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TOPOGRAPHIE

Génération d’observations pour


la validation ou la comparaison
de logiciels d’ajustement de mesures
par moindres carrés
Stéphane DURAND

Dans un précédent article, paru en 2012 (cf. [9]) dans sentant le facteur unitaire de variance
MOTS-CLÉS et Q la matrice de covariance, aussi
la revue XYZ n°132, nous avions réalisé une validation
Moindres carrés, appelée matrice des cofacteurs, sur les
du logiciel CoMeT par comparaison à d’autres logiciels génération observations (i.e. les précisions a priori
d’ajustement de mesures topographiques faisant d‘observations, sur les mesures et les covariances entre
usage de la méthode des moindres carrés. Pour réaliser comparaison/ les mesures).
ces comparaisons, nous avions simulé différents jeux validation de logiciels
d’observations dans des réseaux de tailles variables, Cette hypothèse de comportement
normal des erreurs accidentelles
et comparé les résultats obtenus en termes de coordonnées ajustées
confère des propriétés statistiques
et d’estimateur du facteur unitaire de variance. Dans le présent article, intéressantes à la solution des moin-
nous allons rappeler et discuter quelques méthodes classiques de génération dres carrés, permettant de construire
d’observations et surtout, présenter plus en détails la méthode que nous avions différents tests d’hypothèse pour véri-
exploitée à l’époque, qui possède quelques propriétés particulières. fier le bon déroulement du traitement,
mais également de déterminer des
régions de fiabilité et de confiance. De
Introduction mesure et inconnues, aussi appelé
nombreux ouvrages traitent de ces
Dans les sciences de la mesure, et plus l’équation d’observation, et repré-
notions, et le lecteur intéressé pourra
particulièrement dans les sciences sente la valeur de l’erreur associée
se reporter par exemple à [6] ou [14].
associées au métier du topographe, la à la mesure, inhérente au processus
méthode d’ajustement la plus large- de mesure utilisé. En regroupant l’en- Pour juger de la qualité d’un traitement
ment employée est la méthode des semble des erreurs de mesures dans par moindres carrés, deux quantités
moindres carrés. un vecteur E, on obtient la relation sont particulièrement utilisées. Si
matricielle suivante : désigne la solution des moindres
De manière synthétique, il s’agit
carrés, le vecteur des résidus de
de déterminer un ensemble de m (éq. 1)
mesures correspond à une estimation
paramètres inconnus, à partir d’un
Étant donnée une valeur approchée X0 des valeurs des erreurs accidentelles
ensemble de n observations sura-
des paramètres, l’équation 1 est linéa- sur les mesures, et se définit par :
bondantes. Formellement, on peut
risée au premier ordre sous la forme :
regrouper les m inconnues du
(éq. 3)
problème dans un vecteur X et les n (éq. 2)
observations dans un vecteur L : Le second indicateur de la qualité
Expression dans laquelle B correspond
d’un traitement par moindres carrés
à la différence entre les observations
est l’estimateur du facteur unitaire de
L et leurs valeurs approchées ,
variance, défini par :
calculées à partir des valeurs appro-
chées de X et du modèle fonctionnel
utilisé, et A correspond à la jacobienne
Dans la méthode classique des
en X0 de la fonction .
moindres carrés, chaque mesure Comme indiqué par exemple dans
est liée au vecteur X des inconnues Le modèle stochastique classiquement [6], il est courant de réaliser, à l’issue
par la relation : utilisé consiste à considérer que le vec- d’un traitement par moindres carrés,
teur E des erreurs sur les mesures est un test global de validation du traite-
uniquement constitué d’erreurs acci- ment comme première étape dans un
Expression dans laquelle repré- dentelles et suit une loi normale centrée, processus de recherche de fautes ou
sente le modèle fonctionnel, liant de matrice de covariance , repré- d’erreurs de pondération éventuelles q

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q dans les mesures. Ce test est basé sur Vérifier / comparer / ceront
 pas des valeurs réelles acquises
la quantité : tester des logiciels sur le terrain. Mais la génération

(éq 3b) de traitements d’observations permet de disposer de


par moindres carrés jeux de mesures pour des campagnes
En faisant l’hypothèse que le vecteur d’observations difficiles à réaliser en
des erreurs accidentelles de mesure Dès lors que l’on cherche à évaluer pratique. Elle autorise également la
suit une loi normale centrée de cova- un logiciel de traitement d’observa- construction de jeux de données où
riance , désignée par N(0, ), tions faisant usage de la méthode l’on peut faire varier un paramètre en
la statistique suit une loi du chi-deux des moindres carrés, ou à compa- particulier, et uniquement ce paramètre.
à n-m degrés de libertés. Dans le cas rer plusieurs logiciels entre eux, la
d’un test bilatéral, on fixe un seuil de première idée qui vient naturellement
confiance p, en général compris entre à l’esprit est d’utiliser un ou plusieurs Génération d’observations
80 et 99 %, et on détermine, à partir jeux d’observations acquises spécifi- Dans le cas de l’article proposé en 2012
de la loi du chi-deux à n-m degrés de quement pour ces tests, ou issues de (cf. [9]), l’objectif était par exemple de
liberté, la région d’acceptation campagnes anciennes. Après traite- comparer, à des fins de validation, le
du test. On vérifie alors que la quantité ment de ces observations, on étudiera logiciel CoMeT (cf. [10]) avec d’autres
s appartient à l’intervalle . Si cela en particulier les valeurs ajustées des logiciels d’ajustement de mesures
est le cas, le test du chi-deux est validé paramètres, mais également les valeurs tachéométriques. Un des points étudiés
au seuil p, autrement dit le vecteur des des résidus et de l’estimateur du facteur était la manière dont les différents logi-
résidus semble globalement bien suivre unitaire de variance. ciels tiennent compte de la sphéricité de
la loi N(0, ). Si cela n’est pas le cas, laTerre et son influence sur les résultats
Utiliser des observations acquises
le test du chi-deux échoue, autrement obtenus (coordonnées, résidus).
sur le terrain a l’avantage d’assurer
dit il existe des éléments du vecteur des
que les tests réalisés le sont avec des Pour réaliser cette étude, nous avions
résidus pour lesquels des fautes sont
observations reflétant bien la réalité du généré des observations sur diffé-
présentes ou une mauvaise pondéra-
terrain. Néanmoins, il n’est pas toujours rents réseaux de points possédant
tion a été utilisée.
possible de maîtriser entièrement les une géométrie commune, constituée
Un second test statistique couramment mesures réalisées sur le terrain, surtout de deux points connus en coordon-
employé pour affiner la détection de sur des données anciennes : erreurs de nées 3D, notés S1 et S2, et d’un point
fautes ou d’erreurs de pondération mise en œuvre non documentées ou inconnu P1, répartis sur les 3 sommets
sur les mesures dans le cas d’erreurs manque d’information sur les condi- d’un triangle équilatéral de barycentre
normalement distribuées est celui dit tions de mesures, manque de précision G. La Figure 1 illustre la forme des
de Baarda (cf. [2] ou [6]). Ce test fait sur les mesures de hauteur de voyant réseaux et précise les types d’observa-
l’hypothèse que le facteur unitaire de ou d’appareil, correction de réfraction tions considérés dans chaque réseau.
variance est connu et est basé sur la pas assez fine… etc. De plus, il n’est Différents jeux de mesures avaient été
notion de résidu normé wi défini par : pas toujours possible de réaliser sur le générés, en faisant varier la longueur
terrain l’acquisition du jeu de mesures du côté du triangle, d, de 25 m à 50 km.
(éq. 3c)
idéal pour tester un logiciel : matériel
Afin d’illustrer la présente contribu-
non disponible, impossibilité pratique
tion, nous allons reprendre cette idée
Dans cette expression, désigne de mesure, manque de temps.
d’un réseau de trois points formant
l’élément i du vecteur des résidus
Pour tester ou comparer des logiciels un triangle équilatéral. Nous allons
et l’élément (i,i) de la matrice des
d’ajustement par moindres carrés, il considérer comme barycentre les
cofacteurs sur les résidus :
est possible de recourir à la génération coordonnées RGF93 de la station
de jeux d’observations. Un exemple permanente MAN2. Partant d’une taille
relativement connu dans le monde d de réseau, nous pouvons alors définir
Pour des erreurs accidentelles suivant de la topographie est celui du logiciel les coordonnées théoriques des points
une loi N(0, ), chaque résidu Bernese, de l’Institut Astronomique de du réseau, dans le repère local associé
normé est censé suivre la loi normale l’Université de Bern (cf. [ 8]) qui propose au barycentre G par rapport à l’ellip-
centrée réduite N(0,1). Pour un seuil un module GPSSIM assez complet pour soïde IAG-GRS80. Les coordonnées
de confiance p donné, il est possible la génération d’observations GNSS. En planes locales des points se déduisent
de calculer un intervalle tel que reprenant l’équation (1), il suffit pour de la forme du triangle et nous avons
l’on considérera qu’aucune faute et cela de définir le modèle fonctionnel fixé les coordonnées verticales locales
aucun problème de pondération n’af- à utiliser, de fixer les valeurs des para- des points comme suit : 10 m pour S1,
fecte la mesure i si la valeur du résidu mètres X ainsi que les valeurs associées -10 m pour S2 et 0 m pour P1. Ce faisant,
normé associé se trouve dans cet aux erreurs sur les mesures E. On peut nous pouvons disposer de valeurs théo-
intervalle. Par exemple, pour un seuil alors calculer un ou plusieurs jeux de riques pour l’ensemble des paramètres
de confiance de 95 %, la valeur de valeurs pour les observations L. Certes, d’un réseau de taille d, en parti-
rejet est . les mesures ainsi obtenues ne rempla- culier les coordonnées cartésiennes

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traitement par moindres carrés pour la Si on réalise un ajustement avec un
recherche de fautes. Au niveau du test logiciel utilisant un modèle fonc-
sur les résidus normés, la valeur du tionnel différent, les résidus sur les
résidu étant nulle, le résidu normé est observations seront représentatifs des
également nul et sa valeur est exacte- différences entre les modèles fonc-
ment au milieu de l’intervalle . tionnels. De même, les coordonnées
Le test sur le résidu normé est donc ajustées obtenues seront différentes
toujours validé, quel que soit le seuil des coordonnées théoriques.
de confiance utilisé.
A titre d’illustration, nous avons généré
Concernant le test du chi-deux, les rési- avec le logiciel CoMeT, en utilisant son
dus étant tous nuls, l’estimateur du modèle fonctionnel 3D Géodésique,
facteur unitaire de variance vaut zéro, des observations sans erreur pour des
et la quantité s de l’équation 3b sera réseaux de taille variant de 50 m à 5 km.
Figure 1. Forme générale des réseaux
obligatoirement nulle. Si on regarde la Nous avons ajusté ces mesures d’une
utilisés pour générer les jeux de mesures.
forme de la densité de probabilité de part en utilisant le même modèle fonc-
Tous les réseaux ont en commun
la loi du chi-deux, on remarque que, tionnel et d’autre part en utilisant le
le barycentre G.
quel que soit le degré de liberté utilisé, modèle 3D Locale de CoMeT. Dans ce
les valeurs de la densité de probabilité dernier, l’ajustement des mesures se
géocentriques RGF93 des points. Il est
sont supérieures ou égales à zéro. Ainsi, fait dans le repère local associé au bary-
alors possible de calculer les valeurs
pour un seuil de confiance inférieur à centre commun des réseaux, le point G,
théoriques des observations ,
100 %, la valeur nulle de la quantité s par rapport à l’ellipsoïde IAG-GRS80,
en utilisant le modèle fonctionnel 3D
sera toujours en dehors de la région en considérant une déviation de verti-
Géodésique de CoMeT, en négligeant
d’acceptation et notre test de cale nulle en G, et sans aucune prise
la réfraction sur les angles zénithaux, et
validation globale échouera. Comme en compte de la sphéricité de la Terre.
en considérant une déviation de la verti-
les mesures générées ne sont pas affec- Comme le montrent les résultats de
cale nulle en chaque point du réseau
tées d’erreurs (ni du coup de fautes), l’article de 2012, nous devons donc
par rapport à l’ellipsoïde IAG-GRS80.
c’est donc un problème de pondéra- nous attendre à des différences sur
Afin de générer un jeu d’observa- tion sur les mesures. En effet, puisque les résultats entre les deux calculs qui
tions pour notre réseau de taille d, il nous n’avons pas ajouté d’erreurs à nos augmentent avec la taille du réseau,
nous reste, en suivant l’équation (1), à mesures, nous devrions considérer une et surtout au niveau des écarts sur les
construire un vecteur d’erreurs sur les précision nulle sur nos observations… coordonnées verticales des points.
mesures E. Ce qui n’est pas réaliste.
La figure 2 montre les écarts en coor-
Ainsi, ne pas ajouter d’erreurs à nos données planes et verticales par
Mesures générées mesures générées n’est pas optimal rapport aux coordonnées théoriques
sans erreur lorsque le même modèle fonctionnel des points, obtenus lors de l’ajuste-
est utilisé pour générer et ajuster les ment des jeux d’observations sans
Une première manière de construire le
mesures. erreurs en utilisant les deux modèles
vecteur E est de le prendre nul. Dans ce q
cas, si on ajuste nos observations avec
un logiciel utilisant le même modèle
fonctionnel que celui ayant permis la
génération des mesures, les paramètres
ajustés correspondent exactement,
au critère de convergence choisi près,
aux valeurs théoriques de ces mêmes
paramètres utilisés pour générer les
observations. De plus, le vecteur des
résidus, qui est une valeur estimée du
vecteur des erreurs sur les mesures,
correspond exactement à la valeur de
E utilisée pour générer les mesures et
est donc nul. Par conséquence, la valeur
de l’estimateur du facteur unitaire de
variance est également nulle.

Regardons de plus près les consé-


quences sur les tests statistiques Figure 2. Écarts entre les coordonnées ajustées et les coordonnées théoriques
classiquement utilisés à l’issue d’un en planimétrie et en vertical, en cm, pour différentes tailles de réseaux.

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fonctionnels. On constate comme 


q attendu qu’en utilisant le même
modèle fonctionnel pour l’ajustement
et la génération des mesures, les coor-
données ajustées sont identiques aux
coordonnées théoriques. Lorsque l’on
utilise pour l’ajustement des mesures
le modèle fonctionnel en 3D Locale de
CoMeT, les écarts aux coordonnées
théoriques augmentent avec la taille
du réseau, résultat cohérent avec les
différences de modèles fonctionnels :
on obtient un écart sur les coordon-
nées verticales nul pour des réseaux
de taille inférieure à 100 m, de 2 cm
pour un réseau à 250 m et de presque
2 mètres à 5 km.

Figure 3. En bleu, les écarts entre coordonnées théoriques et coordonnées ajustées


Mesures générées en planimétrie (en haut) et en vertical (en bas). En rouge, les écarts moyens
avec un vecteur d’erreur sur les 100 jeux ajustés pour chaque taille de réseau.
suivant la loi normale
statistique. On parle alors d’analyse également que la valeur moyenne de
Certes, utiliser un vecteur d’erreurs nul
par la méthode de la propagation des l’écart planimétrique augmente avec la
correspond à la manière la plus simple
distributions (ou simulation Monte taille du réseau pour atteindre 0.6 cm
de générer des observations. Cela
Carlo). pour le réseau de taille 5 km. Sur les
conduit malheureusement à un échec
écarts en coordonnées verticales, on
systématique du test du chi-deux. Une Afin d’illustrer nos propos, nous allons
constate également une augmentation
seconde méthode consisterait donc considérer une précision a priori sur
de l’étendue des valeurs en fonction
à générer de manière aléatoire un les mesures angulaires de 0.3 mgon
de la taille du réseau, plus pronon-
vecteur E suivant la loi normale centrée et sur les mesures de distances de
cée encore que sur les coordonnées
en tenant compte des précisions a 5 mm et générer, pour chaque taille
planes (1 mm à 50 m, 13 mm à 750 m
priori sur les observations. de réseau, 500 jeux d’observations
et 110 mm à 5 km). On remarque égale-
avec des vecteurs d’erreurs consti-
De nombreuses méthodes peuvent ment que la valeur moyenne sur les
tués de valeurs aléatoires issues de la
être utilisées pour générer des 500 jeux de mesures générées par
loi normale centrée. Ce faisant, nous
nombres aléatoires suivant la loi réseau augmente avec la taille du
considérons donc connu le facteur
normale centrée réduite, comme par réseau (nulle à 50 m, autour de 0.5 mm
unitaire de variance avec une valeur
exemple la méthode de Box-Muller à 5 km).
=1.
(cf. [3]), qui réalise cette génération à
La figure 4 (en haut) représente les
partir de nombres aléatoires suivant La figure 3 représente les écarts en
valeurs obtenues pour l’estimateur du
une loi uniforme, sachant que tous les coordonnées planes et verticales, en
facteur unitaire de variance sur chaque
langages de programmation actuels centimètres, entre les coordonnées
jeu de mesures généré. En rouge appa-
proposent au minimum une fonc- ajustées en utilisant le même modèle
raît la valeur moyenne de l’estimateur
tionnalité de génération de nombres fonctionnel que celui utilisé pour la
du facteur unitaire de variance sur les
aléatoires suivant la loi uniforme dans génération des mesures et les coor-
500 jeux générés, naturellement proche
l’intervalle ]0,1]. Il est ensuite possible données théoriques du point P1, en
de l’unité. Sur cette figure sont égale-
de passer de la loi normale centrée fonction de la taille du réseau. Pour
ment représentées en vert les bornes
réduite à n’importe quelle loi normale chaque taille de réseau, on précise
de la région d’acceptation du test du
centrée d’écart-type donné. également en rouge la valeur moyenne
chi-deux, en considérant un degré de
sur l’ensemble des 500 jeux générés.
Plutôt que de générer un seul vecteur liberté de 3 et un seuil de confiance de
d’erreurs et d’étudier les résultats de Sur les écarts en coordonnées planes, 87 %. Sur cette figure, on constate une
l’ajustement des mesures associées, on constate une évolution de l’étendue étendue des valeurs de l’estimateur du
il est courant de générer un lot de k des valeurs qui augmente fortement facteur de variance importante, allant
vecteurs d’erreurs, et d’étudier statisti- avec la taille du réseau. L’étendue est de 5 pour le réseau de taille 50 m à 6.3
quement les résultats du traitement les d’environ 1.4 mm pour le réseau de pour le réseau de 5 km. On constate
k jeux de mesures associés, la valeur taille 50 m puis de 14 mm pour celui que pour un certain nombre de jeux de
de k étant choisie de manière que les de taille 750 m pour atteindre 20 mm mesures, entre 5 et 10 %, le test du chi-
résultats aient une réelle signification pour le réseau de 5 km. On constate deux n’est pas validé au seuil de 87 %.

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de l’estimateur du facteur unitaire de
variance proche de 1.
Entre 2014 et 2015, nous avons repris
cette idée et développé de manière
plus précise une méthodologie de
génération d’erreurs telle que, lorsque
les mesures générées sont ajustées
avec le même modèle fonctionnel
que celui utilisé pour les générer, elles
répondent aux critères suivants :
(a) la solution ajustée correspond exac-
tement aux paramètres théoriques
utilisés pour générer les mesures
(b) quel que soit le seuil de confiance
choisi, le test du chi-deux est validé
(c) étant donné un seuil de confiance
p, tous les résidus normés valident le
Figure 4. En haut, valeurs de l’estimateur du facteur unitaire de variance en bleu test de Baarda.
et bornes de la région d’acceptation du test du chi-deux en vert (seuil de 87 %). Pour répondre à la condition (a), rappe-
En bas, nombre de jeux de données possédant un certain nombre de résidus rejetés lons que lors de la génération des
(test de Baarda) au seuil de 87 %. observations, comme indiqué dans
l’équation 1, on part de valeurs théo-
Avec ce même seuil de confiance, Mesures générées avec riques pour les paramètres et on
la figure 4 (en bas) représente pour contraintes particulières forme un vecteur d’observations L par :
chaque taille de réseau, le nombre
Dans l’article de 2012, notre objec-
de résidus ne validant pas le test de
tif principal était de comparer, à des
Baarda. On constate que pour environ
fins d’inter-validation, les résultats Lors de l’ajustement des mesures, on
60 % des jeux de mesures générées,
de différents logiciels sur des jeux de utilise l’équation linéarisée (équation 2)
quelle que soit la taille du réseau, tous
données générés issus de réseaux de et on procède par itération sur la valeur
les résidus valident le test de Baarda.
taille variable, de 25 m à 50 km. Afin approchée des paramètres. Considérons
Il reste donc toujours environ 40 % des
de faciliter l’analyse des résultats, tant pour simplifier que la valeur approchée
jeux de mesures où au moins un et au
en termes d’écarts aux coordonnées X0 pour les paramètres corresponde aux
maximum 6 résidus sur les 8 possibles
théoriques que de valeurs de l’estima- paramètres théoriques utilisés pour
ne valident pas le test.
teur du facteur unitaire de variance, générer les observations. L’équation 2
Ainsi, en générant des erreurs de nous avions généré plusieurs jeux de devient alors :
manière aléatoire en suivant la loi mesures par taille de réseau, suivant la
normale centrée, et en tenant compte loi normale centrée, en tenant compte
des précisions a priori sur les obser- des précisions a priori sur les mesures Si l’on souhaite que les paramètres
vations, il peut arriver que les erreurs et en utilisant le modèle fonctionnel 3D ajustés correspondent à leurs valeurs
générées influent fortement sur la Géodésique de CoMeT. Pour chaque théoriques, il faut choisir le vecteur E
solution ajustée. Le problème apparaît taille de réseau, nous avions ensuite non nul tel que :
surtout lors de la génération aléatoire sélectionné un seul jeu de mesures,
(éq. 4)
d’un vecteur d’erreurs de taille peu pour lequel, lors de l’ajustement par le
importante (n<50), comme cela est le logiciel CoMeT avec le même modèle En effet, nous avons déjà discuté
cas dans nos réseaux exemples. En fonctionnel, la valeur de l’estima- auparavant du cas E nul, qui n’était
effet, même si les valeurs d’erreurs teur du facteur unitaire de variance pas optimal pour notre besoin. En
générées aléatoirement proviennent était proche de 1, et les écarts entre pratique, l’équation 4 exprime le fait
d’une loi normale centrée, la taille coordonnées théoriques et ajustées que le vecteur E appartient au noyau,
du vecteur fait que lorsqu’une valeur étaient très faibles. Ce choix de jeux de noté ker(K1), de l’application linéaire :
générée possède une valeur absolue mesures particuliers nous permettait
un peu forte, elle n’est pas compensée de juger rapidement des différences
par la présence en nombre important entre les résultats obtenus par les La matrice Q étant par construc-
d’autres valeurs d’erreurs plus faibles, différents logiciels. Ainsi, un logiciel tion symétrique définie positive, on
et a donc une forte influence sur la possédant un modèle fonctionnel peut trouver, par décomposition de
solution des moindres carrés. Cela proche de celui utilisé par CoMeT pour Cholesky, une matrice R telle que
peut conduire à un échec du test du générer les mesures devait produire Q-1=RTR. Posons alors K l’application
chi-deux et au rejet de certains résidus des écarts faibles entre coordonnées linéaire définie par :
normés. ajustées et théoriques, et une valeur
q
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Si le vecteur E appartient au noyau de sur les résidus, autrement dit les quan- définie
 positive, ce problème est
q K1 alors le vecteur appartient tités de l’équation 3c. En supposant les de type NP-Difficile (cf. [12]) et est
au noyau de K. Comme la matrice K conditions (a) et (b) satisfaites, et en appelé un problème d’optimisation
est de taille n x m et de rang m par utilisant les équations 5 et 6, il vient : quadratique non convexe. La diffi-
construction, la dimension du noyau culté dans la recherche d’une solution
(éq. 8)
de K est n - m. En considérant b une de ce problème est qu’un maximum
base orthogonale du noyau de K, pour Notre recherche d’un vecteur d’erreur local ne correspond pas forcément
tout vecteur y de dimension n - m, la E satisfaisant aux conditions (a), (b) et à un maximum global. Dans [13],
quantité by appartient au noyau de K. (c), est ainsi équivalente à trouver un plusieurs méthodes pour résoudre un
Nous pouvons donc construire facile- vecteur réel y de taille n-m, satisfaisant problème QP dans le cas non convexe
ment un vecteur d’erreurs E répondant aux équations 7 et 8. sont décrites. Les méthodes les plus
à l’équation 4 en choisissant un vecteur Une possibilité est alors de considérer récentes utilisent des techniques de
réel y de taille n-m et en formant : la solution du problème de program- séparation et évaluation (Branch and
mation quadratique (QP) : Bound - B&B), où la partie séparation
(éq. 5)
est basée sur les conditions du premier
Pour répondre à la condition (b), rappe- (éq. 9) ordre de Karush-Kuhn-Tucker (cf. [11])
lons que le test du chi-deux est basé et où des relaxations polyédrales semi-
sur la quantité s de l’équation 3b qui Dans ce problème, l’ensemble des définies sont résolues à chaque nœud
suit une loi du chi-deux à n-m degrés solutions admissibles correspond au du processus B&B (cf. [5] et [7]).
de liberté si le vecteur des erreurs de polyèdre : Une autre méthode, plus simple et plus
mesures suit la loi N(0, Q) . En consi- adaptée à notre cas, est d’utiliser une
(éq. 10)
dérant la condition (a) réalisée, i.e. méthode d’énumération de sommets
telles que celles décrites dans [1] et [4].
= , le vecteur des résidus obtenu
L’objectif des méthodes d’énumération
correspond, d’après l’équation 3, au Considérons également la sphère de
est de fournir l’ensemble des sommets
vecteur : rayon r en dimension n-m définie par :
d’un polyèdre. Sachant que la solution
(éq. 6) du problème de l’équation 9 se trouve
forcément sur un sommet du polyèdre
La valeur centrale pour la loi du chi- Par définition, toute solution du
U, on peut alors pour chaque sommet
deux étant son degré de liberté, on problème de l’équation 9 remplit les
calculer la valeur de la fonction objectif
peut assurer que le test du chi-deux conditions (a) et (c). Si cette solution est
et déduire la solution du problème de
sera validé quel que soit le seuil de telle que , alors il
l’équation 9.
confiance choisi dès lors que l’on peut suffit de projeter la solution sur la
trouver E tel que : sphère , orthogonalement à la Le point de départ des méthodes d’énu-
sphère, pour trouver une valeur satis- mération est de partir du fait que pour
faisant à la condition (b). Certes, un polyèdre tel que défini dans l’équa-
n’est plus la solution du problème tion 10, un point u est un sommet du
La condition (a) étant supposée satis-
de l’équation 9, mais comme il se polyèdre U, si et seulement si, il est
faite, on peut utiliser l’équation 5
trouve à l’intérieur du polyèdre U, l’unique solution d’un sous-ensemble
pour exprimer la condition (b) sous la
il remplit les conditions (a) à (c). Si de n-m inéquations indépendantes
forme :
alors il n’est pas résolues comme des équations. Les
(éq. 7) possible de trouver un vecteur y satis- avantages de telles méthodes sont
faisant les conditions (a) à (c) et la d’une part leur simplicité de mise en
Pour répondre à la condition (c), il faut solution est celle qui remplit au plus œuvre par rapport aux méthodes de
fixer un seuil de probabilité p, et en près la condition (b). Il peut être alors résolution d’un problème QP non
déduire les bornes de la région d’ac- intéressant de remplacer la condition convexe, et d’autre part, le fait que, pour
ceptation du test de Baarda par (b) par la condition (b’) suivante : (b’) notre besoin, elles peuvent être stop-
lecture dans la table inverse de la fonc- Au seuil de confiance p choisi, le test pées dès lors que l’on trouve un sommet
tion de répartition de la loi normale du chi-deux est validé. tel que .
centrée réduite. D’après la définition La condition (b’) permet ainsi de consi-
Afin d’illustrer la méthode, nous avons
du résidu normé de l’équation 3c, la dérer la région d’acceptation du
généré, avec un seuil de confiance de
condition (c) peut s’écrire : test du chi-deux au seuil p, et de cher-
87 %, pour chacun des réseaux, 10 jeux
cher la projection de sur la sphère
d’observations, en prenant soin à
plutôt que sa projection sur la
chaque fois d’utiliser un sommet diffé-
Expression dans laquelle est un sphère .
rent du polyèdre U, afin d’obtenir des
vecteur réel de taille n contenant les Étant donné que la fonction quadra- vecteurs d’erreurs différents, même
racines carrées des éléments diago- tique présente dans la fonction objectif si, du fait de la forme du polyèdre, les
naux de la matrice des cofacteurs est la matrice identité, donc symétrique coordonnées des différents sommets

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Figure 5. En haut, écarts entre coordonnées ajustées et théoriques sur les composantes planimétriques pour chaque taille de réseau et
chacun des 10 jeux de mesures taille de réseau. Au milieu, écarts sur les coordonnées verticales. En bas, valeurs de l’estimateur du fac-
teur unitaire de variance pour chacun des 10 jeux simulés pour chaque taille de réseau suivant les deux modèles fonctionnels utilisés.

peuvent parfois être très semblables. à ceux de la Figure 2, où l’on considé- des réseaux de géométrie particu-
Ces jeux d’observations générées rait un vecteur d’erreurs nul. Ainsi, les lière. Après avoir présenté et illustré
ont été ajustés en utilisant le modèle écarts constatés sont uniquement liés quelques méthodes classiques permet-
fonctionnel 3D Géodésique ainsi que à la différence de modèle fonctionnel. tant de générer un vecteur d’erreurs à
le modèle 3D Locale de CoMeT. La ajouter aux mesures théoriques (issues
La Figure 5 (bas) présente les valeurs
figure 5 présente les résultats obtenus d’un modèle fonctionnel particulier),
de l’estimateur du facteur unitaire de
en termes d’écarts aux coordonnées nous avons détaillé notre méthodolo-
variance pour chaque jeu de mesures
théoriques planes et verticales mais gie particulière de génération.
ajusté, pour chacun des modèles
également de valeurs de l’estimateur
fonctionnels, avec en vert les valeurs Cette méthode, dont l’idée était déjà
du facteur unitaire de variance.
moyennes sur les 10 jeux par taille de présente dans l’article de 2012, s’est
Le premier constat que l’on peut
réseau. On constate que pour le modèle surtout développée d’un point de
faire sur cette figure 5 est que pour
fonctionnel 3D Géodésique (courbe vue théorique entre 2013 et 2015.
le modèle 3D Géodésique qui a servi
rouge), la valeur de l’estimateur est Elle permet d’assurer que le vecteur
à générer les observations, les écarts
toujours égale à 1, conformément au d’erreurs E ajouté aux mesures théo-
obtenus entre coordonnées ajustées
critère (b). Pour le modèle fonctionnel riques conduira, lors de l’ajustement
et théoriques sont nuls. Les mesures
3D locale, les valeurs obtenues sont avec le même modèle fonctionnel,
générées respectent bien la condition
en moyenne égales à 1, mais avec à valider les deux tests classiques
(a). On remarque également avec ce
étendues pouvant atteindre 0.2 pour réalisés à l’issue d’un traitement par
modèle fonctionnel que les valeurs
le réseau à 50 m. Cela nous permet moindres carrés : test du chi-deux et
de l’estimateur du facteur unitaire
là encore de juger la présence de test de Baarda. Notre méthodologie
de variance sont toutes identiques
modèles fonctionnels différents. assure également dans ce cas que
et égales à 1. Les mesures générées
la solution ajustée correspond exac-
respectent donc bien la condition (b).
tement à la solution théorique pour
Le second constat est que lors de l’ajus- Conclusion les paramètres. Ces caractéristiques
tement des mesures avec le modèle Cet article fait suite à celui publié dans permettent de faciliter l’analyse des
fonctionnel 3D Locale, les résultats la revue en 2012, sur la validation du résultats de comparaisons sur des
obtenus pour chaque réseau sont logiciel CoMeT par comparaison à jeux de données où l’on fait varier
identiques pour chacun des 10 jeux de d’autres logiciels d’ajustement, sur un ou plusieurs paramètres (taille du
mesures. Ces résultats sont identiques la base d’observations générées sur réseau, hauteur de point…).
q
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43
TOPOGRAPHIE

Cette méthode de génération du [ 5] Samuel Burer and Dieter programming


 with one negative eigenvalue
q vecteur d’erreurs E est intégrée dans le Vandenbussche, A finite branch-and- is NP-hard, J. Global Optim., 1(1), 15–22,
logiciel CoMeT, et nous avons montré, bound algorithm for nonconvex quadratic 1991.
sur un exemple pratique, son fonction- programming via semidefinite relaxations, [13] P. Pardalos, Global optimization
nement effectif. l Math. Program., Ser. A 113 (2008), 259-282. algorithms for linearly constrained indefinite
[6] W.F. Caspary Concepts of network quadratic problems, Comput. Math. Appl.,
Contact and deformation analysis. Edited by. J. M. 21, 87–97, 1991.
Stéphane DURAND Rüeger. Third (corrected) Impression, 2000. [14] Sillard, Patrick, Estimation par
École supérieure des géomètres et [7] Jieqiu Chen, Samuel Burer, Globally moindres carrés, Collection ENSG-IGN,
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stephane.durand@lecnam.net problems via completely positive
programming. Mathematical Programming
Références Computation 4, Issue 1 (2012), pp 33–52. ABSTRACT
[1] D. Avis and K. Fukuda, A pivoting [8] Dach R., Lutz S., Walser P. and Fridez In a previous paper, published in
algorithm for convex hulls and vertex P., Bernese GNSS software version 5.2, 2012 in this journal, we conducted
enumeration of arrangements and Astronomical Institute, University of Bern, comparisons between the CoMeT
polyhedra, Discrete Comput. Geom. 8 2015 software and others least squares
[9] Durand S. et Guérin C., Validation du network adjustment applications in
(1992), 295–313.
logiciel CoMeT d’ajustement de mesures order to validate the ComeT application.
[2] W. Baarda, A Testing Procedure for use
To perform such comparisons,
in Geodetic Networks, Delft, Computing topographiques, Revue XYZ n°132, pp32-40,
we generated several sets of
Centre of the Delft Geodetic Institute, 97 3e trimestre 2012
measurements in networks sharing
pages, 1964. [10] Durand S., CoMeT-Compensation de the same geometry but different side
[3] George E. P. Box, Mervin E. Muller, « A Mesures Topographiques, Manuel utilisateur, lengths, and compared the obtained
Note on the Generation of Random Normal Laboratoire Géomatique et Foncier, Cnam, results in terms of adjusted coordinates
Deviates », The Annals of Mathematical 2017 (http://comet.esgt.cnam.fr) and estimated variance factor. The
Statistics Vol. 29, No. 2 (Jun., 1958), pp. [11] Kuhn, H. W.; Tucker, A. W. (1951). purpose of this contribution is to review
610-611 «Nonlinear programming». Proceedings and discuss some common methods
[4] D. Bremner, K. Fukuda, and A. Marzetta. of 2nd Berkeley Symposium. Berkeley: used for generating observations and to
Primal-dual methods for vertex and facet University of California Press. pp. 481–492. present in more detail our method, the
MR 0047303. one used in the previous article, which
enumeration. Discrete Comput. Geom., 20
[12] P. M. Pardalos, S. A. Vavasis, Quadratic present some specific properties.
(1998), 333-357.

Olivier Reis Reinhard Stölzel


Ingénieur géomètre-topographe Ingénieur géomètre-topographe
ENSAI Strasbourg - Diplômé de l’Institut Interprète diplômé de la
de traducteurs et d’interprètes (ITI) de Strasbourg Chambre de commerce et d’industrie de Berlin
9, rue des Champs Heinrich-Heine-Straße 17, D-10179 BERLIN
F-57200 SARREGUEMINES Téléphone : 00 49 30 97 00 52 60
Téléphone / télécopie : 03 87 98 57 04 Télécopie : 00 49 30 97 00 52 61
Courriel : o.reis@infonie.fr Courriel : stoelzelr@aol.com

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