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« GUIDE POUR S’AIDER SOI-MÊME »

DÉJÀ PARUS
Accepter son corps et s’aimer.
François Nef, Emmanuelle Hayward.
Affirmez-vous ! Pour mieux vivre avec les autres.
Dr Frédéric Fanget.
Bien se soigner avec les médicaments psy.
Dr Antoine Pelissolo.
Bien vivre avec des acouphènes.
Dr Philippe Peignard.
Bien vivre son homosexualité et réussir son coming-out.
Dr Béatrice Millêtre.
Bon stress, mauvais stress : mode d’emploi.
Dr Frédéric Chapelle, Benoît Monié.
Borderline. Retrouver son équilibre.
Dominique Page.
Comment arrêter de fumer ?
Dr Henri-Jean Aubin, Dr Patrick Dupont, Pr Gilbert Lagrue.
Comment arrêter l’alcool ?
Pierluigi Graziani, Daniela Eraldi-Gackiere.
Comment ne pas se gâcher la vie.
Dr Stéphanie Hahusseau.
Comment ne pas tout remettre au lendemain.
Dr Bruno Koeltz.
Comment retrouver le sommeil par soi-même.
Dr Sylvie Royant-Parola.
Comment sortir de l’anorexie ? Et retrouver le plaisir de vivre.
Dr Yves Simon, Dr François Nef.
Comment sortir de la boulimie. Et se réconcilier avec soi-même.
Dr François Nef, Dr Yves Simon.
Des hauts et des bas. Bien vivre sa cyclothymie.
Dr Nicolas Duchesne.
Idées noires et tentatives de suicide.
Dr Emmanuel Granier.
J’éveille mon bébé.
Dr Béatrice Millêtre.
Suite en fin d’ouvrage
Collection dirigée
par Christophe André

© ODILE JACOB, JANVIER 2009

15, RUE SOUFFLOT, 75005 PARIS

www.odilejacob.fr

ISSN : 1620-0853

EAN : 978-2-7381-9556-2

Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement
réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple
et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause
est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la
propriété intellectuelle.

Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo


La collection « Guide pour s’aider soi-même » est conçue pour vous
aider à faire face aux difficultés de la vie quotidienne, mais aussi aux
problèmes psychologiques les plus sérieux. Chaque guide répond à vos
questions et vous propose des informations pour comprendre ce qui vous
arrive (ou ce qui arrive à l’un de vos proches) ainsi que des conseils pour
agir au quotidien.
Médecins, psychologues ou autres professionnels de santé, les auteurs
sont toujours des spécialistes reconnus et expérimentés du problème
abordé. Ils ont déjà aidé de nombreuses personnes dans votre cas à s’en
sortir. Et le livre que vous tenez entre les mains a été relu et validé par des
lecteurs confrontés aux mêmes difficultés que vous.
Vos réactions à la lecture de cet ouvrage, la manière dont il a pu vous
aider, dont vous l’avez utilisé et mis en pratique nous intéressent beaucoup.
N’hésitez pas à nous écrire pour raconter votre expérience.

Christophe André
Introduction
Cet ouvrage est un guide pratique du changement personnel. En tant
que médecin psychothérapeute, mon métier est d’aider les gens à changer
pour aller mieux. Les affections psychiques qui amènent à consulter
(dépression, angoisse, etc.) peuvent être regardées comme des manières
inappropriées et non choisies d’agir et de réagir dans certaines situations.
La psychothérapie a pour but d’aider le patient à trouver ou à retrouver des
comportements plus adaptés à la réalité et à ses choix. Le pari de ce livre est
de mettre à disposition de tout un chacun les outils utilisés en
psychothérapie pour faciliter le changement. Les outils que je décris dans ce
livre sont ceux que j’emploie au quotidien dans ma pratique de
psychothérapeute.
J’ai écrit ce livre à l’intention de toute personne à la recherche de
solutions pour :
— sortir d’une situation problématique ou pénible ;
— développer son potentiel personnel ;
— s’adapter à une situation nouvelle.

Ce livre présente une méthode pour comprendre et surtout changer


votre manière d’agir et de réagir. La méthode fait appel à la raison et à
l’expérience. Je me suis efforcé de limiter la partie théorique à ce qui est
indispensable à la compréhension de la démarche. Le livre contient de
nombreux exemples concrets. Ces exemples sont tirés de ma pratique
professionnelle, et en particulier du traitement de patients souffrant de
troubles anxieux, puisque c’est ma spécialité. Mais ne vous inquiétez pas,
les lois du changement sont générales. Elles régissent aussi bien les
comportements pathologiques que les comportements « normaux » ou
problématiques de tout un chacun. Les exemples donnés devraient vous
aider à adapter les principes du changement à votre situation personnelle.

L’ouvrage comprend douze chapitres répartis en trois parties.


Dans la première partie (chapitres 1 à 4), vous découvrirez qu’il est
possible de changer librement à condition de respecter certaines règles et de
suivre une méthode. Ces pages vous paraîtront peut-être ardues à la
première lecture, mais elles vous permettront de construire votre démarche.
Revenez à ces chapitres si vous rencontrez des difficultés une fois que vous
avez commencé votre effort. C’est ainsi que l’on pratique en
psychothérapie. En cas de panne ou de blocage, on regarde d’abord s’il y a
quelque chose à corriger dans la méthode.
La deuxième partie (chapitres 5 à 9) est le cœur de l’ouvrage. Elle
montre comment réussir à changer véritablement. Vous y apprendrez à
modifier votre manière d’agir, mais aussi votre manière de penser et de
sentir. Vous trouverez dans cette même partie des indications pour forger les
outils qui vous aideront dans votre démarche. Vous apprendrez aussi à
déjouer les pièges des ennemis du changement.
La troisième et dernière partie (chapitres 10 à 12) vous propose de petits
(ou grands) aménagements dans les relations avec vous-même et avec les
autres. Parfois il suffit de peu pour se changer véritablement la vie ! Et si
vous n’y arrivez pas tout seul, sachez que rien n’est perdu. Vous n’êtes pas
seul au monde, l’aide existe, elle est à portée de main. Le chapitre 12 a pour
but de vous permettre de choisir en toute connaissance de cause, dans la
multitude d’aides disponibles, celle qui est le plus adaptée à votre situation.
Pour m’adresser à vous, j’ai pris la liberté de choisir la forme
masculine. Par exemple, « Soyez concret » plutôt que « Soyez concrète ».
Ce choix ne traduit pas une attitude sexiste de ma part, ni n’indique que le
livre ne s’adresse qu’aux hommes ! C’est seulement une commodité
d’écriture.
J’utilise volontiers la forme « impérative », par exemple « Renouvelez
vos sensations » ou « Corrigez les illusions d’optique ». Ne prenez pas ce
ton pour un ordre, il est une manière d’exprimer avec bienveillance une
recommandation basée sur mon expérience. À vous d’expérimenter à votre
tour, et de garder ce qui vous est utile d’après votre propre expérience.
Première partie
Changer,
c’est possible,
et ça s’apprend !
Chapitre 1
Quand changer,
que changer dans sa vie ?
« Certaines choses dépendent de nous, les autres non. »
ÉPICTÈTE,
Ier siècle ap. J.-C.

Trois situations peuvent inciter à vouloir changer quelque chose dans sa


vie :
— ça va mal ou vous allez mal ;
— ça va, mais vous souhaitez progresser encore, vous épanouir
davantage dans un domaine ;
— vous êtes déboussolé car vous êtes confronté à une situation
nouvelle.

Une fois admis le besoin ou le désir de changer quelque chose, reste à


savoir quoi, puis comment. Pour ce qui est du « comment », ce sera l’objet
du chapitre 2. Que changer ? Notre comportement est ce qui dépend le plus
de nous. C’est donc cela que nous devons changer en priorité. Le
comportement humain est quelque chose de très compliqué. Nous
l’entendons ici au sens de la manière d’agir, de penser et de sentir dans une
situation donnée. Cette définition a le grand avantage de décomposer le
comportement en éléments sur lesquels il est possible d’agir concrètement.
Voyons tout cela un peu plus en détail.
Quelque chose ne va pas dans votre vie ?
Vous avez un problème qui commence à durer, ou qui se répète ? Vous
avez l’impression de toujours reproduire les mêmes erreurs dans votre vie
sentimentale ? Au travail ? En famille ? De vous heurter aux mêmes
difficultés ? De ne pas savoir vous y prendre pour vous faire respecter de
vos collègues, de votre patron, de vos enfants ? Vous avez l’impression que
votre vie n’est qu’une suite d’échecs ? Vous êtes trop dépendant, de vos
proches, de substances, l’alcool, le tabac, la drogue ? Vous ne pouvez pas
vous empêcher de vous livrer à des comportements que vous trouvez
inutiles ou nuisibles, comme grignoter sans arrêt, jouer aux jeux vidéo ou
aux machines à sous, surfer sur Internet ? Vous paniquez aux examens ?
Vous n’arrivez pas à passer votre permis de conduire ? À vous faire des
amis ? À aborder la personne qui vous attire ? Dans vos études, en sport, en
musique, vous plafonnez alors qu’on dit de vous que vous avez toutes les
capacités pour percer ?

Quel que soit le contexte, que ce soit en famille, dans votre vie de
couple, au travail, à l’école, dans votre formation ou vos loisirs, etc., si vous
avez le sentiment que la situation est insatisfaisante, difficile voire
douloureuse, alors il est probablement temps de changer quelque chose dans
votre comportement.

Vous cherchez à progresser ?


Échapper à une situation d’échec ou de frustration est une incitation
« négative » au changement, dans le sens où elle part d’un sentiment
négatif, pénible ou en tout cas déplaisant. La motivation au changement
peut être positive. C’est le désir de rechercher un « plus », d’acquérir une
compétence supplémentaire. Vous souhaitez par exemple développer un
talent que vous sentez en vous.
Vous aimeriez vous épanouir davantage dans votre vie personnelle, dans
vos relations avec vos proches, dans vos loisirs, au travail, etc. Vous avez
acquis des compétences particulières dans un domaine de votre vie
professionnelle ou de vos loisirs (sport, arts, etc.), mais vous sentez que
vous pourriez progresser encore.
Notre temps est marqué par deux tendances fortes : le développement
du temps libre et la nécessité, pour chacun ou presque, de continuer à se
former durant toute sa vie professionnelle. Ces deux tendances fortes de
notre temps ont eu pour effet d’inciter ou d’obliger beaucoup d’entre nous à
développer des aptitudes et des attitudes nouvelles, dans la vie personnelle
et professionnelle. Se développer, progresser, s’améliorer, se perfectionner,
sont des mots que nous entendons partout, dans les médias, au travail, dans
nos loisirs, dans le sport, etc. Quels que soient le domaine concerné et
l’ampleur des progrès que vous comptez faire, il s’agit bien de changement,
puisque vous souhaitez ajouter à votre répertoire habituel des capacités ou
des compétences nouvelles.

Vous êtes déboussolé par une situation nouvelle ?


À situation nouvelle, réponses nouvelles. La nouveauté de la situation
peut être due à un événement soudain, un accident, un décès, la maladie, la
perte de son emploi, un déménagement dans une autre région ou un autre
pays. Il faut pouvoir s’adapter à des événements plus lents, comme les
modifications dues à l’âge, l’adolescence, la ménopause, l’andropause, le
vieillissement. Des circonstances heureuses, comme le mariage, la
naissance d’un enfant ou une promotion professionnelle, exigent aussi une
capacité d’adaptation.
Tous ces événements représentent des facteurs de stress capables de
déstabiliser n’importe quel individu. Si vous êtes confronté à une situation
nouvelle, vous aurez à faire appel, de manière temporaire ou plus durable, à
des comportements nouveaux car vos ressources habituelles risquent de
s’avérer inopérantes. On parle de crise lorsque le bouleversement est tel que
les réponses habituelles sont complètement inadaptées. À toute crise
succède un nouvel équilibre, lorsque de nouvelles ressources ont été mises
en place pour faire face à la situation nouvelle. Nous vivons dans un monde
où le contexte extérieur change très vite, alors que notre contexte intérieur
change moins facilement, au rythme plus lent des âges de la vie. En soi, ce
décalage nécessite à lui seul un ajustement permanent. Les exemples de
Francine et de Jean montrent comment un changement de contexte,
l’introduction de l’électronique au travail, peut déstabiliser deux excellents
employés tout en conduisant à des résultats très différents selon qu’ils
réussissent ou non à adapter leur comportement à la nouvelle situation.
Francine, la cinquantaine tardive, est secrétaire administrative depuis une quinzaine
d’années dans un collège privé. Au bureau, elle a toujours été appréciée de ses collègues et de
la direction pour son exactitude et sa conscience professionnelle. Cependant, lorsque le service
a été informatisé, il y a une dizaine d’années, elle s’est sentie dépassée par les événements et,
malgré ses efforts, elle s’est montrée incapable de s’adapter au nouveau système qui demandait
plus de rendement, plus de rapidité. Désemparée, terrorisée même le matin avant de partir pour
aller à son travail, Francine a craqué nerveusement et sombré dans une dépression sévère qui a
abouti à un arrêt de travail prolongé et finalement à sa retraite anticipée pour raison de santé.

Et maintenant l’histoire de Jean, qui a mieux réussi que Francine à


s’adapter à l’introduction de l’électronique sur son lieu de travail.
Jean, mécanicien de précision, est lui aussi désorienté lorsque son entreprise introduit
l’électronique à l’atelier et remplace toutes les machines mécaniques par leur équivalent
électronique. Dans un premier temps, il met les pieds au mur, grommelant contre les nouvelles
machines qui travaillent moins bien que les anciennes selon lui. Au bout de quelque temps
cependant, il admet que la conversion à l’électronique est indispensable pour assurer la survie
de l’entreprise. Il se documente, étudie le week-end et finit par prendre goût à la nouvelle
manière de travailler. C’est en se montrant capable de changer de point de vue vis-à-vis de
l’innovation technologique que Jean a réussi à l’accepter et à adopter une attitude positive.
Cela lui a permis de passer le cap et de garder son emploi.

Changer ce qui dépend de soi


Il y a deux mille ans, le philosophe grec Épictète enseignait qu’il y a
des choses qui dépendent de nous, et d’autres qui ne dépendent pas de
nous. Il ajoutait : Nous devrions ne nous occuper que de ce qui dépend de
nous, car c’est cela, et cela seulement, que nous pouvons changer. Il
précisait que les choses qui dépendent de nous, ce sont nos actions, nos
pensées et nos émotions. C’est ce que nous appellerions aujourd’hui nos
comportements. Tout ce qui est extérieur à nous, aussi bien l’environnement
que le comportement des autres, ne dépend pas de nous, ou très peu. Il y a
donc très peu de possibilité de le changer directement. À moins de militer
dans un groupe dont l’action collective, à terme, pourra influer dans le sens
désiré.

Concentrez vos efforts sur vous-même


Suivez la leçon d’Épictète, réservez vos efforts de changement à vous-
même, à votre propre comportement. C’est en portant votre action sur vous-
même et sur rien d’autre qu’elle sera la plus efficace. En ce qui concerne
votre environnement, il peut s’avérer utile et même nécessaire de le changer
lorsqu’il a une influence négative sur votre comportement, pour autant qu’il
dépende de vous.
Par exemple, évitez de tenir chez vous des réserves de bière si vous êtes dépendant de
l’alcool et que vous souhaitez vous affranchir de cette dépendance.

Vous voulez changer les autres ? Peine perdue,


oubliez !
Pour ce qui est des autres, abstenez-vous de vouloir les changer. Le plus
probable est que vous n’y parviendrez pas. Ils vous reprocheront d’exercer
des pressions sur eux et cela provoquera des tensions entre eux et vous. En
revanche, montrez l’exemple et commencez à changer vous-même. Il se
peut que cela incite vos interlocuteurs à modifier à leur tour leur
comportement.

Un comportement, c’est quoi ?


Notre comportement est ce qu’il y a de plus accessible au changement
puisque c’est ce qui dépend le plus de nous. Mais, au juste, c’est quoi, un
comportement ? Le comportement humain est quelque chose
d’extrêmement complexe à comprendre et à décrire. Pour pouvoir le
changer, nous devons le ramener à des unités simples sur lesquelles il est
possible d’agir. Prenons l’exemple de ce que je suis en train de faire en ce
moment, écrire sur mon ordinateur.
Il est dix heures du matin, je suis assis à mon bureau, j’écris ce paragraphe sur mon
ordinateur. Mes doigts frappent les touches du clavier pour transformer mes idées en texte. Si
j’y prête attention, je me rends compte que l’action de frapper les touches est étroitement liée à
mes pensées, mais aussi à la sensation du contact du bout de mes doigts avec les touches. Si je
n’éprouvais pas la sensation tactile de mes doigts sur le clavier, j’aurais beaucoup de peine à
continuer d’écrire. J’aurais l’impression de taper dans le vide et serais vite perdu dans ma
frappe. Les idées que j’ai en tête sont à l’origine de ma frappe. En retour, les mettre par écrit
me permet de les préciser, de les développer.

Voilà un comportement simple, qui consiste à taper un texte à


l’ordinateur. Il est composé de trois éléments entremêlés, qui sont en
relation étroite les uns avec les autres :
— une action : frapper les touches du clavier ;
— des sensations : en particulier celle du contact de mes doigts sur les
touches ;
— des pensées : ce que je me dis pendant que j’écris.

Action, sensation et pensée sont en relation étroite les unes avec les
autres. Ces trois éléments sont indissociables au point qu’il faut un effort
pour les distinguer. Et ils forment une chaîne circulaire, chaque élément est
à la fois cause et conséquence des deux autres.

Prenez un moment pour examiner de quoi vos journées sont faites. Vous
verrez qu’elles sont composées de comportements qui s’enchaînent les uns
aux autres sans interruption : se lever, s’habiller, manger, parler, réfléchir,
travailler, séduire, aimer, se reposer, etc. Et si vous analysez le détail de vos
comportements, vous pourrez repérer dans chacun d’eux un assemblage
d’actions, de sensations et de pensées. C’est pourquoi dans ce livre nous
entendrons par « comportement » la combinaison de votre manière d’agir,
de sentir et de penser dans un contexte donné. Les comportements sont
harmonieux lorsque leurs trois dimensions sont en accord les unes avec les
autres. La vie est une suite ininterrompue de comportements, longs ou
courts, importants ou banals, uniques ou répétitifs.
En fonction des comportements, l’importance relative de chaque
dimension est variable. Dans un geste technique bien rodé, par exemple
conduire une voiture ou jouer au tennis, le couple action-sensation est au
premier plan, la pensée n’intervenant qu’à certains moments. Dans une
dispute conjugale, il est probable que les trois ingrédients seront bien
représentés : l’action sous la forme d’agitation et d’émission de mots
enflammés. Les sensations physiques dues à la colère, avec les tensions
musculaires, la chaleur. Enfin, les pensées négatives projetées sur l’autre : il
(ou elle) m’énerve, il (ou elle) ne comprend rien, c’est insupportable, etc.

Les cibles du changement

Diviser pour régner


La devise « diviser pour régner » s’applique parfaitement au
comportement. Il est difficile de changer un comportement dans son
ensemble, qui est une sorte de bloc compact et complexe. En revanche, si
vous le décomposez, il vous sera plus facile d’agir sur chaque élément
séparément. Nous verrons dans le détail, dans la deuxième partie de
l’ouvrage, comment modifier votre manière d’agir. Nous examinerons aussi
comment changer votre manière de voir et même, dans une certaine mesure,
comment vous pouvez modifier vos sensations. Quant au contexte dans
lequel le comportement se manifeste, le plus souvent il ne peut pas être
changé, il faut l’accepter. Mais il est toujours possible de le voir autrement.
Voyons maintenant comment repérer, dans le comportement que vous
souhaitez changer, les éléments qui le composent.

Ce que vous faites


Dans le comportement, l’action, c’est ce que vous faites activement,
principalement grâce à vos muscles. Par exemple, bouger, parler, toucher,
écouter, s’éloigner, saluer, s’activer, faire son travail, etc. Repérez dans
votre comportement l’action (ou les actions) que vous jugez inadéquate et
que vous souhaitez remplacer. Il peut aussi s’agir d’actions que vous ne
faites pas suffisamment et que vous aimeriez être capable d’accomplir
davantage.
Marc est impulsif, il agit trop vite, de manière réflexe. Il aimerait être capable d’agir de
manière plus réfléchie. Thérèse souffre de phobie sociale, elle n’ose pas regarder ses
interlocuteurs, et elle évite de se trouver en groupe. Régis passe plusieurs heures par jour à
effectuer des rituels de lavage et de vérification. Son but est de passer moins de temps à ces
actions inutiles. Nicolas est timide, il n’ose pas aborder les filles qui lui plaisent. Au lieu de
cela, il reste dans son coin. Annick n’arrive pas à se concentrer sur ses leçons d’allemand. Au
lieu de cela, elle se disperse dans ses pensées. Janine se fait régulièrement dénigrer, voire
injurier, par son mari. Elle ne dit rien et supporte en silence.

Ce que vous sentez


Les sensations, c’est ce que nous percevons du monde extérieur grâce à
nos cinq sens (vue, ouïe, toucher, goût, odorat). C’est aussi ce que nous
ressentons dans notre corps : la chaleur, la rougeur, les palpitations, les
tensions, la douleur, les tremblements, etc. Observez les sensations que
vous jugez inappropriées ou inutilement déplaisantes. Ou les sensations que
vous n’éprouvez pas suffisamment et que vous aimeriez découvrir lorsque
vous aurez réussi à changer.
Antonio est déprimé, rien ne lui fait plaisir, même pas la nourriture ou le sexe. Lors de ses
crises d’angoisse, Patrick a l’impression que sa vision se rétrécit comme s’il regardait à travers
un long tuyau. De plus, à l’intérieur de son corps, il a une sensation d’oppression de la
poitrine, il a de la peine à respirer, il a chaud, il tremble.

Ce que vous vous dites


Penser, c’est se parler à soi-même. En ce sens, nous ne cessons pas de
penser, car nous n’arrêtons pas de nous dire à nous-mêmes des choses sur
ce qui se passe autour de nous et à l’intérieur de nous-mêmes, nos
sensations, nos actions et même nos pensées. Portez votre attention à ce que
vous vous dites dans la situation problématique. Quelques exemples :
J’ai trop chaud, je ne peux plus rester ici… Ou : L’autre jour, j’étais tellement à bout que
j’avais envie de jeter mon enfant par la fenêtre. C’est complètement anormal d’avoir des
pensées pareilles ! Ou encore : Mon ami n’a pas téléphoné, c’est qu’il ne m’aime plus… Enfin :
J’ai échoué à mon examen, je suis vraiment nul, je ne réussirai jamais rien…

Les images sont aussi des pensées


Les pensées peuvent prendre la forme d’images, de « flashes » difficiles
à traduire en phrases, mais quand même distincts des sensations. Parfois, il
s’agit d’une suite d’images, par exemple un scénario catastrophe :
Matthieu qui a peur de rater son examen de médecine se voit, comme dans un film où les
images défilent rapidement, sortir de la salle d’examen honteux après n’avoir pas pu ouvrir la
bouche pendant l’interrogatoire, la tête basse, ne plus oser parler à sa famille. Il se voit
désemparé, tout seul, sans avenir, sans amis…

Tirez-vous des bénéfices de votre comportement


actuel ?
Un autre aspect du contexte doit être examiné. Votre comportement
problématique a-t-il, à côté de ses inconvénients, des conséquences sur
votre environnement qui s’avèrent favorables pour vous ? Si oui, il est de la
première importance de repérer ces « bénéfices », car leur présence
représente un obstacle majeur au changement.
Maryse souffre d’agoraphobie et de paniques. À cause de ses angoisses, elle ne va plus
faire les courses en ville ni dans les grandes surfaces, c’est son mari qui s’en charge. De
surcroît, Maryse a aussi des crises d’angoisse lorsqu’elle se trouve seule à la maison. Pour
cette raison, son mari a diminué ses activités dans diverses sociétés, il est plus souvent présent
le soir. Avec la mise en place du traitement, les angoisses se sont estompées et le mari a repris
une attitude moins attentionnée, moins présente auprès de Maryse. Après une longue période
sans panique, Maryse a présenté un nouvel épisode un soir où son mari était absent… Il va
falloir maintenant qu’elle apprenne à renoncer au « bénéfice » de ses angoisses, à savoir la
présence accrue et réconfortante de son mari.

Et les émotions ?
Dans tout comportement, actions, sensations et pensées sont toujours
étroitement reliées les unes aux autres. Elles sont même parfois tellement
entremêlées qu’il est difficile de les distinguer. C’est particulièrement vrai
dans le cas des émotions. Les émotions sont des comportements
particuliers, où les sensations sont au premier plan. Ces sensations
correspondent à la mobilisation du corps. Lorsque l’émotion nous envahit,
cela signifie que notre corps a perçu, à tort ou à raison, que quelque chose
d’essentiel est en jeu à ce moment précis. Quelque chose d’essentiel, c’est
la vie et la mort, ou quelque chose d’approchant : l’amour, la haine, le
plaisir, le dégoût, la joie, la tristesse, la colère, la reconnaissance. Les
émotions sont les comportements essentiels, ceux qui comptent, ceux dont
on se souvient, ceux qui touchent et mobilisent les êtres humains.
Certaines sensations sont identiques dans des émotions très différentes.
Comment distinguer les tremblements, le poids sur la poitrine ou la chaleur
dus au plaisir des mêmes sensations dues à la peur ? À moins de connaître
le contexte, il est difficile de savoir si quelqu’un pleure de joie ou de
chagrin. Dans l’émotion, c’est souvent la pensée, qui est souvent une image,
qui est spécifique. Dans la joie, « tout est possible ». Dans la tristesse,
« plus rien ne vaut la peine ». Dans la colère, c’est un scénario d’agression
qui traverse l’esprit.
Les émotions irrationnelles se présentent de la même manière que les
émotions « réelles », sauf qu’elles ne sont pas fondées sur une réalité
impliquant vraiment un enjeu de vie ou de mort. Dans la dépression, il
existe une tristesse profonde comparable à celle d’un deuil, mais sans deuil
réel. Dans l’angoisse, la peur est aussi paralysante qu’une frayeur
provoquée par un danger imminent, mais en l’absence de danger objectif.
Lorsqu’elles atteignent ce degré, cela justifie le recours au médecin ou au
psychiatre. Dans les cas de moindre intensité, il est possible de vous traiter
vous-même. Dans ce cas, efforcez-vous de bien distinguer vos sensations et
vos pensées. Il vous sera possible de les modifier en vous inspirant des
indications données dans la deuxième partie du livre. En revanche, il vous
sera impossible d’agir sur votre émotion si vous ne la décomposez pas, car
elle constitue un comportement trop global, trop complexe pour être
accessible à une intervention simple. Même les méthodes modernes de
psychothérapie restent pour le moment incapables d’agir directement sur
l’émotion.

L’effet « boule de neige »


Dans un comportement, les trois éléments sont en relation les uns avec
les autres. Par conséquent, il suffit de modifier un élément pour faire bouger
les autres, et modifier le comportement dans son ensemble. Cet effet
« boule de neige » est illustré par le traitement de Maurice.
Avant le traitement
Maurice est en traitement pour des crises d’angoisse intenses qui le surprennent dans les
endroits publics pleins de monde, les transports publics, les rues bondées, etc. Pendant les
crises de panique, il éprouve des sensations étranges et inquiétantes dans la tête, des vertiges,
sa vision est brouillée, il a l’impression qu’il va s’évanouir. Dans ces moments, il est convaincu
d’être en train de faire une attaque cérébrale. Au cours du traitement, il apprend à reproduire
lui-même ces sensations, en modifiant sa manière de respirer ; et à les faire disparaître, en
contrôlant sa respiration. Grâce à des exercices respiratoires simples (modification de sa
manière d’agir), il a fait d’une pierre deux coups. Il a modifié à la fois ses sensations et sa
manière de penser. Les exercices respiratoires répétés lui ont permis de démystifier les
sensations « inquiétantes », puis de les contrôler. Quant à la pensée Je suis en train de faire une
attaque cérébrale, elle a été remplacée, grâce à la réinterprétation correcte des sensations, par
une pensée plus réaliste : Ces sensations désagréables sont dues à ma manière inadéquate de
respirer, elles ne signifient pas que je suis en train de faire une attaque cérébrale.

Voici comment se présente le problème de Maurice, et les changements


provoqués par le traitement.
Traitement‚ phase 1
Exercice respiratoire : hyperventilation provoquée

Traitement‚ phase 2
Contrôle respiratoire : « respiration en carré »
Chapitre 2
Comment
peut-on changer ?
« Il faut prendre très tôt de bonnes habitudes, surtout celle
de savoir changer souvent et facilement d’habitudes. »
Pierre REVERDY

Changer par soi-même

Libres de changer ?
Nous vivons dans un monde en perpétuel changement, et chacun de
nous change imperceptiblement mais constamment. Je ne suis plus tout à
fait le même qu’il y a un mois, plus le même qu’il y a un an, et assurément
plus du tout le même qu’il y a trente ans. La question n’est donc pas de
savoir si nous devons ou si nous pouvons changer. Nous n’avons pas le
choix, nous changeons, que nous le voulions ou non. La question est de
savoir si nous avons la capacité de changer selon notre volonté, d’évoluer
dans le sens de nos désirs, de nos choix de vie. La vie nous enseigne que ce
n’est pas facile, que peu de choses obéissent à notre volonté, en fin de
compte. Si l’on tient compte de ce qui ne dépend pas de nous, de ce qui
dépend de nous mais n’est pas conscient, et enfin de ce qui dépend de nous,
est conscient mais involontaire, la part du conscient et du volontaire dans
notre vie peut paraître bien mince. Mais même si elle étroite, la marge de
manœuvre existe, et si nous l’utilisons au mieux, cela peut vraiment
changer la vie. Le but de cet ouvrage est de vous aider à tirer le meilleur
parti de la marge de liberté dont vous disposez pour changer dans votre vie.

Changer par la raison


Il existe de nombreuses manières de changer. Les changements imposés
par la nature sont prévisibles et inexorables. D’autres changements
surviennent de manière spontanée et inattendue. D’autres encore se
produisent sous l’effet d’influences extérieures, celle du milieu,
d’idéologies ou de personnes. Toutes ces formes de changement sont
imprévisibles, elles échappent au contrôle de la volonté et de la raison. Ce
livre vous propose une démarche de changement volontaire, active et
méthodique, inspirée par des principes rationnels. Il s’agit de changements
limités, car ancrés dans la réalité, et utilisant l’étroite marge de manœuvre
laissée au changement volontaire. Mais il présente le grand avantage d’être
prévisible et constamment sous votre contrôle, car c’est vous qui le
conduirez librement en appliquant des règles dont vous aurez toute
connaissance.

L’inné et l’acquis
Comme les animaux, l’être humain est doté d’un répertoire de
comportements innés, chargés d’assurer ses besoins de base : respirer,
manger, se déplacer, se reproduire, etc. À côté de cela, l’espèce humaine
possède un potentiel extraordinaire, beaucoup plus développé que chez les
autres espèces, celui d’acquérir de nouveaux comportements. Ceux-ci
complètent et prolongent les comportements innés, et donnent à l’homme
une capacité considérable de développement et d’évolution. C’est sa faculté
d’acquérir de nouveaux comportements qui a permis à l’être humain de
fabriquer et d’utiliser des armes, des outils, de créer l’écriture, d’inventer
des métiers, des sports, des machines, des œuvres d’art, etc. La variété des
comportements qui peuvent être acquis, c’est-à-dire appris, est presque
infinie.

Changer, c’est apprendre et désapprendre


Le changement consiste à acquérir, autrement dit à apprendre, des
comportements nouveaux, plus adaptés ou plus désirables. C’est aussi
désapprendre les comportements anciens inadaptés.
Kevin, qui souffre d’être trop timide, veut apprendre à se montrer plus affirmé, à s’exposer
davantage devant les autres. À l’inverse, il faut qu’il renonce à se cacher, à rester dans le
confort de l’ombre et de la réserve. Pour sortir de sa dépression, Antonio doit s’activer
progressivement, recommencer à sortir, pratiquer à nouveau les activités qui lui faisaient plaisir
auparavant. Ce faisant, il laissera tomber le comportement passif et peu gratifiant qui est le
sien maintenant. Pour s’adapter à l’informatisation, Jean a modifié sa perception, il s’est
intéressé aux nouveaux outils de production et a renoncé à l’idée que seule était bonne
l’ancienne manière de travailler.

Désapprendre un comportement acquis est assez simple, il suffit de ne


plus pratiquer un comportement un certain temps pour qu’il disparaisse peu
à peu de notre répertoire. Apprendre un nouveau comportement est plus
compliqué. Il y a deux manières d’y parvenir. Le chemin du « faire avec »,
et celui du « faire autrement ». Faire avec, c’est assimiler l’inconnu au
connu, étendre un comportement ancien à des situations nouvelles. Faire
autrement, c’est chercher des réponses nouvelles, plus adaptées que le
comportement habituel. Voyons cela de plus près.

« Faire avec », « faire autrement »

« Faire avec » : changer en s’habituant


Vers 1890, le médecin russe Ivan Pavlov a montré qu’on peut apprendre
un comportement nouveau en appliquant un comportement ancien, déjà
acquis, à une situation nouvelle. Au bout d’un moment, par la pratique
répétée du comportement dans la situation nouvelle, on s’habitue à celle-ci
et on devient capable de la gérer. La plupart des comportements sont appris
par exposition et habituation à des contextes de plus en plus éloignés de
celui dans lequel le comportement a été acquis initialement.
Un enfant est capable d’étendre à d’autres domaines le sens de l’équilibre qu’il a acquis
dans l’apprentissage de la marche. En s’exposant à d’autres activités, à d’autres situations, il
adapte sa capacité de rester debout en mouvement à la course à pied, à la conduite d’un vélo, à
l’escalade, etc. De même, on apprend une langue étrangère en s’habituant par la pratique à ses
sons, à son vocabulaire et à ses particularités grammaticales.

L’habituation est à la base de tout apprentissage, qu’il s’agisse de


disciplines d’études, de la formation professionnelle, du comportement
social, d’activités sportives, etc. Il est aussi à l’origine de comportements
indésirables ou inadaptés. C’est le cas, par exemple, des peurs irrationnelles
qui s’étendent à des situations de plus en plus nombreuses à partir d’un
point de départ limité.
L’apprentissage par l’habituation a été appelé « répondant », car il
consiste à répondreà une situation nouvelle par un comportement ancien. Le
biologiste suisse Jean Piaget a décrit un mécanisme proche de
l’apprentissage répondant, qui adapte le monde extérieur au monde
intérieur. Il l’a nommé « assimilation » par analogie avec la digestion, dans
laquelle un aliment, substance étrangère à l’organisme, est transformé en
matériaux semblables à ceux de l’organisme pour qu’il puisse être intégré.
Ici, nous appellerons « faire avec » la stratégie consistant à s’habituer à une
situation nouvelle en s’y exposant et en l’assimilant. Le changement réside
dans la capacité de s’adapter à une situation nouvelle en utilisant les outils
déjà en place.

« Faire autrement » : changer en trouvant des


solutions nouvelles
Vers 1890, à l’époque où Pavlov découvrait l’apprentissage répondant,
un psychologue américain, Edward Thorndike, décrivait une autre manière
de gérer une situation problématique ou inhabituelle : se mettre à la
recherche de comportements nouveaux et choisir celui qui donne les
meilleurs résultats.
Placé dans une boîte labyrinthique, un chat ne pouvait sortir de la cage qu’en actionnant
certains leviers. Au gré de manipulations faites apparemment au hasard, l’animal parvenait
après de nombreuses tentatives à s’échapper de la cage. Lorsque l’expérience était répétée à
plusieurs reprises, le temps nécessaire pour manipuler les bons leviers se raccourcissait, et
finalement l’animal était capable d’effectuer l’opération du premier coup. Il avait appris à
trouver son chemin vers la sortie du labyrinthe.

Sur la base d’expériences de ce type, répétées chez l’animal et chez


l’homme, Thorndike a énoncé la « loi de l’effet » : un comportement a plus
de chances de se produire s’il a pour conséquence d’apporter au sujet une
amélioration de son état ou une satisfaction. Nous expérimentons
quotidiennement la loi de l’effet dans tous nos comportements. Nous
gardons et exploitons les comportements qui nous conviennent, nous
laissons de côté ceux qui ne nous apportent rien de bon.
Lorsqu’un restaurant, une boutique, un lieu de vacances, nous a plu, nous y retournons. À
l’inverse, nous délaissons ce qui nous a déplu ou laissé indifférent. Nous nous attachons aux
personnes qui nous apportent quelque chose, nous admirons les vedettes qui nous font vibrer.
Nous cherchons les meilleures écoles pour nos enfants, nous apprécions les pensées qui nous
aident à comprendre le monde. Nous recherchons des sensations plaisantes, nous cherchons à
éviter les situations pénibles, nous tâchons de cultiver les méthodes qui s’avèrent efficaces.

Burrhus Skinner, un psychologue américain de la première moitié du


XXe siècle, a appelé ce mode de changement l’apprentissage « opérant »,
car il opère un choix parmi tous les comportements possibles. Utilisant une
autre comparaison avec la physiologie, celle des yeux cette fois, Piaget
parle d’« accommodation » pour désigner l’adaptation du monde intérieur
au monde extérieur. En effet, l’œil change de forme pour ajuster la mise au
point en fonction de la distance des objets. Ici nous appellerons « faire
autrement » la stratégie consistant à s’adapter en cherchant des
comportements nouveaux, mieux adaptés à la situation nouvelle.

« Faire avec » et « faire autrement »


Il y a donc deux chemins qui mènent au changement. Le premier
consiste à « faire avec », à s’habituer à une situation nouvelle en s’y
exposant avec ses moyens habituels. L’autre chemin consiste à « faire
autrement », à chercher de nouvelles manières d’agir, de penser ou de
sentir, et à choisir les comportements les meilleurs ou les plus adaptés. Un
changement d’une certaine ampleur combine harmonieusement les deux
procédés. Nous évoluons par un va-et-vient continu entre le « faire avec » et
le « faire autrement ». Nous explorons et affrontons de nouveaux domaines,
de nouvelles compétences en utilisant nos moyens habituels. Quand ceux-ci
montrent leurs limites, nous adaptons notre comportement pour l’ajuster
aux nouvelles conditions. Quand nous avons acquis un équilibre dans le
contexte anciennement nouveau et devenu familier, nous explorons de
nouveaux territoires, et ainsi de suite.

Dans la difficulté, « faire avec » ou « faire


autrement » ?
« Faire avec » et « faire autrement » sont des stratégies
complémentaires. Rien ne vous empêche cependant de donner la préférence
à l’une ou à l’autre approche selon la situation. Admettons que vous soyez
en train de ruminer des pensées tristes ou inquiétantes. Deux attitudes sont
envisageables. Soit vous décidez de « faire avec », vous essayez de vous
habituer à vos pensées déplaisantes en vous disant que ce ne sont que des
pensées. Soit vous tentez l’autre voie, « faire autrement », trouver le moyen
de changer vos pensées et vos sensations. La situation se présente de la
même manière lorsqu’il s’agit de sensations déplaisantes. Vous pouvez soit
vous efforcer de vous habituer à ces sensations, soit trouver le moyen de les
remplacer par d’autres, moins déplaisantes. Voici un exemple où les deux
stratégies sont envisagées.
Jean-Luc est un grand anxieux. Il passe des heures à ruminer des soucis multiples et
divers. Un jour, il se demande s’il va pouvoir boucler la fin du mois. Une autre fois, il redoute
que sa fille, qui n’est pas rentrée de l’école, ait eu un accident. Une autre fois encore, il a peur
que sa femme perde son emploi, etc.

Nous discutons avec Jean-Luc les deux stratégies. S’il choisit de « faire
autrement », Jean-Luc aura pour tâche de s’efforcer de voir la situation
inquiétante sous un autre jour. Cela veut dire examiner la situation avec
réalisme, pour chaque souci et au moment où il surgit, et évaluer chaque
fois la probabilité que le scénario catastrophe envisagé se produise
réellement. L’hypothèse est que l’anxiété de Jean-Luc est due à une
appréciation trop pessimiste. S’il réussit à voir les choses de manière plus
réaliste, son anxiété devrait diminuer une fois qu’il sera arrivé à la
conclusion qu’un malheur est toujours possible, mais que dans le cas
particulier son catastrophisme est peu justifié. L’autre stratégie envisageable
est celle de « faire avec » ses pensées inquiétantes. Dans ce cas, Jean-Luc
devra essayer d’accepter d’avoir des pensées catastrophiques sans chercher
à les chasser, de manière à s’y habituer peu à peu au point que lorsqu’elles
surgiront dans son esprit elles ne le bouleversent plus.
Jean-Luc choisit de « faire autrement », c’est-à-dire tenter de se raisonner et de voir les
choses avec plus de réalisme. Au bout de quelques semaines, il me dit que le raisonnement a
peu d’effet sur ses ruminations soucieuses. Nous décidons alors de passer à la stratégie du
« faire avec ». Elle consiste à s’exposer volontairement et méthodiquement, en imagination, au
scénario catastrophe. Avec cette attitude, le résultat s’avère un peu meilleur. Après deux mois
d’exposition méthodique à divers scénarios catastrophes, Jean-Luc, même s’il continue à se
faire du souci, se sent moins paniqué et moins obligé de se rassurer à tout prix.

Changer grâce à l’expérience

Comprendre ne suffit pas


Il ne suffit pas de connaître les causes d’un comportement
problématique pour le changer. La compréhension n’est qu’une étape. Seule
l’action permet de changer réellement. Et plus précisément l’expérience, car
c’est grâce à l’expérience qu’on apprend le plus. Que l’on choisisse de
« faire avec » ou de « faire autrement », l’expérience guidée par le
raisonnement est la méthode de choix pour mettre en pratique le
changement en suivant une démarche logique et systématique. C’est
l’approche qui s’est avérée depuis des siècles la plus efficace pour
comprendre et changer le monde. La méthode est présentée en détail dans le
chapitre suivant, « La marche à suivre ».

Prendre exemple sur les autres

Les marionnettes de Bandura et l’agressivité apprise


En 1961, Albert Bandura, un psychologue canadien, publiait une étude
qui, pour la première fois, démontrait de manière scientifique la capacité de
l’être humain à acquérir un comportement à travers l’observation et
l’imitation d’autres êtres humains. L’étude eut un grand retentissement car
le comportement en question était l’agressivité chez l’enfant, et il montrait
l’influence de documents filmés sur le comportement.
Dans l’expérience, des enfants jouaient avec des marionnettes. Bandura a commencé par
mesurer la fréquence spontanée des comportements agressifs de ces enfants vis-à-vis de leurs
marionnettes. Ensuite, un groupe d’enfants a visionné une vidéo montrant des adultes frappant
des marionnettes, tandis qu’un autre groupe voyait un film montrant des adultes non agressifs
avec leurs marionnettes. Après le visionnage des films, le taux de comportement agressif des
enfants vis-à-vis de leurs marionnettes avait augmenté de manière significative chez les enfants
qui avaient regardé les adultes agressifs, mais non dans l’autre groupe.

Apprendre des autres


À la suite de ce travail, Bandura et d’autres chercheurs étudièrent plus
en détail l’apprentissage « social », c’est-à-dire l’acquisition de
comportements à travers l’observation et l’imitation d’autres sujets, appelés
« modèles ». L’espèce humaine n’a pas le monopole de l’apprentissage
social. Beaucoup d’animaux sont capables d’élargir leur répertoire inné de
comportements en apprenant certains comportements auprès de leurs
congénères. Les petits oiseaux apprennent à chanter auprès de leurs pères.
Les termites inexpérimentés apprennent à construire des galeries plus
rapidement au contact de termites chevronnés. Les abeilles montrent à leurs
semblables où trouver de la nourriture. Les éléphants se transmettent de
génération en génération la peur de l’homme apprise après des massacres de
troupeaux entiers.

Apprendre plus vite


Une vie d’homme ne serait pas assez longue pour nous permettre
d’apprendre par nos seules expériences tout ce qu’il faut savoir pour nous
débrouiller dans l’existence. Apprendre des autres permet de compléter ce
que nous apprenons de nos propres expériences, et raccourcit la durée de
notre apprentissage de la vie. Tous les comportements peuvent être acquis
par l’imitation de modèles : les gestes techniques, sportifs, professionnels,
artistiques, la violence, les gestes de la vie amoureuse et sexuelle. Mais
aussi les connaissances, la langue maternelle et les langues étrangères, les
opinions, les sensations, les règles morales. Et encore des comportements
plus complexes : les modes, le comportement alimentaire, les émotions,
l’humeur, les rires, les pleurs. Et même apprendre à changer, espérons-le…

Regardez les autres


Si votre problème s’y prête, cherchez un modèle qui puisse vous
apprendre le comportement que vous souhaitez acquérir. Suivez des cours si
vous désirez apprendre à conduire, nager le crawl, déguster les vins,
préparer une sauce béchamel, résoudre un problème de mathématique,
parler l’anglais ou sauter à parachute. Si vous n’avez pas la possibilité
d’observer directement un modèle, recourez à l’observation indirecte.
Mettez-vous à la recherche d’informations sur la pratique du comportement
souhaité, sous diverses formes : textes (livre, article de journal), illustrations
(dessins, photos), documents audio (cassette, radio) ou vidéo (film,
télévision). Internet combine tous ces supports.

Cherchez des modèles à la fois attractifs et proches


Pour être imité, le modèle doit être à la fois proche et attractif. Proche,
c’est-à-dire accessible, pour que vous puissiez assimiler son exemple. Un
modèle trop parfait décourage. Et attractif pour que vous ayez envie de
l’imiter. Le comportement modèle doit être valorisant, apporter un
avantage. Chacun de nous construit son identité en intégrant à sa
personnalité propre des éléments provenant de divers modèles auxquels
nous avons été exposés dans notre vie : nos parents en premier lieu, mais
aussi nos enseignants, nos amis et collègues, nos supérieurs, nos héros
préférés, etc.
Face au comportement qui vous pose problème, cherchez à qui vous
avez pu emprunter tout ou partie de votre manière de faire problématique.
Regardez surtout comment les autres font, dans une situation semblable à la
vôtre. Observez votre entourage, vos partenaires actuels ou passés. On peut
aussi s’inspirer parfois de personnages de roman ou de film, voire de ce
qu’ont dit ou fait des personnages célèbres. Par exemple, lorsque je suis
pressé par le temps, au volant de ma voiture ou au guidon de mon scooter,
j’essaie de me rappeler la consigne de Churchill à son chauffeur : « Roulez
lentement, je suis pressé ! »

Donnez-vous les moyens d’apprendre des autres


Selon Bandura, quatre qualités doivent être réunies pour que l’on puisse
apprendre des autres : être motivé, attentif, capable de mémoriser et capable
de reproduire le comportement modèle. Il faut d’abord que vous ayez envie
d’apprendre, de vous enrichir, bref de changer au contact de vos modèles.
Les enseignants, les parents, les formateurs savent bien à quel point
l’inattention représente un obstacle majeur à l’apprentissage. Soyez attentif
au comportement des autres pour apprendre aussi bien de leurs réussites que
de leurs échecs. Regardez autour de vous comment les autres se comportent
ou se sont comportés face à une situation semblable à la vôtre. Les autres,
c’est-à-dire vos proches, vos amis, les gens qui sont autour de vous. Mais
d’autres personnes peuvent vous servir de modèles. Ouvrez les yeux et
cherchez dans l’actualité, dans vos lectures (articles de journaux spécialisés,
livres spécialisés, mais aussi romans, pièces de théâtre, etc.), ou encore dans
vos films préférés des personnages confrontés à un problème analogue au
vôtre, et observez leur manière de le résoudre. Soyez aussi capable
d’attention flottante, prêt à capter « au vol » des informations qui se
présentent par hasard alors que vous n’êtes pas en train de les chercher.
La troisième condition nécessaire est la capacité à retenir ce qui a été
observé. La mémoire est étroitement dépendante de l’attention. Si je ne suis
pas attentif pendant qu’on me parle, je serai incapable de me rappeler ce
qu’on m’aura dit. Aidez votre mémoire en prenant le temps d’observer, de
répéter l’observation, et relevez vos observations dans votre calepin. Enfin,
développez les capacités physiques, manuelles, intellectuelles,
relationnelles, nécessaires pour que vous puissiez reproduire le
comportement modèle. Mettez-vous en condition d’être capable de faire
comme votre modèle, ou plutôt presque comme lui, en vous fixant un
objectif réaliste et raisonnable.

En groupe, c’est plus facile


Changer de comportement est une affaire individuelle, personne ne peut
changer à votre place. En revanche, le groupe est un contexte qui facilite le
changement. Si votre problème se prête à un apprentissage en groupe,
profitez-en. L’apprentissage en groupe présente l’avantage d’exposer à
plusieurs modèles, le modèle principal (moniteur, enseignant) et les
modèles secondaires que sont les autres personnes du groupe. Leurs
tentatives, leurs succès, leurs échecs, vous aident à repérer les difficultés et
la manière de les surmonter. De plus, la présence des autres stimule et
encourage à progresser.
J’ai appris à nager très tard, à plus de quarante ans, dans un petit groupe d’adultes. J’ai
pu apprécier à cette occasion le bénéfice de la présence des autres. Nous nous encouragions
mutuellement, par exemple lorsque le maître nageur nous emmenait au plongeoir, ce qui
terrorisait chacun ! En nous observant les uns les autres, nous pouvions mieux nous rendre
compte de nos propres erreurs et les corriger, et échanger entre nous les trucs que nous avions
trouvés.

Cerveau droit, cerveau gauche

Raison et intuition
Dans leurs choix, dans leur manière de se comporter, certains
privilégient par tempérament une conduite réfléchie, tandis que d’autres ne
se fient qu’à leur instinct. Quant au plus grand nombre, il combine les deux
attitudes, dans des proportions variables selon les circonstances. Dans le
domaine du changement comme dans la vie en général, la souplesse est un
atout majeur. Vous tirerez le meilleur parti de vous-même en suivant une
démarche logique et réfléchie tout en étant capable de prêter l’oreille à ce
que chuchote votre intuition. Nous allons voir dans ce chapitre comment y
parvenir en sollicitant au mieux les ressources de votre cerveau. Il se trouve
en effet que l’opposition (ou la complémentarité) entre la raison et
l’intuition, entre la logique et l’instinct, entre l’analyse et le flair, trouve en
partie son origine dans l’organisation de notre cerveau. Plus précisément
dans l’asymétrie des deux hémisphères cérébraux. À première vue,
lorsqu’on examine un cerveau, ses deux moitiés, la gauche et la droite,
paraissent parfaitement semblables et symétriques. Si c’est vrai du point de
vue de l’apparence anatomique, il n’en va pas de même pour ce qui est de
leurs fonctions. Chaque hémisphère cérébral possède sa manière de
travailler, logique et pas à pas pour le cerveau gauche, intuitive et globale
pour le cerveau droit.

Les hémisphères cérébraux, ces faux jumeaux


L’asymétrie des deux hémisphères cérébraux a été remarquée pour la
première fois en 1861. Le médecin français Paul Broca étudiait les relations
entre les lésions cérébrales dues aux attaques cérébrales et les séquelles
pour les malades. Il observa que les patients chez qui la lésion se trouvait du
côté gauche présentaient des atteintes apparemment plus graves que ceux
chez qui la lésion se trouvait dans l’hémisphère droit. À la paralysie du côté
droit (les voies cérébrales sont croisées), s’ajoutait une atteinte du langage
parlé et écrit, et parfois une disparition complète de celui-ci. Les patients
chez qui l’atteinte cérébrale était à droite souffraient de paralysie du côté
gauche, mais pas d’atteinte du langage. Pour cette raison on a qualifié
l’hémisphère droit de mineur, et le gauche de dominant en raison de son
rôle dans des fonctions essentielles pour la vie quotidienne : le langage,
l’écriture, l’utilisation de la main droite. Ce n’est que beaucoup plus tard
que l’on s’est aperçu que le cerveau droit était lui aussi impliqué dans des
fonctions majeures, différentes mais non moins nécessaires que celles
assumées par le cerveau gauche. Par exemple, l’orientation dans l’espace, la
gestion du non-dit et celle des situations compliquées ou nouvelles.

À chaque hémisphère cérébral ses spécialités


Les méthodes nouvelles d’exploration du cerveau ont permis de mieux
comprendre les différences entre les deux hémisphères cérébraux. Le
neurophysiologiste américain Roger Sperry a obtenu le prix Nobel
en 1981 pour ses recherches sur le sujet. Le cerveau gauche et le cerveau
droit ont potentiellement les mêmes capacités, mais chacun a ses
spécialités. Il semble que chaque hémisphère ait ses préférences pour le
type d’information qu’il traite et la manière de traiter cette information.
Mais l’important n’est pas tant la localisation anatomique de telle ou telle
fonction. Ce qui nous intéresse, c’est la possibilité d’utiliser deux registres
de comportement distincts et complémentaires. Le tableau ci-après résume
la manière dont chaque hémisphère traite l’information :
CERVEAU GAUCHE CERVEAU DROIT
Analyse, décortique Perçoit globalement
Pas à pas, une chose après l’autre Traite simultanément, en parallèle
Logique, déduction Analogie, ressemblance

Et maintenant le type d’information traitée de préférence par chaque


hémisphère :
CERVEAU GAUCHE CERVEAU DROIT
Mots Langage corporel, action
Temps Espace
CERVEAU GAUCHE CERVEAU DROIT
Détails Ensembles
Abstrait Concret
Pensées Images, sensations
Terrain connu Nouveauté

Tirer parti des capacités de chaque hémisphère


Dans l’idéal, les deux hémisphères travaillent en étroite collaboration et
leurs capacités particulières se complètent harmonieusement. Les diverses
situations de la vie exigent que l’on fasse appel aussi bien aux compétences
du cerveau gauche qu’à celles du cerveau droit. La logique, le
raisonnement, une démarche méthodique pour le premier. L’intuition, la
sensibilité, l’action et l’immersion dans la réalité concrète pour le second. À
noter que le cerveau gauche n’est pas plus l’apanage de l’homme que le
droit n’est celui de la femme. S’il existe une différence entre les sexes, elle
tiendrait à ce que la femme ferait davantage appel à ses deux cerveaux que
son compagnon, qui serait plus orienté sur l’un ou sur l’autre de ses
hémisphères. L’apprentissage le plus efficace combine au mieux les
capacités des deux hémisphères cérébraux : théorie et pratique, texte et
illustrations, démarche pas à pas et immersion, analyse et synthèse. Le
changement est un apprentissage. Pour mettre toutes les chances de votre
côté, n’hésitez pas à solliciter les compétences de vos deux cerveaux, le
gauche et le droit. Voici quelques pistes pour tirer le meilleur parti de
chaque hémisphère.

Comment activer votre cerveau gauche

Analyser, décortiquer
En suivant la méthode expérimentale (reportez-vous au chapitre
suivant), vous valorisez les qualités de votre cerveau gauche. L’analyse
minutieuse du problème décortique celui-ci en éléments distincts. La
démarche se fait pas à pas, étape après étape. Le raisonnement, la logique et
la déduction sont vos armes pour comprendre votre problème et vous placer
sur le chemin du changement. Vous utilisez des mots pour nommer les
éléments de votre problème et relever vos observations sur un calepin.

Avancez pas à pas


Suivez la méthode expérimentale (voir chapitre 3). Commencez par
apporter un petit changement à votre comportement habituel. Consolidez
ensuite et élargissez le changement petit à petit. Évaluez le résultat de votre
action, et ajustez votre effort en conséquence. Utilisez un journal de bord
pour vous aider à analyser votre problème, aidez-vous des mots pour
comprendre votre problème, établir votre plan d’action, mettre en place le
changement et juger du résultat.

Comment activer votre cerveau droit


Pour activer votre cerveau droit, faites appel sans modération aux
ingrédients dont il aime s’occuper : le concret, le sensoriel, l’action,
l’espace, les images, la globalité, la nouveauté. La méthode expérimentale,
si elle s’appuie surtout sur le cerveau gauche, ne néglige pas le droit. Au
contraire, elle le sollicite de plusieurs manières. Le schéma circulaire
action-sensation-pensée est une manière graphique, imagée et globale
d’analyser votre problème. Générer une hypothèse de travail à partir des
observations fait appel à l’imagination, à la créativité. La tester introduit de
la nouveauté dans votre comportement. Regardons maintenant d’autres
manières de renforcer votre changement grâce à l’activation de votre
cerveau droit.

Agissez, ne vous contentez pas de réfléchir


Cela commence par la définition de votre problème : que faites-vous
insuffisamment, ou pas assez bien, ou au contraire trop ? Et dans les
moyens de changer, accordez la priorité à l’action. C’est avant tout par
l’expérience, donc l’action, que vous élargirez votre répertoire de
comportements, que vous explorerez de nouvelles manières d’agir. Cela
vous permettra aussi de découvrir de nouvelles sensations et de nouvelles
manières de penser.
Soyez concret
Les détails que vous prenez en compte dans l’analyse de votre problème
doivent être aussi concrets que possible, c’est-à-dire précis, pratiques, situés
dans le temps et l’espace, et non pas vagues, généraux, abstraits. Par
exemple : Quand mon patron me donne trop de travail, je n’ose pas le lui
dire plutôt que Je n’ai pas confiance en moi. Ou : Dans mes leçons de
conduite, quand on prend l’autoroute, mes bras et mes jambes flottent, j’ai
chaud, je transpire, j’ai l’impression que je ne contrôle plus la voiture,
plutôt que Mes leçons de conduite se passent très mal, je perds tous mes
moyens.
Fixez-vous un objectif concret, et non pas vague, général, abstrait :
J’aimerais limiter ma consommation d’alcool à trois bières par jour plutôt
que Il faudrait que je boive moins. Je voudrais terminer ma formation et
commencer à gagner ma vie plutôt que Il faudrait que je devienne adulte.
J’aimerais être capable de réviser mes cours tous les jours pendant au
moins deux heures et non pas Je dois apprendre à travailler. J’aimerais
savoir quoi dire quand un garçon m’adresse la parole au lieu de Personne
ne peut m’aimer.

Soyez sensoriel
Votre cerveau droit est dans le coup lorsque vos sensations sont prises
en considération dans l’analyse de votre problème et sa solution. Le schéma
circulaire est un moyen de vous y faire penser systématiquement. Les
sensations, c’est ce que nous percevons du monde environnant grâce à nos
cinq sens, la vue, l’ouïe, l’odorat, le goût et le toucher. À ces sensations
extérieures s’ajoutent les sensations intérieures, celles qui proviennent de
l’intérieur de notre corps : les battements du cœur, les tensions dans le
ventre, l’essoufflement, les tremblements, la chaleur, etc. Ces sensations
jouent un rôle important dans les émotions. Or, s’il est difficile d’agir
directement sur les émotions, il est possible de modifier les sensations qui
les accompagnent. Cela peut suffire à apaiser une émotion pénible infondée.
Reportez-vous au chapitre 7 pour trouver des indications pratiques sur la
manière de changer vos sensations.

Utilisez des images et des leitmotivs


Sans que nous nous en rendions compte, les images sont toujours
présentes dans notre manière de penser et de parler. Certaines images
expriment à elles seules un comportement problématique. Prenez des
plaintes comme « C’est un calvaire, ce semestre » ou « Mon collègue me
prend pour un mouton » ou encore « Je traverse des turbulences dans ma
relation de couple, en ce moment ». Voilà des phrases qui renferment des
images (« calvaire », « mouton », « turbulences ») qui soulignent avec force
les idées exprimées (épreuve, soumission, relation de couple difficile). On
appelle « métaphore » une image qui traduit sous une forme concrète une
idée ou une notion abstraite. Dans ces exemples, les métaphores expriment
un problème. Nous verrons plus loin, dans le chapitre 8, comment partir de
la métaphore problématique pour chercher des solutions.
Les images facilitent l’ancrage dans la mémoire. Nous nous souvenons
mieux d’un mot ou d’une règle de grammaire lorsque nous pouvons
l’associer à une image. Il en va de même lorsqu’il s’agit d’apprendre un
nouveau comportement. Nous avons tendance à « oublier » les
comportements nouvellement acquis. Le « leitmotiv » est une formule choc
imagée qui a pour but de vous rappeler, lorsque vous êtes perdu et ne savez
plus quoi faire, la consigne à suivre pour mettre en pratique le nouveau
comportement. Vous apprendrez au chapitre 8 comment préparer et utiliser
vos leitmotivs.

Le premier coup d’œil est important


Le premier regard sur une situation est précieux car il est global et va à
l’essentiel. Lorsque quelque chose ne va pas, demandez à quelqu’un qui ne
connaît rien à la situation de l’apprécier. Il y a de bonnes chances qu’il
repère d’emblée les éléments essentiels du problème. Alors que vous, qui
êtes immergé dans celui-ci depuis longtemps, n’êtes plus en état de les
percevoir.
Quand je travaillais à l’hôpital, un chef de service avait l’habitude d’interroger les
stagiaires le lendemain de leur arrivée. « Rendez-moi un service, leur disait-il : dites-moi tout
ce qui vous a frappé dans le fonctionnement du service, en bien comme en mal. »

Utiliser vos deux cerveaux


Les approches des deux cerveaux sont complémentaires, elles ne sont
pas des alternatives entre lesquelles il faudrait choisir. La manière la plus
efficace de changer est de combiner judicieusement les compétences de
chaque hémisphère.
Régis a commencé une thérapie pour se montrer plus affirmé dans les contacts sociaux.
Dans son traitement, certains aspects relèvent du cerveau gauche : procéder de manière
méthodique, pas à pas, avancer progressivement en partant de ce qu’il connaît, de ce qu’il sait
faire. À cela s’ajoute la touche du cerveau droit : il multiplie les expériences concrètes, non
verbales et sensorielles, il change ses gestes dans les contacts avec les autres, sa posture, il
apprend à se détendre, à respirer plus calmement, s’approche des autres au lieu de les éviter,
bref il s’oriente vers des comportements de plus en plus nouveaux pour lui.
Chapitre 3
La marche à suivre
« L’expérience, voilà le maître en toute chose. »
JULES CÉSAR

La méthode expérimentale

La méthode la plus éprouvée


C’est par l’expérience que l’on apprend le plus. Pour tirer le meilleur
parti de votre expérience, je vous propose d’être rigoureux dans votre
démarche en respectant les principes de la « méthode expérimentale ». La
méthode remonte au Grec Hippocrate, créateur de la médecine scientifique
au Vesiècle avant J.-C. Elle a été ensuite perfectionnée à la Renaissance par
l’astronome italien Galilée, avant d’être exposée avec clarté en 1865 par le
médecin français Claude Bernard. Partie de la médecine, la méthode
expérimentale a été adoptée par les sciences exactes, la physique, la chimie,
la biologie, etc. Ses principes se sont aussi imposés, avec les adaptations
nécessaires, dans les sciences humaines, la psychologie, la sociologie, la
philosophie, l’art militaire, la justice, la politique. En réalité, chacun de
nous l’utilise intuitivement lorsqu’il se conduit avec logique et apprend de
l’expérience.

La méthode expérimentale pas à pas


La méthode expérimentale comprend quatre étapes :
— observer les données du problème ;
— sur cette base, formuler une hypothèse ;
— tester l’hypothèse grâce à une expérience, d’où le nom de la
méthode ;
— évaluer le résultat.

Lorsqu’une hypothèse a été confirmée plusieurs fois, elle devient une


connaissance. Si l’hypothèse n’est pas confirmée, on reprend la démarche
au début. Lorsque la nature du problème ne permet pas que l’hypothèse soit
testée par une expérience, par exemple en archéologie ou en philosophie,
l’hypothèse est évaluée par le raisonnement ou de manière virtuelle par une
simulation de la réalité.

Changer grâce à la méthode expérimentale


La méthode expérimentale s’avère la plus efficace pour changer de
comportement.
Voici un exemple d’application de la méthode expérimentale à un
problème amené en consultation par une jeune femme, Aline, qui craint
pour l’avenir de son couple.

Définir et observer le problème


Docteur, se plaint Aline, je n’arrête pas de bombarder mon mari de questions quand il
rentre à la maison le soir : « Qu’as-tu fait aujourd’hui ? » « Qui as-tu rencontré ? » « Avec qui
as-tu mangé ? » Et ainsi de suite, jusqu’à ce qu’il se mette en colère parce qu’il en a assez. Ou
parfois, il me dit que je suis insupportable, et il s’en va. Je sais bien que c’est stupide de ma
part, que mes craintes sont injustifiées, mais c’est plus fort que moi ! J’ai besoin de le
questionner pour me rassurer, car j’ai terriblement peur, quand il rentre, je suis tendue, j’ai peur
qu’il ait rencontré une autre femme, plus intéressante que moi… Alors, comment faire pour que
j’arrête de le harceler ? J’ai peur qu’il finisse par me quitter…
Jeune mariée, Aline est anxieuse et manque de confiance en elle, bien plus qu’en son mari.
Son comportement est manifestement inadapté, puisqu’il risque de conduire à ce qu’elle redoute
le plus, la fin de son couple.

Examiner les hypothèses possibles


Le comportement problématique d’Aline peut être décortiqué comme
suit :
— l’action est de harceler son mari de questions ;
— la pensée centrale paraît être je me rassure en lui demandant ce qu’il
a fait, qui il a rencontré ;
— les sensations physiques sont celles dues à la peur, en particulier les
tensions musculaires.
La peur augmente le besoin de se rassurer, donc celui de harceler le
mari…, et un cercle vicieux est constitué.

En examinant ces trois aspects du problème, il nous est apparu, à Aline


et à moi, que l’élément central semblait être le besoin d’Aline de se
rassurer. Manquant de confiance en elle, elle a peur de ne pas être à la
hauteur des attentes de son mari, et elle pense se tranquilliser en
interrogeant son mari pour vérifier qu’il n’a pas rencontré d’autres femmes.
À ce point de l’analyse, nous avons le choix entre deux hypothèses de
changement. L’une basée sur la stratégie du « faire avec », l’autre sur celle
du « faire autrement ».

L’option du « faire avec »


Dans ce cas, Aline devrait admettre qu’elle n’a pas le contrôle du
comportement de son mari. De ce fait, elle ne peut avoir aucune garantie
que son mari ne puisse pas rencontrer un jour une femme qu’il pourrait
juger plus intéressante qu’elle. Il est donc illusoire de penser se rassurer en
le harcelant de questions. Il serait plus réaliste de cesser de s’alarmer d’un
scénario qui n’est pour l’instant qu’une pensée dans la tête d’Aline, rien ne
prouvant que cette pensée soit fondée sur une quelconque réalité.
L’hypothèse à tester serait qu’en s’habituant au scénario catastrophe de son
mari la délaissant pour une autre femme, Aline cesserait d’être tourmentée
par ce scénario qui n’est qu’une pensée. En pratique, Aline devrait
s’exposer en imagination au scénario catastrophe. Le résultat escompté est
que le scénario ne produise plus qu’une vague gêne lorsqu’il traverse
l’esprit d’Aline, et non plus une violente bouffée d’angoisse. La démarche
serait la même que celle suivie lors du traitement de l’anxiété de Jean-Luc,
au chapitre précédent.

L’option du « faire autrement »


Plusieurs hypothèses sont envisageables. On pourrait imaginer qu’Aline
cherche à se rassurer sur la fidélité de son mari d’une autre manière qu’en le
harcelant de question. La cible serait alors sa manière d’agir. Autre
possibilité : aider Aline à lutter contre les sensations physiques de
l’angoisse, soit avec une méthode de relaxation, par exemple la
« respiration en carré1 », soit à l’aide de médicaments. On pourrait encore
choisir comme cible la manière de penser d’Aline, en cherchant à corriger
la faible estime qu’elle a d’elle-même2.

Choisir une hypothèse


J’encourage Aline à examiner le pour et le contre des diverses
hypothèses de changement. Après réflexion, Aline décide de renoncer à la
voie du « faire avec », ne se sentant pas prête pour une approche qu’elle
juge un peu trop rude (s’exposer en imagination à l’idée que son mari la
délaisse pour une autre femme). Elle opte pour une attitude de type « faire
autrement », consistant à modifier sa façon d’agir. Pour tester son hypothèse
selon laquelle cela la rassure de questionner son mari, Aline s’efforcera de
ne lui poser aucune question pendant une semaine entière. Aline devra
évaluer l’effet de l’expérience, aussi bien sur l’intensité de son anxiété que
sur la relation conjugale. Si l’hypothèse d’Aline (questionner mon mari me
rassure) est fondée, son anxiété devrait augmenter si elle cesse de le
questionner.

Tester l’hypothèse
Je revois Aline dix jours plus tard. Elle a réussi à tenir pendant une
semaine sans jamais poser de question à son mari sur les personnes qu’il a
rencontrées.

Évaluer le résultat
Au bout d’une semaine où elle s’est fait violence pour ne pas interroger son mari, Aline
constate que son inquiétude n’a pas augmenté. Au contraire, elle a plutôt diminué, elle est plus
détendue ! Son mari semble apprécier le nouveau comportement d’Aline, il se montre plus
agréable et affectueux, ce qui a pour effet de la… rassurer.

L’expérience a permis à Aline d’abandonner l’idée que cela la rassurait


de questionner son mari.
Voilà un exemple qui montre comment l’expérience, lorsqu’elle est bien
réfléchie, est à même de changer la donne et produire un effet « boule de
neige ». En effet, si l’expérience a porté uniquement sur la manière d’agir
d’Aline, le résultat s’est fait sentir sur les deux autres dimensions du
problème : les sensations (diminution de l’anxiété) et les pensées (abandon
d’une idée fausse).

Pourquoi faut-il s’observer ?

Une bonne observation est capitale


Prenez le temps qu’il faut pour observer les données de votre problème,
même si vous pensez très bien vous connaître. Vous avez en fait une
impression générale, tirée de nombreuses expériences, de votre problème.
Dans un sens, c’est une image « abstraite », résultat de nombreuses images
successives. L’expérience thérapeutique montre que cette image est souvent
incomplète ou trop vague, trop générale pour que vous puissiez agir.
Lucie consulte parce qu’elle ne se sent pas bien depuis quelque temps. Lorsque je lui
demande en quoi consiste son malaise et dans quelles circonstances il survient, elle répond
qu’il est difficile à définir, il est souvent présent, par moments plus fort. Elle n’a pas remarqué
si son malaise survient dans des circonstances particulières. Je lui propose de s’observer grâce
à une fiche à 5 colonnes (voir un peu plus loin). Ce qui apparaît alors clairement, c’est que son
malaise est plus souvent présent dans deux situations : lorsqu’elle est seule chez elle, et
lorsqu’elle est au milieu de beaucoup de monde. Parmi les sensations, elle a relevé une
impression bizarre dans la tête, des vertiges, l’impression de tomber. Ce qu’elle se dit dans ces
moments, c’est qu’elle a l’impression de devenir folle. Ce qu’elle fait, c’est soit essayer de se
changer les idées en sortant de l’endroit où elle se trouve, soit d’appeler quelqu’un : parler, ça
m’aide.

Ces informations appuient le diagnostic de trouble panique, hypothèse


que j’avais envisagée sur la base de l’entretien avec Lucie. Mais cette
impression devait être confirmée par des informations plus précises. C’est
grâce aux observations relevées par Lucie au moment même de ses malaises
que le diagnostic peut être confirmé, ce qui permet d’établir un projet de
traitement.

Observez-vous au moment même où le problème


survient
Seules des observations précises et fiables sur le comportement à
changer permettent d’ajuster au mieux votre action à la réalité de votre
problème. L’observation permet de prendre du recul par rapport à votre
comportement, et donc de l’apprécier avec plus d’objectivité. La distance
aide aussi à prendre conscience de certaines pensées ou sensations
importantes qui peuvent vous avoir échappé. Soit parce qu’elles sont
fugaces et disparaissent très vite. Soit que vous y êtes tellement habitué que
vous n’y faites plus attention. Soit enfin qu’elles sont déplaisantes et que
vous préférez ne pas vous y attarder, consciemment ou non.

Que faut-il observer ?


Repérez grâce à vos observations directes les trois éléments de votre
comportement problématique :
1. Votre manière d’agir lorsque le problème se pose, autrement dit ce
que vous faites concrètement.
2. Vos sensations à ce moment, c’est-à-dire ce que vous ressentez dans
votre corps.
3. Vos pensées, ce qui traverse votre esprit, ce que vous vous dites, à
l’instant même où le comportement à changer se produit.

Observez aussi deux variables tenant à l’environnement :


— le contexte déclenchant, c’est-à-dire l’endroit, le jour, le lieu où le
comportement se manifeste, les personnes présentes, etc. ;
— les bénéfices éventuels que vous retirez du fait de votre
comportement.

Comment observer ?
Placez-vous dans la peau d’un observateur extérieur et regardez ce qui
se passe en vous et autour de vous au moment même où survient le
comportement que vous souhaitez changer. Ayez l’habitude d’avoir toujours
sur vous un carnet pour relever vos observations en quelques mots,
quelques phrases au plus. Prenez des notes dès que le problème survient, en
tout cas aussi rapidement que possible. Si vous attendez le soir, des
informations essentielles risquent d’avoir disparu, comme les rêves qui
nous échappent quelques secondes après le réveil. Dans la phase
d’évaluation du problème, il vaut la peine de relever toutes les dimensions
du problème afin d’avoir une vision aussi complète que possible. Ensuite,
lorsque vous avez commencé votre démarche, concentrez-vous sur une
seule dimension à la fois, et limitez-vous au contexte et à l’élément sur
lequel vous travaillez sur le moment.

Comment relever vos observations ?


Le plus simple est de dessiner un schéma circulaire sensation-action-
pensée sur chaque feuille de votre calepin, et d’y reporter vos observations.
Cette façon de faire vous aidera à prendre conscience des éléments de votre
problème et des relations qui existent entre eux, par exemple entre
sensations et pensées, ou entre pensées et actions.
Voici l’observation de Marcelle, une employée de bureau qui se demande comment se
défendre contre une collègue qui, selon Marcelle, est dans les bons papiers du patron et en
profite pour lui refiler une partie de son travail.

Il existe une autre manière de procéder, la technique des « colonnes ».


Elle a été mise au point par le psychiatre américain Aaron Beck, inventeur
de la thérapie cognitive. Elle consiste à noter côte à côte, sous forme de
colonnes juxtaposées, les différents éléments du problème : contexte,
sensations, pensées, actions, bénéfices. Si vous optez pour cette solution,
divisez chaque feuille de votre calepin en autant de colonne qu’il vous faut.
Par exemple deux si vous relevez le contexte et votre manière d’agir.
Jusqu’à cinq si vous êtes au début de votre démarche, dans la phase
d’évaluation, et que vous souhaitez relever l’ensemble des données du
problème.
Voici pour exemple quelques observations de Tim, un étudiant qui n’arrive pas à rédiger
son mémoire de fin d’études. Tim les a relevées pendant la phase d’évaluation de son problème.
Ici, toutes les dimensions sont encore prises en compte, ce qui donne une fiche à cinq colonnes.
Et celles de Christine, une jeune femme mal à l’aise en groupe. Le traitement a déjà
commencé, et il porte en ce moment sur sa manière d’agir. Christine a pour tâche de se montrer
plus active dans les situations sociales. Elle ne relève des observations que sur le contexte, sur
sa manière d’agir habituelle et sur le changement qu’elle essaie d’apporter à son
comportement. Je suggère au patient d’écrire les corrections dans une couleur différente. Voici
deux de ses observations :

CONTEXTE ACTIONS
Jour, heure, lieu, événement Ce que je fais
Samedi 8/10, vers 22 heures, avec quelques Au début, je ne participe presque pas à la
amies on mange une pizza au restaurant. conversation.
Changement (ce que je fais de différent).
Au bout d’un moment, je me mêle un peu à la
conversation, je demande à mes amies comment elles
vont.
Vendredi soir 14/10, avec mon copain chez Je suis tentée de me taire et ne faire que répondre aux
ses parents. questions qu’on me pose.
Changement (ce que je fais de différent).
Mais je me force à participer un peu plus à la
conversation, je remercie les parents de Thomas pour
leur repas.

N’abusez pas de l’auto-observation, faites de


l’automodification !
Vos observations doivent être ciblées, elles doivent vous servir de
support pour l’action, et uniquement cela. Il ne s’agit pas de vous épancher
de manière informelle dans un journal intime. Ne notez que ce qui est
nécessaire à l’étape en cours de votre changement. Si votre problème se
répète, une fois que vous avez relevé quelques observations qui se répètent,
ne notez plus que ce qui arrive de différent. En psychothérapie, certains
patients passent beaucoup de temps à faire de l’auto-observation, c’est-à-
dire à décortiquer scrupuleusement leur comportement problématique. En
revanche, ils n’ont plus le temps ou l’énergie nécessaire pour faire de
l’automodification, c’est-à-dire changer leur comportement. Évitez cet
écueil. Consacrez vos forces en priorité au changement par l’expérience
active, pas à la description interminable et contemplative de votre
problème !

Analyser

Décomposez votre problème pour choisir votre


hypothèse
Grâce à vos observations, vous décomposez votre comportement
problématique en ses éléments constitutifs : ce que vous faites, ce que vous
sentez, ce que vous vous dites. L’analyse a pour but de permettre le choix
de l’hypothèse de travail. C’est donc une étape importante. Pour choisir
votre hypothèse de changement, posez-vous deux questions :
1. Quels éléments de mon comportement ai-je le plus de chances de
pouvoir modifier ? Ma façon d’agir, ma façon de penser, mes sensations ?
2. Vaut-il mieux chercher à « faire avec » ou plutôt à « faire
autrement » ?

Reprenons le problème de Marcelle, qui se plaint de harcèlement au


travail de la part d’une collègue. L’observation a permis de mettre en
évidence les trois éléments de son comportement problématique :
— face à sa collègue qui abuse d’elle, Marcelle est tendue et a mal au
ventre (sensations) ;
— elle se dit que si elle refuse de céder, son patron lui en voudra, car elle
pense qu’il est du côté de sa collègue ;
— elle se tait et accepte de faire le travail.
Des changements paraissent envisageables sur les trois dimensions de
son comportement :
— Marcelle pourrait agir sur ses sensations : en s’y habituant (faire
avec), ou en les changeant (faire autrement, c’est-à-dire se détendre) ;
— elle pourrait changer sa manière d’agir en parlant avec sa collègue au
lieu de subir son attitude ; dans ce cas, il s’agirait de « faire avec » la
collègue tout en agissant autrement (prendre une initiative au lieu
d’attendre passivement) ;
— enfin, elle pourrait mettre en question (faire autrement) sa manière de
penser, en regardant de plus près l’idée qu’elle risque des représailles
de son patron en s’affirmant face à sa collègue ; elle pourrait aussi
essayer de dédramatiser en s’habituant par l’imagination à son scénario
catastrophe.

Après discussion et réflexion, Marcelle choisit de commencer par


changer ses sensations physiques. En apprenant à se détendre, elle compte
être mieux disposée pour affronter sa collègue. Si cela se vérifie, elle sera
en bonne posture pour lui parler, et peut-être plus sereine pour examiner
plus objectivement les risques qu’elle court de voir son patron la « punir ».

Prendre en compte le contexte


Votre propre comportement doit toujours être votre cible prioritaire, car
c’est avant tout sur lui que vous pouvez agir. Lorsque le contexte dans
lequel vous vous trouvez vous semble jouer un rôle important, incluez-le
dans votre analyse, de deux manières.
Premièrement, existe-t-il un contexte déclenchant ? Le changer est
rarement possible. L’éviter pose souvent plus de problème que cela n’en
résout. Le mieux est généralement de s’en accommoder, en s’y habituant et
en négociant des compromis, ou en étant capable de le voir autrement.
Deuxièmement, quels bénéfices retirez-vous de votre comportement de
la part de l’environnement ? Évaluez l’importance que vous leur accordez.
Valent-ils la peine d’être préservés à tout prix, y compris en renonçant à
changer ? Représentent-ils un vrai avantage à long terme, ou leur intérêt est-
il limité au court terme ? Si la réponse à ces deux questions est « non »,
sachez alors les sacrifier au nom de votre intérêt bien compris, c’est-à-dire à
long terme. Si la réponse est « oui », vous devrez remettre en question votre
démarche de changement. Voici comment se présente le schéma d’analyse
complet lorsque vous prenez en compte le contexte et les bénéfices de votre
comportement actuel :

Dans le cas de Marcelle, nous sommes arrivés à la conclusion qu’elle


n’avait pas le pouvoir de changer le contexte, à savoir le caractère et le
comportement de sa collègue. Marcelle se résout à faire avec, et à s’efforcer
de réagir de manière plus appropriée. En revanche, il lui paraît possible de
faire autrement, de réagir différemment au comportement de sa collègue.
Quant aux bénéfices que Marcelle retire de son comportement passif, la
paix avec la collègue et avec le patron, il est à double tranchant. Il
s’accompagne d’un sentiment d’injustice et de frustration, et de maux
physiques (tension, maux d’estomac). Tout compte fait, il s’agit d’un
bénéfice douteux, auquel Marcelle, après examen, se dit prête à renoncer,
car, dit-elle, c’est une paix qui est trop cher payée.

Changer par l’expérience


Une fois votre hypothèse de travail choisie, il s’agit de la tester par
l’expérience. Cette étape est cruciale, c’est elle qui introduit véritablement
le changement dans votre comportement. C’est ce qui s’est produit lorsque
Aline a testé un autre comportement vis-à-vis de son mari. Cela lui a permis
de réaliser que ce n’était pas en harcelant son mari de questions qu’elle se
rassurait le mieux sur sa fidélité.
Dans le cas de Marcelle, l’hypothèse est la suivante : si elle se montre
capable de rester sereine face au comportement de sa collègue, elle devrait
réussir à se comporter de manière plus affirmée.
Il faudra deux séances thérapeutiques (et deux semaines d’exercices quotidiens à la
maison) pour que Marcelle apprenne à rester calme grâce à deux techniques simples à
apprendre et à pratiquer, la respiration en carré et l’œil américain3.

Évaluer le résultat
La dernière étape de la méthode expérimentale est d’interpréter le
résultat de l’expérience. L’hypothèse testée est-elle confirmée ? Si oui, il
faut répéter plusieurs fois l’expérience pour ancrer le changement provoqué
par l’expérience.
Dans le cas d’Aline, l’expérience n’a pas confirmé l’hypothèse qui sous-tendait le
comportement harceleur, à savoir que ce comportement permettait à Aline de se rassurer.
L’expérience a montré qu’au contraire, c’est en ne posant pas de questions à son mari que la
relation conjugale allait le mieux, ce qui était pour elle la meilleure façon de se rassurer.
L’expérience a donné à Aline l’occasion de changer sa manière d’agir. Mais elle a aussi
entraîné, par l’effet « boule de neige », un changement dans sa manière de penser et conduit à
un apaisement de ses sensations pénibles.

Pour Marcelle, une fois acquise la capacité de rester relativement « zen » lorsque sa
collègue s’adressait à elle, la partie était à moitié gagnée, car Marcelle se crispait moins et
prenait les demandes de sa collègue avec un certain détachement. Restaient à aborder les
phases suivantes du traitement : examiner le bien-fondé de ses craintes quant à l’attitude
supposée hostile du patron ; et adopter un comportement plus affirmé face à sa collègue. Nous
avons adopté la même méthode de travail que pour la première phase : observer les faits,
choisir une hypothèse, la tester, évaluer le résultat.

Lorsque l’hypothèse n’est pas confirmée


Dans la méthode expérimentale, on admet que l’hypothèse retenue sur
la base de l’observation et de l’analyse puisse ne pas être vérifiée. C’est la
garantie d’une approche honnête, objective et vérifiable. Dans ce cas, il faut
reprendre l’observation, l’affiner, la préciser, puis formuler une autre
hypothèse et la tester par une nouvelle expérience.

Et les causes « profondes » ?


Le rôle du temps
La méthode que je vous propose est centrée sur l’ici et le maintenant,
car c’est ce que vous pouvez changer. Décortiquer votre comportement en
ses trois éléments correspond à effectuer une « coupe » transversale, ou
actuelle, de votre problème. Cette coupe transversale est loin d’être
superficielle. Si votre problème actuel a des racines profondes, elles se
manifestent aujourd’hui dans l’analyse transversale, de même qu’on
aperçoit les couches les plus anciennes de l’arbre au centre d’une coupe
transversale de son tronc.
Analyse transversale

En médecine et en psychothérapie, on considère que les problèmes


d’une certaine importance résultent de l’accumulation d’une série de causes
partielles échelonnées dans le temps. Aucun de ces facteurs ne suffit à lui
seul pour provoquer le problème, mais la présence de tous est nécessaire
pour que le problème se développe et persiste. L’analyse transversale est
complétée par une analyse longitudinale. Celle-ci a pour but de répertorier
les facteurs qui se sont accumulés dans le temps pour aboutir au problème
actuel. L’analyse longitudinale est représentée par la figure page suivante,
qui représente ces facteurs et leur déroulement dans le temps.
Prenons l’exemple d’Antonio, évoqué au début de l’ouvrage. Il souffre d’une dépression,
c’est son problème actuel. De ce fait il voit tout en noir, il ne fait plus grand-chose et il évite de
sortir car il lui est pénible de voir du monde. Les sentiments dépressifs n’ont pas de facteur
déclenchant précis puisqu’ils sont à peu près constamment présents. Il y a quelques mois, un
ami assez proche est décédé d’un cancer du poumon. Cet événement a probablement joué le
rôle de facteur favorisant en sensibilisant Antonio à la question de la mort, de la perte, des
limites. Du côté de sa famille, Antonio rapporte que selon sa mère son grand-père maternel
était toujours pessimiste et par moments franchement dépressif. Voilà un facteur prédisposant,
un élément de fragilité familiale si ce n’est héréditaire. Quant aux « bénéfices » du
comportement dépressif, ils ne sautent pas aux yeux. Quand on souffre, on n’en voit guère que
les inconvénients, et pas les avantages ! Je recherche des bénéfices éventuels de la dépression
en demandant à Antonio si quelque chose a changé dans les relations avec son entourage
depuis qu’il est déprimé. Antonio reconnaît que son entourage le ménage, le laisse tranquille.
Même son employeur lui met moins la pression. Il s’agit là de petits « bénéfices » non
négligeables, auxquels il sera peut-être pénible de renoncer quand la dépression ira mieux.
Dans ce sens, ce sont des facteurs de maintien du comportement dépressif.

Analyse longitudinale

Les stress qui fragilisent


Les facteurs favorisants se situent dans les semaines ou dans les mois
qui ont précédé l’apparition du problème. Il s’agit d’une maladie, d’un
conflit, de la perte d’un proche, du chômage, d’une rupture sentimentale,
d’un déménagement, etc. Ces facteurs de stress sont souvent sans rapport
direct avec le problème actuel, mais ils vous ont rendu plus vulnérable. Des
événements positifs, comme le mariage ou une promotion professionnelle,
sont aussi des sources de stress et peuvent donc vous fragiliser aussi.
Les causes lointaines
Quant aux facteurs prédisposants, ils sont beaucoup plus anciens, ils
remontent à votre enfance, et parfois même ils sont antérieurs à votre
naissance, comme les facteurs héréditaires. Les facteurs prédisposants sont
de nature familiale ou constitutionnelle. On peut aussi ranger dans cette
catégorie la personnalité, le caractère, et peut-être l’influence de l’éducation
ou d’événements marquants survenus dans votre enfance. Ces facteurs
jouent un rôle important dans les problèmes bien ancrés. Il est cependant
difficile d’agir directement sur eux, car on ne réécrit pas l’histoire. Mais on
peut la lire autrement, ou du moins essayer. Si des événements douloureux
du passé vous poursuivent aujourd’hui, peut-être vous est-il possible de les
voir sous un autre angle. Dans la deuxième partie de l’ouvrage, vous
trouverez des pistes pour vous aider à voir les choses autrement. La
médecine dispose en outre de moyens biologiques pour compenser les
fragilités constitutionnelles. En cas de dépression, d’angoisse, de problème
lié à l’alimentation, ou encore de dépendance, parlez-en à un professionnel
de la santé, qui vous dira ce qu’il est possible de faire à ce sujet. Pour en
savoir davantage à ce sujet, reportez-vous au dernier chapitre du livre,
« Vous n’y arrivez pas ? Rien n’est perdu ! »

Que faire des comportements non conscients ?


On l’a dit au début de cet ouvrage, la plupart de nos comportements ne
sont ni conscients ni dépendants de notre volonté. Il y a deux raisons à cela.
La première est que bien des comportements sont gérés par des structures
cérébrales relativement indépendantes du néocortex, partie du cerveau où la
conscience est élaborée. La seconde raison est que nous sommes capables
d’effacer de notre conscience certains comportements. Pourquoi ? Soit
parce qu’ils sont tellement habituels que nous n’y faisons plus attention.
Soit parce qu’ils nous dérangent et préférons ne pas les voir.
Utilisons la marge de liberté qui nous est offerte sur les comportements
conscients et accessibles à la volonté, c’est déjà un vaste programme ! La
phase d’observation est un excellent moyen d’amener à la conscience des
comportements (ou des éléments de comportements) non conscients4.
Servez-vous aussi des remarques des autres, qu’elles soient spontanées ou
sollicitées par vous, comme une aide à la prise de conscience de
comportements qui échappent à votre attention.

1- Technique présentée dans la deuxième partie de l’ouvrage.

2- Pour savoir comment, reportez-vous à la troisième partie de l’ouvrage.

3- Ces techniques sont décrites plus loin dans la deuxième partie de l’ouvrage.

4- J’utilise à dessein le terme « non conscient » pour qu’il n’y ait pas de confusion avec le qualificatif « inconscient » utilisé par les psychanalystes dans un sens très
particulier.
Chapitre 4
Mettez toutes les chances
de votre côté
« Patience et longueur de temps font plus que force ni que
rage. »
LA FONTAINE,
« Le lion et le rat »

Changez pour vous, pas pour autrui


Changer est toujours difficile, cela coûte beaucoup d’efforts et de
persévérance. Consacrez cette énergie en priorité à ajuster votre
comportement à vos choix et à vos désirs. Pourquoi ? Vous risquez des
déconvenues si votre motivation première pour changer est de faire plaisir à
quelqu’un d’autre. Vous ne pouvez pas savoir avec certitude ce que l’autre
désire vraiment. Vous n’êtes pas dans sa tête, même s’il s’agit d’une
personne proche et importante pour vous. Il y a bien des chances que l’autre
ne se montre pas satisfait, alors que vous vous êtes donné beaucoup de mal
pour vous conformer à ce que vous pensiez être son désir. Ou, pire encore,
qu’il regrette que vous ne soyez « plus comme avant ». Comme cela est
arrivé à Annie :
Annie, la quarantaine, est mariée depuis près de vingt ans. Depuis son adolescence elle
souffre de crises de panique lorsqu’elle se trouve loin de chez elle, en particulier dans les lieux
publics pleins de monde. Pour cette raison, elle est casanière, elle sort peu en dehors de son
travail. Depuis des années, son mari tantôt se moque gentiment, tantôt s’irrite de ses peurs, et
lui reproche d’être responsable de la pauvreté de la vie sociale du couple. Il y a quelques mois,
Annie a entrepris un traitement, surtout pour faire plaisir à son mari. Le résultat est qu’elle a
moins peur des situations qu’elle évitait jusque-là. Elle commence à avoir envie de sortir avec
ses copines, d’aller au cinéma, dans les grands magasins, etc. Le problème, c’est qu’à la
grande déception d’Annie, son mari n’est pas du tout ravi de ce nouveau comportement. Il lui
reproche de trop s’émanciper, de le délaisser pour ses copines, et d’avoir des envies de sorties
qui ne lui conviennent pas, à lui, car il n’aime ni le cinéma ni les grands magasins…

En conflit avec vous-même pour éviter un conflit


avec autrui ?
Si votre nouveau comportement ne correspond pas à ce que vous
désirez au fond de vous-même, il heurtera vos aspirations profondes. Il vous
faudra faire le poing dans votre poche. Pour éviter un conflit avec l’autre,
vous aurez gagné un conflit avec vous-même ! Et ces conflits-là finissent
par faire mal, ils minent de l’intérieur et font le lit du stress, des maux de
tête, d’estomac, de dos, etc. Sans compter que le conflit avec l’autre risque
bien de réapparaître un jour ou l’autre, exacerbé d’avoir été longtemps tenu
sous silence. Winston Churchill disait aux dirigeants britanniques et
français qui avaient cru apaiser Hitler à Munich en 1938 : « Vous avez
sacrifié l’honneur pour éviter la guerre. Vous aurez le déshonneur ET la
guerre ! » Toutes proportions gardées, c’est ce qui risque de vous arriver si
vous espérez vous concilier les bonnes grâces de quelqu’un en renonçant à
défendre votre intérêt. L’exemple de Laurent en est l’illustration.
Laurent est un jeune homme timide, il déteste les conflits plus que tout. Depuis qu’il est
entré dans une grande entreprise, il y a deux ans, il est le souffre-douleur d’un collègue plus
âgé. Pour essayer d’amadouer son aîné, Laurent se montre encore plus soumis que d’habitude.
Rien n’y fait, l’autre le tyrannise encore plus. Jusqu’au jour où Laurent finit par perdre ses
nerfs et laisser éclater sa rage contre son collègue. Et reçoit un blâme de son employeur à la
suite de l’incident…

Vivre mieux avec les autres en changeant pour soi


Changer pour vous-même avant tout ne signifie pas au détriment des
autres. Il est même probable que si vous parvenez à vous sentir mieux avec
vous-même, vous vivrez mieux avec les autres. Néanmoins, sachez centrer
vos efforts sur vous-même et non sur les autres, y compris lorsque votre
désir de changer est motivé par votre propre souhait d’améliorer les
relations avec votre entourage.
Donnez-vous un but précis
Tous les jours, que ce soit dans le secret du cabinet médical, dans le bus
ou au milieu d’une conversation avec des amis, on entend des gens
souhaiter que quelque chose change dans leur vie :
• Il faut absolument que ça change, je dois trouver un emploi.
• Je veux arrêter de fumer.
• Je dois mincir.
• Je fais tout pour obtenir cette promotion.
• Je ne comprends plus ma fille, elle est entrée dans l’âge bête.
• J’aimerais améliorer mon anglais.
• J’aimerais que mon fils soit poli avec moi.
• Il ne changera jamais, c’est terrible !
• Je ne supporte pas la solitude.
• Dans mon travail, il faut que je me mette mieux en valeur.
• J’aimerais arrêter de me ronger les ongles.
• Je suis trop timide en groupe.
• Mes élèves sont insupportables.
• Il y a trop de voitures dans la ville, on étouffe !

Votre but doit être précis


Vous aimeriez sortir d’une difficulté ? Vous épanouir ? Réussir à vous
adapter mieux à une situation nouvelle ? Quelle que soit la raison qui vous
pousse à changer quelque chose dans votre vie, commencez par bien définir
votre problème. Clarifiez-le et exprimez-le avec précision et de manière
telle que votre but en découle logiquement. Nommez le comportement que
vous souhaitez atténuer ou éliminer, et celui que vous voulez acquérir ou
développer. Voici quelques exemples :
Mincir devient : manger moins et bouger plus. Arrêter de fumer signifie remplacer la
cigarette par des activités alternatives comme boire beaucoup d’eau et marcher une demi-heure
chaque jour. Retrouver le contact avec sa fille adolescente exige d’être capable de la voir
autrement, de lui mettre des limites tout en trouvant un autre style de relation avec elle.
Accepter qu’elle ne soit plus la petite enfant charmante et adorée, mais qu’elle commence à se
maquiller, à trouver la vie plus intéressante à l’extérieur qu’à la maison.

Votre but doit être concret


La manière de définir votre problème devrait être opérationnelle, c’est-
à-dire vous orienter vers un but concret, des solutions pratiques, un
comportement alternatif. S’il est défini de manière trop générale ou trop
abstraite, votre problème sera insoluble. J’ai tout raté est une expression
trop absolue et trop vague pour qu’on puisse en faire quelque chose de
concret. Je viens de rater mon bac et ma petite amie m’a quitté est
préférable, cela donne deux cibles possibles au changement : réussir votre
bac et tirer les leçons de votre rupture sentimentale. J’aimerais perdre du
poids convient mieux que Je ne me plais pas, car il oriente vers une action
concrète. Perdre du poids est un objectif concret. En revanche, se plaire est
une notion abstraite qu’il faudra traduire en actions concrètes.

Concentrez-vous sur votre comportement


Trop d’échecs sont imputables à une erreur de cible. Le comportement
d’autrui et l’environnement sont indépendants de vous. Ne cherchez pas à
les changer, bornez-vous à vous en accommoder au mieux. Seule votre
manière de réagir au comportement d’autrui et au contexte dépend de vous.
Tenez-vous donc à la règle d’exprimer votre problème à la première
personne (« Je… »). Préférez Je veux arrêter de fumer à Le tabac est
mauvais pour moi. Ou : Je suis trop timide pour aborder cette fille à Les
filles ne s’intéressent pas à moi. Évitez aussi bien la deuxième personne (tu
devrais arrêter de boire) que la troisième (mon mari n’est pas gentil avec
moi, rouler en ville est devenu impossible). En vous exprimant à la première
personne, vous posez le problème au niveau où vous pouvez le résoudre,
celui de votre propre comportement. Dites plutôt : J’aimerais bien que tu
arrêtes de boire et Je vais arrêter de prendre ma voiture en ville.
Voici d’autres exemples où le but recherché est exprimé à la première
personne :
Thierry, 40 ans : Je me dispute sans arrêt avec ma femme, j’aimerais que nous arrêtions…
Irma, 42 ans : Mon mari Éric boit trop, ça me dérange, mais que puis-je faire ?
Marcelle, secrétaire, 58 ans : Ma collègue est dans les bons papiers du patron, alors elle en
profite pour me refiler une partie de son travail. Comment puis-je lui dire non ? Kevin, 18 ans :
Mon entraîneur de tennis me dit que j’ai le talent nécessaire pour percer, mais que je ne suis pas
assez persévérant. Il faut vraiment que je m’accroche plus.
Votre but doit être réellement ambitieux, c’est-à-dire
réaliste !
Fixez-vous un objectif réaliste et non idéaliste. C’est vous donner les
meilleures chances de l’atteindre. Je constate régulièrement qu’en
psychothérapie comme dans la vie en général, le mieux est l’ennemi du
bien. Lorsqu’un patient qui souffre de graves angoisses depuis une
quinzaine d’années me dit qu’il veut en être débarrassé complètement, je
me permets de lui dire que cet objectif est probablement irréaliste. Gardez
en tête un objectif idéal, mais précisément comme un idéal, c’est-à-dire en
vous dirigeant dans sa direction tout en sachant que vous ne l’atteindrez
probablement jamais. Si vous vous accrochez trop à l’idée que vous devez
absolument atteindre un objectif trop ambitieux, vous ne manquerez pas de
vous décourager et vous faire des reproches lorsque vous constaterez que
vous n’y arrivez pas. En réalité, c’est que votre objectif est irréaliste, et qu’à
l’impossible nul n’est tenu, pas même vous !

Regardez autour de vous


Comment savoir ce qu’est un objectif réaliste, à quelle hauteur placer la
barre ? Si la raison pour laquelle vous désirez changer est que vous êtes en
difficulté ou en échec, votre ambition légitime doit être de retrouver au
moins votre état antérieur. S’il s’agit de vous adapter à une situation
nouvelle, examinez comment, dans le passé, vous avez fait face à la
nouveauté. Regardez aussi autour de vous comment des gens que vous
connaissez, des amis, des proches, des collègues, s’adaptent à une situation
nouvelle. En cas de doute, n’hésitez pas à les interroger, ou à prendre un
avis extérieur pour vous aider à déterminer ce qui pourrait être pour vous un
objectif raisonnable. Vous pouvez faire de même si votre but est de
progresser dans un domaine, de développer une compétence particulière.

Anticipez les conséquences du changement

Un exercice de simulation
Préparez-vous au changement en anticipant ses conséquences. Pour
cela, imaginez que le changement désiré est intervenu, et passez en revue
les conséquences qu’il a entraînées, positives et négatives, pour vous et
dans vos relations avec les autres. Cet exercice de simulation sert à
consolider votre motivation en vous permettant de mieux réaliser les
avantages à espérer du changement. Il pourra aussi vous préparer aux
conséquences négatives que le changement pourrait provoquer.
Thomas, la quarantaine, demande de l’aide pour arrêter de fumer. Il se projette dans
l’avenir et imagine ce qui se passe pour lui depuis qu’il ne fume plus, c’est-à-dire un an. Je me
sens mieux physiquement, je respire mieux, j’ai mis de côté une jolie somme d’argent qui me
permettra de nous offrir, à ma femme et à moi, un week-end à Paris. Du côté des inconvénients,
j’ai pris 8 kilos, ça m’ennuie beaucoup, et je suis plus nerveux, on me dit que je suis devenu
soupe au lait. Néanmoins, globalement le bilan est plutôt positif.

Évaluez votre motivation

Êtes-vous vraiment motivé pour changer ?


La clé de toute entreprise est la motivation. À plus forte raison si vous
vous attaquez à un comportement présent depuis longtemps. La motivation
est le moteur du changement. Elle prend sa source dans l’attente d’un gain.
En comptabilité, le bénéfice est le résultat du bilan entre pertes et profit,
lorsque le profit l’emporte sur les pertes. La motivation peut être considérée
comme l’attente d’un bénéfice net, d’un profit supérieur aux pertes. Être
motivé, c’est escompter que les gratifications, le plaisir ou le bien-être qui
seront retirés du comportement nouveau seront supérieurs à la peine et aux
efforts que celui-ci coûtera. Parfois le bénéfice espéré consiste non pas à
obtenir quelque chose de positif, mais à échapper à quelque chose de
négatif. Le fumeur qui veut arrêter de fumer est motivé par la crainte du
cancer davantage que par le bien-être qu’il peut espérer de l’arrêt du tabac.

Prenez le temps de réfléchir


Une fois que vous avez défini votre problème et votre but, évaluez votre
motivation à entreprendre l’effort de changer. Prenez pour cela le temps
nécessaire, surtout si le changement concerne un comportement installé de
longue date, qu’il sera difficile de faire bouger. Pour évaluer votre
motivation, établissez la liste de vos attentes. Votre appréciation devra
répondre aux questions suivantes.
• En quoi le changement attendu me sera-t-il profitable ?
• Quel sera pour moi le coût du changement ?
• Quelles sont les conséquences positives que je peux espérer, pour moi-
même, pour mes relations avec les autres ?
• Mes prévisions sont-elles fiables ?
Le coût comprend les efforts à fournir sur vous-même, les frustrations,
peut-être la survenue de problèmes avec votre entourage.

Faites le bilan de vos attentes, positives et négatives


Voici comment vous y prendre pour établir le bilan de vos attentes.
Prenez une feuille de papier et divisez-la en deux colonnes. Mentionnez
dans la première colonne tous les avantages escomptés du changement, et
dans l’autre tous les inconvénients escomptés. Essayez d’être aussi complet
que possible, et sans complaisance pour repérer tous vos arguments,
avouables et moins avouables. Séparez, dans chaque colonne, les avantages
et inconvénients à court terme des avantages et inconvénients à long terme.
Tous les arguments n’ont probablement pas le même poids à vos yeux. Par
exemple, si vous êtes fumeur et que vous voulez arrêter de fumer, échapper
au cancer du poumon est peut-être un avantage escompté plus important
qu’avoir une meilleure haleine (à moins que ce ne soit l’inverse…). Pour
tenir compte de ces différences, donnez une « note » allant de 1 à 10 à
chaque avantage et à chaque inconvénient, et faites le total des notes de
chaque colonne, en séparant les arguments à court terme des arguments à
long terme.

Privilégiez le long terme


Il est raisonnable de donner plus d’importance au long terme qu’au
court terme. En principe, et sauf raison impérative, donnez donc la priorité
au bilan des avantages/inconvénients à long terme.

Évaluez aussi votre motivation de manière intuitive


Ce bilan comptable méticuleux et rationnel fait appel à votre cerveau
gauche. En parallèle, je vous suggère de compléter votre évaluation en vous
basant sur votre cerveau droit. Au feeling, c’est-à-dire globalement,
intuitivement, sans trop réfléchir, avez-vous l’impression d’être vraiment
motivé à changer ? Pensez-vous avoir la capacité de changer ? Et si vous
réussissez à changer, pensez-vous que le changement, globalement, vous
sera bénéfique ? Comparez les deux évaluations de votre motivation.
Voici à titre d’exemple l’évaluation de sa motivation, effectuée avant le début de sa
thérapie, par Steve, un garçon de 19 ans venu me voir, non sans beaucoup d’hésitation, à cause
d’une timidité maladive qui lui empoisonne la vie depuis plusieurs années. Steve a établi le
bilan lui-même avec ma collaboration. Nous avons fait ce travail après les deux séances
d’évaluation qui m’ont permis de poser un diagnostic et d’expliquer à Steve en quoi consisterait
le traitement. Le but du bilan était d’aider Steve à décider s’il entreprenait ou non la
psychothérapie qui pourrait l’aider à surmonter sa timidité. Voici comment se présente le bilan
de ses attentes par rapport au traitement, à court et à long terme.
Au feeling, son instinct disait à Steve de se lancer dans le traitement.
Après ce bilan et une réflexion d’une dizaine de jours, il décida
d’entreprendre la thérapie. Celle-ci dura un peu moins d’une année.
L’évaluation effectuée en fin de traitement montra que les attentes initiales
de Steve étaient assez réalistes.

À quel stade en êtes-vous ?


Certains problèmes de santé nécessitent des changements de
comportement importants et surtout durables. En étudiant le problème de
l’arrêt du tabac et l’obésité, deux psychologues américains, James
Prochaska et Carlo DiClemente, ont défini des stades dans la démarche du
changement. On peut passer d’un stade à l’autre, dans un sens ou dans
l’autre. Ces stades sont parfois présentés non sous forme d’un tableau, mais
d’une figure circulaire. Ils ont été adoptés par beaucoup de soignants et de
chercheurs travaillant sur les problèmes nécessitant un effort soutenu de
changement : la dépendance au tabac, à l’alcool, au jeu, etc., les problèmes
alimentaires (la boulimie, l’obésité), certaines maladies physiques
chroniques comme le diabète. La notion de stade dans le changement
présente l’avantage de tenir compte de deux facteurs essentiels, le temps et
l’action réellement menée.
Le tableau ci-dessous énumère les stades du changement. Il peut vous
aider à vous situer dans votre démarche de changement, aussi bien dans la
période de réflexion préparatoire qu’en cours de route.
LES STADES DU CHANGEMENT1
0 Pas d’intention Je ne reconnais pas qu’il y a un problème justifiant un
changement.
1 Préintention Je reconnais qu’il y a un problème, mais je n’envisage pas de
changement dans le mois qui vient.
2 Intention J’envisage de changer et j’ai déjà entrepris quelques tentatives
de changement.
3 Action Je pratique le nouveau comportement depuis 3-6 mois.
4 Maintien Je poursuis le nouveau comportement depuis au moins 6 mois.
5 Fin de l’effort Je ne suis plus tenté de revenir à l’ancien comportement.
0 Rechute J’ai repris l’ancien comportement.

Donnez-vous les moyens de changer

Mettez le prix, c’est-à-dire votre temps


Évaluez le temps approximatif qu’il vous faudra pour votre démarche
dans son ensemble, et prévoyez la manière d’insérer dans votre emploi du
temps les moments que vous lui consacrerez au quotidien. Accordez-vous
aussi des vacances, par exemple le week-end ou lors de vos vacances.
L’effort de changer fatigue. Les pauses vous permettront de souffler, et
aussi de mieux intégrer les nouveaux comportements.
Martine veut traiter sa peur de conduire. Après l’évaluation de son problème, je lui
indique qu’à première vue son problème devrait nécessiter une vingtaine de séances
thérapeutiques de 45 minutes, réparties sur six à neuf mois, à raison d’une séance par semaine
au début, plus espacées ensuite. Les premières séances seront consacrées à l’acquisition des
moyens de contrôler l’angoisse. Elles auront lieu à mon cabinet, puis nous passerons aux
exercices pratiques en voiture. À quoi il faut ajouter un travail personnel à pratiquer entre les
séances, si possible chaque jour, mais au moins deux à trois fois par semaine. Le travail
personnel consistera à répéter sans ma présence ce qui aura été accompli en séance.

1- Adapté de Prochaska J.O. et DiClemente C.C., « Stages and processes of self-change of smoking : Toward an integrative model of change », Journal of Consulting and
Clinical Psychology, 51, 1983, p. 390-395.
Deuxième partie
Changer
dans sa tête
Chapitre 5
Comment changer
votre manière d’agir
« Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage. »
Nicolas BOILEAU,
XVIIesiècle

« Faire avec » et « faire autrement »


Les deux stratégies de changement se traduisent par des manières d’agir
différentes. Si vous optez pour la solution « faire avec », votre tâche
consistera à faire face à la situation avec vos moyens habituels, à vous
exposer au lieu d’éviter, et finalement à gérer la situation en vous y
habituant. Si vous choisissez de « faire autrement », il vous faudra aller à la
recherche de nouvelles façons de faire, les tester et choisir les plus
appropriées, les plus efficaces. Dans les chapitres précédents, nous avons vu
des exemples des deux approches, utilisées isolément ou en combinaison
l’une avec l’autre. Rappelez-vous le traitement du trouble panique de
Maurice (chapitre 1) : Maurice a volontairement hyperventilé en séance,
comme il le faisait involontairement dans ses crises d’angoisse. Cela lui a
permis de dédramatiser les sensations provoquées par cette manière de
respirer, en s’y habituant. Ensuite il a appris à respirer autrement pour éviter
la survenue de crises d’angoisse, grâce à la technique de la « respiration en
carré ».
Exposez-vous

Avancez progressivement
Qu’il s’agisse de s’adapter, de progresser ou d’aller mieux, il est rare
que cela se fasse tout seul. Vous pouvez escompter que le temps vous
vienne en aide, mais il faut aussi lui donner un coup de pouce en vous
impliquant activement. Pour acquérir un comportement nouveau, exposez-
vous de manière répétée à la situation nouvelle. Commencez par vous
exposer à des situations très proches de la situation de départ, de ce que
vous connaissez et maîtrisez. Ensuite, explorez de proche en proche des
« territoires » nouveaux, donc de plus en plus éloignés de votre point de
départ.
L’autre jour, j’observais à la piscine un père qui apprenait à nager à son jeune fils
de 4 ans environ. Il le faisait sauter du bord de la piscine en lui demandant de le rejoindre.
D’abord placé tout près du bord, il s’en éloignait très progressivement pour que l’enfant
barbote jusqu’à lui, à 30 cm, puis 50 cm, puis 1 m, et ainsi de suite jusqu’à 2 m.

La technique du salami
C’est par l’exposition répétée aux situations non familières que nous
pouvons nous y habituer. L’exposition doit être progressive. Divisez votre
objectif final en plusieurs objectifs intermédiaires successifs, comme on
découpe un salami en tranches fines. Chaque tranche vous paraîtra plus
assimilable que la tâche dans son ensemble.
Lors de sa première leçon de conduite, l’élève conducteur est légitiment peu assuré, voire
effrayé d’être confronté à une situation toute nouvelle. Par la pratique répétée de la conduite,
d’abord sous l’étroite surveillance du moniteur, puis de plus en plus sous sa propre
responsabilité, il apprend à maîtriser les gestes techniques de la conduite et sa peur initiale
s’estompe. Lorsque la conduite est devenue routinière, la peur a complètement disparu.

C’est le même principe d’exposition progressive qui est appliqué dans


les études et dans la formation professionnelle.
Le jeune médecin qui se forme en chirurgie commence par apprendre les techniques
élémentaires avant d’étendre peu à peu ses gestes à des situations de plus en plus complexes.

Attention au grand écart !


L’exploration des territoires nouveaux doit être menée avec
persévérance et très progressivement. Si le saut entre la situation initiale et
la situation nouvelle est trop grand, l’apprentissage ne peut pas se produire.
Ne poussez pas quelqu’un qui ne sait pas nager dans le grand bassin de la piscine. Il
pourrait probablement se débrouiller dans le petit bassin, mais il a toutes les chances de
paniquer là où il n’a pas pied.

Un moniteur doit montrer en exemple à son élève un comportement un


peu meilleur que celui de l’élève, mais pas trop, car si la distance à franchir
pour l’élève est trop grande, sa tâche devient impossible.

Sachez cultiver la rareté

« On s’habitue, c’est tout… » (Jacques Brel)


Dans l’expérience de Pavlov, la salivation au son de la clochette
s’atténuait puis disparaissait lorsque la sonnerie de la clochette était
présentée plusieurs fois de suite seule, sans nourriture. La réponse apprise
s’éteignait lorsqu’elle n’était pas soutenue par la réalité. Les comportements
acquis ne durent pas, à moins d’être entretenus par la présence d’effets
favorables durables ou renouvelés. La chanson de Jacques Brel exprime une
loi fondamentale du comportement : « On n’oublie rien, on s’habitue, c’est
tout. » Nous nous habituons à toute sensation nouvelle, qui de ce fait perd
son attrait. Nous nous lassons vite des sensations auxquelles nous sommes
exposés de manière répétée. C’est pourquoi, par exemple, les publicitaires,
les hommes politiques, les artistes, sont obligés de renouveler sans cesse
leur message pour maintenir notre intérêt en éveil. Le caractère
inévitablement passager des comportements acquis est une bonne ou
mauvaise nouvelle selon la nature du comportement. C’est une mauvaise
nouvelle lorsqu’il s’agit de comportements agréables. Ils sont condamnés à
lasser puis à passer, à moins que… vous cessiez de vous exposer aux
sensations et situations qui les déclenchent. Pour éviter l’effet de l’habitude,
une seule méthode : la rareté, qui revalorise les objets comme les personnes.

Sachez cultiver la rareté


Ce qui fait la valeur de certaines matières, de certains objets, de
certaines personnes, c’est leur rareté. L’habitude ne peut pas s’installer.
C’est ce qui donne toute leur savoir aux « premières fois ». Quel que soit le
domaine, première relation amoureuse, naissance du premier enfant,
premier emploi, etc., ce moment privilégié garde un goût particulier, car il
reste unique, sans équivalent. Il échappe donc à l’affadissement dû à
l’habitude. De même, l’or, le roi, la star savent se faire rares pour garder
leur valeur.
En Mai 68, au plus fort de la crise politique, le général de Gaulle sut utiliser ce principe
pour rebondir. En disparaissant durant quelques heures sans que personne ne sache où il se
trouvait, il faisait coup double. Son absence soudaine lui permettait d’échapper à l’extinction
de son aura auprès des citoyens, et il ramassait la mise en réapparaissant aussi soudainement
qu’il avait disparu.

Sans aller jusqu’à un comportement aussi théâtral, il est parfois bon de


savoir cultiver l’absence ou la rareté pour garder entière la saveur d’une
sensation, d’une situation, d’une émotion, d’une relation.
Éva est une jeune femme à la vie sentimentale tumultueuse. Elle présente ce qu’on
pourrait appeler une dépendance affective, ce qui la pousse à s’accrocher à ses partenaires
successifs, par tous les moyens : téléphones, courriels, rendez-vous à toutes les heures du jour
et de la nuit… Et elle trouve que son ami ne s’intéresse pas assez à elle, ne se manifeste pas
suffisamment. Chaque fois ou presque, c’est la même chose, dit-elle. Je suis tout excitée à l’idée
de le voir (ou l’entendre), mais je suis déçue, car il ne me dit pas, ou ne fait pas, ce que
j’attends. Nous nous quittons fâchés, et ça recommence…

Je suggère à Éva d’essayer de donner plus de valeur aux moments


communs en les rendant plus rares. La consigne est d’essayer d’espacer les
contacts, réels et téléphoniques, et de supporter les « silences radio » de son
ami sans l’appeler immédiatement. Le résultat de cette stratégie, qu’Éva
s’efforce de suivre avec beaucoup de difficultés (moments d’angoisse, de
vide), est néanmoins assez bénéfique pour la relation. L’ami d’Éva lui
avoue qu’il apprécie de pouvoir « mieux respirer », et ils conviennent que
dorénavant les contacts seront mutuels, c’est-à-dire à l’initiative de chacun
alternativement.

Testez plusieurs comportements avant de choisir


Si vous choisissez de « faire autrement », expérimentez des
comportements nouveaux et retenez le plus approprié, le plus efficace. Dans
votre choix, privilégiez les avantages à long terme. C’est l’application
pratique de la démarche « par essais et erreurs ». En voici un exemple :
Régis, la quarantaine, consulte pour une dépression. Depuis près de deux mois il n’a pas
la forme, il manque d’énergie, il est fatigué sans raison, il prend moins de plaisir à ses activités
habituelles. Il broie du noir. Le week-end, il n’a pas envie de sortir, de voir du monde ou de se
livrer à ses loisirs habituels (cinéma, vélo). Il dit se sentir moins mal à ne rien faire chez lui. Je
lui dis que je comprends qu’il lui soit difficile de s’activer s’il n’en ressent ni l’envie ni le
plaisir. Mais, sachant par ma formation et mon expérience que l’activité physique est le
meilleur antidépresseur, je lui propose de tester deux comportements pour se rendre compte si
c’est l’inactivité qui lui convient le mieux (c’est l’hypothèse de Régis) ou si ce pourrait être, au
contraire, l’activité (mon hypothèse). Pour réaliser le test comportemental, je suggère à Régis
d’adopter deux comportements différents successivement. Nous convenons que le week-end
prochain, il fera comme il a fait ces dernières semaines, il restera chez lui à ne rien faire. Le
week-end suivant, il sortira deux fois une heure le samedi, et deux fois une heure le dimanche.
Pour occuper le temps de ces sorties, il choisira une activité parmi celles qui, en temps normal,
lui font plaisir : vélo, promenade, natation, appeler un ami pour prendre un café avec lui. À la
fin de chaque journée de week-end, il évaluera son degré de mal-être sur une échelle allant
de 0 (très malheureux) à 8 (état normal). Après le second week-end, Régis rapporte que
l’activité lui a été plus profitable que l’inactivité. Je dois reconnaître, admet-il, qu’il m’a été
difficile de me bouger, mais en fin de compte j’étais mieux après les sorties. L’évaluation
chiffrée confirme cette impression, avec des scores de mal-être subjectif de 3 et de 4 le premier
week-end, de 5 et 6 le second.

Le chasseur et le promeneur

Chercher ou trouver ?
L’extension d’un comportement acquis à des domaines nouveaux peut
être soit voulue, soit le fruit du hasard. L’apprenti conducteur a un but
précis, il sait que ce qu’il cherche dans les cours, c’est apprendre à
conduire. À l’inverse, il peut arriver que nous soyons tout surpris de
découvrir par hasard quelque chose que nous ne cherchions pas : une
sensation agréable provenant de la maîtrise d’un geste technique ; une
manière nouvelle de voir un problème ; le frisson d’un sentiment amoureux
naissant. Newton n’avait pas voulu faire tomber la pomme qui lui a permis
de découvrir les lois de la gravité. Christophe Colomb était loin de se douter
qu’en cherchant les Indes il trouverait l’Amérique. Picasso affirmait : « Je
ne cherche pas, je trouve. » En réalité, le plus souvent la découverte de la
nouveauté résulte d’un mélange de hasard et de volonté. Newton n’a certes
pas provoqué la chute de la pomme, mais son esprit était préparé à en tirer
les conséquences théoriques. Colomb cherchait bien quelque chose lorsqu’il
est parti sur l’océan, même s’il a trouvé autre chose. La notion de
découverte fortuite en science et en psychologie a été théorisée sous le nom
barbare de « sérendipité ». Ce nom est tiré d’un conte persan, Les Trois
Princes de Serendip, qui raconte l’histoire des trois fils du roi de Serendip
qui partent à l’étranger compléter leur formation. Sur leur route, ils font des
découvertes fortuites auxquelles ils ont l’intelligence de prêter attention et
dont ils tirent des conclusions logiques.
La découverte des antidépresseurs a été fortuite, ou plutôt elle est survenue alors qu’on
cherchait autre chose. Dans les années 1950, un médecin qui essayait un nouveau médicament
contre la tuberculose avait observé que les malades qui recevaient ce médicament paraissaient
plus heureux qu’avant le traitement. Alors qu’il cherchait une molécule active sur la
tuberculose, il eut l’intelligence de relever l’effet parallèle du médicament sur le moral de ses
patients, et de le signaler à un confrère psychiatre, Nathan Kline. Celui-ci testa le médicament
chez des patients déprimés non tuberculeux, et confirma son effet antidépresseur chez ces
derniers.

Soyez chasseur et promeneur à la fois


Tout en sachant orienter vos efforts vers un but bien défini, restez
ouvert à la surprise, à l’inédit, sachez capter l’imprévu. Soyez à la fois le
chasseur qui concentre inlassablement son attention sur sa proie, et le
promeneur qui s’arrête un instant pour contempler un paysage qui s’offre
inopinément à son regard au détour d’un bois. Voici un exemple de cette
attitude à la fois concentrée sur un but précis et ouverte à la découverte
fortuite enrichissante :
Il y a quelques années, j’ai pris des cours de natation avec Jean Fouace, un moniteur qui
répétait inlassablement certaines formules choc pour faire entrer dans la tête de ses élèves les
consignes essentielles. Par exemple « Un sourire ! » pour détendre les muscles du visage. Ou
encore « L’eau, c’est comme sa femme, on ne la bat pas, on la caresse ! » pour favoriser la
souplesse du geste des bras. J’ai trouvé cette manière d’enseigner très utile dans mon
apprentissage de la natation, et me suis empressé de l’adapter à ma pratique
psychothérapeutique. C’est ainsi que je propose à mes patients des « leitmotivs » pour retenir
l’essentiel de ce qui a été travaillé dans les séances.

En m’inscrivant à des cours de natation, je ne cherchais pas à changer


quelque chose dans ma pratique professionnelle. Mais j’ai profité d’une
découverte imprévue pour enrichir celle-ci. Vous trouverez la description de
l’usage des leitmotivs au chapitre 8.
Creusez votre sillon, mais le bon !

Les circuits de neurones et le comportement


Le cerveau humain est composé de milliards de cellules nerveuses, les
neurones. Ces cellules ont la faculté de se relier les unes aux autres pour
former des circuits dans lesquels l’influx nerveux circule. On pense qu’à
chaque comportement correspond un circuit déterminé. Le câblage des
circuits des comportements innés serait présent dès la naissance, et d’une
solidité à toute épreuve. Ces circuits fonctionneraient durant toute la vie. En
revanche, les connexions correspondant aux comportements acquis seraient
établies grâce à l’apprentissage. Elles seraient plus fragiles et promptes à se
disloquer et à disparaître en cas de non-utilisation du comportement.

Comme une rivière creuse son lit


Pour qu’un comportement nouveau se mette en place, il faut du temps
et des efforts jusqu’à ce que le circuit neuronal soit créé et consolidé. Un
peu comme une rivière met du temps à creuser son lit, avant de prendre
toujours le même chemin, une fois que le sillon est formé. Ayez conscience
que chaque fois que vous pratiquez votre ancien comportement, vous
creusez davantage son sillon, vous consolidez un peu plus son circuit
neuronal. Autrement dit, vous le renforcez et rendez le changement plus
difficile. À l’inverse, chaque fois que vous faites l’effort d’appliquer le
nouveau comportement, c’est le sillon de ce comportement que vous
creusez, c’est ce comportement que vous renforcez en facilitant le passage
de l’influx nerveux par cette voie. Creusez donc patiemment votre sillon,
mais le bon !
Chapitre 6
Comment changer
votre manière de penser
« Il est plus difficile de briser un préjugé qu’un atome. »
Albert EINSTEIN

Apprendre à voir les choses autrement

L’héritage de Socrate et d’Épictète


En Grèce, au Ve siècle avant Jésus-Christ, Socrate enseignait que nos
opinions et nos actions sont déterminées par les croyances que nous avons
sur le monde et sur nous-mêmes. Lorsque ces croyances ne sont pas fondées
sur la réalité, elles nous conduisent à des erreurs d’appréciation et à des
comportements irrationnels. Selon Socrate, nous courons un risque accru
d’être induits en erreur par nos croyances lorsque celles-ci sont si ancrées
que nous ne les apercevons plus, ou que nous les prenons pour la réalité et
non pour de simples hypothèses. Dans des dialogues serrés avec ses
interlocuteurs, Socrate les interrogeait de manière de plus en plus ciblée
pour les amener à découvrir les croyances sous-jacentes à leur manière de
penser et d’agir. Une fois que ces croyances avaient été mises en lumière,
Socrate examinait leur bien-fondé avec une logique implacable, toujours
avec sa méthode de questionnement. Le but de la démarche était
d’apprendre à son interlocuteur à se former un jugement logique et solide,
d’où devait découler un comportement plus rationnel.
Épictète est un autre philosophe grec de l’Antiquité. Né cinq cents ans
après Socrate, il a vécu à Rome et en Grèce au Ier siècle ap. J.-C. Comme
Socrate, Épictète pensait que notre pensée s’interpose comme un filtre entre
la réalité et nos comportements, et que ce filtre exerce une grande influence
sur notre manière de réagir aux événements. « Ce qui trouble les hommes,
disait-il, ce ne sont pas les choses, ce sont les jugements qu’ils portent sur
les choses. » Autrement dit, nos réactions et nos souffrances dépendent
davantage de notre manière de voir la situation que de la situation elle-
même.

Une psychothérapie pour changer la manière de voir


Après avoir influencé la philosophie occidentale pendant des siècles, le
point de vue de Socrate et d’Épictète est apparu dans le domaine de la
psychothérapie dans la seconde moitié du XXe siècle. Dans les
années 1960 et 1970, deux psychanalystes nord-américains, le psychologue
Albert Ellis, né en 1913, et le psychiatre Aaron Beck, né en 1921,
cherchèrent le moyen de rendre la psychothérapie plus efficace, car ils
étaient déçus des résultats obtenus par la psychanalyse chez leurs patients.
Tous deux choisirent de cibler leur intervention sur la manière de penser de
leurs patients. Comme Socrate et Épictète, dont ils revendiquent l’héritage,
ils considèrent que les émotions déplaisantes inadaptées et les
comportements irrationnels sont provoqués par des erreurs de jugement
(Beck) ou des croyances irrationnelles (Ellis). Leurs méthodes sont très
proches, elles sont centrées sur la recherche et la correction des erreurs
d’appréciation qui provoquent des émotions négatives inutiles et des
comportements irrationnels ou indésirables.
À 55 ans, Josette est convaincue qu’elle est devenue inutile depuis que ses enfants sont
devenus grands et ont quitté la maison. Elle ne trouve plus guère d’intérêt aux choses qu’elle
aimait auparavant, elle voit son avenir comme une impasse. Je dis à Josette que je comprends
qu’une personne qui voit les choses ainsi se sente triste, découragée, pour tout dire déprimée.
Mais je propose à Josette d’examiner de plus près si sa manière pessimiste de voir les choses
est aussi fondée qu’elle le croit. À travers un dialogue d’inspiration socratique, nous
apercevons que la vision de Josette est un peu déformée sur certains points, et que cela
influence les conclusions qu’elle tire. C’est ainsi, par exemple, que lorsque Josette regarde le
parcours de sa vie, elle ne retient que les échecs (le divorce, les conflits au travail) et oublie les
réussites. Si ses trois enfants ont réussi leurs études et ont trouvé un emploi, et qu’ils se
montrent très attachés à elle, elle doit y être pour quelque chose. De plus, ils sont devenus
autonomes, mais ils ont toujours besoin d’elle, d’une autre manière que lorsqu’ils étaient petits.
Par un questionnement patient visant à examiner le bien-fondé de l’appréciation pessimiste
qu’elle fait de sa situation, la thérapie amène peu à peu Josette à retrouver une vision de soi un
peu plus réaliste, un peu plus nuancée. Des touches de gris et de blanc s’ajoutent à la tonalité
noire qui prédominait auparavant.

Pensez « juste » plutôt que « positif »


Penser autrement ne signifie pas voir les choses de manière
inconditionnellement optimiste, comme le préconisent les adeptes de la
pensée positive. Suivez plutôt la recommandation de Socrate, fils d’un
tailleur de pierre, pour qui le raisonnement solide est celui qui s’ajuste
parfaitement à la réalité, comme est solide la construction dont les pierres
sont taillées avec précision de manière à s’ajuster exactement les unes aux
autres. La pensée aveuglément positive est à côté de la réalité, et la réalité
se rappelle toujours au bon souvenir de celui qui veut l’ignorer.

« Faire avec » et « faire autrement »

Deux manières d’agir sur les pensées


Comme pour les sensations et les actions, deux stratégies sont possibles
pour changer les pensées : « faire avec », s’habituer aux pensées nouvelles
ou déplaisantes ; « faire autrement », changer sa manière de voir les choses.
La première stratégie est utilisée en thérapie dans la technique de
l’« immersion ». Elle consiste à s’exposer en imagination à son scénario
catastrophe. Nous avons déjà donné un exemple de cette technique au
chapitre 2 à propos du traitement des angoisses de Jean-Luc. Un autre
exemple est présenté ci-dessous, dans le paragraphe « Apprivoisez les
pensées inquiétantes ». Une approche psychothérapeutique récente, dite
d’« acceptation et d’engagement », est également fondée sur le principe du
« faire avec » en l’occurrence avec soi-même. Les approches d’Ellis et de
Beck, héritées des philosophes grecs, se situent, elles, dans la lignée de la
stratégie du « faire autrement ». Nous verrons comment appliquer leurs
principes plus loin dans ce chapitre, dans les paragraphes « Essayez
d’autres opinions » et « Corrigez les illusions d’optique ».

Apprivoisez vos pensées inquiétantes


Les scénarios qui empoisonnent la vie
Il y a des pensées qui nous poursuivent ou qui nous envahissent sans
que nous les ayons cherchées et sans que nous puissions les chasser. Il
s’agit de petits ou grands soucis, de préoccupations plus ou moins fondées
concernant la santé, les proches, l’argent, le travail, l’amour, la mort, les
relations avec les autres, le passé, l’avenir, bref toutes ces choses qui
constituent ce qu’on appelle la vie. Face à ces tracas, il faut commencer par
essayer de voir les choses de manière aussi réaliste que possible.

Il n’y a pas de raison d’avoir peur des pensées


Si les pensées inquiétantes persistent malgré votre effort de voir la
situation de manière aussi réaliste que possible, rappelez-vous que vos
pensées restent des pensées, elles ne sont pas la réalité. Il n’y a pas de
raison d’avoir peur de ses propres pensées, elles ne sont pas dangereuses. Il
n’y a donc pas lieu de vouloir les rejeter à tout prix, d’autant que c’est tout
simplement impossible. Vouloir ne pas penser à quelque chose est la
meilleure manière d’y penser. Quant à faire diversion, c’est-à-dire penser à
autre chose, c’est une solution qui ne marche pas longtemps, la pensée
dérangeante revient tôt ou tard. Accordez plutôt à vos pensées déplaisantes
le droit d’exister. C’est la meilleure manière de trouver un compromis avec
elles, de les apprivoiser. Elles prendront place dans votre esprit un moment,
puis elles se dissiperont d’elles-mêmes : c’est la destinée naturelle de toute
pensée. Si vous vous évertuez à les éviter ou à les chasser, vous les excitez,
vous les renforcez et prolongez leur durée de vie. Et vous leur donnez une
importance excessive.

Immergez-vous dans le scénario catastrophe !


Faites plutôt la paix avec vos pensées pénibles, apprivoisez-les en vous
y exposant à fond. De cette manière vous vous y habituerez. Lorsqu’elles
surgiront dans votre esprit, elles ne provoqueront qu’un peu de gêne ou
d’ennui, mais pas d’angoisse ou de désarroi intense. Voici un exemple
d’habituation par l’exposition à des pensées inquiétantes. Il concerne les
scénarios catastrophes de la mère d’un adolescent.
Karine est poursuivie par la crainte qu’il arrive un accident à son fils Bastien, 18 ans,
lorsqu’il se déplace avec sa moto. Elle n’arrête pas d’imaginer des scénarios catastrophes. Il a
été renversé par une voiture, il est grièvement blessé, il est maintenant à l’hôpital, le médecin
n’ose pas l’appeler pour lui annoncer sa mort… Tout en ne cessant de passer et repasser
malgré elle ces films d’horreur dans sa tête, Karine cherche à se rassurer, à se dire qu’il n’est
pas sûr que Bastien ait eu un accident. Ou, s’il a eu un accident, que ce n’est peut-être pas trop
grave. Ces arguments rationnels n’ont qu’un effet de courte durée. Aussi Karine accepte-t-elle
de tester une autre approche : « faire avec » ses pensées catastrophiques, essayer de les
apprivoiser en s’y habituant. Dans ce but je propose à Karine de traduire en mots les images
angoissantes qui lui traversent l’esprit, y compris les détails les plus réalistes des accidents
supposés, le lieu, les circonstances, la nature des blessures, le sang, etc. Karine note sur un
carnet ses craintes par une suite de mots clés, qui sont plutôt des mots chocs : collision –
chute – Bastien écrasé, étendu par terre – moto couchée sur la route – sa tête saigne –
inconscient – ambulance – hôpital – soins intensifs – tuyaux – inconscient – il est mort – le
médecin n’ose pas m’appeler. Une fois ce tableau dramatique brossé, Karine a pour tâche de
s’y exposer délibérément et régulièrement, en lisant le scénario catastrophe, c’est-à-dire la
suite de mot chocs, en imaginant que c’est la réalité. Pour que l’exposition développe l’effet
bénéfique, il faut que Karine ne cherche pas à se rassurer avec des phrases du type « ça n’est
qu’un exercice, je sais bien que ce n’est pas vrai ». Ni qu’elle évite la confrontation avec les
pensées pénibles en pensant à autre chose. La lecture est effectuée en séance plusieurs fois de
suite. Au début, Karine trouve la tâche très éprouvante. Au bout de la cinquième elle commence
à s’habituer au scénario et son degré d’angoisse diminue au point de devenir tout à fait
supportable. Elle accepte de faire de même à domicile, au moins deux fois par jour jusqu’au
rendez-vous suivant. Elle peut m’appeler si c’est trop difficile. À la séance suivante, elle
m’indique qu’elle a fait ses tâches. Si la lecture du scénario catastrophe n’est pas une partie de
plaisir, elle est devenue nettement supportable. L’étape suivante est de généraliser l’habituation
en procédant de la même manière lorsque le souci se produit spontanément.

Dans ce cas, l’exposition au scénario catastrophe s’applique à une


angoisse intense. La présence d’un thérapeute formé est nécessaire pour
assurer son bon déroulement, garantir que Karine ne soit pas submergée par
l’angoisse lors de l’exercice. Mais vous pouvez appliquer le principe
d’habituation à des soucis moins violents, moins angoissants, en notant les
pensées qui vous font peur sur un calepin et en vous astreignant à les lire
plusieurs fois de suite en imaginant qu’ils correspondent à la réalité, sans
vous rassurer ni faire diversion en pensant à autre chose.

« Faire avec » des scènes pénibles dues à un


traumatisme
La technique d’exposition en imagination à des pensées pénibles est
utilisée en thérapie dans le cas des états de stress post-traumatique.
Certaines personnes victimes d’événements traumatisants (accident grave,
viol, scènes de guerre, attentat, catastrophe naturelle) n’arrivent pas à se
débarrasser du souvenir de l’événement traumatique. Elles revivent
constamment certains éléments du traumatisme. On appelle « flash-backs »
ces impressions sensorielles soudaines comme un bruit, une image colorée,
une odeur, qui font irruption dans l’esprit des personnes traumatisées, dans
des cauchemars ou à l’état éveillé. Le traitement de ces flash-backs est basé
sur l’hypothèse que le traumatisme n’est pas assimilé car il reste trop
fragmenté. L’exposition en imagination au souvenir du traumatisme
reconstitué dans son intégralité permet peu à peu d’intégrer cet événement
et de faire en sorte qu’il ne vienne plus tourmenter celui qui en a été
victime. La seule différence avec le traitement de Karine est que la
personne s’expose non pas à un scénario dont elle redoute qu’il se
poursuive, mais au souvenir d’un événement traumatisant qui s’est
réellement passé.
Alexandre est un homme d’une trentaine d’années qui consulte pour un problème
d’anxiété dont il souffre depuis la guerre civile qui a ravagé son pays il y a une dizaine
d’années, et à laquelle il a participé activement. Dans ce contexte, il a été mêlé de près à des
violences, à la fois en tant qu’acteur, témoin et victime. Une scène le poursuit particulièrement,
qui a duré plusieurs heures. Avec son unité il avait été pris sous la mitraille de l’armée adverse.
Il avait dû se réfugier sous un abri de fortune, qui ne le protégeait que relativement des tirs de
mitraillette ennemis. Son chef d’unité, un ami, avait été grièvement blessé et agonisait à une
dizaine de mètres d’Alexandre, sans que ce dernier ose lui porter secours car les tirs
reprenaient dès qu’il esquissait un mouvement. Au bout de quatre à cinq heures, son ami est
mort, et Alexandre a réussi à s’échapper une fois la nuit venue. Depuis la fin de la guerre, il est
régulièrement envahi de flash-backs de diverses scènes violentes auxquelles il a été mêlé. En
particulier celle de la mort de son supérieur et ami. La scène surgit dans des cauchemars et à
l’état éveillé, elle perturbe sa concentration et le fait fondre en larmes quand il « revoit » son
ami agonisant. Le traumatisme d’Alexandre est triple : il y a l’agonie et la mort de son ami
(comme témoin) ; le risque de mort pour lui ; la culpabilité de s’en être sorti et de ne pas avoir
su porter secours à son ami. Alexandre essaie d’oublier ces terribles souvenirs pour mener une
vie normale mais sans succès. Lorsqu’il revit cette scène, il s’efforce de la chasser et de penser
à autre chose, mais rien n’y fait, elle revient quelque temps plus tard.

Je présente à Alexandre l’hypothèse que c’est peut-être précisément


parce qu’il cherche à oublier à tout prix le traumatisme et à rejeter son
souvenir que celui-ci le poursuit. Je lui propose de tester cette hypothèse en
pratiquant l’exposition méthodique au souvenir de la scène traumatisante.
Accepter le souvenir traumatisant plutôt que l’éviter et le chasser, prendre la
voie du « faire avec » au lieu de celle du « faire autrement » suivie jusqu’à
maintenant par Alexandre. Celui-ci est rapidement convaincu d’essayer la
démarche puisqu’il expérimente depuis longtemps l’échec de la stratégie
d’évitement des souvenirs douloureux.
La séance d’exposition au souvenir de la scène pénible dure 90 minutes. L’exposition
proprement dite est précédée d’une explication détaillée du principe et de la méthode. Il s’agit
pour Alexandre de revivre et raconter le déroulement de l’événement traumatique avec minutie,
quasiment minute par minute, en essayant de se ressouvenir de tous les détails (images, sons,
odeurs, pensées, sensations intérieures, etc.), si nécessaire en fermant les yeux. Le récit doit être
au présent et à la première personne : « J’entends mon ami m’appeler… Il gémit, il doit être
blessé au ventre car je vois une grosse tache rouge sur son pantalon… il y a de la fumée, je
transpire et j’ai froid », etc.
Après ce récit, qui est une réexpérience active du traumatisme en imagination, je félicite
Alexandre de son courage et lui propose que nous donnions l’un à l’autre un compte rendu de
la manière dont nous avons vécu l’expérience. Nous sommes tous deux émus, et heureux
qu’Alexandre ait pu vivre l’expérience jusqu’au bout. Il me remercie de l’avoir encouragé à
regarder en face, pour la première fois, son souvenir traumatisant. Il se dit soulagé par
l’expérience, et comme libéré. Il accepte la tâche de refaire le même exercice, seul chez lui,
jusqu’à la prochaine séance. Deux semaines plus tard, Alexandre déclare que le sentiment de
soulagement et de libération s’est confirmé, et que les flash-backs ont nettement diminué.

Dans un cas aussi pénible, la présence du thérapeute est indispensable


au bon déroulement de l’exposition. Mais il est possible d’appliquer la
méthode d’exposition aux pensées si vous êtes poursuivi par un souvenir
pénible, un accident, la mort d’un proche, un échec cuisant à un examen ou
dans votre vie sentimentale, ou tout épisode douloureux qui continue à vous
hanter au-delà du raisonnable.

Essayez d’autres opinions


Comme disait Claude Bernard, les idées c’est comme les outils, quand
ils sont usés, il faut les changer.
Après mon bac, je suis parti l’été en voyage à travers l’Europe, comme beaucoup d’autres
jeunes. Mais dans ma famille, c’était la première fois que quelqu’un voyageait en auto-stop, et
il n’était pas question de s’arrêter pour emmener des auto-stoppeurs. Or, après mon retour, j’ai
appris qu’un de mes oncles, pourtant plutôt conservateur de tempérament, avait commencé à
prendre des auto-stoppeurs. À son épouse, surprise de ce comportement nouveau, il avait
expliqué : « Roger a pu traverser l’Europe grâce aux personnes qui l’ont pris en auto-stop.
Pourquoi ne pas rendre le même service aux auto-stoppeurs qui voyagent chez nous ? »

J’ai toujours gardé en mémoire cet exemple d’ouverture d’esprit d’un


oncle qui avait su évoluer en sortant de ses voies habituelles de pensée et de
comportement. « Une idée, disait Claude Bernard, c’est comme un scalpel
de chirurgien. Il finit par s’émousser à force d’être utilisé. Il est alors temps
d’en changer. » La plupart d’entre nous avons tendance à conserver nos
opinions avec entêtement, même lorsqu’elles sont largement émoussées,
inadaptées à la situation présente. Probablement parce qu’elles sont le fruit
d’une expérience laborieuse qui leur donne un grand prix à nos yeux. Et
peut-être surtout parce que nous détestons entrer en conflit avec nous-
mêmes, même lorsque nous sommes en désaccord avec la réalité. Faire
preuve de souplesse dans ses idées est cependant le meilleur moyen de
garder une appréciation et un comportement adaptés à la réalité. Suivons
donc la suggestion de Claude Bernard et changeons d’idée lorsque la nôtre
n’est plus appropriée. Il en va des idées comme des outils. Il faut parfois en
essayer plusieurs avant de trouver le bon, celui qui est le plus efficace pour
une tâche donnée. Face à votre problème, n’hésitez pas à tester plusieurs
opinions avant de choisir celle qui vous paraît la plus appropriée. Une
opinion peut être testée par le raisonnement, comme dans la démarche de
Socrate. Mais l’expérience, c’est-à-dire l’action, est une manière encore
plus efficace de tester une opinion.

Corrigez les erreurs d’optique


Les croyances infondées nous font souffrir, selon Épictète, elles nous
incitent à agir de manière irrationnelle selon Socrate. Beck et Ellis, en
héritiers des philosophes grecs, nous ont appris à repérer et à corriger les
erreurs d’optique qui limitent et déforment notre vision des choses. Voici
comment identifier les principales erreurs d’optique et déjouer leurs pièges.

Les œillères qui limitent notre vision


Notre vision des choses peut être limitée par des œillères qui l’orientent
dans un sens bien précis : nous « arranger », nous faire voir les choses sous
un angle qui nous plaise. Or ce qui nous plaît le plus n’est pas forcément la
réalité objective. C’est plus souvent d’avoir une vision en accord avec nos
préjugés ou avec nos habitudes de pensée. Ou une vision qui soit en
conformité avec celle des autres. Ou encore une vision qui ne laisse aucune
place à l’incertitude, car nous avons horreur de l’inconnu, du doute.

Voyez-vous les choses comme cela vous arrange ?


Votre démarche de changement aura d’autant plus de chance d’être
couronnée de succès qu’elle sera fondée sur une vision aussi réaliste que
possible de la situation. Pour prendre conscience des déformations de votre
perception, n’hésitez pas à vous poser de temps en temps les questions
suivantes :
1. Est-ce que cela m’arrange de voir les choses ainsi ?
2. Est-ce que ma vision des choses est fondée sur la réalité objective, ou
est-elle surtout en accord avec mes préjugés et avec ma façon habituelle de
voir ?
3. Est-ce que ma façon de voir m’aide à me sentir proche des autres ?
4. Est-ce que ma façon de voir m’aide à masquer mon incertitude, mes
doutes ?

Si la réponse à une ou plusieurs de ces questions est oui, cela ne signifie


pas forcément que votre vision est erronée ou biaisée, mais cela doit vous
inciter à la remettre en question.

Pourquoi monter en épingle des détails, ou les


extrêmes ?
Soyez attentif, lorsque vous examinez la situation problématique, à
l’envisager dans tous ses aspects, en vous demandant : Ai-je bien pris en
compte l’ensemble des données, ou ai-je retenu surtout celles qui
m’intéressent ? Évitez de sélectionner arbitrairement certains détails ou
certains aspects auxquels vous êtes plus sensible, car vos conclusions
manqueraient de solidité en étant basées sur une partie seulement de la
réalité. C’est ce qui se passe lorsque nous tirons des conclusions générales
sur la base d’expériences isolées. Par exemple : Il m’a laissé tomber, ça veut
dire que personne ne peut m’aimer ! Autre vision sélective, ne retenir que le
négatif et minimiser le positif. Ou l’inverse, plus rare : minimiser le négatif
et surestimer le positif, jusqu’au jour où la réalité se charge de les démentir,
ce qui peut provoquer un réveil douloureux !

Illusions d’optique
Il n’y a pas que les œillères qui limitent et orientent notre vision des
choses. De véritables « illusions d’optique » peuvent déformer notre
perception des événements. Il importe de les repérer. Parfois nous ne nous
rendons pas compte que notre vision est perturbée à cause d’un défaut de
vision. C’est ce qui m’est arrivé il y a quelques années.
Moi qui suis plutôt ordonné, j’étais dérangé de constater que mes disques n’étaient pas
parfaitement alignés sur la bibliothèque. Mais, à mon étonnement, lorsque je m’approchais
pour les arranger convenablement, je constatais qu’en réalité ils étaient alignés. En
renouvelant l’expérience, j’ai dû me rendre à l’évidence. C’est ma vision qui me jouait des tours
et déformait la réalité à mes yeux ! Mon médecin m’a appris que la déformation de ma vision
était due à une irrégularité de mes yeux, l’astigmatisme.

Comme mes yeux, le psychisme à travers lequel nous percevons la


réalité n’est pas parfait. De surcroît il n’est ni objectif ni neutre. Il est
subjectif, il varie, il a des irrégularités et des imperfections. Il en résulte que
nous avons une perception subjective, imparfaite et déformée de nous-
mêmes et du monde environnant. Que notre vision des choses soit un peu
déformée et non fidèle à la réalité ne nous empêche pas de vivre. La
situation devient problématique si les déformations sont importantes et
systématiques. Il faut alors, comme j’ai dû le faire avec mon astigmatisme,
reconnaître une erreur de perception et trouver le moyen de la corriger.
Il m’arrive de temps à autre d’être un peu trop optimiste sur mes capacités
professionnelles, et d’autres fois un peu trop pessimiste. Le plus souvent, le jugement que je
porte sur ma capacité professionnelle varie un peu, autour d’une moyenne qui est probablement
assez réaliste et me permet d’exercer mon métier. En revanche, si j’en venais à sous-estimer
chaque jour ma compétence, à me dire chaque jour que je ne suis pas capable de traiter les
patients qui font appel à moi, il est probable qu’au bout d’un moment cela jouerait sur mon
moral et j’envisagerais de changer de métier. À l’inverse, si je venais à surestimer constamment
mes capacités, il se pourrait que j’en arrive, dans l’euphorie de ma toute-puissance, à me
fourvoyer en voulant traiter des problèmes situés hors de ma compétence.

Voir mieux
Aaron Beck a décrit une dizaine d’illusions d’optique altérant la
perception de la réalité, qu’il a appelées « distorsions ». Les distorsions ont
pour effet de déformer la réalité dans un sens partial, partiel, extrême et
arbitraire. Nous avons déjà parlé des œillères qui orientent notre vision en
fonction de ce qui nous arrange plutôt qu’en fonction de la réalité objective.
Changer votre manière de penser consiste avant tout à repérer et à corriger
vos illusions d’optique personnelles, du moins celles qui se manifestent
souvent et provoquent chez vous des émotions pénibles inutiles et des
comportements inappropriés. Apprendre à les corriger vous permettra de
voir les choses autrement, et souvent de vous sentir mieux et d’agir
différemment. Voyons quelques-unes des illusions d’optique les plus
répandues. Nous en découvrirons d’autres dans la troisième partie de
l’ouvrage.

Avez-vous la preuve ?
L’erreur d’appréciation la plus fréquente consiste à tirer des conclusions
hâtives, sans preuve. C’est la distorsion la plus importante à repérer et à
corriger car elle est à la base de toutes les autres déformations de la réalité.
Le procédé consiste non pas à tirer des conclusions sur la base d’une
expérience vécue, mais à se contenter de préjugés qui sont appliqués a
priori à toute situation, sans que leur bien-fondé soit mis à l’épreuve des
faits. La conclusion précède l’expérience au lieu la suivre !
« Marc ne m’a pas appelée ce soir, se plaint Juliette, il est fâché contre moi ! », sans se
demander s’il pourrait y avoir d’autres raisons à l’absence d’appel de son ami. C’est la
première et seule raison qui lui vient à l’esprit, car elle est sans arrêt préoccupée par l’idée
qu’il puisse la quitter car elle n’est pas assez bien pour lui.

L’explication avancée par Juliette est possible, mais non certaine.


D’autres hypothèses pourraient être envisagées (voir ci-après). Lorsque
vous êtes perturbé par une pensée déplaisante, posez-vous la question :
Ai-je la preuve de ce que je suis en train de me dire ?
Examinez la situation sans a priori. Avez-vous la preuve irréfutable du
bien-fondé de votre pensée ? Si vous ne l’avez pas, cela ne veut pas dire
que vous avez tort, cela signifie seulement qu’il se pourrait que la réalité ne
corresponde pas à votre opinion. Dans ce cas, faites travailler votre
imagination pour chercher d’autres possibilités que celles qui vous sont
venues à l’esprit spontanément. Par exemple, dans le cas de Juliette :
Marc a simplement oublié d’appeler, sans pour autant être fâché contre Juliette. Ou il en a
été empêché par un événement imprévu, il a été occupé à autre chose, il a eu un problème, dans
sa tête il n’était pas prévu qu’il appelle, etc.

Une fois que vous avez établi une liste de toutes les explications
possibles, et seulement une fois que vous avez fait cela, évaluez de manière
aussi objective que possible les arguments pour et contre chaque possibilité.
Finissez l’exercice en choisissant l’hypothèse qui a le meilleur rapport pour/
contre. Il est possible qu’à la fin de l’examen vous n’ayez aucune certitude,
mais seulement des probabilités. Dans ce cas, sachez vous en contenter,
vous serez dans la réalité et donc dans une position plus solide que si vous
cherchiez à tout prix une vérité qui soit conforme à vos vues mais qui risque
d’être sans fondement réel.

Vous possédez la machine à lire dans les pensées ?


Bien des problèmes entre les êtres proviennent de difficultés de
communication. Les malentendus reposent souvent sur des conclusions
tirées hâtivement et sans preuve. Ils viennent aussi de l’idée, évidemment
illusoire, que nous sommes capables de lire dans les pensées des autres.
Non seulement personne n’a cette capacité, mais ce que nous croyons lire
n’est généralement que notre propre pensée ! Encore une croyance erronée
à corriger. L’histoire de Juliette et de Marc en est une illustration :
Juliette lit, ou plutôt croit lire dans les pensées de Marc lorsqu’elle imagine que s’il ne l’a
pas appelée, c’est qu’il est fâché contre elle. De surcroît, elle attribue à son ami la capacité de
lire dans ses pensées à elle lorsqu’elle estime qu’il aurait dû savoir que son appel téléphonique
était capital pour elle.

Dans les relations avec une autre personne, vous éviterez des
malentendus en vous posant la question :
Suis-je capable de lire dans ses pensées ?
Et elle dans les miennes ?
Plutôt que d’attendre de l’autre qu’il devine vos désirs, vos craintes, vos
attentes, n’hésitez pas à les exprimer clairement. Et dans l’autre sens, ne
surestimez pas votre capacité à deviner les pensées et les motivations d’une
autre personne, même si vous croyez bien la connaître. Lorsque la situation
le permet, interrogez-la directement. Sinon, sachez admettre que votre idée
est au mieux une hypothèse parmi d’autres, en aucun cas la vérité absolue,
et comportez-vous en conséquence.

Cherchez un autre angle de vue


Vous tournez en rond dans votre façon d’envisager votre problème,
d’être comme prisonnier de rails qui vous empêchent de laisser votre esprit
penser librement et imaginer des solutions innovantes. Réussir à voir les
choses autrement est une bonne manière de donner libre cours à votre
créativité, aussi bien pour résoudre un problème que pour développer de
nouvelles compétences. Voici quelques moyens simples de se décentrer et
de voir les choses sous un autre angle.
La nuit porte conseil
C’est ce qu’affirme, à juste titre, la sagesse populaire. Il a été démontré
scientifiquement que le sommeil trie et réorganise les informations de la
journée. Cela permet de voir les choses autrement au réveil, avec plus de
lucidité ou sous un angle plus favorable. La voie à prendre semble alors
couler de source. Nous en avons tous fait l’expérience. Un problème qui
nous semblait insoluble la veille nous paraît le lendemain, comme par
magie, plus simple, plus facile à résoudre. En réalité, les données du
problème n’ont pas changé, c’est la manière de les considérer qui est
différente. Il n’y a pas que le sommeil qui redistribue les cartes et permette
de voir les choses autrement. La lumière du jour a parfois le même effet.
S’il m’arrive de me réveiller dans la nuit et de ne pas trouver le sommeil à
cause d’un souci, celui-ci se dissipe généralement comme par enchantement
à l’arrivée du jour. N’hésitez pas à utiliser les vertus curatives du sommeil
et de la lumière du jour pour vous aider à faire face aux stress et aux soucis.

Rappelez-vous vos expériences passées


Il se peut que vous ayez déjà été confronté à un problème similaire au
problème qui se pose à vous en ce moment, à une autre époque de votre vie,
dans un autre domaine, dans un autre contexte. Essayez de vous rappeler
comment vous avez alors surmonté la difficulté, comment vous êtes
parvenu à dépasser l’obstacle et à progresser. Voyez ensuite si vous pouvez
transposer dans la situation actuelle les ressources et les moyens qui vous
ont réussi à l’époque.

Prenez du recul, écrivez ou parlez


Écrivez sur une feuille de papier (ou sur tout autre support d’écriture,
votre ordinateur par exemple) les éléments du problème. Il se peut que le
fait d’écrire vous permette de prendre du recul et d’y voir plus clair, au
point de vous orienter vers une solution. Le même effet est parfois obtenu
en énonçant à haute voix les données du problème, sans avoir même besoin
d’en parler à quelqu’un.

Regardez votre situation avec les yeux d’un autre


La décentration consiste à imaginer que quelqu’un d’autre est confronté
à votre problème et qu’il vous en parle. Vous lui proposez des solutions.
Prenez comme support imaginaire un ami proche, un parent, ou toute autre
personne qui a assez de points communs avec vous pour pouvoir être
confrontée au même problème que vous et dont les solutions peuvent vous
inspirer.
Chapitre 7
Comment changer
votre manière de sentir
« Il ne me suffit pas de lire que les sables des plages sont
doux, je veux que mes pieds nus le sentent. »
André GIDE

Les sens, nos fenêtres sur le monde

Des informations sur l’extérieur et sur l’intérieur


Les sens sont comme des fenêtres ouvertes sur le monde. C’est à travers
eux que nous percevons le monde extérieur et ce qui se passe à l’intérieur
de nous-mêmes. Les informations qui nous proviennent de ces deux mondes
sont triées et traitées par notre cerveau, et traduites en sensations diverses.
Nos cinq sens, ouïe, vue, toucher, goût, odorat, nous renseignent sur le
monde extérieur. D’autres sensations nous informent sur notre état intérieur.
La plupart du temps, notre corps fonctionne en silence, mais il lui arrive de
nous envoyer des signaux lorsqu’il est mobilisé par un effort ou par une
émotion. Les sensations intérieures sont d’une grande variété : chaleur,
battements du cœur, douleur, tremblements, essoufflement, gonflement ou
gargouillis de l’intestin, tension ou détente dans les muscles, etc. Certaines
sensations intérieures nous procurent du plaisir, d’autres nous inquiètent.
Surtout celles qui surviennent sans explication. La personne anxieuse
s’alarme de ressentir soudainement et sans raison des palpitations ou de la
peine à respirer. Les mêmes sensations sont interprétées de manière très
différente selon le contexte. La sensation d’avoir la poitrine serrée et de
trembler intérieurement est perçue comme délicieuse lorsqu’elle apparaît
avant une rencontre longtemps attendue. Elle est au contraire vécue comme
intempestive et paralysante lorsqu’elle se manifeste pendant un exposé ou
un examen.

Agir sur les émotions à travers les sensations


Les émotions sont des comportements dans lesquels la sensation est au
premier plan. La survenue d’une émotion signale que tout l’organisme est
mobilisé, et en premier lieu le corps, car il a perçu que quelque chose
d’essentiel est en jeu. Lorsque c’est réellement le cas, par exemple en cas de
colère, de joie, de tristesse ou de peur fondée sur la réalité, l’émotion est
saine et salutaire. En revanche, il y a des situations où l’émotion n’est pas
justifiée par la présence d’un événement réellement bouleversant. Dans ce
cas l’émotion est infondée ou irrationnelle. Au mieux elle est inutile. Au
pire elle est dommageable lorsqu’elle paralyse (angoisse), ôte toute
motivation (dépression) ou détruit (colère irrationnelle). Les émotions
irrationnelles ne sont pas seulement au cœur des maladies psychiques, elles
peuvent se manifester de manière intempestive chez tout un chacun. Il est
légitime de vouloir les atténuer ou les prévenir, mais c’est une tâche
difficile car toute émotion, y compris l’émotion irrationnelle, est un
comportement complexe et global qui exprime la mobilisation de
l’organisme tout entier. Une manière (limitée) d’agir sur une émotion
infondée est de la décomposer en ses trois éléments (actions, sensations,
pensées), de diviser pour régner. En agissant sur chaque composante
séparément, et plus particulièrement les sensations, on peut compter sur
l’effet boule de neige pour modifier l’émotion dans son ensemble. Dans les
chapitres précédents, nous avons vu plusieurs exemples de ce type
d’intervention. Par exemple pour traiter l’angoisse (traitement de Maurice,
chapitre 1) et la dépression (traitement de Régis, chapitre 5). Qui peut le
plus peut le moins. Cette façon de procéder est parfaitement applicable aux
« petites émotions » intempestives qui nous compliquent la vie sans
atteindre le degré de la dépression ou de l’angoisse.
J’aime beaucoup le ski, moins les télésièges, surtout lorsqu’ils s’arrêtent en cours de
montée ou sont agités par le vent. Dans ce cas, je pratique volontiers la « respiration en carré »
présentée plus loin. En calmant les sensations respiratoires dues à la peur, je parviens
(généralement) à la contrôler et à empêcher qu’elle se transforme en angoisse.

Amadouez les sensations déplaisantes

« Faire avec » ou « faire autrement » ?


Comme pour les deux autres dimensions du comportement, les actions
et les pensées, il y a deux manières de changer les sensations pénibles.
« Faire avec », s’y habituer en s’y exposant ; ou « faire autrement », les
remplacer par des sensations plus plaisantes. Un moyen de gérer le stress
est de s’habituer à ses sensations déplaisantes au lieu de les combattre à tout
prix. C’est le principe de la vaccination.

Vaccinez-vous contre le stress


Le principe est exactement le même que pour l’habituation aux pensées
pénibles. Commencez par repérer, grâce à une observation soigneuse, les
sensations déplaisantes qui caractérisent votre stress dans la situation
problématique. Identifiez-les en les isolant des actions et des pensées. Voici
les sensations pénibles les plus fréquemment associées au stress : tensions
musculaires, parfois douloureuses, dans les bras, les jambes, la nuque, le
dos ; tremblements des doigts, des mains, des jambes, de la voix ; sensation
de jambes ou de bras en coton ; vertiges ; palpitations, c’est-à-dire sensation
du cœur qui bat (normalement on ne le sent pas), et parfois tape fort ; gorge
serrée ; oppression de la poitrine ; chaleur du visage ou d’autres parties du
corps ; transpiration des mains, des aisselles, du visage, des pieds. Une fois
que vous avez établi la liste des sensations pénibles, cherchez des moyens
de les produire volontairement pour vous y exposer et vous y habituer. De
cette manière, lorsque ces sensations se produiront involontairement dans la
situation problématique, elles ne vous dérangeront plus.

Un peu d’imagination
Pour produire les sensations corporelles, faites preuve d’imagination.
Rappelez-vous dans quelles circonstances ces sensations sont présentes, en
dehors de la situation problématique. Voici quelques exemples de manières
de provoquer facilement des sensations physiques pour vous y habituer.

Quelques exercices d’habituation


Effectuez un effort physique d’une certaine intensité pour provoquer la
sensation des battements de votre cœur. Par exemple, pratiquez une série de
pompes (flexions des avant-bras en étant à plat ventre sur le sol), courez
deux cents mètres dans le parc voisin, montez quatre étages, etc.
Habituez-vous aux battements de votre cœur en les écoutant, placé à
plat ventre sur votre lit, sans oreiller ni édredon, une oreille collée au drap.
Les bruits du cœur vous sont transmis par le tissu.
Contractez très fort vos muscles pour reproduire des tensions
musculaires : serrez le poing jusqu’à ce qu’il tremble ; pressez votre pied
sur le sol comme pour écraser un mégot de cigarette ; prenez votre tête
entre vos mains et essayez de la bouger latéralement ou verticalement tout
en résistant, en empêchant votre tête de bouger (c’est une bonne manière de
reproduire des tensions dans la nuque, si c’est là que se produisent vos
tensions musculaires).
Faites trembler une main, un avant-bras pour simuler les tremblements.
Respirez très vite, profondément et la bouche ouverte pour provoquer
les sensations de l’hyperventilation.
Respirez la bouche ouverte pour avoir la gorge sèche.
Amusez-vous à faire des roulades et des culbutes sur le sol pour
provoquer des vertiges. Ou allez dans un parc, montez sur une balançoire
ou tournez sur un carrousel. Vous obtiendrez le même effet en étant assis et
en faisant des rotations rapides de la tête, dans le sens latéral ou vertical, les
yeux ouverts ou fermés.
Exposez-vous à un bain chaud, à un sauna ou un bain turc pour
provoquer la sensation de chaleur. Ou mangez un aliment très épicé
(piment) ! La transpiration se provoque de la même manière, ainsi que par
l’effort physique (emmitouflé dans un habit épais).
Exercez-vous chaque jour, hors de la situation stressante, à produire
volontairement les sensations déplaisantes associées à votre stress.
Exposez-vous régulièrement à ces sensations jusqu’à ce que leur présence,
en soi, ne vous dérange plus. Une fois l’habituation acquise, vous
constaterez que vous supportez beaucoup mieux la situation stressante.
Certaines sensations ne peuvent être reproduites volontairement car
elles n’obéissent qu’au système nerveux autonome. C’est le cas, par
exemple, de la boule à l’estomac et d’autres sensations liées au système
digestif. Dans ce cas, la seule manière de vous y habituer est de vous
exposer à la situation problématique.

Renouvelez vos sensations


Éprouver des sensations nouvelles, et si possible aller à leur recherche,
est une manière plaisante de se renouveler, de se sentir mieux dans son
corps et dans sa tête. Le plaisir des week-ends, du temps libre ou des
vacances est avant tout dû à la perception des sensations différentes liées à
ces moments, y compris le repos qui est aussi une sensation. Les sensations
provenant du monde extérieur sont traitées par nos cinq sens traditionnels ;
vue, ouïe, odorat, goût et toucher. Les sensations ayant leur origine à
l’intérieur de notre corps sont plus diffuses, elles ne sont pas traitées par un
sens particulier. Voici quelques exemples qui montrent que l’on peut trouver
à bon compte des sensations nouvelles et plaisantes dans la vie quotidienne.

Souriez, cela rend heureux !


« Le sourire, Momo, ce n’est pas un truc pour les gens heureux : c’est sourire qui rend
heureux ! » Voilà la sagesse enseignée par le vieil Arabe Ibrahim au jeune garçon juif Momo
dans le film de François Dupeyron Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran, inspiré d’un livre
d’Eric-Emmanuel Schmitt. Suivez le conseil d’Ibrahim.
Il a été démontré que l’activité musculaire d’un sourire volontaire
stimule des zones cérébrales liées au sentiment de bonheur. De surcroît
vous éprouverez davantage de plaisir dans vos contacts sociaux routiniers.

Exercice

Entamez un brin de causette avec vos voisins lorsque vous les


rencontrez dans l’ascenseur. Faites de même, lorsque la situation s’y
prête, avec vos voisins de train, de métro ou de restaurant. Dans vos
relations avec vos proches et vos partenaires, introduisez un peu
d’imprévu. Dans votre vie sexuelle, pourquoi ne pas essayer de sortir
des sentiers battus ?

Changez votre environnement familier


Essayez de nouvelles dispositions pour vos meubles, vos tapis, vos
livres, votre installation radio-télévision. Changez-les de place dans le
salon, dans la chambre à coucher, ou dans la cuisine. Changez la nappe de
votre table à manger. Renouvelez la décoration, l’éclairage, le revêtement
des murs. Changez les posters. Allez à la recherche de nouveaux trajets
pour vos déplacements professionnels, ou pour vos promenades du week-
end. Montez à pied plutôt qu’avec l’ascenseur. Si c’est possible, prenez un
autre moyen de transport. Visitez votre ville et votre région comme vous le
feriez si vous étiez en voyage dans un pays étranger. Humez les odeurs
naturelles saisonnières. Élargissez votre répertoire culinaire en allant à la
recherche de nouvelles recettes, de nouveaux restaurants.

Changez votre apparence


Renouvelez votre habillement. Offrez-vous ou faites-vous offrir des
habits d’allure ou de couleurs différentes. Demandez à votre coiffeur une
coupe de cheveux différente. Essayez de nouvelles façons de vous
maquiller ou de nouvelles couleurs de cheveux.
Simone ne fait plus attention à son physique et son habillement depuis qu’elle est
déprimée. Je lui propose de recommencer, comme auparavant, à soigner un peu plus son
apparence physique, à se maquiller à nouveau, à s’habiller au lieu de rester toute la journée en
survêtement. Elle se laisse convaincre. Deux semaines plus tard, elle m’annonce que son mari
l’a remerciée de son effort : « En prenant soin de toi, tu fais attention à moi, ça me fait plaisir »,
lui a-t-il dit. C’était la première fois, depuis longtemps, qu’il lui faisait un compliment.

La respiration en carré pour garder votre calme en


toutes circonstances

La respiration, un barbecue qui dure toute la vie


Quelques notions de physiologie seront utiles pour mieux comprendre
la technique de contrôle de soi que je vous propose ici. La respiration a
deux fonctions, l’inspiration et l’expiration. La première est le remplissage
des poumons pour amener de l’oxygène. Des poumons, l’oxygène passe
dans le sang pour aller dans les tissus participer à la combustion des
aliments. Brûler les aliments produit l’énergie nécessaire au fonctionnement
de nos organes, donc à la vie. La seconde fonction de la respiration consiste,
en vidant les poumons, à éliminer les déchets de la combustion des
aliments, à savoir de l’eau et du gaz carbonique. Au fond, la respiration est
une grillade permanente. Pour que la viande soit bien cuite, le feu a besoin
d’oxygène, il lui est amené par l’air ambiant, si nécessaire activé par un
soufflet. C’est l’équivalent du mouvement inspiratoire. La combustion
dégage des déchets, de l’eau (le jus) et de la fumée (gaz carbonique), ce qui
correspond à l’expiration. Nous avons en nous un barbecue qui fonctionne
en permanence de notre premier à notre dernier jour, c’est lui qui nous
permet de vivre.

Les quatre temps de la respiration


La respiration semble compter deux temps : l’inspiration et l’expiration.
En réalité, un cycle respiratoire compte quatre temps, car il faut ajouter aux
deux mouvements respiratoires deux temps d’arrêt, essentiels à la fonction
respiratoire. Ils sont nécessaires pour que les échanges de gaz aient le temps
de se produire et que la respiration soit pleinement efficace. Si vous videz
l’air immédiatement après avoir fini de remplir vos poumons, l’oxygène n’a
pas le temps de passer des poumons dans le corps pour activer la
combustion. Si vous inspirez immédiatement après avoir expiré, le gaz
carbonique n’a pas le temps de sortir des voies respiratoires pour se dissiper
dans l’air ambiant car il repart aussitôt vers les poumons.

Respirez par le nez et par le ventre


La respiration la plus adéquate dans les circonstances courantes de la
vie se fait par le nez, non par la bouche ; et par le ventre, non par le thorax.
Le nez est l’organe respiratoire par excellence. Il a les dimensions
adéquates, et il a pour fonction d’humidifier et de chauffer l’air respiré, ce
qui convient bien aux poumons. Respirer par la bouche dessèche la gorge et
donne une sensation d’oppression et de brûlure dans la poitrine.

Exercice

Faites-en l’expérience en respirant par la bouche en hiver quand


il fait très froid et sec, puis respirez par le nez. Vous constaterez que la
respiration par le nez est plus agréable et plus efficace.

Quant au ventre, plus précisément le diaphragme, c’est le compagnon


idéal du nez dans la respiration.

Exercice

Fermez la bouche et ne respirez que par le nez. Ensuite ouvrez la


bouche et respirez par la bouche (le nez respire aussi, c’est
automatique). Vous constaterez qu’en respirant par le nez c’est le
ventre qui bouge, alors que la respiration par la bouche ajoute un
mouvement du thorax.
Pour vous habituer à sentir votre ventre respirer : placez-vous à
plat ventre sur votre lit ou une surface ferme, et prenez conscience de
la respiration du diaphragme qui par le ventre vous soulève un peu à
chaque inspiration.

Le thorax n’est pas indispensable à la respiration, sauf en cas d’effort


inhabituel, lorsqu’il faut fournir un supplément d’oxygène. Mobiliser le
thorax pour une respiration normale est inutile, et peut provoquer des
sensations désagréables dans la poitrine dont on se passe volontiers. Ce
n’est qu’en cas d’effort intense qu’il est nécessaire d’ajouter la respiration
par la bouche.
En résumé, la respiration la plus efficace dans les circonstances
normales de la vie passe par le nez et par le ventre. Et comme la nature a
bien prévu les choses, il suffit de respirer par le nez pour respirer par le
ventre.

Sous l’effet du stress, on respire plus vite et par la


bouche
Dans le stress, le corps et le système nerveux sont en état d’alerte, sur
leurs gardes. Cet état se traduit par une modification de la manière de
respirer. La bouche est sollicitée, donc aussi le thorax. La respiration est
plus ample, plus rapide. Parfois à cette respiration augmentée s’ajoutent des
moments d’apnée, de respiration suspendue ou « coupée », comme on
retient sa respiration quand on est aux aguets. Tout cela se fait
imperceptiblement, sans que nous en ayons conscience. Parfois le seul
indice visible de respiration d’alerte est la présence de soupirs, qui sont des
reprises respiratoires de grande ampleur après une période d’apnée. Une
respiration un peu trop augmentée et/ou bloquée à cause du stress n’est
aucunement dangereuse, le corps finit par rétablir lui-même les
déséquilibres gazeux (oxygène et gaz carbonique) passagers. Mais cela peut
avoir des effets désagréables, sous la forme de fatigue, de tensions dans la
poitrine, de vertiges, de sensations bizarres dans la tête ou dans les doigts,
et d’autres sensations inutilement désagréables. Ces sensations sont surtout
dues à la baisse passagère du gaz carbonique provoquée par la respiration
par la bouche. Les crises d’angoisse ont le même effet que le stress, et
lorsque la respiration est accélérée de manière incontrôlée, on parle
d’hyperventilation (voir le cas de Maurice, chapitre 1).

La respiration en carré
De nombreuses méthodes de contrôle respiratoire sont décrites dans la
littérature scientifique et non scientifique. D’après mon expérience, la
méthode la plus simple à apprendre et à pratiquer est la manière la plus
physiologique : en quatre temps, avec le nez et le ventre. Une de mes
patientes appelait cette respiration la « respiration en carré » à cause des
quatre temps égaux (figure ci-après). J’ai gardé cette appellation, car
l’image mentale du carré aide à exécuter les quatre temps de la respiration,
y inclus les pauses. Une fois que vous avez fermé la bouche et que vous
respirez exclusivement par le nez (et le ventre), vous avez acquis l’essentiel.
La fréquence respiratoire, c’est-à-dire la vitesse de la respiration, et la
profondeur de la respiration sont secondaires.

Exercice : la respiration en carré

Mettez une main sur votre ventre pour bien le sentir respirer
souplement : lorsque vous remplissez vos poumons, le ventre doit
« sortir » sous la pression du diaphragme. Lorsque vous videz l’air, le
ventre doit rentrer car le diaphragme remonte vers le thorax. Placez
l’autre main sur la poitrine pour vous assurer qu’elle ne respire pas
beaucoup (elle ne doit pas beaucoup se soulever à chaque
inspiration). Gardez tout le temps la bouche fermée et ne respirez que
par le nez, à l’inspiration comme à l’expiration. Respirez en quatre
temps égaux : 1. Inspirez (remplissez les poumons) – 2. Pause
(arrêt) – 3. Expirez (videz les poumons) – 4. Pause – 1. Inspirez – 2.
Pause – 3. Expirez – 4. Pause, et ainsi de suite. Respirez à une
fréquence d’environ 10 respirations par minute, chaque respiration
comptant quatre temps.
Si vous disposez d’un métronome, réglez-le sur 40 battements par
minute (Largo), et effectuez chaque temps du cycle respiratoire sur le
battement du métronome : 10 respirations à 4 temps = 40 temps au
total par minute. Si vous n’avez pas de métronome, utilisez votre
montre pour compter environ 10 respirations par minute,
soit 6 secondes par respiration complète (4 temps).
La fréquence de 10 respirations par minute est un peu lente, la
respiration normale dans des courantes (hors effort) étant de 15 par
minute. Mais le tempo respiratoire augmente presque toujours sous
l’effet du stress. Si vous vous exercez à respirer à 10 respirations par
minute, en cas de stress vous monterez probablement un peu la
fréquence de votre respiration, et vous vous retrouverez
à 15 respirations par minute, soit un rythme respiratoire tout à fait
normal en situation de repos. Exercez-vous à la pratique de la
respiration en carré hors des situations stressantes,
pendant 30 à 60 secondes plusieurs fois par jour. Puis transposez la
technique apprise dans les situations stressantes ou angoissantes.

Restez zen grâce à la respiration en carré


Cette méthode de respiration respecte les exigences physiologiques de
la respiration (échanges gazeux et anatomie respiratoire) dans des
conditions courantes (hors effort particulier). C’est donc une respiration tout
à fait « normale », hormis le fait qu’elle est sous le contrôle de la volonté.
Vous pouvez pratiquer la méthode dans tout contexte dans lequel vous vous
sentez stressé, et à plus forte raison si votre stress va jusqu’à l’angoisse.
Des patients m’ont dit qu’ils utilisaient la respiration en carré pour garder leur calme
lorsqu’ils étaient critiqués, ou pris à partie violemment. D’autres lorsqu’ils commençaient à
paniquer dans un ascenseur bloqué, dans un téléphérique, ou encore pour maîtriser la peur en
avion.
Que faire si vous êtes stressé de parler en public ?
La seule situation de stress où la respiration en carré est problématique
est le stress dû à la prise de parole en public, puisqu’il est alors impossible
de fermer la bouche… Mais même dans ce cas, il est possible de pratiquer
partiellement la respiration en carré. Profitez des moments où vous ne
parlez pas pour respirer avec le nez. Et lorsque vous participez à une
discussion, votre temps de parole est toujours entrecoupé de périodes où ce
sont les autres qui parlent. Profitez-en pour faire vos respirations en carré si
vous en avez besoin. Vous pouvez aussi utiliser la méthode à titre préventif,
c’est-à-dire avant d’être confronté à la situation qui vous inquiète, lorsque
vous pouvez la prévoir. Vous éviterez de laisser monter le stress ou
l’angoisse. Dans la peur de parler en public, faites aussi appel à la technique
de l’« œil américain », présentée ci-après. Cela vous aidera à ne pas être
obnubilé par la présence et le regard de vos auditeurs.

Combien de temps ?
Adaptez la durée de la pratique du contrôle respiratoire à vos besoins.
Si c’est pour passer le cap d’une crise d’angoisse, le temps de la crise
d’angoisse se compte généralement en minutes. Si vous l’utilisez à titre
préventif ou pour le stress, respirez normalement, sans contrôle volontaire,
et de temps en temps intercalez une période de respiration en carré de
quelques instants.

L’« œil américain », à toutes fins utiles !

Où regardons-nous, comment regardons-nous ?


La vue est le sens qui nous donne le plus d’information sur le monde
environnant. C’est sur elle principalement que nous nous appuyons pour
nous orienter, nous déplacer et agir. Pour remplir ces fonctions de la plus
haute importance, notre regard s’ajuste en permanence en fonction de ce qui
se passe autour de nous et à l’intérieur de nous (nos pensées, nos
sensations). Pour diriger notre regard, nous disposons de quatre dispositifs,
qui sont, du plus grossier au plus fin : orienter notre corps, orienter la tête,
orienter les yeux, accommoder grâce aux globes oculaires. L’orientation du
corps donne la direction générale de notre champ de vision, qui se trouve
devant nous. Nous pouvons préciser le secteur que nous voulons couvrir du
regard en bougeant la tête et les yeux. Enfin, la mise au point est due au
cristallin, une partie de l’œil qui se contracte ou se détend en fonction de la
distance et de la taille de l’objet que nous regardons. Elle permet d’analyser
ce que nous voyons, soit en se concentrant sur les détails (vision
concentrée), soit en considérant ce qui s’offre à nos yeux de manière
globale sans nous attarder sur les détails (vision décentrée).

La vision concentrée
La vision détaillée est due à la zone centrale de la rétine, où les cellules
visuelles sont très nombreuses, ce qui permet une haute résolution de
l’image. La précision est accrue par la mise au point ciblée sur l’objet
regardé en détail. La mise au point précise résulte de la tension exercée par
un muscle, le corps ciliaire, sur la lentille de l’œil, le cristallin. En
photographie, l’équivalent de cette manière de regarder est le gros plan sur
un visage, une fleur, un insecte, etc. Le détail est d’une très grande netteté,
mais tout l’environnement est flou. La vision détaillée est une vision
concentrée et précise, mais elle ne peut concerner qu’une petite partie de ce
que nous voyons. Si nous voulons voir avec précision tout ce qui nous
environne, il faut fournir un effort soutenu pour scruter successivement tous
les détails. Cela nécessite une grande attention et finit par provoquer de la
fatigue et des tensions dans l’œil et dans la tête.

La vision décentrée, ou œil américain


À l’opposé de la vision concentrée, la vision globale est due à la zone
périphérique de la rétine, où les cellules nerveuses sont moins nombreuses
que dans la zone centrale. La vision est moins précise, mais la zone
visualisée est plus étendue, plus large. En photographie, l’équivalent de
cette vision est le grand-angle, où le but est de photographier un vaste
champ, par exemple un paysage étendu, en sacrifiant la netteté des détails à
la vision d’ensemble. Dans ce type de vision, le muscle ciliaire n’a pas
besoin de tirer sur le cristallin, c’est donc une vision relâchée et détendue.
La vision décentrée est moins précise que la vision concentrée, mais en
réalité plus efficace que cette dernière pour surveiller l’environnement.
Dans la vision détendue, il s’agit de « voir sans regarder ». Tout en
percevant le monde environnant, puisque les yeux sont ouverts, rien n’est
regardé avec précision. Mais l’attention reste disponible pour jeter un coup
d’œil précis si quelque chose se passe dans le champ visuel.
Les conquérants blancs de l’Ouest américain avaient remarqué que les Indiens qu’ils
combattaient avaient une capacité remarquable de voir de côté sans bouger la tête ni les yeux.
On a appelé œil américain la faculté de voir large, y compris sur les côtés, tout en regardant
devant soi. Quand ils étaient petits, mes enfants étaient surpris lorsque, à table, je leur faisais
remarquer qu’ils avaient renversé un peu de lait ou laissé tomber un morceau de pain, alors
qu’ils se trouvaient non pas en face de moi, mais à côté. Ils pensaient que l’incident aurait dû
échapper à mon regard. La réalité est que mon œil américain avait perçu que quelque chose
d’« anormal » s’était produit sur mon côté. Vu le contexte, je ne pouvais pas avoir beaucoup de
doute sur la nature de l’incident.

L’exercice suivant a pour but de vous faire expérimenter la différence


de sensation visuelle entre les deux types de vision, la vision concentrée
d’un côté, la vision décentrée (l’œil américain) de l’autre.

Exercice :
rendez votre pouce transparent

Placez votre pouce levé devant vos yeux, à environ 50 cm, de


préférence devant un fond clair, par exemple une fenêtre. Regardez-le
attentivement, examinez-en les détails, le grain de la peau, les sillons,
etc. Maintenant, tout en continuant à regarder dans la même
direction, ne fixez plus votre attention sur votre doigt. Ne regardez
plus rien de précis, laissez votre regard flotter dans le lointain. Vous
devez sentir que votre vision s’élargit, en largeur et en profondeur.
Vous ne percevez plus les détails, votre doigt existe toujours dans
votre champ de vision, mais il n’est qu’un élément parmi d’autres,
tout aussi imprécis. Il semble transparent, il est devenu une silhouette
qui se fond dans le paysage. Vous y êtes, c’est ça, l’œil américain !
Maintenant jouez à passer d’un type de vision à l’autre. En
alternance, regardez les détails de votre doigt, puis élargissez votre
vision au point que le doigt devienne transparent.
Trois techniques pour activer votre œil américain
Une fois que vous avez expérimenté la sensation visuelle particulière de
l’œil américain grâce à l’exercice du « pouce transparent », vous devriez
pouvoir la retrouver sans trop de difficulté dans d’autres contextes. Si ce
n’est pas le cas, voici trois techniques permettant de se brancher sur l’œil
américain, c’est-à-dire de « voir sans regarder ».
1. Laisser votre regard flotter dans le lointain, sans rien regarder ni
fixer. Pratiquez cette méthode lorsque vous vous trouvez en plein air ou
dans un endroit spacieux.
2. Si vous êtes stressé ou angoissé dans les endroits clos ou restreints,
par exemple si vous êtes claustrophobe : rendez votre vision légèrement
floue en clignant très légèrement les yeux. La vision floue est incompatible
avec la vision centrale, et élargit le champ de vision. Vous pouvez vous
entraîner à ressentir et supporter la vision floue en portant un moment des
lunettes de lecture pour regarder loin. Le verre empêchera votre œil
d’accommoder, et vous obligera à accepter la vision décentrée, relâchée.
3. La troisième méthode consiste à se concentrer non pas sur ce que
vous voyez, mais sur une sensation interne. C’est ce que fait la personne
profondément absorbée dans ses pensées, qui semble ne pas vous voir. En
réalité, elle vous voit, mais elle ne vous regarde pas car son attention est
placée sur ses pensées, pas sur vous. C’est l’attitude du « Penseur » de
Rodin. Pratiquez par exemple la respiration en carré, et concentrez-vous sur
la sensation de votre ventre qui respire souplement. Vous vision deviendra
automatiquement globale et détendue, non concentrée sur les détails du
monde environnant.

Alternez vision concentrée et vision détendue


Normalement, l’œil passe spontanément d’un type de vision à l’autre en
fonction du contexte. La vision de « croisière » est la vision décentrée,
relâchée, mais disponible. La vision concentrée sert à examiner un détail
qui a frappé votre attention. En principe, cet examen devrait être rapide,
avant que vous repreniez la vision décentrée. Lorsque vous pratiquez
volontairement l’œil américain pour vous détendre, ou parce que vous êtes
stressé ou angoissé dans un contexte particulier, alternez les deux types de
vision. Vision concentrée sur un objet précis pendant une ou deux secondes,
puis œil américain avec vision détendue sans objet précis, pendant trois à
cinq secondes. Puis recommencez.

L’œil américain pour vous détendre


La vie moderne sollicite beaucoup la vision concentrée. Notre attention
est sans arrêt requise par des tâches exigeant beaucoup de précision : fixer
un écran d’ordinateur, manipuler des appareils, faire attention aux
machines, aux conférences à son travail, aux feux rouges, etc. Rares sont les
temps de détente où l’on peut s’accorder de bayer aux corneilles, mettre au
repos sa rétine centrale et détendre ses muscles oculaires. Utiliser l’œil
américain quelques instants est une manière de se ménager et de se
détendre. Le stress et l’anxiété ont pour effet d’activer la vision concentrée.
Dans ces états, l’état de vigilance et d’alerte est augmenté, ce qui incite à
scruter l’environnement à la recherche de stimulations ou de dangers
potentiels. D’où la sensation de fatigue et de tensions dans la tête. Vous êtes
sous pression ? Vous souffrez d’agoraphobie, autrement dit vous êtes mal à
l’aise dans les endroits fermés et pleins de monde ? Ou de phobie sociale,
c’est-à-dire que vous êtes mal à l’aise lorsque vous êtes exposé au regard
des autres ? Apprenez à pratiquer l’œil américain. Cela vous aidera à
détendre vos yeux et votre tête. En plus, vous n’aurez pas les yeux rivés sur
ce qui vous angoisse.

L’œil américain pour améliorer votre efficacité


L’œil américain permet de jeter un œil superficiel, rapide et global sur
une situation, sur un article de journal ou sur une matière à étudier. En
commençant votre examen d’une situation ou votre lecture par un coup
d’œil global, vous percevrez l’essentiel, la globalité du problème. Vous
relèverez peut-être quelques détails saillants que vous examinerez plus
attentivement dans un second temps. La « lecture rapide » est basée sur
l’œil américain et sur la suppression de l’articulation légère des syllabes
avec les lèvres. Lorsque vous devez étudier un sujet, commencez par
parcourir rapidement le sujet sans vous arrêter aux détails et aux points
problématiques. Faites une deuxième lecture en accordant un peu de temps,
mais pas trop, aux détails. Dans les lectures suivantes, entrez dans les
détails du texte de manière de plus en plus approfondie. Pour terminer votre
étude, reprenez une lecture rapide et globale à titre de révision.
Chapitre 8
Votre boîte à outils
« Outil : objet utilisé par un être vivant dans le but
d’augmenter son efficacité naturelle dans l’action. »
Encyclopédie Wikipédia

Des outils à forger vous-même


J’ai réuni dans ce chapitre quelques outils qui devraient faciliter votre
effort de changement. Mais attention, vous devrez d’abord les forger vous-
même avant de pouvoir les utiliser ! Certains outils sont des principes (la
lime, le roseau), d’autres sont plus concrets. Certains outils aident à « faire
avec », comme le roseau, d’autres à « faire autrement », comme la lime.

Une lime
« La peur de l’eau est une prison. Pour s’attaquer aux barreaux, on
n’utilise pas de la dynamite, mais une lime ! » L’image est de mon ami Jean
Fouace, le maître nageur qui m’a appris à surmonter ma peur de l’eau. Il
s’en sert volontiers dans ses cours pour inciter ses élèves à répéter
inlassablement leurs exercices jusqu’à ce que le comportement aquatique
nouvellement appris devienne automatique. La formule s’applique à la
plupart des comportements bien établis que l’on souhaiterait remplacer par
d’autres, plus adaptés ou plus désirables. Répéter, faire preuve de
persévérance et de patience, progresser sans se précipiter sont les conditions
incontournables de l’apprentissage et du changement. Les classiques ont
exprimé cette exigence par des formules devenues célèbres : « Patience et
longueur de temps font plus que force ni que rage » (La Fontaine), « Vingt
fois sur le métier remettez votre ouvrage, polissez-le sans cesse et
repolissez-le ! » (Boileau).

Entraînez-vous chaque jour


La nécessité de répéter de nombreuses fois un comportement nouveau
pour que celui-ci s’établisse fermement est fondée sur les lois de
l’apprentissage. Pour qu’un comportement ancien puisse être étendu à une
situation nouvelle, il faut s’exposer de manière répétée à la situation
nouvelle. Quiconque apprend un nouveau comportement est soumis à la loi
de l’exercice répété, qu’il s’agisse d’apprendre une langue étrangère, un
métier, un sport, ou une nouvelle manière de se comporter vis-à-vis des
autres. En pratique, répétez inlassablement votre nouveau comportement
jusqu’à ce qu’il soit bien acquis et maîtrisé, et devienne automatique. Ce
stade est atteint lorsque vous pouvez pratiquer votre nouveau comportement
sans difficulté ou gêne significative, sans devoir faire un effort particulier,
et que vous ne devez pas résister à la tentation de revenir à l’ancien
comportement. Nos comportements quotidiens (marcher, parler, s’habiller,
faire notre travail, etc.) sont parvenus à ce degré d’automaticité après une
phase d’apprentissage plus ou moins longue selon la complexité du
comportement. Entraînez-vous en pratiquant votre nouveau comportement
pendant, si possible, au moins 15 minutes par jour.

Mieux vaut souvent que longtemps


En général, mieux vaut s’entraîner plus souvent et moins longtemps que
rarement et longuement. Adaptez la durée et la fréquence de vos exercices
au type de comportement que vous cherchez à acquérir et à la disponibilité
d’un terrain d’entraînement.
Si votre problème est la peur des ascenseurs, vous trouverez facilement
autour de vous des ascenseurs pour vous entraîner quotidiennement à
prendre l’ascenseur. Même remarque si votre but est d’être capable de vous
affirmer davantage face à votre patron ou à votre conjoint. En revanche, si
votre problème est la peur de l’avion, vous n’aurez que peu de possibilités
de vous exercer en situation réelle. Il faudra donc que vous trouviez des
terrains d’entraînement proches de la situation problématique. Par exemple
le TGV si votre malaise survient lorsque la porte de l’avion se ferme, car le
TGV est aussi un moyen de locomotion d’où l’on ne peut pas sortir.

Accordez-vous des pauses


Accordez-vous des jours de repos, par exemple le week-end. Cela aide
à intégrer le comportement en voie d’acquisition. À la reprise, vous
constaterez souvent avec surprise que non seulement vous n’avez pas perdu
l’acquis, mais que vous avez gagné en maîtrise !

Hâte-toi lentement
Comme le dit le proverbe italien, « Chi va piano va sano e lontano »,
aller lentement est la meilleure façon d’aller loin tout en restant en bonne
santé. L’empereur romain Auguste, pourtant doté de tous les pouvoirs, avait
pour devise « Hâte-toi lentement ». Une fois que vous avez déterminé le
comportement nouveau que vous souhaitez être capable de pratiquer,
déterminez des objectifs intermédiaires. Ce seront des étapes sur la route de
votre objectif final. Pour cela, imaginez que celui-ci est le sommet d’une
rampe d’escalier, et que votre comportement actuel correspond au sol de
base, avant la première marche. Chaque marche représente un objectif
intermédiaire sur le chemin qui doit vous mener du sol (votre comportement
actuel) au sommet de la rampe (le comportement que vous visez). Lorsque
vous êtes au début de votre démarche, il est possible que votre objectif final
vous paraisse inaccessible, de même qu’il est certainement impossible à
quiconque de franchir d’un coup dix marches d’escalier. En revanche, il est
probablement envisageable de franchir la première marche de l’escalier. De
la première à la deuxième marche, l’effort sera de la même intensité, et
ainsi de suite jusqu’au sommet de la rampe. Appliquez ce principe à votre
tâche. Découpez l’accession à votre objectif final en autant de marches qu’il
vous paraît nécessaire.
Laurence me consulte car elle se sent mal à l’aise, et parfois terrorisée au point de devoir
quitter les lieux, lorsqu’elle doit parler en public. Or elle a accepté un poste à responsabilité
dans un hôpital universitaire. Jusqu’ici, elle a surtout été sollicitée pour présenter des exposés
à un public restreint et dans le cadre de l’hôpital, soit au sein du service, soit auprès de petits
groupes d’étudiants ou d’infirmières. Dans sa nouvelle affectation, son patron lui a annoncé
qu’elle serait certainement amenée à participer à des congrès internationaux au nom du
service.

Voici comment Laurence décompose son problème en plusieurs


marches successives à franchir, avec le but final d’être capable de présenter
des communications en anglais dans des congrès médicaux internationaux :
1. Prendre la parole spontanément pendant le colloque du service (une vingtaine de
personnes).
2. Prendre la parole en réponse à une interpellation pendant le colloque du service.
3. Présenter une communication dans une réunion de plusieurs services de l’hôpital.
4. Présenter une communication dans une réunion régionale.
5. Présenter une communication en français dans un congrès national.
6. Présenter une communication en français dans un congrès international.
7. Présenter une communication en anglais dans un congrès international.
Le traitement va consister à franchir chaque « marche » de la rampe menant à l’objectif
final, être capable de présenter une communication en anglais dans un congrès international.
Laurence ne s’attaque à la marche suivante que lorsque la précédente est bien acquise.

Ne brûlez pas les étapes


« Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage », nous
apprend la fable de La Fontaine « Le lion et le rat ». Changer exige patience
et persévérance. Préparez-vous à ce que votre effort ne donne ses fruits
qu’après un certain temps. La durée de l’effort à fournir dépend de la nature
du comportement à changer, mais se compte en tout cas en semaines, plus
souvent en mois, parfois en années. Méfiez-vous des résultats obtenus trop
rapidement, ils sont souvent fragiles. Ne brûlez pas les étapes, car le temps
apparemment gagné peut se transformer en temps perdu en vous faisant
repartir de la case départ. Pensez à consolider l’acquis avant de vous
aventurer plus loin.

Ne soyez pas perfectionniste


Si votre objectif était dès le départ précis et concret, vous devriez
pouvoir évaluer sans trop de difficulté quand mettre fin à votre effort. Ne
soyez pas perfectionniste, sachez terminer lorsque l’essentiel de votre but
est atteint. Sinon vous risquez de tomber dans le syndrome du « traitement
interminable ». L’expérience montre que les progrès ne s’arrêtent pas au
moment où vous cessez de travailler activement sur votre problème. Le
changement poursuit sur sa lancée une fois les nouvelles habitudes bien
ancrées.

Une loupe
Une loupe possède deux qualités. Elle aide à voir clairement les détails
d’un objet, et elle concentre les rayons du soleil en un endroit très précis, au
point de pouvoir mettre le feu à une feuille de papier.

Chaque chose en son temps, et une chose à la fois !


Donnez à votre action les qualités de la loupe, la précision et la
concentration. Soyez précis dans l’énoncé de votre objectif. Limitez votre
intervention à ce qui est nécessaire pour atteindre votre objectif, et laissez
de côté tout ce qui, pour intéressant que cela puisse être, ne contribue pas à
vous rapprocher de votre but. C’est ainsi que, comme la loupe est capable
d’allumer un feu en concentrant les rayons sur un endroit très circonscrit, la
concentration de vos efforts sur un seul objet à la fois vous donnera la plus
grande efficacité.

Un roseau
Comme le roseau, l’homme est à la fois fragile et souple, d’une grande
faiblesse et en même temps doté d’une incroyable capacité d’adaptation.
Selon Pascal, l’homme n’est qu’un « roseau, mais c’est un roseau pensant ».
Quant au roseau de la fable de La Fontaine, il plie au moindre vent, mais ne
rompt pas, contrairement à son voisin le puissant chêne, arraché par un vent
encore plus puissant que lui, faute d’avoir su plier. La souplesse consiste à
choisir les comportements les plus adaptés aux conditions du moment tout
en restant fidèle à sa nature propre. C’est le secret du roseau se balançant au
gré du vent. Prenez exemple sur lui, faites preuve de souplesse dans vos
ajustements. Cherchez des compromis entre vos aspirations, vos capacités
et les possibilités offertes par l’environnement. La souplesse s’oppose à la
rigidité et au fonctionnement en « tout ou rien », ennemis du changement
véritable, c’est-à-dire durable.
Bernard est un homme d’une quarantaine d’années, célibataire, qui souffre, entre autres
problèmes, d’une grave dépendance à l’alcool. Il a déjà suivi de nombreuses cures de
désintoxication qui se sont toujours soldées par une reprise rapide et massive de la
consommation alcoolique. Fort de cette expérience, et malgré l’avis des spécialistes en
alcoologie qui lui recommandent de continuer à viser l’abstinence totale, Bernard s’est résolu,
avec mon appui, à viser une consommation assez modérée d’alcool, c’est-à-dire qui soit
compatible avec une certaine vie sociale tout en tenant compte de son incapacité, maintes fois
avérée, de se passer complètement d’alcool. Même si cette solution n’est pas très satisfaisante,
elle paraît à Bernard ainsi qu’à moi un compromis honorable entre son aspiration louable à
une abstinence complète et ses capacités réelles, qui ne lui permettent pas d’être à la hauteur
de cette exigence idéale.

Une image

Nous parlons en images


Sans nous en rendre compte, nous utilisons tous les jours des images
pour parler de notre vie quotidienne, de nos difficultés, de nos réussites, de
nos espoirs. Les images expriment souvent bien mieux notre situation que
de longues phrases. Voici quelques plaintes de patients :
J’en ai assez de ne tomber que sur des salauds ou sur des hommes-
Kleenex, se lamente Annie, dont la vie sentimentale est agitée et remplie de
relations avec des coureurs de jupons ou avec des hommes consolateurs,
trop gentils à son gré.
Devant mon patron, je me liquéfie, je n’ose rien dire et je passe pour un
imbécile, se plaint André, l’employé fidèle qui ne réussit pas à se faire une
vraie place dans son entreprise.
Je dois faire partie de la catégorie des chiens battus, conclut Jean-
Philippe après avoir raconté une série d’épisodes où il a été victime de
violences psychologiques et physiques dans sa jeunesse et comme jeune
adulte.
J’ai peur de couler. Et dans ce cas, je ne pourrai pas refaire surface,
redoute Roseline, au bord de la dépression.

Les métaphores
La métaphore est une image qui traduit une réalité abstraite par un
terme concret : se noyer dans un verre d’eau, toucher le fond, monter au
septième ciel, etc. La métaphore met en jeu les deux cerveaux, le droit et le
gauche, puisqu’elle véhicule une pensée ou un raisonnement (cerveau
gauche) par une image (cerveau droit). Les images de mes patients sont des
métaphores car elles expriment une notion psychologique (abstraite) sous
une forme concrète : le partenaire consolateur est un Kleenex, ne pas oser
s’affirmer, c’est se liquéfier, perdre le moral, c’est couler.

L’image porteuse de changement


La métaphore peut être une aide au changement. C’est ce que montre
l’exemple de Simon.
Simon, la soixantaine, récemment retraité, consulte pour une dépression. Au détour d’une
phrase, il lâche qu’il n’est plus que du bois mort. Lorsque je lui demande ce qu’il veut dire par
là, il répond qu’il n’est plus bon à rien sauf à brûler, qu’il encombre les autres, ne fait plus rien,
que son corps est de plus en plus raide…

L’image traduit-elle fidèlement la réalité ?


La métaphore du « bois mort » exprime le vécu dépressif mieux que
tous les symptômes que l’on trouve dans les livres de médecine. Au cours
du traitement, je propose à Simon d’examiner avec lui si l’image du bois
mort correspond exactement à ce qu’il ressent. L’hypothèse est que si
l’image traduit le comportement problématique, une autre image pourrait
symboliser le nouveau comportement à rechercher. Si l’image n’est pas
fidèle au comportement problématique, une autre image pourrait être
cherchée. Notre discussion aboutit à la conclusion que l’image du bois mort
est assez fidèle à ce que Simon ressent au fond de lui, à une différence
près : le bois mort est complètement inerte alors que Simon a encore
quelques activités. Il se lève le matin, il s’habille, il mange, il parle un peu
avec sa femme.

Trouver une image alternative


Lorsque je demande à Simon ce qu’il pourrait souhaiter de mieux
qu’être un bois mort, il déclare dans un premier temps qu’il ne voit pas, car
il n’a pas grande envie ni énergie. Puis il admet qu’il souffre de son état
actuel, et qu’il préférerait retrouver une certaine vigueur, celle d’un arbre
dans sa maturité, car il n’a plus l’âge ni l’envie de redevenir un bois vert.
Reste à voir avec Simon ce qu’il doit changer dans son comportement pour
qu’il puisse comparer son existence non plus à celle du bois mort, mais à
celle d’un arbre mûr. Simon accepte d’être un peu plus actif,
intellectuellement et physiquement, mais sans excès ni précipitation. Il
propose en outre à son épouse de sortir une fois par semaine, d’abord pour
une petite promenade puis pour aller au cinéma ou au restaurant. Après trois
mois environ de ce « régime », Simon estimera avoir atteint le but fixé, se
comporter comme un homme d’âge mûr.

Utilisez vos images pour changer


Les images sont des supports qui expriment de manière globale et dense
la situation actuelle. Elles orientent aussi vers le but à atteindre, vers le
comportement alternatif à rechercher. N’hésitez pas à prendre conscience
des images qui vous viennent spontanément à l’esprit pour décrire votre
problème, et notez-les sur votre carnet. Choisissez celle qui vous paraît
décrire le mieux votre comportement problématique. Si, après examen, il
vous semble qu’une autre image refléterait mieux votre problème, optez
pour celle-ci. Ensuite réfléchissez à une autre image qui correspondrait à
votre but, au comportement que vous souhaitez atteindre. Voici les images
alternatives correspondant aux images mentionnées précédemment :
Annie, au lieu de courir après des hommes Kleenex, se dit qu’elle va essayer de
rechercher désormais des compagnons qui soient plutôt des draps de lit, qui ne soient pas à jeter
après un usage unique, mais qui soient à la fois résistants et enveloppants, en compagnie de qui
elle ait envie de passer des moments agréables, mais qui la laissent aussi se reposer ou se
prélasser le dimanche matin.
André, au lieu de se liquéfier devant son patron, s’efforcera de se montrer solide sans être
dur.
Jean-Philippe se propose de ne plus être une victime éternelle mais un interlocuteur
respectable, en passant de la catégorie des chiens battus à celle des chiens de compagnie.
Roseline reconnaît qu’elle tangue dans les circonstances présentes, mais se dit qu’il faut
parfois toucher le fond pour remonter.

Quelques leitmotivs
« Arrête ton cinéma, tu n’es pas le centre du monde ! » Telle est la formule que dans sa
thérapie Philippe a appris à se répéter à lui-même au lieu d’agresser verbalement ses
interlocuteurs, lorsqu’il a l’impression que ceux-ci le regardent de travers et pensent des choses
déplaisantes de lui. Cela arrive un peu trop fréquemment à son goût, et lui gâche la vie, en
particulier dans les contacts sociaux et les sorties dans les lieux publics (magasins, restaurants,
poste, etc.). Philippe réagit tantôt en restant reclus chez lui, tantôt en se disputant avec ses
interlocuteurs (vendeuses, employés, etc.). Après une discussion nourrie, Philippe admet qu’il
ne peut pas lire les pensées des autres, et que, dans bien des circonstances où il se sent le point
de mire des gens, en réalité ceux-ci ne centrent pas leur attention sur lui.

Cette conclusion basée sur le raisonnement est le résultat de plusieurs


séances thérapeutiques, et elle reste fragile. Sur le terrain, sous le coup de
l’émotion, Philippe a tendance à reprendre son ancien comportement
consistant à se croire victime de la malveillance des autres. Le
raisonnement intellectuel patiemment construit en séance est inefficace car
Philippe est pris de vitesse par la montée de l’émotion. D’où la nécessité de
disposer d’une consigne facile à mémoriser, et qui résume dans une formule
simple l’essentiel de la démarche qui fonde le nouveau comportement.
Philippe a retenu l’expression : « Arrête ton cinéma, tu n’es pas le centre du
monde ! » Elle lui semblait la plus efficace sur le terrain, après en avoir
testé d’autres également, de signification proche, comme Les chiens
aboient, la caravane passe ! ou Laisse pisser le mérinos !

Une formule choc


L’effort de changer doit constamment surmonter la force de l’inertie,
cette tendance naturelle qui nous incite à suivre la pente descendante et
retourner au comportement ancien. Cette tendance est encore plus forte
lorsque l’émotion s’en mêle, ce qui se produit en cas de difficulté ou
d’imprévu. Sous le coup de l’émotion et de la difficulté, nous oublions vite
le comportement nouveau, récemment appris et encore fragile, pour
retrouver instinctivement les vieilles habitudes, même si celles-ci sont
contre-productives. C’est ce qui arrive à Philippe lorsque, malgré le
raisonnement maintes fois répété qui lui a montré qu’il n’en a aucune
preuve, il ne peut pas s’empêcher de penser que la vendeuse le trouve
stupide ou laid. La logique rationnelle est alors balayée par l’émotion
envahissante. Seule une formule choc, une consigne ayant des
caractéristiques semblables à l’émotion a une chance d’enrayer le retour au
comportement ancien. Ce que j’appelle dans mes traitements le
« leitmotiv » remplit cette fonction.

Quand on a tout oublié, se raccrocher au leitmotiv


En musique, le leitmotiv (en allemand, « motif conducteur ») est une
mélodie brève (pas plus de quelques secondes) qui revient souvent et qui
évoque immédiatement à l’oreille de l’auditeur un personnage, une
situation, ou un thème (l’argent, la puissance, l’amour, etc.). Ici, le leitmotiv
est une phrase brève qui résume l’essentiel du changement. Dans l’exemple
de Philippe, le problème est l’existence des pensées parasites persécutoires.
Le leitmotiv Arrête ton cinéma, tu n’es pas le centre du monde ! représente
un condensé de plusieurs séances thérapeutiques visant à remplacer la
pensée irrationnelle par une pensée plus rationnelle. Le leitmotiv a pour but
d’être utile sur le terrain pour neutraliser ses pensées parasites dès que
celles-ci se présentent et font monter l’émotion à une vitesse telle que le
raisonnement devient impuissant à contrecarrer les pensées irrationnelles.
Sous le coup de l’émotion, on peut oublier complètement ce qu’on a appris.
Pour être efficace, la consigne doit pouvoir être mémorisée facilement.
Choisissez donc une phrase courte, si possible imagée, qui résume ce que
vous avez à faire dans une situation donnée. Vous l’utiliserez comme une
devise vous aidant à ne pas retomber dans votre comportement ancien,
lorsque vous êtes en difficulté et/ou que vous avez oublié ce que vous devez
faire.

Notez vos leitmotivs


Une démarche de changement compte plusieurs étapes puisque le
comportement cible est atteint progressivement, par étapes successives. À la
fin de chaque étape, cherchez une formule brève, qui vous parle
immédiatement, et qui résume ce que vous devez faire pour cette étape de
votre changement. Comme la métaphore, le leitmotiv sollicite les deux
cerveaux, puisqu’il présente un contenu abstrait de manière imagée. Notez
soigneusement le leitmotiv dans votre carnet, en le mettant en évidence, par
exemple en l’écrivant d’une couleur vive, de manière que vous puissiez le
retrouver facilement et l’apprendre par cœur. À la fin de votre démarche,
vous aurez probablement plusieurs leitmotivs à disposition. N’en utilisez
pas trop car vous n’arriverez pas à vous souvenir de tous ! Une demi-
douzaine de leitmotivs est un nombre qu’il ne faudrait pas dépasser pour
qu’ils restent efficaces. Sachez vous en souvenir en cas de difficulté pour
vous accrocher à eux et ainsi maintenir le comportement nouveau au lieu de
retomber dans l’ancien. Voici à titre d’exemples quelques leitmotivs qui ont
aidé mes patients :
« Ferme la bouche ! », leitmotiv utile pour plusieurs patients souffrant de panique.
« Laisse tomber ! », leitmotiv d’un patient impulsif porté à la bagarre.
« As-tu la preuve ? », leitmotiv d’une patiente interprétant tous les comportements de son
petit ami comme le signe qu’il ne l’aime plus.
« Fais le gros dos ! », leitmotiv d’un patient ayant tendance à réagir trop
émotionnellement dans beaucoup de situations.
« Les plumes du canard ! », leitmotiv ayant un sens voisin du précédent, d’un patient
prenant trop vite pour lui des remarques et critiques s’adressant à sa fonction plus qu’à sa
personne. Le but est de laisser les paroles déplaisantes lui glisser dessus sans le toucher
profondément.

Trouvez vos propres leitmotivs


Cherchez vos propres leitmotivs, ceux qui vous parlent, qui
correspondent le mieux à votre situation et à votre tempérament. Plusieurs
leitmotivs ont la forme impérative. Cela s’explique par le fait que le
leitmotiv a valeur de consigne, une instruction que vous vous donnez à
vous-même. De plus, l’impératif a un caractère émotionnel, souligné par le
point d’exclamation, qui convient bien à la fonction du leitmotiv. Les
expressions populaires, les dictons, les fables de La Fontaine procurent de
bons leitmotivs. Quelques exemples :
• Je plie mais ne romps pas, d’un patient « raide » face aux autres, qui
avait à tort l’impression que faire preuve de souplesse revenait à se
soumettre.
• Pierre qui roule n’amasse pas mousse, d’un patient qui court
d’aventure en aventure tout en se lamentant de ne pas avoir encore construit
de famille.
• Rien ne sert de courir, il faut partir à temps, d’une étudiante en
difficulté dans ses études car elle s’y prend à la dernière minute pour
préparer ses travaux et ses examens.
• Le mieux est l’ennemi du bien, d’une patiente perfectionniste.
Les principaux leitmotivs du livre sont réunis à la fin de l’ouvrage.
Choisissez ceux qui vous semblent utiles comme formules de secours quand
vous êtes en panne.

Un carnet

Un outil adapté à vos besoins


Un carnet est un auxiliaire indispensable à une démarche méthodique de
changement lorsque celle-ci est d’une certaine ampleur, d’une certaine
durée. Votre carnet est à la fois un journal de bord, un fil conducteur et un
guide pour l’action. Choisissez un carnet de petite taille, facile à porter sur
vous, de manière à pouvoir y relever des faits en rapport avec votre
problème dès qu’ils se produisent. Ou des idées qui vous traversent l’esprit
en rapport avec votre démarche. Si vous attendez la fin de la journée, il y a
de fortes chances que vous ayez oublié des détails essentiels. Vous pouvez
choisir soit un agenda soit un carnet vierge. L’agenda a l’avantage de vous
servir de pense-bête si vous notez chaque jour la tâche à accomplir et la
tâche accomplie. Il présente l’inconvénient d’être rigide, puisque chaque
jour dispose du même espace, une page, alors qu’en réalité, certains jours il
se passe beaucoup de choses et d’autres peu. Choisissez le type de support
qui vous convient le mieux.

Un guide pour l’action


Pendant toute votre démarche de changement, utilisez le carnet comme
un journal de bord et un aide-mémoire. Notez-y les tâches quotidiennes que
vous vous fixez, et le résultat, soit par une simple marque, par exemple √,
ou un commentaire, par exemple pas de problème, ou difficile ou pas
réussi. Ne négligez pas la tâche d’écrire vos observations, car on s’est rendu
compte que le seul fait d’écrire facilite le changement. Écrire aide à prendre
conscience, donc à corriger. Ne dit-on pas qu’un problème bien posé est à
moitié résolu ? En ayant votre carnet toujours sur vous, vous pouvez y
relever immédiatement toutes les idées qui vous viennent concernant votre
entreprise, comme je l’ai fait moi-même pendant la rédaction de ce livre. Si
je ne le faisais pas tout de suite, je me rendais compte à la fin de la journée
que j’avais oublié telle idée qui m’était venue dans la journée, et qui
semblait intéressante sur le moment. Au moment de rédiger mon texte, je
parcourais rapidement mes notes pour retrouver celles qui pouvaient
concerner le chapitre en question. Je choisissais alors les idées qui me
semblaient mériter d’être retenues.
Chapitre 9
Les ennemis
du changement
« On ne se débarrasse pas d’une habitude en la flanquant par
la fenêtre. Il faut lui faire descendre l’escalier marche par
marche. »
Mark TWAIN

Les freins au changement sont nombreux et puissants. Il y a les


obstacles situés à l’intérieur de vous-même et ceux qui proviennent de
l’extérieur. Nous ne nous attarderons pas sur les obstacles extérieurs. Ils
sont inévitables et ne dépendent pas de vous. Bornez-vous à reconnaître
leur existence et à les prendre en compte de manière réaliste dans votre
appréciation de la situation. Expliquez à votre entourage le sens de votre
démarche lorsque celle-ci se heurte à des résistances. Mais réservez votre
énergie à ce qui dépend de vous, aux ennemis du changement situés en
vous-même. Ils sont coriaces et difficiles à combattre car peu visibles. Il y a
les forces qui, en vous, tendent à maintenir le comportement ancien, et
celles qui s’opposent à la découverte de comportements nouveaux. Parmi
les premières il faut compter la force de l’habitude et les bénéfices retirés de
votre comportement actuel. Parmi les secondes, l’évitement et la peur de
changer. Attention aussi à ne pas vous tromper de cible, ni à tomber dans le
piège du « tout ou rien » dans l’approche du problème.

L’habitude
L’habitude, aide et obstacle au changement
L’habitude est nécessaire pour changer. C’est par l’exposition répétée à
un contexte nouveau ou difficile, à des sensations ou à des pensées
nouvelles ou pénibles, que le stress de la nouveauté diminue et que le
nouveau comportement peut s’instaurer durablement. Mais la mauvaise
nouvelle, c’est qu’un comportement solidement installé grâce à l’habitude
est difficile à déloger. Le pli est pris, le circuit neuronal bien établi, le
comportement habituel représente la pente naturelle. Il est même devenu
automatique lorsqu’il est pris en charge par le cervelet, une partie du
cerveau largement indépendant du néocortex, siège de la volonté et de la
conscience. À l’inverse, pour faire apparaître et survivre le nouveau
comportement, vous aurez besoin de volonté, d’efforts et de patience,
jusqu’à ce qu’il soit lui-même assez solidement établi pour être devenu une
habitude et prendre le dessus sur le comportement ancien.

Repérez l’habitude
Chaque fois que vous revenez à votre comportement ancien, arrêtez-
vous un instant et posez-vous la question : « Ai-je une raison valable d’agir
ainsi ? » Il se peut que la réponse soit « oui », par exemple vous en retirez
un bénéfice. Dans ce cas, examinez la valeur de ce bénéfice selon la
méthode présentée au paragraphe suivant. Si vous ne trouvez pas de
justification raisonnable à votre comportement, il est probable que celui-ci
ne soit fondé que sur la force de l’habitude. Appliquez alors les
recommandations qui suivent.

Prenez conscience
Luttez contre le caractère automatique et non inconscient du
comportement basé sur l’habitude. Pour cela, utilisez votre carnet comme
un moyen de vous rappeler chaque jour l’effort à fournir ou le leitmotiv à
suivre. Placez des Post-it dans les endroits de votre environnement
quotidien où le comportement problématique se produit le plus souvent.
L’arrêt sur image, un moyen de lutter contre
l’automatisme
Dès que vous reprenez le comportement problématique au lieu du
comportement nouveau que vous essayez d’installer, arrêtez-vous un
moment. Prenez quelques secondes pour réfléchir, donnez-vous la
possibilité de résister au comportement ancien. Imaginez cette pause
comme un « arrêt sur image ». L’arrêt sur image consiste à arrêter un film
qui défile, pour examiner une scène en détail. Ici, le film est le cours de
votre comportement qui suit sa pente habituelle. Arrêtez le film un instant
pour prendre conscience de ce que vous êtes en train de faire avant d’être
pris dans l’engrenage du comportement automatique.
Alain souffre d’obsessions de saleté depuis des années. Il se lave les mains très
soigneusement dès qu’il a touché un objet « sale » à ses yeux, comme une poignée de porte, le
siège du tram, la main d’un collègue, le courrier qui arrive au bureau, etc. Ce comportement
est devenu une habitude, un automatisme qui se met tellement rapidement en place qu’Alain ne
parvient pas à résister au besoin de se laver les mains compulsivement des dizaines de fois par
jour, même s’il juge ce comportement complètement irrationnel, coûteux (il achète plusieurs
flacons de savon par semaine) et douloureux (ses mains sont souvent en sang, à force d’être
frottées). Pour l’aider à résister au besoin de se laver, je propose à Alain d’intercaler une brève
pause entre le moment où il pense s’être sali et le lavage de mains. Pendant cette pause,
d’environ 30 secondes, il a pour tâche d’attendre un peu avant de se laver, autrement dit
d’arrêter le cours du comportement automatique. La pause a pour but de donner à Alain
l’opportunité de se retenir d’effectuer son rituel de lavage sans réfléchir. Il peut toujours
décider de se laver, mais ce sera devenu un comportement volontaire, donc en partie
contrôlable.

Vous pouvez appliquer la technique de l’arrêt sur image à tout


comportement indésirable que vous avez tendance à effectuer
automatiquement, par habitude.

Les bénéfices cachés

Tout comportement présente des avantages et des


inconvénients
Un comportement qui dure n’est pas seulement entretenu par la force de
l’habitude. Il l’est aussi par les bénéfices qu’il procure. Un comportement
installé dans la durée, même s’il semble inutile et source de souffrance, a
toujours des conséquences positives, à côté de ses effets négatifs. La
question n’est donc pas de savoir si le comportement que vous désirez
changer présente, à côté de ses inconvénients, des avantages. Partez du
principe que ceux-ci existent. Partez à leur recherche car ils peuvent être
peu apparents, ou même complètement cachés à vos yeux. Dans ce cas,
c’est à votre insu qu’ils renforcent le comportement que vous aimeriez
changer.

Recherchez les bénéfices cachés de votre


comportement actuel
Évaluez de manière aussi objective que possible les avantages de votre
comportement actuel, en vous posant deux questions :
1. Si je suis honnête avec moi-même, quels sont les bénéfices que je
retire de mon comportement actuel, pour moi-même et pour mes relations
avec les autres ? S’agit-il de bénéfices à court terme ou à plus long terme ?
2. Si je changeais quelque chose dans mon comportement actuel, quels
seraient les inconvénients, pour moi-même et pour mes relations avec les
autres ? S’agirait-il d’inconvénients à court ou à long terme ?

Sachez renoncer aux bénéfices à court terme


Une fois que vous avez identifié les bénéfices cachés que vous retirez
de votre comportement actuel, le plus difficile est fait. Il vous reste à
comparer ces bénéfices aux inconvénients qui vous poussent à changer de
comportement. Lorsque vous soupesez avantages et inconvénients du
comportement actuel, distinguez le court et le long terme, et donnez la
préférence à ce dernier. Donnez plus de poids aux avantages durables, et
sachez renoncer au comportement qui vous procure surtout des satisfactions
immédiates ou de courte durée. Vous trouvez au chapitre 4 un exemple
d’évaluation comparative des avantages et inconvénients escomptés d’un
comportement.

L’évitement

Éviter le problème est rarement la solution


Certains pensent que les problèmes se règlent tout seuls et qu’il n’est
pas besoin de se donner beaucoup de mal pour chercher à les résoudre.
Cette opinion se vérifie parfois, mais ce n’est pas la règle. Chacun a connu
la situation où, après une bonne nuit de repos ou à la faveur d’une
conversation avec un ami, un problème qui semblait insoluble paraît tout
d’un coup simple à résoudre. À y regarder de plus près, ce retournement de
situation est dû au fait que le problème était mal posé ou que la manière de
l’appréhender était inadaptée. La nuit de repos ou la conversation avec
l’ami permet de voir les choses autrement, et ainsi de trouver plus
facilement une solution. Le problème ne s’est pas résolu tout seul, il est
seulement vu sous un angle différent. Lorsqu’un problème dure depuis un
certain temps, il est rare qu’un simple changement de perspective suffise à
le résoudre, même si cela peut y contribuer. Dans ce cas, éviter le problème
en attendant qu’il se résolve tout seul l’aggrave. L’effort à fournir pour
changer n’en sera que plus grand. Conclusion, prenez votre problème en
main avant qu’il ne vous mène par le bout du nez !

La peur de changer
« On sait ce qu’on perd, mais on ne sait pas ce qu’on va gagner »,
proclame la sagesse populaire face à un changement annoncé. La peur de la
nouveauté et de l’inconnu est avec l’inertie (l’effort à fournir pour
s’ébranler) le principal motif qui pousse à éviter les problèmes et à
repousser à plus tard la recherche de solutions.

La peur de l’inconnu
Tout changement comprend une part d’inconnu, porteuse aussi bien de
risques que d’espoirs. La nouveauté et l’inconnu sollicitent notre capacité
de renouvellement et d’adaptation tout en étant imprévisibles. En cela, il est
normal que l’idée du changement et le changement lui-même provoquent
un certain stress. Le stress est stimulant, pour autant qu’il ne dépasse pas les
bornes. Lorsque l’appréhension face au changement tourne à la peur et vous
paralyse, il faut se demander si votre peur est justifiée, réaliste, ou s’il s’agit
d’une peur excessive, irrationnelle. La première est à prendre en compte,
car elle nous signale un réel danger. La seconde doit être gérée, faute de
quoi elle réduira à néant tous vos espoirs de changement.
Respectez votre peur si elle est fondée
La peur est un signal de danger. Elle permet aux individus et aux
espèces de survivre en les avertissant des dangers présents dans
l’environnement. Certaines personnes, trop sensibilisées aux dangers de
toute sorte, n’entreprennent rien. D’autres, à l’inverse, en particulier les
adolescents et les sujets de sexe masculin, minimisent les signaux de danger
et se tuent « bêtement » dans des accidents évitables ou des activités dont
ils ont sous-estimé les risques. La peur excessive et la témérité sont aussi
mauvaises conseillères l’une que l’autre. Si vous vous retenez d’explorer de
nouveaux comportements par la peur des risques encourus, évaluez leurs
risques aussi objectivement que possible, en les comparant aux bénéfices
escomptés. Pour vous aider à être plus objectif, faites cette évaluation en
compagnie d’un ami ou d’un proche lorsque c’est possible. Sinon, utilisez
la technique de décentration. Imaginez que c’est un ami proche qui
envisage le changement de comportement que vous souhaitez pour vous-
même. Examinez les avantages et inconvénients ou risques que cet ami
encourrait, et donnez-lui un conseil sur la base de votre évaluation. Pour
terminer l’exercice, recentrez-vous en vous demandant si vous pouvez
suivre la suggestion que vous avez faite en imagination à votre ami, c’est-à-
dire en réalité à vous-même.
Jean-Pierre, la quarantaine, souffre d’un « trouble bipolaire » depuis près de vingt ans.
Dès la fin de son adolescence, il a présenté des épisodes dépressifs et maniaques (le contraire
de la dépression) très graves, qui l’ont conduit plusieurs fois en hôpital psychiatrique. De ce
fait, il n’a pas pu terminer ses études universitaires. Il gagne néanmoins sa vie, il s’est marié et
a deux enfants. Depuis une dizaine d’années il suit un traitement de lithium qui a pour but de
stabiliser son humeur. Même si son humeur reste fragile, il n’a plus présenté depuis lors de
graves épisodes nécessitant une hospitalisation. Il aimerait maintenant arrêter le traitement de
lithium, pour éprouver le plaisir de vivre normalement, sans béquille médicamenteuse. Jean-
Pierre se montre toutefois inquiet des conséquences possibles. Nous examinons ensemble les
avantages et les inconvénients escomptés. Parmi les premiers, on relève la suppression des
contrôles sanguins, l’arrêt des effets indésirables, surtout la prise de poids. L’inconvénient
majeur est le risque d’une rechute sérieuse, dépressive ou maniaque. Cet argument l’emporte
sur tous les autres aux yeux de Jean-Pierre. Après avoir parlé avec son épouse, Jean-Pierre se
décide à garder son traitement de lithium.

Le « tout ou rien »

Toujours dans les extrêmes ?


Le « tout ou rien » est un style de comportement porté sur les extrêmes
dans tous les domaines : actions, sensations, pensées. Le juste milieu est
considéré comme insipide, sans intérêt, ou hors de portée. Certaines
personnes souffrent de leur caractère en « tout ou rien » car elles constatent
que leurs réactions sont excessives, mais elles se sentent malgré tout
incapables d’adopter une attitude plus mesurée. Vous vous reconnaîtrez un
caractère « tout ou rien » si votre humeur oscille le plus souvent entre
l’exaltation enthousiaste et l’abattement complet. Si, dans l’action, vous
êtes partisan du « tout, tout de suite ! ». Si la sérénité est un état inconnu de
vous. Si vos opinions sont tranchées en tout. Si vous ne supportez
absolument pas de faire les choses à moitié. Si vous voyez toujours les
choses en noir et blanc, sans nuances. Typiquement, le style « tout ou rien »
se repère dans la manière de parler et de penser. Prêtez un peu d’attention à
votre discours. Examinez s’il vous arrive souvent de dire, ou de vous dire à
vous-même : toujours, jamais, rien, tout, totalement, absolument,
absolument pas, etc. Dans ce cas, les recommandations sur le « tout ou
rien » vous concernent.

Pourquoi le « tout ou rien » est-il l’ennemi du


changement ?
Le « tout ou rien » est bon pour le courant électrique. Il ne fait pas bon
ménage avec la réalité humaine et avec le changement. Le changement
durable se produit par l’exploration de proche en proche de situations
nouvelles. S’attaquer à une situation trop radicalement différente de ce que
l’on est capable de gérer a bien des chances d’aboutir à l’échec et au
découragement. Comme dit la sagesse populaire, il ne faut pas avoir les
yeux plus gros que le ventre. Une autre manière de comprendre pourquoi le
« tout ou rien » est ennemi du changement durable est de regarder un
mouvement de balancier, une cloche ou une balançoire. Plus le déplacement
du balancier d’un côté est extrême, plus le retour de l’autre côté l’est aussi.
Une position extrême ne peut pas être maintenue longtemps, et la seule
alternative au « tout » est le « rien », et réciproquement. Avec le style « tout
ou rien », le risque est de partir « tout feu tout flamme » dans une direction,
puis de rebrousser chemin parce que le résultat attendu n’est pas obtenu, ou
ne peut pas être maintenu. De repartir ensuite dans une tout autre direction,
avec autant d’enthousiasme et avec les mêmes conséquences. Bref, le « tout
ou rien » est synonyme d’inconstance, c’est une attitude difficilement
compatible avec le changement durable, qui exige régularité et
persévérance dans l’effort.
Sophie a une vie sentimentale agitée. En une dizaine d’années, depuis l’âge de 16 ans, elle
a connu plusieurs relations passionnelles et autant de ruptures tumultueuses. Elle consulte
parce qu’elle est en crise après une nouvelle rupture, et qu’elle aimerait comprendre pourquoi
elle n’arrive pas à garder ses compagnons. L’examen du problème met en évidence, entre
autres choses, un fonctionnement de type « tout ou rien » dans sa vie sentimentale. Cela la
conduit à idéaliser dans un premier temps chaque nouvel ami, ce qui est normal. Ce qui l’est
moins, c’est qu’au bout de quelques mois, lorsque la réalité commence à reprendre le dessus,
Sophie ne supporte pas que la relation ne soit pas un « feu d’artifice » permanent, elle passe
très vite de l’idéalisation au dénigrement sans appel de son compagnon. La rupture survient,
selon les cas, soit parce que l’ami est excédé des attentes et des critiques de Sophie, soit parce
qu’elle-même préfère rompre avant de sombrer dans la routine.

Dans le cas de Sophie, le fonctionnement en « tout ou rien » s’est aussi


manifesté dans la psychothérapie, et s’est avéré fatal pour celle-ci. À
chacune des séances (cinq au total), Sophie se montrait enthousiaste pour ce
qu’elle découvrait, et pensait avoir trouvé la clé de ses problèmes. En
réalité, elle comprenait très bien intellectuellement les mécanismes de son
comportement sentimental. Mais pour changer effectivement de
comportement, comprendre ne suffit pas, et on n’obtient pas de résultat tout
de suite. Déçue de constater que je lui proposais une démarche impliquant
beaucoup de patience et de modestie dans les attentes, Sophie a préféré
mettre fin au traitement.

Pas de révolution, mais un objectif réaliste


Ne cherchez pas à faire la révolution dans votre vie. Une révolution est,
par définition, un tour complet sur soi-même qui ramène au point de
départ ! Méfiez-vous de votre impulsivité, de votre goût pour le « tout, tout
de suite ! ». Il risque de vous ramener à la case départ après une avancée
spectaculaire. Visez un objectif réellement ambitieux, c’est-à-dire réaliste.
Le mieux que vous puissiez souhaiter est une évolution limitée mais
significative de votre comportement dans un domaine déterminé.

Se tromper de cible
Le problème se situe-t-il chez vous ou hors de vous ?
Pour être efficace, votre démarche de changement doit évidemment
viser la bonne cible. Cela veut dire que vous devez avoir identifié
correctement la source du problème. Il y a deux mille ans déjà, Épictète
nous incitait à nous concentrer sur ce qui dépend de nous, et à ne pas
gaspiller notre énergie en nous occupant de sujets sur lesquels nous n’avons
aucune prise. Dans votre analyse du problème, accordez un soin particulier
à le situer soigneusement : en vous ou hors de vous ? Lorsqu’un événement
se produit, nous pouvons considérer que sa responsabilité nous incombe
totalement, que la cause de l’événement se situe en nous-même, dans notre
comportement ou notre personnalité. Nous pouvons aussi penser que la
cause de l’événement est tout à fait extérieure à nous, qu’elle se situe par
exemple chez les autres, dans l’environnement, ou que l’événement est dû
au hasard. On peut enfin être d’avis que la cause de l’événement en
question se trouve quelque part entre ces deux extrêmes, l’intérieur et
l’extérieur, plus ou moins près de l’un ou de l’autre selon les cas.

Où situez-vous la cause du problème ?


Le psychologue américain Julian Rotter a introduit la notion de « lieu
de contrôle » (locus of control) pour désigner l’« endroit » où nous croyons
que se jouent les événements qui nous concernent, à l’intérieur ou à
l’extérieur de nous-même. Les personnes dont le lieu de contrôle est interne
sont persuadées que tout ce qui leur arrive dépend d’elles, de leur volonté,
de leurs capacités, de leur comportement. Elles ont un sens élevé de leur
propre responsabilité. Les personnes qui privilégient le lieu de contrôle
externe sont au contraire fatalistes et pensent que leur sort dépend avant
tout de l’extérieur, des circonstances, des autres, du hasard ou de la
Providence.
Lieu de contrôle
Les hommes auraient un lieu de contrôle plus interne alors qu’il serait
plus externe pour les femmes. Les dépressifs situent le lieu de contrôle à
l’intérieur pour les événements négatifs, ils se sentent responsables de tout
ce qui va mal. En revanche, ils le situent à l’extérieur pour les événements
positifs : s’ils ont réussi un examen, c’est à cause de la chance, si leurs
enfants vont bien, c’est grâce à leur conjoint, etc. En réalité, il existe une
continuité entre lieu de contrôle interne et externe. Les événements
dépendent plus ou moins de nous, ou plus ou moins de l’extérieur. Chaque
événement possède son lieu de contrôle, et ce lieu varie pour la même
personne selon ses expériences, selon son humeur du moment, ou selon sa
position par rapport à l’événement.

C’est sa faute… ce n’est pas ma faute


« C’est le fait d’un ignorant d’accuser les autres de ses propres échecs.
Celui qui a commencé de s’instruire s’en accuse lui-même. Celui qui est
instruit n’en accuse ni autrui ni lui-même », disait Épictète. Des études ont
montré que la manière d’attribuer la cause des événements à soi-même ou à
des facteurs extérieurs est souvent biaisée. C’est ainsi que lorsque les
événements arrivent aux autres, nous aurions tendance à surestimer la part
de leur responsabilité personnelle : C’est sa faute ! Il y aurait une tendance
inverse pour les événements qui arrivent à nous-mêmes. Dans ce cas, nous
serions enclins à donner plus d’importance aux facteurs externes qu’à notre
propre comportement : Ce n’est pas ma faute ! Dans votre démarche, dès
l’évaluation de départ mais également en cours de route, assurez-vous que
vous avez travaillé sur la bonne cible. Faites la part de ce qui vous incombe
dans la survenue et dans le maintien du problème, et concentrez vos efforts
sur cette partie du problème exclusivement. Faites également la part des
facteurs extérieurs qui ne dépendent pas de vous (les autres, le contexte, la
malchance, etc.) pour vous en accommoder au mieux. Il est inutile de
reporter la responsabilité de nos problèmes sur les autres. Il l’est tout autant
de nous charger de problèmes sur lesquels nous n’avons pas de prise.

« Occupez-vous de vos oignons »


Renoncez à vouloir changer quelqu’un d’autre ou ce qui est hors de
votre contrôle. Mais ne commettez pas l’erreur inverse, qui va d’ailleurs
souvent de pair avec la première, négliger de changer ce qui dépend de
vous. Autrement dit : occupez-vous de vos oignons, et seulement d’eux, et
ne laissez pas les autres s’en occuper !
Janine est mariée depuis plus de trente ans avec un homme colérique, qui ne supporte pas
d’avoir tort. Depuis trente ans, ils ont des scènes violentes à répétition, tout en ne pouvant pas
se passer l’un de l’autre. Janine se plaint que son mari ne change pas et que ce soit toujours à
elle de céder à la fin.
En regardant de plus près le déroulement des disputes, nous constatons que la
contribution de Janine aux scènes de ménage est bien réelle, même si elle est moins bruyante
que celle de son mari. En effet, elle ne peut pas s’empêcher de lui faire remarquer qu’il a tort
sur tel ou tel point. Même si elle a raison « objectivement », cette attitude est contre-productive
et inutile. Contre-productive car elle provoque une flambée d’agressivité du mari, et une
nouvelle escalade de violence verbale entre eux deux. Inutile car elle n’a pas le pouvoir
d’« injecter » ses pensées à la place de celles de son mari. Plus elle lui montre en quoi il a tort,
plus il s’obstine dans sa position. Sur la base de cette analyse, nous convenons que Janine
s’efforcera dorénavant de se concentrer sur son propre comportement au lieu de s’occuper de
celui de son mari. S’il émet une opinion manifestement erronée, elle se bornera à lui dire C’est
ton point de vue ou C’est ton droit de penser ainsi, mais moi je vois les choses autrement, sans
chercher à convaincre son mari de son erreur.
Troisième partie
Bouger
dans sa vie
Chapitre 10
Vivre mieux
avec soi-même
« Quand on ne trouve pas son repos en soi-même, il est
inutile de le chercher ailleurs. »
François de LA ROCHEFOUCAULD

Les petits changements qui aident à vivre avec soi-


même
Nous ne sommes pas toujours une bonne compagnie pour nous-mêmes.
Il nous arrive à certains moments de ne pas nous aimer, de nous trouver
moins bien que les autres, d’être tourmentés par nos propres pensées. Peut-
être êtes-vous de ceux pour qui ces sentiments ne sont pas occasionnels,
mais habituels. Ils empoisonnent votre vie et vous vous demandez
certainement comment améliorer vos rapports avec vous-même. Et avec les
autres, car il est difficile d’avoir des relations sereines avec les autres quand
on n’est pas en paix avec soi-même. La psychothérapie peut apporter des
réponses, mais cette solution n’est pas à la portée de chacun, pour des
raisons de disposition personnelle, de disponibilité ou d’argent. Dans ma
pratique psychothérapeutique, j’ai observé qu’il suffit parfois de petits
changements pour que le patient soit mieux à même de s’apprécier à sa
juste valeur. Si vous n’êtes pas heureux, dans certaines circonstances ou
plus durablement, voici quelques pistes pour faire la paix avec vous-même,
retrouver votre propre estime et des attentes réalistes. Certaines relèvent du
« faire avec » soi-même : s’accepter, se respecter, ne pas chercher à prouver
sa valeur ou à courir après son image. D’autres du « faire autrement » avec
soi-même : se traiter plus équitablement, ne plus confondre la réalité
intérieure et la réalité extérieure.

Respectez-vous

Respectez-vous comme vous respectez les autres, ni


plus ni moins
Je suis toujours étonné de constater à quel point certains patients
éprouvent peu de respect pour eux-mêmes. Ils montrent beaucoup plus de
respect pour les autres, pour des idées, pour un travail ou pour un animal,
que pour leur propre personne. Pour beaucoup de patients, c’est une
manière d’être, une perception d’eux-mêmes dont ils souffrent mais qui
s’impose à eux contre leur gré, comme un automatisme. Lorsqu’elle est
habituelle, cette manière de se considérer remonte à très longtemps, à
l’enfance ou à l’adolescence. Quel que soit le moment où vous avez
commencé à vous mésestimer, il demeure toujours possible de développer
un peu plus de considération pour vous-même. De petites attentions pour
soi-même suffisent parfois pour se sentir mieux. Pourquoi ne pas appliquer
la règle selon laquelle vous méritez autant de respect que celui que vous
manifestez aux autres, ni plus, ni moins ? Examinez la manière dont vous
traitez les autres, et prenez l’habitude d’en faire autant avec vous-même.
Voici quelques idées d’application pratique de ce principe.

Respectez vos opinions, vos goûts, votre corps


Accordez la même attention et le même intérêt à vos idées, à vos
opinions, à vos goûts, qu’à ceux de vos proches et de vos amis. Exprimez
vos opinions, vos goûts comme vous trouvez normal que les autres le
fassent. Traitez votre corps comme vous trouvez normal que votre conjoint,
vos proches, vos amis chers traitent le leur.
Danielle séjourne pendant quelques jours dans une grande capitale en compagnie de son
mari. Celui-ci aime fréquenter les musées et les lieux culturels. Jusqu’à maintenant, dans ces
circonstances, Danielle a toujours suivi son mari, même si la peinture et les arts ne sont pas ses
tasses de thé. Elle n’a jamais osé lui dire qu’elle préférerait visiter les boutiques et les grands
magasins, jugeant elle-même ces intérêts futiles. Mais cette fois, sur la lancée de sa thérapie,
elle a pris son courage à deux mains pour annoncer à son mari qu’elle avait l’intention de
passer un après-midi dans les boutiques de mode et les grands magasins. Le mari, surpris dans
un premier temps, lui a répondu : « Mais c’est une très bonne idée ! »

Demandez le juste prix de votre travail


Tout travail mérite salaire. Si vous exécutez un travail pour quelqu’un,
demandez le prix que vous trouveriez normal qu’il vous demande si c’était
lui qui faisait le travail pour vous. De même si c’est un travail non rétribué
en argent. Sur votre lieu de travail, si vous rendez un service à un collègue
ou au patron, n’hésitez pas à demander qu’on vous rende la pareille lorsque
l’occasion se présente. Si quelqu’un vous doit quelque chose, en argent, en
nature ou en service, réclamez-lui votre dû, poliment mais fermement, s’il
ne se manifeste pas spontanément dans un délai raisonnable. N’attendez pas
d’être gêné ou aigri pour le faire, car vous risquez alors d’exprimer votre
demande de manière agressive, ce qui pourrait détériorer inutilement la
relation avec votre débiteur.

Ménagez-vous, prenez du bon temps


Accordez-vous des moments de détente et de repos comme vous
trouvez normal que votre conjoint, vos enfants, vos amis, vos collègues, vos
subordonnés le fassent. N’ayez pas honte, n’hésitez pas à refuser de vous
laisser déranger, à signaler aux autres que vous vous reposez ou que vous
prenez un moment de détente, ou un café avec un ami.

Félicitez-vous, récompensez-vous
Lorsque vous avez réussi une tâche, un examen, une invitation, etc.,
félicitez-vous comme vous féliciteriez un proche ou un ami qui aurait
obtenu le même résultat. Si c’est une réussite qui vous a coûté des efforts
importants, même si vous jugez que ce n’est rien du tout, accordez-vous
une gratification, un petit plaisir comme vous trouveriez normal de
l’accorder à un proche ou un ami qui aurait obtenu la même réussite que
vous.

Ne cherchez pas à prouver votre valeur, elle va de soi


« Je me sens toujours nul »
Après un échec, après une épreuve, ou lorsqu’on souffre de dépression,
il est normal d’éprouver le sentiment d’être nul ou inutile. Pour certains de
mes patients, et peut-être êtes-vous dans cette situation, le sentiment d’être
sans valeur n’est pas réservé aux moments difficiles. Il surgit à tout moment
car il correspond au jugement qu’ils portent habituellement sur eux-mêmes.
Myriam a 32 ans. Elle a traversé plusieurs épisodes de dépression, survenus en général
après des échecs sentimentaux. Elle consulte parce qu’elle a noué il y a environ six mois une
relation avec un nouvel ami, et qu’elle a peur de retomber dans un schéma qui s’est déjà répété
trois fois, selon le scénario suivant : Myriam commence une nouvelle relation sentimentale – au
bout d’un moment elle a l’impression d’être sans valeur aux yeux de son ami – elle le harcèle
pour qu’il la rassure – il en a marre et finit par la quitter – elle plonge en dépression… Depuis
quelque temps, après une période de « lune de miel » sans nuage, Myriam constate que son ami
se montre moins attentionné qu’au début de leur relation. Elle ressent à nouveau des doutes sur
sa propre valeur, se demandant si elle est assez « intéressante » pour lui. Dans sa vie
professionnelle aussi, il lui arrive de se dire qu’elle est « nulle, pas à la hauteur », au point de
refuser un poste à responsabilité qui lui était proposé.

Avez-vous une mauvaise estime de vous-même ?


La mauvaise estime de soi se traduit par toutes sortes de
comportements. Certains, comme Myriam, éprouvent le besoin de se
rassurer constamment auprès des autres, au point de les lasser. D’autres sont
toujours en train de se comparer (défavorablement) aux autres, ce qui mine
leur moral. D’autres encore cherchent de toutes les manières à oublier grâce
à l’alcool, ou à compenser leur sentiment de non-valeur. Ils se lancent dans
des activités effrénées et multiples, flirtent avec le danger, provoquent des
bagarres, abusent de l’alcool, de la nourriture, de la vitesse au volant,
travaillent trop, se montrent trop perfectionnistes, multiplient les relations
amoureuses, etc. Tous ces moyens de se prouver sa propre valeur, ou de la
prouver aux autres, sont épuisants à long terme. Ils peuvent être dangereux
pour la santé voire pour la vie.

Exercice
Pourquoi avez-vous de l’estime pour quelqu’un ?

Prenez un moment pour l’exercice suivant, qui consiste à vous


demander pourquoi vous estimez quelqu’un que vous appréciez
beaucoup, votre partenaire ou conjoint, tel proche, ou toute autre
personne que vous aimez et respectez. Votre estime varie-t-elle en
fonction des circonstances ? Probablement pas. Il est plus
vraisemblable que la valeur de cette personne à vos yeux soit une
donnée solide, peu sensible aux mouvements d’humeur qui vous
agitent l’un et l’autre. Sa valeur à vos yeux dépend avant tout des
liens qui existent entre vous, des expériences que vous avez partagées,
heureuses ou douloureuses, des affinités de goût et d’intérêt qui vous
unissent. Bref, de ce que cette personne est pour vous. Or tous ces
éléments, qui font la valeur de cette personne à vos yeux, existent par
eux-mêmes, et souvent de longue date. Ils sont solides et ils ne s’usent
pas avec le temps. C’est pour cela que vous n’éprouvez pas le besoin
de démontrer la valeur de ceux que vous aimez et appréciez.

Pourquoi cette personne vous apprécie-t-elle ?

Maintenant, prenez un peu de recul et, par l’imagination, mettez-


vous à la place de la personne qui vous est chère et dont vous venez
d’évaluer sur quoi se base l’estime que vous lui portez. Livrez-vous au
même exercice que tout à l’heure, mais en évaluant ce que cette
personne apprécie en vous. N’est-il pas probable que cette personne
vous apprécie en raison de vos relations, de ce que vous êtes bien plus
que de ce que vous avez ou de ce que vous faites, hormis peut-être ce
que vous lui faites ? Autrement dit, votre valeur aux yeux de cette
personne qui vous est chère dépend probablement de facteurs qui ont
leur existence propre et qui n’ont pas besoin d’être constamment
démontrés, réaffirmés, actualisés.

La valeur d’une personne existe par elle-même


Point n’est besoin de la confirmer ou de la démontrer sans cesse. Toutes
les démarches visant à démontrer votre propre valeur sont non seulement
fatigantes et risquées, mais elles sont en réalité inutiles. Utilisez votre
énergie à d’autres buts, plus épanouissants pour vous.

Inutile de courir après votre image, elle ne dépend


guère de vous
Nous vivons dans un monde où l’image est devenue reine. Les hommes
politiques, les stars, les individus, les entreprises, tout le monde calibre son
comportement en fonction de l’image qu’il veut donner de lui-même. En
réalité, par principe, l’image de quelqu’un ne dépend que très partiellement
de lui. Elle dépend tout autant, si ce n’est davantage, de la personne qui se
forme cette image. À être obnubilés par notre image, nous risquons de nous
engager dans une course interminable pour nous conformer à ce que nous
pensons que les autres attendent de nous. Nous ne pouvons jamais être sûrs
du résultat. En effet, nous ne « donnons » pas vraiment une image aux
autres. Ce sont les autres qui se forment l’image qu’ils veulent bien se
former de nous, en fonction de critères qui leur sont propres. Autant éviter
de consacrer beaucoup de souci et d’énergie à gagner quelque chose qui ne
dépend pas de nous !
Florian se donne beaucoup de mal pour se montrer dévoué, minutieux et serviable dans
son nouvel emploi. Il est donc très déçu et surpris lorsque, à la fin de sa première année de
travail, son chef lui reproche de ne pas être assez rapide et entreprenant !

Jugez-vous équitablement

Instruisez votre « procès » à charge et à décharge


Si vous vous jugez souvent nul, c’est que vous vous comportez comme
un véritable procureur à votre propre égard. Si c’est le cas, soyez au moins
un juge impartial. Comme le fait un bon juge d’instruction, instruisez votre
propre cause équitablement, à charge et à décharge. Autrement dit, lorsque
vous vous dites que vous avez été nul dans telle situation, cherchez aussi
bien les indices de vos qualités, de vos mérites, que ceux qui appuient la
thèse de votre nullité. Évitez de généraliser, limitez l’évaluation de votre
nullité à un contexte précis, et non de manière générale. S’il le faut,
procédez méthodiquement, en établissant un bilan des aspects positifs et
négatifs de votre comportement dans cette situation, en deux colonnes,
comme on l’a vu au chapitre 4 pour l’évaluation de votre motivation à
changer.
Maguy, la cinquantaine, a tendance à se dénigrer systématiquement. En conflit avec une
collègue de bureau, elle se donne le mauvais rôle, elle ne sait pas se défendre. Sa collègue, au
contraire, est brillante, elle sait parler, elle a toujours la réponse à tout. Je demande à Maguy
d’être aussi objective que possible pour juger son propre comportement au travail, en évaluant
son attitude au cours de la semaine écoulée. Voici le bilan des côtés positifs et négatifs que
Maguy a établi sur la base de ses observations quotidiennes, non sans que je doive insister pour
qu’elle ne limite pas son appréciation aux côtés négatifs, les seuls qui lui viennent
spontanément à l’esprit.

MON ATTITUDE VIS-À-VIS DE MA COLLÈGUE, CETTE SEMAINE


ASPECTS NÉGATIFS ASPECTS POSITIFS
Je l’ai laissée me critiquer J’ai tenu bon
Je n’ai rien osé lui dire Je ne me suis pas énervée
J’ai été trop passive Il m’a semblé que les autres collègues me
soutenaient
J’ai été « bonne et bête »
J’ai eu de la peine à me concentrer sur mon
travail

Bilan de Maguy : en conclusion, il y a des choses à améliorer et à


changer, mais tout n’est pas négatif, contrairement à ce que je croyais.

Les deux sources de l’estime de soi : les autres et soi-


même
L’estime de soi a deux sources : les autres et soi-même. Ne négligez ni
l’une ni l’autre. Il y a des moments où le contexte est frustrant, les autres
non gratifiants, où l’on ne reçoit pas de retours de l’extérieur, ou que des
critiques. Dans ces moments, il faut pouvoir compter sur la source
intérieure de l’estime de soi, en se reconnaissant les qualités et les mérites
qui nous reviennent. À l’inverse, il y a des circonstances où l’on ne porte
pas un regard bienveillant sur soi-même parce que l’on est en crise, dans
une mauvaise passe. Dans ces moments, soyez attentif aux signaux positifs
qui vous viennent de l’extérieur : vos proches, vos amis, vos collègues, etc.
Sachez être attentif à ces signaux et les apprécier à leur juste valeur.
Charles-Henri est un homme d’une quarantaine d’années qui, depuis plusieurs mois, n’a
pas une bonne estime de lui-même. Il vit une période difficile dans son couple, il a l’impression
de ne pas s’occuper assez de ses deux enfants qui entrent dans l’adolescence, et sa mère est en
train de mourir. En outre, sur le plan professionnel, il a l’impression de tourner en rond dans
son activité de cadre hôtelier. C’est dans ce contexte morose qu’il reçoit une proposition
professionnelle. Un financier l’approche pour lui demander de prendre la direction d’un
restaurant qu’il vient d’acheter. Au lieu de rejeter l’offre en se disant qu’il n’est pas à la
hauteur, que l’affaire ne marchera pas, qu’il sera encore moins présent à la maison, Charles-
Henri la prend en considération et l’utilise pour « nourrir » son estime de soi de l’extérieur. Cet
homme me fait confiance, se dit-il, il doit avoir de bonnes raisons de me confier son affaire. Si
lui, qui me connaît de l’extérieur, me fait confiance, pourquoi ne me ferais-je pas confiance
moi-même ? Trois mois plus tard, il est aux commandes de son nouvel établissement, il a
retrouvé le plaisir de travailler, il voit ses enfants avec un autre œil, et il encaisse le mieux qu’il
peut le choc du décès de sa mère, survenu entre-temps.

Ne confondez pas exigence et tyrannie

Le mieux est l’ennemi du bien


Le perfectionnisme est un travers qui consiste à n’être content de soi
que lorsqu’on réussit parfaitement ce qu’on entreprend. C’est une forme de
« tout ou rien », puisque le perfectionniste n’entreprend rien qu’il ne puisse
accomplir à la perfection. Sachez arrêter votre effort lorsque l’essentiel de
votre objectif de changement est atteint. Car le perfectionnisme est
dangereux ! Il est certes valorisé socialement, les employeurs et les proches
apprécient les personnes très méticuleuses et dévouées. Mais il soumet le
perfectionniste à une double pression. Celle qui vient de l’intérieur, qui ne
le laisse pas en paix tant qu’il n’a pas réussi parfaitement sa tâche. Et celle
qui provient de l’extérieur, en particulier le milieu professionnel, qui attend
toujours beaucoup de l’employé exemplaire. À la longue, le cumul de ces
deux pressions vient à bout de toute résistance. Protégez-vous, essayez de
faire de votre mieux sans pour autant devenir esclave d’un perfectionnisme
tyrannique.

Êtes-vous perfectionniste ?
Avez-vous l’habitude d’être très exigeant dans la plupart des domaines
de votre vie ? Aussi bien avec vous-même qu’avec les autres ? On pourrait
parler de « perfectionnite » lorsque cette exigence devient une véritable
tyrannie. Lorsque le plaisir de réussir se transforme en dictature intérieure,
que les souffrances et les nuisances l’emportent sur les bénéfices. Les
perfectionnistes atteignent parfois des performances élevées dans leur vie
professionnelle, dans leurs loisirs, dans des réalisations artistiques, etc.
Mais le prix à payer est élevé. L’équilibre de la vie privée et relationnelle
est menacé par le temps et l’énergie consacrés à réaliser à la perfection tout
ce qu’ils entreprennent. Et puis, si votre bonheur dépend de votre capacité à
être impeccable dans ce que vous entreprenez, il vient forcément un jour où
la réussite n’est pas au rendez-vous. Vous risquez d’en être très malheureux,
comme ces élèves brillants qui sont désespérés lorsqu’ils obtiennent pour
une fois une note un peu en dessous de l’excellence. Autre inconvénient du
perfectionnisme, les gens parfaits suscitent souvent jalousie et dénigrement,
surtout au travail. Si des revers surviennent, on n’est guère indulgent pour
eux, pas plus qu’ils ne le sont pour eux-mêmes.

Gare à l’usure !
Le risque le plus grand du perfectionnisme est l’épuisement, surtout au
travail. Au bout de plusieurs années ou dizaines d’années de comportement
perfectionniste, l’usure finit par prendre le dessus. Les employés les plus
passionnés, les plus méticuleux et les plus dévoués à leur tâche sont des
êtres humains, ils ont leurs limites et finissent par s’épuiser. Ils deviennent
alors moins performants, au point parfois de sombrer dans la dépression
lorsque l’usure se cumule à une vulnérabilité personnelle. L’épuisement
professionnel guette en particulier les professionnels qui s’« occupent » des
autres, comme les médecins, les infirmières, les travailleurs sociaux, les
enseignants, etc. Si vous êtes un perfectionniste épuisé, ne comptez pas trop
que votre milieu professionnel vous manifeste une grande reconnaissance
pour tout ce que vous lui avez donné durant de nombreuses années. À
moins que votre employeur soit particulièrement sensible au bien-être de
ses employés (cela existe), l’entreprise ne verra que la baisse présente de
votre rendement et vous priera de vous soigner, à moins qu’elle ne vous
jette sans ménagement comme un outil usé qui a trop servi. Par conséquent,
prenez vous-même en main votre bien-être, et ménagez-vous pendant qu’il
en est encore temps !

Accordez-vous le droit à l’erreur


L’erreur a mauvaise presse. De nos jours, la justice est sollicitée pour
tout et pour rien, comme si les problèmes pouvaient être résolus lorsqu’on a
trouvé et condamné un coupable. Or l’erreur est humaine, inévitable.
Mieux, elle est souhaitable. La méthode des « essais et erreurs » est le
meilleur moyen d’avancer, de progresser, de s’améliorer. Les erreurs sont
rarement dramatiques. Êtes-vous impitoyable avec les erreurs des autres ?
Alors soyez aussi indulgent avec vous-même que vous l’êtes avec les
autres, ni plus ni moins. Plutôt que de vous tourmenter à l’idée de
commettre des erreurs, et de vous culpabiliser lorsque vous en avez commis
une, tirez-en le meilleur profit. Pour cela, donnez de la valeur aux erreurs,
les vôtres comme celles des autres, au lieu de les pourchasser sans répit. On
retrouvera ce sujet au chapitre 11 « Vivre mieux avec les autres ».

« Je suis exigeant, c’est vrai, mais avec moi


seulement »
Il existe une forme particulière de perfectionnisme, celle qui consiste à
être plus exigeant avec soi-même qu’avec les autres. L’exigence excessive
avec soi-même ménage les autres, mais finit par user à la longue, autant que
le perfectionnisme général. Si vous êtes plus exigeant avec vous-même
qu’avec les autres, interrogez-vous sur ce que cela signifie.

La course cycliste des pros et des amateurs


Il existe des compétitions sportives « open », ouvertes aussi bien aux
sportifs amateurs que professionnels. Les amateurs partent en premier,
suivis des professionnels. Avec qui est-on plus exigeant ? Avec les coureurs
professionnels, bien évidemment. On estime qu’ils ont des capacités
supérieures à celles des amateurs, raison pour laquelle on leur impose un
handicap par rapport aux amateurs. Si vous êtes plus exigeant avec vous-
même qu’avec les autres, cela signifie que vous vous placez dans la
catégorie des pros, et considérez les autres comme des amateurs. Lorsque
vous exigez plus de vous-même que des autres, demandez-vous si vous
avez de bonnes raisons de vous sentir supérieur à eux dans cette situation.
Car c’est ce que signifie attendre davantage de vous-même que des autres.
Si vous ne trouvez pas ces bonnes raisons, révisez votre position, exigez
autant mais pas davantage de vous-même que des autres. Votre attitude sera
plus conforme à la réalité.

Le piège de la pensée magique


Caroline consulte pour un problème d’angoisse. Lorsqu’elle est angoissée, un scénario
catastrophe passe et repasse en boucle dans sa tête : Je ne suis pas sûre de raisonner
normalement, cela veut dire que je suis en train de perdre le contrôle de mes pensées ; si cela
s’aggrave, je vais devenir folle, on va m’enfermer à l’hôpital psychiatrique…

Lorsque nous parlons ensemble des pensées qui lui traversent l’esprit
quand elle est angoissée, Caroline est capable de prendre du recul par
rapport à ces pensées, et d’abord de les voir comme des pensées et non
comme la réalité, de les examiner et les relativiser. En revanche, pendant les
crises d’angoisse, ses pensées ont pour elle l’évidence de la réalité, elle est
incapable de faire la part de la pensée et celle de la réalité. La pensée est la
réalité, penser devenir folle équivaut à devenir folle réellement, ce qui
décuple son angoisse.
Un problème analogue se présente lorsque certains patients anxieux
confondent leurs sensations et la réalité. La confusion entre la réalité
intérieure (les pensées, les sensations) et la réalité extérieure est un
phénomène psychologique qui relève de la « pensée magique ». De quoi
s’agit-il ?

Pensée magique, pensée logique


Il arrive à chacun de confondre par moments le monde intérieur et le
monde extérieur. C’est surtout sous le coup d’une émotion que le
phénomène de la pensée magique se produit. Les psychologues appellent
ainsi le mode de pensée primitif du petit enfant qui n’a pas encore accès au
raisonnement logique. Mais la pensée magique ne concerne pas que le petit
enfant. À l’âge adulte, la pensée magique subsiste comme un mode de
fonctionnement mental présent, à côté de la pensée logique et rationnelle
acquise vers l’âge de 6-7 ans. Dans la pensée magique, l’absence de
distance critique se traduit par des croyances fondées sur des amalgames.
Pensée et action sont confondues : si je pense telle chose, celle-ci va se
produire. Monde intérieur et monde environnant ne font qu’un : si je me
sens mal à l’intérieur, les autres le voient. La pensée magique est à la base
de la superstition : araignée du matin, chagrin, araignée du soir, espoir.
Dans la pensée magique, l’osmose entre la réalité intérieure et la réalité
extérieure va dans les deux directions. Notre monde intérieur est projeté sur
le monde extérieur, et celui-ci nous pénètre. C’est la pensée magique qui
prête une âme aux nuages et nous fait ressentir la tristesse d’un paysage
désolé. Elle intervient lorsque nous sommes émus par un livre, par un film.
Si le spectacle est de qualité, à certains moments privilégiés nous ne
sommes pas spectateurs, nous faisons corps avec l’histoire qui se joue, nous
nous confondons avec les personnages qui nous touchent.

Pour le meilleur et pour le pire


Tout est possible dans la pensée magique, puisque les contraintes de la
réalité n’existent pas, pas plus que les règles de la raison. C’est le règne du
« tout ou rien », du meilleur comme du pire, des fées comme des sorcières.
La pensée magique imprègne nos rêves, ceux du dormeur comme ceux que
nous procurent les poètes et les artistes. C’est la pensée magique qui nous
aide à vivre lorsque, contre toute évidence, elle nous fait voir la vie tout en
rose, ou pare à nos yeux l’être aimé de toutes les qualités et lui ôte tout
défaut. Mais c’est aussi la pensée magique qui nous fait brûler ce que nous
avons adoré, haïr ceux que nous avons aimés.

Les vilains tours de la pensée magique


La pensée magique refait surface, à côté ou à la place de la pensée
rationnelle, chaque fois que nous sommes en proie à une émotion forte, ou
confrontés au doute, ou face à une situation nouvelle dépassant nos
capacités habituelles. Lorsque nous sommes tristes ou anxieux, la pensée
magique augmente la tristesse ou l’anxiété par un effet de miroir entre la
réalité intérieure et la réalité extérieure. Chez Caroline, penser perdre le
contrôle, c’est perdre le contrôle.

Déjouer le piège de la pensée magique


Lorsque la pensée magique s’installe et vous englue dans une spirale
négative, vous n’êtes pas condamné à la subir. Commencez par repérer les
signes de sa présence. Votre pensée s’exprime-t-elle en termes extrêmes, en
tout ou rien ? Ressentez-vous une émotion pénible ? Éprouvez-vous des
sensations physiques (rougeur, chaleur, oppression, palpitations, vertiges,
etc.), signes de l’émotion ? Dans ce cas, si vous êtes encore assez lucide
pour le faire, appliquez votre capacité de raisonnement logique, et corrigez
votre vision en tout ou rien. Si vous êtes trop submergé par l’émotion,
essayez de vous décentrer et de voir (en imagination) la situation à travers
les yeux de quelqu’un d’autre. Enfin, si l’émotion est trop forte, utilisez vos
leitmotivs et gardez le contrôle de vos réactions physiques grâce aux outils
décrits dans le chapitre 7, la « respiration en carré » et l’« œil américain ».
Cela vous aidera à faire le « gros dos » en attendant que l’orage émotionnel
se dissipe et que vous soyez en mesure de réagir plus lucidement.
Chapitre 11
Vivre mieux
avec les autres
« L’enfer, c’est les autres. »
Jean-Paul SARTRE

« L’enfer, c’est soi-même coupé des autres. »


Abbé PIERRE

Il n’est pas facile de vivre avec les autres


S’il n’est pas facile tous les jours de vivre avec soi-même, on peut, sans
grand risque d’être démenti, en dire autant de la vie avec les autres. Les
autres nous procurent les moments les plus merveilleux de l’existence, mais
aussi les plus grandes peines, les plus amères déceptions. Les conflits et les
problèmes de communication sont inséparables des relations entre les êtres
humains. Je vous propose ici quelques moyens d’aménager vos rapports
avec les autres de manière à prévenir les difficultés évitables et à réduire
celles qui ne le sont pas. Les uns relèvent du « faire avec » (renoncer à
changer les autres, accepter l’erreur et la critique) ; d’autres du « faire
autrement » (distinguer la pensée et la réalité) ; certains font appel aux deux
stratégies (gérer les conflits).

Renoncez à changer les autres


Le comportement des autres ne dépend pas de nous
Lorsque nous sommes déçus quand le comportement des autres ne
correspond pas à notre attente, nous réagissons comme si le comportement
des autres dépendait de nous. Or le comportement de chacun dépend de soi,
non des autres. Notre influence sur les autres se limite au rôle que ceux-ci
veulent bien nous accorder. Réciproquement, notre comportement relève de
notre propre responsabilité, et c’est notre choix si nous voulons donner aux
autres un pouvoir sur notre manière d’agir et de penser. Combien de
malentendus et d’aigreurs dans les couples, dans les familles, à l’école, au
travail, ne sont-ils pas dus à ce qu’un conjoint, un parent, un enfant, un
employé, un employeur, escompte à tort que l’autre se comporte
conformément à ses attentes ? C’est oublier qu’en réalité l’autre se
comporte conformément à ses propres attentes. Nous pouvons inciter les
autres à changer, mais en fin de compte chacun agit en fonction de ses
propres ressorts.

Même les enfants


Mon enfant dépend complètement de moi ou J’ai quand même le droit
d’exiger certaines choses de mon enfant, se disent certains parents.
Sûrement, mais il n’empêche que le comportement de votre enfant dépend
de lui et non de vous. C’est le nourrisson qui prend sa becquée, c’est l’élève
qui fait ses devoirs. Le rôle des parents est de créer des conditions
favorables au comportement qu’ils estiment souhaitable de la part de leur
enfant. Ce rôle est capital mais il est limité, car le comportement de l’enfant
est son affaire. L’enfant commence d’ailleurs très tôt à exercer son
autonomie, avant même sa naissance… Il a été démontré par exemple que
c’est l’enfant qui choisit le moment de l’accouchement. En fin de grossesse,
quand ses poumons ont atteint la maturité nécessaire pour qu’il puisse
respirer, le fœtus produit une hormone, l’ocytocine, qui agit sur l’utérus de
sa mère et déclenche les contractions qui amènent son expulsion à l’air
libre !

À chacun sa partition
Être responsable de son propre comportement ne signifie pas être
égoïste ou complètement coupé de l’environnement et des autres. Au
contraire, l’exemple du fœtus souligne combien les êtres sont en étroite
interaction les uns avec les autres. Dans les relations humaines, c’est
comme dans un orchestre. Chacun joue sa propre partition (et non celle de
l’autre !), et en même temps écoute les autres pour s’ajuster au mieux à
l’ensemble.

Ne pas être responsable des autres, quel


soulagement !
Peut-être êtes-vous dans la situation d’essayer depuis longtemps de
pouvoir changer un conjoint, un partenaire, un enfant, un collègue.
N’attendez pas que l’épuisement ou la colère prennent le pas sur votre
conviction. Regardez les choses en face, renoncez à vos illusions et libérez
votre énergie pour des buts plus réalistes. Vous vous sentirez le cœur plus
léger lorsque vous vous rendrez compte que la responsabilité du
comportement de l’autre ne pèse pas sur vos épaules.

Prenez votre place, toute votre place, mais seulement


votre place

Le comportement affirmé
Vous êtes mal à l’aise lorsque vous devez demander quelque chose à
quelqu’un alors que votre demande est parfaitement justifiée ? Vous avez de
la peine à dire non, à refuser une demande injustifiée ou qui ne vous
convient pas ? Cherchez des relations équilibrées avec les autres en vous
affirmant. Soyez capable aussi bien d’écouter le point de vue de l’autre sans
vous y rallier inconditionnellement, que d’exprimer le vôtre sans éprouver
le besoin de l’imposer à l’autre. S’affirmer dans les relations avec les autres,
c’est prendre sa place, toute sa place, mais seulement sa place. Dans une
discussion, un point de vue commun est parfois trouvé, basé sur un
compromis entre les deux positions. Il peut arriver que l’échange
d’arguments convainque l’un des interlocuteurs d’adhérer au point de vue
de l’autre. Mais il se peut aussi que chacun campe sur ses positions,
qu’aucun compromis ne soit possible. Cela arrive et on doit pouvoir vivre
avec cette situation.

Ni passif, ni agressif
Le comportement affirmé est un comportement équilibré, il s’oppose
aussi bien au comportement passif qu’au comportement agressif. Dans le
comportement passif, le sujet se soumet à l’autre, dans le comportement
agressif, il lui impose sa force. Le comportement affirmé (on dit aussi
« assertif ») est équilibré, c’est l’attitude la mieux adaptée à la plupart des
situations sociales quotidiennes, en couple, en famille, au travail, à l’école,
dans les loisirs. C’est le meilleur garant de relations équilibrées à long
terme avec les autres. Il favorise la recherche de compromis, nécessaire en
cas de divergence.
Le comportement avec les autres

Le comportement passif est adapté dans certaines circonstances


exceptionnelles, comme l’agression physique, le cambriolage, la prise
d’otage, etc. Dans ces situations, il peut sauver la vie. Mais dans les
conditions habituelles de la vie, adopter une attitude passive et soumise
pour préserver à tout prix l’harmonie avec les autres se paie cher. Quant au
comportement agressif, il est parfois justifié dans des circonstances
exceptionnelles, par exemple en cas d’agression et pour autant que le
rapport de force vous soit favorable. Dans les conditions normales, il est
contre-productif car il envenime les relations avec les autres. Les victoires
ne sont jamais définitives. Les défaites laissent toujours un goût amer au
vaincu. Elles nourrissent l’envie de revanche, ce qui conduit tôt ou tard à de
nouveaux conflits.

Exercice :
prenez l’habitude de vous exprimer
Prenez l’habitude, si vous ne l’avez déjà, de vous exprimer à
chaque occasion qui se présente. À deux ou en groupe, les autres
apprécieront que vous participiez, que vous nourrissiez les échanges.
Ne pensez pas que vous devriez attendre d’avoir une opinion géniale
pour avoir le droit de l’exprimer. Qui pourrait prétendre répondre à
une telle exigence ? Dans une conversation avec un ami ou en famille,
donnez toujours votre point de vue, y compris si on ne vous le
demande pas (les autres sont peut-être accoutumés à vous voir
silencieux). Présentez votre avis comme un élément de la discussion
parmi d’autres, pas comme une vérité absolue dont dépendrait votre
amour-propre. Faites de même dans les réunions professionnelles et
dans toute circonstance où vous vous trouvez en compagnie, à
l’entracte d’un spectacle, au bistrot avec des amis, à la réunion des
parents de l’école de vos enfants, etc. Vous exprimer consiste à
formuler un point de vue personnel ou à réagir sur ce qui a été dit,
pour l’approuver, le critiquer ou le commenter. Il peut s’agir de poser
une question signalant votre intérêt pour un sujet ou une personne.
Évitez toutefois de vous limiter à poser des questions aux autres, cela
peut être perçu comme agressif ou distant. Alimentez la conversation
en amenant votre avis, une anecdote personnelle, une interrogation
que vous avez pour vous-même : « L’autre jour, je me demandais
si… »

Recherchez l’avis des autres


Être affirmé, c’est aussi pouvoir écouter l’autre sans se soumettre par
complaisance à son point de vue. Dans les mêmes situations que celles qui
vous servent de terrain d’entraînement pour vous exprimer, prenez
l’habitude de demander l’avis des autres lorsqu’ils ne le font pas
spontanément. Réagissez en vous exprimant à votre tour de manière
affirmée : « Dans ce que tu as dit, je trouve ceci bien, mais je ne suis pas
d’accord avec ça. »

Que faire en cas de conflit ?


Les conflits font partie des relations avec les autres
Si on entend par conflit la rencontre de points de vue différents ou
d’intérêts divergents, les conflits sont dans la nature des choses dès que des
êtres humains sont en contact les uns avec les autres. Vous ne pouvez pas
les éviter. Ce point étant admis, comment gérer et résoudre les conflits ?
Face à une situation conflictuelle, trois attitudes sont possibles, selon le type
de comportement que vous adoptez dans le conflit :
1. Comportement passif : vous vous soumettez sans combattre.
2. Comportement agressif : vous attaquez votre interlocuteur en
espérant avoir le dessus.
3. Comportement affirmé : vous cherchez à négocier un compromis.

Se soumettre : avantages et inconvénients


L’attitude soumise est justifiée lorsque l’autre n’est pas disposé à
trouver un accord, et que le rapport de force vous est défavorable. Elle a
l’inconvénient de vous laisser amer et en conflit avec vous-même. On peut
l’accepter occasionnellement. Si cela devient une règle, la frustration
accumulée peut tourner à la bombe à retardement, pour vous ou pour
l’autre !

Agresser : avantages et inconvénients


L’attitude agressive n’est justifiée que si un intérêt vital pour vous est
en jeu, et que le rapport de force vous est favorable. Dans toute autre
situation, c’est-à-dire la plupart du temps, le comportement agressif est
contre-productif. Il monte la plupart des gens contre vous. Il vous permet de
vous défouler dans l’immédiat, mais à long terme la guerre permanente est
épuisante, et vous aurez fait le vide autour de vous.

À long terme, négocier est l’attitude la plus payante


La conclusion est claire, négociez chaque fois que cela est possible.
Négocier signifie chercher un compromis raisonnable, après lequel chacun
a le sentiment d’avoir fait des concessions équilibrées. Dans la négociation,
ce qui dépend de vous, c’est d’abord de clarifier votre position, puis de
l’exprimer sans détour. Il est inadéquat de tenir compte, dans votre position
de départ, de ce que vous pensez être la position de votre interlocuteur. Il
est assez grand pour la présenter lui-même, et cela embrouillerait la
discussion. Écoutez votre interlocuteur, mais ne parlez pas en son nom !

Préparez-vous à des concessions


Il importe que vous sachiez quelles concessions vous êtes disposé à
faire, et la limite au-delà de laquelle vous ne voulez en aucun cas aller. Il
n’est pas toujours possible de trouver une position commune acceptable
pour les deux interlocuteurs. On peut rester en relation avec l’autre sans être
d’accord avec lui sur tout. C’est même la règle, car l’accord parfait ne dure
jamais, que ce soit dans les couples, les familles, les groupes de toutes
sortes, professionnels, sportifs, militaires, etc. En fonction de l’importance
du sujet du conflit, il vous revient d’évaluer si vous estimez que la relation
avec votre interlocuteur ou le reste du groupe reste vivable en dépit de votre
désaccord. En d’autres termes s’il vous reste suffisamment de motifs
d’entente pour que vous ayez envie de rester ensemble.

Le harcèlement au travail, ou l’incapacité de gérer un


conflit
Le harcèlement sur le lieu de travail (« mobbing ») est une situation de
conflit qui s’enlise par incapacité des deux interlocuteurs, le harceleur et le
harcelé, à affronter et à gérer le conflit grâce à un comportement affirmé. En
tant que psychothérapeute, je traite des patients aux prises avec des conflits
professionnels, et parfois véritablement harcelés par un collègue ou un
supérieur. Dans ces cas, ce qui m’apparaît le plus souvent, c’est qu’aussi
bien le harcelé (mon patient est en général dans cette position) que le
harceleur évitent d’aborder ouvertement le conflit et recourent à des
comportements non affirmés, agressifs et passifs. Le harceleur se montre
ouvertement agressif ou, plus souvent encore, agressif-passif, c’est-à-dire
que l’agression (dénigrement, critique, mise à l’écart) est insidieuse, à bas
bruit mais répétée. Le harcelé répond à ce comportement de manière
passive, il évite lui aussi d’affronter ouvertement le conflit et subit les
agressions en silence. Il s’installe ainsi progressivement dans le rôle de
victime. Le conflit n’étant pas mis sur la table, il ne peut évidemment pas
être résolu, il traîne et finit par user les deux protagonistes, en premier lieu
le harcelé.

N’endossez pas le rôle de victime


N’attendez pas d’en arriver là. Si vous vous sentez agressé, dénigré, mis
de côté, adoptez un comportement affirmé. Autrement dit demandez des
explications à votre interlocuteur, essayez de trouver le motif du conflit car
il a pu vous échapper, et présentez votre point de vue. S’il n’est pas possible
de négocier une solution de compromis, utilisez les techniques présentées
précédemment pour vous défendre. Utilisez en dernier recours la technique
du disque rayé (voir ci-après) pour refuser une demande injustifiée s’il y a
lieu, ou pour répéter votre propre demande lorsque vous la trouvez justifiée.
Ne prenez pas pour vous les critiques manifestement hors de propos ou
excessives, laissez-les glisser au-dessus de votre tête. S’il le faut armez-
vous du leitmotiv « les plumes du canard ! », cité dans un autre chapitre,
pour vous aider à supporter la situation. Prenez un avis extérieur (un ami,
votre conjoint, un syndicat, un avocat, etc.) pour apprécier de manière plus
objective vos droits. Si vous sentez que le conflit est devenu irréversible et
que vous n’avez pas le pouvoir d’éliminer votre adversaire, par exemple
parce qu’il est votre employeur, il vaut peut-être mieux négocier votre
départ dans des conditions favorables (délai, indemnité) tant que vous êtes
en état de le faire. Si vous attendez que le conflit soit complètement
envenimé, vous risquez d’être atteint moralement et peu en état de négocier
de bonnes conditions pour la fin de votre engagement.

Pour refuser, pas besoin de prétexte ou de


justification
Vous ne devez de compte à personne quant à votre comportement, pas
plus que les autres ne vous doivent des comptes sur le leur. Par conséquent,
si vous ne désirez pas donner suite à une demande qui vous est faite, c’est
votre plein droit. Vous n’avez pas à vous justifier, vous excuser ou trouver
un prétexte. Dites simplement : « Cela ne me convient pas. » Trouver une
excuse (en réalité c’est un prétexte) est inutile et inopportun. L’autre
reviendra à la charge lorsque l’excuse que vous aurez avancée ne sera plus
d’actualité, et vous devrez trouver une autre excuse.
En dernière extrémité, passez le disque rayé
La technique du « disque rayé » a été décrite aux États-Unis dans les
années 1970 dans un manuel d’affirmation de soi1. Elle consiste à répéter
inlassablement la même demande ou le même refus, sans hausser le ton (les
disques noirs, lorsqu’ils étaient rayés, n’augmentaient pas le volume au fil
des passages sur le sillon rayé). La technique est basée sur le principe de
répéter un comportement pour « enfoncer le clou » auprès d’autrui. Elle
peut être utilisée pour réitérer une demande légitime non prise en compte,
ou pour opposer un refus à une demande à laquelle vous ne désirez pas
donner suite. Dans tous les cas, veillez à ne pas argumenter, car le disque
rayé est à utiliser en dernier recours, quand la négociation a échoué ou n’est
pas possible. Respectez la règle du « je » présentée plus loin dans ce
chapitre. Le disque rayé peut prendre la forme orale ou écrite, par exemple
un courrier répété au contenu identique pour demander ou refuser quelque
chose.
Véronique est embarrassée, elle se demande comment refuser une nouvelle fois l’invitation
à manger répétée d’un collègue dont elle a l’impression qu’il est attiré par elle, alors qu’elle ne
l’est pas du tout.
Robert : Véronique, ça me ferait plaisir que nous allions manger ensemble à midi, qu’en
penses-tu ?
Véronique : Je suis désolée si cela te fait de la peine, mais je n’en ai pas vraiment envie.
— Alors un autre jour ?
— Je ne pense pas. Je suis désolée, mais je n’en ai pas vraiment envie.
— Mais pourquoi ?
— Je te l’ai déjà dit, je suis désolée, je n’en ai pas envie, c’est tout.
— Laisse-moi un espoir, au moins !
— Désolée, mais je ne peux pas te dire autre chose, je n’en ai pas envie.

Cultivez l’erreur et la critique

Commettez volontairement des erreurs


Si vous êtes trop perfectionniste de nature, trop obnubilé par le risque
de vous tromper, entraînez-vous à commettre volontairement des erreurs.
Vous verrez que dans la plupart des cas personne ne s’en rend compte, et
que vos erreurs n’ont généralement aucune conséquence sérieuse. Cette
observation devrait vous aider à dédramatiser le risque d’erreur et de vivre
un peu moins sous la hantise de vous tromper. Si vous n’êtes pas convaincu,
écoutez ce propos d’un homme pourtant perfectionniste, mais qui était
capable de prendre l’erreur avec légèreté. Il est de Maurice Béjart, vers la
fin de sa vie.
« J’ai beaucoup essayé, et je me suis beaucoup trompé. Mais c’est important de se
tromper, sinon la vie ne serait pas drôle. »

L’erreur fait avancer, acceptez la critique sans


condition
Lorsque vous recevez une critique, dites-vous que la personne qui
l’exprime est sincère. Son point de vue mérite d’être respecté et examiné.
Ne le rejetez donc pas immédiatement et sans nuance, car vous blesseriez
votre interlocuteur. Il pourrait revenir à charge en accentuant la critique. De
plus, peut-être que cette critique est justifiée, en totalité ou en partie. Dans
ce cas, vous avez la possibilité de vous améliorer en la prenant en
considération. Pour être en position d’examiner sereinement le bien-fondé
éventuel de la critique, il faut commencer par l’accepter sans condition : Tu
as raison, je crois que je n’ai pas bien fait, dans cette situation…
Reconnaître à l’autre le droit de vous critiquer est une manière de le mettre
à l’aise, ce qui abaisse la tension entre vous. Alors seulement il est temps
pour vous d’examiner tranquillement le fond de la question, autrement dit
évaluer en quoi la critique est justifiée ou non.

Recherchez la critique
Allez plus loin, demandez qu’on vous critique. N’hésitez pas à solliciter
les autres pour qu’ils vous fassent part de leurs critiques, et remerciez-les
lorsqu’ils le font. Faites-le avec votre conjoint, vos enfants, vos amis, vos
collègues, votre supérieur hiérarchique. Vous constaterez que l’erreur se
dédramatise d’elle-même lorsqu’elle est nommée et discutée. Elle favorise
le changement et le progrès.

Soignez les formes


Les relations avec les autres, une affaire de forme
d’abord
C’est la manière de présenter le message que l’autre perçoit en premier,
bien avant le contenu. Beaucoup de conflits dégénèrent non pas à cause du
fond, mais de la forme, et commencent à se régler lorsque les interlocuteurs
soignent leur manière de communiquer. Je rappelle ici les règles de bonne
conduite élémentaires qui permettent de gérer au mieux les contacts
verbaux, et plus particulièrement les situations délicates ou conflictuelles.

Toujours un compliment avant la critique


Efforcez-vous de glisser un compliment avant de formuler une critique.
Nous avons tous tendance à voir d’abord le négatif, la faute, ce qui ne va
pas, et de passer sous silence le positif, ou tout simplement de ne pas
l’apercevoir. À l’école, la maîtresse compte toujours les fautes
d’orthographe, pas les mots justes ! Ensuite, cela continue, pendant les
études et la formation professionnelle, au travail, dans le sport, en famille !
Lorsque vous êtes conduit à commenter ou à évaluer une prestation, un
comportement, il y a moins de risque d’oublier le négatif que le positif.
Commencez donc par exprimer les éléments positifs de votre appréciation.
Soyez sincère dans le choix du compliment. Il est toujours possible de
trouver des éléments positifs dans le comportement des autres.

Osez vous taire si vous êtes pris de court


Personne n’a la science infuse. Vous n’êtes pas obligé d’avoir
constamment l’esprit de repartie, en particulier lorsque vous venez de subir
une critique ou une déconvenue. Plutôt que dire à tout prix quelque chose
que vous pourriez regretter par la suite, osez vous taire, ou, mieux encore,
avouer que vous êtes pris au dépourvu. Si l’on ne trouve pas sur le moment
le bon mot, dire : Je ne sais pas quoi dire, ou Je suis pris de court est la
meilleure façon de se sortir d’une situation embarrassante.

Bannissez le langage grossier


Cette règle ne semble malheureusement plus aller de soi, si on en juge
par la multiplication des altercations qui se banalisent, dans la rue, à l’école,
dans les transports publics, même sur les lieux de travail, y compris dans les
hôpitaux et les cabinets médicaux. Le cinéma, la télévision et même la
presse écrite semblent se donner le mot pour offrir une caisse de résonance
au phénomène. Le recours à un langage grossier signale une perte de
contrôle de soi, c’est un virage vers un comportement agressif, un premier
échelon dans l’escalade de la violence. Ne donnez ni ce signal ni cet
exemple à votre interlocuteur. On peut tout dire, même des choses
désagréables s’il y a lieu, en bon français.

Ne passez pas au tutoiement


Quand le ton monte entre deux personnes, on constate ce phénomène
curieux que deux adultes qui ne se connaissaient pas cinq minutes
auparavant se mettent à se tutoyer, comme si la familiarité avait le pouvoir
de rabaisser l’autre. Le tutoiement incongru est agressif. Il tue l’échange en
abaissant la discussion au niveau d’une altercation de gamins dans une cour
d’école.

La « règle du je »
Dans les relations hiérarchiques ou délicates, potentiellement
conflictuelles, la seconde personne, le « tu » (ou « vous ») est perçue
comme un jugement ou comme un ordre. Vous me décevez ! sonne comme
une condamnation sans appel. Tu devrais te taire ! comme un ordre. Or
nous n’avons ni à juger notre interlocuteur ni à lui donner des ordres. La
forme impérative (Allez-y ! Terminez ! Arrêtez de me casser les pieds !) est
également à manier avec prudence, et seulement dans le cadre d’une
relation familière dans laquelle vous êtes sûr que votre interlocuteur
comprend l’impératif comme une incitation amicale. Au lieu de l’impératif
et de la deuxième personne, exprimez-vous à la première personne. Le je
passe mieux que le tu car, paradoxalement, il est plus modeste. Pourquoi ?
Parce qu’en disant je, vous n’exprimez qu’une opinion, la vôtre, et non une
vérité absolue. Utilisez le verbe qui correspond le mieux à votre sentiment.
Je pense que tu te trompes, Je trouve que tu devrais dire oui, J’ai
l’impression que tu m’en veux, J’ai peur que tu sois fâché, Je suis déçu (ou
triste, ou en colère, ou choqué) que tu aies réagi ainsi. Si votre
interlocuteur affirme que vous vous trompez, répondez-lui : C’est possible,
je te fais part de mon sentiment personnel, ou C’est bien possible, mais
c’est mon opinion.
Le je peut être remplacé par une formule équivalente qui indique
clairement votre engagement personnel dans l’opinion exprimée. Par
exemple Cela ne m’arrange pas de venir ce soir ou Ce que tu viens de dire
ne m’a pas plu ou encore Cela ne me convient pas de venir avec toi. On
peut tout dire à quelqu’un, y compris les choses les plus désagréables, à
condition de s’exprimer en son nom propre. C’est un comportement affirmé
qui respecte l’autre. C’est aussi une attitude réaliste, puisqu’en définitive
tout ce que nous disons ne reflète que notre opinion, une opinion parmi
d’autres.

Communiquez avec les yeux

Le contact visuel a ses règles


Le contact visuel est l’élément le plus important de la communication
entre les êtres humains. On ne regarde pas les autres n’importe comment.
La communication visuelle obéit à des règles implicites que la plupart des
gens appliquent spontanément, sans jamais les avoir apprises. Ne pas les
respecter, c’est prendre le risque de brouiller la communication avec les
autres et de provoquer un malaise chez soi-même et chez autrui. Au pire, de
déclencher une réaction agressive de la part de son interlocuteur. Que faut-il
faire et ne pas faire pour établir une bonne communication visuelle avec les
autres ?

Regarder quand on écoute, ne pas regarder quand on


parle
La règle de base est la suivante, elle est simple. Dans une conversation,
le comportement visuel n’est pas le même selon que l’on parle ou que l’on
écoute. Dans les moments où c’est vous qui parlez, ne regardez votre
interlocuteur dans les yeux que très brièvement. Un bref instant de contact
avec ses yeux suffit pour vous assurer que votre vis-à-vis vous écoute. Ce
coup d’œil rapide vous permet de percevoir sur son visage une réaction, une
interrogation ou une réticence, nécessitant un ajustement de votre part. Le
reste du temps, regardez ailleurs, par exemple légèrement à côté de son
visage, éventuellement vers le haut comme si vous cherchiez l’inspiration.
Évitez de regarder vers le sol, ou complètement ailleurs que dans la
direction de votre interlocuteur. Cela lui donnerait l’impression que vous
fuyez son contact, ou que vous ne vous intéressez pas à lui. Au bout de
quelques secondes, jetez à nouveau un regard bref sur les yeux de votre
interlocuteur, puis regardez à nouveau un peu ailleurs pendant quelques
secondes, et ainsi de suite.

Quand vous écoutez, regardez attentivement celui qui


vous parle
À l’inverse, quand c’est votre interlocuteur qui parle, dirigez votre
regard vers ses yeux, mais sans fixité car cela pourrait paraître indiscret ou
inquisiteur. Dans une conversation, les interlocuteurs alternent ainsi
constamment leurs rôles sur le plan visuel. Celui qui est en train de parler
envoie un message sonore mais ne le double pas d’un message visuel, sauf
brièvement. Celui qui écoute double la réception auditive d’une attention
visuelle soutenue.

Alternez vision concentrée et œil américain


En plus de la direction de votre regard, utilisez l’accommodation pour
varier votre manière de regarder et de voir. Lorsque vous regardez pendant
un court instant votre interlocuteur dans les yeux, regardez-le en vision
centrée, c’est-à-dire avec précision. Lorsque vous regardez ailleurs, faites
usage de votre œil américain (voir sans regarder, de manière légèrement
floue). Si nécessaire, reportez-vous au chapitre 7 pour vous rafraîchir la
mémoire sur les deux types de vision, vision centrée et vision décentrée
(l’œil américain), et sur la manière de décentrer votre vision.

Les exceptions à la règle


Ces règles de communication visuelle s’appliquent à la plupart des
situations de la vie quotidienne. Comme toujours, il existe des exceptions à
la règle, justifiées par les circonstances. Deux amoureux se regardent dans
le blanc des yeux pour se signifier l’un à l’autre l’intensité de leur relation.
Le policier et le juge regardent dans les yeux le prévenu qu’ils interrogent.
Cette manière de regarder a un but, exercer une pression psychologique sur
la personne interrogée.

Avec les yeux aussi, respectez les formes


Ne pas respecter les règles de la communication visuelle dans une
conversation met mal l’aise. Lorsque quelqu’un regarde son interlocuteur
dans les yeux tout en lui parlant, la personne à qui il s’adresse finit par être
obligée de détourner le regard, et risque de disperser son attention. Quant à
celui qui parle tout en regardant son interlocuteur dans les yeux, il risque
d’être perturbé par le regard de l’autre, et de perdre le fil de son propos.

Soignez votre timidité en améliorant votre contact


visuel
Si vous êtes timide, peu à l’aise en groupe ou face à des figures
d’autorité, analysez votre manière de regarder vos interlocuteurs. S’il y a
lieu, corrigez-la, car un comportement visuel inadéquat est parfois l’élément
essentiel de la timidité et du malaise face aux autres. Une mauvaise
communication visuelle peut vous conduire à penser que vos interlocuteurs
ne vous écoutent pas, donc ne s’intéressent pas à ce que vous dites, alors
que c’est votre manière de les regarder qui les oblige à regarder ailleurs !
En retour, vous risquez d’être déstabilisé ou distrait par le regard des
personnes à qui vous vous adressez si vous les regardez dans les yeux tout
en leur parlant. Et vous leur donnerez le sentiment de ne pas s’intéresser à
ce qu’ils disent si vous ne les regardez pas quand ils vous parlent !

Parler en public
Dans un groupe, les mêmes principes s’appliquent, à la différence près
que le temps de parole est divisé entre les participants. Si vous devez
prendre la parole en public, ne fixez pas votre regard sur telle personne
présente dans la salle, pour vous rassurer. Vous risquez d’être troublé si
cette personne se met à bâiller ou à regarder sa montre, comme cela m’est
arrivé un jour lors d’un exposé ! Utilisez votre œil américain, et
périodiquement donnez un coup de zoom précis sur un objet utile pour
votre présentation : l’horloge, le texte projeté sur l’écran, le pense-bête que
vous avez préparé.

L’œil américain pour éviter une altercation inutile


Des agressions sont commises parfois au motif futile que l’agressé
aurait regardé « bizarrement » l’agresseur. Dans certains cas, la bizarrerie
en question consiste à regarder dans les yeux de manière trop appuyée. Pour
les personnes qui recherchent la bagarre, un regard trop insistant est un
prétexte pour déclencher une réponse agressive. À l’opposé, ignorer l’autre
en regardant ostensiblement dans une autre direction peut être interprété
comme méprisant et provoquer, là encore, une réaction agressive. En
public, dans un contexte où existe une certaine tension, faites preuve de
modération dans votre manière de regarder. L’œil américain vous permet de
surveiller globalement l’environnement sans risquer d’être perçu comme
provocateur.

Exercice :
entraînez-vous à la communication visuelle

Observez autour de vous et à la télévision comment les


interlocuteurs respectent les règles de bonne communication visuelle.
Entraînez-vous à les appliquer dans vos conversations. Exercez-vous
à regarder votre interlocuteur lorsqu’il parle, et à ne le regarder que
furtivement lorsque c’est vous qui parlez. Utilisez l’alternance entre
vision concentrée et vision décentrée (l’œil américain) selon que vous
écoutez ou que vous parlez. S’il vous est difficile de parler en public,
entraînez-vous à mettre en pratique les règles ci-dessus dans un petit
groupe de personnes familières. Élargissez ensuite votre pratique à un
public plus large et moins familier.
N’en faites pas une affaire personnelle

Ne confondez pas le comportement avec la personne


Dans les relations humaines, une source de malentendus et de tensions
inutiles tient à la tendance à pratiquer l’amalgame entre un comportement et
une personne. Un paysan furieux prenait à partie son voisin : Tes vaches ont
brouté sur moi ! Bien entendu il voulait dire que le bétail du voisin s’était
permis de manger sur son pré… Quand nous lançons à quelqu’un Tu as tort,
nous devrions plutôt dire Ton opinion est erronée. Pour être plus précis
encore et respecter la règle du je, la formule idéale serait Je pense que ton
opinion est erronée. Sans aller jusqu’à couper les cheveux en quatre, soyez
attentif à ne pas confondre, dans votre manière de penser et de parler, le
comportement de votre interlocuteur et sa personne. Le comportement n’est
qu’une manifestation très limitée et passagère d’une personne. En
confondant l’un et l’autre, nos propos ne sont pas réalistes. En réalité nous
ne visons pas la personne, mais bien son comportement, et nous risquons de
blesser inutilement son amour-propre. Dites Je ne suis pas d’accord avec ta
manière de voir plutôt que Je ne suis pas d’accord avec toi ; Je trouve que
ton attitude est idiote plutôt que Tu es idiot. C’est une question de forme,
mais la forme a une influence capitale sur la manière dont le fond est reçu.

Ne prenez pas pour votre personne ce qui s’adresse à


votre comportement
Dans l’autre sens, ne prenez pas pour vous, en tant que personne, des
propos ou une attitude qui ne peuvent en aucun cas viser votre personne en
tant qu’être humain global. Personne n’est en mesure de s’en prendre à vous
de manière générale. Même dans une relation de couple ou de famille, les
généralisations sont infondées. Une critique s’adresse toujours à un
comportement donné, même si celui-ci est répété. Si votre interlocuteur
commet l’erreur de généraliser et critique votre personne, faites-le-lui
remarquer et demandez-lui de préciser sa critique. Si cela n’est pas possible,
faites la part des choses dans votre tête. Essayez de déterminer à quel
comportement précis la critique s’adresse. Prenez en compte cette critique,
et laissez passer le reste, ce qui est adressé à votre personne, au-dessus de
votre tête.
J’ai reçu un jour un message anonyme injurieux sur mon répondeur téléphonique. La
personne, dont je ne connaissais pas la voix, était manifestement hors d’elle et me traitait,
parmi d’autres amabilités, d’individu incapable, nuisible à la société, à radier au plus vite de
l’ordre des médecins… La voix m’étant inconnue, je ne pouvais rattacher ce tombereau
d’insultes à une personne particulière et à des événements précis. Après avoir encaissé le choc
de la violence des propos, je me suis dit que j’avais dû décevoir ou blesser cette personne,
probablement en tant que médecin et pour une raison qui m’échappait. Peut-être l’inefficacité
de mon traitement, ou le refus d’un certificat médical, Dieu sait quoi encore. Quel qu’ait été le
motif de la colère de cette personne, elle devait avoir ses raisons, mon comportement devait y
avoir une part, j’avais probablement commis une erreur médicale ou relationnelle avec ce
patient. En revanche, je ne me suis pas senti obligé d’adhérer au jugement de mon interlocuteur
anonyme lorsqu’il étendait ses reproches à ma personne au sens le plus général (un individu
nuisible à la société). Je me suis dit : « Dommage qu’il pense ainsi, mais c’est son opinion, je
n’y peux rien. »

Ne confondez pas réalité intérieure et réalité


extérieure

La pensée magique et nos relations avec les autres


Les pensées, comme les sensations, appartiennent à une réalité virtuelle,
celle du monde intérieur ou mental. Les confondre avec la réalité tangible,
extérieure et concrète, relève de la pensée magique. C’est une source
notable de problèmes avec soi-même, comme on l’a vu dans le chapitre
précédent. C’est également un motif de malentendus et de conflits évitables
avec les autres. Sans aucune preuve, nous prêtons des pensées aux autres
lorsque nous croyons savoir ce qu’ils pensent. En réalité nous confondons
nos pensées avec la réalité de l’autre, qui nous est foncièrement extérieure.
Nous commettons la même erreur lorsque nous attendons des autres qu’ils
devinent nos pensées. Voyons quelles difficultés peuvent survenir dans nos
relations avec les autres lorsque nous prenons les pensées, les nôtres et
celles des autres, pour la réalité.

Les opinions des autres ne sont pas des cailloux


Bernard, 65 ans, célibataire, est un peu trop sensible aux remarques qu’il lui arrive
parfois d’entendre (ou de croire entendre) à son sujet dans la rue. L’autre jour, il a entendu (ou
du moins est convaincu d’avoir entendu) deux adolescents chuchoter à son passage : T’as vu le
vieux, ce qu’il est gros ! Furieux, Bernard s’est mis à injurier les deux garçons, qui ont éclaté
de rire et se sont esclaffés, cette fois à haute voix : Mais, en plus, il est fou !

Pour réagir aussi violemment, Bernard a pris l’opinion des deux jeunes,
ou plutôt l’opinion qu’il a cru entendre, pour la réalité. Il a réagi par une
action, ce qui a aggravé l’altercation. Or une opinion n’est qu’une pensée,
ce n’est pas la réalité. La réalité intérieure (pensées et sensations) est
virtuelle, elle est d’un ordre différent de la réalité concrète ou extérieure. Si
on se met à réagir à la réalité virtuelle comme s’il s’agissait de la réalité
concrète, il n’y a plus de limite claire, et tous les excès sont possibles. Qui
plus est, une opinion n’engage que son auteur. Les autres ne sont pas
obligés de la reprendre à leur compte. Dans une dispute, nous commettons
la même erreur d’appréciation que Bernard lorsque nous prenons pour
argent comptant la remarque déplacée d’un interlocuteur. Nous réagissons
alors comme si l’injure avait le poids d’un caillou alors qu’il ne s’agit que
de mots, qui de surcroît n’engagent que celui qui les profère.
Nous sommes arrivés à la stratégie suivante, au cas où Bernard serait à nouveau
confronté à une situation semblable :
— Se dire à soi-même : Peut-être ai-je mal entendu. Si j’ai bien entendu, ils sont mal
élevés de parler ainsi, mais je n’y peux rien, sauf me dire à moi-même que ce n’est que leur
opinion.
— Pour mieux supporter la situation sans réagir violemment, se répéter le leitmotiv
« Laisse tomber ! ».
— Ne rien faire, ne pas répondre pour ne pas mettre de l’huile sur le feu, ou
éventuellement leur dire : Je trouve que vous n’êtes pas très polis avec moi.
Bernard a réussi à adopter cette attitude quelques jours plus tard, lorsque dans un bus un
passager probablement éméché s’est adressé à lui en le traitant de plein de soupe.

Ne vous laissez pas démonter


Ne vous laissez pas démonter par les mots des autres. Même lorsqu’ils
sont critiques et violents, ils n’expriment qu’une opinion, c’est-à-dire une
pensée. Il n’y a aucune raison de vous sentir atteint par les pensées d’autrui.
Elles n’engagent que ceux qui les expriment. Les pensées ne sont pas des
cailloux qu’on vous jette à la tête, elles restent des pensées. Leur réalité
n’est que virtuelle, on peut les évaluer, les critiquer. Soit vous êtes d’accord
avec la critique. Dans ce cas vous l’acceptez, et vous cherchez à vous
améliorer en changeant votre comportement. Soit vous n’êtes pas d’accord
avec la critique, et dans ce cas vous n’êtes pas concerné et vous la laissez
glisser au-dessus de votre tête comme l’eau sur les plumes du canard. Si
nécessaire, aidez-vous des techniques décrites au chapitre 7, la respiration
en carré et l’œil américain pour garder votre calme.

Les paroles ne sont que des paroles


En politique, dit-on, les promesses n’engagent que ceux qui les
écoutent. L’homme politique habile sait exploiter la pensée magique des
électeurs crédules, tentés de confondre le discours et la réalité. L’électeur
déçu de son élu ne doit s’en prendre qu’à lui-même s’il a succombé au
charme des belles paroles électorales, car il dépendait de lui de se forger
une opinion réaliste. Dans la vie sentimentale, j’ai l’impression que certains
partenaires se comportent comme ces électeurs ravis de voter pour un
candidat qui leur promet la lune. Lorsqu’ils se réveillent à la réalité, ils ont
l’impression d’avoir été floués par leur partenaire car celui-ci démontre un
comportement tout autre que celui qu’il manifestait dans la lune de miel. En
réalité, ils ont confondu le discours de leur partenaire avec la réalité, ne
voulant pas voir d’autres aspects du comportement du partenaire qui
auraient pu les alerter.

Vous n’êtes pas dans la tête des autres


Bien des malentendus proviennent de ce que nous croyons savoir ce que
les autres pensent, ce qu’ils ressentent ou ce qu’ils désirent. Croire pouvoir
lire les pensées des autres est une illusion d’optique que nous avons
mentionnée au chapitre 7. Cette croyance est à l’origine d’attentes
irréalistes, qui ne peuvent qu’être déçues et provoquer des tensions et
problèmes dans nos relations avec les autres. Vous ne pouvez être dans la
tête des autres, tirez-en les conséquences. Lorsque c’est souhaitable et
possible, demandez aux autres ce qu’ils pensent ou désirent. Lorsque cela
n’est pas possible, ou inadapté, dites-vous que votre supposition est au plus
une hypothèse, et évitez de déterminer votre comportement uniquement en
fonction de cette hypothèse. Cela équivaudrait à tirer des plans sur la
comète.

N’espérez pas que les autres devinent vos pensées


Encore un mirage dû à la pensée magique, attendre que les autres se
comportent comme s’ils étaient capables de percevoir nos pensées, nos
désirs ou nos craintes sans que nous ayons à les exprimer. Les autres ne
possèdent pas plus que nous l’appareil à lire les pensées des autres, les
vôtres par exemple. Si vous avez une attente vis-à-vis de quelqu’un d’autre,
autant l’exprimer clairement devant lui. Si vous ne le faites pas, ne vous
étonnez pas qu’il ne lui donne pas suite.

N’attendez pas que les autres se comportent comme


vous
Il vous arrive peut-être de vous plaindre du comportement d’autrui en
disant, comme s’il s’agissait d’une circonstance aggravante : À sa place, je
n’aurais pas agi ainsi. Ce raisonnement oublie une évidence, c’est que
précisément vous n’êtes pas à sa place. Rien ne nous permet d’attendre que
les autres se comportent comme nous. Le comportement de chacun dépend
de lui-même et de lui seul. Mieux vaut donc admettre une fois pour toutes
que les raisons qui poussent une personne à agir de telle ou telle manière
vous échappent, qu’elles lui échappent peut-être aussi, et qu’elles ne
regardent qu’elle. À vous de vous déterminer par rapport à son
comportement, tel qu’il se présente, au lieu de dépenser de l’énergie à
regretter que le monde ne soit pas comme vous attendez qu’il soit.

1- Smith Manuel, When I Say No, I Feel Guilty, Bantam Press, 1975.
Chapitre 12
Vous n’y arrivez pas ?
Rien n’est perdu !
« Aide-toi, le ciel t’aidera. »
Jean de LA FONTAINE

Vous êtes découragé ?


Vous avez le sentiment que, malgré vos efforts appliqués et soutenus,
rien ne change dans votre situation ? Que votre désir de changement est
voué à l’échec ? Ce chapitre s’adresse à vous. Il vous montrera qu’il faut
garder l’espoir car rien n’est jamais perdu. Peut-être êtes-vous trop
pessimiste dans l’appréciation de vos résultats, et n’apercevez-vous pas
encore les résultats obtenus. Et surtout, vous n’êtes pas seul au monde !
Cherchez de l’aide, des ressources existent autour de vous ou à proximité. Il
suffit de les chercher, elles vous aideront à vous aider vous-même. Ce
chapitre vous expliquera comment trouver les appuis les plus adaptés à
votre situation.

Êtes-vous sûr que rien n’a vraiment changé ?


Commencez par évaluer aussi objectivement que possible la situation :
est-elle aussi décourageante que vous le croyez ? Évitez une appréciation en
« tout ou rien » car vous risquez d’exagérer l’importance de l’échec et de
minimiser vos réussites. Si le verre est à moitié plein, il n’y a pas de raison
de le voir complètement vide ! Lorsque nous sommes lancés dans une
entreprise difficile, nous avons tendance à minimiser le chemin déjà
parcouru, et à grossir l’importance de la route qu’il reste à accomplir. Je le
constate régulièrement dans ma pratique et dans ma vie en général. En
cours de thérapie il arrive que le patient ou le thérapeute, ou les deux, aient
l’impression que la situation n’a guère évolué depuis le début du traitement.
Dans ce cas, une réévaluation objective de la situation est utile, en
complément de l’appréciation subjective des deux interlocuteurs. Dans cette
situation je recours à des questionnaires standardisés, les mêmes que ceux
qui ont été utilisés pour l’évaluation de départ, et qui ne changent pas, eux.
Ils montrent souvent que l’impression subjective est trompeuse. Un
changement est déjà intervenu, partiel mais significatif. Simplement, le
comportement nouveau est déjà considéré comme acquis et normal, et il est
banalisé. En revanche, ce qui reste à faire est toujours perçu comme une
montagne à gravir.

Vous voyez les choses autrement ? C’est déjà gagné !


Voir les choses autrement permet d’agir autrement. C’est ce qu’affirme
la sagesse populaire : Si jeunesse savait… Mais ce n’est pas toujours le cas,
comme le reconnaît la même sagesse populaire lorsqu’elle ajoute : Si
vieillesse pouvait… Vous êtes dans la situation d’avoir changé votre point
de vue sans avoir réussi à changer votre manière d’agir ? Rassurez-vous,
vous avez déjà gagné, en partie tout au moins. Un changement s’est produit
en vous. En ayant acquis une vision plus réaliste, vous êtes probablement
devenu davantage plus sage, capable d’accepter les choses comme elles
sont. Au final, votre comportement devrait s’en trouver raffermi et plus
adapté à la réalité.

Apprenez des échecs autant que des succès


Nous apprenons des succès, qui nous incitent à poursuivre dans la
même voie. Mais aussi, et peut-être davantage encore, des échecs.
Encore aujourd’hui je me souviens de la manière d’orthographier certains mots, certains
accords grammaticaux parce que, enfant, j’avais commis une faute et que la correction m’est
restée, bien plus que l’orthographe d’autres mots que j’avais écrits correctement à l’époque.
L’échec nous apprend et nous enrichit car il nous pousse à changer pour
notre bien, à condition de l’accepter, de l’analyser et d’en tirer les
conséquences.

Acceptez vos limites


Un individu devient adulte, dit-on, quand il se rend compte que ses
parents ne sont ni les héros incomparables qu’il admirait enfant, ni les
sommets de nullité qui lui faisaient honte à l’adolescence. Lorsqu’il les
reconnaît pour des êtres humains comme les autres, avec leurs forces et
leurs faiblesses. Peut-être devient-on vraiment un adulte lorsqu’on parvient
au stade où l’on se considère soi-même comme ni génial ni nul, et qu’on
accepte les autres avec leurs qualités et leurs insuffisances. Acceptez donc
vos limites, et tenez-en compte dans l’appréciation de vos succès et de vos
échecs.
Paule, 35 ans, souffre de crises de panique dans les situations de groupe, depuis l’âge
de 17 ans. L’angoisse a été un sérieux obstacle sur la voie de ses études, qui ont pris environ
deux fois plus de temps que la moyenne. Elle persiste aujourd’hui, mais avec moins d’intensité.
Malgré son handicap, Paule a néanmoins réussi à obtenir un diplôme de pharmacienne. Mariée
et mère d’un enfant en bas âge, elle travaille à temps partiel comme intérimaire. Paule ne cesse
de se comparer à ses camarades d’études qui, selon elle, ont bien mieux réussi, en moins de
temps, et qui ont des emplois à temps plein.

Je fais remarquer à Paule qu’elle a raison d’observer qu’elle a éprouvé


plus de peine que ses camarades à terminer ses études et à trouver un
travail. Mais j’ajoute :
D’un autre côté, estimez-vous que vous êtes partie dans la course sur un pied d’égalité
avec elles ? Avec votre handicap majeur dans les contacts sociaux, ne trouvez-vous pas que ce
que vous avez réalisé est admirable ? Si un coureur arrive à terminer le marathon en portant un
sac de 20 kilos sur le dos, doit-on le blâmer parce qu’il a du retard sur les autres athlètes ? Ou
plutôt le féliciter parce qu’il a réussi à terminer la course ?

Qui ne peut, ne peut !


Vous êtes un être humain, vos capacités ont leurs limites. Si vous ne
réussissez pas à changer, c’est peut-être que vous vous heurtez à vos limites
naturelles. Pour le savoir, reprenez l’évaluation de votre problème et
demandez-vous si votre objectif est réaliste, compte tenu de vos forces et de
vos faiblesses. Comparez votre but avec vos réalisations passées, et avec
celles de personnes que vous connaissez et qui sont dans une situation
comparable à la vôtre. N’hésitez pas, en cas de doute, à demander aux
autres s’ils pensent que votre objectif est réaliste. Si, après cet examen, vous
avez le sentiment d’avoir tenté tout ce qui était en votre pouvoir de faire,
ayez l’esprit tranquille. Qui ne peut, ne peut ! proclame un proverbe du
canton de Vaud.

Changez votre fusil d’épaule

Prenez du recul, faites une pause


À certains moments, lorsque le résultat n’est pas à la hauteur de nos
espoirs et de nos efforts, il faut savoir changer la donne. Prenez du recul,
faites une pause dans votre effort de changement. Oubliez votre problème et
pensez à autre chose. Après un certain temps, vous aurez peut-être la
surprise de constater que votre problème vous apparaît sous un autre angle,
qu’il vous semble moins grave ou moins insoluble qu’auparavant. Certains
changements ressemblent au blé qu’on sème à l’automne et qui sort de terre
au printemps. Ils exigent du temps pour mûrir en profondeur et en silence.
Ne soyez donc pas trop étonné si, après une pause dans vos efforts, vous
observez qu’un changement s’est produit en vous comme malgré vous.

Cherchez de l’information
Renouvelez-vous en recherchant des informations nouvelles sur votre
problème. La télévision et la radio présentent des émissions de vulgarisation
et de témoignages sur la plupart des sujets et problèmes. Il en va de même
pour la presse écrite, et régulièrement apparaissent des ouvrages et des
magazines spécialisés consacrés à la psychologie, mais aussi à toutes les
techniques qui peuvent faire l’objet d’un apprentissage personnel : langues,
sports, relations sociales, bricolage, cuisine, peinture, musique, etc.

Internet
Grâce à Internet, l’information est facilement disponible sur tout,
partout et tout le temps. Mes patients cherchent sur la Toile des
témoignages de personnes souffrant du même problème qu’eux, avec qui ils
échangent des tuyaux, des solutions, ou des noms de thérapeutes. Ils y
trouvent aussi des informations scientifiques sur leurs médicaments, sur les
dernières nouveautés concernant leur problème. Internet est une source
d’information inouïe. On y trouve les sites d’associations professionnelles à
même de fournir les coordonnées de thérapeutes compétents, ceux de
groupes d’entraide, des informations sur toutes les publications, ou encore
les dernières informations scientifiques disponibles sur tout sujet. On peut
même y apprendre les langues et se former à des techniques sportives,
artistiques ou autres. Vous trouverez à la fin de l’ouvrage des propositions
de lecture et des adresses Internet où vous procurer de l’information fiable.

Vous n’êtes pas seul au monde !

L’appui des autres, un atout sans prix


Vous avez épuisé toutes les possibilités d’avancer par vous-même ? Il
vous reste une carte à jouer, un atout de première force : l’appui des autres.
Que les choses soient claires, en aucun cas les autres ne peuvent résoudre
votre problème ou progresser à votre place. En revanche, il y a de bonnes
chances que l’appui d’autrui vous permette de dépasser vos blocages.
Comment ? Il y a plusieurs degrés dans l’aide qui peut nous être apportée
par les autres. Nous allons en mentionner quelques-unes. Utilisez l’aide qui
convient le mieux à votre situation.

Parler aide
Le seul fait de parler à quelqu’un représente déjà une aide, car exposer
son problème exige de le mettre en forme, de le clarifier et de le projeter
hors de soi. Parfois cela suffit à le faire voir sous un autre angle, sans que
l’autre ait eu besoin de dire quoi que ce soit. Parlez de votre problème à un
proche, à un ami, à un collègue en qui vous avez confiance. Vous serez
probablement étonné de constater que vous y voyez déjà plus clair au
moment où vous vous exprimez.

Une oreille qui ne juge pas


Si parler est déjà utile en soi, l’attitude de votre interlocuteur apporte
une contribution supplémentaire, la présence d’une oreille attentive et
dénuée de jugement. C’est un privilège que de pouvoir confier son souci ou
son espoir à une personne de confiance qui vous écoute de manière neutre
ou bienveillante, sans émettre de critique ou de conseil. C’est ce style qui
caractérise (ou devrait caractériser) la relation avec son médecin ou avec
son psychothérapeute, et avec quelques rares interlocuteurs choisis. La
neutralité de votre vis-à-vis lui permet de jouer le rôle d’un miroir qui vous
renvoie les données de votre problème revues et reformulées. Le regard de
l’autre vous aide ainsi à envisager votre situation de manière plus objective,
et peut-être à l’aborder différemment.
Quand je travaillais à l’hôpital, j’ai un jour perdu un dossier de malade alors que je me
rendais à l’étranger pour une supervision. Malheureux et embarrassé par cet incident, aussi
bien pour le patient que pour moi, je redoutais le moment de devoir informer mon chef de
service de ce qui s’était passé. Son attitude fut pour moi d’un grand réconfort. Au lieu de me
réprimander pour mon étourderie, il se borna à me dire : Ce sont des choses qui arrivent, on
n’y peut rien, et le dommage n’est pas bien grand.

Faites-vous conseiller
Un degré supérieur dans le niveau d’aide fourni par les autres est atteint
lorsque votre interlocuteur prend une attitude plus active que la simple
écoute. Qu’il s’appelle conseiller, mentor, coach ou entraîneur, son rôle est
d’être un modèle qui vous montre la voie à suivre. Sa position extérieure lui
permet d’être plus objectif que vous dans l’observation de votre
comportement. Il peut ainsi mieux repérer vos points forts et, grâce à ses
connaissances, vous montrer comment corriger vos erreurs. Il devrait aussi
vous encourager dans les moments difficiles. Les parents, les proches
respectés, les enseignants, les entraîneurs sportifs, les aînés, les supérieurs
au travail, les maîtres dans n’importe quelle discipline, exercent ce rôle de
modèles. L’activité du médecin et celle du psychothérapeute sont en partie
de cet ordre. Cherchez autour de vous les personnes de confiance qui
puissent vous conseiller par leurs observations et leurs conseils avisés.

Besoin d’un coach ?


Le cocher était chargé d’amener les voyageurs à bon port à bord d’une
voiture tirée par des chevaux. Après un détour au États-Unis, la notion de
coach est revenue de ce côté de l’Atlantique pour désigner l’entraîneur
sportif, puis le moniteur en développement personnel. Les coachs
professionnels se proposent de vous aider à développer votre potentiel, à
progresser dans votre domaine ou à dépasser certains blocages. Partie du
sport, la notion de coaching s’est étendue à de nombreuses activités, en
particulier la gestion d’entreprise. Certaines personnes font même appel à
un coach pour mieux orienter leur vie privée. Attention, le titre n’est pas
protégé, n’importe qui peut le revendiquer ! Le coaching recouvre des
activités très diverses, de la plus sérieuse à la plus fantaisiste. Le risque
existe de manipulation par des charlatans. En cas de doute, prenez les
précautions mentionnées plus loin dans ce chapitre à propos des faux
gourous.

Trouvez des partenaires


L’entraide est une forme très efficace d’aide fournie par les autres, dans
une relation égalitaire. L’émulation est une stimulation par la compétition
amicale avec les partenaires. Ceux-ci prodiguent aussi encouragements,
critiques et observations réciproques. Les Alcooliques anonymes ont
constitué un des premiers groupes d’entraide, et leur efficacité est largement
reconnue. Les Weight Watchers représentent un autre exemple de groupe
d’entraide. Si ces groupes existent à l’échelle mondiale, leur travail
quotidien se situe au niveau local. De nombreux groupes d’entraide existent
et continuent à apparaître dans le monde entier pour de nombreux
problèmes, notamment mais pas exclusivement psychologiques : timidité,
anxiété, dépression, TOC, etc. La plupart possèdent un site Internet qui
permet d’entrer en contact avec eux. Vous pouvez aussi constituer votre
propre groupe d’entraide, avec un ou plusieurs partenaires concernés par le
même problème que vous.

L’aide spirituelle
Certains ecclésiastiques, par le rayonnement de leur personnalité et la
qualité de leur message, apportent un appui d’une valeur inestimable aux
personnes ouvertes à cette forme d’aide. J’ai vu des patients réellement
transformés par le message spirituel, capables de changer durablement de
comportement sous son effet.
Attention aux faux gourous !
Si votre disposition vous y porte, il n’y a pas de raison de négliger le
secours de la spiritualité. Attention toutefois aux faux gourous de toute
espèce qui prolifèrent. Ils sont prêts à profiter de votre crédulité. Je parle de
« faux » gourous, à ne pas confondre avec les vrais gourous, qui sont des
maîtres spirituels dans la religion brahmanique indienne. Les faux gourous
sont dangereux car ils abusent de votre naïveté et de votre argent. Ils
poussent à la dépendance psychologique et à la négligence de votre santé et
de votre compte bancaire. Au final, ils favorisent plutôt l’infantilisation que
l’autonomie et le développement personnel. Méfiez-vous des discours
flatteurs qui vous promettent des solutions miraculeuses.

Comment reconnaître un faux gourou ?


En premier lieu, ils ont une solution, simple et unique, pour ne pas dire
simpliste, à tout problème. Ensuite, ce sont eux seulement qui détiennent le
pouvoir et la connaissance. Votre seul droit est de vous soumettre à leur
savoir et à leur pouvoir. Ils se permettent avec vous une familiarité
inadéquate. Le tutoiement est fréquent, ils se mêlent de votre vie privée en
dehors de la relation thérapeutique, ou vous mêlent à la leur. Vous n’avez
pas le droit de connaître le mystère de leur action. Si vous vous permettez
de les mettre en question, vous pouvez vous attendre à être condamné ou
rejeté. Enfin, toute logique rationnelle est bannie de leur système. Celui-ci
ne s’adresse qu’à votre pensée magique. Leur théorie est fumeuse,
ésotérique, pseudo-mystique ou pseudo-scientifique, et en tout cas
inaccessible au raisonnement et à la critique. Ils ne sont pas affiliés à des
associations professionnelles reconnues, qui exerceraient un contrôle de
leur formation. En revanche ils sont entourés de fidèles inconditionnels.

Renseignez-vous
S’il vous semble reconnaître plusieurs de ces caractéristiques chez un
soi-disant thérapeute, exigez qu’il vous montre ses diplômes et assurez-
vous que ceux-ci correspondent à des titres officiellement reconnus. En cas
de doute, renseignez-vous auprès de l’administration publique. Demandez
au thérapeute quels sont les fondements scientifiques de sa pratique, ses
méthodes de traitement et les objectifs que vous pouvez espérer atteindre.
Si ces demandes, qui sont tout à fait légitimes, sont rejetées, reçoivent des
réponses floues ou des manifestations de mépris ou de colère, méfiez-vous
et regardez à deux fois avant d’entreprendre un traitement chez cette
personne.

Faites-vous aider par un professionnel

Quand parler à votre médecin ?


Vous n’arrivez pas à avancer et vous avez le sentiment de traverser une
crise, d’éprouver un sentiment de manque d’énergie ou de malaise difficile
à définir ? Cette situation entraîne des répercussions sur vos relations avec
les autres, sur votre travail ? Votre moral accuse le coup ? Peut-être est-il
temps de parler de votre problème à votre médecin. Il se pourrait que vos
difficultés traduisent un épuisement ou un problème de santé justifiant un
bilan médical. Votre médecin évaluera si votre état relève d’un petit coup de
fatigue momentané sans gravité ou d’un véritable désordre de santé
physique ou psychique, par exemple une dépression ou un trouble anxieux
ayant valeur de maladie.

Voir un psychiatre ?
Si votre médecin diagnostique une affection d’ordre psychique, il se
peut qu’il vous propose de la traiter lui-même, s’il s’estime compétent pour
cela. Il est possible aussi qu’il vous propose de consulter un psychiatre. Ne
vous affolez pas ! Cela ne signifie pas que vous êtes devenu fou, ni que
vous allez le devenir. La psychiatrie moderne ne se limite plus à traiter
seulement les graves troubles mentaux traditionnels, ceux qui perturbent
sévèrement le rapport du malade avec la réalité comme la schizophrénie et
la démence. La psychiatrie a découvert des traitements efficaces pour des
maux qu’on pourrait considérer comme moins graves, sauf qu’ils
empoisonnent considérablement la vie des gens qui en souffrent. Ces
troubles psychiques, comme l’anxiété, la dépression, les troubles
alimentaires, les dépendances, sont caractérisés par des modifications du
comportement. Celles-ci se manifestent dans la vie quotidienne par des
manières inhabituelles d’agir, de voir et de ressentir les choses. En guérir
implique de revenir à des comportements plus habituels. Ce changement se
produit grâce à un effort sur soi-même, avec ou sans le concours d’un
traitement médicamenteux.

Comment le psychiatre travaille-t-il ?


Le psychiatre est un médecin qui, après des études médicales, a suivi
une formation spécialisée de plusieurs années dans le domaine du
traitement des affections psychiques. Les traitements psychiatriques sont de
deux types : la psychothérapie et la pharmacothérapie. Je dirai plus loin
quelques mots de ces deux sortes de traitements. Auparavant je tiens à
répéter que consulter un psychiatre ne signifie pas être fou. C’est au
contraire se donner toutes les chances de maintenir ou rétablir son équilibre
psychique en faisant appel au médecin le plus qualifié pour évaluer et traiter
les affections psychiques.

Votre moral ne mérite-t-il pas autant de soin que vos


reins ?
Il faut du temps et du courage pour admettre que l’on souffre dans son
psychisme. Si vous avez franchi cette étape, vous vous dites certainement
que vous méritez le traitement le plus approprié à votre état, de la même
manière que vous désirez les soins les plus efficaces si vous souffrez du
cœur, des reins ou de l’estomac. Votre état moral ne vaut-il pas la peine que
vous en preniez soin autant que de ces organes ? Le diagnostic en
psychiatre a réalisé d’énormes progrès depuis un quart de siècle. La
psychiatrie dispose maintenant de critères précis pour apprécier si une
personne souffre d’un trouble psychique atteignant le degré d’une maladie.
Dans ce cas, elle peut lui proposer le traitement le plus ajusté à son état. Les
troubles psychiques provoquent une souffrance morale intense chez la
personne, souvent aussi dans son entourage. La souffrance morale est
méconnue des personnes qui ne l’ont jamais éprouvée. À en croire ceux qui
ont souffert d’affections physiques et psychiques, la souffrance psychique
est plus insupportable que la souffrance physique, même la pire. Les
troubles psychiques sont à l’origine d’importantes difficultés dans la vie
sociale, dans les relations avec les proches, au travail ou dans les loisirs.
Enfin, contrairement à ce que certains croient, ils ne résultent pas d’un
manque de volonté. Le conseil « Secoue-toi donc ! » est inutile. Si vous
vous reconnaissez dans cette description de la souffrance psychique,
n’hésitez pas à parler à votre médecin et à lui demander s’il serait opportun
de consulter un psychiatre. Pour vous orienter dans le choix d’un
psychiatre, demandez son avis, informez-vous autour de vous ou consultez
les sites Internet des associations professionnelles de votre région.

Les médicaments qui changent la vie

La plupart des médicaments n’ont que cinquante ans


Depuis une cinquantaine d’années, les médecins disposent de
médicaments qui ont transformé la vie de millions de patients. Des
médicaments soulagent les souffrances d’origine cardiaque, respiratoire,
rhumatismale, etc. Il en va de même dans le domaine des maladies
psychiques. Il existe sur le marché des substances chimiques dont
l’efficacité est établie scientifiquement, et qui ont changé la vie des patients
et de leurs familles. Leur action est non seulement de soulager la souffrance
due aux affections psychiques, ils contribuent aussi à changer les
comportements. Les comportements inappropriés dus aux troubles
psychiques sont diminués, et des comportements plus normaux sont peu à
peu restaurés, du moins en partie. Ces médicaments redonnent aux patients
déprimés le goût de vivre et l’énergie nécessaire pour accomplir leurs gestes
habituels. Ils diminuent l’ampleur dévastatrice des troubles du
comportement dus au trouble bipolaire, ils limitent le repli social induit par
la schizophrénie, ou encore libèrent en bonne partie les patients anxieux de
leurs crises de panique ou de leurs rituels obsessionnels. Le regard doit
rester critique quant aux abus, à l’efficacité encore trop limitée et aux effets
indésirables. Néanmoins, ayons une pensée émue pour nos ancêtres qui ont
dû endurer pendant des millénaires les souffrances psychiques et
l’exclusion sociale qui en résultait sans autre secours que la compassion, la
pensée magique ou des remèdes barbares. Et mesurons la chance que nous
avons de vivre à une époque où la plupart des souffrances physiques et
psychiques peuvent être soulagées de manière fiable et efficace, en
particulier grâce aux médicaments.
Les médicaments utilisés en psychiatrie
Je me bornerai ici à présenter les principales catégories de
médicaments, avec leurs effets désirables et indésirables. Sachez qu’en
général, la prise simultanée de plusieurs médicaments rend leur effet plus
difficile à prédire, et augmente le risque d’effets indésirables, en particulier
sur les capacités cognitives (attention, concentration, mémoire). Attention
donc à la conduite automobile et à la manipulation de machines. Évitez
également de boire de l’alcool lorsque vous prenez des médicaments
psychotropes, ou limitez-vous à des doses très modérées.

Les somnifères
Comme leur nom l’indique, les somnifères aident à dormir. De
nombreux grands insomniaques ne peuvent pas s’en passer. Ils sont
efficaces surtout lorsqu’ils sont utilisés de manière ponctuelle, c’est-à-dire
dans un contexte précis et limité (quelques jours). Lorsqu’on s’en sert
régulièrement, c’est-à-dire chaque jour pendant plusieurs mois, ils
entraînent une dépendance, qui est psychologique plus que physique.
Utilisés à dose raisonnable, même régulièrement, ils n’ont guère d’effets
indésirables, ni à court ni à long terme.

Les tranquillisants
Les anxiolytiques, appelés aussi tranquillisants ou benzo-diazépines
(leur nom chimique) diminuent l’anxiété et les crises d’angoisse. Ils
agissent au bout de 30 à 60 minutes, et leur effet dure quelques heures. Ils
sont surtout efficaces lorsqu’ils sont pris à la demande, ponctuellement. En
utilisation régulière (tous les jours durant un mois et plus), ils perdent de
leur efficacité et entraînent une dépendance psychologique et parfois
physique. À long terme, après de très nombreuses années d’utilisation à
doses élevées, ils peuvent altérer la mémoire.

Les antidépresseurs
Les antidépresseurs agissent sur la dépression, mais aussi sur d’autres
troubles psychiques. C’est surtout le cas des antidépresseurs dont l’action
s’exerce sur une substance produite par le cerveau appelée sérotonine.
Parmi ces médicaments figurent entre autres la paroxétine, la fluvoxamine,
le citalopram, la sertraline, la fluoxétine et la venlafaxine. Séparément de
leur effet antidépresseur, ces médicaments sont efficaces sur des troubles
anxieux comme le trouble panique, le trouble obsessionnel-compulsif
(TOC) et la phobie sociale. Ils sont probablement actifs sur d’autres
troubles psychiques encore. En raison de leur efficacité sur bien d’autres
problèmes que la dépression, le terme « antidépresseur » n’est
probablement plus adapté, mais il persiste dans l’usage. Contrairement aux
anxiolytiques, les antidépresseurs n’agissent pas dans les minutes et heures
qui suivent. Leur action ne se déploie pleinement qu’après un délai, qui
peut aller d’une semaine à trois mois (pour le TOC), et à condition que le
médicament soit pris régulièrement, chaque jour (en général une prise par
jour). Les antidépresseurs actuels sont relativement bien supportés par la
plupart des patients. Ils causent assez souvent des effets indésirables
physiques parfois gênants (troubles digestifs, maux de tête et autres), mais
sans gravité médicale. Les effets indésirables disparaissent généralement
après deux à quatre semaines, lorsque les effets bénéfiques apparaissent.
Certains effets indésirables, non présents chez tous les patients, peuvent
persister et motiver l’arrêt du traitement. C’est le cas de la prise de poids et
des troubles sexuels (retard d’éjaculation, parfois baisse du désir sexuel).
Les médicaments antidépresseurs ne manifestent leur efficacité que s’ils
sont pris régulièrement, en général pendant plusieurs mois en cas de
dépression, au moins une année et souvent davantage pour les troubles
anxieux. Ils sont parfaitement compatibles avec une vie normale, y compris
la conduite automobile. Mais il faut éviter de les mélanger avec l’alcool, car
la combinaison des deux substances risque sérieusement de diminuer votre
vigilance. Cette remarque vaut d’ailleurs pour tous les médicaments
mentionnés ici.

Les stabilisateurs de l’humeur


Les stabilisateurs de l’humeur sont prescrits aux personnes sujettes à de
graves variations de l’humeur, lorsque ces fluctuations sont suffisamment
prononcées pour entraîner des perturbations importantes et répétées des
relations sociales et de l’activité (arrêts de travail ou des études, par
exemple). Les variations de l’humeur peuvent être à la baisse (dépression)
comme à la hausse (excitation, agressivité, dépenses inconsidérées,
comportements socialement inacceptables). Les principaux stabilisateurs de
l’humeur sont les sels de lithium et certains antiépileptiques. Ils préviennent
la survenue des changements excessifs de l’humeur, ou atténuent leur
ampleur. Pour être efficaces, le traitement doit être observé
scrupuleusement sur une période très prolongée, qui se compte en années
plutôt qu’en mois. Ils ont des effets indésirables spécifiques, propres à
chaque médicament. Le taux du lithium dans le sang doit être contrôlé
régulièrement.

Les neuroleptiques
Les neuroleptiques diminuent les phénomènes psychotiques, c’est-à-
dire de perte de contact avec la réalité que représentent les idées délirantes
et les hallucinations, rencontrées surtout dans la schizophrénie. La prise de
poids et l’émoussement des émotions comptent parmi leurs effets
indésirables. Ceux-ci entraînent fréquemment l’arrêt du traitement. Celui-ci
est malheureusement souvent payé d’une reprise des phénomènes
psychotiques et des troubles du comportement qui les accompagnent.

Et les drogues ?
À côté des médicaments, de nombreuses substances licites et illicites
produisent des changements de comportement. Par leur action stimulante ou
calmante sur le cerveau, les drogues modifient la manière d’agir, de
ressentir et de penser des personnes qui les consomment. Parmi les drogues
stimulantes figurent la cocaïne, les amphétamines, l’ecstasy, mais aussi la
nicotine et la caféine. L’alcool, les opiacés (héroïne, morphine, méthadone,
buprénorphine) et le cannabis ont un effet calmant sur le système nerveux,
mais ces drogues peuvent avoir, dans un premier temps, un effet excitant.
Les substances hallucinogènes, en plus de leur action stimulante ou
calmante, modifient de manière impressionnante les perceptions
sensorielles. Le LSD, l’ecstasy, la mescaline et le cannabis figurent parmi
cette catégorie de drogues. La question du changement provoqué par les
drogues s’éloigne du sujet de ce livre, qui est le changement voulu et
porteur d’épanouissement personnel. Les effets indésirables des drogues
(dépression, angoisse, délire, dépendance, désinsertion sociale) l’emportent
largement sur leurs effets désirables. De plus, les changements de
comportement sont accompagnés d’atteintes des capacités mentales
(concentration, attention, vivacité d’esprit, clarté du jugement) le plus
souvent incompatibles avec une vie intellectuelle et sociale épanouie.

Changer grâce à la psychothérapie

Qu’est-ce que la psychothérapie ?


La psychothérapie est une méthode de traitement des problèmes
psychiques basée uniquement sur des moyens psychologiques. Elle passe
par le dialogue avec un interlocuteur appelé psychothérapeute. Celui-ci se
réfère à une théorie scientifiquement reconnue, et il sert de miroir et
d’entraîneur pour son patient. Le but du processus est d’aider ce dernier à
changer sa manière de voir, de sentir et de se comporter pour se sentir
mieux.

Les origines de la psychothérapie


De tout temps, l’être humain a éprouvé le besoin de se confier et de
demander conseil à des figures d’autorité. Dans l’Antiquité, les prêtres et
les philosophes remplissaient cette mission. Après le Moyen Âge, les
philosophes ont perdu leur crédit en tant que conseillers personnels, mais
ont gardé une certaine influence intellectuelle. Les moines et les prêtres ont
repris la fonction de directeurs de conscience. Depuis un siècle, l’influence
des religieux est en recul, et les psychothérapeutes ont été de plus en plus
sollicités comme conseillers de vie et comme soignants des maux de l’âme.
Ces deux fonctions se sont interpénétrées. La première est d’abord le
domaine des psychologues, la seconde celle des psychiatres. Les
psychologues ont étendu leurs méthodes et leurs compétences au traitement
des maladies psychiques, et les psychiatres ont élargi les frontières de la
psychiatrie à de nombreux problèmes situés auparavant hors de son champ.
Aujourd’hui, la psychothérapie est pratiquée aussi bien par des
psychologues que par des médecins psychiatres, avec probablement
quelques différences dues à la spécificité de leur formation. Le terme
« psychothérapie » est apparu pour la première en 1891 dans le titre d’un
livre du médecin français Hippolyte Bernheim, de Nancy, sur l’hypnose
comme méthode de traitement des affections psychiques. À la même
époque, à Vienne, Freud est devenu le premier psychothérapeute
professionnel. Sa pratique était basée sur la théorie psychanalytique qu’il
était en train de construire. À partir des années 1920, aux États-Unis, les
psychologues John Watson puis Burrhus F. Skinner ont donné des bases
scientifiques à la psychologie et à la psychothérapie. Ils ont appliqué aux
phénomènes psychiques les principes de la méthode expérimentale et les
lois de l’apprentissage issues des travaux de Pavlov et de Thorndike. Cette
forme de psychothérapie a été appelée « comportementale » puis
« cognitive et comportementale » après la synthèse avec l’approche
cognitive d’Ellis et de Beck (voir le chapitre 6) dans les années 1970.

Qui est compétent pour pratiquer la psychothérapie ?


La plupart des psychothérapeutes sont des psychiatres ou des
psychologues. Ils ont suivi une formation en psychothérapie de plusieurs
années. Les psychiatres sont des médecins spécialisés en psychiatrie, les
psychologues diplômés d’études universitaires en psychologie. Mais
attention, le titre de psychothérapeute n’est pas protégé officiellement, sauf
en Suisse lorsqu’il est obtenu par des psychiatres et des psychologues à
l’issue d’une formation reconnue. Des projets de réglementation sont en
cours en France et dans d’autres pays européens, mais à ce jour chacun peut
se proclamer psychothérapeute. Le risque d’abus et de charlatanisme existe.
En cas de doute, prenez les précautions mentionnées dans le chapitre
précédent sur les faux gourous.

En pratique, comment ça se passe ?


La psychothérapie est un contrat moral passé entre le patient (ou
« client ») et le psychothérapeute. Le patient engage sa compétence, dans le
sens où c’est lui qui connaît le mieux son problème. Il s’engage à fournir les
efforts nécessaires pour changer selon la méthode thérapeutique utilisée par
le psychothérapeute. Il s’engage à venir aux séances et à rémunérer le
psychothérapeute selon un tarif convenu à l’avance. Le coût de la
psychothérapie n’est pas, ou partiellement seulement, pris en charge par
l’assurance-maladie, sauf en Suisse lorsqu’elle est pratiquée par un
psychiatre pour traiter une maladie psychique reconnue. Pour sa part, le
psychothérapeute met à disposition son temps et sa compétence de
spécialiste de la psychologie ou de la psychiatrie.

Il y a plusieurs méthodes de psychothérapie


Le processus dure de quelques semaines à plusieurs années selon la
nature du problème et la méthode choisie. La psychothérapie cognitivo-
comportementale est ciblée sur un ou plusieurs problèmes bien définis. Elle
comprend de l’ordre de 10 à 40 séances de 30 à 90 minutes, à raison d’une
séance par semaine ou par quinzaine. Les séances incluent des exercices
pratiques, par exemple s’exposer à certaines situations redoutées, apprendre
à contrôler sa respiration, etc. À cela s’ajoute un travail personnel (tâches à
domicile) à accomplir par le patient entre les séances. La psychothérapie
psychanalytique, à distinguer de la cure psychanalytique proprement dite
(beaucoup plus longue, position allongée sur le divan) a pour but d’explorer
et de réaménager de manière plus générale le fonctionnement psychique du
patient. Elle s’étend sur une durée de deux à quatre ans
pour 100 à 200 séances d’une heure environ. Il existe aussi des
psychothérapies psychanalytiques brèves (20 à 30 séances) ciblées sur des
objectifs limités. Les séances de psychothérapie systémique (de couple ou
de famille) sont moins nombreuses (10 à 20), plus espacées (de l’ordre
d’une séance par mois) et plus longues (une à deux heures). La
psychothérapie peut être associée, si nécessaire, à un traitement
médicamenteux (antidépresseur, anxiolytique ou autre).

La psychothérapie est efficace


L’efficacité de la psychothérapie comme traitement des maladies
psychiques a été établie par de nombreuses études scientifiques. La
psychothérapie agit de deux manières, l’une générale, l’autre plus
spécifique. Certains facteurs thérapeutiques sont présents dans toutes les
formes de psychothérapie. Parmi ces facteurs non spécifiques car communs
à toutes les formes de psychothérapie, on peut citer : l’empathie, c’est-à-
dire la capacité du thérapeute de se mettre dans la peau de l’autre ; la qualité
de la relation entre les deux interlocuteurs ; l’appui moral trouvé par le
patient chez son psychothérapeute ; la croyance du psychothérapeute dans
l’efficacité de sa méthode. De surcroît, la nature du traitement
psychothérapeutique implique l’existence des facteurs propices au
changement que nous avons évoqués plus haut : parler à autrui, être écouté
sans être jugé ou immédiatement gratifié de conseils, trouver en face de soi
un miroir qui « réfléchit » dans les deux sens du terme. Quant aux facteurs
spécifiques, propres à chaque forme de psychothérapie, ils dépendent des
caractéristiques de chaque méthode.

Préparez-vous à votre psychothérapie


La psychothérapie est une méthode de changement efficace mais
exigeante et coûteuse, en efforts, en temps et en argent. Avant de faire appel
à un psychothérapeute professionnel, commencez par essayer de changer
par vos propres moyens. Soyez votre propre psychothérapeute. Ce livre
aimerait vous en donner les moyens théoriques et pratiques. Si votre
problème n’est pas trop compliqué ou trop ancré, il y a de bonnes chances
que vous y parveniez. Si la tâche est trop ardue, vos efforts pour changer
par vous-même ne seront pas perdus car ils vous auront préparé de la
meilleure des manières à la démarche de la psychothérapie !
Conclusion
« Il est bon de suivre sa pente, pourvu que ce soit en
montant. »
André GIDE

Suivre sa pente… en montant


Que le chemin emprunté soit celui du « faire avec » ou celui du « faire
autrement », ou les deux, changer de comportement exige toujours
beaucoup d’efforts et de persévérance. Il faut lutter longtemps contre la
pente de l’habitude. Hasard ou non, il se trouve que l’acquisition d’un
nouveau comportement plus désirable ou plus approprié revient le plus
souvent à faire exactement le contraire de ce qu’on est tenté naturellement
de faire.
Si, au cours de votre effort de changement, vous avez un doute sur la
conduite à tenir, le plus simple est de vous demander : Quelle serait ma
pente naturelle dans cette situation ? Faites alors exactement le contraire.
« Suivre sa pente en montant », pour reprendre une belle expression
d’André Gide, est certainement le moyen le plus sûr de réussir à changer de
comportement.

Trouvez vos propres solutions


Nous voici arrivés au terme, ou presque, de cet ouvrage. J’espère que sa
lecture vous aura mis sur la piste de solutions au problème ou au défi qui
ont motivé votre intérêt pour le livre. Celui-ci, vous l’aurez compris, ne
présente qu’une méthode, un outil de travail. Cet outil est utilisable dans de
nombreuses situations, mais c’est à vous de fournir la matière à travailler
grâce à cet outil. Utilisez la méthode pour trouver vos propres solutions !
Personne ne peut assumer vos choix à votre place. Ceux-ci relèvent de votre
responsabilité et de votre liberté. Ce livre aura largement atteint son but s’il
a pu vous aider à mieux exercer votre liberté personnelle.
Vous êtes en panne ?
Vos formules de secours
J’ai rassemblé ici les principales formules qui résument la philosophie
du livre. J’en ai retenu 5 pour chaque phase ou aspect du changement.
N’hésitez pas à adopter comme leitmotivs celles qui vous semblent utiles.
Elles sont exprimées sous la forme de rappels ou mots d’ordre que vous
vous donnez lorsque vous êtes en panne.

Avant de commencer
1. Bonne nouvelle, changer, cela s’apprend !
2. Certaines choses dépendent de toi, les autres non.
3. Ne cherche à changer que ce qui dépend de toi.
4. Changer les autres ? Peine perdue, oublie !
5. Il n’y a presque rien que tu puisses changer. Mais ce presque rien peut
te changer la vie.

Comment s’y prendre


1. Si tu veux changer, accumule les expériences.
2. Il n’y a que deux manières de changer : faire avec et faire autrement.
3. Pour changer de comportement, applique le principe « diviser pour
régner ».
4. Prends exemple sur les autres.
5. Utilise tes deux cerveaux, le droit et le gauche.

Savoir terminer
1. Change pour toi, pas pour les autres.
2. Le mieux est l’ennemi du bien.
3. Vise un but concret et limité.
4. Renonce à la révolution, elle te ramènerait à ton point de départ !
5. Sois réaliste, c’est la vraie ambition.

Changer sa manière de faire


1. Essaie plusieurs comportements avant de choisir.
2. N’évite pas, expose-toi.
3. Creuse ton sillon, mais le bon !
4. Ouvre tes antennes aux découvertes imprévues.
5. Le roseau comme modèle, plutôt que le chêne.

Changer sa manière de voir


1. Enlève tes œillères.
2. Mieux vaut penser « juste » que « positif ».
3. Les opinions, c’est comme les outils, il faut les changer quand elles
sont usées.
4. As-tu la preuve ?
5. Tes pensées ne sont que des pensées, pourquoi en avoir peur ?

Changer sa manière de sentir


1. Sourire rend heureux !
2. Pour rester zen, respire en carré.
3. Utilise ton œil américain : tout voir, ne rien regarder.
4. Profite de l’effet « boule de neige ».
5. Pour accéder à l’émotion, cherche la sensation.

Faire la paix avec soi-même


1. Respecte-toi toi-même comme tu respectes les autres.
2. Pas besoin de prouver ta valeur, elle va de soi.
3. Occupe-toi de tes oignons, et seulement d’eux.
4. Le « tout ou rien » est bon pour le courant électrique, pas pour toi.
5. Pourquoi exiges-tu plus de toi que des autres, es-tu d’une espèce
supérieure ?

Faire la paix avec les autres


1. Regarde ton interlocuteur quand tu l’écoutes, pas quand tu lui parles.
2. Tu possèdes la machine à lire les pensées d’autrui ?
3. Rappelle-toi, tu n’es pas responsable du comportement des autres.
4. Prends ta place, rien que ta place, mais toute ta place.
5. N’oublie pas la « règle du je ».

Pour les jours où rien ne va


1. Tu fais du surplace ? As-tu peur de perdre au change ?
2. Contre la force de l’habitude, utilise l’arrêt sur image.
3. Qui ne peut, ne peut !
4. Tu veux te juger ? D’accord, mais instruis à charge et à décharge !
5. Tu n’es pas seul au monde !

Pour les jours où tout va (trop) bien


1. Tu es pressé ? Roule lentement !
2. Chaque chose en son temps, et une chose à la fois.
3. N’ignore pas la réalité, elle pourrait se venger.
4. Tu es prisonnier de ton problème ? Prends une lime, pas une bombe.
5. Suis ta pente en montant.
Pour aller plus loin

Un choix de lectures
Si vous désirez approfondir certains sujets traités dans le livre, voici un
choix de quelques lectures brièvement commentées. Le sujet est très vaste,
il s’agit d’une sélection de textes que je trouve utiles dans ma pratique
professionnelle et dans ma vie.

Que changer ? Comment changer ?


Albert BANDURA, L’Apprentissage social, Paris, Mardaga, 1977.
Étude documentée de la manière dont nous apprenons nos comportements
des autres, pour le meilleur et pour le pire.
Jean COTTRAUX, Les Thérapies comportementales et cognitives,
Paris, Masson, 2004. Un « classique » pour les psychothérapeutes en
formation, mais sa lecture est accessible à chacun.
Jean-Louis JUAN DE MENDOZA, Deux Hémisphères, un cerveau,
Paris, Dominos-Flammarion, 1996. En 120 pages au style allègre, un
professeur de psychologie présente l’essentiel de ce qu’il faut savoir sur les
spécificités hémisphériques, avec des chapitres amusants sur le cerveau du
gaucher, celui du Japonais ou de l’artiste.
Linda V. WILLIAMS, Deux Cerveaux pour apprendre, le droit et le
gauche, Paris, Éditions d’Organisation, 1994. Ouvrage écrit par une
spécialiste américaine de la pédagogie. Il décrit de manière plaisante et
compréhensible les fonctions des deux cerveaux, le droit et le gauche. Écrit
à l’intention des enseignants, l’ouvrage donne des indications qui peuvent
facilement être transposées dans d’autres domaines de la vie.
Changer votre manière d’agir
Jean de LA FONTAINE, Fables. Je retourne toujours avec plaisir aux
fables de mon enfance, et les utilise volontiers comme exemples dans ma
pratique thérapeutique. Une mine d’or pour qui veut changer de
comportement en profitant des leçons de la sagesse populaire.
Isaac MARKS, Vivre avec son anxiété, Montréal, Le Jour, 1979. Marks
est le pionnier du traitement des troubles anxieux par l’exposition et
l’habituation.

Changer votre manière de penser


PLATON. Élève de Socrate, Platon a reconstitué les dialogues de
Socrate. Quelques dialogues sont disponibles en livre de poche : Gorgias,
Criton, Protagoras, Apologie de Socrate. Pour ceux qui sont intéressés à un
contact direct avec la méthode socratique. Celle-ci se propose d’apprendre à
penser plus « juste » en mettant au jour les croyances infondées pour les
remplacer par des croyances plus réalistes.
ÉPICTÈTE, Manuel. Épictète n’a pas plus laissé de trace écrite que
Socrate. Un de ses élèves a rassemblé en 80 pages l’essentiel de son
message. Ces réflexions gardent toute leur actualité au XXIe siècle.
Plusieurs éditions de poche sont disponibles. La plus intéressante est celle
des éditions GF-Flammarion, car elle contient en prime les Pensées pour
moi-même, journal intime de Marc-Aurèle. Empereur romain, Marc-Aurèle
était un philosophe dont les réflexions sont empreintes de beaucoup de
lucidité et d’humanité.
Jean COTTRAUX, Les Thérapies cognitives : comment agir sur nos
pensées, Paris, Retz, 2006. Les principes de la psychothérapie créée par A.
Beck, dont les ouvrages ne sont pas disponibles en français.

Changer vos sensations


Diane ACKERMAN, Le Livre des sensations, Paris, Grasset, 1990.
Voyage passionnant à l’intérieur des sens et, grâce aux sens, dans l’histoire,
les arts, la biologie, la psychologie.
Charles CUNGI et Serge LIMOUSIN, Savoir se relaxer, en choisissant
sa méthode (livre et cédérom), Paris, Retz, 2006. Ouvrage pratique
montrant comment se détendre en agissant sur les sensations déplaisantes
liées à l’anxiété et au stress.
André GIDE, Les Nourritures terrestres. Hymne magnifique aux
sensations et à la vie. Si vous êtes à court d’imagination pour renouveler
vos sensations.
Jon KABAT-ZINN, Où tu vas, tu es. Apprendre à méditer pour se
libérer du stress et des tensions profondes, Paris, J’ai Lu, 1995. La
méditation a la cote en ce temps où tout va trop vite, où les repères
disparaissent. Le biologiste américain Jon Kabat-Zinn a réussi à introduire
la méditation bouddhiste dans la médecine occidentale, sous le nom de
« méditation de pleine conscience » (mindfulness). L’attention est portée
exclusivement à la sensation du moment présent, hors de toute pensée et de
toute action. En dehors d’affections médicales pour lesquelles elle est à
l’étude (douleur chronique, dépression récidivante, troubles alimentaires),
la méthode est pratiquée pour se relaxer et se ressourcer. Attention,
allergiques à la mode « new age » s’abstenir !

Vivre avec soi-même


Christophe ANDRÉ, Imparfaits, libres et heureux. Pratiques de l’estime
de soi, Paris, Odile Jacob, 2006. Pour se réconcilier avec soi-même. Solide,
documenté, complet, agréable à lire.
Lucien AUGER, S’aider soi-même, Paris, Éditions de l’Homme, 1974.
Pour comprendre et changer les relations avec soi-même et avec les autres.
Frédéric CHAPELLE, Benoît MONIÉ, Bon stress, mauvais stress :
mode d’emploi, Paris, Odile Jacob, 2007. Le stress est avant tout une
manière personnelle de réagir aux événements. Comment « faire avec » le
stress inévitable ? Parmi de nombreux excellents ouvrages traitant le sujet,
celui-ci est dû à la collaboration d’un psychiatre et d’un psychologue
travaillant avec des sportifs.
Frédéric FANGET, Oser. Thérapie de la confiance en soi, Paris, Odile
Jacob, 2006. Des pistes concrètes pour augmenter la confiance en soi-
même.

Vivre avec les autres


Christophe ANDRÉ, Patrick LÉGERON, La Peur des autres. Trac,
timidité et phobie sociale, Paris, Odile Jacob, 1995. Pour comprendre les
grandes peurs que les autres peuvent nous inspirer.
Jean-Marie BOISVERT, Madeleine BEAUDRY, S’affirmer et
communiquer, Paris, Éditions de l’Homme, 1979. Il existe de nombreux
manuels d’affirmation de soi de bonne qualité. Celui-ci, d’origine
canadienne, est un des plus anciens et des plus complets.
Manuel J. SMITH, When I Say No, I feel Guilty, Bantam, 1975. Un
best-seller malheureusement non traduit en français. Le premier manuel
pratique d’affirmation de soi commence par une liste de dix droits
fondamentaux que chaque individu est en mesure de revendiquer dans ses
relations avec les autres : droit de dire non sans se sentir coupable, de
commettre des erreurs, de changer d’avis, etc. Première description de la
technique du « disque rayé ».

Changer grâce aux médicaments


Antoine PELISSOLO, Bien se soigner avec les médicaments psy, Paris,
Odile Jacob, 2005. Les réponses aux questions que vous vous posez à
propos des traitements médicamenteux agissant sur le psychisme. Et
comment faire pour aider le médicament à agir.

À qui vous adresser ?


Si vous souhaitez changer avec le concours d’un psychothérapeute
fiable, formé et compétent, le mieux est de vous adresser aux associations
professionnelles, qui disposent toutes d’un site Internet. Je mentionne ici les
associations de psychothérapie cognitivo-comportementale, que je connais
bien car c’est mon orientation professionnelle personnelle. Voici les sites
des associations des pays francophones. Elles disposent de listes de
psychothérapeutes par région ou pays.

AEMTC
Association pour l’étude, la modification et la thérapie du
comportement.
Association belge francophone des psychothérapeutes d’orientation
comportementale et cognitive. Site Internet : www2.ulg.ac.be/aemtc
AFFORTHECC
Association francophone de formation et de recherche en thérapie
comportementale et cognitive.
Regroupe des thérapeutes de tous les pays francophones. Site Internet :
www.afforthecc.org

AFTCC
Association française de thérapie comportementale et
cognitive
Association nationale française, mais ses membres proviennent
également de l’étranger (Belgique, Canada, Suisse, Afrique, etc.). Site
Internet : www.aftcc.org

ASPCo
Association suisse de psychothérapie cognitive.
Les psychothérapeutes membres proviennent principalement de la
Suisse romande. Site Internet : www.aspco.ch

SSTCC
Société suisse de thérapie comportementale et cognitive.
Association suisse également, davantage présente dans la région
alémanique. Site Internet : www.sgvt-sstcc.ch

Si vous séjournez dans un pays européen non francophone, vous pouvez


chercher un thérapeute grâce à l’Association européenne de thérapie
comportementale et cognitive (EABCT) qui regroupe les associations de
tous les pays européens. Site Internet : www.eabct.com
Du même auteur

Chez le même éditeur


Pas de panique au volant !, 2002.

Chez d’autres éditeurs


Psychiatrie de liaison. Consultation psychiatrique à l’hôpital général, Paris, Masson, 1992.
Comment vaincre la peur de l’eau et apprendre à nager, avec Jean Fouace, Montréal, Éditions de
l’Homme, 1999.
« GUIDE POUR S’AIDER SOI-MÊME »

DÉJÀ PARUS
Suite
Je ne peux pas m’arrêter de laver, vérifier, compter. Mieux vivre avec un TOC.
Dr Alain Sauteraud.
L’Enfant surdoué. L’aider à grandir, l’aider à réussir.
Jeanne Siaud-Facchin.
La Dépression, comment en sortir.
Dr Christine Mirabel-Sarron.
La Timidité. Comment la surmonter.
Dr Gérard Macqueron, Stéphane Roy.
La Schizophrénie.
Jean-Louis Monestès.
Maîtriser son trac.
Dr Laurent Chneiweiss, Dr Éric Tanneau.
Mieux vivre sa sexualité.
Dr François-Xavier Poudat.
Mon enfant s’oppose. Que dire ? Que faire ?
Dr Gisèle George.
Pas de panique au volant !
Dr Roger Zumbrunnen.
« Peut mieux faire. » Remotiver son enfant à l’école.
Didier Pleux.
Pour aider votre enfant à retrouver le sourire.
Luis Vera.
Pour que votre enfant n’ait plus peur.
Dr Jacques Leveau.
Relaxation et Méditation.
Dr Dominique Servant.
Revivre après un choc. Comment surmonter le traumatisme
psychologique. Dr Aurore Sabouraud-Seguin.
Soigner le stress et l’anxiété par soi-même.
Dr Dominique Servant.
Surmonter la peur en avion.
Marie-Claude Dentan.
Surmontez vos peurs. Vaincre le trouble panique et l’agoraphobie.
Dr Jean-Luc Émery.

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