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RÉSUMÉ
Les Moose, ethnie de la famille voltaïque estimée à plus de 48% de
la population du Burkina Faso, seraient venus du Ghana notamment
de Gambaga. Ils occupent aujourd’hui la région du centre, du
centre-nord, du centre-ouest et du nord du pays. Société à tradition
orale, l’ensemble des valeurs et des connaissances accumulées
depuis les temps immémoriaux sont conservées et transmises par
la parole. A travers les textes oraux générés par ce peuple on peut
appréhender les réalités socioculturelles de ces derniers. Ainsi, à
partir des proverbes par exemple, on peut saisir l’image qui est
réservée à la femme traditionnelle dans ce milieu. Un parcours rapide
de notre corpus nous donne, à première vue, l’image d’une femme
moaaga1 soumise et sans initiative. Elle est considérée comme un
être énigmatique et immature et doit, de ce fait, vivre sous tutelle.
Cependant, on constate que cette image n’est que superficielle, car
c’est à partir de la femme que l’homme acquiert son statut. Son
accession au rang d’adulte est en partie liée à la femme. Perçue
comme mère et bonne conseillère, elle est le pilier du foyer. A travers
les proverbes, on constate donc que la femme occupe une place
importante dans la société traditionnelle moaaga et bénéficie d’un
statut meilleur à celui que le profane lui réserve souvent.
Mots-clés : Proverbes, Moogo, Moose, Femmes, Image de la femme.
ABSTRACT
The Moose, an ethnic group of the Voltaic family is rated well over
48%2 of the population in Burkina Faso and is said to have migrated
from Ghana, notably from Gambaga. Their areas of settlement
nowadays are the center, north center, center west, and the north of
the country. As a society relying on oral tradition, all their old values
and experiences are bequeathed by words of mouth. Subsequently,
their oral texts are adequate means to apprehend their socio-cultural
realities. Thus, through proverbs for instance, we can picture out
the traditional woman of this milieu. A glance at our corpus readily
displays the image of a submissive Moaaga woman deprived of any
initiative. Considered as an enigmatic and immature being, she is
culturally bound to live under tutelage. Yet, an in-depth analysis
reveals that this perception is outrightly superficial for malehood
proceeds from femalehood. The former’s maturity, nay his manhood,
hinges upon the latter’s. Regarded as a mother and a good counselor,
she is the cornerstone of family life.Through proverbs, women, as it
stands out, play a momentous role in the Moaaga society and enjoy
a better status than can meet the eye.
Key words: Proverbs, Moogo, Moose, Women, Image of woman.
INTRODUCTION
Reléguée au second rang, maltraitée et violentée, le sort réservé à la
femme est peu enviable. Si dans les sociétés traditionnelles africaines,
elle est victime de la polygamie, du mariage forcé, de crime d’honneur
et de la clitoridectomie, dans les sociétés modernes l’ascendance
de l’homme sur la femme est également perceptible notamment
dans le traitement salarial et l’accès à l’emploi. Que ce soit dans les
sociétés rurales ou citadines, européennes ou africaines, modernes
ou traditionnelles, la femme se révèle être le souffre-douleur de son
milieu. Ce traitement réservé à la femme ne laisse pas insensibles
les hommes de lettres. Dans la littérature écrite tout comme orale,
les thèmes relatifs à la femme font l’objet de plusieurs réflexions.
Dans le présent travail, nous avons choisi de nous intéresser à la
femme et aux proverbes dans le milieu moaaga. Il s’agit, dans cette
réflexion, d’examiner les questions suivantes : Peut-on, à partir des
passé, sont beaucoup usités par les adultes dans ce milieu. Ce sont
des paroles enrobées volontairement pour exprimer la pensée sans
utiliser le langage courant et habituel. Ils renseignent sur les valeurs
promues par la société et permettent, de ce fait, de mieux découvrir
les communautés qui les ont engendrés. En écoutant les proverbes
Moose par exemple, deux images ambivalentes que nous verrons
dans les lignes suivantes se dégagent.
4- Nooma : nooma est formé de ‘’noom’’ qui veut dire ‘’douceur’’ et du locatif ‘’a’’.
‘’Noogo’’ qui signifie ‘doux’’ est un adjectif qualificatif venant de ce substantif.
Lorsqu’on parle de ‘’sυ noogo’’ cela veut un couteau bien aiguisé.
précise le proverbe n°8 : «Rao gomd yaa noor a yembre, pag gomd
yaa noy5 a kobga». (La parole de l’homme a un sens unique, celle
de la femme a un sens multiple). Cette supposée immaturité de la
femme semble d’ailleurs être appréciée par la société qui en a fait
un critère dans la désignation de la bonne épouse. Ainsi, un jeune
bien élevé et sage qui rendrait service à une personne âgée se verra
bénir à ces termes : « Wẽnd na kõ f pυg-pesgo » (Que Dieu te donne
une femme mouton). Le mouton est perçu comme un animal docile
et facile à conduire. Tout se passe comme si la féminité ne rime pas
avec réflexion et intelligence. Par ce proverbe on remarque que la
société moaaga traditionnelle se méfie de la femme capable d’initiative
et de raisonnement. Ces vertus qui sont des valeurs masculines se
mueraient en antivaleurs lorsqu’il s’agit de la femme.
En somme, les proverbes moose relatifs à la femme ne lui sont pas
favorables. Ils la dépeignent comme un être dépendant et immature.
Cependant il faut préciser que cette image n’est que l’une des faces
de la pièce car d’autres proverbes célèbrent et magnifient la femme.
5- Noy est le pluriel de noore. ‘’noore’’ signifie bouche. Dans ce contexte il désigne le sens.
6- Cour extérieure où les chefs de ménages se réunissent la nuit pour dîner et deviser.
C’est également sur cette terrasse aménagée qu’on reçoit les étrangers notamment
pendant les cérémonies.
7- Ministre choisi parmi les sœurs du chef.
8- Rima : chez les Moose, la chefferie est hiérarchisée. On distingue les chefs d’origine
noble, les chefs anoblis et les chefs sans noblesse. Les rima font partie des chefs
d’origine noble et viennent juste après les moog- nanamse par ordre d’importance.
Les moog-nanamse sont au premier rang.
CONCLUSION
Les proverbes sont des canaux de conservation et de transmission
de valeurs séculaires utilisées dans un but pédagogique et didactique.
Ils constituent une vitrine à partir de laquelle on peut saisir la vision
du monde des peuples. Dans le présent corpus dont la thématique est
relative à la femme, on remarque que les Moose conçoivent la femme
comme un être difficile à saisir et à comprendre. Elle est immature et a
besoin d’un tuteur sur qui elle doit s’adosser pour exister. Cependant,
ils reconnaissent son rôle de procréatrice, faisant d’elle la mère de
l’humanité à qui il faut beaucoup d’attention et de respect. Elle est le
pilier du foyer et fait la force de l’homme par les conseils avisés dont elle
fait preuve. On peut donc appréhender les différentes conceptions de la
femme par les Moose à travers leurs proverbes. Sans chercher à apporter
une opinion personnelle sur la question, nous pensons néanmoins que
cette conception de la femme qui relève de la société traditionnelle, bien
avant la période coloniale, mérite de s’adapter aux temps modernes qui
a ses exigences et ses valeurs émergentes. Il serait donc intéressant
qu’on s’interroge réellement sur les fondements de cette apparente
minorisation de la femme en vue de corriger ces prétendus défauts. A
une époque où la division du travail selon le sexe s’effrite et que la femme
se présente comme une actrice principale du développement, certaines
valeurs qui ont constitué des solutions à des préoccupations à leurs
temps constituent des antivaleurs quand elles quittent leurs époques.
Les proverbes qui ont une fonction pédagogique doivent donc s’adapter
aux temps s’ils veulent continuer à jouer pleinement le rôle qui a été le
leur. L’image que la société aura de la femme dépendra de l’éducation
et de la formation qu’elle lui donnera, car être femme est plus culturel
que biologique.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
BADINI A. , 1990, Système éducatif traditionnel moaga (Burkina Faso) et
action éducative scolaire, Thèse de doctorat d’Etat ès Lettres et Sciences
Humaines, non publiée, Lille, Université Charles de Gaulle-Lille, 658 p.
ANNEXE
1- abréviations
Adj p. : adjectif possessif
Acc. : accompli
Conj coord. : conjonction de coordination
Conj. Sub. : conjonction de subordination
Dét. : déterminant
Marq f. : marque du futur
Marq p. : marque du pluriel
Non acc. : non accompli
Nég. : négation
Postp. : postposition
Préd v. : prédicatif verbal
Prép. : préposition
Pro. : pronom
2- Corpus
1 . Pag yaa toorẽ wande b pa mιι a yιkr daar ye.
Femme être mortier tourterelle pro. nég. savoir (acc.) pro. s’envoler (non acc.) jour post p.
La femme est semblable à la tourterelle près d’un mortier, nul ne sait à quel moment elle
s’envolera.
2 . Pυg-sad yaa wobg nemdo, sυυg sẽn noomã9 n so.
Fille être (acc.) éléphant viande couteau conj sub. doux préd v. avoir (acc.)
Une fille, c’est de la viande d’éléphant, c’est celui qui a le couteau le plus aiguisé
qui s’en appropriera.
3 . Pag noor la a loko.
Femme bouche être (acc.) adj p. carquois
La bouche de la femme est son carquois.
4 . Pag zug wogem la a pa so zak ye.
Femme tête haut mais pro. nég. posséder (acc.) cour postp.
La femme a beau être de grande taille elle ne peut être chef de famille.
5 . Ma yao, ma kẽema ma meng n yιιde
Mère petite sœur mère grande sœur mère elle-même préd v. être au dessus (acc.)
La petite sœur de la mère, la grande sœur de la mère, rien ne vaut la véritable mère
6 . Pag uug wogem la a yam yaa koεεga.
Femme pagne long mais adj p. intelligence être (acc.) court
Le pagne de la femme est long mais son esprit est court.
7 . Pag zoobd wogem la a zιlemd n yιιd.
Femme cheveux long mais adj p. langue préd v. dépasser (acc.)
Les cheveux de la femme sont longs mais sa langue l’est encore plus.
8 . Rao gomd yaa noor a yembre, pag gomd yaa noy10 a kobga.
Homme parole être (acc.) bouche un femme parole être (acc.) bouches cent
La parole de l’homme a un sens unique, celle de la femme a un sens multiple.
9- Nooma : nooma est formé de ‘’noom’’ qui veut dire ‘’douceur’’ et du locatif ‘’a’’.
‘’Noogo’’ qui signifie ‘doux’’est un adjectif qualificatif venant de ce substantif.
Lorsqu’on parle de ‘’sυ noogo’’ cela veut un couteau bien aiguisé.
10- Noy est le pluriel de noore. ‘’noore’’ signifie bouche. Dans ce contexte il désigne le sens.