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Introduction
L’objectif de recherche
La problématique
Les hypothèses
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Introduction
L’art-thérapie est une psychothérapie à support artistique. L’art est ainsi un moyen
parmi d’autres, une technique au même titre que le médicament. En fait, l’art-thérapie est bien
davantage : elle interroge l’art comme elle interroge la thérapie, elle explore leurs points
communs comme leur enrichissement réciproque dans une complémentarité étonnante.
Son principe ? Se servir de la création artistique (peinture, théâtre, danse, collage, modelage,
photographie, marionnettes) pour pénétrer les problématiques inconscientes de l’individu et le
conduire à une transformation positive de lui-même. « Le but, reprend Jean-Pierre Klein, est
de partir, dans le cadre d’un processus créatif, de ses douleurs, de ses violences, de ses
contradictions pour en faire le matériau d’un cheminement personnel. Du pire naît ainsi une
construction, une production qui tend vers l’art. »
Historique
En France, il fallut attendre 1986, malgré une pratique bien antérieure, pour que le concept
soit enfin reconnu par la communauté scientifique au cours d’un congrès international.
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être uniquement une solution de rechange quand la thérapie conventionnelle a échoué. En fait
l’art-thérapie, en tant que telle, est une approche thérapeutique bénéfique et supplétive.
D’autres avantages
L’objectif de recherche
Evidemment, l’art-thérapie est particulièrement indiquée pour les enfants chez lesquels
l’introspection est souvent difficile, comme pour les adolescents, souvent réfractaires à
l’approche psychothérapeutique classique. Chez les adultes, outre le fait qu’elle permette dans
tous les cas d’accéder à une meilleure connaissance de soi, la méthode se révèle très
bénéfique pour les personnes éprouvant des difficultés à fouiller leur problématique par la
parole ou qui, au contraire, parlent facilement d’eux sans jamais progresser.
L’art-thérapie donne aussi d’excellents résultats avec les grands malades qui expriment alors
leurs douleurs, avec les toxicomanes, les détenus ou les marginaux pour qui la création d’une
œuvre induit une revalorisation d’eux-mêmes, mais aussi les personnes âgées dont la création
répond, entre autres, à un besoin de reconstruction par la rétrospective de leur vie avant de
mourir.
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La question posée pour la recherche
Est-ce que l’art thérapie peut guider les problèmes de la vie psychique vers la guérison et
l’investigation de soi ?
La problématique
Est-ce qu’on peut considérer l’art therapie comme une autre réflexion de l’inconscient ?
Comment défier l’objet psychique et déclencher ses différents symptômes par l’art
thérapie ?
Existe t-il des limites au sein du travail psychothérapeutique face à l’art thérapie ?
Les hypothèses
Approche psychanalytique :
La psychanalyse n’a pas à se mettre à l’école de l’art, dans la mesure même où il n’y
a pas d’enseignements de l’art, autre que lui-même. Il est sa propre didactique, tout entier
suspendu à l’effet qu’il suscite, aussi réel qu’énigmatique. L’œuvre d’art surprend
foncièrement, en ce qu’elle fait surgir une dimension du réel improbable et qu’elle rend
désormais incontournable (au sens le moins galvaudé du terme). L’art n’a rien d’édifiant,
alors même qu’il produit un édifice, suspendu, funambulesque, entre semblant et vérité. C’est
pourquoi un rien de « bons sentiments » suffit à faire sortir de l’effet de surprise propre au
réel en sa version esthétique (le « navet » est ce qui ne surprend en aucun cas).
Cela nous engage à prendre à la lettre la déclaration célèbre de Freud sur son inaptitude
à la critique d’art [1][1] S. Freud, Le Moïse de Michel-Ange, sect. 1, G.W. X,.... Bien plus
qu’une dérobade, c’est une façon de dire que le discours achoppe sur le réel de l’art. La
psychanalyse ne sera donc pas une critique – rallongée de l’inconscient – de l’art. C’est
comme « profane » (Laie) – véritable « laïque », en contraste de ceux qui se « consacrent » à
la cause esthétique, forme de Schwärmerei abritée sous la cause de l’Art – que le créateur de
la psychanalyse intervient sur ce terrain, que dès lors il ne va occuper qu’avec plus de
résolution.
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De fait cet agnosticisme esthétique débouche sur les plus audacieuses percées sur le
secret de l’œuvre qui en légitiment d’emblée l’audace : face à la statue mosaïque de Michel-
Ange ou le souvenir de Léonard de Vinci, Freud démontrera sa détermination à ne pas
« lâcher le morceau ». Sauf à préciser que la Begabung – ce que l’on traduit par le « don »,
qui exprime une sorte d’« adonnement » – de l’artiste est mise une fois pour toutes – et
d’ailleurs sans regret excessif – hors champ de cette investigation. D’emblée, toute
« psychologie de l’art » est renvoyée à l’inanité par son propos : « D’où vient à l’artiste la
capacité de créer, cela n’est pas une question relevant de la psychologie [2][2] S. Freud,
L’intérêt de la psychanalyse, IIe partie,.... » Ou encore : « Force nous est d’avouer que
l’essence de la réalisation artistique nous est… psychanalytiquement inaccessible [3][3] S.
Freud, Un souvenir d’enfance de Léonard de Vinci,.... »
Quant à l’artiste, qu’aurait-il à faire de l’analyste, dès lors qu’il apporte une solution
inconsciente originale à ce que le savoir de l’inconscient noue comme problème : c’est une
sortie hors du symptôme que réalise « l’œuvre d’art » (Kunstwerk).
Dire que le symptôme est suspendu ou « débordé » ne signifie pas qu’il soit supprimé.
L’artiste ne bénéficie pas d’une immunité symptomale, sous prétexte qu’il réussit à
« subtiliser » le symptôme. Tout indique même que, chez les grands artistes, le symptôme
s’étale avec d’autant plus d’ostentation, de désinvolture et d’innocent exhibitionnisme qu’il
est devenu sereinement incurable et peut dès lors coexister avec ce « second symptôme »,
assumé et signé, qu’est son œuvre. Bref, le symptôme, chez l’artiste, est « mis au musée »…
Si le névrosé est, à la suggestion de Lacan, « l’homme sans nom », l’artiste se fait un nom de
son œuvre, son nom ne tenant ainsi qu’à un fil, celui de l’œuvre qu’il ose dire « sienne », alors
qu’elle le tient plutôt noué à l’Autre.
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Freud incite à discerner, selon le degré de réussite de sublimation, à partir de
« l’analyse du caractère de personnes supérieurement douées, particulièrement prédisposées
pour les arts, et pour chacune d’elles, la proportion entre capacité de réalisation, perversion et
névrose [8][8] S. Freud, Trois essais sur la théorie sexuelle, « ... ». Le cocktail s’avère en effet
complexe, pour quiconque tente de s’approcher de la « constitution » de son artiste de
prédilection, mais précisément le nouage du nom et de l’œuvre couvre tout cela d’un voile
efficace. Derrière le « chef-d’œuvre », ce que l’on trouve est issu du « tissage qui se déploie
entre les prédispositions pulsionnelles, les expériences vécues et les œuvres d’un artiste »,
comme il le dit à l’occasion de la remise du Prix Goethe.
Le grand mot de « sublimation » doit être pris ici a minima, soit comme ce qui fait
l’économie du refoulement. Cela permet de surclasser le symptôme – ce qui situe l’œuvre
d’art du côté de l’exploit (version de la jouissance, comme le rappellera Lacan [9][9] J. Lacan,
Psychanalyse et médecine, 1966.) qui, à ce titre, fascine, de son héroïsme, ses spectateurs, pris
en masse dans la nasse de la « nervosité commune »… L’artiste, en voilà un, nouveau
Münchhausen, qui s’est tiré du marais de la névrose par les cheveux et nous contemple, plutôt
ironiquement, de ses hauteurs.
C’est pourquoi Freud a toujours posé la question de l’approche du génie esthétique en termes
de lèse-idéal, sinon de lèse-majesté.
Ce n’est pas tout : l’artiste est celui qui trouve dans l’Autre – celui de la culture – une
reconnaissance qui est de tout autre nature que quelque normalisation. L’art est en effet une
« institution ». L’artiste, fût-il maudit et dépris de l’institution, en montre l’envers. On connaît
le destin des artistes faits déchets de leur vivant et pieusement « panthéonisés ».
Approche psychothérapeutique :
Grâce à la précision de ses observations, l’art-thérapeute peut évaluer ses résultats et les
communiquer à une équipe de soins. Sans ignorer les effets que peut susciter une telle
pratique, il oriente la personne vers le soignant compétent quand il sent que ce qui est dit ou
produit sort de son champ de compétence.
Approche sociologique :
La question de l’art et de l’art contemporain dans la pensée de Bourdieu, ses
approches et propositions éventuelles en ce domaine.
Il n’y a pas deux façons de chercher à connaître un objet, fut-il d’art, ici sociologiquement et
culturellement. Il faut l’aborder par l’analyse ou bien se résoudre à le subir, en acceptant le
jeu d’une connaissance fantasmée dont il fournit lui-même les paramètres. Dans la mesure où
l’objet d’art contemporain ne se présente pas comme une proposition mais sous la forme
d’une vérité imposée, et que de ce fait ce qu’on appelait le « jugement esthétique » a perdu
toute validité et pertinence, l’enquêteur et le scientifique sont l’objet d’une pression
permanente qui vise à les décourager dans leurs tentatives d’élucidation. Mais si nous traitons
l’art contemporain comme un tabou, nous ne risquons évidemment pas d’apprendre quelque
chose sur son compte.
C’est pourtant un discours de type religieux, que l’argumentation a déserté au profit
de la célébration, qui traite habituellement de l’art contemporain et de l’art en général. Si tout
art est réputé inanalysable, aucune mise en question, aucune lecture idéologique ne lui est
applicable. Il devient à la fois indivisible, inaliénable et définitif, autrement dit, toute
discussion artistique évacuée, c’est d’abord un objet marchand. Il n’y a pourtant rien, en
principe, de contraire à la démocratie que d’essayer de comprendre la logique d’une idole.
Chercher à comprendre les conditions de production et les démarches productives qui
conduisent à « l’art », ce n’est pas plus contraire à l’art que la recherche scientifique n’est
elle-même contraire à l’engagement politique, auquel elle apporte des instruments.
Mais de quelle façon et à quel niveau appliquer à l’art ces principes d’analyse, et comment, en
ce qui le concerne, Pierre Bourdieu les applique-t-il au champ artistique et notamment à celui
de l‘art contemporain ?
On peut se demander quel tableau d’ensemble fournirait une sociologie de l’art qui reste à
construire, mais on peut constater que l’approche sociologique que Pierre Bourdieu applique à
l’art ne procède pas par le bas mais par le haut. Elle délaisse les procédures de formation et de
légitimation de l’art, plus que jamais déterminantes aujourd’hui, pour ne s’intéresser qu’aux
objets (d’art) et aux individus (artistes) déjà légitimés. On peut même dire que Pierre
Bourdieu aborde l’art à partir de l’artiste plutôt que de son produit. L’artiste « fait » de l’art,
mais qui « fait » l’artiste ? C’est une démarche qui se veut objective et pragmatique mais qui
aboutit en fait à accepter la définition dominante et officielle de l’art sans même l’interroger.
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D’ailleurs, Pierre Bourdieu prend soin de ne pas utiliser lui-même la notion « d’art
contemporain », abandonnant ce problème à des collaborateurs de sa revue Actes de la
recherche en sciences sociales, qui prennent clairement position en sa faveur et adoptent sans
état d’âme, pour le concélébrer, la rhétorique et la langue de bois officielles. (7)
Il semble que Pierre Bourdieu ne puisse décider si la formule artistique qui, à travers
l’institution et le marché, exerce aujourd’hui une domination sans partage, peut ou doit être
abordée d’un point de vue critique, à l’instar du néolibéralisme lui-même, dont elle apparaît
comme l’émanation, ou si au contraire son statut « d’art » la met a priori à l’abri de tout
questionnement et lui confère une légitimité indiscutable et définitive. En fait, Pierre
Bourdieu ignore la notion « d’art contemporain » en sa signification et sa portée néo-
libérales ; il n’envisage pas la possibilité d’une approche critique, sociologique et idéologique
de ce concept et de l’art qu’il génère. Mais si l’art du libéralisme est inattaquable, pourquoi et
comment peut-on s’en prendre au libéralisme lui-même ? Pourquoi mettre en question l’un et
pas l’autre ? Et pourquoi ce fétichisme de « l’art » chez quelqu’un qui fait pourtant profession
de vigilance critique ?