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Abbé Elie Tenga

PRESENTATION DU THEME DE L’ANNEE PASTORALE 2023-2024


« PAS D’ENVIRONNEMENT SANS NOUS »

Introduction
Le thème de l’année pastorale 2023-2024 : « Pas d’environnement sans
nous », initié par Monseigneur l’Archevêque, nous veut amis, frères et sœurs
de l’environnement ou de la création. Thème qui s’inscrit dans une actualité
incontestée, parce que chaque homme, croyant ou non croyant, se sent
interpellé au plus haut point de sa conscience. Si nous prêtons oreille
attentive aux informations diffusées à la radio et à la télévision, beaucoup de
conférences, des rencontres s’organisent mondialement pour trouver l’issue
raisonnée et équilibrée entre l’homme et l’environnement après une
destruction méchante de la création. L’on entend, par exemple, que la
République Démocratique du Congo se propose aisément comme l’un des
poumons, l’une des solutions à cette crise, grâce à sa forêt équatoriale mal
gérée.
Ainsi, ce thème de l’environnement provoque et interpelle les grandes
puissances dans la gestion catastrophique de la planète. Depuis Jean XXIII
jusqu’au pape François, la question de l’écologie revient incessamment. Si,
par le passé, elle était abordée timidement, de nos jours elle est vraiment à
la une. L’encyclique Laudato Si de François est venue bousculer la
communauté internationale qui semblait traîner les pieds. Comme la
préoccupation est devenue préoccupante, stridente et insolente au regard
des faits, très récemment le pape François y revient avec l’Exhortation
apostolique, en la fête de Saint François d’Assise : Laudate Deum (Louez
Dieu pour toutes ses créatures). Que devons-nous faire pour retrouver
l’équilibre perdu entre nous et notre environnement ? Question si facile à
comprendre, mais complexe à concrétiser pour un monde épris de
relativisme et d’esprit autotélique.
Avant d’entrer dans les profondeurs du thème proprement dit, permettez-
moi de placer quelques préalables.

1. Préalables
Dans le contexte de notre Archidiocèse, Monseigneur l’Archevêque vient
de définir le thème de l’année pastorale 2023-2024, sous l’impulsion du pape
François. La gestion de l’environnement est réellement un problème de
l’heure qui ne peut laisser l’Eglise catholique indifférente. Cette dernière en a
parlé depuis un certain temps, en tirant la sonnette d’alarme. Cependant, la
communauté internationale a affiché une indifférence remarquable et
coupable qui se vérifie avec les conséquences du développement industriel.
En pasteur éclairé et avisé dans ses intuitions, dès sa première Lettre
pastorale : « Vivre ensemble : un itinéraire pour édifier l’Eglise Famille de
Dieu » du 22 septembre 2021, Monseigneur l’Archevêque a fait siennes ces
préoccupations au paragraphe 22. L’essentiel y est bien cerné pour arriver à
l’intelligence, selon laquelle notre fraternité est en crise avec la question
cosmique. Dans cette perspective, il n’est pas de cassure, de répulsion entre
le vivre-ensemble et l’environnement. Les deux s’impliquent ouvertement et
simplement, parce que fruits de l’œuvre de la création de Dieu.

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2. Le constat alarmant d’une création blessée


La mauvaise gestion de la nature laisse montrer ses traces dans le
déséquilibre vécu entre l’homme et l’environnement. Sous le deuxième grand
point de sa première Lettre pastorale : par delà l’embellie, une fraternité en
crise, Monseigneur l’Archevêque relève les faits qui mettent en conflit
flagrant avec la création. Ce qui est un rapport de fausse fraternité avec le
cosmique. L’environnement entre évidemment en crise et les conséquences
nous mettent sous pression. Que constatons-nous ?
a. Les objets plastiques et d’innombrables immondices jonchent nos
rues, nos quartiers et nos villages
b. L’air que nous respirons partout où nous vivons, surtout dans les
agglomérations minières, est pollué. La présence de plusieurs
entreprises minières n’est fait qu’aggraver la situation
c. La pollution de cours d’eaux avec l’implantation des usines puro-
métallurgiques partout. Les usines foisonnent sur le tronçon
Lubumbashi-Likasi et Likasi-Kolwezi
d. Le nettoyage des minerais avec l’acide sulfurique qui tue les
microsystèmes jusqu’à la disparition des poissons dans certaines
rivières
e. Les menaces des érosions dans les grands centres urbains
f. La disparition des espaces verts dans les Centres urbains, vendus de
nouvelles constructions
g. La forêt des miombo disparaît jour après jour avec sa richesse de
biodiversité
h. L’exploitation anarchique des essences végétales qui serait un écocide
de l’écosystème, notamment la disparition des espèces précieuses du
bois, les champignons, les chenilles, les gibiers…
i. Le déséquilibre des saisons (rareté des pluies, inondations qui
détruisent les maisons d’habitation, canicule…) avec le réchauffement
climatique…
j. Les ordures et la culture du déchet (LS, n° 60-61)
Nul n’ignore que ces faits indiqués, parmi tant d’autres, découlent d’une
gestion calamiteuse et bananière de la « Maison commune » pour mieux
répondre à l’expression : dominer et soumettre la terre.

3. Dominer et soumettre la terre : une entreprise compromettante


Les deux récits de la création (Gn 1,1-2,4a et 2,4b-28) que nous trouvons
dans le livre de la Genèse sont la charte incontournable de la gestion de
l’environnement. Dans sa bonté infinie, Dieu organise la création pour
qu’elle soit sous la coupe de l’homme. Les règnes des vivants et autres ont
devancés la venue l’homme dans ce projet créateur. C’est en fin de tout que
l’homme surgit en constatant la présence des autres règnes autour de lui.
Pour lui assurer la préséance, Dieu lui accorde le pouvoir de nommer toute
chose et non de s’en approprier. Il en devient de toute évidence l’intendant
reconnu, le gestionnaire intronisé.
Comme il l’a créé à son image et à sa ressemblance, Dieu voyait en lui un
désir de surpassement. Pour marquer les limites de son expression, il lui
accorde la possibilité de tout manger, sauf les fruits de la connaissance du
bien et du mal. Le jour où il en prendrait, il serait passible de mort. C’est
donc une liberté ouvertement expressive avec un seuil. Par la suite, Il lui

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donne une autre consigne : dominer et soumettre la terre. Cette théonomie


verse aisément dans la notion de développement qui ne peut jamais se
détacher de celle de responsabilité, de transformation ou du travail pour le
bonheur du gestionnaire.
Sa réponse positive vaut un droit lui reconnu naturellement pour
s’assumer en trouvant dans le travail une certaine noblesse : « Si quelqu’un
ne travaille pas, qu’il ne mange pas non plus » (2 Th 3,10). Cependant, « il
gagnera son pain à la sueur de son front » (Gn 3,19). Cette vision n’est pas
une corvée, mais une invitation à sa maturation comme l’effort grandit. Ce
droit naturel connaît un virage étincelant qui tue l’homme. Celui-ci oublie
sa place d’intendant, de gestionnaire et de sentinelle, pour prétendre
s’approprier la création. Dans la concrétisation de la propriété privée comme
droit naturel, il est certaines personnes qui veulent concentrer la richesse
mondiale entre leurs mains (LD, n°9). Cette attitude nous plonge dans des
« structures de péché », dénoncées par Jean-Paul II, théorie relayée
aujourd’hui par les évêques africains (LD, n°3). Pourtant, les conséquences
n’ont aucune restriction, parce qu’elles frappent tout le monde. La création
n’est pas une propriété privée de quelques individus, mais une « maison
commune » appartenant à toute l’humanité qui prend en compte la
destination universelle des biens de la terre. D’où une bonne gestion de
celle-ci pour la bonté reconnue par Dieu soit au profit de l’homme.

4. Débuts des conséquences monstrueuses de la « maison commune »


A l’accession de beaucoup de pays colonisés à la souveraineté
internationale, leur économie était embryonnaire comme la gestion
financière était aux mains des colons. Le panorama présentait un clivage en
deux mondes diamétralement déséquilibré : l’hémisphère Nord avec les pays
honteusement riches et les pays lamentablement pauvres, appelés pays du
Tiers-Monde. Par pitié ou par respect pour l’autre avec une vie minée, ils
sont désignés aujourd’hui « pays émergents ».
Vers les années 1967, précisément le 27 mars, Paul se posait la question
fondamentale : le développement, quid est ? De manière simple, il voyait ce
passage des conditions moins humaines vers les conditions plus humaines.
Dans une perspective économique et matérialiste, voilà en quoi il comprenait
ce concept. Cependant, influencé par le Concile Vatican II qui voulait que
tout soit abordé de manière intégrale, il dira que le développement doit
concerner tout l’homme et tout homme (n° 14).
Dans ce souci de limiter unilatéralement le développement à son aspect
économique, un débordement déconcertant envahit la communauté
internationale dans une exploitation irréfléchie des biens de la terre. Le
monde affiche radicalement le visage épicurien : Carpe diem (savoir profiter
du temps présent) pour verser alors dans le consumérisme : construction
des usines avec des technologies et techniques de pointe, consommation des
boissons dans des bouteilles plastiques, forêts et essences exploités
intensément et abusivement sans reboiser, exploitation minière souci pour
les générations futures. C’est l’option de l’inertie (les mêmes besoins = l’un) à
côté de la vitesse (Time is money = le multiple). Tout devient provisoire et
coule. On dirait : après nous vient le déluge. Autrement dit, la gestion de
l’environnement est essentiellement anthropologique (CV, n°75).

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5. Le retour aux origines : une pastorale des mains sales


Les conséquences d’une mauvaise gestion de la création sont palpables.
Elles n’épargnent personne (riches ou pauvres). La première démarche à
entreprendre pour rechercher l’équilibre « blessé » est l’applicabilité d’une
pastorale des mains sales. Celle-ci nous tournerait à une écologie intégrale
comme un nouveau paradigme de justice (chap. 4) pour considérer les
dimensions éthiques et spirituelles :
- Initier une action entre gouvernement, commune, ville et l’Eglise pour
que soit réactivée la loi de ne pas commercialiser les sachets (eau
pure, condiments et autres)
- Conscientisation sur le danger de la destruction de l’écosystème (de la
base dont les CEV jusqu’à toute la paroisse, y compris les autres
couches sociales)
- Organiser par paroisse le ramassage des bouteilles en plastique et
autres une fois par mois
- Intéresser les familles, la communauté humaine au respect du bien
commun
- Eduquer la communauté humaine à la gestion de l’environnement
pour une conversion écologique
- Planter régulièrement les arbres là où il en faut pour valoriser la
journée diocésaine de la création

Conclusion
Le thème de l’année pastorale : « Pas d’environnement sans nous » est
une sonnette d’alarme. Il s’inscrit dans ce problème crucial d’une gestion
raisonnée de la création. Par souci de rendre concrète la consigne : dominer
et soumettre la terre, il se remarque des débordements de l’homme. Celui-ci
semble oublier que le droit naturel de la propriété privée ne le rend pas
responsable de la « maison commune ».
Les conséquences catastrophiques qui en découlent sont une remise en
question de notre dérapage. Il nous faut dans l’Eglise, particulièrement dans
l’Archidiocèse de Lubumbashi, une pastorale des « mains sales ». Celle-ci
partirait de la base, dont les CEV en valorisant la journée diocésaine de la
création et le groupe « Laudato si ».

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