiformes de la
première Dame, Ambassadrice de bonne volonté de l’UNESCO depuis le 14 novembre 2008,
contribuent sans conteste à l’effectivité du droit à l’éducation, il n’en demeure pas moins,
qu’elles restent et doivent d’ailleurs restées périphériques (en complément); la responsabilité
première et principale incombant à l’État, garant du respect des droits fondamentaux. L’on est
donc rassuré d’entendre la secrétaire exécutif de la FCB rappeler qu’à travers la construction
des écoles de la chaîne des Champions, « la première Dame du Cameroun voudrait contribuer
177
à l’éducation et à l’épanouissement de la jeunesse camerounaise et venir ainsi en appui à
l’action gouvernementale en matière d’éducation » 14.

*****
En guise de conclusion, l’on observe avec l’UNESCO que depuis l’adoption de
l’Éducation pour tous (EPT) et des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) en
2000, l’accès à l’éducation a augmenté de manière significative en Afrique subsaharienne
notamment en termes d’expansion des taux de scolarisation au primaire et au secondaire, et de
l’égalité des genres (Unesco, 2013 : 5). Pourtant dans de nombreux cas encore, les femmes et
les filles sont victimes de discrimination à la fois dans l’accès à l’instruction et dans la
répartition des ressources économiques et sociales, de sorte que la lutte contre l’analphabétisme
des jeunes filles et des femmes est sans conteste un enjeu primordial pour les droits
fondamentaux plus précisément le droit à l’égalité des sexes. Au fond, si le droit à l’éducation
des femmes, « Hommes faibles » parce que marginalisées dans la société camerounaise, il n’est
certainement pas dans notre système juridique « un droit pauvre »15.

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14
Cameroon-Info.Net, 29 mai 2005, Allocution à la cérémonie de réception et de rétrocession de l’école publique 178
« les Champions FCB » de Memian.
15
Voir : Droits des pauvres, pauvres droits ? Recherche sur la justiciabilité des droits sociaux, (ss dir) Roman,
Centre de Recherches sur les droits fondamentaux (CREDOF), Université Paris Nanterre, 2010 ; P-H. Imbert, «
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180
Le droit à la famille au Cameroun. Dr. NDJOLO VODOM Frank Elvis1, Enseignant-
chercheur, Université de Yaoundé II

Résumé :

Les droits fondamentaux sont conçus comme un ensemble évolutif de droits dont l’importance
les rend à la fois opposables à tous, mais également portables, et quérables par tout individu.
Parmi ces droits, figure un Droit Économique et Social d’apparition récente : le droit à la
famille, dont le contenu autant que le cadre légal, peinent à être clairement définis. En Droit
international et comparé, sa construction est le fruit d’une évolution juridique et judiciaire bien
élaborées. Ce qui n’est pas encore le cas en droit interne où sa formulation reste perfectible.

Mots clés : Famille– Droit écrit – coutume – codification – Droit Fondamental

Summary :

The fundamental rights are conceived as an evolutionary set of rights whose importance make
them opposable to everyone and payable to any individual. Among these rights, exists an
economic and social right of recent appearance : the right to a family which contents as much
as its legal frame are not clearly defined. In International and comparative Laws, its formulation
is the result of a well elaborated judicial and legal evolution. It is not yet the case in Internal
Law, where its formulation remains perfectible.

Keywords : Family – Statutory Law– custom – codification – Fundamental Right

1 Enseignant–chercheur à la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques (FSJP) de l’Université de Yaoundé II Soa 181
(Cameroun).
INTRODUCTION

L’abondante littérature juridique consacrée à la théorisation des Droits Fondamentaux


traduit l’intérêt sans cesse renouvelé que leur évocation suscite au sein de la communauté
juridique. Les Droits Fondamentaux préoccupent à tel point la Doctrine qu’elle se propose de
les définir comme : « […] un ensemble de droits et de garanties que l’ordre constitutionnel
reconnait aux particuliers dans leurs rapports avec les autorités étatiques. Ces droits sont
« fondamentaux », d’une part parce ce qu’ils se rapportent à l’homme qui est le fondement de
tout droit, et, d’autre part parce que les conséquences de leur reconnaissance traversent ou
devraient traverser tout l’ordre juridique. » (Rocard, 1990 : 317). De ce fait, proposer une
réflexion transversale sur certains aspects des Droits Fondamentaux expose l’auteur d’une telle
tentative à deux risques.
Le premier serait celui de la redite aussi maladroite que surabondante, pour ne pas
évoquer le terme de plagiat. Ce qui se comprend aisément à la considération tant de la grande
quantité, que de la qualité certaine des travaux effectués sur le sujet. Le second écueil, et non
des moindre à contourner, se résume à ce qu’il conviendrait de nommer sans ambiguïté celui
du charlatanisme intellectuel. Ce second obstacle est tout aussi aléatoire à éviter que le premier,
à la considération de la transversalité des Droits Fondamentaux. Cela d’autant plus que
l’approche scientifique des Droits de l’Homme par le juriste, l’astreint à une exigence
supplémentaire de neutralité axiologique (Kelsen, 1962 : 62), compte tenu des valeurs
sociétales attachées au Droit. Cette neutralité est d’autant moins évidente à observer que le
Droit a souvent vocation à déconstruire les institutions sociales, pour les reconstruire selon son
propre système de fonctionnement, à l’instar de la famille.
À l’observation des deux écueils qui viennent d’être évoqués, la proposition d’une
approche novatrice des droits fondamentaux s’avère périlleuse à nul pareil, si ce n’est
intellectuellement suicidaire. Sous une telle configuration, le traitement de la question les Droits
Fondamentaux sous le prisme de l’action sociale de la Première Dame du Cameroun est une
aubaine épistémologique pour les chercheurs africains en sciences sociales qui se proposent de
le faire. Partant de ce constat, l’opportunité d’une réflexion scientifique sur une telle question
à l’occasion de ce Colloque, se justifie doublement.
La première justification d’une étude de ce type, réside dans l’absence de réflexion
sérieuse sur le statut juridique des Premières Dames africaines. Une telle carence, paraît peu
compréhensible, au regard de leur dynamisme au sein de la société civile. Ce vide s’explique
d’autant moins aisément que : « Le droit doit être en mesure d’influencer effectivement la

182
réalité sociale, au moyen d’un savoir adéquat des enchaînements de causalité propres à la
situation régulatoire. » (Teubner, 1992 :1149). La seconde explication qui est corrélée à la
première, part de la relative jeunesse des États africains au sein desquels l’édification d’une
théorie locale des Droit fondamentaux reste à entreprendre voire à parfaire.
En Afrique noire plus qu’ailleurs, le questionnement sur les droits fondamentaux
pourrait indirectement se formuler de la manière suivante : « Il s’agit de savoir quels sont les
droits qui nous appartiennent par ce fait seul que nous existons, c’est–à–dire que nous sommes
des hommes, et que toutes les lois, toutes les institutions, de quelque nature qu’elles puissent
être, à quelque origine qu’on les fasse remonter, ont pour but de développer et de défendre
[…] » (Franck, 1886 :13). Cette interrogation sur les Droits fondamentaux est d’autant plus
préoccupante que Droit à la famille, n’est pas neutre d’enjeux dans cette région du monde.
Problématiser l’existence comme la jouissance du Droit à la famille conduit à repenser
la notion de société à son sens traditionnel. Toutefois, l’étude du Droit fondamental à la famille
aussi spécifique qu’elle puisse être, ne saurait faire l’économie de quelques précisions
terminologiques. De prime abord, la définition des droits fondamentaux effectuée par le lexique
des termes juridiques peut laisser perplexe. Ils y sont conçus comme un ensemble évolutif de
droits subjectifs dont l’importance les rend à la fois opposables à tous, portables, et quérables
par n’importe quel sujet de Droit. Aussi, l’unicité apparente du régime juridique de protection
des Droits de l’Homme, s’accommode mal d’une conception globalisante de toutes les
prérogatives qu’ils contiennent. En réalité, les évoquer revient à évoquer distinctement deux
prérogatives, elles aussi fondamentales.
Il s’agit originellement des Droits de l’Homme d’un côté, et des Droits Économiques
et Sociaux de l’autre. Si la compréhension fût–elle superficielle, du contenu de ces deux
catégories de Droits semble tomber sous le sens au XXI ème siècle, à quiconque qui y ferait
allusion, il n’en pas toujours été ainsi. L’autonomisation des Droits économiques et sociaux de
la catégorie générique des Droits de l’homme, puis leur sédimentation en un corpus autonome
de droits subjectifs universellement reconnus, est le fruit d’une évolution tant juridique que
judiciaire bien élaborées (Minkoa She, 1999 :1–16).
À cette première génération de Droits Fondamentaux, se sont progressivement ajoutés
de nouveaux Droits. Ces droits dénommés de deuxième 2, et de troisième générations3, sont

2 L’identification et la délimitation des Droit Fondamentaux en générations différenciées s’explique par des raisons historiques. 183
Leur invention résulte de l’addition de prérogatives subjectives reconnues progressivement à tout homme, puis à l’espèce
humaine dans son intégralité.
3 Les Droits fondamentaux de deuxième génération sont les droits proclamés à partir du préambule de la Constitution française

de 1848, et des Constitutions françaises postérieures à celle de 1945. De nombreux autres États d’expression française s’en
sont inspirés pour intégrer les Droits qui y ont été sanctionnés, dans leurs propres législations nationales.
apparus au fil des mutations sociétales intervenues aussi bien en Occident, que dans le reste du
monde. C’est ainsi que sont nés au courant des années mil–neuf–cent soixante–dix, une
catégorie sui generis : les droits dénommés « Économiques et Sociaux » (DESC). D’après la
définition qui en est donnée par le Conseil de l’Europe : « Ces droits touchent à la façon dont
les individus vivent et travaillent ensemble, ainsi qu’aux besoins fondamentaux liés à la vie. Ils
reposent sur les idées d’égalité et d’accès garanti aux opportunités et aux biens et services
essentiels dans les sphères économique et sociale. » (Conseil de l’Europe 2012 : 321).
Il paraît d’une part envisageable de décrire les Droits Économiques et Sociaux d’abord
comme constituant des droits–créance, des droits de statut positif. Autrement formulée, cette
idée traduit le fait que ces droits–créance sont des prérogatives qui supposent « une action
positive de l’État » (Favoreu, 2016 : 362). L’action étatique est la condition indispensable de
leur jouissance, et de leur exercice par les sujets de droit qui en sont titulaires. De ce fait, les
prestations qui découlent des droits–créance ne sont qu’exigibles à l’État, et réalisées par celui–
ci.
Il convient d’autre part de les rattacher aux droits subjectifs, reconnus aux personnes
physiques, en action dans leur milieu social. De surcroît, il s’avère de surcroît plausible
d’invoquer à l’appui de cette idée, le raisonnement selon lequel : « […] ces droits supposent
non une abstention, mais une intervention de la puissance publique propre non seulement à les
garantir, mais aussi à assurer leur mise en œuvre effective par la création de régimes juridiques
ou d’institutions leur donnant une portée concrète (établissements scolaires, hôpitaux, sécurité
sociale, etc.). » (Favoreu, 2016b : 362).
Sans préjudice de l’intérêt à la fois théorique et pratique qu’une étude précise de
chacun des DESC pourrait présenter, seul l’un d’entre eux sera traité dans la présente
contribution : le Droit à la famille. L’objet de réflexion que constitue la famille est défini
juridiquement comme l’ « ensemble des personnes descendant d’un auteur commun et
rattachées entre elles par le mariage et la filiation » (Guillien, Vincent, Guinchard,
Montagnier, 2001). En Droit, le critère d’appartenance d’une collectivité d’individus au groupe
familial réside dans l’existence de liens interpersonnels de sang, et, ou, d’alliances. Ces deux
critériums de constitution de la famille se conçoivent sans accroc dans le contexte occidental
au sein duquel le groupe familial est restreint au couple marié. Dans ce cadre, le couple marié
repose sur une union non fictive4 et légale.

4En droit français, l’absence de fictivité du mariage découle de l’exigence d’un consentement libre et éclairé. Ce que l’article 184
146 du Code civil rappelle en ces termes : « Il n’y a pas de mariage lorsqu’il n’y a point de consentement. ».
La conception traditionnelle de la famille européenne comprend le couple marié qui
se compose des deux conjoints, ainsi que des enfants conçus et éduqués par lui 5 (Mbaye, 1968 :
117–118). Cependant, cette conception de la famille classique européenne a évolué sous l’effet
de nombreux facteurs, lesquels ont conduit à l’émergence de familles soit monoparentales, soit
recomposées.
En Afrique noire, la transcription intangible de cette conception n’est pas
raisonnablement envisageable, en dépit du fait que quelle que soit la culture le fait de : « Fonder
une famille, c’est sortir de la solitude » (Carbonnier, 1993 : 28). La généralisation des mariages
interethniques, multiconfessionnels, multinationaux amène à repenser le modèle originel de
famille à parenté lignagère camerounais. Cette réorganisation s’avère d’autant plus essentielle
que la famille, qu’elle soit qualifiée d’étendue, voire de restreinte, est à la base de la société
dans la plupart des cultures africaines. Un des fondements de cette conception vient du fait que :
« […] le mariage en Afrique est une union entre deux familles avec tout ce qu’il comporte en
termes d’imbrication permanente entre les interstices des familles impliquées. » (Moluh,
2013 :155–169). En abordant une perspective sociologique, l’observation de la famille africaine
paraît conduire à un double constat.
Le premier, découle de la disparition du modèle uniforme des structures patrilinéaires
originelles au profit de structures hybrides. Cette hybridation du modèle familial est
juridiquement protéiforme. Cette hybridation procède d’une actualisation des dispositions
législatives nationales relatives à la famille, doublée d’une réception mesurée de certaines
institutions et concepts traditionnels par le droit positif (Braud, 2004 : 145).
Le second constat issu de l’observation sociologique de la famille, conduit à
s’interroger sur l’existence d’une définition, et d’un modèle familiaux africains, ou du moins
camerounais. La thèse d’une conception africanisée de la famille fait néanmoins débat car :
« des études récentes montrent que la famille africaine contemporaine est métisse, c’est–à–dire
qu’elle épouse les contours de la famille nucléaire, tout en conservant dans son fonctionnement,
des manières de faire propres aux communautés parentales traditionnelles. » (Kuyu Mwissa,
2005 : 98). Cette opposition entre le nécessaire besoin d’adaptation à l’évolution de la société,
empreinte de valeurs mondialisées d’une part, et l’affirmation de son identité d’autre part,
dépeint véritablement les enjeux du Droit à la famille dans le contexte africain (Mazrui, Wondji,
1998).

5 La composition restreinte du groupe familial oppose la conception européenne de la famille à celle que s’en fait l’africain 185
traditionnel ou moderne. Cette opposition conceptuelle est d’ailleurs présente dans la plupart des pays africains
indépendamment de leur langue d’expression.
Au sens du Droit européen des Droits de l’Homme, la vie privée et familiale
désigne : « […] la sphère intime des relations personnelles, à savoir l’intégrité physique et
morale de la personne, ainsi que la vie sexuelle. » (Renucci, 2002a : 154–155). La connexité
volontaire du Droit à la famille au Droit à la vie privée et familiale, résulte d’une construction
conjointe du législateur et du juge communautaires des Droits de l’Homme. La doctrine
européenne estime sur ce point que : « La notion de vie familiale tient à l’existence de liens de
consanguinité étroits. En définitive, la protection européenne de la vie familiale est très large
et les concepts particulièrement évolutifs. » (Renucci, ibid). Dans l’ordre juridique européen,
l’emploi indifférencié, voire préférentiel du « Droit à la vie privée et familiale » plutôt que celle
du « Droit à la famille », se comprend. Les instruments juridiques qui y garantissent
l’effectivité de ce Droit, ont vocation à gérer l’ensemble des aspects de la vie familiale des
individus.
Sur le continent africain, la reconnaissance et la garantie du Droit à la famille
procèdent de la coopération entre les sources internationales et les multiples sources internes
de ce Droit. Compte tenu de tout ce qui précède, la problématique de cette contribution sera la
définition du contenu et la portée du Droit à la famille au Cameroun. Autrement formulée,
l’interrogation à laquelle cette contribution essaiera de répondre est de savoir s’il existe un Droit
à la famille au Cameroun ? Dans l’affirmative, quel en est le contenu actuel et envisageable en
tenant compte autant du Droit en vigueur, que des législations étrangères ? Surtout, s’il n’est
pas omis que : « la famille africaine qui a la particularité d’être élargie était remise en cause
par la conception restreinte qu’adopte le Code civil, produit de civilisation européenne et du
modernisme qui réduit la famille à l’entité nucléaire. » (Mbarga, 2016 :8). Préalablement à
toute analyse plus approfondie du thème choisi, il convient de lever toute confusion sur
l’éventuelle communauté de champs d’études partagés par le Droit à la famille, avec le Droit
de la famille.
Le Droit de la famille désigne l’ensemble des règles relatives à la formation et à la
dissolution du mariage, ainsi que les droits et obligations qui en découlent. Le Droit à la famille
quant à lui correspond au Droit subjectif de constituer une famille, notamment par le mariage,
et de jouir de toutes les prérogatives légales nécessaires au plein exercice de ce droit.
Nous tenterons de mettre en perspective ces deux droits complémentaires, pour dresser
les caractéristiques du droit à la famille au Cameroun. Dans cette optique, dire que l’existence
du Droit interne de la famille est un prélude à la jouissance du Droit à la famille correspond à
un truisme. Dans ce cadre de recherches, l’analyse des dispositions relatives au droit de la
famille seront abordées en tant que prémisses objectives de la réalisation au plan subjectif du
186
droit fondamental à la famille. Loin d’être une vue de l’esprit, cette approche est proposée par
le Doyen Jean Carbonnnier qui affirme : « Que s’estompe le droit de la famille ; parlons plutôt
d’un droit de l’homme (et de la femme) à la famille : c’est une forme du droit au bonheur
implicitement garanti par l’État. » (2014 :93).
La compréhension et l’explication du Droit de fonder une famille n’ est pas chose
aisée, dans la mesure où le Cameroun vit sous l’empire de trois systèmes juridiques
interconnectés : le Droit civil, la Common Law, et les Droits coutumiers. En dépit de toutes les
difficultés conceptuelles induites par la coexistence de ces trois systèmes juridiques, il est
possible d’esquisser une définition indirecte de la famille. Mêmement, la mise en rapport de la
conception interne de ce droit, avec le contenu qui en est donné par les textes internationaux
ratifiés par le Cameroun sera enfin proposée. Pour ce faire, nous aborderons la mise en place
du Droit à la famille au Cameroun (1), avant d’en présenter le contenu (2).

1. La mise en place du droit à la famille au Cameroun

L’émergence du droit à la famille au Cameroun résulte tant de la réception que de la


contextualisation des instruments supranationaux reconnaissant l’existence de ce Droit
fondamental dans l’ordre juridique camerounais d’un point de vue formel (1.1), mais également
d’un point de vue matériel (1.2).

1.1 La reconnaissance d’un droit camerounais à la famille au plan formel

Au Cameroun, la reconnaissance et la protection du Droit à la famille en Droit interne a


une double source. Elle résulte avant toutes choses, des dispositions constitutionnelles d’une
part, et des engagements internationaux souscrits par le Cameroun qui y ont un effet direct sur
les lois en vigueur 6, d’autre part. Les sources internationales du Droit à la famille tel qu’il est
transposé dans l’ordre juridique interne camerounais, se retrouvent dans les traités
internationaux régulièrement signés et ratifiés. C’est ainsi que l’alinéa premier de l’article 16
de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH) énonce que : « À partir de l’âge
nubile, l’homme et la femme, sans aucune restriction quant à la race, la nationalité ou la
religion, ont le droit de fonder une famille. ». Cette déclaration de principe est d’ailleurs reprise
par le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels7 (PIRDESC), qui

6 L’article 45 de la Constitution du 18 janvier 1996 révisée et complétée par la Loi n°2008/001 du 14 avril 2008 dispose que : 187
« Les traités ou accords internationaux régulièrement approuvés ou ratifiés ont, dès leur publication, une autorité supérieure
à celle des lois, sous réserve pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie. ».
7 Adopté à New–York le 16 décembre 1966, et entré en vigueur le 3 janvier 1976.
a été ratifié par la République du Cameroun le 27 juin 1984 8. Au niveau régional, cette
reconnaissance est comprise dans les stipulations de la Charte Africaine des Droits de l’Homme
et des Peuples (CADHP)9.
L’article 18 alinéa 1er de cette Charte énonce que : « La famille est l'élément naturel et
la base de la société. Elle doit être protégée par l'État qui doit veiller à sa santé physique et
morale. ». La lecture de l’article précité, mène à penser que la famille y est conçue comme une
institution juridique fondamentale pour la cohésion sociale. Ce qui justifie la protection
juridique prévue pour elle par la Charte. Loin de se limiter à la précision du droit régalien au
bien–être familial, la CADHP met à la charge des ressortissants de ses États signataires des
devoirs subjectifs familiaux 10. Parmi les devoirs que doit accomplir l’individu à l’égard sa
cellule familiale figure celui : « De préserver le développement harmonieux de la famille et
d’œuvrer en faveur de la cohésion et du respect de cette famille ; de respecter à tout moment
ses parents, de les nourrir et de les assister en cas de nécessité. »11.
La CADHP ne se contente pas d’édicter des règles qui reconnaissent l’existence
juridique de la famille puisqu’elle prévoit des sanctions aux violations directes et indirectes du
droit à la famille. Les sanctions à la violation de ce Droit sont prévues au plan juridictionnel par
le paragraphe 2 de l’article 10 du Protocole relatif à la Charte Africaine des Droits de l’Homme
et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples 12.
La saisine de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples est ouverte par voie
d’action, à tout requérant justifiant d’une qualité, et d’un intérêt à agir.
Ainsi entendue, la saisine de cette Juridiction s’avère possible de deux manières. La
première opportunité de saisine de la Cour, survient au cours d’une instance juridictionnelle
pendante devant la Cour Africaine des Droits de l’Homme (Atangana Amougou, 2003 :75). La
seconde possibilité de saisine de la Cour Africaine des Droits de l’Homme est quant à elle
possible, comme dans toute instance juridictionnelle, en dehors de tout procès. C’est dans ce
sens que le paragraphe 1er de l’article 27 du Protocole relatif à la Charte africaine énonce que :
« Lorsqu'elle estime qu'il y a eu violation d'un droit de l'homme ou des peuples, la Cour
ordonne toutes les mesures appropriées afin de remédier à la situation, y compris le paiement

8 Ledit Pacte stipule que : « Une protection et une assistance aussi larges que possible doivent être accordées à la famille, qui 188
est l'élément naturel et fondamental de la société, en particulier pour sa formation et aussi longtemps qu'elle a la responsabilité
de l'entretien et de l'éducation d'enfants à charge […] ».
9 Adoptée par la dix–huitième Conférence des Chefs d'État et de Gouvernement du 27 juin 1981 à Nairobi (Kenya). La Charte

Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples a été signée le 23 juillet 1987 par le Cameroun, puis ratifiée le 20 juin 1989
par cet État.
10 C’est dans ce sens que l’article 27 paragraphe 1 de la Charte énonce que : « Chaque individu a des devoirs envers la famille

et la société […] ».
11 Article 29 paragraphe 1er de la CADHP.
12 Adoptée à Ouagadougou (Burkina Faso), le 10 juin 1998.
d'une juste compensation ou l'octroi d'une réparation ». D’un autre côté, la saisine de la Cour,
autrement dit par voie d’action au moment d’une instance juridictionnelle, tend à obtenir la
réparation d’un préjudice résultant de la violation de droits familiaux par un État signataire de
la Charte13. Cette double sanction formelle du Droit à la famille au plan international, est
accompagnée au plan interne d’un double mécanisme de protection juridique.
En droit interne, le Préambule de la Constitution de 199614 tel qu’il a été conservé par
la révision constitutionnelle de 2008 énonce que : « La nation protège et encourage la famille,
base naturelle de la société humaine. ». Conséquemment, cette énonciation claire de la
protection constitutionnelle du Droit à la famille, équivaut à l’incorporer au corpus des droits
et libertés constitutionnellement garantis15. Cette constitutionnalisation du Droit fondamental à
la famille s’accompagne au niveau infra constitutionnel, de la protection légale de l’ensemble
des droits subjectifs liés à la famille. Sur ce point, il ne semble pas inutile de remarquer que
plutôt que d’opter pour une intégration implicite des droits familiaux dans le domaine de la Loi,
le législateur camerounais a clairement fait le choix d’une appropriation explicite de la famille
par la Loi.
L’usage d’un tel procédé paraît logique dans la mesure où le législateur français avait
incorporé la plupart des disciplines juridiques liées à la famille, au domaine de la Loi.
L’utilisation de cette technique n’a rien de surprenant au regard de la pratique du législateur, et
du constituant français, dont le Cameroun s’est inspiré. C’est dans ce sens que l’article 26 de la
Constitution camerounaise dispose que les matières telles que l’état et la capacité des personnes,
les régimes matrimoniaux, les successions et libéralités, relèvent exclusivement de la Loi.
De lege lata, autant la Constitution reconnait et protège formellement la famille, autant
la Loi matérialise cette protection. Néanmoins, la garantie constitutionnelle du Droit à la famille
ne doit pas faire perdre de vue à l’observateur que cette constitutionnalisation a dû
s’accompagner d’une mise en conformité de la constitution camerounaise avec le Droit
international. De ce fait, l’intégration par le Cameroun du Droit à la famille dans le corps des
Droits Fondamentaux constitutionnellement protégés, finalise au niveau du droit interne,
l’achèvement d’un processus entrepris au niveau international.
Cependant, il n’apparait pas évident de construire une conception camerounaise de la
famille, sans remettre partiellement en cause l’influence que pourraient avoir sur elle les

13 Réparation susceptible de prendre la forme d’une indemnité compensatrice du préjudice subie par le requérant. 189
14 Loi n°96-06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 2 juin 1972.
15 L’article 14 de la Constitution de la République du Sénégal dispose expressément que « Le mariage et la famille constitue

la base naturelle et morale de la communauté humaine. Ils sont placés sous la protection de l’État. L’État et les collectivités
publiques ont le devoir social de veiller à la santé physique et morale de la famille. ».
concepts civilistes français. Cela à tel point qu’une partie de la doctrine n’hésite pas à parler de
« crise de la Loi au Cameroun » (Bilounga, 2016 :102). Dans le Cameroun oriental, la politique
coloniale française d’assimilation a conduit à la prééminence du droit civil français sur les droits
et traditions autochtones. Aujourd’hui encore, l’option de législation offerte au moment de la
célébration du mariage n’en était pas vraiment une, car le Droit écrit s’applique
préférentiellement au Droit coutumier 16. La Cour d’Appel du Sud a eue l’occasion de le rappeler
dans un arrêt Mbazoa Bernadette c/ Nkotto Menguele Michel de la Cour d’Appel du 21 avril
2006. Ce principe est également appliqué au Cameroun occidental. En cas de litige soumis au
juge anglophone portant sur le testament, le mariage, ou le divorce, l’article 15 du Southern
Cameroons High Court Laws de 1955 prévoit que les règles et pratiques vigueur au Royaume–
Uni, au moment où le juge statue, s’appliquent.
La conception d’un système de parenté, de filiation, ainsi que les règles judiciaires
permettant à tout citoyen de faire valoir ses droits subjectifs familiaux, revient à repenser tout
le système de valeurs de la société dans laquelle les nouvelles règles s’appliquent. Lesquelles,
doivent tenir compte de leur contexte juridique d’édiction. Dans le cas du Cameroun, la création
d’un nouvel ordre juridique supposait non seulement la synthèse des coutumes (Bokalli, 1997 :
37–69), mais aussi et surtout leur systématisation (Nana Tchemi, 2014 :8). Un auteur le
remarque d’ailleurs en affirmant que : « Il est une réalité que la coutume reste parmi les voies
de rénovation du Droit de la famille » (Nana Tchami, 2014b). Au surplus, la cohérence de
l’ordonnancement ainsi créé n’aurait pu être meilleure qu’en harmonisant parallèlement ces
règles coutumières avec le Droit moderne (Mbeng Tataw, 1997). Ce que ne manque pas de
relever la Doctrine pour laquelle : « Les diverses législations modernes sont le fruit des
synthèses des éléments variés internes et externes à ces législations. » (Kanga 1957 :17).
À la considération de tout ce qui précède, il n’apparaît pas évident de se faire une idée
globale de la conception camerounaise du droit à la famille, eu égard à la dispersion des sources
de ce droit (Sourioux, 1982 : 33–41). Au plan interne, cet éclatement des sources se retrouve
notamment dans l’absence de codification à droit constant, et de mise à jour régulière du Droit
civil camerounais. En outre, cet éclatement trouve son origine dans le fait que la législation
relative à l’état et au statut des personnes, est comprise dans deux corps de règles : celles du
Droit moderne d’une part, et celles du Droit coutumier d’autre part.
S’agissant des règles de Droit moderne, relatives à l’État et la Capacité des personnes,
les individus résidant dans la partie francophone du Cameroun sont soumises aux dispositions

Ce principe est d’application constante en jurisprudence comme dans l’arrêt MBAZOA Bernadette c/ NKOTTO MENGUELE 190
16

Michel de la Cour d’Appel du Sud du 21 avril 2006 (n°12/LO).


de l’ordonnance n°81/02 du 29 juin 1981 portant organisation de l'état civil et diverses
dispositions relatives à l'état des personnes physiques, au Code civil français, et au Droit
coutumier. Ce qui génère un imbroglio en cas d’union entre deux personnes relevant de règles
de statuts personnels différents. Contrairement à ce que l’on aurait pu penser, l’examen de la
situation des personnes résidant dans la partie anglophone du Pays soulève tout autant de
difficultés. Ces dernières relèvent de plein droit de la Common Law anglaise. Simplement,
comme pour le cas des francophones, il leur est possible de choisir à titre subsidiaire de
soumettre leur mariage ainsi que les effets qu’il produit aux Droits coutumiers des ethnies dont
ils sont issus17.
Invariablement, il convient cependant de noter que les conflits de lois entre ces sources
de droit moderne d’une part ; et entre les droits modernes et les droits coutumiers ensuite) sont
loin d’être complètement réglés. Aussi, serait il intéressant de recourir pour le cas du pluralisme
juridique camerounais, à la codification qualitative ou intensive, qui consiste à « faire
transtructurer le droit en l’organisant comme l’ensemble des éléments d’un système en soi–
même cohérent. »18. En d’autres termes, il s’agirait d’intégrer dans les systèmes de droit
modernes les éléments compatibles des droits coutumiers pour que l’ensemble des dispositions
de droit familial forment un système cohérent.
Le recours à ce procédé de légistique aurait l’avantage de dépasser la simple entreprise
de compilation formelle de textes pour atteindre la systématisation d’un droit familial
camerounais intégré au Code civil (Cabrillac, 2005 : 248). Ce qui procède par la même
occasion, d’un dépassement des considérations réductrices sur l’influence négligeable de la
coutume sur la construction de ce droit. Cette systématisation pourrait justement s’inspirer de
la formule doctrinale selon laquelle : « […] les coutumes ne doivent être appelées, que dans ce
qu’’elles ont de dynamique : droit coutumier et droit moderne coutumisé, n’est-ce pas en fin de
compte, le travail souhaité de modernisation du droit camerounais de la famille ? » (Tjouen,
2012 : 855).
Cette systématisation permettrait d’intégrer dans notre droit positif, les éléments de
droits coutumiers compatibles avec le Droit civil d’une part, et la Common Law, d’autre part.

17 La Cour d’Appel du Cameroun précise les conditions de validité du mariage coutumier dans un arrêt du 23 septembre 1953 191
« Dame W. c/ Sieur P. ». La Cour rappelle dans cet arrêt les conditions de validité des mariages coutumiers. Deux cas de figures
sont possibles : la célébration avant la création d’un bureau d’état civil susceptible de transcrire le mariage, ou après la création
d’un bureau d’état civil. La Cour Suprême du Cameroun a d’ailleurs eu l’occasion de développer les conditions de validité des
mariages coutumiers dans ses arrêts « P.G.C.S. C/ Dame Ntsama Marie » du 26 août 1976 (n°83/L) ; ou encore « P.G.C.S. C/
Dame Noudou Assomption » n°41 du 18 janvier 1979.
18 Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du Droit, op. cit.
La transposition des dispositions de droit international relatives au Droit à la famille ne saurait
faire l’économie de la présentation de son contenu au plan matériel (B).

1.2 La reconnaissance d’un droit camerounais à la famille au plan matériel

La construction d’une véritable politique législative de promotion et de protection de


la famille par l’État camerounais ne semble pas sérieusement contestable. Cette thèse s’avère
défendable si l’on prend en compte les moyens déployés par l’État camerounais pour
encourager le mariage. Ce qui revient à constater que dans sa reconnaissance du droit à la
nuptialité, le législateur camerounais a fait preuve de pragmatisme. Ce pragmatisme s’illustre
tant au plan civil qu’au plan pénal.
Le Code civil camerounais ne précise pas clairement l’existence d’un tel droit de
créance reconnu à toute personne résidant sur le territoire national. Toutefois, son contenu
intègre des dispositions qui en protègent aussi bien l’existence que la jouissance. Il ne serait pas
fortuit d’invoquer à l’appui de l’hypothèse de l’existence de ce Droit, l’article 144 du Code civil
camerounais. Faisant peu de cas de la fixation de principe de l’âge légal de la majorité à vingt
et un ans tel qu’il est posé par l’article 388 du Code civil camerounais 19, l’article 144 autorise
l’homme d’au moins dix–huit ans, et la femme âgée de quinze ans à contracter une union. La
volonté du législateur de dissocier de l’âge de nubilité de l’âge civil, puis de l’âge légal de la
majorité, se comprend pour des raisons culturelles et économiques.
Culturellement, il n’était pas rare que dans nombre d’ethnies des jeunes femmes
partent en mariage bien avant l’âge légal de la majorité. Le dépassement d’une lecture
superficielle des articles précités permet de se rendre compte de toute la complexité de la
construction du lien familial. L’abaissement de l’âge de la nuptialité de vingt et un ans, à dix-
huit ans, participe à la logique de la procréation à l’intérieur d’un couple marié 20. La progéniture
issue de l’union d’un couple marié engendre corrélativement l’obligation pour ses membres de
nourrir, entretenir et élever leurs enfants, selon la formule de l’article 203 du Code civil 21.
Symétriquement, la portée de cette obligation solidaire de moyens à la charge des conjoints
mariés ne pèse pas sur les concubins22. Cette obligation solidaire des conjoints de coopérer à

19 Lequel dispose que : « Le mineur est l’individu de l’un et de l’autre sexe qui n’a point encore l’âge de vingt et un an 192
accomplis. ».
20 En réalité, il s’avère rare (en dépit de quelques exceptions) que des jeunes gens soient en mesure d’assumer les charges du

mariage à cet âge.


21 Article 203 du Code civil camerounais.
22 Cette lacune s’avère pour le moins problématique si l’on tient compte du fait que de plus en plus de camerounais vivent

maritalement sans avoir contracté de mariage par devant un officier d’état civil, ou auprès d’un chef traditionnel.
l’éducation des enfants ne n’est pas toujours présente en droit coutumier. À titre d’illustration,
le droit coutumier bamiléké23 prévoit sur ce point que : « l’obligation d’entretien et d’éducation
de l’enfant revient à la mère, le père n’y est pas tenu. L’enfant habite avec sa maman à même
pot et feu jusque vers l’âge de 10 ans pour le garçon. La fille reste avec sa mère jusqu’au
mariage […]. » (Kanga, 1957b :169).
Au plan pénal, la reconnaissance d’un droit individuel à la famille bien qu’elle soit
tout aussi implicite qu’en Droit civil n’en demeure pas moins réelle. Dans l’ancien code pénal
camerounais les dispositions relatives à la protection du Droit à la famille étaient contenues
pour l’essentiel dans le chapitre V intitulé « des atteintes contre l’enfant et la famille »24. Afin
que l’insuffisance de moyens financiers ne représente pas un obstacle au mariage des
camerounais les plus modestes, le délit d’exigence abusive d’une dot a été conservé au sein du
nouveau Code pénal. De même, la liberté de procréer y reste encadrée par la protection du Droit
à la vie telle qu’elle ressort de l’article 337 25 du Code pénal.
Le nouveau Code pénal camerounais26 à l’instar de l’ancien 27, prévoit une peine
d’emprisonnement pour toute personne dont les agissements ont pour conséquence de priver un
enfant des preuves de sa filiation. Ce qui est le complément direct d’une part de l’article 355 du
Code pénal qui sanctionne l’infraction de non représentation d’enfant, et du nouvel article 355–
1 dudit code qui prévoit le délit d’entrave à l’exercice du droit de visite par le parent d’un enfant.
En outre, la protection du droit à la filiation gagnerait à être renforcée par une certaine
égalité entre les parents d’enfants naturels. Cet objectif pourrait être atteint en l’intégrant dans
l’action en recherche de maternité, telle qu’elle est exposée dans les articles 495 à 497 de
l’avant–projet de réforme du Code des Personnes et de la Famille du Cameroun 28. Pour que
l’exercice du droit à la filiation puisse être réel, l’insertion d’une obligation légale de subvenir
aux besoins des enfants à l’égard desquels la filiation est établie, complèterait le dispositif
actuel. Logiquement, l’ouverture d’une action en responsabilité civile donnant droit au
versement de dommages–intérêts, s’accompagnerait de la condamnation à des peines
d’amendes.

23 Région de l’Ouest du Cameroun, dont est issu l’ethnie éponyme. 193


24 La numérotation ainsi que la dénomination de cet article demeurent inchangées par le nouveau Code pénal (Loi n°2016/007
du 12 juillet 2016).
25 Lequel dispose à son paragraphe 1er qu’ : « Est puni d’un emprisonnement de quinze jours à un an et d’une amende de 5000

à 200.000 francs ou de l’une de ces deux peines seulement la femme qui se procure à elle-même l’avortement ou y consent. ».
26 Loi n°2016/007 du 12 juillet 2016 portant Code pénal. L’article 341 de l’ancien Code pénal y demeure inchangé aussi bien

dans sa numérotation que dans son contenu.


27 Article 341 de l’ancien Code pénal de la République du Cameroun.
28 En l’état du Droit positif camerounais l’action en recherche de maternité est régie par les articles 341 et 342 du Code civil.
Dans l’optique d’une vie familiale idéalement épanouie, et harmonieuse au sein du
couple marié, de nouvelles infractions portant atteinte à la famille ont été créées. C’est le cas
de l’infraction d’expulsion du domicile conjugal du nouvel article 358 – 1 du Code pénal dont
se rend coupable : « […] l’époux ou l’épouse qui, en dehors de toute procédure judiciaire
expulse, sans motif légitime, son conjoint du domicile conjugal. »29. Cette nouvelle
incrimination rééquilibre l’esprit des sanctions prévues pour l’infraction d’abandon de domicile
conjugal issues de l’article 358 du Code pénal 30.
C’est la raison pour laquelle, la Cour de cassation conditionnait le respect de
l’obligation de cohabitation des conjoints marié par le respect de l’obligation de protection
physique et matérielle due par un époux à sa conjointe. C’est que l’arrêt Bastien contre Bastien
du 2 janvier 1877 explique dans les termes suivants : « Attendu que si l’article 214 du Code
civil impose à la femme l’obligation d’habiter avec son mari, cette obligation est subordonnée
à la condition que celui–ci donnera la protection qui lui est due, qu’il lui fournira tout ce qui
est nécessaire aux besoins de la vie, selon ses facultés et son état ». In factum, dans le cas
camerounais, la grande majorité des condamnations consécutives à des plaintes déposées pour
abandon de domicile conjugal, ne concernaient que les épouses avant l’entrée en vigueur du
nouveau code pénal.
À l’opposé, le cas de figure de l’époux contraint de quitter le domicile conjugal pour
préserver son intégrité physique et morale, bien qu’il soit plus rare, n’est pas hypothétique.
Aussi, la création d’administrations à compétences d’exceptions peut être comprise comme l’un
des instruments privilégiés de la promotion et de la protection du Droit à la famille, en
complément des dispositions de Droit civil et de Droit pénal qui y participent. C’est le cas par
exemple des prérogatives attribuées au Ministère de la promotion de la femme et de la famille31,
qui participe des logiques formelles de l’action publique. Toutefois, à ces logiques formelles se
greffent des initiatives privées individuelles qui ne sauraient être occultées. Ces actions
informelles de membres de la société civile font partie de ce que les politologues qualifient de
« politique par le bas ». Partant de ce constat, il ne paraît guère surprenant que l’action sociale
de la Première Dame du Cameroun y soit opérante.
Faite depuis cette perspective, l’observation de l’intervention sociale d’un opérateur
juridiquement informel, dans la sphère régalienne des politiques publiques de promotion sociale
met en exergue les limites d’une appréhension purement formaliste du Droit. Comment

29 Nouvel article 358–1 du Code pénal camerounais. 194


30 Dont la substance a elle aussi été conservée par la réforme de 2016.
31 Créé par le Décret n°2004/320 du 8 décembre 2004 portant organisation du Gouvernement.
expliquer alors l’action structurante et rationalisée de la Première Dame du Cameroun, sur la
promotion effective de la famille en dehors d’un cadre légal formalisé ? Un début de réponse
peut être trouvé dans la prise de conscience collective de la nécessité pour la société civile
camerounaise de s’approprier la résolution de certains problèmes économiques et sociaux,
parallèlement à l’intervention de l’État. L’interrogation qui vient d’être posée ravive le
paradoxe épistémologique de l’apparente contradiction entre les fins et les moyens du Droit
(Kouam, 2014 : 887). Toutefois, cette réflexion sur la fin et les moyens du Droit à la famille,
aussi complète qu’elle se propose de l’être théoriquement, ne peut se départir d’une appréciation
critique de son contenu (2).

2. Le contenu du Droit à la famille et son évolution au Cameroun

Dire que l’exercice et la jouissance du droit à la vie familiale n’est pas encore transcrit
explicitement en Droit positif, ne veut pas dire que son contenu n’est pas identifiable en l’état
de notre législation (2.1). Une fois les linéaments du Droit à la famille décrits, il conviendra de
faire l’appréciation critique des dispositions qui en font le contenu pour anticiper d’éventuelles
perspectives d’évolution de ce Droit (2.2).

2.1 Le contenu du droit à la famille en l’état du droit positif camerounais

Les précédents développements ont permis d’expliquer comment la reconnaissance du


Droit à la famille s’est effectuée au Cameroun. Toutefois, la protection constitutionnelle de la
famille qui s’accompagne de sanctions effectives des atteintes aux droits subjectifs qui en
assurent l’épanouissement, ne donne pas l’occasion d’en comprendre le contenu. Le cadre
réduit de cette contribution limite le volume des instruments internationaux susceptibles d’être
invoqués à l’appui de cette hypothèse de travail. Afin de ne pas sacrifier à la concision de
l’étude, le droit à la famille tel qu’il est conçu dans le Pacte International relatif aux Droits
Économiques et Sociaux, sera mis en perspective avec le droit pénal camerounais.
La protection de la famille énoncée dans l’article 10 du Pacte international relatif aux
droits économiques sociaux et culturels (PIRDESC) de 1966, s’accompagne de la définition de
droits connexes. C’est ainsi que le paragraphe 2 de l’article précédemment évoqué prévoit le

195
droit des femmes à une assistance particulière avant, et après la gestation 32. Le droit des femmes
à une protection spécifique lors de leur période de grossesse se justifie encore plus dans le
contexte camerounais. L’insuffisance de moyens financiers auxquels de nombreuses familles
camerounaises sont confrontées explique que le suivi des grossesses des femmes enceintes ne
soit pas pleinement satisfaisant. Ce qui est à l’origine du taux élevé de décès des femmes en
couches.
À ce facteur économique, s’ajoute le contexte généralisé de précarité de l’emploi des
jeunes. La réalisation du droit des femmes à un meilleur suivi lors des grossesses n’est
cependant pas une préoccupation absente des plans de développements entrepris par le
Gouvernement camerounais à travers le Programme National Multisectoriel de Lutte contre la
Mortalité Maternelle et Infanto-Juvénile33 géré par le Ministère camerounais de la Santé
Publique. En complément de cette action gouvernementale, il convient d’indiquer l’engagement
personnel de la Première Dame du Cameroun pour que toutes les camerounaises accèdent à la
maternité. C’est dans cette optique que les efforts de Mme la Première Dame ont contribué à la
création du Centre Hospitalier de Recherche et d’Application en Chirurgie Endoscopique et
Reproduction Humaine34 inauguré le 6 mai 2016. La stipulation de l’article 10 paragraphe 2 du
Pacte International Relatif aux Droits Économiques et Sociaux (PIRDESC), doit être croisée
avec la répression du délit de « violences sur femme enceinte » prévue par l’article 338 du
nouveau Code pénal camerounais35.
Le champ de la protection légale de la famille s’étend jusqu’à ses membres les plus
vulnérables, conformément aux engagements internationaux agréés par le Cameroun. C’est
dans cet ordre d’idées que l’article 10 du PIRDESC formule le droit des enfants et des
adolescents, à des mesures de protections spéciales pour les prémunir de toute forme
d’exploitation. Le droit de créance des mineurs à un encadrement adapté existe en l’état actuel
de notre droit. Il est contenu dans le nouveau Code pénal où l’âge de la minorité une
circonstance aggravante des infractions de trafic, et de traite des personnes 36 ; de consommation
de boissons entraînant l’ivresse37, ou encore de mariage forcé38. À l’identique, le Droit pénal

32 Dont le contenu est le suivant : « Une protection spéciale doit être accordée aux mères pendant une période de temps 196
raisonnable avant et après la naissance des enfants. Les mères salariées doivent bénéficier, pendant cette même période, d'un
congé payé ou d'un congé accompagné de prestations de sécurité sociale adéquates. »
33 La consultation du détail des actions entreprises par le Ministère de la Santé à travers ce programme peut être effectuée sur

son site officiel http://plmi.cm. < Dernière consultation le 26 août 2017 >.
34 Créé par le Décret n°2001/054/PM du 15 février 2001.
35 Qui dispose que :« Est puni d’un emprisonnement de cinq (05) à dix (10) ans, et d’une amende de cent mille (100 000) à

deux millions (2 000 000) de francs, celui qui, par des violences sur une femme enceinte ou sur l’enfant en train de naître,
provoque même non intentionnellement, la mort ou l’incapacité permanente de l’enfant. »
36 Nouvel article 342–1 paragraphe 2 de ce Code.
37 Article 348 paragraphe 1 du nouveau Code pénal.
38 Article 356 du nouveau Code pénal.
camerounais prévoit la sanction d’une droit à l’intégrité morale et physique des mineurs, à
l’intérieur du cadre familial comme à l’extérieur de ce dernier. C’est dans ce sens que l’article
355–2 du nouveau Code pénal précise que les parents disposant de moyens suffisants, qui
s’abstiennent de scolariser de leur(s) enfant(s), commettent le délit d’entrave au droit à la
scolarisation39. En outre, les infractions telles que l’incitation d’un mineur à la débauche, ainsi
que son exposition directe à la prostitution sont des délits sanctionnés respectivement par les
articles 344 et 345 du nouveau Code pénal40.
Le dépassement d’une réflexion abstraite sur la famille autorise à constater que la
jouissance d’une vie familiale harmonieuse suppose la réunion préalable des certaines
conditions matérielles. En réalité, la conception d’un cadre favorable à la vie familiale 41 dépend
autant de l’existence que de l’exercice effectif des Droits Économiques et Sociaux qui lui sont
adjacents. À la différence du Droit français dont il s’est largement inspiré pour la formalisation
de ses droits fondamentaux, le droit camerounais n’a pas encore constitutionnalisé le droit à la
protection sociale42. Sur le court terme, les incidences de l’exclusion du droit à la protection
sociale des droits constitutionnellement protégés au Cameroun sont peu perceptibles.
Ces éléments contextuels du Droit camerounais contribueront à l’enrichir et à en garantir
l’applicabilité dans notre société. C’est ce qui ressort du point de vue d’un auteur pour qui :
« Le métier de législateur, celui du juge, comme plus généralement celui de juriste, ont pour
caractéristique de ne pas s’exercer sur des évidences objectives. […] Si le droit n’était pas
indéterminé, pour que chaque règle fût applicable dans des cas non expressément envisagés, il
faudrait une règle par cas »43 (Atias, 1982 : 226–227). Dans son œuvre d’ordonnancement de
la société, le législateur camerounais pourrait donc procéder en deux temps. Il lui serait possible
de redéfinir simultanément le domaine tout comme le contenu de la solidarité familiale en
instituant une obligation naturelle de solidarité familiale, équivalente au modèle du nouvel
article 1100 du Code civil français44. C’est dans ce sens que la 1ère Chambre civile de la Cour
de cassation avait imposé dans un arrêt du 30 juin 1976 à l’auteur d’un enfant naturel,

39
Article 355–2 du nouveau Code pénal.
197
40 Cet article dispose que : « Est puni d’un emprisonnement de quinze (15) jours à six (06) mois et d’une amende de dix mille
(10 000) à cent mille (100 000 francs), celui qui, ayant la garde légale ou coutumière d’un enfant de moins de dix-huit (18)
ans, lui permet de résider dans une maison ou un établissement où se pratique la prostitution ou d’y travailler ou de travailler
chez une prostituée. ».
41 C’est pour cela que le juge constitutionnel français a incorporé le mariage dans éléments du droit à la vie familiale protégé

par le Préambule de la Constitution française de 1946 dans une décision n°2013–669 DC du 17 mai 2013.
42 L’importance du Droit au travail dans l’épanouissement des individus est d’ailleurs rappelée dans le PIRDESC précise dans

le premier paragraphe de son article 6 que : « Les parties au présent pacte, reconnaissent le droit au travail qui comprend le
droit au travail, qui comprend le droit qu’a toute personne d’obtenir la possibilité de gagner sa vie par un travail librement
choisi ou accepté, et prendront des mesures appropriées pour sauvegarder ce droit. ».
43 C., n°16.
44 Lequel précise que : « Les obligations naissent d’actes juridiques, de faits juridiques ou de l’autorité seule de la loi. Elles

peuvent naître de l’exécution volontaire ou de la promesse d’exécution d’un devoir de conscience envers autrui. ».
l’obligation naturelle de s’en occuper, bien qu’aucun lien de filiation n’ait été établi entre eux.
Au surplus, il serait souhaitable d’étendre la sphère d’une telle obligation naturelle à une échelle
plus grande.
Dans un second temps, l’adoption d’un corps lois instituant un régime à la fois universel,
et obligatoire de sécurité sociale donnerait la faculté aux familles camerounaises d’être mieux
protégées contre les risques sociaux. Il n’est pas exclu non plus d’envisager que cette réforme
puisse s’accompagner d’une réflexion de fond sur un modèle de solidarité nationale. Pour y
parvenir, l’appropriation des méthodes et concepts sociologiques par le Droit n’est pas
totalement à exclure. Sur ce point, l’antinomie qui semble exister entre la solidarité subjective
qui caractérise les rapports d’obligations intrafamiliaux, et la solidarité objective qui organise
les rapports extrafamiliaux doit être dépassée. Une telle prise de recul autorise à envisager une
complémentarité entre la solidarité familiale et la solidarité nationale, beaucoup plus large.
Cette complémentarité entre ces deux formes de solidarités s’articule assez bien avec
l’appréhension du droit à la famille en tant qu’instrument de politique sociale. Dans le contexte
camerounais, les enjeux de l’appropriation du droit à la famille par l’État, va au–delà du simple
accomplissement de ses missions régaliennes. La satisfaction du bien-être des individus se
construit avant tout dans la cellule familiale au milieu de laquelle les citoyens camerounais
construisent prioritairement leur identité. Cette dernière revêt par conséquent la forme d’ :
« […], un objet d’intervention étatique, en tant qu’elle est devenue une réalité pathogène, un
facteur et un vecteur de risques sociaux. » (Ngonzo Watsi, 2012 : 322). En revanche, l’absence
de réception explicite du droit à la protection sociale dans le bloc de constitutionnalité
camerounais, ne doit pas conduire au constat d’un manque de considération de l’État
camerounais pour la protection et la sécurité sociales 45. Cette prise en compte du besoin de
protection sociale des citoyens camerounais s’est traduite dès 1967, par la création de la Caisse
Nationale de Prévoyance Sociale (CNPS)46 par la Loi n°67/LF/7 portant Code des prestations
familiales, la Loi n°67/LF/8 du 12 juin 1967 sur l’organisation de la prévoyance sociale au
Cameroun.
Dans ce cadre géographique, l’immensité des besoins en protection sociale provoquée
par la rapidité de l’accroissement naturel, ainsi que l’allongement de la durée de vie, ne saurait

45 Le Lexique des termes juridiques précise que la sécurité sociale est composée de tous les régimes de protection de la 198
population contre les risques sociaux. Ceux identifiés par le droit français sont : le risque de maladie ; les risques induits par la
maternité ainsi que la grossesse ; la vieillesse (qui n’est pas en elle–même un risque, mais plutôt la survenance du terme de la
durée légale du travail qui emporte mise à la retraite et baisse conséquente des revenus de l’ancien travailleur), ou encore la
survenance d’incapacités (quelle qu’en soit l’origine ou la nature).
46 Consulter sur ce point les Lois n°67/LF/7 (qui créé un Code des prestations familiales) et n°67/LF/8, du 12 juin 1967 (qui

porte organisation de la prévoyance sociale au Cameroun).


être intégralement couverte par les ressources de la seule cellule familiale. En conséquence, la
prise en compte de ce fait économique et social s’avère nécessaire pour la réforme des
dispositions relatives à la famille. Ce qui est d’autant plus urgent que : « Si le développement
social a vocation à d’améliorer durablement la vie des gens ordinaires, de créer des conditions
d’épanouissement transversales dans le champ social, les politiques expérimentées à partir de
ce modèle de développement restent largement en marge de l’embellie des conditions de vie
des populations africaines. » (Mba, 2011 : 241).
Cette substitution s’est opérée par la création d’un système national de prévoyance
sociale. D’abord par l’ordonnance n°73–17 du 22 mai 1973 modifiée par la Loi n°84/006 du 4
juillet 1984. L’article 1er de cette ordonnance dispose qu’ : « Il est institué une organisation de
la prévoyance sociale chargée d’assurer, dans le cadre de la politique générale du
gouvernement, le service des diverses prestations prévues par la législation de protection
sociale et familiale. ». L’ordonnance de 1973 instituant un régime de protection sociale, a été
complété par d’autres dispositions à l’instar de la Loi du 4 juillet 1984 47 qui prévoit :« […] un
régime d’assurance pensions comportant le service de prestation de vieillesse, d’invalidité et
décès. »48.
À y regarder de plus près, les politiques publiques menées pour la promotion et
l’épanouissement de la famille ont vocation à prospérer durablement dans le projet de
développement national. C’est ce que remarque un auteur qui propose l’idée selon laquelle :
« Ainsi, appréhender la famille comme facteur et objet d’institutionnalisation d’une politique
de prévoyance sociale suggère d’analyser, non pas nécessairement la densité ou le résultat
d’une politique, mais à s’intéresser davantage à sa construction, c’est–à–dire à la façon dont
l’État met en place une politique publique à partir de la catégorie famille. » (Ngonzo Watsi,
ibid). Ce contenu du Droit à la famille a vocation à évoluer eu égard aux transformations
récentes de la société camerounaise (2.2).

2.2 Les perspectives d’évolutions envisageables du droit camerounais à la famille

La conception, puis la matérialisation d’un droit à la famille ne peut faire l’économie


d’une politique familiale camerounaise, dont la construction n’est pas réduite au Droit. Cette
idée se justifie par le fait que la famille demeure un fait social. Par conséquent, la diversité des

47 Loi n°84/007 qui modifie la Loi n°69/LF/18 du 10 novembre 1969 qui instituait un régime d’assurance pensions de vieillesse, 199
d’invalidité et de décès. Ces deux Lois sont modifiées et complétées par la Loi n°90/063 du 19 décembre 1990.
48 Paragraphe 1er de l’article 1er de la Loi n°84/007 du 4 juillet 1984 dans sa version consolidée.
amendements qu’il est possible d’apporter au régime de protection et d’exercice du Droit à la
famille ne pouvant être intégralement abordés, deux thèmes en rapport avec ce Droit
fondamental seront donc évoqués : le régime juridique des embryons humains ainsi que la
réglementation de la procréation médicalement assistée.
La prise en compte des travaux du Comité National d’Éthique pour Protection des
Personnes dans la Recherche Médicale, dans la définition du statut des embryons humains au
sein du projet de réforme du Code civil camerounais, permettrait de générer un équilibre entre
le respect du Droit à la vie, et le Droit à être parent. De nombreux couples mariés, confrontés à
la difficulté de procréer, sont réticents à recourir à l’adoption telle qu’elle est prévue par les
articles 344 à 367 du Code civil. Jusqu’à présent, les difficultés d’enfantement des couples,
étaient surmontées par le recours à des solutions d’appoint à la légalité contestable. C’est ainsi
que la réception de la gestation pour autrui, donnerait l’occasion d’encadrer l’emploi de la
technique de l’adoption traditionnelle, ou de la parenté de substitution en vigueur dans de
nombreuses ethnies. Sous d’autres cieux, il n’est pas surprenant que les couples éprouvant des
difficultés à concevoir biologiquement un enfant fassent du tourisme procréatif.
Dans cet ordre d’idées, la promulgation d’une Loi sur la procréation médicalement
assistée offrira aux couples qui n’envisagent pas la gestation pour autrui, une excellente
alternative de devenir parents. C’est ce que prévoit déjà l’alinéa 1 er de article 311–20 du Code
civil français qui dispose que : « Les époux ou les concubins qui, pour procréer, recourent à
une assistance médicale nécessitant l’intervention d’un tiers donneur, doivent préalablement
donner, dans des conditions garantissant le secret, leur consentement au juge ou au notaire,
qui le informe des conséquences de leur acte au regard de la filiation. »49. Partant, l’adoption
des deux mesures précédentes participera à l’adaptation du droit positif à l’évolution de la
société camerounaise. Ces développements donnent toute leur mesure à l’opinion doctrinale
selon laquelle : « Le fait social ne devient juridiquement important qu’au contact de la règle de
Droit ; la règle de Droit ne se met en branle qu’autant qu’un droit subjectif veut se faire
jour […] » (Motulsky, 2002 :45).
En outre, l’efficacité sociale deux propositions d’amendements du Code civil
camerounais pourrait s’accompagner de l’adoption parallèle d’un Code camerounais de
l’Action Sociale et des Familles, comme celui adopté en France 50. Ce Code aurait deux

49 La lecture de l’article 311–19 Code civil français donne l’occasion de comprendre que l’autorisation du recours à un tiers 200
donneur pour ces couples ne doit en aucun cas les priver de leur lien de filiation légal à l’égard de l’enfant né consécutivement
à une procréation médicalement assistée. C’est la raison pour laquelle l’article 311–19 interdit d’une part l’établissement d’un
lien de filiation entre le donneur et l’enfant issu de la procréation médicalement assistée, tout en proscrivant d’autre part
l’exercice de toute action en responsabilité civile par les parents légaux à l’égard du donneur.
50 Décret–Loi du 29 juillet 1939 relatif à la famille et à la natalité française.
finalités : rassembler toutes les règles relatives à l’action sociale dédiées aux familles résidant
sur le territoire camerounais ; formaliser expressément la protection du Droit fondamental à la
famille. Cette distinction entre les mesures favorisant l’exercice du Droit à la famille d’une part,
et son régime de protection prévu par les Codes civil et pénal, aurait l’avantage de ne pas faire
de double emploi avec les corps de règles préexistants.

CONCLUSION

Les développements précédents ont permis de vérifier la thèse de l’existence d’un


fondamental Droit à la famille en Droit interne. Si les dispositifs existants sont parfois connus,
ceux–ci sont aujourd’hui insuffisants pour satisfaire complètement les besoins exprimés par les
populations.
Pourtant, la compensation de l’effort important consenti par l’État dans ce domaine, est
en partie assurée par l’Action de la Première Dame du Cameroun. Son implication pour le moins
remarquable dans le domaine sanitaire et social contribuerait à qualifier juridiquement son
action de mécénat social sui generis. Ce mécénat social opéré à l’échelle individuelle par la
Première Dame du Cameroun dans l’accès aux soins des familles, et la prise en charges des
personnes les plus vulnérables, participent à l’exercice du Droit à la famille. Cependant, ce
Droit fondamental tarde à être explicitement défini par le Droit positif.
L’adoption de lois et de règlements organisant la protection et l’exercice de ce Droit,
doit s’accompagner d’une réflexion d’ensemble sur les modèles de familles envisageables au
Cameroun, afin d’en faciliter l’application. Ladite application n’en sera que plus facile si
l’ensemble des citoyens camerounais se reconnaissent dans les Lois régissant un domaine aussi
sensible de leur vie tant privée, que collective.
Dans cette optique, l’éventuelle importation autant des institutions que des mécanismes
des systèmes des Droits étrangers, doit tenir compte des spécificités locales à l’exemple de la
vocation avant–tout procréatrice du mariage. Compte tenu de tous ces éléments, l’existence du
Droit à la famille n’est pas sérieusement contestable en l’état du Droit positif camerounais.
Malgré le fait que sa formalisation ainsi que sa systématisation, restent à parfaire.
BIBLIOGRAPHIE

I. Ouvrages

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204
TROISIEME PARTIE :

DIMENSIONS PUBIQUE ET INTERNATIONALE DES ACTIONS DE LA


PREMIERE DAME

205
La notion de politiques publiques entre sens et puissance. Professeur Célestin T.
KAPTCHOUANG, Politiste- Université de Yaoundé II, M. Auxence Augustin KOA, Université
de Yaoundé II, M. Jean-Pierre BIWONI AYISSI, Université de Douala

Résumé :

Entendues comme le canal par lequel l’État déploie ses prérogatives de


gouvernementalité, les politiques publiques imposent deux faisceaux de préoccupations tenant
d’une part aux mutations de l’ectoplasme étatique et, d’autre part, aux recompositions du
« champ social ». Envisager une telle étude, c’est rendre compte du double changement relatif
à la recomposition du champ actanciel et au changement d’échelle de l’action publique.

Mots clés : État - Politiques publiques - Sens-Puissance

Abstract
Generally seen as the way the state fulfill his governmentality duties, public policies
lead to two kinds of interrogations. On one hand, it is all about the state evolution as a socio-
anthropological unit; on the other hand, it has to do with changes related to the society. Dealing
with such issues is trying to show how public action has changed as far as both actors and the
scope of action are concerned.

Key words: State - Public policies - Meaning–Power

206
Réfléchir sur la question du sens et de la puissance des politiques publiques sur un
terrain extra-occidental apparait indéniablement comme une « effronterie scientifique ». La
« banalité du terrain africain »1 n’aidant pas, il est difficile de s’y aventurer sans risque d’être
« traqués » par les contrôleurs patrouilleurs d’une certaine dogmatique épistémique. Or,
nonobstant le déséquilibre temporel et statistique entre les expériences occidentales et extra-
occidentales des politiques publiques (Toko, 2008), l’objectivation d’un fait social,-à fortiori-
« importé » n’est qu’une question de posture épistémologique » (Njoya, 2010).

Entre le XVIe et le XIXe siècle, les sociétés occidentales connaissent un ensemble de


bouleversements qui entrainent la naissance de l’État. A partir de la moitié du XIX e siècle, ces
transformations induisent l’apparition de ce que l’on appellera politiques publiques, dans le but
de gouverner des sociétés s’étant émancipées de la légitimité traditionnelle pour celle légale
rationnelle (Weber, 1971). En effet, faut-il le rappeler, la fin de l’ordre féodal en Europe
entraine la naissance de sociétés complexes, parfois autoréférentielles ; l’idée de politiques
publiques se construit ainsi sous le prisme de « l’État en action » (Bruno& Muller, 1987). Il
s’en suit donc toute une grammaire de la complexité des régulations qui incombent à l’État dans
les sociétés contemporaines.

Du point de vue historique, « L’État se construit à travers la production des politiques


publiques : il s’étend et s’étoffe en produisant de nouveaux domaines d’action » (Hassenteufel,
2008 : 13.). S’il est vrai que pour Hassenteufel une telle perspective induit une bijection entre
genèse des politiques publiques et genèse de l’État, dans la mesure où les deux processus sont
corrélés suivant la fonction responsive de ce dernier, il semble plus productif de s’intéresser
aux transformations de l’État. Norbert Elias remarquait déjà fort opportunément que l’État nait
de la monopolisation, par un centre politique, de la force physique et des ressources fiscales sur
un territoire donné (Elias, 1975). L’État se décline ainsi sous le prisme de la centralisation
territoriale, la différenciation du pouvoir politique par rapport à la société et
l’institutionnalisation de ce dernier sous forme d’administration. « Politique publique »,
« Action publique », « gouvernance », on est contraint à une économie quand il s’agit de rendre
compte de la multiplicité des termes renvoyant à l’action publique.

Quelle que soit la terminologie retenue, les « politiques publiques » désignent des
actions liées d’une manière ou d’une autre à une autorité publique et visant à changer une

1Centre d’Etudes d’Afrique Noire / Institut d’Etudes Politiques et la Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine, « 207
L’Afrique des politiques publiques : banalité des terrains ou illusions méthodologiques »,Colloque organisé les 3 et 4
mars 2006 à Bordeaux.
situation perçue comme problématique, donc relevant de l’urgence. L’analyse des politiques
publiques permet d’interroger, selon une formule désormais célèbre, « ce que les
gouvernements font, pourquoi ils le font et ce que ça change » (Dye, 2002 : 1). La question de
la gestion des sociétés modernes a imposé une fluctuation de la place et du rôle de l’État au fil
des évolutions sociétales. De l’État providence jusque dans les années 1980, à l’État
interventionniste en passant par l’État libéral, le rôle de l’État dans les sociétés modernes a
oscillé entre relativisation et renforcement. D’une manière générale, l’omnifonctionnalisme des
États post féodaux2 est tel qu’il devient difficile, voire impensable d’envisager l’action publique
en dehors de leur mise en branle. Du fait de l’éclectisme des formes d’intervention de l’État sur
la société, l’analyse des politiques publiques permet de les distinguer d’une manière générale
en quatre catégories représentatives. Elles sont donc réglementaires, distributives,
redistributives et constitutives 3 (Lowi, 1972).

L’autre principal paradigme des politiques publiques est celui de la transnationalisation


qui se produit suivant une bijection entre intégration sous régionale ou régionale et
décentralisation. Ce processus est d’ailleurs renforcé par la mondialisation économique
induisant la bifurcation néo-libérale des politiques publiques (Jobert, 1994). Il s’agit donc d’une
fluctuation des espaces d’action et de référence d’acteurs des politiques publiques au gré des
impératifs de gouvernance et de démocratie 4 d’une part, et de mondialisation ou de
régionalisation5 d’autre part. Dans un cas comme dans l’autre, il s’agit, non pas assurément du

2
L’ordre westphalien succède à l’ordre seigneurial et féodal dont le mode de légitimité impose une « mise en ordre » de
fait de la société. Dans ce sens, le souverain est garant du bien-être de ses sujets, qui, en retour, doivent participer aux 208
charges du royaume. Le roi, incarnation de l’ordre, est ainsi investi d’une multitude de fonctions dans des domaines
aussi divers que variés. Il n’est donc pas un hasard que l’État qui lui succédât depuis 1648 en héritât.
3
De manière schématique donc, l’État régalien se caractérise par des politiques publiques réglementaires tenant au
maintien de l’ordre, l’État-nation se caractérise par des politiques publiques reposant sur son intervention directe du
fait de l’administration publique avec pour mode de légitimation les valeurs collectives ; l’État providence, pour sa part,
se singularise par des politiques publiques redistributives tenant de la prise en charge des risques collectifs tandis que
l’État producteur, dont la légitimité repose sur le bien-être collectif, se déploie par une intervention directe en termes
de production économique ; l’État régulateur déploie des politiques procédurales et incitatives eu égard à sa légitimité
démocratique et sa quête d’efficience.
4
Bonne gouvernance et démocratie induisent d’une façon inédite des problématiques relatives à la démocratie locale
d’une part et son corollaire la décentralisation d’autre part. C’est le nouveau paradigme que les analystes des politiques
publiques préfèrent systématiser autour de l’idée de territorialisation. En un mot, il s’agit d’une décomposition de
l’action publique et d’une déconstruction du référentiel stato-national suivant une perspective micro.
5
Loin de la « guerre des civilisations » que prédisait Huntington, le système international, depuis le XXIe siècle, est
organisé autour de grands ensembles culturels et civilisationnels, économiques et même sécuritaires suivant le
paradigme de la « communauté de sécurité ». Il se crée donc de grands ensembles supra étatiques producteurs de
normes et tournés vers la gestion d’une variété de problèmes, d’où la pertinence des idées de mondialisation et de
régionalisation.
dépassement de l’État westphalien mais, du dépassement de l’État-nation du fait du changement
d’échelle de l’action publique suivant le prisme de la fluidité territoriale.

Envisager les politiques sous l’angle scientifique c’est rendre compte de l’évolution des
policysciences (Lerner et Lasswell, 1951) à la sociologie politique de l’action publique
(Hassenteufel, 2008). Il s’agit de marquer la distanciation du sens commun et des discours
d’institution, mais également les représentations savantes véhiculées par les analyses classiques
des politiques publiques (Dubois, 2003 : 1). D’une manière générale, les policysciences se
concentrent sur les outils de la décision publique, tant leur objectif est de la fonder
scientifiquement6. Ce sont ces deux postulats tenant du modèle rationnel des politiques
publiques qui seront remis en question par une analyse en termes de sociologie des
organisations. D’une manière générale, il y est mis en évidence outre la diversité d’acteurs
intervenant dans les politiques publiques, les contradictions dans les objectifs affichés et les
imperfections de l’information. L’autre critique majeure porte sur la capacité de
l’administration à mettre en œuvre les décisions prises. Il s’agit donc du passage de
« l’optimisme rationalisateur » au « pessimisme sociologique ».

Les approches en termes de sociologie politique de l’action publique, prolongement de


la sociologie des organisations, permettent le dépassement des approches rationnelles par une
tentative d’explication des politiques publiques fondée sur les caractéristiques structurelles des
interactions d’acteurs, qu’ils soient publics ou privés (Hassenteufel, 2008 : 21). Ces approches,
en plus de mettre l’accent sur les stratégies d’acteurs complexes, soulignent la place du
corporatisme dans l’analyse des politiques publiques ; d’où le poids des groupes d’intérêt à côté
de l’État, dans le processus. Ce sont ces travaux qui ont permis l’appréhension des interactions
entre acteurs publics et privés en termes de réseaux de politiques publiques (policynetworks) et
de coalitions de cause (advocacycoalitions). Il est vrai que le champ des politiques publiques
profuse d’approches dont nous n’avons pas nécessairement la prétention d’avoir fait une
économie représentative, mais cette bifurcation théorico-conceptuelle, lourdeur dont on doit
s’accommoder, nous permet d’envisager avec des balises l’analyse des politiques publiques au
Cameroun, dans une perspective non pas d’importation des cadres formels et des grilles

6
Elles s’appuient sur le double postulat de la rationalité de la décision d’une part et, d’autre part, celui du caractère non 209
problématique de la mise en œuvre, qui fait l’objet d’une attention marginale. Tout se passe comme si une « bonne »
décision (c’est-à-dire rationnelle) ne peut qu’être appliquée sans difficulté. Il s’en suit une suranalyse du processus
décisionnaire public (émergence du problème et mise sur agenda politique) par rapport à la mise en œuvre proprement
dite tout en relativisant la place de l’évaluation.
d’analyses préconstruites, mais sous le prisme de la réalité fonctionnelle et contextuelle (Kayo,
2007).

A l’observation, il importe de reconnaître que les circonstances occidentales de


l’émergence de la discipline limitent la translation de l’analyse vers des situations africaines.
Toutefois, parler des politiques publiques au Cameroun c’est rendre compte du passage de l’État
régalien à l’État régulateur 7, de l’homogénéité à la territorialisation des politiques publiques,
bref, des politiques publiques à l’action publique. Echelle stato-nationale ou décentralisée,
bijection topdown-bottomup, acteurs publics de facto ou dejure, la problématique des politiques
publiques au Cameroun n’élude aucun des grands paradigmes qui en ont constitué la trame
scientifique. C’est donc fort opportunément que la question de l’implication de la Première
dame au Cameroun doit être envisagée, car se situant au confluent des problématiques de
politiques publiques tenant du « temps mondial » (Laidi, 1997). Acteur public de fait, la
Première dame au Cameroun jouit d’une posture instituée et instituante, suivant une
visualisation néo-institutionnelle du politique (March et Olsen, 1989 ; Offerlé, 1993) rendant
compte de ce que, c’est de l’effet conjoint du travail de définition formelle et des dynamiques
politiques pratiques des acteurs que résulte l’objectivation sociale des rôles institués (Onana,
2002 : 2).

Dans l’analyse des politiques publiques au Cameroun, aussi bien comme fait
sociopolitique qu’objet scientifique, il se pose le besoin d’une mise au point conceptuelle à
même d’en rendre compte comme des grilles descriptives du monde social et des modalités de
transformation de la réalité sociale objectivée : C’est sous ce prisme que doit se percevoir la
dialectique sens et puissance.

I- Politiques publiques : grilles descriptives du monde social subjectif ?

Quelle que soit la perspective analytique retenue, il demeure un axiome tenant d’une
construction de la réalité sociale sur laquelle agir apparait comme préalable à toute politique
publique. Les approches séquentielles (Lasswell, 1956 ; Jones, 1970 ; Brewer, 1974 ;
Anderson, 1975) d’une manière générale, préfèrent circonscrire la description du monde social

7
Dans le contexte camerounais, le passage de l’État régalien à l’État régulateur s’est fait avec les mutations économiques 210
liées au néo-libéralisme imposé par les plans d’ajustements structurels des bailleurs de fonds internationaux que sont
principalement la Banque mondiale et le fond monétaire international. Cet ajustement structurel a pour principal
référent l’État, car il visait un rationnement de son action directe et de ses domaines d’intervention : il s’agit de rompre
avec l’État-providence. C’est ce qui va justifier dans un sens une vague de privatisation des sociétés d’État, sur le plan
économique et, sur le plan politique, la mise sur pied de la décentralisation.
et la construction de la réalité sur laquelle agir au niveau initial d’une politique 8.D’autres grilles
analytiques telles que les approches cognitives et stratégiques des politiques publiques
dépassent la linéarité et la taxinomie que sous-tendent les approchent séquentielles. La
construction de la réalité sociale sur laquelle agir n’est donc pas un moment clairement
identifiable ; elle est un processus qui se configure et se reconfigure durant toute l’action
publique.

Les politiques publiques se construisent et se déploient suivant une « large entreprise de


sens ». Elles mettent aux prises une grammaire, des codages, décodages voire des contre
codages relevant de préoccupations ontologiques entre la multiplicité d’acteurs et la pluralité
des univers sociaux subjectivés. C’est ainsi que l’action de la Première dame est liée comme le
note Eboko à « une véritable configuration de valeur et de sens » (Eboko, 2004 : 93).Envisager
la sémantique dans l’analyse des politiques publique c’est insister, non pas sur une approche
définitionnelle répondant à la question du « sens des politiques publiques » mais, sur la
préoccupation stratégique et interactionniste du « sens dans les politiques publiques » : c’est là
que réside la pertinence d’une subjectivation du monde social.

Le besoin d’analyser le concept de sens pour ce qui est des politiques publiques impose
une socio-histoire des mutations tenant de l’État à l’autorité publique d’une part et des
politiques publiques à l’action publique, d’autre part.

I. 1. De la « statolité »9 de l’État: une recomposition du champ actantiel des politiques


publiques

« Pourquoi s’intéresser à l’État ? » (King & Le Galès, 2011 : 454). Question


provocatrice à bien des égards pour politistes et sociologues de l’État et principalement les
auteurs travaillant sur les policyprocess en Afrique et les sociétés fragiles pour lesquelles la
sociologie de l’État et de ses conditions historiques de formation se situe au centre des
préoccupations relatives aux politiques publiques (Latoures, 2008 ; Demange, 2010 ; Ndiaye,

8
Dans sa modélisation, le père fondateur des policysciencesHarold D Lasswell situe cette démarche au niveau de la 211
compréhension (intelligence), correspondant au début de circulation d’informations auprès des décideurs. Brewer, pour
sa part, la qualifient d’invention, correspondant à la définition d’un problème et à l’élaboration de solutions. Dans sa
grille devenue classique, Jones parle de l’identification d’un problème, qui recouvre quatre activités fonctionnelles : la
perception de besoins sociaux par les autorités publiques ; la définition de ces problèmes par les acteurs eux-mêmes ;
l’organisation collective de ces acteurs pour transformer ces besoins en demandes à transmettre aux autorités ; le rôle
de représentation de ces organisations dans la transmission des demandes.
9Le terme « statolité » désigne chez le professeur Augustin Kontchou Kouomegni : la qualité de l’État ; lire à ce sujet

« De la statolité de l’État en Afrique : à la recherche de la souveraineté », Revue science et technique, vol 6, n° 3-4, juillet-
décembre 1989, pp 19-33.
2012 ; Nakanabo Diallo, 2013 ; Provini, 2015 ; Hugon, 2015 ; Hrabanski Marie et Bidaud
Cécile, 2014). La question n’est pas moins pertinente et bien à propos. En effet, elle rend compte
de la difficulté de saisir l’État et de construire une image claire du politique dans un contexte
capitaliste néolibéral globalisé. Au Cameroun, comme dans tous les États africains d’une
manière générale, une perspective socio-historique du champ actantiel impose une bifurcation
par la déconstruction de l’État afin de rendre compte de son changement de condition.

I. 1.1. De la déconstruction de l’État

Tel que relève à juste titre Dominique Darbon, le rapport à l’État est d’autant plus
complexe qu’il est affecté par deux phénomènes différents mais liés : d’un côté, il s’agit de
l’idéologie néolibérale dominante depuis le milieu des années 1970 et la montée en puissance
des théories validant le principe d’un État sur le reculoire, d’un État minimal ; de l’autre côté,
il s’agit de la façon de percevoir le rôle de l’État (Wayne Parsons, 1995). A peine indépendant
en 1960, le jeune État Camerounais est donc confronté à ce contexte international de perte par
l’État du monopole de l’énonciation légitime de l’action publique. Toutefois, le fort
attachement au jacobinisme10 et le désir de consolidation des pouvoirs du président Ahidjo 11
vont lui permettre ainsi qu’à son successeur Paul Biya de juguler cette tendance exogène jusque
dans les années 1990. Dans un cas comme dans l’autre, l’analyse de l’État dans les politiques
publiques, après la guerre froide, n’a jamais été que la grammaire de sa décomposition, de son
décentrage et de sa réduction en tant que réalité organique, fonctionnelle et matérielle, voire
symbolique.

Sur le plan organique, l’État n’est plus envisagé comme une entité homogène, cohérente
et unitaire ; il est démembré et réduit à sa diversité sectorielle et territoriale. La réalité
fonctionnelle de l’État fait donc davantage l’objet de reconfigurations structurées sur différents
secteurs, territoires et intérêts constitués. L’apport majeur des policyprocess est de proposer une
vision alternative de l’État qui en rend compte comme d’un produit social tout en soulignant
l’impact des environnements pertinents sur les décisions, les configurations et la redistribution
des rôles dans ses différentes expressions (Lipsky, 1965 ; Lindblom, 1959 ; Thoenig, 1985 ;

10
Le fort attachement au jacobinisme et à la centralité de l’État est un héritage de la colonisation française qui s’est 212
marqué par le caractère unitaire de la forme d’État depuis la constitution du 4 mars 1960. C’est également ce qui a
justifié le passage de l’État fédéral à l’État unitaire suite au référendum du 20 mai 1960.
11
Arrivée au pouvoir comme premier ministre par le coup de Ramadier en 1958, Ahmadou Ahidjo jouit d’une légitimité
chancelante. C’est ainsi qu’il se lance dans une vaste opération de consolidation de ses pouvoirs afin de s’imposer
principalement dans le Sud du pays, fief de son rival André-marie Mbida.
Spanou, 1991). C’est cette conception de l’État qui prévaudra au Cameroun autour dans les
années 1990, pour ce qui est des politiques publiques tout au moins. Il est vrai que, par de-là
les formules constitutionnellement consacrées de décomposition de l’État12, la forte tendance
janusienne des constitutions camerounaises aura permis au pouvoir politique de trahir l’esprit
des constitutions suivant le prisme d’un constitutionnalisme rédhibitoire (Kaptchouang, 2014).
Mais, la perte du monopole de l’État n’est pas uniquement dejure, elle est davantage defacto,
dans la mesure où il ne s’agit pas d’un simple processus d’objectivation juridique et
constitutionnelle ; il s’agit davantage d’une procédure de subjectivation sociologique qui se
veut externe à l’ordre politique et parfois contraire à ses objectifs.

Sur le plan fonctionnel, l’État perd l’image d’une entité « bienfaisante, bienveillante et
omnisciente » ; sa rationalité et son action sont donc questionnées, car étant bien des fois
l’incarnation de logiques sous-jacentes et centrifuges qui en trahissent l’esprit. Dans cette
perspective, iln’est donc plus cette institution jupitérienne dont la hauteur le mettrait à l’abri
des influences tant internes qu’externesd’acteurs infra-fonctionnels « médiées par des moyens
préfonctionnalisés » (Bergeron, 1993 :77).Envisager l’État camerounais dans cette perspective
analytique c’est rendre compte de la prégnance des groupes de pression, des partis politiques 13
et des organisations ethnoculturelles14, voire de la société civile. Son action est donc la
matérialisation et l’institutionnalisation d’un rapport de force suivant la perspective marxienne.

Si matériellement les préceptes du nouveau mangement public sont encore d’une


application balbutiante, il s’agit cependant sur le plan symbolique, d’un discrédit du label État
avec la remise en question du Welfarestate. Dans le contexte Camerounais ceci se caractérise
par la volonté de certaines régions de s’auto administrer, car ne reconnaissant pas à l’État la
capacité de répondre à leurs attentes et aspirations légitimes. Au demeurant, il s’est agi d’une
remise en question, certes à géométrie variable, de la prétention de l’État à faire sens comme
structure organiquement, fonctionnellement et matériellement autonome, rendant compte d’une

12
On regroupe ici des terminologies telles que l’État fédéral, l’État décentralisé et la confédération entre autres. 213
13
Dans son analyse du fonctionnement des systèmes de parti unique en Afrique, Lavroff plante le décor en matière de
prégnance partisane sur le fonctionnement des États de la troisième vague de démocratisation. Pour ce qui est du
Cameroun, c’est Bayart qui fait l’une des premières systématisations les plus ambitieuses pour rendre compte des
logiques de parti-État ou parti de l’État durant les systèmes de parti unique UNC et RDPC. Toutefois, le renouveau
du pluralisme politique dans les années 1990 n’a pas enrayé l’influence du RDPC qui bénéficie de la « rente d’occupation
du pouvoir », d’où une place importante dans le déploiement de l’action publique.
14
Il s’agit d’une tendance forte des sociétés plurales, car constituées d’une juxtaposition de sous-systèmes sociaux
autoréférentiels. Du Laakam à l’Ouest du Cameroun, à l’Essingan dans le Sud entre autres, la pratique de memoranda
est fort évocatrice sur la question.
symbolique de domination et de puissance (Balandier, Migdal, Myrdal, Reno, Jackson,
Rosberg, Médard). Il s’en suit toute une grammaire de la description d’un État chrysanthème
suivant le distinguo que fait Darbon entre États à « adjectifs » (faible, ghost, failed, collapse,
soft, patrimonial, prédateur, void…) et à métaphores (politique du ventre, stratégie du
désordre…). Analyser les politiques publiques au Cameroun et en Afrique d’une manière
générale c’est dévoiler la présence de l’entreprise de domination étatique par « ce qu’elle fait
ou ce qu’elle fait faire, plutôt que par ce qu’il se dit être ». Il s’agit de prendre en compte aussi
bien les activités que l’appareil politique et administratif officiel réalise que les pratiques
sociales de l’État que déploie le « bas », les appropriations locales de l’État (Bayart, 1994 ;
Reno, 1995). C’est cette entreprise de sous-traitance par l’État d’autres acteurs de politiques
publiques qui impose de l’envisager sous le prisme de son changement de condition plutôt que
son dépassement par ces derniers acteurs.

I. 1. 2. Du changement de condition de l’État

À ce niveau de la réflexion, il n’est plus opportun ni pertinent de se questionner sur


l’importance de l’État. L’interrogation relative à la nature de l’État en question semble
heuristiquement plus porteuse. « De quelle État parle-t-on ? ». En effet, bien que tiraillé et
attaqué de toutes parts, l’État demeure, au Cameroun et en Afrique d’une manière générale plus
qu’ailleurs. Si le recul de l’État peut se vérifier dans certains domaines tels que l’économie,
bien des secteurs entrent encore dans son agenda régalien. Ainsi, le changement de condition
de l’État peut se lire suivant une mutation intrinsèque tenant de son caractère protéiforme et de
la place qu’il cède à d’autres acteurs, majoritairement privés, dans l’accomplissement de
certaines de ses missions dans l’optique d’une sous-traitance.

À côté de la figure consacrée de l’État bien présent, par l’administration et l’action


publiques, l’État au Cameroun se décline sous le prisme d’un polymorphisme lié à sa forte
tendance à la personnification. État patrimonial ou néo-patrimonial par commodité (Bayart,
1994), l’État au Cameroun revêt l’allure d’une figure anthropomorphique tenant du poids, non
pas de l’exécutif dans sa dualité 15, mais du président de la République Chef de l’État dans un
régime politique décrivant la grammaire de sa toute-puissance (présidentialiste ou semi-
présidentiel). Cette tendance à l’anthropomorphisme de l’État central place le Chef de l’État

15
Tel que remarque Alain Didier Olinga, l’exécutif du Cameroun, bien que dual, se caractérise par deux particules : 214
une fixe et pondérale incarnée par le président de la république chef de l’État, l’autre instable et accessoire incarnée par
le premier ministre chef du gouvernement.
dans une posture jupitérienne qui fait que l’institution s’identifie à lui, plutôt qu’il s’identifiât à
elle. Il se crée donc une distorsion et une tension permanente entre la légitimité des aspirations
de la société et la responsivité de l’État voire de sa figure de proue, le président de la
République. En d’autres termes, une catégorie de politiques publiques répondant aux demandes
et aspirations légitimes de la société16, et une autre relevant de la magnanimité présidentielle17.
Cet état de choses n’est pas une exclusivité du pouvoir et des institutions centrales ; il se lit
également dans les collectivités territoriales décentralisées à forte tendance anthropomorphique
des exécutifs18. Il s’agit là d’un pan de la réalité institutionnelle que seule une approche en
termes de constructivisme institutionnaliste permet de mettre en lumière. Parler de la Première
dame au Cameroun dans le cadre des politiques publiques, c’est l’identifier comme actrice
publique defacto bénéficiant, par osmose, de l’aura et de la hauteur du Chef de l’État. C’est
ainsi à juste titre que son action s’inscrit sous le prisme de la magnanimité, d’où l’image de la
Première dame du Cameroun comme « dame de cœur ».

L’autre modalité de changement de condition de l’État a trait à sa forte tendance à la


sous-traitance d’acteurs publics et privés sur certaines des questions relevant de ses prérogatives
propres. Au Cameroun, on peut citer majoritairement les collectivités territoriales
décentralisées. L’effectivité du processus de municipalisation rend compte de la reconnaissance
d’une catégorie de préoccupations incombant aux communes. Bien que relevant encore de la
simple consécration constitutionnelle depuis le 18 janvier 1996, la régionalisation constitue une
modalité du désengagement formel de l’État central sur des questions tenant du développement
local/régional19. Il est vrai que ce processus se fait de manière assez conservatrice, non pas
seulement dans sa réalisation 20, mais dans sa conception21 ; d’où le postulat d’Odilon Barot
selon lequel « c’est toujours le même marteau qui frappe ; on a fait que raccourcir le manche ».

16
Il s’agit d’une manière générale de politiques publiques relevant de prérogatives régaliennes de l’État et subséquentes
215
à des demandes, attentes et aspirations formulées à l’endroit des autorités publiques dejure.
17
Il est ici question de l’action publique relevant non pas des prérogatives régaliennes de l’État ou bien dont il est
astreint, mais de d’actions publiques menées par des personnalités publiques de fait nonobstant les possibilités de
cohabitation des deux pans de l’action publique en une seul personne à l’instar du chef de l’État.
18
On peut classer dans cette catégorie des tout-puissants maires tels que Fotso victor à Bandjoun, André Sohaing de la
commune de Bayangam et bien d’autres encore. Dans ces différentes localités, leurs actions dépassent le cadre de leurs
prérogatives et fonctions pour investir leurs élans de bienfaisance et leur sollicitude.
19
Voir, les lois No 2004/017 et 2004/018 du 22 juillet 2004 portant respectivement orientation de la décentralisation
au Cameroun et fixant les règles applicables aux communes.
20
La problématique du transfert de compétences de l’État central aux communes est fort évocatrice dans la mesure où
l’État fait montre d’un manque de volontarisme dans l’autonomisation des municipalités.
21
Dans le cadre de sa conception, la décentralisation camerounaise est caractérisée par une présence pesante de l’État
central au sein des organes délibératifs locaux, à l’occurrence celle du préfet au sein du conseil municipal et celle du
gouverneur au sein du conseil régional. Il s’agit d’une décentralisation à très forte tendance jacobine.
Pour ce qui est des acteurs privés des politiques publiques, la situation camerounaise rend
compte d’une circonscription de ces derniers dans le cadre de l’expertise technico-
technologique et managériale. Ce mouvement est subséquent aux conditionnalités imposées par
les bailleurs de fonds internationaux dans le cadre des plans d’ajustement structurel. C’est ce
qui a induit la vague de privatisation des entreprises publiques pour besoin de rentabilité et la
volonté d’introduire des préceptes management privé dans l’administration publique eu égard
à l’importation du concept de New public management qui, au demeurant, reste balbutiant.

Cette mutabilité de l’État, pour ce qui est des formes qu’il peut prendre et des acteurs
qu’il sous traite pose en définitive le problème de la pertinence de l’idée de politiques publiques
dans un contexte marqué de rationalités aussi diverses et qu’hétéroclites ; d’acteurs aussi éclatés
cognitivement et, en termes d’intérêts, assurer la constitution de ce trust fondamental dans la
constitution de la société. En toute hypothèse, le référent commun permettant d’exercer une
attraction centripète sur tous ces acteurs est l’existence d’un projet de domination à caractère
institutionnel agissant comme une idéologie dominante de manière hégémonique. Cette
idéologie parvient à se diffuser à travers ses modes d’organisation, ses procédures, ses objectifs,
les instruments utilisés par les acteurs privés dans leurs pratiques routinières sans qu’ils ne
mesurent très souvent à quel point ils assurent le succès de la domination étatique (Darbon,
2015). C’est en partie cette imbrication public-privé et l’omniprésence, bien des fois diffuse, de
la formule d’impérium étatique qui impose le passage du concept de politiques publiques à celui
d’action publique.

I. 2. Des politiques publiques à l’action publique : évolution du réel ou du regard ?

« Une politique publique, c’est un peu comme un éléphant ; vous le reconnaissez quand
vous le voyez, mais vous ne pouvez pas facilement le définir » (Cunningham, 1963 : 229). Eu
égard à cette difficulté définitionnelle, Thoenig a proposé une appréhension qui, par la suite,
sera conventionnelle selon laquelle : « une politique publique se présente sous la forme d’un
programme d’action propre à une ou plusieurs autorités publiques ou gouvernementales »
(Thoenig, 1985). Pour conventionnelle qu’elle soit, une telle définition masque mal bon nombre
de manquements ne rendant pas compte du répertoire d’action publique de l’État. D’une part,
elle se limite aux acteurs publics (autorité publique ou gouvernementale) or, il est admis que le
public ne détient pas le monopole du bien-être collectif et de l’intérêt général ; bien des fois
même, il est le lieu du triomphe des intérêts particularistes. Par voie de conséquence, le secteur
privé, qui remplit en tant que de besoin des fonctions d’intérêt général par délégation de l’État

216
ou defacto, est mis en marge. L’autre préoccupation tient à la capacité de plusieurs autorités
publiques, aux référents très souvent hétéroclites, à s’accorder sur une politique publique. Toute
politique publique est donc la grammaire d’une pluralité de logiques, publiques ou privées, qui
en sont inhérentes. Le concept d’action publique tend à se percevoir suivant six caractéristiques
dont : la multiplicité et la diversité des acteurs ; le caractère composite de l’acteur public 22 ;
l’atténuation des rapports hiérarchiques entre acteurs23 ; la relativisation du moment de la prise
de décision politique24 ; la non linéarité des processus à l’œuvre 25 ; le caractère fragmenté et
flexible de l’action publique26 (Delvaux, 2007 : 62). D’une manière générale, parler des
politiques publiques, au Cameroun plus qu’ailleurs, pose deux types de problèmes dont l’un est
d’ordre épistémologique et méthodologique, tandis que l’autre est d’ordre fonctionnel : c’est la
volonté de lever ce pan de voile qui a induit le passage du concept de politiques publiques à
celui d’action publique.

I. 2.1.La recomposition du répertoire d’action public : assurément une évolution du réel

L’ouverture à une approche en termes d’action publique trouve en effet son origine dans
les recherches s’intéressant aux problèmes de mise en œuvre des politiques publiques. ‘’Until
the early 1970s, implementation was often regarded as unproblematic in a policy sense. (…)
Many public policy scholars ignored or downplayed the problematic aspects of this stage of the
policy cycle, assuming that once a policy decision was made, the administrative arm of
government would simply carry it out” (Howlett et Ramesh, 2003: 185). Ce type de schéma
explicatif des politiques publiques cumule tous les reproches : sur-interprétation des volontés
et de la rationalité des « décideurs » ; une vision topdown qui sur-interprète le rôle des acteurs

22
Non seulement l’État n’est pas le seul acteur des politiques publiques mais, de surcroît, il n’est pas monolithique.
Chaque acteur public, et particulièrement l’État, « est lui-même agi par la complexité et la différenciation de ses 217

organisations, la diversité de ses dispositifs et de ses institutions susceptibles de produire des contradictions internes
au champ étatique ».
23
L’approche en termes d’action publique remet en cause la position dominante de l’État, abandonne une perspective
stato-centrique, où l’État est vu dans une position surplombante. Une vision multipolaire et polyarchique remplace
une approche hiérarchisée et descendante.
24
La politique publique ne se limite pas au moment de la prise de décision ou alors du vote d’une loi ou la prise d’un
règlement ; elle est un processus étendu dans le temps et mérite que l’on s’y intéresse dans la durée.
25
Entre les multiples acteurs impliqués, existent des interdépendances complexes, favorables à des processus de co-
construction. L’action publique ne se réduit pas à l’application de règles produites en amont, mais ces règles naissent
de discussions, de négociations (par exemple dans le cadre de fora) entre des acteurs situés à différents niveaux, ceci
tout au long du processus concerné. l’action publique est « la résultante de stratégies enchevêtrées d’acteurs et de
systèmes d’action suivant un schéma décisionnel qui relève d’une accumulation de régulations négociées et s’inscrit
plus dans l’horizontalité ou la circularité qu’il n’obéit à une conception linéaire et hiérarchique ».
26
En raison de la multiplicité des acteurs, de leur moindre hiérarchisation, de la non linéarité des processus, l’action
publique est logiquement et généralement de nature « fragmentée, complexe et flexible ».
centraux et publics et qui annihile toute tentative de prise en compte des choix, stratégies et
valeurs des acteurs inférieurs, condamnés à exécuter techniquement les décisions politiques ou
à les interpréter. D’une manière générale, le référent de l’action publique est l’effectivité de
l’implémentation des politiques publiques. La problématique est d’ailleurs plus pertinente au
Cameroun où il est apparu de nombreux décalages et goulots d’étranglements entre la
construction des politiques et leur implémentation.

Les questions portant sur l’action publique rejoignent très souvent celles relatives à la
gouvernance. Au Cameroun, ceci se vérifie par de réels décalages observés dans la mise en
œuvre de certaines politiques publiques. C’est d’ailleurs ce qui a conduit à une vulgarisation de
la rhétorique de la mal gouvernance. A titre d’exemple, pour ce qui est du projet de construction
d’infrastructures, des politiques murement réfléchies ont donné lieu à des mises en œuvre
inadéquates impactant même sur la qualité des ouvrages. Dans un tel contexte, l’administration
ne peut plus être jugée uniquement à l’aune des programmes et politiques qu’elle met sur
agenda ; elle se perçoit dès lors suivant le référentiel d’action. Outre l’effectivité de la mise en
œuvre, il s’agit de soulever des questions relatives à la qualité de la mise en œuvre elle-même.
C’est pour rendre compte de cette importance grandissante de l’implémentation que le regard
savant va se réajuster, d’où la désuétude de l’approches rationnelle des politiques publiques.

I. 2.2. Le dépassement du modèle rationnel des politiques publiques : une évolution


certaine du regard

Nous l’avons vu, le modèle rationnel des policysciences se focalise sur la décision
publique dans la perspective de la fonder scientifiquement, car revêtant une importance capitale.
Elle pose ainsi le principe de la rationalité totalisante de la décision et son impact réel sur
l’ensemble du processus de politique publique. Au demeurant, cette approche anachronique des
politiques publiques ne permet pas de rendre compte des mutations du répertoire d’action et du
champ actantiel publics tels que présentés plus haut. Parler donc d’une évolution du regard,
c’est rendre compte des ajustements théoriques et méthodologiques ayant vocation à fournir
des modèles explicatifs fidèles de l’image non pas de « l’État en action » mais « l’État dans
l’action ». Il s’agit ainsi de rendre compte des grilles théoriques prenant en compte les mutations
du répertoire d’action et la recomposition du champ actantiel publics, sans prétention aucune à
l’exhaustivité. Eu égard à la multiplicité des approches tendant à expliquer ce changement de
paradigme des politiques publiques, nous sommes contraints à une économie structurée autour
du cousinage entre l’approche en termes d’action publique et les modèles constructivistes.

218
Tel que remarque fort opportunément Jacques Commaille : « Cette sociologie (de
l’action publique) s’inscrit volontiers dans le courant dit ‘‘constructiviste’’ où les analyses sont
consacrées aux dynamiques d’articulation entre le micro et le macro, notamment dans le
processus de construction des confrontations, des négociations et des établissements de
compromis ou d’accords entre partenaires. Elle emprunte volontiers à l’approche systémique
où prévalent précisément les concepts de réseaux d’action publique, d’action et d’ajustements
mutuels entre des acteurs et des groupes sociaux situés dans des rapports marqués par les
différences d’intérêts et de valeurs, l’inégalité ou le caractère inéquitable des statuts »
(Commaille, 2004 : 418). Il ressort donc que, la description de l’action publique échappe aux
grilles de lectures a-sociologiques des politiques publiques. Aussi bien les approches cognitive
(Muller, 2000) que stratégique des politiques publiques rentrent dans ce mouvement de
« sociologisation » de l’analyse des politiques publiques. C’est cette même posture qu’adopte
Massardier malgré quelques nuances. Il souscrit à la complicité entre action publique et
constructivisme, mais observe la persistance de certains écarts entre deux séries d’approches :

- Certaines des analyses sont qualifiées d’ « actionnistes » car les politiques publiques y
sont perçues comme le produit des actions individuelles ou collectives, dans des configurations
sociales autonomes reposant sur leurs interactions. Les politiques publiques, sous ce prisme,
sont des constructions endogènes à des systèmes d’actions localisés géographiquement et
socialement (Delveaux, 2007 : 67). Actions et interactions sont donc à la base de la construction
des politiques publiques et de l’ordre social dans son ensemble.

- La deuxième posture analytique, tout en reconnaissant une place importante à


l’actionnisme dans la fabrication des politiques publiques, « cherche à prendre au sérieux la
persistance d’une cohérence globale et la persévérance d’une forme de centralité et d’un ordre
politique commun, même s’ils sont en voie de transformation » (Massardier, 2003 : 89). Les
théories s’inscrivant dans ce courant mettent en avant la présence d’une régulation plus globale,
«que cela soit en termes normatifs (notion de gouvernance) ou lié à l’observation de la
permanence des institutions publiques dans le jeu complexe de la fabrication des politiques
publiques (néo-institutionnalisme, économie des conventions et théorie de la régulation) ou
encore que cela soit par la prise en compte d’une régulation globale assurée par un sens cognitif
partagé (référentiel) ». Ce sont en définitive ces théories sociologiques qui permettent de rendre
compte de la réalité des marges de manœuvre d’acteurs dans les politiques publiques du point
de vue, non pas d’une totalisation de la puissance étatique, mais d’une diffusion par capillarité
des logiques de pouvoir, de puissance et d’influence dans l’action publique.
219
II- Politiques publiques : modalités de transformation de la réalité sociale
objectivée

Nous l’avons vu, envisager le sens des politiques publiques c’est rendre compte du
processus de description ou de « perception du réel » (Jervis, 1976), se faire « une image du
réel »et, transformer ce réel suivant les attentes et aspirations légitimes de la société. Eu égard
à la multiplicité d’acteurs impliqués dans ce processus et aux différentes mutations du champ
des politiques publiques telles que présentées plus haut, entreprise de sens assurément, les
politiques publiques sont également une entreprise de puissance. Sur le plan organique, elles
trahissent une dynamique de puissance dans la mesure où elles sont la réponse à des attentes et
demandes faites à l’État, dans la perspective de ses fonctions coercitive et séductrice suivant
l’image de la « coerséduction » (Sindjoun, 1994). Nonobstant l’abondante littérature du
dépassement de l’État dans les politiques publiques, elles sont une modalité de légitimation et
de sublimation de ce dernier en tant que dépositaire du contrat social. En tant que processus de
mise en ordre de la société ou de disciplinarisation (Foucault, 1989), les politiques publiques se
dévoilent comme la rhétorique de la diffusion du pouvoir d’État : c’est ce qui permet d’en
questionner le pouvoir. En tant que processus contingent de transformation de la réalité sociale,
les politiques publiques sont le territoire des logiques transactionnelles et interactionnelles
dévoilant des rapports de puissance entre acteurs : c’est la question du pouvoir dans les
politiques publiques.

II. 1. Action publique comme enjeu de pouvoirs

Les politiques publiques sont un terreau favorable à une diffusion par capillarité des
logiques de puissance. Si sur le plan macrosociologique elles rendent toujours compte de la
permanence de l’État régulateur dans sa toute-puissance symbolique, sur le plan
microsociologique, l’action publique est la matérialisation des dynamiques de puissance entre
acteurs et leurs différentes fluctuations. C’est la raison pour laquelle l’approche stratégique de
Crozier revêt toute sa pertinence dans la description des politiques publiques comme
redistribution de la puissance entre acteurs divers. C’est à ce niveau que s’apprécie le mérite
des approches cognitives des politiques publiques ou encore des approches par les référentiels
de politiques publiques.

II. 1.1.Puissance de l’action publique comme phénomène interactionnel

220
D’une manière générale, les États et sociétés fragiles du Sud (Darbon, 2015) sont une
juxtaposition de microcosmes autoréférentiels. Elles sont donc traversées et travaillées par une
pluralité d’intérêts sectoriels et catégoriels tendant à déconstruire le référentiel global de
l’action publique (Muller, 2003). L’ambition que se donnent les approches cognitives et
stratégiques des politiques publiques est de rendre compte du caractère partiel de la verticalité
descendante des grilles d’analyse de l’action publique (top-down). En proposant des
perspectives ascendantes (bottom-up), les approches par les référentiels de politiques publiques
permettent de rendre compte de l’action publique comme espace à rationalité plurale, mais
également comme rhétorique de partage du pouvoir entre les dichotomies instituées que
représentent acteurs publics et privés, gouvernants et gouvernés, État et société.

Suivant le prisme de l’action publique comme dialectique de puissance entre public et


privé, les politiques publiques se donnent à voir comme matérialisation de la puissance
d’acteurs définie en termes de marges de manœuvre. Nous l’avons vu, la recomposition du
champ actantiel des politiques publiques met en bonne place des acteurs privés dans la conduite
des missions d’intérêt général. Dans l’optique de cette sous-traitance du privé par le public, ce
dernier bénéficie généralement de prérogatives exorbitantes qui lui permettent de réguler et
d’avoir un droit de regard sur les actions menées par les acteurs privés. C’est d’ailleurs ce qui
justifie que l’approche en termes d’action publique ait davantage été le fait de l’espace anglo-
saxon avant de rallier les États francophones. Le refus à l’État de certains privilèges de droit
commun est ce qui a favorisé très tôt la rhétorique non pas du dépassement pur et simple de
l’État, mais de « l’État minimal » subséquent au processus de libéralisation et de privatisation
de l’État providence (Pierson, 1994) ou en termes de l’avènement d’un « Schumpeterian
Workfare State » soumis aux exigences de la compétitivité des entreprises (Jessop, 1994). Pour
ce qui est par exemple des politiques publiques de transport aussi bien urbain qu’interurbain au
Cameroun, l’État semble avoir opté pour une sous-traitance du privé en limitant son action à la
simple régulation, d’où la recrudescence d’agences de transports interurbain. Ceci se lit par
exemple dans la privatisation de la société de transport ferroviaire (Camrail). C’est la même
lecture qui peut être faite de plusieurs politiques publiques gouvernementales telles que les
politiques d’éducation et de santé. Il va donc sans dire qu’au Cameroun, comme ailleurs, les
acteurs privés ont une part de pouvoir importante dans les politiques publiques. De manière
plus systématique encore, il se structure un paradigme d’analyse corporatiste qui souligne le
rôle des groupes d’intérêts et associations, affiliés ou pas à l’establishment étatique, dans le
déploiement de l’action publique. C’est lui qui permet le développement de notions permettant

221
d’appréhender les rapports de pouvoirs liés aux interactions public-privé ; d’où les approches
en termes de réseaux de politiques publiques (policynetwoks) et de coalition de causes
(advocacycoalitions). L’idée de coalition de causes au Cameroun se trouve par exemple
justifiée par les actions des premières Dames à travers leurs structures associatives. C’est le cas
des structures associatives de la Madame Chantal Biya notamment : la Fondation éponyme, le
CERAC et Synergies Africaines…, puisqu’ elles sont des instruments d’animation et de
mobilisation sociales usant des œuvres sociales de solidarité pour construire une « coalition de
causes» afin d’exploiter ou de s’approprier des « ressources d’ordres rétributives » (Dobry,
1992)pour, bâtir un réseau de politiques publiques. Aussi, l’idée d’une interdépendance
entrel’État et ces organisations « presque-publiques » scelle ainsi le triomphe d’un « État en
interaction » (Hassenteufel ; 1995) mieux d’un « État en transaction »27.

Suivant le prisme gouvernants-gouvernés, l’action publique est une grammaire de la


construction de réponses adéquates aux problèmes sociaux et leur validation par la population
cible. Cette posture analytique est résumée dans l’interface global-sectoriel de l’action
publique. La prolifération de différents memoranda dans les quatre coins du pays traduit à suffir
cette tendance à la déconstruction du référentiel global de l’action publique par des groupes
ethno-territoriaux ou identitaires qui ne s’y retrouvent pas ou qui s’en démarquent à dessein :
c’est la lecture que l’on peut faire spécialement de la crise anglophone.

II. 2.1.Puissance de l’action publique comme phénomène spatial

La puissance de l’action publique est non seulement le résultat d’interactions et de


transactions entre acteurs suivant leurs marges de manœuvre, mais elle est également un
phénomène liée au monopole de « spatialisation légitime » concrétisant la territorialisation de
la domination politique de l’État (Sindjoun, 2002). Jadis envisagées dans le cadre stato-national,
les politiques publiques ont connu des évolutions tendant à en rendre compte comme des
vecteurs de puissance territorialisée et transnationalisée. Ce sont ces deux mouvements de

27L’État en transaction désigne chez nous, les dynamiques d’échanges, d’inversions et d’interversions existantes entre 222
l’État et les organisations de facture privées mais de type para, péri ou encore presque-publiques. A l’exemple, la
démarche de charité, de générosité, de solidarité, et d’humanité de Madame Chantal BIYA ne saurait se comprendre
seulement sous le prisme idéalisant de la sociologie des pratiques caritatives.Mais elle entre aussi dans le sillage
Bourdieusien de « l’économie du flou et l’indéterminée » car laissant transparaître des calculs politico-transactionnelsqui
ne se ramène pas toujours à la charité, la générosité, la solidarité, et l’humanité.
territorialisation et transnationalisation de l’action publique qui permettent de traiter de la
puissance comme phénomène géographique.

L’ensemble des problématiques et des sollicitations qui incombent aux États dépassent
de plus en plus le simple cadre de la souveraineté stato-territoriale. Par voie de conséquence,
l’action publique, qui s’entend comme une réponse d’acteurs publics aux problèmes existentiels
de la société, s’émancipe du cadre exigu de l’État. Pour ce qui est des problématiques de sécurité
humaine et des questions environnementales entre autres, il apparait que dans bien des cas,
l’action publique est le fait d’acteurs publics et même privés transnationaux. Dans le cadre de
la lutte contre BokoHaram au Cameroun, le président de la République reconnaissait
insidieusement cette tendance à la transnationalisation des politiques de sécurité par sa
déclaration : « A menace globale, réponse globale ». Dans un tel contexte d’interpénétration
interne et internationale, entre souveraineté et action publique internationale, les politiques
publiques se révèlent comme un enjeu de puissance entre acteurs gouvernementaux et
internationaux. C’est la lecture que l’on peut avoir du refus du président américain Donald
Trump de parapher le traité sur le climat. Il en va également de même sur le plan sanitaire où
bien des politiques sont d’inspiration extérieure aux États. Un exemple patent est offert par
l’action de la première dame du Cameroun contre les souffrances en créant les « synergies
africaines ».

Le changement d’échelle de l’action publique comme enjeux de pouvoir se manifeste


également par le processus de territorialisation des politiques publiques ou de dissémination de
celles-ci à travers l’ensemble du territoire national. De l’État providence à la municipalité
providence, il s’agit de rendre compte d’une déconstruction du caractère monolithique de
l’action publique pour mettre en relief sa territorialité et ses spécificités dans divers « micro-
pays ». Dans cette perspective, les politiques publiques sont la matérialisation des rivalités entre
l’État central et le monde local d’une part, et entre l’État central et la société internationale. Les
processus de municipalisation et de régionalisation consacrés par la constitution du 18 janvier
1996 au Cameroun ont consacré la substitution de l’État par le local dans les matières relevant
du bien-être des populations, il s’agit d’une espèce de « sollicitude de proximité » qui participe
à relativiser la main-mise de l’État central sur le local. Le Projet d’adduction d’eau dans la
commune de Sa’a, le désenclavement dans la commune d’Evodoula sont autant d’initiatives
rendant compte de la montée en puissance du local. Les politiques publiques locales comme
dynamiques de contestation de la prégnance de l’État central se déploient également par la
coopération décentralisée qui est une modalité de corrosion de la souveraineté des États par la
223
reconnaissance aux communes d’un droit d’acter à l’international (Mbeguele, 2011). Toutefois,
ces évolutions de l’action publique ne rendent compte que du dépassement de l’État-nation dans
l’action publique sur les plans fonctionnel et organique ; pourtant, sur le plan symbolique,
l’action publique reste un cadre de promotion de la toute-puissance de l’entreprise État.

II. 2. Les politiques publiques comme technologies de pouvoir

À ce niveau de l’analyse, la question est de savoir comment on peut envisager les


politiques publiques comme un ensemble de technologies mieux, de « machineries étatiques »
(Dobry, 1992) doté de forces capables de guider et de piloter le pouvoir? En d’autres termes,
quelle est la force des politiques publiques dans le processus de conduite des gouvernements et
de « gouvernement des conduites » (Haroche, 1996). Il s’agit là de souscrire à l’idée selon
laquelle les politiques publiques sont dotées de muscles et de raisons qui leurs sont intrinsèques
et constituent, en partie tout au moins, le répertoire d’action de la puissance de l’État. Rentrant
dans le champ de la gouvernementalité, elles sont une manifestation du monopole, par l’État,
de la violence physique légitime, mais également de la rétribution sociale légitime, suivant
l’image du « bâton et de la carotte ». Pouvoir de réprimer et de rétribuer, les politiques
publiques sont une matérialisation de l’impérium étatique vis-à-vis de l’entropie sociale.
Pouvoir d’État et politiques publiques sont donc corrélés dans la mesure où celui-ci s’exprime
par celles-là. Dans un contexte où bien des travaux scientifiques semblent se complaire des
thèses triviales du dépassement de l’État, l’enjeu, semble-t-il, est de rendre compte de l’idée de
politiques publiques comme consécration cognitive et symbolique du pouvoir d’État avant
d’insister sur la puissance responsive et régulatrice dont elles bénéficient.

II. 2.1. Les politiques publiques comme technologies de domination et de gouvernement

Dans le contexte républicain, les politiques publiques sont des technologies de


« légitimation, de pénétration et de conduction politique » de l’État (Owona Nguini, 1997),tant
celui-ci en constitue le référent de base. C’est dans cette perspective que Giraud et Warin
opèrent la distinction entre « politiques instituées » et « politiques instituantes » (Giraud et
Warin, 2008 : 9 ; Warin, 2009). Cette distinction met en lumière et/ou instruit sur le rapport
entre régulation et légitimation, reposant sur le postulat selon lequel les politiques publiques ne
sont pas uniquement des dispositifs construits et institués répondant à des problèmes publics;
elles sont également des processus instituants, car étant appréhendées comme des « processus
de définition sociale de la réalité ». Les politiques publiques apparaissent donc comme
consubstantiellement liées aux questions de régulation, de légitimation et de pouvoir ou en un
224
mot, comme le champ sémantique de l’État. Dans la perspective d’une approche par les
« référentiels de politiques publiques », manifestation plus aboutie de la théorie combinant les
dimensions instituantes et instituées des politiques publiques, Jobert et Muller les considèrent
comme un moment des luttes politiques globales et plus particulièrement comme un moment
spécifique de l’évolution historique des relations et tensions entre modes de régulation et modes
de légitimation de l’État dans les sociétés démocratiques (Jobert et Muller, 1987). Parler de
politiques publiques c’est donc aussi, et peut-être d’abord, parler des processus
d’institutionnalisation et de légitimation de l’État. C’est dans ce double mouvement instituant-
institué que se déploient les politiques publiques comme puissance d’État et état de la puissance,
suivant le prisme rétribution-répression.

Bien des grilles classificatoires ont été proposées afin de différencier les politiques
publiques28(Duran, 1999 ; Lascoumes, 1996). Nonobstant l’espace géographique, les politiques
publiques se perçoivent suivant la bijection rétribution-répression, coercition-séduction ; c’est
cette lecture qui rend le plus compte de l’action publique comme grammaire de la puissance de
l’institution État.

Au Cameroun, la rétribution se traduit par la batterie de politiques publiques que l’on


qualifie de distributives ou de redistributives. Il s’agit aussi du grand ensemble de politiques
dites allocatives. D’une manière générale, c’est à ce niveau que se situent les politiques
d’aménagement du territoire. Parce qu’attentes et aspirations sont adressées à l’État, nonobstant
la pluralité d’acteurs qui sont impliqués dans le processus de reformulation, d’implémentation
et d’évaluation, le rapport État-société ne s’en trouve que renforcé, dans l’optique d’un
accroissement de la dépendance de la société vis-à-vis de l’État et de l’État vis-à-vis de la
société. État et société sont donc inter-légitimés dans l’action publique. L’action de la première
dame, acteur public de fait, se comprend ainsi aisément dans le processus
« d’institutionnalisation de l’action publique ».

Sur le plan de la répression, outre l’ensemble de mesures normatives et règlementaires,


l’administration du territoire, la défense et la sécurité humaine participent de ce corpus de
politiques publiques consacrant l’État comme figure d’ordre, d’autorité et de commandement.
De là, les politiques publiques vues sous cet angle, peuvent en dernière analyse être
appréhendées comme un ensemble de « technologies institutionnelles de positionnement

Selon Duran, aux politiques productives, allocatives ou redistributives succèderaient des politiques réglementaires et
28 225

constitutives. Pierre Lascoumes, pour sa part, parle de politiques substantielles à des politiques processuelles.
hégémonique et d’insertion périphérique de la raison d’État ». C’est sur la force légitimée de
l’État que repose la pertinence des théories dites discursives des politiques publiques, car les
inscrivant dans une matrice communicationnelle verticale dans le sens exclusivement
descendant, c’est-à-dire partant du haut vers le bas, du sommet de l’État vers la société.

II. 2.2. Les politiques publiques : technologies de discussion et d’arrangement

Bien qu’hétérogènes pour ce qui est de leurs présupposés et dénominations, les théories
dites discursives des politiques publiques se rejoignent dans leur volonté de réfuter les théories
du choix rationnel, mais davantage l’ambition de mettre le discours, le langage, l’argumentation
et la question du sens « en action »29 au centre de leurs travaux(Durnova et Zittoun, 2013 : 569).
Pour ces approches, le discours est d’abord ce par quoi les acteurs conçoivent le monde. Il est
également le moyen qu’ils utilisent pour le transformer. Il est enfin ce par quoi ils interagissent
les uns les autres. En prenant en compte le discours et les multiples pratiques dans lesquelles
ils prennent place, ces approches proposent de nouvelles règles propres aux politiques publiques
pour lesquelles l’acteur est au centre de« l’arrangement institutionnel » (Knoepfel & al, 2015)
permettant d’aborder différemment les processus de fabrique et de transformation de l’action
publique d’une part et, d’autre part, d’interroger autrement les questions de pouvoir, de
gouvernance et de légitimation. L’idée d’un arrangement de facture politico-administratif se
trouve ainsi justifié, dans les liens concrets formels et/ou informels existant par exemple entre
les institutions de solidarité des Premières Dames et les institutions publiques des Etas africains.
En effet, ces institutions apparaissent comme des sources voire même des « ressources
institutionnelles parallèles » qui participent au montage et au pilotage des politiques publiques
et de l’action publique. L’enjeu tenant à l’observation des pratiques d’arrangements est de
mieux comprendre, la nature non seulement institutionnelle, décisionnelle mais aussi
mobilisationnelle et transactionnelle qui sous-tend l’action publique comme moyen de
légitimation de l’État dans sa gouvernementalité.

Les pratiques discursives sont au centre des politiques publiques et en émaillent toutes
les étapes. Ce sont elles qui sont à l’œuvre dans le processus de formulation des politiques
publiques ; elles sont dans ce sens comprises de façon réflexive comme des interactions. C’est
en elles qu’attentes, aspirations et réponses se trouvent structurées dans la mesure où elles sont

226
29
Voir Wagenaar (H.), Meaning in Action. InterprÉtation and Dialogue in Policy Analysis, Armonk, M.E. Sharpe Inc., 2011.
à la fois des échanges de contenus, d’intentions, d’identités ou des positions et pouvoirs
(Durnova et Zittoun, 2013 : 575).

Dans le contexte camerounais, les approches discursives jouissent d’un « capital


pertinence » plus important en ceci que centralité de l’État et jacobinisme ont induit des
réminiscences d’un État toujours présent dont la seule rhétorique discursive vaut mise sur
agenda public de certains problèmes. Dans le cadre des politiques publiques allocatives
spécialement, les procédés langagiers du gouvernement occupe une place centrale. A titre
d’exemple, la création d’une Université d’État dans une localité comme Maroua a intégré
l’agenda public suite au discours du Chef de l’État. Plus qu’une diffusion unilatérale, le discours
répond à des aspirations légitimées. Il s’agit de la validation de la théorie de l’agir
communicationnel (Habermas, 1987, 2001) par son idée de rationalité communicative 30.C’est
cette même posture analytique qu’adopte Foucault quand il construit le discours comme lieu de
production du savoir et de construction du pouvoir (Foucault, 1993). Ce dernier permet de
comprendre le discours comme lieu où s’élaborent et se partagent concomitamment normal et
pathologique, interdit et permis, raison et folie ainsi que les formes de pouvoir que contiennent
et permettent ces discours. « Le discours n’est pas seulement ce qui traduit les luttes ou les
systèmes de domination, mais ce pour quoi, ce par quoi on lutte, le pouvoir dont on cherche à
s’emparer » (Foucault, 1971).Ces théories, en permettant la construction du discours comme
lieu où se jouent des questions de pouvoir 31, permettent de souligner le rôle central de l’État
dans les politiques publiques. La consécration dans ce contexte d’un « institutionnalisme
discursif » (Schmidt, 2006) permet de comprendre la réalité et la permanence de la
prépondérance de l’État dans l’action publique, dans une perspective non pas monopolistique
mais héliocentrique : aussi bien les approches top-down que les approches bottom-up rendent
compte des politiques publiques comme phénomène de puissance d’État.

Conclure ?

D’une manière générale, les politiques publiques sont marquées par une littérature de la
névrose tenant au dépassement de l’État et à l’implication grandissante de nouveaux acteurs.
Autant cette thèse a une grande part de pertinence dans les pays développés d’occident, autant

30
Elle permet de relever l’importance des interactions discursives concrètes entre les acteurs comme lieu de production 227
du discours et du sens. Voir, Habermas, (J.), La Technique et la science comme « idéologie », Paris, Gallimard, 1973.
31
C’est principalement ce que reconnait Foucault quand il admet que : « dans toute société, la production d’un discours
est à la fois contrôlée, sélectionnée, organisée et redistribuée par un certain nombre de procédures qui ont pour rôle
d’en conjurer les pouvoirs et les dangers, d’en maitriser l’avènement aléatoire, d’en esquiver la lourde, la redoutable
matérialité ». L’ordredudiscours, op.cit., p.12.
elle mériterait qu’on la relativise dans les États de la troisième vague de démocratisation, en
l’occurrence le Cameroun. Nonobstant le tournant néolibéral de l’économie mondiale imposé
au Cameroun dans les plans d’ajustements structurels, le retrait de l’État se sera fait de manière
somme toute mitigée sur le plan économique principalement. C’est dans ce contexte de
permanence de l’État central dans les politiques publiques que l’action publique de la Première
dame du Cameroun peut être envisagée non plus comme simple fait social, mais comme objet
scientifique. Acteur public international32, acteur public de fait, la Première dame du Cameroun
se trouve, par son action, au confluent des problématiques tenant au changement d’échelle de
l’action publique d’une part, et à la recomposition du champ actantiel des politiques publiques
d’autre part. État patrimonial, néo-patrimonial ou anthropomorphe, pour rendre compte de la
forte personnification des institutions, permettent de reconnaitre un surcroit de scientificité à
l’activisme public intensif, dense et visible de la Première dame. Malgré les taxinomies sous-
développement/sur pouvoir et surdéveloppement/sous pouvoir (Schwartzenberg, 1998 :287),
l’action publique au Cameroun permet de rendre compte du pouvoir d’État comme facteur de
développement. Ceci est d’autant plus vrai que même dans les États s’étant développés dans la
perspective du passage décisif d’un État régalien à un État régulateur, la symbolique de l’État
reste le référent principal de l’action publique.

A quoi tiendrait une conclusion dans l’analyse des politiques publiques au Cameroun
suivant une perspective sociohistorique ? Elle serait sans nul doute une prétention à la fin de
l’histoire qu’énonce Fukuyama. Il s’agit donc de se contenter d’une évaluation et d’un bilan de
mi-parcours dans l’évolution des politiques publiques au Cameroun. Il est vrai que le sens dans
les politiques publiques participe généralement d’une logique de puissance, mais la dichotomie
que nous avons faite dans notre orientation permet de rendre compte de l’action publique
comme phénomène cognitif et matériel structuré par les processus de path contingency. Parler
de la première dame au Cameroun dans le champ des politiques publiques relève donc de
questions ontologiques relatives au contexte socio-institutionnel camerounais et son aura
personnelle dans la posture jupitérienne qui est la sienne.

32
Cette posture d’acteur public international a été consacrée par sa désignation comme ambassadrice de bonne volonté 228

de l’UNESCO et traduit à suffisance le rayonnement de son activisme aussi bien national qu’international.
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231
L’action sociale de la Première Dame du Cameroun entre engagement humanitaire,
éthique solidaire, mobilisation sociale et échange politique. Pr Mathias Eric OWONA
NGUINI, Politologue, Université de Yaoundé II.

Résumé : L’action sociale de la Première Dame du Cameroun, Madame Chantal Biya s’est
développée de manière importante entre les années 1990 et 2010.Cette action a de multiples
fonctions et s’exerce à la fois comme pratique humanitaire, solidaire, communautaire autant
qu’utilitaire et politique, doit être codifiée par un Statut.

Mots-clés: action sociale; action humanitaire; échange politique.

Abstract : The Social Action of Cameroon’s First Lady Mrs. Chantal BIYA was mainly
implemented between the 1990 and the 2010’s.This Action which has several functions and
operates simultaneously as a humanitarian, welfare, communitarian and even utilitarian and
political practice, needs to be regulated by an Official Status.

Key-Words: Social Action; Humanitarian Action; Political Exchange.

Les « Premières Dames » ou « First Ladies » sont devenues des objets légitimes de l’analyse
des disciplines de science sociale (anthropologie, sociologie, histoire, droit et science
politique. Ironiquement, l’auteur de la présente recherche a vu la perspective de sa participation
à ce colloque sur l’action de la Première Dame au Cameroun, susciter un vif tollé révélateur
des « obstacles épistémologiques » freinant l’objectivation des thèmes de recherche associés à
ce colloque [BACHELARD, 1999].Il apparait pourtant, au vu de certaines données historiques
et empiriques , que l’on peut procéder à une analyse consistante des trajectoires sociales et
politiques des « Premières Dames » et des « First Ladies » relevant d’une réflexion et d’une
investigation de fond en termes de sciences sociales sur cette thématique [SAGE,
1998].L’étude scientifique des Premières Dames ou First Ladies est (désormais) un créneau
universitaire établi, contrairement aux certitudes trompeuses de profanes éloignés des arènes et
arcanes de formation et de production des savoirs sur la société ou sciences sociales, comme en
témoigne l’intérêt épistémologique et méthodologique des politologues américains pour
l’examen empirique et théorique de la « Politique des Epouses de Présidents » (« Politics of
Presidents’ Wives ») [WATSON,2000].Il convient d’examiner l’action sociale de Madame
Chantal BIYA en tant que Première Dame du Cameroun en réinterrogeant les conduites et les
pratiques de solidarité qui l’ont configurée comme « face "non gouvernementale" du pouvoir

232
d’un Chef qui s’est pérennisé à la tête de l’État de cette manière en reconvertissant ses modes
d’exercice de pouvoir » [EBOKO, 2004 : 91].Il convient d’inscrire la volonté d’étudier l’action
sociale des Premières Dames du Cameroun avec une attention dominante pour l’engagement
de Madame Chantal BIYA en examinant cela dans une dynamique sociopolitiste permettant
d’ « analyser les Premières Dames comme des acteurs au même titre que d’autres, formels ou
informels de la vie politique en Afrique, tout en tenant compte de la nouveauté de cette
affirmation et de cette reconnaissance de leur visibilité sociale et politique »[MESSIANT,
2004 : 5-6]. À l’observation, il apparait que Madame Chantal BIYA a , en tant que Première
Dame, c'est-à-dire Epouse officielle du Chef de l’État en fonction du Cameroun (Mr Paul
BIYA), développé une action à vocation sociale déployée sur une double décennie, une action
qui souligne sa compétence consistante en matière d’ « entreprise de
cause »[SABATIER,1998].C’est par exemple dans cette posture ressortissant d’un rôle
véritablement structuré que Madame Chantal BIYA a parrainé une nouvelle fois , une campagne
de don de sang pour les victimes de la terrible catastrophe ferroviaire d’Eséka en octobre 2016.
À l’analyse, il apparait que la visée d’une analyse de sciences sociales s’appliquant à l’action
sociale de la Première Dame au Cameroun, permet de voir comment sous Madame Chantal
BIYA, le rôle d’épouse de Président a pris une dimension et une configuration nouvelles qui
sont liées à ce qu’elle est l’expression locale et nationale d’un « fait mondial
contemporain »[COCQUERY-VIDROVITCH ,2004 :30].Ainsi, l’action sociale de la
Première Dame du Cameroun a tiré profit de la présidentialisation accrue de l’action publique,
correspondant à la construction d’une compétence déléguée du Président de la République,
Chef de l’État en tant que centre politique de l’activité gouvernementale et exécutive. On ne
saurait appréhender l’action sociale de la Première Dame du Cameroun sans la situer dans un
mouvement social, historique et politique de constitution de « la reconnaissance et de
l’institutionnalisation de la figure d’épouse de Président au niveau international et africain
depuis plus d’une décennie »[MESSIANT, 2004 : 5].L’analyse socio-politiste de l’action
sociale de la Première Dame du Cameroun est à engager dans une logique d’objectivation, qui
s’attache à saisir la démarche de régulation et de gestion des politiques de solidarité, qui
s’exprime à travers les entreprises de solidarité et de générosité de Madame Chantal BIYA,
laquelle intervient dans le cadre d’une délégation des compétences de charisme et de grâce
liées au Président comme « pontife constitutionnel » [FRANCOIS, 1992 :314].L’effort
d’objectivation de l’action sociale de la Première Dame du Cameroun sera conduit en recourant
à l’intellection, l’intelligence et l’intelligibilité politistes, de manière à saisir la relation entre
« sens » et « puissance » qui modèle les contours de cette démarche de prise en charge des
233
politiques de solidarité [BALANDIER, 1971].Il convient de construire le questionnement
sociopolitiste gouvernant la présente recherche sur l’action sociale de la Première Dame du
Cameroun : « Comment convient-il d’appréhender la manière dont se modèle et se
structure (logique) puis se transforme et se reconfigure (dynamique) l’action sociale de
la Première Dame du Cameroun » ? À ce questionnement directeur, il convient d’adresser
une réponse en forme d’hypothèse directrice : « il convient d’appréhender la manière dont
se modèle et se structure puis se transforme et se reconfigure l’action sociale de la
Première Dame du Cameroun en la cernant comme un processus politique qui balance
entre engagement humanitaire, éthique solidaire, mobilisation sociale et échange
politique ». Dès lors, il apparait que cette démarche d’action sociale correspond à une activité
parapolitique, correspond à une « configuration sociale » [ELIAS, 1981].Au questionnement
central qui concerne la saisie du sens empirique et théorique de la logique et de la dynamique
de l’action sociale de la Première Dame du Cameroun, il faut adjoindre un questionnement
auxiliaire en deux temps qui permettent de préciser cette problématique. Ainsi, il convient de
formuler une première question auxiliaire : « Comment peut-on comprendre la place et le
rôle du sens dans l’action sociale de la Première Dame du Cameroun ? ».À cette première
question auxiliaire, il convient d’apporter une réponse en forme de première hypothèse
auxiliaire : « On peut comprendre la place et le rôle du sens dans l’action sociale de la
Première Dame du Cameroun, en la saisissant dans son économie axiologique et
symbolique, qui a trait à des codes normatifs et cognitifs de production du jeu politique ».Le
questionnement central peut se voir compléter par la formulation d’une deuxième question
auxiliaire : « Comment peut-on cerner la place et le rôle de la puissance dans l’action
sociale de la Première Dame du Cameroun ».À cette deuxième question, il convient
d’apporter une réponse en forme de deuxième hypothèse « On peut cerner la place et le rôle
de la puissance dans l’action sociale de la Première Dame du Cameroun, en
l’appréhendant dans son économie pragmatique et praxéologique qui a trait à des codes
opérationnels et fonctionnels de configuration de l’échange politique ».Afin d’examiner de
manière appropriée le questionnement organisant cette recherche sur l’action sociale de la
Première Dame du Cameroun, il convient de définir le modelage et le profilage d’une
méthodologie sociopolitiste appropriée. La méthodologie théorique à formuler et à énoncer
pour rendre raison et rendre compte de l’action sociale de la Première Dame du Cameroun,
s’appuie sur une démarche socio-politiste et socio-anthropologique institutionnaliste en cernant
les pratiques de formalisation et de normalisation travaillant à établir une « base
organisationnelle », de cette action [OLSEN ET MARCH, 1990].Cette méthodologie
234
théorique et empirique exige aussi de cerner la manière dont cette action sociale de la Première
Dame du Cameroun se structure à travers des conduites et pratiques de « construction sociale »
qui donnent à voir les différents niveaux de structuration de cette activité de solidarité
[BERGER LUCKMANN, 1986].Ce modèle /paradigme combinant l’institutionnalisme et le
constructivisme est de facture inséparablement critique , pragmatique, stratégique, organique et
dialectique, aidant à étudier l’action sociale de la Première Dame du Cameroun pour en dégager
les formes du « jeu politique » [BAILEY, 1971]. Il permet aussi de cerner dans l’action
sociale de la Première Dame du Cameroun, l’ « échange politique » qui y est lié [DELLA
PORTA, MENY, 1995].C’est cette grammaire analytique et herméneutique qui structure la
méthodologie théorique et empirique arrêtée pour la présente recherche, et qui peut aider à
concevoir et confectionner une analyse sociopolitique simultanément documentée, informée,
éprouvée et raisonnée des fonctions et configurations de l’action sociale de la Première Dame
du Cameroun comme expression emblématique de la féminisation complémentaire/corollaire
des politiques présidentielles et/ou gouvernementales de solidarité. La structuration
théorique et technique de la présente recherche sur l’action sociale de la Première Dame du
Cameroun commande de mobiliser une analyse de ses ressorts et des ressources se déployant
entre les sphères de la politics (la politique comme lieu de compétition et d’interaction en
tant que sphère politico-mobilisationnelle et politico-configurationnelle) et les sphères de
la policy (la politique comme lieu de régulation et de gestion en tant que sphère politico-
décisionnelle ou politico-fonctionnelle). En effet, cette action sociale de la Première Dame du
Cameroun se structure et opère entre ces deux types de rapports politiques ou para-
politiques. Cela permet de comprendre le (s) processus de cette action sociale de la Première
Dame du Cameroun à partir d’une logique analytique et technique les liant à une « économie
du pouvoir » ayant aussi bien des aspects organiques que stratégiques[FOUCAULT,1994].On
examinera ainsi dans une perspective relationnelle et évolutionnelle capable d’ « intelliger » le
cours de l’action sociale de la Première Dame du Cameroun, l ’ « économie axiologique et
symbolique » (I) puis son « économie pragmatique et praxéologique » (II).

I-L’économie axiologique et symbolique de l’action sociale de la Première Dame du


Cameroun : une analyse des codes normatifs et cognitifs d’un jeu politique.
Par cette formulation, on veut exprimer le fait que la démarche de solidarité développée par les
différents outils institutionnels, organisationnels et actionnels qui constituent la sphère
politico-humanitaire et socio-humanitaire autour de Madame Chantal BIYA posée en
Première Dame du Cameroun, est orientée par des perspectives de valeur et de sens en lien

235
avec une manière de voir et de sentir le monde. En effet,« l’action de Chantal BIYA dans
l’espace public » s’est structurée progressivement entre 1994 et 2016, comme une action liée
à une véritable configuration de valeur et de sens expressive de la construction d’un
humanitarisme sociopolitique [EBOKO, 2004 : 93].Afin de saisir les visées axiologiques et
symboliques de cette action sociale de la Première Dame du Cameroun, il convient de la mettre
en lien avec l’économie morale et sentimentale du pouvoir présidentiel dont la
compréhension peut aider à comprendre « l’image et les représentations sociales des
Premières Dames » [MESSIANT 2004 : 7].C’est sur cette base référentielle qu’on peut
examiner « les fonctions éthiques et esthétiques de l’action sociale de la Première Dame
du Cameroun » (A-I) et les « fonctions liturgiques et symboliques de l’action sociale de la
Première Dame du Cameroun » (B-I) en les rapportant respectivement à des
« configurations axiologiques du pouvoir de reliance » et des « configurations scéniques
du pouvoir de reconnaissance » avant d’étudier aussi « les fonctions thaumaturgiques et
kinésithérapeutiques de la Première Dame du Cameroun » rapportées comme des
« configurations thérapiques du pouvoir d’assistance »(C-I).
A-I. Les fonctions éthiques et esthétiques de l’action sociale de la Première Dame du
Cameroun : configurations axiologiques du pouvoir de reliance
Par cette formulation, on veut montrer comment les activités de solidarité relatives à l’action
sociale de la Première Dame du Cameroun participent d’un jeu politique dans lequel elles
remplissent des fonctions de légitimation et de justification du pouvoir présidentiel, à travers
des stratégies de construction de ce pouvoir comme une puissance élégante dans la forme et
revêtue de vertu. Ainsi, il apparait que Madame Chantal BIYA développe cette posture
vertueuse comme une expression de « sa fonction de Première Dame », se pose par cette
démarche politico-compassionnelle en « complément bienvenu à la légitimité virile du
pouvoir » [PERROT, 2004 : 41].L’action sociale de la Première Dame du Cameroun qu’est
Madame Chantal BIYA se développe comme une démarche de solidarité exprimant une
« transmission vicariale » des compétences et pouvoirs de représentation du magistrat
présidentiel [OWONA NGUINI, 1997 : 152 ].On examinera dans cette perspective comment
s’est opérée l’affirmation d’un « label éthico-solidaire » à travers une « fondation
humanitaire » (la Fondation Chantal BIYA (1-A-I) puis on étudiera comment ladite
organisation va se constituer en « officine politico-humanitaire » posée en « entrepreneur
moral »(2-A-I).
1-A-I. Le label éthico-solidaire d’une fondation humanitaire : la Fondation Chantal BIYA

236
Par cette formulation, on veut faire entendre comment la démarche de solidarité parrainée ou
organisée pour le compte de Madame Chantal BIYA née VIGOUROUX,va recourir à un
instrument associatif dénommé Fondation Chantal BIYA. En effet, la Fondation Chantal
BIYA a été créée en avril 1994, étant d’emblée configurée comme « le label bio-médical d’une
fondation politique » [EBOKO, 2009 : p97].De 1994 à 2016, à travers ses multiples prestations
et productions, la Fondation Chantal BIYA a contribué à poser Madame Chantal BIYA en
« entrepreneur moral » dont les actions de solidarité sont soudées au système
présidentiel/présidentialiste d’action opérant au profit du Président Paul BIYA [BECKER,
1963].Ce faisant, les initiatives humanitaires et caritatives de la Fondation Chantal BIYA ont
contribué à inscrire cette plateforme organisationnelle dans une dynamique d’action et de
mobilisation exprimant une attention pour les territoires de l’action publique en matière
solidaire. La structure associative qu’et la Fondation Chantal BIYA va organiser et orienter
ses actions (protection mère et enfant ; chirurgie endoscopique et reproduction humaine ;
lutte contre le SIDA) de manière à apparaître comme « première organisation à vocation
humanitaire au Cameroun » car elle va mettre à contribution le statut de la Première Dame et
manifester sa vocation de participer à un service public social et solidaire [AYANG’MA,
2016 :82].En effet, la Fondation Chantal BIYA créée en avril 1994 exprime à travers ses
actions, une démarche de solidarité à travers laquelle la Première Dame va gérer pour le compte
du Président Paul BIYA, la politique de la solidarité présidentielle. Il s’agit à travers cette
démarche, de mettre en valeur des fonctions éthiques et esthétiques exprimant la manière dont
le leader central présidentiel va tirer parti axiologiquement du rôle de reliance joué par la
Première Dame du Cameroun en tant qu’entrepreneur de charité et de bienfaisance.
2-A-I. Un office politico-humanitaire posé en entrepreneur moral
Par cette formulation, on veut souligner que la Fondation Chantal BIYA est devenue un site
politiquement influent de l’action humanitaire au Cameroun, tirant parti des ressources et règles
formelles ou informelles établissant la centralité politique et institutionnelle du Président Paul
BIYA et de son épouse. En opérant de la sorte, la Fondation Chantal BIYA va parvenir à
positionner sa Présidente Fondatrice en « leader moral », en co-leader moral accompagnant le
Président Paul BIYA dans une démarche visant à souligner combien le couple présidentiel fait
preuve de solidarité [BAILEY, 1971 :50].La Fondation Chantal BIYA est effectivement
devenue à travers la structuration et la mobilisation de son réseau organisationnel et
infrastructurel,« le premier vecteur de l’influence de la Première Dame », aidant Chantal BIYA
à construire par l’action de solidarité en matière éducative et sanitaire, un véritable magistère
moral dans « l’univers politico-humanitaire transnational d’un pays sous perfusion »
237
[EBOKO, 2004 :97].Entre 1994 et 2016, l’action sociale de la Première Dame du Cameroun a
mis en lumière la centralité de la Fondation Chantal BIYA dans cette constellation
humanitaro-politique, à tel point que cette Fondation se verra reconnaître le statut d’ONG
d’utilité publique par le Décret n°99/098 du 30 avril 1999.En agissant dans (les) différentes
filières de l’humanitaire et du solidaire, la Fondation Chantal BIYA s’imposera comme une
agence politique et sociale permettant à la Première Dame de se poser en entrepreneur politico-
moral animant une dynamique de construction constitutive d’une « advocacy coalition » au
Cameroun [JENKINS-SMITH, SABATIER,1993].Par la sorte, Madame Chantal BIYA a agi
comme un courtier politique important travaillant à construire l’image éthique et symbolique
de la sollicitude / solidarité du Président Paul BIYA et de son épouse.
B-I. Les fonctions liturgiques et symboliques de l’action sociale de la Première Dame du
Cameroun : configurations scéniques du pouvoir de reconnaissance
Par cette formulation, on veut indiquer que l’action sociale de la Première Dame du Cameroun
exerce aussi des fonctions qui renvoient à la construction de perspectives d’intégration de la
société étatique camerounaise qui appellent à prendre en charge les attentes et demandes de
sens. Ainsi, il apparait que cette action sociale conduite par Mme Chantal BIYA ou ses
représentants et fondés de pouvoir , a une fonction de régulation morale et culturelle du jeu
politique à travers la structuration d’une logique d’intégration et d’articulation sociales fondée
sur la chaîne « don-contre-don » [MAUSS, 2011].Il y a dans la structuration des réseaux
organisationnels et opérationnels qui animent l’action sociale de Madame Chantal BIYA en
tant que Première Dame du Cameroun, une action qui a trait à une mise en scène de stratégies
ou de tactiques intégratrices relevant d’une perspective d’«intégration sociale »
[LOCKWOOD, 1964].Dans une telle optique, on étudiera d’abord « la logique
anthropologique du don à travers l’action de solidarité du CERAC » (1-B-II) avant
d’envisager l’examen de « la rationalité sociale du don pratiqué par le réseau distributif
constitué par le CERAC » (2-B-II).
1-B-I. La logique anthropologique du don à travers l’action de solidarité du CERAC
Par cette formulation, il s’agit de montrer comment les prestations et opérations liées à l’action
sociale de la Première Dame du Cameroun participent de l’exercice d’une fonction de
construction de la cohésion sociale par des manœuvres de présentation et de représentation liées
à l’activité sociale de don menée par « le Cercle des Amis du Cameroun » ou CERAC. Le
CERAC va se positionner dès 1995 comme une entité organisationnelle permettant aux élites
jointes de l’ordre gouvernant que sont les conjoints des personnalités du système dirigeant
central associés à ceux des personnalités exerçant des fonctions diplomatiques et consulaires,
238
de pratiquer la solidarité sur le mode de la « liturgeia », c'est-à-dire de l’accomplissement
d’exigences et de devoirs parafiscaux ou proto-fiscaux [ARISTOTE, 2015].Comme l’indique
Madame Chantal BIYA présentant le CERAC : « il s’agissait de cultiver l’amitié et la
solidarité entre les membres de l’association, apporter une assistance humanitaire aux
populations vulnérables, favoriser l’accès des déshérités à la santé, promouvoir
l’éducation inclusive, contribuer à la lutte contre la pauvreté, et les souffrances humaines,
et œuvrer à la promotion et au rayonnement international du Cameroun » [CERAC,
2010 : 5].Il apparaît dans cette présentation de soi commode mais pas inexacte, qu’il s’est
développé une obligation de prodigalité et de générosité des membres du CERAC appartenant
aussi bien au volet national qu’au volet diplomatique. Le CERAC s’est concrètement
constitué en « réseau d’influence », cette association couplant les femmes de l’élite
gouvernante (femmes ministres, directeurs généraux, recteurs, gouverneurs et conjoints
des élites centrales) ou les femmes des diplomates et assimilés (femmes de chefs de missions
diplomatiques et consulaires) pour manifester sa générosité en allouant des « Ecoles
Champions », des écoles clés – en-main en partenariat avec l’éditeur français EDICEF
[EBOKO, 2004 : 99-100].A travers son activité, le CERAC va structurer une politique de
solidarité fondée sur une véritable obligation de prodigalité et de générosité, équivalant à une
forme tropicalisée d’ « évergétisme » ;laquelle politique va lui valoir de se voir reconnaitre le
23 avril 2007, le statut d’ONG d’utilité publique pour ces actions (construction des Ecoles
« Les Champions », rétrocession de ces écoles à l’État, dons de matériels sanitaires ou
action de protection des démunis)[VEYNE, 1981].
2-B-II. La rationalité sociale du don pratiqué par le réseau distributif constitué autour du
CERAC
Par cette formulation, on veut indiquer que le CERAC opère comme une agence sociale
d’intégration et de contrôle qui use des activités et pratiques de don comme un moyen de
démontrer la sollicitude et la solidarité du couple présidentiel et des cercles de pouvoir dans un
contexte socio-économique de récession où l’on va assister à un retrait significatif de la
puissance étatique comme centre d’action publique. Ainsi, l’action donatrice et dispensatrice
des membres du CERAC symbolisée par exemple par le projet des écoles
Champions, exprime une logique de solidarité permettant à ces acteurs qui accompagnent la
Première Dame du Cameroun, de se constituer en machine humanitaire structurant à travers
leurs bonnes œuvres, une restructuration amène de « l’économie morale des pouvoirs »
[MESSIANT, 2009 :15].L’activité donatrice et dispensatrice du CERAC est une combinaison
de prestations et d’opérations à travers lesquelles les sociétaires de cette entité reconnue d’utilité
239
publique, entendent donner du crédit à la façade symbolico-communicationnelle de leur
structure ;laquelle façade met en valeur leur nécessité de se conformer au «modèle
d’engagement humanitaire de leur présidente fondatrice, madame Chantal BIYA » [CERAC,
2010 :9].Les actions et les opérations de solidarité conduites par la Première Dame du
Cameroun Madame Chantal BIYA et ses associés du CERAC, permettent aux élites jointes
des cercles politico-mondains et diplomatico-mondains de souligner la puissance
distributive ou redistributive de leur démarche associée à « la chaine de solidarité de la
Première Dame » [AYANG’MA, 2016 : 71].En opérant de la sorte, le CERAC se constitue
en puissant mécanisme d’influence, reproduisant les orientations et inclinations des cercles
féminins coutumiers, ce qui permet le déploiement de cette « association féminine » comme
une entité exprimant et matérialisant sous une forme moderne, la logique d’une « société secrète
de femmes » sur le mode du MEVUNGU (Fang-Béti), du JENGU (Sawa)et de l’ANLU
(Kom) (EBOKO, 2004 :100).
C-I. Les fonctions thaumaturgiques et kinésithérapeutiques de la Première Dame du
Cameroun : configurations thérapiques du pouvoir d’assistance
Par cette formulation, il s’agit de rendre compte de la manière dont l’action sociale de la
Première Dame du Cameroun remplit (aussi) des fonctions curatives et cathartiques, en
allégeant dans la mesure du possible, les souffrances éprouvées et vécues par les couches
sociales vulnérables, marginalisées et défavorisées. Ainsi, l’on se doit d’être attentif à la
manière dont cette démarche de solidarité menée par la Première Dame Chantal BIYA pour le
compte du Président Paul BIYA, remplit (bien) une fonction de cure des corps et des âmes
participant d’une régulation correspondant à une logique de « biopolitique » [FOUCAULT,
2004 ].L’action sociale de la Première Dame du Cameroun se développe effectivement de
manière large sur le terrain de l’appui citoyen et civil aux politiques de santé, de telle manière
que cette action parvient à frayer avec le « pouvoir médical » [FASSIN, 2000 : 82]. Pour
comprendre cette dynamique de collaboration et de coopération avec les milieux bio-médicaux
comme acteurs associés aux conduites de solidarité parrainées et organisées par la Première
Dame Chantal BIYA, on étudiera d’abord « l’accomplissement par délégation de la fonction
curative du souverain thaumaturge (1-C-I) puis « le positionnement privilégié des
associations caritatives de la Première Dame du Cameroun autour du label bio-médical »
(2-C-I).

1-C-I. L’accomplissement par délégation de la fonction curative du souverain


thaumaturge

240
Par cette formulation, on veut signifier que la Première Dame du Cameroun Madame Chantal
BIYA, apparait comme un Délégué du Président de la République, se voyant concéder par des
mécanismes aussi bien formels qu’informels, des compétences dans les filières de l’action
solidaire de santé comme volets de l’action sociale conduite pour le profit du leader présidentiel.
Madame Chantal BIYA, tire pleinement profit de son statut d’Epouse du Chef de l’État
camerounais dans une logique où elle bénéficie de façon déléguée de l’exercice par le Président
Paul BIYA de la fonction symbolique de « Roi thaumaturge », une fonction par laquelle les
gouvernants centraux s’engagent dans l’action de santé [BLOCH, 1961 ].Il apparait
effectivement qu’à travers la prise en charge par le CERAC et les Synergies Africaines
(association créée en novembre 2002) des malades de SIDA, Madame Chantal BIYA mobilise
les piliers organisationnels de sa sphère politico-humanitaire pour tirer des effets de
légitimation et de régulation du pouvoir, de l’exploitation du « pouvoir du thérapeute »
[FASSIN, 2000 :74].En pénétrant l’arène bio-médicale, Madame Chantal BIYA a procédé de
la sorte pour s’assurer le contrôle para-politique et para-publique de l’action des
professionnels de la santé dans le but de tirer politiquement parti, pour le compte du Président
Paul BIYA, d’une stratégie de « moralisation » c'est-à-dire du « pouvoir du thérapeute »
[FASSIN, 2000 : 77].
2-C-I. Le positionnement privilégié des associations caritatives de la première dame
autour du label bio-médical
Par cette formulation, on veut indiquer que Madame Chantal BIYA opérant en tant que
Première Dame du Cameroun, va mobiliser les structures associatives qu’elle parraine ou
patronne, pour les lier de manière essentielle et stratégique avec des outils institutionnels ou
organisationnels relevant des sphères bio-médicales d’État. L’action sociale de Madame
Chantale BIYA en tant que Première Dame du Cameroun saura tirer profit du statut matériel
de collaborateur de fait qu’elle occupe auprès du Président de la République Monsieur Paul
BIYA, pour positionner les structures associatives par elle parrainées ou patronnées, comme
des instruments organisationnels lui permettant de devenir « un interlocuteur des instances
biomédicales et universitaires camerounaises» [EBOKO, 2004 : 98].Madame Chantale BIYA
bénéficiera de son statut de Première Dame du Cameroun pour se voir mettre à disposition des
établissements publics comme le Centre International de Référence Chantal BIYA pour la
Recherche sur la prévention et la prise en charge du VIH-SIDA (CIRCB) créé par le Décret
n°2012/249 du 31 Mai 2012 .L’action sociale de Madame Chantale BIYA en tant que Première
Dame du Cameroun bénéficiera aussi d’un partenariat privilégié avec le Centre de Recherche
et d’Application en Chirurgie Endoscopique et de Reproduction Humaine (CHRACER), un
241
autre établissement public ayant été créé par le Décret n°2001/054/PM du 15 Février
2001.Ainsi, il apparaît que la Première Dame Chantale BIYA va mettre à profit son statut pour
pouvoir bénéficier du savoir-faire biomédical et techno-médical associé aux opérateurs du
CIRCB et du CHRACER, s’appuyant sur le partenariat avec ces établissements publics, afin
d’user de la capacité de soigner et de guérir comme une ressource permettant d’exercer le
« gouvernement des corps » [HAROCHE, 1996].En s’investissant dans l’action sociale à
travers des interventions dans les secteurs de l’éducation et de la santé, à travers ses structure
associatives (Fondation Chantal BIYA, CERAC et Synergies Africaines), Madame Chantal
BIYA s’appuyant sur les ressources statutaires parapubliques ou quasi-publiques de sa qualité
de Première Dame du Cameroun/Conjoint du Président de la République, a construit une
« œuvre charitable» développée concrètement par ses structures associatives mettant en acte
« une œuvre citoyenne reconnue d’utilité publique …» [VERHOEVEN, 2008 : 194].Où l’on
voit que cette démarche de contribution citoyenne et civile aux politiques de solidarité par
l’engagement associatif venant en appui aux dispositifs d’action publique en matière d’affaires
sociales au Cameroun, n’est pas sans arrière-pensées politiques.

II- L’économie pragmatique et pratique de l’action sociale de la première dame du


Cameroun :une analyse des codes opérationnels de l’échange politique
Par cette formulation, on veut montrer que l’action sociale de la Première Dame du Cameroun
n’a pas seulement trait aux questions de sens, de forme et de valeur mais concerne également
une démarche d’intervention ayant des incidences concrètes pour ce qui touche à la
structuration et l’opérationnalisation des politiques de solidarité. Il s’agit de procéder à une
relecture empirico-critique et historico-critique de l’engagement solidaire et humanitaire de
la Première Dame du Cameroun, avec le souci de mettre à jour dans une visée politico-
anthropologique et socio-politologique, l’économie structurale et humorale du pouvoir
présidentiel qui veut réguler cette dynamique d’action sociale. Dans cette perspective, il
convient d’analyser « les fonctions nomiques et organiques de l’action sociale de la
Première Dame du Cameroun » (A-II) puis « les fonctions catallactiques et ophélémiques
de l’action sociale de la Première Dame du Cameroun » (B-II) et enfin « les fonctions
stratégiques et systémiques de l’action sociale de la Première Dame du Cameroun» (C-
II),en les rapportant respectivement à des « configurations bureaucratiques du pouvoir de
gouvernance », des « configurations économiques du pouvoir d’interdépendance » et enfin
des « configurations du pouvoir de préséance ».

242
A-II Les fonctions nomiques et organiques de l’action sociale de la Première Dame du
Cameroun : configurations bureaucratiques du pouvoir de gouvernance.
Par cette formulation, on veut souligner que l’action sociale de la Première Dame du Cameroun
Madame Chantal BIYA, ne peut être adéquatement appréhendée, si on n’établit pas la manière
dont elle est articulée avec les circuits bureaucratiques de régulation et de coordination. En
effet, cette démarche civile et citoyenne d’action est, comme le montre Fred EBOKO, évoquant
la structure de la Fondation Chantal BIYA, « le fait d’une organisation politique et
administrative qui ne concède pas grand-chose au hasard » [EBOKO, 2004 : 98].Il convient
alors de voir comment à travers l’action formatrice et productrice de l’œuvre caritative de
Madame Chantal BIYA développée et déployée des années 1990 aux années 2010 au
Cameroun, il s’est constituée une dynamique éthico-associative et politico-associative
génératrice d’un processus d’émergence d’une « institution-personne » [HAURIOU, 1933].On
analysera dans cette perspective , la façon dont il va se constituer un bouclage politico-
administratif encadrant la délégation matérielle de compétences opérée par le Président de la
République au profit de la Première Dame, un bouclage au sens duquel il faut examiner « La
mise en place de la Fondation Chantal BIYA a comme dynamique organisationnelle de
régulation administrer de l’action solidaire » (1-A-II)puis de saisir « le rôle moteur de la
Fondation Chantal BIYA dans le système organisationnel d’action humanitaire de la
Première Dame » (2-A-II)»
1-A-II La mise en place de la Fondation Chantal BIYA comme dynamique
organisationnelle de régulation de l’action solidaire.
Par cette formulation, on veut mettre en exergue le fait que l’activité politico-caritative et
éthico-caritative à travers laquelle les associations de la Première Dame du Cameroun
(Fondation Chantal BIYA, CERAC et Synergie Africaine) opèrent, se forme et s’applique
avec la mise en œuvre d’un travail bureaucratique et managérial destiné à piloter ces structures
organisationnelles. Dans sa démarche de communication, la Fondation Chantal BIYA
souligne son formatage bureaucratique :« Le Secrétariat Général est doté pour son action,
des unités déconcentrées et des centres opérationnels. Les unités déconcentrées sont la
section des dons, la section Relations Publiques et Communication, la section Actions
Sociales et Sports, la section Développement et Coopération Internationale, la section
Unité et Action SIDA et la section Education et Promotion » [FONDATION CHANTAL
BIYA MAGAZINE n°9,2015 : 33].C’est en s’appuyant sur un formatage bureaucratico-
administratif mimant celui des institutions étatiques ; lequel formatage est structuré autour de
son Secrétariat Général, que la Fondation Chantal BIYA s’est construite comme dispositif
243
administratif et managérial-clé chargé de bien conduire l’exercice de la « mission sociale des
premières dames» [POKAM, 1996].La structuration bureaucratico-administrative et politico-
administrative de cette ONG reconnue d’utilité publique par le Décret n°99/098 du 30-04-
1998,lui a permis de développer un ouvrage organisationnel et un maillage institutionnel
qui aident la Fondation Chantal BIYA à agir comme une personnalité publique spécialisée.
À l’examen, il apparait que la Fondation Chantal BIYA est une structure bien charpentée au
plan politico-administratif et bureaucratico-administratif qui révèle que ce groupement
associatif s’envisage comme une micro-communauté morale et humorale dont l’action
s’inscrit dans la perspective d’une dynamique civile et citoyenne de « gouvernement des
conduites» sachant s’inspirer des « conduites de gouvernement» produites par les structures
étatiques ou para-étatiques [OWONA NGUINI, 2004].C’est en mobilisant ce cadrage que
Madame Chantal BIYA bénéficiant toujours de son statut de conjoint du Président de la
République, sait le capitaliser pour en appeler à la générosité publique autant qu’à la solidarité
publique.
2-A-II. Le rôle moteur de la Fondation Chantal BIYA dans le système organisationnel
d’action humanitaire de la Première Dame
Par cette formulation, on veut souligner l’importance structurelle et organique de la Fondation
Chantal BIYA dans la construction instituante / instituée de l’œuvre caritative de la Première
Dame du Cameroun, non seulement en raison de son antériorité temporelle mais aussi du fait
de son socle bureaucratico-managérial autant que de son optique politique. En effet, la
Fondation Chantal BIYA a imposé sa « centralité» dans « l’armature de la politique
publique de lutte contre le SIDA au Cameroun», à travers le développement et la consolidation
de son action et de son système d’action lui permettant de capter les dons et legs liés à de
nombreux programmes ou projets [EBOKO, 2004 : 98].Placée sous le Monitoring politique
de sa Présidente Fondatrice et sachant tirer parti de son statut d’ONG reconnue d’utilité
publique, la Fondation Chantal BIYA va tirer profit du statut social de Madame BIYA usant
de ses interventions diverses dans l’assistance, l’aide et la protection des personnes démunies
et des couches sociales défavorisées pour se montrer comme Madame Rosine SOGLO agissant
à travers son association curative Vidolé, au Bénin, « digne de sonrang de femme de Président»
[TOZO, 2004 : 78].Pour ce faire, Madame Chantal BIYA mise bien entendu sur la puissance
collective et contributive des membres de la Fondation organiquement liés à l’establishment
camerounais. Madame Chantal BIYA et ses réseaux de compagnonnage associés aux « élites
de pouvoir » comprises dans l’ordre institutionnel et gouvernant camerounais, ont de 1994 à
2016, tissé une toile relationnelle considérable, leur permettant de se connecter de manière
244
utile aux opérateurs pertinents de différentes filières de l’action publique, comme c’est le cas
avec le groupe d’édition française HACHETTE qui contrôle la maison d’édition UNICEF
fortement implantée dans le marché camerounais de l’édition, principal partenaire de la
Fondation Chantal BIYA pour le projet des Ecoles Champions. Se basant sur un engagement
révélateur d’une utilité sociale qui participe de son inscription dans le mouvement de
construction au Cameroun des bases organisationnelles et opérationnelles d’un service public
social et solidaire, la Fondation Chantal BIYA tirant parti du statut d’épouse du Président
qui est celui de sa Dame-Patronnesse, est devenue un « médiateur» important dans l’action
publique en matière de lutte contre le SIDA ou de la santé de protection des mères et des enfants
[JOBERT, MULLER, 1987].Elle a su se positionner pour développer des partenariats
concluants avec l’ONUSIDA ou l’UNESCO ou encore avec la Fondation Glaxo Smith Kline
autant que la Coopération Française, ce qui lui a permis de collecter et de faire collecter des
legs, dons ou appuis financiers ou logistiques en vue de l’exercice de ses missions.
B.II- Les fonctions catallactiques et ophélémiques de l’action sociale de la Première Dame
du Cameroun : configurations économiques du pouvoir d’interdépendance.
Par cette formulation, on veut souligner que l’action sociale de la Première Dame du Cameroun
ne peut pas être appréhendée avec pertinence d’un point de vue anthropo-politique ou socio-
politiste, si on la réduit à un registre relevant de la morale désintéressée. Il apparaît
effectivement pertinent de s’intéresser au fait que l’action sociale de Madame Chantal BIYA
posée comme Première Dame du Cameroun est aussi modelée par des orientations politico-
économiques de facture transactionnelle qui font qu’elle est motivée sous ce registre par
l’appropriation ou l’exploitation de « ressources rétributives »[DOBRY, 1992 :38].La
démarche de charité, de générosité et de solidarité associée aux initiatives humanitaires de
Madame Chantal BIYA ne saurait se comprendre seulement sous l’angle du paradigme
moralisant du « joli cœur», mais est à entendre aussi sous l’angle du calcul politico-
transactionnel et politico-instrumental [ZAMBO BELINGA, 2003 : 585-586].Dans cette
optique, il convient d’abord d’examiner « la construction de la Fondation Chantal BIYA et
du CERAC comme agence d’échange politique» (1-B-II)avant d’étudier « l’action
caritative et humanitaire de la Première Dame en lien avec la logique politique du marché
humanitaire»(2-B-II).

1-B-II-La construction de la Fondation Chantal BIYA et du CERAC comme agences


d’échange politique

245
Par cette formulation, on veut montrer que la Fondation Chantal BIYA et le CERAC – deux
des structures associatives constituées en leviers de l’action sociale de la Première Dame du
Cameroun, ont depuis leur création respective en 1994 et en 1999-, toujours été gouvernées par
une rationalité débordant le strict cadre de la politique de bienfaisance. C’est qu’en vérité, ces
deux formations associatives ont toujours opéré dans une perspective où leurs prestations et
opérations montrent qu’elles sont pour la Première Dame, des instruments d’échange l’aidant à
faire du démarchage sociopolitique et politico-économique pour son conjoint (le Président Paul
BIYA) posé en « entrepreneur politique »[WEBER, 1959].Entre 1997 et 2016, de manière
insistante et persistante, Madame Chantal BIYA est apparue comme un véritable « power
broker», un agent de courtage politique opérant à travers ses outils organisationnels comme
la Fondation Chantal BIYA et le CERAC, en vue de mobiliser de manière rentable des outils
complémentaires pour l’action politique du Président Paul BIYA comme leader
central[BALTODANO,2016]. La dynamique de l’action sociale de Madame Chantal BIYA à
travers l’espace social et politique camerounais, vise alors à convertir le capital philantropique
constitué au nom de la Première Dame du Cameroun en ressources politiques profitables au
Président Paul BIYA en tant qu’opérateur politique. Cela souligne le « caractère politique à
peine dissimulé des œuvres caritatives » de cette action sociale posée en entreprise
philanthropique [POKAM, 2006].La structuration du réseau d’action sociale formé par la
distribution spatiale et territoriale des structures associatives liées à la sphère humanitaire et
solidaire de la Première Dame du Cameroun Chantal BIYA comme la Fondation Chantal
BIYA et le CERAC, ne correspond pas simplement à la configuration d’une géographie
politique de la charité, mais renvoie aussi à la mise en place de ces outils associatifs comme
des « organisations para politiques» mises au service des intérêts de pouvoir du Président Paul
BIYA [EBOKO, 2004:97].À l’analyse, il apparaît que l’incessante activité de générosité et de
charité conduite par Madame Chantal BIYA, ne lui permet pas seulement d’user de l’action
sociale pour construire puis consolider sa « fonction de Première Dame», comme cela a aussi
été le cas pour Janet MUSEVENI en Ouganda, mais contribue aussi à « l’institutionnalisation
du régime» à travers le renforcement de sa crédibilité nationale mais aussi de son honorabilité
internationale [PERROT, 2004 : 11].En construisant ou en faisant construire des écoles ou des
hôpitaux, en distribuant des semences ou des engrais, en offrant des houes ou des machettes,
les sociétaires de la Fondation Chantal BIYA ou du CERAC travaillent à constituer et à
fidéliser une clientèle politico-électorale distribuée à travers le Cameroun.
2-B-II- L’action caritative et humanitaire de la Première Dame en lien avec la
logique politique du marché humanitaire.
246
Par cette formulation, on veut indiquer que le travail curatif et humanitaire effectué par les
structures associatives parrainées ou patronnées par la Première Dame du Cameroun Chantal
BIYA, n’est pas destiné à se cantonner dans les sphères émotionnelles et compassionnelles de
la solidarité, cela sans arrière-pensées politiques. En effet, c’est aussi avec un dessein politique
que les caravanes de bienfaisance et de charité de la Fondation Chantal BIYA et du CERAC
sillonnent les différents foyers régionaux du Cameroun, développant à travers leurs actions, une
logique de « donnant - donnant» destinée à transformer leur activité caritative en fond de
soutien politique[AXELROD, 1992].Où l’on voit alors que la Fondation Chantal BIYA, le
CERAC mais aussi Synergies Africaines sont des vecteurs associatifs qui aident la Première
Dame du Cameroun à s’inscrire dans le « marché de l’humanitaire », en sachant tirer parti de
ses liens avec les établissements publics de type scientifique et technique que sont le
CRACERH et le CIRCB[POKAM, 1996].À l’observation, le champ de l’action humanitaire
et solidaire de Madame Chantal BIYA, est devenu un lieu commode de construction d’une
consistance pragmatique et technique pour la « fonction d’épouse de président» mais aussi un
lieu utile de structuration d’une capacité politique propre liée au « rôle de First lady» offrant à
Madame Chantal BIYA des instruments co-présidentiels ou para-présidentiels
rétrocessibles au Président Paul BIYA [MAUPEU,2004 : 121].L’action sociale de Madame
Chantal BIYA posée en Première Dame du Cameroun , s’est affirmée de 1994 à 2016 , comme
une démarche se fondant sur une constellation humanitaire mettant en valeur le trident
organisationnel Fondation Chantal BIYA – Cercle des Amis du Cameroun (CERAC) –
Synergie Africaines, laquelle constellation sait tirer profit de son statut d’association de
service public et d’utilité publique pour structurer un réseau national de démarchage
politique pro-présidentiel et pro-gouvernemental. A ce titre, Madame Chantal BIYA opère
véritablement comme un lieutenant politique du Président jouissant d’un statut para-
constitutionnel et péri-constitutionnel de Première Dame du Cameroun ,qui lui donne le
privilège d’être de manière conventionnelle le Chef délégué de la maison présidentielle, qui
va exploiter sa situation afin de mobilier ses associations de service public pour structurer une
véritable « political machine» agissant en faveur des intérêts gouvernants et représentatifs du
Président[WEBER,1959].
C-II-Les fonctions stratégiques et systémiques de l’action sociale de la Première Dame du
Cameroun : configurations pragmatiques du pouvoir d’influence
Par cette formulation, on veut indiquer que l’action sociale de la Première Dame du Cameroun
est modelée par des visées transactionnelles et utilitaires qui montrent qu’on ne saurait la
considérer seulement sous l’angle d’une perception moralisatrice et moralisante. En effet, on
247
ne saurait examiner de manière appropriée l’orientation et la destination de cette action sociale
sans souligner que cette action sociale est aussi en lien avec des considérations en termes
d’utilité, en termes d « ophélémité» [PARETO, 1981 :148].L’activité politico-humanitaire et
politico-solidaire exprimée dans l’action sociale de Madame Chantal BIYA posée en Première
Dame du Cameroun est à analyser aussi sous l’angle de « l’échange politique généralisé»
[MARIN, 1990]. Dans cette optique, il convient d’analyser d’abord « la structuration d’une
dynamique de mobilisation sociale de contrôle et de consentement par l’humanitaire» (1-
C-II), avant d’examiner « la logique échangiste et clientéliste d’une entreprise de
mobilisation sociale» (2-C-II).
1-C-II-La structuration d’une dynamique de mobilisation sociale de contrôle et de
consentement par l’humanitaire
Par cette formulation, il s’agit de montrer que l’action sociale de Madame Chantal BIYA en
tant que Première Dame du Cameroun est une démarche à travers laquelle il s’agit de disposer
de formes co-gouvernementales démobilisation opérant pour le profit du Président Paul
BIYA en tant que capitaine politique et institutionnel contrôlant les commandes de l’État. Les
démarches de solidarité conduites à travers le trident associatif et organisationnel qui
matérialise l’action sociale de Madame Chantal BIYA comme Première Dame du Cameroun,
relèvent d’une rationalité politique dans lesquelles ces associations (Fondation Chantal BIYA,
Cercle des Amis du Cameroun et Synergie Africaine) constituent les « agences de contrôle»
qui canalisent ces initiatives afin d’en faire un moyen d’animation de la vie politique et sociale
opérant au profit du bloc gouvernant .On ne saurait perdre de vue que ces initiatives
ressortissant de l’action sociale offrent aussi au Président Paul BIYA en tant que leader central
étatique ,de profiter politiquement de cette démarche de solidarité qu’il place commodément au
rang des « investissements de stabilité» permettant à son groupe gouvernant de verrouiller le
marché politique [ILLCHMAN, UPHOFF,1969].Il apparaît que l’action sociale de la
Première Dame du Cameroun est devenue un moyen commode permettant à Madame Chantal
BIYA de devenir un puissant et influent relais politique du Président Paul BIYA, lui facilitant
la pénétration de différents segments et secteurs sociaux et participant d’un « partage du travail
politique entre époux»[TOZO , 2004 : 73] .
2-C-II-La logique échangiste et clientéliste d’une entreprise de mobilisation sociale
Par cette formulation, on veut souligner que la démarche de solidarité portée par les structures
associatives liées aux sphères politico-humanitaires et socio-humanitaires de la Première Dame
du Cameroun Chantal BIYA est à comprendre dans une optique d’« échanges mutuels»
débordant l’espace de l’action, sociale pour s’inscrire sur le terrain du « clientélisme politique»
248
[MANIRAKIZA, 2010]. En effet, la Fondation Chantal BIYA, le CERAC et Synergies
Africaines deviennent des outils d’animation et de mobilisation sociales usant de l’action
sociale pour construire une « coalition de cause» s’investissant dans les politiques de solidarité
afin de collecter des ressources d’influence à travers au travail de pénétration clientéliste
bénéficiant aux réseaux politiques gouvernants du Président Paul BIYA
[SABATIER ,1998:5].Le travail curatif conduit par Chantal BIYA, ses associés, collaborateurs
et réseaux , est lié à une stratégie associative de structuration d’un dispositif de « courtage
politique» (political brokerage) modelé pour servir les intérêts gouvernants et représentatifs
de la coalition dirigeante du Président Paul BIYA qui contrôle les commandes de l’État au
Cameroun [CARTY, CROOS, 2010 :193].La structuration et la mobilisation des associations
de Chantal BIYA montre comment la Première Dame du Cameroun use de ces agences
associatives comme des unités de contrôle de la loyauté et de la fidélité des « élites de pointe»,
à travers l’activité de cooptation des femmes appartenant du fait de leurs fonctions et charges
officielles ou de leurs liens matrimoniaux avec les barons de l’ordre gouvernant aux cercles du
pouvoir constitutifs de la « société de cour» constituée autour de la Maison Présidentielle
[ELIAS, 1976]. En effet, la Fondation Chantal BIYA, le Cercle des Amis du Cameroun et
Synergies Africaines deviennent des lieux permettant à la Première Dame ou à ceux
agissant en son nom ou au nom du « couple présidentiel», de jauger de l’attachement des barons
et baronnies à la perspective gouvernante basée sur l’hégémonie étatique et politique du
Président Paul BIYA [EBOKO, 2004 : 93].Les associations caritatives de Chantal BIYA se
sont structurées et imposées en phase avec la visée de leur marraine, comme un « vecteur
d’influence» permettant à la Première Dame du Cameroun de mettre en place un dispositif
d’animation et de mobilisation éthico-solidaires autant que politico-solidaires capables
d’activer grâce à ses ressources quasi-institutionnelles, soutiens, appuis et
financements[EBOKO, 2000 : 97].

CONCLUSION
La dynamique mobilisationnelle et transactionnelle associée aux « actions humanitaires et
sociales» mises en œuvre par la Première Dame du Cameroun et son trident politico-associatif
(Fondation Chantal BIYA, Cercle des Amis du Cameroun et Synergies Africaines), est
clairement orientée à travers ses différentes interventions socio-éducatives, socio-sanitaires ou
socio-économiques , vers une visée décisive de « mobilisation sociale» [AYANG’MA, 2016 :
108].Cette dynamique d’engagement social fondée sur la combinaison actionnelle des
249
structures associatives et d’établissements publics administratifs à caractère scientifique
et technique (CIRCB et CRACERH,) a ouvert la voie au Cameroun comme dans d’autres
pays d’Afrique, le « débat sur le caractère institutionnel du statut public des épouses des Chefs
d’États » [VERHOEVEN, 2008 : 205].
L’activité éthico-solidaire et politico-solidaire développée par le « système d’action»
humanitaire et caritatif de Madame Chantal BIYA a permis à l’épouse du Président Paul BIYA
de constituer et de consolider ses credentials aux niveaux du national et de l’international
[CROZIER, FRIEDBERG, 1980]. Ainsi, Madame Chantal BIYA s’est ouvert un créneau d’
« action politique à partir d’un secteur pourtant réputé apolitique - le champ associatif»
[EBOKO,2004 :105].Dans ce créneau d’entrepreneur(e) politico-humanitaire et politico-
solidaire, Madame Chantal BIYA a travaillé à conquérir des « trophées politiques» symbolisés
par sa reconnaissance en Novembre 2008, comme Ambassadrice de Bonne volonté de
l’UNESCO, en avril 2009comme Présidente d’Honneur de US Doctors For Africa ou en juin
2015 comme Ambassadrice Spéciale de l’ONUSIDA, obtenant aussi des décorations comme
Commandeur de l’Ordre International de la Protection Civile(OIPC) en janvier 2014ou la
Médaille Marie Curie pour la Recherche en février 2014 et se voyant attribuée aussi le Prix
Mécène Canal d’Or de la chaîne privée de télévision camerounaise Canal 2 en février 2015 ou
le Grand Prix Humanitaire de France en avril 2016[BAILEY, 1971].Le travail d’animation et
de mobilisation sociales conduit par Madame Chantal BIYA, lui a permis de susciter le débat
sur la nécessité de « définir pour la plus grande transparence la fonction officielle de
[la :MEON] Première Dame», soulignant un enjeu créé par la montée en puissance de l’action
humanitaire et solidaire de l’épouse du Chef d’État du Cameroun Monsieur Paul BIYA
[CAMEROUN EXPRESS, 2016 : 1-2].En effet, la dynamique d’ascension de cette action
sociale de la Première Dame Chantal BIYA a comme pour Madame Janet MUSEVENI en
Ouganda – posé le problème de « son enracinement en tant que figure politique» et fait naître
un questionnement sur le « syndrome des Premières Dames» [PERROT, 2016 : 53].Même si
leurs trajectoires biographiques et sociales ne sont pas identiques –en raison d’origines,
d’habitus et d’habitats sociaux différents- on peut dire de Chantal BIYA, dans une certaine
mesure, ce qui s’est dit de Rosine SOGLO au Bénin : « En s’occupant des cadets sociaux
(enfant et femmes démunies) sur toute l’étendue du territoire national», elle s’est « créée une
visibilité sociale qu’elle a ensuite actualisée en ressources politiques» [TOZO, 2004 : 78].La
démarche de solidarité de Madame Chantal BIYA comme Première Dame du Cameroun entre
les années 1990 et 2010, s’est structurée en tirant profit de la conjoncture politico-économique
(néo) libérale qui a favorisé un « contexte international» qui « a quelque peu institutionnalisé
250
la fonction de Première Dame» [EBOKO, 2004 : 101]. Une telle évolution ouvre la voie à un
débat sur la nécessité d’une régulation statutaire de la conjugalité présidentielle imposée par
« la place paradoxale de la femme de président» en lien avec « la nature et le fonctionnement
du pouvoir présidentiel» [MESSIANT, 2004 :16-17].Il apparaît clairement que dans la
sémiologie politique du système politique camerounais néo-présidentialiste / ultra présidentiel,
la Première Dame du Cameroun se pose en Adjuvant dans le schéma actantiel présidentiel.
C’est dans une telle logique-néanmoins exprimée dans une perspective dithyrambique qu’une
de ses biographies indique qu’elle a « ouvert les portes du palais présidentiel au peuple, en
rajeunissant son style baroque et en demeurant proche de Paul et du peuple camerounais»
[VERHOEVEN, 2008 : 200].Dans les faits, cela a montré que cette action de la Première Dame
posée en Mairesse du Palais a souligné qu’elle était devenue de par son influence, un
lieutenant principal ou central dans la structuration conventionnelle du pouvoir stato-
présidentiel camerounais. L’observation de l’engagement de Madame Chantal BIYA dans le
champ de l’action sociale entre 1994 et 2016 montre comment s’est effectuée « l’objectivation
progressive du rôle de la Première Dame » au Cameroun, dans une logique semi-
institutionnelle ou péri-institutionnelle de facture conventionnelle, contribuant à faire de la
femme du Président, un élément d’une mobilisation gouvernante basée sur une solidarité
spéciale d’État complémentaire de la solidarité générale d’État [MAUPEU, 2004 : 122].
Ainsi, l’action sociale de Madame Chantal BIYA entre les années1990 et 2010 souligne
« l’influence de la femme du prince» dans la mise en place d’une politique présidentielle de la
grâce providentialiste et solidaire » [TOZO, 2004 :78].A ce titre, Madame Chantal BIYA
bénéficie d’une importante logistique parapublique et parapolitique d’accompagnement de
son action sociale, ce qui est lié à l’affirmation du statut institutionnel et conventionnel de la
Première Dame du Cameroun comme détentrice centrale d’un « capital symbolique féminin à
proximité des sphères du pouvoir politique» lié au CERAC [EBOKO, 2004 :100]. Il apparaît
au vu de l’affirmation de l’action sociale de la Première Dame du Cameroun que la Première
Dame en tant que position relève de ce qu’on peut appeler« [une]institution coutumière qui
n’est pas prise en charge par le droit formel », mais dont l’analyse sociale de son engagement
humanitaire et solidaire souligne matériellement la présence institutionnelle dans la réalité
sociale et politique camerounaise, ce qui invite à réfléchir sur une prise en charge légi
constitutionnelle, légale ou réglementaire du statut de / du conjoint présidentiel avec ses
droit, privilèges et obligations [MUTATIONS,2016 :3]. Cela doit amener la fonction étatique
à faire un choix parmi les « modèles contrastés d’organisation des fonctions de Première
Dame» [MAUPEU, 2004 :122].Il apparaît contrairement à l’optique de la gestion souple,
251
flexible et pragmatique uniquement préconisée par les maîtres du droit constitutionnel et
administratif camerounais comme les Professeurs Magloire ONDOA et Alain ONDOUA ,que
les fonctions de Première Dame soient « reconnues et organisées par le droit» comme en
OUGANDA [MAUPEU, 2016 : 122]. Une telle perspective relativise la prudence paradoxale
de ces grands juristes tels que les Professeurs Magloire ONDOA et Alain ONDOUA, qui se
montrent peu réceptifs à une perception de la « Première Dame comme actrice officielle
juridiquement reconnue » [MUTATIONS, 2016 : 2].L’engagement solidaire et humanitaire
opéré par Madame Chantal BIYA, la place encore dans une perspective qui est celle d’un
organe coutumier d’accompagnement politico-philanthropique de l’exercice de la
puissance présidentielle, opérant dans un contexte « où le statut de Première Dame résulte
directement du fait du Prince» [MESSIANT, 2004 :19].Précisément parce qu’il n’existe pas
de cadre statutaire formalisé de l’action sociale de Madame Chantal BIYA reste lié aux
« pouvoirs du Président » et n’opère qu’en tirant des effets d’influence, des effets dérivés de
l’irradiation régalienne liée à la puissance pontificale et magistrale du centre étatique représenté
par la position de Président de la République contrôlée depuis novembre 1982 par Monsieur
Paul BIYA [MAUPEU, 2004 :124]. Dans cette optique, l’action sociale de la Première Dame
du Cameroun qui mise beaucoup sur le « partenariat État-Société civile» pour s’inscrire au rang
des « nouveaux visages de la générosité publique», reste modelée par les canons politiques ,
institutionnels et gouvernants d’une « République d’essence monarchique»[Alain
ONDOUA,2016].De notre point de vue, les « activités d’utilité sociale» conduites dans le cadre
du dispositif d’action sociale de Madame Chantal BIYA ne sauraient se contenir dans un
« statut constitutionnel non identifié »que le pragmatisme paradoxal de l’éminent juriste
d’orientation positiviste et qui revendique ce mode de pensée juridique qu’est le Pr Alain
ONDOUA, vient ratifier en plaidant pour « la souplesse actuelle d’un statut non écrit à
caractère fonctionnel » [ONDOUA, 2016]. Il nous apparaît important et utile d’engager un
début de formalisation normative, institutionnelle et statutaire de la Position de Première
Dame au Cameroun, en créant « un bureau dont l’entretien est assuré par le gouvernement»,
un office qui pourrait prendre la forme d’une Maison présidentielle au sein de laquelle il
conviendrait de poser organiquement la Première Dame en tant que Délégué Général des
affaires de solidarité à la Présidence [MAUPEU, 2004 : 128]. À l’analyse, et ceci malgré les
contraintes et restrictions à elle imposées par « l’économie politique du pouvoir présidentiel»
et par son « rapport aux autres pouvoirs», l’action sociale de Madame Chantal BIYA va lui
permettre de s’appuyer sur cet engagement éthico-solidaire et politico-solidaire pour consolider
de manière conventionnelle son rôle para-politique [MESSIANT, 2004 : 15]. Ce faisant, une
252
telle dynamique va montrer comment la montée en puissance du rôle de la Première Dame du
Cameroun va générer des perceptions et représentations en termes de « Présidente de l’ombre»
par lesquelles les réseaux d’opposition et de contestation usent de la ressource de la controverse
politique pour quereller l’influence politique résultant de la proximité informelle avec le
Président de la République [GANGO, 2001].Comme ailleurs, mais surtout dans les ordres
politiques postcoloniaux africains, le statut conjugal de la Première Dame lui permet d’être bien
souvent un acteur de premier plan de la « politique de Palais», cela même lorsque l’on se garde
de codifier son rôle en vue d’en assurer une normalisation juridico-politique et sociopolitique
de facture républicaine [JACKSON, ROSBERG, 1981.Il convient à notre sens de changer
d’orientation paradigmatique pour extraire la dynamique d’affirmation publique de la Première
Dame du Cameroun, d’une « optique de gouvernementalité néo-libérale » de prise en charge
para-clientéliste des acteurs et groupes sociaux vulnérables à travers une action sociale en lien
avec des stratégies politico-compassionnelles, exprimées dans l’engagement public ou
parapublic dans les politiques de lutte contre la pauvreté [OWONA NGUINI, 2005].Au lieu
d’assumer le modèle politico-patriarcal qui pose la Première Dame en Présidente de l’ombre
,rien n’interdit de faire jouer l’imagination sur le registre d’un nouveau modèle étatique
d’orientation afrocentrique et afronomique fondé moralement et culturellement sur une
perspective de Renaissance Africaine, modèle incorporant une Maison Présidentielle d’État
basée sur l’institutionnalisation d’un Couple Gouvernant symbole d’une Présidence
gémellaire organisée sur le mode d’une conjugalité quasi-dyarchique basée sur la double
direction Président-Présidente comme choix politico-civilisationnel. La révolution normative
et institutionnelle à opérer sur la base d’une « politique de civilisation», va se refléter dans une
organisation inédite de la magistrature suprême basée sur un mécanisme associant un
Président et une Co-Présidente ou une Présidente et un Co-Président liés par des relations
de conjugalité [MORIN, 2002].Ainsi, la magistrature suprême serait symbolisée par une
alliance homme-femme au sommet de l’État destiné à casser « la domination masculine » qui
modèle de manière dominante les structures de (la) souveraineté westphalienne liée à une raison
patronale d’État[BOURDIEU,1998].Le dispositif de dépatriarcalisation institutionnelle de la
Présidence fondée sur la structuration symbolique d’un « pouvoir hermaphrodite», nécessite
une limitation des mandats présidentiels, limitation opérant comme technique de contrôle de
la puissance institutionnelle tératologique, c’est-à-dire monstrueuse, liée à ce gouvernement
co-présidentiel et combi-présidentiel [ MUTATIONS, 2016 :3].En procédant à une telle
stratégie d’institutionnalisation, il s’agit de rationaliser la cogestion souveraine de fait
modelée par l’affirmation du « couple présidentiel» comme mécanisme gouvernant, lequel
253
mécanisme est lié à une configuration sociale ratifiée par le pragmatisme politico-moral et
politico-comportemental paradoxal des maîtres positivistes du droit camerounais
s’accommodant des effets informels de pouvoir et d’influence résultant de cette conjugalité de
Présidence [EBOKO, 2004 :93].C’est à l’occasion de la mise en œuvre de la limitation de
mandats présidentiels que l’on mettrait en acte des opérations temporelles de « division des
pouvoirs », des opérations relevant de la séparation des pouvoirs en vue d’assurer
la renormalisation des agents du mécanisme présidentiel de facture conjugale, mécanisme
figuré comme pouvoir hermaphrodite correspondant à une co-présidence hiérarchisée (sur
le mode du Président et de la Co-Présidente ou de la Présidente et du Co-Président),une
renormalisation post-mandat et post-exercice fondée sur la séparation des sexes.

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256
De quoi les actions sociales d’une Première Dame sont-elles le nom ?1 Professeur Nadine
MACHIKOU, Politologue, Université de Yaoundé II.

Résumé :

En interrogeant les expressions plurielles de la prise en charge des nécessiteux par la Première Dame du
Cameroun Chantal Biya, cet article suggère que son action sociale s’inscrit au cœur d’un art spécifique
de gouverner marqué par la mobilisation du souci des pauvres et fondatrice d’une légitimité maternelle
et compassionnelle. A partir d’un matériau ethnographique et archivistique dont l’unité et la validité
analytique tient à son ancrage microsociologique. Il montre que cette action est le traceur d’une
prophylaxie sociale véhicule de la compassion présidentielle et une recomposition des espaces et des
frontières de l’action publique au Cameroun.

Mots clés : Première Dame, politique compassionnelle, prophylaxie sociale, biopolitique, légimation

Abstract

By questioning the plural expressions of the care of the needy by the First Lady of Cameroon Chantal
Biya, this article suggests that her social action is at the heart of a specific art of governing marked by
the mobilization of the concern for the poor and found maternal and compassion legitimacy. Based on
an ethnographic and archival material whose unity and analytical validity is framed by its
microsociological anchoring, the paper shows that this action is the tracer of a social prophylaxis vehicle
of presidential compassion and a recomposition of spaces and borders of public action in Cameroon.

Keywords: First Lady, compassion politics, social prophylaxis, biopolitics. Legitimation.

1Cet article a été présenté sous l’intitulé initial : « Les actions sociales de la Première Dame : inscription 257
privée dans les politiques publiques. Peut-on parler de politiques parapubliques ? ». Il est ici reformulé
pour des besoins analytiques.
Vendredi 16 décembre 2016, 24e session de l’assemblée générale du Cercle des amis du
Cameroun (CERAC2) convoquée par la fondatrice, la Première dame du Cameroun, Chantal Biya. Tous
applaudissent les hauts faits soigneusement égrenés et témoignant de ce que « le plan d’action 2016 a
été exécuté à près de 90 % » ainsi que le rapporte doctement le bureau exécutif de l’association3. D’un
ton fervent, la Coordinatrice générale Lynda Yang4 rappelle que « pendant plus de 20 ans, le CERAC a
aidé le gouvernement, la société civile et les communautés locales à réduire la pauvreté, les souffrances
et à promouvoir la santé, l’éducation et le développement »5. Collecte d’un millier de poches de sang au
profit des victimes du terrible accident ferroviaire d’Eséka, construction, réhabilitation et/ou équipement
de salles de classe et de centres de santé, distribution d’intrants agricoles aux femmes rurales, assistance
et distributions de dons aux malades et orphelins, etc. ; des réalisations qui valent bien un « déjeuner
spectacle ». Sous une malicieuse pluie venue arroser la fête de ses bénédictions, interprètent une partie
de l’assistance, un défilé de mode, des artistes de renom se succèdent pour égayer le dispositif,
intensifiant l’efficacité symbolique de l’institution par une fédération des émotions et un récit de soi et
du monde (Sur l’intrication de la musique et du pouvoir et les récits de soi et du monde qui en sont le
produit, Gaulier et Gary-Tounkara, 2015).

La grande constance de ce catalyseur identitaire fait de chants et de danses autour de la personne


de Chantal Biya est qu’elle mobilise souvent les attributs de la légitimité maternelle et compassionnelle6.
Comme les années précédentes, entre spontanéité et institution, l’espace festif produit par et autour de
la présidente fondatrice Chantal Biya est un révélateur pluriel. Il ne remet pas en cause les structures en
présence: comme la musique et les ardents pas de danse, l’hommage vivace est aussi un moment de
consécration. Les assemblées générales comme les évènements « de » la Première dame ne sont pas
seulement une institution mais un évènement sacré porteur d’ordre et de désordre. D’une part, les normes
sécuritaires et protocolaires institutrices de conformisme sont atténuées par une dimension relativement
transgressive et temporaire dont le ton est donné par l’hôtesse elle-même. D’autre part, dans un joyeux
mouvement de kaba ngondo7 aux couleurs chatoyantes, les membres statutaires du CERAC (épouses de

2
Organisation composée de femmes membres du Gouvernement, d’épouses de Ministres et assimilés,
258
d’épouses de Diplomates camerounais et de Diplomates accrédités à Yaoundé. Ce noyau dur s’enrichit de
femmes parlementaires membres de la haute administration publique et d’épouses d’autres élites politico-
administratives.

3https://www.prc.cm/fr/la-premiere-dame/activites/2070-24e-assemblee-generale-du-cerac-bilan-

satisfaisant.
4 Epouse du Premier ministre Chef du Gouvernement.
5 Yvette Mbassi, « CERAC : fin d’exercice en apothéose », Cameroon Tribune, 19 décembre 2016.
6
Des chansons entières lui sont parfois dédiées par des artistes comme Lady Ponce, Katino ou encore Indira
7 Grande robe traditionnelle camerounaise fait de tissu pagne.
l’élite politico-administrative principalement) se mêlent aux membres du gouvernement présents et aux
autres invités, toujours autour ou sous le regard d’une Chantal Biya rayonnante et bouleversante de
spontanéité. Il ne faut cependant pas s’y méprendre, ce face-à-face social est circonstanciel et ne remet
aucunement en cause la stabilité de l’ordre de l’interaction fondé sur un sens partagé de la domination.
Le retour à la rudesse de l’ordre structurel antérieur, fait de fracture sociale est à la fois imminent, prévu
et organisé. Sous les regards attendris d’une cour conquise, est acclamée à tout rompre, celle que le
commun peut nommer : « Chantal », « Dame de cœur », « Mama Chantal » voire « Chantou », « Mafor
des mafors »8, « la Lionne du Cameroun »9 ou encore « la fille du peuple » (Eboko, 2004). Elle rit,
applaudit, danse avec tous ; annihilant ainsi le temps d’une fête la distance si forte entre le pouvoir et
ses sujets selon la lecture foucaldienne (Foucault, 1966 : 108 ; Foucault, 1984 ; Ewald et Fontana, 2004).
Au sens de Norbert Elias, cette cour doit être appréhendée comme espace et comme formation sociale
(Elias, 1974). Cela fait plus de deux décennies que la scène, centrée sur sa personne, se reproduit au plus
grand bonheur des invités qui repartiront souvent les bras chargés de présents par elle offerts. Comme
la foule des heureux invités, journalistes laudateurs ne manqueront pas de célébrer, dès le jour de la fête
jusqu’à la fin de la semaine par force articles10, livrant ainsi clés en main le référentiel d’une figure
enchantée. Pour eux comme pour d’autres, elle « n’est pas comme les autres femmes de la haute société,
qui égoïstes, égocentriques, cruelles, inhumaines, (…). La Première dame est détachée de ces
préoccupations matérialistes. Seules lui importe ses activités humanitaires »11. On lira aussi, étendu à
son entourage proche, « dignes et discrètes, Chantal Biya et Lynda Yang l’épouse du Premier ministre
sont conscientes qu’il faut parfois laisser les miettes aux autres. Un exemple que les épouses des
personnalités doivent copier »12.

Comment une figure sans statut formel est en venue à cristalliser autant l’attention publique ?
De quoi tout ceci et plus largement l’inscription humanitaire de la Première dame, cette femme dont le
prix Nobel de médecine Luc Montagnier disait que « sa détermination à aider son peuple est

8 C’est le titre qui lui est décerné le 8 décembre 2010 à Bamenda dans le Nord-ouest, faisant écho au titre de
259
son époux que les chefs traditionnels de la région avaient fait «Fon des fons » (Cameroun Tribune, 9
décembre 2010).
9
Expression utilisée par le journaliste Yann Barthes dans une émission de la chaine Canal+, Le grand journal.
10 Un rapide décompte de journaux tant à capitaux publics que privés, témoignent de ce que la Première dame
est une des personnalités les plus couvertes du pays par les médias. Cette couverture médiatique la présente
d’ailleurs essentiellement sous un jour flatteur.
11 Barthélemy Zoa, « Cameroun : le bon exemple de Chantal Biya », L’Epervier (consulté sur le site
http://www.camer.be/41436/11:1/cameroun-le-bon-exemple-de-chantal-biya-cameroon.html).
12
Barthélemy Zoa, « Cameroun : le bon exemple de Chantal Biya », L’Epervier (consulté sur le site
http://www.camer.be/41436/11:1/cameroun-le-bon-exemple-de-chantal-biya-cameroon.html).
extraordinaire »13, est le nom ? La présente contribution entend suggérer une manière d’appréhender ce
face-à-face sociopolitique entre le pouvoir et les pauvres au travers de la figure de la Première dame du
Cameroun Chantal Biya. Ce face-à-face n’est pas un protocole singulier, il ne peut être isolé de cadres
sociopolitiques impliquant au sens d’Erving Goffman des schèmes d’interprétation permettant de «
localiser, percevoir, identifier et étiqueter des situations ». Marqué par la domination, ces cadres
permettent de saisir le sens de l’acte du don et organisent l’expérience sociale et politique de la charité.
C’est dans ces cadres, entre les politiques publiques et la politique (plus exactement dans le rapport
Polity/ Policy/ Politics) que l’action de la Première dame doit être comprise. Les expressions en sont
plurielles : diversification des espaces décisionnels et des acteurs et schémas d’implémentation de
l’action publique, éclatement des légitimités, niveaux et lieux pertinents de l’action sociale, registres
parallèles d’intervention publique, etc. Loin d’être liminale, cette action s’inscrit au cœur d’un art
spécifique de gouverner marqué par la mobilisation du souci des pauvres et des défavorisés dans une
stratégie générale de pouvoir. En effet, le gouvernement de la population à travers des réseaux de
pratiques, des discours et des institutions peut se construire au cœur de la compassion, ce qui confère un
ressort d’entreprise de cœur à l’art de gouverner. Dans ce sens, le fil conducteur de la présente réflexion
pourrait être la biopolitique (Foucault, 2004 : 3 ; Foucault, 1966 :108 ; Foucoult, 1984) mais elle
s’attache plus sobrement, au-delà de la caractérisation de la figure de la Première dame, exercice bien
avancé (voir notamment Eboko, 2004), à interroger les termes et modalités de son insertion dans les
territoires de l’action publique au Cameroun. Reposant sur un matériau ethnographique et archivistique
dont l’unité et la validité analytique tient à son ancrage microsociologique14, le présent article suggère
que l’action de la Chantal Biya est le traceur d’une prophylaxie sociale véhicule de la compassion
présidentielle (I) et d’une recomposition des espaces et des frontières de l’action publique au Cameroun
(II).

I. UNE PROPHYLAXIE SOCIALE PORTE-DRAPEAU DE LA COMPASSION


PRESIDENTIELLE

13 Valerie Domain, « Chantal Biya: rencontre avec l'étonnante première dame du Cameroun. La First Lady 260
nous ouvre les portes de son palais », Gala, jeudi 24 juin 2010
(http://www.gala.fr/l_actu/news_de_stars/chantal_biya_rencontre_avec_l_etonnante_premiere_dame_du_c
ameron_204912).

14 Il s’agit de l’exploitation de données d’observation des mondes sociaux que traversent la Première dame
et ceux qui l’accompagnent dans son action sociale, d’entretiens, de littérature administrative ainsi que
d’articles de presse dans une démarche de sociologie compréhensive.
«Madame Chantal Biya est un atout majeur, une chance pour le Cameroun, un cadeau du ciel »
s’enthousiasme la coordinatrice générale Lynda Yang ce 17 décembre 2014, lors de l’assemblée
générale du Cercle des amis du Cameroun. La disposition à prendre en souci les autres qui lui vaut tant
de compliments, a été conceptualisée autour de la notion de care qui repose sur les trois frontières de la
morale (Paperman et Laugier, 2005 ; Molinier, Laugier et Paperman, 2008 ; Laugier, 2009 :37-38). Il
s’agit, au sens de Joan Tronto, de lignes de partage entre politique et morale, universel et particulier, et
enfin public et privé (Tronto, 1993). Le care renvoie à la bienveillance, la sympathie pour autrui
s’appliquant dans la vie sociale. En tant que tel, c’est une « activité générique qui comprend tout ce que
nous faisons pour maintenir, perpétuer et réparer ‘‘notre’’ monde de sorte que nous puissions y vivre
aussi bien que possible. Ce monde comprend nos corps, nous-mêmes et notre environnement, tous
éléments que nous cherchons à relier en un réseau complexe, en soutien à la vie » (Fischer et Tronto,
1990:40). Le care est un traceur essentiel dans l’intelligibilité de l’action sociale de la Première dame
mais il s’inscrit dans un certain art de gouverner à l’inclinaison biopolitique et compassionnelle (1).
Toute montée en généralité ne peut se comprendre sans réinscrire la compassion dans des cadres
sociopolitiques (2).

1. Cum patior : un art de gouverner entre inclinaison biopolitique et légitimité


compassionnelle

L’art de gouverner, qui conçoit le pouvoir de manière non appropriative, est avant tout l’art de
gouverner la population, d’améliorer son sort, d’assurer son bonheur en intervenant sur les processus
populationnels. Ici, la gouvernementalité est un grand ensemble technologique visant à organiser le bien-
être populationnel. Sa caractéristique majeure « n’est ni la constitution de l’Etat, le plus froid de tous les
monstres froids, ni l’essor de l’individualisme bourgeois (…) La caractéristique majeure de notre
rationalité politique tient, à mon sens, à ce fait : cette intégration des individus en une communauté ou
une totalité résulte d’une corrélation permanente entre une individualisation toujours plus poussée et
la consolidation de cette totalité. De ce point de vue, nous pouvons comprendre pourquoi l’antinomie
droit/ordre permet la rationalité politique moderne »(Foucault, 2004 : 826). En clair, l’art de gouverner
peut se donner à voir dans de micro-dispositifs tout en fondant l’action sociale, organise le contrôle du
pouvoir sur les individus par les dons. Ainsi, lire l’Etat dans son empiricité, par ses micro-pouvoirs,
c’est au travers de l’action sociale de la Première dame, regarder la manière dont la souffrance et ses
sujets sont campés et encadrés (au sens catégoriel) pour que l’incorporation du pouvoir se fasse
(Foucault, 2003 ; Ewald et Fontana, 1997, 2004). Or cette technologie politique du travail social de la
Première dame, ce souci des pauvres, est en fait le souci de l’Etat pour lui-même. L’économie du pouvoir
compassionnelle de Chantal Biya se situe dans la continuité des dispositifs de pouvoirs porteurs de
pratiques d’objectivation et de subjectivation.

261
Cette action marque un déplacement important dans l’économie du pouvoir : historiquement,
les pauvres, les malades et tous les nécessiteux sont ciblés et inscrits dans ces autres rapports de pouvoir
qui naissent du développement, globalisant et quantitatif, d’un souci politique pour la population que
Michel Foucault inscrivait dans le médiéval pouvoir pastoral (Voir la mise à jour qu’en fait Philippe
Büttgen, 2007). Ce pouvoir orienté vers le ‘‘salut’’ de l’individu s’est étendu, avec l’affaiblissement de
l’institutionnalisation ecclésiastique, à l’État dans sa forme moderne. Le salut prend alors
progressivement une forme terrestre avec les objectifs de santé ou de bien-être ici-bas (Laborier et
Lascoumes, 2005 :37). La crise multiforme de l’Etat depuis la fin des années 80 a contribué à cristalliser
une gouvernementalisation marquée par une réduction du périmètre d’action des administrations
publiques. Du dehors et du dedans, des appels à l’externalisation de politiques publiques se sont faits
entendre et se matérialisent par le transfert de la prise en charge de problèmes sociaux du public vers le
privé. Cette saison d’autolimitation pragmatique (« l’Etat ne peut pas tout faire ») s’accompagne d’un
renforcement du principe de responsabilité individuelle (« il ne faut pas tout en attendre de l’Etat »).
Chantal Biya rentre en scène sous cette toile de fond et soutient que « la santé des Camerounais et plus
particulièrement celle des femmes et des enfants a toujours été au cœur de mes préoccupations, de mes
combats »15.

Bien au-delà de préoccupations sanitaires, la Première dame semble porter de manière


herculéenne la voix des catégories sociales désavantagées en se mouvant dans un espace fort étendu : «
assistance aux orphelins et aux enfants vulnérables; assistance aux malades et personnes du troisième
âge; dons de médicaments autres produits de première nécessité aux malades; dons de matériels
didactiques aux écoles et fournitures aux élèves; dons de matériels et intrants agricoles et d'élevage aux
femmes rurales et aux jeunes; construction, réhabilitation et équipement des hôpitaux ; construction des
forages et adduction d'eau potable dans les institutions scolaires et hospitalières », recense-t-on16. De la
santé, l’éducation à la promotion de la femme, qu’est-ce qui pousse Chantal Biya à partager le malheur
d’autrui « avec abnégation et bonheur »17? La réponse à cette question n’est guère aisée mais appelle à
faire une mise au point essentielle : ancré dans une volonté de garantir une dignité de « ceux qui
souffrent », l’action de Chantal Biya vient s’insérer dans les dispositifs d’action publique existants et

15
Discours à l’occasion de l’inauguration officielle du centre hospitalier de recherche et d’application de 262
chirurgie endoscopique et de reproduction humaine du Cameroun.
(https://www.cameroonweb.com/CameroonHomePage/NewsArchive/Inauguration-du-Chracerh-Discours-
de-Chantal-Biya-369931)
16Ndjomo E., « Tensions au CERAC: Chantal Biya trahie par les membres », Le Soir, 30 mai 2013 (consulté
à l’adresse http://www.cameroon-info.net/article/tensions-au-cerac-chantal-biya-trahie-par-les-membres-
184320.html.
17 Chantal Biya, discours au conclave des ambassadeurs de bonne volonté de l’UNESCO, Paris, 14 mai 2009.
contribue à redéfinir les termes et mécanismes de l’intervention et de la légitimité publique. Quand elle
affirme que « on est heureux d'avoir le sentiment d'apporter, même avec peu de moyens, un brin
d'espérance et d'humanité à ceux qui souffrent, à ceux qui sont dans le besoin ou qui se sentent
abandonnés. Nous participons sans doute ainsi à l'édification d'un monde meilleur, un monde de
solidarité et de justice »18, il est nécessaire de rechercher les logiques en présence.

Cette voix de la vertu (Laugier, 2010) qui cible des politiques de l’urgence sociale a une
signification politique spécifique : l’exaltation de la capacité compassionnelle du « haut » de la société.
La prophylaxie sociale ainsi constituée, expression et catalyseur de la compassion présidentielle, ouvre
explicitement la porte à la constitution d’une voie morale du gouvernement dont le visage est
essentiellement celui des épouses de l’élite politico-administrative. D’ailleurs, elle est une reproduction
de la structure formelle du pouvoir dans la structure des organisations que parraine le Première dame
dans une forme de « gouvernement des épouses » de l’élite politico-administrative du pays. Sous
l’empire de la compassion, répondant à un appel (parfois sourd) de « ceux qui souffrent », elles
esthétisent leur volonté de partager le malheur d’autrui sans jamais établir une corrélation avec les graves
dysfonctionnements à l’œuvre dans certains pans de l’action publique sociale et sanitaire (Lavigne
Delville, 2016).

Bien au-delà d’une essentialisation du féminin, attaché à un contenu moral (logique première
de l’action des Premières dames selon certains travaux), la compassion est aussi acte de politique et
subversion. La subversion compassionnel s’exprime sur trois terrains : elle est (re)définition de la morale
(comme partage du bien et du mal, et définition du juste), obligation à faire attention à des réalités
négligées et par là sans doute, aux raisons qui poussent à les ignorer (Laugier, 2010 :112). L’on pense
ici aux performances médiocres de politiques sociales de gouvernements successifs et leur inertie selon
la sentence de Paul Biya19. Cette interprétation est fort éloignée de critique féministe du care, vu comme
du maternalisme, ou une sorte de « moralité féminine » si centrale dans l’œuvre de Carol Gilligan
(Gilligan, 2009 : 76-78 ; Gilligan, 1982 ; Gilligan, 2008). Féminisme d’Etat (Machikou N., 2016 ;
Machikou N., Pommerolle M.E., 2015), le travail social de la Première Dame doit être articulé à une
interprétation genrée de la compassion, loin d’une analyse refusant d’inscrire la problématique du care
dans des rapports sociaux de sexe (Gilligan, 1987). En effet, l’éthique du souci de l’autre affirme «
l’importance des soins et de l’attention portés aux autres, en particulier ceux dont la vie et le bien-être
dépendent d’une attention particularisée, continue, quotidienne. Elles s’appuient sur une analyse des
conditions historiques qui ont favorisé une division du travail moral en vertu de laquelle les activités de
soins ont été socialement et moralement dévalorisées »(Laugier, 2009 :114). Or l’on ne peut sans

18Idem. 263

19
Dans de nombreux discours, le président Paul Biya dénonce l’immobilisme et l’inefficacité de
l’administration publique.
éveiller les soupçons séparer la dispensation compassionnelle de la Chantal Biya de l’échec de l’action
publique en matière socio-sanitaire de gouvernements successifs. Chantal Biya est une estampille
compassionnelle apposée à un régime dont les politiques sociales et sanitaires ne brillent pas toujours20 :
son action contribue à en euphémiser les termes. Le dispositif compassionnel est à ce titre, comme le
soutenait Paul Audi, «déroute du politique dont elle est en vérité le symptôme »(Audi, 2011).

Cette volonté de « réparer notre monde … en soutien à la vie » (Tronto, 2009) s’exprime dans
des mots et des gestes, dans une aptitude et une activité compassionnelle articulées aux politiques
publiques. En se souciant des « malheureux », soutient Chantal Biya devant le Directeur général de
l’UNESCO et les autres ambassadeurs de bonne volonté, c’est au nom d’une motivation profonde : « le
goût de l'altérité, le refus de l’indifférence et la volonté de soulager les souffrances humaines sont des
constantes de ma personnalité qui m'accompagnent depuis l'adolescence »21. En prenant soin de
« défavorisés », en leur donnant de l’attention et en leur manifestant par force dons de la sollicitude dans
un « combat pour la réduction de la pauvreté par l'éducation, la santé et l'égalité des sexes »22, la Première
dame prend une place de premier plan. Ici et là, elle distille soins, gestes délicats qui ne manqueront
d’être rapportés, en appui de la construction de la légitimité compassionnelle : lors de la visite de bébés
hospitalisés, « étage par étage, pièce par pièce, mme Chantal Biya a fait le tour, sourire aux lèvres,
détendue. A chaque étape, elle a pris les bébés dans ses bras, les couvrant de câlins, s’enquérant de leur
évolution, de l’état de santé de chacun : mère et enfant. Intense moment d’émotions pour les mères. Une
a d’ailleurs fondu en larmes, cajolée par la Première dame »23. Il ne faut cependant pas s’y méprendre,
ce maternalisme a un ressort politique et la compassion est clairement une morale de la domination.
Pour méconnue qu’elle soit, la dimension sociale et politique du souci des autres est décisive lorsqu’elle
qu’elle touche à la domination patriarcale ou du clientélisme.

Ces gestes viennent s’insérer dans des rapports socio-économiques et politiques avec
articulation de l’échange social, l’échange économique et l’échange politique tant entre donateurs
qu’entre ces bienfaiteurs et leurs publics désavantagées par la vie. Cette altérité singulière s’inscrit dans
des cadres spécifiques.

20
Sur les chiffres de la pauvreté, voir les enquêtes successives de l’Institut national de la statistique ECAM 264
2, 3 et 4 sur les thèmes Pauvreté et condition de vie au Cameroun en 2014, Pauvreté et évolution du pouvoir
d’achat des ménages et Profil de pauvreté monétaire. Voir également le Rapport National sur les Objectifs
du Millénaire pour Le Développement (institut National de la Statistique, 2015).
21Chantal Biya, discours lors du conclave des ambassadeurs de bonne volonté de l’UNESCO, Paris, 14 mai
2009.
22
Idem.
23 Yvette Mbassi, « Le voir bébé de Chantal Biya », Cameroon Tribune, 22 décembre 2016.
2. Les cadres socio politiques de la compassion : clientélisme et soin mutuel
Les politiques compassionnelles s’insèrent dans une configuration transactionnelle faite
d’obligés (ceux qui reçoivent mais aussi parfois ceux qui donnent peu ou prou aux côtés de la Première
dame) et de donateurs. Loin de la règle religieuse de la générosité sans ostentation 24, les actions sont
largement médiatisées au non de ressorts fort complexes. Agata Zelinski soutenait que la sollicitude a
une fonction décisive dans la société mais aussi dans sa propre vie : « la sollicitude que j’offre, celle
dont je bénéficie, soins apportés, soins reçus. Ce(ux) dont je prends soin, ceux qui prennent soin de moi,
en cherchant des exemples hors de la sphère à laquelle on identifie habituellement le ou les soins : santé
et éducation. Où l’on pourra voir que la visée du care est de favoriser les relations – ‘‘avec et pour autrui,
dans des institutions justes’’ pour reprendre la définition de l’éthique selon Ricœur » (Zelinski, 2010 :
631).

Dans un rapport à soi, il transparait en effet dans l’investissement une théorie de la justice sociale
chez cette femme d’origine modeste qui, ayant une expérience de la similitude, se met à la place de celui
qui souffre. C’est une femme réputée « sans diplôme, sans ‘‘nom’’, sous-entendu sans carte de visite
dans le sérail de Yaoundé, donc sans l’éducation et l’instruction valorisées par la ‘‘bourgeoisie’’
camerounaise (…) Si, entre bourdes et maladresses en public, Chantal Biya réjouit les classes populaires,
qui la trouvent naturelle, ‘‘ordinaire’’ – non sans contradiction puisque certains pensent aussi qu’elle
n’est pas forcément à sa place – et spontanée, dans le même temps, sa ‘‘naissance’’ et accessoirement
son passé agacent la nomenklatura » (Eboko, 2004 : 94). Par assimilation au « bas » qu’elle a bel et
bien quitté, elle œuvre dans une dimension intersubjective de la compassion que l’on peut identifier à la
vertu d’humanité (Audi, 2011). Prendre part à la souffrance d’autrui est plus qu’expression de bons
sentiments mais acte d’engagement qui a contribué à constituer une entreprise politique du cœur et à en
faire un usage emportant l’adhésion populaire. C’est cela qui signe la popularité de la Première dame.

Ce raisonnement peut aussi être réinscrit dans les propriétés structurelles du champ
sociopolitique camerounais marqué par un clientélisme multiforme (familiale, régionale, politique,
partisan, etc.). Le souci des autres est une sorte de monnaie d’échange dans un système de prédation et
d’accumulation dont le socle est le dénominateur commun de diverses pratiques qui sont le népotisme,

24« Lors donc que tu fais l’aumône, ne sonnes pas de la trompette devant toi comme font les hypocrites dans 265
les synagogues et dans les rues afin d’être glorifiés par les homme (…) mais quand tu fais l’aumône, que ta
main gauche ne sache pas ce que fait ta droite, afin que ton aumône se fasse en secret et ton père qui voit
dans le secret te le rendra » Cf Mathieu 6 : 2-4, le Nouveau testament, Louis segond). Dans une version de
philosophie laïque, Paul Audi prône un usage feutré et pudique du sentiment compassionnel : « Il faut l’être
sans le dire, sans s’en glorifier et, surtout, en se tenant à distance de la souffrance que l’on partage » (Audi,
2011).
le tribalisme, le clanisme, le régionalisme, le clientélisme, le copinage, le patronage, le prébendalisme,
la corruption, la prédation, le factionnisme, etc., inscrits dans l’échange socioéconomique (Bayart,
1985 :19). C’est en ce sens que certains bénéficiaires de la générosité de la Première dame disent lors
des entretiens sous une forme ou sous une autre : « c’est notre argent qu’elle nous remet ». Les
dispensations compassionnelles du ‘‘haut’’ ne seraient ni plus ni moins qu’un espace de redistribution
dans une configuration néopatrimoniale. Le financement des organisations qu’elle parraine a été
questionné par certains médias qui dénoncent la captation de deniers publics provenant notamment de
certains établissements publics administratifs. Par le biais des dons, ces organisations exercent au mieux
une forme de responsabilité sociale, au pire un financement occulte à travers des fonds publics distraits.
Un des arguments les plus controversés alors invoqués est le lien présumé fait par certains médias et des
opposants politiques au régime de Yaoundé, entre les organisations humanitaires de la Première Dame
et les Directeurs généraux du Fonds spécial d’équipement et d’intervention – FEICOM-, ou encore des
Chantiers naval en prison pour des actes de malversations financières (Vallée, 2010 : 164-165). Le
passage au statut d’association d’utilité publique leur a également procuré diverses facilités notamment
fiscales25 que d’aucuns jugent indues. Ces interrogations relatives au financement sont pourtant vues
comme absurdes par des actrices de premier plan qui mettent en avant les cotisations des membres : «
je ne comprends pas pourquoi les gens s’accrochent sur le financement du CERAC. Nous avons les
petites participations des membres comme on le fait dans toutes les associations, nous avons des
personnes et des groupes qui nous aident. Nous acceptons l’aide de tout le monde lorsque celle-ci est
faite dans le respect de la loi, le respect des règlements en vigueur. La somme exacte est connue par les
membres, mais ce n’est pas des milliards comme les gens le pensent », soutiendra Cécile Oyono, vice-
présidente du Cercle des amis du Cameroun (CERAC)26. Dans une association comptant près de 400
membres déclarées, le niveau d’investissement est très inégal : « on note ainsi un absentéisme caractérisé
qui a fait son nid dans cette circonférence sociale, sans oublier le taux de participation financière aux
activités de cette institution, qui s'est réduit comme une peau de chagrin »27. L’opération épervier, visant
la répression des actes de corruption et notamment de détournement des deniers publics a conduit les
époux de certaines membres influentes derrière les barreaux. En l’absence d’une étude plus fine des

25 La Fondation Chantal Biya a été reconnue d’utilité publique par décret n°99/098 du 30 avril 1999. Elle a 266
un statut consultatif au Conseil économique et social des Nations Unies.
26Voir à l’adresse http://www.camersenat.info/cameroun-20-ans-du-cerac-lassociation-de-chantal-biya-na-
pas-des-milliards.

27Eric Ndjomo E., « Tensions au CERAC: Chantal Biya trahie par les membres », Le Soir, 30 mai 2013
(consulté à l’adresse http://www.cameroon-info.net/article/tensions-au-cerac-chantal-biya-trahie-par-les-
membres-184320.html.
parcours des membres de la configuration curiale, l’on est peu renseignée sur les ressorts de l’échange
sociopolitique et économique à l’œuvre.

Les dons de la Première dame et des femmes qui l’entourent s’ancrent aussi dans le poids des
dettes sociales multiples et dans une configuration faite de pratiques d’allégeance, d’hégémonie, de
concentration des pouvoirs et d’accaparement des ressources. Aussi la structuration sociale est organisée
entre aînés et cadets sociaux, ces derniers étant avant tout les jeunes, les femmes et les pauvres. Cet
arrière-plan patrimonial repose sur un système d’accumulation et une structure clientéliste dans un pays
où l’accès au pouvoir d’Etat est fondamentalement accès aux ressources pratiques et symboliques du
pouvoir (Médard, 1982 ; Médard, 1991). Jean-François Bayart avait avancé et soutenu l’hypothèse
d’une gouvernementalité de type « politique du ventre » renvoyant simultanément aux situations de
précarité économique voire alimentaire, aux pratiques d’accumulation économique que rendent
possibles la détention du pouvoir politique ou administratif. En tant que phénomène social total (Bayart,
1989), elle se rapporte également au marivaudage des puissants et des nantis et à la corpulence appréciée
comme une qualité politique. La logique en est simple : l’appareil d’Etat est en soi un morceau du gâteau
national et un espace de coercition tenu par une catégorie spécifique d’acteurs qui tend à se constituer
en classe dominante voire hégémonique(Bayart , 1985). L’accumulation s’accompagne d’une démarche
de redistribution que Jean-Pierre Olivier de Sardan considère comme culturellement enracinée. Il montre
que cet enracinement culturel de la corruption s’inscrit dans la culture du don de cadeau, la solidarité,
l’autorité prédatrice et l’accumulation redistributive. Il montre que cet enracinement culturel de la
corruption s’inscrit dans la culture du don de cadeau, la solidarité, l’autorité prédatrice et l’accumulation
redistributive (Olivier de Sardan, 1996).

Cette configuration cristallise un imaginaire social ambivalent marqué d’un côté par la
valorisation de la chose publique, la critique des accapareurs et détourneurs de fonds publics ; et d’un
autre côté, le devoir moral de redistribution qui prédispose au détournement de l’argent de l’Etat. Cette
équivalence établie entre le devoir moral et social de redistribution et la prédisposition au détournement
des fonds publics est néanmoins discutable compte tenu de la fragilisation des schémas de solidarité et
partant de l’obligation de redistribuer qui s’accompagne d’un individualisme singulier. Dans ce cadre,
souvent épargnée par toute forme de dénonciation par de nombreux médias, la Première dame est prise
en modèle à la différence des autres28. Loin de « l’engagement sans réserve de Chantal Biya (…) aussi
visible qu’un mouton blanc parmi de noirs »29, les « épouses de certaines hautes personnalités (qui) se
ruent sur les postes juteux, la première dame est détachée de ces préoccupations matérialistes. Seules lui

28 Barthélemy Zoa, « Cameroun : le bon exemple de Chantal Biya », L’Epervier (consulté sur le site 267

http://www.camer.be/41436/11:1/cameroun-le-bon-exemple-de-chantal-biya-cameroon.html).
29
formule employé par une journaliste cybernétique (http://www.camer.be/57357/13:1/cameroun-long-
synergies-africaines-de-chantal-biya-ouvre-pour-le-bon-usage-du-medicament-cameroon.html).
importe ses activités humanitaires ». Une sourde compétition anime inévitablement l’espace curial que
fonde son action et comme finissent par le dénoncer certains, «les rendez-vous au CERAC sont les
moments de vantardise entre femmes et montrer les prix de leurs habits achetés en Europe avec l’argent
du pauvre contribuable camerounais »30 ou encore en témoignage à la forte inclinaison prédatrice à
l’œuvre, « villas, maisons, grandes plantations, entreprises familiales, véhicules grosses cylindrées,
compte en banque, etc. sont accumulés »31.

Dans cette configuration, épouses d’anciens ministres côtoient les épouses de ministres en
fonction et nécessairement, ceci intensifie le contrôle politique des élites et la dimension politique de
l’action compassionnelle, constituée en ressource de cour. Dans un entretien, l’épouse d’un ministre
déchu exprimait son ras-le-bol d’être au nombre de celles qui paient toujours alors que « les moyens ne
suivent pas » (sous-entendu, alors que l’époux n’est pas rappelé aux affaires). La question de savoir
pourquoi elle continuait de participer est restée sans réponse, si ce n’est un équivoque haussement
d’épaule. L’investissement compassionnel que la Première dame contribue à fonder et à structurer est
un formidable révélateur du politique au Cameroun.

II. UN REVELATEUR DE LA RECOMPOSITION DES ESPACES ET FRONTIERES DE


L’ACTION PUBLIQUE AU CAMEROUN
Sur un échiquier socio-politique structuré par une rationalité curiale, le poids de la Première
Dame, depuis son mariage le 23 avril 1994, n’a cessé de croitre. A travers la Fondation Chantal Biya
dès sa première année de mariage suivie un an plus tard du CERAC, de Synergies africaines (regroupant
d’autres épouses de chefs d’Etat) en 2001 ou du Centre international de référence Chantal Biya inauguré
le 23 février 2006, la Première dame du Cameroun a réussi à recomposer les territoires de l’action
publique. Cette notion est préférée ici à la notion de politiques publiques pour des raisons heuristiques
loin d’une simple distinction taxinomique comme le montre Jean-Claude Thoenig pour qui « l’action
publique peut se définir comme la construction et la qualification des problèmes collectifs par une
société, problèmes qu’elle délègue ou non à une ou plusieurs autorités publiques, en tout mais aussi en
partie, ainsi que comme l’élaboration de réponses, de contenus et de processus pour les traiter »
(Thoenig, 1998 : 47 ; Thoenig, 1998, et Thoenig, 2005). Que ce soit en matière d’aide aux couches
sociales défavorisées et la lutte contre les souffrances, de lutte contre la pandémie et la transmission
mère-enfant du VIH ou de recherche et d’action en vue d’une amélioration de la prise en charge des
malades atteints du VIH sida, l’action publique en la matière a été largement reconfigurée du fait de
l’intervention de Chantal Biya. Cette recomposition porte sur deux dichotomies analytiques (1) et

30
Barthélemy Zoa, idem. 268

31Idem.
illustre le lien polity/ policy/politics dans l’action publique, lequel est questionnement sur la définition
et caractérisation même du régime politique camerounais (2).

1. Renouvellement de deux dichotomies analytiques


Le renouvellement analytique qu’occasionne l’intelligibilité des actions sociales de la Première
dame est en réalité rupture et se rapporte au sens commun relatif à l’action de l’Etat. La rupture doit se
faire sur trois plans : d’abord avec le volontarisme politique, qui prendrait le discours des élites
gouvernantes au pied de la lettre, et assimilerait l’action publique aux volontés qu’elles mettent en scène.
Ensuite, la rupture avec le mythe de l’unicité de l’État, battu en brèche tant par le dévoilement de ses
concurrences internes que par l’identification des ramifications multiples qui, bien au- delà de l’« État »
conçu comme une entité close sur elle-même, sont au principe de l’action publique. Les légitimités
émergentes provenant de l’investissement en compassion, loin des canaux traditionnels de la légitimité,
mérite une pleine attention. Il est vrai que le polycentrisme des pouvoirs et des schémas de légitimation
politique peut être atténué par le fait que ce sont essentiellement les «épouses de » qui sont à la
manœuvre, opérant dans une intégration du sommet de l’Etat. Cette action sociale confère autorité et
contribue également à fragmenter les espaces d’implémentation des politiques publiques (Kemp, 1993).

Enfin, rupture avec le fétichisme de la décision publique, qui verrait dans le choix précisément
identifiable d’un « décideur » clairement identifié le point de départ absolu de l’action publique, alors
que ce qu’on appelle décision ne correspond bien souvent qu’à l’officialisation d’un processus
multiforme bien loin d’être maîtrisé par celui qui l’endosse. D’ailleurs, c’est aussi les débats au sein de
la discipline des politiques publiques qui se jouent ici. La préférence pour la notion d’action publique
qui doit s’entendre comme dans le cadre d’un changement de paradigme comme « l’ensemble des
relations, des pratiques et des représentations qui concourent à la production politiquement légitimée
de modes de régulation des rapports sociaux. Ces relations, plus ou moins institutionnalisées,
s’établissent entre des acteurs aux statuts et positions diversifiées qu’on ne peut réduire a priori aux
seuls « pouvoirs publics » : représentants de groupes d’intérêt, journalistes, entrepreneurs privés ou
usagers y côtoient ministères, organisations internationales, fonctionnaires ou responsables politiques,
Première dame, etc. Le statut des acteurs ne suffit donc pas à définir l’action publique. Cette
diversification actorielle s’accompagne d’un pluralisme instrumental de sorte que l’action publique ne
peut pas plus être cantonnée à l’exercice de la puissance publique ou à la délivrance de services publics
par des autorités légitimes au sens wébérien du terme.

C’est dans la porosité sociale des univers de l’analyse et de l’action publique que la rupture se
donne à voir. Au regard de la division classique public- privé dans l’action publique, l’action sociale de
la Première dame porte à désapprendre les termes contemporains de la dichotomie. Cette dichotomie

269
part déjà des controverses auxquelles ont donné lieu l’organisation d’un colloque sur la Première dame32.
Une complexification par le fait d’une diversification non seulement instrumentale mais aussi
catégorielle et actorielle des configurations de politiques publiques. Les acteurs publics, c’est-à-dire
ceux relevant de la sphère politico-administrative où dira Knoepfel « ceux à qui est conférée la légitimité
de décider ou d’agir sur la base d’une délégation conférée par la loi » sont parfois supplantés par des
acteurs porteurs d’une légitimité du cœur. La Première dame es donc un acteur public « by proxy ».
Cette distinction ne signifie pas que les activités des acteurs non-étatiques sont sans conséquence
politique. De proche en proche les acteurs by proxy sont des acteurs décisifs de l’agir public dans la
mesure où ils contribuent à la formation de l’agenda public, la prise de décision et l’implémentation de
l’action publique.

C’est ensuite au regard de la division politisation /dépolisation de l’action publique qu’il faut
envisager le renouvellement dont est porteur au plan heuristique cette action. La politisation de l’action
publique c’est le passage au politique de cette action sociale. Pour le relever, il faut partir du fait que la
personnalité de la première dame est un critère dans le jugement sociopolitique sur le couple présidentiel
vu comme un tandem ou « présidence plurielle » pour reprendre Betty Boyd Caroli (Boyd Caroli, 2003).
En guise d’exemple, Bill et Hillary Clinton disaient lors de l’élection de Bill : « You’ll get two for the
price of one », deux pour le prix d’un. La prophétie auto-réalisée a vécu en 2016 mais l’accomplissement
était très vraisemblable. La politisation de l’action de la Première dame est une variable explicative
presque incontournable de l’étude de l’institution présidentielle. Dès lors peut-elle dépolitiser son action
c’est-à-dire l’extraire du champ de la compétition politique pour la faire passer à l’univers social ou
public en invoquant un « apolitisme » ? L’action de la Première dame est un traceur de la difficulté à
déterminer la frontière entre ce qui est politique et ce qui ne l’est pas. La fausse évidence d’une telle
césure peut aussi s’étendre à l’analyse du personnel accompagnant la Première dame dans son action
dans les différents mondes sociaux où elle se meut. La distinction politique/administration, utile pour
situer les positions des agents, ne forme pas une ligne de partage systématique entre des activités ou des
rôles souvent très imbriqués en pratique dans l’action sociale de la Première Dame. Cette dichotomie
trompeuse entre politisation et dépolitisation doit encore moins fonder la réduction du politique aux
seuls jeux électoraux et partisans, qui sert parfois à établir une frontière entre la sociologie politique et
une analyse dépolitisée de l’action publique.

2. Entre polity, politics et policy

32 Ce colloque a eu lieu du 1er au 3 novembre 2016 à l’Université de Yaoundé II a appelé à de vives critiques 270

dans la presse et la classe politique notamment. L’une des plus virulentes est contenue dans la lettre ouverte
d’Alain Fogue au Premier Ministre et aux universitaires ( http://www.camer.be/55159/30:27/cameroun-
colloque-sur-chantal-biya-lettre-ouverte-de-alain-fogue-au-pm-et-aux-universitaires-cameroon.html).
Par-delà la dimension systémique et circulaire qui le caractérise, le tryptique polity-politics-
policy, (fait respectivement du système politique en tant qu’appareil de gouvernement de la cité, de
compétition politique en vue d’exercer le pouvoir et de matérialisation du gouvernement à travers les
dispositifs d’actions publique) est en soi le marqueur d’une innovation analytique. Jean Leca l’insérait
dans une enveloppe épistémologique contenant trois cadres disciplinaires à savoir la science politique,
la sociologie politique et économique, l’analyse des politiques publiques et la théorie politique. Cette
articulation met en relief l’art de gouverner comme produit de conflits, ensemble d’aires et de secteurs
d’action publique et centre institutionnel doté de valeur symbolique (Leca, 2012). Tout en permettant
de repenser la distinction entre gouvernement et gouvernance, ce tryptique est un analyseur des régimes
politiques à travers l’articulation entre les mécanismes de désignation et de légitimation des gouvernants
et les résultats concrets (pratiques et symboliques) de leur action ou encore les luttes sociopolitiques à
l’œuvre entre segments et réseaux d’acteurs dans la production de l’action publique (Mayntz, 1993 ;
Leca et Papini, 1985). Les interventions diverses de Chantal Biya permettent de vérifier la pertinence
d’une analyse reposant sur l’articulation des trois termes. En effet, au gouvernement de la société piloté
par l’État sous les traits des acteurs politico-administratifs, succéderait une « gouvernance » à laquelle
participerait de manière variable un ensemble d’acteurs publics et privés, situés tant aux niveaux local
et supranational qu’au plan national. Cela n’équivaut cependant pas mécaniquement à un retrait de l’Etat
mais à sa reconfiguration actorielle, catégorielle et instrumentale.

Loin de toute revendication d’apolitisme, d’années en années, l’action de la Première dame s’est
progressivement politisée, à la faveur d’une articulation de l’ordre politique et de l’ordre social sur la
base du postulat suivant : « Chaque société nourrit […] l’ordre politique de ce qu’elle est, c’est-à-dire
des relations qu’y entretiennent groupes et individus, des soucis et des croyances dont ils sont porteurs.
Aussi spécialisé soit-il, l’espace de la politique est façonné par les activités sociales les plus diverses,
économiques, religieuses ou culturelles » (Lagroye, 2003:3). Par politisation, il convient d’entendre le
« processus de requalification des activités sociales les plus diverses, requalification qui résulte d’un
accord pratique entre des agents sociaux enclins, pour de multiples raisons, à transgresser ou à remettre
en cause la différenciation des espaces d’activités » (Lagroye, 2003:361). Le maternalisme au cœur des
initiatives de la Première dame sont marquée par l’intrusion de préoccupations et d’objectifs relevant de
la compétition politique (soit par nature, soit par attribution). Yves Mintogue en dira que « for the office
bearers of these organisations, the privileges that accrue from affiliating with the presidential couple
are numerous: there is no shortage of financial support, whether from the presidential couple or from
the local political and economic elites who do not want to appear hostile or indifferent to the chorus of
praise. Not surprisingly, an intense rivalry among those competing for political favour has resulted in
fawning gestures and acts of allegiance aimed at Chantal Biya in particular becoming the order of the
day » (Mintogue :12). A partir de cas américains, Nicole Bacharan et Dominique Simonnet montrent
que si on les relègue habituellement à l'arrière-plan, derrière la figure charismatique de leur mari

271
président, les First Ladies ont progressivement cessé d’être des seconds rôles. Elles fondent et incarnent
la longue marche des femmes vers l'égalité et le pouvoir mais aussi l’évolution du couple en politique
et de la condition féminine (Bacharan et Simonnet, 2016 ; Perrot, 1996). La portée politique de leur
présence ne fait plus l’objet de débats. Au Cameroun, la complexité du travail d’énonciation du sens
politique est à peine couverte puisque Chantal Biya, très vite, revendique cette portée de ces actes. A la
différence de ses devancières dans l’office de Première dame, très vite, elle donne un cachet politique à
son engagement, au-delà de l’action sociale en déclarant ne pas être là pour « inaugurer les
chrysanthèmes »33 même si le registre du cœur est toujours invoqué selon un rituel constant. En
décembre 2016, comme à chaque fin d’année où elle se rend auprès des malades « pour leur éviter de
passer les fêtes dans la douleur et la tristesse »34, elle est venue, chargée de cadeaux et « plus de 2000
sont distribués, au grand bonheur des pensionnaires et des visiteurs (…) La cérémonie s’achève comme
elle a commencé. Dans une explosion de joie, de sons et de couleurs »35.

En revanche, le maternalisme politique qu’elle a bâti a une inévitable source : son époux à qui
elle rend souvent hommage. A l’occasion de l’inauguration officielle du centre hospitalier de recherche
et d’application de chirurgie endoscopique et de reproduction humaine du Cameroun, la Première Dame
en qualité de marraine prend la parole et dans un discours bref, rend hommage à son époux le Chef de
l’Etat : « Je veux saluer la décision heureuse du chef de l’État, Son Excellence Paul Biya, de créer ce
centre. Au nom de toutes les femmes et de toutes les futures mamans, qu’il soit chaleureusement
remercié. Il s’agit de redonner espoir aux couples stériles, leur ouvrir les portes de ce bonheur
incomparable de poursuivre, comme avant eux, leurs parents, la chaîne de la vie (…). Ce sera là notre
façon de dire merci à monsieur le président de la République pour ce magnifique don fait aux femmes
»36.

La requalification de l’action sociale en acte politique est d’abord objective : la Première dame
est présidente d’honneur de la section féminine du Rassemblement démocratique du peuple
camerounais, parti dont son époux est le fondateur. Autour d’elle, les femmes du CERAC appartiennent
peu ou prou au même parti. Les initiatives en faveur des défavorisés sont par le profil des actrices en

33François Soudan, Biloa C., « Les confidences de Chantal Biya », Jeune Afrique , 1856, 31 juillet-6 août
272
1996.
34 Yvette Mbassi, « Fondation Chantal Biya : la première dame en père noël », Cameroon Tribune, 26
décembre 2016.
35 Yvette Mbassi, idem.
36 Discours à l’occasion de l’inauguration officielle du centre hospitalier de recherche et d’application de
chirurgie endoscopique et de reproduction humaine du Cameroun.
(https://www.cameroonweb.com/CameroonHomePage/NewsArchive/Inauguration-du-Chracerh-Discours-
de-Chantal-Biya-369931)
présence, des actes politiques même si les organisations sont pour l’essentiel humanitaires, apolitiques,
non confessionnelles et à but non lucratif. La requalification est aussi subjective dans la mesure où cette
politisation est parfois revendiquée (certes par une infime minorité des participants). Si l’étiquette
partisane est rarement invoquée de manière explicite, c’est par labellisation subjective que la compassion
revêt une dimension politique puisque sa perpétuation dépend d’une conscience, d’une posture et d’une
efficacité politiques de maintien de l’ordre existant. L’horizon en est la constitution d’une « présidence
tandem » dont le cerveau est l’époux et le cœur, l’épouse dans une division assez fluide du travail. En
réalité, le rôle social qu’elle s’est construit est aussi produit politique de son époux, qui détermine les
termes, les modalités et le territoire de sa compassion. Ce faisant, depuis le 25 avril 1994, date de son
entrée dans l’office de Première dame, elle a contribué à enchanter le politique au Cameroun.

Conclusion

Si « ceux qui souffrent » saturent son discours et ses actes, c’est dans une démarche « la
« dignification des victimes » pour reprendre la formule de Paula Vasquez Lezama que l’action sociale
de la Première dame du Cameroun s’est construite et légitimée (Vasquez Lezama, 2014). Avocate des
cadets sociaux, la Première dame a, ces dernières années, contribué à constituer vigoureusement dans
un manifeste doctrinal, la solidarité comme vertu sociale et tactique politique. En habitant son rôle, elle
concourt à façonner une politique du cœur. Or prendre au sérieux au plan heuristique cette trajectoire
permet d’affirmer qu’être Première dame, c’est tenir un rôle politique de premier plan, celui de
responsable en chef des politiques compassionnelles du sommet de l’Etat.

Repères bibliographiques

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276
La reconnaissance internationale des actions de la première dame : un atout pour la
diplomatie camerounaise ? Professeur Brusil Miranda METOU, Agrégée des facultés de
droit- Université de Yaoundé II.

Appelée à intervenir sur la reconnaissance internationale de l'action de la première


dame, nous préférons procéder plutôt à l'analyse de la reconnaissance de l'œuvre de la première
dame: un atout pour la diplomatie camerounaise. Pourquoi parler de l'œuvre et non de l'action?
Parce qu'une action est soumise à la futilité du temps qui passe, alors que lorsque l'on parle de
l'œuvre, elle échappe à l'érosion du temps pour s'inscrire dans l'éternité. L'œuvre désigne '' ce
qui résulte d'un travail''(Larousse). C'est aussi ''l'ensemble des actions accomplies par quelqu'un
en vue d'un certain résultat’’ (wikipedia). De ce fait, l'œuvre consiste en la confection d'objets
durables qui s'inscrivent dans l'éternité et échappent à la mortalité1. En effet, depuis la création
de l’univers, l’être humain cherche à marquer son séjour terrestre par des actions, des œuvres
qui lui permettraient d’échapper au destin de mortel qui lui a été terriblement et fatalement
rattaché. Ce faisant, il ne suffit pas de vivre, il faut encore exister. L’existence est différente de
la vie, en ce sens que lorsqu’une personne existe, c’est la société qui reconnait et lui attribue
cette existence, à travers une reconnaissance attachée à son passage dans la société et dans le
monde. Tout ce qui vit n'existe pas nécessairement. La vie est automatique alors que l'existence
est conditionnée par le travail, par les œuvres Le verbe œuvrer s'avère d'ailleurs plus indiquer
et signifie ''travailler à réaliser quelque chose d'important; mettre tout en œuvre pour obtenir
quelque chose. En ce sens, Madame Chantal Biya met tout en œuvre pour stopper la propagation
du SIDA et améliorer les conditions de vie des populations. C'est donc ''l'œuvre sociale'' de
Madame Chantal Biya qui a fait l'objet d'une reconnaissance internationale et non une simple
action, ponctuelle et limitée.

Si sur le plan interne, Madame Chantal Biya n'a pas un statut juridique officiel, et qu'elle est
juste l'épouse de son illustre époux, l'actuelle première dame du Cameroun est une personnalité
internationale bénéficiant d'un statut officiel attribué par des organismes internationaux. Ainsi,
Madame Chantal Biya a-t-elle reçu la prestigieuse distinction d’Ambassadrice de l’UNESCO 2,

1
Sur la distinction entre le Travail, l'œuvre et l'action, lire. H. Arendt, La Condition de l'homme moderne, traduit 277
de l'anglais par Georges Fradier, Calman-Lévi, 1983, pp. 123- 314
2
L’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) s’intéresse à des questions
aussi diverses que la formation des enseignants, l’amélioration de l’éducation au niveau mondial et la protection
de sites historiques et culturels importants à travers le monde. L’UNESCO inscrit régulièrement de nouveaux sites
sur la liste du patrimoine mondial, protégeant ces trésors irremplaçables pour le plaisir des touristes actuels et des
générations futures.
Ambassadrice Spéciale de l’ONUSIDA3 ; elle a été élevée à la dignité de commandeur de
l’ordre international de la protection civile par l’organisation internationale de la protection
civile (OIPC)4, etc. Cette reconnaissance internationale de l'œuvre de Madame Chantal Biya,
nommément désignée ici, et non de la première dame du Cameroun permet de reconnaitre
également une certaine spécificité de la personnalité de l'actuelle première dame du Cameroun.
Le statut international obtenu par Madame Chantal Biya n'est pas généralisable, et fait partie de
son identité personnelle. Madame Chantal Biya a été nommée Ambassadrice de bonne volonté
de l'UNESCO le 14 novembre 2008 5. Elle est ainsi devenue la première Ambassadrice africaine
de bonne volonté de cet organe des Nations Unies. Reconnue pour son engagement dans la
prévention du VIH/SIDA6, elle lutte contre l'exclusion sociale, la pauvreté et les inégalités
hommes/femmes par le biais de l'éducation. De renommée internationale, elle bénéficie du
soutien de nombreux pays africains et celui d'éminents scientifiques.

Les Ambassadeurs honoraires et de bonne volonté de l'UNESCO possèdent un talent


internationalement connu dans les domaines de l’art, des sciences, de la littérature, du
divertissement, des sports ainsi que dans d'autres domaines de la vie publique. Il s’agit de
personnalités intègres qui font preuve d'une volonté d'aider à sensibiliser l’opinion public aux
principes et objectifs de l'UNESCO, et qui manifestent leur engagement et leur capacité à
atteindre des audiences significatives et les décideurs politiques. Ce titre lui a été décerné en
reconnaissance de son engagement en faveur de la lutte contre l’exclusion sociale, notamment
par l’éducation préventive contre le VIH/SIDA et sa contribution à la promotion des idéaux de
l’Organisation. Il en est ainsi parce que, depuis une vingtaine d’années, l’œuvre de pionnière
de Madame Chantal Biya s’est singularisée par une judicieuse combinaison entre l’action
opérationnelle et le volet recherche, en particulier dans l’assistance apportée aux couches
vulnérables et dans la lutte contre le SIDA. Cette action est particulièrement visible dans le

3
Le Programme commun coparrainé des Nations Unies sur le virus d'immunodéficience humaine/syndrome
278
d'immunodéficience acquise (VIH/sida) est coparrainé par 10 agences du système des Nations Unies: UNHCR,
UNICEF, PAM, PNUD, UNFPA, UNODC, OIT, UNESCO, OMS et la Banque mondiale. Il a dix objectifs qui
visent à stopper et renverser la diffusion du VIH/sida.
4
"L'Organisation Internationale de Protection Civile est une organisation intergouvernementale dont l'objectif
est de contribuer au développement par les Etats de systèmes propres à assurer protection et assistance aux
populations, ainsi qu'à sauvegarder les biens et l'environnement face aux catastrophes naturelles et dues à
l'homme."
5
Le Directeur général de l’UNESCO, M. Koïchiro Matsuura, a nommé Mme Chantal Biya, Première Dame de la
République du Cameroun, en qualité d’Ambassadrice de bonne volonté de l’UNESCO pour l’éducation et
l’inclusion sociale lors d’une cérémonie qui a eu lieu le 14 novembre 2008 au Siège de l’Organisation.
6 Le directeur exécutif de l’ONUSIDA, Michel Sidibé a remis la distinction d'ambassadrice spéciale de l’ONUSIDA

à la première dame du Cameroun dans le cadre de la lutte contre le VIH/Sida lundi 01 juin 2015 au palais de
l’Unité de Yaoundé, en présence du Chef de l’Etat Paul Biya.
domaine de la prévention de la transmission mère-enfant. Loin de se contenter d'être l'épouse
du Chef de l'Etat camerounais, Madame Chantal Biya s'est investie profondément dans des
actions sociales qui ont pris une envergure internationale au fil des années. Dès 1994, avec une
fondation à son nom qui devient, au plus fort de la pandémie du VIH/sida, un partenaire
incontournable des organisations internationales pour la fourniture de médicaments et la prise
en charge des orphelins sur le sol camerounais, elle va suggérer des pistes de lobbying et
organiser des campagnes de levée de fonds particulièrement efficaces, ce qui lui vaut d’être
consacrée "star de la lutte contre le sida" par Luc Montagnier, codécouvreur du virus. Le
professeur français avait accepté, dès 2002, d’être le parrain et la caution scientifique de la
Fondation Chantal-Biya. Mais c’est une autre organisation, Synergies africaines contre le sida
et les souffrances, qui assure son rayonnement international à Madame Chantal Biya. Créée en
marge du 21e sommet France-Afrique organisé en 2001 à Yaoundé, l’association rassemble une
trentaine de premières dames, d'où de nombreuses reconnaissances dans la sphère
internationale. Il est cependant intéressant de savoir ce qu'est la reconnaissance.

Le terme reconnaissance est tributaire de plusieurs sens à lui attribué dans divers dictionnaires
et lexiques. Dans son sens général, la reconnaissance est l’action de reconnaitre comme sien,
comme vrai, comme légitime (Larousse). C’est aussi l’action de reconnaitre, d’identifier en
fonction de certains signes. Être reconnaissant c'est reconnaître que l'on est redevable à un tiers
qui nous a procuré un bienfait. La reconnaissance est une opération de l'esprit : c'est une
évaluation. Cette appréciation est toujours accompagnée d'une certaine dose de contentement.
La reconnaissance suscite parfois de l'affection. Le bienfait reçu de cette personne est si
précieux à nos yeux qu'on aime cette personne de nous l'avoir procuré (Larrivey M.). La
reconnaissance implique toujours un mouvement pour souligner l'importance de ce qu'on a
reçu. C'est une expérience qui génère de la générosité. Objet insaisissable car
multidimensionnel, la reconnaissance est à la fois individuelle et collective, quotidienne et
ritualisée ; elle concerne autant la personne que le travail ; elle peut être financière ou
« symbolique »(Brun J-P 2008). Elle implique toujours un tiers, mais avec des conséquences
considérables lorsqu’il s’agit d’une reconnaissance internationale. La reconnaissance est fondée
sur l’appréciation de la personne comme un être qui mérite respect et qui possède des besoins
ainsi qu’une expertise unique (Brun J-P et Dugas N., 2005, 79-88). La reconnaissance est donc
d’une importance vitale d’une part psychologiquement, puisque sans elle, la psyché individuelle
demeurerait sérieusement déficiente à l’aune du critère mesurant les conditions de possibilité
d’autoréalisation individuelle ; et d’autre part « socio-ontologiquement », parce que sans elle

279
les sociétés et les communautés manqueraient de l’infrastructure sociale ou interpersonnelle qui
les fait avant tout tenir ensemble. » (Heikki Ikäheimo, 2009, 105)

Notion aux implications diverses dans les sciences juridiques, en particulier en droit
international public (Salmon J., 2001, 939), la reconnaissance est cependant utilisée en
sociologie et dans les relations internationales. A cet égard, il s'agit d'un instrument de la
politique étrangère des Etats (Batistella D, Petiteville F, Smouts M-C. et Vennesson P, 2012, 480-
482).

Sur le plan théorique, longtemps pensé comme étant du ressort exclusif de la philosophie
sociale, telle que la définit Axel Honneth, le concept de reconnaissance intéresse également les
sciences politiques, l’anthropologie et la sociologie (Honneth A, 2004, 133-136). Il s’impose
aujourd’hui comme un objet de préoccupations collectives étroitement articulé aux questions
de justice sociale tant pour les théories philosophiques, sociologiques que psychologiques. Les
théories contemporaines de la reconnaissance sont désormais mobilisées pour traiter de
multiples situations et processus sociaux ou politiques. Mais le concept est à la fois polysémique
et controversé. En conséquence, il convient d’appréhender les diverses approches de la
reconnaissance proposées par ces disciplines afin de clarifier ensuite l’usage que nous en ferons
dans la présente contribution.

La reconnaissance est d’abord une réaction constructive au sens où elle crée un lien à la fois
personnalisé, spécifique et à court terme. Elle s’exprime dans les rapports humains au quotidien.
Il s’agit aussi d’un jugement posé sur la contribution de la personne, tant en matière de pratique
de travail que d’investissement personnel et de mobilisation. Elle représente un jugement porté
sur la pratique professionnelle des travailleurs (reconnaissance de la pratique de travail) ainsi
que sur l’engagement personnel et la mobilisation collective (reconnaissance de
l’investissement dans le travail). Elle consiste en une évaluation et une célébration des résultats
produits par les employés et valorisés par l’organisation (reconnaissance des résultats). La
reconnaissance doit se pratiquer sur une base régulière ou ponctuelle, avec des manifestations
formelles ou informelles, individuelles ou collectives, privées ou publiques, monétaires ou non
(Brun J-P. b). La reconnaissance implique toujours un tiers, mais avec des conséquences
considérables lorsqu’il s’agit d’une reconnaissance internationale. La reconnaissance complète
est signifiée à la personne concernée, à travers la remise d'une distinction, d'un prix, d'une
médaille, etc. C'est une occasion de mettre en lumière des liens importants qu'on a gardés
jusqu'ici plus ou moins dissimulés. Cela permet habituellement un rapprochement affectif entre

280
les personnes concernées (Larrivey M.). Il est important de préciser la distinction entre les
quatre grandes formes de reconnaissance à cette définition globale. Contrairement à ce que l’on
pourrait croire, la reconnaissance se réalise à travers plusieurs formes et est même davantage
efficace lorsque ses différentes formes sont impliquées.

De ce fait, la reconnaissance internationale de l'œuvre de Madame Chantal Biya s'est faite


progressivement, à travers l'implication des autres premières dames d'Afrique dans les activités
de sa fondation et de l'ONG Synergies africaines contre le SIDA et les souffrances, mais aussi
et surtout à travers la saisine de ses diverses activités par les organismes internationaux,
notamment certains organes des Nations Unies. Il en est ainsi parce que depuis le début des
années 1990, les premières dames 7 ont envahi l'espace public en Afrique. Abandonnant une
évolution dans l'ombre de leur illustre époux, elles se sont lancées dans des activités sociales,
s'engageant parfois dans la lutte contre les épidémies ou dans la réduction des souffrances
diverses. Si les activités menées par la plupart des premières dames d'Afrique se limitent parfois
à leur passage au palais présidentiel, l'œuvre de la première dame du Cameroun a bénéficié
d'une reconnaissance internationale.

La reconnaissance de l'œuvre de Madame Chantal Biya lui a valu un statut officiel dans la
société internationale; elle s'est vue dotée d'une personnalité internationale singulière. Tour à
tour « dame de cœur », ambassadrice, hôtesse officielle, la Première Dame remplit
essentiellement une mission de représentation à forte charge symbolique (Makosso A. C., 2008,
11). Sur le plan interne comme sur le plan international, la première dame est sous les
projecteurs et son rôle n’est nullement négligé (Pokam H. de P., 2006).Cette reconnaissance,

7
Traduit de l'expression américaine «First Lady», le terme de «Première dame» est habituellement utilisé pour
désigner l'épouse ou la compagne officielle du chef de l'État. Les Américains eux-mêmes l'empruntèrent à la 281
monarchie britannique. Historiquement, la «Première dame» fait ainsi référence au premier personnage féminin
dans l'ordre protocolaire monarchique; ce peut être par exemple la mère du souverain, la régente etc. Il s'agit de
l'équivalent en monarchie du prince ou de la princesse consort: la Première dame est celle qui est la conjointe mais
qui ne gouverne pas. Au fil du temps, l'expression «Première dame» devint, par abus de langage, la désignation
générique de la conjointe de tout chef d’État, ou de chef de gouvernement dans le cas d'un régime parlementaire.
Dans certaines monarchies, l'expression peut également être utilisée pour faire référence à l'épouse du Premier
ministre. Le terme apparaît pour la première fois en France durant le septennat de Vincent Auriol, premier
Président de la Quatrième République, de 1947 à 1954. Michelle Auriol fut ainsi la «première Première dame» de
France. Avant elle et pendant longtemps, l'épouse du Président était communément baptisée «la présidente». Ainsi
le journal L'Illustration titrait en 1906, à l'occasion de l'élection présidentielle: «Qui sera la présidente?» en
s'interrogeant sur l'identité de l'épouse du prochain chef de l'État, mettant à sa Une des clichés des couples Doumer
et Fallières, alors en compétition pour l'Élysée, plus d'un demi-siècle avant l'instauration de l'élection du président
de la République au suffrage universel direct. Valérie Trierweiler, bien que non mariée à François Hollande -les
médias américains la surnommèrent d'ailleurs «First girlfriend» («première petite-amie»)- est considérée comme
la «dernière Première dame» en date. (Cf. Rémi Lefebvre, Le rôle des Premières dames dans la communication
des présidents de la Vème République, Mémoire de Master de Communication publique et corporate,Institut
d'Études Politiques de Lille, Année universitaire 2013/2014, p.8)
au-delà du symbolisme, a des incidences sérieuses sur la diplomatie camerounaise dans son
ensemble. En effet, à travers la reconnaissance internationale de l’œuvre de Madame Chantal
Biya, il y a eu une modification de la diplomatie camerounaise et de sa pratique. Sa présence,
aux côtés de son illustre époux, suffit parfois à faire modifier l'agenda d'une visite officielle
dans un pays étranger. Le fait qu'elle arbore le titre d'Ambassadrice de bonne volonté des
organes des Nations Unies 8 lui permet aussi de faire connaitre le Cameroun à l'étranger. Il ya
dans ce cas un élargissement de la sphère diplomatique camerounaise et un changement de la
pratique de cette diplomatie. Lorsqu’elle reçoit ces récompenses internationales, elles
s’inscrivent à l’actif de la diplomatie camerounaise. Par conséquent, la reconnaissance
internationale de l’œuvre de Madame Chantal Biya a des répercussions considérables sur la
diplomatie camerounaise. Elle modifie subtilement l'ordre des relations établies et même
l'agenda politique parfois surchargée du Président de la République au cours d'une visite
officielle. Sans être diplomate de carrière, Madame Chantal Biya devient diplomate de fait et
parvient à faire modifier la sphère diplomatique camerounaise aussi bien sur le territoire
camerounais qu'à l'étranger. Les œuvres humanitaires de la Première Dame constituent un
adjuvant à la diplomatie camerounaise, dès lors que l'on est d'accord avec Hilary Clinton qui
affirmait en 2009, alors secrétaire d'Etat que, “diplomacy is not just carried out by diplomats”.
L'attribution d'un statut international à Madame Chantal Biya fait d'elle, en plus de son statut
de Première Dame d’envergure, une actrice de poids, incontournable dans les politiques de
développement humain et social. Elle pèse à la fois sur les relations bilatérales et sur les
relations multilatérales du Cameroun. Ces considérations conduisent à s’interroger sur l’impact
de cette reconnaissance internationale de l'œuvre de Madame Chantal Biya sur la diplomatie
camerounaise. Autrement dit, les distinctions et récompenses obtenues par Madame Chantal
Biya sur le plan international constituent-elles des marques de réussite de la diplomatie
camerounaise ? Il serait difficile de répondre à cette question par la négative. Assurément, les
mérites de Madame Chantal Biya sur le plan international sont des lauriers qui profitent au
Cameroun tout entier. A partir de l'analyse de la dynamique diplomatique orchestrée par
Madame Chantal Biya, des informations officielles sur ses déplacements et les activités menées
dans la société internationale par cette Ambassadrice de bonne volonté de l'UNESCO, il est
possible d'affirmer que la reconnaissance internationale de l'œuvre de Madame Biya a permis

8
L’Organisation des Nations Unies est une organisation internationale fondée en 1945. Aujourd’hui, elle compte 282
193 États Membres. La mission et le travail des Nations Unies sont guidés par les objectifs et principes énoncés
par sa Charte fondatrice adoptée en 1945. Le Système des Nations Unies, qui est aussi souvent appelé
officieusement la « famille des Nations Unies », est composé de l’Organisation des Nations Unies et de nombreux
programmes, fonds et institutions spécialisées.
d'étendre la diplomatie camerounaise et de la rendre plus dynamique (I), tout en donnant plus
de visibilité au Cameroun sur la scène internationale (II).

I. Une diplomatie plus étendue et diversement dynamique

L’attribution d'un statut international à la première dame du Cameroun a fait de cette dernière
une personnalité diplomatique de fait. Madame Chantal Biya, en tant qu'ambassadrice de bonne
volonté de l'UNESCO et de l'ONU-SIDA, participe, au même titre que les autres ambassadeurs,
à la conduite des relations diplomatiques entre le Cameroun et les autres Etats, en particulier,
les Etats- membres des organismes dont elle est la représentante. La présence de cette
personnalité, à côté des diplomates classiques, entraine une modification significative de
l'agenda politique des visites officielles du président camerounais à l'étranger, mais aussi une
réorientation de cette diplomatie vers la diplomatie de l'humanitaire. Il en est ainsi du fait de
l'empreinte diplomatique personnelle et singulière de Madame Chantal Biya (A), mais aussi de
la singularité du domaine de son œuvre, qui étend substantiellement les domaines de la
diplomatie classique.

I.1. L'extension de la diplomatie autour de la personne de Madame Chantal Biya


L'œuvre de Madame Chantal Biya porte une empreinte personnelle, propre à la personne. Au-
delà du fait qu'elle soit la première dame du Cameroun, elle est d'abord Chantal Biya. Son
empreinte, sa touche personnelle insufflée à cette œuvre en fait le charme. Madame Chantal
Biya est certes la première dame du Cameroun, mais elle n'est pas l'unique première dame qu'a
connue ce pays. C'est elle qui arbore le titre sans ambages d'"Ambassadeur de bonne volonté
de l'UNESCO" et Ambassadeur spécial de l'ONU-SIDA. Ces titres ne lui ont pas été attribués
du fait de son statut de première dame du Cameroun, mais bien du fait de sa personne.
I.1.1. Une reconnaissance internationale nominale
C'est Madame Chantal Biya qui est ambassadrice de bonne volonté de l'UNESCO, et
non la première dame du Cameroun. Il est vrai qu'elle est la première dame du Cameroun, mais
toutes les premières dames du Cameroun ne sont pas Ambassadrices de bonne volonté de
l'UNESCO et ne le seront pas forcément -à moins de suivre les pas de Madame Chantal Biya.
La reconnaissance internationale de l'œuvre de Madame Chantal Biya est faite de façon
nominative. Il s'agit, pour les organismes internationaux qui font d'elle leur représentante, voire
leur porte flambeau, de ne pas faire une occultation sur la personnalité qui est derrière ce qui se
fait. Pour l'UNESCO, "Les Ambassadeurs de bonne volonté sont des personnalités célèbres qui
mettent leur renommée et leur charisme au service des idéaux de l’UNESCO. Ces personnes

283
donnent une résonance particulière au travail et à la mission de l’UNESCO. Ils se sont engagés
et ont généreusement accepté d’utiliser leur talent et leur reconnaissance internationale, pour
sensibiliser l’opinion mondiale au travail de l’UNESCO". C'est dire que madame Chantal Biya
a accepté de mettre son charisme et sa renommée au service des idéaux de l'UNESCO. Pour ce
faire, il faut d'abord détenir ce charisme, ce qui est le cas, car Madame Biya accepte d'utiliser
son talent pour sensibiliser l'opinion mondiale au travail de l'UNESCO. En lui attribuant le
statut d'Ambassadeur de bonne volonté, l'UNESCO reconnaît en même temps à Madame
Chantal Biya un talent et un charisme exceptionnels.
Il est vrai qu'il peut sembler étrange d'occulter une personnalité au profit de son œuvre.
Mais l'œuvre reflète toujours et davantage son auteur que tout autre chose. Par conséquent, c'est
la personnalité influente et inspiratrice de Madame Chantal Biya qui a permis la réalisation de
toutes les œuvres qui sont reconnues à son actif de nos jours. Il en est ainsi de la relation entre
l'œuvre et son auteur. Il est vrai qu'ici, l'ordre dans lequel sont énoncés les deux termes tend à
accorder une attention première plutôt à l'œuvre qu'à son auteur, ce qui ne dénote plus de la
formule ancienne de « l'homme et l'œuvre », laquelle subordonnait l'œuvre aux déterminations
personnelles et biographiques de l'auteur, et la contester à la fois dans ses notions et dans son
ordre. La dynamique de la phrase, entre les deux notions ne permet cependant pas un effacement
de l'auteur au profit de l'œuvre. Bien plus, si Madame Chantal Biya bénéficie d'une
reconnaissance internationale, c'est à travers son œuvre. Dans ce cas, l'œuvre vient en premier.
Mais si son œuvre est reconnue sur le plan international, c'est grâce à son apport
personnel, à une identité spécifique qui permet de distinguer son œuvre des actions des autres
premières dames d'Afrique, voire du monde. Pour ainsi dire, elle fait qu'on en vient à son
auteur. Dans ce cas, en parlant de l'auteur de l'œuvre, il ne s'agit nullement de l'individu privé
(personnel, biographie, historique, etc.), ni même celle de l'écrivain ou de l'artiste, mais bien
celle de l'auteur, avec ce que celle-ci comporte d'autorité, de responsabilité, d'initiative et de
création, mais vu du côté de l'œuvre conférée par elle, par le fait qu'elle vient à l'existence, c'est-
à-dire en vertu d'elle (Campion, 2010). L'œuvre de Madame Chantal Biya vient à l'existence en
vertu d'elle et non de toute autre considération. Elle est pour l'instant, l'unique première dame
d'Afrique à avoir reçu ce privilège. La seule camerounaise à être ambassadrice de bonne volonté
est donc Madame Chantal Biya. Cependant, lorsqu'elle agit pour le compte de l'UNESCO, elle
représente certes cette organisation, et en même temps, c'est une camerounaise en action. Au-
delà du fait de porter ce titre pour le compte de l'UNESCO, elle le porte aussi et surtout parce
qu'elle est camerounaise, et c'est le Cameroun qui se trouve honoré en elle. La personnalité de
Madame Chantal Biya est donc remarquable. D'ailleurs, l’ouvrage consacré aux ambassadeurs
284
de bonne volonté de l’Unesco9 présente l’épouse du président camerounais comme Chantal
Biya, Première Dame du Cameroun et Présidente de la « Fondation Synergies africaines contre
le Sida et les souffrances », nommée Ambassadrice de bonne volonté de l’UNESCO en
novembre 2008.
De façon plus concrète, toutes les premières dames du Cameroun n'ont pas eu, et ne
bénéficieront pas nécessairement des mêmes titres, et de ce fait, du statut international de
Madame Chantal Biya. Elle devient une diplomate de fait et remplit dès lors les fonctions de
diplomates dans le cadre des actions des organismes internationaux pour le compte desquels
elle agit. Pour ce faire, elle bénéficie d'un passeport diplomatique, qui lui permet de voyager
dans tous les pays membres de l'UNESCO et de porter haut le message de cet organisme. Ce
passeport diplomatique ne lui est pas décerné en tant qu'épouse du Chef de l'Etat, mais bien en
tant qu'un agent au service d'un organe des Nations Unies. De ce fait, elle peut bénéficier, dans
le cadre de l'exercice de ses fonctions d'Ambassadeur de bonne volonté de l'UNESCO, des
privilèges et immunités reconnus aux agents internationaux dans le cadre de la convention sur
les privilèges et immunités des Nations Unies adoptée à New York le 13 février 1946 10. En
effet, en l'absence de précisions en ce sens sur le site internet et dans les textes officiels de
l'UNESCO sur la question, l'on peut s'inspirer du site consacré aux Ambassadeurs de bonne
volonté du Programme des Nations Unies pour le développement, qui précise que: " Lors d'un
voyage officiel ou lors de performances au service du PNUE, les Ambassadeurs de bonne
volonté seront considérés comme ayant le statut 'd'Expert en Mission' pour le PNUE et
l'Organisation des Nations Unies selon le sens de la Section 22, Article VI de la Convention sur
les Privilèges et les Immunités des Nations Unies du 13 février 1946" (PNUD, 2017). La section
22 de la convention de New York porte en fait sur les experts en mission pour l'organisation
des Nations Unies, et stipule clairement que:
" Les experts (autres que les fonctionnaires visés à l'art. V), lorsqu'ils accomplissent des
missions pour l'Organisation des Nations Unies, jouissent, pendant la durée de cette mission, y
compris le temps du voyage, des privilèges et immunités nécessaires pour exercer leurs

9
En effet, dès 1953, les Nations Unies ont mis en place des programmes portés par des « ambassadeurs de bonne 285
volonté » Depuis lors, plusieurs centaines d’éminentes personnalités ont joué ce même rôle, à tous les niveaux des
Nations Unies. Ce « réseau » de personnalités publiques de tout premier plan compte aujourd’hui plus de 200
personnes, au rang desquels la première dame du Cameroun.
http://unesdoc.unesco.org/images/0018/001825/182559f.pdf
10
Cf. Convention sur les privilèges et immunités des Nations Unies approuvée par l'Assemblée Générale des
Nations Unies, 13 février 1946.
fonctions en toute indépendance. Ils jouissent en particulier des privilèges et immunités
suivants:

a) immunité d'arrestation personnelle ou de détention et de saisie de leurs bagages personnels;

b) immunité de toute juridiction en ce qui concerne les actes accomplis par eux au cours de
leurs missions (y compris leurs paroles et écrits). Cette immunité continuera à leur être accordée
même après que ces personnes auront cessé de remplir des missions pour l'Organisation des
Nations Unies;

c) inviolabilité de tous papiers et documents;

d) droit de faire usage de codes et de recevoir des documents et de la correspondance par


courrier ou par valises scellées, pour leurs communications avec l'Organisation des Nations
Unies;

e) les mêmes facilités en ce qui concerne les réglementations monétaires ou de change que
celles qui sont accordées aux représentants des gouvernements étrangers en mission officielle
temporaire;

f) les mêmes immunités et facilités en ce qui concerne leurs bagages personnels que celles qui
sont accordées aux agents diplomatiques."

Agissant dans le cadre de ce statut international, Madame Chantal Biya peut être considérée
également comme une diplomate de plus.
I.1.2. Une diplomate de plus en action
Madame Chantal Biya est une ambassadrice. Il ne s'agit pas d'une nomination interne, mais il
s'agit d'une diplomate au service non pas de son pays, mais au service de l'humanité. Pour ce
faire, elle est détentrice du Passeport de l'UNESCO et est appelée à représenter cette
organisation dans la quasi-totalité des Etats dans le monde. Elle contribue ainsi à sa manière, à
la réalisation des missions des Nations Unies 11. Il s'agit là immanquablement d'un atout majeur
pour tout le pays, car Madame Chantal Biya, au-delà du fait d'être la première femme africaine
à être auréolée de ce titre, compte parmi les quatre personnalités africaines à avoir été couronnée
du titre d'Ambassadeur de bonne volonté de l'UNESCO 12. C'est la raison pour laquelle Madame

11
Danny Kaye, célèbre artiste et acteur américain, fut, cette année-là, le premier « Ambassadeur de bonne 286
volonté » nommé par l’UNICEF ; il a honoré cet engagement pendant 33 ans.
12
Les Ambassadeurs de bonne volonté sont nommés par les Directeurs des Fonds, Programmes et Institutions
spécialisées des Nations Unies, puis approuvés par le Secrétaire général. Certaines institutions des Nations Unies
font également appel à des personnalités éminentes pour un autre type de fonctions : c’est le cas de l’UNESCO et
de ses « Artists for Peace » (les Artistes pour la Paix).
Chantal Biya est appelée « Son Excellence »13, titre qui exprime la dignité supérieure reconnue
à une personnalité, et de ce fait, la considération à laquelle elle a droit. Le traitement honorifique
« Son Excellence »14 prend alors effet avec la fonction occupée. Bien plus, le mot
« Ambassadeur » est certes une fonction dans la diplomatie, mais dans l’acception courante, le
terme est vu comme un titre de distinction honorifique. D’autres titres honorifiques ont une
résonnance particulière, tant dans l’ordre international que dans l’espace politique interne des
Etats, et dans des organisations sociales, notamment à caractère religieux. L’ambassadrice de
bonne volonté de l’UNESCO et Ambassadrice spéciale de l’ONUSIDA vient ainsi bousculer
les usages dans la sphère diplomatique qui ne saurait désormais préparer l’agenda diplomatique
du chef de l’État sans y greffer l’agenda diplomatique propre de la première dame, non pas en
tant qu’épouse du chef de l’État, mais en tant qu’ambassadrice de bonne volonté de certains
organismes des Nations Unies. Sans être diplomate de formation, voilà la première dame
camerounaise propulsée dans la diplomatie, avec un rang spécial. De nombreuses contraintes
font partie évidemment de ce titre qu’arbore fièrement et à juste titre notre première dame.
Parmi ces contraintes figurent en bonne place celle d’être digne de ce titre en tout lieu, et de
faire un plaidoyer en faveur de la cause qu’elle défend partout où elle se trouve.

Les Ambassadeurs de bonne volonté sont des personnalités qui mettent leur renommée
nationale/internationale au service des idéaux de l’UNESCO. Nommés par l’Organisation, ils
acceptent de mettre à contribution leurs talents et leur charisme pour sensibiliser l’opinion
mondiale aux missions de l’UNESCO, soit la promotion de l’éducation, de la science et de la
communication/information pour la paix. Les actions des Ambassadeurs de bonne volonté
amplifient la visibilité, la crédibilité et l’efficacité de l’UNESCO. Les ambassadeurs de bonne
volonté des Nations unies doivent consacrer «une partie de leur temps, leur talent et leur passion à
faire connaître l’action que mènent les Nations unies pour améliorer la vie de plusieurs milliards de
personnes, sur toute la planète». Selon Marie-Claire Spinozi, le choix des célébrités pour le titre
d'ambassadeur correspond à une stratégie marketing bien rodée : «Il faut trouver la bonne

13
« Son Excellence » est un prédicat honorifique régi par les conventions diplomatiques ou ecclésiastiques. Le 287
terme « Excellence », du latin du XIIe siècle (1160), « Excellentia », est ancien et de très vieille utilisation. Il
désigne un degré éminent de perfection ou de considération auquel a droit un dignitaire. Dans son emploi comme
qualification de distinction honorifique, il a été emprunté à l’italien de la fin du XIIIe siècle - « Excellenza ». Dans
le domaine diplomatique, il peut être abrégé S. E. et il est traditionnellement utilisé, dans la majorité des cas, pour
désigner les chefs d'État ou de gouvernement ainsi que les ambassadeurs de manière protocolaire.
(https://fr.wikipedia.org/wiki/Son_Excellence)
14
L’utilisation du terme « Excellence » fait partie d’une série de qualificatifs destinés à singulariser des
personnalités ou des hauts dignitaires en les valorisant, soit qu’ils aient un rang supérieur dans l’ordre politique
des Etats et des relations internationales, soit qu’ils soient haut placés dans celui des grandes dénominations
sociales ou confessionnelles. (Ibid)
personnalité pour la bonne mission et en fonction du public que l'on veut cibler." On peut aisément
comprendre que Madame Biya soit cette bonne personnalité trouvée par les organismes internationaux.
A cet égard, dès le 24 juin 2010, au cours de l’audience que lui accorde la Directrice Générale
de l’UNESCO, Madame Chantal Biya confie à son interlocutrice, les convictions les plus
profondes qui sous-tendent son action. L’humanisme et le devoir de solidarité envers les autres,
surtout les plus démunis. Elle présente à son interlocutrice les projets qu’elle nourrit pour
l’épanouissement de l’enfant africain, victime de la mortalité infantile, du VIH/SIDA et de la
sous- scolarisation. Il s’agit-là des préoccupations constantes qui constituent le socle de son
action tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des frontières nationales. Madame Chantal Biya reçoit
les appréciations et les encouragements de Madame la Directrice Générale de l’UNESCO qui
lui promet tout son soutien. Ce faisant, "Les organismes comme les Nations unies profitent du capital
de visibilité de la star en absorbant une part de la bienveillance du public. C'est une façon de transférer
son capital de visibilité vers l'organisme qui va la solliciter.» (Heinich N. 2017) En ce sens par
exemple, dans le discours qu’elle délivre à l’occasion de la réunion annuelle des Ambassadeurs
de Bonne volonté de l’UNESCO, Madame Chantal Biya propose à ses collègues d’entreprendre
une action significative pour répondre aux nombreuses demandes exprimées par le peuple
haïtien ébranlé par un terrible tremblement de terre. Parlant de l’Afrique qui est son champ
d’action par excellence, elle dira : « L’Afrique que nous voulons bâtir, devra être en mesure d’offrir
à sa jeunesse, les moyens et les conditions nécessaires à la prise en main de ses destinées ».
Avec Synergies Africaines et son statut d’Ambassadrice de Bonne Volonté de l’UNESCO, la
Première Dame du Cameroun est désormais un porte-parole de poids sur la scène internationale,
dans le combat contre la maladie et la souffrance.

I.2. L'extension de la diplomatie camerounaise à travers l'œuvre de Madame Chantal Biya


Madame Chantal Biya n'est pas l'unique première dame d'Afrique qui se livre à des
actions caritatives. Si les siennes ont été reconnues sur le plan international et lui ont valu de
nombreuses récompenses, c'est assurément parce que son œuvre revêt une importance
particulière pour les organisations qui ont jugé utile de faire d'elle leur Ambassadrice de bonne
volonté. L'œuvre de Madame Biya sur le plan international ne s'inscrit pas dans la diplomatie
classique. Elle se particularise par la touche personnelle de cette dame, accentuée par le soutien
apporté aux personnes nécessiteuses ou en détresse. Depuis 2006, le Conseil Economique et
Social des Nations Unies (ECOSOC), a octroyé à la Fondation Chantal Biya le statut consultatif
spécial. Il s'agit d'un statut octroyé après étude aux ONG pour leurs compétences spécifiques
dans certains domaines d'activité de cet organisme. De ce fait, la Fondation Chantal Biya peut
désormais participer à la vie de l'ECOSOC, notamment à travers des communications écrites et
288
des pétitions. L'octroi de ce statut a ouvert des perspectives nouvelles pour la Fondation Chantal
Biya qui s'insère ainsi dans un réseau relationnel plus large, tout en bénéficiant de l'estampille
des Nations Unies. Une porte s'ouvre pour une diplomatie de l'humanitaire, car l'œuvre de
Madame Chantal Biya est orientée essentiellement sur l'humanitaire.
Il s'agit, au-delà de la diplomatie humanitaire conduite par certains ONG spécifiques
dans le cadre des conflits et situations de catastrophes, une diplomatie de l'humanitaire. La
diplomatie de l’humanitaire participe d’un rapprochement entre les couches vulnérables et le
politique pour engranger, parfois sous le feu des critiques, un coup d’œil des dirigeants sur les
souffrances de certaines catégories de personnes, ainsi que les maladies qui affectent les
couches de populations vulnérables et dont les recherches sur le traitement n’avance pas
rapidement. Au cours des sommets et conférences internationales, la première dame
camerounaise prêche l’amour et fait renaître l’espoir là où de nombreuses personnes sombraient
dans le désespoir total. Elle n’hésite pas à affronter l’adversité des opposants à son époux et au
régime, lorsqu’il s’agit de venir en aide aux nécessiteux15. La mise en place d’une diplomatie
parallèle entre les premières dames se caractérise par la solidarité qui les lie les unes aux autres
et qui prend tout son sens dans un contexte politique parfois violent (Sage A. 1998, 50). La
Première Dame du Cameroun est connue pour son engagement social actif, ainsi que sa
capacité à mobiliser le soutien de nombreux pays africains et d’éminents scientifiques à sa
cause. Madame Biya est très présente lors des activités de la Fondation « Synergies africaines
contre le SIDA et les Souffrances » et le « Centre international de Référence Chantal Biya ».
Ce Centre est étroitement lié au projet de l’UNESCO « Families First Africa » qui soutient les
activités relatives au VIH au Cameroun, en Côte d’Ivoire et au Burkina Faso.
Sur le plan international, la première dame du Cameroun s’est efforcée d’associer et de
faire adhérer les épouses des chefs d’État de la sous-région et de l’Afrique toute entière, à la
lutte qu’elle mène en faveur des couches vulnérables. Cette lutte a conduit à la modification de
l’agenda diplomatique, qui prévoit désormais, en marge des sommets des chefs d’État, des
rencontres entre leurs épouses au sujet de l’humanitaire. Ce faisant, la première dame adoucit
une diplomatie parfois qualifiée de froide et distante, en rend humain le visage sévère des
négociations politiques harassantes et parfois sans issue positive. En le rapprochant du peuple,
elles (les premières dames) dotent le pouvoir présidentiel d’une face cachée, méconnue et

15 289
Le soutien du Président Biya à l’œuvre humanitaire de son épouse s’est, par exemple, matérialisé par la signature
d’un décret de reconnaissance d’utilité publique l’organisation Synergies Africaines contre le SIDA et les
Souffrances et l’accord de siège signé avec le Gouvernement camerounais. Fort de ce constat, la présence du
Président Paul Biya aux côtés des deux Premières Dames au Palais de l’Unité le 30 août 2010 n’est pas un fait
anodin. Elle participe de cette volonté de faire cause commune pour le bien-être de l’Afrique Centrale.
humaine. Ensuite, elles finissent par devenir des représentantes des femmes (notamment de leur
émancipation), et sont l’expression de la promotion de la société civile. La Première Dame est
appelée à incarner à l’étranger, l’image de la femme du pays, en accompagnant son époux dans
les voyages officiels (Makosso A. C. b, 14), mais aussi sa propre image. Elle n’est plus
seulement l’épouse de son illustre époux, elle est elle-même représentante d’une cause nationale
devenue internationale de par la généralité de son action et la reconnaissance de cette intrusion.
Pendant la signature de son acte d’adhésion à Synergies Africaines, Madame Sylvia Bongo
Ondimba a rendu un vibrant témoignage à l’œuvre de Madame Chantal Biya en déclarant par
exemple que: « C’est le lieu de louer et de féliciter votre heureuse initiative… Vous avez pris
conscience de la nécessité de la mise en place à l’échelle continentale d’une telle structure(…), je
voudrais vous exprimer mes encouragements pour les efforts fournis au quotidien, de matérialiser la
présence de Synergies Africaines sur le terrain ».
Ainsi, la première dame participe à sa manière à la diplomatie du Cameroun, en
développant une sorte de diplomatie atypique, qui échappe aux canons de la diplomatie
classique. Les amitiés qu’elle noue avec les autres premières dames renforcent les relations
amicales entre son époux et son homologue. La mise en place d’une diplomatie parallèle entre
les premières dames et entre celles-ci et les associations sœurs aux leurs se caractérise par la
solidarité qui les lie les unes aux autres et qui prend tout son sens dans un monde en proie aux
violences et conflits de nature diverse.

II. Une diplomatie camerounaise plus visible

La reconnaissance internationale de l'œuvre de Madame Chantal Biya rend la diplomatie


camerounaise plus visible. La première dame du Cameroun est devenue une figure
emblématique, une égérie de la diplomatie camerounaise. A cet égard, « Les deux figures de la
représentation (agir « à la place de » et « en tant que ») se combinent dans la défense de la
bonne image du pays, qui est à la fois un axe central du mandat donné à l’ambassadeur et une
conséquence de son rôle d’incarner son pays » (Loriol M., Piotet F., Delfolie D., 2008, 57). La
reconnaissance comme ambassadrice lui permet de passer facilement un message, à la fois pour
les Nations Unies et pour le Cameroun. Reconnue comme étant « la lionne du Cameroun »,
Chantal Biya est l’un des personnages dont la présence est toujours à la fois remarquable et
remarquée sur la scène internationale lorsqu’il y a un évènement particulier. Elle devient une
étincelle qui illumine le Cameroun et que l'on ne peut cacher sous un boisseau. Avec elle, le
Cameroun a plus de visibilité à l'étranger (A), et les étrangers ont plus de visibilité sur le
Cameroun (B).

290
II.I La visibilité du Cameroun à l’étranger

Dans un contexte où la présence du Cameroun n'est pas toujours très appréciée sur la
scène internationale, la reconnaissance internationale de l'œuvre de Madame Chantal Biya sert
de tremplin pour redynamiser une diplomatie parfois qualifiée d'inactive. Quand il s’agit de
développer l’image du Cameroun à l’étranger, la diplomatie camerounaise n’hésite pas à se
saisir de l'image de la Première dame, pour faire passer le message et s’offrir une place de choix
dans les enceintes des conférences internationales et autres cadres de rencontres. De nombreux
Etats se servent des images nationales pour se faire connaitre et attirer les investisseurs et
touristes sur leur territoire. L'image de Madame Chantal Biya est enrichissante pour la
diplomatie camerounaise: ''Élue première dame la mieux habillée d’Afrique, madame Biya en
impose. Elle porte aussi bien des tailleurs Chanel ou Dior que des boubous, commente l’une de
ses amies. Mais elle n’aime rien tant que revêtir ses propres créations." (Del L. 2010). Son
image de « dame de cœur » touche aussi bien les pays voisins, africains, qu’européens,
asiatiques et américains. Elle incarne certes une présence abstraite, mais cette incarnation se
matérialise aussi à travers son propre comportement. Le travail de représentation incorpore
donc une forte variable « réputationnelle », qui s’ajoute au statut social le définissant (Ibid).

A travers Madame Chantal Biya, le Cameroun est connu et facilement identifié sur la
mappemonde. A travers Madame Chantal Biya, le Cameroun s’offre à l’étranger l’image d’un
pays accueillant, chaleureux, solidaire, où il fait bon vivre. Aussi, le nombre de curieux
augmente et fait augmenter le nombre de potentiels touristes. Le travail de représentation
diplomatique est étroitement associé à la mission de promotion de l’image du pays d’origine
dans celui d’accréditation. La construction d’une image se nourrit de multiples éléments (Ibid).
Pendant ses déplacements à l’étranger avec son époux, la Première Dame ne manque pas de se
faire le chantre de la solidarité. Au-delà du Cameroun, c'est même de toute l'Afrique qu'il s'agit.
C’est ainsi que le 4 août 2010 à Brasilia avec Laeticia Lula Da Sylva, le 29 octobre 2010 à
Tripoli avec Madame Mabruka, Représentante de l’association « Watasemo Foundation »,
dirigée par la fille du Guide libyen, le Dr. Aicha Kadhafi, Madame Chantal Biya n’a cessé
d’insister sur la nécessité d’accorder une attention particulière aux problèmes de l’enfance
africaine, confrontée à d’énormes difficultés et à la pandémie du VIH/SIDA.

II.2. La visibilité du Cameroun par les étrangers

La reconnaissance internationale de Madame Chantal Biya comme Ambassadeur de


bonne volonté de l’UNESCO et Ambassadeur spéciale de l’ONUSIDA a entrainé un
291
supplément de travail à ce qu’elle faisait déjà. Elle est la représentante de ces deux organismes
au Cameroun. Représenter les valeurs et les intérêts du Cameroun est compris et traduit en acte
par cette dame au grand cœur. Au Cameroun, terre d’accueil et d’hospitalité, la première dame
offre une image d’une parfaite harmonie entre les diverses couches de populations. Les
étrangers qui arrivent au Cameroun, outre les homologues de son époux, sont bien accueillis, la
première dame veillant soigneusement à leur accueil et leur bien-être. Auprès de ses invités de
marque, venus du monde entier pour fêter le cinquantenaire de l’Indépendance de son pays, elle
a fait preuve d’un sens de l’hospitalité digne de sa fonction. En 2010, lors des manifestations
relatives au cinquantenaire de l’indépendance du Cameroun, pendant trois jours, aux côtés de
son mari, Paul Biya, Chantal a accueilli le secrétaire général de l’Onu Ban Ki-moon, plaisanté
avec ou, honoré les femmes des chefs d’Etat africains présentes. Malgré les exigences du
protocole, la première dame privilégie la détente et le naturel. en 2008, lors de la Journée de la
femme, elle est descendue à l’improviste de la tribune officielle afin de défiler avec les
militantes d’une association féministe. Le 17 mars 2015 au siège de son ONG Synergies
Africaines contre le Sida et les souffrances à Yaoundé, en présence des membres du
gouvernement et des autorités diplomatiques, la première dame du Cameroun, Chantal Biya a
à nouveau manifesté son humanisme. A travers un don de deux conteneurs de produits
hygiéniques d’une valeur de plus de 50 millions de FCFA, offert aux populations réfugiées et
déplacées, au travers du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés 16.

II.2.1 Les activités menées en marge des visites officielles des personnalités au
Cameroun

Lors des sommets des instances internationales, les rencontres des chefs d’État sont une
précieuse occasion pour les Premières Dames d’interpeller leurs époux et les gouvernements
sur les différents fléaux et divers maux dont souffre leur peuple. A toutes ces occasions, elles
se retrouvent autour de différents thèmes aussi préoccupants les uns que les autres comme la
paix, l’enrôlement des enfants-soldats, la réduction de la mortalité maternelle et néonatale, les
conditions de la fille-mère, les violences faites aux femmes, la lutte contre la faim, la vie chère,
le sida, etc. Le 18 janvier 2010, Madame Chantal BIYA accompagne son illustre époux, S.E.M.
Paul BIYA, au Sommet de la Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale
(CEMAC) à Bangui. Elle visite avec les autres Premières Dames présentes dans la capitale

16
Selon le Secrétaire Exécutif des Synergies Africaines, Jean Stéphane Biatcha, ce Don est le fruit du partenariat 292
signé à Montréal au Canada le 27 mai 2014 entre l’ONG de la première dame du Cameroun et la Chambre de
Commerce Canada-Cameroun et Afrique de l’Ouest(CCCCAO).
centrafricaine, la Fondation « Femmes, enfants, solidarité » de Madame Monique BOZIZE, la
Première Dame de RCA. La Première Dame du Cameroun encourage sa sœur centrafricaine et
l’exhorte à poursuivre sans relâche, son devoir d’humanisme et de solidarité envers les malades
et les démunis. Le 13 juillet 2010, alors qu’elle accompagne le Chef de l’Etat à Paris à
l’occasion de la célébration du cinquantenaire des indépendances africaines en France, Madame
Chantal est reçue, avec huit autres Premières Dames d’Afrique par, Madame Carla BRUNI-
SARKOZY au Palais de l’Elysée. Pendant les échanges, Madame Chantal BIYA souligne la
nécessité pour les Premières Dames, de s’investir davantage aux côtés de leurs époux dans la
réduction de la souffrance et l’éradication du VIH/SIDA.
A Bordeaux en 2009, lors de la visite officielle du Président de la République en France,
Mme Biya a noué de sérieux contacts avec l’Hôpital des enfants Pellegrin. Un service très
réputée du Centre hospitalier universitaire (CHU) local, consacré à l’enfance. Cette nouvelle
relation a révélé un intérêt certain et une volonté de la partie française de soutenir les actions
de la première dame camerounaise. La Fondation Chantal Biya, dont le volet Santé rejoint les
missions de l’Hôpital des enfants Pellegrin de Bordeaux, a donc pu bénéficier du plateau
technique de pointe et de l’expertise avérée des spécialistes bordelais. Dans les faits, elle ne
manque jamais une occasion au cours de laquelle elle nouerait une relation bénéfique pour le
Cameroun dans son ensemble et pour lutter contre la pauvreté et alléger les souffrances en
particulier. A travers elle, le Cameroun repère et aborde les bons interlocuteurs, noue des liens
avec des partenaires non-étatiques et stratégiques pour l’aider à mener à bien le combat contre
la pauvreté. Bref, à chacune de ses rencontres, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du Cameroun,
Madame Chantal BIYA a des mots justes pour souligner l’importance du combat qu’elle mène
et, surtout, le souci de rendre son action toujours plus concrète et fédératrice.
Les mêmes dispositions d’esprit ont prévalu lors des audiences qu’elle a accordées à diverses
personnalités pendant l’année 2010. Cela a été le cas, avec Madame Anne Gain, épouse de
l’Ambassadeur de France au Cameroun le 04 mars 2010 ; avec le Professeur Luc Montagnier,
président du Comité scientifique du Centre international de référence Chantal Biya (CIRCB) le
10 mars 2010 ; le 19 mars 2010 avec la Présidente de l’ONG italienne « Enfants cardiaques du
monde » ; le 29 avril 2010 avec Madame Janet E. Garvey, alors Ambassadeur des États-Unis
au Cameroun ; le 11 juin 2010 avec Madame Ban Soon Taek, épouse du Secrétaire Général de
l’ONU à Yaoundé et le 03 septembre 2010 à New York ; avec Madame Li Xiuhua, épouse de
l’Ambassadeur de la République Populaire de Chine au Cameroun.

II.2.2. La jonction entre le social et le politique dans le cadre de la diplomatie


293
La diplomatie camerounaise a trouvé en la reconnaissance internationale de l’action de
la première dame camerounaise, un adjuvant de taille. Dans son allocution, M. Koïchiro
Matsuura -alors Directeur de l'UNESCO- avait remercié Mme Biya pour son engagement en
faveur de la promotion de la charité ainsi que pour son engagement social auprès des plus
vulnérables et défavorisés. Son principal objectif est de mettre fin à tous les types de
discrimination et de favoriser la cohésion sociale. Cette nomination vient en reconnaissance de
l’appui apporté par la Première Dame à l’éducation inclusive pour les filles, les jeunes femmes,
les orphelins et les plus démunis. Elle appuie en outre la recherche au traitement et à la
prévention du VIH, que ce soit dans le cadre de son organisation Synergies Africaines ou par
son soutien aux activités du Centre International de Référence Chantal Biya sur le VIH/SIDA
basé à Yaoundé. Le projet a été dirigé par le professeur Luc Montagnier, lauréat du Prix Nobel
de médecine, et très généreusement financé par le gouvernement italien. En tant
qu’Ambassadrice de bonne volonté, Mme Biya poursuit son œuvre sociale, en travaillant
principalement avec les secteurs de l’éducation et des sciences de l’UNESCO. Elle contribue
aux efforts de l’Organisation pour promouvoir l’Éducation Pour Tous (EPT) et le rôle crucial
de l’éducation dans la lutte contre l’exclusion et la pauvreté, surtout pour les femmes, les jeunes
filles, les orphelins, les minorités et autres personnes vulnérables. Elle continue à mobiliser les
Premières Dames et la société civile africaine pour apporter des réponses aux défis d’une
éducation inclusive suivant les lignes directrices de la Conférence Internationale sur
l’Éducation (novembre 2008) sur l’intégration de l’éducation inclusive dans les politiques et
plans nationaux. Par son rôle au sein du Centre Chantal Biya elle favorise l’apprentissage et le
développement de compétences afin d’augmenter l’aide aux marginalisés, exclus et vulnérables
dans cette région17.

L’œuvre de Madame Chantal Biya traverse les frontières du Cameroun en poussant à


une réorganisation du calendrier et de l’agenda politique et diplomatique. Cela se traduit par
l’organisation des conférences et sommets spécifiques dédiés à leur préoccupation et au
renforcement de leurs liens. Ainsi par exemple, à travers Synergies africaines, les premières
dames ont donné une envergure politique majeure et une visibilité sociale au SIDA. Véritable
porte-parole des couches sociales vulnérables, Madame Chantal Biya ne manque jamais
l’occasion de faire un plaidoyer auprès des organismes pouvant contribuer à l’amélioration des
conditions de vie des populations. A travers Synergies Africaines, les premières dames
d’Afrique mènent des campagnes de sensibilisation, militent pour la prévention du VIH/SIDA,

17 294
http://portal.unesco.org/fr/ev.php-URL_ID=45348&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html
le traitement, les soins, et les programmes d’appui, et nouent des partenariats avec des
organisations internationales et des partenaires locaux au profit de leurs compatriotes et en
appui à l’action des gouvernements.
Au total, Il n'ya pas que la reconnaissance internationale de l'œuvre de Madame Chantal
Biya qui est un atout pour la diplomatie camerounaise; elle-même est un atout pour le
Cameroun. Mais, l'attribution d'un statut international à Madame Chantal Biya est profitable
aussi bien pour les Nations Unies que pour le Cameroun.

Bibliographie
Ouvrages
-Arendt H. (1983), La Condition de l'homme moderne, traduit de l'anglais par Georges Fradier, Calman-Lévi,
1983, pp. 123- 314
-Salmon J. (2001) (Dir.), Dictionnaire de droit international public, Bruxelles, Bruylant, PP. 939 et s.
-Batistella D., Petiteville F., Smouts M-C et Vennesson P, (2012) Dictionnaires des relations internationales,
Paris, Dalloz, mot Reconnaissance PP. 480-482

Articles
-Jean-Pierre Brun, Ninon Dugas (2005), « La reconnaissance au travail : analyse d'un concept riche de sens »,
Gestion (Vol. 30), p. 79-88.
-Heikki Ikäheimo, « Un besoin humain vital. La reconnaissance comme accès au statut de personne », in Christian
Lazzeri, Soraya Nour, (dir.), Reconnaissance, identité et intégration sociale, Presses universitaires de Paris Ouest,
pp. 101-122, p. 105;
-Axel H. (2004), « La théorie de la reconnaissance: une esquisse », Revue du MAUSS, (no 23), p. 133-136.
URL : http://www.cairn.info/revue-du-mauss-2004-1-page-133.htm,
-Lefebvre R. (2013-2014), Le rôle des Premières dames dans la communication des présidents de la Vème
République, Mémoire de Master de Communication publique et corporate,Institut d'Études Politiques de Lille,
Année universitaire 2013/2014, p.8)
-Collinet Makosso A. (2008), « Préambule, La diplomatie civile et humanitaire Une approche stratégique en vue
de l’appropriation de la résolution 1325 des Nations Unies », in La diplomatie civile et humanitaire
La dynamique Genre et Paix en Afrique Actes du Colloque des experts à la VIème Conférence de la Mission de
Paix des Premières Dames d’Afrique, Brazzaville, février 2008, L’Harmattan, Paris, pp. 11-25, p. 11

295
-Pokam H. de P. (2006), « La participation des Premières Dames au jeu politique en Afrique », in open society
institute, Africa governance monitoring & advocacy project, Afrimap mars 2006.
-Sage A (1998), « Premières dames et first lady : la femme du chef est-elle le chef du chef ? », in l’Afrique
politique. Femmes d’Afrique, Karthala, p. 45-62, p. 50
-Loriol M., Piotet F., Delfolie D. (2008), Le travail diplomatique, un métier et un art, Rapport de recherche pour
le ministère des Affaires étrangères et européennes (MAEE) Décembre 2008, P. 57
- Larrivey M., « La reconnaissance, une pseudo-émotion »,
http://www.redpsy.com/guide/reconnaissance.html, consulté le 03 octobre 2016

Articles de presse

- Brun J-P (2008), La reconnaissance au travail, http://www.scienceshumaines.com/la-reconnaissance-au-


travail_fr_22737.html, consulté le 30 septembre 2016
-Larrivey M. , « La reconnaissance, une pseudo-émotion »,
http://www.redpsy.com/guide/reconnaissance.html, consulté le 03 octobre 2016
-Campion P. (2010), "L'œuvre et l'auteur : travail ou événement ?", Conférence prononcée au lycée Chateaubriand
de Rennes le mardi 28 septembre 2010, disponible à l'adresse http://pierre.campion2.free.fr/coeuvre_auteur.htm
- Del L., « Chantal Biya: rencontre avec l'étonnante première dame du Cameroun.La First Lady nous ouvre les
portes de son Palais », Jeudi 24 juin 2010, publié à l’adresse
http://www.gala.fr/l_actu/news_de_stars/chantal_biya_rencontre_avec_l_etonnante_premiere_dame_
du_cameron_204912 , visité le 22 octobre 2016.
-http://unesdoc.unesco.org/images/0018/001825/182559f.pdf
-PNUD, "A propos de nos Ambassadeurs", visible à l'adresse http://www.unep.org/french/gwa/about/, consulté le
20 janvier 2017.
-Heinich N. , in De la visibilité: excellence et singularité de la figue médiatique, cité dans l'article intitulé
"Angelina Jolie, Emma Watson, Leonardo DiCaprio: comment l'ONU choisit-elle ses ambassadeurs?" à l'adresse:
http://www.slate.fr/story/94061/people-ambassadeurs-onu , consulté le 25 janvier 2017

296
QUATRIEME PARTIE :

PLAIDOYER POUR LE SOUTIEN A LA CAUSE ENVIRONNEMENTALE,


CULTURELLE ET SPORTIVE

297
La protection de l’environnement : une cause nouvelle dans l’agenda de la
Première Dame. Monsieur Hervé MVONDO MVONDO, Attaché de Recherche / MINRESI /
CNE
Département des Etudes Economiques et Environnementales
Doctorant en Droit, Université de Yaoundé II (Cameroun).
(herve.mvondo@yahoo.fr)

Résumé : La problématique de la protection de l’environnement s’impose de nos jours en un


véritable devoir. Elle nécessite désormais une diversification des acteurs pouvant œuvrer à la
réalisation de ce droit fondamental. En effet, à côté de l’Etat, les personnes privées physiques
et morales participent à assurer aux citoyens le droit à un environnement sain. C’est dans cette
perspective que se situe l’action de la Première Dame du Cameroun dont les actes s’inscrivent
dans une double logique d’action préventive et curative de protection de l’environnement.
Cependant, pour plus d’efficacité et de visibilité, il devient plus qu’important que ses actions
soient redynamisées.

Mots clés : Protection – Environnement – Cause – Première Dame

Abstract:It as become an obligation nowadays for all citizens to protected environment. In


order to achieve this legitimate duty, physical and moral persons are from now involved to
participate in order to insure to all people the realization of this human right. That why, the
first lady of Cameroon via his actions, has integrated this fight has a new challenge. However,
for more efficient, they need to be performed.

298
Si la récurrence et le caractère répétitif d’un sujet pouvaient lui faire perdre de son
intérêt, celui de la promotion et la protection des droits et libertés fondamentaux aurait basculé
pour sombrer dans l’oubli ou l’indifférence.

La promotion et la protection de la dignité humaine sont au cœur des objectifs visés par
les Nations Unies. C’est dire que cette problématique n’est pas nouvelle car, la Déclaration des
Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 Août 17891 en avait déjà posé les bases de la manière
suivante : « Toute société dans laquelle la garantie des Droits n’est pas assurée (…), n’a point
de constitution ».

Chaque Etat est donc appelé à élaborer des politiques visant à promouvoir et à protéger
les Droits de l’Homme dans leur diversité. Aussi, qu’il s’agisse droits fondamentaux libertés 2et
principalement des droits fondamentaux créances et solidarités 3 (Pelloux, 1981 : 53-68),
(Vasak, 2004 : 11-23), (Haarscher, 2004 : 25-46) ; force est de constater que la responsabilité
est de plus en plus partagée. En effet, l’Etat a perdu tout monopole en matière de promotion et
de protection des droits fondamentaux ; il est épaulé par bon nombre d’acteurs privés au rang
desquels la Première Dame du Cameroun.

Il est un truisme de nos jours de se poser la question de savoir si la Première Dame


promeut et protège les droits fondamentaux. Ses nombreuses actions sociales se recrutent parmi
toutes les catégories des droits fondamentaux qui puissent exister, et il est une qui nous intéresse
particulièrement : c’est le droit à un environnement sain.

La protection de l’environnement est un devoir pour tous tel que l’énonce le préambule
de la constitution camerounaise4. Il s’agit là d’une nécessité d’action concertée qui s’adapte à
l’impératif et l’efficacité de la promotion et surtout de la protection de l’environnement ce, au
regard des conséquences néfastes qui en résultent. Fort heureusement, depuis une époque très
récente, la Première Dame du Cameroun a intégré la protection de l’environnement dans son
agenda, d’où l’idée de « cause nouvelle ». Il s’agit là d’une action nouvelle qui vient rompre

1
Voir Article 16. 299
2
Le droit à la vie.
3
Le droit à la santé, droit à l’éducation, la protection de la famille, le droit à un environnement sain.Il existe d’autres
typologies des droits fondamentaux. Certaines retracent chronologiquement l’émergence des différents droits
fondamentaux, distinguant les droits civils et politiques, dits de 1ère génération, des droits économiques et sociaux,
dits de la 2ème génération.
4
Lire le préambule de la loi constitutionnelle N°96/06 du 18 janvier 1996 modifiée et complétée par celle
N°2008/001 du 14 avril 2008 qui dispose que la protection de l’environnement est un devoir de tous.
avec le désintérêt passé pour les questions environnementales observable chez les autres
Premières Dames.

L’action de la Première Dame actuelle en matière de protection de l’environnement


n’est pas isolée, puisqu’elle s’inscrit en droite ligne avec l’orientation donnée par l’Etat en tant
que producteur à titre principal des politiques publiques. Toutefois, sa mise en œuvre est
singulière puisqu’elle appelle une approche qui lui est propre.

Dans son sens étymologique, le terme protection dérive du latin « protectio » qui veut
dire action de protéger contre un agresseur ou un danger. Suivant la même démarche, le terme
environnement est issu du substantif anglais « Environment » et de son dérivé
« Environmental ». Le dictionnaire Le Grand Larousse de la langue française de 1972 défini
l’environnement comme étant l’ensemble des éléments naturels ou artificiels qui conditionnent
la vie de l’homme. Il faut reconnaitre qu’il s’agit d’une notion difficile à définir et susceptible
de multiples appréhensions comme le traduisent d’ailleurs les propos de Michel PRIEUR
lorsqu’il la considère comme une notion caméléon dépourvue de rigueur juridique (Mvondo,
2012 : 6). Cette difficulté reflète à merveille le malaise qu’éprouve la doctrine à s’accorder sur
le sens véritable à donner au terme environnement (Gnangui, 2009 : 12-13). Si pour le
Professeur Maurice KAMTO il désigne le milieu, l’ensemble de la nature et des ressources
humaines indispensables pour les activités socio-économiques et pour le meilleur cadre de
vie (Kamto, 1996) ; CABALLERO pour sa part l’appréhende comme étant « le milieu physique
et biologique naturel et artificiel entourant l’homme » (Caballero, 1981).

D’après les dispositions de la Loi N°96/12 du 05 août 1996, portant loi-cadre relative à
la gestion de l’environnement au Cameroun ; l’environnement s’appréhende comme étant
« l’ensemble des éléments naturels ou artificiels et des équilibres biogéochimiques auxquels ils
participent, ainsi que des facteurs économiques sociaux et culturels qui favorisent l’existence,
la transformation et le développement du milieu, des organismes vivants et des activités
humaines5 ».

La protection de l’environnement renvoie dont à toutes les actions de sauvegarde


proprement dites des milieux naturels et artificiels, mais également tous les aspects liés à la
gestion rationnelle des ressources, à la prévention et à la réparation des atteintes au cadre de

5 300
Cf. Article 4 (k).
vie, englobant éventuellement la protection des monuments et des sites et de l’urbanisme de
manière accessoire dans le cadre de l’écologie dite urbaine(Chikhaoul, 1996 : 15).

La cause est un fait, un évènement à l’origine d’une chose. Mieux encore, une idée, un
principe que l’on défend, pour lequel on se bat. François TERRE dans une étude magistralement
menée sur le régime des obligations a donné une définition de la cause mieux adaptée à la
présente étude (Terre, 2002 : 337).

A s’en tenir au langage courant, le mot cause recouvre deux réalités bien distinctes. La
cause, ce peut être soit la cause efficiente, soit la cause finale. Par la première, on désigne le
phénomène qui en engendre un autre c’est-à-dire la source de l’engagement de la Première
Dame pour la protection de l’environnement. Par la seconde, on vise le but en vue duquel
s’accomplit une action c’est-à-dire le but que la Première Dame entend atteindre en protégeant
l’environnement, l’intérêt qu’elle cherche à satisfaire. La cause efficiente pourrait donc être
recherchée ici dans le préambule de la constitution camerounaise qui dispose que : la protection
de l’environnement est un devoir pour tous. En ce qui concerne la cause finale, sa justification
résulte de ce que la Première Dame du Cameroun représente le symbole de plus de deux
décennies d’engagement humanitaire. Ses actions concourent au soulagement des populations
et couches les plus défavorisées et par voie de conséquence, la promotion et la protection des
droits fondamentaux au rang desquels le droit à un environnement sain.

Il faut rappeler qu’à l’origine, le terme Première Dame concernait uniquement la


Première Dame des Etats Unis (en anglais la « First Lady »), laquelle, en tant que conjointe du
Président américain assuma très tôt un rang protocolaire précis. Au cours du XXe siècle, avec
le nombre grandissant de démocraties parlementaires, les épouses des Présidents n’ont d’abord
pas eu de titre défini, bien que le protocole leurs garantissait une place lors des réceptions
officielles, calquant en cela le modèle qui prévalait dans les monarchies.

De nos jours, la notion de Première Dame désigne l’épouse du Chef de l’Etat 6. Il n’existe
pas de définition arrêtée du rôle de la Première Dame dans le contexte constitutionnel
camerounais. Néanmoins, celle-ci bénéficie généralement d’une équipe au sein de
l’administration présidentielle, et mène des actions relativement encadrées, ayant trait
notamment à l’humanitaire, la santé ou l’éducation.

301
6
S’agissant du Cameroun, notre pays en n’est à sa troisième Première Dame : Germaine Ahidjo (1960-1982),
Jeanne Irène Biya (1982-1994) et Chantal Biya (depuis 1994).
Les préalables ci-dessus posés nous amènent à bâtir notre étude sur une question
simple : Quelle appréciation peut-on faire de l’action de la Première Dame du Cameroun
en matière de protection de l’environnement ?

Toute étude reposant sur une méthode, la nôtre du fait de sa complexité appelle
nécessairement la mobilisation de plusieurs approches. En effet, notre sujet de recherche
intéresse une question certes ancienne : la protection de l’environnement, mais qui se présente
comme une nouveauté dans le contexte camerounais en terme d’implémentation des politiques
publiques de promotion et de protection de l’environnement par la Première Dame. Pour mieux
l’appréhender dans le cadre spécifique de notre étude, il est important de comprendre la logique
profonde qui l’anime ; ce qui implique la connaissance de la question dans ses données positives
et non positives (Ghestin, 2002 :11). Il convient donc concrètement de faire appel à quatre
méthodes : l’exégèse7, la casuistique8, le positivisme sociologique9 et la méthode historique10.

L’intérêt de cette étude résulte de ce que les nombreuses interpellations de la société


civile et organismes internationaux vis-à-vis de notre pays en matière de protection des droits
fondamentaux en général, et de l’environnement en particulier trouveront une réponse. Aussi,
l’idée directrice qui se dégage est que la Première du Cameroun a fait sienne la nécessité de
promouvoir et de protéger l’environnement à l’aune de la mise en œuvre de ses différentes
politiques de solidarité.

Ainsi, au regard de tout ce qui précède, il se dégage le constat suivant : l’action de la


Première Dame du Cameroun en matière de protection de l’environnement est justifiée (I) ;
toutefois, elle demeure en l’état perfectible (II).

I. UN INTERET JUSTIFIE DE LA PREMIERE DAME POUR LA


PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT

La protection de l’environnement pour plus d’efficacité appelle de nos jours


l’intervention d’une multitude d’acteurs au rang desquels la Première Dame du Cameroun.
Aussi, l’intérêt qu’elle porte à cette cause nouvelle trouve justification en la loi constitutionnelle
du Cameroun de 1996 dont le préambule énonce clairement que « la protection de
l’environnement est une affaire de tous ». Elle ne saurait par conséquent être exclue de cette

7
Cette méthode nous permettra de décrypter les textes favorables à notre analyse. 302
8
Elle nous permettra de faire ressortir la position des juges sur la question de la promotion et de la protection de
l’environnement.
9
Il nous permettra de vérifier l’adéquation de la norme aux faits.
10
Elle nous permettra de retracer les actions de la Première Dame dans le temps.
exigence ce d’autant plus qu’il s’agit de promouvoir et de protéger un droit fondamental (I. 1)
et ses différentes politiques de solidarité s’inscrivent en droite ligne avec la conception qui est
faite de la notion d’environnement (I. 2).

I.1. Le droit à un environnement sain : un droit fondamental

« L’hostilité11 » de la doctrine à l’égard des droits-créances en général, et du droit à un


environnement sain en particulier, exprimée dès le XIXe siècle, a contribué à ce que la nature
des droits-créances demeure discutée (Ferry, Renaut, 1985 : 75-84).

Constitutionnalistes et internationalistes se divisent (Fritzmaurice, 2001 : 305-306)


pratiquement à l’unisson, en trois courants de pensée. Une partie d’entre eux dénie radicalement
au droit à un environnement sain toute aptitude à être consacré en qualité de droit de l’homme
ou de droit fondamental. Une telle hostilité doit beaucoup à la filiation naguère établie entre le
droit de l’environnement et la troisième génération des droits de l’homme. A l’opposé, un autre
groupe d’auteurs présente le droit à un environnement sain comme une composante obligée des
droits de l’homme : ce droit est considéré appartenant par nature et à part entière à la famille
des droits de l’homme. Selon un troisième point de vue, la protection du droit à un
environnement sain n’est envisagée – et d’ailleurs n’est envisageable – qu’au travers d’autres
droits de l’homme : ce droit est réputé ne pouvoir exister à titre autonome, car revêtant
nécessairement un caractère second (Flauss, 2006 : 531).

Au-delà de toute controverse, un droit est véritablement fondamental lorsqu’il est non
seulement normatif (I.1.1), mais également opposable (I.1.2).

I.1.1. Une normativité consacrée

Le droit à un environnement sain est constitutionnellement érigé ou internationalement


élevé au rang de droit de l’homme. En effet, environ cinquante Etats ont constitutionnalisé
(Flauss, 2006 : 534), à l’instar du Cameroun sous une forme ou une autre, la préoccupation
d’assurer aux individus un environnement sain 12. Il s’agit par conséquent d’une exigence à

11
N. FOULQUIER n’hésite pas à évoquer, à ce propos, la « condamnation libérale des droits économiques et 303
sociaux ». Voir : Les droits publics subjectifs des administrés : émergence d’un concept en droit administratif
français du XIXe au XXe siècle, Ed. Dalloz, Coll. La nouvelle bibliothèque de thèse, spéc. n° 567 et s.
12
Le préambule de la loi constitutionnelle camerounaise N° 96/06 du 18 janvier 1996 modifiée et complétée par la
loi N° 2008/001 du 14 avril 2008 le souligne en des termes clairs : « Toute personne a droit à un environnement
sain ».
laquelle est assujettie la Première Dame puisque celle-ci tire sa force du préambule de la
constitution qui lui-même a une valeur constitutionnelle indiscutable 13.

Au plan international, la transformation du droit à un environnement sain en droit de


l’homme a été initiée par la Déclaration dite de Stockholm de 1972 14, même s’il y’a lieu de
relever qu’en dépit de sa très forte charge symbolique, cette déclaration n’a que valeur de « soft
law ». Il reste tout de même que le droit international général fait obligation aux Etats de prendre
en compte les considérations écologiques dans le cadre de leur action 15. Il ne reconnait pas, en
tant que tel, un droit de l’homme à un environnement sain, même si la Cour internationale a
progressivement admis que les normes relatives à la protection des droits de l’homme étaient
susceptibles de faire partie intégrante du droit international général, ce qui nous permet
d’introduire la question de son opposabilité.

I.1.2. Une justiciabilité vérifiée

Selon une opinion largement répandue, l’effectivité d’un droit de l’homme est
indissolublement liée à la justiciabilité de celui-ci. La jurisprudence de la Cour Européenne des
Droits de l’Homme dans les Arrêts Powel et Rayner de 1990 et Lopez Ostra de 1994 en a fait
une parfaite illustration. En effet, il en n’est résulté la construction d’un édifice procédural et
substantiel solide en faveur de la protection d’un droit à vivre dans un environnement sain. Si
la justiciabilité d’un droit de l’homme est a priori tributaire de la valeur obligatoire de la norme
de protection dont la violation est invoquée, il n’est pas acquis qu’elle soit nécessairement liée
au caractère directement applicable du droit en cause 16. Allant dans le même sens, le défaut de
justiciabilité du droit à un environnement sain n’est pas automatiquement synonyme
d’ineffectivité de la protection. Au contraire, des normes injusticiables sont susceptibles de
guider l’interprétation des dispositions justiciables d’une part ; et d’autre part, l’objectivation
d’un droit de l’homme injusticiable est de nature à conférer à celle-ci un certain degré
d’effectivité (Flauss, 2006 : 541). L’intérêt de la Première Dame pour la protection de
l’environnement se perçoit également à travers la concordance entre ses politiques de solidarité
et l’environnement.

13
Voir l’article 65 de la Loi constitutionnelle N° 96/06 du 18 janvier 1996 modifiée par la Loi n°2008.001 du 14 304
avril 2008 : « Le préambule fait partie intégrante de la Constitution ».
14
Adoptée par la Conférence des Nations Unies sur l’environnement, le 16 juin 1972.
15
Arret du 27 septembre 1997, Affaire relative au projet Gabcikovo-Nagymaros : En l’espèce, la C.I.J. donne,
somme toute, une lecture actualisée de la sentence arbitrale de la Fonderie du Trail et ce faisant de l’obligation de
l’État de ne pas utiliser ou laisser utiliser son territoire à des fins contraires au droit international.
16
Exemple en n’est tiré du droit belge : la disposition textuelle consacrant le droit à un environnement sain n’a pas
d’effet direct, mais pour autant elle n’est pas considérée comme injusticiable.
I.2. La concordance entre les politiques de solidarité de la Première Dame et
l’environnement

En 1972, la Conférence des Nations Unies sur l’Environnement a adopté une série de
principes pour une gestion écologiquement rationnelle de l’environnement. Cette « déclaration
de Stockholm » a placé les questions écologiques au rang des préoccupations internationales et
a marqué le début d’un dialogue entre pays industrialisés et pays en développement concernant
le lien qui existe entre la croissance économique, la pollution et le bien-être des Peuples dans
le monde.

Tel que le prévoit le Principe 5 de la déclaration de Rio : « Tous les Etats et tous les
peuples doivent coopérer à la tache de l’élimination de la pauvreté, qui constitue une condition
indispensable du développement durable, afin de réduire les différences de niveaux de vie et de
mieux répondre aux besoins de la majorité des peuples du monde ». Le Principe 1 n’est pas en
reste lorsqu’il prévoit que « Les êtres humains sont au centre des préoccupations relatives au
développement durable. Ils ont droit à une vie saine et productive en harmonie avec la nature ».

On comprend dès lors que l’épanouissement économique et social constitue des


déterminants d’un droit à un environnement sain. Partant de ce pan d’analyse, Il existe un lien
entre les politiques de solidarité de la Première Dame et l’environnement dont il convient d’en
relever les fondements (I.2.1) et la matérialisation (I.2.2.).

I.2.1. Les fondements

Les fondements de la concordance entre les politiques de solidarité de la Première Dame


et l’environnement sont de deux ordres : textuel (I.2.1.a), et jurisprudentiel (I.2.1.b).

I.2.1.a. Le fondement textuel

S’agissant du fondement textuel, il est tiré du texte fondateur du CERAC (Cercle des
Amis du Cameroun) en tant que l’un des organes d’implémentation des politiques de solidarité
de la Première Dame. Le CERAC est une association humanitaire, apolitique et à but non
lucratif fondée en 1995 par la Première Dame, Madame Chantal BIYA ; et reconnue d’utilité
publique par Décret Présidentiel N°2007/116 du 23 avril 2007. Elle a entre autres comme
objectifs l’assistance humanitaire aux populations vulnérables, la lutte contre la pauvreté et les

305
souffrances humaines… et mène des actions significatives à l’instar de la lutte et l’assistance
aux victimes des catastrophes naturelles.

I.2.1.b. Le fondement jurisprudentiel

En ce qui concerne le fondement jurisprudentiel, il s’agit là d’un fondement lointain


énoncé par la Cour Internationale de Justice et qui vient confirmer le social et l’économie
comme étant les déterminants pour une politique environnementale efficace. En effet, c’est à
l’occasion de son Avis consultatif rendu en date du 8 juillet 1996 qu’elle se prononcera sur une
question17 qui lui avait été posée par l’Assemblée Générale des Nations Unies (Sylla, 2009) ;
(Morh, 1997) à savoir : « Est-il permis en droit international de recourir à la menace ou à
l’emploi d’armes nucléaires en toutes circonstances ? »

S’il est vrai que la finalité des normes environnementales en vigueur en matière de
sauvegarde et de protection de l’environnement est le droit à la vie qui s’étend à la protection
de l’ensemble du vivant, cette finalité découle de la définition même de l’environnement telle
qu’elle se dégage progressivement du droit positif. Les déclarations de Stockholm et de Rio
mettent les êtres humains au centre des préoccupations liées à l’environnement. La CIJ en a tiré
la conséquence logique en considérant pour la première fois que l’environnement « n’est pas
une abstraction mais bien l’espace où vivent les êtres humains et dont dépendent la qualité de
leur vie et leur santé, y compris pour les générations futures »(Doumbe-Bille : 379). Cette
définition « jurisprudentielle » de la notion d’environnement n’est pas très éloignée des
conceptions scientifique et doctrinale. Elle renvoie, selon A. KISS et J.-P. BEURIER à « la
survie de l’humanité mais aussi la possibilité pour les individus et les peuples qui composent
la biosphère de mener une vie matériellement satisfaisante dans la dignité et la liberté, en
tenant compte des conditions d’existence des générations futures (…) qui ne devraient pas être
plus défavorables que celles que nous avons héritées de nos prédécesseurs » (Kiss, 1989 : 21).
Fort heureusement, c’est ce à quoi la Première Dame du Cameroun s’emploi il y a maintenant
près de deux décennies.

I.2.2. Les manifestations

En vue de la mise en œuvre de ses politiques de solidarité, la Première Dame du


Cameroun dispose de nombreux organes18 dont elle en n’est la fondatrice, et c’est ce qui lui a

17 306
Cette question est contenue dans la résolution 49/75K adoptée le 15 décembre 1994.
18
La Fondation Chantal Biya, qui a été reconnue d’utilité publique au Cameroun en 1999 ; Les Synergies
Africaines ; Le Cercle des Amis du Cameroun (CERAC)…
d’ailleurs valu de nombreuses distinctions honorifiques : Ambassadrice de bonne volonté de
l’UNESCO depuis le 14 novembre 2008, Ambassadrice spéciale de l’ONU-SIDA, Lauréate
d’Or avec Cordon du Grand Prix Humanitaire de France (GPHF), Commandeur de l’Ordre
International de la Protection Civile, le titre de Meilleures Actions Humanitaires de la décennie
au Cameroun le 29 juin 2014. Ses actions intéressent aussi bien le social que l’économie ;
domaines qui ont été identifiés par la CIJ dans son arrêt consultatif de 1996 comme étant des
déterminants pour une politique environnementale efficace.

Au plan social, les actions suivantes peuvent être inscrites au crédit de la Première
Dame19 : la prévention de la transmission du VIH de la mère à l’enfant (PTME) 20, la réduction
de la mortalité maternelle et infantile 21, l’atténuation des souffrances de l’enfant africain 22
…etc. Il s’agit là d’un pan d’intervention qui est partagé par les autres Premières Dames
africaines 23.

Au plan économique, les actions de la Première Dame du Cameroun sont menées par le
CERAC à travers la lutte contre la pauvreté, notamment en milieu rural. Nous pouvons citer à
titre d’exemple le projet CAREF : Renforcement des capacités des réseaux d’encadrement des
femmes pour la lutte contre la pauvreté.

L’année du quinzième anniversaire du CERAC aura été une année charnière en ce qui
concerne l’appui à la femme rurale. Au sortir de l’Assemblée générale de décembre 2009, le
CERAC s’est résolu à ne plus se contenter du soutien traditionnel aux femmes du monde rural.

19
Pour une étude exhaustive des actions sociales de la Première Dame du Cameroun, lire :CERAC, 15 ans de
partage 1995-2010, 166 Pages ; La Fondation Chantal BIYA, 20 ans de solidarité avec les démunis : 1994-2014, 307
Numéro spécial, 2014, 124 Pages ; La Fondation Chantal BIYA, Magazine bilingue, N°9, décembre 2015, 90
Pages.
20
Déjà six pays bénéficiaires : Guinée, Niger, Burkina Faso, Burundi, Mali et Cameroun ; 382 formateurs et
prestataires formés ; 55 sites de PTME créés ou renforcés ; Plus de 25 000 tests de diagnostic rapide du sida offerts
; Des milliers de doses de nevirapine distribuées ; Un réseau de formateurs africains pour la PTME en cours de
constitution.
21
Le Renforcement des capacités des prestataires de santé ; l’amélioration de l’offre des services gynéco
obstétriques et pédiatriques ; Le soutien à la vaccination des enfants et des femmes ; L’organisation du sommet
sur le leadership des premières dames dans le domaine de la santé (Los Angeles 20-21 avril 2009).
22
La promotion des droits de l’enfant ; La promotion de l’éducation de la jeune fille ; La lutte contre toutes sortes
de souffrances infligées aux enfants ; La lutte contre la pauvreté et la malnutrition ; Le programme d’éducation
pour le bon usage du médicament avec les entreprises du médicament (25 000 élèves et 250 enseignants des villes
de Yaoundé et de Douala formés depuis novembre 2006, 12 500 enfants et 150 enfants formés au Burkina Faso
depuis avril 2008) ; Le projet « écoles pratiques d’agriculture et de vie pour les jeunes » avec le FAO (150 enfants
vulnérables des zones rurales de 12 à 18 ans, formés aux techniques agricoles et aux compétences de vie) ; Un
appui nutritionnel, éducationnel, sanitaire et psychosocial à plus de 2000 orphelins et enfants vulnérables dans le
cadre du Programme National de soutien aux OEV en collaboration avec le gouvernement du Cameroun.
23
Les dépêches de Brazzaville-Forum mondial des femmes francophones, « Femmes, actrices du développement »,
mars 2014, Numéro spécial, PP. 1-40, www.lesdepeches de brazzaville.fr : Voir les cas de Antoinette Sassou-
N’guesso avec la fondation Congo assistance et Madame le Docteur Lalla Malika Issoufou Mahamadou, Première
Dame du Niger, Présidente de la Fondation Tahali-Iyali.
Désormais, il est question d’aller au-delà, en nouant une relation de partenariat. Le CERAC
compte donc réaliser des activités génératrices de revenus aux cotés des associations et autres
GIC de femmes rurales.

Concrètement, il s’agira de mener des actions telles que : le don en matériels et intrants
agricoles aux femmes rurales, l’appui dans la création des exploitations agricoles
communautaires, l’épargne et le crédit, la formation aux nouvelles techniques agricoles 24 et aux
nouvelles technologies de l’information et de la communication 25 ; ce, en vue d’une véritable
autonomisation de la femme rurale.

Ces actions sur les plans économique et social ne viennent que confirmer l’engagement
déjà perceptible de la Première Dame en matière de protection de l’environnement.

« La meilleure façon de traiter les questions d’environnement est d’assurer la


participation de tous les citoyens concernés, au niveau qui les convient (…) », ainsi énonce le
préambule la déclaration de Rio sur l’environnement et le développement. Le Principe 20 va
plus loin lorsqu’il reconnait en la femme une place importante en matière de protection de
l’environnement en ces termes : « Les femmes ont un rôle vital dans la gestion de
l’environnement et le développement. Leur pleine participation est donc essentielle à la
réalisation d’un développement durable ». Aussi, si la Première Dame du Cameroun œuvre en
faveur de la protection de l’environnement, il faut reconnaitre que ses actions bénéficient d’une
certaine singularité car elles sont à vocation préventives (I.2.2.a) et curatives (I.2.2.b).

I.2.2.a. La perception d’une action préventive : l’éducation à l’environnement

L’implication de la Première Dame en matière de protection de l’environnement est à


rechercher dans son perpétuel combat pour l’apaisement des souffrances et l’amélioration des
conditions de vie des populations. C’est ce qui justifie sa présence lors des travaux de la COP
21 à Paris en France26 ; travaux qu’elle a suivi avec une attention particulière.

Le Principe 10 de la déclaration de Rio énonce une obligation d’information en matière


environnementale27. Celle-ci impose en effet aux Etats une obligation de faciliter et

308
24
Les leçons de préparation du compost et de culture du manioc.
25
L’opération « 100 000 femmes » initiée par l’Institut Africain d’Informatique et soutenue par le CERAC
26
Cameroon tribune, N°10982/7181, du mardi 01 décembre 2015, p. 2 ; Cameroon tribune, N° 10981/7180, du
lundi 30 novembre 2015, PP. 1-5.
27
« La meilleure façon de traiter les questions d’environnement est d’assurer la participation de tous les citoyens
concernés, au niveau qui convient. Au niveau national, chaque individu doit avoir dument accès aux informations
relatives à l’environnement que détiennent les autorités publiques, y compris les informations relatives aux
substances et activités dangereuses dans leurs collectivités, et avoir la possibilité de participer aux processus de
d’encourager la sensibilisation et la participation du public en mettant les informations à la
disposition de celui-ci. A la lecture complète de ce Principe, il apparait clairement qu’il est de
la responsabilité de chaque citoyen de participer au processus de décision ; et le droit d’avoir
accès aux informations relatives à l’environnement. Fort heureusement, l’accès aux
informations relatives à la promotion et à la protection de l’environnement est facilité par la
Première Dame.

En effet, à l’occasion de la 49e édition de la fête nationale de la jeunesse, marquant aussi


la célébration du 20e anniversaire de l’action sociale de Madame Chantal Biya ; La Première
Dame du Cameroun a organisé à Yaoundé du 1er au 8 février 2015 une campagne d’éducation
à la citoyenneté baptisée « Tous Citoyens ». Elle consistait en la représentation des jeunes issus
des 10 régions du Cameroun au sein d’une compétition en vue du renforcement de leurs
capacités. Entre autres domaines qui meublaient les articulations de cette activité, s’inscrivait
au premier rang la protection de l’environnement. Concrètement, l’idée était de jauger le degré
de connaissance des jeunes en matière environnementale et de parfaire lesdites connaissances.

I.2.2.b. La matérialisation d’une action curative

La Première Dame du Cameroun à travers ses institutions mène également une


importante activité curative en matière de protection de l’environnement. Nous pouvons
prendre exemple du CERAC (Cercle des Amis au Cameroun) dont l’un des objectifs est
l’assistance humanitaire aux populations vulnérables à travers notamment une aide aux
victimes des catastrophes naturelles. Au regard de la cartographie des interventions du
CERAC28, il apparait que cette association caritative a mené de nombreuses actions allant dans
le sens de l’apaisement des victimes des catastrophes naturelles et la circonscription desdites
catastrophes. On peut citer à titre d’exemple : les sinistrés de Balamba, victimes d’une
tempête en 2009 ; Le 20 juillet 2007, un glissement de terrain faisant 20 morts dans la localité
de Magha, région du Sud-Ouest ; les victimes des inondations dévastatrices de Limbé en
septembre 2003 ; les sinistrés de l’effondrement de la voie à Kekem 29. Il s’agit là d’une belle
expérience, révélatrice de l’engouement de la Première Dame du Cameroun pour la protection

prise de décision. Les États doivent faciliter et encourager la sensibilisation et la participation du public en mettant 309
les informations à la disposition de celui-ci. Un accès effectif à des actions judiciaires et administratives,
notamment des réparations et des recours, doit être assuré ».
28
CERAC, 15 ans de partage, 1995-2010, Op.cit, p. 6 : les localités de Pouss, Garoua, Oku, Mbouda, Bali, Buea,
Monatélé, Bonanjoa, Ngoilla.
29
Ibid, PP. 123-125.
de l’environnement. Toutefois, on peut regretter qu’elle ne s’investisse pas davantage dans la
conduite et la réussite d’une telle action.

II. UNE ATTENTION LIMITEE DE LA PREMIERE DAME EN MATIERE


ENVIRONNEMENTALE

Le principal grief que l’on peut formuler à l’encore des politiques de solidarité mises en
œuvre par la Première Dame du Cameroun réside au fait qu’il y’a comme une inadéquation ou
déséquilibre dans ses actions. En effet, lorsqu’on essaye de faire le ratio entre les actions menées
et les problèmes environnementaux de l’heure dans notre pays, il est judicieux de convenir à
une marginalisation de certaines préoccupations environnementales (II.1.), tout ce qui appelle
une redynamisation de son action (II.2.).

II.1. La marginalisation de certaines préoccupations environnementales

La marginalisation résulte de ce que certains domaines importants de l’heure ne


s’inscrivent pas encore dans le champ d’intervention de la Première Dame du Cameroun
(II.1.1), et les ressources affectées aux problèmes dont-elle connait ne peuvent pas permettre
d’œuvrer pour une protection efficace (II.1.2.).

II.1.1. L’évitement des grandes problématiques environnementales de l’heure

L’étude du Plan National de Gestion de l’Environnement (PNGE) de 1996 permet de


distinguer cinq (05) grandes zones agro-écologiques aux caractéristiques biophysiques
spécifiques 30 : la zone soudano-sahélienne, la zone des hautes savanes guinéennes, la zone des
hauts plateaux de l’Ouest et du Nord-Ouest, la zone littorale, la zone forestière 31. Chacune de
ces zones connait des spécificités en matière de problèmes environnementaux.

S’agissant de la zone soudano-sahélienne, les ressources en eau sont menacées par la


dégradation des berges, la pollution, les perturbations hydrauliques.

La zone des hautes savanes guinéennes 32 fait face au problème d’érosion lié à la
déforestation, mais aussi au problème de la diminution de la biodiversité.

30 310
Topographie, climat, ressources en eau, sols, couvert végétal, etc.
31
Atelier sur les statistiques de l’environnement, Yaoundé, Cameroun, du 05 au 09 décembre 2011.
32
Autrement appelée zone soudano-guinéenne ou les plateaux de l’Adamaoua.
La zone des hauts plateaux de l’Ouest et du Nord-Ouest est en proie à la déforestation
des bassins versants et le défrichement des forets galeries et des forêts de raphia au niveau des
bas-fonds ; ce qui entraine l’indisponibilité en eau.

La zone littorale33 connait la production des effluents polluants non traités par le secteur
industriel et agroindustriel, ce qui est une menace pour la biodiversité. On peut citer en outre la
surexploitation de certaines ressources naturelles, bois de mangrove, certaines espèces de
poisson et faune des réserves.

Enfin la zone forestière ou zone des forêts tropicales souffre d’une dégradation des
forêts par les sociétés d’exploitation forestières et/ou agro-industrielles et par les pressions
démographiques. Ces préoccupations environnementales sont la résultante de certaines activités
industrielles sur la biodiversité34.

De ce qui précède, nous pouvons retenir deux préoccupations environnementales qui se


posent et s’imposent davantage au Cameroun : la désertification galopante et l’effet perceptible
des changements climatiques.

S’agissant de la désertification, son origine peut être recherchée dans trois facteurs : les
facteurs exogènes et naturels ; les facteurs anthropologiques liés à l’activité humaine à savoir
les mauvaises pratiques agricoles, pastorales et d’exploitation forestière, surpâturage, feux de
brousse mal gérés ; les facteurs institutionnels liés à la mauvaise application de la
règlementation et surtout les insuffisances législatives observées. Celles-ci entraine entre autres
impacts : l’aggravation du déficit hydrique, notamment l’insuffisance de la pluviométrie ;
l’assèchement de nombreux cours d’eau ; l’amenuisement des formations naturelles et
forestières ; la dégradation et l’appauvrissement des sols ; la réduction de la superficie agricole,
la perte de la biodiversité.

En ce qui concerne les changements climatiques, il faut reconnaitre que ceux-ci


entrainent un impact nocif indéniable sur la qualité de la vie. Le groupe de travail dénommé le
« Global Humanitarian Forum » que dirige l’ancien Secrétaire Général de l’ONU, Koffi
Annan, avait commis un rapport intitulé « L’impact humain du changement climatique -
anatomie d’une crise silencieuse » qui faisait état de ce que les changements climatiques
représentent aujourd’hui plus de 300 000 décès dans le monde chaque année, l’équivalent d’un

33
Elle comprend les villes de Douala, Edéa et Limbé. 311
34
Oléoduc Tchad-Cameroun ; les constructions routières et exploitations minière et pétrolière (PAN/LCD, 2008) ;
en zone forestière, l’utilisation des intrants est très limitée ce qui demande une rotation rapide des cultures sur
brûlis et avec des effets sur la destruction de la forêt et de la biodiversité (PNGE, 1996).
tsunami chaque année et en 2030, ce nombre devrait passer à un demi-million de personnes par
an(Linge, 2009).

Si l’Etat camerounais en ce qui le concerne a pris la mesure du problème et entend


véritablement œuvrer à la circonscription de celui-ci, comme le témoigne les nombreuses
initiatives internationales 35, régionales36 et nationales 37 prises en la matière ; on doit regretter
que la Première Dame du Cameroun, non pas parce que la tâche lui incombe à titre principal,
ait occulté ce pan du problème de la protection de l’environnement. Les quelques actions ci-
dessus énumérées qu’elle mène fort bien à travers, la mobilisation, le dynamisme et
l’engagement qu’on lui reconnait n’entrent malheureusement pas au crédit des actions à mener
pour la lutte contre les changements climatiques, la désertification, la déforestation et bien
d’autres encore. Toute chose qui trouve justification dans l’inadéquation des ressources
affectées ce, eut égard l’engagement souhaité.

II.1.2. L’inadéquation entre les ressources affectées et l’encadrement souhaité

Il faut le dire avec beaucoup d’aisance que la réponse apportée par la Première Dame
aux préoccupations environnementales est minorée. En effet, eut égard son dynamisme, sa
notoriété internationale, sa capacité de mobilisation, l’écoute dont-elle jouit aujourd’hui ; loin
d’être une œuvre parfaite, son action sur le plan environnemental présente de nombreuses
insuffisances. L’énergie qu’elle déploie pour l’apaisement des souffrances des populations n’est
pas la même lorsqu’il s’agit de protéger l’environnement. On le perçoit d’ailleurs à travers les
structures chargées de la mise en œuvre de ses différentes politiques de solidarité. Elles
pourraient être toutes qualifiées de structures à « vocation sanitaire et éducationnelle ». C’est
dont le lieu ici de formuler quelques pistes de solution pouvant aider à parfaire les politiques
de solidarité de la Première Dame en général, et son intervention lorsqu’il s’agira de protéger
l’environnement en particulier.

35
Le Cameroun est signataire de nombreuses conventions internationales en matière de protection de 312
l’environnement ; et prend part de façon très active ce, avec prise de parole à la tribune et formulation de
propositions concrètes lors des grandes rencontres internationales.
36
On peut prendre exemple des conventions de collaboration avec plusieurs ONG ; mais surtout l’adhésion à de
nombreux programmes regroupant plusieurs pays de la sous-région : COMIFAC…
37
On peut citer les stratégies de politiques nationales : le Programme Sectoriel Forêt et Environnement (PSFE), le
Plan d’Action National Énergie pour la réduction de la Pauvreté (PANERP), le Programme National de
Développement Participatif (PNDP), le Plan National de Gestion de l’Environnement (PNGE)… ; Les stratégies
opérationnelles : L’opération sahel vert lancée en 2008 dans l’Extrême-Nord, Le Projet d’aménagement du Bassin-
Versant de la Bénoué mis en exécution depuis 2010 dans le Nord… etc.
II.2. Vers une nécessaire redynamisation de l’action de la Première Dame en matière
environnementale

Il serait une bonne chose que de voir l’action de la Première Dame complète à travers
la prise en compte effective de tous les maux dont souffrent les populations. Car, s’il faut le
rappeler ; les conséquences résultant des dégradations de l’environnement affectent les
populations au même titre que les autres pandémies dont la Première Dame a fait sienne son
combat. Aussi, avons-nous pensé à deux actions : soit la création d’un organe spécial chargé de
connaitre de façon spécifique des questions environnementales (II.2.1.), soit alors l’aide au
financement des structures œuvrant déjà pour la protection de l’environnement (II.2.2.).

II.2.1. La création d’une Fondation à vocation environnementale

Mardi le 1er avril 2008, la Première Dame du Cameroun recevait en audience Madame
Danielle Mitterrand, Présidente fondatrice de la Fondation « France Liberté » qui œuvre dans
la protection de l’environnement et notamment le secteur de l’eau.

Aux Etats Unis d’Amérique (USA), Claudia Alta Taylor Johnson (1963-1969), épouse de
Lyndon Baines Johnson, 36e Président des USA du 22/11/1963 au 20/01/1969 au cours de ses
années de Première Dame s’est notamment investie dans des projets en faveur de la protection
de l’environnement. Elle fut connue pour ses idées novatrices sur l’environnement qui ont
inspiré de nombreux projets dans tout le pays. Elle eut l’idée de favoriser la loi
d’embellissement de la route, qui a cherché à limiter les panneaux publicitaires, et à créer des
plantations en bordure des routes(Talik, 2017).

Au Mali, la Première Dame Kéita Aminata Maïga séjournera à Toulouse (France) sur
invitation de l’Institut Louis AZZARO en vue du lancement du projet Energie Center Mali axé
sur l’énergie solaire38. Né à Bamako de la rencontre de deux passionnés de la protection de
l’environnement39, ce projet a pour objectifs la production de l’énergie solaire à partir du Mali
pour les maliens et dans l’avenir pour les populations de la sous-région ; et surtout la promotion
de la relation énergie solaire-protection de l’environnement.

Elle entend ainsi investir dans l’énergie solaire au Mali pour permettre à une plus grande
frange de la population d’accéder à une énergie à moindre coût et surtout disponible toute

38
Source : Présidence de la République du Mali. 313
39
Il s’agit de la Première Dame du Mali qui en avait fait son combat depuis plusieurs années à travers l’ONG
« Agir » et le Président de l’Institut l’AZZARO, Jean-Louis Dare, qui a fait de la sauvegarde de l’environnement
son leitmotiv.
l’année. C’est ainsi qu’elle affirmera que « Pour un pays comme le mien, confronté à la
récurrente question de la disponibilité et de la distribution de l’électricité, alors qu’il est arrosé
toute l’année par le soleil, ce véritable don du ciel, sa multifonctionnalité constitue une aubaine
pour les écoles, centres de santé, échoppes, marchés, services publics, centres de
communication internet, services de recharge des téléphones, éclairage public (…) et permet
de transposer dans un milieu rural toutes les commodités des villes, transportant ainsi la ville
à la campagne ».

Ces quelques exemples démontrent à suffisance que les préoccupations


environnementales ont toujours été l’apanage des Premières Dames et que la Première Dame
du Cameroun gagnerait à mettre en pratique ce que nous pouvons appeler ici « la
spécialisation ». Ses actions en matière environnementale ne peuvent véritablement être
perçues de tous qu’à la seule condition qu’elles soient menées ; non pas par des organes à
« vocation sanitaires et éducationnels » comme c’est le cas à l’heure actuel ; mais par un organe
identifié dès la base comme œuvrant à titre principal et principiel pour la protection de
l’environnement. En effet, il ne fait aucun doute pour l’imagerie populaire qu’à la seule audition
des noms CERAC, Fondation Chantal Biya, Synergies Africaines … qu’on pense
immédiatement au Sida, aux dons à l’endroit des personnes vulnérables. Par contre, le choix de
la création d’une Fondation spécialisée pour les questions environnementales par la Première
Dame du Cameroun permettrait non seulement de lever le voile sur la question de l’action de
la Première Dame en matière de protection de l’environnement, mais surtout de rendre plus
visible et perceptible son action. A défaut, elle pourrait se distinguer par son appui au
financement.

II.2.2. Le financement des actions à vocation environnementale

Le financement de la protection de l’environnement est une piste d’action qui pourrait


être explorée par la Première Dame. Il ne s’agit pas d’une question nouvelle, puisque lors des
assises de la Conférence de Stockholm de 1972 sur l’environnement, il a été relevé
« l’importance de l’assistance financière et technique pour une protection efficace de
l’environnement ». La Conférence de Rio de 1992 sur l’environnement et le développement
n’aura pas été en reste car il ressort de ces assisses « un appel à la mise en place des mécanismes
qui bouleversent la configuration de cette assistance ». C’est dire que les canaux habituels de
financement doivent être revus car, il ne s’agit plus de la seule chose des Etats, mais davantage
l’intervention des acteurs non étatiques.

314
La Première Dame pourrait ainsi lancer un appel à soumission des projets œuvrant pour
la protection de l’environnement à raison d’un par région ou par zone agro-écologique qu’elle
financerait par la suite ou alors dont elle porterait les demandes de financement auprès des
bailleurs de fonds, organismes et institutions spécialisés à cet effet. La notoriété, le sérieux, le
dynamisme, la reconnaissance dont elle jouit à l’international sont autant d’atouts à mettre au
service du Cameroun.

- Conclusion -

Méditons ensemble ces paroles d’un chef indien de Seattle : « Enseignez à vos enfants
ce que nous avons toujours enseigné aux nôtres : que la Terre est notre mère, et que tout ce qui
arrive à la Terre, arrive aux fils de la Terre » (Lavieille, 2004 : 12).

La problématique de la protection de l’environnement, loin d’être un phénomène de


mode, s’est imposée de nos jours. En effet, si jusqu’à une période récente, le Cameroun différait
l’inscription des problèmes environnementaux dans ses politiques de développement, il apparait
de nos jours qu’il s’agit d’une donnée sur laquelle il faudra désormais compter. Elle s’impose
aujourd’hui comme une nécessité à la conscience universelle qui, doit la considérer comme une
valeur dans la société et en tant que tel, la défendre. En tout cas la protection et la restauration
de l’environnement constituent l’un des défis majeurs de notre temps. La planète toute entière
est concernée et il en va à la fois de la qualité de la vie, voire, de la vie des générations futures
(Gnangui, 2009 : 9).

Toutes les actions visant à œuvrer dans ce sens sont ainsi salutaires et méritent qu’on
s’en intéressât. La Première Dame du Cameroun dont on ne présente plus l’engagement dans
l’humanitaire se voit ainsi reconnaitre un nouveau défi : celui de faire de la protection de
l’environnement son leitmotiv. Nul ne doute qu’elle en n’a les moyens, nul ne doute qu’elle en
n’a les capacités. Au contraire, son attachement aux valeurs fondamentales de l’humanité fait
d’elle le meilleur porte étendard d’alors qui puisse exister dans notre pays : puisse-t-elle trouver
en cette réflexion un moyen d’inspiration et d’amélioration de sa quête permanente vers le bien-
être des camerounais.

315
INDICATIONS BIBLIOGRAPHIQUES

Ouvrages généraux

- Beurier J.-P. (2010),Droit international de l’environnement, Paris, Pedone ;


- Caballero (1981), Essai sur la notion juridique de nuisance, LGDJ ;
- Favoreu L. (2007),Droits et libertés fondamentales, Dalloz ;
- Gnangui A. (2009), Introduction au droit de l’environnement en Afrique. Le cas de la
Cote d’Ivoire, Paris, Harmattan ;
- Kamto M. (1996), Droit de l’environnement en Afrique, Edicef ;
- Kiss A. (1989), Droit international de l’environnement, Pedone ;
- Lavieille J.-M. (2004), Droit international de l’environnement, Ellipses ;
- Pichard M. (2006), Les droits à étude de législation française, Economica ;
- Rivero J. et Moutouh H. (2008), Les libertés publiques, PUF ;
- Terre F. (2002), Droit civil. Les obligations, Dalloz.

Thèses et mémoires

- Chikhaoul L., Le financement de la protection de l’environnement, Thèse de doctorat,


Université de Paris I, 1996 ;
- Mvondo mvondo H., Les mécanismes juridiques de gestion des déchets en droit
international : étude à partir des conventions de Bâle et de Bamako, Mémoire de Master
II droit international et comparé de l’environnement, Université de Limoges, Année
académique 2011-2012 ;
- Sylla Y., La protection de l’environnement en période de conflit armé, Mémoire de
Master II droit international et comparé de l’environnement, Université de Limoges,
2009 ;

316
Articles de revues

- Cohen D. (1999), « Le droit à… » dansl’avenir du droit, Mélanges en hommage à


François Terré, Dalloz ;
- Doumbe-Bille S., « Force du droit et droit de la force en droit international de
l’environnement », dans le droit international à la croisée des chemins : actes du
colloque de Tunis ;
- Ferry L. et Renaut A. (1985), « Droits-libertés et droits-créances. Raymon Aron critique
de Friedrich-A. Hayek », Droits, n°2 ;
- Flauss J.-F. (2006), « Le droit de l’homme à un environnement sain, entre juridicisation
et justiciabilisation », AIDH, Vol I ;
- Haarscher G. (2004), « De l’usage légitime - et de quelques usages pervers - de la
typologie des droits de l’homme » dans Bribosia E. et Hennebel L., Classer les droits
de l’homme, Bruylant ;
- Linge I. (2009), « Protection de l’environnement : Quels efforts au
Cameroun ? »,www.ecodev.fr ;
- Mohr M. (1997), « Avis consultatif de la CIJ sur la licéité de l’emploi d’armes
nucléaires-Quelques réflexions sur ses points forts et ses points faibles », Revue
internationale de la Croix-Rouge ;
- Pelloux R. (1981), « Vrais et faux droits de l’homme. Problèmes de définition et de
classification », R.D.P. ;
- Talik L. (2017), « Les premières dames des Etats-Unis » ;
- Vasak K. (2004), « Les différentes typologies des droits de l’homme », dans Bribosia
E. et Hennebal L., Classer les droits de l’homme, Bruylant ;

Textes de lois

- Loi constitutionnelle N°96/06 du 18 janvier 1996 modifiée et complétée par la loi


N°2008/001 du 14 avril 2008 ;
- Loi N°96/12 du 05 août 1996, portant loi-cadre relative à la gestion de l’environnement
au Cameroun ;
- Déclaration des Droits de l’homme et du Citoyen du 26 août 1789.

Magazines et Presses

- CERAC, 15 ans de partage 1995-2010, 166 Pages ;

317
- La Fondation Chantal BIYA, 20 ans de solidarité avec les démunis : 1994-2014, numéro
spécial, 2014, 124 Pages ;
- La Fondation Chantal BIYA, Magazine bilingue, N°9, décembre 2015, 90 Pages ;
- Les dépêches de Brazzaville-Forum mondial des femmes francophones, « Femmes,
actrices du développement », mars 2014, Numéro spécial, PP. 1-40, www.lesdepeches
de Brazzaville. Fr ;
- Cameroon Tribune, N°10981/7180, du lundi 30 novembre 2015 ;
- Cameroon Tribune, N°10982/7181, du mardi 01 décembre 2015

318
Politiques publiques de la culture au Cameroun : un regard à partir des implications de
la Première Dame. Dr. Michel OYANE, Politologue, Université de Yaoundé II.

Résumé
Depuis son entrée au Palais de l’Unité, Madame Chantal Biya 1, Première Dame du
Cameroun, a imprimé sa marque et bousculé quelques habitudes conservatrices. Au moins une
à deux fois l’an, elle consacre un moment aux artistes musiciens, chanteurs, comédiens, stylistes
etc., à travers leur invitation au Palais présidentiel pour des prestations artistiques à l’occasion
des fêtes de fin d’année2. La mobilisation de sa figure par les acteurs culturels camerounais en
tant que produit politico-culturel et son soutien tant permanent que constant aux artistes,
montrent à suffisance qu’elle s’implique vigoureusement dans la vie culturelle du Cameroun.
Si l’on peut repérer dans l’ancien régime3 comme dans le régime du renouveau4 des institutions,
des structures, des instruments et actions culturels, il faut reconnaitre que les gouvernants n’ont
pas donné à ce secteur l’importance qu’il mérite. Heureusement, depuis plus de deux décennies,
ces dispositifs publics sont complétés par des dynamiques privées, qui rentrent dans la solidarité
agissante légendaire de Madame Chantal Biya. Telle est la quintessence de la présente
réflexion.
Mots clés : politiques publiques, culture, politiques culturelles, implications.

Abstract
Since entering the presidency as first lady of Cameroon, Mrs Chantal Biya has printed
her marks and jostled some conservatives habitudes. Her permanent and constant support to the
culture by being present for artists in their different arts, the mobilization of her figure by the
cameroonian cultural actors as a cultural product, shows how vigorously she is involved in the
cameroon cultural life. Despite the fact that, the cultural sector has not been taken with the
importance that it deserves, the action of the first lady and her legendary support to the sector
in question, gives us strength and arguments to analyse this topic.
Keywords: public policies, culture, cultural policies, implications.

Introduction

1
Chantal Pulchérie Vigouroux, est devenue officiellement la deuxième épouse de Son Excellence Paul Biya, dès 319
1994, année de leur mariage civil. Selon certaines sources proches de la famille présidentielle, le Président Paul
Biya serait tombé amoureux de cette jeune et rayonnante Dame, lors d’une soirée organisée à la résidence
présidentielle de Mvomeka’a.
2
Ces prestations culturelles ont souvent lieu pendant les fêtes de noël et/ou de nouvel an à l’école dite « les
coccinelles », fondée par la Première Dame au Palais de l’Unité aux fins de garder les jeunes enfants du couple
présidentiel à proximité du Palais présidentiel, pour des raisons évidentes de sécurité. Cette école est restée ouverte
à ce jour et profite à beaucoup d’autres enfants camerounais et étrangers.
3
Parler de l’ancien régime ici renvoie à la présidence de la République sous Ahmadou Ahidjo, de 1960 à 1982.
4
Le Renouveau quant à lui renvoie au régime de Paul Biya, Président de la République depuis 6 novembre 1982.
La politisation de la culture, en notre sens peut renvoyer à trois considérations. D’abord,
elle consisterait à la construction d’un agenda politique sur la culture ; ensuite, elle intègrerait
une réelle prise en charge de ces politiques au plan budgétaire notamment 5 ; et enfin elle
accompagnerait les acteurs culturels dans leurs dynamiques entrepreneuriales. Ainsi, au regard
de ces trois déclinaisons des missions dévolues à l’Etat au secteur culturel, on pourrait bien se
poser la question de savoir compte du statut non-officiel6 de la Première Dame du Cameroun,
à quel pallier interviendrait-elle ?
En sciences sociales, il est intéressant de rendre compte d’un phénomène que l’on étudie
à travers un ensemble de réglages épistémologiques. Parmi ceux-ci, la définition des concepts
reste incontournable et cardinale. Emile Durkheim nous donne justement raison lorsqu’il
indique fort à propos que le savant doit d’abord définir les choses dont il traite afin que l’on
sache et qu’il sache bien de quoi il est question 7. Il réaffirme par la suite que : « la première
démarche du sociologue doit être de définir les choses dont il traite afin que l’on sache bien de
quoi il est question. C’est la première et la plus indispensable de toute preuve de
vérification…De cette définition initiale qu’est constitué l’objet même de la science, celui-ci
sera une chose ou non, suivant la manière que cette définition sera faite »8.
Relativement à l’expression « politiques publiques », une perspective définitionnelle est
suggérée par Madeleine Grawitz, Jean Leca et Jean-Claude Thoenig. Selon eux, les politiques
publiques constituent « des interventions d‟une autorité investie de puissance publique et de
légitimité gouvernementale »9. Dans la lignée des théories wébériennes sur l‘autorité politique
comme monopolisation de l‘exercice de la violence légitime10, cette définition désigne un agent
social qui serait à l‘origine des politiques publiques11 et elle souligne que les politiques
publiques sont des effets12 de l‘action gouvernementale : les politiques publiques sont les
interventions d‘une autorité. Cette première définition permet de souligner que les politiques
publiques interviennent dans le monde social et peuvent modifier les rapports sociaux. En
termes simples, les politiques publiques sont un ensemble de stratégies coordonnées pour la

5
Notamment une inscription budgétaire réelle et conséquente en matière culturelle, loin du saupoudrage observé 320
actuellement dans le financement public de la culture au Cameroun.
6
La Première Dame au Cameroun ne renvoie à aucun statut officiel au sens théorico-constitutionnel.
7
DURKHEIM (Emile), cité par Madeleine GRAWITZ, Méthode des sciences sociales, Dalloz. Paris. 2001. p.
381.
8
DURKHEIM (Emile), Les règles de la méthode sociologique, Paris, Quadrige/PUF, 13ème édition, 2007, p. 34.
9
GRAWITZ (M.)/ LECA (J.)/THOENIG (J.-C.), « Les politiques publiques ». In GRAWITZ (M.) / LECA (J.)
(dir.). Traité de science politique, Paris : PUF, 1985, Tome n°4. Cette définition est reprise dans : MÉNY (Y.)
/THOENIG (J.-C.), Politiques publiques, op. cit.
10
WEBER (M.), Économie et société. Paris, Plon, 1995, 220 p.
11
Une autorité investie de puissance publique.
12
DEPETRIS (F.), « Fritz Scharpf (2000), Gouverner l'Europe, Paris, Presses de Sciences Po », Politique
européenne 2001/1 (n° 2), Pp. 119-123.
réalisation d’une action publique par l’Etat, une autorité gouvernementale ou toute autre
personne mandatée par l’Etat.
Le concept de culture quant à lui peut être compris au sens que lui donne l’UNESCO.
En sociologie, la culture est définie comme « ce qui est commun à un groupe d'individus » et
comme « ce qui le soude ». Ainsi, pour une institution internationale comme l’UNESCO :
« Dans son sens le plus large, la culture peut aujourd'hui être considérée comme l'ensemble
des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une
société ou un groupe social. Elle englobe outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits
fondamentaux de l’être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances 13 ».
Les politiques culturelles en ce qui les concerne renvoient à l’ensemble des actions et
stratégies concertées et coordonnées visant à organiser le patrimoine culturel matériel et
immatériel, d’un Etat ou d’une collectivité.
Le sens que nous donnons au concept retenu parmi les concepts clés à savoir
« implications » renvoie aux actions à valeur culturelle ou encore aux réalisations à connotation
culturelle qui sont à mettre au crédit de la Première Dame du Cameroun Madame Chantal Biya.
S’il est admis qu’il existe des indices de soutien et de solidarité de la Première Dame du
Cameroun dans le secteur culturel, il apparait pertinent de poser la question de savoir :
Quels sont les indicateurs susceptibles d’être mobilisés pour créditer la Première
Dame d’être au cœur de la fabrique de la culture au Cameroun ?
La réponse à cette problématique au titre de notre hypothèse de recherche qui semble
convenir est qu’un regard serré et croisé permet de relever qu’elle intervient dans la
culture tantôt comme produit tantôt encore en tant que productrice.
Le soutien théorique de la présente recherche s’inscrit aussi bien dans l’interactionnisme
stratégique qui nous amènera à dévoiler les intentions des musiciens qui, en chantant pour la
Première Dame en attendent des dividendes, que dans l’interactionnisme symbolique qui réside
dans ce que la production de la culture par la Première Dame, vise à apporter une plus value
au crédit de son époux qui est le Président de la République.
En cohérence avec cette structure analytique, il s’agit ici de présenter tour à tour la
Première Dame du Cameroun prise comme produit/objet de la culture (I) et la Première Dame
du Cameroun comme productrice de la culture (II).
I- La Première Dame du Cameroun prise comme produit/objet de la culture

13 321
www.unesco.org/culture, consulté le 15 octobre 2016.
Les Premières Dames ou First Ladies sont devenues des objets légitimes de l’analyse
des disciplines de sciences sociales14. Au regard de la pluralité et de la diversité des actions
menées par certaines d’entre elles, il n’est plus raisonnable de les ignorer, ou de les oublier dans
les recherches des sciences sociales et notamment les sciences du gouvernement 15. Notre travail
qui consiste à objectiver l’action socioculturelle de la Première Dame ne saurait être considérée
comme une nouveauté ni même une curiosité, mais simplement une normalité. Sauf mauvaise
foi de quelques démagogues et prétendument politiciens. Il faut être aveugle pour ne pas
reconnaitre à Madame Chantal Biya, la passion pour les œuvres humanitaires, le soutien aux
couches vulnérables, et sa lutte acharnée contre les maladies sexuellement transmissibles et le
VIH SIDA. Ailleurs, d’autres Premières Dames ne s’occupent pas toujours de ces questions
sociales des populations des pays où leurs époux sont en situation de pouvoir.
Au Zimbabwe, Grâce Mugabe 16 a fini par porter un surnom célèbre et moqué par la
presse, certes détracteurs du vieux Président Robert Mugabe. Mais, à observer cette question
de très près, ces journalistes et citoyens que l’on peut bien situer dans l’opposition à Robert
Mugabe, n’ont pas totalement tord. En effet, Madame Mugabe passait l’essentiel de son temps
à faire des achats dans les grandes surfaces avec une aversion particulière sur la marque Gucci 17.
Aux antipodes d’une telle démarche, Madame Chantal Biya a décidé d’être utile auprès de son
mari en s’inscrivant dans une démarche contraire, consistant à donner du sien à autrui, à se
préoccuper de l’altérité.
Nombreux sont les gens qui n’ont jamais imaginé la Première Dame du Cameroun sur
un autre terrain que les domaines médical et caritatif. Elle a depuis bien longtemps étendu son
action dans le domaine de la culture. En fait, vers la fin des années 1990 et début des années
2000, certains artistes ont commencé à relayer l’action humanitaire et les qualités de la Première
Dame dans leurs chansons. D’autres ne se sont pas arrêtés là, ils ont entrepris de faire un
inventaire qualitatif des œuvres de Madame Chantal Biya dans leurs compositions artistico-
musicales. La présente partie de notre réflexion va s’articuler autour de deux idées majeures.
La première va consister à évoquer le dynamisme de la Première Dame à travers sa mobilisation

14
Intervention du Professeur Mathias Eric Owona Nguini, au colloque « Droits Fondamentaux et Politiques de 322
Solidarité au prisme de l’Action Sociale de la Première Dame du Cameroun », du 1er au 3 novembre 2016,
Université de Yaoundé II. Son intervention était axée sur le sous-thème « l’action sociale de la Première Dame du
Cameroun : entre engagement humanitaire, éthique solidaire, mobilisation sociale et échange politique.
15
Il est important de rappeler que parmi les sciences du gouvernement on trouve prioritaire la science politique,
qui étudie le pouvoir et l’Etat, au sens de la statologie et de la cratologie. En un mot la cratostatologie.
16
Née le 23 juillet 1965 Grâce Marufu est l’épouse de l’ancien président Robert Mugabe. Longtemps, elle s’est
contentée de jouer les Premières Dames de luxe. Baptisée « Gucci Grâce », « la première acheteuse » ou encore
« Disgrâce », elle s’attire les critiques pour sa passion pour les vêtements de luxe, ses extravagantes dépenses, ses
voyages et son goût prononcé pour les affaires financières. Source : tv5.com, consulté le 15 février 2018.
17
Les détracteurs de Robert Mugabe ont surnommé son épouse Gucci Grâce, pour se moquer de son aversion pour
le luxe au détriment du « petit peuple ».
par la musique sensibilisatrice (A), pendant que la seconde va nous amener à son évocation à
partir de l’inventaire qualitatif de ses œuvres (B).

A- A travers sa mobilisation par la musique sensibilisatrice


La reconnaissance internationale de Madame Chantal depuis le 14 Novembre 2008, en
tant qu’Ambassadrice de Bonne Volonté de l’UNESCO, ne doit pas être prise à la légère.
Elle repose sur des actions tangibles, palpables, et scientifiquement mesurables. Si l’épicentre
de son œuvre est l’humanitaire, il faut l’envisager de manière plus globale au prisme des droits
fondamentaux et des politiques de solidarité. La culture n’étant donc pas exclusive de ces droits
fondamentaux, son évocation et sa sollicitation des milieux culturels doivent être considérées
comme une composante de sa solidarité agissante. Les actions de la Première Dame du
Cameroun dans les domaines de l’éducation, de la science, de la santé et de la culture,
s’inscrivent bel et bien dans l’agenda des Nations Unies18.

Les observateurs attentifs de la vie politique du Cameroun (universitaires, journalistes,


hommes politiques etc.), soulignent de plus en plus dans leurs analyses le dynamisme de cette
dame comme étant devenu légendaire, lequel dynamisme a d’abord à tous points de vue été
reconnu au plan international. Dans ce type de démarche, c’est l’inverse qui se produit
généralement. Ce qu’on appelle généralement la « communauté internationale » qui agit à
travers les Etats et les organisations internationales, a rarement un discours laudatif et
apologique vis-à-vis des Chefs d’Etats africains. Leurs épouses n’échappent pas à cette règle.
Voir donc une institution comme l’UNESCO, honorer une africaine, qui plus est épouse d’un
Chef d’Etat, et camerounaise de surcroît ne saurait être pour un puriste de l’observation
politique un fait anodin. C’est certainement parce qu’il y a du contenu, de la matière, de la
quintessence, de la valeur, de l’ampleur et un impact social réel19.

Plusieurs études soulignent avec pertinence et éloquence l’évocation, la mobilisation et


la sensibilisation de Madame Chantal Biya, dans le domaine culturel et précisément musical.
Dans cette perspective, l’on peut retenir l’analyse de Valentin Siméon Zinga, journaliste
politique, dans un article paru à Enjeux numéro 20 de la Fondation Paul Ango Ela, en 2004,

18
Le pacte de 1966 sur les droits économiques, sociaux et culturels oblige la cristallisation des actions de Madame 323
Chantal Biya dans les objectifs des Nations Unies.
19
D’abord, Madame Chantal Biya crée la Fondation Chantal Biya en 1994, laquelle bénéficie du statut consultatif
spécial du Conseil Economique et Social des Nations Unies. Ensuite, en 2002 elle fonde et préside Synergies
Africaines. Depuis le 14 novembre 2008, elle est Ambassadrice de Bonne Volonté de l’UNESCO, puis en 2015
elle devient Ambassadrice Spéciale de l’ONUSIDA. Enfin elle a été faite à Paris le 09 avril 2016 Lauréate d’Or
avec Cordon du Grand Prix Humanitaire de France (GPHF). Son engagement humanitaire impose respect et
admiration dans l’opinion publique nationale et internationale. Sa reconnaissance a d’abord été internationale avant
que les universitaires camerounais ne lui reconnaissent un caractère légitime d’objectivation scientifique.
intitulé « esquisse d’une esthétique de la ruse politique : analyse de l’apologie de la Première
Dame dans le bikutsi du Cameroun »20. Mais, le bikutsi n’est pas la seule musique mobilisatrice
ou encore évocatrice de la Première Dame du Cameroun. Le makossa, l’assiko, le bol et bien
d’autres rythmes ne sont pas en reste.
La mobilisation par la musique sensibilisatrice de la figure de la Première Dame Chantal
Biya, peut se faire à travers la mobilisation des œuvres de K-Tino la femme du peuple qui est
venue au secours de la femme de l’homme du peuple ainsi que l’œuvre de Longuè Longuè, à
travers l’apologie du mérite de la Première Dame, de son humilité et de son contournement des
logiques occultes et maraboutiques (1), et l’œuvre artistico-musicale de Petits Pays où ce
dernier évoque avec vantardise la progéniture du couple présidentielle, et a été honoré du titre
d’Ambassadeur de Bonne Volonté de Synergies Africaines (2).

1- K-TINO21, l’apologie du port du préservatif et Longuè Longuè et l’apologie du


mérite de la Première Dame, de son humilité et de son contournement des logiques
occultes et maraboutiques

Celle qu’il est convenu de désigner par le qualificatif de meilleure artiste ekang22 au
Cameroun, K-Tino, icône du bikutsi23, bien que moquée par les milieux de la culture cultivée
pour cause de promotion de la pornographie 24, mais, adulée par les milieux de la culture
populaire, pour son génie de la danse, ses formes généreuses et ses chansons à une forte
connotation sexuelle25, a su utiliser son talent en relayant les initiatives, actions et

20
Enjeux numéro 20 Juillet-Septembre 2004, « Les musiques d’Afrique centrale : entre culture, marché et
politique », Fondation Paul Ango Ela (FPAE), 46 pages. 324
21
Catherine Edoa Ngoa, ou K-Tino, est une chanteuse de bikutsi très populaire au Cameroun, surnommée "la
femme du peuple". Née à Yaoundé en 1966. Elle chante en éwondo et en français. Zanzibar Epémé, guitariste du
groupe "Les têtes brûlées" sera son mentor spirituel à ses débuts. À la fin des années 1980, elle prend le micro au
cabaret "Escalier bar" du quartier Nlongkak de Yaoundé. Elle chantera pendant quelques mois avec "Les zombis
de la capitale" jusqu'en 1991. Connue au début en tant que Catino, elle prendra ensuite le nom de K-Tino et sortira
son premier album « Ascenseur ».
22
Ekang est un mot justement ekang de l’aire culturelle des béti-bulu-fang, qui se trouvent au Cameroun, dans les
régions du centre et du sud ainsi qu’en Guinée Equatoriale, au Gabon et même si ce n’est que minimalement au
Congo. Ces peuples ont la caractéristique commune de s’entendre dans leurs différentes langues locales.
23
Le bikutsi bien que faisant partie des genres musicaux ayant été fustigés à la CRTV, dans une émission
dénommée « Déviances », inspirée par le Professeur Gervais Mendo Ze, ancien Directeur Général de la CRTV, en
personne, lui-même contributeur parmi les plus assidus sur le plateau. Les artistes du bikutsi n’ont pas manqué de
se moquer de cette émission en scandant dans certaines chansons éééh déviance…
24
Lire « Les chansons de Sodome et Gomorrhe », du philosophe camerounais Hubert Mono Ndjana. Editions du
carrefour, Yaoundé, septembre 1999, in Enjeux N° 20, 2004.
25
Dans sa chanson « ancien yéyé », qui peut apparaître comme un « hymne à la virilité, elle parle de « (son) père
Popol », pour désigner le président Paul Biya, que le dessin de presse et la caricature satirique a affublé du nom
de « popol ». Ce nom est le premier d’une litanie de noms où l’on retrouve les hommes d’affaires James Onobiono,
Victor Fotso, et Kadji Defosso ; le ministre chargé de mission à la présidence de la République, Philippe Mbarga
Mboa ; l’ancien Directeur Général de l’Agence de Régulation des Marchés Publics (ARMP), Jean-Jacques
Ndoudoumou « personnalité ressource du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC) ; le
Professeur Gervais Mendo Ze, universitaire et ancien puissant Directeur Général de la Cameroon Radio and
Television (CRTV); les anciens députés RDPC, Emmanuel Ava Ava ( de regrettée mémoire), Eyebe Lobogo, par
recommandations de la Première Dame dans la lutte contre les maladies sexuellement
transmissibles et le VIH SIDA. Dans les années 1990 et 2000, le leitmotiv était la promotion
du préservatif masculin pour limiter la transmission et la propagation du VIH au Cameroun.
Madame Chantal Biya a alors fait de ce champ son principal combat en mettant son énergie et
en mobilisant le leadership politique de son mari, qui a été bien obligé de formaliser ses
initiatives en hôpitaux pour les différentes prises en charge 26, en centres de recherche, pour
encourager les recherches visant à éradiquer le SIDA et les souffrances.
En s’appuyant sur la figure de la Première Dame et de sa place dans le fonctionnement
des mœurs politico-institutionnelles du pays, si pour Valentin Siméon Zinga l’ambition de ces
brèves notes, résultats d’une rapide escapade sur la piste de Bikutsi de « la femme du peuple27»,
est d’établir une forme de réappropriation par l’artiste, des mécanismes déployés par une élite
intello-urbaine, en quête de positionnement et de prébendes, Madame Chantal Biya influence
la femme du peuple en lui permettant de s’approprier un langage plus audible, moins
pornographique et donc bénéfique à la société toute entière. Il est difficile de rencontrer des
gens de les interroger et de les entendre dire que K-Tino n’a pas porté haut le message du port
du préservatif que promouvait Madame Chantal Biya dans ces années 1990 et 2000. Elle aura
donc bel et bien été une artiste sensibilisatrice en reprenant et relayant les messages de la
Première Dame. Qui mieux qu’une artiste populaire, appréciée des milieux modestes et
populaires peut faire passer un message dont l’audience souhaitée est en direction des millions
de personnes ? A travers une telle mobilisation du message de la First Lady, il est possible
d’affirmer que le message a été bien porté et surtout bien reçu. Quelle pourrait être la
contribution de l’œuvre de l’artiste chanteur Longuè Longuè dans cette analyse ?

L’artiste chanteur Longuè Longuè dans son album privatisation, sorti en 2004, a venté
les mérites de la Première Dame du Cameroun, notamment en chantant que celle-ci ne
connaissait les marabouts. Dans le titre de sa chanson « demander à Dieu », Simon Agno

ailleurs « homme d’affaires ». De même parle-t-elle de Mme Cécile Oyono, haut cadre de la Police camerounaise 325
et non moins épouse de Ferdinand Léopold Oyono (de regrettée mémoire), écrivain à succès dans les années qui
suivirent l’indépendance du pays, ministre d’Etat chargé de la Culture, connu pour être un des intimes du président
Biya. Il n’est pas jusqu’ à « maman rosette de Nanga- Eboko », vraisemblablement belle-mère du Chef de l’Etat
Paul Biya, de son nom Rosette Mboutchouang (de regrettée mémoire) qui ne soit appelée. In Enjeux N°20, 2004,
FPAE.
Dans son album au titre très suggestif, « Ma chatte et sa queue », elle consacre toute une chanson à la « Première
Dame camerounaise ».
26
La Fondation Chantal Biya (FCB) fondée en 1994 avec un accent particulier sur la prise en charge de la mère et
l’enfant. Le Centre Internationale de Référence Chantal Biya (CIRCB) fondé en 2006 et transformé en
Etablissement Public Administratif à caractère particulier et le Centre Hospitalier de Recherche et d’Application
en Chirurgie Endoscopique et Reproduction Humaine (CHRACERH) créé par décret présidentiel en 2011.
27
La « femme du peuple » est l’autre nom populaire de K-Tino.
Longkana28 de son nom d’état civil affirme que : « même Chantal Biya sait que la vie de tout
un chacun est tracée. (Et d’ailleurs) Chantal Biya ne connaît ni les charlatans ni les marabouts ».
Ces mots dans cette chanson font partie des éléments motivateurs de l’extrême popularité et du
succès qu’a connu cet album musical. Ayant rencontré d’énormes difficultés dans son enfance
avec notamment la disparition précoce de sa mère en 1980, cet artiste vainqueur du concours
de la chanson « Mutzig », dont l’objectif est d’encourager les jeunes artistes musiciens
talentueux, est devenu une vedette de la chanson au Cameroun dès les années 2000. Le
rapprochement qu’il est possible sans exagération de faire entre Madame Chantal Biya et
Longuè Longuè est simplement au niveau de leurs origines modestes et leurs ascension à des
degrés bien différents. La Première Dame étant née dans un milieu modeste et Longuè Longuè
dans un environnement de pauvreté totale, le fait pour ce dernier d’être dans une relative aisance
au prix de son travail le met selon son comportement dans une posture de vantardise méritée.

Il n’hésite donc pas à célébrer la réussite de la Première Dame Chantal Biya comme
étant le fruit de l’humilité, du mérite et bien sûr du contournement des logiques obscures et
maraboutiques. Lorsqu’on sait que la plupart des reines et/ou princesses descendent de rois, des
monarchies, des « grandes familles », il peut en effet être surprenant de voir un profil comme
Chantal Pulchérie Vigouroux, dans un Palais présidentiel en qualité de Première Dame. C’est
justement ce que Longuè Longuè martèle dans sa chanson à sa manière que l’on sait ostentatoire
et bruyante. La réalité qu’il décrit, et exprime à travers son style assez farfelu est incontestable.
Il est donc possible de voir dans cette musique un caractère sensibilisateur, motivateur,
incitateur et inspirateur d’humilité, d’honnêteté, de loyauté vis-à-vis du créateur pour les
chrétiens et de royauté pour les âmes bien nées. Au regard de ce qui précède, il est
compréhensible de convoquer l’expérience musicale de Longuè Longuè pour rendre compte de
l’écho social non seulement du parcours élogieux de la Première Dame, mais aussi du destin
exceptionnel de celle-ci.
Que penser de la captation et de la capitalisation de la figure de madame Chantal Biya
par l’artiste Adolphe Claude Alexandre Moundi dit Petits Pays29 ?

2- Petit Pays, Ambassadeur de Bonne Volonté de Synergies Africaines et l’évocation


élogieuse de la progéniture du couple présidentiel

28
Né en 1973 à Douala, originaire de Yabassi dans le littoral. De formation autodidacte, il est issu d’une famille 326
très modeste.
29
Les autres noms de scène de Petit Pays sont : The king of Makossa Love, Rabba Rabbi, Avocat défenseur des
femmes, Turbo d’Afrique, Oméga, Adonaï, l’Incontournable, le Neveu de Jésus, Effatta, Edimolo, Tenant du Titre
depuis 87, le Formateur des Jeunes, Turbo Robocop. Adolphe Claude Alexandre Moundi est né à Douala au
Cameroun en 1967. Il est chanteur, compositeur, producteur, qui s’inscrit dans des genres musicaux divers :
Makossa, Zouk, Slow, Makossa Love, Makossa elyko, Pop, Folklore, actif et même très actif dans la scène
musicale depuis 1985, est très probablement l’artiste camerounais le plus célèbre à l’intérieur du Cameroun.
Dans un album l’artiste chanteur, auteur-compositeur-interprète Petit Pays évoque
abondamment la progéniture présidentielle « Brenda Anastasie Biya et Paul Junior Biya »,
respectivement la fille et le fils du couple présidentiel Paul et Chantal Biya. Finalement, il
n’aura pas attendu très longtemps pour voir son immense œuvre musicale reconnue par l’épouse
du Chef de l’Etat. Bien que sujette à polémique du fait de ses transgressions et provocations,
Petit Pays a été consacré en 2007 Ambassadeur de Bonne Volonté de l’Organisation Non
Gouvernementale Synergies Africaines. L’interactionnisme symbolique et stratégique
matérialisé par des échanges politiques énoncés plus haut dans notre recherche, est ici une
réalité dans son expression optimale.

Cette nouvelle a été annoncée le 1er mars 2007, à Yaoundé au cours d’une cérémonie
où l’artiste a été présenté au public sous sa nouvelle casquette. De source bien informée, c’est
Madame Chantal Biya, la Présidente-fondatrice de Synergies Africaines ONG de lutte contre
le SIDA et les souffrances, qui aurait personnellement porté son choix sur cet artiste populaire
prolixe et très controversé. En 20 ans30 de carrière musicale, comme le rappelle fort justement
Alexandre T. Djimeli31 l’auteur de « Nioxxer » a en effet charrié des passions par ses écarts
comportementaux et vestimentaires très souvent exposés sur les pochettes de ses albums. Après
ses grands succès (début des années 1990 et début des années 2000), le « Turbo d’Afrique » a
créé un rythme propre et communiqué des chansons aux messages ambigus, à la limite de la
vulgarité. L’ancien ministre de la culture, Isaïe Toko Mangan, n’avait-il pas interdit la diffusion
de « Classe F », l’un de ses albums où il avait posé nu au milieu des années 1990. Avide de
sensations, l’artiste a récidivé plusieurs fois notamment sur la pochette de « La Monaco », où
Petit Pays aura encore travesti son corps masculin contre un look de femme. Malgré tous ces
écarts, les critiques reconnaissent en lui un artiste original qui a marqué son époque et sa
génération.
On ne saurait oublier des classiques comme « Ça fait mal », « Ça ne va pas », «
Mulema » et autres « Makossa elyko » qui ont fait trembler ses concurrents et mis le baume aux
cœurs des mélomanes. Avec son groupe les « Sans visa »32, il a animé des concerts et mis le
« feu » dans des boîtes de nuit, faisant de nombreux fans parmi les jeunes, les débrouillards et
les chômeurs. C’est sans aucun doute sa côte de popularité bâtie depuis trois décennies à ce jour
que ce génie d’un autre genre a été identifié comme pouvant porter l’étendard de l’ONG
Synergies Africaines de Madame Chantal Biya.

30 327
Il faut noter ici que nous sommes en 2007.
31
Analyse tirée dans www.cameroon-info.net, consulté le 22 février 2016.
32
Un groupe d’orchestre qu’il a monté depuis les années 1990.
Pour Jean Stéphane Biatcha, Secrétaire Exécutif de cette ONG, il s’agit d’intelliger et
de rentabiliser ce côté populaire de l’artiste pour diffuser les messages de sensibilisation contre
le VIH SIDA et autres souffrances. Interrogé à la fin de cette cérémonie sur son titre attribué
par la Première Dame, Petit Pays a affirmé en être pleinement conscient. Il a ainsi profité de
remercier pour cet honneur qui lui dû, la Première Dame Chantal Biya, qui l’a fait Ambassadeur
de Bonne Volonté. Bien sûr cela n’a pas laissé les opposants du Président Paul Biya indifférents
qui n’ont rien vu d’autres que des louanges de l’artiste envers Madame Chantal Biya. Mais,
quoi qu’il en soit, « l’Avocat défenseur des femmes » a eu dès 2007 une nouvelle charge sociale
qu’il conduit depuis cette année jusqu’à ce jour. Et, force est de reconnaitre que depuis 2007,
Petit Pays s’est beaucoup assagi, revoyant ainsi son image car conscient de ce que le titre
d’Ambassadeur de Bonne Volonté doit être porté avec tact et la conduite de son mandat pour
atteindre les missions qui lui sont confiées par l’institution devant se faire avec diplomatie. Pour
ce faire, la rectitude morale et la capacité à rallier des publics à cette cause lui ont imposé une
nouvelle posture artistique et sociale.

Dans la même optique, il faut également noter qu’il y a beaucoup d’autres artistes qui
se sont illustrés dans cette perspective sensibilisatrice par leurs musiques en rapport avec les
œuvres de Madame Chantal Biya. Mais, l’évocation de la Première Dame du Cameroun comme
produit/objet de la culture ne se limite pas à sa mobilisation par la musique sensibilisatrice, elle
concerne aussi l’inventaire qualitatif de ses œuvres.

B- A partir de l’inventaire qualitatif de ses œuvres


Certains artistes camerounais et même étrangers ont depuis entrepris de faire
l’inventaire qualitatif des œuvres de la Première Dame du Cameroun. Au plan international,
l’on peut retenir pour l’essentiel le célèbre musicien et chanteur congolais Werrason 33. Le
matériau qui nous a permis de développer cette partie de l’analyse, est essentiellement tiré de
l’œuvre du Professeur Gervais Mendo Ze dans son illustre chanson « Mbamba ésae » (1), et
encore une fois de plus K-Tino accompagnée par le très emblématique auteur-compositeur de
la chanson à succès « Mba mvoé » Nkodo Sitony (2).

1- Le Professeur Gervais Mendo Ze et son titre laudateur de la Première Dame


« Mbamba ésae »

33
Werrason chante « Maman Chantal, le peuple est avec toi ». On voit et on sait que si l’artiste congolais établit 328
un lien entre la Première Dame du Cameroun et le peuple, cela un est message codé à l’endroit du Président de la
République Paul Biya. Ceci est donc un message à l’endroit du Chef de l’Etat camerounais qui n’a pas à s’inquiéter
sur sa légitimité populaire.
Professeur titulaire des Universités, spécialiste de stylistique et de linguistique, Gervais
Mendo Ze a surtout été connu dans l’opinion publique nationale et internationale comme
Directeur Général de la Cameroon Radio and Television (CRTV) qu’il a dirigé de 1988 à 2005.
Sa passion pour la musique l’a amené à créer à la CRTV une emblématique chorale dénommée
« la voix du cénacle », qui a longtemps animé les espaces culturels de la chaîne publique et qui
est reconnue jusqu’à ce jour comme la meilleure chorale classique du Cameroun. Le titre qui a
fait découvrir et aimer cette chorale est « Asimba » littéralement en français « miracle ou
merveille ». En 2004, le Professeur Gervais Mendo Ze après avoir revendiqué les titres de
mariologue34 et de joséphologue, a sorti un album ayant un titre spécialement dédié à Madame
Chantal Biya « Mbamba ésae », louant ainsi ses « bonnes œuvres ». Nous avons choisi quelques
extraits pour rendre compte de cette quasi-divination de l’épouse du Chef de l’Etat, qualifiée
par la mauvaise presse de « mère de la nation ». Cet extrait est le suivant :

« …Tu as montré que tu écoutes la bonne nouvelle qui dit ‘’aime ton prochain’’
Tu as montré que tu connais le bonheur et la joie de partager
Tu as décidé de faire œuvre de charité
Ta main posée sur le cœur, tu l’ouvres à tout moment
Mère des fils du pays
Tu aides ton époux à construire le pays
Continue à aider les Hommes
Continue à prodiguer les conseils
Continue à partager
Ne lâche pas prise, etc. »

Selon Valentin Siméon Zinga,35 cette célébration de la Première Dame, est « en rupture
et continuité ». La mobilisation des rituels religieux en matière de rythme musical, signe
distinctif de l’orchestre depuis sa création, n’a pas changé. Il ne s’agit plus pour ce journaliste
de louange, en direction ni de Marie, ni de Dieu lui-même, ni même de son fils Jésus Christ,
sauveur de l’humanité selon les enseignements tirés de la Bible (version Louis Segond), mais
bien de Chantal Biya. L’album a bénéficié de la plus grande publicité sur les antennes au plan
national et dans une certaine mesure aussi à l’international. Cette lecture sévère de l’œuvre du
Professeur Mendo Ze, est limitée car elle ne montre que le côté « apologique » de la chanson,
et pourtant il y a matière à cogiter quant au relai pertinent et réel de l’inventaire authentique des

329
34
Selon Gervais Mendo Ze la mariologie renvoie à l’étude sur Marie mère de Jésus, et la joséphologie la science
qui étudie Joseph père de Jésus le Christ.
35
Op. cit. Enjeux numéro 20, 2004, p. 24.
œuvres de la Première Dame du Cameroun qui ont su être répertoriées par cet
observateur/acteur de la scène politique et culturelle nationale. Cette posture artistique n’est pas
en rupture avec la tradition de la création musicale qui consiste justement à mettre en musique
certaines réalisations, certaines actions et manifestations des personnes publiques ou privées.
Un artiste chante les faits et phénomènes se produisant dans son environnement social. Le
Professeur Gervais Mendo Ze est même dans ce disque à féliciter quant à son observation et
objectivation rigoureuse des œuvres de Madame Chantal Biya.

Lorsque Gervais Mendo Ze dit à propos de Madame Chantal Biya « …Tu as montré que
tu écoutes la bonne nouvelle qui dit ‘’aime ton prochain…Tu as montré que tu connais le
bonheur et la joie de partager…Tu as décidé de faire œuvre de charité … », cela se justifie et
s’explique clairement car Madame Chantal Biya en créant la Fondation qui porte son nom, le
Centre International de Référence Chantal Biya œuvre essentiellement pour l’altérité. Ces
paroles sont donc non seulement pleines de bon sens, mais également choisies avec justesse,
lucidité et exactitude. Que dire de l’œuvre de K-Tino à nouveau mobilisée ?

2- K-Tino et Nkodo Sitony : Chantal Biya un instrument d’amour et de paix au


service de la nation

Cette Fille d’un Chef traditionnel36 a défrayé la chronique sur la scène musicale, dès les
années 1990, avec son titre resté célèbre « Ascenseur » (le secret de l’homme), un tube à
sensation qui l’a révélée au public. Mettant à profit une connaissance poussée de la culture beti,
elle a depuis lors, montré qu’elle pouvait y puiser son inspiration, pour la satire sociale, qui a
pu prendre des formes d’expressions en délicatesse avec la pudeur, jouant en cela de la
polysémie du lexique éwondo, notamment, et instituant, une sorte de parler-vrai, s’appuyant
sur une forme de duplicité discursive organisée autour des métaphores, des ellipses, des
prétéritions, des litotes, etc. Cette option a fait dire à une certaine critique qu’il valait mieux
écouter l’artiste entre les phrases pour mieux cerner le peu de cas qu’elle fait à l’éthique 37.
Justement à propos de sa dimension éthique, le message porté de la Première Dame suffit pour
dire que son rôle n’a pas été simplement ludique et entérine notre idée sur son caractère utile et
même utilitaire. K-Tino a souvent été récompensée38 pour l’originalité de ses tubes malgré le
virage quelque peu pornographique qui s’est amenuisé depuis maintenant près de dix ans.

36
Analyse fournie par Valentin Siméon Zinga, dans Enjeux numéro 20 Juillet-Septembre 2004, p. 21, s’appuyant 330
sur l’interview de K-Tino dans le magazine Brisa, n° 001, février 2004.
37
Op. cit. Pp. 20-24.
38
Meilleure artiste du bikutsi féminin, prix du meilleur groupe de l’année avec son « quartier poto-poto », meilleure
inspiration aux oscars RTS 2003, prix de la séduction 2003. Brisa, in Enjeux numéro 20, 2004.
En 2004 dans son album intitulé « la queue de ma chatte », l’artiste K-Tino a rendu un
hommage appuyé à la Première Dame Chantal Biya, en lui consacrant une chanson entière dont
la longueur est symptomatique de l’admiration qu’elle a pour la Première Dame 39. Si le propos
de cette chanson est clairement dithyrambique voire apologétique, les réalisations de Madame
Chantal Biya militent pour une telle tonalité. Un exercice consistant à faire la transcription de
l’éwondo en français ressort la quintessence suivante :

«… Honneur à la Première Dame du Cameroun, Madame Chantal Biya.


Je défends Chantal Biya ma maman,
Si quelqu’un la touche, je vais me fâcher. (Refrain)
C’est une fille de Nanga-Eboko, dans la Haute Sanaga,
Si quelqu’un la touche, je vais me fâcher.
Elle soulage les pauvres et les malades,
Si quelqu’un la touche, je vais me fâcher.
Toutes les femmes, debout !
Ne te fatigue pas,
Dieu te récompensera,
Nous sommes derrière toi.
C’est la femme du père de la Nation Papa Paul Biya
Nous sommes derrière toi, Chantal la maman de tout le monde
Que Dieu te bénisse, maman
Les artistes sont derrière toi, maman
Nous t’exhortons, vas de l’avant maman
Les synergies africaines luttent contre le sida,
Longue vie à Chantal Biya.
La Fondation Chantal Biya pour la santé des enfants
Longue vie à Chantal Biya.
Pour toutes tes actions, nous te disons merci maman
Honneur à Chantal Biya.
Du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest,
Nous comptons sur toi maman
Honneur à Chantal Biya.
Que l’éternel soit avec toi dans tes actions maman

39 331
La chanson hommage à Madame Chantal Biya dure exactement 6 minutes 17 secondes.
Longue vie à Chantal Biya
Tu œuvres pour la paix dans notre pays, maman
Longue vie à Chantal Biya.
La femme camerounaise compte sur toi, maman
Honneur à Chantal Biya
Tu soutiens les démunis dans notre pays, maman
Longue vie à Chantal Biya…».

La célébration de Madame Chantal Biya par K-Tino au sens de l’éloge de ses œuvres,
montre bien que la Première Dame participe à la fabrique au sens de l’accompagnement des
politiques culturelles du Cameroun. Les artistes évoqués ici ne sont pas les seuls à s’inscrire
dans cette démarche. Il faut également relever les chansons du jeune chanteur BB DJ, Indira
Baboke40 et bien d’autres. Ainsi, si les approches par le haut ce que les initiés du champ des
politiques publiques ou action publique appellent « le top-down » sont insatisfaisantes, on peut
s’autoriser à dire qu’elles sont complétées par les approches par le bas autrement appelées « le
bottom-up ». Tous ces éléments précédemment présentés montrent bien que la Première Dame
du Cameroun, est une figure mobilisée par les artistes au double plan de la sensibilisation et du
marketing social. Mais, au-delà d’être mobilisée par les artistes et acteurs de la culture, la
Première Dame elle-même se mobilise pour la cause culturelle nationale.

II- La Première Dame comme productrice de la culture


L’inscription des actions de la Première Dame du Cameroun, surtout dans le domaine
culturel rentre dans l’ordre de la mise en œuvre des politiques publiques. En effet, la dame de
cœur dans son registre d’assistance, de soutien ou alors de promotion des activités culturelles
au Cameroun demeure la référence. D’ailleurs, sans trop vanter ses mérites au regard de sa
posture sociale, la Première Dame situe ses actions au-delà des attentes du peuple. Son
rayonnement participe à la mise sur agenda des problématiques culturelles de tout bord. Jean
Claude Thoenig note qu’une « politique publique » se présente sous la forme d’un programme
d’action propre à une ou plusieurs autorités publiques ou gouvernementales »41. Madame
Chantal Biya dispose d’un vaste programme d’actions qui se structure autour de ce qu’il
conviendrait d’appeler l’inventaire qualitatif de ses œuvres 42 comme nous venons de le

40
Indira Baboke née 2002 est la fille de l’actuel directeur adjoint du Cabinet civil de la présidence de la République 332
(Oswald Baboke).
41
Jean Claude THOENIG, les politiques publiques, traités de science politique (Publié sur la direction de
Madeleine GRAWITZ et Jean LECA, Presses universitaires de France, 1985, P. 6.
42
Madame Chantal Biya dans le domaine culturel accompagne des artistes de tout bord dans la réalisation de leur
projet de société ; ceci de manière implicite ou explicite en fonction des opportunités ou des circonstances.
démontrer. L’agenda de la Première Dame dans le champ culturel est immense. Elle contribue
de manière significative au redimensionnement de l’ordre social par le truchement de
l’accompagnement des acteurs culturels pluriels, dans leurs registres compétents respectifs. Cet
engagement s’accroit au fil des ans à travers un dynamisme qui s’intensifie dans le temps 43 de
la construction d’un idéal commun, de la consolidation de l’unité nationale.

Norbert Elias dans cette perspective analytique note qu’« en examinant les problèmes
relatifs au temps, on apprend sur les hommes et sur soi-même bien des choses qu’on ne saisissait
clairement au paravent »44. Le sens commun dans une perception restrictive pense parfois que
la Première Dame est inaccessible. Ce qui est d’ailleurs normal, sauf qu’ici au-delà cette voie
cachée de pouvoir qui demeure d’ailleurs un mystère dès lors qu’on se retrouve à côté d’un
homme d’Etat détenant entre ses mains la destiné d’un pays ; la Première Dame dans ce registre
est une actrice culturelle de premier ordre.

Le rayonnement de ses actions tient également compte de ses capacités à mobiliser au


quotidien des ressources adéquates pour mettre en œuvre la politique culturelle. Le présent volet
d’analyse tente de poursuivre l’explication ou encore l’explicitation de l’action culturelle de
Madame Chantal Biya sous le prisme du mécénat culturel (A) mais aussi de la dynamique du
parrainage des œuvres culturelles (B).

A- A partir du mécénat culturel de l’action publique de la Première Dame


Un regard circonstancié sur les actions de la Première Dame montre bel et bien qu’on
est en face d’une véritable actrice de développement. Moulée dans la fabrique d’une dame
généreuse, Madame Chantal Biya côtoie en fonction de son calendrier une diversité d’acteurs
culturels pendant des cérémonies devenues des rituelles sur l’ensemble du territoire national.
La capitale politique Yaoundé bénéficie beaucoup de cette gouvernance culturelle.
L’Ambassadrice de Bonne Volonté de l’UNESCO joue un rôle d’artificière dans tous les
évènements culturels d’envergure au Cameroun dès lors que son expertise et son savoir faire
sont mobilisés ou sollicités. La conduite de ces évènements qui, dans la plus part des cas porte
la marque de la Première Dame, connaissent un succès sans équivoque. Madame Chantal Biya
encourage les artistes issus des différents compartiments des politiques publiques culturelles au
Cameroun. Les heureux élus qui parfois sont invités au Palais de l’Unité, entonnent des refrains
symboliques où le nom de la Première Dame est repris à plusieurs reprises. Les artistes

43 333
Norbert ELIAS Du temps, Fayard, 1984 223 P.
44
Norbert ELIAS, op. cit. P.1.
musiciens tels Samy Diko, Petit Pays Ama Pierrot, Ténor, Dynastie Le Tigre et bien d’autres
encore, bénéficient d’un soutien incommensurable de la part de la Première Dame.

Les politiques publiques culturelles, vues par la Première Dame, se présentent au sens
de la formulation opérée par Jean Claude Thoenig un ensemble de mesures, des éléments de
décision ou d’allocation dont la nature est plus ou moins autoritaire, devient un cadre générale
d’actions ; elle affecte par son contenu, par son impact, un certain nombre d’individus, de
groupes ou d’organisations dont l’intérêt45 des politiques publiques culturelles conduites par la
Première Dame forment une structure de comportements et de normes.

L’opérationnalisation desdites politiques permet de créer un climat de partage entre les


différents acteurs culturels. Cette situation très reluisante augmente la cote de popularité de la
Première Dame camerounaise dans le domaine culturel et même au-delà. Le mécénat culturel
de la Première Dame est perceptible à travers un appui multidimensionnel apporté aux artistes,
mais aussi à travers les cérémonies de remise des vœux et de graduations.

1- L’appui multidimensionnel aux artistes


La scénographie musicale au Cameroun revêt un caractère contingent du fait de la
diversité d’acteurs qu’on y retrouve. Cette situation s’inscrit dans le temps de l’histoire de ce
fait. L’avènement d’un Ministère de la culture depuis 1992 dans un paysage marqué par la quête
d’autonomisation des politiques publiques culturelles encadrées a redéfini les repères culturels
dispersés çà et là. La conduite des états généraux de la culture46 sous la bannière du Professeur
Augustin Kontchou Kouomegni permettant l’atteinte des résultats probants conduisant à cet
effet à la création d’un Ministère dédié à la culture. Cette érection des politiques publiques
culturelles dans un contexte gouverné par des tensions d’une démocratisation conditionnée des
Etats Africains, imposés depuis la conférence de la Baule en 1985, s’ouvrira à tous les
entrepreneurs culturels aux ambitions avérées. L’éclosion du mécénat et du parrainage culturel,
connaitra son ascension à travers la fabrique législative, à travers l’avènement de la loi
N°2003/013 du 22 Décembre 2003, relative au mécénat et parrainage. Cette loi viendra
tracer les différentes modalités au travers desquelles les organisations et entreprises culturelles
doivent bénéficier des entreprises publiques ou privées des soutiens matériels et financiers ou

45 334
Jean Claude THOENIG, op. cit. P. 7.
46
Les états généraux de la culture se sont tenus du 23 au 26 août 1991 au Musée national réunissant toute la crème
de l’intelligentsia camerounaise.
même simplement du mécénat technique, afin de leur permettre de jouer leurs partitions dans
la contribution au développent culturel national. 47
Cette dimension constructive, et même constructiviste du travail du mécénat ainsi que
du parrainage, permettra de saisir les actions culturelles de la Première Dame dans le registre
du mécénat technique. Ainsi les compagnies de musique, de théâtre, de cirque, festivals et autres
activités culturelles, bénéficieront de manière directe ou indirecte de l’appui de la Première
Dame. Confrontés aux problèmes de tout genre, même avec l’avènement d’un Ministère des
arts et de la culture, les artistes camerounais pendant une certaine période ont traversé le désert
car ne pouvant toucher leurs droits d’auteurs. Malgré la diversité d’organes 48 créés à cet effet,
les droits d’auteurs ou alors la problématique des droits d’auteurs au Cameroun continue à
alimenter les circuits de contentieux. Au-delà des bruits des musiciens, comédiens et autres, la
Première Dame a inscrit son action dans la longue durée au sens de Fernand Brodel 49. Ce statut
l’a placé au sommet des actrices de développement les plus capées dans la matière. Le soutien
aux œuvres culturelles fait partie du quotidien de celle-ci. Ses œuvres sont relayées par des
louanges plurielles que les musiciens adressent en guise de reconnaissance dans leurs diverses
chansons. La matérialité de cette reconnaissance est également perceptible dans les
témoignages.
Les artistes musiciens comme Petit Pays, Ama Pierrot, John Duchant, Ténor, Mbalè
Mbalè, Dynastie Le Tigre, Lady Ponce et bien d’autres encore ont bénéficié des largesses de la
Première Dame à l’occasion des festivités organisées à cet effet au Palais de l’Unité. Le nom
de celle-ci est scandé de manière récurrente et permanente dans les chansons à elle dédiée.
L’animation des cérémonies aux Coccinelles par ces braves citoyens, démontre à souhait la
bonne volonté de la Première Dame à accompagner la culture camerounaise. Toutes les
catégories d’acteurs culturels bénéficient de ces invitations. Son statut social ne lui permettant
pas de couvrir tout le territoire national rend restrictif la réception des artistes musiciens dans
ces cérémonies d’envergure. Qu’à cela ne tienne, les œuvres culturelles de la Première Dame
produisent de l’envie de travailler dur, de rêver, de se surpasser afin d’être meilleur. Ce constat
est d’autant plus vrai que les efforts des jeunes artistes musiciens comme Dynastie Le Tigre ou
encore Ténor leur ont permis d’engranger des points lors des dernières éditions par exemple de
Canal d’or. La Première Dame apparait donc comme une autorité publique, car de par ses
actions, elle alloue des services et biens collectifs à un public considéré 50. Jean Claude Thoenig

47
Lire la loi N°2003/013 du 22 décembre 2003 relative au mécénat et parrainage. 335
48
Nous faisons référence ici à la Cameron Music Corporation (CMC) ou encore la Société Camerounaise de l’Art
Musical (SOCAM).
49
Fernand BRODEL, « La longue durée », in écrit sur l’histoire, Paris, Flammarion, 1985.
50
Jean Claude THOENIG, op. cit. P. 8.
ajoute dans cette perspective qu’à condition qu’il dispose d’une procédure spécifique de choix,
qu’il possède une capacité autoritaire qui lui soit propre, et qu’il s’agisse par le biais d’un
appareil organisé51. L’usage du pronom « il » par l’auteur ; renvoie à tout organisme ; or les
actions de la Première Dame vont dans ce sens.

En effet, elle représente un organisme ou des organismes, et à ce titre, elle mène ses
actions comme une véritable autorité publique accomplissant du même coup les fonctions
régaliennes de l’Etat. Les artistes musiciens dans le registre de louer la Première Dame, vont
jusqu’à scander les noms de ces enfants (Brenda et Junior) ; non seulement pour susciter un
intérêt, mais aussi pour la remercier. L’artiste musicien Sergeo Polo se démarque par des textes
composés dans un style assez particulier. Les mélodies de ces artistes musiciens sont porteuses
de messages de paix, d’humilité, de réconfort, bref structurent dans une certaine mesure les
œuvres culturelles de la Première Dame. L’extension du travail culturel de celle-ci est
également perceptible dans le champ cérémonial de la présentation des vœux au Palais de
l’Unité.

2- Le champ cérémonial de présentation des vœux et de graduation symbolique au


Palais de l’Unité.
Les cérémonies de remise des vœux à la Première Dame se présentent de nos jours
comme des lieux par excellence de retrouvailles de la gent féminine de manière principielle
pour célébrer l’amour, le partage entre l’épouse du Chef de l’Etat et les autres. Ces cérémonies
non instituées, de par les usages variés, ont fait d’elle ce qu’elle est aujourd’hui. La nouvelle
année augure toujours des lendemains meilleurs à tous ceux qui, par la grâce de Dieu ont pu
l’avoir, pendant ce moment qui marque une étape décisive entre l’ancienne et la nouvelle année,
la Première Dame reçoit les vœux des épouses des chefs de missions diplomatiques en poste à
Yaoundé et des proches collaborateurs du Chef de l’Etat, mais aussi des autres entités étatiques
et non étatiques. Les artistes musiciens reçoivent de manière significative les coupons
d’invitation pour assister à cette grande messe autour de la reconnaissance. La Première Dame
profite donc de cette occasion pour appuyer les différents acteurs culturels qui sont souvent
nombreux au Palais de l’Unité.
Cette cérémonie qui, hier, n’était pas courue, connait aujourd’hui plus d’engouement
par le peuple camerounais qui témoigne sa reconnaissance au couple présidentiel. Sortie de
l’imaginaire pour s’inscrire de manière régulière dans l’agenda politique de l’Etat du
Cameroun, la cérémonie de remise des vœux connait une assomption culturelle au fil des ans,

51 336
Jean Claude THOENIG, ibid.
la culture est célébrée à travers une diversité d’activités prévues. Le brassage des cultures
s’invite de manière implicite à cet événement. Certains artistes musiciens 52 que nous avons
rencontrés disent en toute sincérité combien la Première Dame est bien. Cette déclaration sous
anonymat démontre une fois de plus le caractère maternel de Madame Chantal Biya. La
valorisation et la promotion des activités culturelles par celle-ci répondent aux canons des
prescriptions de l’agenda culturel camerounais.

Infatigable, Madame Chantal Biya, lors des cérémonies de remises des vœux ou encore
de graduation, ne cesse de mettre en avant la culture. Son soutien multiforme à l’intelligentsia
pour l’organisation des rencontres scientifiques 53 surtout dans le domaine de la culture permet
à cette dame au grand cœur d’engranger des points et de confirmer son leadership dans
l’humanitaire au Cameroun et à l’international. La remise des vœux permet à celle-ci d’avoir
des échanges francs avec bon nombre de promoteurs culturels. Les artistes dans leurs diversités
aimeraient que ce genre d’évènement se perpétue dans le temps. Ils affirment d’ailleurs à
l’unanimité que la Première Dame est un exemple.

B- A partir de la dynamique du parrainage de Madame Chantal Biya


Devenue évènementielle construite au fil des ans, la Première Dame parraine une
diversité d’activités culturelles. Elle est la marraine d’un certain nombre d’évènements culturels
à l’échelle nationale. Les prescriptions de la loi N°2003/013 du 22 décembre 2003 relative au
mécénat et au parrainage sus-évoqué, encadre ici l’action culturelle de la Première Dame. Les
politiques culturelles au prisme du soutien des œuvres culturelles de Madame Chantal Biya
s’inscrivent dans la formule selon laquelle « la culture est ce qui reste lorsqu’on a tout oublié ».
La culture, au-delà des représentations, des valeurs et des modèles de comportement, est « un
système de signification communément partagé par les individus membres d’une même
collectivité »54.
Selon Cliffton Geertz, il convient de considérer la culture comme le code par lequel les
acteurs interprètent les faits et les rendent compréhensibles 55. Perçue comme telle, la culture à
travers ses variantes, nous permet de l’associer au vocable « politique publique » pour entrevoir
le sens de ce volet d’analyse. De par le parrainage d’activités culturelles, la Première Dame
s’érige de manière progressive comme hégémon culturel à part entière. La Première Dame est

52
Sous anonymat, les artistes musiciens, surtout les habitués du Palais présidentiel pensent que la Première Dame 337
mérite sa place. Ils notent en plus qu’ils ne sont jamais rentrés d’Etoudi les mains vides.
53
Le colloque organisé à l’Université de Yaoundé II, par l’Observatoire National du Patrimoine (ONP) et ladite
Université sur la Première Dame en novembre 2016, rentre dans ce registre.
54
Bertrand BADIE et Marie-Claude SMOUTS, le retournement du monde, Paris, Presses de Sciences Po, 1992,
P. 25.
55
Cliffton GEERTZ, the interpretation of cultures, New-York, basic books, 1973, P. 89.
considérée comme la mère de l’humanité, tout simplement parce que la notion de culture permet
de penser l’unité de l’humanité dans sa diversité. 56 Le parrainage des grands évènements par la
Première Dame témoigne la volonté de celle-ci d’inscrire son nom dans le panthéon des
politiques publiques culturelles en termes de mise en sens de celles-ci. Cette perspective
développementaliste qu’adopte Madame Chantal Biya l’amène à devenir comme la stimulatrice
de ces politiques culturelles qui donnent une image autre à l’Etat du Cameroun. L’encadrement
des évènements à caractères culturels par la dame de bonne volonté, se justifie aussi par le souci
de promotion et de valorisation. Mais, aussi de l’arrimage de ceux-ci au domaine social. Cette
conjugaison de politiques publiques permet de saisir la pertinence du travail culturel opéré par
la mère de l’humanité. Souscrire à une analyse du système de parrainage revient à évoquer les
œuvres culturelles qui mettent en avant ce parrainage. Il s’agit par exemple de sa participation
remarquée et remarquable aux éditions de Canal d’Or depuis quelques années déjà, à l’élection
Miss Cameroun ou encore de son parrainage du tour international cycliste qui porte son nom.
Le parrainage de festivals et évènements de modes et même de stylisme ne sont pas en reste.

1- Les parrainages de Canal d’Or et du tour international cycliste


Le paysage sociopolitique présente des contingences diverses qui amènent des acteurs
multiples à accompagner le Président de la République à l’atteinte de ses objectifs. Parmi ceux-
ci, Madame Chantal Biya, fait du hasard ou dynamisme ? Au chevet des activités culturelles se
trouve cette dame. Le parrainage de l’évènement de Canal d’Or chaque année au Cameroun,
après sa transposition au Palais des Congrès de Yaoundé demeure un symbole. Des langues
fusent de partout quant à l’opportunité. La réponse de manière scientifique que l’on peut
apporter est qu’elle a fait des politiques publiques culturelles une appropriation personnelle. Le
sens commun évoque même que les politiques publiques culturelles sont une affaire personnelle
de la Première Dame. Au delà des interrogations sur le sens du parrainage de l’évènement Canal
d’Or, l’on doit d’abord comprendre l’esprit et la lettre des organisateurs. En fait, depuis
quelques années, la chaine privée Canal 2 International se démarque par l’organisation de la
« fête musicale » catégorisée où les artistes musiciens du terroir et de la diaspora sont primés
au cours de l’évènement.
Cet évènement a vraisemblablement eu l’onction de l’appareil gouvernemental du
sommet à la base. A ses débuts, le gouvernement était parfois représenté par un ou plusieurs
ministres. Mais, depuis la présence de Madame Chantal Biya comme Marraine de l’évènement
annuel Canal d’Or, mobilise un flux important des corps constitués nationaux et étrangers. Cette

56 338
Denys CUCHE, la notion de culture dans les sciences sociales, 4 ièmeédition, la découverte, 2010, 157 P.
reconfiguration tient lieux du changement paradigmatique opéré dans la politique générale du
patron de la chaine médiatique Canal 2 International, associée à la lecture des politiques
publiques culturelles. L’évènement Canal d’Or rehaussé de la présence de la Première Dame,
gagne en crédibilité pour les organisateurs. Le caractère coopératif de la Première Dame à ces
festivités annuelles organisées par la chaine canal 2 International démontre bel et bien qu’elle
aime la culture.
La Première Dame est faite pour la culture ; elle ne soutient pas ses multiples initiatives
culturelles par simple enchantement ou par souci de « m’as-tu vu ». Elle s’y connait. La
coopération ici entre individus est le ciment de la vie sociale, comme le note Robert Axelrod 57.
Il se dégage une principale tension dans la mise en sens de la théorie du comportement
coopératif de Robert Axelrod dans le cas du rôle de la Première Dame. Certes, il ne s’agit pas
d’une interaction donnant-donnant ou gagnant-gagnant mais d’une interaction qui produit une
coopération structurée autour de l’accompagnement. On peut toutefois soupçonner la Première
Dame dans son élément de gagner en légitimité dans l’espace publique national et d’être le
visage marketing politique du Chef de l’Etat pour une admiration permanente envers sa
personne et son pouvoir qu’il contrôle depuis 1982.
Quant au tour international cycliste qui porte son nom, le brassage des cultures est le
principal dénominateur. Le tour cycliste du Cameroun, malgré une immaturité certaine des
organisateurs démontre la bonne volonté de Madame Chantal Biya à parrainer les politiques
publiques culturelles. Chaque année, des cyclistes d’origines diverses arrivent au Cameroun
pour participer à cette compétition d’envergure internationale 58. Le rôle de la Première Dame
dans cette compétition est pluriel : la légitimation des politiques publiques culturelles du
Cameroun, la mise en sens des politiques publiques, le brassage des cultures, l’éveil des
consciences des communautés, la promotion et la valorisation de l’immense potentiel culturel,
le vouloir vivre ensemble. La valorisation de la culture par le sport symbolise le champ
d’activité que la Première Dame met en œuvre. Les technologies culturelles émanant de la
Première Dame du Cameroun s’inscrivent dans l’émergence du Cameroun à l’horizon 2035. La
dynamique de promotion de la culture de Madame Chantal Biya se justifie de manière
pertinente par son caractère sociable et inventif à nul autre pareil. La Première Dame semble
être immergée parce qu’il conviendrait d’appeler la culture au pluriel 59. La perception de la
culture par l’anthropologue britannique Edward Burnett Taylor (1832-1917), rentre dans le

57
Robert AXELROD, donnant-donnant. Théorie du comportement coopératif, nouveaux horizons, éditions Odile 339
Jacob, janvier 1992, 234 P.
58
Plusieurs pays étrangers depuis quelques années déjà assistent au tour international Chantal Biya.
59
Michel de CERTEAU, La culture au pluriel, UGE « 10/18 », 1974.
registre des politiques publiques culturelles telles qu’énoncées dans la présente étude : « culture
ou civilisation prise dans son sens ethnologique le plus étendu est ce tout complexe qui
comprend la connaissance, les croyances, l’art, la morale, le droit, les coutumes ou habitudes
acquises par l’homme en tant que membre de la société »60. Pour Denys Cuche, la culture est
l’expression de la totalité de la vie sociale de l’homme61. Les perspectives culturelles s’arriment
aux logiques que sou tendent le sens de la culture que lui assigne Taylor. Comprendre également
la dynamique du parrainage de la Première Dame, c’est examiner son rôle permanent au choix
de la femme la plus « belle » du Cameroun chaque année, mais également aux affaires de la
beauté.

2- Les cérémonies relatives à la beauté Miss Cameroun et mode


Le parrainage de ces cérémonies par la Première Dame répond aux logiques relatives à
sa vision culturelle. En effet, Madame Chantal Biya a fait de la femme, sa priorité. L’élection
« Miss Cameroun » depuis quelques années est parrainée par elle. Cette volonté d’encadrer la
femme émane de manière personnelle des convictions de celle-ci à démontrer que la femme est
la mère de l’humanité. Mannequin dans sa jeunesse, la Première Dame s’échine au fil des ans
de conserver ce statut même dans les idées, les faits et les actions. Sa participation autrefois aux
défilés aux côtés de Iman Ayissi, ont sûrement motivé celle qui allait devenir la Première Dame
du Cameroun, à demeurer une fervente défenseure de l’image de la femme camerounaise. Dans
ce registre, Madame Chantal Biya, encadre de manière régulière des cérémonies de mode et de
stylismes. Les éditions de modes liées au « K-WALK », témoignent du caractère fécond des
activités culturelles soutenues par la Première Dame.

Conclusion

Dans une recherche dédiée à la politique culturelle de la « République Unie du


Cameroun » en 1975, J. C. Bahoken et Engelbert Atangana soulignent avec pertinence que :

60 340
Edward Burnett TAYLOR, La civilisation primitive (traduction française), Reinwald, Paris, 1876-1878, 2 vol.
(1ère édition en Anglais 1971),P.1.
61
Denys CUCHE, op.cit.
« Les politiques culturelles sont aussi diverses que les cultures elles-mêmes ; il appartient à
chaque pays de déterminer et d’appliquer la sienne, compte tenu de sa conception de la culture,
de son système socio-économique, de son idéologie politique et bien sûr de son niveau de
développement technologique62 ». L’une des observations attentives que l’on peut faire sur ce
document commis au nom de l’UNESCO est que nulle part, il n’est fait mention de quelques
actions ou réalisations d’une Première Dame de cette époque. Est-ce par oubli, ou par
négligence ? La réponse par la négative semble convenir à une telle question. L’explication de
cette situation réside certainement dans le changement paradigmatique impulsé par Madame
Chantal Biya, Première Dame depuis 1994. L’analyse qui précède nous montre bien que
Madame Chantal Biya participe dans la fabrique de la culture au Cameroun. Tantôt elle est agie
comme produit/objet de ce secteur, tantôt elle agit en prenant sur elle d’apporter du soutien sous
la forme du mécénat culturel et du parrainage, à travers divers appuis matériels et financiers
aux acteurs de la scène culturelle du Cameroun. Mais, ce dynamisme disons-le bien n’est pas
gratuit. Il fait bien partie d’un ensemble de mécanismes interactionnels et transactionnels
d’échange et de partage d’intérêts. Si la Première Dame n’intellige ou ne calcule pas les
dividendes qui sont la conséquence de son action, d’autres personnes nettement plus averties
en politique le font, et l’encouragent à rester dans cette voie qui leur est hautement bénéfique.
En agissant, la Première Dame est consciemment ou inconsciemment en situation
interactionnelle et transactionnelle au profit son son époux.
La politisation de la culture, doit donc consister en sa prise en compte réelle dans les
politiques publiques et non en son instrumentalisation politicienne à des fins électoralistes, et
de positionnement politique, au nom d’un équilibre géopolitique prétendument régional,
inadapté à la gouvernance de la performance, pour un pays en voie de développement comme
le Cameroun63. Nous avons ainsi vu qu’analyser les implications de la Première Dame du
Cameroun dans les politiques publiques de la culture semblait a priori ne pas être un exercice
aisé. Mais, a posteriori, au regard des faits que nous venons de scruter attentivement, on réalise
que cet exercice est non seulement aisé mais aussi passionnant, vu les indicateurs de la présence
de Madame Chantal Biya dans l’action publique culturelle.
BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE

Actes des états généraux de la culture, du 23 au 26 août 1991, Yaoundé, SOPECAM, 1992.

62
BAHOKEN (J.C.) et ATANGANA (Engelbert), La politique culturelle en République Unie du Cameroun, Paris, 341
Les Presses de l’UNESCO, 1975.
63
OYANE (Michel Ghislain), Mémoire de Master Recherche, « Etudes Européennes et Internationales » Faculté
de Droit et de Sciences Politiques, Université de Nantes, 2014, p. 1.
AXELROD (Robert), donnant-donnant. Théorie du comportement coopératif, nouveaux
horizons, éditions Odile Jacob, Janvier 1992, 234 P.

BAHOKEN (J. C.), Engelbert ATANGANA, La politique culturelle en République unie du


Cameroun, Paris, Les Presses de l’UNESCO, 1975.
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Sciences Po, 1992.
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2010.
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Politique européenne 2001/1 (n° 2), p. 119-123.
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DURKHEIM (Emile), Les règles de la méthode sociologique, Paris, Quadrige/PUF, 13ème
édition, 2007.
ELIAS Norbert Du temps, Fayard, 1984 223 P.
Enjeux N°20 Juillet-Septembre 2004, Les musiques d’Afrique centrale : entre culture, marché
et politique. FPAE.

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GRAWITZ (Madeleine), Méthode des sciences sociales, Dalloz. Paris. 2001. p. 381.
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(M.) / LECA (J.) (dir.). Traité de science politique, Paris : PUF, 1985, Tome n°4.
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MENY (Y.)/ THOENIG (J.C.), Politiques Publiques, Paris, PUF, 1989.


OYANE (Michel Ghislain), « Les politiques publiques de la culture au Cameroun : Une analyse
sociopolitique et pragmatique des institutions culturelles et de la propriété littéraire et artistique
(entre droits de l’homme, gouvernance et industries) », Mémoire de Master 2 Recherche,
Etudes Européennes et Internationales, Université de Nantes, 2014.
Pacte de 1966 sur les droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies.
TAYLOR Edward Burnett, La civilisation primitive (traduction française), Reinwald, Paris,
1876-1878, 2 vol. (1ère édition en Anglais 1971).
www.unesco.org/culture, consulté le 15 octobre 2016.
www.cameroon-info.net, consulté le 22 février 2016.
www.tv5.com. Consulté le 18 février 2018

342
L’apport de madame Chantal BIYA dans la promotion du droit au sport au Cameroun :
analyse à partir de son action solidaire pour le rayonnement du cyclisme. Docteur Claude
BEKOMBO JABEA, Diplomate- MINREX

(Centre de Recherche en droit, économie et politique du Sport de l’Université de Yaoundé 2 et


chercheur associé au Centre de droit international de l’Université de Lyon 3 Jean Moulin)

RESUME:
Les droits fondamentaux, pris sous l’angle du sport soulèvent plusieurs
problématiques qui peuvent être relative à leur application au sein du mouvement sportif et
celles de savoir si fondamentalement la pratique sportive constitue un droit fondamental
(Giummarra Sandrine, 2012).
L’objectif de cette étude est d’analyser l’étendue de cette action solidaire auprès du
cyclisme de la première Dame du Cameroun, en vue de permettre aux sportifs camerounais
d’avoir droit au spectacle sportif, mais surtout de faire un plaidoyer, au vu des résultats
important et du rayonnement de son action, afin que son attention soit portée sur d’autres
disciplines sportives.
MOTS CLES

Droit au sport – Chantal BIYA- Action solidaire- Cameroun – Cyclisme

ABSTRACT:
The fundamental right taken from a sport perspective raises a wide range of issues to
handle. This with regard to their application to the sport world, relevance in the sport
competitions and finally if sport is a fundamental right.
The aim of this study is to question the roots of the solidary action of the first lady of
Cameroon in the international cyclist tour in Cameroon. The study will try to figure the
different action taken by the first lady in order to give the Cameroonian the right to make
cyclism available and maybe propose to the first lady to also act toward other sports
discipline’s to give and impetus.
KEY WORDS
Sport Law – Chantal BIYA- Solidary action- Cameroun – Cyclism

343
Introduction

Les Premières dames d’Afrique ont un réel pouvoir direct ou indirect sur leurs époux,
elles peuvent influencer la politique de leur pays, leurs emprises peuvent être psychologiques
ou financières (Hugeux, 2014). On peut à travers ce qui s’est passé en France dans un passé
récent se rendre compte que les Premières dames ont une influence plus ou moins forte sur les
Présidents de la République (Trierweiler, 2014). A défaut d’un statut de Première dame inscrit
dans la Constitution, chaque femme ou compagne de président choisit d’habiter la fonction
comme bon lui semble, mais aussi comme l’époque le lui impose. Pour la majorité des
premières dames, peu importe leur situation géographique, leur statut n’est pas rémunéré, mais
la pratique du pouvoir et les médias leur accordent une importante visibilité et un rôle
protocolaire fort, notamment lors des visites officielles à l’étranger. De plus, si elles ne touchent
aucun salaire, les femmes de présidents disposent néanmoins d’un bureau et d’un cabinet à la
charge de l’administration de la présidence de la République. Si depuis 1960 en Afrique, chaque
Première dame a imposé son propre style à la fonction, elles ont toutes pour point commun :
leur engagement auprès d’associations caritatives ou plus globalement l’humanitaire.
Cet engagement humanitaire est une tendance lourde de l’activité des premières dames,
même si des zones d’ombre s’ouvrent souvent sur la nature des fonds permettant de financer
les activités de ces associations (Leblanc, 2003). A côté de cet engagement humanitaire,
certaines trouvent de la ressource et de l’énergie pour aller dans d’autres domaines afin de prêter
leur image à des causes qui les préoccupent fondamentalement (santé, protection du climat,
environnement, protection de la femme, sport) ou alors qui sont en relation avec les passions
de leurs époux.
La première dame actuelle du Cameroun, Madame Chantal Biya autant que celles qui
l’ont précédés Madame Jeanne Irène Biya et Madame Germaine Ahidjo, se sont toutes inscrites
dans cette tendance lourde de l’activité des premières dames que nous venons de décrire. Une
lecture particulière sera portée à l’attention que Madame Chantal Biya voue à la pratique du
cyclisme à travers l’analyse des contours du tour cycliste, dont elle est la marraine depuis
bientôt seize ans. En effet, le Grand prix international cycliste Chantal Biya est une compétition
sportive organisée chaque année, créée en 2001, la course fait partie de l’UCI Africa Tour
depuis 2006, la 16eme édition s’est tenue les 12 et 16 octobre 2016 selon un calendrier
programme par l’Union Cycliste Internationale (UCI). La réputation internationale et la

344
cooptation de ce tour dans le prestigieux circuit de l’UCI tour 1 porte la marque de l’action
discrète mais efficace de la première dame Chantal BIYA.
L’intérêt de cette étude sera d’analyser l’apport de la première dame du Cameroun dans
la construction du champ sportif et la défense des droits fondamentaux des sportifs. Quand on
est sportif, on a évidemment droit à la compétition afin de pouvoir se mesurer à d’autres et
apparaitre dans un classement comme étant le champion. Le droit au sport dans un spectre plus
large et en convoquant l’individualisme méthodologique, il nous sera loisible de voir comment
l’action d’un individu (Chantal Biya) permet d’expliquer un fait social (la protection des droits
des sportifs).
Le droit au sport est l’un des droits prévu à l’article 31 2 de la Convention
internationale des droits de l’enfant (CIDE) des Nations Unies du 20 novembre 1989. Les
droits fondamentaux, pris sous l’angle du sport soulèvent plusieurs problématiques. La
première est indéniablement relative à leur application au sein de la communauté sportive
internationale, et la seconde est de savoir si ontologiquement la pratique du sport constitue
un droit fondamental (Giummarra Sandrine, 2012). L’interaction droits fondamentaux et le
sport est esquissée à travers les principes régissant l’ensemble du mouvement sportif, aussi
bien national qu’international. La Charte olympique déclare notamment, que la pratique du
sport est un droit de l’homme qui s’effectue à l’abri de toute discrimination dans un souci de
préserver la dignité humaine (Sola Guillaume, 2009).
Les institutions sportives, sont en effet, tenues de garantir le respect des droits
fondamentaux, comme les droits de la défense qui découlent des missions et prérogatives
confiées aux fédérations sportives (Simon Gerald, 1990). Quand on analyse les droits
fondamentaux de troisième génération qui font leur apparition à la fin de la deuxième guerre
mondiale, aussi appelles « droits de solidarité » (droit à la paix, au développement, à un
environnement sain, au patrimoine commun de l’humanité, à l’information) ; qui sont in fine
des droits en gestation, on peut y classer le « droit au sport ». Qui est une aspiration profonde
des peuples, même si les contours de son articulation restent à définir avec précision ; il n’en
demeure pas moins que ce droit est garanti par le système international de protection des
droits de l’homme adossé sur l’action des autorités nationales (obligations positives des
Etats).

1
10 pays seulement pour l’Afrique, Côte d’Ivoire, Gabon, Ethiopie, Egypte, Maroc, Sénégal, Algérie, Cameroun 345
Tunisie et Erythrée.
2
Article 31 de la CIDE : « tous les enfants ont le droit de jouer, d’avoir des loisirs, des activités sportives,
culturelles et artistiques pour développer leurs talents et apprendre les valeurs liées à la vie en société ».
En ce qui concerne la méthodologie, à côté de l’exégèse juridique du contenu du droit
au sport, une enquête de terrain a eu lieu auprès d’une population cible pendant le
déroulement de la 16eme édition du Tour international cycliste Chantal Biya du 12 et 16
octobre 2016. Si l’exégèse va nous permettre de déterminer les circonvolutions opératoires
de la notion de droit au Sport, l’enquête de terrain permettra de questionner l’existant dans
l’action de la première dame pendant ce tour cycliste afin de ne pas feutrer ou calfeutrer
l’intervention d’autres autours de cette compétition sportive d’envergure.
Nous allons montrer les dimensions de l’action de la première dame dans la garantie
du droit au sport (I) grâce au tour cycliste international Chantal Biya et envisagerons dans un
deuxième mouvement analytique, un plaidoyer pour un investissement de la première dame
dans d’autres disciplines sportives (II) afin de participer à la consolidation du droit au sport
de la communauté sportive camerounaise.
I. LES DIMENSIONS DE L’ACTION DE LA PREMIÈRE DAME DANS LA GARANTIE DU
DROIT AU SPORT À TRAVERS LE CYCLISME AU CAMEROUN

L’essence de action d’un individu peu importe le champ d’expression est de donner sens et
surtout corps à une idée à travers plusieurs dimensions (Milena Dieckhoff, 2007). Nous situant
au carrefour de l’opposition entre la conception des tenants d'une sociologie bourdieusienne
reléguant l’individu comme le produit des structures sociales, qu’on n’a par conséquent pas
besoin d’intégrer à une théorisation particulière et les défenseurs de l’approche boudonnienne
qui défend la position selon laquelle les représentations ou conduites individuelles expliquent
les faits et les processus sociaux, pour ces derniers, l’individu est le ferment analytique
ontologique de tout fait social.
On tentera dans cette première partie de comprendre l’impact de l’image de la première
dame dans l’administration sportive internationale (I.1.) et analyserons la contribution
logistique de la première dame dans le tour cycliste international « Chantal Biya » (I.2.).

I.1. L’impact de l’image de la première dame dans l’administration sportive


internationale
Contrairement au rêve de ceux qui observent le sport à équidistance et avec la
littérature des spécialistes du sport, le sport n’est pas apolitique, nonobstant ce que professent
les différents emblèmes des fédérations internationales et du CIO. Il y’a toujours une dose de
politique dans le sport. En ce qui concerne le sport, dans un système international où les blocs
idéologiques de la Guerre froide n’existent plus, il devient un véhicule promotionnel, où les

346
États peuvent se positionner (Harvey et Saint-Germain, 1995). Par ailleurs, des maires, des
ministres, des chefs d’États assistent souvent aux événements sportifs qui engagent « leur »
territoire. Les luttes d’influence au sein des instances sportives, appuis promotionnels pour
les firmes exportatrices, promesses d’aide aux pays en voie de développement présents lors
de compétitions, autant d’outils de politique étrangère pris en compte grâce à la
mondialisation du sport. Pour des États de taille modeste, les tribunes et compétitions
sportives mondiales représentent, une occasion de rivaliser avec les autres nations, une vitrine
de développement touristique ou, plus stratégiquement, une revendication politique
(Boniface, 2010). Au prix de manœuvres subtiles, la participation de dignitaires aux
célébrations sportives peut s’avérer un levier stratégique efficace pour porter des intérêts
nationaux à l’agenda politique mondial. En ce sens, le sport en tant que vecteur de
développement, élément de promotion, vitrine ou encore facteur d’unité, se prête bien à
l’exercice d’une nouvelle forme de diplomatie : la « diplomatie sportive ».
C’est dans l’esprit de celui qui était alors Président de la fecacyclisme en 2001, Claude
Bernard Messi que la proposition de transformation de ce que la fédération avait alors baptisé
« la boucle du dja » qui allait de Yaoundé à Mvomeka pendant la fin des années quatre-vingt
et dix, en Grand prix Chantal Biya a germé. L’intérêt affiché par Madame Chantal Biya lors
des arrivées de la boucle du Dja a Mvomeka a incité le président de la fédération sus nommé à
réunir son administration autour du projet et transmis à la première dame, qui à accepter
immédiatement le projet.
La première dame du Cameroun en acceptant d’associer son image au tour cycliste
international permet aux organisateurs de la manifestation sportive d’activer trois leviers
fondamentaux : institutionnel, relationnel et réticulaire.
Le levier institutionnel d’abord, procède de ce que pour les organisateurs du Tour
cycliste international devant tous les partenaires pouvant intervenir dans un appui multiforme
en faveur de la manifestation sportive, à la caution de la première dame du Cameroun, l’épouse
du Chef de l’Etat. Cela donne nécessairement accès en termes de coopération internationale aux
organisateurs institutionnels (Ministère chargé du Sport) et fédéraux (Fecacyclisme) à des
partenariats inhabituels qui peuvent être sollicités, mais qui peuvent aussi, en raison de leur
intérêt pour les affaires étatiques intervenir directement dans la manifestation à l’autel de
l’échanges de bon procédés.
Le levier relationnel ensuite, car l’organisation d’une manifestation sportive peu importe
les échelles (nationale, régionale, continentale et mondiale) demande toujours l’intervention
d’un arbre relationnel important face aux nœuds administratifs et blocages de toutes nature.
347
Cela peut intervenir dans des actes aussi accessoires comme la délivrance des visas express
pour les participants au Grand Prix Chantal Biya en sollicitant l’intervention diplomatique
auprès des Ambassades du Cameroun afin de faciliter l’arrivée des acteurs. Cette sphère
relationnelle sera mise en branle par la Première dame quand les compétences des organisateurs
institutionnels et fédéraux seront limitées pour régler le blocage.
Le levier réticulaire (Ost et Van de Kerchove, 1997), enfin, car en utilisant parfois son
réseaux d’alliance international, la première dame débloque parfois, dans le cadre de cette
compétition des situations liées à la réception des équipements sportifs, du transport des
cyclistes et autres commodités.
Au niveau sportif maintenant, le fait que la première dame soit la marraine du grand prix
Chantal Biya au regard des entretiens avec les responsables fédéraux et institutionnels des
administrations en charge du tour cycliste, a permis de faciliter certaine procédure, comme celle
de l’admission du tour dans l’UCI Africa Tour. La fédération de cyclisme reconnait que l’image
de cette marraine a permis d’enclencher plus facilement la procédure d’admission de ce tour
dans le giron de l’UCI qui a besoin d’avoir des compétitions pérennes et ayant des dotations
financières capables d’entretenir la compétitivité des cyclistes dans le monde.
La première dame met donc à contribution son image, elle en a donné le droit à la
fédération de cyclisme ainsi que le partenariat avec les autres organismes de ses activités
caritatives (Fondation Chantal Biya, le Cercle des Amies du Cameroun, le Centre International
de Reference Chantal Biya). Au-delà de cette image il sera intéressant de savoir concrètement
quelle est sa contribution logistique effective, car aussi important que cela soit comme il vient
d’être démontré, les effets multiplicateurs de ces effets bénéfiques du recours à l’image doivent
être palpables.
Le droit au sport est contenu à l’article 31 de la Convention internationale des droits de
l’enfant (CIDE) des Nations Unies du 20 novembre 1989 en ces termes « tous les enfants ont
le droit de jouer, d’avoir des loisirs, des activités sportives, culturelles et artistiques pour
développer leurs talents et apprendre les valeurs liées à la vie en société ».
L’exégèse grammaticale dudit article professe que la géométrie du droit au sport
s’articule autour d’un triptyque le « droit de jouer », le « droit d’avoir des activités sportives »
et enfin le « droit de développer leurs talents ». Le droit de jouer exprime la possibilité d’avoir
accès aux divers types de « jeux », le trait prégnant à ce niveau est l’accessibilité et la
disponibilité. C’est une obligation que l’Etat à travers son système d’organisation doit pouvoir
assurer, parce que les individus détendeur de ces droits ne peuvent les mettre en œuvre propriam
mutu. Le droit d’avoir des activités sportives est lié à la participation non discriminatoire de
348
tout individu dans une pratique sportive. Ce droit a pour objectif le respect des différences
raciales, de sexes, de religions, de culture dans la pratique sportive, c’est in fine les
« pratiquants » et les modalités de la pratique sportive qui sont garantie à ce niveau. Enfin le
droit de développer leurs talents rattachés au sport, renvoi à la possibilité d’avoir une
« compétition » sportive permettant au champion d’être désigné, démontrant ainsi que ses
aptitudes physiques ou compétitives sont supérieures aux autres. C’est la possibilité qu’à travers
le sport qu’on puisse reconnaitre au pratiquant qui a eu la possibilité de faire le sport de
démontrer le « talent sportif », ce processus ne doit donc pas faire l’objet de frustration ou de
blocage pour le pratiquant.
L’exégèse logique quant à elle confesse plutôt que la jouissance de ce droit au sport
pour les individus est fonction de la mise en œuvre des mesures permettant leur effectivité, en
cela c’est un droit de la troisième génération même si ce n’est pas le critère exclusif de
classification de ce type de droit.
L’action de la Première dame doit donc être scrutée minutieusement afin de savoir la
réalité de son implication personnelle au-delà de l’image utilisée dans les différentes étapes de
la préparation et de l’organisation du Tour internationale Cycliste Chantal Biya.

I.2. La contribution logistique de la première dame dans le tour cycliste international


« chantal Biya »
La question fondamentale que l’on se pose à ce niveau est celle de savoir ce que fait
concrètement la première dame du Cameroun, Madame Chantal Biya en dehors de donner son
image au tour Cycliste international qui porte son nom, ouvrant ainsi des possibilités
polymorphes aux organisateurs institutionnels et fédéraux comme nous venons de le voir. Sa
contribution effective s’analysera autours de la présentation de l’enquête de terrain effectué
pendant l’édition 2016 du tour cycliste à Yaoundé sur un échantillon de 140 personnes
enquêtées du 12 au 16 octobre 2016.

Tableau 1 : Présentation de l’Échantillon d’enquête.


Qualités des enquêtes Nombres Hommes Femmes Age

-30 + 30
Cyclistes 30 30 0 30 0
camerounais(12) et étrangers
(18)
Fédération 3 2 1 0 3

349
Dirigeants coach 3 3 0 0 3
MINSEP 4 3 1 0 4
Fans de cyclisme pendant
la 16eme édition du Grand
50 35 15 30 20
prix Chantal Biya

Observateurs de cyclisme 50 25 25 22 28

TOTAL 140 98 (70%) 42 (30%) 82 58


(58%) (41%)
Source : notre enquête de terrain
Notre enquête est basée sur un questionnaire administré à une population cible
s’intéressant directement ou indirectement au Grand Prix International Chantal Biya. Nous
avons recherché les perceptions que la population cible ont de l’appui réel de la Première Dame
à ce tour. Il en ressort que les cyclistes et les spectateurs du Grand Prix Chantal Biya dans une
large proportion (90%) estime que l’association de son image à cette compétition lui donne
beaucoup de crédibilité. Les cyclistes étrangers dans leur majorité font savoirs que le Grand
prix organisé par la femme d’un Chef d’État africain ne peut avoir que du crédit, raison de
l’engagement de leur équipe et plus encore la sécurité qu’augure l’adjonction du label UCI.
En ce qui concerne les observateurs du cyclisme, c’est-à-dire ceux qu’on a rencontré
dans leurs activités quotidiennes, la tendance lourde estime que le tour ne doit sa renommée et
son existence en terme de moyen financier qu’à l’entregent exclusif de la Première Dame
(95%). Ils estiment que le choix du cyclisme par la première dame a été orienté par la passion
de son époux le Chef de l’État (98%).
Les administrateurs de la fédération de cyclisme et du Ministère en charge des sports
estiment dans une large proportion (100%) qu’au-delà de l’image de la Première Dame accolée
au Tour cycliste, sa présence et son influence permettent à la compétition d’avoir une envergure
internationale que ladite manifestation sportive n’aurait pas eue sans elle. Ils estiment dans les
mêmes proportions que si la Première Dame n’était plus la marraine du Tour, l’avenir de ce
dernier serait incertain au détriment des amoureux de la seule compétition cycliste au Cameroun
d’envergure internationale.
Enfin tous les observateurs et fans de cyclisme (100 personnes) ne savent pas
exactement quel rôle joue effectivement la Première Dame, car elle ou son représentant ne sont
pas visibles dans la phase préparatoire (100%), et sa visibilité pendant les différentes étapes du
tour n’est pas perceptible (90%); et enfin pour la majorité des enquêtés la Première Dame

350
devrait toujours remettre le maillot jaune au vainqueur final de l’épreuve (100%). Dans les
représentations des enquêtés, la Première Dame devrait à chaque étape décerner le maillot jaune
afin de marquer son intérêt manifeste pour « son » tour cycliste ou alors en délivrer le maillot
jaune final comme le Président de la République qui va délivrer traditionnellement le trophée
de la Coupe de nationale de football.
En ce qui concerne le budget, tous les observateurs et fans de cyclisme (100 personnes)
estiment la Première Dame supporte seule le budget de la compétition (100%). La réalité de ce
budget est qu’il oscille entre les différents acteurs en étroite collaboration (fédération et le
ministère des sports et les structures de la Première Dame. Les courbes suivantes permettent
d’en avoir une idée claire.

Figure 1 : budget croisée du Grand prix Chantal Biya et du tour du Cameroun de 2001 à 2016

Montant en Millions

210

200

190

180

170

160

150

140

130 Légende:
Courbe budget Grand Prix Chantal Biya
120
Courbe du budget du tour du Cameroun
110

100

90

80

30

20

10 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016

Cette répartition du budget nous fait comprendre qu’en termes de financement le grand
prix international cycliste Chantal Biya est largement au-dessus du tour du Cameroun dans la
351
catégorie des compétitions cyclistes au Cameroun. Si le tour du Cameroun en termes de budget
oscille entre une dizaine et une trentaine de millions par édition, le grand prix cycliste
international Chantal Biya quant à lui titille la centaine de millions en moyenne et quasiment
deux cent millions de moyenne depuis l’année d’entrée à l’UCI Africa Tour en 2006.
Au-delà de la répartition de ce budget pour une dizaine d’équipes participantes au Grand
Prix chaque année, la question fondamentale des sources de financement reste prégnante. La
figure suivante permet alors d’avoir une visualisation effective des sources de financements.

Figure 2 : Répartition du budget du grand prix cycliste international Chantal Biya

repartition des sources du budget


0
5
15
MINSEP
FCB
FCC

80

Sources : notre enquête de terrain


Cette figure démontre clairement que le Ministère des Sport et de l’éducation Physique
(MINSEP) finance quasi exclusivement le Grand prix cycliste international, contrairement à la
perception générale estimant que c’est des financements massifs venant de la Première Dame.
Le MINSEP inscrit la compétition dans le calendrier annuel des compétitions à organiser par la
fédération camerounaise de cyclisme et lui alloue un budget après que l’administration de cette
dernière lui ai fait parvenir le cahier des charges de l’édition à venir, pour inscription au budget
du Ministère. La première Dame à travers la Fondation Chantal Biya participe aussi
financièrement en prenant en charge l’achat des gratifications symboliques des membres du
podium à toutes les arrivées d’étapes et à la fin de la course. La fédération n’a qu’une portion
infinitésimale avec ses annonceurs et partenaires traditionnels.
Nous le constatons donc in fine, ce n’est pas par une contribution financière exclusive
que madame Chantal Biya participe à l’existence du tour cycliste international dont elle est la
marraine, c’est en donnant son image, ses contacts pour faciliter certaines procédures et les
352
ressources de sa fondation. C’est pourquoi il nous a semblé nécessaire au vu de la pérennité de
cette course d’effectuer un plaidoyer pour l’investissement dans d’autres champ disciplinaire
dans le microcosme sportif camerounais afin de permettre la jouissance du droit au sport.

II. PLAIDOYER POUR UN INVESTISSEMENT DE LA PREMIÈRE DAME DANS D’AUTRES

DISCIPLINES SPORTIVES POUR CONSOLIDER LE DROIT AU SPORT AU CAMEROUN

Il n’est pas question à ce niveau de dire que la Première Dame seule va résoudre les
problèmes du sport camerounais, il y’a certain sport qui sont en développement(I.1) qui
pourraient bénéficier de son image afin de s’installer dans le microcosme sportif, aussi
imaginons nous que si son action se dirigeait vers le sport féminin (I.2), cela pourrait constituer
une rampe de lancement intéressante.
II. 1. L’investissement de la première dame dans les sports en développement au
Cameroun
Certain sports comme le Golf, le Cricket, le Baseball, le Badminton, le Karting, le
Soft Ball, le Jeux de Dames, le Tir, la gymnastique, la danse sportive, l’haltérophilie, et bien
d’autres encore constituant les 49 fédérations sportives au Cameroun, ont largement besoin
d’une image comme celle de la Première Dame afin de leur permettre de sortir de l’ornière.
Pour l’essentiel ce sont des sports n’ayant pas fait l’objet d’appropriation par la communauté
sportive nationale au Cameroun autant que l’était le cyclisme avant. Car le sport en Afrique
contrairement à la conception occidentale est un bien qui appartient à la communauté, qu’on
doit partager ensemble.
Il faut aussi souligner que dans l’environnement africain (Alliot, 1989,pp 79-100) les
biens, dont le sport fait partie, appartiennent aux communautés, notion sur laquelle Ferdinand
Tönnies s’est abondamment intéressée (Tonnies,1977)3. La communauté est l’unité
fondamentale autour de laquelle s’organisent les jeux et les enjeux sociétaux en Afrique comme
le reconnait Michel Alliot (1980, pp. 89-90). La vie communautaire en Afrique permet alors un
triple partage, le partage d’une même vie, de la totalité des spécificités et du champ décisionnel
commun. En Afrique la communauté a un pouvoir réel, elle décide des rapports hiérarchiques
entre les personnes, les règles d’appropriation des biens et leur mode de gestion, bref elle est
l’unité sociologique fondamentale régulant les rapports sociaux. Il faut alors observer que la

3
Cette distinction fondamentale qu’il a effectué entre communauté (Gemeinschaft) et société (Gesellschaft) dans 353
Communauté et société est à la base de la compréhension de la dynamique des grands nombres dans la sociologie
moderne, permettant ainsi de comprendre les logiques d’actions et les interactions entre les grands ensembles
constituant la société.
communauté en Afrique considère que la femme incarnation de la hiérarchie est sacrée (Diallo
Segni-Sambo, 1977), ou alors dépositaire des pouvoirs coutumiers (Nguebou Toukam, 2003,
PP 89-108) .C’est pourquoi l’action de la Première dame dans le sport est un levier stratégique
(Pougoue, 1977, p.181) dans la stratégie de développement des sports en construction.
Si l’action de la Première Dame s’étendait a ces sports en développement, leur visibilité
en serait garantie ou alors au moins la pérennité de certaines compétition.
II.2. L’investissement de la première dame dans le sport féminin au Cameroun

A ce niveau l’idée est d’imaginer une promotion du Sport en se fondant sur la variable
« genre », cela en se situant à équidistance des problématiques sur ce vaste sujet ayant saisi
l’espace de la science sociale. Le postulat avancé ici n’est pas de penser que comme la Première
Dame est de « sexe » féminin, elle doit par ricochet œuvrer au développement du sport féminin,
bref s’en occuper, que non! L’idée contenue dans ce mouvement analytique est que la Première
Dame utilise son statut pour être facilitatrice du développement du sport féminin au Cameroun
qui est dans un état préoccupant.
Les championnats féminins dans différentes disciplines sportives au Cameroun qu’elles
soient collectives (football, volleyball, basketball, rugby, handball) ou individuelles (tennis,
golf, natation, etc), sont quasiment inexistant. L’organisation minimale attendue au niveau
fédéral est évanescente, pas nécessairement sur le fondement de la négligence du sexe féminin,
mais des problèmes ontologiques structurels de l’État loin du Sport et même autour du sport
(programmation des compétitions, discipline, gouvernance, etc).
C’est pour ces raisons que nous postulons que si la Première Dame prête son image à
ces différents sports féminins, ces derniers vont bénéficier non seulement de la caution
institutionnelle leur ouvrant beaucoup de perspectives nationales et internationales, mais surtout
d’une compétitivité minimale pérenne. Nous l’avons aussi vu pour le cyclisme, la tutelle
administrative et financière du tour cycliste Chantal Biya a une attention soutenue sur ladite
compétition car elle voudrait en toute circonstance préserver l’image de marque de notre pays
au-delà du Sport.

Conclusion
Au crépuscule de notre analyse, nous pouvons constater que l’action de la Première
Dame à travers le tour cycliste international dont elle est la marraine se résume essentiellement
en la cession de son image, permettant ainsi à la manifestation sportive d’avoir un encrage
institutionnel bénéfique pour résoudre les difficultés éventuelles. Aussi les différents acteurs
354
intervenants autours de l’activité sportive, c’est-à-dire la tutelle administrative et financière le
MINSEP et la tutelle technique la fédération camerounaise de cyclisme, déploient tous les
efforts nécessaires afin que l’image de marque de notre pays soit préservée en toute
circonstance. Bien plus en donnant son image à cette compétition, la Première Dame du
Cameroun permet qu’une compétition de cyclisme d’envergure internationale ait lieu au
Cameroun chaque année, donnant droit aux cyclistes camerounais de pouvoir se mesurer à
d’autres concurrents, par ce fait même elle assure la jouissance du droit au sport. A notre sens,
elle le consoliderait en étendant son action au-delà du cyclisme, raison pour laquelle nous avons
fait ce plaidoyer afin de l’expliquer la nécessité d’une diversification disciplinaire de cette
dernière.
Car in fine, si le sport dans son essence ontologique professe l’apolitisme comme valeur,
dans sa pratique et son administration il confesse une interpénétration intime avec la politique.

Références Bibliographiques

- Ferdinand Tönnies (1977), Communauté et société : catégories fondamentales de


la sociologie pure, Retz, CEPL, Paris.

- Guillaume Sola (2009), Sportif et Droits fondamentaux, Thèse de Doctorat en Droit,


Université de Lyon II,

355
- Josette Nguebou Toukam (2003), « Les droits des femmes dans les pays de tradition
juridique française », L'Année sociologique, Vol. 51, PP 89-108.

- Laurent Cotula (2012) “The international political economy of the global land rush: A
critical appraisal of trends, scale, geography and drivers” Journal of Peasant Studies 39(3-4).

- Michel Leblanc (2003), « La belle histoire des pièces jaunes », le cherche midi.

- Paul Gerard Pougoue (1977), La famille et la terre : Essai de contribution à la


systématisation du droit privé au Cameroun, doctorat en Droit, Université de Bordeaux I, 381P.

- Segni-Sambo Diallo (1977), « L’évolution du droit traditionnel : fondement de la


dualité des juridictions en haute volta », Penant, n°757.

- Valerie Treirweiler (2014), Merci pour ce moment, les Arènes, 330P.

- Vincent Hugeux (2014), Reines d’Afrique, Perrin.

-Gerald Simon(1990), puissance sportive et ordre juridique étatique Contribution à


l’étude des relations entre la puissance publique et les institutions privées, LGDJ, Paris, 428P.

-Milena Dieckhoff,(2007),L’individu dans les relations Internationales : Le cas du


médiateur Martti ahtisaari, Harmattan.

-Pascal Boniface(2002), La terre est ronde comme un Ballon : Géopolitique du


Football, Seuil, Paris, 202P.

-Sandrine Guimmara (2012), les droits fondamentaux et le sport contribution à l'étude


de la constitutionnalisation du droit du sport, Thèse de Doctorat en Droit, Université d’Aix-
Marseille, 467 P.

356
LES TEMOIGNAGES

357
Photo 1 : Immeuble siège du C

IRCB

Le CIRCB organe stratégique pour la vision de la Première Dame. Professeur


Alexis NDJOLO, Directeur du CIRCB.

Photo 2 : Le 23 février 2006 à l’inauguration du CIRCB en présence des autres


premières Dames d’Afrique et du Pr Luc Montagnier
358
Né de la volonté de la Première Dame en 2006, le Centre International de Référence
« Chantal Biya », en abrégé CIRCB, est une structure de recherche singulière en Afrique au
Sud du Sahara. Il est en effet la marque concrète de l’action de soutien de la Première Dame du
Cameroun à ses compatriotes infectés et affectés par le VIH et le SIDA. Il est surtout le résultat
du plaidoyer fait par Madame Chantal Biya auprès des gouvernements camerounais et italien,
et auprès d’un certain nombre de partenaires internationaux dont l’UNESCO, la Fondation
Mondiale Recherche et Prévention SIDA de Paris, et l’Institut de Virologie Humaine de
Baltimore. La mission assignée au CIRCB, structure scientifique de recherche de haut niveau,
est de contribuer, par la recherche, à la lutte contre la pandémie du VIH/SIDA. Dans ce
domaine, le CIRCB est aujourd’hui l’un des pôles d’excellence en Afrique. Il mène des
recherches sur la prévention du VIH, sur l’amélioration de la prise en charge des personnes
vivant avec le VIH et délivre des enseignements spécifiques aux professionnels de santé sur
l’évolution et la maîtrise des connaissances sur cette pandémie.

Le CIRCB est devenu un Etablissement Public Administratif (EPA) de type particulier, à


la faveur du décret présidentiel n°2012/249 du 31 mai 2012 portant création, organisation et
fonctionnement de cette institution. Il a été ainsi placé sous la tutelle technique du Ministère de
la Santé publique (MINSANTE) et la tutelle financière du Ministère en charge des finances
(MINFI). Cette disposition a eu pour effet de rassurer tous les intervenants aux programmes
mis en œuvre au CIRCB. En effet, comme structure publique de recherche pluridisciplinaire à
vocation nationale et internationale, il devenait impérieux de rationaliser son fonctionnement à
tous les niveaux.

Aujourd’hui, l’impact des actions menées par cette structure, placée sous la vigilance de
la Première Dame, est perceptible et apprécié par l’ensemble des communautés, tant au niveau
national qu’à l’international.

Les actions menées par Mme Chantal Biya, à travers le CIRCB, sont empreintes de
générosité, de solidarité et d’humanisme. Elles peuvent être décryptées par le prisme
scientifique et universitaire, pour nous permettre d’appréhender objectivement sa vision
stratégique.

359
Au plan national

Les activités de recherche menées par le CIRCB, ainsi que les coopérations tissées
conséquemment avec les partenaires et autres institutions universitaires et médicales nationales
sont innombrables.

A la création du CIRCB et pour Madame Chantal Biya, la recherche en vue du


développement d’un vaccin anti-VIH dans nos laboratoires devait constituer la principale
mission assignée à cette structure. N’avait-elle pas déclaré à l’inauguration de ce Centre, le 23
février 2006 et je cite « Je suis persuadée que grâce à notre mobilisation, notre volonté et notre
détermination communes, nous saurons faire en sorte qu’il (le CIRCB) réponde aux attentes de
nos populations. Alors peut-être qu’un jour, pourquoi pas, grâce aux travaux de ce Centre,
conjugués à ceux des communautés scientifiques mondiales, nous vaincrons le SIDA», fin de
citation. Cette délicate et très importante activité de développement d’un vaccin anti-VIH est
toujours en cours dans nos laboratoires, notamment dans les laboratoires dédiés à la
Vaccinologie et l’Immunologie. A ce jour, deux candidats vaccins ont subi une évaluation
préclinique en vue des essais cliniques. Le processus d’obtention des autorisations éthiques et
administratives pour préparer la phase des études cliniques est engagé et en cours.

L’élaboration d’un vaccin biologique anti-VIH étant une œuvre ardue qui risquerait de
prendre encore quelque temps, au regard de la complexité génétique des individus et au regard
des mutations constantes du virus HIV, la Première Dame a instruit de diffuser parallèlement
et sans attendre un vaccin dit social.

Ce dernier par définition, rappelons-le, est un ensemble de méthodes stratégiques


d’information et de communication qui visent à prévenir les infections sexuellement
transmissibles, et principalement le VIH et le SIDA. Il s’adresse prioritairement au milieu
éducatif, à savoir les jeunes élèves encore naïfs, les étudiants et leurs enseignants. L’objectif au
départ était d’atteindre, en deux ans au moins, 5,5 millions d’élèves et étudiants, et 130 000
enseignants. Depuis 2009, année de lancement de ce programme au Cameroun, cet objectif fixé
par la Première Dame a été largement atteint, grâce à l’appui des partenaires dont l’UNESCO,
le Ministère de l’Education de Base (MINEDUB), le Ministère de l’Enseignement Supérieur
(MINESUP) et le Ministère des Postes et Télécommunications (MINPOSTEL). Sur 25
descentes réalisées sur le terrain pour le déroulement de cet important programme, huit des 10
régions du Cameroun ont été visitées à ce jour, à l’exception des régions du Nord et l’Extrême
Nord. Les régions visitées ont bénéficié des bienfaits de ce programme. A travers ce programme
360
porté par le CIRCB, Madame Chantal Biya a fait don de 14 centres
multimédia/vidéoconférences aux communautés, ainsi que de nombreux ouvrages et de
didacticiels éducatifs sur le VIH et le SIDA. Le vaccin social permet également de sensibiliser
et d’encourager concomitamment les populations cibles aux dépistages spontanés gratuits,
volontaires et anonymes de l’infection à VIH. Ce programme de la Première Dame permet à la
communauté éducative, non seulement de disposer des outils informatiques de qualité à
proximité avec cette possibilité d’échanger à distance avec des interlocuteurs du monde entier,
mais aussi d’améliorer leur connaissance sur le VIH et le SIDA, pour mieux les prévenir. La
stratégie de sensibilisation spécifique au VIH/SIDA utilise des méthodes simples et accessibles
à tous: discussions suscitées sur le VIH, formation de base des encadreurs sur la pandémie et
information sur la vie en communauté avec les personnes vivant avec le VIH (PVVIH). Dans
le même temps lors des descentes du programme vaccin social sur le terrain, les experts
multisectoriels de la caravane du vaccin social encouragent toujours la prise en charge effective
dans notre système de santé des cas dépistés positifs. Cette prise en charge des cas a été
largement améliorée aujourd’hui, grâce à la gratuité des traitements antirétroviraux instaurée
par les pouvoirs publics de notre pays, depuis quelques années.

En perspective pour ce programme, une évaluation à mi-parcours est imminente pour


évaluer son impact réel dans la prévention du VIH et du SIDA dans notre pays. Par ailleurs, il
est envisagé dans les prochains jours l’extension des activités du vaccin social à l’ensemble du
secteur éducatif, notamment vers les milieux éducatifs du secondaire et universitaire. Enfin,
prenant en compte le rôle éminemment sensible de Madame Chantal Biya, Ambassadrice de
bonne volonté de l’UNESCO et Ambassadrice spéciale de l’ONUSIDA, et conformément aux
engagements pris par les Ministres des pays de la CEMAC en charge de l’éducation lors de leur
réunion tenue à Douala les 28 et 29 octobre 2008, le CIRCB voudrait s’engager à étendre les
activités du vaccin social aux pays de la sous-région.

Par ailleurs et répondant à la volonté de la Première Dame, le CIRCB mène sur le territoire
national des activités de dépistage pour les enfants nés de mères séropositives au VIH. Ce
programme national de diagnostic précoce (PNDP) du VIH est un programme placé sous la
diligence et la coordination du Ministère de la Santé publique. Le CIRCB y contribue par son
expertise scientifique dans le domaine du laboratoire. En effet, il aide au dépistage précoce et
gratuit des jeunes enfants en utilisant les méthodes diagnostiques modernes: prélèvements
sanguins recueillis sur du papier buvard ou DBS (Dried Blood Spot) et analyses de ces
prélèvements par la PCR (Polymerase Chain reaction). La PCR, rappelons le, utilise des
361
techniques de diagnostic moléculaire très sensibles et spécifiques permettant de détecter
l’infection à VIH à partir du génome viral constitué de l’ADN et de l’ARN. Cette détection
virologique d’antigènes ou de particules virales s’opère sur les cellules infectées ou à partir du
plasma. Ce dépistage dit précoce concerne les enfants dont l’âge varie entre 6 semaines et 18
mois.

Ainsi, plus de 700 sites de diagnostic précoce ont été créés à travers le territoire national
et sont actuellement supervisés par le CIRCB. La première cartographie de séropositivité des
enfants dépistés a été établie par formation sanitaire en 2008 et révisée en 2014. Elle a révélé
une énorme disparité des résultats par sites (cf annexe 1). Les résultats obtenus nous ont permis
de conclure que les efforts consentis jusqu’alors par les pouvoirs publics et la Première Dame
à travers le CIRCB ont significativement contribué à la réduction du taux de transmission du
VIH de la mère à l’enfant dans notre pays. Ce taux est en effet passé de 13,73% en 2008, à
7,70% en 2014, dans les sites supervisés par le CIRCB. S’agissant du rendu des résultats de ces
tests, sa rapidité a été améliorée par l’usage des « SMS Printers » entre le CIRCB et les sites de
prélèvements. Cette technologie moderne et innovante a été mise en place avec le soutien de
certains partenaires dont principalement les fondations Clinton et MTN. Elle permet désormais
la délivrance instantanée des résultats validés par les laboratoires du CIRCB. En cela, elle a
véritablement contribué à l’amélioration du niveau de performance atteint ces dernières années
par le programme national de PTME (Prévention de la Transmission du VIH de la Mère à
l’Enfant). Près de 5 000 enfants sont ainsi testés chaque année par le CIRCB et les résultats de
leurs tests rendus rapidement aux familles et aux prescripteurs, pour permettre une prise en
charge précoce et efficace des cas.

Toujours dans ce cadre précis de la PTME, la contribution du CIRCB se traduit et peut


s’apprécier par la qualité des informations obtenues des projets de recherche. Ainsi, il en est du
projet MOBABY (Mother and Baby) dont l’objectif est de déterminer et de mieux comprendre
les facteurs favorisant la transmission du VIH de la mère à l’enfant, en dehors des facteurs
communément identifiés et déjà pris en compte par les personnels de santé dans la lutte contre
le VIH pédiatrique.

Les programmes de recherche pour l’amélioration de la prise en charge des patients vivant
déjà avec le VIH (PVVIH), encouragés aussi par Madame Chantal Biya, constituent également
un axe de recherche prioritaire du CIRCB, avec des résultats bénéfiques pour le suivi des
PVVIH. Ces programmes ont amélioré significativement la survie de ces PVVIH.

362
S’agissant tout d’abord des tests de résistance du VIH aux traitements antirétroviraux
(TARV), leur accessibilité financière a été améliorée depuis juillet 2016 pour les patients. En
effet, le coût unitaire de cet important examen dans nos laboratoires est passé de 100 000 à
10 000 FCFA. Cet examen, il faut le rappeler, n’était réalisé autrefois qu’à l’étranger, avec les
délais très longs d’attente des résultats, sans compter les coûts prohibitifs devant être supportés
par les patients. Dans le cadre de la politique visant la maîtrise de ces résistances du VIH aux
TARV, le CIRCB mène des projets de recherche ces deux dernières années dans quatre régions
du Cameroun. Les résultats préliminaires issus de ces projets laissent apparaître que le taux
moyen des résistances aux TARV est de 7,1%. Mais la valeur réelle de ce taux devrait être
consolidée après analyse des résultats obtenus de l’ensemble des dix régions du Cameroun. Cet
important travail est en cours. Il devrait permettre à nos prescripteurs d’être informés et
sensibilisés de la montée croissante des résistances dans notre milieu et de rester toujours en
éveil.

Nord (0%)

Centre (7,5%)

Littoral (4,9%)

Est (11,6%)

Moyenne sur4 Régions:


7,1%

Photo 3 : Cartographie des résistances du VIH aux traitements ARV

Ensuite et en ce qui concerne les examens de charge virale et de mesure des taux de
lymphocytes CD4, examens demandés dans le cadre du suivi des patients séropositifs au VIH

363
sous traitement, le CIRCB à des coûts unitaires subventionnés de 5 000 FCFA et 2 500 FCFA
respectivement. Cette réduction des coûts a également amélioré l’accessibilité de ces tests aux
PVVIH. Plus de 5 000 examens de CD4 et 4 000 charges virales sont ainsi réalisées
annuellement dans nos laboratoires. Ces examens sont habituellement demandés avant la mise
sous traitement et sont un véritable guide de suivi des malades sous TARV.

Les activités de recherche en santé publique sont aussi développées au CIRCB. Elles ont
bénéficié de l’adhésion coopérante et populaire de la part des Administrations, des Autorités
traditionnelles, religieuses et politiques, des associations civiles, des formations hospitalières et
même des Universités camerounaises. A cet égard, de nombreuses conventions de partenariat
ont été signées avec des structures telles que le MINESUP, le MINEDUB, le MINPOSTEL, la
CRTV (Cameroon Radio Television), IMPM (Institut médicale d’étude des plantes
médicinales), le CHU (Centre hospitalier universitaire) et l’Hôpital Central de Yaoundé, le
CNLS (Comité national de lutte contre le SIDA), l’Université de Yaoundé I, Synergies
Africaines contre le SIDA…etc.

En somme, les actions sus rappelées et mises en œuvre au CIRCB avec le soutien de la
communauté nationale sont concrètes et d’utilité publique. Elles ont accroché la communauté
internationale qui a marqué son adhésion aux actions menées au CIRCB par Mme Chantal Biya.

Au plan international

Divers pays et organisations internationales sont ainsi venus en appui au CIRCB, sous le
couvert de SE Madame Chantal Biya, Ambassadrice de bonne volonté de l’UNESCO et par
ailleurs Ambassadrice spéciale de l’ONUSIDA, dans le but de coopérer étroitement avec elle
pour la lutte contre le VIH et le SIDA. Quelques-uns de ces partenaires peuvent être cités en
exemple ici : l’Italie, la Grande Bretagne, la France, les Etats Unis, l’OMS et l’ONUSIDA,
l’UNESCO, l’AUF (Agence universitaire de la francophonie, EDCTP (The European and
developing countries clinical trials partnership)…etc.

S’agissant de l’Italie, le CIRCB est cosignataire de nombreuses conventions de


collaboration avec ce pays et avec certaines de ses institutions universitaires telles que
l’Université de Rome Tor Vergata. Ces conventions visent à renforcer la mise en œuvre des
programmes d’amélioration de la santé de la mère, de l’enfant et de l’adolescent, ainsi que celui
relatif à la lutte contre la maladie et la promotion de la santé. Elles ont pour objectif par ailleurs
de contribuer à l’amélioration de l’expertise des chercheurs du CIRCB tout en assurant le

364
transfert de technologies. Plus concrètement, et relativement aux accords de collaboration
récemment signés avec l’Université de Rome Tor Vergata, cinq axes prioritaires ont été retenus
ces dernières années et sont en cours de mise en œuvre:

1- Le développement dans nos laboratoires respectifs des études sur les compléments
nutritionnels à base de « Moringa » pour les personnes vivant avec le VIH ;
2- Le recueil et l’exploitation des données sur les enfants nés de mères séropositives
dans les sites supervisés par le CIRCB ;
3- L’évaluation scientifique de l’impact du vaccin social dans la lutte contre le VIH et le
SIDA.
4- La caractérisation des leucémies et des lymphomes par des techniques de cytométrie
et de biologie moléculaire ;
5- Et le développement du projet des tests d’identification humaine à l’aide des
plateformes existantes au CIRCB.

En marge de ces priorités, le gouvernement Italien, qui a déjà formé dans ses Universités
plus d’une dizaine de cadres du CIRCB en poste, continue de soutenir la formation continue et
le recyclage de nos personnels scientifiques. A ce titre, il convient de relever qu’un italien, le
Professeur Carlo Federico Perno, de l’Université Rome Tor Vergata, préside le Conseil
scientifique du CIRCB ; et que le Professeur Vittorio Colizzi de la même Université, siège au
même Conseil scientifique.

Ces résultats obtenus avec l’appui de la coopération italienne ont été salués par le
Président de la République du Cameroun, à l’occasion du dîner offert en l’honneur du Président
de la République italienne le 17 mars 2016 au Palais de l’Unité. Il disait et je cite : « Votre pays,
Monsieur le Président de la République italienne, accorde depuis sa création, il y a dix ans,
une aide précieuse au Centre International de Référence Chantal Biya (CIRCB) pour la
recherche sur le VIH. Permettez-moi, avant de conclure, de vous en remercier très
sincèrement », fin de citation. Cette satisfaction, clairement exprimée, a été partagée par Mme
Laura Mattarella qui a visité, le même jour, le personnel et les laboratoires du CIRCB.

En perspective, un accord de partenariat est en cours avec l’Université de Milan avec le


grand appui de nos partenaires du Conseil scientifique.

L’Université de Liverpool, au Royaume Uni, a accompagné le CIRCB dans de nombreux


projets dont CHAIN. Il s’agit d’un projet dont visant à évaluer la monothérapie chez les PVVIH

365
stabilisés. Cette étude menée en 2014 et 2015, en collaboration avec notre institution, a permis
d’asseoir l’opportunité et l’efficacité réelle de la trithérapie dans la prise en charge de l’infection
à VIH dans notre contexte.

La France quant à elle, a soutenu le CIRCB depuis sa création, à travers les apporte de
grands scientifiques dont le Professeur Luc Montagnier, prix Nobel de Médecine 2008, et le
Professeur Jacques Thèze de l’Institut Pasteur de Paris. Ces éminents hommes de science, sur
invitation bienveillante de la Première Dame du Cameroun, ont à la fois régulièrement siégé au
Conseil scientifique du CIRCB et encadré plusieurs projets de recherche. Le vaccin social et le
MOBABY sont très illustratifs à cet égard.

Les Etats unis ont pour leur part contribué à la formation de nombreux scientifiques du
CIRCB avec l’appui du Professeur Richard Roberts de l’Université de Harvard à Boston, autre
prix Nobel, et à travers diverses autres Universités dont celles de New York, du Nebraska et de
Maryland (Baltimore). Des contacts sont régulièrement entretenus dans le cadre du
renforcement des capacités des chercheurs et des stagiaires post doctorants du CIRCB.
Beaucoup de facilités sont également accordée pour l’accès de ces personnels aux ateliers et
autres congrès scientifiques organisés aux Etats Unis. La Première Dame a souvent favorisé le
retour au pays et le recrutement au CIRCB des cadres camerounais formés aux Etats unis.

Le CIRCB et l’OMS entretiennent aussi des collaborations de haut niveau. Le 14


décembre 2012, le Docteur Luis Gomes Sambo, alors Directeur régional de l’OMS pour
l’Afrique, avait visité le CIRCB à l’occasion de la commémoration des 50 ans de coopération
entre le Cameroun et l’OMS. A cette occasion, et prenant en compte les activités de recherche
et de santé publique menées par nos laboratoires avec le soutien politique de la Première Dame,
le CIRCB a été proposé comme centre collaborateur de l’OMS.

Monsieur Michel Sidibé, Directeur exécutif de l’ONUSIDA, a effectué quant à lui une
visite de travail au CIRCB le 1er juin 2015, accompagné entres autres personnalités du Ministre
de la Santé Publique du Cameroun. Cette visite a permis à notre hôte de prendre connaissance
et de se satisfaire des travaux de recherche réalisés par CIRCB, de même que pour sa
contribution dans la prévention de la transmission mère-enfant du VIH. Pour l’essentiel et à
titre d’exemple, il a été relevé une diminution de 50% de cette transmission, en 8 années de
travail, dans les sites supervisés par le CIRCB. Ceci constitue une avancée considérable et
perceptible dans ce domaine.

366
Le 14 novembre 2008 à Paris, le Directeur Général en exercice de l’UNESCO, M
Koïchiro Matsuura, en reconnaissance du travail abattu par Mme Chantal Biya, la désignait
Ambassadrice de bonne volonté de l’UNESCO pour l’Education et l’inclusion sociale. Cette
nomination devait définitivement sceller le partenariat entre l’UNESCO et le CIRCB dont Mme
Chantal Biya est la marraine. A ce titre, le CIRCB devait s’engager davantage dans la recherche
sur la prévention du SIDA chez les enfants et sur le développement du vaccin social en milieu
éducatif en Afrique subsaharienne. C’est dans cette logique que le CIRCB reçut le 16 septembre
2014, la visite de Mme Irina Bokova, nouvelle DG de l’UNESCO, dans le but d’évaluer cette
coopération. A l’issue de la séance de travail de restitution des activités menées avec le CIRCB,
notamment à travers le projet « Families First Africa », une visite guidée des laboratoires a été
effectuée et l’annonce de la candidature du CIRCB pour être Centre de catégorie 2 de
l’UNESCO. Ce dossier a été déclaré recevable et est en cours d’examen.

Il existe également des collaborations fortes entre le CIRCB et l’Agence universitaire de


la francophonie (AUF). En effet, comme membre titulaire de cette organisation depuis 2009, le
CIRCB participe activement aux divers programmes de l’Agence. Les deux derniers Recteurs
de l’AUF ont visité notre centre : le Professeur Bernard Cerquiglini le 23 septembre 2014 et le
Professeur Jean Paul de Gaudemar en mai 2015. Les structures du CIRCB ont également
accueilli les Recteurs et Responsables des institutions de recherche de la zone Afrique centrale
et des Grands lacs en leur dernière concertation stratégique.

Le projet EDCTP (European and developing countries clinical trials partnership), grâce
au plaidoyer fait par la Première Dame, a apporté un soutien financier de qualité au CIRCB ces
six dernières années. Ce soutien a été orienté en direction des activités de maitrise de l’infection
à VIH et de ses coïnfections que sont le paludisme, la tuberculose pour sa phase 1 et vers la
mise en oeuvre de sa phase 2 relative à l’étude des résistances du VIH aux ARV dans la
population des adolescents et des jeunes.

Enfin, notre structure entretient des collaborations étroites avec le CAMES. C’est fort de
ces liens orientés dans la recherche de l’excellence que les laboratoires du CIRCB ont abrité
certaines épreuves du dernier concours d’Agrégation de Médecine humaine du CAMES
organisé à Yaoundé en novembre 2014. Les présidents des jurys ont, à cette occasion, délibéré
dans notre salle de conférences.

367
Photo 4 : Un laboratoire du CIRCB

Pour conclure,

Toutes ces actions non exhaustives, de portée nationale et internationale, menées par la
première Dame du Cameroun, traduisent à suffisance la grande sensibilité, l’humanisme, la
générosité et l’esprit de solidarité qui caractérisent la personnalité de Madame Chantal Biya.
Ses diverses initiatives en direction de toutes les couches sociales et surtout en direction des
personnes vulnérables infectées et affectées par le VIH sont palpables et visibles à travers le
CIRCB. La quinzaine de publications de très haut niveau traitant du VIH et du SIDA sorties
des laboratoires du CIRCB et publiées dans les revues à grand impact représente une
contribution exceptionnelle de Madame Chantal Biya au domaine sensible et hermétique de la
science médicale. C’est une dimension exceptionnelle de l’œuvre de Madame Chantal Biya que
nous devons verser à l’Histoire, à la communauté scientifique nationale et internationale et à
notre conscience. C’est notre devoir, comme acteur de proximité au CIRCB, de porter ce
témoignage. C’est évidemment un grand privilège pour nous, responsables et membres actifs
de cette prestigieuse institution, de dire et de certifier cette vérité.

368
La reproduction humaine : un droit fondamental féminin. Professeur Jean Marie
KASIA, Administrateur Directeur Général CHRACERH

Introduction

Le concept de Reproduction Humaine comme droit fondamental nous amène à prendre


en compte un certain nombre de considérations qui tiennent à la fois de l’interrogation sur ce
qui est de l’essence humaine et du rôle du droit dans la création, la protection et la valorisation
de la vie depuis ses premiers moments jusqu’à sa fin dernière, y compris l’ensemble des actions
et mécanismes devant concourir à la promotion de la qualité de cette vie.
Ainsi, les droits fondamentaux constituent des droits propres à l’individu, et qui sont
promus et protégés dans le cadre des Etats ou par les organisations inter-étatiques auxquelles
ils appartiennent, soit au niveau universel ou étatique.
C’est vrai que nous appréhendons mieux ces droits dans le vocable de droits de
l’homme, de libertés publiques, ainsi que des nouveaux droits qui en émergent.
La reproduction humaine, en tant que bien fondamental trouve donc tout son sens dans
la perspective des droits fondamentaux, qui selon Finnis, se décline en sept (07) biens
fondamentaux lesquels concourent à l’épanouissement et à la réalisation humaine.
Parmi ces biens fondamentaux on retrouve :
➢ la vie et la reproduction,
➢ la connaissance,
➢ le jeu,
➢ l’expérience esthétique,
➢ la sociabilité,
➢ le caractère critique et
➢ la religion.
Le droit ne se conçoit qu’en fonction des biens fondamentaux dont il assure la protection
et la promotion. En effet, le droit à la santé en général et le droit à la santé sexuelle et
reproductive en particulier sont reconnus au niveau international comme étant un droit humain
universel.
Dans sa Lettre Encyclique Humanae Vitae du 25 juillet 1968 sur « le mariage et la
régulation des naissances », le Pape Paul VI précise que : « l’Eglise en revanche n’estime

369
nullement illicite l’usage des moyens thérapeutiques vraiment nécessaires pour soigner les
maladies de l’organisme ».

L’Etat Camerounais, de concert avec les institutions internationales et les organisations


non gouvernementales, a toujours œuvré pour la promotion et la préservation de la dignité
humaine ; objectif visé par les Nations Unies depuis la Déclaration Universelle des Droits de
l’Homme de 1948 et la Charte Africaine des Droit de l’homme et des Peuples.

Ainsi la Première Dame du Cameroun, Madame Chantal Biya, dans son élan
d’humanisme aux côtés de son illustre époux, accompagne le Gouvernement de la République
dans ses politiques publiques visant la promotion des droits fondamentaux au nombre desquels
la Reproduction Humaine. L’objectif primuminterpares de ces différentes actions est de
soulager les souffrances des populations dans les domaines sociaux de l’éducation et de la santé
entre autres.

Les structures telles que :

➢ le Cercles des Amis du Cameroun (CERAC),

➢ le Centre International de Référence Chantal Biya (CIRCB),

➢ les Synergies Africaines contre les souffrances et le SIDA,

➢ la Fondation Chantal BIYA (FCB)

constituent la charnière de cette œuvre de promotion de ces droits sociaux qui couvrent les
domaines aussi divers que la lutte contre les grandes pandémies (VIH-SIDA), les souffrances
et l’exclusion sociale, la santé de la mère et de l’enfant etc.

➢ la dernière-née à cette dynamique remarquable est la création du Centre Hospitalier de


Recherche et d’Application en Chirurgie Endoscopique et Reproduction
Humaine(CHRACERH), véhicule de mise en œuvre de la reproduction humaine et de
la promotion des droits y afférents.

Les travaux théoriques et doctrinaux en la matière permettent d’inscrire l’œuvre de


Madame Chantal BIYA dans le panthéon des acteurs de la promotion de la Reproduction
Humaine comme un droit fondamental féminin. D’ailleurs, Doris Bonnet et Agnès Guillaume
[ ;;;], le soulignent si bien dans leur article intitulé « la santé de la reproduction : une

370
émergence des droits individuels ». De même que le Programme d’Action de la Conférence
Internationale sur la Population et le Développement (CIPD) des Nations Unies de 1994 qui
reprend la définition la santé de la reproduction selon l’Organisation Mondiale de la Santé
(OMS), en référence au concept de santé, énoncé lors de la conférence d’Alma Ata en
1978 : « la santé de la reproduction n’est pas considérée uniquement comme une absence de
maladie ou de trouble dans le processus reproductif, mais plutôt comme une condition par
laquelle ce processus s’accomplit dans un état de complet bien-être physique, mental et social.
Cela implique que les individus aient la possibilité de se reproduire, que les femmes puissent
mener à bien leur grossesse et accoucher sans risque et que la reproduction ait une issue
heureuse (survie des enfants et croissance satisfaisante). Cela signifie aussi que les individus
soient capables de réguler leur fécondité et d’avoir une sexualité sans danger ».

Il découle de cette vision et de ce vaste chantier des droits reproductifs qui peuvent être
vus comme ces droits, possédés par toutes les personnes, leur permettant l’accès à tous les
services de la santé reproductive. Ils incluent aussi le droit de prendre les décisions
reproductives, en étant libre de toute discrimination, violence et coercition...

Les droits reproductifs sont intimement liés à d’autres : le droit à l’éducation, le droit
d’être libre de violence domestique, le droit de ne pas être marié avant d’être physiquement et
psychologiquement préparé pour cet événement, et le droit à un statut égal au sein de la famille,
[ONU, 1998 a : 180].

Généralités

1. Définitions
a) La santé de la reproduction
La santé de la reproduction est un état de bien- être général, tant physique que mental et
social, de la personne humaine pour tout ce qui concerne l’appareil génital, ses fonctions et
son fonctionnement et non pas seulement l’absence de maladies ou d’infirmités. Cela suppose
qu’une personne peut mener une vie sexuelle satisfaisante en toute sécurité, qu’elle soit capable
de procréer et qu’elle soit libre de le faire aussi souvent ou aussi peu souvent qu’elle le désire.
b) L’infertilité
L’infertilité est l’incapacité biologique à concevoir des enfants.

371
L’infertilité primaire se réfère à des femmes ou à des couples qui n’ont pas réussi à
concevoir un enfant (en général après un an de rapports sexuels réguliers au moins 3 fois par
semaine sans l’utilisation de méthode contraceptive).
L’infertilité secondaire se réfère aux personnes qui ont eu au moins un enfant, mais qui
ne peuvent pas en concevoir d’autres. Cela est souvent dû à une infection sexuellement
transmissible qui n’a pas été traitée.

c) Les droits reproductifs


Quant aux droits reproductifs, ils peuvent être vus comme ces droits possédés par toutes
les personnes, leur permettant l’accès à tous les services de santé reproductive. Ils incluent aussi
le droit de prendre les décisions reproductives, en étant libre de toute discrimination, violence
et coercition, le droit à l’éducation, le droit d’être libre de violence domestique, le droit de ne
pas être marié avant d’être physiquement et psychologiquement préparé pour cet événement, et
le droit à un statut égal au sein de la famille» [ONU, 1998 a : 180].

Ainsi, le Cameroun depuis plusieurs années a adopté le programme de santé de la


reproduction, comme un puissant levier de réduction sensible de la pauvreté et par conséquent,
l’amélioration du bien-être des populations.
En effet, la contribution de la réduction à la morbidité et mortalité maternelle, néonatale,
infantile et infanto-juvénile constitue une priorité des actions à mener dans la cadre de cette
politique.

2. Epidémiologie de mortalité maternelle et de l’infertilité


Dans le monde, plus d’un demi-million de femmes meurent chaque année de
complications de l’accouchement et de la grossesse. Le SIDA fait trois millions de victimes.
Au total, les maladies et les décès dus à la mauvaise santé en matière de reproduction
représentent un cinquième du fardeau mondial de la maladie et près d’un tiers chez les femmes.
Plus de 358 000 filles et femmes décèdent chaque année dans le monde de causes liées
à la grossesse soit près de 1 000 décès par jour et 99 pour cent de ces décès surviennent dans
les pays en développement.
Les complications dues à la grossesse et l’accouchement sont une cause majeure de
décès et d’invalidité chez les femmes en âge de procréer en Afrique subsaharienne. Le risque
de mourir de causes liées à la grossesse en Afrique subsaharienne est d’un sur 31, soit 100 fois
supérieur à celui observé dans les pays plus développés. La planification familiale sauve des

372
vies. A l’heure actuelle, deux cents millions de femmes qui ont besoin de services de
contraception efficaces et sans danger n’y ont pas accès. Si cet accès leur était offert, il serait
possible d’éviter plus de cent mille décès maternels par an, soit un cinquième du chiffre annuel
mondial. En outre, quand les femmes peuvent planifier et espacer les grossesses, les familles
sont moins nombreuses, plus prospères et les enfants sont en meilleure santé et mieux éduqués.

Par ailleurs, près de 10 pour cent des couples dans le monde rencontrent des difficultés
pour concevoir des enfants, l’âge étant un facteur d’infertilité chez les hommes et les femmes.

3. Rappels sur le concept de santé de la reproduction

Dieu créa l’homme à son image, il le créa à l’image de Dieu, il créa l’homme et la
femme. Dieu les bénit et Dieu leur dit : Soyez féconds, multipliez-vous, remplissez la terre et
soumettez-la1. La reproduction humaine est une prescription divine, un droit humain voulu par
le créateur.

Au préambule de sa lettre Encyclique Humanae Vitae, le Pape Paul VI en ce qui


concerne la transmission de la vie déclare : « le très grave devoir de transmettre la vie humaine,
qui fait des époux les libres et responsables collaborateurs du Créateur, a toujours été pour ceux-
ci source de grandes joies, accompagnées cependant parfois de biens des difficultés et des
peines ».

De même, la charte des Nations unies de 1945 reconnaît l’existence de droits humains
inaliénables, que tout État voulant adhérer à l’organisation doit s’engager à ne pas entraver. La
déclaration de Téhéran en 1968 ébauche un droit à la planification familiale puisqu’elle
reconnaît aux parents le droit de choisir le nombre et l’espacement des naissances et de recevoir
l’information et l’éducation nécessaires. Dès lors, on en voit les limites du concept : il s’agit
des parents et non des individus, de l’information et non des moyens de contraception, et du
choix du nombre des naissances sans qu’il soit fait mention de la possibilité de refuser toute
naissance.

En 1969, les moyens de contraception sont ajoutés mais sans que ceux-ci soient le moins
du monde définis.

1 373
Genèse 1, 27-28
En 1981, la conférence de Vienne sur les droits humains définit le droit à la planification
familiale comme un droit humain fondamental.

Par ailleurs, en 1946, l’ONU crée la commission de la population, qui synthétise pour
la première fois les données sur la situation démographique mondiale et fait les premières
projections de population, mettant ainsi en évidence l’explosion démographique en cours.

En 1974, certains pays, socialistes ou non-alignés, proclament encore, «qu’il n’y a pas
de meilleur contraceptif que le développement» et voient un eugénisme masqué, sinon un
ethnocide, dans la volonté du Nord que le Sud diminue sa fécondité.

En 1982, les pays du Sud demandent plus de subventions pour les programmes de
planification familiale. Simultanément les États-Unis, revenant au «vrai Malthus», ne croient
plus qu’aux vertus de la « main invisible » du marché et retirent leur argent à tout programme
soupçonné de financer des avortements [Blanchet, 1992].

Dans le domaine de la santé, l’OMS, tout en revendiquant « la santé pour tous en l’an
2000 », a mis l’accent dans les années soixante sur la «santé de la mère et de l’enfant», avant
de développer la notion de santé reproductive, beaucoup plus large, puisqu’elle inclut la lutte
contre les infections sexuellement transmissibles, l’infertilité, les mutilations sexuelles, les
cancers, et surtout s’intéresse à l’ensemble du cycle de vie, notamment l’adolescence et la
ménopause [Bonnet, Guillaume, 1999]. Elle évoque même le droit à avoir des relations
sexuelles satisfaisantes.

II. La reproduction humaine et droits reproductifs : une nouvelle génération des droits
Tout individu a des droits reproductifs, qui reposent sur des principes de dignité et
d’égalité. Toutefois, les femmes ont un rôle à jouer dans la reproduction humaine et sont donc
affectées de façon singulière par les politiques gouvernementales.
En effet, on peut concevoir la liberté reproductive à la fois comme des droits civils,
politiques et sociaux :

➢ Comme droits politiques, car la liberté reproductive est corrélative des luttes de
mouvements de femmes, c’est-à-dire l’affirmation d’un nouveau sujet politique qui lutte
et négocie pour faire reconnaître une identité collective fondée sur la visibilité des
rapports de genre.

374
➢ Comme droits civils, la liberté reproductive renvoie au principe d’individuation cher
au libéralisme classique, à savoir la libre disposition de la personne par elle-même.

➢ Comme droits sociaux, la liberté reproductive renvoie à des politiques de santé


publique. Bref, la liberté reproductive cristallise en elle les droits libertés face à l’État
et les droits créances sur l’État.

Les droits de la reproduction sont effectivement des droits civils qui impliquent la
défense de l’individu, y compris contre les possibles empiétements du pouvoir politique. Ce
point n’est pas suffisamment pris en compte par les démographes et les mouvements de
planning familial qui posent trop souvent que l’accès à la contraception équivaut au droit à la
procréation et comptent comme autant de pays gagnés à la liberté reproductive des pays où la
contraception, ou même l’avortement, sont imposés.
Ces droits forment une nouvelle catégorie de droits parce qu’ils sont portés par un
nouvel acteur collectif qui ne s’inscrit pas dans les catégories sociales traditionnelles et qui a
été constitué par les politiques sociales des États-providence [Del Re, 1994] ou par les
politiques de planning familial dans les pays en développement.

III. Les différents aspects du droit reproductif

1. Le droit à la santé, à la santé de la reproduction et à la planification familiale.

Ceci implique qu’il faut faire tout pour éviter la mortalité maternelle et en terminer avec
le foeticide et l’infanticide de sexe féminin.

Les programmes de contrôle démographique ont contribué à modifier le ratio


hommes/femmes à la naissance dans des proportions sans précédent. Suite à des programmes
de contrôle démographique avec des limites de nombre d’enfant à un ou à deux par fille, il y a
par exemple en Chine et Inde plus d’hommes que des femmes. Les effets commencent à se
ressentir dans les choix maritaux. Selon l’UNICEF, il y a beaucoup de trafic de femmes et filles
vietnamiennes vers la Chine entre autres à cause de la demande des hommes chinois pour des
femmes en général.
Madame Chantal Biya, Marraine du Centre Mère-enfant de la Fondation éponyme, dont
l’action salutaire aux côtés des femmes enceintes et des enfants victimes de SIDA, de maladies
chroniques et maladies rares procure un soulagement inespéré aux familles éprouvées, aux

375
orphelins et aux enfants abandonnés. Son action concerne le droit à la santé en général, à la
santé de la reproduction et à la planification familiale.

2. Le droit de décider du nombre de ses enfants et de l’espacement de leur naissance.

Ici on revient à l’accès aux services de santé reproductive pour tous et toutes, incluant
les adolescentes, les réfugiées, les femmes célibataires (trop souvent, seul le mariage est accepté
comme cadre de l’exercice de la sexualité). Hommes et femmes doivent pouvoir bénéficier des
soins et de l’information en santé sexuelle et reproductive et en moyens de contraception.
Ambassadrice de Bonne Volonté de l'UNESCO, Madame Chantal Biya œuvre pour le droit à
l’éducation, à la scolarisationde la jeune fille lui permettant de se prendre en charge et de
décider de son avenir. Elle promeut aussi L’éducation sexuelle qui suppose l’accès à toute
information relative au sexe et à la sexualité en matière de santé. Cette éducation sexuelle doit
permettre de prendre des décisions en matière d’hygiène et d’activité sexuelle en connaissance
de cause.

3. Le droit de se marier et de fonder une famille réfère aussi à l’évitement des


mariages précoces ou forcés.

L’adolescence est une période pendant laquelle on prend conscience de la sexualité et


on fait ses premières expériences sexuelles. La pression exercée par la famille, les pairs ou la
pauvreté sur un nombre croissant d’adolescents est si intense qu’ils se marient très jeunes. Les
adolescentes sont deux fois plus susceptibles de mourir durant la grossesse ou l’accouchement
que les femmes de 20 à 30 ans et leurs enfants ont un risque plus élevé de mort infantile. Ce
droit implique également l’accès aux services de traitement de l’infertilité des femmes et des
hommes.

4. Le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité.

Ici on s’engage entre autre à l’élimination du délit de mutilations génitales féminines.


Ce droit implique aussi le consentement informé pour les analyses, incluant la détection du
SIDA, la stérilisation.

5. Le droit de ne pas être soumis à la discrimination fondée sur le genre.

L’égalité entre femmes et hommes en ce qui concerne la sexualité et la procréation, y


compris le respect total de l’intégrité de la personne, exige le respect mutuel, le consentement

376
et le partage de la responsabilité des comportements sexuels et de leurs conséquences. C’est la
Conférence mondiale du Caire qui a intégré la participation des hommes en matière de santé de
reproduction. Il est clair que le pouvoir de décision sur la maternité n’est pas seulement entre
les mains des femmes comme on a trop tendance à le croire. Tant que dans plusieurs pays
africains une infection sexuellement transmissible sera toujours appelée une « maladie des
femmes », ni bonne prévention, ni traitement ne seront possibles.

6. Le droit de ne pas être en butte à l’abus et à l’exploitation sexuelle.

Les petites filles ont un plus grand risque d’être l’objet de trafic que les garçons. Elles
le sont généralement pour des raisons de travail, représentant une main d’œuvre bon marché,
mais sont aussi contraintes à la prostitution.

7. Le droit de ne pas être soumis à la torture ou à des peines ou traitements cruels,


inhumains ou dégradants.

Ici on parle de l’interdiction de l’avortement et de la stérilisation forcés, soit dans le


cadre des politiques de contrôle de la natalité, soit sous la pression de membres de la famille.
Aussi des personnes séropositives peuvent subir des pressions sévères pour ne pas avoir
d’enfants, au lieu de les rendre capables de faire leurs propres choix en connaissance de cause
et de les aider à préserver leur santé et celle de leurs enfants. L’interdiction de viol comme arme
de guerre fait partie de ce droit.

Présidente-Fondatrice de l'ONG Synergies Africaines pour les Souffrances et le Sida,


Madame Chantal BIYA, par ses œuvres catalyse la réduction des frustrations et des inégalités
sociales non seulement au Cameroun, mais aussi dans plusieurs pays africains. Elle œuvre pour
la défense et la promotion des droits des femmes, le droit de ne pas être en butte à l’abus
et à l’exploitation sexuelle, le droit de ne pas être soumis à la torture ou à des peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants. La défense et la promotion des droits des
femmes, avec pour objectif d’opérer des changements à l’intérieur d’un système comme la
santé, la loi, l’éducation, le parlement et les organisations internationales.

8. Le droit à la vie privée.

Le recours à la planification familiale permet aux femmes une autonomisation par


rapport à leur conjoint ou à leur famille, elles peuvent choisir d’échapper aux contraintes d’une
maternité non-désirée. Les femmes qui ont la possibilité de mieux planifier leur vie de famille
377
et la taille de celle-ci peuvent prendre davantage soin de leur propre santé ainsi que de celle de
leur famille, bénéficier plus facilement d’une formation, accéder plus aisément au marché du
travail et acquérir un revenu propre.

9. Le droit de bénéficier du progrès scientifique et de ne pas être soumis à une


expérience médicale sans son consentement.

Ici est inclus par exemple l’accès au traitement antirétroviral du SIDA. Les femmes
forment la majorité des personnes pauvres. Non seulement elles sont les premières sacrifiées en
cas de manque (une famille privilégiera la nourriture, les études, les soins de santé des fils plutôt
que des filles), mais elles n’ont pas accès aux ressources dont elles auraient besoin pour sortir
de la misère.
Présidente-fondatrice du Centre International de Référence, qui porte son nom, elle a
fait du CIRCB une plaque tournante de la recherche sur le VIH notamment par ses projets sur
les candidats-vaccins contre le VIH et la surveillance des résistances du VIH aux
antirétroviraux. Le droit de bénéficier du progrès scientifique et de ne pas être soumis à
une expérience médicale sans son consentement y est respecté.

10. L’égalité et l’équité entre les sexes.

La notion d’identité sexuelle recouvre les rapports, les attributs, les rôles, les croyances
et les attitudes qui définissent une femme ou un homme dans la société. L’équité entre les sexes
exige la pleine reconnaissance des besoins particuliers des femmes, qu’ils aient pour origine les
préjugés historiques fondés sur les sexes, les différences biologiques ou les inégalités sociales.
Présidente du Cercle des Amis du Cameroun, elle mène sans relâche et avec efficacité
des œuvres caritatives, qui volent au secours des laissés pour compte dans toutes les couches
sociales. Elle réduit les difficultés des minorités, notamment les pygmées et les Bororo ainsi
que des déplacés de guerre et des nécessiteux de toutes les régions du Cameroun. Elle œuvre
aussi pour le droit à l’égalité et l’équité entre les sexes.

IV. Centre Hospitalier de Recherche et d’Application en Chirurgie Endoscopique et


Reproduction Humaine, une œuvre qui s’inscrit dans une tradition de bien et des
biens fondamentaux prônés par Madame Chantal Biya

378
En éthique, le bien est très complexe à définir à cause de son caractère polysémique.
Pinckaers par exemple nous donne une définition du bien selon le sens commun. Selon ce
dernier, le bien est conçu « comme ce qui est conforme à la loi morale, à ses commandements
et le mal comme ce qui leur est contraire. Cette définition exprime la réalité de nos sociétés et
rejoint la perte de responsabilité personnelle devant les actions humaines car le bien est réduit
ici à la conformité. Il tire sa source uniquement de l’hétéronomie, d’une autorité extérieure à la
personne.
Cependant, cette conception du bien est positive au niveau de l’organisation de la vie
commune et sociale. Elle permet à l’être humain de ne pas agir uniquement pour son
épanouissement mais aussi pour celui de la société. Dans le même sens, Grisez reconnaît que
les biens contenus dans les normes sont nécessaires. Ce sont « des vérités qui guident nos actes
dans notre accomplissement comme individu vivant en communauté.
Les biens fondamentaux que nous voulons développer ici sont à comprendre dans la
perspective de Finnis. Il détermine sept biens fondamentaux : la vie et la reproduction, la
connaissance, le jeu, l’expérience esthétique, la sociabilité, le caractère critique et la religion.
Pour lui, les biens fondamentaux sont appréhendés à partir de l’expérience humaine. Ce sont
des motifs conduisant à l’action et à l’agir moral. Par eux, l’être humain peut répondre pourquoi
il pose tel ou tel acte. Ce qui veut dire en d’autres termes que les biens fondamentaux permettent
à l’être humain d’agir de façon réfléchie et responsable.
Les biens fondamentaux sont pour l’épanouissement et la réalisation humaine.
Poursuivre chaque bien fondamental permet de combattre la banalisation du mal en éthique et
cela donne à l’être humain une référence de valeurs à poursuivre et à protéger.

Finnis donne plusieurs caractéristiques aux biens fondamentaux. Il les considère comme
des raisons de l’action, des raisons finales qui répondent à la question du pourquoi et dans quel
but l’être humain accomplit telle ou telle action. Ce sont des vérités qui sont évidentes en elles-
mêmes et non des conclusions qui dérivent d’un savoir théorique.
Selon Finnis, les biens fondamentaux sont des principes de la raison pratique et des
aspects de l’accomplissement humain. Dans sa pensée, il n’y a pas d’opposition entre la
poursuite des biens fondamentaux et le respect inconditionnel de tout être humain.
La poursuite de chaque bien fondamental préserve l’harmonie entre les humains, et dans
le contexte africain dans une famille, dans un clan, dans un village.
Dans cette perspective, la procréation en tant que bien fondamental est source
d’harmonie.
379
Les biens fondamentaux permettent à l’être humain de se réaliser comme personne,
personne en lien avec les autres membres de la communauté. Le CHRACERH qui est une œuvre
de bien d’une femme de bien fait le travail de l’œuvre pour parler comme Hannah Arendt.
La reproduction humaine à l’instar de la vie est un bien essentiel qui vient avant la
liberté, avant le droit. Le droit repose sur des biens fondamentaux comme la dignité humaine.
Le droit ne se conçoit qu’en fonction des biens fondamentaux (vie et reproduction, intégrité
corporelle, dignité humaine) et c’est un moyen de protection de ces biens fondamentaux.
Marraine du CHRACERH Madame Chantal Biya reconnait à tout couple infertile le
droit d’avoir un enfant grâce aux techniques de procréation médicalement assistée. Elle œuvre
aussi pour le droit à la santé de la femme en encourageant l’équipe du CHRACERH dans la
prise en charge des cancers gynécologiques et mammaires, le développement de la chirurgie
mini-invasive et la promotion de la maternité à moindre risque.
A ce jour les résultats préliminaires de ce Centre Hospitalier inauguré par ses soins le 6
mai 2016 sont forts encourageants avec la naissance des premiers bébés éprouvettes (avec un
taux de succès de 33,3 % de grossesse) l’organisation des campagnes de chirurgie des cancers
du sein, l’organisation des campagnes de dépistage du cancer du col et la tenue en son sein de
workshop internationaux d’endoscopie gynécologique.
Le 20 de ce mois de novembre 2016, l’Eglise Catholique du monde va clôturer l’année
de la Miséricorde décidée par Sa Sainteté le Pape François. Après avoir parcouru et vécu les
étapes de la Miséricorde de Dieu dont le Dessein est sans cesse de voir l’homme debout dans
la vie nouvelle qu’il lui apporte, le présent colloque se donne à nous comme une interpellation
à revisiter celle qui est à la fois la « grande d’âme» pour signifier la grande en âme avant tout,
et bien entendu la grande Dame Chantal BIYA dont le souci fondamental a toujours été de
poursuivre l’œuvre salvifique de Dieu à travers des fondations qui redonnent espoir aux
personnes déjà désespérées, et donc, aux femmes stériles qui ont par ce phénomène dégradant
de la fécondité perdue le sens de la vie, la dignité de femme et d’épouse et même le goût de
vivre. Cette « grande d’âme » a poursuivi cette œuvre salvifique de Dieu pour l’homme à
travers une structure hospitalière dénommée le CHRACERH, entendez Centre Hospitalier de
Recherche et d’Application en Chirurgie Endoscopique et Reproduction Humaine, dont l’un
des objectifs est d’éradiquer en la femme le statut d’objet, qui lui est attribué par la stérilité, à
celui de sujet, femme, mère et grande épouse. En cette Grande d’âme et grande Dame, la notion
de Miséricorde trouve sa pleine expressivité et son total dévoilement.
Déjà, le Pape Paul VI en son temps, et dans sa Lettre Encyclique Humanae Vitae n°
24, a encouragé les hommes de science qui « peuvent beaucoup pour la cause du mariage et de
380
la famille, et pour la paix des consciences, si par l’apport convergent de leurs études, ils
s’appliquent à tirer davantage au clair, les diverses conditions favorisant une saine régulation
de la procréation humaine ».
En effet, d’après le Pape François, « la Miséricorde, est un voyage. Voyage qui
comporte un aller : se laisser blesser le cœur par la misère de l’autre et un retour : du cœur vers
les mains ». Comme tel, le travail herculéen de Madame Chantal Biya s’apparente à celui du
bon Samaritain dont la compassion du cœur le porta à faire quelque chose avec ses mains 2.
Aussi ne ménage-t-elle jamais aucun effort pour se laisser blesser le cœur par la douleur des
femmes et des hommes affligés par la calamité de la stérilité. C’est partant de cette souffrance
qui touche les couples et particulièrement les femmes du Cameroun que cette Dame de cœur
fait jaillir de son grand cœur d’amour, le CHRACERH pour que cette structure sanitaire puisse
redonner joie, paix et vie aux femmes qui avaient déjà perdu le goût et le sens de la vie.
Pour une meilleure compréhension de la densité de l’œuvre de notre Première Dame qui
se rend plus évidente au CHRACERH, esquissons tout d’abord une analyse de la difficulté que
représente la stérilité chez la femme. Par la suite, essayons de mettre en exergue quelques
figures de femmes broyées par ce fléau dans la Bible et comment le Dieu de la vie a pu leur
redonner du sourire, de la joie et de la dignité. Et, si tel est donc le Dessein de Dieu, comment
ne pas voir en Madame Chantal BIYA, une continuatrice de l’œuvre salvifique de Dieu à l’égard
des couches défavorisées et donc, des femmes stériles ?

IV.1. Le statut de la stérilité dans les cultures humaines : sens et conséquences

D’après le dictionnaire Le Petit Larousse, la stérilité s’entend comme « l’état de ce qui


est stérile, de quelqu’un de stérile » et stérile est un adjectif qualificatif qui dit ce « qui ne porte
pas de fruits, qui ne produit pas ; qui est inapte à la reproduction 3 ». La stérilité traduit donc
l’absence de procréation. Or, dans toutes les cultures humaines en général, africaines en
particulier et surtout camerounaises, la procréation est une valeur fondamentale et inaltérable.
Un couple qui est incapable de donner la vie, mieux, une femme stérile est tout de suite un objet
de railleries ; de sorte qu’elle n’est pas loin de perdre son mariage et même sa dignité féminine.

2 381
Cf Lc 10, 25-37
3
Le Petit Larousse, éd. Larousse, Paris, 2008, P. 966
a) Importance de la procréation dans les sociétés africaines
D’après une étude conduite par le Père Patrick ISSOMO MAMA4intitulée la Famille
vue d’Afrique : réinventer la fécondité, dans le mariage et dans le couple, « fécondité égale à
la procréation », la procréation est présentée comme le constitutif formel et matériel de
solidification du mariage. En effet, traditionnellement considéré, « le mariage est un acte
d’union par lequel l’homme et la femme s’engagent à fonder une famille, à avoir des enfants,
pour perpétuer la lignée ». Par conséquent, pour le Camerounais traditionnel, la finalité du
mariage pour une famille est le prolongement de la vie de ses ascendants via la procréation. Un
mariage sans enfants devient un échec, une malédiction.
Une autre étude menée par une certaine Béatrice BIYOGUE AKARE5 portant sur les
questions et comportements de Fang face aux questions de stérilité et de fécondité nous révèle
que chez les Fang, un peuple Sud Cameroun et du Gabon, la nécessité de fécondité de la femme
est tellement importante que lors du mariage, son transfert est effectué moyennant la dote. La
dote que la famille du mari verse à la famille de la femme (belle-famille) a pour rôle de donner
au géniteur ou à un autre la paternité légitime et par le fait même, le droit de donner des noms
aux enfants issus de cette femme. C’est clair qu’un « géniteur qui n’a pas payé la dot et donc
qui n’a pas acquis ses droits peut être assimilé à un simple donneur de sperme dans la
procréation artificielle ». On réalise alors que la fécondité d’une épouse est la garantie de
pérennisation et d’éternisation du nom de son époux et donc, la longévité de la lignée, tandis
qu’une femme stérile cause la mort de cette lignée.
La fécondité ainsi comprise, nous nous rendons incontestablement à l’évidence que la
stérilité de la femme constitue une source de misère aux conséquences néfastes.

b) Conséquences de la stérilité

Pour nombre de foyers africains et surtout camerounais, la stérilité est meurtrière et


même mortifère. Aussi est-elle une de destruction pragmatique des foyers. Au Cameroun, la
stérilité de la femme est difficilement admise par la belle-famille qui la punit sévèrement et sans
ambages. Pour la belle-famille, une femme est dotée pour qu’elle apporte la vie à travers sa
capacité de procréer. La dot est sensée transmettre la fécondité, plutôt que l’infertilité. Une

4
Patrick ISSOMO MAMA est prêtre camerounais, Père de la Congrégation des Lazaristes qui 382
étudie à l’Université Grégorienne de Rome. Ses recherches sont basées sur la famille vue d’Afrique
5
Cette Dame est Gabonaise et elle a rédigé une thèse en Ethnologie-Anthropologie à l’Université
Lumière de Lyon 2 le 08 mars 2010 en vue de l’obtention du Doctorat sur Conception et
comportement des Fangs face aux questions de fécondité et stérilité. Regard anthropologique sur
une société patrilinéaire du Gabon.
femme stérile mérite comme sanction la répudiation par son mari même si celui a un amour
certain pour son épouse. Car, il subira bon gré malgré les pressions de la famille qui a besoin
d’une progéniture et même des moqueries des amis et voisins.
Pour les familles un peu plus croyantes, il sera exigé à l’époux (leur fils) de prendre une
autre femme pour perpétuer la lignée. Face à cette situation aux articulations plurielles, la
femme vit et traverse des traumatismes multiformes. Elle perd sa dignité de personne et de
femme et subit chaque jour des moqueries de sa belle-famille et même d’autres femmes qui
sont là disposées et disponibles à recevoir les avances de son mari dans le but de lui procurer
une progéniture. Cette situation déstructure la femme stérile, la plonge dans d’interminables
réflexions et fait qu’elle devienne un motif de honte qui le dénature et lui fait perdre son
« esséité ». Elle devient triste. Elle traverse des moments incommensurables alimentés par des
douleurs atroces qui lui viennent de la société et même de son mari qui commence à l’esseuler
sous la pression de sa famille.
Face à ces douleurs multiformes de la femme camerounaise rongée et abimée par les
effets déshumanisants de la stérilité, la Première Dame du Cameroun Madame Chantal BIYA,
femme de cœur n’est pas restée insensible. Et, à la suite de Notre Seigneur, le Dieu de la vie,
qui console les affligés et redonne vie et humanité aux personnes déboussolées, Madame
Chantal BIYA a offert à la femme camerounaise une structure sanitaire qui, à travers les
prouesses de la science peut lui garantir une procréation médicalement assistée.

IV.2. Madame Chantal BIYA à l’école du Dieu qui redonne vie et joie aux femmes
stériles
Sensible aux souffrances de la femme stérile, Madame Chantal BIYA n’a cessé de
prendre en compte leur situation à travers plusieurs expérimentations. Cependant inspirée par
le Dieu de vie qui a redonné vie et joie à Sarah, la femme d’Abraham, Rachel, la femme de
Jacob, Anne, la femme d’Elqana et Elisabeth, la femme de Zacharie en supprimant leur stérilité,
elle a puisé dans la parole de Dieu pour penser le CHRACERH afin de consoler ces nombreuses
femmes camerounaises affligées par la douleur et les effets négatifs et avilissants de l’infertilité
et d’essuyer leurs larmes.

a. La parole de Dieu, source d’inspiration de madame Chantal BIYA

Chrétienne pratiquante et convaincue, lectrice assidue des Saintes Ecritures, Madame


Chantal BIYA y a trouvé sa source d’inspiration pour permettre aux femmes stériles de
retrouver la joie de vivre. En effet, comme, autrefois le Dieu d’Israël avait permis à Sarah,
383
Rachel, Anne et Elisabeth d’enfanter, notre Première Dame permet aujourd’hui à travers le
CHRACERH aux femmes âgées même de 58 ans de connaître la joie d’être enceinte et même
d’enfanter.
La littérature biblique dans ses deux parties (Ancien et Nouveau Testaments) abonde
des interventions de Dieu en faveur des femmes à l’épreuve très difficile de la stérilité. Dans sa
partie vétérotestamentaire et au registre des femmes délivrées de leur infertilité par Yahvé, nous
comptons entre autres Sarah la femme d’Abraham, Rachel la femme de Jacob et Anne la femme
d’Elqana. En effet dans l’Ancien Testament comme nous l’avons déjà souligné dans nos
cultures africaines, la stérilité était aussi grande souffrance et une honte. Elle était vécue comme
un manque à l’injonction de Dieu : « Soyez féconds, multipliez-vous6». Si on s’arrête sur le cas
de Rachel au chapitre 30 du livre de la Genèse, nous faisons l’expérience des douloureux
tourments que la stérilité inflige à cette femme. Elle en arrive à jalouser sa sœur et sa coépouse ;
au point de demander un jour à son mari : « Fais-moi aussi des enfants ou je meurs !7» (Gn 30,
1). La réponse de son mari est tellement instructive : « Est-ce que je vais prendre la place de
Dieu ?8». Mais à force de prières, Le Seigneur exauce Rachel qui par la suite pourra dire :
« Dieu m’a rendu justice, il m’a exaucée et m’a donnée un fils ». Ici Dieu a donné une
descendance à Rachel sa servante Bilha.
Le cas de Sarah, l’épouse d’Abraham, est un peu différent. Secouée par la stérilité et
même par la ménopause9, Dieu pour donner de la joie à sa servante sous le joug de la stérilité,
va lui permettre d’enfanter malgré son âge avancé. Elle donnera naissance à Isaac. Le Dieu
d’Israël est bien le Dieu qui se déploie pour la joie des femmes, pour le bonheur des foyers.
Voilà pourquoi à travers les siècles, il restaure les femmes dans leur dignité de mère. Nous
pouvons aussi évoquer le cas d’Anne l’une des femmes d’Elqana, qui ressent son infertilité
comme négation de sa raison d’être. Aussi passait-elle tout son temps à pleurer en refusant
même de manger. A ces actes de non croyance en l’amour de son époux, Elqana lui dira :
« Anne pourquoi pleures-tu ? Pourquoi as-tu le cœur si triste ? Est-ce que je ne vaux pas pour
toi que dix fils ?10».
Le nouveau testament est aussi parlant des prouesses du Seigneur contre la tristesse et
les moqueries dont sont victimes les femmes stériles. En rendant enceinte Elisabeth, la cousine

6
Gn 1, 22 384
7
Gn 30, 1
8
Gn 30, 2
9
Cf. Gn 18, 12-13
10
1 Sam 1, 7-8
de Marie, mère du Christ, Dieu lui redonne la joie et éloigne d’elle toutes les formes possibles
de moqueries : « voici qu’Elisabeth ta parente, vient elle aussi de concevoir un fils dans sa
vieillesse… elle qu’on appelait la femme stérile ; car rien n’est impossible à Dieu 11». Cet extrait
de l’évangéliste saint Luc montre à suffisance que le Seigneur n’est pas pour la moquerie et la
marginalisation des femmes dans l’incapacité d’enfanter.
La doctrine contenue dans les Saintes Ecritures a comme toile de fond de montrer à
l’homme que c’est Dieu Seul qui donne la vie. L’arrivée inespérée d’une naissance est alors
reconnue comme le signe de la fidélité de Dieu : « Je te rendrai extrêmement fécond, de toi je
ferai des nations, et des rois sortiront de toi12», avait-il promis à Abraham. Voilà pourquoi tous
les enfants qui naitront de ces femmes autrefois stériles sont toujours des légendes vivantes à
l’instar d’Isaac l’enfant de Sarah, de Joseph l’enfant de Rachel, de Samuel l’enfant d’Anne et
de Jean-Baptiste l’enfant d’Elisabeth.
Après cette traversée des Saintes Ecritures, la femme camerounaise de notre temps peut
se demander si le Dieu de la Bible pour qui rien n’était impossible en rendant enceintes les
femmes stériles d’autrefois était impassible et surtout avait perdu sa toute-puissance. Autrement
dit, le Dieu de notre temps est-il sourd et muet face à la situation dramatique dont vivent les
femmes infécondes de notre pays ? C’est au cœur de ces multiples interrogations des femmes
que la main du Dieu de l’impossible donne une réponse aux femmes camerounaises en touchant
le cœur de Madame Chantal BIYA pour que, par elle, il puisse redonner sourire et joie à ces
innombrables femmes qui ont perdu tout espoir de pouvoir, un jour, être appelées : « Maman ».

b. Chantal BIYA, instrument de Dieu pour la restauration et la réaffirmation


de la dignité de la femme camerounaise
Ici au Cameroun, dans notre temps comme en Israël au temps de Jacob et Rachel, le
Seigneur a suscité sa servante, Madame Chantal BIYA, pour sortir les femmes du joug de la
stérilité. C’est par le biais de cette Dame au grand cœur qu’il a offert aux femmes de chez nous,
le CHRACERH pour faciliter leur accession à la procréation, et les sortir de leurs traumatismes
en leur donnant de nouveau le sourire, la joie, l’épanouissement ; les rétablissant ainsi dans leur
dignité de femme et d’épouse. C’est également à travers elle qu’il veut libérer ces couples de
chez nous, jusque-là pris entre les mailles de la malédiction de la stérilité, en leur redonnant la
joie de vivre et la stabilité. Il n’est plus une surprise aujourd’hui de voir les visages de ces
femmes autrefois stériles, et aujourd’hui enceintes irradier de joie en les voyant arpenter les

11 385
Lc 1, 36-37
12
Gn 16, 6
couloirs du CHRACERH pour certaines et pour d’autres sortir des chambres d’accouchement
portant fièrement leurs enfants qui sont, à n’en point douter, des dons du ciel.
Notre action de grâce et notre gratitude sont indéfectibles à l’endroit du Très Haut pour
sa sollicitude en faveur des souffrances de la stérilité. Ce qui ne retire rien à notre admiration
pour Madame Chantal BIYA, cette Dame qui a su se montrer docile à l’Esprit de Dieu et qui a
tout le mérite d’être une digne fille de la Miséricorde divine.

CONCLUSION
La question de droit en matière de reproduction humaine doit être englobée dans une
perspective plus large et plus complète de la vie de la femme faisant ainsi allusion à une entité
plurielle de droits dits droits reproductifs. On ne considère plus les femmes uniquement à
partir d’une fonction biologique ou sociale, mais dans l’intégralité de leur personne et de leur
vie, révélant ainsi une autre appréhension de la personne humaine. La Première Dame Madame
Chantal Biya dont les actions sont une composante dirimante de la politique sociale du Président
Paul Biya est une véritable icône de la lutte contre les souffrances et de la défense des droits
humains en particulier de ces droits reproductifs.
Par ailleurs, à la suite de certains penseurs qui estiment que « les mots sont logocides »,
nos mots ne nous permettront jamais assez de remercier le Seigneur, le Dieu de l’impossible
qui à travers son humble servante, la Première Dame camerounaise, Madame Chantal BIYA,
« Grande d’Ame » et Grande Dame, a réintronisé la femme comme berceau de l’humanité à
travers le CHRACERH qui, aujourd’hui, favorise la Procréation Médicalement Assistée et
redonne ainsi la joie, sens de la vie, goût de vivre et, par conséquent, confrère de nouveau à la
femme camerounaise sa dignité et sa ratio essendi perdues à cause de sa stérilité. Son immense
travail d’après l’étude que nous venons de mener n’est que le fruit d’un amour porté par

386
beaucoup de foi et d’espérance en Dieu Père, Fils et Saint Esprit qui semper facit mirabilia,
qui fait toujours ses merveilles. Puissent le Dieu de la Vie et de la Miséricorde, et la Vierge
Marie, Notre Dame de la Miséricorde continuer de soutenir Madame Chantal BIYA, cette Dame
au grand cœur toujours ouvert et à la main toujours tendue pour qu’elle poursuive sans failles
son œuvre de restauration de la dignité des femmes à travers le CHRACERH. Et, que cette
structure sanitaire ne perde jamais son sens de promotrice et de restauratrice de la joie à toutes
les femmes autrefois déprimée et décimée par la stérilité et autres calamités. Et, enfin, que tous
les enfants sortis de cette auguste institution sanitaire soient des figures emblématiques à l’instar
d’Isaac, Joseph, Samuel et Jean-Baptiste. Qu’ils soient en retour des grands d’âme, artisans
d’un Cameroun toujours prospère et promoteurs d’un bonheur toujours accru profitable aux
Camerounais de tous les temps.

387
Les œuvres de Madame Chantal BIYA dans la lutte contre le VIH/SIDA et les
souffrances. Monsieur Jean Stéphane BIATCHA, Secrétaire Exécutif de Synergies Africaines

Madame Chantal BIYA, Première Dame du Cameroun mène inlassablement depuis


plus de deux décennies une exaltante œuvre sociale en faveur des catégories défavorisées,
populations marginalisées et victimes de catastrophes. Dans une approche originale
d’engagement humanitaire total, cette grande Dame de cœur combat avec détermination le
VIH/SIDA et toutes les formes de souffrances des populations africaines en général et
camerounaises en particulier.
En redonnant l’espoir de vivre aux bénéficiaires, ses œuvres s’inscrivent résolument
dans le cadre de la réalisation des Objectifs de Développement Durables (ODD) adoptés par les
Nations-Unies en 2015. Une évocation exhaustive de celles-ci dans le domaine de la lutte contre
le VIH/SIDA et les souffrances se révèle être un exercice périlleux tant elles sont nombreuses
et multiformes. Aussi nous contenterons nous dans le cadre de ce colloque de vous donner les
plus significatives.

I- LES ŒUVRES DE LA PREMIERE DAME DU CAMEROUN DANS LA


LUTTE CONTRE LE VIH/SIDA
Le VIH/SIDA cause des ravages en Afrique subsaharienne. Le Cameroun qui se situe
dans cette région n’est pas épargné.
Selon un rapport du Comité National de lutte contre le SIDA (CNLS), 34000 nouveaux
cas cumulés de VIH/SIDA ont été déclarés au Cameroun entre 1986 et 2000. La séroprévalence
au cours de cette même période est passée de 0,5% à 11% en 2000. La femme et la jeunesse
camerounaise sont les principales victimes de l’épidémie.
Ne pouvant rester indifférente face à une telle menace, Madame Chantal Biya a décidé
de joindre son action aux efforts des Pouvoirs Publics dans la lutte contre le VIH/SIDA. Sa
riposte s’organise initialement dans les structures nationales qu’elle a mises en place : la
Fondation Chantal BIYA (FCB) en 1994 et le Cercle des Amis du Cameroun (CERAC) en
1995. Par la suite, pour une plus grande efficacité des initiatives nationales et une coordination
des actions au plan international, elle crée avec le concours de ses sœurs Premières Dames
d’Afrique, l’ONG Synergies Africaines contre le Sida et les souffrances en novembre 2002.

A- LA LUTTE CONTRE LE VIH/SIDA AU SEIN DES STRUCTURES


NATIONALES : LA FCB ET LE CERAC

388
La lutte contre le VIH/SIDA à La FCB et au CERAC se focalise sur la sensibilisation
à travers les medias et les pairs éducateurs, la Prévention de la Transmission Mère et Enfant
(PTME) au Centre Mère et Enfant (CME) de la FCB, la prise en charge du VIH pédiatrique à
l’Unité de jour du CME, la formation des soignants et la recherche sur le VIH pédiatrique, la
construction par le CERAC de 6 Centres de Prévention et de Dépistage Volontaire du
VIH/SIDA dans les Régions.

B- LA LUTTE CONTRE LE VIH/SIDA A TRAVERS L’ONG PANAFRICAINE


DES PREMIERES DAMES
Dans le cadre de Synergies Africaines, Madame Chantal Biya va amener les Premières
Dames à mobiliser les sociétés africaines et la communauté internationale pour lutter contre la
pandémie du VIH/SIDA. De nombreuses réalisations sont à ce jour portées à l’actif de l’ONG
panafricaine : l’organisation de plusieurs campagnes de sensibilisation dont les plus
importantes sont « Vacances sans Sida » (6.700 pairs éducateurs recrutés et formés dans les 10
régions du Cameroun, plus de 10.500.000 jeunes sensibilisés depuis 2003) et « Mon pari pour
2030 » lancé le 27 septembre 2016 avec pour objectif de former dans sa phase pilote 300 leaders
de la société civile. Synergies Africaines a également organisé des ateliers de PTME dans 6
pays : Cameroun, Guinée, Burkina Faso, Burundi, Mali et Niger avec près de 400 formateurs
et prestataires formés et 55 sites de PTME créés ou renforcés, des remises de dons de matériels
de sensibilisation aux associations et établissements scolaires. En matière de recherche, Le
plaidoyer de Madame Chantal Biya et ses sœurs Premières Dames d’Afrique a abouti à la
création du Centre International de Référence Chantal BIYA pour la Recherche sur la
Prévention et la prise en charge du VIH/SIDA (CIRCB) de Yaoundé, inauguré le 23 février
2006.
L’on peut également relever la création du Centre de dépistage du VIH et du traitement
du SIDA à Diffa au Niger en partenariat avec le Gouvernement d’Italie et du Niger, la Mairie
de Rome, l’ISIAO et l’Université Tor Vergata de Rome.
Outre la lutte contre le VIH/SIDA, La Première Dame du Cameroun apaise les
souffrances de toute nature dont sont victimes les populations camerounaises.

II- LA CONTRIBUTION DE MADAME CHANTAL BIYA DANS


L’ATTENUATION DES SOUFFRANCES DES POPULATIONS
VULNERABLES

389
Dans ce registre, Madame Chantal BIYA mène ses actions en qualité de Première Dame
du Cameroun ou de Présidente Fondatrice de la FCB, du CERAC et de Synergies Africaines.
1- Les actions menées par la Première Dame du Cameroun
Aux nombreuses sollicitations de ses compatriotes, Madame Chantal Biya répond
généralement par des appuis divers. Ces interventions sont de plusieurs types : Aides scolaires
aux enfants issus des familles démunies, soutien aux malades et personnes sinistrées, appuis
aux orphelinats et aux écoles des enfants déficients auditifs, dons de jouets aux enfants
défavorisés, etc.
2- Les actions menées par la Présidente Fondatrice de la FCB, du CERAC et de
Synergies Africaines.

a)- Les interventions de la FCB et du CERAC


La FCB est engagée dans la réduction de la mortalité maternelle et infantile. Elle soutien
l’enfance en détresse, les personnes stigmatisées (personnes de petite taille) et les structures
d’encadrement des handicapés et personnes de 3ème âge.
Le CERAC lutte contre la pauvreté en milieu rural notamment en appuyant la femme
rurale et en favorisant l’accès à l’eau potable. En outre, cette association remet régulièrement
des dons de médicaments et matériels divers aux hôpitaux, personnes défavorisées et victimes
de catastrophes naturelles et d’accidents.

b)- Les interventions de Synergies Africaines


La lutte contre les souffrances a été menée à deux niveaux.
Au plan de la santé, Synergies Africaines est engagée dans la campagne de réduction
de la mortalité maternelle et infanto-juvénile (Projet CARMA). L’ONG panafricaine lutte
contre les maladies non transmissibles (Cancer, épilepsie, Diabète, maladies cardio-
vasculaires), offre des dons d’équipements à des formations sanitaires publiques et privées,
organise des campagnes de réparation des fistules obstétricales.
Au plan social, Synergies Africaines lutte contre toutes les souffrances infligées aux enfants :
exclusion et discrimination dues au VIH. Un accent est également mis sur la promotion des
droits de l’enfant, l’éducation de la jeune fille confrontée au problème de grossesse et mariage
précoces, l’autonomisation des orphelins et autres enfants vulnérables et les appuis divers aux
personnes défavorisées.
La pertinence des œuvres sus évoquées a valu à l’Epouse du Chef de l’Etat une
reconnaissance tant nationale qu’internationale.
390
391
Les missions et actions du CERAC. Docteur Linda YANG, Coordonnatrice Générale du
CERAC

INTRODUCTION

Distingués Panélistes,
Mesdames, Messieurs,
Permettez-moi d'abord d'exprimer la profonde gratitude du Cercle des Amis du
Cameroun, pour l'insigne honneur que le comité d'organisation et le comité scientifique de ce
colloque inédit, ont bien voulu faire au CERAC, en nous invitant à cette importante rencontre,
et surtout, en nous permettant de prendre la parole devant vous, en cette circonstance.
Je voudrais particulièrement saluer les initiateurs de ce colloque. La hauteur et la
teneur des débats montrent bien que l'action publique que Madame Chantal BIYA mène, depuis
plus de deux décennies, en faveur des populations vulnérables, et en appui aux efforts des
pouvoirs publics, mérite d'être considérée, à sa juste valeur, y compris par les universitaires.
Les sommités qui participent à ce colloque ne s'y sont donc pas trompées. L'action
sociale et humanitaire de Madame Chantal BIYA mérite bien l'attention spéciale que vous lui
consacrez.
Je saisis cette occasion pour adresser nos félicitations aux intervenants qui nous ont
précédée, fort brillamment, depuis le début du colloque.
Nous allons tenter, très humblement, d'apporter notre modeste contribution à ce débat
de haut vol.
Nous comptons sur votre indulgence, si d'aventure, si vous avez le sentiment que
l'orthodoxie académique n'est pas toujours respectée dans notre style.
Il nous est demandé de parler des missions et actions du Cercle des Amis du Cameroun.
Je dois reconnaître que le temps qui nous est imparti constitue un vrai défi. Il s'agit en
effet de résumer, en deux petites dizaines de minutes, plus de deux décennies d'activités,
intenses, riches et diverses.

Mesdames, Messieurs,

392
Le Cercle des Amis du Cameroun en abrégé, CERAC, a été créé en 1995 par l'Épouse
du Chef de l'Etat, Madame Chantal BIYA. Le CERAC a une existence légale comme
association humanitaire, apolitique, à but non lucratif.
Le Président de la République, Son Excellence Paul BIYA, lui a accordé la
reconnaissance d'utilité publique, par décret N° 2007/116, du 23 avril 2007.
La Première Dame du Cameroun a permis au CERAC de bénéficier de sa grande
notoriété internationale. Comme vous le savez déjà :
- En novembre 2008, Madame Chantal BIYA était élevée par le Directeur Général de
l'UNESCO à la distinction d'Ambassadrice de Bonne Volonté de cette prestigieuse
organisation internationale.
- En 2015, le Directeur Exécutif de l'ONUSIDA, autre agence du système de l'ONU, lui a
décerné le titre d'Ambassadrice Spéciale.
- En avril 2016, Chantal BIYA est Lauréate d’Or du Grand Prix Humanitaire de France.
C'est dire, si l'action humanitaire et sociale de la Première Dame du Cameroun est
reconnue à l'échelle planétaire, par les acteurs que les spécialistes ont coutume d'appeler, la
communauté internationale.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que la Première Dame du Cameroun a placé a barre
très haut.
Notre exposé tentera de montrer comment, au quotidien, le CERAC participe à bâtir
l'immense œuvre, aujourd'hui tentaculaire, de Madame Chantal BIYA.
Avant de vous dévoiler le plan de notre exposé, qu'il me soit permis de rappeler qu'en
son article 28, la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples dispose, je cite :
"Chaque individu a le devoir de respecter et de considérer ses semblables sans
discrimination aucune, et d’entretenir avec eux des relations qui permettent de promouvoir et
de renforcer le respect et la tolérance réciproques". Fin de citation.
L’article 29 de ladite charte, en son alinéa 2 porte sur un devoir qui incombe à tout
individu, celui de servir sa communauté nationale, en mettant à contribution ses capacités
physiques et intellectuelles.
Cette acception des droits fondamentaux présente l’individu, non seulement comme
bénéficiaire, mais aussi comme promoteur d’actions concrètes et rationnelles, destinées à
contribuer à l’émergence des prérogatives et autres avantages dont l'humain est destinataire.
Considérée comme un ensemble de personnes et d’intérêts, parfois divergents, la société
a donc besoin d’une saine et heureuse cohabitation de toutes ses composantes.

393
Ce postulat implique qu’un minimum d’attention collective soit accordé à toutes les
couches de la société.
La question ainsi posée, de la solidarité dans la mise en œuvre des droits
fondamentaux, interpelle tout le monde.
Les politiques publiques sont faites pour atteindre cet objectif. Mais en plus des efforts
des acteurs étatiques, d'autres, à l'instar des associations et de la société civile au sens large, y
contribuent activement.
C'est là qu'il faut situer l’action du CERAC. Le statut d'association d'utilité publique
justifie amplement que le CERAC soit perçu comme un acteur dont il faudrait scruter l'apport
dans la mise en œuvre des politiques publiques.
Je vous propose donc d'aborder successivement, en première partie les missions du
CERAC, et dans la seconde partie de mon exposé, ses actions. Vous comprendrez qu'il ne sera
pas possible d'être exhaustive sur ce point, pour respecter notre temps de parole.

I- LES MISSIONS DU CERAC


Quelle est la raison d’être, du Cercle des Amis du Cameroun ? En d'autres termes, où
se situe le cœur de nos activités ?
Les missions du CERAC se déclinent à travers ses objectifs statutaires, notamment :
- Sensibiliser l’opinion nationale et internationale sur les souffrances des populations
démunies ;
- Apporter une assistance humanitaire aux personnes nécessiteuses ;
- Contribuer à la promotion de la femme, à l’éducation de la jeune fille, ainsi qu'à
l'épanouissement de la petite enfance ;
- Entretenir la convivialité et l’esprit d’entraide entre ses membres ;
- Cultiver et renforcer les liens d’amitié, à travers ses membres, entre le Cameroun et la
communauté internationale ;
- Promouvoir l’image de marque du Cameroun.
Brièvement présenté sur le plan organique, le CERAC a trois principales composantes :
- L’Assemblée Générale ;
- Le Bureau Exécutif ;
- Le Collège des Conseillères.

Madame Chantal BIYA s'est donné les moyens de sa vision, en s'entourant des personnes
physiques et des partenaires capables de soutenir la réalisation des objectifs du CERAC.
394
Les membres du CERAC se recrutent parmi les femmes qui dirigent les grands corps
constitués, les épouses des dirigeants des grands corps constitués, les dames membres du
gouvernement, les épouses des membres du gouvernement, les dames chef de mission
diplomatique, les épouses des chefs de mission diplomatique, les dames ayant le titre de
représentant d’organisation internationale, les épouses des représentants d’organisation
internationale, les dames chef de poste consulaire, ainsi que de toute autre personne physique
acceptée par la Présidente Fondatrice, pouvant apporter son concours à la réalisation des
objectifs du CERAC.
Le CERAC est donc riche de la diversité d'origines de ses membres, et de la pluralité de
leurs cultures.
Les missions du CERAC englobent donc différents domaines : la santé, l'éducation,
l'assistance aux démunis, aux victimes des sinistres et des catastrophes, aux personnes
vulnérables (orphelins, handicapés, vieillards, malades, ...), mais aussi, les appuis multiformes
aux femmes rurales et aux jeunes.
En accomplissant ses missions dans les différents domaines que nous venons de citer,
le CERAC contribue à la promotion des droits fondamentaux. Nous pouvons regrouper les
missions humanitaires, sociales et culturelles, d'une part, et celles qui ont une vocation
économique, d'autre part. Il importe aussi de souligner l'action diplomatique du CERAC.

A- LES MISSIONS HUMANITAIRES, SOCIALES ET CULTURELLES


Ces missions se dévoilent à partir de l’environnement dans lequel le CERAC évolue.
Les sinistres et catastrophes, les poches de pauvreté et de misère, le monde du handicap, la
détresse des personnes vulnérables sont les figures de cet environnement des missions du
CERAC. La Première Dame du Cameroun est très sensible à cet environnement.
En cherchant à exprimer sa compassion et à apporter des solutions à ces problèmes,
elle a fait du CERAC un outil qui œuvre pour l'égalité des chances et la promotion des droits
fondamentaux des personnes défavorisées.
1- Sources de financement
Pour mener à bien son programme d'action, le CERAC compte sur les contributions de
ses membres et l'appui de ses partenaires, sans oublier les dons et legs des mécènes.
Le CERAC recourt aussi à des levées de fonds ponctuelles, afin de financer certaines
activités ciblées, comme la lutte contre le VIH/SIDA, l’éducation, ou la santé.

395
Cette collecte est facilitée par le fait que pour Madame Chantal BIYA, l'ethnie, la tribu,
le genre, la religion, ou la nationalité, ne constituent pas des obstacles. Tout au contraire, et
nous l'avons mentionné plus haut, cette diversité et cette pluralité sont plutôt des atouts.
D'un autre côté, le CERAC étant apolitique, ses œuvres bénéficient à toutes les chapelles
politiques et nationalités présentes au Cameroun.
2- Les groupes cibles
Le CERAC n'a qu’une seule religion, une seule tribu, une seule nationalité, un seul
genre : la solidarité. Madame Chantal BIYA est mue par un souci d’équité et de justice. C'est
cette quête d'égalité des chances qui a orienté le CERAC à soutenir les femmes, les jeunes filles,
les jeunes en général, et les personnes démunies, prioritairement.
Viennent ensuite les missions économiques du CERAC qui rejoignent la promotion des
droits fondamentaux de la personne.

B - LES MISSIONS ECONOMIQUES


Ce volet des missions du CERAC renvoie pour l'essentiel à l’accompagnement des
femmes rurales et des déshérités, à travers des appuis multiformes (formation, outils, intrants)
qui les aident à s'autonomiser. Ce faisant, le CERAC les amène à tourner le dos à l'archaïsme
pour adopter des pratiques modernes et plus productives.
Cette noble quête renforce les capacités, les compétences et les revenus des bénéficiaires
de l'action du CERAC.
Il convient maintenant d'évoquer la branche diplomatique du CERAC.

C- LE RAYONNEMENT INTERNATIONAL
L'adhésion au volet diplomatique du CERAC est proposée à toutes les personnes
éligibles dès leur arrivée au Cameroun.
Le volet diplomatique fait du CERAC, comme qui dirait, un creuset de l'amitié sans
frontières. Expatriées et Camerounaises fraternisent, et soutiennent solidairement l'action de
Madame Chantal BIYA. Quand les expatriées arrivent en fin de séjour au Cameroun, elles sont
imprégnées du bien-fondé et de la vitalité du CERAC, dont elles deviennent de dignes
ambassadrices à travers le monde.
Après cet aperçu sur les missions du CERAC, complétées par ses composantes et ses
ressources, je vous propose d'aborder les actions de cette association, pour mieux comprendre
sa pertinence comme acteur non étatique qui participe à la mise en œuvre de politiques
publiques.
396
II - LES ACTIONS DU CERAC
Nous évoquerons dans cette partie, les actions de la Première Dame du Cameroun, à
travers le CERAC, en soulignant leur ancrage profond dans les politiques publiques. Ensuite,
nous scruterons les moyens de renforcement de cette dynamique humanitaire impulsée par
Madame Chantal BIYA.
A- LE CERAC, OUTIL DE DEVELOPPEMENT ET DE PROMOTION DES DROITS
Les actions de Madame Chantal BIYA, à travers le CERAC, sont en parfaite adéquation
avec les droits fondamentaux définis dans l’article 25 de la Déclaration Universelle des Droits
de l’Homme. Je cite :
"Toute personne a droit à un niveau vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et
ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins
médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires"
"Toute personne a droit à la sécurité, en cas de chômage, de maladie, d’invalidité, de
veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance, par suite de
circonstances indépendantes de sa volonté". Fin de citation.
Sur le plan de l'étendue territoriale, l'action du CERAC a l'ambition de toucher toutes
les populations cibles, y compris dans les localités enclavées ou éloignées.
A titre d'exemples, Makary, Serawa, Doukoula, Mbiyeh, Kye-Ossi, Yokadouma, Nguti,
Fondonera, Rey Bouba, Ndocksamba, Mamfé, Dehane, Tignère, Poli, Jakiri, Nguelemendouka,
et bien d'autres, ont déjà reçu la visite de caravane du CERAC, à l'occasion de la réalisation
d'un projet.
Des efforts considérables sont consentis, afin que l’éventail des bénéficiaires de cette
déferlante de solidarité, soit de plus en plus large.
Nous allons évoquer tour à tour, les œuvres caritatives du CERAC, son implication dans
la promotion de la femme, sa contribution dans le domaine de la santé, et enfin en matière
d'éducation.
1- Les actions caritatives du CERAC
Sous la haute et dynamique impulsion de Madame Chantal BIYA, le CERAC assiste,
console, réconforte et soutient les personnes en détresse, du fait de la pauvreté, la misère, des
catastrophes, de la maladie, de la vieillesse ou des pandémies.
L'exemple le plus illustratif est celui des jeunes et des enfants orphelins victimes de la
catastrophe de Nsam de 1998. En plus de leurs blessures physiques et mutilations, le
traumatisme qui a frappé une quarantaine parmi les plus affectés, a jeté un gros nuage sur leur
397
avenir. Le CERAC qui n'avait alors que trois ans d'existence, s'est pourtant saisi de ces cas. Il
s'est engagé à assurer la continuité de l’éducation de ces enfants. Depuis dix-huit ans, le
CERAC a pourvu à leurs besoins essentiels, qui correspondent à autant de droits fondamentaux
: inscriptions scolaires, achats de fournitures, d'uniformes, remise d'argent de poche,
encadrement affectif et psychologique, suivi sanitaire et soutien scolaire. Leurs besoins ont
grandi en même temps que ces enfants. Certains ont bénéficié de formations dans divers
domaines, tels que : la mécanique automobile, la couture, la menuiserie, l'informatique, tandis
que ceux, nombreux, qui ont pu s'accrocher, ont poursuivi et même achevé leurs études,
jusqu'au cycle doctoral pour les plus brillants. Les frais d'hébergement, de transport et de
recherche ont été pris en charge par le CERAC.
Les plus méritants ont été primés, pour susciter une saine émulation parmi ces enfants.
Aujourd’hui, une dizaine d'orphelins de Nsam ont un travail décent. Plusieurs ont fondé
une famille.
Cet exemple montre à suffisance que la Première Dame du Cameroun a fait siennes, les
valeurs de solidarité et d’humanisme. Elle les partage et les promeut avec les membres du
CERAC, pour soutenir les efforts des pouvoirs publics en faveur de la préservation ou de la
restauration de la dignité humaine.
Il en va de même pour ce qui est de la promotion de la femme, comme nous allons
maintenant le montrer.
1- Les actions du CERAC pour la promotion de la femme
L'amélioration de la condition de la femme et la promotion de la gent féminine sont au
centre des politiques publiques, tant au niveau national qu'international. Les actions du CERAC
dans ce domaine traduisent une prise de conscience et une réelle volonté d'aider les femmes à
se préparer à jouer pleinement le rôle qui leur incombe, sur les plans individuel, familial,
professionnel, économique, politique, et social.
Le CERAC a depuis longtemps compris qu'il ne s'agit pas seulement de leur donner du
poisson, mais d'apprendre aux femmes à pêcher, car une femme bien formée est un atout
précieux pour sa famille et pour la nation.
Les principales actions du CERAC portent sur : l’éducation de la jeune fille, l’arrimage
de la femme aux technologies de l’information et de communication, et la formation.
En plus des circuits formels d'éducation et de formation dans lesquels les filles et les
femmes sont insérées, le CERAC promeut les causeries éducatives sur des sujets aussi divers
et variés que : le droit, la santé, la citoyenneté, la cybercriminalité et les risques liés à la
fréquentation des réseaux sociaux, la protection de l’environnement.
398
Grâce à l'action constante et la contribution substantielle de Madame Chantal BIYA, la
promotion de la femme est une réalité, au sein même du CERAC, mais aussi, en faveur des
populations cibles, dans plusieurs villes et villages du Cameroun.
Le CERAC accorde une priorité à la formation aux technologies de l'information et de
la communication. Avec l'avènement de l'économie numérique, cette attention particulière s'est
accrue.
Le CERAC considère l'arrimage de la femme aux nouvelles technologies comme un
devoir de solidarité, et un impératif de développement, car il est difficile d'avancer si la moitié
de la population est larguée. Le CERAC bénéficie de l'accompagnement de plusieurs
partenaires comme l’Institut Africain d’Informatique (I.A.I.) ou l'Agence des Nouvelles
Technologies de l'Information et la Communication (ANTIC).
Il faut se féliciter de ce que le rôle de Madame Chantal BIYA comme Marraine de
l'Opération "100 000 femmes, Horizon 2012", ou "MIJEF 2035", soit au programme de ce
colloque.
En définitive, les actions du CERAC au bénéfice des femmes, jeunes et moins jeunes,
contribuent à l'objectif d'égalité les chances entre femme et homme, pour le progrès social.
Nous allons maintenant aborder les actions du CERAC dans le domaine de la santé.

2- Les actions du CERAC dans le domaine de la santé et la promotion du droit à


la santé
Nous venons de le dire. Les membres du CERAC bénéficient d’une sensibilisation sur
les questions de santé.
Au cours de leurs réunions statutaires, des sujets portant sur les problèmes de santé, les
maladies cardiovasculaires, le stress, les rhumatismes, les hépatites, et les pandémies sont
abordés par de grands spécialistes.
Mais le CERAC fait encore plus dans le domaine de la construction ou la réhabilitation
et l'équipement de formations sanitaires, sans oublier les dons de matériel et de médicaments.
Le CERAC soutient les actions de prévention, d'information, d'éducation et de
communication, et la formation des relais communautaires, notamment les jeunes et les
femmes, dans la lutte contre les épidémies et les pandémies.
En partenariat avec les personnels de santé, les travailleurs sociaux, d'autres acteurs de
la société civile et les pouvoirs publics, le CERAC est présent dans la lutte contre la lèpre, la
drépanocytose, l'autisme, le SIDA, entre autres.

399
Dans bien des cas (lèpre, autisme, SIDA), où les personnes affectées sont très souvent
encore victimes de stigmatisation et d'exclusion, le rôle du CERAC consiste aussi, comme le
veut la Première Dame du Cameroun, à rétablir ces personnes dans leur droit à la dignité
humaine.
Le CERAC s'est donné pour mission d'accompagner les pouvoirs publics dans leurs
missions de promotion de la santé, afin de pouvoir compter sur une population capable de
relever le défi de l'émergence en 2035.
Les actions du CERAC dans le domaine de l'éducation méritent également d'être mises
en lumière. C'est la prochaine articulation de notre exposé.

3- Les actions du CERAC dans le domaine de l'éducation


La Première Dame du Cameroun, Ambassadrice de Bonne Volonté de l'UNESCO, faut-
il le rappeler, a engagé le CERAC dans le sillage de la politique gouvernementale en matière
d'éducation.
Chaque année, des écoles sont construites ou rénovées (salles de classe et bureaux), et
équipées (mobilier, matériel de bureau, tables-bancs), dans plusieurs localités des dix régions
du Cameroun. Des dons de matériel didactique et de fournitures sont offerts aux établissements
scolaires et aux élèves. Des espaces de jeux, des toilettes et des points d'eau sont aménagés
dans les écoles, pour assainir le cadre d'apprentissage des enfants.
Le CERAC contribue donc valablement à la jouissance par tous les enfants, des villes
et des campagnes, du droit fondamental à l’éducation.
Il n'est pas superflu de mentionner que chaque fois que CERAC réalise un projet dans
une localité, qu'il s'agisse de la construction ou la réhabilitation d'un orphelinat, d'une école, ou
d'un centre de santé, c'est toute la communauté environnante qui bénéficie des infrastructures
sociales de base qui sont rénovées, à l'instar des routes, de l'approvisionnement en eau potable,
de la réhabilitation du réseau d'électricité ou de téléphonie...
Au demeurant, il vous est loisible de consulter la cartographie des réalisations du
CERAC sur l’ensemble du territoire national dans les chemises à rabat qui ont été distribuées.
Pour se faire une idée plus précise sur les réalisations du CERAC depuis sa création par
la Première Dame du Cameroun, un volumineux dossier d'annexes sera remis au secrétariat
technique de ce colloque, pour exploitation.
Les actions du CERAC ont contribué à apporter des transformations notables et
positives dans les conditions de vie des Camerounais, dans le sens des objectifs de
développement durable adoptés par l'ONU.
400
Le CERAC s'est imposé, au fil des années, et surtout à travers ses actions bienfaisantes,
comme un acteur de développement qui participe à la mise en œuvre des politiques publiques
et à la promotion des droits fondamentaux dans plusieurs domaines, qu'il s'agisse de la
promotion de la femme et de l'égalité des chances, de l'éducation, la santé, l'assistance aux
démunis et aux personnes vulnérables.
Avec la permission du Modérateur, et l'indulgence des participants, nous allons dire
quelques mots sur les moyens du renforcement de la dynamique humanitaire impulsée par
Madame Chantal BIYA au CERAC.

B- LES PERSPECTIVES
Les actions du CERAC montrent que beaucoup de chemin a été parcouru en vingt et
une années d'existence et de travail inlassable.
Plutôt que de céder à l'autoglorification, les besoins fondamentaux des populations,
encore nombreux, appellent de nouvelles stratégies et des efforts toujours plus importants.
Parmi les perspectives, le renforcement des partenariats et la quête d'une efficacité
toujours plus grande méritent d'être abordés.
1- Le renforcement des partenariats
Le CERAC a toujours misé, depuis le début, sur une synergie d'actions avec ses
partenaires. Dans la perspective du renforcement de ses actions, les partenariats existants
mériteraient d'être renforcés. Je citerai par exemple :
- La collaboration naturelle et fraternelle qui existe entre le CERAC, la Fondation Chantal
BIYA, Synergies Africaines, et le CIRCB.
- La consolidation des acquis avec les institutions gouvernementales.
- La Fondation pour le Renforcement des Capacités en Afrique, désignée sous son acronyme
en Anglais, ACBF (African Capacity Building Fondation), le projet de Renforcement des
Capacités des Réseaux des Femmes pour lutter contre la pauvreté au Cameroun, en abrégé,
CAREF, qui ont été de précieux atouts pour l'éducation, la formation et la promotion de la
jeune fille et de la femme.
- Le secteur privé et les mécènes qui ont participé aux levées de fonds et au sponsoring de
nos activités.
- Le développement de partenariats internationaux.
2- Le renforcement de l'efficacité du CERAC
Dans toutes ses missions et actions, le CERAC peut, et doit encore s'améliorer.

401
En s'appuyant sur les politiques publiques et les progrès de la science et de la
technologie, et en adaptant ses interventions aux besoins réels des populations cibles (femmes
rurales, personnes en détresse, formations sanitaires, communautés éducatives), le CERAC peut
accroître son efficacité de façon notable.
Distingués Panélistes,
Mesdames et Messieurs,
Il ne me reste plus qu'à vous remercier pour votre aimable attention./-

402
L’impact de l’Action Sociale de la Première Dame sur la mise en œuvre de la politique
d’assistance sociale du gouvernement. Madame Pauline Irène NGUENE, Ministre des
Affaires Sociales

Introduction

Il nous a été demandé dans le cadre du présent colloque de préparer une communication
sur l’impact de l’Action Sociale de la Première Dame sur la mise en œuvre de la politique
d’assistance sociale du gouvernement.

Il convient d’emblée d’indiquer que la finalité de la Politique d’Assistance Sociale au


Cameroun est de s’assurer d’une redistribution juste et équitable des fruits de la croissance en
prenant en compte les besoins spécifiques des catégories défavorisées qui du fait de leur
condition physique, mentale, sociale, économique ou culturelle, sont incapables par elles-
mêmes de contribuer à leur protection sociale.

L’opérationnalisation de ladite politique est transversale. Elle appelle l’intervention de


plusieurs acteurs institutionnels soutenus par les partenaires au développement et surtout la
contribution solidaire du secteur privé et des Organisations de la Société Civile.

L’action sociale de la Première Dame s’inscrit de façon naturelle dans la mise en œuvre
de la Politique d’Assistance Sociale du gouvernement à la fois dans son organisation, le choix
de ses cibles, la nature et l’ampleur de ses interventions et le rôle complémentaire joué aux
côtés du Ministère des Affaires Sociales dans l’exécution de ses missions de prévention,
d’assistance et de protection des personnes socialement vulnérables.

D’où le postulat qui servira de conducteur à notre communication : « L’action sociale


de la Première Dame a un impact certain et d’envergure sur la mise en œuvre et l’efficacité
de la Politique d’Assistance Sociale du Gouvernement ».

Il sera donc question dans l’organisation de notre exposé, de rappeler dans un premier
temps, les grands principes qui guident la Politique d’Assistance Sociale du Gouvernement, de
relever ensuite l’objectif et les axes stratégiques de cette politique puis d’évoquer ses principaux
domaines d’intervention.

Dans une deuxième articulation qui sera le cœur de notre présentation, nous essayerons
de démontrer que l’Action Sociale de la Première Dame se nourrit des grands principes de la
Politique d’assistance sociale du Gouvernement, qu’elle s’inscrit en droite ligne de l’objectif et

403
des axes stratégiques de celle-ci et qu’enfin ses interventions constituent une source
additionnelle de réponses aux besoins d’inclusion sociale et de développement exprimés par les
personnes socialement vulnérables à l’endroit des pouvoirs publics.

En perspective, nous tenterons de questionner l’impact de l’Action Sociale de la


Première Dame sous le prisme du nécessaire changement de paradigme de l’assistance sociale
au Cameroun qui vise désormais à briser le cercle infernal de la demande sans cesse renouvelée
de prise en charge pour laisser la place à la promotion de l’entrepreneuriat social dont l’ultime
finalité est la transformation des vulnérabilités sociales en opportunités de développement par
la reconversion des catégories vulnérables, d’éternels assistés en acteurs et porteurs de
croissance.

1- Brève présentation de la Politique d’Assistance sociale au Cameroun


Afin de nous assurer de l’impact de l’Action Sociale de la Première Dame sur la
Politique d’Assistance Sociale mise en œuvre par le Gouvernement, il nous semble nécessaire
de présenter une synthèse de ladite politique, en en rappelant les grands principes, l’objectif et
les axes stratégiques et le champ d’intervention.
1.1. les grands principes de la Politique d’Assistance sociale au Cameroun
La Politique d’Assistance Sociale ou de Solidarité Nationale du gouvernement tire son
substrat de la Constitution, des engagements internationaux souscrits par notre pays et de la
pensée politique de Chef de l’Etat, Son Excellence Monsieur Paul BIYA, telle que structurée
autour de ses discours et autres prises de parole, du cadre juridique et institutionnel ainsi que
des orientations/instructions particulières relatives au secteur social.

Elle est supportée par deux piliers fondamentaux : la Solidarité nationale et la Justice
sociale.

Il s’agit de prévenir et de réduire la fracture sociale à travers la recherche des réponses


multiformes à la demande de solidarité sans cesse croissante, complexe et diversifiée.

Elle peut être considérée comme étant un ensemble d’orientations stratégiques du


gouvernement organisées et rationalisées à travers des programmes, actions et activités visant
à venir en aide à un individu, un groupe ou une communauté se trouvant dans l’impossibilité
de résoudre de manière autonome un ou des problèmes liés à une situation de vulnérabilité
ponctuelle ou permanente.

404
Contrairement à la Sécurité Sociale qui a un caractère essentiellement contributif et
assure la couverture des salariés et autres souscripteurs d’assurance, le système d’assistance
sociale ou de Solidarité Nationale quant à lui vise à répondre aux besoins de protection sociale
des couches incapables de se prendre en charge par elles-mêmes ou de contribuer de quelque
manière à leur protection sociale.

Le dispositif de Solidarité Nationale vise ainsi à offrir aux Personnes Socialement


Vulnérables une assistance ponctuelle ou durable en termes d’aides et de secours, de
subventions, de transferts sociaux, de plaidoyer et/ou d’accompagnement psychologique,
juridique ou socioéconomique.

Il est fondé sur 12 grands principes suivants qui relèvent à la fois des dispositions de la
Constitution, des engagements internationaux du Cameroun et des valeurs socioculturelles qui
fondent le vivre ensemble de la Nation camerounaise.
1. Le respect de la dignité humaine et des droits fondamentaux de l’homme : ce principe
garantit le développement libre de la personnalité, de toute personne et le respect de son
intégrité, de sa vie privée, de son intimité et de sa sécurité.
2. L’universalité : chaque personne a droit à l’assistance sociale dans les conditions
prévues par la Loi en tenant compte de ses aspirations et de ses besoins fondamentaux,
indépendamment de son appartenance religieuse et politique, de son statut social et de son sexe.
3. La complémentarité : tous les acteurs doivent œuvrer en parfaite harmonie pour une
meilleure satisfaction des besoins fondamentaux des populations et un meilleur encadrement
des personnes vulnérables.
4. La décentralisation : les communautés de base doivent être dotées des instruments
adéquats pour une meilleure efficacité d’intervention et une satisfaction appropriée des besoins
de leurs membres.
5. La solidarité : pour maintenir et renforcer la cohésion sociale, la communauté doit
contribuer activement à l’entraide et à l’assistance aux personnes qui ne peuvent subvenir
seules à leurs besoins sociaux.
6. L’approche vulnérable : De par leurs conditions physiques, mentales, sociales ou
culturelles, certaines catégories de personnes se retrouvent en situation de vulnérabilité et sont
incapables par elles-mêmes de contribuer non seulement à leur prise en charge mais également
d’assumer leurs responsabilités en tant que membre de la société. Ces personnes se retrouvent
ainsi exclues de tout processus de prise de décision et ne bénéficient pas ou que très peu des

405
fruits de l’effort collectif. La prise en compte de leurs situations particulières s’avère dès lors
indispensable afin de garantir l’équité, la justice sociale et la cohésion nationale.
7. L’approche genre : La prise en compte de la dimension genre est au centre des
préoccupations sociales en vue de réduire tous types de disparités, souvent observées, entre
les hommes et les femmes dans les différents domaines tels que la santé, l’éducation et
l’alphabétisation, l’accès au crédit, la participation à la vie politique nationale.
8. L’égalisation des chances : dans toute société, il existe des différences humaines
qui peuvent être liées à des facteurs tels que l’appartenance à une région, le niveau des
richesses, l’âge, le sexe, l’invalidité, etc. Les êtres humains étant en principe égaux, les
discriminations fondées sur ces facteurs sont inacceptables. Il appartient à la société de
tenir compte de ces différences en adoptant des mesures appropriées et des attitudes tolérantes
et constructives.
9. La participation : la promotion sociale est d’abord et avant tout une question
d’engagement personnel et une prédisposition à changer résolument sa situation. Le
principe de participation est fondamental pour la réussite des programmes sociaux. Ainsi, la
participation des bénéficiaires à la conception, à la mise en œuvre et à l’évaluation des
actions entreprises en leur faveur doit être privilégiée et valorisée.
10. Le partenariat : Les acteurs des secteurs publics et privés, de la société civile ainsi
que les partenaires techniques et financiers doivent œuvrer en synergie pour apporter des
réponses multiformes aux besoins spécifiques d’inclusion sociale des catégories vulnérables.
11. La responsabilité sociétale des entreprises : La responsabilité sociétale des
entreprises est basée sur le principe selon lequel la performance d’une entreprise ne se calcule
pas seulement en fonction des critères économiques mais doit également être évaluée en
fonction de sa contribution à la qualité de l’environnement et au capital social à travers la
promotion d’activités de d’assistance et de développement social.
12. La communication active : la mobilisation des ressources humaines, matérielles,
techniques, technologiques et financières constitue un facteur d’efficacité de communication
pour le développement social.

Ces principes guident le choix des critères d’éligibilité au bénéfice des actions
d’assistance sociale ou de Solidarité Nationale du gouvernement.

1.2. Objectif et Axes stratégiques de Politique d’Assistance sociale au Cameroun

406
L’objectif stratégique de la Politique d’Assistance sociale est de « Promouvoir
l’inclusion sociale des Personnes Socialement Vulnérables ».

Il s’appuie sur les orientations stratégiques du DSCE en relation avec le secteur social
dont les priorités nationales sont arrimées à la composante Solidarité nationale et énoncées à la
page 77, aux paragraphes suivant :

270. Le Gouvernement poursuivra la mise en place des structures spécialisées pour les
personnes vivant avec un handicap. Il entend améliorer leur accès à l’éducation et aux
formations dans tous les secteurs, faciliter davantage leur insertion professionnelle, afin de
réduire leur dépendance. Des aménagements spéciaux pour leur accès dans les édifices et des
appuis financiers pour la promotion de l’auto-emploi feront l’objet d’une attention particulière.

271. Pour mieux encadrer les personnes âgées non prises en charge et recueillies par
des associations privées, le Gouvernement entend mener une action sociale à leur égard en
appuyant les structures existantes, en assurant leur prise en charge médicale, et en
encourageant les familles à assurer l’encadrement de leurs parents âgés.

272. Pour éviter la marginalisation des peuples dits indigènes et tribaux (PIT), le
Gouvernement s’engage à promouvoir davantage de structures scolaires et sanitaires dans les
zones où vivent ces groupes et à faciliter leur insertion dans la société, notamment à travers
des programmes spécifiques de formation et d’encadrement, tout en tenant compte de leur
environnement. Des mesures seront également prises pour leur faciliter l’accès à la terre pour
leurs activités agricoles, d’élevage et de pêche.

273. Les autorités continueront de promouvoir la solidarité nationale par la lutte contre
l’exclusion sociale des groupes marginalisés et la mise en œuvre des initiatives locales
d’entraide, d’accompagnement et d’encadrement familial et des individus. Il s’agira également
d’assurer la prise en charge communautaire des personnes vulnérables, de mettre en place des
fonds de solidarité nationale et de prendre en compte l’approche vulnérable dans les politiques
et programmes de développement.

Le tableau ci-dessous décline les axes stratégiques devant concourir à la réalisation de


cet objectif stratégique.

407
Axes stratégiques Objectifs

Renforcer le rôle social de la communauté dans la prévention


des déficiences, de l’inadaptation sociale, des risques et
Protection et prévention fléaux sociaux
sociale
Renforcer la prise en charge holistique des personnes
socialement vulnérables

Assurer la réinsertion sociale et économique des personnes


socialement Vulnérables
Solidarité nationale
Améliorer les conditions de vie des Personnes Socialement
Vulnérables

Assurer le pilotage de la politique gouvernementale de


Gestion et gouvernance
prévention et d’assistance des PSV
sociale
Garantir la bonne gouvernance de la Politique d’assistance
sociale

1.3. Le champ d’intervention de la Politique d’assistance sociale


La vulnérabilité est définie comme l’incapacité permanente ou momentanée d’une
personne, d’un groupe (famille ou communauté) à satisfaire, par ses propres moyens ses besoins
vitaux. La vulnérabilité n’étant due ni à la paresse, ni à la malchance et encore moins à la
mauvaise foi des victimes, la Politique d’assistance sociale ou de Solidarité Nationale doit
s’appliquer en priorité aux plus vulnérables.

Ceux-ci constituent donc les principaux destinataires de ladite politique. Sans être
exhaustif, on peut citer :

- les enfants et plus spécifiquement ceux en situation de vulnérabilité particulière ;


- les personnes handicapées ;
- les PVVIH ou toute autre pandémie ;
- les malades chroniques (les drépanocytaires, les anciens malades mentaux, les grands
brûlés, les familles des malades chroniques) ;

408
- les populations autochtones vulnérables et les catégories marginales ;
- les femmes, surtout celles enceintes ou victimes d’exclusion ;
- les personnes âgées ;
- les victimes de catastrophes et/ou de sinistres naturels ;
- les primo chercheurs d’emploi ;
- les personnes privées de leur liberté ;
- les victimes de fléaux sociaux ;
- les personnes victimes d’accidents graves de la circulation et autres ;
- les camerounais de la diaspora en situation de vulnérabilité ;
- les victimes de guerres ;
- les réfugiés et les personnes déplaces internes ;
- les personnes indigentes vivant dans le milieu rural.

2- Analyse de l’impact l’Action Sociale de la Première Dame sur la mise en œuvre de


la Politique d’Assistance sociale au Cameroun
Le postulat de départ autour duquel s’articule notre réflexion était à titre de rappel :
« L’action sociale de la Première Dame a un impact certain et d’envergure sur la mise en
œuvre et l’efficacité de la Politique d’Assistance Sociale du Gouvernement ».

Afin de vérifier notre hypothèse de travail, nous allons dans un premier temps nous
assurer que l’Action Sociale de la Première Dame est en phase avec les grands principes qui
fondent ladite politique tels que nous venons de les rappeler.

Ensuite, nous nous attèlerons à démontrer en quoi l’Action Sociale de la Première Dame
contribue significativement à l’atteinte des objectifs stratégiques de la Politique d’Assistance
Sociale du gouvernement.

Et enfin, nous montrerons que face à la forte demande d’assistance sociale à laquelle le
Ministère des Affaires Sociales est appelée à faire face, les actions multiformes engagées par la
Première Dame constituent une source permanente de réponses additionnelles aux besoins
d’inclusion sociale et de développement exprimés par les personnes socialement vulnérables.

2.1. Alignement de l’Action Sociale de la Première Dame sur les grands principes
qui fondent la Politique d’Assistance sociale

409
Vous conviendrez avec moi que nous n’aurons pas besoin d’insister en profondeur sur
ce point. En effet, tel qu’il ressort des brillants exposés des experts qui nous ont précédés,
l’Action Sociale de la Première Dame est principalement fondée sur l’humanisme et la lutte
contre les injustices et les souffrances humaines.

Elle répond en effet à la fois aux besoins :

- de protection et de promotion des droits humains fondamentaux des catégories les


plus vulnérables,
- d’inclusion sociale et économique des plus faibles et des plus démunis,
- d’émancipation et d’autonomisation de la femme,
- de prise en compte des aspirations spécifiques des personnes socialement vulnérables
au développement.
L’Action Sociale de la Première Dame s’adresse à la fois aux camerounais et à toute
autre personne en situation de vulnérabilité vivant et/ou en séjour au Cameroun.

Au-delà, à travers le spectre des missions que poursuivent le CIRCB, le CRACERH et


les Synergies Africaines, les bénéficiaires de son action se recrutent en Afrique et aux quatre
coins du monde. D’où son universalité.

Au total, dans son déploiement pluridimensionnel, l’Action Sociale, mieux les Actions
Sociales de la Première Dame, se nourrissent sans aucun doute, pour l’essentiel, des grands
principes qui guident le choix des prestations et des bénéficiaires de la Politique d’Assistance
Sociale au Cameroun, à savoir :

- le respect de la dignité humaine et des droits fondamentaux de l’homme ;


- l’universalité ;
- la complémentarité ;
- la solidarité ;
- l’approche vulnérable ;
- l’approche genre ;
- l’égalisation des chances.

2.1 Contribution de l’Action Sociale de la Première Dame à l’atteinte des objectifs


stratégiques de la Politique d’Assistance Sociale

410
L’Action Sociale de la Première Dame contribue-t-elle à l’atteinte des objectifs
stratégiques de la Politique d’Assistance Sociale du gouvernement ? Telle est à présent la
question à laquelle nous nous efforcerons d’apporter une réponse, en rappelant que nous nous
sommes fixé comme objectif stratégique au Ministère des Affaires Sociales de « Promouvoir
l’inclusion sociale des Personnes Socialement Vulnérables » à travers trois (03) axes
stratégiques : Protection et prévention sociales, Solidarité nationale et Gestion et
gouvernance sociale.

En ce qui concerne le 1er axe, Protection et prévention sociales, l’Action Sociale de


la Première Dame contribue à l’atteinte de l’objectif stratégique de Renforcement du rôle social
de la communauté dans la prévention des déficiences de l’inadaptation sociale, des risques et
fléaux sociaux à travers les actions de plaidoyer, d’information, d’éducation, de communication
pour le changement des comportements et de mobilisation sociale à l’instar des campagnes
« Vacances sans Sida » ou encore « le Vaccin social contre le Sida ».

Pour ce qui est de l’objectif de Renforcement de la prise en charge holistique des


personnes socialement vulnérables par les institutions spécialisées d’encadrement des
personnes socialement vulnérables, la contribution de la Première Dame est significative à
travers la remise des appuis multiformes par le CERAC et la FCB aux structures publiques et
Œuvres Sociales Privées d’encadrement de la petite enfance, des enfants en détresse, des
mineurs inadaptés sociaux, des personnes âgées et des personnes handicapées.

S’agissant du second axe : Solidarité nationale, l’Action Sociale de la Première Dame


contribue à assurer la réinsertion sociale et économique des personnes socialement Vulnérables
ainsi qu’à améliorer leurs conditions de vie, par le biais des appuis en ressources productives
ainsi qu’en matériels, petits équipements et autres outillages, en vue de la réalisation des
Activités Génératrices de Revenus et de microprojets dans le domaine agropastoral.

Par ailleurs, les personnes en situation d’extrême vulnérabilité comme les enfants
abandonnés et les personnes âgées indigentes et sans soutien reçoivent une prise en charge
nutritionnelle, sanitaire et vestimentaire permanente ou ponctuelle, selon les cas, de la part du
CERAC et de la FCB.

Enfin, concernant le troisième axe stratégique, Gouvernance sociale, il convient


d’indiquer que la FCB, le CERAC et les Synergies Africaines sont des partenaires
privilégiés du Ministère des Affaires Sociales et participent de ce fait systématiquement à

411
l’évaluation des Politiques et Programmes d’Assistance Sociale dans le cadre des Comités mis
en place à cet effet, à savoir : la Commission Nationale pour la Protection de l’Enfance en
danger morale, délinquante ou abandonnée (CNPE), le Comité National de Réadaptation et de
Réinsertion Socioéconomique des Personnes Handicapées (CONRHA), le Comité
Intersectoriel de Suivi des Programmes et Projets impliquant les Populations Autochtones
Vulnérables (CISPAV), pour ne citer que ceux-là.

Dans la même veine, eu égard aux expertises dont elles regorgent, les Œuvres Sociales
de la Première Dame que nous venons d’évoquer, sont également sollicitées dans l’élaboration
et la validation des documents de référence tels que les Guides d’intervention, les manuels de
procédures, les documents-projets, les Termes de Référence, les Rapports d’Etudes.

De ce point de vue, la Première Dame à travers l’expertise plurielle de ses œuvres,


contribue à l’atteinte des objectifs de pilotage et de bonne gouvernance de la Politique
d’Assistance Sociale du Gouvernement.

3.1. L’Action Sociale de la Première Dame : une source additionnelle de réponses


aux besoins d’inclusion sociale et de développement exprimés par les
personnes socialement vulnérables à l’endroit des pouvoirs publics
Tel que nous venons de le démontrer, l’Action Sociale de la Première Dame contribue
à l’atteinte de tous les six objectifs stratégiques qui sous-tendent la mise en œuvre efficace et
efficiente de la Politique d’Assistance Sociale ou de Solidarité Nationale du Gouvernement.

En cela elle est complémentaire à l’Action Sociale publique à laquelle elle apporte des
réponses additionnelles aux besoins spécifiques d’inclusion sociale des cibles vulnérables.

A titre d’illustration, nous pouvons évoquer le cas spécifique des enfants en situation de
détresse dont la prise en charge fait l’objet d’un Accord de partenariat entre le Ministère des
Affaires Sociales et la Fondation Chantal BIYA signé le 15 juin 2005.

Aux termes de l’Article 5 dudit Accord, la FCB apporte au Minas un appui nécessaire
à la mise en œuvre de sa mission de protection sociale de l’enfance, particulièrement de
l’enfance en situation de vulnérabilité, en s’engageant à :

- administrer des soins de santé aux nouveau-nés abandonnés et confiés au Minas ;

412
- et à assurer l’assistance médicale et les soins de santé nécessaires aux enfants en détresse
internés dans les centres d’accueil spécialisés publics, ou en placement dans des familles
d’accueil.
A travers cette convention, de nombreux enfants en situation de détresse, bénéficient
ainsi chaque année, d’une protection sociale qui aurait pu être compromise sans cette
contribution de la Fondation Chantal BIYA.

Là n’est qu’une illustration. Il en existe plusieurs autres pour ce qui est des personnes
handicapées, des personnes âgées, des populations autochtones, des victimes des catastrophes
et sinistres à l’instar de ceux de Nsam, que nous ne pouvons pas tous évoquer ici, compte tenu
du temps imparti.

Conclusion

Il nous était demandé de communiquer sur l’Action Sociale de la Première Dame dans
son rapport avec la Politique d’Assistance ou de Solidarité Nationale dont le Ministère des
Affaires Sociales a la charge de l’élaboration et du suivi de la mise en œuvre.

Au terme de notre présentation, et nous fondant sur les éléments à la fois théoriques et
factuels que nous avons pu réunir, nous sommes en mesure de conclure que L’action sociale
de la Première Dame a un impact certain et d’envergure sur la mise en œuvre et l’efficacité
de la Politique d’Assistance Sociale du Gouvernement.

Pour rester dans l’esprit d’un colloque dont le caractère scientifique doit être garanti,
nous pourrions susciter un nouveau débat sur l’impact de l’Action Sociale de la Première Dame
sous le prisme du nécessaire changement de paradigme de l’assistance sociale dont la stratégie
est désormais la promotion de l’entrepreneuriat social. Une stratégie dont l’ultime finalité est
de ne pas maintenir les Personnes Socialement Vulnérables dans la dépendance.

Si nous nous référons à ce que nous avons indiqué plus haut en termes de contribution
de l’Action Sociale de la Première Dame à l’objectif stratégique de réinsertion économique des
catégories défavorisées, il est évident que tout en restant dans le domaine de l’humanitaire qui
est sa vocation première, la Première Dame, Madame Chantal BIYA, Ambassadrice de Bonne
Volonté de l’UNESCO pour l’Education et l’Inclusion Sociale, Ambassadrice Spéciale de

413
l’ONUSIDA, la Première Dame, disais-je, s’affirme également comme un véritable
entrepreneur social.

414
La Première Dame du Cameroun et l’efficacité de la politique environnementale au
Cameroun. Monsieur HELE Pierre, Ministre de l’Environnement, de la Protection de la
Nature et du Développement Durable

Monsieur le Recteur de l’Université de Yaoundé II,


Honorables Membres du Parlement,

Mesdames et Messieurs les Membres du Gouvernement,

Excellences Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,

Eminents Professeurs,

Mesdames et Messieurs les Universitaires,

Chers Etudiants,

Distingués Invités,

Mesdemoiselles, Mesdames et Messieurs.

Un insigne honneur m’a été fait en m’invitant à cet important colloque sur « Les droits
fondamentaux au prisme de l’action sociale de Madame Chantal BIYA, Première Dame du
Cameroun ».

C’est avec un grand plaisir que je prends la parole pour vous entretenir sur le thème :
« La Première Dame du Cameroun et l’efficacité de la politique environnementale au
Cameroun ».

1. INTRODUCTION
En partant de la conférence de Stockholm en 1972 à nos jours en passant par le Sommet
de Rio en 1992 et Johannesburg en 2002 sur le Développement Durable, les problèmes
environnementaux sont caractérisés par une dimension mondiale dans le sens où chacun de
nous en souffre tout en étant plus ou moins responsable. La complexité qui caractérise leur
évolution produit des conséquences difficilement maitrisables. Une liste non exhaustive
contient entre autres les changements climatiques, la diminution de la biodiversité, la
désertification et la diminution des ressources halieutiques.

415
La croissance de la population urbaine est rendue responsable, dans une large mesure,
de la dégradation de l'environnement global, notamment de la pollution de l'air, de l'eau et du
sol, ainsi que de l'exploitation irrationnelle des ressources naturelles.

Le Cameroun n’est donc pas à l’abri des problèmes de l’environnement. La sous-région


et l’Afrique dans son ensemble non plus. Le lac Tchad par exemple qui était le sixième lac du
monde en termes de superficie, dans les années 1960, et qui fournissait de l’eau douce à plus
de 30 millions d’Africains, a vu sa surface passer de 26000 km² à près de 1500 km² à l’heure
actuelle.

La Communauté Internationale s’emploie depuis lors pour trouver des solutions aux
problèmes environnementaux. Des conventions sont établies et adoptées par les différents Etats,
ainsi que des accords et ententes. Les conférences sont régulièrement tenues et des engagements
pris au niveau international et au niveau des Etats.

En plus des préoccupations évoquées à la conférence de Stockholm en 1972, la position


commune africaine de l’Agenda 21 stipule que le problème de la pauvreté est une cause majeure
sinon la plus importante de la dégradation de l’Environnement.

La dégradation de l’Environnement est source de nombreux problèmes économiques et


sociaux. C’est dans les problèmes sociaux engendrés par la dégradation de l’environnement que
la Première Dame du Cameroun et l’efficacité de la politique environnementale au Cameroun
trouve tout son sens.

La Première Dame du Cameroun, faut-il le rappeler, est l’Ambassadrice de bonne


volonté de l’UNESCO. Elle est bien connue à cause de ses multiples œuvres sociales. Elle
anime une fondation de bienfaisance et lutte contre la pauvreté. Infatigable, elle est à côté de
ceux qui souffrent : les enfants avec qui elle déploie son amour maternel, les orphelins qu’elle
assiste, les femmes en difficultés, les pauvres, les malheureux. En plus elle est source
d’inspiration pour son mari pour reprendre l’adage selon lequel derrière un grand homme se
cache une grande dame.

Qu’en est-il de cette Première Dame et l’efficacité de la politique environnementale au


Cameroun ? L’Environnement s’entend comme un tout en trois parties depuis la conférence de
Stockholm en 1972. Il y a donc dans cet ensemble l’environnement ou l’écologie, l’économie
et le social. C’est de cette manière que l’on conçoit cette réalité : si l’un des trois éléments
manque, il n’y a pas d’environnement en ce sens que nous connaissons. Pour qu’une politique

416
environnementale donne de bons fruits, il faut le social, l’économie et l’environnement conçu
comme un cadre. Le rôle social ici joué par la Première Dame est l’une des conditions
absolument nécessaires pour réussir une politique environnementale.

Ma présentation va se faire en deux parties :

I- Politique environnementale du Cameroun ;

II- Considérations sociales de l’environnement, pour conclure sur les perspectives.

I- POLITIQUE ENVIRONNEMENTALE
DU CAMEROUN
A- Sur le plan institutionnel

Depuis 1992, le Cameroun s'est engagé, de concert avec la communauté internationale


à renforcer, au niveau national, les mécanismes et actions permettant une protection efficace de
l'environnement et une gestion rationnelle des ressources pour un développement durable. Dans
ce contexte, le Ministère de l'Environnement et des Forêts a été créé en Avril 1992, constituant
ainsi le cadre institutionnel pour la planification et la gestion de l'environnement. Par la suite,
les mécanismes de coordination (concertation interministérielle, comités régionaux et sectoriels
de planification environnementale) ont été créés afin de permettre une large participation de
tous les concernés du secteur privé comme du secteur public à l'élaboration du Plan National
de Gestion de l’Environnement (PNGE) et à la définition des politiques environnementales.

Aussi, le Gouvernement Camerounais a entrepris des activités pour l'élaboration d'une


politique nationale de protection de l'environnement et de gestion durable des ressources.
Conscient des problèmes environnementaux globaux et du Cameroun en particulier, le Chef de
l’Etat a procédé à une évolution institutionnelle du ministère en charge de l’environnement qui
est passé du Ministère de l’Environnement et des Forêts (MINEF) en 1992, Ministère de
l’Environnement et de la Protection de la Nature (MINEP) en 2004 et au Ministère de
l’Environnement, de la Protection de la Nature et du Développement Durable (MINEPDED)
en 2012.

Une analyse détaillée de la situation permet, en tenant compte des considérations


environnementales exprimées dans les conventions internationales, avec une attention
spécifique sur les écosystèmes et les ressources naturelles menacés de dégradation ou de
destruction de savoir que: la zone Soudano-sahélienne est menacée par la désertification, la

417
forêt dense et humide est en danger de dégradation et de perte de biodiversité, les zones
maritimes et côtières, notamment les mangroves, sont soumises à la pollution et à la destruction,
les terres dans les zones agricoles sont menacées d'érosion et de perte de fertilité, l'espace de
vie humaine est enclin à la pollution et à l’insalubrité, etc…

Seule une approche globale peut résoudre les problèmes de gestion de l'environnement
qui sont multisectoriels parce que concernant tous les secteurs de l'économie nationale, et de ce
fait, nécessitent la collaboration de tous les départements ministériels, du secteur privé, des
associations professionnelles, des ONG, en bref de toute la société civile. Le principe de la
participation démocratique a été reconnu à Rio, notamment dans l'Agenda 21, comme une des
principales recommandations des Gouvernements dans le cadre de la mise en place des
politiques de développement durable. En ce qui concerne ses obligations internationales, le
Cameroun est partie à une trentaine de conventions internationales multilatérales, régionales et
sous-régionales relatives à la protection de la nature et des ressources naturelles, à la pollution
et à la préservation du milieu marin, à la protection de l'atmosphère et à la sécurité chimique et
nucléaire.

Comme stipulé dans la Loi-cadre, l'environnement constitue un patrimoine commun de


la Nation et fait partie intégrante du patrimoine universel. Sa protection et la gestion rationnelle
des ressources sont d'intérêt général visant particulièrement la protection de la géosphère (des
sols), de l'hydrosphère (des eaux), et de l'atmosphère (de l'air) ainsi que des aspects sociaux et
culturels qu'ils comprennent. Bien plus, la nouvelle constitution du Cameroun reconnaît à
chaque Camerounais le droit de vivre dans un environnement sain.

Dans ce contexte, et afin d'assurer une gestion participative de l'environnement au


Cameroun, le Gouvernement, dans le cadre législatif avec la Loi-cadre pour la gestion de
l'environnement et la Loi forestière, donne une responsabilité importante aux populations et aux
communautés; ceci devrait renforcer leur adhésion aux principes d'une gestion durable de
l'environnement et d'une utilisation rationnelle des ressources.

B- Actions réalisées

Ces actions résultent des différentes conventions et accords internationaux et lois et


textes réglementaires internes. Sur le plan interne la vision du Chef de l’Etat pour un Cameroun
émergent en 2035 avec un document de stratégie fondamental : le DSCE s’impose.

418
Les actions menées, encore faut-il le préciser sont dans trois principaux programmes, à
savoir :

- Programme I : lutte contre la désertification et les changements climatiques ;

- Programme II : la gestion durable de la biodiversité ;

- Programme III : lutte contre les pollutions, les nuisances et substances chimiques
nocives et/ou dangereuses.

S’agissant de la lutte contre la désertification et les changements climatiques, nous


pouvons dire qu’il y a deux actions principales : la promotion et la restauration de la nature
d’une part et la lutte contre les changements climatiques d’autre part.

Pour le premier point, il s’est agi de restaurer les écosystèmes dégradés. Dans
l’Extrême-Nord, l’Opération Sahel Vert qui a été lancée depuis 2008 se poursuit avec chaque
année 1 milliard de FCFA. Les espaces sont reboisés et mis en défens. A ce jour, il y a plus de
25 000 ha reboisés, accompagnés des foyers améliorés pour réduire la pression sur les bois de
chauffe.

Les berges de la Bénoué sont également concernées et sont stabilisés sur plus de 20km.
L’opération continue. Le plus important reste à faire. Des études menées font état de plus 8
millions d’hectare des terres dégradées.

Pour ce qui est des changements climatiques trois projets sont exécutés :

- REPECC (Projet de Résilience des Populations aux Effets des Changements


Climatiques) ;

- le Projet d’adaptation aux changements climatiques. Le plan national est élaboré et


progressivement exécuté. Mais des financements importants sont attendus de la
Communauté Internationale ;

- un projet important qui se situe entre la biodiversité et les changements climatiques :


c’est le projet REDD+ c’est-à-dire réduire les émissions de gaz à effet dues à la
déforestation et à la dégradation des forêts et augmenter le stock de carbone en
reboisant.

419
A l’heure actuelle, le Cameroun est en train d’élaborer sa stratégie REDD+. Bien des
étapes sont déjà franchis. Nous sommes sur l’une des composantes de cette stratégie : c’est les
moteurs de déforestation.

Pour ce qui est de la gestion durable de la biodiversité, tout projet à exécuter dans notre
pays doit faire réaliser une étude d’impact environnemental et social pour prendre en compte
les considérations environnementales. Aucun projet ne peut démarrer tant qu’il n’y a pas un
Certificat de Conformité Environnementale.

Dans le cadre de la biodiversité, il faut rappeler que notre pays a ratifié le Protocole de
Nagoya sur APA. Je précise que la Convention sur la biodiversité repose sur trois piliers : la
conservation de la biodiversité, la gestion durable de la biodiversité et l’accès et partage juste
et équitable des avantages qui résultent de l’exploitation des ressources génétiques (APA). Dans
ce domaine deux projets sont réalisés.

Dans le cadre des écosystèmes marins et côtiers, un projet de restauration des


mangroves dans la zone de Kribi est exécuté. Aussi la lutte contre la jacinthe d’eau et les espèces
envahissantes se poursuit. Un autre projet tout aussi intéressant et qui demande à continuer :
c’est la fabrication des fumoirs améliorés pour éviter la pression sur les mangroves.

Pour le 3e programme à savoir la lutte contre les pollutions, les nuisances et substances
chimiques nocives et/ou dangereuses, il convient de noter que notre Brigade Nationale de
contrôle sillonne régulièrement le territoire national pour lutter contre les pollutions appliquant
le principe pollueur-payeur.

Outre les inspections et contrôles, nous menons une lutte sans merci contre les
emballages d’épaisseur inférieur à 61 microns. Plusieurs centaines de tonnes de plastiques sont
saisis. Avec la gestion des déchets ; nous sommes sur une étude de création d’une bourse
nationale des déchets pour amorcer l’implantation d’une économie circulaire.

Sur le terrain, nous pouvons citer entre autres activités menées :

- l’élaboration du Plan National de Sensibilisation et d’Education Environnementale.

Ce plan est exécuté sur le terrain.

- le décret et l’arrêté relatifs à la réalisation des études d’impact environnemental et social


sont appliqués.

420
Le Comité Interministériel de l’Environnement mis en place examine et approuve tous
les rapports d’études d’impact environnemental et social. A ce jour, 146 rapports d’évaluation
environnementale ont été examinés, 180 audiences publiques et 1 033 certificats de conformité
environnementale délivrés.

II- CONSIDERATIONS SOCIALES DE L’ENVIRONNEMENT

Ces considérations et celles de la Première Dame, Ambassadrice de bonne volonté de


l’UNESCO se rejoignent.

L’homme est au centre de l’Environnement. La Protection de l’Environnement vise la


protection de l’homme. Si nous tenons dans le cadre de la lutte contre les changements
climatiques à protéger notre planète, c’est nous qui nous protégeons. Nous-mêmes et les
générations futures dans le cadre du développement durable.

Le principe 10 de la Déclaration de Rio recommande de mettre l’homme au centre des


préoccupations en l’informant, en l’impliquant dans tout ce qui l’intéresse. Tandis que les
principes 3-4 demandent que tout se passe en préservant les intérêts des générations futures.

Les audiences publiques et les consultations publiques sont des étapes dans l’élaboration
des rapports d’études d’impact environnemental et social qui consistent à aller vers les
populations demander leurs avis qui sont pris en compte, recenser les impacts négatifs sur
l’environnement et proposer des solutions pour soit atténuer, soit compenser et valoriser les
impacts positifs.

Chaque rapport d’étude d’impact environnemental et social comporte un plan de gestion


environnemental et social, un cahier des charges qui indiquent au promoteur du projet ses
obligations à remplir vis-à-vis de la population.

Les Comités Départementaux de suivi des plans de gestion environnementale et sociale


sont déjà mie en place pour suivre l’exécution des plans de gestion environnementale et sociale.

Comme vous pouvez bien le constater, tout tourne autour de l’homme, son bien-être et
surtout pour ceux qui ont le plus besoin d’aide. A ce niveau, les actions environnementales qui
sont menées sous le Très Haut patronage du Président de la République et les œuvres de
bienfaisance que mène inlassablement la Première Dame se rejoignent. Nous comprenons plus
aisément le sens donné au thème que j’ai l’honneur de présenter : « La Première Dame du
Cameroun et l’efficacité de la politique environnementale au Cameroun. »

421
En guise de perspectives, nous pouvons dire que nous avons à mettre en application
l’accord de Paris. Nous pouvons solliciter la bienveillance de la Première Dame qui a déjà
beaucoup fait pour qu’elle d’en faire davantage pour le volet social de l’accord de Paris et de
ce qui sortira de Marrakech.

Mesdames et Messieurs, voilà en quelques lignes, le thème que j’ai eu l’honneur et le plaisir
de vous présenter.

Je vous remercie pour votre aimable attention !

422
SYNTHESE DES TRAVAUX DU COLLOQUE. Professeur Adolphe MINKOA SHE, Recteur
de l’Université de Yaoundé II--Président du Comité Scientifique

Monsieur le Représentant de Monsieur le Premier Ministre, Chef du Gouvernement, Parrain du


Colloque ;
Monsieur le Ministre de l’Enseignement Supérieur, Chancelier des Ordres Académiques ;
Mesdames et Messieurs les Membres du Gouvernement ;
Mesdames et Messieurs les Membres du Corps Diplomatique ;
Mesdames et Messieurs les Responsables des Organisations Internationales ;
Monsieur le Préfet de la Mefou et Afamba ;
Monsieur le Sous Préfet de Soa ;
Monsieur le Maire de la Commune de Soa ;
Leurs Majestés Autorités traditionnelles de l’Arrondissement de Soa ;
Mesdames et Messieurs les Ministres du Culte ;
Mesdames et Messieurs les participants, Experts-Intervenants, Responsables institutionnels et
Modérateurs ;
Mesdames et Messieurs en vos grades et titres respectifs ;
Chers étudiants ;
Il m’est particulièrement agréable de prendre la parole ce jour en cette circonstance solennelle et
exceptionnelle de clôture des réflexions menées dans le cadre de ce Colloque intitulé « Droits
Fondamentaux et Politiques de Solidarité au prisme de l’Action Sociale de la Première Dame du
Cameroun ». Ma joie est d’autant plus grande que l’Université de Yaoundé II confirme son
leadership en matière de sciences juridiques et politiques au Cameroun et son ambition de
technopole de référence des sciences sociales en Afrique. Cela dit, je voudrais maintenant
m’acquitter d’une obligation bien délicate, celle de vous présenter la synthèse des travaux de cette
importante manifestation. Nous aurons une lecture en trois axes : les questions épistémologiques
(I), La Première Dame en action (II), la place de la Première Dame (III).

I- LES QUESTIONS EPISTEMOLOGIQUES

Les questions épistémologiques ont d’abord porté sur la légitimation scientifique des présentes
assises, exercice rendu nécessaire par les polémiques aussi oiseuses que futiles entretenues par
certains, dont on aura malheureusement remarqué l’absence tout au long des présentes assises. En
tout état de cause, des interventions inaugurales aux contributions thématiques, une unanimité s’est
dégagée autour de la scientificité du Colloque. En s’appuyant, entre autres, sur la neutralité

423
axiologique et la sociologie compréhensive de Marx Webber mais aussi sur la sociologie explicative
d’Emile DURKHEIM,( in les règles de la méthode sociologique 1895.), il a clairement été
démontré que les actions de la Première Dame dans les champs des droits fondamentaux et des
politiques publiques sont bien un objet heuristique pertinent. Bien plus, les intervenants n’ont
opportunément souligné que des études avaient déjà été menées ailleurs et même à l’Université de
Yaoundé II, notamment à l’IRIC, sur la problématique des Premières Dames.
Au plan plus substantiel, les questions épistémologiques ont également émaillé les travaux, avec
quelques oppositions théoriques et conceptuelles, par exemple sur l’inscription des actions de la
Première Dame entre actions publiques et politiques publiques ; ou encore sur la distinction entre
politiques publiques et politiques parapubliques.
On a également pu relever le même type d’opposition même opposition relativement à l’inscription
des actions de la Première Dame entre diplomatie classique, paradiplomatie et extension de la
fonction publique internationale.

II- LA PREMIERE DAME EN ACTION


1- Approche historique
Ouvrant les contributions substantielles, l’approche historique a révélé, d’une part, que
l’institution «première dame » est identifiable dans certaines de nos sociétés avant la période
coloniale et, d’autre part, cette l’identification de la Première Dame du Cameroun se situe entre
diachronie et synchronie en partant de l’indépendance du Cameroun jusqu’à la fin de l’ère
monolithique au début des années 1990, mais aussi depuis les années 1990 jusqu’à nos jours. Cette
analyse de l’évolution de la première Dame a mis en lumière une sorte de montée en puissance,
avec une rupture clairement identifiable à partir de 1994, lorsque Madame Chantal Biya devient
Première Dame du Cameroun.
Un intervenant a ainsi montré comment l’action sociale de la Première Dame du Cameroun conduite
par Madame Chantal Biya s’est enracinée dans un contexte socio-économique marqué les
dispositifs d’ajustement structurel, de dimension sociale de l’ajustement structurel et de lutte contre
la pauvreté.
2- Les champs d’action
Les travaux ont fait apparaître que la Première Dame du Cameroun est, aujourd’hui, un acteur
important dans les champs des droits fondamentaux, des politiques publiques et de la diplomatie.
S’agissant du champ des droits fondamentaux, les travaux ont d’abord mis l’accent sur le spectre
des droits couverts par l’action de la Première Dame. A cet égard, il est apparu que ce spectre est
particulièrement large et inclut nombre des droits économiques, sociaux et culturels ; l’action
sociale de la Première Dame vise ainsi aussi bien des droits libertés que des droits-créances. Ensuite,

424
l’accent a été mis sur l’originalité des mécanismes mobilisés par la Première Dame dans le cadre
de la promotion et de la protection des droits fondamentaux. Il est ainsi apparu que la Première
Dame du Cameroun mobilise véritablement des mécanismes qu’on peut qualifier de « non
conventionnels », en ce sens qu’ils se distinguent clairement des mécanismes classiques mobilisés
par l’acteur principal qu’est l’Etat. Enfin, l’action de la Première Dame sur le terrain des droits
fondamentaux a été soumise au regard avisé de la Commission Nationale des droits de l’Homme et
des Liberté. Ce regard révèle qu’à l’aulne de la théorie des trois strates consacrée par le Comité du
Pacte International relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, l’action « sociale » de la
première dame participe davantage de la strate de la mise en oeuvre, qui englobe les trois sous-
obligations distincte de faciliter (to facilitate), de fournir ou d’assurer (to provide) et de promouvoir
(to promote).
L’évaluation est on ne peut plus positive et le représentant de la Commission souligne que
l’action de la première Dame se développe en conformité avec les standards internationaux en
vigueur en matière de promotion et de protection de droits de l’Homme. Concluant son intervention,
il a émis le souhait qu’un partenariat soit formalisé entre l’acteur majeur qu’est la Première Dame
et la Commission.
S’agissant du champ des politiques publiques, les interventions ont questionné la nature et la
portée des actions de la Première Dame au regard de la théorie des politiques publiques, ainsi que
sa place en tant qu’acteur dans ce domaine, avec, en arrière plan, la question de savoir si
l’intervention de la Première Dame n’est pas de nature à permettre la consécration d’un nouveau
concept, celui de politiques parapubliques. Si l’unanimité ne s’est pas faite sur la pertinence de ce
concept, en revanche, les intervenants se sont accordés sur l’importance d’une action qui vise à
corriger les discriminations dont souffrent les cadets sociaux, cibles principales des actions de la
Première Dame. Il a été relevé que l’action de la Première Dame du Cameroun ouvre de nouveaux
territoires de l’action publique en matière de solidarité sociale. A cet égard, mise en rapport avec
l’action de l’Etat, l’action de la Première Dame apparaît, non pas comme concurrente, mais
complémentaire et doit être perçue en terme de co-production des politiques publiques.
S’agissant enfin du champ diplomatique, les réflexions ont porté tour à tour sur la catégorisation de
l’action de la Première Dame et sur la portée de cette action. Il est ainsi apparu que, la Première
Dame n’ayant pas un Statut officiel, son action relève non pas de la diplomatie au sens classique,
mais de la para-diplomatie. S’agissant plus particulièrement de la portée de l’action diplomatique
de la Première Dame, il a été démontré que Madame Chantal Biya a pu par son mérité accéder aux
distinctions d’Ambassadrice de Bonne Volonté de l’Unesco et d’Ambassadrice spéciale de
l’ONUSIDA. Cette accession à un statut international exprimant la reconnaissance de son action de
solidarité, voire de son œuvre tout court.

425
3- Le cadre d’action de la Première Dame

Le Cadre institutionnel mis en place par la Première Dame pour développer son action a
également été passé au crible de l’analyse. A cet égard, il a été démontré que l’action sociale de la
Première Dame repose sur un maillage institutionnel adapté à la mission de solidarité qu’elle
incarne. Plus précisément, il s’agit d’une part, d’un cadre institutionnel progressivement renforcé,
reposant sur un fort ancrage associatif, cristallisé par la personnalité juridique spécialisée et d’autre
part, d’un cadre institutionnel de prise en charge d’une mission de solidarité, susceptible de faire
émerger ce que l’on pourrait qualifier de « services publics d’utilité sociale ».
Après cette caractérisation du cadre institutionnel d’action de la Première Dame, les différentes
structures créées par ses soins se sont dévoilées dans leurs missions, leur fonctionnement et, surtout,
leurs activités concrètes sur le terrain. Les présentations denses et exhaustives faites par les
principaux responsables de ces structures ont ainsi fourni une mine de données empiriques, qui
appellent assurément des recherches approfondies.

3°- La question de l’élargissement du champ d’action de la Première Dame.


Dans l’esprit du Comité scientifique du colloque, il était question d’effectuer, avec le concours des
ministres en charge des Arts et de la Culture, des Affaires Sociales, de l’Environnement, de la
Protection de la Nature et du Développement Durable, d’opérer à titre prospectif, une sorte de
plaidoyer à l’endroit de la Première Dame afin qu’elle étende le champ de ses actions aux domaines
de la Culture et du sport, de la protection sociale et l’environnement. Madame la Ministre Pauline
Irène NGUENE, M. Le Ministre Pierre HELE et M. le Ministre Narcisse MOUELLE KOMBI ont
personnellement pris part aux travaux et présenté des communications relativement à leurs champs
de compétence respectifs. Ces interventions ont en réalité fait apparaître qu’en réalité, les activités
de la Première Dame viennent déjà en appui à l’action du gouvernement dans leurs champs de
compétence. On peut simplement souhaiter une intensification de cet appui, afin que les domaines
concernés bénéficient du dynamisme des institutions créées par la Première Dame.

I- LA PLACE DE LA PREMIERE DAME

1°- Sur le plan institutionnel

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Le statut de la Première Dame a également été examiné, de manière incidente, mais dense.
A cet égard, il a été souligné que, de lege lata, la Première Dame bénéficie d’un statut non formel,
fondé sur les usages et convenances républicains. De lege ferenda,
Le grand débat ayant porté sur l’institutionnalisation du Statut de la Première Dame n’a pas fait
d’unanimité. Certains intervenants ont soutenu la nécessité d’institutionnaliser ce statut, et pour
d’autres, il faut laisser la situation telle qu’elle est.

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