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DÉJÀ PARUS
Accepter son corps et s’aimer.
François Nef, Emmanuelle Hayward.
Affirmez-vous ! Pour mieux vivre avec les autres.
Dr Frédéric Fanget.
Bien se soigner avec les médicaments psy.
Dr Antoine Pelissolo.
Bien vivre avec des acouphènes.
Dr Philippe Peignard.
Bien vivre son homosexualité et réussir son coming-out.
Dr Béatrice Millêtre.
Bon stress, mauvais stress : mode d’emploi.
Dr Frédéric Chapelle, Benoît Monié.
Borderline. Retrouver son équilibre.
Dominique Page.
Comment arrêter de fumer ?
Dr Henri-Jean Aubin, Dr Patrick Dupont, Pr Gilbert Lagrue.
Comment arrêter l’alcool ?
Pierluigi Graziani, Daniela Eraldi-Gackiere.
Comment ne pas se gâcher la vie.
Dr Stéphanie Hahusseau.
Comment ne pas tout remettre au lendemain.
Dr Bruno Koeltz.
Comment retrouver le sommeil par soi-même.
Dr Sylvie Royant-Parola.
Comment sortir de l’anorexie ? Et retrouver le plaisir de vivre.
Dr Yves Simon, Dr François Nef.
Comment sortir de la boulimie. Et se réconcilier avec soi-même.
Dr François Nef, Dr Yves Simon.
Des hauts et des bas. Bien vivre sa cyclothymie.
Dr Nicolas Duchesne.
Idées noires et tentatives de suicide.
Dr Emmanuel Granier.
J’éveille mon bébé.
Dr Béatrice Millêtre.
Suite en fin d’ouvrage
Collection dirigée
par Christophe André
www.odilejacob.fr
ISSN : 1620-0853
EAN : 978-2-7381-9556-2
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement
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est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la
propriété intellectuelle.
Christophe André
Introduction
Cet ouvrage est un guide pratique du changement personnel. En tant
que médecin psychothérapeute, mon métier est d’aider les gens à changer
pour aller mieux. Les affections psychiques qui amènent à consulter
(dépression, angoisse, etc.) peuvent être regardées comme des manières
inappropriées et non choisies d’agir et de réagir dans certaines situations.
La psychothérapie a pour but d’aider le patient à trouver ou à retrouver des
comportements plus adaptés à la réalité et à ses choix. Le pari de ce livre est
de mettre à disposition de tout un chacun les outils utilisés en
psychothérapie pour faciliter le changement. Les outils que je décris dans ce
livre sont ceux que j’emploie au quotidien dans ma pratique de
psychothérapeute.
J’ai écrit ce livre à l’intention de toute personne à la recherche de
solutions pour :
— sortir d’une situation problématique ou pénible ;
— développer son potentiel personnel ;
— s’adapter à une situation nouvelle.
Quel que soit le contexte, que ce soit en famille, dans votre vie de
couple, au travail, à l’école, dans votre formation ou vos loisirs, etc., si vous
avez le sentiment que la situation est insatisfaisante, difficile voire
douloureuse, alors il est probablement temps de changer quelque chose dans
votre comportement.
Action, sensation et pensée sont en relation étroite les unes avec les
autres. Ces trois éléments sont indissociables au point qu’il faut un effort
pour les distinguer. Et ils forment une chaîne circulaire, chaque élément est
à la fois cause et conséquence des deux autres.
Prenez un moment pour examiner de quoi vos journées sont faites. Vous
verrez qu’elles sont composées de comportements qui s’enchaînent les uns
aux autres sans interruption : se lever, s’habiller, manger, parler, réfléchir,
travailler, séduire, aimer, se reposer, etc. Et si vous analysez le détail de vos
comportements, vous pourrez repérer dans chacun d’eux un assemblage
d’actions, de sensations et de pensées. C’est pourquoi dans ce livre nous
entendrons par « comportement » la combinaison de votre manière d’agir,
de sentir et de penser dans un contexte donné. Les comportements sont
harmonieux lorsque leurs trois dimensions sont en accord les unes avec les
autres. La vie est une suite ininterrompue de comportements, longs ou
courts, importants ou banals, uniques ou répétitifs.
En fonction des comportements, l’importance relative de chaque
dimension est variable. Dans un geste technique bien rodé, par exemple
conduire une voiture ou jouer au tennis, le couple action-sensation est au
premier plan, la pensée n’intervenant qu’à certains moments. Dans une
dispute conjugale, il est probable que les trois ingrédients seront bien
représentés : l’action sous la forme d’agitation et d’émission de mots
enflammés. Les sensations physiques dues à la colère, avec les tensions
musculaires, la chaleur. Enfin, les pensées négatives projetées sur l’autre : il
(ou elle) m’énerve, il (ou elle) ne comprend rien, c’est insupportable, etc.
Et les émotions ?
Dans tout comportement, actions, sensations et pensées sont toujours
étroitement reliées les unes aux autres. Elles sont même parfois tellement
entremêlées qu’il est difficile de les distinguer. C’est particulièrement vrai
dans le cas des émotions. Les émotions sont des comportements
particuliers, où les sensations sont au premier plan. Ces sensations
correspondent à la mobilisation du corps. Lorsque l’émotion nous envahit,
cela signifie que notre corps a perçu, à tort ou à raison, que quelque chose
d’essentiel est en jeu à ce moment précis. Quelque chose d’essentiel, c’est
la vie et la mort, ou quelque chose d’approchant : l’amour, la haine, le
plaisir, le dégoût, la joie, la tristesse, la colère, la reconnaissance. Les
émotions sont les comportements essentiels, ceux qui comptent, ceux dont
on se souvient, ceux qui touchent et mobilisent les êtres humains.
Certaines sensations sont identiques dans des émotions très différentes.
Comment distinguer les tremblements, le poids sur la poitrine ou la chaleur
dus au plaisir des mêmes sensations dues à la peur ? À moins de connaître
le contexte, il est difficile de savoir si quelqu’un pleure de joie ou de
chagrin. Dans l’émotion, c’est souvent la pensée, qui est souvent une image,
qui est spécifique. Dans la joie, « tout est possible ». Dans la tristesse,
« plus rien ne vaut la peine ». Dans la colère, c’est un scénario d’agression
qui traverse l’esprit.
Les émotions irrationnelles se présentent de la même manière que les
émotions « réelles », sauf qu’elles ne sont pas fondées sur une réalité
impliquant vraiment un enjeu de vie ou de mort. Dans la dépression, il
existe une tristesse profonde comparable à celle d’un deuil, mais sans deuil
réel. Dans l’angoisse, la peur est aussi paralysante qu’une frayeur
provoquée par un danger imminent, mais en l’absence de danger objectif.
Lorsqu’elles atteignent ce degré, cela justifie le recours au médecin ou au
psychiatre. Dans les cas de moindre intensité, il est possible de vous traiter
vous-même. Dans ce cas, efforcez-vous de bien distinguer vos sensations et
vos pensées. Il vous sera possible de les modifier en vous inspirant des
indications données dans la deuxième partie du livre. En revanche, il vous
sera impossible d’agir sur votre émotion si vous ne la décomposez pas, car
elle constitue un comportement trop global, trop complexe pour être
accessible à une intervention simple. Même les méthodes modernes de
psychothérapie restent pour le moment incapables d’agir directement sur
l’émotion.
Traitement‚ phase 2
Contrôle respiratoire : « respiration en carré »
Chapitre 2
Comment
peut-on changer ?
« Il faut prendre très tôt de bonnes habitudes, surtout celle
de savoir changer souvent et facilement d’habitudes. »
Pierre REVERDY
Libres de changer ?
Nous vivons dans un monde en perpétuel changement, et chacun de
nous change imperceptiblement mais constamment. Je ne suis plus tout à
fait le même qu’il y a un mois, plus le même qu’il y a un an, et assurément
plus du tout le même qu’il y a trente ans. La question n’est donc pas de
savoir si nous devons ou si nous pouvons changer. Nous n’avons pas le
choix, nous changeons, que nous le voulions ou non. La question est de
savoir si nous avons la capacité de changer selon notre volonté, d’évoluer
dans le sens de nos désirs, de nos choix de vie. La vie nous enseigne que ce
n’est pas facile, que peu de choses obéissent à notre volonté, en fin de
compte. Si l’on tient compte de ce qui ne dépend pas de nous, de ce qui
dépend de nous mais n’est pas conscient, et enfin de ce qui dépend de nous,
est conscient mais involontaire, la part du conscient et du volontaire dans
notre vie peut paraître bien mince. Mais même si elle étroite, la marge de
manœuvre existe, et si nous l’utilisons au mieux, cela peut vraiment
changer la vie. Le but de cet ouvrage est de vous aider à tirer le meilleur
parti de la marge de liberté dont vous disposez pour changer dans votre vie.
L’inné et l’acquis
Comme les animaux, l’être humain est doté d’un répertoire de
comportements innés, chargés d’assurer ses besoins de base : respirer,
manger, se déplacer, se reproduire, etc. À côté de cela, l’espèce humaine
possède un potentiel extraordinaire, beaucoup plus développé que chez les
autres espèces, celui d’acquérir de nouveaux comportements. Ceux-ci
complètent et prolongent les comportements innés, et donnent à l’homme
une capacité considérable de développement et d’évolution. C’est sa faculté
d’acquérir de nouveaux comportements qui a permis à l’être humain de
fabriquer et d’utiliser des armes, des outils, de créer l’écriture, d’inventer
des métiers, des sports, des machines, des œuvres d’art, etc. La variété des
comportements qui peuvent être acquis, c’est-à-dire appris, est presque
infinie.
Nous discutons avec Jean-Luc les deux stratégies. S’il choisit de « faire
autrement », Jean-Luc aura pour tâche de s’efforcer de voir la situation
inquiétante sous un autre jour. Cela veut dire examiner la situation avec
réalisme, pour chaque souci et au moment où il surgit, et évaluer chaque
fois la probabilité que le scénario catastrophe envisagé se produise
réellement. L’hypothèse est que l’anxiété de Jean-Luc est due à une
appréciation trop pessimiste. S’il réussit à voir les choses de manière plus
réaliste, son anxiété devrait diminuer une fois qu’il sera arrivé à la
conclusion qu’un malheur est toujours possible, mais que dans le cas
particulier son catastrophisme est peu justifié. L’autre stratégie envisageable
est celle de « faire avec » ses pensées inquiétantes. Dans ce cas, Jean-Luc
devra essayer d’accepter d’avoir des pensées catastrophiques sans chercher
à les chasser, de manière à s’y habituer peu à peu au point que lorsqu’elles
surgiront dans son esprit elles ne le bouleversent plus.
Jean-Luc choisit de « faire autrement », c’est-à-dire tenter de se raisonner et de voir les
choses avec plus de réalisme. Au bout de quelques semaines, il me dit que le raisonnement a
peu d’effet sur ses ruminations soucieuses. Nous décidons alors de passer à la stratégie du
« faire avec ». Elle consiste à s’exposer volontairement et méthodiquement, en imagination, au
scénario catastrophe. Avec cette attitude, le résultat s’avère un peu meilleur. Après deux mois
d’exposition méthodique à divers scénarios catastrophes, Jean-Luc, même s’il continue à se
faire du souci, se sent moins paniqué et moins obligé de se rassurer à tout prix.
Raison et intuition
Dans leurs choix, dans leur manière de se comporter, certains
privilégient par tempérament une conduite réfléchie, tandis que d’autres ne
se fient qu’à leur instinct. Quant au plus grand nombre, il combine les deux
attitudes, dans des proportions variables selon les circonstances. Dans le
domaine du changement comme dans la vie en général, la souplesse est un
atout majeur. Vous tirerez le meilleur parti de vous-même en suivant une
démarche logique et réfléchie tout en étant capable de prêter l’oreille à ce
que chuchote votre intuition. Nous allons voir dans ce chapitre comment y
parvenir en sollicitant au mieux les ressources de votre cerveau. Il se trouve
en effet que l’opposition (ou la complémentarité) entre la raison et
l’intuition, entre la logique et l’instinct, entre l’analyse et le flair, trouve en
partie son origine dans l’organisation de notre cerveau. Plus précisément
dans l’asymétrie des deux hémisphères cérébraux. À première vue,
lorsqu’on examine un cerveau, ses deux moitiés, la gauche et la droite,
paraissent parfaitement semblables et symétriques. Si c’est vrai du point de
vue de l’apparence anatomique, il n’en va pas de même pour ce qui est de
leurs fonctions. Chaque hémisphère cérébral possède sa manière de
travailler, logique et pas à pas pour le cerveau gauche, intuitive et globale
pour le cerveau droit.
Analyser, décortiquer
En suivant la méthode expérimentale (reportez-vous au chapitre
suivant), vous valorisez les qualités de votre cerveau gauche. L’analyse
minutieuse du problème décortique celui-ci en éléments distincts. La
démarche se fait pas à pas, étape après étape. Le raisonnement, la logique et
la déduction sont vos armes pour comprendre votre problème et vous placer
sur le chemin du changement. Vous utilisez des mots pour nommer les
éléments de votre problème et relever vos observations sur un calepin.
Soyez sensoriel
Votre cerveau droit est dans le coup lorsque vos sensations sont prises
en considération dans l’analyse de votre problème et sa solution. Le schéma
circulaire est un moyen de vous y faire penser systématiquement. Les
sensations, c’est ce que nous percevons du monde environnant grâce à nos
cinq sens, la vue, l’ouïe, l’odorat, le goût et le toucher. À ces sensations
extérieures s’ajoutent les sensations intérieures, celles qui proviennent de
l’intérieur de notre corps : les battements du cœur, les tensions dans le
ventre, l’essoufflement, les tremblements, la chaleur, etc. Ces sensations
jouent un rôle important dans les émotions. Or, s’il est difficile d’agir
directement sur les émotions, il est possible de modifier les sensations qui
les accompagnent. Cela peut suffire à apaiser une émotion pénible infondée.
Reportez-vous au chapitre 7 pour trouver des indications pratiques sur la
manière de changer vos sensations.
La méthode expérimentale
Tester l’hypothèse
Je revois Aline dix jours plus tard. Elle a réussi à tenir pendant une
semaine sans jamais poser de question à son mari sur les personnes qu’il a
rencontrées.
Évaluer le résultat
Au bout d’une semaine où elle s’est fait violence pour ne pas interroger son mari, Aline
constate que son inquiétude n’a pas augmenté. Au contraire, elle a plutôt diminué, elle est plus
détendue ! Son mari semble apprécier le nouveau comportement d’Aline, il se montre plus
agréable et affectueux, ce qui a pour effet de la… rassurer.
Comment observer ?
Placez-vous dans la peau d’un observateur extérieur et regardez ce qui
se passe en vous et autour de vous au moment même où survient le
comportement que vous souhaitez changer. Ayez l’habitude d’avoir toujours
sur vous un carnet pour relever vos observations en quelques mots,
quelques phrases au plus. Prenez des notes dès que le problème survient, en
tout cas aussi rapidement que possible. Si vous attendez le soir, des
informations essentielles risquent d’avoir disparu, comme les rêves qui
nous échappent quelques secondes après le réveil. Dans la phase
d’évaluation du problème, il vaut la peine de relever toutes les dimensions
du problème afin d’avoir une vision aussi complète que possible. Ensuite,
lorsque vous avez commencé votre démarche, concentrez-vous sur une
seule dimension à la fois, et limitez-vous au contexte et à l’élément sur
lequel vous travaillez sur le moment.
CONTEXTE ACTIONS
Jour, heure, lieu, événement Ce que je fais
Samedi 8/10, vers 22 heures, avec quelques Au début, je ne participe presque pas à la
amies on mange une pizza au restaurant. conversation.
Changement (ce que je fais de différent).
Au bout d’un moment, je me mêle un peu à la
conversation, je demande à mes amies comment elles
vont.
Vendredi soir 14/10, avec mon copain chez Je suis tentée de me taire et ne faire que répondre aux
ses parents. questions qu’on me pose.
Changement (ce que je fais de différent).
Mais je me force à participer un peu plus à la
conversation, je remercie les parents de Thomas pour
leur repas.
Analyser
Évaluer le résultat
La dernière étape de la méthode expérimentale est d’interpréter le
résultat de l’expérience. L’hypothèse testée est-elle confirmée ? Si oui, il
faut répéter plusieurs fois l’expérience pour ancrer le changement provoqué
par l’expérience.
Dans le cas d’Aline, l’expérience n’a pas confirmé l’hypothèse qui sous-tendait le
comportement harceleur, à savoir que ce comportement permettait à Aline de se rassurer.
L’expérience a montré qu’au contraire, c’est en ne posant pas de questions à son mari que la
relation conjugale allait le mieux, ce qui était pour elle la meilleure façon de se rassurer.
L’expérience a donné à Aline l’occasion de changer sa manière d’agir. Mais elle a aussi
entraîné, par l’effet « boule de neige », un changement dans sa manière de penser et conduit à
un apaisement de ses sensations pénibles.
Pour Marcelle, une fois acquise la capacité de rester relativement « zen » lorsque sa
collègue s’adressait à elle, la partie était à moitié gagnée, car Marcelle se crispait moins et
prenait les demandes de sa collègue avec un certain détachement. Restaient à aborder les
phases suivantes du traitement : examiner le bien-fondé de ses craintes quant à l’attitude
supposée hostile du patron ; et adopter un comportement plus affirmé face à sa collègue. Nous
avons adopté la même méthode de travail que pour la première phase : observer les faits,
choisir une hypothèse, la tester, évaluer le résultat.
Analyse longitudinale
3- Ces techniques sont décrites plus loin dans la deuxième partie de l’ouvrage.
4- J’utilise à dessein le terme « non conscient » pour qu’il n’y ait pas de confusion avec le qualificatif « inconscient » utilisé par les psychanalystes dans un sens très
particulier.
Chapitre 4
Mettez toutes les chances
de votre côté
« Patience et longueur de temps font plus que force ni que
rage. »
LA FONTAINE,
« Le lion et le rat »
Un exercice de simulation
Préparez-vous au changement en anticipant ses conséquences. Pour
cela, imaginez que le changement désiré est intervenu, et passez en revue
les conséquences qu’il a entraînées, positives et négatives, pour vous et
dans vos relations avec les autres. Cet exercice de simulation sert à
consolider votre motivation en vous permettant de mieux réaliser les
avantages à espérer du changement. Il pourra aussi vous préparer aux
conséquences négatives que le changement pourrait provoquer.
Thomas, la quarantaine, demande de l’aide pour arrêter de fumer. Il se projette dans
l’avenir et imagine ce qui se passe pour lui depuis qu’il ne fume plus, c’est-à-dire un an. Je me
sens mieux physiquement, je respire mieux, j’ai mis de côté une jolie somme d’argent qui me
permettra de nous offrir, à ma femme et à moi, un week-end à Paris. Du côté des inconvénients,
j’ai pris 8 kilos, ça m’ennuie beaucoup, et je suis plus nerveux, on me dit que je suis devenu
soupe au lait. Néanmoins, globalement le bilan est plutôt positif.
1- Adapté de Prochaska J.O. et DiClemente C.C., « Stages and processes of self-change of smoking : Toward an integrative model of change », Journal of Consulting and
Clinical Psychology, 51, 1983, p. 390-395.
Deuxième partie
Changer
dans sa tête
Chapitre 5
Comment changer
votre manière d’agir
« Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage. »
Nicolas BOILEAU,
XVIIesiècle
Avancez progressivement
Qu’il s’agisse de s’adapter, de progresser ou d’aller mieux, il est rare
que cela se fasse tout seul. Vous pouvez escompter que le temps vous
vienne en aide, mais il faut aussi lui donner un coup de pouce en vous
impliquant activement. Pour acquérir un comportement nouveau, exposez-
vous de manière répétée à la situation nouvelle. Commencez par vous
exposer à des situations très proches de la situation de départ, de ce que
vous connaissez et maîtrisez. Ensuite, explorez de proche en proche des
« territoires » nouveaux, donc de plus en plus éloignés de votre point de
départ.
L’autre jour, j’observais à la piscine un père qui apprenait à nager à son jeune fils
de 4 ans environ. Il le faisait sauter du bord de la piscine en lui demandant de le rejoindre.
D’abord placé tout près du bord, il s’en éloignait très progressivement pour que l’enfant
barbote jusqu’à lui, à 30 cm, puis 50 cm, puis 1 m, et ainsi de suite jusqu’à 2 m.
La technique du salami
C’est par l’exposition répétée aux situations non familières que nous
pouvons nous y habituer. L’exposition doit être progressive. Divisez votre
objectif final en plusieurs objectifs intermédiaires successifs, comme on
découpe un salami en tranches fines. Chaque tranche vous paraîtra plus
assimilable que la tâche dans son ensemble.
Lors de sa première leçon de conduite, l’élève conducteur est légitiment peu assuré, voire
effrayé d’être confronté à une situation toute nouvelle. Par la pratique répétée de la conduite,
d’abord sous l’étroite surveillance du moniteur, puis de plus en plus sous sa propre
responsabilité, il apprend à maîtriser les gestes techniques de la conduite et sa peur initiale
s’estompe. Lorsque la conduite est devenue routinière, la peur a complètement disparu.
Le chasseur et le promeneur
Chercher ou trouver ?
L’extension d’un comportement acquis à des domaines nouveaux peut
être soit voulue, soit le fruit du hasard. L’apprenti conducteur a un but
précis, il sait que ce qu’il cherche dans les cours, c’est apprendre à
conduire. À l’inverse, il peut arriver que nous soyons tout surpris de
découvrir par hasard quelque chose que nous ne cherchions pas : une
sensation agréable provenant de la maîtrise d’un geste technique ; une
manière nouvelle de voir un problème ; le frisson d’un sentiment amoureux
naissant. Newton n’avait pas voulu faire tomber la pomme qui lui a permis
de découvrir les lois de la gravité. Christophe Colomb était loin de se douter
qu’en cherchant les Indes il trouverait l’Amérique. Picasso affirmait : « Je
ne cherche pas, je trouve. » En réalité, le plus souvent la découverte de la
nouveauté résulte d’un mélange de hasard et de volonté. Newton n’a certes
pas provoqué la chute de la pomme, mais son esprit était préparé à en tirer
les conséquences théoriques. Colomb cherchait bien quelque chose lorsqu’il
est parti sur l’océan, même s’il a trouvé autre chose. La notion de
découverte fortuite en science et en psychologie a été théorisée sous le nom
barbare de « sérendipité ». Ce nom est tiré d’un conte persan, Les Trois
Princes de Serendip, qui raconte l’histoire des trois fils du roi de Serendip
qui partent à l’étranger compléter leur formation. Sur leur route, ils font des
découvertes fortuites auxquelles ils ont l’intelligence de prêter attention et
dont ils tirent des conclusions logiques.
La découverte des antidépresseurs a été fortuite, ou plutôt elle est survenue alors qu’on
cherchait autre chose. Dans les années 1950, un médecin qui essayait un nouveau médicament
contre la tuberculose avait observé que les malades qui recevaient ce médicament paraissaient
plus heureux qu’avant le traitement. Alors qu’il cherchait une molécule active sur la
tuberculose, il eut l’intelligence de relever l’effet parallèle du médicament sur le moral de ses
patients, et de le signaler à un confrère psychiatre, Nathan Kline. Celui-ci testa le médicament
chez des patients déprimés non tuberculeux, et confirma son effet antidépresseur chez ces
derniers.
Illusions d’optique
Il n’y a pas que les œillères qui limitent et orientent notre vision des
choses. De véritables « illusions d’optique » peuvent déformer notre
perception des événements. Il importe de les repérer. Parfois nous ne nous
rendons pas compte que notre vision est perturbée à cause d’un défaut de
vision. C’est ce qui m’est arrivé il y a quelques années.
Moi qui suis plutôt ordonné, j’étais dérangé de constater que mes disques n’étaient pas
parfaitement alignés sur la bibliothèque. Mais, à mon étonnement, lorsque je m’approchais
pour les arranger convenablement, je constatais qu’en réalité ils étaient alignés. En
renouvelant l’expérience, j’ai dû me rendre à l’évidence. C’est ma vision qui me jouait des tours
et déformait la réalité à mes yeux ! Mon médecin m’a appris que la déformation de ma vision
était due à une irrégularité de mes yeux, l’astigmatisme.
Voir mieux
Aaron Beck a décrit une dizaine d’illusions d’optique altérant la
perception de la réalité, qu’il a appelées « distorsions ». Les distorsions ont
pour effet de déformer la réalité dans un sens partial, partiel, extrême et
arbitraire. Nous avons déjà parlé des œillères qui orientent notre vision en
fonction de ce qui nous arrange plutôt qu’en fonction de la réalité objective.
Changer votre manière de penser consiste avant tout à repérer et à corriger
vos illusions d’optique personnelles, du moins celles qui se manifestent
souvent et provoquent chez vous des émotions pénibles inutiles et des
comportements inappropriés. Apprendre à les corriger vous permettra de
voir les choses autrement, et souvent de vous sentir mieux et d’agir
différemment. Voyons quelques-unes des illusions d’optique les plus
répandues. Nous en découvrirons d’autres dans la troisième partie de
l’ouvrage.
Avez-vous la preuve ?
L’erreur d’appréciation la plus fréquente consiste à tirer des conclusions
hâtives, sans preuve. C’est la distorsion la plus importante à repérer et à
corriger car elle est à la base de toutes les autres déformations de la réalité.
Le procédé consiste non pas à tirer des conclusions sur la base d’une
expérience vécue, mais à se contenter de préjugés qui sont appliqués a
priori à toute situation, sans que leur bien-fondé soit mis à l’épreuve des
faits. La conclusion précède l’expérience au lieu la suivre !
« Marc ne m’a pas appelée ce soir, se plaint Juliette, il est fâché contre moi ! », sans se
demander s’il pourrait y avoir d’autres raisons à l’absence d’appel de son ami. C’est la
première et seule raison qui lui vient à l’esprit, car elle est sans arrêt préoccupée par l’idée
qu’il puisse la quitter car elle n’est pas assez bien pour lui.
Une fois que vous avez établi une liste de toutes les explications
possibles, et seulement une fois que vous avez fait cela, évaluez de manière
aussi objective que possible les arguments pour et contre chaque possibilité.
Finissez l’exercice en choisissant l’hypothèse qui a le meilleur rapport pour/
contre. Il est possible qu’à la fin de l’examen vous n’ayez aucune certitude,
mais seulement des probabilités. Dans ce cas, sachez vous en contenter,
vous serez dans la réalité et donc dans une position plus solide que si vous
cherchiez à tout prix une vérité qui soit conforme à vos vues mais qui risque
d’être sans fondement réel.
Dans les relations avec une autre personne, vous éviterez des
malentendus en vous posant la question :
Suis-je capable de lire dans ses pensées ?
Et elle dans les miennes ?
Plutôt que d’attendre de l’autre qu’il devine vos désirs, vos craintes, vos
attentes, n’hésitez pas à les exprimer clairement. Et dans l’autre sens, ne
surestimez pas votre capacité à deviner les pensées et les motivations d’une
autre personne, même si vous croyez bien la connaître. Lorsque la situation
le permet, interrogez-la directement. Sinon, sachez admettre que votre idée
est au mieux une hypothèse parmi d’autres, en aucun cas la vérité absolue,
et comportez-vous en conséquence.
Un peu d’imagination
Pour produire les sensations corporelles, faites preuve d’imagination.
Rappelez-vous dans quelles circonstances ces sensations sont présentes, en
dehors de la situation problématique. Voici quelques exemples de manières
de provoquer facilement des sensations physiques pour vous y habituer.
Exercice
Exercice
Exercice
La respiration en carré
De nombreuses méthodes de contrôle respiratoire sont décrites dans la
littérature scientifique et non scientifique. D’après mon expérience, la
méthode la plus simple à apprendre et à pratiquer est la manière la plus
physiologique : en quatre temps, avec le nez et le ventre. Une de mes
patientes appelait cette respiration la « respiration en carré » à cause des
quatre temps égaux (figure ci-après). J’ai gardé cette appellation, car
l’image mentale du carré aide à exécuter les quatre temps de la respiration,
y inclus les pauses. Une fois que vous avez fermé la bouche et que vous
respirez exclusivement par le nez (et le ventre), vous avez acquis l’essentiel.
La fréquence respiratoire, c’est-à-dire la vitesse de la respiration, et la
profondeur de la respiration sont secondaires.
Mettez une main sur votre ventre pour bien le sentir respirer
souplement : lorsque vous remplissez vos poumons, le ventre doit
« sortir » sous la pression du diaphragme. Lorsque vous videz l’air, le
ventre doit rentrer car le diaphragme remonte vers le thorax. Placez
l’autre main sur la poitrine pour vous assurer qu’elle ne respire pas
beaucoup (elle ne doit pas beaucoup se soulever à chaque
inspiration). Gardez tout le temps la bouche fermée et ne respirez que
par le nez, à l’inspiration comme à l’expiration. Respirez en quatre
temps égaux : 1. Inspirez (remplissez les poumons) – 2. Pause
(arrêt) – 3. Expirez (videz les poumons) – 4. Pause – 1. Inspirez – 2.
Pause – 3. Expirez – 4. Pause, et ainsi de suite. Respirez à une
fréquence d’environ 10 respirations par minute, chaque respiration
comptant quatre temps.
Si vous disposez d’un métronome, réglez-le sur 40 battements par
minute (Largo), et effectuez chaque temps du cycle respiratoire sur le
battement du métronome : 10 respirations à 4 temps = 40 temps au
total par minute. Si vous n’avez pas de métronome, utilisez votre
montre pour compter environ 10 respirations par minute,
soit 6 secondes par respiration complète (4 temps).
La fréquence de 10 respirations par minute est un peu lente, la
respiration normale dans des courantes (hors effort) étant de 15 par
minute. Mais le tempo respiratoire augmente presque toujours sous
l’effet du stress. Si vous vous exercez à respirer à 10 respirations par
minute, en cas de stress vous monterez probablement un peu la
fréquence de votre respiration, et vous vous retrouverez
à 15 respirations par minute, soit un rythme respiratoire tout à fait
normal en situation de repos. Exercez-vous à la pratique de la
respiration en carré hors des situations stressantes,
pendant 30 à 60 secondes plusieurs fois par jour. Puis transposez la
technique apprise dans les situations stressantes ou angoissantes.
Combien de temps ?
Adaptez la durée de la pratique du contrôle respiratoire à vos besoins.
Si c’est pour passer le cap d’une crise d’angoisse, le temps de la crise
d’angoisse se compte généralement en minutes. Si vous l’utilisez à titre
préventif ou pour le stress, respirez normalement, sans contrôle volontaire,
et de temps en temps intercalez une période de respiration en carré de
quelques instants.
La vision concentrée
La vision détaillée est due à la zone centrale de la rétine, où les cellules
visuelles sont très nombreuses, ce qui permet une haute résolution de
l’image. La précision est accrue par la mise au point ciblée sur l’objet
regardé en détail. La mise au point précise résulte de la tension exercée par
un muscle, le corps ciliaire, sur la lentille de l’œil, le cristallin. En
photographie, l’équivalent de cette manière de regarder est le gros plan sur
un visage, une fleur, un insecte, etc. Le détail est d’une très grande netteté,
mais tout l’environnement est flou. La vision détaillée est une vision
concentrée et précise, mais elle ne peut concerner qu’une petite partie de ce
que nous voyons. Si nous voulons voir avec précision tout ce qui nous
environne, il faut fournir un effort soutenu pour scruter successivement tous
les détails. Cela nécessite une grande attention et finit par provoquer de la
fatigue et des tensions dans l’œil et dans la tête.
Exercice :
rendez votre pouce transparent
Une lime
« La peur de l’eau est une prison. Pour s’attaquer aux barreaux, on
n’utilise pas de la dynamite, mais une lime ! » L’image est de mon ami Jean
Fouace, le maître nageur qui m’a appris à surmonter ma peur de l’eau. Il
s’en sert volontiers dans ses cours pour inciter ses élèves à répéter
inlassablement leurs exercices jusqu’à ce que le comportement aquatique
nouvellement appris devienne automatique. La formule s’applique à la
plupart des comportements bien établis que l’on souhaiterait remplacer par
d’autres, plus adaptés ou plus désirables. Répéter, faire preuve de
persévérance et de patience, progresser sans se précipiter sont les conditions
incontournables de l’apprentissage et du changement. Les classiques ont
exprimé cette exigence par des formules devenues célèbres : « Patience et
longueur de temps font plus que force ni que rage » (La Fontaine), « Vingt
fois sur le métier remettez votre ouvrage, polissez-le sans cesse et
repolissez-le ! » (Boileau).
Hâte-toi lentement
Comme le dit le proverbe italien, « Chi va piano va sano e lontano »,
aller lentement est la meilleure façon d’aller loin tout en restant en bonne
santé. L’empereur romain Auguste, pourtant doté de tous les pouvoirs, avait
pour devise « Hâte-toi lentement ». Une fois que vous avez déterminé le
comportement nouveau que vous souhaitez être capable de pratiquer,
déterminez des objectifs intermédiaires. Ce seront des étapes sur la route de
votre objectif final. Pour cela, imaginez que celui-ci est le sommet d’une
rampe d’escalier, et que votre comportement actuel correspond au sol de
base, avant la première marche. Chaque marche représente un objectif
intermédiaire sur le chemin qui doit vous mener du sol (votre comportement
actuel) au sommet de la rampe (le comportement que vous visez). Lorsque
vous êtes au début de votre démarche, il est possible que votre objectif final
vous paraisse inaccessible, de même qu’il est certainement impossible à
quiconque de franchir d’un coup dix marches d’escalier. En revanche, il est
probablement envisageable de franchir la première marche de l’escalier. De
la première à la deuxième marche, l’effort sera de la même intensité, et
ainsi de suite jusqu’au sommet de la rampe. Appliquez ce principe à votre
tâche. Découpez l’accession à votre objectif final en autant de marches qu’il
vous paraît nécessaire.
Laurence me consulte car elle se sent mal à l’aise, et parfois terrorisée au point de devoir
quitter les lieux, lorsqu’elle doit parler en public. Or elle a accepté un poste à responsabilité
dans un hôpital universitaire. Jusqu’ici, elle a surtout été sollicitée pour présenter des exposés
à un public restreint et dans le cadre de l’hôpital, soit au sein du service, soit auprès de petits
groupes d’étudiants ou d’infirmières. Dans sa nouvelle affectation, son patron lui a annoncé
qu’elle serait certainement amenée à participer à des congrès internationaux au nom du
service.
Une loupe
Une loupe possède deux qualités. Elle aide à voir clairement les détails
d’un objet, et elle concentre les rayons du soleil en un endroit très précis, au
point de pouvoir mettre le feu à une feuille de papier.
Un roseau
Comme le roseau, l’homme est à la fois fragile et souple, d’une grande
faiblesse et en même temps doté d’une incroyable capacité d’adaptation.
Selon Pascal, l’homme n’est qu’un « roseau, mais c’est un roseau pensant ».
Quant au roseau de la fable de La Fontaine, il plie au moindre vent, mais ne
rompt pas, contrairement à son voisin le puissant chêne, arraché par un vent
encore plus puissant que lui, faute d’avoir su plier. La souplesse consiste à
choisir les comportements les plus adaptés aux conditions du moment tout
en restant fidèle à sa nature propre. C’est le secret du roseau se balançant au
gré du vent. Prenez exemple sur lui, faites preuve de souplesse dans vos
ajustements. Cherchez des compromis entre vos aspirations, vos capacités
et les possibilités offertes par l’environnement. La souplesse s’oppose à la
rigidité et au fonctionnement en « tout ou rien », ennemis du changement
véritable, c’est-à-dire durable.
Bernard est un homme d’une quarantaine d’années, célibataire, qui souffre, entre autres
problèmes, d’une grave dépendance à l’alcool. Il a déjà suivi de nombreuses cures de
désintoxication qui se sont toujours soldées par une reprise rapide et massive de la
consommation alcoolique. Fort de cette expérience, et malgré l’avis des spécialistes en
alcoologie qui lui recommandent de continuer à viser l’abstinence totale, Bernard s’est résolu,
avec mon appui, à viser une consommation assez modérée d’alcool, c’est-à-dire qui soit
compatible avec une certaine vie sociale tout en tenant compte de son incapacité, maintes fois
avérée, de se passer complètement d’alcool. Même si cette solution n’est pas très satisfaisante,
elle paraît à Bernard ainsi qu’à moi un compromis honorable entre son aspiration louable à
une abstinence complète et ses capacités réelles, qui ne lui permettent pas d’être à la hauteur
de cette exigence idéale.
Une image
Les métaphores
La métaphore est une image qui traduit une réalité abstraite par un
terme concret : se noyer dans un verre d’eau, toucher le fond, monter au
septième ciel, etc. La métaphore met en jeu les deux cerveaux, le droit et le
gauche, puisqu’elle véhicule une pensée ou un raisonnement (cerveau
gauche) par une image (cerveau droit). Les images de mes patients sont des
métaphores car elles expriment une notion psychologique (abstraite) sous
une forme concrète : le partenaire consolateur est un Kleenex, ne pas oser
s’affirmer, c’est se liquéfier, perdre le moral, c’est couler.
Quelques leitmotivs
« Arrête ton cinéma, tu n’es pas le centre du monde ! » Telle est la formule que dans sa
thérapie Philippe a appris à se répéter à lui-même au lieu d’agresser verbalement ses
interlocuteurs, lorsqu’il a l’impression que ceux-ci le regardent de travers et pensent des choses
déplaisantes de lui. Cela arrive un peu trop fréquemment à son goût, et lui gâche la vie, en
particulier dans les contacts sociaux et les sorties dans les lieux publics (magasins, restaurants,
poste, etc.). Philippe réagit tantôt en restant reclus chez lui, tantôt en se disputant avec ses
interlocuteurs (vendeuses, employés, etc.). Après une discussion nourrie, Philippe admet qu’il
ne peut pas lire les pensées des autres, et que, dans bien des circonstances où il se sent le point
de mire des gens, en réalité ceux-ci ne centrent pas leur attention sur lui.
Un carnet
L’habitude
L’habitude, aide et obstacle au changement
L’habitude est nécessaire pour changer. C’est par l’exposition répétée à
un contexte nouveau ou difficile, à des sensations ou à des pensées
nouvelles ou pénibles, que le stress de la nouveauté diminue et que le
nouveau comportement peut s’instaurer durablement. Mais la mauvaise
nouvelle, c’est qu’un comportement solidement installé grâce à l’habitude
est difficile à déloger. Le pli est pris, le circuit neuronal bien établi, le
comportement habituel représente la pente naturelle. Il est même devenu
automatique lorsqu’il est pris en charge par le cervelet, une partie du
cerveau largement indépendant du néocortex, siège de la volonté et de la
conscience. À l’inverse, pour faire apparaître et survivre le nouveau
comportement, vous aurez besoin de volonté, d’efforts et de patience,
jusqu’à ce qu’il soit lui-même assez solidement établi pour être devenu une
habitude et prendre le dessus sur le comportement ancien.
Repérez l’habitude
Chaque fois que vous revenez à votre comportement ancien, arrêtez-
vous un instant et posez-vous la question : « Ai-je une raison valable d’agir
ainsi ? » Il se peut que la réponse soit « oui », par exemple vous en retirez
un bénéfice. Dans ce cas, examinez la valeur de ce bénéfice selon la
méthode présentée au paragraphe suivant. Si vous ne trouvez pas de
justification raisonnable à votre comportement, il est probable que celui-ci
ne soit fondé que sur la force de l’habitude. Appliquez alors les
recommandations qui suivent.
Prenez conscience
Luttez contre le caractère automatique et non inconscient du
comportement basé sur l’habitude. Pour cela, utilisez votre carnet comme
un moyen de vous rappeler chaque jour l’effort à fournir ou le leitmotiv à
suivre. Placez des Post-it dans les endroits de votre environnement
quotidien où le comportement problématique se produit le plus souvent.
L’arrêt sur image, un moyen de lutter contre
l’automatisme
Dès que vous reprenez le comportement problématique au lieu du
comportement nouveau que vous essayez d’installer, arrêtez-vous un
moment. Prenez quelques secondes pour réfléchir, donnez-vous la
possibilité de résister au comportement ancien. Imaginez cette pause
comme un « arrêt sur image ». L’arrêt sur image consiste à arrêter un film
qui défile, pour examiner une scène en détail. Ici, le film est le cours de
votre comportement qui suit sa pente habituelle. Arrêtez le film un instant
pour prendre conscience de ce que vous êtes en train de faire avant d’être
pris dans l’engrenage du comportement automatique.
Alain souffre d’obsessions de saleté depuis des années. Il se lave les mains très
soigneusement dès qu’il a touché un objet « sale » à ses yeux, comme une poignée de porte, le
siège du tram, la main d’un collègue, le courrier qui arrive au bureau, etc. Ce comportement
est devenu une habitude, un automatisme qui se met tellement rapidement en place qu’Alain ne
parvient pas à résister au besoin de se laver les mains compulsivement des dizaines de fois par
jour, même s’il juge ce comportement complètement irrationnel, coûteux (il achète plusieurs
flacons de savon par semaine) et douloureux (ses mains sont souvent en sang, à force d’être
frottées). Pour l’aider à résister au besoin de se laver, je propose à Alain d’intercaler une brève
pause entre le moment où il pense s’être sali et le lavage de mains. Pendant cette pause,
d’environ 30 secondes, il a pour tâche d’attendre un peu avant de se laver, autrement dit
d’arrêter le cours du comportement automatique. La pause a pour but de donner à Alain
l’opportunité de se retenir d’effectuer son rituel de lavage sans réfléchir. Il peut toujours
décider de se laver, mais ce sera devenu un comportement volontaire, donc en partie
contrôlable.
L’évitement
La peur de changer
« On sait ce qu’on perd, mais on ne sait pas ce qu’on va gagner »,
proclame la sagesse populaire face à un changement annoncé. La peur de la
nouveauté et de l’inconnu est avec l’inertie (l’effort à fournir pour
s’ébranler) le principal motif qui pousse à éviter les problèmes et à
repousser à plus tard la recherche de solutions.
La peur de l’inconnu
Tout changement comprend une part d’inconnu, porteuse aussi bien de
risques que d’espoirs. La nouveauté et l’inconnu sollicitent notre capacité
de renouvellement et d’adaptation tout en étant imprévisibles. En cela, il est
normal que l’idée du changement et le changement lui-même provoquent
un certain stress. Le stress est stimulant, pour autant qu’il ne dépasse pas les
bornes. Lorsque l’appréhension face au changement tourne à la peur et vous
paralyse, il faut se demander si votre peur est justifiée, réaliste, ou s’il s’agit
d’une peur excessive, irrationnelle. La première est à prendre en compte,
car elle nous signale un réel danger. La seconde doit être gérée, faute de
quoi elle réduira à néant tous vos espoirs de changement.
Respectez votre peur si elle est fondée
La peur est un signal de danger. Elle permet aux individus et aux
espèces de survivre en les avertissant des dangers présents dans
l’environnement. Certaines personnes, trop sensibilisées aux dangers de
toute sorte, n’entreprennent rien. D’autres, à l’inverse, en particulier les
adolescents et les sujets de sexe masculin, minimisent les signaux de danger
et se tuent « bêtement » dans des accidents évitables ou des activités dont
ils ont sous-estimé les risques. La peur excessive et la témérité sont aussi
mauvaises conseillères l’une que l’autre. Si vous vous retenez d’explorer de
nouveaux comportements par la peur des risques encourus, évaluez leurs
risques aussi objectivement que possible, en les comparant aux bénéfices
escomptés. Pour vous aider à être plus objectif, faites cette évaluation en
compagnie d’un ami ou d’un proche lorsque c’est possible. Sinon, utilisez
la technique de décentration. Imaginez que c’est un ami proche qui
envisage le changement de comportement que vous souhaitez pour vous-
même. Examinez les avantages et inconvénients ou risques que cet ami
encourrait, et donnez-lui un conseil sur la base de votre évaluation. Pour
terminer l’exercice, recentrez-vous en vous demandant si vous pouvez
suivre la suggestion que vous avez faite en imagination à votre ami, c’est-à-
dire en réalité à vous-même.
Jean-Pierre, la quarantaine, souffre d’un « trouble bipolaire » depuis près de vingt ans.
Dès la fin de son adolescence, il a présenté des épisodes dépressifs et maniaques (le contraire
de la dépression) très graves, qui l’ont conduit plusieurs fois en hôpital psychiatrique. De ce
fait, il n’a pas pu terminer ses études universitaires. Il gagne néanmoins sa vie, il s’est marié et
a deux enfants. Depuis une dizaine d’années il suit un traitement de lithium qui a pour but de
stabiliser son humeur. Même si son humeur reste fragile, il n’a plus présenté depuis lors de
graves épisodes nécessitant une hospitalisation. Il aimerait maintenant arrêter le traitement de
lithium, pour éprouver le plaisir de vivre normalement, sans béquille médicamenteuse. Jean-
Pierre se montre toutefois inquiet des conséquences possibles. Nous examinons ensemble les
avantages et les inconvénients escomptés. Parmi les premiers, on relève la suppression des
contrôles sanguins, l’arrêt des effets indésirables, surtout la prise de poids. L’inconvénient
majeur est le risque d’une rechute sérieuse, dépressive ou maniaque. Cet argument l’emporte
sur tous les autres aux yeux de Jean-Pierre. Après avoir parlé avec son épouse, Jean-Pierre se
décide à garder son traitement de lithium.
Le « tout ou rien »
Se tromper de cible
Le problème se situe-t-il chez vous ou hors de vous ?
Pour être efficace, votre démarche de changement doit évidemment
viser la bonne cible. Cela veut dire que vous devez avoir identifié
correctement la source du problème. Il y a deux mille ans déjà, Épictète
nous incitait à nous concentrer sur ce qui dépend de nous, et à ne pas
gaspiller notre énergie en nous occupant de sujets sur lesquels nous n’avons
aucune prise. Dans votre analyse du problème, accordez un soin particulier
à le situer soigneusement : en vous ou hors de vous ? Lorsqu’un événement
se produit, nous pouvons considérer que sa responsabilité nous incombe
totalement, que la cause de l’événement se situe en nous-même, dans notre
comportement ou notre personnalité. Nous pouvons aussi penser que la
cause de l’événement est tout à fait extérieure à nous, qu’elle se situe par
exemple chez les autres, dans l’environnement, ou que l’événement est dû
au hasard. On peut enfin être d’avis que la cause de l’événement en
question se trouve quelque part entre ces deux extrêmes, l’intérieur et
l’extérieur, plus ou moins près de l’un ou de l’autre selon les cas.
Respectez-vous
Félicitez-vous, récompensez-vous
Lorsque vous avez réussi une tâche, un examen, une invitation, etc.,
félicitez-vous comme vous féliciteriez un proche ou un ami qui aurait
obtenu le même résultat. Si c’est une réussite qui vous a coûté des efforts
importants, même si vous jugez que ce n’est rien du tout, accordez-vous
une gratification, un petit plaisir comme vous trouveriez normal de
l’accorder à un proche ou un ami qui aurait obtenu la même réussite que
vous.
Exercice
Pourquoi avez-vous de l’estime pour quelqu’un ?
Jugez-vous équitablement
Êtes-vous perfectionniste ?
Avez-vous l’habitude d’être très exigeant dans la plupart des domaines
de votre vie ? Aussi bien avec vous-même qu’avec les autres ? On pourrait
parler de « perfectionnite » lorsque cette exigence devient une véritable
tyrannie. Lorsque le plaisir de réussir se transforme en dictature intérieure,
que les souffrances et les nuisances l’emportent sur les bénéfices. Les
perfectionnistes atteignent parfois des performances élevées dans leur vie
professionnelle, dans leurs loisirs, dans des réalisations artistiques, etc.
Mais le prix à payer est élevé. L’équilibre de la vie privée et relationnelle
est menacé par le temps et l’énergie consacrés à réaliser à la perfection tout
ce qu’ils entreprennent. Et puis, si votre bonheur dépend de votre capacité à
être impeccable dans ce que vous entreprenez, il vient forcément un jour où
la réussite n’est pas au rendez-vous. Vous risquez d’en être très malheureux,
comme ces élèves brillants qui sont désespérés lorsqu’ils obtiennent pour
une fois une note un peu en dessous de l’excellence. Autre inconvénient du
perfectionnisme, les gens parfaits suscitent souvent jalousie et dénigrement,
surtout au travail. Si des revers surviennent, on n’est guère indulgent pour
eux, pas plus qu’ils ne le sont pour eux-mêmes.
Gare à l’usure !
Le risque le plus grand du perfectionnisme est l’épuisement, surtout au
travail. Au bout de plusieurs années ou dizaines d’années de comportement
perfectionniste, l’usure finit par prendre le dessus. Les employés les plus
passionnés, les plus méticuleux et les plus dévoués à leur tâche sont des
êtres humains, ils ont leurs limites et finissent par s’épuiser. Ils deviennent
alors moins performants, au point parfois de sombrer dans la dépression
lorsque l’usure se cumule à une vulnérabilité personnelle. L’épuisement
professionnel guette en particulier les professionnels qui s’« occupent » des
autres, comme les médecins, les infirmières, les travailleurs sociaux, les
enseignants, etc. Si vous êtes un perfectionniste épuisé, ne comptez pas trop
que votre milieu professionnel vous manifeste une grande reconnaissance
pour tout ce que vous lui avez donné durant de nombreuses années. À
moins que votre employeur soit particulièrement sensible au bien-être de
ses employés (cela existe), l’entreprise ne verra que la baisse présente de
votre rendement et vous priera de vous soigner, à moins qu’elle ne vous
jette sans ménagement comme un outil usé qui a trop servi. Par conséquent,
prenez vous-même en main votre bien-être, et ménagez-vous pendant qu’il
en est encore temps !
Lorsque nous parlons ensemble des pensées qui lui traversent l’esprit
quand elle est angoissée, Caroline est capable de prendre du recul par
rapport à ces pensées, et d’abord de les voir comme des pensées et non
comme la réalité, de les examiner et les relativiser. En revanche, pendant les
crises d’angoisse, ses pensées ont pour elle l’évidence de la réalité, elle est
incapable de faire la part de la pensée et celle de la réalité. La pensée est la
réalité, penser devenir folle équivaut à devenir folle réellement, ce qui
décuple son angoisse.
Un problème analogue se présente lorsque certains patients anxieux
confondent leurs sensations et la réalité. La confusion entre la réalité
intérieure (les pensées, les sensations) et la réalité extérieure est un
phénomène psychologique qui relève de la « pensée magique ». De quoi
s’agit-il ?
À chacun sa partition
Être responsable de son propre comportement ne signifie pas être
égoïste ou complètement coupé de l’environnement et des autres. Au
contraire, l’exemple du fœtus souligne combien les êtres sont en étroite
interaction les uns avec les autres. Dans les relations humaines, c’est
comme dans un orchestre. Chacun joue sa propre partition (et non celle de
l’autre !), et en même temps écoute les autres pour s’ajuster au mieux à
l’ensemble.
Le comportement affirmé
Vous êtes mal à l’aise lorsque vous devez demander quelque chose à
quelqu’un alors que votre demande est parfaitement justifiée ? Vous avez de
la peine à dire non, à refuser une demande injustifiée ou qui ne vous
convient pas ? Cherchez des relations équilibrées avec les autres en vous
affirmant. Soyez capable aussi bien d’écouter le point de vue de l’autre sans
vous y rallier inconditionnellement, que d’exprimer le vôtre sans éprouver
le besoin de l’imposer à l’autre. S’affirmer dans les relations avec les autres,
c’est prendre sa place, toute sa place, mais seulement sa place. Dans une
discussion, un point de vue commun est parfois trouvé, basé sur un
compromis entre les deux positions. Il peut arriver que l’échange
d’arguments convainque l’un des interlocuteurs d’adhérer au point de vue
de l’autre. Mais il se peut aussi que chacun campe sur ses positions,
qu’aucun compromis ne soit possible. Cela arrive et on doit pouvoir vivre
avec cette situation.
Ni passif, ni agressif
Le comportement affirmé est un comportement équilibré, il s’oppose
aussi bien au comportement passif qu’au comportement agressif. Dans le
comportement passif, le sujet se soumet à l’autre, dans le comportement
agressif, il lui impose sa force. Le comportement affirmé (on dit aussi
« assertif ») est équilibré, c’est l’attitude la mieux adaptée à la plupart des
situations sociales quotidiennes, en couple, en famille, au travail, à l’école,
dans les loisirs. C’est le meilleur garant de relations équilibrées à long
terme avec les autres. Il favorise la recherche de compromis, nécessaire en
cas de divergence.
Le comportement avec les autres
Exercice :
prenez l’habitude de vous exprimer
Prenez l’habitude, si vous ne l’avez déjà, de vous exprimer à
chaque occasion qui se présente. À deux ou en groupe, les autres
apprécieront que vous participiez, que vous nourrissiez les échanges.
Ne pensez pas que vous devriez attendre d’avoir une opinion géniale
pour avoir le droit de l’exprimer. Qui pourrait prétendre répondre à
une telle exigence ? Dans une conversation avec un ami ou en famille,
donnez toujours votre point de vue, y compris si on ne vous le
demande pas (les autres sont peut-être accoutumés à vous voir
silencieux). Présentez votre avis comme un élément de la discussion
parmi d’autres, pas comme une vérité absolue dont dépendrait votre
amour-propre. Faites de même dans les réunions professionnelles et
dans toute circonstance où vous vous trouvez en compagnie, à
l’entracte d’un spectacle, au bistrot avec des amis, à la réunion des
parents de l’école de vos enfants, etc. Vous exprimer consiste à
formuler un point de vue personnel ou à réagir sur ce qui a été dit,
pour l’approuver, le critiquer ou le commenter. Il peut s’agir de poser
une question signalant votre intérêt pour un sujet ou une personne.
Évitez toutefois de vous limiter à poser des questions aux autres, cela
peut être perçu comme agressif ou distant. Alimentez la conversation
en amenant votre avis, une anecdote personnelle, une interrogation
que vous avez pour vous-même : « L’autre jour, je me demandais
si… »
Recherchez la critique
Allez plus loin, demandez qu’on vous critique. N’hésitez pas à solliciter
les autres pour qu’ils vous fassent part de leurs critiques, et remerciez-les
lorsqu’ils le font. Faites-le avec votre conjoint, vos enfants, vos amis, vos
collègues, votre supérieur hiérarchique. Vous constaterez que l’erreur se
dédramatise d’elle-même lorsqu’elle est nommée et discutée. Elle favorise
le changement et le progrès.
La « règle du je »
Dans les relations hiérarchiques ou délicates, potentiellement
conflictuelles, la seconde personne, le « tu » (ou « vous ») est perçue
comme un jugement ou comme un ordre. Vous me décevez ! sonne comme
une condamnation sans appel. Tu devrais te taire ! comme un ordre. Or
nous n’avons ni à juger notre interlocuteur ni à lui donner des ordres. La
forme impérative (Allez-y ! Terminez ! Arrêtez de me casser les pieds !) est
également à manier avec prudence, et seulement dans le cadre d’une
relation familière dans laquelle vous êtes sûr que votre interlocuteur
comprend l’impératif comme une incitation amicale. Au lieu de l’impératif
et de la deuxième personne, exprimez-vous à la première personne. Le je
passe mieux que le tu car, paradoxalement, il est plus modeste. Pourquoi ?
Parce qu’en disant je, vous n’exprimez qu’une opinion, la vôtre, et non une
vérité absolue. Utilisez le verbe qui correspond le mieux à votre sentiment.
Je pense que tu te trompes, Je trouve que tu devrais dire oui, J’ai
l’impression que tu m’en veux, J’ai peur que tu sois fâché, Je suis déçu (ou
triste, ou en colère, ou choqué) que tu aies réagi ainsi. Si votre
interlocuteur affirme que vous vous trompez, répondez-lui : C’est possible,
je te fais part de mon sentiment personnel, ou C’est bien possible, mais
c’est mon opinion.
Le je peut être remplacé par une formule équivalente qui indique
clairement votre engagement personnel dans l’opinion exprimée. Par
exemple Cela ne m’arrange pas de venir ce soir ou Ce que tu viens de dire
ne m’a pas plu ou encore Cela ne me convient pas de venir avec toi. On
peut tout dire à quelqu’un, y compris les choses les plus désagréables, à
condition de s’exprimer en son nom propre. C’est un comportement affirmé
qui respecte l’autre. C’est aussi une attitude réaliste, puisqu’en définitive
tout ce que nous disons ne reflète que notre opinion, une opinion parmi
d’autres.
Parler en public
Dans un groupe, les mêmes principes s’appliquent, à la différence près
que le temps de parole est divisé entre les participants. Si vous devez
prendre la parole en public, ne fixez pas votre regard sur telle personne
présente dans la salle, pour vous rassurer. Vous risquez d’être troublé si
cette personne se met à bâiller ou à regarder sa montre, comme cela m’est
arrivé un jour lors d’un exposé ! Utilisez votre œil américain, et
périodiquement donnez un coup de zoom précis sur un objet utile pour
votre présentation : l’horloge, le texte projeté sur l’écran, le pense-bête que
vous avez préparé.
Exercice :
entraînez-vous à la communication visuelle
Pour réagir aussi violemment, Bernard a pris l’opinion des deux jeunes,
ou plutôt l’opinion qu’il a cru entendre, pour la réalité. Il a réagi par une
action, ce qui a aggravé l’altercation. Or une opinion n’est qu’une pensée,
ce n’est pas la réalité. La réalité intérieure (pensées et sensations) est
virtuelle, elle est d’un ordre différent de la réalité concrète ou extérieure. Si
on se met à réagir à la réalité virtuelle comme s’il s’agissait de la réalité
concrète, il n’y a plus de limite claire, et tous les excès sont possibles. Qui
plus est, une opinion n’engage que son auteur. Les autres ne sont pas
obligés de la reprendre à leur compte. Dans une dispute, nous commettons
la même erreur d’appréciation que Bernard lorsque nous prenons pour
argent comptant la remarque déplacée d’un interlocuteur. Nous réagissons
alors comme si l’injure avait le poids d’un caillou alors qu’il ne s’agit que
de mots, qui de surcroît n’engagent que celui qui les profère.
Nous sommes arrivés à la stratégie suivante, au cas où Bernard serait à nouveau
confronté à une situation semblable :
— Se dire à soi-même : Peut-être ai-je mal entendu. Si j’ai bien entendu, ils sont mal
élevés de parler ainsi, mais je n’y peux rien, sauf me dire à moi-même que ce n’est que leur
opinion.
— Pour mieux supporter la situation sans réagir violemment, se répéter le leitmotiv
« Laisse tomber ! ».
— Ne rien faire, ne pas répondre pour ne pas mettre de l’huile sur le feu, ou
éventuellement leur dire : Je trouve que vous n’êtes pas très polis avec moi.
Bernard a réussi à adopter cette attitude quelques jours plus tard, lorsque dans un bus un
passager probablement éméché s’est adressé à lui en le traitant de plein de soupe.
1- Smith Manuel, When I Say No, I Feel Guilty, Bantam Press, 1975.
Chapitre 12
Vous n’y arrivez pas ?
Rien n’est perdu !
« Aide-toi, le ciel t’aidera. »
Jean de LA FONTAINE
Cherchez de l’information
Renouvelez-vous en recherchant des informations nouvelles sur votre
problème. La télévision et la radio présentent des émissions de vulgarisation
et de témoignages sur la plupart des sujets et problèmes. Il en va de même
pour la presse écrite, et régulièrement apparaissent des ouvrages et des
magazines spécialisés consacrés à la psychologie, mais aussi à toutes les
techniques qui peuvent faire l’objet d’un apprentissage personnel : langues,
sports, relations sociales, bricolage, cuisine, peinture, musique, etc.
Internet
Grâce à Internet, l’information est facilement disponible sur tout,
partout et tout le temps. Mes patients cherchent sur la Toile des
témoignages de personnes souffrant du même problème qu’eux, avec qui ils
échangent des tuyaux, des solutions, ou des noms de thérapeutes. Ils y
trouvent aussi des informations scientifiques sur leurs médicaments, sur les
dernières nouveautés concernant leur problème. Internet est une source
d’information inouïe. On y trouve les sites d’associations professionnelles à
même de fournir les coordonnées de thérapeutes compétents, ceux de
groupes d’entraide, des informations sur toutes les publications, ou encore
les dernières informations scientifiques disponibles sur tout sujet. On peut
même y apprendre les langues et se former à des techniques sportives,
artistiques ou autres. Vous trouverez à la fin de l’ouvrage des propositions
de lecture et des adresses Internet où vous procurer de l’information fiable.
Parler aide
Le seul fait de parler à quelqu’un représente déjà une aide, car exposer
son problème exige de le mettre en forme, de le clarifier et de le projeter
hors de soi. Parfois cela suffit à le faire voir sous un autre angle, sans que
l’autre ait eu besoin de dire quoi que ce soit. Parlez de votre problème à un
proche, à un ami, à un collègue en qui vous avez confiance. Vous serez
probablement étonné de constater que vous y voyez déjà plus clair au
moment où vous vous exprimez.
Faites-vous conseiller
Un degré supérieur dans le niveau d’aide fourni par les autres est atteint
lorsque votre interlocuteur prend une attitude plus active que la simple
écoute. Qu’il s’appelle conseiller, mentor, coach ou entraîneur, son rôle est
d’être un modèle qui vous montre la voie à suivre. Sa position extérieure lui
permet d’être plus objectif que vous dans l’observation de votre
comportement. Il peut ainsi mieux repérer vos points forts et, grâce à ses
connaissances, vous montrer comment corriger vos erreurs. Il devrait aussi
vous encourager dans les moments difficiles. Les parents, les proches
respectés, les enseignants, les entraîneurs sportifs, les aînés, les supérieurs
au travail, les maîtres dans n’importe quelle discipline, exercent ce rôle de
modèles. L’activité du médecin et celle du psychothérapeute sont en partie
de cet ordre. Cherchez autour de vous les personnes de confiance qui
puissent vous conseiller par leurs observations et leurs conseils avisés.
L’aide spirituelle
Certains ecclésiastiques, par le rayonnement de leur personnalité et la
qualité de leur message, apportent un appui d’une valeur inestimable aux
personnes ouvertes à cette forme d’aide. J’ai vu des patients réellement
transformés par le message spirituel, capables de changer durablement de
comportement sous son effet.
Attention aux faux gourous !
Si votre disposition vous y porte, il n’y a pas de raison de négliger le
secours de la spiritualité. Attention toutefois aux faux gourous de toute
espèce qui prolifèrent. Ils sont prêts à profiter de votre crédulité. Je parle de
« faux » gourous, à ne pas confondre avec les vrais gourous, qui sont des
maîtres spirituels dans la religion brahmanique indienne. Les faux gourous
sont dangereux car ils abusent de votre naïveté et de votre argent. Ils
poussent à la dépendance psychologique et à la négligence de votre santé et
de votre compte bancaire. Au final, ils favorisent plutôt l’infantilisation que
l’autonomie et le développement personnel. Méfiez-vous des discours
flatteurs qui vous promettent des solutions miraculeuses.
Renseignez-vous
S’il vous semble reconnaître plusieurs de ces caractéristiques chez un
soi-disant thérapeute, exigez qu’il vous montre ses diplômes et assurez-
vous que ceux-ci correspondent à des titres officiellement reconnus. En cas
de doute, renseignez-vous auprès de l’administration publique. Demandez
au thérapeute quels sont les fondements scientifiques de sa pratique, ses
méthodes de traitement et les objectifs que vous pouvez espérer atteindre.
Si ces demandes, qui sont tout à fait légitimes, sont rejetées, reçoivent des
réponses floues ou des manifestations de mépris ou de colère, méfiez-vous
et regardez à deux fois avant d’entreprendre un traitement chez cette
personne.
Voir un psychiatre ?
Si votre médecin diagnostique une affection d’ordre psychique, il se
peut qu’il vous propose de la traiter lui-même, s’il s’estime compétent pour
cela. Il est possible aussi qu’il vous propose de consulter un psychiatre. Ne
vous affolez pas ! Cela ne signifie pas que vous êtes devenu fou, ni que
vous allez le devenir. La psychiatrie moderne ne se limite plus à traiter
seulement les graves troubles mentaux traditionnels, ceux qui perturbent
sévèrement le rapport du malade avec la réalité comme la schizophrénie et
la démence. La psychiatrie a découvert des traitements efficaces pour des
maux qu’on pourrait considérer comme moins graves, sauf qu’ils
empoisonnent considérablement la vie des gens qui en souffrent. Ces
troubles psychiques, comme l’anxiété, la dépression, les troubles
alimentaires, les dépendances, sont caractérisés par des modifications du
comportement. Celles-ci se manifestent dans la vie quotidienne par des
manières inhabituelles d’agir, de voir et de ressentir les choses. En guérir
implique de revenir à des comportements plus habituels. Ce changement se
produit grâce à un effort sur soi-même, avec ou sans le concours d’un
traitement médicamenteux.
Les somnifères
Comme leur nom l’indique, les somnifères aident à dormir. De
nombreux grands insomniaques ne peuvent pas s’en passer. Ils sont
efficaces surtout lorsqu’ils sont utilisés de manière ponctuelle, c’est-à-dire
dans un contexte précis et limité (quelques jours). Lorsqu’on s’en sert
régulièrement, c’est-à-dire chaque jour pendant plusieurs mois, ils
entraînent une dépendance, qui est psychologique plus que physique.
Utilisés à dose raisonnable, même régulièrement, ils n’ont guère d’effets
indésirables, ni à court ni à long terme.
Les tranquillisants
Les anxiolytiques, appelés aussi tranquillisants ou benzo-diazépines
(leur nom chimique) diminuent l’anxiété et les crises d’angoisse. Ils
agissent au bout de 30 à 60 minutes, et leur effet dure quelques heures. Ils
sont surtout efficaces lorsqu’ils sont pris à la demande, ponctuellement. En
utilisation régulière (tous les jours durant un mois et plus), ils perdent de
leur efficacité et entraînent une dépendance psychologique et parfois
physique. À long terme, après de très nombreuses années d’utilisation à
doses élevées, ils peuvent altérer la mémoire.
Les antidépresseurs
Les antidépresseurs agissent sur la dépression, mais aussi sur d’autres
troubles psychiques. C’est surtout le cas des antidépresseurs dont l’action
s’exerce sur une substance produite par le cerveau appelée sérotonine.
Parmi ces médicaments figurent entre autres la paroxétine, la fluvoxamine,
le citalopram, la sertraline, la fluoxétine et la venlafaxine. Séparément de
leur effet antidépresseur, ces médicaments sont efficaces sur des troubles
anxieux comme le trouble panique, le trouble obsessionnel-compulsif
(TOC) et la phobie sociale. Ils sont probablement actifs sur d’autres
troubles psychiques encore. En raison de leur efficacité sur bien d’autres
problèmes que la dépression, le terme « antidépresseur » n’est
probablement plus adapté, mais il persiste dans l’usage. Contrairement aux
anxiolytiques, les antidépresseurs n’agissent pas dans les minutes et heures
qui suivent. Leur action ne se déploie pleinement qu’après un délai, qui
peut aller d’une semaine à trois mois (pour le TOC), et à condition que le
médicament soit pris régulièrement, chaque jour (en général une prise par
jour). Les antidépresseurs actuels sont relativement bien supportés par la
plupart des patients. Ils causent assez souvent des effets indésirables
physiques parfois gênants (troubles digestifs, maux de tête et autres), mais
sans gravité médicale. Les effets indésirables disparaissent généralement
après deux à quatre semaines, lorsque les effets bénéfiques apparaissent.
Certains effets indésirables, non présents chez tous les patients, peuvent
persister et motiver l’arrêt du traitement. C’est le cas de la prise de poids et
des troubles sexuels (retard d’éjaculation, parfois baisse du désir sexuel).
Les médicaments antidépresseurs ne manifestent leur efficacité que s’ils
sont pris régulièrement, en général pendant plusieurs mois en cas de
dépression, au moins une année et souvent davantage pour les troubles
anxieux. Ils sont parfaitement compatibles avec une vie normale, y compris
la conduite automobile. Mais il faut éviter de les mélanger avec l’alcool, car
la combinaison des deux substances risque sérieusement de diminuer votre
vigilance. Cette remarque vaut d’ailleurs pour tous les médicaments
mentionnés ici.
Les neuroleptiques
Les neuroleptiques diminuent les phénomènes psychotiques, c’est-à-
dire de perte de contact avec la réalité que représentent les idées délirantes
et les hallucinations, rencontrées surtout dans la schizophrénie. La prise de
poids et l’émoussement des émotions comptent parmi leurs effets
indésirables. Ceux-ci entraînent fréquemment l’arrêt du traitement. Celui-ci
est malheureusement souvent payé d’une reprise des phénomènes
psychotiques et des troubles du comportement qui les accompagnent.
Et les drogues ?
À côté des médicaments, de nombreuses substances licites et illicites
produisent des changements de comportement. Par leur action stimulante ou
calmante sur le cerveau, les drogues modifient la manière d’agir, de
ressentir et de penser des personnes qui les consomment. Parmi les drogues
stimulantes figurent la cocaïne, les amphétamines, l’ecstasy, mais aussi la
nicotine et la caféine. L’alcool, les opiacés (héroïne, morphine, méthadone,
buprénorphine) et le cannabis ont un effet calmant sur le système nerveux,
mais ces drogues peuvent avoir, dans un premier temps, un effet excitant.
Les substances hallucinogènes, en plus de leur action stimulante ou
calmante, modifient de manière impressionnante les perceptions
sensorielles. Le LSD, l’ecstasy, la mescaline et le cannabis figurent parmi
cette catégorie de drogues. La question du changement provoqué par les
drogues s’éloigne du sujet de ce livre, qui est le changement voulu et
porteur d’épanouissement personnel. Les effets indésirables des drogues
(dépression, angoisse, délire, dépendance, désinsertion sociale) l’emportent
largement sur leurs effets désirables. De plus, les changements de
comportement sont accompagnés d’atteintes des capacités mentales
(concentration, attention, vivacité d’esprit, clarté du jugement) le plus
souvent incompatibles avec une vie intellectuelle et sociale épanouie.
Avant de commencer
1. Bonne nouvelle, changer, cela s’apprend !
2. Certaines choses dépendent de toi, les autres non.
3. Ne cherche à changer que ce qui dépend de toi.
4. Changer les autres ? Peine perdue, oublie !
5. Il n’y a presque rien que tu puisses changer. Mais ce presque rien peut
te changer la vie.
Savoir terminer
1. Change pour toi, pas pour les autres.
2. Le mieux est l’ennemi du bien.
3. Vise un but concret et limité.
4. Renonce à la révolution, elle te ramènerait à ton point de départ !
5. Sois réaliste, c’est la vraie ambition.
Un choix de lectures
Si vous désirez approfondir certains sujets traités dans le livre, voici un
choix de quelques lectures brièvement commentées. Le sujet est très vaste,
il s’agit d’une sélection de textes que je trouve utiles dans ma pratique
professionnelle et dans ma vie.
AEMTC
Association pour l’étude, la modification et la thérapie du
comportement.
Association belge francophone des psychothérapeutes d’orientation
comportementale et cognitive. Site Internet : www2.ulg.ac.be/aemtc
AFFORTHECC
Association francophone de formation et de recherche en thérapie
comportementale et cognitive.
Regroupe des thérapeutes de tous les pays francophones. Site Internet :
www.afforthecc.org
AFTCC
Association française de thérapie comportementale et
cognitive
Association nationale française, mais ses membres proviennent
également de l’étranger (Belgique, Canada, Suisse, Afrique, etc.). Site
Internet : www.aftcc.org
ASPCo
Association suisse de psychothérapie cognitive.
Les psychothérapeutes membres proviennent principalement de la
Suisse romande. Site Internet : www.aspco.ch
SSTCC
Société suisse de thérapie comportementale et cognitive.
Association suisse également, davantage présente dans la région
alémanique. Site Internet : www.sgvt-sstcc.ch
DÉJÀ PARUS
Suite
Je ne peux pas m’arrêter de laver, vérifier, compter. Mieux vivre avec un TOC.
Dr Alain Sauteraud.
L’Enfant surdoué. L’aider à grandir, l’aider à réussir.
Jeanne Siaud-Facchin.
La Dépression, comment en sortir.
Dr Christine Mirabel-Sarron.
La Timidité. Comment la surmonter.
Dr Gérard Macqueron, Stéphane Roy.
La Schizophrénie.
Jean-Louis Monestès.
Maîtriser son trac.
Dr Laurent Chneiweiss, Dr Éric Tanneau.
Mieux vivre sa sexualité.
Dr François-Xavier Poudat.
Mon enfant s’oppose. Que dire ? Que faire ?
Dr Gisèle George.
Pas de panique au volant !
Dr Roger Zumbrunnen.
« Peut mieux faire. » Remotiver son enfant à l’école.
Didier Pleux.
Pour aider votre enfant à retrouver le sourire.
Luis Vera.
Pour que votre enfant n’ait plus peur.
Dr Jacques Leveau.
Relaxation et Méditation.
Dr Dominique Servant.
Revivre après un choc. Comment surmonter le traumatisme
psychologique. Dr Aurore Sabouraud-Seguin.
Soigner le stress et l’anxiété par soi-même.
Dr Dominique Servant.
Surmonter la peur en avion.
Marie-Claude Dentan.
Surmontez vos peurs. Vaincre le trouble panique et l’agoraphobie.
Dr Jean-Luc Émery.