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Queiran (ISAAC), — sorcier de Nérac, ar- fusa. Le diable, l'ayant chargé.sur son cou
rêté à Bordeaux, où il était domestique, à ' voulutle noyer; mais le pauvregarçon criasi
l'âge do ving-cinq ans. Interrogé commentil fort que les gens d'un moulin qui était près
avait appris le métier de sorcier, il avoua de là étant accourus, le vilain noir fut obligé
qu'à l'âge de dix ou douze,ans, étant au ser- de fuir. — Enfin le diable l'enleva un soir
vice d'un habitant de la bastide d'Armagnac, dans une vignequi appartenait à son mailre,
un jour qu'il allait chercher du feu chez une et le conduisit,au sabbat, où il dansa et man-
vieille voisine, elle lui dit de se bien garder gea comme les autres. Un petit démon frap-
de renverser deux pois qui étaient devant pail sur un tambour. Le diable, ayant enten-
la cheminée; ils étaient pleins de poisonque du les coqs chanter, renvoya tout son momie.
Salan lui avait ordonné de faire. Celle cir- — Interrogé s'il n'avait pas fait quelquesma-
constance ayant piqué sa curiosité , après léfices,il réponditqu'il avait maléficiéun eu- \
plusieursquestions,la vieillelui demandas'il fant dans la maison où il avait servi ; qu'il
voulait voir le grand-maître des sabbats et lui avait mis dans la boucheune.bouletteque
son assemblée. Tillele suborna de sorte qu'a- le diable lui avait donnée, laquelle rendit cet <
près l'avoir oint d'une graisse dont il n'a pas enfant muet pendant trois mois. Après avoir
vu la couleur ni senti l'odeur, il fut enlevé et été entendu en la chambre de la Tournelle,
porté dans les airs jusqu'au lieu où se lo- où il fui reconnu pour un bandit qui faisail;
uait le sabbat; des hommesel des femmes y l'ingénu, Queiran fut condamné au supplice
criaient et dansaient; ce qui l'ayant, épou- le 8 mai 1609 '.
I?
vanté, il s'en retourna. Le lendemain, passant Question —
, voy. INSISNSIMLITI'Î. ;
par la métairie de son un
maître, grand hom- 1I
me noir se présenta à lui, et lui demanda Queys, — mauvais génies chez les Chinois.
pourquoiil avait quille l'assembléeoù il avait Quintillianistes. — Unefemmede la sucle<
promis à la vieille de rester. S'élanl excusé des oaïnisles, nommée Quinlille,vinten ATri-s
sur ce qu'il n'y avait rien à faire, il voulut que du lemps de Terlullienet y pervertitplu- }
continuerson chemin; mais l'hommenoir lui sieurs personnes. On appela quintillianistesi
déchargea un coup de gaule sur l'épaule, en les abominables sectateurs qu'elle forma. 11
lui disant : «Demeure,je te baillerai bienchose paraît qu'elle ajoutait encored'horribles pra- ]
qui l'y fera venir.» Cecoup lui fit mal pendant tiques aux infamiesdes caïnites. Voy.GAIN. ;
deux jours, et il s'aperçut,que ce grand hom- — pierre merveilleuse qui, sui-
me noir l'avait marqué sur le bras auprès de Quirim,
vant les démonographes, placée sur la lèlc
la main; la peau paraissait noire et tannée. d'un hommedurant son
— Unautre jour passant sur le pont de la ri- sommeil, lui fait dire
vière qui est près de la bastide, le môme tout cedes qu'il a dans l'esprit. On l'appelleaussi
traitres. \
hommenoir lui apparut de nouveau, lui de- pierre
manda s'il se ressouvenaitdes coups qu'il lui 1 Delancre,
Tableaudel'inconstance des déni.,cti'.,
avait donnés, et s'il voulait le suivre; il re- p. 145etsuivantes.
Tabac. — Nicoi, ambassadeur à Lisbonne, fait dans leur procès. Ainsi , Boullé garda le
est le premier qui ait fait connaître le tabac silence sur ce. qu'on cherchait à savoir de lui.,
en France; le cardinal de Sainte-Croix l'intro- et il passa pour avoir reçu le sort de tacitur-
duisit en Italie, et le capitaine Drack en An- nité 1.
gleterre. Jamais la nature n'a produit de vé- Taoouins, — espèce de fées chez les ma-
gétaux dont l'usage se soit répandu aussi ra- homélans, dont les fonctions répondent quel-
pidement ; mais il a eu ses adversaires. Un à celles des Parques chez-les anciens.
un czar de un roi de quefois
empereur turc, Russie, Elles secourent habituellement les hommes
Perse le défendirent à leurs sujets, sous peine contre les démons et leur révèlent l'avenir.
de perdre le nez ou même la vie. Il fut dé- Les romans orientaux leur donnent une
fendu, dans l'origine, d'en prendre à l'église;
de même, à cause des élernùinenfs qu'il grande beauté, avec des ailes comme des
anges.
provoque , on ne le prenait pas dans les
réunions sérieuses de la cour. Jacques 1er, Taillepied ( Noue ), — mort en -1589. On
roi d'Angleterre, composa un gros livre pour lui doit un Traité de l'apparition des es-
en faire connaître les dangers. La faculté de prits, à;savoir, des âmes séparées, fantômes,
médecine de Paris fil soutenir une thèse sur etc., in-12, souvent réimprimé, où il admet
les mauvais effets de. celte plante, prise en beaucoup do contes de revenants; les Vies de
poudre ou en fumée ; mais le docteur qui Luther et de Carlostadl, Paris, -1577.,iri-8» ;
présidait ne cessa de prendre du tabac pen- un Abrégé de la philosophie-d'Aristole, 1583,
dant loule la séance. — Les habitants de l'île in-8»; une Histoire de l'état et la républi-
de Saint-Vincent croient, dit-on, que le tabac que des Druides, cubages, saronides, bardes,
était le fruit défendu du paradis terrestre. depuis le déluge jusqu'à Jésus-Christ, 4585,
Taciturnité. —Le diable jette souvent un in-S 0, livre plein de fables el d'idées singu-
sort sur ses suppôts, que l'on appelle le sort, de lières.
taciturnité. Les sorciers qui en sont frappés 1 M. Jules Garinet,Histoirede la magieen France,
ne peuvent répondre aux demandes qu'on leur IL2'15.
TAL — 7|63) — TAL
Tailletroux('JEANNE) , — femmede Pierre les ] influences.•—Le talismanportantla figure
lionnevault, sorcièreque l'on accusaau siège ou i le sceaudu Soleildoit être composéd'or
royalde Monlmorillon eu Poitou,en l'année pur, sousl'influencede cet astre, qui domine
,1599,d'avoir élé au sabbat.Elleavouadans sur l'or. Le talisman de la Lune doit être
=011 interrogatoireque son mari l'ayantcon- composéd'argent pur, avec les mêmescir-
irainlede se rendreà l'assembléeinfernale, constances.Le talisman de Mars doit être
elley futel.continuad'y aller pendantvingt- composéde finacier. Le talismande Jupiter
cinqans; que la premièrefois qu'elle vil le doit être composédu pluspur étain.Lé talis-
diable, il était en formed'hommenoir; qu'il man de Vénus doit être composéde cuivre
lui dit en présence de l'assemblée:Saule! poli et bien purifié.Le talismande Saturne
saule! qu'alors elle se mit à danser; que le doitêlrecomposéde plombraffiné.Le talis-
diablelui demandaun lopinde sa robeet une mande Mercuredoitêtre composéde vif-ar-
poule, etc. Elle fui convaincuepar témoins gent fixé.Quantaux pierres,['hyacintheel la
d'avoirpar sescharmesmaléficiéet fait mou- pierre d'aigle sontde naturesolaire.L'éme-
rir des personneset des bestiaux,et condam- r.avdeest lunaire. L'aimant-et ['améthyste
néeà mortainsique sonmari. sont propresà Mars. Le béryl est propre à
Taingairi, — espritsaérienschezles Kal- Jupiter.La cornalineà Vénus.La chalcédoine
mouks.Ils animentles étoiles, qui passent et le jaspeà— Saturne.La topazeet le porphyre
furentimaginés,
pourautantde petitsglobesde verre. Ilssont à Mercure. lesLes talismans
desdeuxsexes. dit-on, par Egyptiens, et les espècesen
— sontinnombrables.Le pluscélèbrede tousles
Talapoins. Magiciensqui servent de talismansest le fameuxanneaude Salomon,
prêtresaux habitantsdu royaumede Lao,en sur lequelétait gravé le grand nomde Dieu.
Asie,et qui sont très-puissants.—LesLan- Kienn'était impossibleà l'heureuxpossesseur
gionssont fort entêtéspour la magie el les de cet anneau, qui dominaitsur tous les gé-
sortilèges.Ils croient que le moyen le plus nies. — Apolloniusdo Tyane mit à Conslan-
sûr de se rendre invinciblesesl de se frotter tinoplela figured'unecigognequi en éloignait
la têted'unecertaineliqueurcomposéede vin tous les oiseauxde cette espèce par une
etde bilehumaine.Ilsen mouillentaussiles
et le frontde leurs P ourse propriétémagique. En Egypte, une figure
tempes éléphants. lalismanique représentait Vénus couchée,
procurercettedrogue, ils achètentdes tala- servaità détourner la grêle. — On fai-
qui
poinsla permissionde tuer. Puisils chargent sait des talismansde toutesles manières; les
decette commission des mercenairesqui en communssonl les talismanscabalisti-
fontleur métier.Ceux-cise postentau coin plus aussiles plusfaciles,.puisqu'un
d'un boiset tuentle premierqu'ils rencon- ques,q.uisonl
n'a pas besoinpour les fabriquerde recourir
Irent, hommeou femme, l uifendentle ventre au diable:cequi demandequelquesréflexions.
et en arrachentle fiel. Si l'assassinne ren- — Lestalismansdu aveccon-
Soleil, portés
contrepersonnedanssa chasse, il est obligé fianceet révérence,donnentlesfaveurset la
dese tuer lui-mômeou sa femme,ousonen- bienveillancedes princes, les honneurs, les
fant,afin que celuiqui l'a payé ait de la bile richesseset l'estimegénérale. — Les talis-
humainepour sonargent.Les talapoinspro- mans de la Lune garantissentdes maladies
fitentavec adressede la craint'cv qu'on a de populaires: ils devraientaussi garantir des
leurssortilèges,qu'ilsdonnentet qu'ils ôtenl superstitions.Ils préserventles de
voyageurs
à volonté,suivantlessommesqu'onleuroffre. tout péril. — Les talismansde Mars ont la
—Onlit dansMarinibeaucoupd'autresdé- de rendreinvulnérablesceuxqui les
tails, mais la plupart imaginaires, l'auteur propriété avecrévérence.Ils leur donnentune
voulu a ssezmécham- portent
ayant faire quelquefois force et une vigueur extraordinaires.— Les
ment,sousle manteaudes lalapoins,desal- talismansde Jupiter dissipentles chagrins,
lusionsaux moineschrétiens. lès terreurs paniques, et donnentlé bonheur
Talismans.—Untalismanordinaireest le dansle commerceet danstoutesles entrepri-
sceau, la figure,le caractèreou l'imaged'un ses. — Les talismansde Vénus éteignentles
signecéleste,faite,,imprimée, gravéeou cise- hainesel donnent:desdispositions à-la.musi-
léesur une pierrepar un ouvrierqui ait l'es- que.,—-Lestalismansde Saturne,fontaccou-
pritarrêté et attachéà l'ouvrage, sans être chersans douleur;ce quia été éprouvéavec
ou dissipé.pardes penséesétrangères, un heureuxsuccès.,disentdesécrivainsspé-
distrait,
anjour et à l'heurede la planète, en un lieu ciaux,par des personnesde qualitéqui étaient
fortuné,par un temps,beauet serein,et quand sujettesà faire de mauvaisescouches.Ilsmul-
locielest en bonnedisposition.,afind'attirer tiplientleschosesavec lesquelleson les met.
TAN LM TA)'
Si un cavalier porte un de ces talismans dans allant de Prague à Inspruck pour rétablir sa ''
sa botte gauche, son cheval ne pourra être santé à l'air natal, mourut en chemin d»ns
blessé. — Les talismans de Mercure rendent un village dont on ne dit pas le nom. Comme
éloquents et discrets ceux qui les portent ré- la justice du lieu faisait l'inventaire de son
véremment. Ils donnent la science et la mé- bagage , on y trouva une petite boîte que sa ï
moire ; ils peuvent guérir toutes sortes de structure extraordinaire fil d'abord regarder >
fièvres; et si on les met sous le chevet de son comme suspecte; car elle était noire et com- !
lit, ils procurent des songes véritables, dans posée de bois et de verre. Mais on fut bien !
lesquels on voilceque l'on souhaite de savoir: plus surpris, lorsque le premier qui regarda !
agrément qui n'est pas à dédaigner '. FOJ/.TA- par le verre d'en haut se recula en disant t
LYS, THEIUPHIM, THOMASD'AQUIN,CROCODI- qu'il y avait vu le diable. Tous ceux qui re- S
LES, PANTACI.ES , etc. gardèrent après lui en firent autant. Effecli- ?v
Talissons, — piètres des Prussiens aux vemenl ils voyaient dans cette boîte un être ï
siècles de l'idolâtrie. Ils Taisaient l'oraison fu- animé de grande taille, noir, affreux, armé de -
nèbre du mort, puis, regardant au ciel, ils cornes. Un jeune homme, qui achevait son *'
criaient qu'ils voyaient le mort voler en l'air cours de philosophie, fit observer à l'assem-
à cheval, revêtu d'armes brillantes, et passer blée que la bêle renfermée dans la boîte, •;
en l'autre monde avec une grande suite. étant infiniment plus grosse que la boîte elle- i
Talmud, — VOIJ.TuALMUD. même, ne pouvait être un être matériel, mois !;
bien un esprit comprimé sous la forme d'un \
Xalys, — talismans employés dans les ma- animal. On concluait que celui qui portait la j
riages chez les Indiens. Dans quelques castes, boîte avec lui ne pouvait être qu'un sorcier cl \
c'est une petite plaque d'or ronde, sans em- un magicien. Un événement si diabolique fit
preinte ni figure ; dans d'autres, c'est une grand bruit. Le juge, qui présidait à l'inven-
dent de tigre; il y en a qui sont des pièces taire, condamna le mort à être privé de Ici
d'orfèvrerie matérielles et informes. sépulture ecclésiastique, el enjoignit au curé
Tambour magique. — C'est le principal d'exorciser la boîte pour en faire sortir le dé- j
instrument de la magie chez les Lapons. Ce mon. La multitude, sachant que le défunt !
tambour est ordinairement fait, d'un tronc élail jésuite, décida de plus que tout jésuite
creusé de pin ou de bouleau. La peau, tendue commerçait avec le diable; ce qui est la ma-
sur ce tambour, est couverte de figures sym- nière de juger des masses ignorantes. Pendant
boliques, que les Lapons y tracent avec du qu'on procédait en conséquence, un philoso-
rouge. Yoy. LAPONS. phe prussien, passant par ce village, entendit
Tamous, — enfer général des Kalmouks. parler d'un jésuite sorcier el du diable enfermé
Des diables à tète de chèvre y tonrmenlenl dans une boîte ; il en rit beaucoup, alla voir
les damnés, qui sont sans cesse coupés par le phénomène el reconnut, que c'était un mi-
morceaux, sciés, brisés sous des meules de croscope , que les villageois ne connaissaient
moulin , puis rendus à la vie pour subir le pas; il ôta la lentille, en fil sortir un cerf-vo-
même supplice. Les bêtes de somme y ex- lant qui se promena sur la table, et ruina
pient leurs fautes sous les plus pesants far- ainsi tout le prodige. •—•Cela n'empêcha
4eaux, les animaux féroces se déchirent entre pas que beaucoup de gens par la suite, par-
eux sans cesse, etc. lant du père Tanner, ne faisaient mention que
de l'impression produite d'abord et s'obsti-
Tanaquille, — femme de Tarquin l'Ancien. naient à soutenir qu'ils avaient vu le diable
Elle était habile dans la science des augures ;
on conservait à Rome sa ceinture, à laquelle et qu'un jésuite est un sorcier.
on attribuait de grandes vertus. Tap ou Gaap, — grand-président el grand-
Tanchelm OU Tanohelin. — De 1<!05 à prince aux enfers. Il se montre à midi lors-
qu'il prend la forme humaine. Il commande a
4423, cet hérétique dissolu fut en si grande quatre des principaux rois de l'empire infer-
vénération à Anvers et dans les contrées voi- nal. Il esl aussi puissant que Byleth II y eut
sines, qu'on recherchait ses excréments com- autrefois des nécromanciens qui lui .offrirent
me des préservatifs, charmes el philactères des libations el des holocaustes; ils l'évo-
Tanlwoa. — Le Neptune des naturels de quaient au moyen d'artifices magiques, qu'ils
la Nouvelle-Zélande. disaient composés par le très-sage roi Salo-
ïanner. — Le cardinal Sfondrate raconte mon ; ce qui est faux, car ce fut Cham, fi's
que le père Tanner, pieux et savant jésuite , de Noé, qui le premier commença à évoquer
les esprits malins. Il se fit servir par Byleth
' Le Petit Albert. et composa un art en son nom, et un livre qi"
TAR — /i65 — TAU
csl.appréciéde beaucoupde mathématiciens. aussi : éloignéde la terre que la terre l'est du
Onconnaîtunautrelivre qui est attribuéaux ciel. < Virgilele dépeintvasle, fortifiéde trois
Elieet Elisée, lequelon conjure i
enceinles-de m urailles,et entourédu Phlégé -
prophètes par
Gaap,en vertu des saintsnomsde Dieuren- ton; une hautetour en défendl'entrée. Les
fermésdans les claviculesde Salomon.Si portesen sont aussi dures que le diamant;
quelqueexorcisteconnaît l'art de Bylelh, tousles effortsdes mortelset toute la puis-
Gaapne pourrasupporterla présencedudit sancedes dieuxne pourraientles briser. Ti-
exorciste.Gaap exciteà l'amour,à la haine. siphoneveille toujoursà leur garde, et em-
11a l'empiresur les démonssoumisà la puis- pêche que personne ne sorte, tandis que
sanced'Amaymon.Il transportetrès-promp- Rhadamanfhelivre les criminelsaux furies.
(eiiienlles hommesdansles différentescon- L'opinioncommuneétait qu'il n'y avait plus
tréesqu'ilsveulentparcourir.11commandeà de retour pour ceux qui se trouvaientune
soixantelégionsi. foisprécipitésdansleTartare.Platonestd'un
Tarentule. — On prétend qu'une seule autre avis: selonlui, après qu'ilsy onl passé
piqûrede la tarentulesuffitpour fairedanser. une année, un (lotiesen relire et les ramène
Uncoq et une guêpe, piqués de celle sorte dansun lieu moinsdouloureux.
d'araignée,onl dansé,dit-on, au sondu vio- Tartini. —Le célèbremusicienTartini se
lon et onl ballu la mesure. Si l'on en croit couche ayant la tête échaufféed'idéesmusi-
certainsnaturalistes,non-seulement la taren- cales. Dansson sommeillui apparaîtle dia-
tule fail danser, mais elle danse elle-même bie jouantunesonatesurle violon.Il lui dit :
assezélégamment.Le docteurSaint-André « Tartini, joues-tu commemoi?» Le musi-
certifiequ'il a traité un soldatnapolitainqui cien, enchantéde celte délicieuseharmonie,
dansaittous les ans quatre ou cinqjoursde se réveille, courtà son piano et composesa
suite,parce qu'une tarentulel'avait piqué. plusbelle sonate, celle du diable.
Ces merveillesne sont pas encorebien ex- Tasso(TOKQUATO). — Il croyaità l'astrolo-
pliquées. gie judiciaire.— « J'ai fait considérerma
Tami, — formules d'exorcismeusitées naissancepar trois astrologues, dit-il dans
chezlesKalmouclts. Ecritessur du parchemin une de ses lettres; et sanssavoir quij'étais ,
et suspenduesau coud'un malade, ellespas- ils m'ont représentéd'uneseule voix comme
sentpouravoirlavertudelui rendre lasanté. un grand hommedans les lettres, me pro-
Tarots OUCartestarotées. — C'estle nom mettanttrès-longuevieet très-hautefortune:
qu'ondonneauxcarteségyptiennes, italiennes et ils onlsi biendevinéles qualitéset lesdé-
el allemandes;le jeu se composede soixanle- fauts que je me connaisà moi-môme,soit
dix-huit caries, avec lesquelleson dit la dans ma complexion , soit dans mes habitu-
bonneaventure d'une manièreplus étendue des, queje commenceà tenir pour certain
quepar noscariesordinaires.—11 y a dans queje deviendraiun grandhomme.» Il écri-
ce jeu vingt-deux tarots proprementdits. vait celaen 4576.Onsait quellefutsahaute
Dansles cartes italiennes,les tarots sontles fortuneet sa très-longuevie!
quatreéléments(vieuxstyle): l'évangile,la Tatlen , — hérétiquedu deuxièmesiècle,
mort,le jugementdernier, la prison,le feu , chefdes Encraliles,qui attribuaitau démon
Judas Iscariote, etc.; dans les cartes alle- la plantationde la vigne et l'institutiondu
mandes,les larols sontle fou, le magicien, mariage.
l'ours,le loup, le renard, la licorne,elc. 11y
a ensuitecinquante-sixcartes,savoir: quatre Taupe. — Ellejouait autrefoisun rôleim-
clansla divination.Plinea dit que ses
rois,quatredames, quatrecavaliers,quatre portant entraillesélaienlconsultéesavecplus de con-
valets, dix cartes depuisl'as jusqu'au dix fiance
pourlesbâtons(outrèfles),dix pourles épées que celles d'aucun autre animal. Le
attribueencoreà la taupe certaines
(oupiques),dixpour lescoupes(oucarreaux), vulgaire
dixpourles piècesd'argent(oucoeurs).— Il vertus. Les plus merveilleusessontcellesde
seraittrop long de détaillerici l'explication la main taupèa, c'est-à-dire qui a serré une
vivantejusqu'àce qu'ellesoit .étouffée.
j detoutescescartes.Elleressemblebeaucoup taupe Le simpleattouchementde cette main encore
| à la cartomancieordinaire. Cependantelle chaude
donneinfinimentplus d'oracles., guérit les douleursde dents et mêm-.:
la colique. — Si on enveloppeun des pieds
Tartare, — enfer des anciens.Ils le pla— de la
taupe dans une feuillede laurier, et
; çaientsousla terre, qu'ilscroyaientplate, à qu'on la mettedansla bouched'un cheval, il
une telle profondeur,dit Homère,qu'il est'
prendra aussitôtla fuite, saiside peur. Si on
7 Wiorus,Pseudom, item.,p.923. la met dansle nidde quelqueoiseau,lesoeufs
30
TEM /l6() TE ai
deviendront stériles. Déplus, si on frotte.un consistaient à observer les grêles et les orages,
cheval noir avec de l'eau où aura cuit une pour les détourner par le sacrifice d'un agneau
'taupe, il deviendra 'blanc*..... ou d'un poulet. Au défaut dé ces animaux, on
s'ils n'en tiraient pas un augure favorable, ils
Tavides, — caractères que les insulaires
des Maldives regardent, comme propres à les se découpaient le doigt, avec un canif ou un
garantir des maladies. Ils s'en servent aussi poinçon , et croyaient ainsi apaiser les dieux
comme des philtres, et prétendent, par leur par.l'effusion de leur propre sang. Les Éthio-
moyen, inspirer de l'amour. piens ont, dit-on, de semblables charlatans,
— qui se déchiquèlent le corps à coups de cou-
Têe , génie protecteur, que chaque fa- teau ou de rasoir, pour obtenir la pluie ou l'e
mille olaïïienne adore, et qui passe pour un beau temps. — Nous avons des almanaclis qui
des aïeux ou des parents défunts. On attribue prédisent la température pour tous les jours
à ces esprits le pouvoir de donner et de gué- de l'année; prenez toutefois un manteau quand
rir les maladies. Matthieu Laensberg annonce plein soleil.
Téhuptehuh , — génie auquel les Boula- — On croit sur les bords de la
niens attribuent la construction d'un pont de Tempêtes.
chaînes de fer qui se trouve dans les monta- Baltique qu'il y a des sorciers qui, par la force
de leurs enchantements, attirent la tempête,
gnes du Boulau. Foi/. PONT DU MAISI.E. soulèvent les Ilots et font chavirer la barque
Tell. — Dans une des montagnes sauvages du pêcheur. Foi/. Enic, FINNES, etc.
de la Suisse, auprès du lac de Waldsloetlcn,
il y a une grotte où les habitants croient que Templiers. — Vers l'an 44 48, quelques
reposent les trois sauveurs de la Suisse, qu'ils pieux chevaliers se réunirent à Jérusalem pour
lès trois Tell. Ils encore la défense du Saint-Sépulcre et pour la pro-
appellent portent tection des pèlerins. Le roi Baudouin 11 leur
leurs anciens vêlements, et, reviendront une
seconde fois au secours de leur pays quand il donna une maison, bâtie aux lieux que l'on
en sera temps. — L'entrée de leur grotte est croyait avoir été occupés par le temple de Sa-
très-difficile à trouver. Un jeune berger racon- lomon; ils prirent, de là le nom de Templiers
tait à un voyageur, qu'un jour son père , en el appelèrent temple toute maison de. lent-
cherchant à travers les rochers une chèvre ordre. — Dans l'origine ils ne vivaient que
d'aumônes, el on les nommait aussi les pau-
qu'il avait perdue, était descendu par hasard vres de la sainte cité. Mais ils rendaient tant
dans celle grotte, el avait vu là dormir les
trois hommes qu'il savait être les trois Tell. do services, que les rois et les grands s'em-
L'un d'eux, se levant loul-à-coup pendant pressèrent de leur donner des biens considé-
rables. Ils firent les trois voeux de religion. En
qu'il le regardait, lui demanda : à quelle épo- •1428, au concile de Troyes, saint Bernard leur
que en ètes-vous dans le monde? El le berger donna une règle. En 44 46, le pape Eugène 111
tout effrayé lui répondit, sans savoir ce qu'il détermina leur habit, sur lequel ils portaient
disait : il est midi. —Eh bien! s'écria Tell, il
n'est pas temps encore que nous reparaissions ; une croix. Cet ordre se multiplia rapidement,
el il se rendormit. Plus lard, lorsque la Suisse fil de très-grandes choses el s'enrichit à tel
se trouva engagée dans des guerres assez pé- point, qu'en 4342, aprèsmoinsdedeux siècles
le vieux voulut aller réveiller d'existence, il possédait en Europe neuf mille
rilleuses, berger maisons ou seigneuries. — Une si grande opu-
les trois Tell ; mais il ne put jamais retrouver
la grotte. lence amena parmi les Templiers la corrup-
— tion. Ils finirent par mépriser leur règle; ils
Tellez (GAIHUEL), plus connu sous le se rendirent indépendants des puissances dont
nom de Tirso de Molina, auteur du Diable pré- ils devaient être les souliens; ils exercèrent
dicateur, drame dans le génie espagnol. A cin- des brigandages else montrèrent presque par-
quante ans, ce poète dramatique renonça au tout insolents el séditieux. — On les accusait
théâtre et se fit religieux de l'ordre de la Mer- sourdement de former entre eux une sociélé
ci. Nous faisons cette remarque parce qu'à secrète pleines de mystères, qui se proposait
propos de quelques plaisanteries un peu libres l'envahissement de l'Europe. On disait que
semées dans ses pièces, les critiques philo- dans leur intimité ils abjuraient la religion
sophes l'ont traité de moine licencieux, ou- chrétienne el pratiquaient un culte souillé de
bliant qu'il n'était pas moine quand il écrivait abominables. La magie, la sor-
superstitions
pour la scène. cellerie, l'adoration du diable 1 leur étaient re-
Température. — Les Grecs avaient des prê- 1 Des aveux établirent qwo,dans un des chapitres
tres appelés Calazophylaces, dont les fonctions dol'ordretenu à Montpellier,et de nuit suivantl'usas1',
on avait exposé une tête (voyeztête de Bopliomet) ;
1 Les admir.'.blessx-retsd'AIbert-lc-Grand,p. U4. qu'aussitôtie diableavait paru sousla ligure d'un chat;
TISM. — /iCî7— TER
profilées.Philippe-le-Bel, qui voyait eh eux h irèmentet salistortures.Par toute l'Europe
desennemisde la sociétéet.de l'église;lit re- I; vérité était reconnuede tous. Unebulle,
chercherleur conduite.Sur les révélationsde p ibliéele 3 avril 4342, au concilede Vienne
deuxcriminelsdétenusdans les prisons, et e i Dauphiné, déclaral'ordre dès Templiers
dontl'un était un templierapostat, Philippe s Joli et proscrit. Les chevaliersfurent dis-
filarrêter el interrogerà Paris plusieurstem- j: si'sés;lesprincipauxchefscondamnésà une
pliers;ils avouèrent,les abominations donton p •isonperpétuelle, aprèsqu'ils auraient fait
accusaitl'ordre.C'étaitdans l'année 1307.— 1 ur confessionpublique.— Unéchafaudfut
Ce commencementd'enquêle jeta quelque c •essédevantNotre-Dame.C'estlà que Jàc-
alarmeparmi les Templiers.Au moisd'août, c uèsde Molaielun autredeshautschevaliers
le grand-maître el plusieursdes principaux ( avaientfaireamende honorable.Jacquesde
chevalierss'en plaignirentau pape, el fortsde î lolaiavaitde nouveauconfesséla vérité. Au
leurpuissancepartoutassise,ilsdemandèrent 1eu de fairel'aveu qu'on attendaiten public,
hardimentque, si on avait un procèsà leur i es qu'il fut sur l'échafaud, il rétracta une
faire, on le fil régulièrement,ils comptaient : éeondefoissa confession, l'autre chevalier
imposersilence aux clameurspar un ton si imita; el c'est alors que Philippe-ie-Iîelin-
tranchant.Mais Philippe-le-Belles prit au ligné assemblason conseil, qui condamna
mol; et le 43 octobreil fil arrêter dans ses :esdeuxgrandscoupablesà être brûlés.Leur
étalstousles Templiers.Le 45, il assemblale aippliceeul lieuce mêmejour 48 mars4344.
clergéde Paris,fit convoquerle peupleet or- Dnvoil que leur procèsavait duré sept,ans.
donna que l'on rendît comptepubliquement Sila passions'en fût mêlée,commeonl'a tant
desaccusationsportéescontreles chevaliers 3cril, il eût marchéplus vite. — 11n'est pas
duTemple.On ne pouvaitprocéderplusloya- l'rai queJacquesde Molaiait ajournéleroi et
lement.— LesTempliersétaientaccusés: 4" ie pape, commeon l'a dit aussi pourproduire
de renier Jésus-Christà leur réceptiondans unelîelde théâtre. Luiet ses compagnons in-
l'ordre,et de crachersurla croix; 2" de coin• fortunésse bornèrentà invoquervainement
mettreentre eux des impuretésabominables; la vengeancecélestecontreleursjuges.-—Telle
3"d'adorer dansleurschapitresgénérauxune esl la véritésur les Templiers.Ajoutonsque
idoleà lète dorée,et-qui avait quatrepieds; ni le roi do France, ni le pape, ni les autres
4°de pratiquerla magie; ii°de s'obligerà un souverainsne profilèrentdé leurs dépouillés.
secretimpénétrablepar les sermentsles plus — Il restedansla maçonneriesymboliqueiin
adieuxi. Les deux premiers articles furent ordredes Templiers,quiprétendentremonter
avouéspar cent quarantedes accusés; trois à Tordrecondamné.C'eslune originedontil
seulementnièrenttout.— Le pape ClémentY esl,permisde n'être pas fier.
s'opposad'abordaux poursuitescommencées Ténare, — soupiraildes enfers chez les
contreces religieux militaires.Il n'autorisa anciens il était
leurcontinuationqu'aprèsavoirinterrogélui- ; gardé par Cerbère.
même,à Poitiers,soixonie-douzechevaliers, Ténèbres.— On appelleles démonspuis-
el s'èlre convaincupar Leursaveuxde la vé- sancesdes ténèbres, parcequ'ils ne souffrent
ritédes faits. 11y eut dès lors des commis- pas la lumière!On comprendaussi pourquoi
saires nommés; des informationsse firent les enferssont nommésle séjour ténébreux.
danstoutes les grandesvilles.Lès bulles du Tentations. — Yoy.DÉMONS, PACTES, DÉ-
pape furent envoyées à fousles souverains , etc.
les exhorter à fairechezeux ce se VOUEMENT,
pour qui
faisaiten France. Quoiqueles Templierstins- Tèpnramancie,—Divinationpourlaquelle
sentà toutce qu'ily avaitde plusgrand dans on se servait de la cendredu feu qui, dans
lesdiversétals, partout les accusationséle- les sacrifices,avait consuméles victimes!
véescontre eux devinrent si évidentesque —divinationqui tiredes pré-
Teratoscopie ,
,, partout ils furent abandonnés:Jacques de sagesde l'apparitionde quelquesspectresvus
'.. Molai,leur grand-maître, qui du reste était danslesairs, tels que desarméesde cavaliers
i très-ignorant; avouaàChinoii,le20 aoùt4308, et autres prodiges, dont
les crimesdéclarés, et lés désavouaà Paris, parlent les clirohi-r
queurs.
; le 2Gdécembre4309. Mais lé désaveu ne
prouverien.Lesconfessions avaientété faites Terragon.— Dansun pamphletcontreHen-
ri 111,quiparut en 1589, sousle litrede Re-
quecechat,.taivlis
qu'onl avaitparléet ré- montrancesà Henride Valoissur les chose;
'adorait,
ponduavecbontéauxunset aux autres;qu'ensuite horribles
plusieurs
démonsétaientvenus,etc. envoyéespar un enfantdu Paris, or
1Be!<ner,
XMctionn.dethéologie. lisait ce qui suit : - « Henri, lorsque vou:
TES /168 TET
donnâtes liberté à tous sorciers et cnchan- i
manda à un orme de saluer Apollonius <]e
leurs et autres divinateurs, de tenir libres Tyanes; ce que l'orme fit d'une voix grêle '.
'J
écoles en chambres de votre Louvre et même Tête. — M. Salgues cite Phlégon, qui rap-
dans voire cabinet, à chacun d'iceux une
heure le jour pour mieux vous instruire, vous porte qu'un poète nommé Publius ayant été
j
dévoré par un loup qui ne lui laissa que la
savez qu'ils vous ont donné un esprit familier , cette lèle, saisie d'un noble enthousiasme,
nommé Terragon. Vous savez qu'aussitôt que tête,
,
articula vingt vers qui prédisaient la ruine do
vous vîtes Terragon, vous l'appelâtes votre jl'empire romain; il cite encore Arislote, qui
frère en l'accolant » On ajoutait sur ce dé- atteste qu'un prêtre de Jupiter ayant été tué,
mon familier des choses détestables. « Vous sa tête séparée de son corps nomma son meur-
savez, Henri, que Terragon vous donna un fui arrêté, jugé el condamné sur
trier, lequel
anneau et que dans la pierre de cet anneau ce témoignage. Voy. POI.VCIUTE.
voire âme était figurée. » — Ces singularités
ne viennent que d'un pamphlet. Mais toute- Tête de Bophomet. —M. de llammcr a
fois Henri III élail fort superstitieux et s'occu- publié en 4848'une découverte intéressante
de HENRIIII. pourl'histoiredessociétés secrètes. Il a trouvé,
pait magie. Foi/. dans le cabinet, des antiquités du Muséum im-
Terre. —Félix Nogaref a exploité une opi- de Vienne, quelques-unes de Ces idoles
nion bizarre de quelques philosophes dans un périal
nommées têtes de Bophomet, que les templiers
petit ouvrage intitulé La terre esl un animal, adoraient. Ces tôles représentent la divinité
in-4 6, Versailles an 111. — Lyon possède un des gnosliques , nommée mêlé ou la sagesse.
astronome qui met en avant une autre théorie. On y retrouve la croix tronquée, ou la clef
Il prétend que la terre esl une éponge qui se de la vie el de la mort, le serpent,
soulève el qui s'abaisse chaque jour au-des- égyptienne
le soleil, la lune, l'étoile du sceau, le tablier,
sus ou au-dessous du soleil, de manière à le (lambeau à sept branches, cl d'autres hié-
former les jours cl les nuits. Les éclipses sont
son les roglyphes de la franc-maçonnerie. M. de Rani-
impossibles d'après système, puisque mer prouve que les templiers, dans les hauts
astres sont immobiles. Nous oubliions de dire de leur ordre, abjuraient, le christia-
grades
que, selon lui, la terre respire à la manière des nisme, et. se livraient à des superstitions abo-
éléphants : les volcans sont ses narines.—Par minables. Les templiers et les francs-maçons
le temps de professions de foi qui court, disait remontent, selon lui, jusqu'au gnosticismr-,
l'Union catholique , ne 1 il serait peut-être pas ou du moins, certains usages onl été transmis,
déplacé que l'illustre auteur de celte belle dé- par les gnosliques, aux templiers, et par ceux-
couverte formulât son système de la lerre- ci aux francs-maçons. — On garda long-temps
éponge. à Marseille une de ces tètes dorées saisie dans
Terrestres OUSouterrains, —-Espèces de un retrait de templiers, lorsqu'on fit leur procès.
démons que lesChaldéens regardaient, comme Tête de mort. —Un roi chrétien, voulant
menteurs, parce .qu'ils étaient les plus éloi- connaître le moment el le genre de sa mort,
gnés de la connaissance des choses divines. fit venir un nécromancien, qui, après avoir
Terreurs paniques. — Un cavalier pariait dit. la messe,du diable, fil couper la tète d'un
qu'il irait, la nuit, donner la main à un pendu. jeune enfant de dix ans, préparé pour cet ef-
Son camarade y court avant lui, pour s'en fet. Ensuite il mit celte tête sur l'hostie noire,
assurer. Le cavalier arrive bientôt, tremble, et, après certaines conjurations, il lui com-
hésite; puis, s'encourageanl, prend la main du manda de répondre à la demande du prince.
pendu et le salue. L'autre, désespéré de per- Mais la tète ne prononça que ces mois : Le
dre la gageure, lui donne un grand soufflet, ciel me vengera-[... Et aussitôt le roi entra
tellement que celui-ci se croyant frappé du en furie, criant sans cesse : Otez-moi celle,
pendu, tombe à la renverse et meurt sur la tête! Peu après il mourut enragés.
place. Voy. RETZ, FRAYEUR,etc. Tête de saint Jean. — Un devin s'était
Tervilles. — Démons qui habitent la Nor- rendu fameux dans le dix-septième siècle par
wège avec les droites. Ils sont méchants, four- la manière dont il rendait ses oracles. On en-
bes, indiscrets et font les propbétiseurs 2. trait dans une chambre éclairée par quelques
—Enchanteur mon- flambeaux, On voyait sur une table une re-
Tespesion , qui, pour Jean-
trer qu'il pouvait enchanter les arbres, com- présentation qui figurait la tète de saint
i 10 juillet 1S42. 1 Jacquesd'Autun,l'Incrédulitésavante.
2 T.eloycr,Tlist. des spectresou appar., etc., liv. vi, 2 L'originalporte : Vim patior.
p. 32a. 3 Bodin,Démonomaniedes sorcier?.
TUA — im — THE
i
Baptistedansun plat. Le devinaffectaitquel- ditionsdesJuifsmodernes. Environcentving'
qtiescérémoniesmagiques;il conjuraitensuite ans après la destructiondu temple,le rabbin
celtetôle do répondresur ce qu'on voulait Jiida-Haccadosch,que les Juifs appelaient
savoir, et la tète répondaitd'une voixintel- notre saint maure, hommefort riche et fort
ligible,quelquefoisavecune certaineexacti- estimédel'empereurAnlonin-le-Pieux, voyant
tude.Or, voicila clefde ce mystère: la table avecdouleurque lesJuifsdisperséscommen-
quise trouvaitau milieude la chambre,était çaientà perdre la mémoirede la loi qu'on
soutenuedé cinqcolonnes,uneà chaquecoin nommeorale,ou de tradition,pour la distin-
cl une dansle milieu.Celledumilieuétait un guer de la loi écrite, composaun livre où il
tiiyaude bois;la prétenduetète desaint Jean renfermales sentiments,les constitutions,les
élail de cartonpeint au naturel, aveclabou- tradilionsdetouslesrabbinsquiavaientHenri
cheouverte, cl correspondant,par un trou jusqu'àsontemps.Cerecueilformeun volume
pratiqué dans le plat et dans la table, à la in-folio;on l'appellespécialementla misclma
cavitéde la colonnecreuse.Dansla chambre ou secondeloi. Cent rabbinsy onl joint des
qui se trouvait au-dessous, une personne, commentairesdont la collectionse nomme
parlant par un porte-voixdans celle cavité, Gcmare. Letoutembrassedouzevolumesin-
se faisaitentendretrès-distinctement; la bou- folio.— LesJuifsméfienttellementle Thal-
chede la lèleavaitl'airderendrecesréponses. mud au-dessusde la Bible, qu'ils disentque
Tétragrammation, —mol mystérieuxem- Dieuétudietroisheures parjourdanslaBible,
maisqu'il en étudie neufdansle Thalmud.
ployé dans la plupart des conjurationsqui
évoquentle diable. Thamuz, — démondu secondordre, in-
Teusarpoulier,— génieredoulédes Bre- . veilleurde l'artillerie.Ses domainessont les
tons des environsde Morlaix.Il se présente- flammes,les grils, les bûchers.Quelquesdé-
sousla forme d'un chien, d'une vache, ou monomaneslui attribuentl'inventiondesbra-
d'unautre animal domestique. celetsque les dames portent.
Teuss, — génie bienfaisant, révéré dans Théagènes, V01J.OllACLKS.
le Finistère;il estvêtude blanc,etd'unetaille Théantis, — femme mystérieuse. Foi/.
gigantesque,qui croît quand on l'approche. OUÉREIT.
On ne le voitque dansles carrefours,domi- céleste. — Ce termed'astrologiese
nuit à deux heures; quand vousavezbesoin ditThème
doson secourscontreles espritsmalfaisants, do la ligureque dressentles astrologues
il vous sauve sous son manteau. Souvent, lorsqu'ils tirent l'horoscope.11représentel'é-
il vous tient v ous entendez latduciel à un pointfixe, c'est-à-dire le lieu
quand enveloppé, où sonten ce momentles étoileset les planè-
passer avec unbruitaffreux lechariotdudia-
tes. 11esl composéde douzetrianglesenfer-
ble, qui fuità sa vue,quis'éloigneenpoussant més entredeux
deshurlementsépouvantables,en sillonnant douzemaisonsdu carrés, el on les appelleles
d'un longtrait de lumièrel'air, la surfacede soleil.Voy.ASTROLOGIE.
la mer, en s'ubimanldansle sein de la terre Themura, —l'une des troisdivisionsde la
ou dans lesondes2. cabale rabbinique.Elle consiste: 4» dans la
Teutatès, •—le PlufondesGaulois.Onl'a- 2° transpositionet le changementdes lettres;
doraitdanslesforcis.Le peuplen'enlraildans dansun changementde lettresque l'onfait
cesforêtsmystérieusesqu'avecun sentiment en certainescombinaisonséquivalentes.
de terreur, fermementpersuadéque les ha- Thèoelimène,— devinqui descendaiten
bitantsde l'enfer s'y montraient, et que la lignedirecte de Mélampusde Pylos, et qui
seuleprésenced'un druidepouvaitles empê- devinaità Ithaquedans l'absenced'Ulysse
• cherde punirla profanationde leurdemeure. — voy. ONOMANCIE.
à dans une Théodat,
Lorsqu'unGauloistombait terre,
enceinteconsacréeau culte,il devaitse hâter Théodoric, — roi des Goths.Soussonrè-
d'en sortir: maissanssereleveret en setraî- gne, les deux plus illustressénateurs, Sym-
nant à genoux,pour apaiser lesêtres surna- maqueet Boëce,son gendre, furent accusés
turelsqu'il croyaitavoirirrités''. de crimes d'état, et mis en prison; Boëce
Thalmud, — livre qui contientla doctrine, était chrétien.Il fut mis à mortl'an 524, et
les contesmerveilleux,la moraleel les tra- son beau-père eut le mêmesort,l'annéesui-
vante. — Un jour les officiersde Théodoric
1 LePetitAlbert,p. 18. ayant servi sur sa table un gros poisson,il
2 Cambry, Voyage dansleFinistère. crut voir dansle plat la tête de Symmaque,
" M,Garinet, enFrance,
liisl.dela magie p.3, fraîchementcoupée,qui le regardaitd'un air
THE — /|70 — Tlll
furieux; i) on fut si épouvanté, qu'il en prit reux i ; celles-là, moins nombreuses, s'élevant
un frisson : il se mil au lil et mourut au dé- i haut avec rapidité et se réjouissant avec
en
sespoir. !
leurs semblables. Il racontait tous les suppli-
Théomancie, —- partie de la cabale des ces des scélérats dans l'autre vie; el il ajou-
Juifs qui étudie les mystères de la divine ma- tait que, pour lui, une âme de sa connaissance
jesté, et recherche les noms sacrés. Celui qui lui avait dit qu'il n'était pas encore mort, mais
possède cette science sait l'avenir, commande que, par la permission des dieux, son âme
-à la nature, a plein pouvoir sur les anges et était venue faire ce petit voyage de faveur,
les diables, et peut faire des prodiges. Des el qu'après cela il était rentré dans son corps
rabbins ont prétendu que c'est par ce moyen poussé par un souifle impétueux. Pour vous,
que Moïse a tant opéré de merveilles; que lecteur, croyez-moi, n'attendez pas la morl
Josué a pu arrêter le soleil; qu'Elie a fait pour bien vivre. ,
tomber le feu du ciel et ressuscité un mort ; Thessaliennes. — La Thessalie possédait
que Daniel a fermé la gueule des lions; que un si grand nombre de sorciers, et surtout de
les trois enfants n'ont pas été consumés dans sorcières, que le nom de sorcière et de Thes-
la fournaise, etc. —Cependant, quoique très- salienne étaient synonymes.
"
experts aussi dans les noms divins, les rab- — r
bins juifs ne font, plus rien des choses opérées Théurg-le, art de parvenir à des eon- f
chez leurs pères, naissances surnaturelles el d'opérer des mira-
cles par le secours des esprits ou génies que
Théraphim. — Selon rabbi Aben-Esra, les les païens nommaient des dieux, el que les
idoles, que les hébreux appelaient léraphim, pères de l'Eglise onl appelés des démons. Cet
étaient des talismans d'airain, en forme de ca- art imaginaire a été recherché et pratiqué
drans solaires, qui faisaient connaître les par un grand nombre de philosophes. Mais !
heures propres à la divination. Pour les faire ceux des troisième et quatrième siècles qui
on tuait le premier-né de la maison, on lui prirent le nom d'éclectiques ou de nouveaux
arrachait la tête, qu'on salait de sel mêlé platoniciens, tels que Porphyre, Julien, Jam-
d'huile; puis on écrivait sur une lame d'or le bliqïie, Maxime, en furent principalement en-
nom de quelques mauvais esprits; on mettait têtés. Us se persuadaient que par des formu-
celle lame sous la langue de l'enfant; on at- les d'invocation, par certaines pratiques, on
tachait la tète coupée à la muraille, et, après pouvait avoir un commerce familier avec les
avoir allumé des flambeaux devant elle, on esprits, leur commander, connaître el opérer
lui rendait à genoux de grands respects. Cette par leurs secours dos choses supérieures aux
figure répondait aux questions qu'on avait à forces de la nature. Ce n'était, dans le fond,
lui faire; on suivait, ses avis; et on traçait rien autre chose que la magie. Mais ces phi-
sur ses indications les figures du théraphim. losophes en distinguaient deux espèces, sa-
Selon d'autres rabbins les Ihéraphims étaient voir : la magie noire el malfaisante, qu'ils
des mandragores. nommaient goélie, et dont i|s attribuaient les
Thespesius. — Citoyen de Cilicio, connu effets aux mauvais démons, el la magie bien-
de Plularquo. C'était un mauvais sujet qui faisante qu'ils appelaient Ihéurgie, c'esl-à-'
exerçait toutes sortes de friponneries, el se dire opération divine par laquelle on invo-
ruinait de jour en jour de fortune cl de répu- quait les bons esprits '. — Comment savait-on,
tation. L'oracle lui avait prédit que ses affai- ajoute Bergier, que toiles paroles,ou telles
res n'iraient bien qu'après sa mort. En con- pratiques avaient la vertu de subjuguer ces
séquence, il tomba du haut de sa maison, se prétendus esprits el de les rendre obéissants"?
cassa le cou et mourut. Trois jours après, Les Ihénrgistes supposaient que les mêmes
lorsqu'on allait faire ses funérailles, il revint esprits avaient révélé ce secret aux hommes.
à la vie et fut dès lors le plus juste, le plus Plusieurs de ces pratiques étaient des crimes,
pieux el le plus homme de bien do la Cilicie. tels que les sacrifices de sang humain; el il
Comme on lui demandait la raison d'un tel est établi que les théurgisles en offraient. Foi/.
changement, il .disait qu'au moment de su MAGIK,AUT NOTOIHE,elc.
chute son âme s'était élevée jusqu'aux étoiles, Thiers (JUAN-BAPTISTE), — savant bache-
dont il avait .admiré la grandeur immense et lier de Sorbonne, professeur de l'université
l'éclat surprenant ; qu'il avait vu dans l'air de Paris, el ensuite- curé de Vibraye dans le
un grand nombre d'âmes, les unes enfermées 1 diocèse du Mans, né. à Chartres en 4 038,
dans des tourbillons enflammés , les autres ' mort à Vibraye en 4703, auteur de plusieurs
, pirouettant en tout sens, celles-ci très-embar-
rassées et poussant des gémissements doulou- Bergier,Bictioiin.de théologie.
THO — 471 —. TIC
ouvragescurieux,parmilesquelson recher- quandilentenditmarchertoutauprèsde lui.11
chetoujoursle Traitédessuperstitions,i vol. ouvritalorslesrideauxdesonlit, etcommeles
in-12. Il y rapporteunefoulede petitsfaits voletsde sesfenêtresn'étaientpointfermés,et,
singuliers. qu'il faisaitclair de lune, il vil distinctement
Thomas(SAINT). — On lit dansles démo- une grandefigureblanchequi se promenait
nomanesque Suinl-Thomas-d'Aquin se trou- dans l'appartement... Il aperçut en même
vaitincommodé dansseséludespar le grand tempsdesbardeséparsessur des chaisesau-
bruitdeschevauxquipassaienttouslesjours près de la cheminée.1dans 1s'imaginaquedes vo-
devantses fenêtrespour allerboire: comme leurs étaient entrés sa chambre; et
il étaithabileà fairedes talismans,il fil une voyantla figureblanche se rapprocherde son
il lui demanda d'une voix forte: Qui
petitefigurede chevalqu'il enterra dansla lit, — Je suis la reinedu ciel,répon-
rue; et depuis les palefrenierslurent con- ôles-vous?
traintsde chercherun autre chemin,ne pou- dit le fantômed'un tonsolennel....Le prési-
vant plus à toule forcefaire passer aucun dent, reconnaissantla voixd'une femme, se
chevaldanscellerueenchantée.C'est-unconte leva aussitôt;et, ayantappelésesel domesti-
il leurdit de la faire se re—'
commeun autre, foi/. AI.HHI'.T-I,IÏ-GIIANI>. ques, sortir,
couchasansdemanderd'éclaircissement.Le
—
Thomas. On lit dans plusieursconteurs lendemainil apprit que la femmequi lui
ce qui suit: « Unmoine, nomméThomas,à avaitrenduunevisitenocturneétait unefolle
lasuited'unequerelleavecles religieuxd'un qui,,n'étantpointrenfermée,couraitçà et là
monastèrede Lur.qucs,se relira tout troublé et servaitde jouelau peuple.Elleétaitentrée
dans un boisoù il rencontraun hommequi dans la maison,qu'elleconnaissaitdéjà, en
avaitla facehorrible, le regard sinistre, la cherchantun asile pour la nuit.Personneno
barbenoireet,levêlementlong.Illuidemanda l'avait aperçue,et elle s'était glisséedansla
pourquoiil allaitseul dans ceslieuxdétour- chambredu président,dontelleavait trouvé
nés.Le moineréponditqu'il avait perduson la porteouverte.Elle s'était déshabilléeau-
chevalet qu'il le cherchait.Je vousaiderai, prèsdu feuel avait étalé ses habitssur des
dit l'inconnu.Commeils allaientensembleà chaises.Cellefolleétait connueflansla ville
la poursuitedu prétendu cheval égaré, ils souslenomde la reinedu ciel,qu'ellese don-
arrivèrentau bord d'un ruisseauentourédo naitelle-même'.
précipices.L'inconnuinvita le moine, qui Thurifumie, — divinationpar la fuméedo
déjàse déchaussait,à monter surses épaules, l'encens.
disantqu'il lui était plus facilede passer à
lui qui était plusgrand.Thomasy consentit.; Thymiasmata,— parfumsd'encensqu'on
maislorsqu'ilfut sur le dos de son compa- employaitchezlesancienspour délivrerceux
gnon, il s'aperçutqu'il avaitles piedsdiffor- qui étaient possédés de quelque mauvais
mesd'undémon; il commençaà tremblerel esprit.
à se recommandera Dieu de toutson coeur. Thyrée (PiEmiE),— jésuite, auteurd'un
Le diableaussitôtse mità murmureret.s'é- livresur les démoniaques,lesmaisonsinfec-
chappaavec un bruit,affreuxen brisantun téeset les frayeursnocturnes'-.
grandchênequ'il arrachado ferre. Quantau — fantômesque lesnaturelsdes
moine,il demeuraétenduau borddu préci- PhilippinesTibalang,
sonbon de l'avoirainsi croientvoirsurla cimedecertains
pice el remercia ange vieuxarbres,dans lesquelsilssontpersuadés
lire des grillesde Satan'. »
— quelesâmesde leursancêtresonl leurrési-
Thor, dieude la foudrochezlesancien- dence.Ils se les figurentd'une taille gigan-
nes races germaniques,qui l'armaientd'un tesques;de longs cheveux,de petilspieds,
marteau. desailestrès-étendueset le corpspeint.
Thou. — Il arriva en 4598 une aventure Tibère. — Cel empereur romain voyait
assezsingulièreau présidentde Thou.Il se clair dans les ténèbres, selon Cardan, qui
trouvaitdepuispeude tempsdans la villede avaitla mêmepropriété.Koy.TIUSULLE.
Saumur.Une nuit qu'il élail profondément Ticho-Brahè, — astronomesuédois.H
endormi, il fut réveillétoulà coup par le croyaitquesa journéesérail malheureuse,et
poids'd'uneniasseénormequ'il sentitse po- s'en retournaitpromplemenlsi, ensortantde
sersur ses pieds.Il secouafortementce poids son
etle filtomberdansla chambre...Le prési- logis, la premièrepersonnequ'il rencon-
dent,ne savait encores'il était bien éveillé 1 Démoniana, p.12.
* Daimoniaci, eunilocisinfestiset icrriculamentis
1 VVierus,
dePi-test.,
etc. 11,-jcturnis.
TON — kl'2l — TON
•rail était une vieille, ou si un lièvre traver- \
pour entrer dans la chaudière. Les démons
sail son chemin. c celle montagne avaient des fourches do
de :
fer '
Tigre (LE GRAND) , VOIJ.LlÈVMÎ. J el des tridents rougis au feu, avec lesquels
Tintement. — Lorsque nous sentons une 'ils emportaient les âmes d'un lieu à l'autre.
chaleur à la joue, dit Brown, ou que l'oreille Tondal vit ensuite une multitude de pécheurs
nous tinte, nous disons ordinairement que '
plongés jusqu'au cou dans tin lac. de poix el
' soufre. Un peu plus loin il se trouva devant
de
quelqu'un parle de nous. Ce tintement d'o-
reille passait chez nos pères pour un très- une bête terrible, d'une grandeur extraordi-
mauvais augure. naire. Celte bêle se nommait ['Achèron l, elle
vomissait des flammes el puail considérable-
Tiromanole, — divination par le fromage. ment. On entendait dans son ventre des cris
On la pratiquait de diverses manières que
nous ne connaissons pas. el des hurlements d'hommes et de femmes.
qui avait sans doute ordre de donner
Titania, — reine des fées. Voy. OHEUON. L'ange, à Tondal une leçon, se retira à l'écart sans
Titus. — « On trouve raconté dans un vieux qu'il s'en aperçût, et le laissa seul devant la
recueil de traditions juives, que Titus prélen- bêle. Aussitôt une meule de démons se pré-
dit avoir vaincu le Dieu des juifs à Jérusalem. cipita sur lui, le saisit et le jeta dans la gueule >
Alors une voix terrible se fil enlendre, qui de la grosse bête, qui l'avala comme une len-
dit : Malheureux, c'est la plus petite de mes tille. 11 esl. impossible d'exprimer, dît—il, tout, s
créatures qui triomphera de toi. En effet, un ce qu'il souffrit dans le ventre de ce monstre. 5
moucheron se glissa dans le nez de l'empe- Il s'y trouva dans une compagnie extrême-
reur el parvint jusqu'à son cerveau. Là, pen- \
nient triste, composée d'hommes, de chiens, [
dant sept années, il se nourrit de cervelle d'ours, de lions, de serpents et. d'une foule \
d'empereur, sans qu'aucun médecin pût. le d'autres animaux inconnus, qui mordaient
déloger. Titus mourut après d'horribles souf- cruellement el qui n'épargnèrent, point le pas- !
frances. On ouvrit sa tète pour voir quel élait sager. 11 éprouva les horreurs du froid, la '
ce mal contre lequel avaient échoué fous les puanteur du soufre brûlé ainsi que d'autres
efforts de la médecine, el on trouva le mou- désagréments. L'ange vint le tirer de là el lui
cheron, mais forl engraissé. 11était devenu de dit : Tu viens d'expier tes petites fautes d'ha-
la taille d'un pigeon. 11avait des pattes de fer biludo ; mais lu as autrefois volé une vache à
et une bouche de cuivre 1. » un paysan, ton compère : la voilà, celte va-
Toîa, — nom sous lequel les habitants de che. Tu vas la conduire de l'autre côté du lac,
la Floride adorent le diable, c'est-à-dire qui esl devant nous. — Tondal vit donc une
l'auleur du mal. vache indomptée à quelques pas de lui; il se
Tombeaux. — Chez plusieurs nations ido- trouva sur le bord d'un étang bourbeux qui
lâtres de l'antiquité, l'usage était d'aller dor- • agitait ses flots avec fracas. On ne pouvait le
mir sur les tombeaux, afin d'avoir des rêves traverser que sur un pont si étroit, qu'un
de la part des morts, de les évoquer en quel- homme en occupait toute la largeur avec ses
que sorle el de les interroger. Voy. MONTS. pieds. Hélas ! dit en pleurant le pauvre sol-
Tondal. — Un soldai nommé Tondal, à la dat, comment pourrai-jo traverser avec une
suile d'une vision ou d'un songe, raconte qu'il vache ce pont où je n'oserais me hasarder
avait été conduit par un ange dans les en- seul? — 11le faut, répliqua l'ange. Tondal,
fers. Il avait vu et senti les tourments qu'on après bien des peines, saisit la vache par les
y éprouve. L'ange le conduisit, dit-il, dans cornes et s'elibrea de la conduire au pont-
un grand pays ténébreux, couvert de char- Mais il fut obligé de la traîner, car lorsque la
bons ardents. Le ciel de ce pays était une vache était debout, en disposition de faire un
immense plaque de fer brûlant, qui avait neuf pas, le soldat tombait de sa hauteur; el quand
pieds d'épaisseur. Il vil d'abord le supplice : le soldat se relevait, la vache s'abattait à son
de plusieurs âmes qu'on mettait dans des va- tour. Ce fut avec bien des peines que l'homme
ses bien fermés el qu'on faisait fondre. Après; et la vache arrivèrent au milieu du pont..—
cela il arriva auprès d'une montagne chargée . Alors Tondal se trouva nez à nez avec un
de neige et de glaçons sur le flanc droit, cou- autre homme qui passait le pont comme lui :
verte de flammes et de soufre bouillant sur le; il était chargé de gerbes qu'il était condamné
flanc gauche. Les âmes qui s'y trouvaient t à porter sur l'autre bord du lac. Il pria le sol-
passaient alternativement des bains chauds3 dat de lui laisser le passage; Tondal le con-
aux bains glacés, et, sortaient de la neige3 jura de ne pas l'empêcher do finir une péni-
' Alph.Karr, VoyageautourdumunJ'ardirijletl. XI. 1 Qua3Achîeronappellabalur...
TOll 473 TOU
(.once qui lui avait déjà donnétant de peines, h ureux. Chaqueanguekkoka en outre son
Maispersonnene voulutreculer; après qu'ils c prit familierqu'il évoqueet qu'il consulte
se furentdisputésassezlong-temps, ils s'a- c mimeun oracle'.
perçurenttousdeux, à leur grandesurprise, Torquemada(ANTOINE DE), — auteures-
qu'ilsavaienttraverséle ponttoutentiersans j ignolde VHexameron ou sixjournées, con-
faire un pas. L'ange conduisitalors Tondal t nant plusieursdoctes discours, etc. ; avec
dansd'aulres lieuxnonmoinshorribles,el le ] aintes histoires notables et non encore
ramena ensuitedans son lit. Il se leva el se i .iïes, mises en français par Gabriel Chap-
conduisitmieuxdepuis'. j uys, Tourangeau.Lyon, 4582,'m-8"; ou- -
Tonnerre. — Le tonnerre a élé adoré rageplein de chosesprodigieuseset d'aven-
commedieu. Les Egyptiensle regardaient ires de spectreset de fantômes. •—jurisconsulte
commele symbolede la voixéloignée,parce Torreblanca (FlUNÇOJS),
que de tous lesbruits c'est celui qui se fait e Cordoue,auteurd'un livrecurieuxsur les
entendre le plus loin. Lorsqu'il tonne, les rimesdessorciers2.
Chingulaisse persuadentque le cielveutleur Torture. — Quandon employaitla torture
infligerun châtiment, el que les âmes des lonlreles sorciers, et que les tourments ne
méchantssont chargéesde diriger les coups es faisaientpas avouer,ondisaitque le dia-
pourles tourmenterel les punir de leurs pé- )leles rendait insensiblesà la douleur.
chés.En Bretagneona l'usagequandiltonne Totam , — espritqui garde chaque sau-
de mettreun morceaude fer dansle niddes nagede l'Amériqueseptentrionale.Ils se le
poules qui couvent2, commepréservatifdu eprésententsousla formedo quelquebête ;
tonnerre. Voy'.CLOCHES, EVANGILE DESAINT- ?l, en conséquence,jamaisils ne tuent, ni ne
JEAN , etc. chassent,ni ne mangentl'animaldontilspen-
Toqui (GKAND). — Les Araucans,peupla- sentque leurtotam a pris la figure.
des indépendantesdu Chili, reconnaissent Toupan, — esprit malin qui préside au
sousce nom un grand esprit qui gouvernele tonnerrechezles naturelsbrésiliens.
monde.Ils lui donnent des minisiresinfé- Tour de force.— Delriorapportecellehis-
rieurschargésdes petits détailsd'administra- loiro plaisante: Deux troupesde magiciens
tion, tels que les saisons,les vents, les tem- s'étaientréuniesen Allemagnepour célébrer
pêtes, la pluie el le beau temps. Ils admet- lo mariaged'un grand prince.Les chefsde
tent,aussi un mauvais génie qu'ils appellent ces troupesétaientrivauxet voulaientchacun
Guécuba,qui se fait un malinplaisirde trou- jouir sans partagede l'honneurd'amuser la
bler l'ordre el de molesterle grandToqui. cour. C'était le cas de combattreavec,toutes
Tomgarsuk. -—•Les Groenlandaisne font les ressourcesde la sorcellerie.Que fit l'un
ni prièresni sacrifices, et ne pratiquentau- des deuxmagiciens?11avalason confrère,le
cun rit; ils croient pourtantà l'existencede garda quelque-tempsdans son estomac,et le
certains être surnaturels.Le chefel le plus rendit ensuite par où vous savez. Celle es-
puissantde cesêtres est Tomgarsuk,qui ha- pièglerielui assurala victoire.Son rivalhon-
bileseloneux sous la terre, et qu'ils repré- teuxet confusdécampaavecsa troupeel alla
sententsous la formed'un ours, tantôt sous plus loin prendre un bainel se parfumer.
: celled'un hommeavec un bras, tantôt enfin Tour enchantée, -—VOIJ. ItOWElUK.
souscelle d'une créaturehumaine,grandeau Tour de —11y a sansdouté
Montpellier.
plus commeun des doigts de la main.C'est encoreà Montpellierune vieilletour que le
auprèsde celte divinitéque les anguekkoks peuplede cellevillecroitaussiancienneque
sontobligésde se rendre pour lui demander le
conseil un Groenlandais t ombemalade monde;sa chutedoit précéderde quelques
J quand miaulesla déconfiturede l'univers.
? ou qu'il se.trouvedans quelque autre embar-
; ras. Indépendamment de ce bon géniequi est Tour de "wigla, — tourmauditedela Nor-
invisibleà toutle monde,exceptéde l'anguek- wège où le roi païen Vermundfit brûler les
kok,il en est plusieursautres qui sont moins mamellesde Sainle-Ethelrériaavec du bois
puissants;ce sont les géniesdu feu, de l'eau, de la vraie croix, apportéà Copenhague par
de l'air, etc., qui, par l'entremisede l'an- OlaiisIII. On dit quedepuison a essayéinu-
\ guekkok, leur enseignentce qu'ils doivent lilementde faire une chapelle,de cette tour
faireou ce qu'ils doiventéviter pour être
1 Expédition ducapitaineGraalidansleGroenland.
1 Dyonisii art.49.—HÉCC
Gartliusiani, prolixiusde- '"-Epitome sivede Magiâ,
delietorum, in quâaperta
, scribnntùr inlibello
quiVisio
Xondali
nuncupatur. veloccultai nvocatio
dse.r
unisintervenu,etc.,edilto
' Cambiy, Voyage t. 31,p. 16.
dansleFinistère, uovissima,
Lugduni, in-i",
IG'îO,
TRA — l\'il\
74 — TRA
maudite ; toutes les croix qu'on y a placées iraclérise; de, là celte familiarité qui diminue
successivement ont été consumées par le feu 1la terreur causée par son nom : les mêmes élé-
du ciel'. i
ments entrent dans la composition de tontes
Tourterelle. — Si on porte le coeur de cet ' combinaisons variées du mauvais principe
les
oiseau dans une peau de loup, il éteindra 'qui engendra la race nombreuse des ltilins
tous les sentiments. Si on pend ses pieds à sortis de l'enfer. Si le rire n'est pas toujours
un arbre, l'arbre ne porlera jamais de fruil. méchant et perfide, il exprime assez bien du
Si on frotte de son sang, mêlé avec de l'eau moins la malice et la perfidie. C'est de l'al-
dans laquelle on aura fait cuire une taupe, liance du rire et de la malice que sont nés
un endroit, couvert de poils , tous les poils tons ces moqueurs placés par les mythologues
noirs tomberont2... au rang des divinités. Tel est le Momus des ,
Traditions. — Nous avons lu, il n'y a pas Grecs el le Loki des Scandinaves, l'un bouf-
fort long-temps, une piquante dissertation du fon de l'Olympe, l'autre bouffon des banquets ï
du Valhalla. —Satan nous esl singulièrement
Quarlerly magazine sur les traditions popu-
laires du moyen âge et des temps modernes. dépeint, par le pape saint Grégoire, dans sa
Nous en conserverons ici les passages les plus Vie de saint, Benoît. Un jour que le saint allait i
saillants. —C'est, dit l'auteur, sur la fata- dire ses prières à l'oratoire do Saint-Jean,
lité el l'antagonisme du bien el du mal que sur le Monl-Cassin, il rencontra le diable sous
se fonde la philosophie des traditions du peu- la forme d'un vétérinaire, avec une fiole d'une
main el, un licou de l'autre. Le texic disait :
ple. Celle base se retrouve dans le conte le in mulomedici speeie; par l'introduction d'une
plus trivial où l'on introduit un pouvoir sur-
naturel; et la nourrice, qui l'ail son récit au virgule qui décompose le mol : in malo , mc-
coin de la cheminée rustique, a la même' dici speeie , un copiste fit,du diable ainsi dé-
science que les hiérophantes de la Grèce cl guisé un véritable docteur monté sur sa mule,
les mages de la Perse. Le principe destruc- comme cheminaient les docteurs en médecine
leur élanl le plus actif dans ce bas monde, ijI avant, l'invention des carrosses; elun tableau
de cet, épisode ayant été exécuté d'après ce
reparaît, dans toutes les croyances supersti- texte corrompu, Satan a été souvent repré-
tieuses sous une variété infinie de formes, les
unes sombres, les autres brillantes; on re- senté avec la robe doctorale el, les instruments
trouve partout les mêmes personnifications de la profession en croupe sur sa monture.
— Une autre fois, on dénonça à sainl Benoit
d'Oromase el d'Arimane, et l'hérésie des Ma-
nichéens.— La vague crédulité du villageois la conduite légère d'un jeune frère apparte-
nant à l'un des douze monastères affiliés à la
ignorant s'accorde avec la science mythologi- rè-rlc du réformateur. Ce moine ne voulait ou
que des anciens sages. Des peuples que ne pouvait prier avec assiduité; a peine se-
l'Océan sépare- sont rapprochés par leurs fa-
tail-il mis à genoux , qu'il se levait el allait
bles; les hamadryades de la Grèce et les lu-
lins de la Scandinavie dansent, une ronde se promener. Saint Benoit ordonna qu'on le
fraternelle avec les fantômes évoqués par le lui amenât au Monl-Cassin; el, là, lorsque le
sorcier moderne ; celui-ci compose ses phil- moine, selon son habitude, interrompit ses
tres, comme Canidie, avec la mandragore, devoirs el sortit de la chapelle, le sainl vit
la ciguë, les langues de vipère et, les autres[' un petit diable noir qui le lirait de toutes ses
". forces par le pan de sa robe. — Parmi les
ingrédients décrits par Virgile et Horace. A f
la voix des sorciers modernes, comme à celle innombrables épisodes de l'histoire du diable
des magiciens de Thessalie, on entend en-_ clans les Vies des Saints, quelques-uns sont
core le hibou crier, le corbeau croasser, le , ' plus comiques, quelques autres plus pillores^
serpent siffler, el les ailes noires des scara- ques. Sainl Antoine vil Satan dresser sa tète
bées s'agiter. — Toutefois, le Satan des lé- 4_ de géant au-dessus des nuages, et étendre
", ses larges mains pour intercepter les âmes
gendes n'est jamais revêtu de la sombre des morts qui prenaient leur vol vers le ciel.
dignité de l'ange déchu ; c'est, le diable, ['en-J Parfois le diable est un véritable silice , et sa
nemi, méchant par essence, de temps immé-
morial. S'a rage esl souvent impuissante, à malice ne s'exerce qu'en espiègleries. C'est
moins qu'il n'ait recours à la ruse : il inspire ainsi que, pendant des années, il se tint aux
la peur encore plus que la crainte. De ,.. là aguets pour troubler la piété de sainte Gu-
vient cette continuelle succession de caprices dule. Toutes ses ruses avaient été vaines,
bizarres et de malices grotesques qui le ca- lorsqn'enfin il se résolut à un dernier effort.
C'était la coutume de celle noble el chaste
! Victor Hugo, Han d'Islande, cliap. 12. vierge de se lever au chant du coq el d'aller
'J Les Admirablessecrets d'Albert-le-Grand,p. 113.
3. prier à l'église, précédée de sa servante por-
TRA — /j75 — TRA
tant une lanterne.Que lit le père de toute à qu| les offense!Dansle royaumevoisin, en
malice, il éteignit la lanterne en soufflant Danemark,lesPneksont un rare talentcom-
dessus.La sainteeut recoursà Dieu, et, à sa me musiciens.11existe une certaine danse
prière, la mèchese ralluma, miraclede ]a appeléela giguedu roi des Elfs, bienconnue
foiqui suffîtpour renvoyer le malin honteux des ménétriersde campagne, et qu'aucun
et.confus.Il n'est pas sans exempleque le d'eux n'oserait exécuter. L'air seul produit
diablese laisse tromperpar les plus simples le même effetque le cor d'Oberon: à peine
artifices,et une équivoquesuffitsouventpour la premièrenoiese fait-elle entendre, vieux
le rendre dupe danssesmarchésaveclessor- el jeunes sont forcésde sauterenmesure; les
ciers:commelorsqueNostradamusobtintson tables, les chaiseset les tabouretsde la mai-
secoursà conditionqu'il lui appartiendrait son commencentà se briser, et le musicien
toutentier après sa mort, soit qu'il fût en=- imprudentne peut rompre le charme qu'en
terré dans une église, soit qu'il fût enterré jouant la mêmedanseà rebourssans dépla-
dehors... MaisNostradamusayant, ordonné cer une seule note, ou bien en laissant ap-
par testamentque son cercueil fût déposé procher un des danseurs involontairesassez
dansla muraillede la sacristie, son corpsy adroit pour passer derrière lui et coupertou-
reposeencore.—Le vieil Ileywooda rédigé teslescordesduviolonpar-dessussonépaule.
en vers une nomenclaturecurieusede tous —Les noms des esprits de celle classesont
lespetitsdémonsde la superstitionpopulaire: très-significatifs:de Goble vieillard,devenu
il y comprendles farfadets, les follets, les un nom du diable, les Normandssemblent
alfs, lesRobinGoodfellows,et ces lutinsque avoir fait Gobelin.On appelait Gobclince
Shakspearea donnéspour sujets à Oberonel diable d'iivreux que saint Taurin expulsa,
à Tilania.On a prouvéque le roi ou la reine mais qui, ayant montréun respectparticulier
de féerie n'est autre que Satan lui-même, au sainlexorciste,obtintla permissionde ne
n'importeson déguisement.C'étaitdonc un pas retourneren enfer, el continuade hunier
démonque ce Puck qui eut long-tempsson la villesousdiversesformes,à conditionqu'il
domicilechez les dominicainsde Schwerin se contenteraitde jouer des tours innocents
dansle Mecklembourg.Malgrélestoursqu'il aux bons chrétiensde Pliure. Le Gobclin
jouait aux étrangers qui venaient visiter le d'Évreuxsembles'être ennuyé de ses espiè-
monastère,Puck, soumis aux moines, était gleriesdepuisquelquesannées, el il a.rompu
poureux unbon serviteur.Sousla formed'un son ban pour aller tourmenterles habitants
singe, il tournaitla broche, lirait le vin, ba- de Caen. L'un de ces derniers hivers, les
layaitla cuisine.Cependant,malgrétousces bourgeoisde la bonnevillede Guillaume-le-
services, le religieuxà qui nous devonsla Bàtard furent souvent,effrayésde ses appa-
Veridicarelat-iodedoemonio Pucknereconnaît ritions.Uss'était affubléd'une armure blan-
enlui qu'unespritmalin.Le Puck de Schwe- che, el,se grandissaitjusqu'à pouvoirregar-
rin recevaitpour ses gagesdeux pots d'étain der à traversles fenêtresdes étages les plus
et une veste barioléede grelotspour boulons. élevés.Un vieuxgénéral rencontracediable
— Le moineRushde la légendesuédoise, et importundans un impasseet le défia, mais
Bronzel, de l'abbaye de Monlmajor,près Gobelinlui répondit: « Ce n'est pas de (oi
d'Arles,sont,encorePucksousd'autresnoms. - que j'ai reçu ma mission,ce n'est pas à toi
Onleretrouveen Angleterresousla formede que je dois en rendre compte.» Le général
RobinGoodfellowou de RobinHood, le-fa- ayant insisté, six diables blancsde la même
meux bandit de la forêtde Sherwoodayant taillesortirenttout à coupde terre , et le gé-
reçu ce surnomà cause de sa ressemblance néral jugeaprudent de battre en retraitede-
avec ce diable populaire.Enfin Robin Hood vant le nombre.Le journal du département
est aussi le RedCap d'Ecosse,et le diable renditjustice à son courage: mais le général
saxon Hodeke.n,ainsiappelé de l'hoodiwen, n'eut pas moins besoinde se faire saigner
ou petit chaperonrongequ'il porle en Suède par le docteurVastel,— Le Duendeespagnol
lorsqu'ily apparaît sous la forme du Nisse correspondau Gobelinnormandet au Tom-
ouNisscgodreng. —=-Puck, en Suède, se nom- tegobbesuédois.Duende, selon Cobaruvias,
maNissegodreny(ou Nissele bon enfant), et est une contractionde duenode casa, niaîlre
vit en bonneintelligenceavec Tomtegojibe, ou de la maison.Ce diable espagnolfut de tout
le Vieuxdu Grenier,qui est un diable de la tempscité pour la facilitéde ses métamor-
mômeclasse.On trouveNisscgodreng el Tom- phoses.— Le diablea souventfait parler de
tegobbedans presquetoutesles fermes,com- lui en Espagnecommepartout; citonsla lé-
plaisantset docilessi on les traite .avecdou- gende relative à l'originedémoniaquede la
ceur, niais irascibleset capricieux: malheur noblefamillede Haro. DonDiegoLopez,sei-
TRA h'id — TRA
gueur de Biscaye, était à l'affût du sanglier, n
mauvais génie. Sous ce nom el sous la forme
lorsqu'il 'entendit les accords d'une délicieuse dde kelpic, cheval-diable d'Ecosse, il habile
voix de femme. Il regarde, et aperçoit la les h lacs el les rivières de la Scandinavie, où
chanteuse debout sur un rocher. 11en devint il soulève des tempêtes et des ouragans. Il y
épris et lui proposa de l'épouser. « J'accepte aa, dans l'île de Rugen, un lac sombre dont
votre main, répondit-elle, beau chevalier, l eaux sonl troubles et les rives couverts
les
car ma naissance est noble; mais à une con- c bois épais. C'est là qu'il aime à lourmen-
de
dition : jurez-moi que vous ne prononcerez l les pêcheurs en faisant chavirer leurs ba-
ler
jamais devant moi un nom sacré. » Le che- t
teaux el en les lançant quelquefois jusqu'au
valier le jura, cl, quand le mariage fui con- E
sommet, des plus hauts sapins. •— Du Nickar
sommé, i! s'aperçut que sa fiancée avait un i
Scandinave sont provenus les hommes d'eau
pied de chèvre. Heureusement c'était son seul < les femmes d'eau, les nixes des Teutons. Il
et
défaut. Personne n'est parfait; el, par une in'en esl, pas de plus célèbres que les nymphes <
convention tacite , le pied de chèvre ne fut ide l'Elbe el de la Gaal. Avant, l'établissement
bientôt qu'un pied de biche, ce qui élail plus du christianisme, les Saxons qui habitaient
poétique. Don Diego n'en eût pas moins d'at- le voisinage de ces deux fleuves adoraient. |
tachement pour sa femme , qui devint mère une divinité du sexe féminin , dont le temple \
de deux enfants, une fille et un fils nommé était dans la ville de Magdebourg ou Megrle- t
lniguez Guerra. Or, un jour qu'ils étaient à burch (ville de la jeune fille), et qui inspira j
table, le seigneur de Biscaye jeta un os à ses toujours depuis une certaine crainte comme f
chiens : un mâtin el un épagneul se prirent de la naïade de l'Elbe. Elle apparaissait à Mag- j.
querelle; l'épagneul suisil le malin à la gorge debourg, où elle avait coutume d'aller au l'
cl l'étrangla : « Sai7ite vierge Marie! s'écria marché avec un panier sous le bras : elle était
» don Diego; qui a jamais vu chose pareille"? » l
pleine de grâce , propre, el au premier abord
La dame au pied de biche saisit aussitôt les on l'aurait prise pour la fille d'un bon bour- -.
mains de ses enfants. Diego retint le garçon, geois; mais les malins la reconnaissaient, à -
mais la mère s'échappa à travers les airs avec un petit coin de son tablier toujours humide
la fille... Par la suite, don Diego Lopez en- en souvenir de son origine aquatique. Préto- \.
vahit les terres des Maures : il fut malheureux rius, auteur estimable du XVIe siècle, ra- \
dans un combat el fait prisonnier ; les vain- conte que la nymphe de-l'Elbe s'asseoit quel- j
queurs lui lièrent les mains cl remmenèrent quefois sur les bords du fleuve , peignant, ses t
à Tolède, lniguez Guerra était triste de la cheveux à la manière des sirènes. Une Iradi- j
captivité de son père. Quelqu'un lui dit, alors : tion semblable à celle que AValler Scoll a !
Pourquoi n'iriez-vouspas invoquer la fée qui mise en scène dans la Fiancée de Lammcr- j
vous a donné le jour : elle seule peut vous moor avait cours au sujet de la sirène de
indiquer un moyen de délivrer don Diego, l'Elbe; elle esl rapportée loul au long par
lniguez monta à cheval ; se rendit à la mon- les frères Grimm, dans leur Recueil de lé-
tagne : la fée était sur le rocher ; elle recon- gendes germaniques. Quelque belles que pa-
nut son fils : Viens à moi, lui dit-elle; je sais raissent les ondines ou nixes , le principe
ce qui l'amène et je te promets aide el pro- diabolique fait loti jours partie de leur essence;
'
tection : laisse là ton cheval, il ne te serait- l'esprit du mal n'est couvert que d'un voile
d'aucun service. Je veux le remplacer par un plus ou moins transparent, el lot ou lard la
autre qui en quelques heures le portera à parenté do ces beautés mystérieuses avec Sa-
Tolède; mais tu ne lui mettras pas de bride; lan devient manifeste. Une mort inévitable
tu ne le feras pas ferrer; lu ne lui donneras est le partage de quiconque se laisse séduire
ni nourriture ni eau. La fée Pied-de-Biehe par elles. — Des auteurs prétendent que les
appela Pardalo ; c'était le nom do ce cour- dernières inondations du Valais furent cau-
sier extraordinaire : lniguez s'élança sur sa sées par des démons, qui, s'ils ne sont pas
croupe, el ramena bientôt son père. La fées des nickars ou des nixes, sont du moins do
Pied-de-Biche était si bien démon/que lat nature amphibie. Il y a, près de la vallée de
conclusion de la légende, en mentionnant ses; Bagnes, une montagne fatale où les dénions
autres apparitions en Biscaye, nous dit qu'elle i font le sabbat. En l'année <18<IS,deux frères
se montre sous les traits qui caractérisent lei mendiants de Sioo, prévenus de cette assem-
diable. — D'après la mythologie Scandinave, , blée illégale , gravirent la monlagne pour vé-
source principale de toutes les croyances po-- -rifier le nombre el les intentions des délin-
-
pulaires de l'Allemagne et de l'Angleterre, , quanls. Un diable, l'orateur de la troupe,
Odin prend le nom de Nickar ou llnickar, , s'avança. « Révérends frères, dit-il, nous
'lorsqu'il agit comme principe destructeur ouu » sommes ici une armée telle que, si on divi-
TUA — 417 — TRA
lisait entre nousà paris égalestousles gla- leequelle derniervers de la premièreslance
f ciers et,tous les rochers des Alpes, nous leermine toutesles autres, el lorsque, dans
»n'enaurionspas chacununelivre pesant.» u,mesaga d'Islande,le poèteintroduitun es-
Detempsimmémorial,quand les glaciersse pprit ou un fantômequichante,c'est toujours
fondent,onvoitle diabledescendrele Rhône avec a le galdralag.Dansuneautrevariétédu
à la nage, une épée nue d'une main, un ggaldralag, c'est le premierversqui esl ré-
alobed'or de l'autre. 11s'arrêtaun jour de- pété p de slanceen slance.Onretrouvece sys-
vautla villede Marligny,et cria en patois: tème l métrique dans quelques-unesdes in-
fi'gou-,haoiisfsou! (Fleuve,soulève-loi).Aus- cantations
c superstitieusesdes Anglo-Saxons.
silôlleRhôneobéitenfranchissantses rives, (Cerhylhmea un son monotone,mais solen-
et détruisitune partie de la villequi esl en- neli , qui, sans le secoursde la traditionmy-
coreen ruines.—Ce fut en philosophant sur Ithologique,l'a fait employerpar les poêles,
la mythologie populaire,que Paracelsecréa idepuisVirgilejusqu'à Pope.LeDanle.sesert
ses fameusesnympheson ondines.Ce grand du galdralagpourl'inscriptionplacéesur les
architecte,celérudildes érudils, quijoignait portesde l'enfer.— On a dit que les vérita-
à sa folieune imagination poétiquecl roma- bles prototypesdes due.rgarasont les habi-
nesque,a jugé convenableel utilede donner tantsdelà vieilleFinlande.Nouscommençons
sesavis à ceuxqui deviennentles épouxdes à douterde celle origine.Il est certain que
ondines.La moraledeson apologuepeutpro- les Finlandaisse vantèrent long-tempsdo
filer à plus d'un mari de femmemortelle. leurcommerceintimeavec le diablejusqu'à
Discrétionel constancesont surtoutrecom- ce quececommercefûttraitéde contrebande.
mandéespar la nymphe,el ses ordresdoi- Onn'a pas cesséde les redoutercommesor-
vent,être exécutésà la lettre, sous peinede ciers; mais, malgréleur talenten magieet
se perdre à jamais.Ala moindreinfraction, en métallurgie,on doilles distinguerdes ha-
l'épousemystérieusese replongedansl'abîme bilesouvriersqui fabriquèrentle marteaude
deseaux el ne reparaîtplus.— La tradition Thor, les tressesd'or de Siva et.la bague
des bons el des mauvaisanges esl encore d'Odin,touteschosesfameusesdanslabizarre
sensibledans les fictionsde l'Edda. Snorro cosmogoniedes Asi.Si nousvoulionsinter-
Sterlasonnousapprendque les elfsdola lu- préterces mystèresselonla sagessehiérogly-
mière, dont Ben Johnsona fait les esprits phiquedes rose-croix,nous dirionsque les
blancsde ses Masques,séjournentdansA11- duergards étaient des personnifications de
lleim, le palaisdu ciel, tandisque lesswarl l'élémentmétalliqueon des gaz qui en sont
elfs, elfsde la nuit, habitentles entraillesde les véhiculesdans les entraillesde la terre ,
la terre.Les premiersne seront,pas sujetsà fécondantlesveinesde la mineel se mêlant
la mort; car les flammesde Surtur ne les à la circulationde la vieélectriquecl magné-
consumerontpas, el leur dernièredemeure tique du macrocosme.Du resle, ce sontdes
sera Vid-Blain,le plus haut ciel dos bien- êtrestropallégoriques pourqu'onlesconfonde
heureux;mais les snarl elfssont mortelset, avec les magiciensfinlandaisdisperséssur
sujetsà toutesles maladies,quelsque soient la surfacedes régionsseptentrionales.Leur
d'ailleursleurs attributs.Les Islandaismo- cachet d'antiquitéprimitiveparait d'autant
dernesconsidèrentle peupleelf commefor- plus marqué, selonnous, qu'onles retrouve
mantune monarchie,ou du moinsils lefont dansles vieillestraditionsdes Tenions,con-
gouvernerpar unvice-roiabsoluqui, lousles sacréespar les Nibchmtjscl leLivredesHé-
ans,se renden Norwègeavecunedépulation ros. Or. les Nibelungsel le Livredes Héros
de pucks, pour y renouvelerson serment nousviennentde paysoùjamaisle Finlandais
' (l'hommage-lige au souverainseigneur,qui errantne dressasa lente.-—Les pays de mi-
résidedansla mère-pairie.Il est évidentque nes onl défendutrès-long-lempsleur mytho-
lesIslandaiscroientque les elfssont, comme logiepopulairecontreleslumièresde la saine
eux, une colonietransplantéedans l'île. — philosophieel de la religion.On peut citer,
Les diablesnainsou duergarsde la Scandi- par exemple,le comtéde Cornouailles;et le
naviesontde la mômefamilleque les elfsde llarzwald de Hanovre, resle de l'ancienne
la nuit. LesNorwégiensattribuentla forme forêl d'ilercynie, est encoreune terre en-
régulièreetle polides pierrescristalliséesaux chantée.Lesgobelinsdesminesont toujours
travauxdes petitshabitantsde la montagne, , eu une très-mauvaiseréputation.Ledémo-
dontl'écho n'est autre chose que-leur voix. nologuecitépar ReginaldScottnous apprend
Collepersonnificationpoétiquea donnénais- « qu'ilssont très-jalouxde leurs trésorsca-
sanceà un mètre particulieren Islande, ap- chés; qu'ilsen veulentbeaucoupà ceuxqui
pelé le galdralag, ouïe lai diaboliquedanss les découvrent,et,cherchentà tuer ouà blés-
TRA — hli J — TRA
ser ceux qui viennent les leur enlever, han- vint à sa rencontre et se précipita dans les
tant d'ailleurs avec persévérance les caves où flots, escorté d'un troupeau qui mugit autour
l'argent est déposé. Un nommé Pelers, du de son.chef d'une manière épouvantable. Celle
comté de Devonshirè, ayant trouvé le secret nouvelle rencontre ne découragea pas l'enne-
de deviner lès lieux où les gobelins rouvaienl mi, qui se dirigea vers Urekarskirtda ; mais
des trésors , fut brûlé et réduit en cendres par là, un géant se présenta, un géant dont la
les démons irrités... Quant aux mineurs, ils tête dépassait le sommet de la plus haule
ne peuvent trop se défier de ces esprits mal- montagne, un géant armé d'une massue de
veillants qui leur tendent toutes sortes de piè- fer, et accompagné d'une troupe de géants de
ges pour les détruire : tantôt, ils inondent leurs la même taille. — Cette tradition esl remar-
travaux , tantôt ils les étouffent par des va- quable parce qu'elle nous fait voir que les
peurs pestilentielles, parfois ils leur appa- Scandinaves classaient leurs esprits élémen-
raissent sous des.formes effrayantes. Tel était taires d'après la doctrine cabalistique de Pa-
Yannaberge, animal terrible qui fui si funeste racelse. La (erre envoie ses génies sôùs la
aux ouvriers employés dans la plus riche mine forme de géants" : les sylphes apparaissent en
d'argent de l'Allemagne, appelée Connu Ro- oiseaux; le taureau est, le type de l'eau; le
sacea. L'annaberge se montrait sous la forme dragon procède de la sphère du feu. — Le
d'un bouc avec des cornes d'or, et se préci- mont llécla fait partie, en quelque sorte, de
pitait sur les mineurs avec impétuosité, ou la mythologie des Skaldes. Les hommes du
sous la forme d'un cheval, qui jetait la flam- nord furent convertis peu de temps après
me et la peste par ses naseaux. » Ce terrible qu'ils eurent fait connaissance avec ses ter-
ahnabefge pouvait bien n'être qu'un esprit reurs, el, lorsqu'ils devinrent chrétiens, ils
très-connu aujourd'hui des chimistes sous le en firent la bouche de l'enfer. LTlécla ne pou-
nom de gaz hydrogène ou feu grisou. La vait manquer surtout d'être le refuge des es-
lampe de sûreté d'Huniphrcy-Davy aurait été prits de feu que la tradition avait probable-
un talisman précieux aux mineurs de la Cou- ment connus en Scandinavie et à Asgard.
ronne de Roses; et James Walt, en leur prê- Leur grand ennemi'était Luridan. On lit, dans
tant une de ses machines à vapeur, les au- le livre de Yaiiagaslus, le Norwégien , que
rait certainement bien défendus contre les Luridan, l'esprit de l'air « voyage par ordre
inondations suscitées par leskobolds. -— Com- du magicien en Laponie, en Finlande, en
me tous les anciens peuples, les Scandinaves Skrikfinlande el jusqu'à la mer Glaciale. —
croyaient volontiers à l'existence de démons C'est sa nature d'être toujours eu opposition
lutélaires, el les Islandais leur avaient voué avec le feu et de faire une guerre continuelle
une reconnaissance particulière pour avoir aux esprits du mont Hécla. Dans cette guerre
fait avorter les noirs desseins du roi llarold- à mort, les deux partisse déchirent l'un l'au-
Germson. Ce roi de Norwège, dit la Sayd, tre, heurtant leurs bataillons à travers lés
désirant connaître la situation intérieure de airs. Luridan cherche à livrer le combat au-
l'Ile, qu'il avait l'intention de punir, chargea dessus de l'Océan où les blessés de l'armée
un habile troldman ou magicien de s'y rendre contraire tombent sans ressource ; mais si
sous la forme qu'il voudraiI prendre. Pour l'action a lieu sur la montagne , l'avantagé est
mieux se déguiser, le troldman se changea en souvent aux esprits du feu, et l'on entend de
baleine el nagea jusqu'à l'île; mais les ro- grandes lamentations en Islande, en Russie,
chers el les montagnes étaient couverts de en Norwège, » etc. — Parmi les dénions in-
ladioaiturs ou génies propices qui faisaient férieurs de la sphère du feu, nous né saurions
bon- e garde. Sans en avoir peur, l'espion oublier le follet appelé vulgairement en An-
d'Harold nagea vers le golfe de Vapna, et gleterre Jack loiih îhe laniern, Jack à la lan-
essaya de débarquer; mais un énorme dra- terne, et que Millon nomme aussi le moine
gon déroula les longs anneaux de sa queue des marais. Selon la chronique de l'abbaye
sur les rochers, el, suivi d'une armée in- de Corweg, ce moine en séduisit Un autre,
nombrable de serpents, descendit dans le dé- frère Sébastien , qui, revenant de prêcher la
Irôil, arrosant la baleine d'une trombe de ve- fête de saint Jean, se laissa conduire à tra-
nin. La baleine ne put leur résister, et nagea vers champs-par la fatale lanterne jusqu'au
à l'ouest vers la baie d'Ové; mais là elle bord d'un précipice où il péril. Celait en l'an-
trouva un immense oiseau qui étendit ses née 1034, et nous ne saurions vérifier le lait.
ailes comme un rideau sur le rivage, et l'ar- —Les paysans allemands regardent ce dia-
mée des esprits s'abattit à ses côtés sous la ble de feu comme très irritable, el pourtant
même forme. Le Iroldman voulut alors pé- ils ont quelquefois la malice de lui chanter un
nétrer par Bridaford , au sud. Uii taureau couplet qui le met en fureur. — Il ii'y a pas
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(renteans qu'unefilledu villagede Lorsch rendanti exprèsdans la forêt avecl'intention
eut,l'imprudencede chauler ce refrain au de ( la chercher.Hans racontequ'à son extrê-
momentoù le follet,dansait sur une.prairie me i surprise, il ne vit pas les chiens,quoi-
marécageuse: aussitôtil poursuivitla chan- iqu'il avoueque sescheveuxse dressèrentsur
leuse;celle-cise mit à courirde toutela vi- sa tête lorsqu'ilaperçut le mystérieuxmau-
tessede sesjambes, et se croyaitdéjà sauvée soléedecechasseurfélon.— Lesilencerègne
enapercevantsa maison,maisà peinefran- autourde la pierre de la forêtd'Usslar;mais
chissait-ellele seuil, que Jack à la lanterne l'esprit agitédu chevalierIlakelberg,ou du
le franchitaussi, et frappa si violemmentde démon qui a pris ce noin, est aujourd'hui
sesailestousceuxqui étaientprésents,qu'ils tout puissantdansle voisinaged'Oden-Wald,
en furent éblouis.Quant à la pauvrefille, du forêtd'Odin,au milieudesruinesdu ma-
elle en perditla vue; el ellene chanta plus noir de Rodenslein.Son apparition esl un
quesur le banc de sa porte,— lorsqu'onlui as- pronosticde guerre. C'està minuit qu'il sort
suraitque le cielétait,pur. Il ne faut pas de la tourgardéepar son armée : les trom-
êtreun très-fortchimistepour devinerlana- pettent sonnent, les tamboursbattent; on
ture de ce démonélectrique; mais on peut distinguelesparolesde commandement adres-
le classeravecles démonsdufeu qui dénon- séespar lechefà sessoldatsfantastiques;et,
cent les trésorscachéspar les flammeslivi- si le vent souille,onentendle frôlementdes
des qu'ils font exhaler de la terre et avec bannières; mais, (lèsquela paix doitse con-
ceuxqui parcourentles cimetièrespar un clure, Rodensleinretourneaux ruinesde son
tempsd'orage.Maintesfois, autourdessour- château, sans bruit, ou à pas mesurés, el
cessulfureusesoù les petites-maîtresses vont aux sons d'une musiqueharmonieuse.Ro-
chaqueannéeréconforterleurs poitrinesdé- densleinpeutêtre évoquési onveut lui par-
licates,le montagnarddes Pyrénéesvoitvol- ler. 11y a quelquesannées, un garde fores-
tigerdes gobelinsde la mêmefamille: ils tier (îassoitprès de la tourà minuit;il venait
agitentleurs aigrettesbleuâtrespendant la d'une orgie et avait une dose plus qu'ordi-
nuit, el fontmêmeentendre de légèresdé- naire d'intrépidité:Rodenslein zicheheraus!
tonations.Enfin,le plus terriblede ces dé- s'écria-l-il; Rodensleinparut,avecsonarmée.
monsesl celui qui fondson essencevivante hélas! telle fut la violencedu choc dans
dansles liqueurs fermenlées,qui s'introduit l'air, que le garde tombapar terre commesi
souscetteformeliquidedans lesveinesd'un un coupde vent l'avait frappé: il se releva
buveur,et y allume,à la longue, un incendie pleind'effroiel,n'osaplusrépéter: Rodenslein
: qui le dévoreen fournissantaux médecinsun ziaheheraus. — La mythologieScandinave
. exemplede plus de ce qu'ilsappellentscien- donnele pouvoirde la mort à lle.la,qui gou-
tifiquement unecombustion spontanée.— L'o- vernelesneuf mondesde Nilleheim.Cenom
: riginedu nomde Ifoden ou Odinse révèle signifie mystère, secret, abime. Selon la
par la racineétymologiquede l'anglo-saxon croyancepopulairedes paysansde l'antique
Woodin, quisignifiele féroceoule furieux. Cimbrie,Heinrépandau loinla pesteel laisse
. Aussil'appelle—t-oii danslenordle chasseur tombertousles fléauxde ses terriblesmains
féroceel,en AllemagneGroden'sheerou ll'o- en voyageant,la nuit, sur le chevalà trois
den'sheer.Woden, dansle duchéde Bruns- pieds de l'enfer(lielhesi).Ilela el les loups
wick,se retrouveencoresouslenomdu chas- de la guerre onl long-tempsexercéleur em-
! SMW Ilakelberg,chevalierperversqui renonça pire en Normandie.Cependant,lorsque les
: usa part desjoiesdu paradis,pourvuqu'il lui hommesdu Nord, de Haslings,devinrentles
: fûtpermisdechassertoutesa vie en ce mon- Normandsde Rollon, il semblentavoirperdu
de : le diablelui promitqu'il chasseraitjus- le,souvenirdeleurs vieillessuperstitions
aussi
qu'aujour du jugementdernier.On montre rapidementque celui de leur languemater-
; sontombeaudansla forêld'UssIar: c'est une nelle.D'HelanaquitHellequin, nomdans le-
! énormepierrebrute, un de cesvieuxmonu- quel il esl facilede reconnaîtreHela-Kïon,
mentsappelésvulgairementpierres druidi— la race d'Hela déguiséesons l'orthographe
;' ques;nouvellecirconstancequi serviraiten- romaine.Ce fut le fils d'Hela que Richard
core à confirmerl'alliancedes traditions sans Peur, fils dé Robert,le Diable,duc de
: populairesavecl'anciennereligiondu pays. Normandie,rencontrachassantdansla forêt.
; Selonles paysans,celtepierreest gardéepar Le romanracontequTîellequinétait un ca-
: leschiensde l'enfer,qui y restentsanscesse valierqui avait dépenséloùlesa fortunedans
. accroupis.Enl'an <15oS , HansKirchofeut le lesguerresdo CharlesMartelcontreles Sar-
, malheurde la rencontrerpar hasard; car i! rasins païens. La guerre finie, Hellequinet
liuildire que personnene la trouve en sei ses fils, n'ayant plus de quoi soutenirleur'
— — '
TRA 480 I TRA
rang, se jetèrent dans de mauvaises voies. fout ce qu'on voudra , il fut réellement aperçu
Devenus de vrais bandits , ils n'épargnaient par Henri IV, non loin de la ville el dans un
rien; leurs victimes demandèrent vengeance carrefour qui a conservé la désignation de « la
au ciel, et leurs cris furent enlendus. Helle- croix du Grand Veneur! » A côté de celle
quin tomba malade et mourut-, ses péchés anecdote , nous rappellerons seulement l'ap-
l'avaient mis en danger de damnation éter- parition semblable qui avait frappé de terreur I
nelle : heureusement ses mérites , comme le roi Charles VI, el qui le priva même de sa 1
champion de la foi contre les païens, lui ser- raison. — Dans les siècles de la chevalerie, 1
virent,. Son bon ange plaida pour lui ; el ob- une immortalité romanesque fui souvenl dé-
tint qu'en punition de ses derniers crimes, la cernée auxhommes supérieurs, parla recon-
famille d'Hellequin errerait après sa mort, naissance ou l'admiration populaire. Ceux qui
gémissante et malheureuse, tantôt dans une avaient vu leur chef ou leur roi dans sa gloire,
forêt, tantôt dans une autre, n'ayant d'autres après une bataille où sa bravoure le distinguait
distractions que la chasse au sanglier, mais encore plus que sa couronne, ne pouvaienl
souvent poursuivie elle-même par une mente se faire à l'idée de le voir mourir comme le
d'enfer. — Ce n'était pas seulement en Nor- dernier de ses soldats. Le rêve d'un serviteur
mandie qu'apparaissait autrefois le mystérieux fidèle el la fiction d'un poêle, d'accord avec
chasseur. En l'année 159S, Henri IV chassait la pompe des funérailles, avec l'intérêt d'une
dans la forêl de Fontainebleau : loul à coup il famille, avec la crédulité du peuple, tout con-
entendit les jappements d'une meute et le son courait à prolonger au delà de la tombe l'in-
du cor à une distance.de demi-lieue: presque au fluence du héros. — Peu à peu les honneurs
même instant le même bruit retentit à quelques rendus à sa cendre devenaient le culte d'un
pas de lui. Henri ordonna au comte deSoissons demi-dieu qui ne pouvait être sujet à la mort.
d'aller à la découverte ; le comte de Soissons Achille recul des Grecs celle apothéose : de
obéit, en Tremblant, ne pouvant s'empêcher de même les Bretons attendirent long-temps le
reconnaître qu'il se passait dans l'air quelque réveil d'Arthur assoupi à Avalon; et, presque
chose de surnaturel : quand il revint auprès de de nos jours, les Portugais se flattaient de
son maître : « Sire, lui dit-il, je n'ai rien pu l'espoir que le roi Sébastien reviendrait récla-
Voir, mais j'entends, comme, vous, la voix des mer son royaume usurpé. C'est ainsi que les
chiens el le son du cor. » — « Ce n'est donc trois fondateurs de la confédération helvétique
qu'une illusion ! » dit le roi. Mais alors une dorment dans une caverne près du lac de Lu-
sombre figure se montra à travers les arbres cerne. Les bergers les appellent les trois Tell,
et cria au Béarnais : « Vous voulez me voir, et disent qu'ils reposent là, revêtus de leur
me voic.il «Cette histoire esl remarquable pour costume antique ; si l'heure du danger de la
. plusieurs raisons : Mathieu la rapporte dans, Suisse sonnait, on les verrait debout, toujours
son Histoire de France et des choses mémorables prêts à combattre encore pour reconquérir sa
advenues pendant sept années de paix du règne liberté. Frédéric Barberousse a obtenu la
de Henri IV, ouvrage publié du -temps de ce même illustration; lorsqu'il mourut dans la
monarque à qui il esl dédié. Le Pérè Mathieu Pouille, dernier souverain de la dynastie de
était connu personnellement de Henri IV, qui Souabe, l'Allemagne se montra si incrédule
lui donna lui-même plusieurs'renseignements à sa mort, que cinq imposteurs, qui prirent
sur sa vie. On a supposé que ce spectre élait successivement son nom, virent accourir au-
un assassin déguisé , el que le poignard de tour de leur bannière tous ceux qui avaient
Ravaillac aurait été'devancé par l'inconnu de applaudi au règne de Rodolphe dellapsbourg.
Fontainebleau, si le roi avait fail un pas de Les faux Frédéric furent successivement dé-
plus du côlé de l'apparition. Quel que soit le masqués el punis ; cependant le peuple s'ob-
secret de celle histoire, il eslclair que Henri IV slinail à croire que Frédéric vivait, etrépélail
ne la lil nullement démentir. « 11ne manque qu'il avait prudemment abdiqué la couronne
pas de gens, dit Mathieu, qui auraient volon- impériale. C'est un sage, disait-on ; il sait lire
tiers relégué celte aventure avec les fables dans les aslres : il voyage dans les pays loin-
de Merljn et d'Urgande, si la vérité n'avait tains avec ses astrologues et ses fidèles com-
été certifiée par tant de témoins oculaires el pagnons , pour éviter les malheurs qui Pau-
auriculaires. Les bergers du voisinage pré- raientaccablés'il fût reslé sur le trône ; quand
tendent que c'est un démon qu'ils appellent le les temps seront favorables, nous le verrons
grand veneur, et qui chasse dans celte forêt; reparaître plus fort et plus redoutable que
mais on croit aussi que ce pouvait bien être jamais. On citait à l'appui de cette supposition
la chasse de Saint-Hubert, prodige qui a lieu des prophéties obscures, qui annonçaient que
dans d'antres provinces. » Démon, esprit, ou Frédéric, était, destiné à réunir l'Orient à l'Oc-
TRA — .'481 — TRA
cidenl; ces prophétiesprétendentque les pour sa sépulcralemajesté les empêchade
Turcsetlespaïensserontdéfaitspar lui dans refuser.Ils s'en allèrentsans murmurer, el
une bataillesanglante,près de Cologne,et quandils se virentde nouveauen plein air,
qu'ilira reconquérirlaTerreSainte.Jusqu'au tous, à l'exceptiond'un seul, jetèrentdédai-
jour fixé par le destin, le grandempereur gneusementlesrameauxqui leur avaientété
s'estreliredansle châteaude Kiffhausen, au si gracieusement donnéspar la fillede l'em-
milieude la forêtd'Hercynie;c'estlà qu'il vit pereur. Lemusicienquiconservasonrameau
à peu près de la viedeshabitantsde la ca- ne l'emportaitchezlui que commeun souve-
vernede Montésinos, telleque Cervantesnous nir de celleaventure:mais,lorsqu'ilfut près
l'a décrite.Il dort sur son Irène; sa barbe de sa:maison, il lui semblaque la branche
roussea pousséà traversla tablede marbre devenaitpluslourdedanssamain: il regarde,-
surlaquelles'appuiesonbras droit,ou,selon el voitchaquefeuillebrillerd'unéclalmétal-
uneautre version,ses poilstouffusonlenve- lique Chaquefeuilleétait changéeen un
loppéla pierrecommel'acantheenveloppeun ducat d'or. Ses compagnons, ayant apprissa
chapiteaudecolonne.— Ontrouveen Dane- bonnefortune, coururentaux rochersoù ils
niarckunevariantede la mêmefiction, ar- avaientjeté leursrameaux Hélas!il était
rangéed'après la localité,où il esl dit que trop tard ; ils ne les trouvèrentplus, et s'en
HolgerDansvre,dontles romansfrançaisont revinrenthonleuxde leurdédainpourla mu-
faitOgierle Danois,eslendormisouslesvoû- nificenceimpériale.— Lespaysansnormands
tes sépulcralesdu châteaude Cronenbourg. croient qu'il existe une fleur qu'on appelle
Quelqu'unavait promisà un paysanuneforte 17te?'6e maudite: celui qui marche dessusno
sommes'il osait descendredans le caveauel cessede tournerdans un mêmecercle, et il
y rendrevisiteau héros assoupi.Le paysan s'imaginequ'ilconlinue soncheminsansavan-
se laissa tenter; au bruit de ses pas, Ogier, cerd'un pas au delà du lieuoù l'herbema-
à demirenversé, lui demandala main; le gique l'a enchaîné.Nous avonssans doute
paysanprésentaà Ogier une barre de fer. marchénous-mêmesur cetteherbeen com-
Ogierla saisitet y laissa l'empreintede ses mençantcet article; car nouspensionsavoir
doigts.« C'est bien! » ajoula-l-il, croyant dit adieuaux gobelins,et nousvoilàencore
avoirpresséle poignetde l'étrangerel éprou- aveceux.L'empereurFrédéric,avecses bran-
vé sa force: « C'est bien, il y a encoredes chesaux feuillesd'or, n'est, selonquelques-
hommesen Danemarck.» Celadit, Ogierre1 uns,que le démongardiend'unde cesIrésors
tombadanssonsommeil.— FrédéricBarbe- du moyenâge dontla recherchedevenaitun
rousseaimela musiqueel il l'écoutevolon- métierpourcertainscharlatansde celle épo-
tiers.IIy a quelquesannéesqu'unetroupede que, prototypesduDousterswivel de l'illustre
musiciensambulantscrutfaireunebonneoeu- romancierd'Ecosse.Cesadeptesfaisaientsur-
vreen donnantunesérénadeau vieilempe- tout des merveillesdansles pays de mines,
reur:se plaçantdoncsursonrocherlumulaire, où ils ont encore,des successeurs.Chacun
ils se mirentà exécuterun air de chasseau d'euxavait sa manièred'opérer: c'étaitd'a-
momentoù l'horlogede l'églisede Tilledason- bordle théurgistequipriaitet jeùnaitjusqu'à
naitminuit.A la secondeaubade, onvil des ce que l'inspirationlui vint.-—A côtéde lui
lumièresautourdu rocher, élincelantà tra- venaitle magiciende la nature.Le seulta-
vers les feuillesdu taillis el illuminantles lismandontil armait sa main était une ba-
troncsgigantesquesdeschênes.Bienlôlaprès, guettede coudrier,qui lui révélait, par une
lafillede l'empereurs'avançagracieusement sorted'attractionmagnétique,tantôtlessour-
vers les musiciens; elleleur fit signede la ces d'eau vive', tantôtTes métauxensevelis
suivre,la roches'ouvritet lesartistesentrè- 1 La baguette
rentdansla caverneen continuantleur con- découverte divinatoire n'estplusemployée à la
destrésors
; ruais o ndit d
que, lesans l esmains
! cert.Onlesreçutà merveilledansla chambre deeertaines personnes,ellepeutindiquer sources
d'eauvive.11
impériale,où ils jouèrentjusqu'au matin. v/arksetrouvait a cinquaute
y enProvence ansenviron quelad}' Ne-
dans u n château d ontle
Frédéricleuradressaunsourirepleinde dou- propriétaire, ayantbesoin d'unesource p our l'usagee d
sa
ceur,et sa filleleuroffrità chacununebran- d'enfaire
maison,envoya chercher un paysanquipromettait
jailliruneavec unebranche de coudrier
') cheverte.Lecadeauétaitun peutropcham- ladyNewark ritbeaucoup del'idéedesonhôteet de;
\ pêtrepourdesartistesmodernes,quin'avaient l'assurance dupaysan; mais,nonmoins curieuse
ellevoulutdumoinsassisterà l'expérience,
crédule,
qu'in-
peut-êtrepas entendudirequeles vainqueurs ainsiqued'autres voyageurs anglais toutaussiphilo-
des jeux olympiquesne recevaientd'autre rires Lepaysan
qu'elle.
sophes r.esedéconcerta pasdessou-
deces il semiten
récompensequ'unecouronne delaurier.Mais, suivimoqueurs étrangers;
detoutela société,puis
marche
touta coups'arrêtant, il
déclara
touten trouvantqu'on payait mal la bonne sourcequ'onpouvait creuser la terre. On le fit; la
promise etellecouleencore.
sortit, Cethomme
; musique chezle déîutilmonarque, leurrespect étaitun vraipaysan, sanséducation : il 11c\>ouvait
TRA — km ; — TUA
sous les couches épaisses dé la terre. « IUu— 1tes les constellations étaient d'accord pour l-,i
sions ! s'écriait .•l'élève de Cornélius. Agrippa; (louer de ses propriétés magiques. En ieflet,
toute la science sesl dans :ce livre du grand ià peine avait-elle reçu le dernier coup cje
philosophe : 'heureux qui sait y lire pour ap- imarteau, que l'image s'échappe de l'enclume
prendre à charmer le miroir dont la glace •( et saule sur le plancher de l'atelier. Aucun
•miraculeuse vous -montre, sous les climats lès ,ieffort ne put l'en arracher ; mais l'orfèvre, de-
plus loinlains, les personnes que ,1a mer el les vinantla nature de l'influence attractive-, creu-
déserts séparent de vous. Venez, vous qui ; sous la statue et découvrit un vase rempli
sa
osez y jfixê-rles yeux : ce miroir magique a d'or qui avait été caché là par quelque ancien
été enterré 'trois jours sous un gibet où pen- propriétaire de la maison. Il est facile de de-
dait un voleur; et j'ai ouvert, les tombeaux viner le bonheur de l'artiste : « Me voici donc
pour présenter son cristal à la face — d'un mort, maître de tous les trésors de la lerre, s'écria-
qui s'est agile convulsivement ! » Si vous t-il; mais bâtons-nous avant quelecabalisle
alliez consulter le cabaliste espagnol ou ita- ne vienne réclamer sa statue. » Résolu do
lien,, il vous recevait paré de son costume, s'approprier le talisman , l'orfèvre l'emporte
qui n'existe plus,que dans les mascarades de el s'embarque sur un navire qui mettait juste-
notre carnaval : une ceinture particulière lui ment.à la voile. Le vent était favorable, et
ceignait les reins; vous ne compreniez rien à en peu de temps on fui en pleine mer. Tout
ses feîesmes et àses pentacles. il s'aidait aussi à coup, le navire ayant passé sur un abîme
des idoles constellées,, dont l'anecdote:sui-vanle où quelque riche trésor avait été perdu, par
vous révélera la merveilleuse .action. — Un l'effet d'un naufrage, le talisman obéit, à son
cabaliste savait que, s'il pouvait se procurer irrésistible influence, el se précipita de lui-
un certain mêlai, qui était peut-êlre le pla- même dans les vagues, au grand désappoin-
tine, et profiter de l'aspect favorable des pla- tement de l'orfèvre. — Ce n'est pas.la seule
nètes pour en faire, la figure d'un homme avec légende qui porte avec elle sa moralité. L'a-
des ailes, celle figure lui découvrirait tous les vaiicie humaine nous y est représentée courant
trésors cachés. Après bien des recherches, il après l'or elle demandant à l'enfer comme nu
est assez heureux pour trouver le talisman, el ciel : son voeu est-il exaucé , c'est au prix
il le confiée un ouvrier qui, peu à peu, le d'une malédiction qui en corrompt la jouis-
convertit en la forme astrale,-ne travaillant sance ; mais plus souvent la destinée la lour-
avec ses outils que les jours que lui indique menle, comme Tantale, par une continuelle
le maître, qui .consultait avec soin pour cela déception. Voy. COLOXNI!DU DIAUUÎ, Mu-
les tables alfonsines. Or, il arriva que l'ou- iuiLMîDu DIABLE,PONTIIUDIAHUÎ,To.un., elc.
vrier., étant laissé seul avec la statue presque — empereur romain qui, selon
achevée, eut la bonne inspiration de lui .don- Trajan,
ner la dernière main dans un moment où tou- Dion-Cassius, se trouvant à Anliochè lors de
ce terrible tremblement de terre qui renversa
expliquerquelle était la vertu dontil était doué,ni celle presque toute la ville, fut sauvé par un dé-
du talisman; mais il assurait modestementn'être pas
le seul à-qui !a nature avait donné le pouvoirde s'en mon , lequel se présenta subitement devant
servir. Les Anglaisprésents essayèrent sans succès. lui, le prit entre ses bras, sorli't avec fui par
Quandvintle lourde lady Newark,elle Tutlebien sur- une fenêtre et l'emporta hors de la ville.
prise de se trouvertout aussi sorcièreque paysan
provençal. A son retour en Angleterre,elle n'osa faire
usage de la baguette ,divinatoire:qu'ensecret, de peur Transmigration des âmes. — Plusieurs an-
' d'êtretournée en ridicule.Maiseu 1803,lorsquele doc- ciens philosophes, comme Empédocle, Pylha-
teur Iiultoii publia les Recherchesd'Ozanam, où ce
prodige est traité .d'absurdité(tom.IV. p. 260),lady gore et Platon , avaient imaginé que les âmes
".Newark lui écrivitune lettre X. T. Z., pour lui après la mort passaient, du corps icrn'elles ve-
raconterles faits qui étaient à signée
sa connaissance.Le doc-
teUTrépondit,demandantdenouveauxrenseignements naient de quitter dans un autre corps, afin d'y
à soncorrespondantanonyme.Lady Newarkle satisfit, être purifiées avant de parvenir à l'étal de
et alors le docteurdésira être mis,en rapport direct
avecelle. Lady Newarkalla le voirà Woolwicii,et, sous béatitude. Les uns pensaient que ce passage
ses 3'eux,elledécouvritune sourced?eau dans un ter- se faisait seulement d'un corps humain dans
rain oùil faisaitconstruiresa .résidenced'été. -C'est ce
mêmeterrain que le docteurHnltona vendu.depuisau un autre de même espèce. D'autres soute-
collège de WooKvich. .avec un bénéficeconsidérableà
causede ,1asource.Le docteurne put .résisterà l'évi- naient-que certaines âmes entraient dans 1<
dencelorsqu'il vit, à l'approchede r.eau, la baguette corps d'un animalou dans celui d'une -plante
s'animer-toutàcouppour ainsi dire,s'agiter, se ^ployer, Cette transmigration était nommée par le
et mêmese briserdans les doigts.delady Newark, On
cite.encoreen Angleterre.sirCharlesH. el.missFenwich Grecs métempsycose et metensomaloso. -Ces
commeétant douésde la même faculté que lady Ne-
-wark,et à un degré plus élevé encore. Cette faculté encore aujourd'hui un des principaux-.article
inexplicable est tout à fait indépendantede la volition; delà croyance dos Indiens. — Ce dogme ab
elle a une grandeana'ogieaveccellequi distingueles suide leur fait considérer les maux de celt
Zahoriesespagnols;mais ceux-cine se serventpas de la
baguettede coudrier. vie, non comme une épreuve utile à la vertu
TUF; — ZiS3 TRI
niaiscommela punitiondes crimes commis marquéque de treize personnesréuniesà ;la
clansun autre corps.;n'ayant aucunsouvenir m ïme table,, il en meurt une dans l'année:;
de ces crimes, leur croyancene peut servir c( qui n'arrivejamaisquand on <esl.quatorze.
à leur en faire éviter aucun.Elle leur in- TrembleiHéntsde terré. — LesIndiensdès
spirede l'horreur pour la caste des parias, n-ontagnesdes Andescroient,;quniîd: la terr'é
parcequ'ilssupposentque ce sont des hom- lt îmMe, que Dieu quitte le cîé'lpour passer
niesqui ont commisdes crimesaffreuxdans t( us lesmortelsen revue.Danscelle pèrsuà-
une vie précédente.Elle leur donne plus de gj3ii, à peine sentent-ilsla secoussel'aplus
charité pour les animaux même nuisibles ^ gère, qu'ils sortent-tousde leurs 'huiles,
que pour les hommes,,el une aversioninvin- c lurent,sautent, él frappentdû pied en S'ép-
ciblepour les Européens, parce qu'ils tuent c iant : Nousvoici ! nousvoici'1—Certains
les animaux.Enfin, la multitudedes Irons- c acleursmusulmansprétendentque la terré
migrationsleurfait envisagerlesrécompenses e si portéesur les cornes d'un grand boeuf;
de la vertu dans un si grand éloignemenl, c uandil baisse la lêle,disent-ils,il cause des
qu'ils n'ontplus le couragede les mériter'. ( •eniblements deterre2.Leslamasde Tâ'rlariè
Trasulle. — Tibère,étantà Rhodes,voulut <roienlque Dieu, aprèsavoirforméTaterre ,
satisfairesa curiositérelativementà l'asiro- 1a poséesur le dosd'une immensegrenouille
logiejudiciaire.11fit venir l'un après l'autre j lune, et que lentes les fois que cet animai
tousceuxqui se mêlaientde prédirel'avenir, I rodigieuxsecouela 'tôleou allongeles pal-
sur une terrasseélevéede sa maisonan bord ' es, il fait tremblerla partie de la terré qui
do la mer. Un de ses affranchis,d'une taille st dessus3.
haute et d'une force extraordinaire, les lui Trésors. — On croitdans l'Ecossequ'il y
amenait à travers les précipices.Si Tibère t sous les montagnesdés trésorssouterrains
reconnaissaitque l'astrologuen'était qu'un tardéspar des géantset des fées; en Breta-
fourbe,l'affranchine manquaitpas, à Unsi- ;neoncroitqu'ilssont gardéspar un vieillard,
gnal convenu, de le précipiterdans la mer. )ar une vieille,par un serpent,par un chien
—Il y avait alors à Hhodesun certain Tra- îoir ou par de petitsdénions,hautsd'un pied,.
sulle, hommehabileclansl'astrologieet d'un ?our se saisir de ces trésors, il faut, après
esprit adroit.Il fut conduitcommeles autres quelquesprières, faire un grand Irou sans
à ce lieu écarté, assura Tibère qu'il serait lire un mol. Le tonnerre gronde, l'éclair
empereurel lui prédit beaucoupdechosesfu- brille,des charrettesde feus'élèventdansles
tures.Tibèreluidemandaensuites'il connais- airs, un bruit de chaînes se fait entendre;
saitses propresdestinéeset s'il avaittiré son bientôton trouve une l'onne d'or.Parvient-on
proprehoroscope.Trasulle,qui avait eu quel- à l'élever au bord du trou, un mot qui vous
quessoupçonsen ne voyantrevenir aucunde échappe la précipite—dans l'abîme à mille
ses confrères, et qui sentit redoubler ses pieds de profondeur. LesBretonsajoutent
craintesen considérantle visage de Tibère, qu'au momentoù l'on chante l'évangiledes
l'hommequi l'avait amenéel qui ne le quit- Rameaux,lesdénionssontforcesd'étalerleurs
tait point, le lieuélevéoù il se trouvait.,le trésors en les déguisantsousdes formes de
précipicequi était à ses pieds, regarda le pierres,de charbons,de feuillages.Celuiqui
ciel-commepour lire dans les astres; bientôt peut jeter sur eux des objets consacrésles
il s'étonna, pâlit," el s'écria épouvantéqu'il rend à leur premièrefornieet s'en empare''.
étaiimenacéd'unemortinstante.Tibère,ravi Voy.AUG'EIST.
d'admiration, attribua à l'astrologiece cpii Tribunal secret. — Sur le tribunal secret
n'était que de la présenced'esprit et de l'a- de Weslphalie, qu'on appelleaussi la Cour
dresse, rassura Trasulleen l'embrassant,et Yehmiq.ue, l'his'.oirene nousa conservéque
le regarda depuiscommeun oracle. des notionspeu satisfaisantes,parce que les
Trèfle à quatre feuilles. —..Herbe qui francs-jugesqui le composaients'engageaient
croîtsous les gibetsarroséedu sang des pen- parun sermentterribleà la discrétionla plus
dus;-unjoueur qui la cueilleaprès minuitle absolue, el que ce tribunal-étaitsi redouté
; premierjour de la lune, el la porte sur soi qu'onosait à peineprononcerson-nom,.On,a
\ avec révérence, est sûr de gagnerà tous les l'aitce conteabsurdesur son origine.Charle-
i jeux. .-..•„ ' VoyagesauPéoulaitsen1791,
nom- 1794,parlesPP.
ïreiie,,,—Nosanciensregardaientle Manuel Sjbre-Viela
et Barcelo.
bre treizecommeun nombrefatal, ayant re- 2 Voyage.àConstant-inoplc,
1S00.
;t Voyage
deJ. Belld'Antei-moni,
etc.
1 Bergier,'Dïctïonn. '' •'>CamVjry, dansle"Finit-tère.
t. H,.p.15.
dethéologie. Voyage
31.
TIU — /,8/i' ~ TRI
des — I
magne, vainqueur Saxons, envoya, dit- serment de lui prêter secours. Quelquefois 1
on, un ambassadeur au pape Léon 111pour on sommait l'accusé de comparaître par qua- I
lui demander ce qu'il devait faire de ces re- tre citations. Souvent aussi on le condamnait |
belles, qu'il ne pouvait dompter. Le saint- sans le citer, sans l'entendre. Un homme ah- i
père, ayant entendu le sujet de l'ambassade, sent, était légalement pendu ou assassiné sans 1
se leva sans répondre et alla dans son jardin, que l'on connût ni le motif, ni les auteurs de I
où, ayant ramassé des ronces et de mauvaises sa mort. Il n'était point de lieu qui ne piU j
herbes, il les suspendit à un gibet qu'il ve- servir aux séances du tribunal secret, pourvu 1
nait de former avec de petits bâtons. L'am- qu'il fût caché et à l'abri de toute surprise. S
bassadeur, à son retour, raconta à Charlema- Les sentences se rendaient toujours au milieu I
gne ce qu'il avait vu ; el celui -ci institua le de la nuit. Ceux qui étaient chargés de citer |
tribunal secret dans la Weslphalie pour for- l'accusé épiaient dans les ténèbres le moment 1
cer les païens du Nord à embrasser le chri- favorable pour afficher à sa porte la somma- |
stianisme et pour faire mourir les incrédules '. lion de comparaître devant le tribunal des in- |
— C'est une fausseté ; car dans ses lois contre visibles'. Les sommations portaient d'abord \
les Saxons, Charlemagne permit toujours à le nom du coupable, écrit en grosses lettres, |
ceux qui ne voulaient pas se soumettre de puis le genre de ses crimes; ensuite ces mois : j
sortir du pays. — Le tribunal secret qu'il in- Nous, les secrets vengeurs de l'Eternel, les ju- j
stitua connut par la suite de tous les crimes, gas implacables des crimes el les protecteurs de j
et même des fautes, de la transgression du l'innocence. ?ious te citons d'ici à trois jours
décalogue et des lois de l'Église, des irrévé- devant- le, tribunal de Dieu. Comparais! corn-
rences religieuses, de la violation du carême, jmrais! — La personne citée se rendait à un
des blasphèmes, etc. Son autorité s'étendait carrefour où aboutissaient quatre chemins.
sur tous les ordres de l'Etal : les électeurs, Un franc-juge masqué el couvert d'un man-
les princes, les évoques même y furent sou- teau noir s'approchait lentement, en pronon-
mis et ne pouvaient en être exemples que çant le nom du coupable qu'il cherchait. Il
par le pape ou par l'empereur. Mais il y avait l'emmenait en silence et lui jetait sur le vi-
du bon dans cet établissement, puisque plu- sage un voile épais pour l'empêcher de re-
sieurs princes le protégèrent. Toutefois ce tri- connaître le chemin qu'il parcourait. On des-
bunal se rendit par la suite coupable de bien cendait' dans une caverne. Tous les juges
des excès de sévérité. Les francs-juges étaient étaient masqués et ne parlaient que par
ordinairement inconnus. Ils avaient des usa- signes jusqu'au moment du jugement. Alors
ges particuliers et des formalités cachées pour on sonnait une cloche; le lieu s'éclairait;
juger les malfaiteurs; et il ne s'est trouvé l'accusé se trouvait au milieu d'un cercle de
personne à qui la crainte ou l'argent aient fait juges vêtus de noir 2. On lui découvrait le vi-
révéler le secret. Les membres du tribunal sage et on procédait à son jugement. —Mais
parcouraient les provinces pour connaître les il était rare qu'on citai de la sorte, hormis
criminels donl ils prenaient les noms; ils les pour les fautes légères. 11était plus rare en-
accusaient ensuite devant les juges secrets core que la personne citée comparai. Celui
rassemblés; on les citait, on les condamnait, que les francs-juges poursuivaient, se hâtait
on les inscrivait sur un livre, elles plus jeunes de quitter la 'Weslphalie 5, trop heureux d'é-
étaient chargés d'exécuter la sentence. Tous chapper aux poignards des invisibles. Quand
les membres faisaient cause commune, quand les juges chargés d'exéculer les sentences du
bien même ils ne s'étaient jamais vus, ils tribunal avaient trouvé leur victime, ils la
avaient un moyen de se reconnaître qui est pendaient avec une branche de saule au pre-
encore pour nous un mystère 2. Quand le tri- mier arbre qui se rencontrait sur le grand
bunal avait proscrit un accusé, tous les francs- chemin. Poignardaient-ils, ils attachaient le
juges avaient ordre de le poursuivre jusqu'à cadavre à un tronc d'arbre et y laissaient le
ce qu'ils l'eussent trouvé, et celui qui le ren- poignard , afin qu'on sût qu'il n'avait pas été
contrait était obligé de le tuer. S'il était trop assassiné, mais exécuté par un franc-juge.
faible pour se rendre maître du condamné, — Il n'y avait rien à objecter aux sentences
ses confrères étaient obligés en vertu de leur de ce tribunal ; il fallait les exécuter sur-le-
1 ScriptoruraBrunsvV'ick, t. III.
2 On prétendque les mots qui faisaientconnaîtreles et 1les Les francs-jugesse nommaientaussiles InviùbUs
Inconnus.Ils tenaient leurs séances partout et
affiliésdu tribunalsecret étaient ceux-ci : STOC,STEIN, part; et leurs brasse trouvaienten tous lieux.
GRAS,GIIEIN:baLon,pierre, herbe,pleurs. Au reste le nulle ?-Dans le procès de Conrad de Langen, il se trouva
secret qu'on gardait dans la société des invisiblesétait
si bien gardé, dit Mceser,que l'empereur lui-mêmene au3tribunal secret plus de trois cents francs-juges. le
savait pas pour quels motifsle tribunal secretf aisait Le tribunal secret désignait la Wcstphalie sous
exécuter un coupable. nom symboliquede la terre rouye.
TRI — /i85i — TRO
champavecla plusparfaiteobéissance.Tous Trois. — Les ancienscrachaienttrois fois
lesjugess'étaientengagéspar sermentà dé- dans ( leur sein pour détournerles enchante-
noncerencasdedélitpère, mère,frère,soeur, ments. i En Bretagne, un bruit qui se fait en-
ami, parentsans exception;el à immolerce ltendretroisfoisannonceun malheur.On sait
qu'ilsauraientde pluscherdès qu'ilsen re- aussi ; que trois flambeauxallumés dans la
sevraientl'ordre; celui qui ne donnaitpoint mômechambre
i sont un mauvaisprésage.
la mortà sonfrèrecondamnéla recevaitaus- Xrois-Échelles,•—sorcierde CharlesIX,
sitôt. On peut,juger de l'obéissancequ'exi- qui le fit.brûlerà la finpour avoir joint aux
geaitletribunalsecretde la part de sesmcm- ,sortilègesles empoisonnements et les meur-
lues par cemol du duc Guillaumedo Brun- tres. 11avouadans son interrogatoireque lo
swick, qui était du nombre des francs-ju- nombrede ceux de son temps qui s'occu-
ges: «11faudra bien, dil-il un jour triste- paient de magie passait dix-huit mille. •—
ment,queje fassependrelo duc Adolphede Bodinracontele tour suivantdo ce sorcier:
Sles'wick s'il vientme voir,puisqu'aulrement En présence,du duc d'Anjou,depuisHenriIII,
mesconfrèresme ferontpendremoi-même.» il attira les chaînonsd'unechaîned'ord'assez
—•11arriva quelquefoisqu'un franc-juge, loin,el lesfilvenirdans sa main; après quoi
rencontrantun de ses amis condamnépar le la chaînese trouva entière.Naudéparle de
tribunalsecret,l'avertitdu dangerqu'il cou- Trois-Èchellesdans le chapitre m do son
rait en lui disant: On mange ailleursaussi Apologiedes grandspersonnagessoupçonnés
bonpainqu'ici. Maisdèslorslesfrancs-juges de magie.Il reconnaîtque c'était un charla-
sesconfrèresétaienttenus par leur serment tan, un escamoteuret un fripon.
de pendrele traître sept piedsplus haut que — VOy.MACRODOK.
loulantrecriminelcondamnéau mêmesup- Trois-Slieux,
plice.— Cetribunalsubsistaplusieurssiècles Trolien, — esprits folletsqui, selon Le-
en Allemagne.11devintsi terribleque Inplu- loyer, se louentcommedomestiquesdans le
part des gentilshommes el des princesfurent Nord, en babilsde femmeou d'homme, et
obligésde s'y faire agréer. Vers la fin du s'emploientaux servicesles plus honnêtes(le
quinzième siècle,onlovil s'élevertoutà coup la maison.Cesontles mêmesque lesdrolles.
à un degréde puissancesi formidable,que Tronc d'arbre. — Le diable prend quel-
l'Allemagne entièreen fut effrayée.Quelques quefoiscetteformeau sabbat.
historiensaffirmentqu'il y avaità celle épo- — t'Ol/.SOiXGlïS.
que dans l'empireplus do cent mille francs- Trophonius ,
juges. On raconte,que le duc Frédéricde Trou du château de Cnrnoet.— .l'ai vi-
Brunswick, condamnépar les francs-juges, sité,ditCambrydanssonVoyageduFinistère,
s'étant éloignéde sa suite à peu près de la les ruinesmassivesde l'antique châteaude
portéed'un arc, le chefde ses gardes,impa- Carno'ét,sur la rive droite du Laïla (c'esl
tienté,alla le rejoindre,le trouvaassassinéet le nom que l'Isole et l'Ellé prennent après
vit encore le meurtrier s'enfuir. — Après leur réunion); les pans de murs, couverts
avoir été réforméà plusieursreprises par do grands arbres, do ronces, d'épines, do
quelquesempereurs,le tribunalsecretfuien- plantesde toutenaturene laissentapercevoir
tièrementaboli parl'empereurMaximilien I"1' que leur grandeur; des fossésremplisd'une
au commencement du seizièmesiècle1.Mais .eau vive l'entouraient, des tours le proté-
il en reste peut-êtredes vestigesen Allema- geaient;c'étaitsans douteun objetde terreur
gne; et l'assassinde Kolzebueétait membre pour le voisinage; il y paraît par les contes.
d'une sociétésecrèteoù l'on a cru retrouver qu'on nous en rapporte.Un de ses anciens
l'espritde l'ancientribunalsecret de Wesl- propriétaires,type de la BarbeBleue, égor-
phalie. geaitsesfemmesdès qu'ellesétaientgrosses.
Trithème (.IIÏAN) , •—savanl abbé de l'or- La soeurd'un saint devintson épouse; con-
dre de Saint-Benoît,qui cherchaà perfec- vaincue, quand elle s'aperçut de son état,
tionnerla sléganographio ou Partd'écrire en qu'il fallait cesser d'ûlre, elle s'enfuit; son
: chiffres.On prit ses livrespour des ouvrages barbare épouxla poursuit,l'atteint, lui tran-
magiques,el FrédéricII, électeurpalatin,fit che la têle el,retournedansson château.Le
brûlerpubliquement les manuscritsoriginaux sainl, son frère, instruitde cettebarbarie, la
quise trouvaientdanssa bibliothèque- 2.Mort ressusciteet s'approchede Carnoël: on lui
en 1546. refused'en baisserles ponls-levis.A la troi-
1OncroitqueceTuten1512. sièmesupplicationsans succès, il prend une
la lance en Pair; le
'- M.T.P. Bertin,Curiosités 1.1", poignéede poussière,
delalittérature,
1'.48. châteautombeavec le prince,il s'abîmedans
TRO: — Z|8<> TRO
les eniei-s ; re mou par lequel u passa subsiste necommandons seulement, quand on lire le
encore ; jamais,. disent les bonnes gens , on siang, que l'animal ait le cul derrière vous.
n'essaya d'y pénétrer, sans devenir la proie S>ic'est, par exemple, U-IÏmouton, vous lui tien-
d'un énorme duagoiu , dIrez la fêle dans vos jambes. Enfin, après
— su- c, ivoir saigné l'animal, vous faites une- levée
Troupe furieuse. En Allemagne la
persliiion a fait donner ce nom à de certains .'le corne du pied droit, c'est-à-dire que vous
chasseurs mystérieux qui sont censés peupler ui coupez un petit morceau de corne du pied
les forêts. Voy. MONSIEURDE I.A FOIIÈ'T,VE- Clroit avec un couteau ; vous le partagez en
cJeux el en faites une croix, vous niellez celle 1
Riiun, etc. :,roisetle dans un morceau de toile neuve ,
Troupeaux. — Garde des troupeaux. Les [luis vous la couvrez de votre sel'; vous pre-
bergers superstitieux donnent le nom de gav- \nez ensuite de la laine si vous agissez sur les j
des à do certaines oraisons incompréhensibles, imoutons; autrement vous prenez du crin, I
accompagnées,de formules.. Ce qui va suivre- vous en faites aussi une croisette que vous
nous fera comprendre. Le tout est, textuelle- mettez dans votre toile sur le sel ; vous mettez
ment transcrit des grimoires et autres mau- : celte laine ou crin une seconde couche de
sur
vais livres de noirs mystères. Nous pensons sel; vous faites encore une autre croisette de
que la stupidité de ces procédés les combat cire vierge pascale ou chandelle bénite, puis
suffisamment. Les recueils ténébreux donnent vous mettez le restant de votre sel dessus, el
ces gardes comme capables de tenir toute es- nouez le tout en pelote avec une ficelle :
pèce de troupeau en vigueur et bon rapport. frottez avec cette pelote les animaux au sor-
— Le château de Belle-Garde pour les chevaux. tir de l'écurie, si c'est des chevaux; si c'est
Prenez du sel sur une assiette; puis, ayant le des moutons, on les frottera au sortir de la
dos tourné au'lever du soleil et les animaux bergerie ou du parc, prononçant les paroles
devant vous, prononcez . la- lèle nue , ce qui qu'on aura employées pour le jet; on conti-
suit -. — « Sel qui est fait et formé'au château nue à frotter pendant un, deux, trois, sept,
de Belle, je le conjure au nom de Gloria, neuf ou onze jours de suite. Ceci dépend de
Dorianlé et de Galliane , sa soeur; sel, je te la force et de la vigueur ries animaux. —
conjure que tu. aies à me tenir, mes vifs che- Notez que vous ne devez faire vos jets qu'au
vaux de bêles cavalin.es que voici présents-, dernier mol: quand vous opérez sur les che-
sains el nets, bien buvants, bien mangeants, vaux, prononcez vivement; quand il s'agira
gros el gras ;' qu'ils soient à ma volonté; sel de moulons, plus vous serez long à prononcer,
dont sel, je te conjure par la puissance de mieux vous ferez. — Toutes les gardes se
gloire, el parla vertu de gloire, el en toute commencent le malin du vendredi au crois-
mon intention toujours de gloire.» — Ceci pro- sant de la lune; el en cas pressant, on passe
noncé au coin: du soleil levant, vous gagnez par-dessus ces observations. 11fau Lavoir soin
l'autre coin, suivant le cours de cet astre, vous que vos pelotes ne prennent de l'humidité,
y prononcez ce que dessus. Vous en faites de^ parce que les animaux périraient. On les
môme aux autres coins; et. étant de retour porte ordinairement dans un gousset ; mais,
où vous, avez commencé , vous y- prononcez, sans vous charger de ce soin inutile, faites
de nouveau les mêmes paroles. Observez ce que font les praticiens experts : placez-les
pendant loutela cérémonie que les animaux chez vous on quelque lieu sec el ne craignez
soient, toujours devant vous, parce que ceux, rien. Nous avons dit ci-dessus de ne prendre
qui traverseront sont autant de bêles folles. de la corne que du pied droit pour faire la
Faites-ensuite, trois-tours autour de vos che- pelote; la plupart, en prennent des quatre
vaux, faisant des jets de voire sel.sur les ani- (lieds, et en font conséquemment deux croi-
maux, disant : « Sel, je le jette de la main que settes, puisqu'ils en ont quatre morceaux.
Dieu m'a donnée ;. Grapin, je le prends, à, loi Gela est1 superflu el ne produit rien de plus.
je m'attends, etc. » — Dans le restant de Si vous faites toutes les cérémonies des quatre
votre sel, vous saignerez l'animal sur qui on coins au seul coin du soleil levant, le troupeau
monte,, disant : « Bête cavaline;, je te saigne, sera moins dispersé.—Remarquez qu'un ber-
de la main que Dieu; m'a donnée ;. Grapin, je, ger mauvais, qui enveu ta celui qui le remplace,
te prends:, à toi je m'attends.. » On doit sai- peut lui causer bien des peines et même faire
gner avee.uiii morceau-de bois-,dur, comme du périr le troupeau; premièrement parle moyen
buis ou poirier;; on tire le- sang de quelle, de la pelote qu'il coupe en morceaux et qu'il
partie- on veut, quoi qu'on disent quelques disperse, soit sur une table ou ailleurs, soit
capricieux, qui affectent, des vertus, particu- par le moyen d'une taupe ou, d'une.belette,
lières à, certaines parties de ranimai, Nous soit enfin par le moyen d'une grenouille, ou
TRO — un:V— TRU
aine verte, ou queue de morue, qu'il met quelque'couleurque lu sois, s'il y a quelque
huis une' fourmilière, disant: Maudilion-, gale ou rognesi#rloi, fût-ellemiseet faite à
jerdition.Il l'y laissedurantneufjours,après neuf piedsdans lerre, il est vrai qu'elles'en
1
lesquelsil la relèveavec les mêmesparoles, ira et mortira. » Vousvous servirezpour le
;;i niellant en poudre et en semantoù doit jet el pour les;frottementsdesmotssuivants,
paîtrele''troupeau.Il se-'sertencorede trois el aurez recoursà ce que nous avonsdit-au
caillouxpris en différentscimetières, et par chàiteaude Belle: «Sel,je le jette de la main
le moyen de certaines paroles que nous ne que Dieum'a donnée1.Voloet vono Raptista
voulonspas révéler,ii donnedéscourantes, Sa-nclu- Aca latumesi.» — Gardepourempê-
causefa gale et faitmourirautant d'animaux cher les loupsdientrersur le terrain,où-sont
qu'ilsouhaite. — Autregarde. « Aslarin,As- lesmoutons.Placez-vousau coindu soleille-
tarot qui es Bahol,je te donnemontroupeau vantet prononcezcinq foisce qui va suivre.
à la chargeclà la garde; et pour tonsalaire Si vousne le souhaitezprononcerqu'unefois,
je le donneraibêle blancheou noire-, telle vousen ferezautant cinq jours de suite. —
qu'il me plaîra. Je le conjure, Aslarin, que «Viens, bêle à laine, je le garde. Va droit,
lu me les gardes partoutdans ces jardins,en bêle grise, à gris agripeuse; va chercherla
disant hurhipapin.» — Vous agirez suivant proie, loups el louveset louveteaux;lu n'as
ceque nousavonsdit au châteaude Belle,et pointà venirà celle viandequi eslici. « Ceci
ferezle jet prononçantce qui suit : « Gupin prononcéau coinque nousavonsdit,, oncon-
féranla faillile grand, c'est Caïn qui le fait tinuede faire de même aux autres coins; et
chat.» (Vous les frotterezavec les mêmes de retour où l'on a commencé, on le répèle
paroles.')— Autre garde. «'Bêle à laine, je de nouveau.Voyezpourlereste le châteaude
prie Dieu que la saignorieque je vais faire Belle,puisfaiteslejpt avecles parolesqui sui-
prenneet profileà ma volonté'-, .le te conjure vent: Vanusvanes.attaquezselsoli. — Garde
(|iie lu casséset,brisestonssorts et enchan- pour leschevaux. « Sel, qui est faitet formé
tementsqui pourraientêtre passés dessusle de l'écumede la mer, je te conjure que .tu
corpsde monvif troupeaude bêlesà laineque fassesmon bonheuret le profitde monmaî-
voiciprésentdevant.Dieuel,devantmoi, qui tre; je le conjureau nomde Crouay, Bonet
sontà ma charge et,à ma garde,etc.»Voyez Kouvayet,viens ici, je te prendspour mon
ci-dessusce que nous avonsdit pouropérer valet (enjetant le sel). (Gardez-vousde dire
au châteaude Belle, el, vous servez pour le Houvaye.)Ce que tu ferasje le trouveraibien
jet et froltemenldes' paroies qui suivent : fait. » — Cette garde est.forleel quelquefois
« Passefluri-,tirlipipi.•—Gardecontrela gale, pénible,dil l'auteur. Quellesstupidités!-Voy.
rogne,et clavelée.« Ce fut par un lundi au Oiuisoixnu Loue.
malin que le Sauveur du monde passa, la
Trows, — esprits qui , dans l'opiniondes
sainteViergeaprès lui, monsieursaintJean habitantsdes
son pastoureau,son ami, qui cherchesondi- lies Shetland, résidentdans les
vin troupeau.— Montroupeausera sain et cavernesintérieuresdescollines.Ils sont ha-
biles ouvriersen fer el en toutes sortes de
joli, qui est sujet à moi. .le prie madame métaux
sainleGenevièvequ'elle m'y puisse servir G.NAUDS précieux. Voy. MINEVUS , MO.NTA-
(l'amie dans ce malin claviau ici. Glaviau , elc.
bannide Dieu,je le commandeque lu aies à Truie. — Lesjuges laïcsde l'a prévoiede
sortir d'ici, et que tu aiesà fondreet confon- Paris, qui étaient irès-ardents, firentbrûler
dre devantDieu et devantmoi, commefond en 4466 Gillet-Soularlet sa truie , pauvre
la roséedevantle soleil, etc. — « 0 sel! je charlatan qui avait simplementappris à sa
le conjurede la part du grand Dieuvivant, pauvretruie Pari de se redresseret de tenir
que lu mepuissesservirà ce que je prétends, une quenouille.Onl'appelaitla truie qui file,
que tu me puisses préserver et garder mon el une enseignea conservéson souvenir.On.
troupeaude rogne,gale, pousse, de pousset, voyaitlà une oeuvredu diable.Maisil fallait
degobesel demauvaiseseaux.»Avantfoules qu'ily eût encorelà--dessous quelquehorreur.
choses,à celle garde (rédigée,ainsi que.les — «Rieu de plus simple, dit alors M.Victor
autres, par quelquepaysan), ayez recours Hugo(Notre-Damede Paris), qu'un procès-
au châteaude Belleet faitesle jet et les frot- de sorcellerieintenté à un animal. Ontrouve
tements,,prononçantquelques formules.— dansles comptesde la prévôtépour 41466 un
Gardecontre'lagale. « Quandnoire Seigneur curieuxdétail des frais du procèsde Gillet-
montaau ciel, sa saintevertu en terre laissa. Soulartel de,sa truie, exécutéspourleursdé-
Pasle.,Colletet Hervé;tout ce que Dieua dit méritesà Gorbeil.Tout-yest, le coût des fos-;
a étébien-dit.Bèterousse,blancheou noire,de ses pour mettrela truie, les cinq cotrelspris
TU11 — Zi885 — TÏU {
sur le port de Morsanl, les (rois pintes de vin s troupe. Dès qu'il fut parti, je me mis à j
sa
et le pain, dernier repas du patient, fraternel- 1
réciter le premier psaume; à peine l'avais-je '
lement partagé par le bourreau, jusqu'aux I que j'entendis tous ces démons qui reve-
fini
onze jours de garde et de nourriture de la i
naient : le vacarme m'obligea de regarder par
truie , à huit deniers parisis chaque. » 1 même croisée, et je les trouvai tristes, in-
la
TulHe. — Vers le milieu du seizième siè- 'quiets et chagrins. Alors je demandai à celui
cle, on découvrit un tombeau près de la voie qui m'avait déjà parlé de me déclarer ce
Appienne. On y trouva le corps d'une jeune qu'ils avaient fait et quel avait été le succès
fille nageant dans une liqueur inconnue. Elle de leur entreprise. — Très-mauvaise, me
avait les cheveux blonds, attachés avec une répondit-il : à peine fûmes-nous arrivés à 1
boucle d'or; elle était aussi fraîche que si elle notre rendez-vous, que l'archange Michel j
n'eût été qu'endormie. Au pied de ce corps , vint avec la légion qui est sous ses ordres !
il y avait une lampe qui brûlait et qui s'étei- pour s'opposer à notre dessin ; et comme nous j
voulions nous saisir de l'âme du roi, il se ':
gnit d'abord que l'air s'y fut introduit. On re-
connut à quelques inscriptions que ce cadavre présenta deux hommes sans tète , saint .lac- >':
était là depuis quinze cents ans, et on con- ques de Galice et saint Denis de France. Ils ï
mirent dans une balance toutes les bonnes I
jectura que c'était le corps de Tullie, fille de oeuvres de ce prince. Ils y firent entrer tout
Cieéron. On le transporta à Borne et on l'ex- j!
le bois et les pierres employés aux bâtiments !
posa au Capitule, où tout le monde courut en et ornements des églises construites par lui,
foule pour le voir. Comme le peuple imbécile j
et généralement, tout ce qui contribue à la i
commençait â rendre à ces restes les honneurs
dus aux saints, on les fil jeter dans le Tibre, gloire de Dieu. Nous ne pûmes rassembler j
assez de maux et de péchés pour l'emporter. '
l'oy. LAMPES MERVEILLEUSES.
A l'instant, ravis de nous voir honteux et con-
Turlupîns, —secte de libertins qui allaient fus, pleins de joie d'ailleurs de nous avoir en-
tout nus et qui renouvelaient en France, en levé l'âme du roi, ils nous ont fustigés si fort,
Allemagne et dans les Pays-Bas, au qua-
torzième siècle, les grossièretés des anciens qu'ils nous ont causé la tristesse cl le chagrin
où vous nous voyez, autant pour la perte que
cyniques. Ils disaient que la modestie et les nous venons de faire que pour le mal que
moeurs étaient des marques de corruption , et nous avons reçu. — Ainsi moi, Turpin, je
que tous ceux qui avaient de la pudeur étaient, fus assuré que l'àme du roi, mon maître,
possédés du diable. avait été enlevée par les mains des anges bien-
Turpin, —voy. CUAULIÎMAGNE. On met la heureux, par les mérites de ses bonnes oeu-
vision qui suit sur le compte du bon Turpin. vres, et par la protection des saints qu'il a ré-
— «Moi, Turpin, archevêque de lleims, étant vérés et servis pendant sa vie. Aussitôt je fis
à Vienne (en Dauphiné), après avoir chanté la venir mes clercs; j'ordonnai cle faire sonner
messe dans ma chapelle, et y avoir célébré les toutes les cloches de la ville, je fis dire des
saints mystères, comme j'étais resté seul pour messes, je distribuai des aumônes aux pau-
réciter quelques psaumes, et que j'avais com- vres, enfin je fis prier pour l'àme du prince.
mencé le Deus, in a-djularium mc.um inlcnde, Alors même je témoignai à tous ceux que je
j'ouïs passer une grande troupe d'esprits ma- voyais que j'étais assuré de la mort de l'em-
lins, qui marchaient avec beaucoup de bruit pereur. Au bout de dix jours, je reçus un
cl, de clameurs. Sur-le-champ je mis la tète courrier par lequel on m'en marquait tout le
à la fenêtre pour voir ce que c'était, et je re- détail, et son corps fut inhumé dans l'église
marquai une multitude de démons, mais si que lui-même avait fait bâtir à Aix-la-Cha-
nombreux qu'il n'était pas possible de les pelle '. « Voy. VETIN.Malheureusement pour le
compter; et, comme ils marchaient tous à conte , il paraît que l'archevêque Turpin était
grands pas, j'en remarquai un moins haut mort en "794, et Charlemagne mourut en 814.
que les autres, dont néanmoins la figure fai- Eyliilenus, — nom du mauvais génie chez
sait horreur. 11 était suivi d'une troupe qui les Saxons.
venait après lui à quelque distance, .le le con- — peau de bouc dont les sor-
Tjmpanon,
jurai de me déclarer au plus tôt où ils al- ciers font des outres où ils conservent leur
laient. «Nous allons, dit-il, nous saisir de bouillon. Voy. SABBAT.
l'àme de Charlemagne, qui venait, de sortir — sorte d'instrument dont les Lapons
ce
de monde. — Allez, lui répondis-je, et, par Tyre,
le même ordre que j'ai déjà employé, je vous 1 VisioTurpiniRemcnsisarchiepiscopi,qualitorani-
niamltaroli Maguirîîemonibus abstulerunldiioacephali,
conjure de repasser ici pour me rapporter ce beatus scilicetJacobusapostolus,et Macharius arcopa-
que vous aurez fait. » Il s'en alla donc et suivit gita Dionysius.Manuscr.Bibl. reg. n° 2147,p. 134.
VAC — /i89 — . YAC
se servent pour leurs opérationsmagiques, les Lapons vendentcette lyre ; qu'elle est
gcheffernousen fournitla description: Celle commeanimée,qu'ellea du mouvement; en
ivre n'est autre chosequ'une bouleronde, sorteque.celuiquil'a achetéela peut envoyer
do la grosseur d'une noix ou d'une petite en qualitéde maléficessur qui il lui plaît. La
pomme,faitedu plustendreduvet,poliepar- lyre va commeuntourbillon.S'il se rencontre
tout et si légèrequ'elle semblecreuse. Elle en son cheminquelquechose d'animé, celle
estd'une couleurmêléede jaune, de vert et chosereçoitiemal qui était préparépourune
de gris; le jaune y domine.On assure que autre.
Wade,-—voy. \.\im. !
lenttout comprendre,dansun mondeoùnous
environnésde tant de chosesque
Walhalla, — paradisdes guerrierschez sommes
les anciensScandinaves.Pour y entrer, il (al- nousne comprenons pas. C'estunehallucina-
lait êlremorten combattant.On y buvaitde tion épidémiqueque l'exemplecitéde l'Écos-
la bière forte dans une coupequi ne se-vi- saisPatrickWaller, si, en effet, il n'y avait
dait jamais. On y mangeaitdesbiftecksd'un là que,les phénomènesd'une-auroreboréale.
— « En l'année 4686, aux moisde juin elde
se
sangliervivant, qui prêtait à la choseet
qui était toujoursentier. juillet, dit l'honnêteWalker, plusieursper-
sonnages encorevivantspeuventattesterque,
"Walkiries,— féesdes Scandinaves.Elles près le bacde Crosford.deuxmillesau des-
ont, commela mythologiedont elles dépen- sousde Lanark,el particulièrement auxMains,
dent, un caractèretrès-sauvage. sur la rivièrede la Clyde, une grandefoule
"Wall, — grandel puissantduc du sombre de curieuxse rassemblaplusieursfois après
empire; il a la formed'un dromadairehaut midipour voirune pluiede bonnets,de cha-
et terrible; s'il prendfigurehumaine,il parle peaux, do fusilset d'épées; les arbres el lo
égyptien; il connaîtle présent, le passé et terrainen étaient couverts: des compagnies
l'avenir; il était de l'ordre des puissances; d'hommesarmés marchaienten l'air le long
trente-sixlégionssontsousses ordres. de la rivière, se ruaient les unes contreles
et disparaissaientpour faire place à
"Walter. — Jacques1er,roi d'Ecosse,Tut autres, bandesaériennes.Je suisallé là(rois
massacréde nuit, dans sonlit, par sononcle d'autres
fois consécutivementdans l'après-midi, et
Waller, que les historiens ont
français appelé j'ai observéque les deux tiers des témoins
G-aulliier,et qui voulaitmontersur le trône. avaientvu, el que l'autre tiers n'avait rien
Maisce traître recul, à Edimbourg,le prix vu. n'eusserien vu moi-même,
de son crime; car il fut exposésur un pilier, ceuxQuoiqueje
el là, devanttout le monde. on lui mit sur et unqui voyaientavaientune toile frayeur
tel tremblement,que ceux qui ne
la tète une couronne,de fer qu'on avait l'ail s'en apercevaientbien.Ungen-
dansun voyaientpas
rougir grandfeu, aveccelle inscrip- tilhomme,lout près de moi, disait : « Ces
tion: Le roi des traîtres. Un astrologuelui damnéssorciersont uneseconde
avait promisqu'il serait couronnépublique- diable vue; car le
mentdansunegrandeassembléede peuple... el m'emportesi je voisquelquechose; »
sur-le-champ il s'opéra un changement
"WulterScott. — L'illustreromanciera danssa physionomie. 11voyait. Plus effrayé
publié sur la Démonologie et les sorciersun que lesautres, ils'écria : « Voustousqui ne
recueilde lettresintéressantesqui expliquent voyezrien, ne dites rien; car je vousassure
cl qui éclaircissenlles particularitésmysté- que c'est un fait visiblepour lotisceux qui
rieuses, les croyanceset les traditionspopu- ne sont pas aveugles.» Ceuxqui voyaientces
laires dont il a fait, usage si' souventel si choses-là pouvaient décrire les espèces de
heureusement danssesromanscélèbres.Peut- batteries(lesfusils, leur longueuret leur lar-
être les opinionsreligieusesde l'auteur ont- geur, et la poignéedos épées, les gansesdes
elles laissé dansson esprit un peu trop de bonnets, etc. » — Ce phénomènesingulier,
scepticisme;peut-êtreest-il trop enclinà ne auquellu multitudecroit, bienque seulement
voir, danslesmatièresqui fontle sujetde ses lesdeux tiers eussent,vu , peut se comparer,
lettres, que les aspectspoétiques.11est tou- ajouteWaller Scott, à l'actionde ce plaisant
tefois agréable de suivre le grand écrivain qui, se posantdansl'attitudede l'étonnement,
dansdes recherchesaussi piquantes.—Dans lesyeuxiixéssurle liondebronzebienconnu
la premièrelettre, il établit que le dogme qui"ornela façadede l'hôtelde Norlhumber-
incontestabled'une âme immatériellea suffi landclansle Strand (à Londres),attira l'at-
pour accréditerla croyanceaux apparitions. tentionde ceuxqui le regardaienten disant:
U voitdans la plupartdes apparitionsde vé- « Par le,ciel, il remue!... il remuede nou-
ritableshallucinations.;il a raisonen général. veau! » el réussitainsi en peu de minutesà
Maisil ne faut pas faire de cette explication faireobstruerla rue par une fouleimmense;
unsystème,à la manièredes espritsqui veu- lesunss'imaginantavoireffectivement aperçu.
YVAL —. 52.'ii — YVAL
le lion de Perc.y remuer la queue ; les autres 1lier effet n'était que la conséquence de sa
attendant pour admirer la même merveille, i
mauvaise santé, el ne devait sous aucun autre
— De véritables hallucinations sont enfantées irapport être considéré commesujelde frayeur.
par une funeste maladie que diverses causes Au bout d'un certain temps les fantômes pa-
peuvent faire naître. La source la plus fré- rurent moins distincts dans leurs formes, pri-
quente de celle maladie, est dans les habitu- rent des cou leurs moins vives, s'affaiblirent aux
des d'intempérance de ceux qui, par une suite yeux du malade, el finirent par disparaître en-
d'excès de boissons, contractent ce que le tièrement. — Un malade du docteur Gregory
jieuple nomme les diables bleus, sorte de d'Edimbourg, l'ayant fait appeler, lui raconta,
spleen ou désorganisation mentale. Les joyeu- dans les termes suivants, ses singulières souf-
ses illusions que dans les commencements frances : « J'ai l'habitude, dit-il, de dîner à
enfanté l'ivresse s'évanouissent avec le temps, cinq heures, et lorsque six heures précises
et dégénèrent en impressions d'effroi. -— Le arrivent, je suis sujet à une visite fantasti-
fait qui va suivre fut. raconté à l'auteur par que. La porte de la chambre, même lorsque
un ami du patient. Un jeune homme riche, j'ai eu la faiblesse de la verrouiller, ce qui
qui avait mené une vie de nature à compro- m'est arrivé souvent, s'ouvre tout à coup;
mettre à la fois sa santé el sa fortune, se vit une vieille sorcière, semblable à celles qui
obligé de consulter, un médecin. Une (les cho- hantaient, les bruyères de Foires, entre d'un
ses dont il se plaignait le plus, était la pré- air menaçant, s'approche, se jette sur moi,
sence habituelle d'une suite de fantômes ha- mais si brusquement que je ne puis l'éviter,
billés de vert, exécutant dans sa chambre une el alors me donne un violent coup de sa bé-
danse bizarre dont il était forcé de suppoiler quille; je tombe de ma chaise sans connais-
la vue, quoique bien convaincu que lout le sance, et je reste ainsi plus ou moins long-
corps de ballet n'existait que dans son cer- temps. Je suis Ions les jours sous la puissance
veau. Le médecin lui prescrivit un régime; il de celle apparition...» — Le docteur demanda
lui recommanda de se. retirer à la campagne, au malade s'il avait jamais invité quelqu'un
d'y observer une diète calmante, de se lever à être avec lui témoin d'une semblable visite.
de bonne heure, de faire un exercice modelé, Il répondit que non. La nature de spn mal
d'éviter une trop grande fatigue. Le malade élail si particulière, on devait si naturelle-
se conforma à cette prescription el se réta- ment l'imputer à un dérangement mental,
blit. — Un autre exemple d'hallucinations est qu'il lui avait toujours répugné d'en parler à
celui de M. Nicolaï, célèbre libraire de Ber- qui que ce fût. « Si vous le, permettez, dit,
lin. Cet homme ne se bornait pas à vendre le docteur, je dînerai avec vous aujourd'hui
des livres, c'était encore un littérateur; il eut tôle à tète, el nous verrons si voire.méchante
le courage moral d'exposer à la société phi- vieille viendra troubler notre société. Le ma-
losophique de Berlin ie récit de ses souffran- lade accepta avec gratitude. Us dînèrent, et
ces, el d'avouer qu'il était sujet à une suite le docteur, qui supposait, l'existence de quel-
d'illusions fantastiques. Les circonstances de que maladie nerveuse, employa le charme de
ce fait peuvent, être exposées très-brièvement, sa brillante conversation à captiver l'attention
comme elles l'ont élé au public , attestées par de son hôte pour l'empêcher de penser à
les docteurs Eerriar et Hibberl, et autres qui l'heure fatale qu'if avait coutume d'attendre
ont écrit sur la démonologie. Nicolaï fait re- avec terreur. Il réussit d'abord. Six lieures
monter sa maladie à une série de désagré- arrivèrent sans qu'on y fit attention. Mais à
ments qui lui arrivèrent au commencement peine quelques minutes étaient-elles écoulées,
de 4794. L'affaissement d'esprit occasionné que le monomane s'écria d'une voix troublée :
par ces événements fut encore aggravé, par « Voici la sorcière! » et, se, renversant sur sa
ce fait qu'il négligea l'usage de saignées pé- chaise, il perdit connaissance. Le médecin lui
riodiques auquel il élail accoutumé ; un lel tira un peu de sang, el se convainquit que
état de santé créa en lui la disposition à voir cet accident périodique, dont se plaignait le
des groupes de fantômes qui se mouvaient, et malade, était une tendance à l'apoplexie. —
agissaient devant lui, et quelquefois même Le fantôme à la béquille était simplement une
lui parlaient. Ces fantômes n'offraient rien de sorte de combinaison analogue à celle dont la
désagréable à son imagination., soil par leur fantaisie produit le dérangement appelé éphial-
forme, soit par leurs actions, elle visionnaire le, ou cauchemar, ou toute autre impression ex-
possédait trop de force d'âme pour.ètro saisi térieure exercée sur nos organes pendant le
à leur présence d'un sentiment autre que ce- sommeil. — Un autre exemple encore nie fut
lui de la curiosité, convaincu qu'il était pen- cité, dit Walter Scolt, par le médecin qui avait
dant toute la durée de l'accès, due ce singu- été dans le cas de l'observer, Le malade était uo
YVAL ;-2:"i— YVAL
honorablemagistrat, lequel avait conservé (qui entraitel sortait, sans queje passe dire
entière sa réputationd'intégrité,d'assiduité (comment,jusqu'àce qu'enfinla véritémefût
el de bonsens.— Au momentdes visitesdu idémontrée,el queje mevisseforcéà ne plus
médecin. il en élail réduit à garderla cham- 'Ile regarder commeun animal domestique,
bre, quelquefoisle lit; cependant, de tempsà maisbien commeun jeu qui n'avait d'exis-
autre appliquéaux affaires, de manièreque tenceque dansmesorganesvisuelsen désor-
rien n'indiquaità un observateursuperficiel dre , ou dans mon imaginationdéréglée.
la moindre altérationdans ses facultésmo- Jusque-là, je n'avais nullement pour cet.
rales; aucun symptômene faisait craindre animai l'aversionabsoluede ce brave chef
une maladieaiguëou alarmante; maisla fai- écossaisqu'on a vu passerpar les différentes
blessedu pouls, l'absencedo l'appétit,le con- couleursde son plaid lorsquepar hasardun
stant affaiblissementdes esprits semblaient chat se trouvaitdans un appartementavec
prendre leur originedans une cause cachée lui. Au contraire,je suis ami des chats, et
que le maladeétait résolu à taire. Lesens je supportaisavec tranquillitéla présencede
obscurdes parolesde cet infortuné, la briè- mon visiteur imaginaire,lorsqu'unspectre-
vetéetla contraintedeses réponsesaux ques- d'une grandeimportanceluisuccéda.Cen'é-
tionsdu médecin, le déterminèrentà une tait autrechosequel'apparitiond'unhuissier
sorte d'enquête.11eut recoursà la famille: de la cour.— Ce personnage,avecla bourse
personnene devinaitla causedu mal. L'état el l'épée, une veste brodée et le chapeau
'des affairesdu patientétait prospère;aucune sousle bras, se glissaità mescôtés, et, chez
perle n'avait pu lui occasionnerun chagrin; moiouchezles autres, montaitl'escalierde-
aucundésappointement danssesaffectionsne vant moi. commepour m'annoncerdans un
pouvaitse supposerà son âge; aucune idée salon, puisse mêlaità la société, quoiqu'il
de remordsne s'alliait à son caractère.Le fût évident que personnene remarquâtsa
médecineut.doncrecoursavecle monomane présence,el que seul je fussesensibleaux
à une explication ; il lui parla de la folioqu'il chimériqueshonneursqu'il me voulaitren-
y avaità se vouerà une mort triste el lente, dre. Cellebizarreriene produisitpas beau-
plutôtque de dévoilerla douleur qui le mi- coupd'eflêtsur moi; cependantellem'alarma
nait.Il insistasur l'alleinlequ'il portailà sa à cause de l'influencequ'elle pouvait avoir
réputation en laissant,soupçonnerque son sur mesfacultés.Aprèsquelquesmois,je n'a-
abattement,pût,provenird'une cause scanda- perçus plus que le fantômede l'huissier: il
leuse,peut-êtremêmetropdéshonorantepour fut remplacépar unautre, horribleà la vue,
être pénétrée; il lui fit.voirqu'ainsiil légue- puisquece n'estautrechose que l'imagede
rait à sa familleun nom suspect,el terni. Le la mortelle-même,un squeletle.Seulou en
malade, frappé, exprimale désirde s'expli- compagnie,la présencede ce fantômene
quer franchementavec le docteur: et, la m'abandonnejamais. En vain je me suis
porte de la chambrefermée, il entrepritsa répété cent fois que ce n'esl qu'une image
confessionen cestermes: — « Vousne pou- équivoqueet l'effetd'un dérangementdans
vez comprendrela naturedéniessouffrances, l'organede ma vue; lorsqueje me vois, en
et votre zèle ni votre habileté ne peuvent idée, à la vérité, le compagnond'un tel fan-
m'apporlerde soulagement.La situationoù tôme, rien n'a de pouvoircontreun pareil
je metrouven'estpourtantpasnouvelle,puis- malheur,et je sensqueje doismourirvicti-
qu'on la retrouvedans le célèbreroman de med'une affectionaussi mélancolique,bien
Lesage.Vousvoussouvenezsans doutede la que je ne croiepas à la réalité du spectre
maladiedont il y est dit que mourutle duc quiest devantmesyeux.» —Le médecin,af-
d'Olivarès: l'idée qu'il était visité par une fligé, fit au malade,alors au lit, plusieurs
apparition,à l'existencede laquelleil n'ajou- questions.« Ce squeletle,dit-il, sembledonc
tait aucunementfoi; maisil en mourutnéan- toujoursla? — Monmalheureuxdestinest de
moins,vaincuelterrassépar sonimagination. le voir toujours.— Je comprends; il est à
— Je suis dans la mêmeposition;la vision l'instantmêmeprésentà votreimagination?
acharnéequi me poursuitest si pénibleet si — Il est présenta l'instantmême.—Et dans
odieuse, que ma raisonne suffitpas à com- quellepartiedevotrechambrele voyez-vous?
battremoncerveauaffecté: bref, je suisvic- — Au pied de.monlit; lorsque les rideaux
timed'unemaladieimaginaire.»—Leméde- sont entr'ouverls,il se place entre eux, et
cin écoutait avec anxiété.— « Mesvisions, remplitl'espacevide.— Aurez-vousassezde
reprit le malade, ont commencé il y a deux couragepour vousleverel.pourvousplacer
ou trois ans. Je nie trouvaisde temps on à l'endroit qui voussembleoccupé,afin de
temps troublépar la présenced'un gros chat; vousconvaincredela déception?»—Lepau—
YVAL *- :,2(i — YVAL
vre homme soupira, el secoua la tète d'une iression profonde de ce que, un jour qu'il
manière négative. « Eh bien! dit le docteur, mvrail les portes de son collège, il entendit
nous ferons l'expérience une autre fois. » Alors la voix de sa mère, à plusieurs milles de dis-
il quilla sa chaise aux côtés du lit; et se pla- lance, l'appeler par son nom; el il paraît,
çant entre les deux rideaux enlr'ouverls, in- surpris de ce qu'aucun événement de quelque
diqués comme la place occupée par le fantô- importance n'ait suivi cet avertissement. « Le
me, il demanda si le spectre était encore, fait que voici fera connaître encore par quels
visible. •— « Non entièrement., dit le malade, incidents futiles l'oreille humaine peut être
parce que votre personne est entre lui el moi ; abusée. L'auteur de ce livre marchait, dans
mais j'aperçois sa tôle par-dessus vos épau- un lieu solitaire et sauvage, avec un jeune
les. »— Le docteur tressaillit un moment, homme frappé de surdité, lorsqu'il entendit,
malgré sa philosophie, à une réponse qui af- ce qu'il crut être les aboiements d'une meule,
firmait, d'une manière si précise, que le spec- répétés par intervalles : c'était dans la saison
tre le louchait de si près. 11recourut à d'uu- de l'été, ce qui, après une courte réflexion ,
,lres moyens d'investigation, mais sans succès. persuada à l'auditeur que ce ne pouvait être
Le malade tomba dans un marasme encore le bruit d'une chasse; cependant ses oreilles
plus profond; il en mourut, et son histoire lui reproduisaient continuellement, les mêmes
laissa un douloureux exemple du pouvoir que sons. 11 rappela ses chiens, dont deux ou
le moral a sur le physique , lors même que trois le suivaient; ils s'approchèrent parfai-
les terreurs fantastiques ne parviennent pas tement-tranquilles, el ne paraissant évidem-
à absorber l'intelligence de la personne qu'elles ment point frappés des sons qui attiraient
tourmentent. — Citons encore, comme fait l'attention de l'auteur, au point qu'il ne put
attribué à l'hallucination, la célèbre appari- s'empêcher de dire à son compagnon : « J'é-
tion de Mauperluis à un de ses confrères, prouve en ce moment un double chagrin de
professeur de Berlin. — Elle est. décrite dans votre infirmité ; car elle vous empêche d'en-
les Actes de la Société royale de Berlin , et se tendre le cri du chasseur sauvage. «Comme
trouve rapportée par M. Thiébaul dans ses ce jeune homme faisait usage d'un cornet
Souvenirs de Fridéric-le-Grund. Il est.essen- acoustique, il l'ajusta taudis que je-lui par-
tiel de prévenir que M. Gledilch, à qui elle lais, et, clans ce mouvement, je vis la cause
est arrivée, était un botaniste distingué, pro- du phénomène. Ces aboiements n'existant pas,
fesseur de philosophie naturelle, el regardé c'était simplement le sifflement de l'air dans
comme un homme d'un caractère sérieux, l'instrument dont se servait, le jeune homme ,
simple et. tranquille. — Peu de temps après mais qui, pour la première fois, produisait
la mort, de Mauperluis, M. Gledilch, obligé cet effet à mon oreille. » •— Les autres sens
de traverser la salle dans laquelle l'académie trompent aussi, mais dans le sommeil ou
tenait ses séances , ayant quelques arrange- dans la folie. — Dans la deuxième lettre,
ments à faire dans le cabinet d'histoire natu- Waller Scott s'arrête à la tradition du péché
relle, qui était de son ressort, aperçut en originel ; il y trouve l'origine de l'histoire des
entrant dans la salle l'ombre de M. de Mau- communications de l'homme avec les esprits.
perluis , debout el fixe dans le premier angle 11reconnaît que les sorciers et magiciens,
à main gauche, et ses yeux braqués sur lui. condamnés par la loi de Moïse, méritaient la
11était trois heures de l'après-midi; le pro- morl, comme imposteurs, comme empoison-
fesseur de philosophie en savait trop sur sa neurs, comme apostats, el remarque avec
physique pour supposer que son président, raison qu'on ne voyait pas chez les juifs et
morl à Bàle dans la famille de Bernoulli, chez les anciens, dans ce qu'on appelait un
serait revenu à Berlin on personne. II ne re- magicien ou un devin, ce que nous voyons
garda la chose que comme une illusion pro- dans les sorciers du moyen âge, sur lesquels,
venant d'un dérangement de ses organes. 11 au reste, nous ne sommes encore qu'à demi
continua de s'occuper de ses affaires, sans éclairés. Au moyen âge, on croyait très-
s'arrêter plus long-temps à cet objel. Mais il généralement que les Sarrasins, dans leurs
raconta cette vision à ses confrères, les assu- guerres, étaient, comme insignes sorciers,
rant qu'il avait vu une figure aussi bien for- assistés par le diable. L'auteur rapporte un
mée el aussi parfaite que M. de Mauperluis exemple que voici, tiré du roman de Richard
lui-même pourrait lo présenter. — Après avoir Coeur~de-Lion : — Le fameux Saladin, y est-
iiionlré par ces récits les illusions que l'a vue il dil, avait envoyé une ambassade au roi
peut causer, l'auteur s'occupe des déceptions Richard, avec un jeune cheval qu'il lui offrait
que produit quelquefois l'organe de l'ouïe. comme un vaillant destrier. Il défiait en même,
Le docteur Johnson conserva, dit-il, une im- temps Coeùr-de-Lion à un combat singulier
VVAL — o27 — YVAL
en présencedesdeuxarmées, dans le but de hlui-même, que nos ancêtres désignaientpar
décidertout d'un coup sur leurs prétentions un u nom qui ne pût,offenserce terriblehabi-
à la Palestineet sur la questionthéologique tant 11 des régionsdu désespoir.Cetabus de-
desavoir quel était le vrai Dieu, ou le Dieu vint \ si généralque l'Églisepublia à ce sujet
des chrétiens,ou Jupiter, divinitédesSarra- une i ordonnancequi le traite d'usageimpieet
sins.Maisce semblantde défi chevaleresque scandaleux.
s El,il existeencoreplusieursper-
cachaitune perfidiedanslaquellel'espritma- sonnes s qui ont été habituéesà regarder avec
lin jouail un rôle. Un prêtre sarrasin avait effroi ( tout,lieu inculte, dans l'idéeque, lors-
conjurédeux démonsdans le corpsd'une ju- tqu'ony voudraporter la charrue, les esprits
ment et de son poulain,leur donnantpour < qui l'habitentmanifesterontleurcolère.Nous-
instructionque, chaque fois que la jument, imêmesnous connaissonsbeaucoupd'endroits
hennirait, le poulain,qui. était d'une taille vouésà la stérilité par une superstitionpo-
peu commune,devraits'agenouillerpour leter pulairedans le pays de Galles, en Irlandeel
sa mère. Le poulainmaléficiéfui envoyéau en Ecosse.— Nixasou Nicksa,dieud'une ri-
roi Richard, dans l'espoirqu'il obéirait,au vière ou de l'Océan, adorésur les bords de
signal accoutumé,et-que le Soudan,monté la Baltique, paraît incontestablementavoir
sur la mère, aurait ainsi l'avantage.—Mais tous les attributsde Neptune.Parmilesvents
le monarqueanglaisfut averti par un songe brumeuxel lesépouvantablestempêtesde ces
du piègequ'onlui tendait, et,avantle combat sombres contrées, ce n'est pas sans raison
le poulain fut exorcisé,avecordrede rester qu'on l'a choisicommela puissancela plus
docileà lavoixdesoncavalierdurantlechoc. contraireà l'homme, et le caractèresurna-
L'animalendiablépromitsoumissionen bais- turel qu'on lui a attribuéest parvenujusqu'à
sant latète ; et cettepromessen'inspirantpas noussousdeuxaspectsbiendifférents.LaNixa
assezde confiance,on lui bouchaencoreles des Germainsest une de ces aimablesfées,
oreillesavec dela cire. Ces précautionspri- nomméesNaïadespar les anciens; le vieux
ses, Richard, arméde toutes pièces,courut Nick(lodiableen Angleterre)esl unvéritable
à la rencontrede Saladin, qui, se confiant descendanldu dieudelàmerduNord,elpossède
dansson stratagème,l'attenditdepiedferme. une grandeportiondesa puissance.Lematelot
La cavalehennitde manièreà fairetrembler anglais,qui semblene rien craindre,avouela
la terreà plusieursmillesà la ronde; maisle terreur que lui inspire cet êlre redoutable,
poulainou démon,quela cire empêchaitd'en- qu'il regarde commel'auteur des différentes
tendrele signal, n'y put obéir.Saladindésar- calamitésauxquellessa vie précaireestcon-
çonnén'échappaque difficilement à la mort,el tinuellementen butte. •—Le Bhar-Guestou
sonarméefuttailléeenpiècespar leschrétiens. Bhar-Geist,appeléaussiDobie,dans lecomté
—Latroisièmelettre esl consacréeà l'élude d'York, spectre local qui , sous différentes
dela démonologie et,dessorcierschezlesRo- formes,honte'un endroitparticulier,,esl une
mains, chez les Celteset chezles différents divinité qui, ainsi que l'indiqueson nom,.
peuplesdu Nord.Les superstitionsdes an- nousvientdesanciensTeutons;et s'il eslvrai
. ciensCeltessubsistentencoreendiverslieux, que quelquesfamillesportant le nom de Do-
dit l'auteur, etles campagnardslesobservent bie ont un fantômeou spectre passant dans
sanssongerà leur origine.Vers4760,lorsque leurs armoiries,ce fait démontrepleinement
M.Peimantentrepritson voyage,la cérémo- que, quoiquelemolsoit devenuun nompro-
nie de Baalleinou Beltane,ou du 4" de mai, pre, son originene s'est pas perdue. — On
était strictementobservée,quoiqueavec va- trouve dans l'EyrbiggiaSaga l'histoire cu-
riations,dansles différentespartiesdes mon- rieuse d'une lutte entre deux sorcières du
tagnes.Le gâteaucuitau fouravec descéré- nord. L'une d'elles, Geirada, était résolueà
moniesparticulièresétait partagé en plusieurs faire mourirOddo,le filsde l'autre, nommée
portions offertesaux oiseaux ou bêtes de Kalta, qui, dans une dispute, avait coupé
proie, afin que ces animaux, ou plutôt lesi une main à sa bru. Ceuxqui devaienttuer
êtres dontils n'étaient que les agents, épar- Oddopartirent et revinrent déconcertéspar
gnassentlestroupeaux.— Uneautrecoutume i l'habileté de sa mère. Ils avaientrencontré
du mêmegenre a long-tempsfleurien Ecosse. seulement,dirent-ils,Kalta filantdulin à une
Dansplusieursparoisses,,onlaissaitune por- grandequenouille.« Fous, leur dit Geirada,
tion de terrain,qu'on nommaitle dos de Gu- cette quenouilleétait l'hommeque vouscher-
ditman,sansle labourerni le cultiver.Per- chiez. » Ils retournèrent, saisirent la que—
sonnene doutait que le closdu bonhomme e nouilleet la brûlèrent.Maisalorsla sorcière
(Gudemanjne fûtconsacréà quelqueespritt avait caché son filssousla formed'un che-
malfaisant.En effet,c'étaitla portionde Satan
n vreau apprivoisé.Unetroisièmefoiselle lui
AVAL — r>2s AVAL
donna la figure d'un porc grattant, dans les tout l le bruit d'un combat à morl entre deux,
cendres. Les meurtriers revinrent à la charge (champions furieux. A l'aide d'une corde, un
encore, ils entrèrent pour la quatrième fois, jeune j guerrier fut descendu dans le sépulcre.
s'emparèrent de l'objet, de leur animosilé el le Mais au moment où il y entra, un aulre in-
mirent à morl. — Les Norwégiens, imbus de dividu, se précipitant, prit sa place dans le
sombres superstitions, croyaient que quelque- noeud coulant ; et lorsque la corde fui retirée,
fois lorsque l'âme abandonnait le corps, elle au lieu de leur camarade, les soldais virent
était sur-le-champ remplacée par un démon Asmund , celui des deux frères d'armes qui
qui saisissait l'occasion d'occuper son dernier s'était enterré vivant. Il parut un glaive nu
séjour. Le récit suivant est. fondé sur celle à la main, son armure à moitié arrachée, lo
supposition. Saxo-Grammaticus parle de deux côté gauche de son visage déchiré comme
princes norses qui avaient formé entre eux par les griffes de quelque bêle féroce. 11n'eut
une fraternité d'âmes, s'engageant à se se- pas plutôt revu la clarté du jour que, saisi
courir et à s'aider dans toutes les aventures d'enthousiasme, il entreprit un long récit, en
où ils se trouveraient jelés pendant leur vie, vers, contenant l'histoire de ses combats dans
et se promettant, par le serment le plus so- la tombe pendant les cent, ans qui s'étaient
lennel qu'après la mort de l'un d'eux, l'autre écoulés. Il conta qu'à peine le sépulcre fermé,
descendrait vivant dans la tombe de son frère le morl Assueit s'était levé de terre, animé
d'armes el se ferait, enfermer à ses côtés. 11 par quelque goule affamée, et qu'ayant com-
fut donné à Asmnnd d'accomplir ce serment mencé par mettre en pièces, pour les dévorer,
terrible. Assueit, son compagnon, ayant été les chevaux ensevelis avec lui, il s'était jeté
lue dans une bataille, la tombe, d'après les sur son compagnon pour le traiter de la même
usages du Nord , fui creusée clans ce qu'ils manière. Le héros, loin de se laisser abattre,
nommaient l'Age des Montagnes, c'est-à-dire saisit ses armes el se défendit vaillamment,
en un endroit exposé à la vue et que l'on cou- contre Assueit, ou plutôt contre le méchant
ronnait d'un tertre. On construisit une épaisse génie qui s'était emparé de son corps. Il sou-
voûle; dans ce monument sépulcral furent tint un combat surnaturel qui dura tout un
déposés les armes, les trophées, peut-être le siècle; il venait d'obtenir la victoire en ter-
sang des victimes, les coursiers ries cham- rassant son ennemi et lui enfonçant un pieu
pions; ces cérémonies accomplies, le corps dans le corps , ce qui l'avait réduit à cette
d'Assueit fut. placé dans sa dernière demeure, immobilité qui convient aux habitants des
et son dévoué frère d'armes entra el s'assit à tombeaux. Après avoir ainsi chanté ses ex-
côté du cadavre, sans témoigner, par un mol ploits, le fantastique guerrier tomba mort. Le
ou par un regard, la moindre hésitation à corps d'Assueit l'ut retiré de la tombe, brûlé,
remplir son engagement.. Les guerriers lé- el ses cendres jetées au vent, ; celui de son
moins de ce singulier enterrement d'un vivant, vainqueur fut déposé dans ce même lieu où
avec un-mort roulèrent une large pierre, sur l'on espérait que son sommeil ne serait plus
l'ouverture de la tombe ; puis, entassant de la troublé. Ces précautions prises contre une se-
terre et des pierres sur l'endroit, ils bâtirent conde résurrection d'Assueit nous rappellent
une élévation , visible à grande distance, el, celles qu'on adoptait dans les îles grecques et
après de bruyantes lamentations sur la perle dans les provinces turques contre les vam-
de ces vaillants chefs, ils se dispersèrent. pires. Elles indiquent aussi l'origine d'une
— Bien des années se passèrent; un siècle ancienne loi anglaise contre le suicide, qui
même s'était écoulé, lorsqu'un noble suédois, ordonnait d'enfoncer un pieu à travers le corps
engagé dans une périlleuse aventure et suivi du mort, pour le garder d'une manière plus
d'une troupe vaillante, arriva dans la vallée sûre dans sa tombe. — Les peuples du Nord
qui prend son nom de la tombe des frères reconnaissaient'encore une espèce de reve-
d'armes. Le fait lui fut raconté, el le chef nants qui, lorsqu'ils s'emparaient d'un édifice
résolut d'ouvrir le tombeau, soil parce qu'il ou du droit de le fréquenter, ne se défen-
voyait là une action héroïque, soil pour s'em- daient pas contre les hommes d'après le prin-
parer des armes el surtout des ôpées avec ; cipe chevaleresque du duel, ainsi que fil
lesquelles s'étaient accomplies de grandes ac- Assueit, ni ne se rendaient aux prières des
tions. Les soldats se mirent à l'oeuvre ; ilsi prêtres ou aux charmes des sorciers, mais
eurent bientôt écarté la terre el les pierres et; devenaient fort traitables à la menace d'une
rendu l'entrée d'un accès facile. Mais les plus; procédure légale. L'Eyrbiggia-Saga nous ap-
vaillants reculèrent lorsqu'au lieu du silence i prend cpie la maison d'un respectable pro-
des tombeaux ils entendirent des cris horri- priétaire en Islande se trouva, peu après que
bles, un choc d'épées, un cliquetis d'armes el l'île fut habitée, exposée à une infeslation de
AVAL ~ 520) — YVAL
cellenature.Verslccommcncemenlde l'hiver, Celles.Les
C duergarsn'étaientoriginairement
il se manifesta,au sein d'une famillenom- que q les naturels, diminuésde taille, des na-
breuse, une maladie contagieusequi, em- tions I. laponne,finlandaiseet islandaise,qui,
portantquelquesindividusdeloutâge, sembla ffuyant devant les armes conquérantesdes
menacertousles outres d'une mort précoce. *Asoe,cherchèrentles régionsles plus recu-
Le trépas de ces maladeseut le singulierré- 1lées du Nord, et s'efforcèrentd'échapperà
sullat de fairerôder leurs ombresautour de leurs 1 ennemisde l'Orient. Ona supposéque
la maison, en terrifiant les vivants qui en ces ( pauvresgensjouissaient,en compensation
sortaient.Commele nombredes morts dans doleur < tailleinférieure,d'une puissancesur-
celle famillesurpassa bientôt celui des vi— inaturelle; ils obtinrentainsile caractèredes
vanls, les espritsrésolurentd'entrerdansla cesprits allemandsappelés kobolds,desquels
maisoneldeniontrerleurs formesvaporeuses sont : évidemmentdérivés les gobelinsanglais
el. leur affreusephysionomiejusque clansla el les bogiesécossais.Les kobolds, espècede
chambreoù se faisaitle feu pourl'usagegé- gnomesqui habitaientles lieux noirsel soli-
néral des habitants, chambre qui pendant taires, se montraientsouventdans les mines,
l'hiver en Islandeest la seule où puisse se où ils semblaientimiter les travaux des mi-
réunir une famille.Les survivantseffrayésse neurs, el prendreplaisirà les tromper. Par-
retirèrentà l'autre extrémitéde la maisonel fois ils élaienl méchants, surtout si on les
abandonnèrentla placeaux fantômes.•—Des négligeaitou si on les insultait; mais parfois
plaintes furent portées au pontife du dieu aussiils étaientbienveillants.Quandun mi-
Thor, qui jouissait d'une influenceconsidé- neurdécouvraitune richeveine,on concluait,
rabledans l'île.Par son conseil, le proprié- non pas qu'il eût plus d'habiletéou de bon-
taire de la maisonhantée assemblaun jury heur queses compagnons, maisque les esprits
composé, de ses voisins, constituéen forme, de la minel'avaientdirigé. L'occupationap-
commepour juger en matière civile, et cita parentede ces gnomessouterrainsou démons
individuellementles divers fantômeset res- conduisitnaturellementà identifierle Finlan-
semblancesdes membresmortsde la famille, dais ou le Lapon avec le kobold; mais ce
pourqu'ils eussentà prouveren vertude quel fut un plus grand effort d'imaginationqui
droit ils disputaientà lui el à ses serviteurs confonditcelterace solitaireet sombreavec
la paisiblepossessionde sa propriété, et l'esprit joyeuxqui correspondà la fée. —
quelle raison ils pouvaient avoir de venir Suivantla vieillecroyancenorse, ces nains
ainsi troubler et déranger les vivants. Les formentla machineordinairedes Sagas du
mânes parurent dans l'ordre où ils étaient Nord.DanslesNiebelungen,un des plusvieux
appelés; après avoirmurmuré quelquesre- romans de l'Allemagne,compilé, à ce qu'il
gretsd'abandonnerleur toit, ils s'évanouirent semblerait,peu aprèsl'époqued'Attila,Théo-
aux yeux des jurés étonnés.Un jugementfut doric de Berne ou do Vérone figure parmi
donc rendu par défaut contreles esprits; et un cerclede champions,qu'il préside. Entra
l'épreuvepar jury, dontnoustrouvonsici l'o- autresvaincus célèbresdomptéspar lui, esl,
rigine, obtintun triompheinconnuà quel- TElf-roiou Nain-Laurin, dont la demeura
ques-uns de ces grandsécrivains,qui en ont était dansun jardin de rosiers enchantés, et,
l'aille sujet d'une eulogie.— La quatrième : qui avait,pour gardes-clu-corpsdes géants.11
et la cinquièmelettre sont consacréesaux fut pourThéodoricet ses chevaliersun formi-
fées. Nous continueronsd'en présenter desi dable antagoniste; mais comme il essaya
extraits.,—Les classiques,dit l'illustre au- d'obtenirla victoirepar trahison,il fut,après
tour, n'ont pas oublié d'enrôler dans leur sa défaite, condamnéà remplir l'officedes-
mythologieune certaine espècede divinités ; honorantde bouffonou jongleurà la cour de
inférieures,ressemblantpar leurs habitudes ; Vérone. — Celte possessiond'une sagesse
aux fées modernes.— Le docteur Leyden,, surnaturelleest encoreimputéepar les na-
qui a épuisésurles fées, commesur beaucoup 3 turelsdesîles Orcadeset Shetlandaux êtres
d'autres sujets, les trésorsde son érudition, appelésdroics, mol qui estune corruptiondo
a trouvéla première idée des êtres connus s duergar ou divarf : ces êtres peuvent, sous
sous le nom de Féesclansles opinionsdes s beaucoup d'autres rapports, être identifiés
peuples du Nordconcernantles duergarsouj avec les féescalédoniennes.LesIrlandais,les
nains. Cesnainsétaient pourtant,il faut l'a- Gallois, les Gacls ou Ilighhmdersécossais,
vouer, des esprits d'une nature plus gros- - toutes tribus d'origine celtique, assignaient
sière, d'une vocationplus laborieuse, d'un n aux hommesde paix, aux bonsvoisins, ou
caractèreplusméchant, que les fées propre- de quelque autre nom qu'ils appelassentles
ment dites , qui étaient de l'invenliondes s pygmôeschampêtres, des,habitudesplusso-
34
AVAL — 53(1I — AVAL j
ciales ei un genre de vie beaucoup plus gai ligne de la course. D'autres, qui faisaient une '
que ces rudes et nombreux .travaux des duer- action illégale, ou s'abandonnaient à quelque
gars sauvages. Leurs dves n'évitaient pas la passion invétérée, s'exposaient aussi à aller
société des hommes, quoiqu'ils se conduisis- habiter la fameuse île. Celte croyance existait
sent envers ceux qui entraient en relations en Irlande. Glanville, dans sa Dix-huitième
avec eux d'une manière si capricieuse qu'il Mêlai ion, parle du sommelier d'un gentil-
était dangereux de leur déplaire. — Les oc- homme, voisin du comte d'Orrery, qu'on
cupations , les bienfaits, les amusements des envoya acheter des caries. En traversant les
fées ressemblaient eu tout à ces êtres aériens. plaines, il vit une table entourée de gens qui
Leur gouvernement fut toujours représenté semblaient festoyer et faire bonne chère. Ils
comme monarchique. Un roi, plus fréquem- se levèrent pour le saluer et l'invitèrent à
ment une reine des fées, étaient reconnus, et partager leur repas; mais une voix amie de
parfois tenaient ensemble leur cour. Leur la bande lui murmura à l'oreille : « Ne failes
luxe , leur pompe , leur magnificence dépas- rien de ce qu'on vous dira dans cette compa-
saient tout ce que l'imagination pouvait con- gnie. » En conséquence, i! refusa de prendre
cevoir. Dans leurs cérémonies , ils se pava- part à la réjouissance; la table s'évanouit
naient sur des coursiers splendides. Les fau- aussitôt,, el toute la société se mit à danser et
cons et les chiens qu'ils employaient à la à jouer de divers instruments ; il ne voulut
chasse étaient de la première espèce. A leurs pas davantage participer à leur musique. On
banquets de tous les jours, la table était servie, le laissa pour le moment ; mais, en dépil des
avec une opulence que les rois les plus puis- efforts de milord Orrery, en dépil de deux
sants ne pouvaient égaler ; leurs salles de évêques anglicans, en dépil de M. Gréalrix,
danse retentissaient de la plus exquise mu- ce fut tout ce qu'on put faire que d'empêcher
sique. Mais vue par l'oeil d'un prophète, l'illu- le sommelier d'être emmené par les fées qui
sion s'évanouissait; les jeunes chevaliers et le regardaient comme leur proie. Elles l'en-
les jolies dames ne semblaient plus que clés levèrent, en Piiir quelques instants. Le spectre,
rustres ridés et de hideuses souillons. Leurs qui d'abord l'avait conseillé, continua à le
pièces d'argent se changeaient en ardoise, visiter, el lui découvrit qu'il élail l'âme d'une
leur brillante vaisselle eu corbeilles d'osier de ses connaissances morte depuis sept ans.
bizarrement tressées, et leurs mets, qui ne re- « Vous savez, ajoufa-l-il, que j'ai mené une
cevaient aucune saveur du sel (le sel leur vie désordonnée ; depuis j'ai toujours été bal-
étant défendu parce qu'il est l'emblème de lotté de bas en haut el de haut en bas, sans
l'éternité ), devenaient, insipides et sans goût; jamais avoir de repos dans In compagnie où
les magnifiques salons se transformaient en vous m'avez vu ; j'y resterai jusqu'au jour du
misérables cavernes humides; toutes ces dé- jugement. » Il déclara en outre que si le som-
lices de l'Elysée des fées s'anéantissaient en melier avait reconnu Dieu dans toutes ses oeu-
même temps. — Une hostilité sérieuse était, vres, il n'aurait pas tant souffert du pouvoir
supposait-on, constamment pratiquée par les des fées. 11 lui rappela qu'il n'avait pas prié
fées contre les mortels : elle consistait à en- Dieu le malin où il avait rencontré la troupe
lever leurs enfants et à les élever comme s'ils dans la plaine-, et que môme il allait remplir
appartenaient à leur race Les enfants non une commission coupable. — On prétend que
baptisés étaient principalement exposés à ce lord Orrery a confirmé toute celte histoire,
malheur; mais les adultes pouvaient aussi assurant même qu'il avait vu le sommelier
être arrachés à la terre, s'ils avaient commis soutenu en l'air par les êlres invisibles qui
quelque action qui les soumît au pouvoir de voulaient, l'enlever. Seulement il ne disait rien
ces esprits, et, par exemple, pour nous servir de cette circonstance, qui semble appeler ac-
de la phrase légale, s'ils avaient été pris sur tion illégitime l'achat d'un jeu de cartes. —
le fait. S'endormir sur une montagne dépen- -La raison assignée à cel usage de voler des
dante du royaume des fées, où il se trouvait enfants, si habituellement pratiqué par lès
que leur cour fût pour le moment tenue, était •fées, venait, dit-on, de ce qu'elles étaient
un moyen facile d'obtenir un passe-port pour obligées de payer aux régions infernales un
Elfland , c'est-à-dire l'île des fées: heureux tribut annuel de leur population, tribut dont
encore le coupable, si les fées dans leur cour- elles lâchaient de se défrayer en livrant, au
roux se contenlaienl en pareille occasion de prince de ces régions les enfants de la race
le transporter à travers les airs dans une ville humaine plutôt que les leurs. De ce fait on
éloignée d'une quarantaine de milles, et de doit conclure qu'elles avaient elles-mêmes
laisser peut-être son chapeau ou son bonnet des descendants, comme le soutiennent plu-
sur quelque clocher, pour marquer la droite sieurs autorités, et particulièrement M. Kirkè,
AVAL — 5S;I — AVAL
ministred'Aberfoyle.1! ajoute, il o.-t vrai, futaiesquiontoccasionné Inchutede l'homme.
qu'aprèsunecertaineduréede vie, cesesprits H s'aperçoitaussique sa conductriceii'éloii,
sont sujets fila loi universellede la morta- pasplustôt entréedanscemystérieuxjardin,
lité; opinionquicependanta étécontroversée. n'en avait pas plus lot respirél'air magique,
-—Rapportons maintenantles aventuresmer- qu'elle avait reprissa beauté,sonricheéqui-
veilleusesde Thomasd'Erceldoune,l'une des pageet loulesa splendeur;qu'elleétait aussi
plus vieilleslégendesde fées que l'on con- belle, et mêmeplusbelle, quelorsqu'ill'avait
naisse. Thomasd'Erceldoune, dansle Lau- vue pour la première foissur la montagne.
derdale, surnomméle Rimeur, parce qu'il Ellese metalorsà lui expliquerlà naturedu
avait composéun roman poétiquesur Tris- pays. « Ce cheminà droite, dit-elle, mène
tremet Yseult,romancurieuxcommel'échan- les espritsdes justes au Paradis; -ctelautreà
tillon de vers anglais le plus ancien qu'on gauche, si bien battu, conduitles âmes pé-
sache exister, florissailsous le règne d'A- cheressesau lieu de leur éternelchâtiment;
lexandre III d'Ecosse. Ainsi que d'autres la troisiènieroute, par le noir souterrain-,
hommesde talentà celleépoque.Thomasfut 'aboutità un séjourdesouffrances plusdouces,
soupçonnéde magie. On disait aussi qu'il d'où les prièrespieuventretirer les pécheurs.
avait le donde prophétiser,on va voir pour- Maisvoyez-vousencore une-quatrièmevoie
quoi. Unjour qu'il était couchésur la colline qui serpentedansla plaineautourde ce châ-
appeléeHuniley;danslesmontagnesd'Eildon, teau? C'estla roule d'EHland,dontje suis la
qui dominentle monastèrede Melrose,il vit reine ; c'estaussicelleque nousallonssuivre
une femmemerveilleusement, belle;son équi- maintenant.Quand nousentreronsdans ce
pement était celui d'une amazoneou d'une château, observezle plus strict silence, ne
divinitédes bois; son coursierélaildelà plus répondezà aucune (les questionsqui vous
grandebeaulé,à sacrinièreétaientsuspendues serontadressées; j'expliqueraivotremutisme
trente-neufsonnetles d'argent que le vent en disant que je vousai retiré lé donde la
faisait,retentir; la selleétait d'osroyal, c'est- parole en vousarrachantau mondedes hu-
à-dire d'ivoire,ornée d'orfèvrerie;toutcor- mains.» —Aprèsces instructions,ils se di-
respondait,à la magnificencede col.équipe- rigèrentvers le château; en entrant dans la
ment.Lachasseresseavait un arc en mainet. cuisine, ils se trouvèrentau milieu d'une
des flèchesà sa ceinture.Elleconduisaitlrois scène qui n'eût pas été mal placée Clansla
lévriersen laisse, el troisbassetsla suivaient demeured'un grandseigneurou d'unprince.
de près. Elle rejeta l'hommageféodal que Trente cerfs étaient étendus sur là lourde
Thomasvoulut,lui rendre, en disant qu'elle table de cuisine, el de nombreuxcuisiniers
n'y avait aucun droit. Thomas,éperdumenl travaillaientà les découperel à lès apprêter.
épris, lui proposaalorsdo l'épouser.La dame Ils passèrent,ensuitedans le salonroyal; des
lui réponditqu'il ne pouvait être son époux chevalierset des dames, dansantpar trois,
sans devenirson esclave;et commeil accep- occupaientle milieu,Thomas, oubliantses
tait,l'extérieurdelabelleinconnuese changea fatigues,prit part,aux amusements.Aprèsun
aussitôten celuide la.plushideusesorcière: espacede tempsqui lui semblafort Court,là
toutuncôtéde sonvisageétait flétriel comme reine le tenant à l'écart lui ordonnade se
attaqué de paralysie; son teint., naguère si préparerà retournerdanssbn pays. « Main-
brillant, était maintenantde la;couleurbruiie tenant, ajoula-telle, combiencroyez-vous
du plomb.Touteaffreusequ'elleétait,la pas- être restéde tempsici? —Assurément., belle
sionde Thomasl'avaitmissous sa puissance, dame, répondit.Thomas, pas plus de sèpl
et quandelle lui ordonnade prendrecongé jours.— Vousêtes dans l'erreur, répondit-
du soleilet des feuillesqui poussentsur les elle: vous y èles demeurésept ans, et il est
arbres, il se sentitcontraintde lui obéir. Ils bien temps que vous en sortiez. Sachez,
pénétrèrentdansune caverne où il voyagea Thomas,que le diablede l'enferviendrade-
trois jours au milieude l'obscurité, tantôt main demanderson tribut, et un homme
entendantle mugissementd'une mer loin- commevousattirerases regards; C'estpour-
taine, tantôtmarchantà traversdesruisseaux quoilovons-nouset partons. » Cette terrible
de sang qui coupaientla roule souterraine. nouvelleréconciliaThomasavecl'idée de so'n
Enfin il revit la lumière du jour, et arriva départhorsde la terré des fées; la reineiïé
dans un beau verger.Epuisé,fautede nour- fut pas longue à le replacer sur la colline
riture, il avancela mainvers les fruitsma- d'Hunlley,où chantaientles oiseaux.Ellelui
gnifiquesqui pendentde loulepart autourde- fitses adieux; et, pour lui assurerune répu-
lui; inàis sa conductricelui défendd'y tou- tation, le gratifia de la languequi ne peut
cher, lui apprenantque ce.sont les pommes mentir.Thomas, dès lors, touteslesfois que
34.
AVAL — filVil — AVAL
la conversation roulait sur l'avenir, acquit divinations
( et. aux opérations de sorcellerie.
une réputation de prophète, car il ne pouvait — Le 8 novembre 4576, Elisabeth ou Bessie
rien dire qui ne dûl infailliblement arriver, IDunlop, épouse d'André Jack, demeurant à
et s'il eût été législateur au lieu d'èire poète, 1Lyne, au comté d'Ayr, fut accusée de magie,
nous avions ici l'histoire de Numa el d'Égérie. ( sorcellerie el. de déception pratiquées sur
de
— Thomas demeura plusieurs années daiis sa 1les gens du peuple. Ses réponses aux inter-
tour près d'Erceldoune, el il jouissait Iran- irogatoires.des juges furent curieuses. Comme
quillement de la réputation que lui avaient, i lui demandait par quel art elle pouvait
on
faite ses prédictions, dont plusieurs sont en- dire ou se trouvaient certains objets perdus,
core aujourd'hui retenues par les gens de la ou prophétiser l'issue d'une maladie , elle ré-
campagne. Un jour qu'il traitait clans sa pliqua que par elle-même elle n'avait ni con-
maison le comte de Mardi, un cri d'élonne- naissance ni science aucune sur de telles
menl s'éleva dans le village à l'apparition d'un matières, mais qu'elle avait l'habitude de
cerf et d'une biche qui sortirent de la forêt, s'adresser à un certain Thome Reid , morl à
et, contrairement à leur nature timide, conti- la bataille de Pinkie (le 40 septembre 4 547),
nuèrent tranquillement leur chemin en se di- qui lui résolvait toutes les questions qu'elle
rigeant vers la demeure de Thomas. Le pro- lui faisait. Elle décrivait ce personnage com-
phète quitta aussitôt la table; voyant dans ce me un homme respectable, à barbe grise,
prodige un avertissement de son destin , il portant un justaucorps gris avec d'amples
reconduisit le cerf el la biche dans la forêt, manches, suivant la vieille mode; une culotte
el depuis, quoiqu'il ail été revu accidentelle- grise , des bas blancs attachés autour des ge-
ment par des individus auxquels il voulait noux , un bonnet noir, fermé par derrière el
bien se montrer, il a rompu toute, liaison avec ouvert par devant, un bâton blanc à la main,
l'espèce humaine... — On a supposé de temps complétaient sa mise. Interrogée sur sa pre-
en temps que Thomas d'Erceldoune, durant mière entrevue avec ce mystérieux Thome
sa retraite, s'occupait à lever- des troupes pour Reid, elle fit un exposé (les malheurs qui
descendre dans les plaines, à quelque instant l'avaienl portée à se servir de lui. Elle con-
critique pour le sort de son pays. On a sou- duisait ses vaches au pâturage, gémissant
vent répété l'histoire d'un audacieux jockey , sur son mari etson fils malades, tandis qu'elle-
lequel vendit un cheval à un vieillard très- même n'était pas bien portante, attendu
vénérable d'extérieur, qui lui indiqua dans qu'elle relevait de couches. Elle rencontra
les montagnes d'Eildon Lucken-Uare, comme alors Thome Reid pour la première fois : il
l'endroit où, à minuit sonnant, il recevrait son la salua. — « Bessie-, lui dit-il, comment pou-
prix. Le marchand y alla , son argent lui fut vez-vous tant vous désoler pour les choses
payé en pièces antiques, et l'acheteur l'invita de ce monde? •— N'ai-je pas raison do
à visiter sa résidence. Il suivit avec élonne- m'affliger, répondit-elle, puisque nos biens
ment plusieurs longues rangées de stalles, dépérissent, que mon mari est sur le point de
dans chacune desquelles un cheval se tenait mourir, que mon nouveau-né ne vivra point,
immobile, tandis qu'un soldat armé de loules et que je suis moi-môme encore si faible?
pièces était couché , aussi sans mouvement, — Bessie, répliqua l'esprit, vous avez dé-
aux pieds de chaque noble animal. « Tous ces plu à Dieu , en lui demandant une chose que
hommes, dit le sorcier à voix basse, s'éveil- vous n'auriez pas dû demander, et je vous
leront à la bataille de Sheriffmoor. » A l'ex- conseille do réparer votre faute. Je vous le
trémité étaient suspendus une épée et un cor dis, votre enfant mourra avant que vous ne
que le prophète montra au jockey comme soyez rentrée à la maison ; vos deux brebis
renfermant les moyens de rompre le charme. mourront aussi, mais votre mari recouvrera la
Le jockey prit le cor et essaya d'en donner. santé et sera aussi robuste que jamais. » La
Les chevaux tressaillirent aussitôt dans leurs bonne femme se consola un peu en apprenant
stalles ; les soldats se levèrent et firent re- que son mari serait du moins épargné ; mais
tentir leurs armes, et le mortel épouvanté elle fut Irès-alarmée en voyant l'homme sur-
laissa échapper le cor de ses mains. Une voix naturel qui l'avait accostée passer devant elle
forte prononça ces mots : « Malheur au lâche et disparaître par un petit trou dans le mur
qui ne saisit pas le glaive avanl d'enfler le de l'enclos. Une autre fois, elle le rencontra
cor. » Un tourbillon de vent chassa le mar- à-l'Epine de Dawmstarnik , et il lui offrit l'a-
chand de chevaux de la caverne, dont il ne bondance de tous les biens, si elle abjurait
put jamais retrouver l'entrée.,.. le christianisme et la foi de son baptême. Elle
Voici une autre histoire qui montrera la répondit qu'elle aimerait mieux être traînée
part que les fées ont prise quelquefois aux à quatre chevaux que d'en rien faire, mais
AVAL — 53S1 — AVAL
qu'elle se conformeraità ses avis sur des ponses faites en cas d'objetsvolés étaient
pointsmoinsimportants.Il la quitta avecdé- pleines d'adresse, el quoiqu'ellesservissent
plaisir.Bientôtaprès il apparut vers l'heure rarementà faire rentrerles gens dans leurs
demididanssa maison,oùse trouvaientalors biens, elles donnaientgénéralementde bon-
sonmari et troismatelots.Ni AndréJack ni nesraisons.Ainsile manteaude HuguesScott
lestroismatelotsne remarquèrentla présence ne put être rattrapé, parce que les voleurs
du fantômetuéà Pinkie; de sorte que, sans avaienteu le tempsd'en faireun justaucorps.
être aperçud'eux, il emmenaBessieprès du JamesJamiesonet JamesBairdeussentre-
four. Là il lui montra une réunionde huit trouvéleurs charruesde fer qu'on leur avait
femmeset de quatre hommes.Les femmes, volées,sans la volontédu deslin qui décida
enveloppéesdans leurs manteaux, avaient que William Douga!,officierdu shériff, un
bonnemine.Cesétrangersla saluèrentet di- de ceuxqui faisaientdes perquisitions,re-
rent : « Bonjour,Bessie,veux-tu veniravec cevraitun présentde trois livrespour ne pas
nous?» Elle garda le silence,commeThome les retrouver.Bref,quoiqu'elleeùl perdu un
Reidle lui avaitrecommandé.Elle vit leurs cordon que ThomeReidlui avaitdonné, et.
lèvresremuer, mais ellene compritpas ce qui, attaché autourdu cou des femmesen
qu'ilsdisaient,el peu après ils s'éloignèrent mal d'enfant,avail le pouvoirde menerleur
avecle bruitd'une tempête.Thomelui expli- délivranceà bien, la professionde sage-
qua que c'étaientles féesdelà courd'Elfland femmequ'elleexerçaitsembleavoir prospéré
qui venaientl'inviterà y alleravec elle. Bes- jusqu'àl'heure oùelleattira sur ellele mau-
sie répliquaqu'avantde prendre ce parti elle vaisoeilde la lui. — Interrogéeplus minu-
avait besoin de réfléchir.Thome repartit : tieusementau sujet de son familier,elle dé-
« Ne vois-tupasque je suisbiennourri, bien clara ne l'avoir jamais connu pendantqu'il
vêtu, et quej'ai bonne tournure? » Puis il étaiten ce monde; maisellesavaitde science
l'assura qu'elle jouirait d'une aisance plus certaine que, durant sa vie sur la terre,
grande que jamais.Maiselle déclaraqu'elle Thomelleiri avail élé officierdu laird de
élail à son mariel à ses enfants,et qu'ellene Blair,el qu'il était mort à Pinkie. Il l'en-
voulaitpas les quitter.— Quoiqu'ilsfussent voyaitchezson(ilsqui lui avaitsuccédédans
ainsi en désaccord, le fantômecontinuace- sa chargeet chezd'autresde ses parents, à
pendantà la voirfréquemmentelà l'aiderde qui il ordonnaitde réparer certainesfautes
ses conseils;lorsqu'onla consultaitsur les qu'il avail commisessa vie durant; et dans
maladiesdes hommesou des animaux, sur ces occasionsil lui remettaittoujoursdes si-
la manièrede recouvrerdes objetsperdusou gnes auxquels on le reconnaissait.Une de
volés,elle élail, en prenantl'avisdoThome ces commissionsétait assez remarquable.
Reid, toujourscapable,de répondreaux ques- Bessieétait chargéede rappelerà un voisin
tions.Elledisaitque Thomelui avait, de sa certainesparticularitésqui devaientlui reve-
propremain, remis les herbes dontelle s'é- nir dans la mémoire, lorsqu'ellelui dirait que
tait servie pour guérir les enfants de John Thome Reid el lui étaient partis ensemble
Jack el de Wilson de Townhead.Elleavail pourlabatailledusamedinoir; quel'individu
aussi secouru efficacementune femme de à qui s'adressait le messageinclinait pour
chambrede la jeune lady Stanlie, dont la prendre une direction différente,mais que
maladieétait « un sang chaud qui se portait ThomeReidl'avait menacéde poursuivresa
sur le coeur,» cl qui luicausaitdesévanouis- route seul; qu'il l'avait mené à l'église de
sements fréquents. En cette circonstance, Dalry; que là il avait achetédes figues, et
Thomecomposaun remède puissant: c'était qu'il lui en avait fait cadeauen les attachant
(le,l'aie qu'il avail fail brouilliravec des épi- dansson mouchoir;qu'aprèscela ils étaient,
ces et un peu de sucreblanc, le tout devant allés do compagnieau champ où se livra
être bu chaquemalinà jeun. Pourcelle or- la bataille du falal samedinoir, commeon
donnance, les honorairesde BessieDunlop appela long-tempsla bataille de Pinkie.—
furentune mesurede farineet un morceau Quant aux habitudes de Thome, elle disait
de fromage.La jeune femmese rétablit.Mais qu'ilse conduisaittoujoursavecla plusstricte
la pauvre vieillelady Kîlbowiene put guérir décence,sinon quand il la pressaitde venir
sa jambequi était torse depuislonguesan- à Elflandaveclui, et qu'il la prenaitpar son
nées,carThome"Reiddit quela moelledé l'os tablier pour l'entraîner. Elle disait encore
avaitpéri et que le sang s'était glacé.Cesopi- l'avoirvu dansdeslieuxpublics, dans le ci-
nionsindiquentdumoinsde la prudenceet du metièrede Dalryet dans les rues d'Edim-
bonsens,quenouslesaltribuionsàThomeReid bourg, où il se promenait,prenant les mar-
ou à l'accuséedontil étaitle patron. Les ré- chandisesexposéesen vente sans que per-
AVAL — Ô3hi — AVAL
sonne s'en aperçût. Elle ne lui parlait pas bans I , selon l'usage. Comme il avail. aimé sa
alors, car il avail défendu de l'accoster en première ] femme, il est probable que le pro-
pareilles occasions, à moins qu'il n'adressât j d'un changement capital dans sa situation
jet,
le premier la parole. Interrogée pourquoi cet ireporta ses souvenirs sur le temps do leur
être incompréhensible s'était attaché à elle iunion, el lui rappela les bruits extraordinai-
plutôt qu'à d'autres, l'accusée répondit qu'un :res qui avaient couru à l'époque de sa. morl;
jour qu'elle était couchée dans sou lit, prèle tout, cela lui valut le rêve extraordinaire que
à donner naissance à un de ses enfants, une voici. Étant couché dans son lit sans dormir,
grande femme était entrée dons sa cabane, à ce qu'il lui semblait, il vit, à l'heure de
s'était assise, sur lo bord de son lit, et, sur minuit, si favorable aux apparitions, la ligure,
sa demande qu'on lui avait donné à boire. d'une femme habillée de blanc, qui entra
Cette visite avail précédé la rencontre do clans sa maison, se plaça à côté de son lit,,
Thome Reid près du jardin de Montcaslle; et lui sembla l'image de sa défunte épouse.
car ce digne- personnage lui avait expliqué 11la conjura de parler : quel fui son élonne-
que la grande visiteuse était la reine des menl de lui entendre dire qu'elle n'était pas
fées, et que depuis lui-même l'avait servie morte, niais retenue contre son gré prison-
par ordre exprès de cette dame, sa reine et nière par les mauvais esprits! Elle ajouta que,
maîtresse. Thome apparaissait devant Bessie si l'amour qu'il avait eu jadis pour elle n'é-
après trois sommations ; son commerce avec tait pas éteint, il lui restait un moyen de la
elle dura près de quatre ans. Il la priait sou- rappeler-ou de la regagner, comme on disait
vent de ven'r avec lui lorsqu'il s'en retour- alors, de l'affreux royaume des fées. A un
nait à Elfland; et quand elle le refusait, il certain jour qu'eile désigna, il devait ras-
secouait la tète en disant qu'elle s'en repen- sembler les plus respectables femmes de la
tirait..— Bessie Dunlop déclara encore qu'un ville, et. aller avec elles, le pasteur en tète,
jour, allant mettre son bidet aux ceps près déterrer le cercueil dans lequel on la suppo-
du lac Resialrig, à la porte orientale d'Edim- sait enterrée. « Lo pasteur, dit encore l'appa-
bourg , elle entendit passer un corps de ca- rition , récitera certaines prières; alors je
valerie qui faisait un tapage horrible, que m'élancerai du cercueil, et je fuirai avec une
ce tapage s'éloigna et parut, se perdre dans exlrème légèreté autour de l'église; vous au-
le lac avec d'affreux, retentissements. Pendant rez soin d'avoir avec vous le plus agile cou-
tout le vacaime elle ne vil rien ; mais Thome reur de- la paroisse (elle, indiqua un homme
lui dit que le. tapage était produit, par une renommé pour sa vitesse) ; il nie poursuivra,
cavalcade des fées. — L'intervention de et un autre, le forgeron (connu pour sa force),
Thome Reid, comme associé clans son métier me saisira aussitôt que le premier m'aura
de sorcière, ne servit de rien à la pauvre Bessie atteinte : par ce moyen , je reprendrai ma
Dunlop. Les terribles mots écrits sur la marge place dans la société des hommes. » — Le len-
de l'arrêt « Convaincue el. brûlée » indiquent demain mutin le souvenir de ce rêve attrista
suffisamment la lin tragique de l'héroïne de le pauvre veuf: mais, troublé par ses scru-
celte curieuse histoire. — Nous en finirons pules, il ne fît rien, La nuit suivante, la vi-
avec les fées par ce dernier récit. — Un lis- sion reparut, ce qui n'est pas étonnant. La
sera.nd de Rerwick élail. marié à une femme troisième nuit, elle se montra encore avec un
qui, après avoir mis au monde trois enfants , visage sombre el irrité; elle lui reprocha son
mourut en couche du quatrième, clans do manque do tendresse; elle le conjura.pour la
grandes convulsions. Comme elle élail extrê- dernière fois de se conformer à ses instruc-
mement défigurée après sa mort, les commè- tions, ajoutant que, s'il les négligeait, elle
res, crurent que, par suite de quelque négli- n'aurait plus le pouvoir de revenir sur la terre
gence de la pari de ceux qui avaient gardé : et de s'entretenir avec lui. — Le mari épou-
la malade, elfe avait élé emportée par les; vanté alla faire confidence de son embarras à
fées^ et que. ce cadavre défiguré avail été: son pasteur. Ce révérend personnage , plein
substitué à sa place. Le veuf donna, peu d'at- de sagacité, n'essaya pas de révoquer en
tention à ces propos ; après avoir pleuré sat. doute la réalité de la vision qui troublait son
femme pendant l'année de deuil, il commençai paroissien ; mais il prélendit que ce n'était
à, regarder comme prudent dé.former un, se- qu'une illusion produite par le diable. 11ex-
cond, mariage. Il ne larda pas à trouver uneî pliqua au pauvre mari, qu'aucun être, créé
voisine dont la bonne mine, lui plut, tandis3 n'avait la puissance.de retenir captive une
que son heureux caractère semblait, promet- âme chrétienne; il le conjura de croire que
tre qu'elle traiterait bien les enfants de soni sa femme ne pouvait être que dans la situa-
mari. 11se proposa .. fut agréé , fit publier les3 lion où Dieu l.'ava.if placée;.il lui fit compren-
— — '
AVIli 3.")
5 AYOL
dre i[ue, comme, membrede l'égliseclEcosse, nonarchiede Satan (Pseudomonarchia Dat-
il ne pouvait autoriserl'ouvertured'un cer- nonum),où nousavonstrouvéde bonnesdé-
cueil, ni employerdès prièresdansdes pra- signationssur presquelousles espritsde té-
tiquesd'un caractèresuperslilieux.Le bon- nèbrescitésdans ce Dictionnaire.
homme, confondu,demandaà son pasteurce •Wilis.-^— Dans quelquescontréesde l'Ai—
qu'il devait faire. « Je vousconseilleraide emagne, toute fiancéequi meurt avant le
monmieux,réponditcelui-ci.Obtenezle con- mariage,« pourpeuque de son vivantelle ait
sentementde votre fiancéepour vous marier un peu trop aimé la danse, devientaprès sa
demain, ou aujourd'huisi vous pouvez; .je mortune ivili, c'est-à-dire un fanlômeblanc
prendraisur moide vousdispenserdu reste el diaphane',qui s'abandonnechaque nuit à
des bans, ou d'en faire trois publicationsen la danse d'outre<-tombé.-Celledanse des
un jour. Vousaurez une nouvellefemme; morts ne ressembleen rien à la danse ter-
vousne vousrappellerezplus la première, restre ; elleest calme, grave, silencieuse.Lo
dontla mortvousa séparé. L'avisfuisuivi, pied effleureà peine la fleurchargéede ro-
cl le pauvre mari n'eut plus d'autresvisites sée; la lune éclaire de son pâle rayon ces
de sa premièreépouse.— La sixièmelettre ébats solennels;tant que la nuit est au cie
traite principalementdes esprits familiers -, el sur la terre, la ronde poursuitson chemin
dont le plus illustreétait le célèbrePuckou dans les bois, sur les montagnes,sur le bord
Robin Croodfell'ovv, qui, chez les sylphes, des lacs bleus. Avez-vousrencontré,à la fin
jouait en quelquesortele rôlede fou ou de d'une péniblejournéede voyage,quandvous
bouffonrie la compagnie.Ses plaisanteries allezau hasard loin descheminstracés, ces
étaientdu comiqueà la Ibisle plussimpleet flammesisoléesqui s'en vontçà et làà travers
le plus saugrenu: égarer un paysan qui se lesjoncs closmarécages?Malheureuxvoya-
rendaitchezlui, prendrela formed'un siège, geur, prenezgarde! ce sontles wilisquidan-
afinde faire tomberune vieillecommèresur senl; c'est-la rondo infernalequi vouspro-
sonderrière, lorsqu'ellecroyaits'asseoirsur voquede sesfascinationspuissantes.Prenez
une chaise, étaientses principalesjouissan- garde, n'allez pas plus loin, ou vous êtes
ces. S'il se prêtait à faire quelque travail perdu. Leswilis, ajouteJulesJanin,que nous
pour les gens de la maison pendant leur copionsici, sautent jusqu'à l'extinctioncom-
sommeil,c'étaità conditionqu'on lui donne- plète de leur partner mortel.»
rail un déjeunerdélicat.— La septième, la
liuiiièiWeetlu neuvièmelettress'occupentdes Wiulre-.eroz(GlJIM.AU-Yllî) , — SOl'Ciei' Cil
sorciersel de la sorcellerie.Nousn'en repro- Franche-Comté vers l'an 4600. Son fils, âgé
duirons rien, non plus que de la dernière, de douzeans, lui reprochad'avoirété au sab-
consacréeaux devinsel aux revenants,tout bat et do l'y avoir mené. deux!...» Le père indigné
ce dictionnaireétant parseméà ce sujet de s'écria: «Tunousperdslousau sabbat.IlNéan- pro-
faitset de documentsqui suffisentau lecteur testa qu'il n'avaitjamaisété
curieux. moinson prononçason arrêt, parce qu'il y
avait cinqpersonnesqui le chargeaient;que
Wattler (PiEiuui).— Il a publié au riix- d'ailleurs sa mère avait,été suspecte, ainsi
sep'lièmesièclela Doctrineel interprétation que son frère, el que beaucoupde méfaits
des songes, commetraduite de l'arabe de avaientété commispar lui. Commeil fut dé-
Gabilbrrhaman . filsde Nosar; irt-42, Paris , montré que l'enfant,ne participaitpas à la
!6()4. sorcellerie,il fut élargi1.
"ssrierus(JEAN) , — célèbredémonograplie "Woden,— dieusuprêmedes anciensGer-
brabançon, élèved'Agrippa,qu'il a défendu mains, le mômequ'Odin.Onlaissaitdansles
dans ses écrits.Onlui doit,lescinq,livresdes moissons(les épispour ses chevaux, et dans
Prestigesdes Démons, traduits en français les bois dû gibier pour sa chasse.Les cher-
sous ce titre : Cinq livres de l'impostureel cheursouitrouvérpicvWoderi vdontles races
tromperiedesdiables, des enchantementset germaniqueson!fait Gorien se convertissant
sorcelleries,pris du latin de Jean Wier, mé- au christianisme,,a de l'analogie avec le
decindu duc de Clèves,et faits françaispar Boudhades Indiens2.
JacquesGrevin, de Clermont.Paris,,in-8°, Woloty, — monstresépouvantablesqui,
4569. L'ouvragede Wierusest plein de cré- selonle récitde Lomonosoff,étaientchez les
dulité,d'idéesbizarres,de contespopulaires, Slavonscommeles géantschezlesGrecs.
d'imaginations,et riche de connaissances. —
1M.Gaiinel, Hisl.,-lela îr.ii^Uîen p.lCvl.
France,
C'estce mêmeécrivainqui.a publiéuntraité a Ynyo7.
M.Ozanain, Rcchcrch fissurré!nhliss::irie»t
curieuxdes larmesel l'inventairede la fausse thrL-lnibtianisrrc(.!!AVcmannc.
XEI\ — 53 6 — XYL
Woodward. — Un médecin empirique , mise à une analyse chimique. Le docteur
.lames Woodward, surnommé le docteur noir noir, sans autre indication, répondait au ma-
a cause de son teint, est mort en 4844 à lade qu'il était attaqué ou menacé de phthi-
Cincinnati, laissant une fortune considérable. sie, de péripneumonie, de goutte, de rhuma-
On a été surpris de trouver chez lui, dans tisme, etc., et il faisait ses prescriptions en
une grande armoire vitrée, une immense conséquence. Quand il rencontrait juste, on
quantité de peliles fioles de diverses dimen- était émerveillé de sa science profonde, el
sions, les unes pleines et les autres vides, et Ton demandait une consultation nouvelle ,
portant sur leurs étiquettes les noms et de- payée plus cher que la première. Les regis-
meures de personnages habitant les différents. tres du docteur oui constaté qu'il avait ré-
Etats de l'Union. Il y en avait aussi du Ca- pondu avec les plus grands détails à un grand
nada, des Antilles el du Mexique. Voici quel nombre de ses malades sans prendre la peine
en élail l'usage : le docteur noir se vantail d'analyser leurs émanations., car les fioles
de découvrir le diagnostic de toutes les ma- étaient encore hermétiquement fermées.
ladies par des émanations des consultants, à — roi d'Angleterre.
quelque distance qu'ils fussent de lui. Le ma- Wortigem, Toi/.
lade devait tremper son doigt pendant une MERLIN.
heure dans une fiole remplie de l'eau la plus Wulscm de la Colombière (MARC).— On
pure, el, lui envoyer ensuite celle fiole soi- lui doit le Palais des Curieux, où , entre au-
gneusement bouchée. L'eau, se trouvant ainsi tres sujets, il esl question des songes, avec un
imprégnée des sueurs du malade, élail sou- traité de la physionomie. Orléans, 4060.
Xaphan, —démon du second ordre. Quand homme lui apparut et, lui dit: «J'ai déjà dé-
Satan el ses anges se révoltèrent contre Dieu, claré au roi ce qu'il doit craindre, s'il ne se
Xapban se joignit, aux mécontents , el il en halo d'obéir à mes ordres ; cesse donc do
lut bien reçu, car il avail l'esprit inventif. Il l'opposer à ce qui esl arrêté par les destins. ».
proposa aux rebelles de mettre lo feu dans — En même temps il sembla à Artaban que
le ciel ; mais il fut, précipité avec les aulres le fantôme voulait lui brûler les yeux avec
au fond de l'abîme, où il est continuellement un for ardenl; il se jota à bas du lit, ra-
occupé à souffler la braise des fourneaux avec conta à Xerxès ce qu'il venait rie voir et d'en-
sa bouche et ses mains. tendre, et se rangea de son avis, bien per-
Xerxès. — Ayant cédé aux remontrances suadé que les dieux destinaient la victoire
de son oncle Artaban , qui le dissuadait de aux Perses; mais les suites funestes de celle
porter la guerre en Grèce, il vit dans son guerre démentirent les promesses du fantôme.
sommeil un jeune homme d'une beauté ex- Xeibeth, — démon des prodiges imagi-
traordinaire qui lui dit : Tu renonces donc, naires, des coules merveilleux el du men-
au projet de faire la guerre aux Grecs, après songe. 11 serait impossible de compter ses
avoir mis les armées on campagne?... Crois- disciples.
moi, reprends au plus tôt cette expédition, ou xitragupten. — Les Indiens appellent
tu seras dans peu aussi bas que tu le vois ainsi le secrétaire du dieu des enfers, qui est
élevé aujourd'hui. — Celte vision se répéta la chargé de tenir un registre exact des actions
nuit suivante. — Le roi étonné envoya cher- de, chaque homme pendant sa vie. Lorsqu'un
cher Artaban , lo fit revêtir de ses ornements défunt est présenté au tribunal du juge infer-
royaux, en lui contant la double apparition nal, le secrétaire lui met en main le mémoire
qui l'inquiétait, et lui ordonna de se coucher qui contient toute la vie de cet homme ; c'est
dans son lit, pour éprouver s'il ne se laissait sur ce mémoire que le dieu dés enfers règle
point abuser par l'illusion d'un songe. Arta- son arrêt.
ban, quoiqu'il craignît d'offenser les dieux en Xylomancie, — divination par le bois. On
les niellant ainsi à l'épreuve, fil ce que le roi la pratiquait particulièrement en Esclavonie.
voulut, et lorsqu'il fui endormi, le jeune C'était Tari de tirer des présages de ia posi-
YEU — 537 — YFF
liondes morceauxde boissec qu'on trouvait foyer, sur la manièredont elles brûlaient,
danssonchemin Onfaisaitaussides conjec- etc. C'estpeut-êtreun restede cette divina-
toiresnon moinscertainespour les chosesà lionqui fait dire aux bonnesgens, lorsqu'un
venir sur l'arrangementdes bûchesdansle tisonse dérange,qu'ilsvont,avoirunevisite.
tin grand sorcier. — Oll ll'OUVG dans les autour du cou un carcan chargé de sept dif-
lettres curieuses do Cyrano-Bergerac,sur la férentespierres précieuses, dont chacune por-
magie, le passage très-piquant qui suit : — tait le caractèrede la planètequi la dominait.
« Il m'est arrivé une,aventure si étrange, que — Ainsi mystérieusementhabillé , portant à
je veux vousla raconter. Voussaurez qu'hier, la main gauche un vase triangulaire plein de
fatigué de l'attention que j'avais mise à lire rosée, et à la droite une baguette de sureau
un livre de prodiges, je sortis à la prome- en sève, dontl'un des bouts était ferré d'un
nade pour dissiperles ridicules imaginations mélange de tous les métaux, il baisa le pied
dont j'avais l'esprit rempli, .le m'enfonçaidans de sa grotte, se déchaussa,prononçaen grom-
un petit bois obscur, où je marchai environ melant quelques paroles obscures, et s'ap-
un quart d'heure. J'aperçus alors un manche . procha à reculonsd'un gros chêne, à quatre
à balai, qui vint se mettre entre mes jambes pas duquel il creusa trois cercles l'un dar.s
et sur lequel je me trouvai à califourchon; l'autre. La nature, obéissant aux ordres du
aussitôtje me sentisvolant,par le vague des nécromancien,prenait elle-même, en frémis-
airs. Je ne sais quelle route je fis sur celle sant, les figures qu'il voulait y tracer. 11y
monture; niais je me Irouvai arrêté sur mes grava les nomsdes esprits qui présidaientau
pieds, au milieud'un désert où je ne rencon- siècle, à l'année, à la saison, au mois, au
trai aucun sentier. Cependant je résolus de jour et à l'heure. Ceci l'ail, il posa son vase
pénétrer el de reconnaîtreles lieux. Maisj'a- au milieu des cercles, le découvrit, mit un
vais beau pousser contre l'air, mes effortsne bout,de.sa baguette entre ses dents, se cou-
me faisaienttrouver partout que l'impossibi- cha la facetournée,vers l'orient, cl s'endor-
lité de passeroutre. — A la fin, fort harassé, mit. — Vers le milieu do son sommeil, je vis
je tombai sur mes genoux; et ce qui m'élon- tomber dans le vase cinq grains de fougère.
na, ce fut d'avoir passé en un momentde 11les prit, quand il fut éveillé, en mit deux
midi à minuit, .le voyais les étoiles luire au dans ses oreilles, un dans sa bouche; il re-
ciel avec un feu bleuetlanl; la lune était en plongea l'aulre dans l'eau, et jeta le cinquiè-
son plein, mais beaucoupplus pâle qu'à l'or- me hors des cercles. A peine fut-il parti de
dinaire ; elle s'éclipsa trois fois, et trois fois sa main, que je le vis environnéde plus d'un
dépassa son cercle ; les vents étaient paraly- million d'animaux de mauvais augure. H
sés, les fontaines élaient muettes; tous les loucha de sa baguette un chat-huant, un re-
animaux n'avaient de mouvement que ce nard el une taupe qui entrèrent dans les cer-
qu'il leur en faut pour trembler; l'horreur cles en jetant, un cri formidable.11leur fen-
d'un silence effroyable régnait partout, el dit l'estomac avec un couteau d'airain, leur
partout la nature semblait attendre quelque ôia le coeur,qu'il enveloppadans troisfeuilles
grande aventure. — Je mêlais ma frayeur à de laurier et qu'il avala ; il fit ensuite de lon-
celle dontla face de l'horizon paraissait agi- gues fumigations.Il trempa un gant de par-
tée, lorsqu'au clair de la lune, je vis sortir chemin vierge dans un bassin plein de rosée
d'une caverne un grand et vénérable vieil- et de sang, mit ce gant à sa main droite , et
lard, vêtu de blanc, le visage basané, les après quatre ou cinq hurlements horribles, il
sourcils touffuset relevés, l'oeil effrayant, la ferma les yeux et commença les évocations.
barbe renversée par-dessus les épaules. Il -—Il ne remuait presque pas les lèvres; j'en-
avait sur la tête un chapeau de verveine, et tendisnéanmoinsdans sa gorge unbruit sem-
sur le dos une ceinture de fougère de mai blable à celui de plusieurs voix entremêlées.
tressée. Al'endroit du coeurétait attachée sur Il fut enlevé de terre à la hauteur d'un demi-
sa robe une chauve-souris à demi morte, et pied, et de fois à autre il attachait attentive-
h/\ï APPENDICE.
ment la vue sur l'ongle de l'index de sa main Je suscite les guerres en les allumant, entre
gauche; il avait le visage enflammé et se les génies qui gouvernent les rois. J'enseigne
tourmentait fort. -— Après plusieurs conlor- aux bergers la palenôlre du loup. J'apprends
sions effroyables, il tomba en gémissant sur aux devins la façon de tourner le sas. Je fais
ses genoux; mais aussitôt qu'il eut articulé courir les feux follets. J'excite les fées à dan-
trois paroles d'une certaine oraison , devenu ser au clair de la lune. Je pousse les joueurs
plus fort qu'un homme, il soutint sans vacil- à chercher le trèfle à quatre feuilles sous les
ler les violentes secousses d'un vent épouvan- gibets. J'envoie à minuit les esprits hors du
table qui soufflait contre lui. Ce vent, semblait cimetière, demander à leurs héritiers l'ac-
lâcher de le faire sortir des trois cercles; les complissement des voeux qu'ils ont, faits à la
trois ronds tournèrent ensuite autour de lui. mort. Je fais brûler aux voleurs des chandel-
Ce prodige fut suivi d'une grêle rouge comme les de graisse de pendu , pour endormir les
du sang, et. celle grêle fit place à un terrent hôtes.pendant qu'ils exécutent leur vol. Je
de feu , accompagné rie coups de tonnerre. — donne la pislole volante, qui vient ressauler
Une lumière éclatante dissipa enfin ces trisles dans la poche! e quand on l'a employée. Je
météores. Tout au milieu parut un jeune fais présent, aux 1 quais de ces bagnes qui
homme, la jambe droite sur un aigle, la gaucho font aller et revenir d'Orléans à Paris en un
sur un lynx , qui donna an magicien trois jour. Je fais tout renverser dans une maison
fioles de je ne sais quelle liqueur. Le magi- par les esprits follets, qui culbutent les bou-
cien lui présenta trois chevaux, l'un pris au teilles, les verres, les plats, quoique rien ne
devant de sa tête, les deux autres aux tem- se casse et qu'on ne voie personne. Je mon-
pes; il fut frappé sur l'épaule d'un petit bâ- tre aux vieilles à guérir la fièvre avec des
ton que tenait le fantôme; et puis tout dis- paroles. Je réveille les villageois la veille rie
parut. — Alors le jour revint; j'aliais me la Saint-Jean , pour cueillir son herbe à jeun
remettre on chemin pour regagner mon vil- et sans parler. J'enseigne aux sorciers à deve-
lage, mais le sorcier, m'ayant envisagé, s'ap- nir loups-garous. Je lords le cou à ceux qui,
procha du lieu où j'étais. Quoiqu'il parût lisant dans un grimoire, sans le savoir, me
cheminer à pas lents, il fut plus tôt à-moi font venir et ne me donnent rien. Je m'e.; re-
que je ne l'aperçus bouger. Il étendit sur ma tourne paisiblement d'avec ceux qui me don-
main une main si froide, que la mienne en nent une savate, un cheveu ou une paille.
demeura long-temps engourdie. Il n'ouvrit.ni J'enseigne aux nécromanciens à se défaire de
les yeux, ni la bouche; el dans ce profond leurs ennemis, en faisant une image de cire,
silence il me conduisit à travers des masures, et la piquant, ou la jetant au feu , pour faire
sous les ruines d'un vieux château inhabité, sentir à l'original ce qu'ils l'ont souffrir à la
où les siècles travaillaient depuis mille ans à copie. Je montre aux bergers à nouer l'ai-
iiv.ltrc les chambres dans les caves. Aussitôt guillette. Je fais sentir les coups aux sorciers,
que, nous fûmes entrés : — « Vanle-loi, me pourvu qu'on les balle avec un bâton de su-
dit-il en se tournant vers moi, d'avoir con- reau. Enfin, je suis le diable Vauvert, le Juif
templé face à face le sorcier Agrippa , dont errant, et le grand veneur de la forêt de
l'âme est par métempsycose celle qui animait Fontainebleau »— Après ces paroles, le
autrefois le savant Zoroastre, prince des Bac- magicien disparut, les couleurs des objets
fiiens. — Depuis près d'un siècle que je dis- s'éloignèrent...; je me trouvai sur mon lil,
parus d'entre les hommes, je me conserve encore tremblant de peur. Je m'aperçus que
ici, par le moyen de l'or potable , dans une toute cette longue vision n'était qu'un rêve;
sanlô qu'aucune maladie n'a interrompue. Do que je m'élais endormi en lisant mon livre de
vingt ans en vingt ans , je prends une prise noirs prodiges, et qu'un songe m'avait fait
de celte médecine universelle, qui me rajeu- voir tout ce qu'on vient de lire. »
nit et qui restitue à mon corps ce qu'il a
perdu de ses forces. Si lu as considéré trois Sia légende de ££enrï-ie-X»î6n. — Nous
fioles que m'a présentées le roi des Salaman- l'empruntons à Musaeus,- dont les contes po-
dres, la première en est pleine, la seconde pulaires sont riches de tarit de traditions mer-
confient de la poudre de projection , el la troi- veilleuses. •— Pendant que la croisade de
sième de l'huile de talc, — Au reste, tu m'es Frédéric-Bàrberousse occupait le monde, chré-
obligé, puisque, entre tous les mortels, je tien , il y eut grand bruit dans toute l'Alle-
t'ai choisi pour assister à des mystères que je magne de l'aventure merveilleuse arrivée au
ne célèbre qu'une fois en vingt ans. — C'est duc Henri de Brunswick. — 11 s'était embar-
par mes charmes que sont envoyées, quand qué pour la Terre-Sainte. Une tempête le
il me plaît, lès stérilités et les abondances. jeta sur la côte d'Afrique. -Échappé seul du
ÀPPEND 3ICE. Ti/io
naufrage,il trouvaun asiledansl'antre d'un 1: m'appartiennedans l'autre monde.— Soil,
lion.L'animal, couchéà terre, lui témoigna rréponditle duc, dominépar la colère; » el il
tant de douceurqu'il osa s'en approcher; il touchat la maindu petit hommenoir. — Le
reconnut que celle,humeur hospitalièredu marché i se trouvadoncconcluentre les par-
redoutableanimal provenait de l'extrême lies ' intéressées. Satan prit la forme d'un
douleurqu'il ressentaità la patte gauchede griffon,
! saisîtdansune de ses serres le duc
derrière; il s'y était enfoncé une grosse Henri, dans l'autrelefidèlelion, et lestrans-
épine, el la douleurle faisait,souffrirà un tel porta , des côtesde la Libye, dans la ville
point qu'il ne pouvaitse lever et qu'il avait de Brunswick,où il les déposasur la place
.complètement perdu l'appétit. La première du Marché,au moment,où le-guet venaitde
connaissancefaite,et la confianceréciproque crier l'heure de, minuit.Puisil disparut.—
établie, le duc. remplit,auprès du roi des Le palaisducalet la villeentièreétaientillu-
animauxles fonctionsde chirurgien;il lui ar- minés; toutesles rues fourmillaientd'halv-
racha l'épine et.lui pansa le pied '.Le lion tants qui se livraientà une bruyantegaieté,
guérit, et, reconnaissantdu serviceque lui el couraientau châteaupoury voirla fiancée
avait renduson hôle, il le nourritabondam- et pour être spectateursde ladansedesflam-
ment de sa chasseet le comblade toutesles beaux qui devaitterminerles fêtes du jour.
caressesqu'unchien a coutumede faireà son — Le voyageuraérien, qui ne ressentaitpas
maître.— C'étaitfort bien. Mais le duc ne la moindrefatigue,se glissaà traversla foule
tarda pas à se lasserde l'ordinaire,du lion, sousle portail du palais, et, accompagnéde
qui, avec toutesa bonnevolonté,no lui ser- son lion fidèle,il fit retentirses éperonsd'or
vait pas la venaisonaussibien apprêtée que sur l'escalier,entra dansla salle du festin,
le faisait,son cuisinier.Il désiraitardemment lira son épée et s'écria : « A moi ceux qui
de retourner d'anssa résidence,la maladie sont fidèlesau duc Henri!mort el malédic-
du pays le tourmentait,nuit et jour; maisil tionaux irailres! » — fin mêmetemps,lelion
ne voyaitaucun espoirde pouvoirjamaisre- rugit,secouantsa crinièreet agitantsa queue.
gagner sesétats. — Letentateur s'approcha On croyait entendreles éclatsdu tonnerre.
alors du duc, que la tristesseaccablait.Il Les trompetteset les trombonnesse lurent;
avait pris la formed'un petit hommenoir; mais lesvoûtesantiquesretentirentdu fracas
Henri d'abord crut, voir un orang-outang, des armes et les murs du châteauen trem-
mais c'était bienSatan en personnequi lui blèrent.— Le fiancéaux bouclesd'or et la
rendaitvisite.« DucHenri, lui dit-il, pour- troupe bigarrée de ses'courtisanstombèrent
quoite lamentes-tu?Si lu veuxprendrecon- sous l'épée de Henri.Ceux qui échappaient
fianceen moi, je mettrai fin à tes peines; au glaiveétaient,déchiréspar le lion. Après
je te ramèneraiprès de Ion épouse; aujour- que le pauvre fiancé, ses chevalierset ses
d'huimômelu souperasà Brunswick,oùl'on valetseurent mordula poussière,et que le
prépare ce soirun grandfestin; car la du- duc se fut montré le maître de la maison
chesse,qui le croit mort, donnesa mainà d'une manière aussi énergique que jadis
un nouvelépoux.» —Cettenouvellefut un Ulysseavec les prétendantsde Pénélope,il ,
coupde foudre pour le duc; la fureur élin- prit place à tailleà côté de son épouse.Elle
ceiaitdans ses yeux; son coeurétait en proie commençait à peineà se remettrede la frayeur
au désespoir.11aurait pu songerque, depuis mortelleque lui avaient causée ces massa-
trois ans qu'onavait annoncéson naufrage, cres.Tout en mangeantavec grand appétit
il étaitbien permisà la duchessedese croire desmetsque soncuisinieravaitapprêtéspour
veuve.Il ne s'arrêtaqu'à l'idéequ'il était ou- d'aulres convives,et en régalantson compa-
tragé. « Si le ciel m'abandonne,pensa-t-il, gnonde ragoûtsqui ne paraissaientpas non
je prendrai conseilde l'enfer.» Il était dans plus lui déplaire, Henri jetait les yeux de
une de ces situationsdontle diablesait pro- tempsen temps sur sa femme,qu'il voyait
fiter.Sans perdrele tempsen délibérations, baignée de larmes. Ces pleurs pouvaient
il chaussases éperons, ceignit son épée et s'expliquer de deux manières; mais, en
s'écria: « En roule, camarade.— A l'ins- hommequi saitvivre, le ducleur donnal'in-
tant, répliquale démon, maisconvenonsdes; terprétalionla plusfavorable; il adressa à là
frais do transport.— Demande ce. que lui dame, d'un ton affectueux,quelquesrepro-
voudras, dit le duc, je, le le donnerai, surr cliessur sa précipitationà former de nou-
ma parole. — Hé bien!il faut que ton âme> veauxnoeuds,et il reprit ses vieilleshabitu-
1 C'estainsiquecommença des. — Iîenri-le-Lion, surnomméainsi à
l'aventure
d'Androctès-,
cause de son aventure, disparut en 4195,
qui t comme
rouva, le ducde unami
Brunsv,'iclï, d ans
sonlion. emportéparle petithommenoir.
.Wi APPENDICE.
La vieille sorcière de Berkeley. — Bit1- M. Charles Dickens. — Le baron von Koeld-
lade écossaise. -— « Vers le onzième siècle, welhout de Grogzwig en Allemagne, était au
dans une ville d'Angleterre, une femme adon- désespoir: sa femme venait de lui donner son
née à la magie étant, un jour à dîner, une treizième enfant, et à chaque nouveau-né elle
corneille qu'elle avait toujours auprès d'elle devenait plus grondeuse. La famille de sa
lui croassa je ne sais quoi de plus clair qu'à femme s'en mêlait; il venait de reconnaître
l'ordinaire. Elle pâlit, poussa de profonds sou- que ses coffres étaient vides. Le baron ne
pire et s'écria : « J'apprendrai aujourd'hui de chassait plus, ne riait plus : « Je ne sais que
grands malheurs. » — A peine achevait-elle faire, dit-il; j'ai envie de me luer. » — Celait
ces mots, qu'on vint lui annoncer que son fils une brillante idée! -—Le baron prit dans une
aîné et toute la famille de ce fils étaient morls armoire un vieux couteau de chasse, el l'ayant
de mort, subite. Pénélrée de douleur, elle repassé sur sa botte, il fit mine de rappro-
assembla ses autres enfants, parmi lesquels cher de sa gorge. -— « Hem ! dit-il, s'arrèlont
étaient un moine cl une religieuse, et leur dit toul court, il n'esl peut-être pas assez affilé. »
en gémissant : « Jusqu'à ce jour, je me suis •—Le baron le repassa de nouveau ; et il fai-
livrée aux arts magiques ; je n'ai d'espoir que sait une seconde tentative, quand il fut in-
dans vos prières : je sais que les démons sont terrompu par les clameurs bruyantes des
à la veille de me posséder pour me punir de jeunes barons et baronnes; car leur chambre
mes crimes ; je vous prie, comme votre mère, était dans une tour voisine, dont, les fenêtres
de soulager les tourments que j'endure déjà ; étaient garnies de barres de fer, pour les
sans vous ma perte me paraît assurée , car empêcher de tomber dans le fossé. « 0 dé-
je vais mourir à l'instaiil. Benfermez mon lices du célibat! s'écria le baron en soupirant,
corps, enveloppé d'une peau de cerf, dans si j'avais été garçon, j'aurais pu me tuer cin-
une bière de pierre recouverte de plomb que quanle fois sans être dérangé. Holà ! mettez
vous lierez par trois tours de chaîne ; si pen- un flacon de vin el la plus grande de mes
dant trois nuits je reste tranquille, vous m'en- pipes dans la petite chambre voûtée, derrière
sevelirez la quatrième; quoique je craigne la salle d'armes. » —Un valet, qui s'appelail
que la terre ne veuille point recevoir mon Jean, exécuta l'ordre du baron dans l'espace
corps : pendant cinquante nuits, chaulez des 'd'une demi-heure ou à peu près, et le sire de
psaumes pour moi, et que pendant cinquante Grogzwig, informé que loul était prêt, passa
jours on dise des messes. »>•— Ses enfants dans la chambre voûtée , dont les boiseries
exécutèrent ses ordres, mais sans succès. Les sombres élincelaient à la lueur des bûches
deux premières nuils, tandis que les clercs amoncelées clans le foyer. La bouteille cl la
chantaient des psaumes, les démons enlevè- pipe étaient prêles, el, somme toute, la pièce
rent, comme si elles eussent été de paille, les avait un air confortable. — « Laisse la lampe,
portes du caveau et emportèrent les deux dit le baron. — Vous faut-il encore autre
chaînes qui enveloppaient la caisse: la troi- chose, monseigneur? demanda le valet.—Va-
sième nuit, vers le chant, du coq, tout le mo- l'en. » — Jean obéit, cl le baron ferma la
nastère semblait ébranlé par les démons qui porte. — « Je vais fumer une dernière pipe,
entouraient l'édifice. L'un d'entre eux, le plus dit-il, et tout sera fini. » —Mettant de côté
terrible ni d'une taille colossale, réclama la le couteau de chasse en attendant qu'il en eût
bière. 11appela la morte par son nom, el lui besoin, et se versant un grand verre de vin,
ordonna de sortir. « Je ne le puis, répondit le sire de Grogzwig s'étendit sur son fauteuil,
le cadavre, je suis liée. —Tu vas être déliée, allongea les jambes sur les chenets el se mil
lui dit Salon ; » et aussitôt il brisa comme une à fumer. — Le baron eût été certainement ro-
ficelle la troisième chaîne de fer qui restait mantique si le romantisme eût été inventé à
autour de la bière , découvrit d'un coup de colle époque; mais il était doublement dis-
pied le couvercle, et prenant la morte par la posé à la rêverie, par sa qualité d'Allemand
main, il l'entraîna en présence de tous les cl de fumeur. Bien n'est plus favorable que
assistants. Un cheval noir se trouvait là, hen- la pipe, aux hallucinations. La monotonie du
nissant fièrement, couvert de crochets de fer; mouvement d'aspiration et d'expiration jette
on plaça la malheureuse sur son dos el il l'esprit et les sens dans une espèce de som-
disparut; on entendit seulement, dans le loin- nolence, Les vapeurs narcotiques du tabac
tain les derniers cris de la sorcière *. surexcitent et exaltent l'imagination. Il sem-
La vision du suicide. — Ceci est un conte ble que du foyer de la pipe s'échappe une
extrait de Nicolas de multitude d'êtres aériens qui flottent et tour-
fantastique, Nikkby, billonnent avec la fumée, se cherchent et se
1 Vincentdo Guillerin,Spect;hist., liv. X'.xvi. saisissent au milieu du nuage azuré, el mon-
APPEN )ICE. 5/i5
lent au ciel en dansant.— Le baron songea oui, je le suis; par ces temps de misèro et
à une foulede choses,à ses peinesprésentes, d'ennui, j'ai beaucoupà faire en Angleterre
à ses jours de célibat,el aux gentilshommes et en France, où je vais de ce pas, et tout
vert-pomme,depuislong-tempsdispersésdans mon temps.est pris. — Buvez-vous?dit le
le pays, sans qu'on sût ce qu'ils élaienlde- baron louchantla bouteille,avecla tète de sa
venus, à l'exceptionde deux qui avaienteu pipe. — Neuffoissur dix et largement, re-
le malheurd'être décapités,el,de quatre au- prit le génie d'un Ion sec. — Jamais avec
tres qui s'étaient tués à forcede boire. Son modération?-—Jamais, répliquale génie en
esprit errait au milieudes ours et des san- frissonnant;cela engendrela gaieté.» — Le
gliers, lorsque, en vidantsonverre jusqu'au baron examinaencoreson nouvelhôte, qu'il
fond,il leva les yeuxel crut.s'apercevoirqu'il regardaitcommeun visiteur extraordinaire-
n'était pas seul. — A travers l'atmosphère menl fantasque,el lui demandaenfins'il pre-
brumeuse dont il s'était entouré, le baron nait une part activeà tous les simplesarran-
distinguaun être hideux et ridé , avec des gementsdu genrede ceuxdontil s'agissaiten
yeux creux el sanglants, une figurecadavé- ce moment.« Non, répondit évasivementle
reuseet d'une longueurdémesurée,ombragée génie; maisje suis toujoursprésent.— Pour-
de boucleséparsesde cheveuxnoirs.Ce per- voir si l'affaireva bien? je suppose.— Pré-
sonnagefantastiqueétait,assisde l'autre côlé cisément,réponditle génieen jouantavecson
du feu, et, plus le baron le regarda , plus il pieu dont il examinaitle fer. Ne perdez pas
demeura convaincude la réalité de sa pré- une minute, je vous prie, car je suis mandé
sence. L'apparitionétaitaffubléed'une espèce par un jeune hommeaffligéde trop de loisir
de tunique de couleurbleuâtre, qui parut au et d'argent.— Setuer parce qu'on a tropd'ar-
barondécoréed'osen croix.Enguisede cuis- gent ! s'écria le baron, se laissantaller à une
sards, ses jambesétaientencaisséesdansdes violenteenvie de rire. Ah! ah ! ah ! voilàqui
planchesde cercueil,elsursonépaulegauche esl bon! » — C'était la première fois que le
étaitjeté un manteaucourt el poudreux, qui baron riait depuislong-temps.« Ditesdonc,
semblait fabriqué d'un morceau de linceul. reprit le génie d'un ton suppliantet d'un air
Ellene faisaitaucuneattentionnubaron,mais d'anxiété,ne recommencez pas, s'il vousplaît.
contemplaitfixementle feu. — « Ohé!s'écria — Pourquoi? •—Vosrires me fontmal; sou-
le baron frappantdu pied pour attirer les re- pirez tant que vous voudrez, je m'en trou-
gards de l'inconnu.— Ohé! répéta celui-ci verai,bien. » — Le baron soupira machina-
levantles yeux vers le baron, maissansbou- lement, el le génie, reprenantson courage,
ger. — Qu'est-ce? dit lebaronsans s'effrayer lui lendit le couteau de chasse avec la plus
de celle voixcreuse el de ses yeux mornes; séduisante politesse.—•«Ah! ce n'est pas
je doisvous adresser une question.Comment une mauvaiseidée, dit le baron sentant la
ôles-vonsentré ici? — Par la porte. — Qui froidepointe de l'acier, se tuer parce qu'on
ôlcs-vous?— Un homme.-—Je ne le crois a tropd'argent ! —•Bah! dit l'apparitionavec
pas. — Commevous voudrez. » — L'inlrus pétulance, est-ce une meilleure idée de se
regarda quelque temps le hardi baron do tuer parce qu'on n'en a pas assez? »— Je ne
Grogzwig,et lui dit familièrement: « Il n'y a sais si le génie s'était compromispar nié-
pas moyende voustromper,à ce que je vois. garde en prononçantces mots, ou s'il croyait
Je ne suis pas un homme.— Qui êles-vous la résolutiondu baronassezbienarrêtée pour
donc? — Un génie.— Vous n'en avez pas n'avoirpas besoinde faireattentionà ce qu'il
l'air, repartit dédaigneusementle baron. — disait; je sais seulementque le sire de Grog-
Je suis le génie du désespoirel du suicide, zwig s'arrêta toutà coup, ouvrit de grands
dit l'apparition; vous me connaissezà pré- yeux, et parut envisagerl'affairesousun jour
sent. » — A ces mots, l'apparitionse tourna complètementnouveau.« Mais,en effet, dit-
vers le baron, commesi elle se fût préparée il , rien n'est encoredésespéré.— Voscoffres
à agir; et ce qu'il y eut de remarquable, ce sont vides, s'écria le génie.•—On peut les
fut de la voir mettre de côlé son manteau, remplir. — Votre,femme gronde.— On la
exhiberun pieu ferré qui lui traversaitle mi- fera taire. — Vousaveztreize enfanls.— Ils
lieu du corps, l'arracher brusquementet le ne peuvent tous mal tourner. » — Le génie
poser sur la table aussi tranquillementque si s'irritait évidemmentdes opinionsavancées
c'eût été une canne de voyage.•—« Mainte- par le baron; mais il affectad'en rire, elle
nant, dit le génie,jetant-un coupd'oeilsur le pria do lui fairesavoir quandil aurait finide
couteau de chasse, êles-vousprêt? —Pas plaisanter. « Mais je ne plaisante pas , au
encore; il faut quej'achève ma pipe. — Dé- contraire, reprit le baron.—Eh bien! j'en
pêchez-vous.—Voussemble/,pressé.— Mai;: suis charmé, dit le génie, parce que, je l'a-
35
5/i6 APi'KNl::)U'A\.
voue franchement, toute ptaisanlerie est mor- iqui ne pouf servir en aucune façon à la dé-
telle pour moi. Allons, quittez ce monde do I
fense du manoir. Les habitants du pays dé-
misères. —J'hésite, dit le baron, jouant avec. :signent cet objet sous le nom de caiere grisa
le couteau de chasse; ce monde ne vaut pas ( chaire grise ) ; sans doute à cause de la cou-
grand'chose, mais....—Dépêchez-vous, s'é- leur des grès avec lesquels ou l'a construite.
cria le génie en grinçant des dents. — Laissez- — Les Flamands aiment trop le merveilleux
moi , dit le baron ; je cesserai de broyer du pour ne point expliquer par l'intervention du
noir, je prendrai gaiement les choses, je res- diable l'origine de la Chaire grise ; et, voici la
pirerai le frais, j'irai à la châsse aux ours, el. tradition répandue à cet égard. — Lorsque
si l'on nie contrarie, j'enverrai promener les saint. Vaasl, l'apôtre de la Flandre, vint prê-
gens. « — A ces mots, le baron tomba en cher le christianisme dans ce pays barbare. ,
arrière dans son fauteuil, et partit d'un éclat ses miracles, bien plus encore que ses prédi-
de rire si désordonné, que la chambre en re- cations, convertissaient les sauvages Nerviens.
tentit..— Le génie recula de deux pas, regarda Satan poussa des cris de douleur en voyant
le baron avec Une expression de terreur, re- ceux qu'il regardaitnaguôres comme une proie
prit soii pieu ferré, se l'enfonça violemment, certaine courir au-devant du saint, évoque, et
au travers du corps, poussa un hurlement recevoir de lui le baptême ella foi. 11résolut,
d'effrùi et disparut. — Le sire de Grogzwig, pour maintenir sa puissance chancelante,
comme le bûcheron de la fable, ne revit plus d'opposer miracle à miracle; pour cela, il fil
le génie de mort. Conformant ses actions à ses tomber le feu du ciel sur le château d'Esnes,
paroles, il vécut long-temps après sans beau- dont, il ne resta bientôt plus pierre sur pierre.
coup de fortune , niais heureux, laissant une — Le baron d'Esnes, propriétaire de ce ma-
nombreuse famille exercée sous ses yeux à .la noir, était un nouveau converti ; il courut, se
chasse aux ours. — Bonnes gens, si de sem- jeter aux pieds de saint Vaasl, en le suppliant,
blables motifs vous rendent jamais hypocon- de reconstruire son château par un miracle
dres el mélancoliques, je vous conseille d'exa- Le saint répondit au nouveau chrétien par une.
miner les deux faces de la question en appli- remontrance paternelle, et lui prêcha la ré-
quant à la meilleure un verre grossissant. signation aux décrets de la volonté divine. •—
ï.a Chaire grise. — Le château d'Esnes, dit Comme le baron d'Esnes s'en revenait Irisle
M. Henri Berllioud, à qui nous devons ce et désappointé, le diable lui apparut. Il s'offrit
récit, est une de ces vieilles habitations féo- de reconstruire en une nuit, le château brûlé,
dales que l'on rencontre si fréquemment, dans si le baron voulait abjurer sa religion nouvelle.
là Flandre. Au rebours de là plupart dès au- Le baron accepta le parti, el, le lendemain, à
tres forteresses, on a bâti celle-là au fond ia grande surprise de tout le pays, le château
d'une vallée que des hauteurs dominent de d'Esnes, reconstruit d'une façon nouvelle,
toutes parts; et ses murailles de pierres blan- apparut au lieu des ruines fumantes et des
ches énormes, loin d'être noircies par le débris qui lu veille couvraient la terre. •—-Une
temps, se détachent éblouissantes sur la ver- merveille si grande ébranla beaucoup les lé-
dure sombre d'Un bois immense. On ne con- moins du refus qu'avait fait saint Yaast d'en
naît pas l'époque précise où fut construit le opérer une semblable. L'apôtre, pour détruire
château d'Esnes , et son architecture, pleine celle mauvaise impression, se rendit au châ-
de bizarrerie et d'un caractère particulier, ne teau d'Esnes: et, comme on lui en refusa
donne aucune lumière à cet égard. — A l'ex- l'entrée, il s'adossa contre les fortifications,
trémité septentrionale du château, et par Une pour parler à là foule accourue de toutes parts.
exception dont il est difficile de se rendre Tandis que le saint faisait une exhortation à
compte, s'élève une petite tourelle construite ces chrétiens chancelants, un rayon brûlant
en grès; ses formes élégantes el légères pré- de soleil vint tomber sur la tète chauve du
sentent avec le reste du manoir un contraste vieillard : soudain, des anges descendirent, et
singulier. Ses ogives, à triples colonneltes, construisirent autour de lui la Chaire Grise.
sont unies entre elles par une tôle d'une ex- A ce miracle, dont pins de quatre mille per-
pression bouffonne, el, sur les parois , dés sonnes furent témoins, dit la tradition, les
figurines d'un travail exquis joignent leurs blasphèmes se changèrent en prières; el tous
mains dans l'altitude de là prière. L'oeil, blessé ceux qui n'avaient point encore reçu le bap-
par la blancheur uniforme de tous les objets: lême le reçurent aussitôt dès mains de saint
qui l'entourent, se repose avec charme sur Vaasl. Le baron d'Esnes ne put. résister lui-
cette délicieuse petite construction qui rap- même à cette preuve de la puissance de Dieu ;
pelle par sa formé ce que l'on nomme, en ar- et le diable, confus el chassé, s'en retourna
chitecture militaire, nia d'hirondelle . mais; aux enfers.
AIM'LN!MCI'. 5/i7
£,a ôhassc auS: sorcières. — Le vieux plus ] que vieillesfemmescourant la nuit à
John Podgersvivait à Windsor,sousle règne cheval i sur un mancheà balai ; ces images
de Jacques l*'1'.C'étaitalors une ville origi- l'absorbèrenttout entier; el commeil n'était
nale que.Windsor; c'était aussi un curieux pas embarrassépar le nombrede ses idées,
personnageque John. Windsorel lui se con- celle-cirégna sans rivales dans sa tète. Dès
venaientel ne se,quittaient guère.— Groset lors il s'appliquaà dresser dans les rues ce
court et doué d'un vaste appétit , lel était qu'on pourraitappeler (les piègesà sorcières
John. Mangeur et dormeur, il faisait deux et à en épier l'effet.Les enginsdontil se ser-
parts de son temps, s'endormanl dès qu'il vait consistaienten brinsde paille placés en
avait mangé,et mangeantdès qu'il s'éveillait. croixau milieudu chemin, ou en petits lam-
Quoiqu'il en soit, la villerendait hommage beaux de quelque couverturede Bible, sur
à sa prudence. Ce n'était pas tout à fait un lesquelsil mettaitune pincéede sel. H assu-
hommetrès-vif; mais c'était un hommeso- rait que ces exorcismespossédaientune.vertu
lide et qui gardait en réserve, disai'-on, plus souveraine.S'il arrivait à une vieille femme
d'esprit qu'il n'en montrait. Celle opinion de trébucheren passan^sur ces objets, John
était fortifiée par l'habitude qu'il avait de Podgers soudainarrêtait la coupableet. ap-
hocherla tête avec gravité lorsqu'onlui de- pelait du secours. La sorcière,découverte
mandaitson avis, el de ne jamais se pronon- ainsi était, entraînée et jetée à l'eau. — La
cer avec une clarté qui eût pu le compro- chasseopiniâtrequ'il ne cessaitde faire à des
mettre. — John Podgers semblait donc le êtresaussimalfaisantsel la manièresommaire
jilus heureux des hommes. Mais, hélas! en dontil les expédiait, lui acquirentune répu-
dépit de son apathie, une inquiétudeconti- tationextraordinaire.Uneseule personnen'a-
nuelletroublait son repos. Dansce temps-là vait pas foien sonpouvoir:c'était son propre
une foulede vieilles femmes, vulgairement neveu, étourdide vingtans, qui plaignait.son
connuessous le nom de sorcières, causaient oncle, touten lui lisant les livres de littéra-
ù Windsormaintsdésordreset tourmentaient ture salanique.Les voisinss'assemblaientle
les bonnesgenspar de rudes malices.Le roi, soir sousle petitporchede la maisonde John,
qui avait peu de sympathiepour elles, prit et prêtaient une oreilleattentiveaux histoires
la peine de rédiger un édil où il indiquait effrayantesque Will Marks lisait tout haut.
divers moyens ingénieux de l'aire tourner — Un soir d'élé, Will Marks,assisau milieu
leurs maléficesà leur confusion.Grâce à cet d'un groupe d'auditeurs,et tous ses traitsex-
édil, il ne se passailguère de jour où quelque primant nue gravité comique, lisait, avec
sorcièrené fût pendue,noyéeou brûléedans maintsornementsde sa façon, l'histoirevéri-
quelque lieu des trois royaumes.La plupart dique d'un gentlemandu Noilhaniptonshire,
des livres qui se publiaient alors traitaient devenu la proie des sorciers et du diable.
de celle madère, el répandaient,sur les sor- JohnPodgerss'était placé en face du lecteur,
cièresel leurs victimesd'effrayantesrumeurs. toutesa contenanceannonçantl'horreur dont
— La petite villede Windsorn'échappapoint il était pénétré; les autres assistants, le cou
à la contagion.Les habitants célébrèrent la tendu, la bouchebéante, écoulaienten trem-
fêledu roi Jacquesen brûlant une sorcière, blant et en souhaitant de trembler encore
el ils envoyèrentà la cour quelques-uns do plus. Par intervalles,maîtreWill faisait une
ses restes,avec une,respectueuseadressequi pause. 11promenaitsûr l'assembléeun regard
exprimaitleurs sentimentsde fidélité.Le roi dont il s'efforçaitdo cacher la raillerie,mali-
daigna répondre aux bourgeoisde Windsor. cieuse. — Cependantle soleils'élait couclié;
11leur traça des règles pour découvrirles tout à coup Will s'interrompitet ses audi-
sorcières; el parmi les charmes puissants teurs levèrent la tète au. bruit du trot d'.un
qu'il leurrecommandacontreelles,il désigna cheval: un cavaliers'arrêta,devantle porche
surtout les fers à cheval, à cause de leur et demandaoù demeurai!Jean Podgers. —
formecabalistique.Plusieursen conséquence «Icimême,»crièrentunedouzainede.voix,Le
crurent qu'ils mettraientleurs fils à l'abri de cavalier, descendantde cheval, s'approcha
tout maléficeen les plaçantcommeapprentis de John d'un air empressé.«D'où viens-tu?
chezdes maréchaux-ferrants,professionqui demandaJohnbrusquement.— De Kingston,
devint fort estimée.— Au milieu de celle monsieur..— Et quelle affaire t'amène ici ?
perturbation,on remarquaque John Podgers — Uneaffaireimportante; une affairede sor-
hochaitla tête plusque par le passé. 11ache- cellerie.»— A ce mot de sorcellerie,chacun,
tait tous,les livres qu'on publiait contre la regarda le messageravec consternation.Will
sorcellerie.Il s'instruisità fonddans lascience seul resta calme — Le messagerrépéta sa,
des charmes el des:exorcismes.Il ne rêva réponse d'un Ion encore plus solennel; puis
35.
5/t 8 AI-PI! NIMCI*!.
il raconta comment depuis plusieurs nuits les montré; il lui donna les conseils que lui sug-
habitants de Kingston étaient réveillés par les gérait, sa vieille expérience; Will, en ce mo-
cris affreux que poussaient les sorcières au- ment, se grandissait à ses yeux de tout le
tour du gibet de la ville ; comment des voya<- courage que lui-même ne se sentait pas. —
geurs les avaient distinctement aperçues; com- Au bout de quelques minutes, Will reparut
ment trois vieilles femmes dès environs étaient couvert d'un ample manteau et armé d'une
véhémentement soupçonnées.... Ici les assis- longue rapière. — «Maintenant, camarade,
tants frissonnèrent. John Podgers hocha la dit-il en s'adressant au messager, montrez-
tête d'un air qui parut singulièrement signi- moi le chemin. Adieu, mes maîlrcs; adieu,
ficatif. — Le messager continua : un conseil mon oncle. Je présenterai vos compliments
avait été tenu, dit-il; les magistrats avaient aux sorcières de Kingston.» Will et.son com-
été d'avis que, pour constater l'identité de' pagnon s'éloignèrent au grand trot, de leurs
ces créatures, quelqu'un veillerait auprès du chevaux. — Les bourgeois de Kingston étaient
gibet. Mais il ne s'était présenté aucun homme encore plongés dans leur premier sommeil',
de bonne volonté ; el on l'avait dépêché vers lorsque Will el son guide arrivèrent aux por-
John Podgers comme;, vers un personnage de tes de la ville et se dirigèrent vers une maison
renom, qui bravait les sortilèges e! les malé- où les principaux magistrats tenaient conseil.
fices. — John reçut celte communication avec Quand ils virent entrer à la place de John ,
un air digne. Il répondit en peu de mots qu'il qu'ils attendaient, un jeune homme bien fait,
serait heureux de pouvoir rendre service aux mais dont l'extérieur n'avait rien d'imposant,
habitants de Kingston ; mais que son penchant leur désappointement fui extrême. Ils l'accep-
à s'endormir l'en rendait incapable. «Cepen- tèrent pourtant faute de mieux. Les instruc-
dant, ajoula-t-il, il y a ici un homme qui tions qu'ils lui donneront consistaient à se
passe sa vie à fabriquer des fers à cheval, el cacher près du gibet, auquel était attaché le
qui, par conséquent, n'a rien à craindre du corps d'un malfaiteur inconnu, que des agents
pouvoir des sorcières. Je ne doute pas, d'a- du gouvernement, munis d'ordres secrets,
près sa réputation de courage, qu'il ne se fasse avaient exécuté i'avanl-veille ; à se montrer
un plaisir de me remplacer.» — Le maréchal- soudainement au milieu des sorcières et à les
ferrant interpellé remercia John Podgers de charger à grands coups d'épée. Les prudents
l'opinion flatteuse qu'il avait conçue de sa magistrats avaient, calculé que les meurtris-
bravoure. «Mais pour ce qui regarde l'affaire sures et les estafilades feraient reconnaître le
en question, dit-il, je suis forcé de me récu- lendemain celles des vieilles femmes de la
ser. Je ne m'appartiens pas; l'idée de. me ville qui auraient couru le sabbat pendant la
savoir engagé dans une aventure ferait mou- nuit. Will loua très-fort celte invention. 11fit
rir ma femme.» Tous les gens mariés applau- son profit des conseils et des recommanda-
dirent, en déclarant aussi qu'ils se devaient à tions; mais il profila encore bien plus d'un
leur famille. Will, qui était garçon et qui s'é- bon souper qui lui fut offert. 11attendit devant
tait permis de rire plus d'une fois de la une bonne table onze heures et demie ; alors
croyance aux sorcières, attira alors tous les d'un pas insouciant il suivit les magistrats au
regards ; chacun chuchotait : « Pourquoi ne lieu où il devait se placer en embuscade. —
pas s'adresser à Will?» Le jeune homme se Il faisait une nuit sombre' el menaçante; de
hâta de dire qu'il était prêt, et que dans cinq gros nuages noirs étaient suspendus dans les
minutes il serait en selle, si personne ne lui airs et interceptaient la faible clarté des étoi-
disputait la gloire de se dévouer pour la ville les. Par intervalles le roulement du tonnerre
de Kingston. Et sans attendre de réponse, il se mêlait aux sifflements d'un vent impétueux.
courut préparer son cheval. John Podgers, de- Will, qui était sorti le dernier, se trouva, on
venu pensif, suivit son neveu , afin d'essayer ne sait comment, en tête de la petite troupe.
quelques remontrances , qui restèrent inuti- Enveloppés de leurs manteaux et l'oreille ten-
les. Pour lui cette affaire l'intimidait; il avait due, les dignes bourgeois se serraient autour
cent fois affronté les sorcières à la face du du hardi jeune homme. Ils marchaient sur ses
soleil, mais jamais pendant la nuit; or, c'était talons et semblaient chercher un abri derrière
partout dans les ténèbres qu'elles accomplis- sa personne. A la fin, ils s'arrêtèrent. Une
saient leurs plus redoutables enchantements. lande aride et désolée s'étendait devant eux ;
La circonstance du gibet n'était pas non plus une ligne noire se dessinait dans les airs à
faite pour rassurer. Enfin le vétéran ne vou- quelque distance. C'était le gibet. Will reçut
lait pas risquer une réputation acquise par ses dernières instructions ; après quoi ses con-
tant de dangers. Mais il témoigna à son ne- . ducteurs prirent congé de lui à la hâte. Il fut
veu plus d'intérêt qu'il ne lui en avait jamais : même tenté de croire qu'ils s'enfuyaient à
APPEND1
31CJÏ. 549
toutesjambes; maison sait que les illusions fait fa du corps? — Du corps? balbutia Will,
sont fillesde la nuit. — Il se dirigea résolu- ininquietde la tournureque prenait cet entre-
ment vers l'objet funèbre et reconnutavec tien. tic — Oui,qu'estdevenule corpsqui char-
satisfactionque les bras de la machinen'é- geait ge ce gibet? répéta la femmed'une voix
laient chargés d'aucune dépouillehumaine, plus pi ferme.Vousne portezpas la livrée des
et que nul être vivantne se trouvaitau pied, as agents de la policeet vous n'êtes pas un des
Qu'étaitdevenu le corps du supplicié?Will nôtres.ne Pourquoivous trouvez-vousici? —
ne s'occupapointd'expliquerce mystère.On P< Pourquoije me trouveici, répondit lo jeune
n'entendaitd'autre bruit que le grincement hommeen
h< se remettantassezvile d'un mo-
des chaînesde fer, lorsquele souffledu vent mentde
m frayeur,j'ai presquehontede le dire.
les balançaitdans le vide. Le jeune homme Qu'il Q voussuffisede savoir que je ne suis ni
étudiaitla dispositiondu terrain; el s'étant un ni espion, ni un hommemalintentionné.Si
assuré que personnen'était caché dans les je ne me (rompe, c'estvous qu'on a enten-
environs,il s'établitau pied mêmedu gibet, dues d gémir el vous lamenterici la nuit der-
choisissantle côté qui était tourné vers la nière.n — C'estnousen effet.L'infortunéeque
ville.,d'abord parce qu'il se niellaitainsi à vvoilà pleure un mari, et moi je pleure un
l'abri du veut, ensuite parce qu'il pouvait fi frère. La loi de sang qui a frappé celuique
apercevoirde là plus facilementles visiteurs nous n avonsperdu ne l'ailpas de notre douleur
qu'il attendait el qui viendraientsans doute un u crime. — Quoiqueaffaire de rébellion,
dans celle direction 11attendit,ainsi,le corps pensa
p Will, quelqueattaquecontre les sujets
enveloppédansson manteau, la main droite du d roi.Poltronsde magistrats!» —-11 s'efforça
libre et. prête à saisir son épée. Will Marks aalorsde distinguerles traits des deux fem-
était un garçonintrépide;cependant,lorsque nmes; et malgrél'obscuritéil y réussit.Celleà
l'humiditéde la nuit eut rafraîchison sang, qui q il parlait accusait déjà un certain âge;
a|irës qu'il fut resté immobiledeux longues mais n l'autre lui parutjeune.Toutesdeux por-
heuressur ce théâtre de morts violentes,il taienth des habits de deuil; leurs cheveux,
. commençaà repasserdans son esprit toutce ti trempés par la pluie, flottaient épars sur
que l'on racontaitdes sorcièresel de leurs leurs 1 épaules; leur extérieur était celui de
coursesnocturnes.Ces imageslugubres,qu'il l'accablement.
I Il sesentit émude compassion.
ne pouvaitplus écarter, le troublèrentpeu à — Écoutez,reprit-ilaprès un momentde si-
peu. Ses yeux plongeaientdans l'obscurité 1lence,je no suis qu'unbourgeoisdeWindsor.
pour en interroger les profondeurs; son J'étais .1 venuici pour défendrece gibetcontre
oreille saisissaittous les bruits que le vent les 1 esprits el les sorcières; sottisesdont je
lui apportait des divers points de l'horizon, suiss honteuxà présent. Maissi je puis vous
11aurait voulumarcherpour réveillerla cir- être i de quelque secours,parlez el comptez
culationde son sang; une vague appréhen- sur s ma discrétionel mondévouement.— Ce
sionle retenait clouéà ce poteauqui soute- gibet, ! demandaencorela plusâgée dos deux
nail un gibet,et dontil s'étaitfaitun rempart, ifemmes, en cherchantà ranimer sa compa-
Bientôtl'orage éclata dans toute sa fureur; gne, j commentne porfe-l-il plus les restes
el des rafales de pluie, fouettéesavec vio- de...?
i — Je l'ignore.Tout ce que je sais,
lencopar le vent, ajoutèrentleurs ténèbres c'est i que,quandje suisvenu il y a deuxheu-
aux ombresdéjà si épaisses;dela nuit.Toula res, il étailcommevousle voyez.D'aprèsvos
coupWillMarksentenditunevoixétoufféequi questions,il paraît que le corps a été enlevé
murmuraità sonoreille: «GrandDieu! il est < cette nuit même,avantmonarrivéeet à l'insu
tombéà terre; et le voilàdeboutcommes'il des bourgeoisde la ville. Cela est étrange on
était en vie.» •—Le jeune hommeaussitôt, effet.Réfléchissez. N'avcz-vouspas des amis
écartantson manteauet tirant son épée, sai- qui aient pu exécutercelle entreprise? —
sit par sa robeune femme,quitombapresque Les deux femmescommencèrentà s'entrete-
défaillanteà ses pieds.Uneautre femme,ve- nir à voixbasse.Will les entendaitgémir et
luede noircommecelle qu'il arrêtait,se te- sangloter.-—«Si c'étaientdes bohémiennes?
nait immobiledevantlui et le regardaitd'un se demanda-t-il.Les gens de cette race se
air effaré.•—«Qui êtes-vous?cria Will, en secourentmutuellement.Maisle corpsenlevé
se remettantun peu de la surpriseoù l'avait du gibet! que dirontles magistratsde King-
jeté cette apparitioninattendue, que venez- ston?» — La plusjeune des deux femmesse
vousfaireici? •—Quiètes-vousvous-même? rapprochantalors: «Vousnous avezoffertvo-
demandacelle des deux femmesqui était tre aide, diUelled'une voixdouce et plain-
restée debout; commenttroublez-vousde tive — Et je vousl'.offrede nouveau,ré-
votreprésence-ce lieu funèbre?qu'avoz-vous pondit Will avec résolution. — Vous êtes.
fa50 AI"PENDMGE.
prêt à nous accompagner? — Partout où il taire 1. quand il faut. — C'est parfait. Mainte-
vous plaira de. me conduire. Au diable les inant, écoulez. Vous ne vous trompiez pas en
sorcières et les complots, elles fous qui m'ont <
conjecturant que le corps avait élé enlevé du
placé en sentinelle ! — Eh bien! suivez-nous sgibet avant votre arrivée Il est dans celle
donc,.brave jeune homme. —Will, s'enve- i
maison. — Dans celte maison? répéta Will,
loppant de son manteau , marcha aussitôt, sur icommençant à s'alarmer. — Oui, reprit l'in-
les traces des deux femmes. — Après qu'il terlocuteur; et il s'agit de le transporter plus
eut fait un mille environ dans l'obscurité, il loin. Celui qui s'en était chargé manque à la
se trouva, précédé de ses deux guides, devant promesse qu'il nous avait faite. Èles-vous
une gorge par laquelle plusieurs grands ar- homme à le remplacer?» — L'aventure pre-
bres étendaient leurs rameaux. Un homme s'y nait un caractère grave. Mais il était difficile
tenait caché avec trois chevaux de selle. 11se de reculer. Cependant Will ne put s'empê-
concerta quelques instants avec les deux fem- cher de porter autour de lui un oeil défiant.. —
mes, offrit son cheval à Will, qui ne lit pas «Vous êtes à ma discrétion, lui dit tranquille-
difficulté de l'accepter, et regarda partir ses ment l'homme masqué, qui semblait lire ses
compagnons au galop de leurs chevaux avec pensées dans ses yeux. Choisissez donc de
leur nouveau conducteur. Puis cet, homme transporter le corps dont il s'agit, par des
s'éloigna lui-même, dans une direction oppo- moyens que je vous indiquerai, jusque dans
sée. — Will et les deux dames ne s'arrêtèrent l'église deSaint-Dunslan à Londres (et ce ser-
qu'auprès dePutney, devant une grande mai- vice sera richement récompensé), ou de... Mais
son isolée. Ils laissèrent leurs chevaux à un vous saurez, quand il le faudra, l'alternative.
domeslique qui semblait placé là pour les at- — Permettez-moi, demanda Will, dont toutes
tendre, et ils entrèrent, en suivant un passage les idées étaient de nouveau confondues, per-
étroit, dans une petite chambre où Will fut, mettez-moi de vous adresser d'abord une
laissé seul un moment. Il réfléchit à sa situa- petite question. — Aucune. Vous voudriez
lion, lancé dans une aventure dont le com- apprendre quel était celui dont les restes vous
mencement du moins était fort singulier. 11 seront confiés: cela ne vous regarde pas. Ne
songea qu'il valait mieux servir de protecteur cherchez pas à le savoir; je vous le répèle,
à deux femmes malheureuses que de trembler ne le cherchez pas. C'est, un homme qui a péri
auprès d'un gibet. Pendant qu'il faisait mille sur un gibet, comme lous ceux que la loi ou
conjectures sur ses taciturnes protégées, il se la politique condamnent. Que, cela vous suf-
sentit un peu troublé en voyant entrer un fise — Le mystère d'une telle affaire en mon-
homme dont le visage était couvert, d'un mas- tre assez le danger. Quelle sera la récom-
que noir. 11se tint sur ses gardes, examinant pense? — Deux mille guinées. 11 n'y a pas
avec soin le personnage, qui paraissait avoir de danger bien grand , pour vous surtout en
de quarante à cinquante ans , el dont, l'exté- qui l'on ne saurait découvrir le partisan d'une
rieur annonçait une vigueur peu commune. malheureuse cause. Cependant, il y en a. —
Ses babils étaient riches, élégants, mais souil- El si je refuse, dit Will, relevant la tète et,
lés par la boue et la pluie. On voyait à sus fixant ses yeux perçants sur les yeux qui le
éperons qu'il venait aussi de voyager à che- considéraient a travers le masque, quelle sera
val. Ce fut lui qui rompit le silence. — «Vous l'alternative? — Réfléchissez d'abord, avant
êtes jeune et entreprenant, dil-il au neveu de de refuser.» — C'était l'époque des entreprises
John Podgers, et. vous aimeriez sans doute à hasardeuses. Les ressources bornées delà po-
faire fortune. — Je n'y ai pas encore songé, lice favorisaient alors l'esprit aventureux.
répliqua Will. Mais que voulez-vous en con- Will avait entendu parler de conspirations,
clure? — Que l'occasion de vous enrichir se de révoltes sanglantes ; il n'eût voulu pour
présente à vous. •—Eli bien ! je ne la repous- rien au monde devenir sciemment le complice
serai pas. Mais il faut savoir de quoi il s'agit.» d'un crime de lèse-majesté. Mais ici ii était
— Le jeune homme commença à croire qu'il obligé de s'avouer à lui-même qu'il ne savait
se trouvait engagé avec des fraudeurs. — rien. — «Deux mille guinées', peiisa-t-il ,
«Apprenez d'abord, reprit l'homme masqué, avec cette somme j'épouserai Alix. Allons,
que vous avez été attiré ici, de peur que vous allons, il était écrit que j'aurais la compagnie
n'allassiez raconter trop tôt votre histoire à de ce pendu. » — Lorsqu'il eut l'ail connaître
ceux qui vous avaient placé en sentinelle. — au cavalier masqué sa résolution, celui-ci lui
Ah ! comme les dignes bourgeois de Kingston apprit qu'une voiture couverte avait déjà été
seront ébahis ce matin! Là précaution est préparée ; que le moment de. son départ, se—
excellente. Mais apprenez à votre tour que: rait calculé de manière à ce qu'il arrivât au
vous n'en aviez pas besoin , cl que je sais me; pont de Londres dans la soirée el qu'il Ira-
AI'PLM.MCE. 551
versâtla Citéau milieude la nuit. Desgens hommessoutenait-une femmedontles traits
«postésdevaientrecevoirle cercueilelle des- étaientcachéssous un voilenoir.Lesassis-
cendreimmédiatementsouslesdallesde l'é- tants gardaientun prorondsilence.Will s'ap-
glise.Si quelquesquestionsluiétaientadres- prochael vil qu'une des longuesdalles,de la
sées dans le trajet, il répondraitaux curieux nef avait élé levéed'avance.On descenditle
que le corpsélail celuid'un hommequi s'é- cadavre dans celle espècede caveaufuné-
tait noyé dans la Tamise. En un mol, Will raire. Toutesles tètes se découvrirentpour
-Marksreçut des indicationssi complèteset si un dernier el solenneladieu. Aprèsquoi la
précisesque le succèslui semblaassuré. — dalle fut scelléede nouveau.Alorsl'un des
En ce momentun antre cavalier, également personnagesmystérieuxqui portaientles tor-
masqué, vintjoindre ses recommandations à ches glissa dans la main de Will Marksune
celles du premier; el la plusjeunedes deux- boursepesante: «Prends,luidit unevoixque
dames, celledontles larmesavaientproduit le jeune hommecrut avoir déjà entenduela
quelqueimpressionsur Will Marks, acheva veille; éloigne-toi et ne parlejamaisdece qui
de le déciderpar ses prières. Il ne songea s'est passé. — Que les bénédictionsd'une
donc plus qu'aux moyensde gagner la ré- veuve désoléevous conduisent,,généreux
compensequi lui élail offerle.— Le lende- jeune homme, dit une voixdontWill Marks
main, à l'heureoù l'obscuritédescendaitsur reconnutletimbreharmonieux.Que la sainte
lu ville de Londres, une voilure s'avançait Viergeet lessaintsanges soientavecvous! »
lentementà travers les ruesde la Cité.'Will, — Will Marksfit un mouvementinvolontaire
déguiséavec soin, tenait la bride du cheval pourrendrelabourse.Maisles deuxcavaliers
et marchait d'un pas tranquille. Personne éteignirentleurs torchesel l'avertirentqu'il
n'eût, soupçonné,en le voyant, un homme fallait se séparer sans retard. Il entenditen
parvenuau momentle pluscritiqued'uneen- mêmetempsle bruit de leurspas sur les nul-
treprisedangereuse.—11était huitheuresdu les de l'église;lui-mêmese dirigeaau milieu
soir.Uneheure plus lard les rues devenaient de l'obscuritévers la portepar où il était an-
désertes,et l'on ne pouvaitpluss'y hasarder tré et qui élail encoreenlr'ouverte.Au bout
sans un péril extrême.11n'était bruit que de de quelques instants, il se trouvaseul dans
meurtresel de vols à main armée. Déjàon la rue. Ceuxqu'il venait de voir s'étaient
avait ferméles boutiquesdu pont.Will fran- évanouisdans les ténèbres.— Par mon pa-
chit,sansaccidentle passagepérilleux; et il tron, dit alors leneveude JohnPodgers, les
poursuivaitpéniblementsa marche,arrêté par sorcièressont bonnes pour quelquechose:
un tapageurpris de vin qui prétendaitmonter J'épouserai Alix. — Cependant,les dignes
de forcedans sa voilure, par des bourgeois magistratsde Kingstonavaient jugé néces-
curieuxqui voulaient,savoirquelle marchan- saire de veillertoute la nuit. Maintesfoisils
dise il transportaitsi lard, par des gardesde crurent entendrede cris sinistresapportéspar
la Cité,dontil fallait repousserles investiga- le vent. Lorsquela pluie retentissaitsur les
tions au moyen d'histoiresvraisemblables. voletsextérieursel que l'orageremplissaitles
A traversmilleobstaclesil gagna heureuse- airs do ses hurlements, faisant crier les en-
ment.Eleet-slieet,el distinguaenfinla masse seignesdes boutiquesvoisines, ils tressail-
sombrede l'édificequi était le. termede son laient,de peur,el, seserrantlesunscontreles
voyage.— Toutes les précautionsqu'on lui autres, ils se rapprochaient,du feu- 11est
avait annoncéesétaientprises.A peineeut-il juste de dire qu'ils buvaientfréquemmentà
conduitsa voilure au pied des hautes mu- la santé du hardi jeune hommequi faisait
railles, que quatre hommesparurent tout à sentinelleau pied i\u gibet dans l'intérêt de
coup à ses côtés, en enlevèrentle cercueil, la bonneville. La nuits'écoulade la sorte;
qu'ils portèrent dans l'église. Un cinquième mais le lendemainmalin on attendit,vaine-
montasur la voilure,el jetant à Will un petit ment Will Marks.On apprit bientôt que le
paquet qui contenaitson manteau et sa 10- corpssuspenduau gibet avait disparu aussi
que, fouettale cheval, s'éloignaprécipitam- bien que la sentinelle.Toute la.ville fut. en
mentet s'enfonçadans les rues obscuresde rumeur.On multipliales recherches;on dé-
la cité.Toutcela s'était fait à la hâte et sans pêchades messagersdans différentesdirec-
qu'aucun mol fût échangé. Will, laissé à tions: toutfui,inutile.11semblaitque le mal-
lui-même,suivit le corps et entra dans l'é- heureuxWillMarkseût.élé emportéà travers
glise, dontla porte fuiaussitôtfermée.L'édi- lesairs. Qu'onse figureles suppositionsaux-
ficen'étaitéclairéque par la lueur de deux quellesles bourgeoisde Kingstonse livrèrent,
torchesque tenaient deux hommesmasqués lorsqu'ilsvirentla journéeet la nuit suivante
et couvertsde longsmanteaux.Chacundeces se passer sans en recevoirde,nouvelles!ils
552 APPENDICE.
s'étaient tellement pénétrés de l'idée qu'il p
plus cher encore. Will s'efforça de la rassurer
était devenu la proie dos sorcières, tant de c
contre les suites qu'elle en redoutait pour lui.
gens affirmaient qu'on n'en entendrait plus ï
Mais il ne parvint jamais à dissiper entière-
parler, qu'il y eut—désappointement général i
mont la croyance qu'elle avait aux sorcières.
lorsqu'il reparut. C'était bien lui cepen- — Grâce aux libéralités de son oncle , il l'é-
dant, la mine riante, la démarche pleine |
pousa ; et l'argent qu'il avait gagné par son
d'aisance, la toque sur l'oreille. Les magis- <
courage, et dont il se servait avec discrétion,
trais ouvraient des yeux émerveillés ; John <
entretint dans son ménage une heureuse ai-
Podgers, que l'on avait envoyé chercher à la isance. Quant aux scènes mystérieuses où il
hâte, n'était pas encore sorti de son étonne- ;
avait joué un rôle, le voile qui les cachait ne
ment. Will, qui avait embrassé son oncle, se fut point levé; el pour lui-même la prudence
vil alors accablé de tant de, questions, que lui défendit de faire aucune recherche 1.
pour y répondre, pour être mieux entendu el ta Chapelle des boucs. — Ce qui va suivre
mieux vu de la foule impatiente, il monta sur explique quelque chose des mystères de la
une table. — Mais si son retour inattendu sorcellerie et surtout du sabbat. Nous devons
avait désappointé les amis du merveilleux, ce récil intéressant à M. André Van Hassell,
ils furent amplement dédommagés par l'his- qui l'a publié à Bruxelles, dans l'Emancipa-
toire qu'il leur raconta, histoire véritablement tion. — Nous voici en l'année 1773. Par une
surprenante et entremêlée de sauts el de chaude journée du mois d'août, nous suivons
pantomimes; car Will. pour mieux décrire à lentement l'ancienne roule de Maëslrichl à
ses auditeurs la danse satanique des sorciè- Aix-la-Chapelle; cette voie nonchalante et
res, ne dédaigna pas de leur donner une re- paresseuse qui se traîne, pur de longs détours,
présentation à l'aide d'un manche à balai à travers les villages de Meersen el de Hou-
qu'on lui tondit. 11dit ensuite comment elles them, louche au bourg de Fauqucmunl, puis
avaient emporté le cadavre dans un chaudron se dirige par lleeck, Climm.cn el Gunrool
de cuivre; comment, par l'effet de leurs en- vers lleelcn, d'où elle s'avance sur Aix-la-
chantements , il avait lui-même perdu les Chapelle, après avoir traversé Kerkraede cl
sens ; comment enfin il s'élaif trouvé sous une Biclerick. — Nous venons de sortir de Fau-
haie à dix milles de Kingston. Cette histoire, queiuont ; voici à notre gauche le clocher
débitée avec une rare assurance, excita l'ad- poinlu de lleeck avec sa croix. Après avoir
miration générale. Le bruit s'en répandit jus- dépassé Clinimen, quittons la grand'roule et
qu'à Londres, llopkins, l'homme de son temps descendons dans ce vallon où glisse la rivière
qui découvrit le, plus do sorcières, voulut in- de Geleen, charmante à suivre. Si le lecteur
terroger Will Marks: el, après s'être fait n'est pas fatigué, il entrera dans un taillis et
rendre compte do certaines particularités un y trouvera les ruines d'un petit manoir près
peu obscures, il prononça que c'était, l'histoire de la croix plantée au bord du sentier qui se
la plus extraordinaire et la plus digne de foi. dirige de lloensbroek à Vaesraedl. — Ces
Elle fut publiée sous le litre d'Histoire sur- ruines, que l'on ne découvre pas sans peine
prenante et véritable, à l'enseigne des Trois- sous les ronces et la mousse qui les couvrent,
Bibles, sur le pont de Londres, en petit in-i°, sont celles du château de Scheuienhof, ma-
avec un dessin du chaudron d'après l'original. habité en '1773 par les resles de l'an-
— Ajoutons que, Will eut soin de décrire les noir cienne famille , réduite maintenant à deux
sorcières qu'il prétendait avoir vues sous des tè-lcs, le vieux chevalier de Scheurenliof el,
traits qu'il était impossible de rencontrer. 11 sa fille.—Barement les habitants du village
sauva ainsi de la corde ou du feu non-seule- le vieux chevalier; il vivait dans la
ment trois vieilles femmes que Ton voyaient
soupçon- retraite la plus profonde. Sa fille, Malhilde,
nait, mais aussi toutes celles que l'on fit pas- avait dix-huit ans, et on la citait, dans cette
ser en revue devant lui, afin qu'il tâchai do contrée, connue par la beauté et la fraîcheur
reconnaître les coupables. — Chose incon- de ses jeunes filles, comme la plus fraîche et
stante que la gloire e! la popularité! On ou- la plus belle. Elle élail encore un ange de
blia John Podgers pour ne parler que de, son1 bonté. Il fallait voir avec quels soins, avec
neveu. John lui-même se sentit dépassé. Mais,1 quelle affectueuse piété, elle s'appliquait à
trop grand pour être jaloux, il conçut pour adoucir les derniers jours de son vieux père.
AVillune sorte de respect et parut disposé à1 — Et ce n'était pas trop de tout ce! amour
le doter convenablement. -— Et maintenant, ! pour donner la résignation au vieillard ; car
avons-nous besoin de décrire la joie d'Alix, les douleurs et les infirmités de la vieillesse
en revoyant son fiancé qu'elle croyait perdu?
L'aventure- dont il était le héros le lui rendaitt 1 Mabterhumphry'sdock.
APPENDICE. 553
ne troublaientpas seulesla vie du chevalier vinces-Unies,on soupçonnadesramifications
do Schcureiihof.Un autre motif,el un motif si étendues et des plans si étranges, que
plusgrave, ne lui laissaitpoint de repos.—• l'historiendoit douterde la vérilé des con-
A l'époqueoù se passel'événementque nous victionsacquisespar plus d'un des jugesqui
allonsraconter,celte partiedu Limbourgétait siégèrentpour examinerles brigandsdontla
singulièrementagitée, non point par une justiceparvenaità s'emparer.Onallait jus-
guerre, mais par quelquechosede pire, par qu'à dire que Frédéric-le-Grand,pour avoir
une bande de brigandsdont le souvenira les coudéesfranchesen Allemagneet occuper
laissé des Iraces dans tout le pays. Cette les Provinces-Unies, entretenaitlui-même
bandeétendaitle théâtrede ses exploitsdans par des agentssecrets ce terrible incendie.
touLle vastecarré comprisentre Aix-la-Cha- On ajoutaitmémoque l'itiitialiondes adeptes
pelle, Mae'stric.lit,Bureniondee! Wassem- se faisait d'après un moyen inventé par
berg. Elledébordamême,souventjusquedans d'Alembe'rt. — Voicicommentces initiations
la Campineliégeoise.Elle avait à elle tous avaientlieu.— Dans quelque chapelleper-
lesvillages, lousleshameaux,touslesbourgs due au fond d'un bois ou d'une bruyère,
comprisdans les qualre angles de ce terri- s'allumaitune petitelampe, au milieud'une
toire, et elle y régnait,par la terreur et l'é- nuit obscureet orageuse.L'adepteétait con-
pouvante.Ceuxqui la composaient,habitants duit par ses deux parrains dans ce bois ou
de ces bourgs, de ces hameaux, de cesvil- dans cette bruyère, et la chapelles'ouvrait.
lages, se reconnaissaiententre eux par un Il en faisaittroisfoisle tour à quatre pattes;
mold'ordre et par une petite carte marquée puis il y entraità reculonsaprèsunecopieuse
d'un signehiéroglyphique.Lo jour, ils tra- libationde liqueurforte.Deuxbrigandsaffu-
vaillaientaux champs, ou buvaientdans les blés de vêlementscabalistiquesrecevaient
tavernes (car l'argent ne leur manquaitja- son sermentet concluaientavec lui le pacte
mais).La nuit, ils se rassemblaientau signal infernal.On le hissaitalorssur un bouc de
d'un coupde siffle!qui parlait du fondd'un bois, placé sur un pivot. Le récipiendaire
hallier ou qui retentissaitdansles solitudes assis, on se mettaità tournerle bouc.11tour-
d'une bruyère. Alorsl'effroise répandaitde nait, il tournaittoujours,il ne cessaitde tour-
toutes parts. Les fermes tremblaient.Les ner. Le malheureux,déjà le cerveaupris par
églisesétaientdansl'inquiétude.Leschâteaux la boisson,devenaitdo plus en plus ivre. Il
frémissaientd'anxiété.Partout on se disait bondissaitsursa monture, la sueur ruisselait
avecterreur cl tout bas : •—«Malheur!voilà le long de ses tempes, il croyait traverser
les Boucsqui vont,venir! »— Et les bandits l'air à chevalsur un démon.Quandil avait
allaientdévalisantles fermes,dépouillant, les long-tempstourné ainsi, on le descendait
châteaux, pillant les églises, souventà la harassé, n'en pouvantplus, dans un vertige
lueur de l'incendie,toujoursles armes à la inexprimable.11 était Bouc, il était incen-
mainet un masqueau visage.— Le matin, diaire, il était voleur,il était bandit, il était
tous avaientdisparu.Chacunavait reprisson assassin.11appartenaità tousles crimes.11
travail de la journée, tandis que l'incendie _était devenu un objet de terreur, un être
allumé par eux achevaitde s'éteindreel que exécrable.La soifde l'or avait l'ailtout cela,
les victimesde leurs volsel de leurs dépré- — Mais,si lesBoucsrépandaientainsil'épou-
dationsse désolaientsur les ruines de leurs vante, la justice ne demeuraitpas inaclive.
fortunes.— Lo grand nombre d'expéditions Ce fut dansle pays de Rolducque les pre-
qui se multipliaientde tous côléset souvent, mièrespoursuiteseurent lieu. Et, ces pour-
dans la mêmenuit, avait fait naître parmi suitescommencées,onalla bontrain. La sei-
le peupleune singulièrecroyance.Ondisait gneuriede Fauquemont,l'ammaniede Mont-
que les banditspossédaientle pouvoirde se fort, toutle territoirede Juliers,se couvrirent
transporteren un instant d'un point de la do roues, de gibets, de bûchers; Heclenfit
provinceà l'autre, et qu'un paclc, conclu construiredeux potences. La seigneuriede
avec Penfer,mettaità leursordresle démon, Schaesberg,Noensbroek,Ubach,Nuth, pres-
qui, sous la formed'un bouc, les emportait que chaque village en firent ériger une au
sur son dosà traversles airs. De là le nom moins.El pluson rouait,pluson pendait,plus
de Boues qui leur fut donné.— L'originede on écarlelail, plus on brûlait, plus aussi les
cette bande doit être attribuée à quelques Boucsdevenaientredoutablespar leur nom-
déprédationsisoléescommisesavec succès. bre et par leur audace. On eût dil qu'une
Maisplus. lard , quand le nombreimmense lulle s'était établie entre le crimeet la loi,
des.Boucsse futaccruau pointd'inspirerdes et que l'un rivalisait avec l'autre, comme
craintes sérieusesà la républiquedes Pro- s'il se fût agi de savoirà qui desdeuxreste»
55/i APPENI. )1CL.
rail, la victoire. — Cela dura vingt ans tout thilde le litre d'épouse. En dépit de la haine
entiers. Celui qui voudrait, comme nous avons des deux pères , ni le fils ni la fille ne quit-
eu le courage de le faire, interroger les re- taient cet espoir. Et c'était la crainte d'un
gistres formidables des différentes justices qui, danger pour Walter qui avait fait couler les
dans le Limbpurg, eurent à s'occuper des larmes des yeux de l'héritière de Scheurenhof
procès des Boucs, sérail stupéfait devant le au moment où l'incendie éclata devant elle
chiffre énorme des malheureux, coupables du côté du manoir. — « Vous avez donc pris
ou non (car la justice se trompait quelquefois), vos mesures? demanda le chapelain en se
qui périrent de par la loi dans cet espace de tournant vers le sire de Scheurenhof. -— Mes
temps. Dans un rôle du tribunal de Fauque- murailles sont assez fortes encore pour que
niont seul, nous avons compté cent quatre nous puissions repousser la première attaque,»
pendus et écarlelés en deux années, de 1772 répondit celui-ci — A peine le chevalier
à 1774. — Le manoir de Scheurenhof était eut-il achevé ces mots, qu'un serviteur de la
situé précisément au milieu du foyer de ces maison , Job, entra-tout effaré dans la salle.
brigandages. — Le vieux chapelain entra dans — « Eh bien ! Job, que veut dire cette pâleur?
la salle. — « Nous apportez-vous de mau- fil le maître du manoir. —Messire, des hom-
vaises nouvelles, mon'père? lui demanda vi- mes du village désirent vous parler. -— El
vement le seigneur. —11 est difficile d'en es- qui est à leur tôle? — Le bailli de lloens-
pérer de bonnes , répondit le prêtre. La nuit broelc. — Qu'on les laisse entrer. » — Quand
passée, l'incendie a éclaté sous les loils de les habitants de Hoensbroek se trouvèrent
Bingelraedt. — Ainsi l'orage s'amasse de plus devant le châtelain de Scheurenhof, le. bailli
en plus: cette nuit Bingelraedt, il y a trois prit la parole : — « Noble soigneur, nous ve-
jours Schinveldt, il y a six jours Neuenha- nons vous offrir nos services, en ce moment de
gèn. » — Et en disant ces mots, le vieillard danger. Vous avez toujours élé pour nous
baissa tristement les yeux vers la lerre. •— charitable el bon. Il est. juste que nous vous
Le jour était entièrement tombé et l'obscurité soyons reconnaissants. ».— Le visage du vieil-
avait envahi le ciel de toutes parts. La jeune lard s'éclaircil à ces paroles; il jeta un re-
fille, au bord de la fenêtre , ouvrit tout à coup gard rapide sur les braves accourus à son
de grands yeux et jeta un cri terrible : — « Le secours, en les nommant chacun parleur nom
fou ! le feu ! » — Lo vieillard bondit sur son comme d'anciennes connaissances. Mais ses
siège.— « Le feu , dis-tu? El de quel côlé? yeux s'arrêtèrent avec élonnement sur une
— Du côlé de Hegen, répondit Malhilde avec figure cachée à demi dans un des coins les
un profond serrement de coeur.— Ce n'est plus obscurs de la salle. C'était un vigoureux
rien , » dit le vieillard froidement. — Ces pa- jeune homme, dont le front était bruni parle
roles poignantes firent rouler une larme sur soleil, dont les bras eussent déraciné un ar-
chacune des joues de la jeune fille. Elle suf- bre du sol et dont les prunelles trahissaient à
foquait à ce tableau sinistre et à l'idée que, là la fois la ruse et l'audace. — « Hé! Martin ,
peut-être une tète bien chère allait tomber exclama le sire de Scheurenhof, comment se
sous les haches impitoyables des Boucs. -—Le fait-il que je te rencontre ici parmi mes
petit château de Hegen, situé à l'est de Scheu- • amis? — Châtelain de Scheurenhof, répondit
renhoi, était habité par une famille qu'une l'autre sans manifester la moindre surprise,
haine héréditaire faisait vivre dans une inimi- je n'ai jamais été que l'ennemi du gibier de
tié héréditaire aussi avec, la famille de, Scheu- votre chasse, parce que je suis d'avis que
renhof. Le voisinage, le temps, les mille Dieu n'a pas donné de maître à ce qui vil dans
rapports que doit nécessairement établir le l'eau , dans l'air cl dans les forèls, et qu'il a
contact continuel de deux maisons situées, créé pour le valet aussi bien que pour le. sei-
pour ainsi dire, côte à côte, rien de tout gneur le lièvre de. la forêt, l'oiseau du ciel
cela n'avait pu dominer cette haine. Au con- et le poisson de la rivière. Vous, messire,
traire, elle devenait plus ardente d'année en ne, pensez pas de même, et plus d'une fois
année. Mais, si cette division acharnée s'é- vous me l'avez montré par votre justice , sans
tait mise entre ces deux châteaux, il y avait cependant que vous ayez jamais à mon égard
pourtant un lien secret et caché qui les réu- agi avec inhumanité comme vos lois vous per-
nissait. Malhilde était aimée de Walter de mettaient de faire.. Or, je vous en suis recon-
Hegen. Le vieux châtelain de Scheurenhof ne naissant aussi, et mon bras est à vous. » —
songeait guère, il est vrai, à donner le titre Le vieillard contint l'émotion qui agitait son
de gendre à Walter, comme le maître du ma- ccaur; et, se tournant vers les autres : —
noir de Hegen repoussait de toutes ses forces « Mes amis, je n'ai que deux souhaits à for-
l'iilée que son fils pût donner un jour à Ma- mer : le premier, c'est le salut de ma fille ; le
APPEND MCE. a..in
second, c'est que leciel me nielle un jour à plus | de toit, el je viens vous demanderune
même de récompenservotre loyauté. Vos place ] sous le vôtre. — Jeunehomme, l'hos-
services, je ne puis les accepter,parce que pilalité
] est.unevieillehabitudede mamaison;
vousavezvosmaisons,vosfemmes,vosen- < qu'ellesoitla tienne; je l'y offreun asile qui
fanls.Si l'onvoussavait ici, on brûleraitvos demaini n'appartiendra plus à nous-mêmes
maisons,on dévasteraitvos champs,on rui- peut-être.—
; Messire.,si moncoeurest fort,
lieraitvos biens, on vousréduiraità la mi- monépée est forteaussi, » répliquale jeune
sère. Toi, Martin, demeureici. Tu n'as rien homme avec fermeté.— On allait inviter
à perdre.Je le.nomme,dès ce moment,mon Walter à prendreplaceà table pourpartager
premiergarde-chasse.Tu l'acquitterasbien le repas du soir, quand Martin'reparut et
de celle charge, car nul mieux que loi ne s'avançavers lochâtelainen jetant sur Hegen
sait lessentiersde mesbois.Vous, mesamis, un regard de défiance.— « Quedésires-lu,
rentrez dans vosdemeures.» — En disant Martin?demandale.vieillard.— J'ai quelque
ces mots, il lenditla mainau bailliet à tous chose à vous confier, messire. — Parle à
ses compagnons,qui ne se retirèrent qu'à haute voix.Cethommeest,monhôte: il peut
regret.— A peinefurent-ilsparvenusau bas savoir tout ce qui nous intéresse.— Voici
du sentier qui conduità Hoensbroek,qu'ils donc, reprit Martin.Monangegardienm'ins-
entendirentun cavalierglisserà côtéd'eux, pira, sans doute, de m'en aller au dehorset
maisils ne purent le distinguersuffisamment écoulerce qui se passe autourde la maison;
pour le reconnaîtreà cause,de l'obscuritéde et j'avisai près de noire porte,Jean-le-Ban-
la nuit.— « Qui va là? s'écria le bailli.— cal, le ménétrier;il ne hante que les taver-
Ami!réponditunevoixqu'ils ne reconnurent nes, el à chaque fêtedu villageon est sûr
pas davantage.» — Le cavalier avait déjà de trouverson violon.Hme reconnut;com-
gravi la hauteur, et.le bruit de son coursier menousnoussommesrencontrésplussouvent
s'était éteintdu côtéde Scheurenhof.—;Peu danslescabaretsque dans les églises,il me
de minutes après, la poignée d'une épée demandasi je voulaisl'aiderà espionnerle
frappa vivementà la porte du manoir. — châteauet à préparer les moyens de faire
« Qui frappe ainsi? demanda Martin, armé tomberScheurenhofpar surprise aux mains
d'un fusilde chassede sonmaître.•—Unami, des Boucs.—Ils ne me prendrontpas comme
qui veut parler au sire de Scheurenhof,ré- un rat dans une souricière! s'écria le vieil-
ponditla voix que les habitantsde Hoens- lard. Lacolèrem'a rendu les forcesque l'âge
broekavaient déjàinterrogée.» — La porte m'avaitprises. Ils sentirontce que pèse mon
s'ouvrit, et le cavalierentra. Martin, tenant bras, si monépée est bien pointueel si mes
le canonde sonfusil tourné vers l'étranger, carabinesvisentjuste. Cethomme,est-ilparti?
lui dit : — « Avancez, jusquesouscelle lan- -—Non,messire!J'ai feintd'entrer dansses
terne et. ditesce que vousvoulez. — Je te projetset,je l'ai pris commeun renard dans
l'ai dit, parler à tonmaître.— Quiètes-vous? une trappe. -—Qu'on le, pende à l'instant
— Ton maîtrele saura. »— Martinabaissa mêmeà latourla plus hautede mamaison! —
son arme. 11avait reconnula figurede l'é- Neçroyez-vouspas, messire,qu'il seraitplus
tranger.— « Ah! c'est vous, messire?mur- prudentde se bornerà letenir enfermédans
mura-t-ilavecétonnemeiit.Suivez-moi» — un de nos souterrainspour ne pas donner
Ils se dirigèrentvers la salleoùse tenaientle l'éveilà ses compagnons?Nous aurons tou-
sirede Scheurenhof,sa filie et le chapelain joursle tempsde lui fairefaire desentrechats
regardantl'incendiequi diminuaitel la (lam- entre ciel et terre... — Tu as raison, fit le
ine qui devenaitde plus en plus faible. — sire de Scheurenhof.Dans le cas où nous
« Attendezici queje vousannonce,» fitMar- sommes,prudencevaut mieuxpeut-êtreque
tin à son compagnon. — A ces mots, il ou- témérité.Or, voicile moyen qui me semble
vrit,la porte de la salle et dit à hautevoix: préférable.Martinferasemblantd'entrerdans
— « MessireWaller de Hegen! — Walter ! les vues de l'espion.11sortira avec lui du
exclamaMalhildeavecune émotionindicible. châleau et le conduirasecrètementdans lé
— DeHegen!» s'écriale vieuxchâtelainavec bois du Calvaireen lui disant qu'une troupe
un accent inexprimable.— Le jeune homme de gensd'armesdoit venir, cette nuit, à no-
s'avançad'un pas fermevers le vieillard.— tre secours.Tous noshommesarmésel,à che-
« Messire, lui dit-il, je ne suis plusmainte- val feront en silence un détour à travers le
nant le filsde.votreennemi.L'incendiem'a bois et rentrerontau manoiren passant près
chasséde ma maisonet m'a fait orphelinsur de l'endroitoù Martinse sera postéavecson
la terre; mon père est mort; ma mère est compagnon, afin de faire croire ainsi aux
morte; loute ma familleest tombée.Je n'aii banditsque ce secoursnous est réellement
556 APPENDJ MCE.
arrivé. » — Celle ruse s'exécuta aussitôt et. ceux
et qui vous envoient,qu'ils viennent pren-
elle réussit. Avant que minuit eût sonné, un dre cl les armes et l'argent s'ils le peuvent, »
bruit sinistre circula parmi les brigands. — nrépondit le seigneur de Scheurenhof.— La
« Il est arrivé une troupe de soldatsà Scheu- porle
p se rouvrit el les députés sortirent. Le
renhof. — Une troupe nombreuse de cava- pont-levis
p relevé derrière eux, Martinse re-
tiers, répéta Jean-le-Bancal. tousarmés jus- mit n devant la meurtrière, dans laquelle i!
qu'aux dents et prêts à nous tailler une rude rreplaça son fusil rechargé. — « Faut-il faire
besogne.— Combienen as-tu compté?reprit feu, U maître? — Ce ne sont,pas des lièvres,
le capitaine. — Un grand nombre, fit le nié- Martin.
B Ces hommes sont sous ma sauve-
nétrier. L'obscurité ne m'a pas permis de agarde de gentilhomme.» — Lobraconnierno
les distinguersuffisamment.Maisj'ai vu luire céda c qu'à regret à cet ordre et retira son fu-
leurs armes à la faible clarté de la lune el sil s dont le chien élail déjà sur le point, de
j'ai enlendu leurs chevaux hennir comme faire f partir la balle. — Maintenantla position
après une longue,course. » — Le récit du du ( châtelain était dessinée tout entière. Le
Bancal et les assurances qu'il ne cessait de (danger était pressant. Aussil'on s'occupa do
donner augmentèrentdans l'esprit des ban- ltout disposer pour une vigoureuse défense.
dits la convictionque Scheurenhofvenait de Les I domestiquesfurent armés do bons fusils
recevoirune garnison capable d'une longue cl < de fléaux et placés pi es de la porle, les
défense.— Le capitaine était,le seul qui dou- muraillesdu manoir étant assurées par leur
tât des paroles du ménétrier. — « Jean , lui 'élévationcontre Fallaque des bandits. Tout
dit-il, lu as vu, tu as entendu, seulementlu 'cela fait, on ouvrit,les caveaux et le souter-
as oubliéde compter combienils étaient. Tes rain qui, conduisantdu château au bord du
yeux avinés auront, à coup sûr, doublé, tri- ruisseau de Geleen, offriraitune retraite as-
plé, décuplé le nombre. En tout cas, nous surée si lo manoir était enlevé. — Deuxheu-
allonsaviser à un autre moyen.Qualre.hom- res pouvaients'être écoulées,quand 1rsabords
mes se rendront à Scheurenhofpour deman- de Scheurenhof se trouvèrent cernés d'une
der la place.Cinquantehommes,loi, Piorre- mullilude de bandits. On n'entendait que des
le-Diable, avec la compagnie,vous les ac- armes qui s'enlrc-choquaienl, que des sifflets
compagnerezpour les protéger contre toute qui s'interrogeaient,et se répondaientde tou-
attaque. Vous ferez halte dans le bois du tes parts, que des voix qui se parlaient et
Calvaire el vous attendrez le retour de mes des ordres qui couraientde rang en rang. Le
députés. » — Le chef ayant l'ailchoix de ses gros de la troupe avait alleinl le pont-levis.
qualre messagersqu'il munit de,ses instruc- -—« En avant! » s'écria aussitôt lo capitaine.
tions, Pierre-le-Diable rassembla ses hom- •—El les bandits s'avancèrent. — Mais, au
mes et la troupe se mil en roule vers le châ- même instant, une détonationterrible par-
teau. — Parvenus au popl-levis du manoir, tilde toutes les meurtrières du château, qui
ils donnèrent un coup de siffletpour s'annon- était demeuréjusqu'alors dans le plus profond
cer. Martin passa la gueule de son fusil par silence.— « Bien visé, » Martin, dit lechâte-
une des meurtrières. — « F'aul-ilfaire feu? » lain , en voyant chanceler le chef des assail-
demande-t-il à son maître. — Et sans at- lants qu'une balle avait frappé à la poitrine
tendre la réponse, il lâcha la détente. La — Le bandit tourna sur lui-mêmecl leva son
balle siffla à l'oreille d'un des envoyés des épée en l'air. Puis il tomba au milieu des
Boucs.—«Trahison ! s'écrièrent les quatre siens en murmurant d'une voix rauque : —
voixtoutes ensemble.— Arrière, Martin! s'é- « En avant! » — Les brigands hésitèrentun
cria le châtelain en repoussant le garde chas- momentet n'osèrent avancer. — Une deuxiè-
se. — Puis s'adressanl aux députés : — « Ce me détonation illumina les meurtrières, et
n'o.-tqu'une méprise, compagnons,leur dit- six hommesmordaient la poussièreà côté du
il. On va vousouvrir la porle, et foi de gen- cadavre de leur capitaine. —•Alorsle trouble
tilhomme!vous sortirez sains et saufs de ma redoubla. Mais un cri de vengeance éclata
maison. »'— Aussitôtle pont-leviss'abaissa ; presque aussitôt parmi la foule exaspérée :
la porte s'ouvrit. -— Les envoyés des Boucs — Hourra! hourra! El ils se ruèrent en
entrèrent. — « Que voulez-vous?demanda le avant avec une,incroyable fureur. C'étaitune
châtelain.— Deuxchoses,réponditl'un d'eux. masse compacte et serrée où portaient toutes
— La première?— C'est que vous nous ren- les balles qui parlaient du château comme
diez toutes les armes qui se trouvent on vos une grêle de plomb. Une partie des Boucs,
mains , répliqua le bandit. •—La seconde?— descendus dans le fossé, s'étaient hissés au
C'est que vous nous remettiez tout l'argent pont-levisau moyende cordeset travaillaient
qui est gardé en ce château, — Allez dire à à scier les chaînes citiile retenaient. Un mo-
APPF.NDICK. 557
mentaprèsle.pont s'abaissaavecfracas. La val, sur lequelon se mil,en devoirde l'atta-
portocraquaitsur ses gonds, entaméepar le cher avecforceaprès lui avoirnouéles bras
tranchantdu fer. Chapic coupgrondaitsous el les jambes.Puisan moyendos cordeson
la voûled'entréeel mêlaitsonbruitsourdau se milà frapperle pauvreanimal; el, quand
bruit des armesà feu et aux blasphèmesqui onl'eut frappélong-temps: «Maintenantqu'on
tonnaientdans la foulecommeun orage.La le lâche!s'écriale capitaine.»—Lechevalfui,
portetombadéracinéeel la multitudese pré- lâché, et il partit commeun éclair, à travers
cipita on hurlant sousla voûleténébreuse. les buissons,à travers les halliers, courant
Tout,à coupune explosionterribleéclata et commesi un ouraganl'emportait.Le cheval
ébranlales muraillesdu manoirjusquedans et le cavalier,ayant disparu, on se mit à
leurs fondements. Cene fut qu'un inslanl,ce fouillerdans le château; 011brisa toutesles
ne rut,qu'uneseconde.Puistoutétaitretombé portes,on forçatousles meubles,on interro-
dans une obscuritéépaisse, et vousn'eussiez gea tous les réduits.— «C'estune chosein-
plusentenduque des cris, des gémissemenls concevable,se direntlesbanditsquand,après
de blessésel de mourants.Uneclameurgé- avoir tout fouillé,ils n'eurentrien trouvé, ni
néralecouvritbientôtces gémissements etces hommesni argent. — Commentont-ils pu
cris: Victoire!victoire!— Et les banditsse s'enfuird'ici?demandalechef.— J'ai vuà la
ruèrentpar labrècheen passantsur quarante tourellede l'est uneéchellede cordeattachée
cadavres des leurs, que l'explosionde la au muret qui descendjusquedansle fossé,dit
mine, pratiquéesous la porte, avait broyés. un hommede la troupe.— Ilsse sont donc
LesBoucss'étaientjetés dansla courdu châ- sauvéspar là, reprit Pierre.—VersAmslon-
teau. Maisplus un coupde fusilqui leur ré- raedl,ajoutaJean-le-Bancal.— Nousles re-
pondît, plus un hommequi fut là pour leur joindrons,continuaPierre-le-Diable.»Etions
tenirtête.-—«N'avancez pas tropvile,compa- les handilsprirentla routed'Amstenraedl.—
gnons,s'écria Pièrre-le-Diablequi avait pris Aprèsavoirdonnéle signalde l'explosionqui
le commandementde la troupe.Soyonssur fit sauter la porle d'entrée, le seigneur de
nosgardesavanttout!»Caril craignaitqu'une Scheurenhofet les sienss'étaientretirés par
autre mine, pratiquéesousle,sol où ils mar- le souterrainqui conduisaitau borddu ruis-
chaient,ne lit un nouveaucarnageparmiles seaude Gelecn.Walteravailrefuséde lessui-
siens.•—«Neredoutezrien! avancez,si vous vre, afinde protégerleurretraite.Uneéchelle
n'êtes des lâches! réponditaussitôtune voix de cordeavailéléattachéeà latourelledel'est
que vouseussiezreconnuepourcellede Wal- pour faire supposerque les fugitifss'étaient
ter de Hegen.-—A l'attaque! reprit Pierre- échappésde ce côté. Le sire de Scheurenhof
lo-Diablo.» Elles banditsse rangèrenten un et toutesa maisonmarchaientdans l'obcur
vastecercleautourdu jeune hommequi, son souterrain,éclairésparla lumièred'une lan-
épée à la main,se tenaitsur le seuilde l'ha- ternesourdeque Martinportail devant eux.
bitationdontil essayaitdo défendrel'entrée. Parvenusà l'issueau milieud'un épaisfourré,
— Alorsrecommença un combatterrible.Les Martinéteignitsa lanterne,el tousvirentles
mains vigoureusesde Walter brandissaient pâles étoilesau ciel. — Onentendaitde loin
sa redoutableépée,qui semblaitse multiplier la rumeurdes Boucsqui s'éloignaitet s'étei-
et faire une roue do ferautourdo lui. Cepen- gnaitdanslanuitverslevillaged'Amstenraedl,
dant lecerclequi l'enveloppaitse rétrécissait dans une directionopposéeà celle que sui-
de plus en pluset le serraitde plusprès. Un vaientles fugitifs.•—Maisà peinele châte-
momentarriva où les bandits triomphèrent laineul-ilmisle piedhorsdu souterrain,qu'il
de cet hommeseul el jetèrent un hurlement recula, saisi d'effroi,et que Malhildejeta un
de joie : « Il est pris !» — Onle renversasui- cri. Ils'était faitun grandbruitdansles buis-
te sol. Dix haches, dix sabres étaient lovés sons, commeceluid'un cavalierdontle che-
sur lui, dix canonsde fusilsétaientbraqués val , effrayépar un coupde tonnerre, aurait
sur sa poitrine.— « Arrêtez,s'écriale capi- pris le morsaux dents.Cebruit devenaitde
taineen écarlanlles brigands.Cethommeno plusenplusdislincl.C'étaientdesbranchesqui
peut mourircomme,un brave, fitPierre. — se cassaient,des feuillagesqui se froissaient,
Qu'onle pendeaux bras du pont-levis! dit des hennissements étouffés.Aumêmeinstant
Jean-le-Bancal.— Qu'onle jette dansleGe- quelquechose de lourd vint s'abattre aux
leen, continuaunautre. — .lésaismieuxque piedsde la jeunefille.— «WalterdeHegen!»
cela, reprit Pierre-le-Diable. Qu'on aille dit Malhilde.C'étaitlui en effet; les chairsà
chercherson cheval,et qu'onm'apportel'un demidéchiréespar lescordesqui le nouaient
des câblesqui onlservià monterle pont.»— au cheval, mais sain et sauf. Unelarmede
Alorson jeta lo prisonnieren travers du che- joieroulasur lesjouesde l'héritièrede Scheu-
APPEMMCF..
renhûf, et Ions se mirent en devoir de défaire le juif. — Oui, répondit le paysan d'une voix
les noeuds qui ètreignaienl Walter. — «Com- avinée. — Et la Vierge el les sainls? — Oui,
ment cela s'est-il fait? demanda le vieillard la Vierge et les saints. — Tu consens à don-
à peine revenu de sou étonnemenl '— Je vous ner ton âme au démon, afin qu'il l'accorde en
dirai cela plus tard, répondit le jeuiie homme. échange les biens de la terre, l'or, les ri-
Songeons d'abord à nous mettre en sûreté. Je chesses el le pouvoir de te transporter par la
connais près d'ici le meunier d'Hullebroèck. volonté partout où lu voudras ? — Oui. — Eli
Nous y trouverons des chevaux. Nous nous bien ! j'accepte au nom de l'enfer ton âme à
dirigerons vers Geulh , où nous passerons la ce prix, dit Nathan. Et maintenant lu es des
Meuse. » El, sans se donner le temps de. re- nôtres. Voici la carie qui te fera reconnaître
prendre haleine, il conduisit, là troupe. — Ils des frères. Puis, après lui avoir remis une
avaient laissé à leur gauche le village de carie marquée d'un signe hiéroglyphique, le
lleeck, et descendaient un étroit ravin vers juif lui donna l'accolade fraternelle et lui ré-
le clocher de Saint-Peter. Ils n'y furent pas péta : A ce soir. — Cela ne sera pas, » se dit
plutôt engagés que Martin, qui marchait à la Martin en lui-même, lit, passant, le canon de
tète de la troupe en guise d'éclaireur, s'arrêta son fusil entre les branches d'un buisson, der-
brusquement, et dit à voix basse: «Arrêtez.» rière lequel il se tenait caché, il ajusta Nathan
— Tous firent halle, parce que tous savaient qui se penchait vers son compagnon et lui
combien était développé dans ce braconnier donnait le baiser d'initiation. Au même in-
cet instinct de bête fauve qui flaire le danger, stant la détente partit ; une balle fracassa la
qui comprend le langage du vent, qui entend tête du nouvel initié et entra dans les chairs
au frôlement des feuillages d'un huilier si c'eVl du bras droil du juif. Un cri effroyable retentit
un ami ou un ennemi qui l'a produit. — Après dans la chapelle : « Trahison ! trahison ! » —
s'être assuré de la direction d'où venait là Le nouveau Bouc roula sur les marches de
rumeur qui le frappait, le garde-chasse mit l'autel, se tordit un instant et. rendit le der-
son fusil en bandoulière et se disposa à nier soupir. Le juif éleva son bras ensanglanté
grimper le long de la berge du ravin. Sans et dit aux deux compagnons qui lui ro.-laienl,
déranger un caillou, sans froisser une piaule, en montrant le mort : « Frères, vengez-moi el.
sans rompre la branche d'un buisson, il at- vengez cet homme.» -— Les deux parrains
teignit avec la légèreté d'un chat la crête de prirent leurs carabines el sortirent de la cha-
la berge et regarda autour de lui en écoulant pelle, dirigeant leurs armes vers l'endroit où
de foules ses oreilles. 11reconnut aussitôt quel ils avaient aperçu le feu du braconnier. Leurs
étail ce bruit, car il avisa à quelque distance deux balles partirent à la fois. — «Mal visé!
la sinistre petite lampe qui ne s'allumait, qu'au mes compères, » s'écria Martin qui avait re-
soin des nuits ténébreuses pour éclairer l'ini- chargé son fusil double el. tenait deux eo.ips
tiation des Boucs. Un cri de terreur se fût à la portée de ses adversaires. — 11lâcha le
échappé de la bouche des fugitifs, s'il leur eût premier, et l'un des hommes tomba. Il lâcha
dit: — Nous sommes près de là Chapelle des le second, el l'autre tomba aussi. Il ne restait
Boucs. Mais il se pencha au bord du ravin, et plus que le juif. Mais Nathan s'enfuit à tra-
leur fit signe de marcher avec précaution : vers les fourrés du bois el disparut dans les
«Avancez à pas de loup, leur dit-il tout bas; dernières ténèbres de la nuit. — Martin ren-
nous sommes ici dans un endroit, plein de pé- tra avec l'aube à Eauquemont. Il instruisit le
ril.» — Toute la troupe descendit le ravin dans bailli de ce qui s'était passé. La justice se
le plus grand silence. Ils laissèrent à leur rendit avec une forte escorte à la chapelle
gauche les toits d'Ooste, et entrèrent après d'initiation et n'y trouva que deux cadavres,
une demi-heure de marche à Eauquemont.— qui furent enterrés ignominieusement par le
«Grâce au ciel! nous voici sauvés!» s'écria le bourreau sous.le gibet infâme. — Nathan fut
sire de Scheurenhof. — Pendant ce temps pris quinze jours plUs lard, et pendit lé 2,4 sep-
Martin s'était glissé à travers lès buissons et tembre 1772, à lleeck, sur la bruyère de
les hautes herbes jusqu'auprès de l'entrée de GraecJ. — Malgré la sévérité des juges, mal-
la cliapéllè. Il y vil accomplir les mystères gré les placards nombreux publiés par les no-
d'une initiation. Devant l'autel se tenait de- bles et puissants seigneurs des Provinces-Unies
bout ce fameux juif Abraham Nathan, qui et les mesures prises par les princes évoques
joua un rôle si terrible-dans l'histoire de la de Liège, les Boucs ne purent être entière-
bande. Il était vèlù d'une espèce de.chasuble . ment exterminés. Quelques écrivains contem-
brodée d'or et rër'evait le serment d'un pau- porains font remonter cette bande à l'an 1736.
vre vacher que l'on venait de descendre dti On ne parvint à la dompter qu'en 1779. Elle
bouc de bois. «Tu'reniés Dieu? lui demandait eut un grand nombre dé chefs, parmi lesquels
APPENbHCEÏ 559
figurentsurtout,le fameuxchirurgiende K., saut s au fond d'un étang desséché: le pain
du paysde liolduc, le juif AbrahamNathan, in'approchejamais de ses lèvres; Kleudde
Hennan L. et AntoineB., surnomméle Mox. évite la foule; la lumièredu grand jour lui
Elle possédaitmême un chapelainqui prê- brûle les yeux; il n'apparaît qu'aux heures
chait tous les crimes; il portail le nom de où le hibougémitdansla tour abandonnée;
LéopoldL. Les chapellesoù les initiations une cavernesouterraineest sa démeure;ses
avaient lieu ordinairementclaie t celle de piedsn'ontjamais souilléle seuild'unehabi-
Sainte-Roseprès de Sitlard, celle de Saint- tation humaine; le mystèreet l'horreur en-
Léonardprès de Bolduc,et une autre située tourenlsonexistencemaudite: vaguescomme
aux environsd'Urmonprès dela Meuse.Tous les atomesde l'air, sesformeséchappentaux
ces endroitssont encoreredoutésaujourd'hui doiglset.ne laissentauxmainsde l'imprudent
des villageoisvoisins,qui trouventdansl'his- qui essaieraitde les élreindrè qu'une ligne
toire des Boucsde quoidéfrayer amplement noireel douloureusecommeune brûlure.Son
leurs longuessoiréesd'hiver. —Malhildede rire est semblableà celui des damnés; son
Scheiirenbofet Walter de Hegen finirent cri, rauque et indéfinissable,fait tressaillir
commetous les hérosde romans: ilsse ma- jusqu'au fond des entrailles; Kleuddea du
rièrentet obtinrentune nombreusepostérité. sang de démondans les veines.Malheurà
•—Ceuxd'entre nos lecteursqui désirentde qui le soirdans sa. route rencontréKleudde,
plus amplesdétailssur l'histoirede la bande le lutin noir! — Dans certains villagesdu
des Boucs, peuventconsulterun petit,livre Brabantle nomseul de Kleuddeexercesur
contemporainqui fut publiéen 1779,à Maé- l'esprit des paysansun empiresi redoutable,
stricht, sanslieuni date, et qui portece titre qu'il serait impossiblede les faire sortirde
curieux: Oorspony, Oorzaeke,bewys, etc. leur maison-àune heure avancéede la huit
Origine, cause, preuve el découverted'une pour les envoyerdans un champ, un bois,
bandeimpie et conjurée, de voleursdenuit el une prairie où la croyance populaireplace
de brigandsdans les pays d'outre-Meuseet ce lutin. Lesenfantsen ont,une grandepeur ;
contréesadjacentes,avecuneindicationexacte on les menacede la présencede Kleuddelors-
desexécutéset desfugitifs, par S.-P.-J. Slei- qu'ils font mal. La frayeur des jeunes filles
nada. n'est pas moinsenracinéepour celle espèce
ïtleuctcle'. — Kleudde,tout barbare, tout de loup-garou; plus d'unele soir arrive es-
cacophonique que doit vousparaître ce nom, soufflée au foyer paternel raconteren trem-
est un lutin, et un lutin national, unlutin vi- blant qu'elle a aperçu Kleudde agitant ses
vantdes brouillardsde la Flandreel du Bra- chaînesdansl'ombre.—-Audiredes campa-
bant, un lutin belge en un mot! — Si vous gnards, ce lutin est un véritableprotée,pre-
avez quelque feu dans l'imagination,sans nant les formesles plus diverses, les plus
doutequ'à ce seul nomde lutin, vousvous bizarres; tantôtc'est un arbre d'abordtrès-
formezdéjà touteune.courfantastique,idéale, petit , ensuite s'allongeantpeu à peu à une
surnaturelle,composéede gnomesaux yeux hauteur prodigieuse;puis se mouvanttout à
malins,de sylphesaux ailes d'azur, aux che- coup, il s'élèvedé terre et disparaîtdans lés
veux d'or, de salamandresaux piedsde feu. nuages; le seul mal que Kleuddefasseréel-
— Poètes,jeunes filles, enfants, Kleudde, lementsous cetteforme,c'estde déracineret
avec son enveloppesombre, avecson nom de renverserles antresarbres qu'il rencontre
aussiaffreuxque sonêtre, Kleuddedoit d'un sur son passage.Tantôtil se revêtde la peau
seul mot tuer l'échafaudagede vos songes. d'un chiennoir, il marchesur ses pattes de
Kleuddeest un lutin malfaisantqui a les re- derrière, agile une chaînequ'ilporté au cou
gards du .basilic et,la bouchedu vampire, et saule à l'imp'rovistesurles épaulesde celui
l'agilité du. folletet la fadeur,du griffon,; qu'il voitla nuitdans un sentierisolé,l'étreint,
Kleuddeaime les nuits froideset bruineuses, le jette par terre et s'enfuit.SouventKleudde
les prairiesdéserteset arides, les champsin- est un cheval maigre et efflanqué;alors il
culteset blanchispar des os de morts, les devientl'épouvantaildesgarçonsd'écurie.On
arbresfrappésde la foudre,l'if et le.cyprès; sait que c'est l'usagedans les grandesfermes
jl se plaît,au milieudes ruines couvertesde de mettre pendantlà nuit les chevauxen pâ-
mousse;il fuitlessaintslieux,oùreposentdes ture dans les prairies; l'es-domestiques-rap-
chrétiens,l'aspect d'une croix l'éblouitet le portent avec"ùnëbonnefoi rustiquequ'il leur
torture; il ne boit qu'uneeau verte çroupis- arrive parfois, lorsqu'ilscroientmonter.sur
' YCettenoticeestdéM.lebaronJulesdeSaint-Gé- une dé leurs juments,d'énfourchèrKleudde,
il y a quelques
nois,.qui.l'a donnée, d
années, ansle qui aussitôt se met à cbûrii-de toutes ses
Joi&nàldesFlandres. lorecs, jusqua ce qu arrive pies d un étang
5"0 APPEN1' MCE.
ou d'un ruisseau , il se cabre cl y précipite corps de la vieille, grandir tout à coup el
son cavalier; ensuite, pendant que, la victime s'échapper des ruines, en criant: Kleudde,
se débat dans l'eau , il se couche un instant Kleudde , Kleudde! Tous les domestiques per-
à plat ventre, pousse un éclat de rire et dis- dirent connaissance, et lorsqu'ils revinrent à
paraît au moment que le cavalier sort de son eux , ils n'aperçurent plus rien sur le théâtre
bain. —Selon les circonstances, Kleudde se de l'incendie qu'un étang rempli d'une eau
change en chat, en crapaud, en chauve-souris croupissante dont l'odeur soulevait le coeur.
ou en tout, autre animal. Les paysans préten- — L'âme damnée de la sorcière était passée
dent pouvoir reconnaître son approche à deux dans le corps de cet homme noir, ou pour
petites flammes bleues qui vacillent el s'a- mieux dire dans le corps de ce diable, qui
vancent en sautillant, mais toujours en ligne depuis, n'ayant, plus aucun repos, parcourt les
droite ; ces petites flammes sont les prunelles campagnes el les plaines cherchant à nuire à
de ses deux yeux ; le seul moyen alors d'éviter tout ce qu'il rencontre
Kleudde, c'est de s'enfuir en zigzag, comme Glubbdubdrîb. — Si le fragment de Cy-
ferait celui que poursuit un serpent. — Il y a rano-Bergerac sur Agrippa présente l'idée
de cela trois mois, je logeais par hasard qu'on avait des sorciers en France sous
dans une ferme à Ternatli, aux environs de Louis XIII, le passage que Swift leur a con-
Bruxelles. C'était le soir, je me trouvais en sacré au siècle suivant ne mérite pas moins
compagnie avec tout le personnel de la ferme, d'être mis sous les yeux du lecteur. On le
réuni autour d'un large foyer d'hiver. En so- trouve aux chapitres vu et vm du troisième
ciété de ces bons et simples paysans, c'était Voyage de Gulliver. •— « Glubbdubdrib, si
pour moi une nouveauté d'autant plus pi- j'interprète exactement le mol, signifie l'île
quante, que je complais mettre la soirée à des sorciers ou des magiciens. Elle a trois fois
profit pour recueillir quelques renseignements l'étendue de l'île deWighl; elleesl très-fertile.
sur Kleudde. J'amenais la causerie sur ce Celle île est sous la puissance d'un chef d'une
sujet, sur les lutins, sur les kabotermanne- tribu toute composée de sorciers, qui ne s'al-
kens et autres follets donl le nom m'échappe. lient qu'entre eux, el donl le prince est toujours
—Monsieur, savez-vous l'origine de Kleudde? le plus ancien de la tribu. — Ce prince ou
me dit un vieux domestique. •— Non , lui rê- gouverneur a un palais magnifique el un parc
pondis-je, ravi de son interpellation. —C'est d'environ trois mille acres, entouré d'un mur
affreux à entendre , continua le vieillard. de pierres de taille haut de vingt pieds. Ce
Voici comme on le raconte dans notre endroit. parc renferme d'autres petits enclos pour les
11 y a bien cent ans, on voyait au bout du bestiaux, le blé cl les jardins. —Le gouver-
bois qui borde la partie nord du village, une neur et sa famille sont servis par des domes-
petite el chétive maison habitée par une tiques d'une espèce assez extraordinaire. Par
femme si décrépite, si hideuse qu'on songea la connaissance qu'il- a de la nécromancie , il
plus d'une fois à s'emparer d'elle afin de la possède le pouvoir d'évoquer les morts et de
brûler comme sorcière; car tout le inonde les obliger à le servir pendant vingt-qnalre
disait qu'elle avait des rapports avec le diable heures, jamais plus long-temps; et. il ne peut
el que sa baraque servait de lieu de réunion évoquer le même esprit qu'à trois mois d'in-
pour le sabbat. Un soir qu'un orage, tel qu'on tervalle, à moins que ce ne soit pour quelque
n'en avail entendu de mémoire d'homme, grande occasion. — Lorsque nous abordâmes à
ébranlait toutes les habitations, lo feu du ciel l'île, il élail environ onze heures du malin. Un
tomba sur la masure suspecte et la consuma de mes deux compagnons alla trouver le gou-
ainsi que. la vieille femme,, dont on aperçut lo verneur, cl lui dit qu'un étranger souhaitait
lendemain le corps noirci gisant dans les cen- avoir l'honneur de saluer son altesse. Ce com-
dres. Pendant trois jours personne n'osa ap- pliment fut bien reçu. Nous cnlrâmes tous
procher du lieu de l'incendie; mais enfin trois dans la cour du palais, et nous passâmes
comme le propriétaire du bois voulait utiliser au milieu d'une haie de gardes armés et ha-
cette portion de son terrain, il prit avec lui billés d'une manière très-ancienne, et dont
quelques-uns de ses plus courageux domesti- la physionomie avait quelque chose qui me
ques munis de longs crochets pour retirer la causait une horreur indicible. Nous traversâ-
sorcière dès décombres. Les valets de ferme mes les appartements et rencontrâmes une
se mirent en tremblant à l'ouvrage ; à peine foule de domestiques de la même sorte avant
eurent-ils touché la sorcière de leurs crocs, de parvenir jusqu'à la chambre du gouver-
qu'ils entendirent un grand bruit et reçurent neur. — Après que nous eûmes fait trois ré-
dans tous les membres une violente commo- vérences, profondes, il nous fil asseoir sur de
tion ; ils virent un petit homme noir sortir du petits tabourets au pied de son trône. Il me
APPENI)1CE. 561
fit différentesquestions au sujet de mes i511e. Il m'assurasur sonhonneurqu'il n'avait
voyages; et pour marquer qu'il voulaiten las été empoisonné,mais qu'il était mort
agir avec,moisanscérémonie,il fit signeavec Tune fièvrecauséepar un excèsde boisson.
le doiglà tous ses gens de se retirer; et. en — Je vis ensuiteAnnibalpassant les Alpes;
un instant,ce qui m'élonnabeaucoup,ils dis- et. il me dit qu'il n'avait pas uneseulegoutte
parurent,commeles visions d'un rêve. — de vinaigredansson camp.— Je vis Césaret
J'eus de la peine à me rassurer. Mais le Pompéeà la fêlede leurs troupesprêtes à se
gouverneurni'ayantdit queje n'avais rien à charger. Je vis le premier dans son grand
craindre, el voyant mes deux compagnons triomphe.Je voulusvoirle sénatromaindans
parfaitementtranquilles,parce qu'ils étaient une grandesalle, avec une assembléelégis-
faitsà ce spectacle,je commençaià prendre lativemodernerangéede l'autre côlé.Lesé-
courageel racontaià son altesseles différen- nat me sembla une réunionde héroset de
tes aventuresde mes voyages, non sansun demi-dieux; .l'autre assembléem'avaitl'air
peu d'hésitation,ni sans regarderplus d'une d'un tas de porto-balles,de filous,de voleurs
fois derrière moi la place où j'avais vu les de grand cheminet de matamores.— Je fa-
fantômesdisparaître.— J'eus l'honneurde tigueraislelecteursi je-citaisle grandnombre
dîner avec le gouverneur,qui nous fit servir de personnagesillustresqui fut évoquépour
par une nouvelletroupe de spectres.Je re- satisfaireau désir insatiableque j'avais de
marquaique ma frayeur élail moinsgrande voir toutes les périodesde l'antiquité,mises
à celle secondeapparition.Nousfûmesà ta- sousmes yeux. Je les réjouisprincipalement
ble jusqu'au coucher du soleil; je priai son par la contemplation des destructeurs,des ty-
altessede permettrequeje ne couchassepas rans, des usurpateurset des libérateurs,des
dans son palais, commeil avail la bontéde nations opprimées.Maisil mesérail impos-
m'y engager-,el mesdeux amis et moinous sibled'exprimerlasatisfactionquej'éprouvai,
allâmeschercherun lit dans la villevoisine, de manièreà lafairepartagerà ceuxqui liront
capitalede la petiteîle. — Lelendemainma- ces pages. Désirantvoir les anciensles plus
lin , nous revînmesrendre nos devoirs au renomméspour l'espritet la science,je voulus
gouverneur,commeil avait bien voulunous leur consacrerun jour. Je demandaique ion
le recommander;cl. nous passâmesde cette (il apparaître Homère,et Arisloteà la tète de
manièreune dizainede jours dans celle île, leurscommentateurs; maisceux-ciétaienttel-
demeurantla plusgrandepartie (lela journée lementnombreuxqu'il y en eut plusieurscen-
avec le gouverneurel la nuit à notre au- l.ainesquifurenlobligésd'attendredanslesan-
berge. Je parvinsà mefamiliarisertellement tichambreset.danslescoursdupalais. Aupre-
avecles esprits,queje n'en eus plus peur du mier coupd'oeilje reconnuscesdeux grands
tout, ou du moins,s'il m'en restait encoreun hommeset les distinguainon-seulementde la
peu, elle cédaità ma curiosité.— Sonaltesse foule,maisaussil'un de l'autre. Homèreétait
me dit.un jour de luinommertels mortsqu'il le plusgrand el.avail meilleuremine qu'Ari-
me plairait, qu'il me les ferait venir el les slole. 11se tenait très-droitpour son âge, el,
obligeraitde répondreà toutes les questions ses yeux étaientlesplusvifs,les plusperçants
que je leur voudraisfaire, à conditiontoute- quej'eusse jamais vus. Arislotese courbait
foisqueje ne les interrogeraisque sur ce qui beaucoupel ilse servaitd'une canne.Sonvi-
s'était passéde, leur temps,et queje pourrais sage était maigre,ses cheveuxrares et lisses,
être,bien assuré qu'ils me diraient toujours sa voix creuse. Je m'aperçus bientôt qu'ils
vrai; car le mensongeest un talent inutile étaient l'un el l'autre parfaitementétrangers
dans l'autre monde. — J'acceptai avec de au reste de la compagnie, et n'en avaient pas
très-humblesactionsde grâces l'offrede son entendu parler auparavant. •—•Un spectre,
altesse.-—Nous étionsdans une pièce d'où que je ne nommeraipoint,me dit à l'oreille
l'on avail une très-bellevue sur le parc; et que ces commentateursse tenaienttoujours
commemon premier souhaitfut de voir des le plus loin qu'ils pouvaientde leurs auteurs
scènespompeusesel magnifiques,je deman- dansle mondesouterrain,parcequ'ilsétaient
dai à voir Alexandre-le-Graiidà la tôle de honteuxd'avoir si indignementreprésentéà
son armée, tel qu'il était à la batailled'Ar- la postérité les penséesde ces grands écri-
belles.Aussitôt,sur un signedu gouverneur, vains.—Je priai le gouverneurd'évoquerDes-
le princegrec parut sur un vaste champau- carles et. Gassendi, el j'engageai ceux-cià
dessousde la fenêtreoùnousétions.—Alex-aiïr- r~cxp!iquerleurs systèmesà Arislote.Ce grand
dre fut invitéà monterdansla chambr^.(JJeùg ^/pjii.rosophereconnutses erreursdans la phy-
beaucoupde peine à entendreson zr&y'iîë- sique;,, lesquellesprovenaientde ce qu'il avait
tant pas moi-mêmetrès-versédansfceiiélnn- \ raisonned'après des conjectures,commetous
5(i2 APPEND :iJicÈ.
Jes hommes doivent le faire; et il nous fit re- i
province élail un centre autour duquel ve-
marquer que Gassendi et les tourbillons de i
naient quelquefois se grouper les plus grands
Descartes avaient élé à leur tour rejetés. Il iintérêts. Il importe de se reporter à ces idées
prédit le même sort à l'attraction, que les sa- ]
pour le récit qui va suivre. — Orthez, qui
vantsde nos jours soutiennent avec tant d'ar- i
n'est plus qu'une petite ville sans importance,
deur. 11 disait que tout système nouveau sur iétait au moyen âge le siège d'une cour bril-
les choses naturelles n'élail qu'une mode nour- lante, la résidence des comtes de Foix. Le
velle et devait varier à chaque siècle, et que quatorzième siècle a vu l'apogée de sa gloire :
ceux qui prétendaient les appuyer sur des Gaston III en était alors le suzerain. Sur-
démonstrations mathématiques auraient de nommé Phcebus, soil à cause de sa beaulé,
même une vogue momentanée el tomberaient soit à cause du soleil qu'il plaça dans son
ensuite dans l'oubli. — Je passai cinq jours à écusson, Gaston ne resla pas au-dessous de
converser avec d'autres savants hommes de cet emblème glorieux. L'illustration des ar-
l'antiquité. Je vis la plupart des empereurs mes, celle des richesses et l'habileté politique
romains..Le gouverneur eut la complaisance si nécessaire pour se maintenir au faîte d'une
d'évoquer les cuisiniers d'Héliogabale pour liaulo position, tout concourut à le placer à
apprêter notre dîner ; mais ils ne purent nous la tête de ces grands vassaux de la couronne,
montrer toute leur habileté, faute de maté- féodales grandeurs qui devaient s'abaisser
riaux. Un ilote d'Agésilas nous fil un plat de sous la main puissante de Richelieu et de.
brpuel noir lacédémoiiien, et nous ne pûmes Mazarin. Plus d'une fois les intérêts de la
avaler la seconde cuillerée de ce mets.... — France entière se concentrèrent autour de lui
Mes découvertes sur l'histoire moderne furent dans cette petite cour. Pendant que les am-
mortifiantes. Je reconnus que des historiens bassadeurs des puissances voisines venaient
oui transformé des guerriers imbéciles et lâ- s'y disputer son appui, les savants, les trou-
ches en grands capitaines, des insensés el de badours el les jongleurs accouraient y bri-
petits génies en grands politiques, des flatteurs guer les faveurs et les encouragements de
et des courtisans en gens de bien, des athées celte main quasi royale. On aurait en vain
en hommes pleins de religion, d'infâmes dé- cherché ailleurs, même à la cour du roi de
bauchés en gens chastes , el des délateurs de France, un modèle plus accompli de celle
profession en hommes vrais et, sincères. — chevalerie qui brillait d'un lustre si éclatant
Un généra) d'armée m'avoua qu'il avait une alors qu'il allait s'éclipser. — Los chants du
fois remporté une victoire par sa poltronnerie gai-savoir, les nobles déduits de la chasse
et son imprudence; et un amiral me dit qu'il trouvaient auprès de Gaston un amateur aussi
avait battu malgré lui une-(lotte ennemie, éclairé que magnifique. La chasse était alors
1orsqu'il avait envie de laisser battre la sienne. une passion, une affaire sérieuse, qui exi-
— Comme chacun des personnages qu'on évo- geait des éludes approfondies. Plus un sei-
quait, paraissait tel qu'il avait été dans le gneur était puissant el riche, plus il y dé-
inonde , je vis avec douleur combien le genre : ployait de luxe. Gaston y excellait, et. il en a
humain avait dégénéré... » laissé le traité le plus complet du temps. —
Orthon le Farfadet1.'.— Le voyageur quiI « Ses équipages pour ce plaisir, dit l'histo-
rien de sa vie, surpassaient en magnificence
parcourt aujourd'hui la France ne peut, guère
se faire une. idée do la physionomie variée [ ceux des princes les plus riches >; ses écuries
qu'elle présentait au moyen âge. La centra- , ne nourrissaient pas moins de deux cents
lisation du pouvoir a relié tant bien que mal chevaux, la plupart destinés à cet usage, et,
les éléments hétérogènes dont elle se compo- il avait de, douze à seize cents chiens. Ses lé-
. vriers étaient les plus légers et les plus beaux
sait; une teinte uniforme part de Paris, et
tend à absorber de plus en plus les indivi-
dualités tranchées des provinces. C'est là\ l Kl pourtant, sans compterle roi de France et les
rois étrangers, bien d'autres seigneurset princespous-
peut-être pour l'économiste un résultat heu- saient alorsl'amourde la chassea un point extrême et
reux, un louable progrès; mais, à coup sûr,' rivalisaientde dépensesentreeux. Le duc de Bourgo-
avait un équipage de chassedans lequelon comp-
Tarliste déplore ce nivellement monotone; et:! ghe tait : six pages dechienscourants,six de lévriers,douze
il revient avec amour vers cette France du .. .sous-pages d e chiens,six valetsde chienslimiers,douze
valets de chiens courants,six valets d'épngnenls, six
temps passé, si pleine dépassions ardentesS de chienspetitsvaletsde chiens,six dut
valets de!chiens anglais et
et colorées, de croyances naïves, où chaque d'Artois. Quelle être la -surprise
du duc,
il
quand Vil, lorsqu'il fut fait prisonnier à Nicop'olis,
Bajazet avait sept mille fauconnierset autant dé
it que
1 Cette légendeet les trois historiettesqui la suivent veneurs!A. la mêmeépoque,le comte de Sançeiresi-
sont empruntéesaux Légendeset traditionspopulaires, ;s. gnalà sa passion la chassed'une façonparticu-
delà France, qui ont été publiéesrécemmentpar M.lee lière ; il fonda unpour ordre de chevaleriesous,le titre^de
comteAniédéede lïeauibrt. l'Ordre du Lévrier. (Notedel'historien.), ,.-
ArPESB DIGE. 563
de la chrétienté, ol ses chienspour le cerf, laienlbiencent
1 florinsde revenu par an, et
1Gdaim, le rangier,pour les grands ours des le ! clerc disaitqu'il y avait droit. Or, comme
Pyrénées,pour le loup el le sanglier,les plus il étaitbien appuyédans le clergé, il montra
forls et les plus courageux Tousles oi- et prouva son droit, et le pape Urbain V,
seauxde fauconnerieétaientaussiélevésavec séant en consistoiregénéral, condamnale
grand soin chezle comtede Foix. Bien n'é- chevalierà payer. Lorsquele clerc eut levé
tait noble à voir commela compagniedu les bulles du pape, il chevaucheà grandes
châtelaind'Orlhezparlantpour unechasse« journées vers le Béarn pour venir prendre
la volerie: les chevaliers,sur dobeauxpa- possessionde son dimage.Maisla décisiondu
lefrois,escortantgalammentles damesmon- pape avait grandementirrité le sire de Coâ-
tées sur d'éléganteshaquenées,et portantsur rasse; il s'avançavers le elerc, et lui dit :
le poing chacuneun bel oiseau qu'ellesca- «.Or çà, maîtrePierre ou maîtreMartin,sui-
ressaientde tempsen tempsavecleur blan- vant son nom, pensez-vousque par voslet-
che main. Et puis les écuyersel pages aux tres je doiveperdre mon héritage?Ne soyez
couleursde Foix el de Béarn, velus de vert pas assezhardi pour loucherà ce qui m'ap-
en été el de fourrurede gris en hiver; et les partient;car, si vousle faites,c'est voirevie
gens de service,si nombreuxel si bien mis, que vous y laisserez.Allez ailleurs obtenir
qui apportaient tous les enginset Olelstes bénéfice,car vousn'aurezrien de mon héri-
plus ingénieuxqu'il soil possibled'imaginer. tage; et une fois pour toutes, je vous le dé-
Gastonaimaità un lel point tousces divertis- fends. » Le chevalierétait cruel, le clerc
sementsde chasse,qu'ilen avaitfaituneétude eut peur et n'osa poursuivre.Il se décida
particulière,et qu'il se plaisait à en ensei- donc à retourner à Avignon.Maisavant de
gner les préceptesaux hommesqu'ily desti- partir il voulut protester contre celle vio-
nai!. » — Mais ces nobles plaisirs ne lui lence.11vint trouver le sire de Coârasse, et
faisaient point oublier de régler avec une lui parlaainsi: « Sire, c'estvotreforceet non
admirable sagesse l'administrationde ses le droit,qui m'enlèveles biensde monéglise,
étals. C'est peut-èlre le seul exempled'un vousméfaitesgrandementon conscience: je
haut et puissant seigneur de celte époque ne suis pas aussi puissantque vous ici, mais
qui n'ait pointtoutsacrifiéà la passionde la sachezqueje vous enverrailel championque
guerre. Aussisa réputationétait immense,et vous redouterezplus que moi. » Raymond
les populationsde Béarn le bénissaient.Un ne tintaucun comptede ses menaces. « Va,
tel personnagedevait être entouré de cette lui dit-il, fais ce que tu pourras, je ne te
auréolede merveilleuxqui ne manquejamais crainspas plus mort,que vif. Tes paroles ne
aux héros du moyenâge. 11était trop aimé me ferontrienabandonnerde monhéritage.»
des troubadourset des jongleurspour qu'on Le clerc partit donc: relourna-l-il en Cata-
ne célébrât pas sa gloire avec l'exagération logneouen Avignon?pointne le sais-je;tou-
mythique de quelque merveilleuselégende. jours est-il qu'il"n'oublia pas ses menaces.
Froissart, le crédule et naît' chroniqueur, Trois mois après, alors que le chevalier y
nous en a conservéle plus précieuxdocu- pensait le moins, des messagers invisibles
ment. —C'est en '1388 qu'il visita la cour vinrentle trouver. 11;commencèrent à heur-
brillante d'Orlhez.Curieuxel questionneur, ter et à bouleversertoutce qu'ily avait dans
il se passionnapour les récits des vaillants le château,de telle façonqu'on eût dit qu'ils
chevaliersqu'il y rencontra. Là, unécuyer allaient l'abattre; la porte delà chambrede
lui apprit que le sire comtesavait tout cei monseigneuron était tout ébranlée, et la
qui se passait avant personne, el que cette; damequi se couchaitse mouraitde frayeur.
sciencelui devait venir par aucunevoie de; Quantau chevalier, il entendaitbien tout ce
nécromancie:puis, commele chroniqueurluii lapage,maisil ne disait mot, car il ne vou-
demandaavec instancedes détails, l'éeiiyer lait pas montrerun coeursusceptiblede fai-
le lira à pari en un angletde la chapelledui blesse; d'ailleurs il était assez brave pour
phâteld'Orlhez,et commençaainsi : « Il peutt attendre l'issuede toutessortes d'aventures,
y avoir environvingt ans qu'il régnaiten ceî •—Cetapage dura toute la nuit. Au malin,
pays un baron qui s'appelait de son no.m i les serviteursdu châteause réunirentel vin-
Jiaymo,nd.11 était seigneurde Coârasse: c'estt renl trouverle baron qui était encorecou-
une ville à sept lieuesd'Orlhez.A cette épo- ché. « Monseigneur,lui dirent-ils, n'avez-
que do.nlje vo,usparle, le sire de Coârasse3 vous rien ouï cette nuil commenous? » Le
ayait un,procès à Avignondevant le pape,, sire de Coârassefit l'étonné. « Et. qu'avez-
contre un clerc de Catalogne,au sujet dess vousouï?»leur répondit-il.Alorslesserviteurs
dîmesde l'églisede Coârasse.Cesdîmesva- lui racontèrentcommenton avait bouleversé
36.
56/i APPENIIDICE.
le cliàleau et cassé loute la vaisselle de la rilahlemenl tout ce qu'il advient de par le
cuisine. Le chevalier se mit à rire, en disant monde. Vous plairai t—il, messire , me com-
qu'ils l'avaient songé, et que ce n'avait élé- muniquer les nouvelles d'Orlhon? — Monsei-
que vent. « Mon Dieu! dit la dame à demi gneur , répondit le chevalier, ainsi ferai—je
voix, je l'ai bien entendu. » La nuit suivante, pour l'amour de vous. » Donc toutes les fois
le même vacarme se renouvela, mais cette qu'Orlhon avait apporté des nouvelles, Ray-
fois plus violent encore, les portes et les fe- mond en écrivait au comte de Foix. Un jour
nêtres tremblaient sous les coups, les chaises celui-ci lui demanda s'il n'avait jamais vu
dansaient dans la chambre. Le chevalier n'y son messager, « Par ma foi, monseigneur, je
put tenir, il se leva sur son séant. « Or ç.à , n'y ai jamais pensé. — Eh bien, à votre place,
s'écria-t-il, qu'est-ce qui heurle ainsi à ma point n'y aurais manqué; je l'aurais prié de
chambre à celle heure? — C'est moi, lui fut- se montrer à moi. Veuillez vous mettre en
il répondu, c'est moi. — Qui l'envoie? reprit, peine, et me direz de quelle forme et de
le seigneur. — Le clerc de Catalogne, à qui quelle façon il esl. Vous m'avez dit qu'il parle
tu fais grand tort, car tu lui ravis les droits le gascon comme vous cl moi. — C'est, vé-
de son bénéfice. Aussi ne te laisscrai-je en rité, répondit le sire, el puisque vous me le
paix que quand tu lui auras rendu justice et conseillez, je me meilroi en peine de le
qu'il sera content. —Eh ! comment te noinme- voir. » Quelques jours après, arrive Orlhon
t-on, toi, si bon messager? — On me nomme qui, selon sa coutume, se met à secouer l'o-
Orlhon. —Eh bien, Orlhon, le service d'un reiller du sire de Coârasse qui fort, donnait ;
clerc ne te vaut rien, il te donnera trop de quant à sa femme, elle y élail accoutumée el,
peine. Abandonne-le, je le prie, pour me n'en avait plus peur. « Qui esl là? dil le che-
servir, je t'en saurai gré. » Celle proposition valier en se réveillant. — C'est, moi, Orlhon!
tenta Orlhon, le courage du chevalier lui — El d'où viens-tu? — Je viens de Prague
plut : « Le veux-tu? lui dit-il. — Oui, et en Bohème; l'empereur de Home est mort.
pourvu que tu ne fasses mal à personne — El. quand est-il morti? — Avant-hier.' —
céans. je m'attacherai à loi, et nous serons Combien y a-l-il d'ici à Prague? — Il y a
bien d'accord. — Sois tranquille, je n'ai d'au- soixante journées. —Et lu es déjà revenu?
tre puissance que celle de l'empêcher de dor- — Oui vraiment; je vais plus vile que le
mir, loi el les autres. — Eh bien donc laisse vent. — Tu as donc des ailes?— Henni,
ce méchant clerc et viens me servir. » Lors point. — Et. comment donc peux-tu aller si
Orlhon s'éprit tellement du seigneur de Coâ- vile? — Vous n'avez que l'aire de le savoir.
rasse qu'il le visitait souvent pendant la nuit, — Il esl vrai, mais je le verrais volontiers
el quand il le trouvait endormi, il soulevait pour savoir de quelle forme lu es. — Que
son oreiller el heurtait de grands coups aux vous importe, pourvu que je vous apporte
portes et aux fenêtres. Le chevalier avait des nouvelles véritables? — C'est quo,Or-
beau dire : « Orlhon , laisse-moi dormir, je' thon, je t'aimerais mieux si je t'avais vu. —
t'en prie. •— Je n'en ferai rien, reprenait l'au- Puisque vous avez ce désir, la première
tre, avant de l'avoir conté des nouvelles. »1 chose que vous verrez demain malin en quit-
Cependant la femme du sire de Coârasse : tant, votre lit, ce sera moi. — Il suffit.. Or,
avait une telle frayeur, que les cheveux luii va , je le donne congé pour cette nuit. » Le
dressaient sur la lèle, el qu'elle s'enfonçait t lendemain malin , voilà le sire qui se lève'.
bien avant sous sa couverture. Une fois ré- La dame avait une telle frayeur qu'elle fit la
veillé, le châtelain demandait au messagerr malade, disant qu'elle ne se lèverait point ce
quelles nouvelles il avait à lui dire el de2 jour-là. Et comme son seigneur insistait:
quel pays il venait. — Celui-ci répondait : «Vraiment, dit-elle, je verrais Orlhon; et je
« .le viens d'Angleterre, ou d'Allemagne, oni ne veux ni le voir ni le rencontrer, s'il plaît
de Hongrie; j'en suis parti hier, et telles ett à Dieu. — Eh bien, dit le chevalier, je veux
telles choses y sont advenues. » Ainsi, le siree le voir, moi. » Et aussitôt il sauta résolu—
de Coârasse savait à merveille tout ce qui see ment hors de son lit et s'assil sur le bord; il
passait de par le monde. •— Cela dura envi- croyait se trouver face à face avec Orlhon,
ron cinq ans ; mais comme le comle de Foixx mais il ne vit rien. Il courut ouvrir les fenê-
s'émerveillait de ce que le sire de Coârassee 1res pour y voir plus clair, mais il n'aperçut
était toujours si bien informé, le chevalier,', rien qui pût lui faire dire : « Voici Orlhon. »
après beaucoup d'instances, lui parla de sonn Le jour se passe, la nuit vient. A peine est-il
gentil messager. « Sire de Coârasse, dil lee couché, voici Orlhon qui se met à causer avec
comte, je voudrais bien en avoir un sembla- lui comme à l'ordinaire. « Va, lui dit le che-
ble; il ne vous coûte rien, et vous savez vô- valier, tu n'es qu'un trompeur; tu le devais
APPENDICE. SCS
hier montrerâ moi et lu n'en as rien fait. — années, une sombreexcavation,qui avait été
Maissi, je me suis montré.— Maisnon. — autrefoisunecarrière,et quiportaitle nomsin-
Comment?n'avez-vousrien vu quand vous gulierdeSautdel'ermite.Leshabitantsdesen-
avez sauté hors de votre lit? » Le sire de vironsracontentdes chosesétrangeset mer-
Coârasseréfléchitun instant. « Ma foi,dit-il, veilleusesau sujet de ce précipice.11est vra
commeje pensais à toi, j'ai aperçu sur le que sa positiona dû singulièrementprêter aux
pavé deux longs fétus qui tournoyaientet récilsfantastiquesdesconteursdelégendes.Le
jouaient ensemble.— C'était moi, dil l'es- Saut de Vcrmileest situéau milieud'uneforêt
prit, j'avais pris celle forme.— Celane me séculaire,loinde toute-habitation; d'épaisses
suffit point, prendsune forme à laquelleje broussaillesendéfendent, l'entrée, et descavi-
puisseclairementle reconnaître.—Vousfe- tés profondesseméestoutalentourrendentson'
rez tant, reprit Orlhon,que vousme perdrez accèsdangereuxà ceux que lesbruits popu-
et que je me lasseraide vous, car vous êtes lairesn'en éloignentpas. Pendantles troubles
trop exigeant.— Tu ne le lasseras point de do la terreur, une bande de brigandsavait
moi, car si je te voisune seule foiscela me choisicet abîmepour repaire, ce qui n'a pas
suffira.—Eh bien, vousme verrezdemain. médiocrementcontribuéà augmentersa mau-
Prenez bien garde à la première chose vaise réputation.Aussi, quand les rudes la-,
que vous apercevrez en sortant de votre beursde la journéesont terminés, le gouffre
chambre, ce sera moi.— C'est bien, dit le fatal fournittoujours à la veilléequelques-
sire, va-t'en donc, car je veux dormir.» Le uns de ces mystérieuxrécits qui resserrent
lendemainà l'heurede tierce, lesire de Coâ- aulourde l'àlre à demi éteintle cercleeffrayé
rasse se lève el s'apprêle commeil convient des jeunes filles de Ville-en-Selve; tantôt
à son rang. Il sort de sa chambre et vient ce sont les terribles aventuresd'une jeune
dans une galeriequi avait vue sur le milieu princesseenlevéeà son père en passant dans
de la cour du château. Il jelle les yeux au- la forêt, el dont on n'a jamais pu retrouver
tour de lui, et la premièrechose qui frappe les traces; tantôt les crimes épouvantables
ses regards, c'est une énormetruie, la plus de monstres à formes humaines, qui ont
grande qu'on eût jamais vue; elle était si porté le ravage el la mort jusque dans le
maigre qu'elle ne montraitque les os et la villagemême.Quelquefois le narrateur rusti-
peau; sonmuseauétaitaiguel affamé.Le sire que mêledes images riantes à ces sombres
de Coârassene vit point volontierscet af- tableaux; c'est ainsi qu'il se plaît à conter
freux animal, il appela ses gens. « Or, loi, commentunefemmed'unemajestueusebeauté
leur dil-il, failes sortir les chiens, je veux s'est élevéeun jour du fonddu Saut de l'er-
(pie celle truie soil pillée. » Les valetsobéi- mite, et a calmé la tempête qui avail déjà
rent el lâchèrent,les chienssur la truie. Elle détruit la moitié de, Ville-en-Selve.Mais
poussaun grand cri, jeta un longregard sur parmi ces récits, l'originedu Saut de l'ermite
le sire de Coârasse,et s'évanouitcommeune est celuiqu'ilreproduitavecle plus d'amour.
fumée,sans qu'on pût savoir ce qu'elleétait Le voici dans toutesa simplicité.•—Vers la
devenue.Commele sire rentrait tout pensif fin du neuvièmesiècle, vivait dans les bois
dans sa chambre, il vintà se souvenird'Or- de Germaineun vénérableermite, qui avait
thon. « Las!dit-il, je croisque j'ai vu mon nom Fulgunde.Ce saint homme passait sa
messager; combienje merepensd'avoirlancé vie à prier Dieuet à parcourirles hameaux
mes chienssur lui! Cesera un grand hasard voisins;à dix lieuesà la rondeil était connu
si je le revois, car il m'a dit que dès que je et chéri de tous. Aux riches, il recomman-
l'irriteraisil ne reviendraitplus. »' Ce fut la dait les pauvres; aux malades, il apportait
vérité : Orlhonne revint plus, et le sire de quelquessecours;à tous, il donnaitdes con-
Coârassemourut l'annéesuivante.— Ondit solations.Le bon ermite ne demandaitrien
que le gentil messagerest passé au service pour lui-même,et cependantune idée fixele
du comte de Eoix, car onne fait rien ici ou préoccupait; il avail un désir,un désir aussi
ailleurs qu'il n'en soit très-bien informé, saint qu'il était ardent : il voulaitéleverune
mêmequandons'en défiele plus. Et c'est la chapelleen l'honneurde la Vierge,c'était le
fermecroyancede presquetousles habitants seul voeude sa vie ; il se mêlait à tous ses
du Béarn.>:•—Ainsiparla l'écuyer, et Frois- rêves, à tous ses travaux, à toutesses priè-
sait, ne manqua pas de bien mettre en res. — Unsoir queFulgundes'était endormi,
mémoireun conteaussimerveilleux. bercé par cette douce pensée, un jeune
&eSaut del'Ermite —A quelqueslieuesde hommelui apparut; il était vêtu d'une robe
Lou'vois,près d'un poétiquehameaunommé blanche, et avait ce visage éclatant et ra-
Ville-en-Selve, il existaitencore,ily a plusieurs dieux qui n'appartient qu'aux anges. « Bon
566 APPENDI)ICE.
jrmile, lui dit-il, le Fils de Dieu a entendu SÏ
saces brodées comme une fine denlello, elle
vos prières; ce'.que vous désirez s'accom- s'
s'élançait en clochetons aériens , en longues
plira comme vous le vouiez. Prenez celte ci
colonnettes semblables à des tuyaux d'orgues,
image de sa sainle Mère ; par elle, vous opé- e
elle se sculptait en bas-reliefs, en figurines
rerez des prodiges. Souvenez-vous seulement d toute espèce. Jamais ouvrier n'avait mis
de
des paroles du Fils de Dieu : Veillez et lt main à un chef-d'oeuvre aussi accompli. À
la
priez. » Fulgunde éveillé par celte vision, cchaque, nouvelle pierre qui enrichissait sa
trouva seulement auprès de son chevet une c
chère chapelle, Fulgunde souriait de bonheur
petite image de la Vierge. 11la prit, la plaça e de joie ; il en aurait presque moins haï
el
dans le lieu le plus apparent de son oratoire; £Satan, si cela eût été possible*—Cependant la
puis il se jeta à genoux. Avec quelle effusion r
nuit du quatrième jour approchait, et l'ermite
il remercia la Vierge sainte ! comme il était i
n'avait pas pris un instant, de repos. Malgré
heureux et reconnaissant! Tout à coiip une 1 le sommeil fermait ses paupières; il avait
lui,
idée soudaine traversa son esprit : « Je pu-. beau 1 redoubler d'efforts, il ne pouvait plus
nirai Satan, pensa-t-il; c'est lui qui édifiera s
surveiller le diable avec autant d'atleiil:on ;
la chapelle de la Vierge. » Aussitôt Fulgundo <
disons-le à la honte de la faiblesse humaine,
prit l'image mystérieuse, et ordonna à Satan !Fulgunde s'endormit. — A celle vue, un sou-
de paraître. — Au même instant la terre rire épouvantable conlracla le visage de Sa-
s'ouvrit, et le diable parut. Quoiqu'il n'eût lan. Le sommeil du maître lui rendait sa
pas l'air toul à fait humble et soumis, il res- liberté; il ne pouvait en profiler que pour la
semblait plutôt, à un serviteur indiscipliné vengeance. Ce n'était plus cet esclave sou-
qu'à un ange déchu ; pourtant, à le considé- mis qui obéissait au moindre signe, c'était
rer attentivement, on pouvait apercevoir en l'ange du mal déchaîné, joignant à son in-
lui quelque chose .d'étrange et en même temps domptable orgueil la rage d'avoir été asservi.
de terrible. « Or çà, maître Satan, lui dit Il se trouvait alors sur le faîte du clocher,
l'ermite, la bonne Vierge m'a permis do lui dont il achevait d'effiler l'aiguille percée à
édifier une chapelle , j'ai pensé à toi pour la jour; il glissa doucement le long de la penle
lui bâtir. » On peut imaginer quelle horrible extérieure, comme un enfant qui se laisse
grimace fit le monstre à cet ordre. Lui, Sa- aller sur le penchant d'une verte colline; en
tan, bâtir une chapelle à la Mère de son juge, passant, il jetait un regard moqueur el une
sortir de son repos pour voir abaisser son insulte à chaque statuette de saint qu'il avait
orgueil à une oeuvre d'esclave; c'était trop. sculptée; on dil même qu'il porla l'audace
11 essaya de fuir, l'image de la Vierge le re- jusqu'à promener sa queue sur le visage de
tint comme une chaîne brûlante. — Depuis ces saintes images. Arrivé au bas du clocher,
long-lemps, l'ermite avait choisi le lieu où il il poussa un rire épouvantable, et renversa
désirait que sa chapelle fût élevée; c'était d'un coup de pied la merveilleuse chapelle.
une rianle colline, couronnée au sommet d'un Le fracas de la chule éveilla le pauvre er-
bouquet d'arbres touffus, el qui dominait les mite. Pour juger de sa désolation, figurez-
villages voisins. —Arrivé là avec Satan, vous la douleur d'un homme qui voit échouer
Fulgunde lui ordonna de creuser les fonde- au port le vaisseau qu'il avail. chargé de ses
ments. Quand ce travail fut terminé, l'ermite biens. Fulgunde était consterné. Au mémo
se rendit dans un vallon, dont le sol pierreux instant le messager de la Vierge parut; il
lui paraissait propre à fournir les matériaux : avail l'air triste el affligé. « Pauvre ermite,
dont il avait besoin. 11 avait pris avec luii lui dit-il, vous avez été vaincu par Satan;
l'image sainle; il n'eul qu'à la tourner verss vous êtes son esclave. Vous n'avez pas su
la terre, et aussitôt, le vallon s'enlr'ouvrit, ett veiller et prier jusqu'à la fin. » La figure lior-
les pierres en sortirent avec un grand fracas. . rible du diable remplaça presque aussitôt,
On raconte que le démon ne mit que trois3 celle de l'ange auprès de Fulgunde. « Mar-
jours à les transporter sur la colline el à les5 che, marche, lui disait-il; tu as creusé un
tailler, il est vrai que l'ermite ne lui laissaitt précipice, tu y tomberas; » Et ce disant, il
pas un instant de relâche; chaque fois queB le poussa dans un vallon qui avait servi de
Salan voulait se reposer, Fulgunde tournait t carrière; et l'y précipita. » Le pauvre ermite
vers lui l'image miraculeuse, et le démon see ne mourut pas de sa chute : lé bon ange le
remettait aussitôt au travail en faisant d'hor- soutint sur ses ailes ; il intercéda même si
. ribles contorsions. C'était merveille de voirr ardemment, pour lui auprès de la Vierge,
avec quelle habileté il maniait la pierre, et)t qu'au bout de deux ans d'expiation Fulgunde
lui donnait une forme élégante et pleine dee fui rendu à son cher ermitage. La miséricorde
vie; sous ses griffes elle se découpait en ro-- de la Vierge ne se borna pas au pardon; elle
APPENDICE. 567
i montagnesvoisineslé nom de l'as de
fil,redevenirSatan esclave,el.cette l'oisl'er- des
mile sut se montrer si vigilantqu'ayantla Souci. L'imagination naïveet pittoresquedu
nuit,la chapelleétait conslruiieel le diable imoyeuâge n'a pas manquéde s'exercersur
replongédansl'enfer. un lieu qui prêtait si bien à là légende;
ï.e Pas de Souci.—En rciiionlniil lesrives aussi,quelleque soitla causeque la science
pittoresquesdu Tarn, on arrive à un bassin pourraitattribuer au cataclysmedont celte
d'un aspectsi sauvage,qu'onle diraitboule- valléea clé le théâtre, voicicelleque lui a
versépar une main surnaturelleet malfai- assignée la pieuse crédulité des anciens
sante. Figurez-vousune espèce de cirque temps.—A peu de distancedu PasdeSouci,
fermé presqii'entiôremenlpar des rochers il existe uii villagedont la situationpitlc-
inaccessibles;aucune trace de culture, au- resqueest parfaitementen harmonieavec le
cunevégétationn'adoucissentaux yeux leur silo qui l'environne; seulement,le paysage
âprenudité; le lierreet le buissonne crois- est plus varié que dans le bassinde Souci,
sent pas même dans leurs fissures.Seule- et abondeen oppositionscharmantes.Ici, la
ment, quelqueslichensverdâtres,des arbus- mêmenature sauvageet grandiose; là, sur
tesrares el rabougris,rampentau pied de les bordsde la .Imite,une verdure émaillée
cesmassesdésolées;et pourtantil y a quel- de fleurs,deseaux limpideset murmurantes;
que chosede riche el d'énergiquedans ces puis, derrière,un rideaude peupliers.Au-
picsaigusel dépouillés,dans cesrochestan- dessusde rochersmoussus, s'élèvele village
tôtà panslargeset lourds,tantôt découpées de Sainle-Énimie el le clocherpointude sa
en denteluresdélicates,commepar la fan- petite église.La civilisation, n'y a point en-
taisie'd'un artiste. Le soleilfait éclater lès core passé; plaise à Dieu qu'elle en oublie
chaudesteintesdontelles sontcolorées.Ici, les rustiqueshabitants!— C'estdansce vil-
des aiguillesd'un ton ardent et rougeàlre lageque vivait, au huitièmesiècle,un saint
s'enlèventen lumièresur le fond sombreet homme,nomméGuillaume.Unjour, onl'a-
béantde cavitésprofondes;là, uneimmense vait vu arriver,seul'el grave,un bâtonblanc
pierre, coupéecommeuns muraille,offreles à la main, velu d'un simplehabit de bure.
teintes grises d'une ruine;plus loin, et par D'oùvenail-il?On l'ignorait.Avait-ilun au-
(lelargesouvertures,d'aulresrochers,dispo- tre nom?Personnene put jamaisle savoir.
sésen perspective, passent d'un bleu foncé Mais, certainement,il avait élé habitué à
Tousces jeux de porterd'aulreshabitsque ceuxqui le cou-
au bleu le pluslranspare.nl..
l'ombreet de la lumièreà traverscesformes vraient; dans son air nobleel.fier, el qu'il
bizarres animent,cette nature si âpre, et cherchaità rendre humbleet modeste,ou
peuventfournirà la palette du peintre les lisait,l'habitudedu commandement. 11choisit
plus piquantesoppositions. — L'enceinteque sa demeuredans l'excavationprofonded'un
forment,cesmassesabruptesesl,parfaitement rocher,et sa vie fui bientôtadmiréecomme
en harmonieavecleur aspectsauvage; tout le modèled'une grandepeil'eclioii. Le village
y indiqueun effrayantcataclysme: les ro- de Sainle-Enimiene tarda pas à ressentir
chers y sont entassésdans le plus étrange d'heureuxeffetsduvoisinage, dusaint,homme;
désordre,et c'est à peinesi le voyageurpeut il se connaissaitmerveilleusement, en simples,
se frayerun passageà travers leurs débris. el.sa haute sagessele faisaitconsulterdans
Jadis, deux immensespyramidesse dres- les affairesles plus difficiles,il fut bienlôt
saientdans ce.lieuà unehauteurprodigieuse : vénérécommel'angedu village, et chaque
l'unese nommele foc d'Aiguille,el son nom jour quelquenouveaubienfait.,quelquepro-
indiquesa forme;celui-làseulest resté de- digeinouï,que l'onracontaità la veillée,ve-
bout.L'autre s'appellele roc de Lourdes;de naient augmentersa réputation.— Le vil-
celui-ciil né resté plusque la base, il s'est lage de Sainle-Énimieétait alors le centre
écroulédans la vallée. C'est à traversles qu'avaientchoisilespopulations voisinespour
débrisde ce géant ferrasseque le Tarn a dû lesventeset les marchés.Ces réunionsres-
se frayer un passage;arrêté à chaquepas semblaientassezà nos foires.Cesjours-là,le
par mille obstacles,tantôt serré entre deux seulendroitguéablede la Juntequi condui-
couchesil s'élanceavec fracasde leur ex- saità Sainle-Énimie se trouvaitencombré,et
trémité, tantôt faible cl inaperçu il s'esi alorsdesrixessanglantes,des blasphèmeset
creusé sans bruit un étroitcanal. Ce n'est des jurements éclataientà chaque instant.
plus une seulerivière,maisune multitudede Unde cesjoursque le bon Guillaumepassait
sources, dont le murmure trouble seul le tout auprès de ce heuaimé de Sala», il fut
silencede la vallée.— Le bassindésoléque grandementsurpris d'entendrecommentle
nousvenonsde décrirea reçu des habitants ; nomde Dieuélailpeurespecté.Deuxpaysans,
568 APPENDICE.
montés chacunsur une mule, s'interpellaient Mais, au momentoù le pont allait être fini,
violemment, et des menaces ils allaient bien- le saint se doula bien que Satan allait re-
tôt en venir aux coups. Le saint homme fui nouveler ses infernales manoeuvres: il passa
obligé d'intervenir, et commeil ne put apai- donc la nuit en prières et en oraisons dans
ser leur, colère, il sejnit à genoux, priant son ermitage. Vainsefforts! le matin le pont
Dieu de les éclairer. « Mort Dieu! dil l'un était renversé. Celle fois la terreur était à
des paysans, messire ermile, mieux vaudrait son combledans la contrée, el Guillaume ne
prier le ciel de nous bâtir ici un pont. — put réunir les ouvriers pour recommencerles
Mon fils, dit le saint, Dieu esl tout-puissanl; constructions. « A quoi bon, disaient-ils, fa-
mais il ne faut pas le tenter. » Puis à force tiguer nos bras? Salan est plus fort que
d'instances, il apaisa la querelle. Mais de- nous.» L'ermite usa d'un dernier moyen; il
puis lors, il passait les jours de marché à se rendit à l'église et prêcha une belle homé-
pleurer et à jeûner, s'offraut en expiation lie sur les ruses de l'esprit malin, sur la con-
pour tous les péchés qui se commettaientà fianceen Dieu et sur la nécessité de la per-
ce fatal passage de la Junte. — Dieu tenait sévérance; les habitantsse laissèrent loucher,
son serviteur en trop grande estime pour ne el un troisième pont vint, bientôt remplacer
pas prendre en considération ses prières el les deux premiers. — Cette fois le saint vou-
ses voeux ardents. Un soir, Guillaume était lut,défendreson oeuvre.Dès qu'il fut nuit, il
en prières; un ange lui apparut. Il portait se rendit sur les bords do la Junte, se cacha
une blanche tunique; son front était ceint de derrière un rocher d'où il pouvait voir ce qui
la céleste auréole, son visage respirait la allait se passer, el attendit en redoublant
douceur et.la bonté. « Dieu a ouï ta prière, d'oraisons.— Il était à peine minuit, lorsqu'il
dit-il au saint; il eu a élé louché. Mais, vit,se dresser une grande figure à quelques
Guillaume, qu'est-ce que la foi qui n'agit pas du pont. Ce personnage,à mise suspecte,
point! A l'oeuvre donc; Dieu t'aidera. » 11 regarda de tous les côtés, poussa un sauvage
n'en fallut,pas davantage pour enflammerle éclat de rire el s'avança vers le pont. Il é„ail
. zèle du saint. Il se rend aussitôt à l'église, et impossiblede ne pas reconnaître Salan à cet
après une homélie sublime d'une éloquente air insolent de réprouvé. D'ailleurs, malgré
simplicité, il entraîne les habitantsde Sainle- l'obscurité profonde, Guillaume aperçut le
Enimie sur les bords de la Junte pour y con- pied fourchu de l'esprit de ténèbres. Il n'hé-
struire un.pont. Le secours de Dieu fui visi- sita pas un instant el marcha droit à lui. Sa-
ble. En peu de jours, le pont s'éleva comme tan, étourdi des nombreux signes de croix
par enchantement. Les habitants bénissaient dont,il était assailli, ne vil do salut,que dans
Guillaume, qui s'humiliait en renvoyant lotî- la fuite; mais celte victoire ne parut point
tes les louanges à Dieu. — Mais ce succès assez décisive au saint : il voulut terrasser
merveilleux ne faisait pas le compte de nions Satan et le forcer de renoncer à son infernal
Satan, qui se voyait ainsi enlever désormais projet. Il se mit donc à le poursuivre sans se
toutes les âmes qui se damnaient au passage laisser intimider ni par les obstacles, ni par
de la Junte. Il eut l'audace de s'adresser à l'obscurité profonde de la nuit. 11éïait guidé
Dieu pour se plaindre de celui qu'il regardait dans sa course par une foi ardente et par un
comme son ennemi, Guillaume: il lui.renou- certain rayonnementqui s'échappait du front
vela le même discours qu'il lui avait tenu de l'ange maudit. Celte course dura long-
autrefois au sujet du saint hommeJob '. « Ce temps. Peul-êlre l'espace d'une nuit humaine
n'est pas gratuitement que Guillaume craint ne lui suffit-il pas. — Quoi qu'il on soit ils
votre droite, lui dit-il ; n'avez-vous pas béni arrivèrent, l'hommede Dieu el Salan , dans
l'oeuvre de ses mains? » Le Seigneur lui ré- les lieux où le Tarn s'étendait en large et.
pondit : « Va, détruis le pont de Guillaume; profondbassin au pied des rocsde Lourdeset
je t'en abandonnejusqu'à la dernière pierre. » d'Aiguille. Parvenu au bord de l'eau, Satan
Satan ne perdit pas temps, il se rendit sur se retourne; se voyant serré de près par son
les bords de la Junte, et d'un souffle il ren- adversaire, il n'hésite pas et s'élance dans le
versa le pont. La ruine en fui si complète Tarn, ni plus ni moins que si l'eau eût été
qu'il était impossible que les matériaux qui son élément naturel. A peine y est-il plongé
avaient servi à l'édifier fussent employésune qu'elle s'élève en grosbouillonset sort de son
seconde fois. Guillaumene fut pas découragé lit. Mais déjà Satan a atteint l'autre bord;
un instant; il adressa une fervente prière au déjà il a posé une mainsur la base du roc de
"
ciel, et les ouvriers se mirent à l'oeuvre. Lourdes. C'en est fait, il va échapper. —
TOnretrouveconstamment lesouvenir
del'tëcriture Guillaumene perd pas courage , il se jette à
int'iéauxtraditions
populaires, genouxet implore le ciel, — Au même in-
APPENDICE 569
siani un craquement anreux se lan entendre. jusqu'à nous sur les lieux que nous venons
Le roc de Lourdes, ébranlé jusque dans ses de décrire. •—Guillaume, duc de Toulouse,
fondements, se balance un instant sur sa et parent de Charlemagne, célébré par les
base, et, s'écroulant avec fracas, couvrede poètes du moyen âge sous le nom de Mar~
ses débris le lit du Tarn et la vallée tout en- quis-au-Courl-Nez,pacifia l'Aquitaine, et la
tière. Salan était pris. Cependant le roc défenditcontreles Sarrazinsd'Espagne.Après
d'Aiguille, qui était resté debout, craignit un d'aussi glorieux travaux, il aurait pu goûter
instant que son frère ne fût point assez fort en paix les charmes du repos; mais son es-
pour contenir l'esprit infernal. « Frère, s'é- prit était trop actif pour se complaireen une
cria-t-il, est-il besoin que je descende? — molle oisiveté; il voulut, à la gloire d'un con-
El non, répondit l'autre, je le liens bien. » quérant, joindre celle d'un pieux fondateur
Celle victoire préserva non-seulementle pont d'abbaye. La solitude de Gellone lui ayant
de Guillaume, mais encore le village de paru favorable à son projet, il résolut de.
Sainle-Énimiedes maléficesde Satan. Seule- s'y fixer. — Au neuvième siècle, Gellone
ment, commecelui-ci se plaignit à Dieu, le était un désert aride, couvert de buis, de
bassinoù coulaitleTarn lui fut laissé en pro- chênes et de sapins; les ronces y étendaient
priété. On l'entendsouventla nuit pousserdes partout une luxuriante végétation, et il n'a-
gémissementsiamenlablessouslesrochersqui vait pour habitant qu'un géant à forme hu-
le tenaient captif. — Guillaumemourut long- maine, dont les meurtres el les déprédations
temps après en odeur de saintelé, laissant la répandaient au loin la terreur. Un poème du
contrée parfaitement rassurée. S'il lui était moyenâge le dépeint ainsi : « A travers le
donné de reparaître dans ce monde, peut- » pays, se démène un géant horrible à voir,
être trouverait-il que Lourdes a lâché sa » également cruel pour les femmesel les en-
proie. » l'anls: quand il les surprend, il les élran-
Saint Guillem du Désert. — A quelques » gle ; quand la faim le presse, il les mange..,
lieuesde Montpellier,entreAlliance!.Lodève, » Il rôde à travers rochers et montagnes, et
on trouveune vallée rianle qui formeune sorte » toute la contrée est tremblante d'effroi. Le
d'easis au milieud'un pays âpre el sauvage. » païen a quatorze pieds/le stature : sa lêle
De hautes montagnes couvertes de plantes » est-monstrueuse; ses yeux sont grands et
aromatiquesl'entourent de lotîtesparts, el la «ouverts. 11 a déjà lue dans le jour quatre
dérobentaux yeux du voyageur. La vigne et » hommes qui n'ont, pas eu le temps de se
l'olivier croissent dans la plaine, el. rendent » confesser, et un abbé avec sept de ses moi-
le paysage aussi riche que varié. A la seule » nés. il est armé d'une massue si bien l'or—
extrémité accessible, coule l'Hérault, qui, » rée, qu'un homme,quelle que fût.sa force,
resserré entre deux rochers, s'élance avec » ne la soulèverait point sans se rompre les
fracas d'une assez grande hauteur. Ses » nerfs. » Le duc Guillaume, qui, pour être
eaux, dans leur course rapide, l'ont jaillir moine, n'avait point oublié qu'il était gouver-
une écumebleuâtre qui reçoit du soleil l'é- neur d'Aquitaine, fit sommerle monstre par
clat d'une poussière transparente et dorée; deux hérauts d'armes de venir lui faire hom-
plus bas, devenuescalmes et limpides, elles mage de son château. Le géant répondit par
réfléchissentl'azur des deux el les teinles des bravades. Le duc emportépar son cou-
plus sombresdes rochers. /Un pont jeté d'un rage lui offritalors le combat; mais le félon
bord à l'autre sur deux énormesmasses cal- lui fil répondre qu'il l'attendait dans son cas-
caires taillées à pic joint le désert à la fertile tel , et qu'il ne ferait pas un pas vers lui. —
plaine d'Aniane; on l'appelle le pont de Le duc vil le piège, cl ne s'y laissa pas pren-
Saint-Jean de Fos. Le lieu que nous décri- dre : ne pouvant employer la force, il eut
vons se nommaitautrefois Gellone; il porte recours à la ruse. — Un jour qu'il rô-
aujourd'hui le nomde Guillemdu Désert. — dait autour du Verdus ( c'était le nom du
A l'entrée de celle vallée, el comme pour château du géant), il vit venir à lui une jeune-
faire contrasteavecla culture qui atlesle par- fille qui portait un vase sous le bras, et allait
tout la main de l'homme,s'élève une antique puiser de l'eau dans la rivière. « A quoi ap-
abbaye à moitiéruinée, et au-dessus de celte partenez-vous?lui dit le duc. — Beau sire
abbaye, un château féodaldont il reste en- chevalier, répliqua la jeune fille,je suis au
core moins de vestiges. Le monastère a eu service de monseigneurle géant. » Une pen-
pour fondateur le duc Guillaume. On ignore sée soudaine traversa l'esprit de Guillaume.
par qui fut bâti le château ; il nous paraît à «Maudit soit le géant, s'écria—l—il, car sa
peu près contemporainde l'abbaye. — Voici soif le perdra !... »"El s'adres^ant à la ser-
deux légendesque la tradition a conservées vante : « Vous allez changer d'habits avec .
570 APPENLL")IGK-
moi, el, ce faisant, vous nie rendrez un ser- !
ballade singulière Nous reproduisons ici elle
vice donl vous serez largement récompensée. pièce pathétique en résumé. — Solisa, l'in-
'—Mais, beau sire* mon maître mè luera. seule dans son oratoire, versait des
— Il sera mort avant de pouvoir le tenter. » fante, larmes et. se disait avec désespoir qu'il n'y
La jeune fille n'osa pas résister ; elle se re- aurait plus de mariage pour elle. Le roi son
tira derrière un quartier de roche. Guillaume père la surprit en ce moment, et, cherchant à
lui passa une a une les pièces de son armure, la consoler, il apprit d'elle que le comte Alur-
et eii reçut en échange ses grossiers vêle- cos l'avait, aimée, puis qu'il l'avait oubliée
ments dont il s'affubla. Cela fait, il attendit pour en épouser une autre depuis trois ans.
que la huit Tûl venue; puis il prit le vase Le roi fait venir le comte el le somme de te-
sous son bras, el à la faveur de son déguise- nir la parole qu'il a donnée jadis à sa fille. —
ment, il s'introduisit dans le château. — Mais « Je ne nierai pas la vérité, répond Âlarcos;
à ce moment, son projet faillit, échouer par je craignais que Votre Majesté ne voulût, ja-
une circonstance qu'il n'avait pu prévoir. mais consentir à m'accorder la main de sa
Une maudite pie le reconnut, et aussitôt elle fille. Je me suis uni à une autre femme. —
se mil à crier : « Gare, Guillem! Gare Guil- Vous vous en débarrasserez, dit le roi. —
lem!... t Le géant, qui ne se doutait pas que Epargnez, sire, celle qui est innocente; ne
le danger fût si proche, courut à une des fe- me condamnez pas à un affreux assassinai.»
nêtres pour observer les dehors du château. Le roi est inflexible; il faut que la comtesse
Au même instant, Guillaume saisit le monstre meure celle nuit même, ou que le comle ail la
par les pieds, elle précipita sur les rochers, tête tranchée le lendemain.» Alarcos retourne
où il se brisa. — Quant à la pie, le saint vou- à sa demeure, « triste pour sa femme el pour
lut aussi la punir. Il prononça contre elle un ses trois enfants. » — Il aperçoit la comtesse
anathème qu'il élendit à toutes les pies de la sur sa porte. (Un "jeune page avait pris les
contrée. Les vieillards du pays assurent que devants pour la prévenir du retour de son
depuis lors elles ne peuvent jamais y vivre époux.) «Soyez le bien-venu, mon seigneur,
plus de trois jours. — Délivré de son ennemi, dit-elle; hélas! vous baissez la tête ! Diles-
Guillaume construisit son monastère, et le moi pourquoi vous pleurez? —• Vous le sau -
château du Verdus On devint une. des dépen- rez, mais ce n'est pas l'heure, répondi'-il ;
dances. Cependant l'esprit du mal n'avait pas nous souperons et.je vous dirai (oui plus lard.»
entièrement disparu avec le géant. Guillaume, — On sert le souper; la comlesse se place au-
qui allait souvent visiter son ami saint Benoil près d'Alarcos, pâle el triste; mais elle ne
au couvent d'Aniane, voulut construire un mange ni ne boit. Ses enfants étaient silen-
pont sur l'Hérault au lieu ordinaire do sa cieux auprès dé leur père. Tout à coup il
traversée; niais là encore il trouva le génie penche sa tète sur la table et cache avec ses
malfaisant, qui tenta de s'y opposer. Le diable mains son visage en larmes. « J'ai besoin de
veillait dans les ténèbres, et renversait la dormir,» dit-il. Il savait bien qu'il n'y aurait,
nuit ce que l'homme de Dieu avait, édifié à pas de sommeil pour lui celle nuit-lo. Les
grand'peine pendant lé jour. Celui-ci ne se deux époux entrent dans la chambre et y de-
décourageait pas : il espérait à force de con- meurent seuls avec leur plus jeune enfant
stance faire lâcher prise à Salan. 11n'en fut encore à la mamelle. Le comte ferme les por-
rien : la nuit venue, des sifflements se fai- tes aux verrous, ce qu'il n'avait pas l'habi-
saient entendre , el tout à coup un grand tude de faire. «Femme malheureuse! s'écrio-
bruit annonçait que l'oeuvre de la journée t-il, el moi le plus à plaindre des hommes !
avait disparu dans le gouffre. Guillaume se — Ne parlez pas ainsi, mon noble seigneur;
lassa de cette lutte sans fin , il appela le dia- elle ne saurait être malheureuse, colle qui est
ble en conférence, et fit un pacte avec lui. Il l'épouse d'Alarcos. —Trop malheureuse ce-
en obtint qu'il pouvait construire son pont, à pendant, car dans-le mol que vous venez de
condition que le premier jiassager lui appar- prononcer est compris tout votre malheur,
tiendrait. Le saint, plus rusé que Satan , fit Sachez qu'avant de vous connaître j'avais
connaître lé marché à tous ses amis pour lesi juré à l'infante que je n'aurais jamais d'autre
en préserver; puis il lâcha un chat qui les épouse qu'elle; le roi notre seigneur sait
premier traversa le pont, et dont Satan futt, tout; aujourd'hui l'infante réclame ma main';
bien forcé de se contenter. — Depuis ce; et, mot, fatal à prononcer, pour vous punir
temps, dans ce pays, les chais appartiennent t d'avoir été préférée à l'infante, le roi ordonne
au diable, et le pont à saint Guillem. que vous mouriez celte nuit. — Est-ce donc
Ballade de l'Ajournement. — La lïeVUts là, répondit la comlesse effrayée, le prix de
dé Paris a publié en 1-831 l'analyse d'uneB ma tendresse soumise? Ah! ne me luez pas ,
APPENDICE.
noble comte, j'embrasse vos genoux; ren- de ( la Silésie. — Jean Kanlius était un' dès
voyez-moidansla maisonde mon père, où éoheviriS i de la ville de Pesth; sa réputation
j'étais si heureuse, où je vivrai solitaire,où de i probitéet son jugementdroit lui avaient
j'élèverai mes trois enfants. — Cela ne se ;acquis Unegrandeconsidération.Un jour lé
peut... mon serment a été terrible... Vous maire l'envoyachercherpour l'aider à ter-
devezmouriravantle jour. -—Ah! il se voit minerune affairequi venait(les'éleverentre
bien queje suisseule sur la terre; monpère des voituriers et un négociantpaniionièn.
est un vieillardinfirme...,ma mère est dans L'affairearrangée,le maireinvitaKanlius,et
soncercueil,et le fier don Garciaest mort.., l'invitationfut acceptée.Or, le repas était
lui, mon vaillant frère, que ce lâche roi fit excellent, el cette circonstancen'était pas
périr. Oui, je suis seuleet sans appui en Es- d'un médiocreintérêtpourKanlius,qui savait
pagne Ce n'est pas la mort que je crains, jouir en connaisseurdes plaisirsde la table;
maisil m'encoûtede quittermes fils... Lais- aussiélait-il de très-bonnehumeur. Cepen-
sez-moi dumoinsles presserencoresur mon dant sa gaietéparaissaitce soir-là plus folle
coeur,les embrasserune dernièrefois avant que réelle; toutonsablantun grand verre de
de mourir.— Embrassezceluiqui est là dans vieux vin du Rhin, il prononça res mois:
son berceau,vousne reverrezplus lesautres. « Plongeons-nous dansles joiesde ce monde,
— Je voudraisau moinsle temps de dire un car unmalheurpeut arriverà tout moment.»
Ave.— Diles-levile.» Elles'agenouilla.«0 Cequi était d'une moralemédiocre.— Kan-
seigneurDieu,dit-elle,en ce momentde (er- lius fut obligédo quitter la sociétéde bonne
reur, oubliezmes péchés; ne voussouvenez heurepourveillerauxpréparatifsd'un voyage.
que de voiremiséricorde.»•—Quandelle eut Arrivé chez lui, il alla à l'écurie, examina
prié, ellese relevaplus calme.«Alarco's,dit- son cheval, qui lui semblaavoirperdu le fer
elle,soyezbonpour les gagesde notre amour de l'un des pieds do derrière; il voulutlui
et priez pour le repos de mon âme.... Et prendre la jambe pour voirle sabot, el reçut
maintenantdonnez-moinotreenfant,sur mon une violenteruade dans l'estomac.11s'écria
sein, qu'il s'y puisse désaltérerune dernière sur-le-champ: « C'estfait,de moi.»— On le
fois avant que le froidde la mort ait glacéle portaaulit ; bientôtsasituationfuidésespérée.
lait de sa mère.— Pourquoiréveillerle pau- Pendant son agonie il fut en proie à une
vre enfant.?Vousvoyezqu'il dort. Préparez- grande tourmented'esprit; il répétait sou-
vous; le tempspresse; l'aurorecommenceà vent : « Mes péchéssont iels que le Tout-
paraître. — Eh bien ! écoule-moi, comte Puissantne me les pardonnerajamais! » Cet
Alarcos,je le pardonne.Maisje ne puis par- aveuétaitsi étrangementcontraireà l'opinion
donnerà ce roi si cruel, ni à sa fillesi fière. qu'onavait de lui , que lès assistantsne sa-
Que Dieules punissedu meurtre d'unechré- vaient comments'en rendre compte.On en
tienne. Je les appellede ma voix mourante vintà soupçonnerqu'il s'étaitvenduau prince
devant le trône de l'Éternel d'ici à trente des ténèbres; et ce soupçonsubit ne laissait
jours. » — Alarcos,barbare et ambitieux, pas d'être appuyésur quelquesfaitsauxquels
étrangla la pauvre comlesseavecson mou- on n'avaitpas encoresongé,entre autressur
choir. 11la recouvritavec les draps du lit; ceux-ci: qu'il avait acquis ses immensesri-
puis appelantses é'cuyers,il leur fit un faux chessesavec une soudainetéinconcevable,et
récit pour les tromper, et s'en alla épouser qu'il possédaitdans son logis un chat hoir
l'infante;— Maisla vengeancecélesies'ac-^ 'd'une grosseurextraordinaire.— L'heure do
complitau delà des malédictionsde la com- là mortde Kanliusfui signaléepar un orage
tesse; car, avant que le moisfût expiré, trois qui ne cessaqu'aprèsses funérailles.Aussitôt
âmes coupables,le roi, l'infanteet le comte, que le cadavre se trouva déposé dans la
parurent devantDieu. fosse,les élémentsreutrôrénldans le câline,
Kantius-le-Silésien.— L'histoirede Jean commesi la terre eût été délivréede là pré-
Kanlius,racontéeau docteurMorepar un mé- sence de quelquedémon.— Bientôtlé bruit
decinde la Silésie, est un des exemplesles courut qu'un spectre se promenaitdans lés
plus frappantsde celle croyanceaux reve- .. appartementsdu défunt.Le gardé de ritiitdu
nants qui a régiié en souverainesur les es--- quartier avait, disait-il, entenduun étrange
prits. — Ondit que Kanliussortantdu tom- tumultedanslà maisonde Kanlius;il luiavait
beau apparut dans la ville qui l'a vu naître; semblequ'onjetait çà et là sur le parquetles
mais ce qui est positif,c'est que de nombreu- glaces et les meubles, en riant aux éclats
ses rumeurs,relativesà ce mêmefait,jetèrent; d'unrire aigu et sataniqûe.Desgrillesde fer
nne agitationviolenteet Uneterreur profonde > quichaquesoir étaientferméesaux verrous;
parmi ses concitoyenset dans toutel'étendue > se trouvaient ouvertes le lendemainsans
b7'2 APPENDICE.
que personne eût passé par là. — Ce bou- trop long d'énumérer, ne devaient-ils pas
leversement surnaturel s'étendit même aux être attribués à Kanlius?— Qu'il noussuffise
écuries de l'échevin défunt ; tous les malins po'ur dernier Irait de dire qu'à la funèbre
les chevauxétaient couvertsd'écume, comme clarté de la lune apparaissait à la lucarne
s'ils eussent fait une excursion dans de loin- d'une vieille tour une tête aux yeux élince-
laines contrées; et cependant, à entendre les lanls, qui tout à coup prenait la formed'un
trépignements extraordinaires donl loule la: mancheà balai ou d'une chauve-souris.Celte
nuit ils ébranlaient le sol, on pouvait être lèle était celle de Kantius et ne pouvait être
assuré qu'ils n'avaient pas quille l'écurie. celle d'un autre. — Enfin, la frayeur et le
Les chiens ne cessaient d'aboyer el de hurler désespoirdes habitants de Pesth furent pous-
de la manière la plus pitoyable.— Les Imbi- sés au dernier point. Les voyageursévitaient
bants de Pesth ne pouvaientfermer l'oeil de la ville, le commerces'anéantissait: les ci-
la nuit. Une vieille domestique, qui prêtait toyens finirent par chercher un remède à cet
une grande attentionà tout ce qui se passait, étal de choses; il fol, résolu en conseil de
jura avoir ouï quelqu'un monterel descendre commune que l'on commenceraitpar s'assu-
les escaliersà cheval, el parcourir les-appar- rer si l'échevin était bien mort. — En consé-
tements au galop. L'acquéreur do la maison quence, les plus courageux des habitants se
dé Kanlius, épouvanté de tout ce vacarme, mirent en roule pour le cimetière, où ils ou-
se promenaitun jour dans les environsde la vrirent plusieurs fosses avec précaution. Ils
ville; il vit distinctement, sur la terre cou- remarquèrent, non sans surprise, que les
verte de neige, l'empreinte de pas qui n'ap- voisins de Kanlius, qui avaient été enterrés
partenaient à aucune créature humaine, à avant ou après lui, ôlaient tous réduits en
aucun animal terrestre. L'inquiélude devint poussière, tandis que sa peau, à lui, était
inexprimablelorsqu'on acquit la certitude, tendueet vermeille.On lui mil un bâtondans
par le témoignagede personnesdignesde foi, la main, il le saisit fortement, ouvritles yeux
que Kantiusse promenait à cheval non-seule- elles referma aussitôt.Onluiouvrit une veine
ment dans la cour de son ancienne maison, de la jambe et le sang coula en abondance.
mais encore dans les rues de la ville, dans Et cependantil y avait,sixmoisqu'il avail été
les vallées et sur les collines des environs, mis en terre. Le maire fitsur son compteune
courant avec la rapidité de l'éclair, commesi enquête semblable à celle qui avail eu lieu -
quelque chasseur infernal eûl été à sa pour- pour un cordonnierde Breslaw. — Le tribu-
suite. •—Un juif prétenditque Kanlius avail nal condamnaJean Kantius,échevinde Pesth,
engagé une lutte avec lui. et lui avait l'ail à être brûlé commevampire. Maisl'exécu-
souffrirune lorture inouïe. Un charretier dé- tion rencontra un obstacle étonnant. On ne
clara qu'en approchant de Peslb il avait ren- put tirer le corps de la fosse, lanl il était pe-
contré Kantius,qui lui avait vomi à la figure sant. Enfin, les citoyensde Peslb, bien in-
de longuesflammesbleuesel rouges.— Mais spirés, cherchèrentel découvrirentle cheval
voici qui esl plus surprenant : Tousles soirs, donl la ruade avail tué Kanlius; ce cheval
lorsque,le pasteur se mettait au lit, Kanlius parvint à grand'peine à amener hors dé-
venait le rouler dans les draps en avant el en terre les restes de son ancien maître. Mais
arrière, jusqu'à ce que l'uniformitédu mou- lorsqu'ils'agit d'anéantir ces restes, une au-
vement et la fatigue le fissentsuccomberau tre difficultése présenta. On mit le corpssur
sommeil.11se glissail auprès de lui sous la • un bûcher allumé, et il ne se consumapas.
forme d'un nain à travers les fentes de la Alorson fut obligéde le couperen morceaux
cloison. — Il arriva encore que les lèvres que l'on réduisit partiellementen cendres; el
d'un enfant furent tellementcolléesensemble depuis lors l'échevin Jean Kanlius cessa de
qu'on ne put les séparer : c'était l'oeuvre de faire des apparitionsdans sa ville natale.
Kanlius. A certainesheures de la soirée, la ïie noueur d'aiguillette. — Celait un
lumière des flambeauxdevenait tout à coup grand deuilà Coulommiers,dans-la maisonde
blanche et triste ; c'était le signe infailliblede Moureau, le '15 juin de l'an de grâce 1582.
la visite de Kanlius. — Des vases qui conte- Le, petit hommes'était marié la veille, plein
naient du lait la veille furent trouvés le len- de liesse, el se'-promenantheureux ménage
demain vides ou remplis de sang. L'eau des avec Fare Fleuriot, son épousée.11élait vif, -
fontainesdevint insalubre et corrompue; des homme de tète, persévérant dans ses affec-
vieillardsfurent étranglés dans leurs lits sans tions commedans ses:haines ; et il se réjouis-
que l'on parvînt à découvrir les auteurs de sait sans ménagementde son succès sur ses
ces crimesrépéiés. Tousces événementsirré- rivaux. Fare, qui l'avait préféré, semblait
guliers, el bien d'aulres encore qu'il serait partager son bonheur et ne se troublait pas
APPENDICE.
plus que son mari des alarmes que les mena- de,la i mauvaiseréputation qu'on faisait alors
cesd'un rival dédaignéavaientfait naître chez de ces vauriens qui cherchaient dans la sor-
les convives.Fare Fleuriol; habile ouvrière cellerie une prétendue puissance et de pré-
en guipure, n'avait pu hésiter dans son choix tenduesrichessestoujoursinsaisissables,onle
entre Jean Moureân,armurier fort à son aise, mil au cachot en l'invitant à faire ses ré-
et ce concurrent redouté, nomméAbel de la flexions;el lo lendemain, sur son obstinai-ion
Eue, surnommé le Casseur, à cause de sa à ne rien avouer, on l'appliqua à la question.
mauvaiseconduite; hommeréduit,au métier Il déclara qu'il allait confesser..— «Ayez
de savetier, el qu'on accusait de relations soin, dil NicolasQuatre-Sols,que votre con-
avec le diable à cause de ses déportemenls. fessionsoil entière et digne de noire indul-
C'était justement celle circonstance mysté- gence. Pour ce, vous nous exposerez dès le
rieuse qui effrayaitles amis de l'armurier.— commencementloulcs vos affaires avec Sa-
«Vousavez supplanté Abel, lui disaient-ils; tan. *>Il fit donner au savetier un verre d'eau
il vousjouera quelqu'un de ses mauvaistours. relevée d'un peu de vinaigre, afin do ranimer
— Les gens de justice de notre roi Henritroi- ses esprits; el il s'arrangea sur son siège dans
sième nous sauront bien rendre raison du la position d'un homme qui écoute une his-
Casseur, répondit Jean Moureau.-— Et qui toire merveilleuse.— Abelde la Rue, voyant
sait,,dil une vieille tante, s'il vousne jetterai que son juge était prêt, recueillit ses esprils
pas un sort? •—Patience; telle avait été la el se disposa à parler. D'abord il se recom-
réponse du jeune marié. » Mais Fare était manda à la pitié elà la compassionde lo jus-
pourtant, moins rassurée. La noce toutefois lice, criant,merci et protestant de sa repen-
s'élail faite joyeusement.— Or, le lendemain, lance ; puis il dil ce qui suit : «Je devrais
commenous avons dit, c'était dans la maison être moins misérable que je ne suis el faire
grand deuilet pleinetristesse.Lesdeux époux, autre chose que mon pauvre métier. Etant
si heureux la veille, paraissaient effarés de pelit enfant, je fus mis par ma mèreau cou-
trouble. On annonçaittimidementce qui était vent des Cordeliers de Meanx. Là le frère
survenu; le résultat en paraissait pénible; le Caillef, qui était maître des novices, m'ayant
mari et la femme ensorcelés sentaient l'un corrigé, je me fâchaissi furieusement,confie
pour l'autre autant d'éloignementqu'ils s'é- lui que je ne rêvais plus autre chose,sinonla
taient témoignéd'affectionle jour précédent. possibilité de me venger. Commej'étais ca
Celle nouvellese répandit en peu d'instants celle mauvaisevolonté,un chien barbet, mai-
dans la petite ville. Le second jour l'éloigné— gre el noir, parut loul à coup devant moi. Il
ment devintde l'antipathie, qui, le jour d'a- me sembla qu'il me parlait, ce qui me trou-
près, eut lotit l'air de l'aversion. Cependant bla fort; qu'il me promenait de m'aider en
les jeunes mariés ne parlaientpas de deman- toutes choseset de no me faire aucun mal, si
der une séparation; seulemeut ils annon- je voulaisme donner à lui.... •—Ce barbet,
çaient que quelque ennemi endiabléou quel- interrompit le juge, élait certainementun dé-
que sorcièremaudite leur avail noué l'aiguil- mon. — C'est possible,messire. Il me sembla
lette. — On sait que ce maléfice,qui a l'ail qu'il me conduisait,dans la chambre du cou-
tant,de bruit aux seizièmeet dix-septièmesiè- vent qu'on appelle la librairie. Là il disparut
cles, rendait les.mariés repoussantsl'un,pour et je ne le revis jamais. — El quelle ven-
l'autre, et, les accablant au physique comme geance avez-vons eue du frère Caillel? —
au moral , les conduisaità se fuir avec une 'Aucune, messire, ne l'ayant pas pu. •—Que
sorte d'horreur. — 11ne fui bruit dans lotit fites-vousalors dans la librairie? — Je pris
Coulommiersque de l'aiguillellenouéeà Jean un livre ; car on m'a enseignéla lecture. Mais
Moureau.Abelde la ftue, le savetier, en avait, voyant que c'était un missel, je le refermai;
ri si méchamment,qu'il fut à bon droit soup- je sortis et je demeurai quelques semaines
çonné du délit; il était assez généralement triste et pensif. Un jourje pris un autre livre,
détesté. La clameur publique prit une telle c'était un grimoire. Je l'ouvris au hasard ; et
consistance, que les jeunes époux ensorcelés à peine avais-je lu quelqueslignes que je ne
se crurent autorisésà déposerleur plainte. — comprenaispoint, quand je vis paraître de-
MessireNicolas Quatre-Sols était lieutenant vant moiunhommelonget mince,de moyenne
civil et criminelau bailliagede Coulommiers. stature, blême de visage, ayant un effroyable
11fit comparaître Abel devant lui. Lechena- aspect, le corps sale et l'haleine puante. —
pan , qui était hypocondre et morose, avoua Sentait-il le soufre? — Oui, messire.Il était
qu'il avait recherché Fare Fleuriot, mais il velu d'une longue robenoire à l'italienne, ou-
nia qu'il,eût rien fait contre elle et contreson verte par devant. Il avait à l'estomac et aux
mari. Commeil était malheureusementchargéi deux genoux commedes visages d'hommes,
514 APPENF DlÇlî.
de pareille couleur que les autres. Je regar- réunis. i — Qui faisaient,le sabbat? interrom-
dai ses pieds, nui étaient des pieds de vache. pit ] le'juge. -—Oui, messire. J'y reconnus plu-
Tout l'auditoire frissonnait. — Cet homme isieurs personnes vivantes et quelques morts,
blême, poursuivit l'accusé, me .demanda ce notamment une sorcière qui avait été pendue
que je lui voulaiset qui m'avait conseilléde à Lagny- Le maître du lieu, qui était le dia-
l'appeler. Je lui répondis avec frayeur que je ble, ordonna, par la bouche d'un vieillard,
ne l'avais pas appelé, et que j'avais ouvert que l'on nettoyai la place. Maître Rigouxprit
le grimoiresans en prévoir les conséquences. inconlinentla forme d'un grand bouc noir, se
Alors cet homme blême, qui était-le diable, mil à grommeleret à tourner ; et aussitôt l'as-
m'enleva el me transporta sur le toit de la sembléecommençales danses, qui se faisaient
salle de justice de Meaux.en me disant de ne à revers, le visage dehorset le derrière tourné
rien craindre. Je lui demandai son nom, et il vers le bouc. — C'est conformeà l'usage du
me répondit.: Je m'appelle maître Rigoux, Je sabbat, comme il est prouvé par une masse
lui témoignai ensuite le désir de m'enfuir du de dépositions. Mais ne chanta-l-on point?
couvent; là-dessus il me reporta au lieu où il et quelles furent ces chansons? •— On ne
m'avait pris. Dumoinsje m'y retrouvaicomme chanta point, messire. Après la danse, qui
sortant d'une sorte d'élourdissemenl. Le gri- avait duré deux heures, on présenta ses
moire était à mes pieds. Je vis devant moi le hommages au bouc1. » Chaque personne de
père Pierre Berson, docteur en théologie, et l'assemblée fit la mêmechose;Je m'approchai
le frère Caillel, qui me reprirent d'avoir lu du bouc à mon tour; il me demanda ce que
dans le grimoire el me menacèrent du fouet je voulaisde lui ; je lui répondis que je vou-
si je louchaisencore à ce livre. Tous les reli- lais savoir jeter des sorls sur mes ennemis.
gieux descendirent à la chapelle et chantè- Le diable m'indiqua maîlre Pierre, comme
rent unSalve à monintention. Le lendemain, pouvant mieux qu'un autre m'enseigner celle
comme je descendais pour aller à l'église , science.Je l'appris donc. — El vous en avez
maître Rigouxm'apparul encore. 11medonna fait usage contre plusieurs, notammentcontre
rendez-voussous un arbre près de Vaulxcour- les époux qui se plaignent? Avez-vous eu
lois, entre Meauxel Coulommiers.Là , je fus d'autres relations avec le diable ? — Non,
séduit. Je repris sans rien dire les babils que messire,sinon en une circonstance.Je voulais
j'avais à mon entrée dans le couvent, el j'en rentrer dans la voie. Un jour que j'allais en
sortis secrètement par une petite porte de pèlerinageà Saint-Loup, près de Provins, je
l'écurie. Rigoux m'attendait sous la figure fis rencontre du diable, qui chercha à me.
d'un bourgeois; il me mena chez maître noyer. Je lui échappai par la fuite.» —Tout
Pierre, berger de Vaulxcourlois,qui me recul le mondedans l'assemblée ouvrait de grandes
bien ; el j'allais conduire les troupeaux avec oreilles, à l'exception d'un jeune homme de
lui. Deux mois après, ce berger, qui était vingt ans, le neveu du lieutenant civil et cri-
sorcier, me promet de me présenior à Yas- minel. Il faisait les fonctionsd'apprenti gref-
semblée,ayant besoinde s'y rendre lui-même fier. — Mononcle, dit-il en se penchant à l'o-
parce qu'il n'avait plus de poudre à maléfices. reille de maître NicolasQuatre-Sols, ne pen-
L'assemblée devait se tenir dans Jrois jours. sez-vous pas que le patient n'est qu'un mau-
Nous étions à l'avenl de Noël 41375.Maître vais drôle qui a le cerveau malade, qui esl
Pierre envoya sa femmecoucher au dehors el sujet peut-être à de mauvais rêves?—Pen-
il me fit mettre au lit à sept heures du soir. dant que l'oncleréprimandait le neveu à voix
Mais je ne dormis guère. Je remarquai qu'il basse, Abel de la Rue levant la tète : «De
plaçait au coin du feu un très-long balai de tout ce que j'ai fail de niai, dit-il, je suis re-
genêt sans manche. A onze heures du soir, il pentant et marri; et je crie merci et miséri-
fil grand bruit el me dit qu'il fallait partir. 11
I corde à Dieu , au roi, à monseigneuret à la
prit de la graisse, s'en frotta les aisselleset, justice. — C'est bien, dit Nicolas Quatre-Sols,
—
me mit sur le balai, en me recommandantdes qu'on le ramène au cachot. » Le soir de ce
nepas quitter celle monture. Maître Rigoux: même jour, le maléficede Jean Moureau se
parut alors; il enleva mon maître par la che- trouva rompu." L'antipathie qui avait- surgi
minée,; inoi je le tenais au milieu du corps;; entre lui et sa jeune épouse s'évanouit. Le
el ij me sembla que nous nous envolions.Lai corps du principal délit avait donc disparu.
nuil était très-obscure , mais une lanterne; Néanmoins, peu de jours après, le 6 juillet,
nous précéda-il.Pendant que je voyageais eni sur les conclusionsdu procureur fiscal, la Rue
l'air de la sorte , je crus apercevoir l'abbaye J Histoire,
de Rebais Nousdescendîmesdansun lieu plein^ ri.net. dela magieenFrance, parM.JulesGa-
Voyezun peuplushautla légendedola Clia-
d'herbe où se trouvaionl beaucoup de gensS pelledes Boues,
APPENDICE. m
fui condamné à être brûlé vif.Il appela de sa personne
y iravaillcr à l'entretien ou à la répa-
sentenceau parlementde Paris, et,le 20 juil- ration r de ce château. Il avait pourtant subi
let 1582,le parlement de Paris, prompt à ex- plusieurs
| changements depuis le jour de sa
pédier ces sortes d'affaires, rendit un arrêt (construction,et le plus singulierest celuiqu'on
qui porte qu'Abel de la Rue, appelant, ayant iremarquaillorsqu'onapprochaitde ltonquerol-
jeté des sorts sur plusieurs, prêté son con- les 1 du côté du midi. Aucune des six fenêtres
cours au diable, communiquéplusieurs fois (qui occupaientla façade dece côté n'était sem-
avec lui, assisté aux assemblées nocturnes blableaux 1 autres. La première à.gauche était
et illicites, pour réparation de ces crimes une fenêtre en ogive, portant une croix de
la cour condamne l'appelant à être pendu et pierre à arêtes tranchées qui la partageaient
étranglé à une potence qui sera dressée sur en quatre compartimentsgarnis de vitraux à
le marchéde Coulommiers,el renvoieAbel de demeure. Celle qui suivait était pareille à la
laitue au bailli chargé de faire exéculerledit première,à l'exceptiondes vitraux, qu'on avait
jugement— el brûler le corps du sorcier après remplacéspar un vitrage blanc à losanges de
sa mort. Cet arrêt, qui adoucissaitun peu plomb porté dans des cadres de fer mobiles.
la sentence du premier juge, fut exécuté se- La troisièmeavait perdu son ogiveet sa croix
lon sa teneur, au marché de Coulommiers,par de pierre. L'ogivesemblait avoir été fermée
le maître des hautes-oeuvres de la ville de par des briques, et une épaisse menuiserie,
Meaux, le 23 juillet 1582. — « Au reslo, dit où se mouvaient ce que nous avons appelé
un auteur sensé, ces sorciers qu'on brûlait, depuis des croisées à guillotine, tenait la
méritaient presque toujours châtiment par place du vitrage à cadres de fer. La qua-
quelque vilain el odieuxcôté. » trième, ornée de deux croisées, l'une infé-
3ûechâteau de H.onquerolles. — Dans les rieure, l'autre extérieure, loules deux à es-
Mémoiresdu niable, livre dont nous ne pou- pagnoletteset à petites vitres, était en outre
vons, malgré le l.aîenlde l'auteur, recomman- défendue par un contrevent peint en rouge.
der la lecture, M. Frédéric Soulié débute par La cinquièmen'avait qu'une croiséeà grands
une scène et des détails qui réclament leur carreaux , plus une persiennepeinte en vert.
place dans ce livre. Nous croyons devoir les Enfin, la sixièmeélail ornée d'une vaste glace
transcrire en partie. — «Le <ll;rjanvier 18..., sans tain, derrière laquelleon voyait un slore
le baron François-Armandde Luïzziélail as- peint des plus vives couleurs.Cette dernière
sis au coin de son feu, dans son château de fenêtre était en outre fermée par des contre-
ltonquerolles.Quoiqueje n'aie pas vu ce châ- vents rembourrés. Le mur uni continuait
teau depuis plus de vingt ans, je me le rap- après ces fenêtres , donl la dernière avait
pelle parfaitement.Contrel'ordinaire deschâ- paru aux regards des habitants de Ronque-
teaux féodaux, il élail situé au fond d'une rolles le lendemain de la mort du baron Hu*
vallée ; il consistaitalors en quatre loursliées gues-Françoisde Luizzi, père du baron Ar-
ensemble par quatre corps de bâtiment, les mand-François de Luizzi, et le matin du
lours el les bâtimentssurmontésde toits aigus •\er janvier '18..., sans qu'on pût dire qui
en ardoise, chose rare dans.les Pyrénées. — l'avait percée et arrangée comme elle l'était.
Ainsi, quand on apercevait ce châleau du —•Ce qa'il y a de plus singulier, c'est que la
haut des collines qui l'entouraient, il parais- tradition racontait que loules les autres croi-
sait plutôt une habitation,du seizièmeou du sées s'étaient ouvertes de la même façon et
dix-septième siècle qu'une forteresse de l'an dans une circonstance pareille, c'est-à-dire
1327, époque à laquelle il avait été bâti. — sans qu'on eût vu exéculer les moindres tra-
Aujourd'hui que nous savons que de tous les vaux, et toujours le lendemainde la mort de
matériaux durablesle fer est celui qui dure le chaque propriétaire successifdu château. Un
moins, je me garderai bien de dire.que.Ron- fait certain, c'est que chacunede ces croisées
querollessemblaitêtre bâti de fer, tant l'action était celle d'une chambre à coucher qui avait
des sièclesl'avait respecté; maisce que je dois été fermée pour ne plusse rouvrir, du moment
affirmer,c'est que l'état de conservationde ce que celui qui eûl dû l'occuper toute sa vie
vaste bâtimentétait véritablementtrès-remar- avait cessé d'exister. — Probablementsi Ron*
quable. Oneût dit que c'était quelquecaprice: querolles avait été constamment habité par
d'un riche amateur du gothiquequi avait élevéi ses propriétaires, tout cet étrange mystère
la veilleces murs, intacts, dont pas une pierre. eût grandement agité la population; mais de-
n'était dégradée, qui avait dessiné ces ara- puis plus de deux siècles, chaque nouvel hé-
besques fleuries dont pas; une ligne n'étaitt ritier dès Luizzi n'avait paru que durant
rompue, dont aucun détail n'était mutilé. Ce- vingt-quatre heures dans ce château, et I'a-
pendant, de mémoired'hommeon n'avait vuî vail quitté pour n'y plus revenir. Il en avait
576 APPENDICE.
été ainsi pour le baron Hugues-François de l'allure naturelle de son corps dénotait la
Luizzi; el son filsFrançois-Armandde Luizzi, force, el. l'expressionhabituelle de ses traits
arrivé le 1e1'18..., avail annoncéson départ annonçait la résolution. Cependant il trem-
pour le lendemain. — Le concierge n'avait blait et. son agitation augmentait à mesure
appris l'arrivée de son maître qu'en le voyant que l'aiguille approchait de deux heures.
entrer dans le châleau ; el rélonnemenl de ce Quelquefois il s'arrêtait pour écouler si un
brave hommes'était changé en terreur, lors- bruit, extérieur ne se faisait pas entendre;
que, voulant,faire préparer un appartement mais rien ne troublaitle silencesolenneldonl
au nouveau venu , il vit celui-ci se diriger il était entouré. Enfin Armand entendit ce
vers le corridor où étaient,situées les cham- petit choc produit par l'échappement de la
bres mystérieuses donl nous avons parlé, et pendule et qui précode l'heure qui va sonner.
ouvrir avec une clefqu'il lira de sa pocheune Une pâleur subitoet profondese répandit sur
porte que le conciergene connaissait pas en- son visage; il demeura un moment immobile
core, et qui s'était percée sur le corridor in- et ferma les yeux comme un hommequi va
térieur comme la croisée s'était ouverte sur se trouvermal. A ce momentle premier coup
la façade. La même variété,se remarquait de deux heures résonna dans le silence. Ce
pour les portes commepour les croisées.Cha- bruit sembla réveiller Armand de son affai-
cune était d'un style différent, et la dernière blissement; el. avant que le second coup ne
était en bois de palissandre incrusté de fùl sonné, il avail saisi une petite clochette
cuivre. Le mur continuait après les portes d'argent posée sur sa table et l'avait-violem-
dans le corridor, comme il continuaità l'ex- ment agitée en disant ce seul mot : « Viens.'»
térieur après les croiséessur la fagade. Entre — Tout le monde peut avoir une clochette
ces deux murs nus el impénétrables, il se d'argent, tout le monde peut l'agiter à deux
trouvait probablement d'aulres chambres. heures précises du malin el en disant ce
Mais destinéessans douteaux héritiers futurs mol: Viens! mais très-probablement,il n'ar-
des Luizzi, elles demeuraient, commel'ave- rivera à personne ce qui arriva à Armand
nir auquel elles appartenaient, inaccessibles de Luizzi. La clochette qu'il avail. secouée
cl fermées.Celles(pie nous pourrionsappeler ne rendit qu'un son faible et ne frappa
les chambres du passé étaient do mêmecloses qu'un coup unique qui vibra Irislemenl et
el inconnues, mais elles avaient cependant sans, éclat. Lorsqu'il prononçale mol viens!
gardé les ouvertures par lesquellesou y pou- Armand y mit lout l'effort d'un homme qui
vait pénétrer; la nouvellechambre; la cham- crie pour être entendu de loin, el cependant
bre du présent si vous voulez, était seule sa voix, pousséeavec vigueur de sa poitrine,
ouverte; et durant,toute la journée du V' jan- ne put arriver à ce ton résolu el impératif
vier, tous ceux qui le voulurent y pénétrèrent qu'il avait voulului donner ; il sembla que ce
librement. — Ce corridor, qui en vérité nous fùl une timide supplicationqui s'échappait de
parait un peu sentir l'allégorie,ne. parut sen- sa bouche, et lui-même s'étonnait de cet-
tir à Armand de Luizzi que l'humiditécl lo étrange résultai, lorsqu'il aperçut à la place
froid; el il ordonna qu'on allumât un grand qu'il venait de quitter un être , qui pouvait
feu dans la cheminée en marbre blanc de sa êlre un homme, car il en avait l'air assuré;
nouvellechambre. 11y resta toute la journée qui pouvait être une femme,car il en avait le
pour régler les comptes de la propriété de visage et les membresdélicats, el qui était as-
Ronqnerolles; en ce qui concernait le châ- surémentle diable,car il n'élail entré par nulle
leau, ils ne furent pas longs.Ronqnerollesne pari el avait simplementparu. Son costume
rapportait rien et no céùlail rien. MaisAr- consistaiten une robe de chambreà manches
mand de Luizzipossédait aux environs quel- plates, qui ne disait rien du sexe de l'indi-
ques fermes donl les baux étaient expirés el vidu qui la portait. — Armanddo Luizziob-
qu'il voulaitrenouveler... — La journée en- serva en silencece singulierpersonnage,tan-
tière se passa à discuteret à'arrêter les bases dis qu'il se casail commodément dans le
des nouveauxcontrais, et ce ne fui que le sou- fauteuil à la Voltaire qui élail près du feu.
venu qu'Armand de Luizzise trouva seul. 11 Le diable, car c'était lui-même, se pencha
élail assis au coin de son feu, une table sur négligemmenten arrière el dirigea vers le feu
laquelle brûlait une seule bougieétait près de l'index el le pouce de sa main blancheet ef-
lui. Pendant qu'il restait plongé dans ses ré- filée; ces deux doigts s'allongèrent indéfini-
flexions,la pendule sonnasuccessivementmi- ment commeune paire de pincettes et prirent
nuit, minuit et demi, une heure. Luizzi se un charbon dans le feu. Le diable, car c'était
leva el se mil à se promener avec agitation. le diable en personne, y alluma un cigare
Armand élail un hommed'une (aille élevée; qu'il prit sur la table, A peine en eut-ilaspiré
APPEKD1)1CE. 577
une boufféequ'il rejeta le cigare avec dégoût, m magiuenl qu'ils ont l'air d'y être habitués.
et dit à Armandde Luizzi: « Est-ce que vous Vous V êtes de vieille famille, vous portez un
» n'avez pas de labac de contrebande?» Ar- assez-beau
ai nom, vous avez très-bon air, et
mand ne répondit pas. — «En ce cas, accep- vous v> pourriez vous passer de ridicules pour
lez du mien , » reprit le diable. — Et il tira vous
v> faire remarquer. — Le diable,fait de la
de la poche de sa robe de chambre un petit nmorale ! c'est étrange... » — Cedialogueavail
porte-cigares d'un goût exquis. Il prit deux eu e lieu entre ce personnage surnaturel et
cigarettes, en allumaune au charbon qu'il le- Armand
A de Luizzi, sans que l'un ou l'autre
nait.toujours el le présenta à Luizzi.Celui-cile eût
e changé de place. Jusqu'à ce momentLuizzi
repoussadu geste, el le diable lui dil d'un ton avait
a parlé plutôt pour ne point paraître in-
fort naturel : « Ah !vous faites le dédaigneux, terdit
ti que pour dire ce qu'il voulait. 11s'était
mon cher, tant pis.» — Puis il se mil à fumer, remis
r peu à peu de son trouble et de l'élon-
sans cracher, le corps penché en arrière et en nement
r que lui avaient causé la figure et les
sifflotantde temps en temps un air de contre- manières
r de son interlocuteur, et il résolut
danse, qu'il accompagnaitd'un petit mouve- d'aborder
c un autre sujet de conversation ,
ment de lêle lout à fait impertinent — Ar- sans s doute plus importantpour lui. Il prit donc
mand demeurait toujours immobiledevant ce un t second fauteuil, s'assil de l'autre côlé de
diable étrange. Enfinil rompit le silence; et la 1 cheminée , el examina le diable de plus
s'armanl de celle voix vibrante et saccadée près.i Il acheva son inspection en silence, et,
qui constituela mélopée du drame moderne, persuadé
i qu'une lutte d'esprit ne lui réussirait
il dit: — «Fils de l'enfer, je t'ai appelé.... pas
] avec cet être inexplicable, il prit sa clo-
— D'abord, mon cher, dil le diable en Tinter- (chette d'argent et la fil sonner encore une
rompant, je ne sais pas pourquoi vous me fois. I — A ce commandement, car c'en était
tutoyez. C'est de fort mauvais goût. C'est une un i , le diable se leva et se tint debout devant
habitude qu'oui prise entre eux ce que vous Armand de Luizzi dans l'altitude d'un do-
appelez les artistes. Faux semblant d'amitié, imestique qui attend les ordres de son maître.
qui ne les empêche pas de s'envier, de se iCe mouvement,qui n'avait duré qu'un dixième
haïr et de se mépriser. C'est une forme de ide seconde , avait apporté un changement
langage que vos romanciersel vos dramatur- complet dans l'a physionomieet le costumedu
ges ont affectée à l'expression des passions diable. L'être fantastique de lout à l'heure
poussées à leur plus haut degré, el donl les avait disparu, el Armand vit à sa place un
gens bien nés ne se servent jamais. Vousqui rustre en livrée avec des mains de boeufdans
n'êtes ni hommede lettres ni artiste, je vous des gants de coton blanc, une trogne avinée
serai fort obligéde me parler comme au pre- sur un gilet rouge, des pieds plats dans ses
mier venu ; ce qui sera beaucoup plus conve- gros souliers, el point de mollets dans ses
nable. Je vous ferai observer aussi qu'en guêtres. « Voilà m'sieur, dil le nouveauparu.
m'appelanl fils de l'enfer, vous dites une de — Qui es-lu ? s'écria Armand blessé de cet,
ces bêtises qui ont cours dans toutes les lan- air de bassesse insolente el brûle, caractère
gues connues. Je ne suis pas plus le fils de universel du domestique français. — Je ne
l'enfer que vous n'êtes le fils de voire cham- suis pas le valet du diable, je n'en fais pas
bre parce que vousl'habitez. •—Tues pourtant plus qu'on ne m'en dit, mais je fais ce qu'on
celui que j'ai appelé, » répondit Armand en me dit. —El que viens-lu faire ici? —J'at-
affectant une grande puissance dramatique. tends les ordres de m'sieur. — Ne sais-tu pas
— Le diable regarda Armand de travers et
pourquoi je t'ai appelé ? — Non , m'sieur. —
répondit avec une supériorité manquée : — Tu mens?—Oui, m'sieur.-—Comment le nom-
«Vousêtes un faquin. Est-ce que vous croyez mes-tu? — Commevoudra m'sieur. —N'as-
parler à votre groom? — Je parle à celui lu pas un nom de baptême? » Le diable ne
qui est mon esclave , s'écrie Luizzi en posant bougea pas ; mais tout le château se mit à
la main sur la clochette qui élait devant lui. rire depuis la girouette jusqu'à la cave. Ar-
— Commeil vous plaira, monsieurle baron, mand eut
peur, et pour ne pas le laisser voir,
reprit le diable. Mais, par ma foi, vous êtes il se mit en colère C'estun moyen aussi connu
bien un véritable jeune hommede notre épo- que celui de chanter. « Enfin, réponds, n'as-
que, ridicule et butor. Puisque vous êtes si tu pas un nom? — J'en ai tant qu'il vous
sûr de vous faire obéir, vous pourriez bien plaira. J'ai servi sous toute espèce de nom...
me parler avec politesse, cela vous coûterait — Tu es donc mon domestique? — Il a bien
peu. D'ailleurs, ces manières-là sont bonnes . fallu..J'ai essayé de venir vers vous à un au-
pour les manants parvenus qui, parce qu'ils tre litre; vous m'avez parlé comme à un
se vautrent dans le fondde leur calèche, s'i- laquais. Ne pouvant vous forcer à être poli,
37
578. APPENJ)>ici<.
je nié .suis soumis à èlre insolente,. et me bble... —Ensemble!... Non, reprit Armanden
voilà comme sans doute vous, me désirez, il interrompantle diable; je ne veux pas traiter
Msiëur n'à-t-il rieil à m'ordonner? — Oii.i, avec a loi ; cela mè répugnerait,trop. Tonaspect
vraiment. Mais.j'aiaussi un conseila 16de- nie îi déplaîtsouverainement.— C'étaitpourtant
mander. — M'èieû'i;permettra qùè jè.tùi dise une i chance en votre faveur : on accorde peu
que,consul1er son.domestiquéc'est faire déjà àf ceux qui déplaisent beaucoup. Un foi qui
comédiedû XVIIe.sièple.—, Où às-lu appris traite f avec un ambassadeur qui lui plaît lui
ça ? — Dans les feuilletonsdès grands joui'- fait f toujoursquelqueconcessiondangereuse...
îiàûx, — T.ûlès as donc lus ?,Eli bien !(qu'en Pour 1 rie| pas être trompé, il ne faut faire
penses-lû'?.—- .Pourquoivoulez-vous,queje d'affaire ( qu'avec les gens déplaisants. Èri ce
pensequelque chose dé gens,.qùi]rie pensent (cas, le dégoût sert de raison. —.Et il in'ëii
pas? «.— Luizzis'arrêta,encore, s'apercevani servira s pour té chasser, «dît Armanden faisant
qu'il n'arrivait, pas.plus à éoii but avec ce ssbrinèi'là clochémagique qui lui soumettait
npuyeàupersonnage,qu'avec le précédent. Il Ilé diable.— Commeavait disparu l'être an—
sirisit,s'asonnette; mais avant de. l'agiter , il idrogyhèqui s'était montré d'abord, de m'Ôhie
dit au diable : « Quoiquetu soislé rijêhiees- 'disparut, non pas lé diable, mais cette se-
prit sous iihè formé différèrile,il me déplaît conde < apparence du diable en livrée, el Ar-
dé traiter avec loi du .sujet,dont nous devons mand vil à sa place un assez beau jeune
parler.tarit .que,tu garderas cet aspect. En liorhme.Celui-ciôlàilde cetteespèced'hommes
peux-iû clîàrigëi-.?,—- Je suis .aux ordres de qui changent de nom à tous les quarts de
m'sieur. — Peux-tu reprendre la forme que siècle, et que , dans le notre, on appelle
tu.avais.tout à l'heure?. — A.u'riëcondition: faslriônàbies.Tendu commeun arc entre ses
c'est que vous ine..donnerez,une des pièces brètèiles elles sous-pieds de son panlàlon
de monnaie qui sont dahs.celie bourse. ».— blanc, il avait poséses piedsen bottesvernies
Armand regarda sur la tablé el vit une bourse et éperonnëes sur lé chambranlede là che-
qu'il n'avait pas encore aperçue. Il l'ouvrit, minée, et se tenait assis sur le dos dans iè
él è.h tira une pièce., Elle.élail d'un.métal fauteuil d'Armand. Du resté, ganté avec
inestimable, et portait pour toute inscription: exactitude, la manchette retroussée sur le
UNJiois DELÀVIE.l')ÙBARON KUANÇOlS-All- revers de son fracà boutonsbrillants, lelor-
IH'AND DELUIZZI. Armandcompritsur-le-champ gnon dans l'oeilel la canne à pomme d'or à
le mystère de celte.espèce de paiement, et la niaiii, il avait tout, à fait l'air d'un cama-
remit la pièce clansla bourse, qui lui parut rade en'visitéchezle baron Armandde Luizzi.
frès-lpurde, ce qui le fitsourire. «,Je lié paie — Celle illusion alla si loin, qu'Armand le
pas un,caprice si cher. — Vous êtes devenu regarda comme quelqu'un dé connaissance.
a'yafë? — Commentcela?,—-C'est,que vous « Il itièsemblé,vous avoir fencontre quelque
avez jeté beaucoup dé celte monnaie pour part? — Jamais ! Je ri'^ vais pas. — Je vous
obtenirmoinsque vousne "deihâridez. — Je ne ai vu au bois a cheval. — Jamais!.Je fais
mêle rappelle pas. — S'il m'était permis de courir. —Alorsc'était en calèche?—Jamais 5
vous faire votre compte, vous verriez, qu'il Je',conduis. —' Ahl pardiciï ! j'en suis sûr,:
n'y a pas tin moisde yolre vie que vous ayez j'ai joué avec vous chez SlmC...—Jâmâîâ!je
donné pour quelque chosede raisonnable'.— parie. — "Vousvalsiez toujours avec elle. —
Celase petit; niais dû ihoirisj'ai vécu. — C'est Jamais! Je galope. —' Vous ne lui faites pas
sclorilé sens que vous.attachezM riïolvivre. la'cour? — Jamais ! J'y. vais ; je ne la fais
— 11y eii a donc plusieurs? — Deux.t'fes- pas. » — Luizzise sentit pris de l'enviôde
(iifférenis: Vivre, pour Beaucoup dé- gens, donnerà ce mprisieûr,dè'scoups de cravacliô
c'est clbliiièr sa ylei à toutes lès exigen- pour lui o'terun peu de sottise. Cependantla
ces qui les èntêùrent. Celui qui vil ainsi réflexionvenant a. son aide, il cômiiiençâà
se ribmiiiév, tarit qu'il estjeune, un lipheÀfdnl; comprendreque s'il se laissaitaller à1discuter
qriarfclil devient mûr, on l'appelle un bïâbe avec le diable , en vërtu,dë toutes les fermes
homme,et dîile qualifiédo bon hommequand 'qu'il'pl'airàit à celui-cide se donner;.il H'ar-
il est vieux. Ces'trois rioinsont Un'sy'iiSn'ynïe fivéi'ailjanîàisau bût de Cetonlrëiibn.Àrhiarid
coitimiin: c'ek ië mot dupe. — Él lu perises prit donc là résolutiond'en' finiravec celui-ci
q'iiëc'est èri dupe que j'ai vécu? —-Je' crois aussi bien qu'avec un autre, et il s'écria en
que îri'sièurle pense commemoi, car il n'est faisant encoretintersa clochette'.'. — « Sàlan.
veiiûdans ce château que pour changer de écoutè-moiet obéis.» —Ce'ni'ô'iëlàit a peiiié
façon'de vivre, et prendre;l'autre. —Etçëllé- prononcé, que l'être siirriâlureî 1 qu'Armand
là, peù'x-tume ià définir? — Commec'est le rivaita'pp'élése montradanssa sinistre sjjléh-
sujet du iriarcliéque nous allonsfaire ensèh'i- rîeùr. — C'était biëri l'angë déchu que' la
APPENDJ MCE. 571)
poésie a rêvé. Type de beauté llélri par la basses b, intrigues cl aux sottes prétentions de
douleur, altéré par la haine, dégradé par la 1' l'époque actuelle, el.je me'cacheà mpi-mèihe
débauche, il gardait encore, lant que son ce a que j'ai été,.pour oublier,' autant que je
visagerestait, immobile,une trace endormiede puis p , ce' que !jesuis devenu. Cette.forme que
son origine céleste; mais dès qu'il parlait, lu li ni'asïorcé.de prendre rii'est.pàrconséquent
o
l'action de ses traits dénotait une existence où odieuse el insupportable. Hâlê-'loi' donc, et
avaient passé toutes les mauvaises passions", ddis-moi ce que tu veux.—' Je rie le sais pas
Cependant, de toutes les expressions répons- eencore, et j'àî compté sur loi pour ro'àjdpr
sautes quj se montraient sur son visage, celle dansd mon choix.— je l'ai dil que c'était'iiri-
d'.uii dégoût profond dominait les autres. Au rpoîsib'fe— Tu peux cependant faire pour
lieu .d'attendre qu'Armand l'interrogeai, il lui moii ce que lu as fait pour mes ancêtres ; lu
adressa la parole lé premier. « Me voici pour peux i me montrer à nu les passions des autres
accomplir le marché que j'ai fait avec la 1hommes, leurs espérances, leurs joies, leurs
famille et par lequel je dois donner à chacun (douleurs, le secretde leur existence, afin que
des barons de Luizzi, de lldnquerolles, ce je j puisse 1iroi'de cet enseignementune lumière
qu'il me demandera; tu connaisles conditions < qui nie guide. — Je puis faire tout cela, mais
de ce marché, je suppose? —Oui , répondit lu I dois savoir que tes ancêtres se sont engagés
Armand ; en échange do ce don , chacun de à: m'npparlenir avant que j'aie commencémou
nous l'appartient-, à moins qu'il ne puisse irécit. Voiscet acte ; j'ai laissé en blanc le nom
prouver qu'il a été heureux durant dix années do i la chose que tu me demanderas : signe-le;
de sa vie.—El chacun de les ancêtres, reprit et puis après m'avoir entendu,,'"tu écriras
Salan, m'a demandé ce qu'il croyait le bon- toi-même ce que tu désires être, ou ce que
heur, afin de m'échapper à l'heure de sa lu désires avoir. » — Armand signa et"reprit.
mort. — El lotis se sont trompés, n'est-ce «'Maintenant je l'écoute. Parle. — Pas ainsi.
pas ? — fous. Ils m'ont demandé de l'argent, La solennité que m'imposerait à moi-même
delà gloire, de la science, du pouvoir, elle cette l'ormeprimitive fatiguerait ta .frivoleat-
pouvoir, la science , la gloire, l'argent, les tention. Écoule : mêlé à la vie humaine, j'y
ont tous rendus malheureux. — C'est donc un prends plus de part que les hommes ne pen-
marché tout à ton avantage, et que je devrais sent. Je le coulerai mon histoire, ou plutôtje
refuser de conclure? — Tu le peux. —' N'y lo coulerai la leur. — Je serai'curieux de la
a-t-il doiic aucune chose à demander, qui connaître. — Garde ce sentiment; car du mo-
puisse fendre heureux? — 11y en a une. — ment que tu m'auras demandé une confidence,
Ce n'est pas à foi de me la révéler , je la sais; il faudra l'entendre jusqu'au bout. Cependant,
mais no peux-tu pas me dire si je la connais? lu pourras refuser de l'entendre en me don-
— Tu la connais ; elle s'est mêlée à toutesles nanl une des pièces de'monnaie dé'celle
actions de la vie, quelquefois en loi, le plus bourse. — J'accepte , si toutefoisce n'est pas
souvent chez, .les autres, et je puis l'alliimer une condition pour moi dëdemeurer daiis une
qu'il n'y a pas besoin de mon aide pour que résidence fixe.— Va ou tu voudras, je serai
la plupart,des hommesla possèdent. — Est-ce toujours au rendez-vous partout où tri ni'ap-
une qualité morale?"est-ce une chose "maté- pelleras. Mais songe que ce n'est qu'ici que
rielle?— Tu m'en demandes trop. As-tu fait lu peux me revoir sous nia véritable 'forme.
ton choix? Parle/vite : j'ai bâte d'en finir.'— Tu m'appelleras avec cette sonnette à toute
Tu n'étais pas si pressé loùl à l'heure. — C'est heure , en toril lieu , sur quelque place que ce
que lout à l'heure j'élais sous une de ces mille s'oit... » —Troisheures sonnèrent, et le diable
formes qui me déguisent à moi-même, et me disparut. Armand de Luizzise retrouva seul.
rendent, le présent supportable. Quand j'em- Lu .bourse qui conlënài'l'ses jours était sur sa
prisonne mon être sous lestraits d'une créature table; .11eut envie'de l'ouvrir pour les compter,
humaine vicieuseou méprisable,,je me trouva niais il ne put y parvenir, et il se coucha
à la hauteur du siècle que je mène, et je ne après l'avoir soigneusement placée sous soi!
souffre pas du misérable rôle auquel je suis chevet... » — Nouslé 'répétons, if est'.fâcheux
réduit. La vanité se satisfait de grands mots, que'lès histoires racontées par le diable soient
mais l'orgueil veut de grandes choses, et lu généralement clé nature à ne pouvoir 'être
sais qu'il fui.la cause de ma chute; mais ja- liiesd'un iecleur chrétien ; car, dans ce cadre,
mais il ne fut soumis à une si rude épreuve. l'aiileur, dont'on' ne saurait nier le'grand'
Après avoir lutté avec Dieu, après avoir mené mérite, eût pu faire un très-bon livre.
tant de vastes esprits , suscité rie si fortes 3Cemagicien du Caire. — NOUSemprun-
liassions, fait éclater de si grandes catastro- tons à M."Léon de Laborde un fragment cu-
phes, je suis honteux d'en être réduit aux rieux qu'il a publié en août <lsH3dans la /le-
580 APPEND <1)1CE.
vue desdeux Mondes, el qu'on retrouve dans et c lui dit de chercher le reflet de son visage.
ses Commentairesgéographiquessur la Ge- L'enfant 1 répondit qu'il le voyait. Le magicien
/lèse. Nous en avions dil. quelque chose au demanda < un réchaud qui fui apporté sur-le-
mol VÈIIMS. — « L'Orient, cet antique pays, < champ; puis,il'déroula trois petits cornetsde
ce vieuxberceau de tous les arts el.de toutes papier ] qui contenaientdifférentsingrédients,
les sciences, fut aussi et de tout temps le do- iqu'il jeta en proportion calculée sur le feu.
maine du savoir occulle el des secrets puis- 11 ! l'engagea de nouveau à chercher dans l'en-
sanls qui frappent l'imaginationdes peuples, cre i le refletde ses yeux, à regarder bien at-
— J'étais établi au Caire' depuis plusieurs tentivement, et à l'avertir dès
qu'il verrait
mois (1827), quand je. fus averti un malin paraître un soldat turc balayant une place.
par lord Prudhoe qu'un Algérien, sorcier de L'enfantbaissala tête; les parfums pétillèrent
son métier, devait venir chez lui pour lui au milieu des charbons; et le magicien, d'a-
montrer un tour de magie qu'on disait ex- bord à voix basse, puis l'élevant davantage,
traordinaire. Bien que j'eusse alors peu de prononça une kyrielle de mots dont à peine
confiancedans la magie orientale, j'acceptai quelques-uns arrivèrent distinctement à nos
l'invitation; c'était d'ailleurs une occasionde oreilles.—Le silence était profond; l'enfant
me trouver en compagniefort agréable. Lord avail les yeux fixés sur sa main; la fumée
Prudhoeme reçut avec sa bonté ordinaire et s'éleva en larges flocons,répaudanlune odeur
cette humeur enjouéequ'il avail su conserver forle et aromatique. Acluned, impassible.
au milieude ses connaissancessi variées el de semblait vouloir stimuler de sa voix, qui de
ses recherchesassidues dans les contréesles douce devenaitsaccadée, une apparitiontrop
plus difficilesà parcourir. — Un hommegrand tardive, quand tout à coup, jetant sa tôle en
cl beau, portant turban vert el benisch de arrière, poussant des cris et pleurant amère-
même couleur, entra: c'était l'Algérien. Il ment, l'onfaulnous dit, à travers les sanglots
laissa ses souliers sur le bout du tapis, alla qui le suffoquaient,qu'il ne voulait plus re-
s'asseoir sur un divan et nous salua tous à garder, qu'il avait vu une ligure affreuse; il
tour de rôle de la formuleen usage en Egypte. semblait terrifié. L'Algérien n'en parut, point
Il avail une physionomiedouce et affable, un étonné, il dit simplement: « Cel enfant,a eu
regard viT,perçant, je dirai même accablant, peur, laissez-le; on le forçant on pourrait lui
et qu'il semblait éviter de fixer, dirigeant ses; frapper trop vivement l'imagination.» — On
yeux à droite el à. gauche plutôt que sur lai amena un petit Arabe au service de la mai-
personne à laquelle il parlait ; du reste, son el qui n'avail jamais vu ni rencontréle
n'ayant rien de ces airs étranges qui déno- magicien; peu intimidé de lout ce qui venait
tent des talents surnaturels el le métier dei de se passer, il se prêta gaiement aux pré-
magicien. Habillécomme les écrivains ou les3 paradis el fixa bientôt ses regards dans le
hommesde loi, il parlait fort simplement de> creux de sa main, sur lo reflet de sa figure,
loules chosesel mêmede sa science,sans em- qu'on apercevait, même de côté, vacillant
phase ni mystère, surtout de ses expériences,, dans l'encre. — Les parfums recommencèrent
qu'il faisait ainsi en public et qui semblaient t à s'élancer en fumée épaisse, et les formules
à ses yeux plutôt un jeu à côté de ses autress parlées en un chant monotone, se renforçant
secrels qu'il ne faisait qu'indiquer dans laa et diminuant par intervalles, semblaientde-
conversation. On lui apporta la pipe el lo o voir soutenir son attention: « Le voilà! s'é-
café, cl pendant qu'il parlait on fit venirr cria-t-il; el nous remarquâmes l'émotion
deux enfants sur lesquels il devait opérer. — soudaine avec laquelle il porta ses regards
Le spectaclealors commença.Toute la société ô sur le centre des signesmagiques. — Com-
- se rangea en cercle autour de l'Algérien, ii ment est-il habillé? — Il a une veste rouge
qui
fit asseoir un des enfants près de lui, lui prit
it brodée d'argent, un lurban et des pistolets à
la main et sembla le regarder attentivement. t. sa ceinture. — Que fait-il? — Il balaie une
Cet enfant, fils d'un d'Européen, était âgé dele place devant une grande lente riche et belle;
onze ans et parlait facilementl'arabe. Ach- - elle est rayée de rouge et de verl avec dos
med, voyant son inquiétude au momentoù il boules d'or en haut. —IVegardequi vient à
lirait de son écriloire sa plume de jonc, lui tii présent? — C'est le sultan suivi de lout son
dit: « N'aie pas peur, enfant, je vais l'écrire
re monde. Oh! que c'est beau!... Et l'enfantre-
quelquesmots dans la main , tu y regarderas as gardait à droite et à gauche commedans lés
et voilà tout.» — L'enfant se remit de sa verres d'une optique dont on chercheà éten-
frayeur, el l'Algérien lui traça dans la mainin dre l'espace..— Commentest son cheval? —
un carré entremêlé bizarrement de lettres et Blanc, avec dés plumes sur la tête. — Et le
"* "de ;se sultan? — Il a une barbe noire, un benisch
chiffres,versa au milieu une encre épaisse
APPENID1CE. 581
vert. » Ensuite l'Algérien nous dil : « Main- sonnes, et chaque réponse, au milieu de son
tenant, messieurs, nommezla personne que irrégularité, nous laissait,toujours une pro-
vousdésirez faire paraître ; ayez soin seule- fonde impression. Enfin le magicien nous
ment de bien articuler les noms, afin qu'il ne avertit que l'enfant so fatiguait, il lui releva
puisse pas y avoir d'erreur. » Nous nous re- la tèle en lui appliquant ses pouces sur les
gardâmes tous, el comme toujours dans ce yeux et en prononçantdes paroles mystérieu-
momentpersonne ne' retrouva un nom dans ses-; puis il le laissa. L'enfant était comme
sa mémoire. — « Shakspeare, dit enfin le ivre : ses yeux n'avaient point une direction
major Félix, compagnonde voyage de lord fixe,son front élait couvertde sueur, tout son
Prudhoe. — Ordonnez au soldai d'amener être semblait violemmentallaqué. Cependant
Shakspeare, dit l'Algérien.— AmèneShaks- il se remit peu à peu, devint gai, content de
peare! cria l'enfant d'une, voix de maître. — ce qu'il avait vu ; il se plaisait à le raconter,
Le voilà ! » ajoula-l-il après le lemps néces- à en rappeler toutes les circonstances, el y
saire pour écouter quelques-unesdes formu- ajoutait des détails comme à un événement
les inintelligiblesdu sorcier. Noire élonne- qui se serait réellement passé sous ses yeux,
menlserait,difficileà décrire, aussi bien que — Mon élonncmenlavail surpassé mon at-
la fixité de notre attention aux réponses do tente ; mais j'y joignais une appréhension
l'enfant. — « Commentest-il? — 11porte un plus grande encore : je craignais une mystifi-
benisch noir, il est tout habillé de noir, il a cationet je résolusd'examiner par moi-même
une barbe. — Est-ce lui? nous demanda le ce qui, dans ces apparitions en apparence si
magicien d'un air fort naturel, vous pouvez réelles et certainement si faciles à obtenir,
d'ailleurs vous informerde son pays, de son appartenait au métier de charlatan, et ce qui
âge. — Eh bien! où est-il né? dis-je. — Dans pouvait résulter d'une influencemagnétique
un pays tout entouré d'eau.» Cotte réponse quelconque. Je nie retirai dans le fond de la
nousétonna encore davantage. — Faites ve- chambre et j'appelai llellier, mon drogman.
nir Cradock, ajouta lord Prudhoe avec celle Je lui dis de prendre à part Achmedel de lui
impatienced'un hommequi craint de se fier demander si pour une somme d'argent, qu'il
trop facilementà une supercherie. Lo Caouas fixerait, il voulait me dévoilerson secret; à
l'amena. — Commentest-il habillé? — 11a la condition,bien entendu, que je m'engage-
unhabit rouge, sur sa tôleun grand larbouscli rais à le tenir caché de son vivant. -— Le
noir, et quelles drôles do bottes! je n'en ai spectacle terminé, Achmed, loul en fumant,
jamais vu de pareilles: elles sont noires el lui s'était mis à causer avec quelques-uns des
viennent par-dessus les jambes. » •—Toutes spectateurs,encoretout,surpris de son talent ;
ces réponses, donl on retrouvait la vérité puis après il partit. J'étais à peine seul avec
sous un embarras naturel d'expressionsqu'il Bellier, que je m'informaide la réponse qu'il
aurait été impossiblede feindre,élaient d'au- avait obtenue.Achmedlui avail dil qu'il con-
tant plus extraordinaires qu'elles indiquaient sentait à m'npprendre son secret. Le lende-
d'une manière évidente que l'enfant avail main nous arrivâmes à la grande mosquée
tous les yeux des choses entièrement neuves El-Ahzar,près de laquelledemeuraitAchmed
pour lui. Ainsi, Shakspeare avait le petit l'Algérien. Le magiciennous reçut poliment
manteau noir de l'époque, qu'onappelait be- el avec une gaieté affable; un enfant jouait
nisch, el tout le costume de couleur noire près do lui : c'était son fils. Peu d'instants
qui ne pouvait se rapporter qu'à un Euro- après, un petit noir d'une bizarre tournure
péen,puisquele noirne se porte pas en Orient, nous apporta les pipes. — La conversation
et en y ajoutant une barbe que les Européens s'engagea. Achmednous apprit qu'il tenait sa
ne portent pas avec le costume franc, c'était sciencede deux cheickscélèbresde son pays,
une nouveautéaux yeux de l'enfant. Le lieu et ajouta qu'il ne nous avait montré que bien
de sa naissance, expliqué par un pays lout peu de ce qu'il pouvait faire. — «Je puis, dit-
entouré d'eau, esl à lui seul surprenant.. il, endormirquelqu'un sur-le-champ,le faire
Quanta l'apparition'de M. Cradock, qui était tomber, rouler, entrer en rage, el au milieu
alors en missiondiplomatiqueprès du pacha, de ses accèsle forcer de répondre à mes de-
elle esl encore plus singulière, car le grandi mandes el de me dévoiler tous les secrets.
larbouschnoir, qui est le chapeau militaireài Quand jo veux aussi je fais asseoir la per-
trois cornes, et ces bottesnoires qui se portenti. sonne sur un tabouret isolé, et, tournant au-
par-dessus la culotte, étaient des chosesquei tour avec des gestes particuliers , je l'endors
l'enfant-avouaitn'avoir jamais vues aupara- immédiatement; mais elle reste les yeux ou-
vant; et pourtant elleslui apparaissaient. — verts, parle et gesticulecomme dans l'état de
Nous fîmes encore apparaître plusieurs per- veille, —'Nous réglâmes nos conditions;,,il
582 APPEND1CE.
demanda quarante piaslres d'Espagne el ,Iç élonnemenl, les domestiquesde M. Msarra,
serment sur Je Koran de.ne révéler ce secret di'ogmandu consulatde France, vinrent,chez
à personne. La 'somme-fut réduite à trente moi j)ourme prier de leur faire retrouverun
piaslres; et, le serment fait ou plutôt chanté, manteau qui avail été volé à l'un d'eux. Je
il fit montersonpetit garçon et prépara, pen- ne commençai celle opération qu'avec une
dant que nous fumions, tous les ingrédients certaine crainte, .l'étais aussi inquiet des ré-
nécessairesà son opération.-Apresavoir coupé ponses de l'enfant que les Arabes qui. at-
dans un grand rouleau un petit morceaude tendaientle recouvrementdo leur bien. Pour
papier, il traça dessus les signes à dessiner comblede malheur, le caouas ne voulait pas
dans la main et les lettres qui y ont rapport; paraître-malgré force parfums que je préci-
puis, après un momentd'hésitation, il me le pitais dans le feu, et les violentesaspirations
donna. — J'écrivis la prière que voici,sous, de mes invocationsaux génies les plus favo-
sa dictée : «Anzilou-Âiouha-el-Djenui-Aioulia-rables; enfin il arriva, el après les prélimi-
el-PjênnonnrAnzilqu-Belakki-Mai,alaliou,tou- naires nécessaires,nous évoquâmesle voleur.
hou-Aleikoiim-Tariçki,Ànzijou,Tariclri.» — 11parut. — Il fallait voir les lèles tendues, les
Les trois parfums sont : « Takeh -Mabaçhi. ' bouchesouvertes, les yeux fixesde messpec-
— Ambar-ludi/'— lvôusombra-Djaoti.»— taletirs, attendant la réponse de l'oracle, qui
L'Algérienopéra sur son enfant devant moi. en eilèt nous donna une description do sa
Ce petit garçon en avait une telle habitude ligure, de son turban , de sa barbe: « C'est
que les apparitions se succédaientsans diffi- Ibrahim, oui, c'est lui, bien sur!» s'écria-I-
culté, il nousraconta des chosesfort extraor- on de Ions côtés, et.je vis-queje n'avais plus
dinaires, el dans lesquelleson remarquait une qu'à appuyer mes poucessur les yeux de mon
originalitéqui ôlài.l toute crainte dé super- pnlienl; car ils m'avaient-tous quilles pour
cherie. —J'opérai"le .lendemaindevant Ach- courir après Ibrahim. Je souhaitequ'il ail été
med avec beaucoup de succès, el avec toute coupable; car j'ai entendu vaguementparler
l'émotionque peut donnerle pouvoir étrange de quelquescoups de bâton qu'il reçut à celle
qu'il Venait'de me communiquer.A Alexan- occasion.
drie je fis de nouvellesexpériences,pensant
bien qu'à cette distance je ne pourrais avoir
de doute sur l'absence d'intelligenceentre le Dansce dédale d'erreurs et.d'illusionsdonl
magicienel les enfants que j'employais, el., nous venons"de rassembler les bizarres ta-
pour en"êtreencoreplus sûr, je lesallais cher- bleaux, on ne perdra pas do vue co grand
cher dans les quartiers les plus reculésou sur l'ail, •—que lout ce qui esl fauxel monstrueux
les routes, au moment,où ils arrivaient,de la a été le fruit'dès égarementsde l'esprit hu-
campagne. J'obtins des révélations 'surpre- main; que ces égarementsn'ont pu être pro-
nantes qui toutes avaient un caractère d'origi- duits que par les illusionsd'une fausse phi-
nalité' encore plus extraordinaireque,l'eût été losophie qui a continué de répandre ses
celui d'une vérité abstraite. Une fois entre erreurs sous des masques divers. Mais il esl
autres, je. fis apparaître lord Prudhoe, qui une lumière qui brille au'milieu (le .tou.les
était au Caire, el l'enfant, dans la description ces ténèbres, quoique plusieurs ferment les
de son costume, se mit,à dire: «Tiens, c'est yeux pour ne.la point voir : — Lux in iehe-
fort drôle, il a un sabré d'argent. » Or, lord bris luvel, el lenebra•cam non cùmprehen-
Prudhoeétait le seul peut-être en Egypte qui deruni. — Cette vraie lumière n'esl jamais
portât.un sabre avec,un fourreaude ce métal. entière que dans l'Église catholique, centre
— De retour au Caire, je sus qu'on parlait de la vérité et delà liberté,— ou Dieu nous
déjà dé ma science, et un malùi, à mongrand maintienne!