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Dans quelle mesure l’art constitue t-il une thérapie supplétive efficace ?

(l’art plastique comme medium)


L'approche méthodologique

Construction cognitive du sujet:

Introduction

Les motivations de recherche

L’objectif de recherche

La question posée pour la recherche

La problématique

Les hypothèses

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Introduction

L’art-thérapie est une psychothérapie à support artistique. L’art est ainsi un moyen
parmi d’autres, une technique au même titre que le médicament. En fait, l’art-thérapie est bien
davantage : elle interroge l’art comme elle interroge la thérapie, elle explore leurs points
communs comme leur enrichissement réciproque dans une complémentarité étonnante.

Nombreux parmi nous hésitent à entreprendre une thérapie classique ou une


psychanalyse, l’art-thérapie compte de plus en plus d’adeptes. Elle apparaît souvent, en effet,
comme une chance nouvelle d’accéder à ses sentiments et à ses émotions refoulés « parce
qu’elle travaille dans le “mine de rien”, en utilisant une stratégie de détour, une ruse qui
permet de contourner les résistances au changement », explique le Dr Jean-Pierre Klein
(L’Art-thérapie, Puf, collection Que sais-je, 1997), psychiatre et directeur de l’Inecat (Institut
national d’expression, de création, d’art et de thérapie) de Paris.

Son principe ? Se servir de la création artistique (peinture, théâtre, danse, collage, modelage,
photographie, marionnettes) pour pénétrer les problématiques inconscientes de l’individu et le
conduire à une transformation positive de lui-même. « Le but, reprend Jean-Pierre Klein, est
de partir, dans le cadre d’un processus créatif, de ses douleurs, de ses violences, de ses
contradictions pour en faire le matériau d’un cheminement personnel. Du pire naît ainsi une
construction, une production qui tend vers l’art. »

Historique

Si l’on mentionne parfois le nom du marquis de Sade comme précurseur de la


méthode – en raison des spectacles qu’il dirigeait, vers 1800, à l’asile de Charenton et qui
attiraient le Tout-Paris avide de voir des aliénés en représentation –, on attribue plus
sérieusement l’origine de l’art-thérapie au peintre anglais, Adrian Hill, qui en fit le premier
l’expérience en 1940.
Tuberculeux et placé en sanatorium, il entreprit, durant sa convalescence, d’entamer une
flânerie sur papier qui, au grand étonnement des médecins, lui octroya un rétablissement
rapide. « Lorsqu’il est satisfait, l’esprit créateur […] favorisera la guérison au cœur du malade
», écrivit-il. Intéressée par cette approche, la Croix-Rouge britannique l’utilisa avec ses
patients. En 1950, les premiers programmes de formation en art-thérapie virent le jour aux
Etats-Unis.

En France, il fallut attendre 1986, malgré une pratique bien antérieure, pour que le concept
soit enfin reconnu par la communauté scientifique au cours d’un congrès international.

Les motivations de recherche


Un des avantages de l’art-thérapie est de permettre l’expression de pensées et de
sentiments tant par l’image que par les mots. À cet égard, il s’agit d’une forme de
communication plus accessible pour des individus qui ont des difficultés à parler tels
que les petits enfants, les personnes atteintes d’accident cérébro-vasculaire ou lors
d’échanges entre des personnes issues de cultures différentes et incapables de
communiquer efficacement avec le thérapeute par la parole.
L’image peut aussi être très utile lorsque l’individu a tendance à trop rationaliser ou
lorsqu’il se trouve dans une impasse en thérapie verbale. Cependant l’art-thérapie ne saurait

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être uniquement une solution de rechange quand la thérapie conventionnelle a échoué. En fait
l’art-thérapie, en tant que telle, est une approche thérapeutique bénéfique et supplétive.

D’autres avantages

 À travers la pratique artistique, l’art-thérapie renforce la créativité. C’est important


puisque le processus créatif lui-même est crucial pour parvenir à un changement
positif, qu’il s’agisse de croissance personnelle, de guérison, de prise de conscience ou
de résolution de problèmes.
 À l’instar des rêves, les œuvres peuvent être vues comme des portes d’entrée vers
l’inconscient, augmentant ainsi la probabilité de dévoiler des problèmes, des conflits et
des préoccupations sous-jacentes qui pourraient être évoqués en thérapie.
 Les œuvres produites peuvent servir d’archives précieuses pour mesurer les progrès
thérapeutiques de la personne et peuvent s’avérer très utiles lors de la révision de
l’ensemble des images pour identifier les points tournants apparus en cours de
traitement.
 L’art-thérapie favorise l’intégration, l’intégrité et la cohérence en encourageant
l’artiste/individu à communiquer tant visuellement que verbalement, tout en
s’engageant dans un processus à la fois physique, émotionnel et intellectuel.
 En faisant en sorte qu’elle use des arts plastiques dans un environnement propice, on
aide la personne à vivre une expérience qui est particulièrement absorbante et
agréable. L’activité créatrice peut aider à réduire le stress et l’intrusion de pensée
négative, tout en augmentant la confiance en soi, la concentration et des sentiments
positifs. Cet apprentissage in situ se transfère aisément à d’autres situations dans la
vie.

L’objectif de recherche

Evidemment, l’art-thérapie est particulièrement indiquée pour les enfants chez lesquels
l’introspection est souvent difficile, comme pour les adolescents, souvent réfractaires à
l’approche psychothérapeutique classique. Chez les adultes, outre le fait qu’elle permette dans
tous les cas d’accéder à une meilleure connaissance de soi, la méthode se révèle très
bénéfique pour les personnes éprouvant des difficultés à fouiller leur problématique par la
parole ou qui, au contraire, parlent facilement d’eux sans jamais progresser.
L’art-thérapie donne aussi d’excellents résultats avec les grands malades qui expriment alors
leurs douleurs, avec les toxicomanes, les détenus ou les marginaux pour qui la création d’une
œuvre induit une revalorisation d’eux-mêmes, mais aussi les personnes âgées dont la création
répond, entre autres, à un besoin de reconstruction par la rétrospective de leur vie avant de
mourir.

L’art-thérapie ne doit se mouvoir ni dans la trop grande facilité ni dans l’expression


taboue », explique Jean-Pierre Klein. A vous de trouver l’art du juste milieu, celui qui vous
permettra de mieux vous explorer. Donc l’objectif de recherche c’est d’apparaitre le rôle
complétif de l’art thérapie et l’utilité professionnelle de cette méthode pour une prise de
conscience. Ainsi pour découvrir sur les autres recherches psychanalytiques qui ont essayé
d’analyser l’objet artistique comme une réflexion de l’inconscient.

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La question posée pour la recherche

Est-ce que l’art thérapie peut guider les problèmes de la vie psychique vers la guérison et
l’investigation de soi ?

La problématique

Pourquoi choisir l’art-thérapie en général et l’art plastique en particulier comme thérapie


complémentaire?
Comment l’œuvre artistique est analysée comme moyen d’extériorisation ?

Est-ce qu’on peut considérer l’art therapie comme une autre réflexion de l’inconscient ?

Comment se passe l’opération esthétique, du renoncement à la jouissance ?

Quel rapport existe entre l’art-thérapeute et l’artiste ?

Comment défier l’objet psychique et déclencher ses différents symptômes par l’art
thérapie ?

Quels sont les modes artistiques efficaces permettant l’émergence de l’équilibre


psychique ?

Existe t-il des limites au sein du travail psychothérapeutique face à l’art thérapie ?

Les hypothèses

Approche psychanalytique :

La psychanalyse n’a pas à se mettre à l’école de l’art, dans la mesure même où il n’y
a pas d’enseignements de l’art, autre que lui-même. Il est sa propre didactique, tout entier
suspendu à l’effet qu’il suscite, aussi réel qu’énigmatique. L’œuvre d’art surprend
foncièrement, en ce qu’elle fait surgir une dimension du réel improbable et qu’elle rend
désormais incontournable (au sens le moins galvaudé du terme). L’art n’a rien d’édifiant,
alors même qu’il produit un édifice, suspendu, funambulesque, entre semblant et vérité. C’est
pourquoi un rien de « bons sentiments » suffit à faire sortir de l’effet de surprise propre au
réel en sa version esthétique (le « navet » est ce qui ne surprend en aucun cas).

Cela nous engage à prendre à la lettre la déclaration célèbre de Freud sur son inaptitude
à la critique d’art [1][1] S. Freud, Le Moïse de Michel-Ange, sect. 1, G.W. X,.... Bien plus
qu’une dérobade, c’est une façon de dire que le discours achoppe sur le réel de l’art. La
psychanalyse ne sera donc pas une critique – rallongée de l’inconscient – de l’art. C’est
comme « profane » (Laie) – véritable « laïque », en contraste de ceux qui se « consacrent » à
la cause esthétique, forme de Schwärmerei abritée sous la cause de l’Art – que le créateur de
la psychanalyse intervient sur ce terrain, que dès lors il ne va occuper qu’avec plus de
résolution.

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De fait cet agnosticisme esthétique débouche sur les plus audacieuses percées sur le
secret de l’œuvre qui en légitiment d’emblée l’audace : face à la statue mosaïque de Michel-
Ange ou le souvenir de Léonard de Vinci, Freud démontrera sa détermination à ne pas
« lâcher le morceau ». Sauf à préciser que la Begabung – ce que l’on traduit par le « don »,
qui exprime une sorte d’« adonnement » – de l’artiste est mise une fois pour toutes – et
d’ailleurs sans regret excessif – hors champ de cette investigation. D’emblée, toute
« psychologie de l’art » est renvoyée à l’inanité par son propos : « D’où vient à l’artiste la
capacité de créer, cela n’est pas une question relevant de la psychologie [2][2] S. Freud,
L’intérêt de la psychanalyse, IIe partie,.... » Ou encore : « Force nous est d’avouer que
l’essence de la réalisation artistique nous est… psychanalytiquement inaccessible [3][3] S.
Freud, Un souvenir d’enfance de Léonard de Vinci,.... »

De quelle esthétique au reste s’agirait-il ? Non seulement de « la doctrine du beau »,


mais de « l’étude des qualités de notre sensibilité [4][4] S. Freud, L’inquiétante étrangeté,
sect. I, G.W. XII,... » – virage décisif que l’on peut associer au nom de Fechner, promoteur
d’une « esthétique expérimentale [5][5] Fechner, Zur experimentellen Ästhetik, 1871 (Pour
une... ». Or, d’une part « sur le beau, la psychanalyse a moins que rien à dire [6][6] S. Freud,
Malaise dans la civilisation, G.W. XIV. » – ce que l’on peut aussi écrire : le « Beau » est ce
sur quoi la psychanalyse a le moins à dire (ce que vient symboliser l’étrangeté au beau des
parties génitales, qui par ailleurs ne pourraient se dire « laides » que dans un registre
hystérique !) ; d’autre part, comme investigation de l’aisthesis au plan immanent du sujet,
Freud relève que l’analyste travaillant dans « d’autres couches de la vie psychique », il est peu
enclin à s’aventurer dans les recherches esthétiques [7][7] S. Freud, L’inquiétante étrangeté,
sect. I, G.W. XII,....

Quant à l’artiste, qu’aurait-il à faire de l’analyste, dès lors qu’il apporte une solution
inconsciente originale à ce que le savoir de l’inconscient noue comme problème : c’est une
sortie hors du symptôme que réalise « l’œuvre d’art » (Kunstwerk).

Dire que le symptôme est suspendu ou « débordé » ne signifie pas qu’il soit supprimé.
L’artiste ne bénéficie pas d’une immunité symptomale, sous prétexte qu’il réussit à
« subtiliser » le symptôme. Tout indique même que, chez les grands artistes, le symptôme
s’étale avec d’autant plus d’ostentation, de désinvolture et d’innocent exhibitionnisme qu’il
est devenu sereinement incurable et peut dès lors coexister avec ce « second symptôme »,
assumé et signé, qu’est son œuvre. Bref, le symptôme, chez l’artiste, est « mis au musée »…
Si le névrosé est, à la suggestion de Lacan, « l’homme sans nom », l’artiste se fait un nom de
son œuvre, son nom ne tenant ainsi qu’à un fil, celui de l’œuvre qu’il ose dire « sienne », alors
qu’elle le tient plutôt noué à l’Autre.

Au reste si nous voulons savoir où trouver la vérité du symptôme de l’artiste, mieux


vaut suspendre l’examen psychopathologique et aller visiter les musées, encombrés de
symptômes illustres, donc homologués – sauf à être « traités » par la Culture et en quelque
sorte « couverts » par son « autorité ». C’est là que l’on pourra contempler le symptôme,
« serti » en œuvre d’art.

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Freud incite à discerner, selon le degré de réussite de sublimation, à partir de
« l’analyse du caractère de personnes supérieurement douées, particulièrement prédisposées
pour les arts, et pour chacune d’elles, la proportion entre capacité de réalisation, perversion et
névrose [8][8] S. Freud, Trois essais sur la théorie sexuelle, « ... ». Le cocktail s’avère en effet
complexe, pour quiconque tente de s’approcher de la « constitution » de son artiste de
prédilection, mais précisément le nouage du nom et de l’œuvre couvre tout cela d’un voile
efficace. Derrière le « chef-d’œuvre », ce que l’on trouve est issu du « tissage qui se déploie
entre les prédispositions pulsionnelles, les expériences vécues et les œuvres d’un artiste »,
comme il le dit à l’occasion de la remise du Prix Goethe.

Le grand mot de « sublimation » doit être pris ici a minima, soit comme ce qui fait
l’économie du refoulement. Cela permet de surclasser le symptôme – ce qui situe l’œuvre
d’art du côté de l’exploit (version de la jouissance, comme le rappellera Lacan [9][9] J. Lacan,
Psychanalyse et médecine, 1966.) qui, à ce titre, fascine, de son héroïsme, ses spectateurs, pris
en masse dans la nasse de la « nervosité commune »… L’artiste, en voilà un, nouveau
Münchhausen, qui s’est tiré du marais de la névrose par les cheveux et nous contemple, plutôt
ironiquement, de ses hauteurs.

C’est pourquoi Freud a toujours posé la question de l’approche du génie esthétique en termes
de lèse-idéal, sinon de lèse-majesté.

Ce n’est pas tout : l’artiste est celui qui trouve dans l’Autre – celui de la culture – une
reconnaissance qui est de tout autre nature que quelque normalisation. L’art est en effet une
« institution ». L’artiste, fût-il maudit et dépris de l’institution, en montre l’envers. On connaît
le destin des artistes faits déchets de leur vivant et pieusement « panthéonisés ».

Approche psychothérapeutique :

L’art-thérapeute est donc un membre de l’équipe paramédicale.


Il possède des compétences artistiques et exploite les bienfaits d’une ou plusieurs techniques
artistiques, notamment le pouvoir expressif, les effets relationnels, et la recherche du plaisir
esthétique, afin d’aider des personnes à recouvrer, améliorer, maintenir des capacités
d’expression, de communication ou de relation.

Il sollicite les capacités préservées physiques/mentales/sociales du patient par une


activité artistique adaptée afin de restaurer son estime, confiance et affirmation de soi
conjointement avec une bonne qualité des ressentis physiques, la bonne adaptation de la
structure corporelle et l’engagement dans l’élan moteur.

Un savoir-faire particulier : L’art-thérapeute a une méthode de travail fondée sur la rigueur


thérapeutique et l’esprit scientifique. Il établit un protocole de prise en charge art-
thérapeutique en lien avec l’objectif général de l’équipe paramédicale (objectif thérapeutique,
stratégies thérapeutiques, évaluation…) et met en œuvre des moyens adaptés. L’art-thérapeute
sait faire un bilan et une synthèse clairs, précis et justifiés.
L’art-thérapeute n’est pas un psychothérapeute à support artistique : Il n’interprète pas
l’œuvre et utilise l’activité artistique pour activer ou réorganiser le processus d’expression, de
communication ou de relation. Il sait dans un but sanitaire exploiter le pouvoir et les effets de
l’art. Le verbal n’est pas sa modalité thérapeutique privilégiée.
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Par ses réflexions menées sur l’Art, sur la thérapie, et ses connaissances acquises en Art-
thérapie, l’art-thérapeute est à même d’effectuer un travail à plusieurs niveaux. Il évalue à
chaque séance l’état de la personne, choisit des thèmes de travail qui lui permettront d’aider
ce dernier dans les domaines où il est en difficulté, etc.

Grâce à la précision de ses observations, l’art-thérapeute peut évaluer ses résultats et les
communiquer à une équipe de soins. Sans ignorer les effets que peut susciter une telle
pratique, il oriente la personne vers le soignant compétent quand il sent que ce qui est dit ou
produit sort de son champ de compétence.

L’Art-thérapie est complémentaire aux autres disciplines paramédicales, l’art-thérapeute est


ainsi placé sous l’autorité médicale.

Approche sociologique :
La question de l’art et de l’art contemporain dans la pensée de Bourdieu, ses
approches et propositions éventuelles en ce domaine.
Il n’y a pas deux façons de chercher à connaître un objet, fut-il d’art, ici sociologiquement et
culturellement. Il faut l’aborder par l’analyse ou bien se résoudre à le subir, en acceptant le
jeu d’une connaissance fantasmée dont il fournit lui-même les paramètres. Dans la mesure où
l’objet d’art contemporain ne se présente pas comme une proposition mais sous la forme
d’une vérité imposée, et que de ce fait ce qu’on appelait le « jugement esthétique » a perdu
toute validité et pertinence, l’enquêteur et le scientifique sont l’objet d’une pression
permanente qui vise à les décourager dans leurs tentatives d’élucidation. Mais si nous traitons
l’art contemporain comme un tabou, nous ne risquons évidemment pas d’apprendre quelque
chose sur son compte.
C’est pourtant un discours de type religieux, que l’argumentation a déserté au profit
de la célébration, qui traite habituellement de l’art contemporain et de l’art en général. Si tout
art est réputé inanalysable, aucune mise en question, aucune lecture idéologique ne lui est
applicable. Il devient à la fois indivisible, inaliénable et définitif, autrement dit, toute
discussion artistique évacuée, c’est d’abord un objet marchand. Il n’y a pourtant rien, en
principe, de contraire à la démocratie que d’essayer de comprendre la logique d’une idole.
Chercher à comprendre les conditions de production et les démarches productives qui
conduisent à « l’art », ce n’est pas plus contraire à l’art que la recherche scientifique n’est
elle-même contraire à l’engagement politique, auquel elle apporte des instruments.
Mais de quelle façon et à quel niveau appliquer à l’art ces principes d’analyse, et comment, en
ce qui le concerne, Pierre Bourdieu les applique-t-il au champ artistique et notamment à celui
de l‘art contemporain ?
On peut se demander quel tableau d’ensemble fournirait une sociologie de l’art qui reste à
construire, mais on peut constater que l’approche sociologique que Pierre Bourdieu applique à
l’art ne procède pas par le bas mais par le haut. Elle délaisse les procédures de formation et de
légitimation de l’art, plus que jamais déterminantes aujourd’hui, pour ne s’intéresser qu’aux
objets (d’art) et aux individus (artistes) déjà légitimés. On peut même dire que Pierre
Bourdieu aborde l’art à partir de l’artiste plutôt que de son produit. L’artiste « fait » de l’art,
mais qui « fait » l’artiste ? C’est une démarche qui se veut objective et pragmatique mais qui
aboutit en fait à accepter la définition dominante et officielle de l’art sans même l’interroger.

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D’ailleurs, Pierre Bourdieu prend soin de ne pas utiliser lui-même la notion « d’art
contemporain », abandonnant ce problème à des collaborateurs de sa revue Actes de la
recherche en sciences sociales, qui prennent clairement position en sa faveur et adoptent sans
état d’âme, pour le concélébrer, la rhétorique et la langue de bois officielles. (7)
Il semble que Pierre Bourdieu ne puisse décider si la formule artistique qui, à travers
l’institution et le marché, exerce aujourd’hui une domination sans partage, peut ou doit être
abordée d’un point de vue critique, à l’instar du néolibéralisme lui-même, dont elle apparaît
comme l’émanation, ou si au contraire son statut « d’art » la met a priori à l’abri de tout
questionnement et lui confère une légitimité indiscutable et définitive. En fait, Pierre
Bourdieu ignore la notion « d’art contemporain » en sa signification et sa portée néo-
libérales ; il n’envisage pas la possibilité d’une approche critique, sociologique et idéologique
de ce concept et de l’art qu’il génère. Mais si l’art du libéralisme est inattaquable, pourquoi et
comment peut-on s’en prendre au libéralisme lui-même ? Pourquoi mettre en question l’un et
pas l’autre ? Et pourquoi ce fétichisme de « l’art » chez quelqu’un qui fait pourtant profession
de vigilance critique ?

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