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UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL

L'ESPACE COMMUNICATIONNEL:

L'INTERACTION DES ACTEURS DANS L'ADAPTATION AUX CHANGEMENTS CLIMATIQUES

LE CAS DU LAC SAINT-PIERRE

MÉMOIRE

PRÉSENTÉ

COM IVI E EXIG ENCE PARTI ELLE

DE LA MAÎTRISE EN SCIENCES DE L'ENVIRONNEMENT

PAR

MARIE-EVE DOLBEC

AVRIL 2011
UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL
Service des bibliothèques

Avertissement

La diffusion de ce mémoire se fait dans le' respect des droits de son auteur, qui a signé
le formulaire Autorisation de reproduire et de diffuser un travail de recherche de cycles
supérieurs (SDU-522 - Rév.01-200G). Cette autorisation stipule que «conformément à
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commercialiser ou non ce travail dont [il] possède un exemplaire.»
REMERCIEMENTS

Je tiens d'abord à remercier mon directeur, Laurent Lepage, qui a su me guider sur des concepts et

un terrain de recherche, tout en me laissant la liberté de développer une idée qui m'était chère.

Aux vingt personnes que j'ai interrogées: il ne m'est pas possible de vous nommer, mais j'espère que

vous vous reconnaissez. Vos perceptions m'ont grandement éclairée; sans vous, ce mémoire n'aurait

pas pu voir le jour. Je souhaite sincèrement que ma recherche vous soit utile et que l'interaction et la

communication soient synonymes d'adaptation.

Merci à ceux et celles qui ont suivi le fil (pas toujours continu) de mes pensées durant ces deux

années intensives. À vous tous, votre écoute et votre patience auront eu raison de mes angoisses. Au

bureau: Virginie pour le partage des hauts et des bas de cette maîtrise; Nicolas pour les pauses cafés

et les conseils; toutes les personnes de l'ISE pour vos passages devant notre bureau m'évitant de

sombrer dans la folie de la recherche. Dans ma vie privée: mes parents et leurs conjoints respectifs ­

maman et Louis-Robert; papa et Claudine - ma soeur Amélie (et Paolo), mon frère Marc-André (et

Véro). Vos attentions, votre présence et votre support ont été salvateurs. À tous mes ami(e)s, merci

d'être dans ma vie, je serai bientôt disponible à nouveau; particulièrement Josianne : pour ton amitié

infaillible, notre voyage a été le plus beau cadeau de fin de maîtrise d'une maîtrise non terminée. Et

une petite pensée pour le Café Lézard sur Beaubien : haut lieu de ma rédaction finale.

Un merci particulier à deux petits bonshommes qui ont vu le jour durant ma maîtrise: mes adorables

neveux Émile et Raffaele. Vous voir grandir a amoindri la pression sur mes épaules et m'a permis de

reprendre contact avec une réalité autre qu'universitaire. Tantine -xx-

À mon amoureux : il y a tant à dire ... Merci de me comprendre quand, moi-même, je ne me

comprends pas. Les dernières années ont été déterminantes et tu as su être toujours à mes côtés.

Merci pour la dernière lecture et tes nombreux commentaires.


TABLE DES MATIÈRES

LISTE DES FIGURES ix

LISTE DES ABRÉVIATIONS, SIGLES ET ACRONYMES xi

RÉSUMÉ xiii

INTRODUCTION 1

CHAPITRE 1

À L'HEURE DES CHANGEMENTS CLIMATIQUES: L'ADAPTATION OU UN BESOIN D'INTERACTION DES


ACTEURS 5

1.1 PERSPECTIVE DU CHERCHEUR 5


1.1.1 La connexion entre l'adaptation, la vulnérabilité et l'espace communicationnel 5
1.2 REVUE DE LITTÉRATURE 10
1.2.1 L'adaptation aux changements climatiques: un concept évolutif. 10
1.2.2 Deux générations d'adaptation 11
1.2.3 Un amalgame entre la sensibilité, la vulnérabilité et la capacité d'adaptation 11
1.2.4 L'interaction des acteurs et une communauté de pratiques influentes 15
1.2.5 Un espace de délibération: l'espace communicotionnel 16
1.2.6 Les forces et limites des sphères de l'espace communicationnel 18
1.3 CADRE THÉORIQUE 22
1.3.1 L'apprentissage social 22
1.3.2 L'espace public 24
1.3.3 La création d'un espace communicationnel entre les quatre sphères d'acteurs 26
CONCLUSION DU CHAPITRE 1 32

CHAPITRE 2

UN PROCESSUS DE RECHERCHE 33

2.1 DÉMARCHE DE RECHERCHE 33


2.1.1 Objectif général de recherche 34
2.1.2 Objectifs spécifiques de recherche 34
2.1.3 Question de recherche 35
2.1.4 Sous-questions de recherche 35
2.1.5 Postulat de départ 35
2.2 CADRE MÉTHODOLOGIQUE 37
2.2.1 La revue de littérature 37
2.2.2. Le choix de l'étude de cas 37
2.2.3 La définition du terrain de recherche 38
vi

2.2.4 Une recherche qualitative 40


2.2.5 La collecte de données: les entretiens de recherche et le profil des acteurs 40
2.2.6 Le traitement des données: la théorie enracinée (grounded-theory) 41
CONCLUSION DU CHAPITRE 2 44

CHAPITRE 3

LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES ET LEURS IMPACTS SUR LE FLEUVE SAINT-LAURENT ET LE LAC


SAINT-PiERRE 45

3.1 LE CLIMAT: MAÎTRE D'OEUVRE DE L'ÉCOSYSTEME FLUVIAL 45


3.2 LOCALISATION ET DESCRIPTION PHYSIQUE DU LIEU D'ÉTUDE 45
3.3 UN TERRITOIRE FORT EXPLOITÉ: LES USAGES DU LAC SAINT-PIERRE 49
3.3.1 La navigation commerciale 50
3.3.2 La pêche commerciale et sportive 50
3.3.3 La chasse 51
3.3.4 L'agriculture 52
3.3.5 Les obus 52
3.4 DES CHANGEMENTS GLOBAUX AUX VARIATIONS LOCALES DU LAC SAINT-PIERRE 53
3.4.1 La vulnérabilité du lac Saint-Pierre 53
CONCLUSION DU CHAPITRE 3 55

CHAPITRE 4

À LA RENCONTRE DES AHEUR5 : LA PRÉSENTATION DES RÉSULTATS· ~ : ~ ~ 57


4.1 LA SOCIÉTÉ CiViLE 58
4.1.1 Les enjeux et les connaissances par rapport aux transformations du climat 58
4.1.2 Les intérêts, les rapports et les préoccupations envers le lac Saint-Pierre 60
·4.1.3 Les attitudes et les sentiments 61
4.1.4 La communication et l'interaction souhaitées entre les acteurs du lac Saint-Pierre 61
4.1.5 L'interaction réelle ou observée avec la sphère de la société civile et le rôle qui lui est
accordé 63
4.1.6 L'interaction réelle ou observée avec la sphère du politique et le rôle qui lui est accordé 64
4.1.7 L'interaction réelle ou observée avec la sphère des médias et le rôle qui lui est accordé 66
4.1.8 L'interaction réelle ou observée avec la sphère de la science et le rôle qui lui est accordé .. 67
4.2 LE POLITIQUE 58
4.2.1 Les enjeux et les connaissances par rapport aux transformations du climat 68
4.2.2 Les intérêts, les rapports et les préoccupations envers le lac Saint-Pierre 70
4.2.3 Les attitudes et les sentiments 71
4.2.4 La communication et l'interaction souhaitées entre les acteurs du lac Saint-Pierre 72
4.2.5 L'interaction réelle ou observée avec la sphère de la société civile et le rôle qui lui est
accordé 73
4.2.6 L'interaction réelle ou observée avec la sphère du politique et le rôle qui lui est accordé 74
4.2.7 L'interaction réelle ou observée avec la sphère des médias et le rôle qui lui est accordé 76
4.2.8 L'interaction réelle ou observée avec la sphère de la science et le rôle qui lui est accordé .. 77
4.3 LES MÉDIAS 78
4.3.1 Les enjeux et les connaissances par rapport aux transformations du climat 78
vii

4.3.2 Les intérêts, les rapports et les préoccupations envers le lac Saint-Pierre 80
4.3.3 Les attitudes et les sentiments 81
4.3.4 La comm unication et l'interaction souhaitées entre les acteurs du lac Saint-Pierre 81
4.3.5 L'interaction réelle ou observée avec la sphère de la société civile et le rôle qui lui est
accordé 83
4.3.6 L'interaction réelle ou observée avec la sphère du politique et le rôle qui lui est accordé 85
4.3.7 L'interaction réelle ou observée avec la sphère des médias et le rôle qui lui est accordé 86
4.3.8 L'interaction réelle ou observée avec la sphère de la science et le rôle qui lui est accordé .. 87
4.4 LA SCIENCE 88
4.4.1 Les enjeux et les connaissances par rapport aux transformations du climat 89
4.4.2 Les intérêts, les rapports et les préoccupations envers le lac Saint-Pierre 90
4.4.3 Les attitudes et les sentiments 91
4.4.4 La communication et l'interaction souhaitées entre les acteurs du lac Saint-Pierre 92
4.4.5 L'interaction réelle ou observée avec la sphère de la société civile et le rôle qui lui est
accordé 93
4.4.6 L'interaction réelle ou observée avec la sphère du politique et le rôle qui lui est accordé 94
4.4.7 L'interaction réelle ou observée avec la sphère des médias et le rôle qui lui est accordé 96
4.4.8 L'interaction réelle ou observée avec la sphère de la science et le rôle qui lui est accordé .. 97

CHAPITRE 5

LA DISCUSSION 101

5.1 CONSTAT 101


5.2 LA CAPACITÉ D'ADAPTATION DES ACTEURS DU LAC SAINT-PiERRE 103
5.3 LA FORMATION D'UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUES 105
5.3.1 La reconnaissance des concepts théoriques 106
5.3.2 La vérification du postulat de départ 108
5.4 LA VIABILITÉ DE L'ESPACE COMMUNICATIONNEL SUR LE TERRAIN 108
5.4.1 L'espace communicationnel peut-il surmonter les limites? 109
5.4.2 Ouvrir la fenêtre d'opportunité 110
5.5 LA MISE EN OEUVRE DE L'ESPACE COMMUNICATIONNEL 112
5.6 PERSPECTIVES D'AVENIR 112
5.6.1 Pistes de recherche 113
5.6.2 Validité externe de cette recherche 114

CONCLUSION 117

ANNEXES 121

ANNEXE 1 : GUIDES D'ENTRETIEN 123

ANNEXE 2 : FORMULAIRE D'INFORMATION ET DE CONSENTEMENT 131

BIBLIOGRAPHIE 135
LISTE DES FIGURES

Figure Page

1.1 Relations entre la vulnérabilité, la sensibilité et la capacité d'adaptation 14

1.2 Modèle de l'espace communicationnel. 17

3.1 Relations directes et indirectes entre les conditions climatiques et hydrologiques, les

usages et les indicateurs de performance pour les habitats et la faune 46

3.2 Le territoire du lac Saint-Pierre 47

3.3 Une section du lac Saint-Pierre 47

3.4 Niveau d'eau à Sorel entre 1960 et 1998 (moyenne journalière interannuelie) 54

3.5 Bathymétrie du lac Saint-Pierre 55


LISTE DES ABRÉVIATIONS, SIGLES ET ACRONYMES

AFC: Aire faunique communautaire

CEEM : Centre d'essais et d'expérimentation des munitions

CLD : Centre local de développement

CMI : Commission mixte internationale

C02 : Dioxyde de carbone ou gaz carbonique

ERE: Éducation relative à l'environnement

GAR : Groupe d'Actions pour la Restauration du lac Saint-Pierre

GES : Gaz à effet de serre

GIEC: Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évaluation du climat

ha : Hectare

M. : Média (acteur médiatique)

MAMROT: Ministère des Affaires municipales, des Régions et de l'Occupation du territoire

MAPAQ: Ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec

MDDEP : Ministère du Développement Durable, de l'Environnement et des Parcs

MRC : Municipalité régionale de comté

MRNF: Ministère des Ressources naturelles et de la Faune

OBV : Organisme de bassin versant

OSBL : Organisme sans but lucratif

P. : Politique (acteur politique)

PARE: Plan d'action et de réhabilitation écologique

PBL: Agence néerlandaise d'évaluation de l'environnement

Ramsar: Convention relative aux zones humides d'importance internationale

S. : Science (acteur scientifique)


xii

SARCEL: Société d'Aménagement Récréatif pour la Conservation de l'Environnement du lac Saint­

Pierre

S.c. : Société civile (acteur de la société civile)

UdeM : Université de Montréal

UNESCO: Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture

Ouranos: Consortium sur la climatologie régionale et l'adaptation aux changements climatiques

UPA : Union des producteurs agricoles

UQÀM : Université du Québec à Montréal

UQTR: Université du Québec à Trois-Rivières

UXO : Munitions explosives non explosées

ZIP : Zone d'intervention prioritaire


RÉSUMÉ

Le lac Saint-Pierre - un lac fluvial du fleuve Saint-Laurent - est vulnérable aux changements
climatiques autant aux niveaux biophysique qu'humain. Considérant que les acteurs de ce territoire
sont aux premières loges des transformations hydriques et en raison de l'incertitude engendrée par
les modifications du climat, le besoin de développer des stratégies d'adaptation en accord avec les
gens de ce milieu semble primordial.

Ce mémoire s'appuie sur les études en adaptation aux changements climatiques qui se fient au savoir
de la communauté (community-based adaptation). Selon ce concept, l'adaptation nécessite
l'implication, la concertation et le développement de la vision commune d'une variété d'acteurs afin
d'augmenter et d'ajuster la capacité d'adaptation et les connaissances sur les transformations
climatiques.

Cette recherche, de nature qualitative et inductive, permet d'analyser l'interaction et la


communication des acteurs de l'espace communicationnel du lac Saint-Pierre. Pour ce faire, ce
mémoire se base sur l'approche de la communication politique qui considère la relation entre les
acteurs des sphères des médias, du politique et de la société civile, auxquelles la communauté
scientifique s'est greffée. Le but est d'observer si un espace de délibération entre les acteurs peut
réduire les barrières de l'interaction et de la communication. C'est donc à travers une analyse du cas
du lac Saint-Pierre et vingt entretiens individuels et semi-dirigés avec les acteurs des quatre sphères
que le bien-fondé d'un espace communicationnel, comme condition à l'élaboration de stratégies
d'adaptation aux changements climatiques, a été évalué.

Sur la base des résultats, la mise en oeuvre d'un espace communicationnel axé sur le partage des
données, la diffusion de l'information et le rapprochement des acteurs semble limitée par le manque
de temps et de ressources et le travail en vases clos des individus. Néanmoins, les acteurs du lac
Saint-Pierre ont la capacité de développer des mécanismes d'échange et de diffusion de l'information
et de valoriser la communication et l'interaction réelles entre eux.

Mots-clés: Changements climatiques, adaptation, communication, interaction, vulnérabilité, lac


Saint-Pierre.
INTRODUCTION

L'étude des changements climatiques est marquée par plusieurs courants de pensée. La recherche

présentée dans ce mémoire s'inscrit dans la lignée du concept du community-based adaptation,

traduit sous la forme de « l'adaptation basée sur le savoir de la communauté » (Armitage, Berkes et

Doubleday, 2007). Cette vision de l'adaptation soulève la considération du savoir-faire, de l'expertise,

des dynamiques et des connaissances d'une population touchée - ou qui sera touchée - par les

impacts des changements climatiques. Elle relève également l'importance du développement des

mécanismes d'implication, d'interdépendance et de concertation entre les acteurs de divers horizons

(Adger, 2003; Armitage, 2008; Armitage, Berkes et Doubleday, 2007; Folke et al., 2005; Tompkins

et Adger, 2004).

En accord avec cette prise en compte de ces dimensions dans l'adaptation, ce mémoire et les

concepts qui y sont approfondis 'se veulent une expression singulière de l'adaptation aux

changements climatiques basée sur la communauté. En effet, cette recherche est fondée sur l'idée

que l'adaptation demande que le développement des stratégies adaptatives soit conséquent avec

l'expertise et le savoir d'une variété d'acteurs d'un territoire. Pour ce faire, les acteurs sont appelés à

échanger de l'information, à interagir et à communiquer, et ce, dans l'optique d'augmenter leurs

connaissances et leur participation en situation d'incertitude climatique (Moser et Dilling, 2007 ;

Ouranos, 2010 ; Plummer et FitzGibbon, 2007).

Or, s'il est aisé de penser à privilégier l'interaction et la communication d'individus appartenant à

différents domaines d'un même territoi re, il peut s'avérer difficile de réellement mettre en pratique

ce partage d'information et, encore plus, le développement de cette vision commune. L'objectif de ce

mémoire est donc d'évaluer l'apport de l'échange d'information entre des acteurs d'horizons

différents et qui cohabitent dans un même secteur, un même espace.

Cedit espace - ici appelé l'espace communicationnel - doit faciliter l'interaction (les relations) et

l'acquisition de connaissances entre des acteurs devant s'adapter aux impacts des changements
2

climatiques. Suite aux lectures faites dans le but d'élaborer le cadre théorique, l'espace

communicationnel tire ses origines conceptuelles dans la « communication politique », une posture

de recherche qui considère les relations entre les médias, le politique et la société civile (Chambat,

1995 ; Legendre, 2006 ; Mercier, 2008a ; Neveu, 1995 ; Wolton, 2008a). Si, à la liste, on ajoute la

science et son apport indéniable à la recherche dans le domaine des changements climatiques, les

acteurs sont catégorisés en quatre sphères: les médias, le politique, la science et la société civile.

D'emblée, l'espace communicationnel se veut un espace de délibération abaissant les barrières de la

communication et réduisant les frontières entre les acteurs, et ce, en favorisant leur apprentissage

social et leur interdépendance (Adger et Kelly, 1999 ; Armitage, Berkes et Doubleday, 2007 ; Mercier,

2008a; Moser et Dilling, 2007 ; Pahl-Wostl, 2007 ; Tompkins et Adger, 2004).

Pour illustrer l'apport de l'interaction et de la communication dans un secteur vulnérable aux

transformations du climat, le choix du terrain de recherche s'est arrêté sur le lac Saint-Pierre. En

raison de sa situation géographique, de son importante superficie, de sa faible profondeur, de sa

plaine d'inondation considérable, de sa reconnaissance internationale pour la biodiversité et les

milieux humides et de sa forte utilisation humaine, ce lac fluvia.~u Saint-Laurent est d~.ns la mire des

recherches scientifiques en changements climatiques.

D'ailleurs, la vulnérabilité biophysique et humaine du lac Saint-Pierre, en plus de son appartenance à

l'espace socio-économico-politique qu'est le fleuve Saint-Laurent, motive la réalisation de cette

recherche et démontre la pertinence d'étudier l'adaptation aux changements climatiques dans ce

secteur (Berestovoy, 2007). De surcroît, l'incertitude qu'engendrent les changements climatiques et

leur caractère inéluctable présupposent que les acteurs du territoire du lac Saint-Pierre devront

ultimement développer des stratégies d'adaptation.

Ainsi, le modèle d'espace communicationnel se veut un support à l'adaptation aux changements

climatiques. Il s'inscrit dans le schème de pensée voulant que l'on développe des mesures

adaptatives en accord avec les perceptions, le savoir et l'expertise des personnes qui en subiront les

impacts. Il faudra néanmoins réduire les incertitudes et augmenter la capacité d'adaptation des

acteurs en diminuant les conflits et les limites endogènes à toute relation et en facilitant la
3

communication et l'interaction (Moser et Dilling, 2007 ; Plummer et FitzGibbon, 2007).

Par ailleurs, dans le but d'observer et de comprendre l'interaction et la communication en matière

d'adaptation aux changements climatiques, et particulièrement chez les acteurs du lac Saint-Pierre,

cette recherche s'appuie sur une approche inductive (Chevrier, 2009 ; Lessard-Hébert, Goyette et

Sautin, 1995). Cette posture de recherche permet de remonter des faits à une explication plus

générale en s'inspirant des opinions et des descriptions des acteurs d'un système. L'étude des

perceptions des acteurs, acquises lors d'entretiens se mi-dirigés, selon le cadre théorique développé

lors de la revue de littérature permet donc de tirer des conclusions générales sur un espace

communicationnel fonctionnel en tant que condition à l'adaptation aux changements climatiques

(Friedberg, 1988a).

Ce mémoire s'articule en cinq chapitres. D'abord, le Chapitre 1 - À l'heure des changements

climatiques: l'adaptation ou un besoin d'interaction des acteurs présente la perspective du

chercheur, la réflexion acquise de la revue de littérature et le cadre théorique de cette recherche.

Le Chapitre 2 - Un processus de recherche est séparé en deux sections. D'abord, la démarche de

recherche est exposée à travers le dévoilement de l'objectif général et les objectifs spécifiques de ce

mémoire. Ensuite, la question de recherche et les sous-questions de recherche sont présentées.

Enfin, le postulat de départ, lequel a contribué il l'élaboration des guides d'entretien, est développé.

La deuxième partie de ce chapitre dévoile le cadre méthodologique. Il s'y trouve toutes les étapes de

la réalisation de ce mémoire, de la revue de littérature en passant par le choix et la définition du

terrain de recherche, à la présentation de la méthode de recherche qualitative, de la collecte de

données par les entretiens se mi-dirigés et le traitement de ces données effectué par la

catégorisation.

Le Chapitre 3 - Les changements climatiques et leurs impacts sur le fleuve Saint-Laurent et le lac

Saint-Pierre consiste en l'établissement de liens entre les recherches sur les enjeux climatiques et le

terrain de recherche. La constatation de l'impact climatique potentiel sur le Saint-Laurent - et

conséquemment sur le lac Saint-Pierre - et la présentation des divers usages de ce territoire


4

démontre la pertinence d'une réflexion sur l'adaptation aux changements climatiques dans ce

secteur.

Le Chapitre 4 - À la rencontre des acteurs: la présentation des résultats a été réalisé à la suite de la
conduite de vingt entretiens de recherche individuels et semi-dirigés avec des acteurs médiatiques,

politiques, scientifiques et de la société civile du lac Saint-Pierre. Ce chapitre est une étape charnière

de ce mémoire, car il permet de relever les perceptions propres aux acteurs en tant que témoins

principaux des transformations climatiques et communicationnelles du territoire du lac Saint-Pierre.

Enfin, l'analyse des résultats est présentée au cours du Chapitre 5 - La discussion. Cet ultime crapitre

fait la démonstration de la viabilité du concept d'espace communicationnel au lac Saint-Pierre par les

intérêts, les avantages, mais également les limites et les obstacles relevés par les acteurs rencontrés.

Par ailleurs, les perspectives d'avenir de ce modèle dans les études en adaptation aux changements

climatiques et les pistes pour de futures recherches en continuité avec ce mémoire y sont exposées.
CHAPITRE 1

À L'HEURE DES CHANGEMENTS CLIMATIQUES:


L'ADAPTATION OU UN BESOIN D'INTERACTION DES ACTEURS

1.1 Perspective du chercheur

1.1.1 La connexion entre l'adaptation, la vulnérabilité et l'espace communicationnel


La tendance forte dans les travaux en adaptation aux changements climatiques est de se baser sur les

dynamiques, les connaissances et l'expertise de la communauté (Adger, 2003; Armitage, 2008;

Armitage, Berkes et Doubleday, 2007 ; Folke et 01., 2005; Tompkins et Adger, 2004). De plus en plus

d'études font état que l'adaptation nécessite l'implication, l'interdépendance et la concertation

d'une variété d'acteurs. L'adaptation est alors définie comme un processus social dans lequel la

capacité d'adaptation des sociétés est déterminée par l'ajustement des comportements individuels,

collectifs et décisionnels en réponse à un stimulus climatique, ou à ses effets passés et futurs, à

travers les échanges du marché, les extensions des réseaux sociaux ou les actions individuelles,

organisationnelles et institutionnelles (Adger et 01. 2005; Smit et 01., 2000; Tompkins et Adger,

2004).

L'ada'ptation, qu'elle soit anticipative ou réactive, permet de réduire la vulnérabilité aux changements

climatiques et s'exprime par des mécanismes et des décisions pour affronter les impacts des stress

climatiques (Adger et Kelly, 1999; GIEC, 2007; Klein et Maclver, 1999; Smit et 01., 2000). Quant à

elle, une adaptation basée sur la communauté implique que les stratégies adaptatives tiennent

compte des dynamiques sociales, telles que le sentiment d'appartenance à un groupe ou à un lieu,

les valeurs ou le bien-être et la sécurité ressentis par les acteurs, et non seulement des vulnérabilités

directement liées aux impacts du climat (Adger et Kelly, 1999; Adger, 2003; Berestovoy, 2007 ;

O'Brien et of., 2004 ; Smit et of., 2000; Tompkins et Adger, 2004).

Cette vision de l'adaptation concorde avec des concepts comme la co-gestion ou gestion adaptative

(adoptive co-management, adoptive management), la gestion concertée ou intégrée et l'adaptation


6

basée sur le savoir de la communauté (community-based adaptation ou community-based

management). Ceux-ci s'inscrivent dans la volonté à encourager l'implication, la collaboration et le

partage des responsabilités d'acteurs de multiples échelles dans un contexte d'incertitude (Armitage,

Berkes et Doubleday, 2007; Armitage, 2008 ; Berkes, 2005 ; Folke et al., 2005 ; Pahl-Wostl, 2007).

Le développement de ces nouveaux modes de gestion est concomitant à l'échec des approches top­

down et command-and-control. En effet, ces méthodes se sont révélées inadéquates en raison de la

nature globale, complexe et incertaine des enjeux environnementaux tels que les changements

climatiques (Armitage, Berkes et Doubleday, 2007; Tompkins et Adger, 2005). Dès lors, la co-gestion

et la gestion basée sur la communauté ont permis l'émergence de la participation d'une diversité

d'acteurs privés et publics dans les prises de décision en environnement, traversant ainsi les

frontières étatiques pour mener à une action collective (Adger, 2001; Armitage, Berkes et

Doubleday, 2007; Tompkins et Adger, 2005). Selon Chevallier (2003), la gouvernance,

environnementale dans le cas présent, a engendré un nouveau « style d'action publique» modifiant

1'« architecture étatique» où « l'État est voué à s'ouvrir, à se décloisonner, pour admettre

l'expression en son sein des divers intérêts sociaux [... 1 [et] tend à devenir un État pluriel ».
- - -

L'amalgame de la co-gestion et de la gestion adaptative se présente donc comme une façon pratique

de développer la capacité d'adaptation aux changements climatiques. En raison de la complexité de

l'enjeu climatique et de son impact à l'échelle locale, la collaboration et l'interaction entre les acteurs
de tous les horizons diminueraient la vulnérabilité et augmenteraient la résilience des communautés,

car elles impliquent de :

partager une vision, un but et/ou une problématique;

avoir un haut degré de dialogue;

partager la responsabilité de l'action et de la prise de décision entre des acteurs de


différentes échelles;

échanger de l'information provenant d'acteurs aux bagages de connaissances variés;

être flexible dans l'apprentissage de l'enjeu, en raison de la reconnaissance de son caractère


incertain (Armitage, Berkes et Doubleday, 2007).
7

Ces expérimentations de gestion encouragent les acteurs à apprendre à vivre ensemble pour

augmenter leur résilience sociale et écologique, c'est-à-dire l'habileté d'une communauté, dans une

situation d'incertitude, à réduire les inégalités, à s'autoorganiser et à apprendre et s'adapter

(Armitage, Berkes et Doubleday, 2007; Armitage, 2008; Folke et 01., 2005; Tompkins et Adger,

2004). D'ailleurs, dans son dernier rapport « Savoir s'adapter aux changements climatiques»,
l
Ouranos (2010) indique que l'adaptation repose sur différents éléments dont « acquérir et

communiquer les données et les informations dont ont besoin les acteurs de l'adaptation ». Il y est

également ajouté que l'adaptation demande de développer « une interaction accrue entre les

chercheurs et les acteurs politiques et opérationnels, pour faciliter la prise de décision» (Ouranos,

2010).

La capacité d'adaptation résulte alors, entre autres, de l'apprentissage social (sociolleorning) ce qui

permet de comprendre que l'adaptation prend place à l'échelle de compréhension individuelle et

informelle et correspond à l'approche bottom-u;J plutôt que top-down (Pahl-Wostl, 2007; Pelling et

High, 2005; Tompkins et Adger, 2004). L'approche de l'apprentissage social est caractérisée par

l'observation de la capacité de gestion et des interactions sociales par et entre les autorités, les

experts, les médias, les groupes d'intérêt et le public pouvant produire de nouvelles connaissances

afin d'interpréter et comprendre les incertitudes des changements climatiques (Pahl-Wostl, 2006;

Pahl-Wostl, 2007; Patt et Dessai, 2005).

Par exemple, sur un territoire qui subit ou subira des transformations de son régime hydrique, suite à

des changements climatiques, le recours à ces méthodes de gestion consiste « à "apprendre par la

pratique" (/eorning-by-doing) dans la conduite d'expériences de gestion en consultation avec les

utilisateurs des ressources d'un point de vue il la fois économique, social et environnemental»

(Armitage, Berkes et Doubleday, 2007; Armitage, 2008; Folke et 01.,2005; Pahl-Wostl, 2007; Smith

et 01.,2001; Tompkins et Adger, 2004).

1Consortium sur la climatologie régionale et l'adaptation aux changements climatique.s. Ouranos est réseau de
quelque 250 scientifiques et professionnels et est un organisme privé à but non lucratif.
8

D'emblée, les échanges d'information et les interactions deviennent des réalités incontournables

pour les acteurs appelés à s'adapter aux changements climatiques, car l'adaptation basée sur la

communauté a le potentiel de stimuler la participation des différents acteurs à une échelle locale ou

même à une échelle nationale, notamment en raison de la gravité ou de la rapidité des changements

(Ouranos, 2010; Plummer et FitzGibbon, 2007). Toutefois, bien que ces interactions soient

essentielles à l'adaptation, elles connaissent des limites contingentes à l'éthique, à la connaissance, à

la perception d'un risque et à la culture d'une société (Adger et 01.,2009; Dessai et al., 2009; Moser

et Dilling, 2007; Pelling et High, 2005). La diversité des valeurs et des intérêts, entre autres, paralyse

le processus d'adaptation, empêche des prises de décisions ou mène à des actions qui ont un effet

contraire aux visées de l'adaptation en réduisant la résilience des communautés (Adger et 01.,2009;

Moser et Dilling, 2007). Un des défis est donc de faciliter la communication et les interactions des

acteurs pour diminuer ces limites et la vulnérabilité et, ainsi, augmenter la capacité d'adaptation aux

changements climatiques, malgré leur haut degré d'incertitude et de complexité (Moser et Dilling,

2007; Ouranos, 2010; Plummer et FitzGibbon, 2007).

D'ailleurs, Armitage, Berkes et Doubleday (2007) arguent que la ge~tion bas_ée sur ~~ communauté

n'est pas la recherche d'une solution optimale à un enjeu environnemental particulier, mais plutôt un

processus d'apprentissage et de négociation visant la résolution de problèmes par la collaboration.

C'est dans cette optique que l'espace communicationnel, modèle conceptuel développé dans ce

mémoire, est une expression particulière de l'adaptation aux changements climatiques basée sur la

communauté. De fait, considérant la variété d'acteurs et la possibilité de conflits qui en découle, une

des conditions à l'adaptation peut être la mise en oeuvre d'un espace de délibération qui abaisse les

barrières de la communication en permettant un échange d'information pour consolider

l'interdépendance et l'apprentissage social des acteurs venant de disciplines différentes (Adger et

Kelly, 1999 ; Armitage, Berkes et Doubleday, 2007; Mercier, 2008a; Moser et Dilling, 2007; Pahl­

Wostl, 2007 ; Tompkins et Adger, 2004).

Bien que l'espace communicationnel soit formellement explicité ultérieurement dans ce chapitre, il

importe d'abord de comprendre que cet espace n'est pas une nouvelle entité venant s'ajouter aux

interactions déjà existantes entre les acteurs. Ce modèle n'est certainement pas l'unique solution à

une adaptation aux changements climatiques viable, sachant que les stratégies adaptatives doivent
9

tenir compte de maints autres facteurs tels que les technologies adéquates ou les sommes à investir.

L'espace communicationnel doit plutôt être considéré comme un lieu facilitant l'échange

d'information et l'interaction et l'acquisition de connaissances - apprentissage social - entre des

acteurs devant s'adapter aux impacts des changements climatiques.

Il est également à noter que, de manière moins circonscrite, l'espace communicationnel ne se borne

pas à une seule problématique environnementale ou sociale. L'espace communicationnel peut

s'avérer plus large, en englobant divers cas où l'interaction et la communication sont de mises, tout

comme différents sous-espaces communicationnels liés à une problématique spécifique peuvent

coexister en étant appelés à dépendre les uns des autres.

Dans l'étude de cas présente, la perspective du chercheur est que tous les acteurs - classifiés en

quatre sphères: médias, politique, société civile et science - deva nt répondre aux impacts des

changements climatiques font partie d'un même espace communicationnel. Ces acteurs peuvent

provenir du territoire touché, mais les acteurs externes sont également appelés à participer à cet

espace communicationnel en raison de la complexité des enjeux climatiques. L'objectif n'est donc pas

de le créer davantage que l'observer ou le favoriser en analysant l'interaction et les mécanismes de

diffusion et d'échange d'information actuels entre les acteurs de l'espace communicationnel qui

seront ou sont touchés par les changements climatiques, ici ceux du lac Saint-Pierre.

Par ailleurs, ce mémoire s'inscrit dans une demande des études en adaptation aux changements

climatiques ayant démontré que l'adaptation basée sur la communauté nécessite une réflexion sur

les interactions et la communication des acteurs devant s'adapter aux changements climatiques:

Les recherches du professeur Laurent Lepage et de son équipe (2007) exposent


que l'adaptation « exige une stratégie réflexive des sociétés modernes visant à s'adapter ou
à anticiper des changements environnementaux observables ou prévisibles» ;
Mark Pelling et Chris High (2005) font état, dans leur article Social Learning and Adaptation
ta C1imate Change, de quatre concepts-clés ayant une influence sur la mise en oeuvre des
stratégies d'adaptation: le contexte social, l'apprentissage, la capacité d'adaptation et les
actions adaptatives. Les auteurs arguent que ces concepts sont des outils pour stimuler la
discussion en matière d'adaptation aux changements climatiques;
10

Sophie Gentès (2009), dans un rapport réalisé dans le cadre d'un stage d'audit patrimonial
au lac Saint-Pierre, fait mention des besoins de concertation et d'un effort de
communication entre les différents acteurs du territoire afin de coordonner leurs actions
pour s'adapter aux impacts des changements climatiques;

Le mémoire de maîtrise de Paula Berestovoy (2007) se conclut sur l'idée que le contexte
sociopolitique et culturel des acteurs « influence grandement la vulnérabilité, ainsi que la
réponse aux effets des changements climatiques)} et qu'une étude tenant compte de leur
vision et de leurs interactions est essentielle pour comprendre leur réalité.

Enfin, l'étude de l'espace communicationnel permet l'évaluation de la vulnérabilité des acteurs, soit

leur incapacité actuelle à faire face à ces phénomènes (Kelly et Adger, 2000). L'observation de cet

espace communicationnel dans un territoire touché ou qui sera touché par les impacts des

transformations du climat - le lac Saint-Pierre dans le cadre de cette recherche - est réalisée dans

l'optique d'évaluer si l'augmentation de la compréhension et de l'appropriation des changements

climatiques peut contribuer à la prise de décisions efficaces. Somme toute, à l'heure des

changements climatiques, l'adaptation peut-elle aussi être synonyme d'un besoin d'interaction, de

relations et de communication entre les acteurs?

1.2 Revue de littérature

1.2.1 L'adaptation aux changements climatiques: un concept évolutif

S'il est aujourd'hui scientifiquement accepté que deux axes de recherche et d'intervention, la

mitigation (ou atténuation) et l'adaptation sont nécessaires pour réagir aux changements

climatiques, cette vision est le résultat de l'évolution du schème de pensée en études des

changements climatiques (Berestovoy, 2007; Klein et Maclver, 1999; Ouranos, 2010). De fait,

pendant de nombreuses années, la recherche s'est davantage concentrée sur la première méthode

privilégiant les stratégies de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES).

Or, les études ont démontré que si l'on réduit dès maintenant les émissions des GES par des efforts

internationaux et locaux, les impacts des changements climatiques, comme la hausse ou la baisse du

niveau de l'eau, continueront à se faire sentir pendant de nombreuses années (Klein et Maclver,

1999; Ouranos, 2010). Dorénavant, même s'ils reconnaissent que les efforts d'atténuation doivent

continuer afin de diminuer la concentration des GES dans l'atmosphère, les scientifiques stipulent
11

que la quantité de leurs émissions dans le passé et l'inertie du climat imposent de développer des

stratégies d'adaptation (Klein et Maclver, 1999; Ouranos, 2010). Ainsi, les méthodes d'atténuation et

l'adaptation aux effets des changements climatiques sont maintenant considérées comme étant

complémentaires (Füssel et Klein, 2002 ; Huq et 01.,2003; Klein et Maclver, 1999; Ouranos, 2010).

1.2.2 Deux générations d'adaptation

Deux générations d'études sur l'adaptation aux changements climatiques se sont développées. La

première (1995 - ... ) vise à évaluer, à l'aide de modèles climatiques, les impacts potentiels des

changements climatiques pour ensuite élaborer des stratégies d'adaptation (Burton et al., 2002).

L'adaptation est, dans cette vision, un concept principalement utilisé par les sciences naturelles et

réfère au principe selon lequel le climat a une influence sur les dynamiques biophysiques. Ce concept

s'est néanmoins buté à plusieurs paradoxes, dont celui de cloisonner les changements climatiques

par impacts précis alors que toute modification d'une des composantes d'un écosystème perturbe les

autres composantes qui en assurent le maintien (Berestovoy, 2007 ; Burton et al., 2002; Klein et

Maclver, 1999).

La nécessité de considérer que les changements climatiques ont des impacts non seulement su r

l'environnement biophysique, mais aussi sur les humains l'utilisant pour certaines activités, contribue

au développement de la deuxième génération du concept de l'adaptation (Berestovoy, 2007). Celle-ci

naît de la volonté d'intégrer les stratégies d'adaptation dans les politiques et processus de décision

déjà en place et de considérer les conditions économiques, sociales, politiques et environnementales

(Adger, 2003; Burton et al., 2002 ; Smit et al., 2000). En s'interrogeant sur la façon dont le système

humain est adapté aux conditions climatiques et environnementales présentes, les chercheurs

prouvent que l'adaptation embrasse un large éventail de disciplines qui permet d'augmenter la

capacité d'adaptation (Berestovoy, Z007; Burton et al., 2002; Füssel et Klein, 2002; Smit et

Pilifosova, 2003).

1.2.3 Un amalgame entre la sensibilité, la vulnérabilit'é et la capacité d'adaptation

Les types d'adaptation aux changements climatiques diffèrent selon les populations, les lieux et les

impacts (GIEC, 2001 ; Smit et Pilifosova, 2003). L'adaptation est donc propre à ces critères et réfère à
12

tout ajustement dans les systèmes naturels ou humains pour répondre aux impacts réels ou prévus

des changements climatiques (GIEC, 2001; Smit et al, 2000). Par ailleurs, la capacité d'adaptation

d'une personne, d'un groupe ou d'un État dépend de la sensibilité et de la vulnérabilité d'un système

aux changements climatiques (Lepage et al., 2007; GIEC, 2007). Ainsi, en études de l'adaptation aux

changements climatiques, le choix d'un terrain de recherche est concomitant à la présence d'une

sensibilité, d'une vulnérabilité et d'une capacité d'adaptation aux effets de la transformation du

climat.

La sensibilité

La sensibilité est le « degré auquel un système est influencé, positivement ou négativement, par la

variabilité du climat ou les changements climatiques» (GIEC, 2007). Ainsi, tout environnement,

territoire ou population étant impacté par les variations climatiques a un degré de sensibilité plus ou

moins élevé qui le porte à agir pour contrer ou s'adapter aux impacts des changements climatiques.

Le concept de sensibilité est un vecteur essentiel dans le développement de la capacité d'adaptation

d'un système exposé aux transformations du climat puisqu'il «permet de déterminer si une

population est affectée. S'li n'y ~ pas de se.nsibiUté, iLn'y a.pas de réaction·» (Lepage et 01.,- 2007).

La vulnérabilité

La vulnérabilité d'un système aux changements climatiques est définie par sa sensibilité aux effets

défavorables des changements du climat et par son incapacité d'y faire face (GIEC, 2007). Toutefois,

deux visions de la vulnérabilité sont présentes dans la littérature.

Employée principalement par la recherche en sciences naturelles, la première indique que la

vulnérabilité est l'impact net des changements climatiques, c'est-à-dire le résultat des changements

climatiques, en fonction de la nature, de l'ampleur et du rythme du changement et des variations

climatiques auxquels un système est exposé (Burton et 01.,2002; Kelly et Adger, 2000; Lepage et al.,

2007; O'Brien et 01.,2004).


13

Cette vulnérabilité représente les impacts des changements climatiques qui servent à expliquer les

problèmes du climat et à trouver des méthodes pour les régler, ce qui se reflète dans les décisions

politiques (Kelly et Adger, 2000). Par exemple, lorsqu'une communauté doit composer avec des

variabilités climatiques extrêmes ou récurrentes, comme les inondations, sa vulnérabilité est

exacerbée. Dès lors, le politique peut décider qu'une des mesures d'adaptation consiste en

l'implantation d'une nouvelle gestion technique de l'eau.

La deuxième vision de la vulnérabilité est définie en termes de processus sociaux et

environnementaux. Elle est considérée comme un phénomène socialement construit puisqu'elle est

influencée par 1'« architecture sociale» (architecture of entitlement), soit les dynamiques et

contraintes institutionnelles, économiques, sociales, culturelles et politiques (Adger et Kelly, 1999 ;

Brooks, 2003; Kelly et Adger, 2000; Lepage et 01.,2007; O'Brien et 01.,2004; Smit et Wandel, 2006).

Cette compréhension de la vulnérabilité indique une relation de conditionnalité au sens où elle est

fonction de 1) l'exposition et la sensibilité à l'exposition aux impacts environnementaux des

changements climatiques et 2) la capacité individuelle ou sociale de répondre, de se défendre, de se

remettre ou de s'adapter à un stress climatique inhérent à la société (Kelly et Adger, 2000; Smit et

Wandel, 2006). La vulnérabilité est alors le résultat de cette architecture sociale existante avant

même que les effets climatiques ne se fassent sentir (Adger et Kelly, 1999). En examinant cette

architecture, il est possible d'observer la vulnérabilité à l'échelle nationale, régionale ou individuelle

et de développer des mesures d'adaptation propres à leurs particularités (Kelly et Adger, 2000).

Dans la lignée de ces réflexions sont nées les différentes approches intégrées telles que la co-gestion

ou gestion adaptative, la gestion concertée ou intégrée et l'adaptation basée sur le savoir de la

communauté où des acteurs de multiples horizons se lient dans un contexte de vulnérabilité

(Armitage, Berkes et Doubleday, 2007; Armitage, 2008; Berkes, 2005; Folke et al., 2005; Pahl­

Wostl, 2007).
14

La capacité d'adaptation

Les interprétations de la sensibilité et de la vulnérabilité sont intimement liées aux différentes visions

de la capacité d'adaptation. Ce terme peut donc référer autant à l'adaptation aux changements du

climat par l'élaboration de politiques et par les avancées technologiques qu'à la capacité à s'ajuster

aux changements en fonction des conditions environnementales et socio-économiques préexistantes

(O'Brien et al., 2004). Ainsi, selon le degré de sensibilité et que la vulnérabilité climatique soit

biologique ou sociale, la capacité d'adaptation « se rapporte aux savoir-faire, aux aptitudes et aux

compétences dont dispose un pays et dépend de la technologie, des institutions, de la richesse, de

l'équité, des infrastructures et de l'information)} (GIEC, 2007).

Ainsi, selon Smit et Wandel (2006) (figure 1.1), l'adaptation est un amalgame entre la sensibilité, la

vulnérabilité et la capacité d'adaptation. D'ailleurs, la figure suivante illustre que l'adaptation aux

changements climatiques est dynamique et changeante tant en raison de ces trois concepts que des

échelles locales ou globales dans lesquelles elle est déterminée (Smit et Wandel, 2006).

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Figure 1.1 : Relations entre la vulnérabilité, la sensibilité et la


capacité d'adaptation (Source: Smit et Wandel, 2006)
15

1.2.4 L'int'eract"ion des acteurs et' une communauté de pratiques influentes


Dans le cadre de ce mémoire, il est convenu que la vulnérabilité et la capacité d'adaptation du terrain

à l'étude sont déterminées par les impacts biologiques sur l'écosystème, mais qu'elles sont aussi
amplifiées par l'architecture sociale (Adger et Kelly, 1999). Tel qu'expliqué précédemment, la mise en

oeuvre de stratégies d'adaptation tient donc compte des vulnérabilités liées aux transformations du

climat, mais également des dynamiques sociales et de la capacité à agir collectivement (Adger et

Kelly, 1999; Berestovoy, 2007 ; O'Brien et al., 2004 ; Smit et al., 2000).

Ainsi, selon Adger (2003), l'adaptation nécessite notamment l'implication, l'interdépendance et la

concertation d'une variété d'acteurs - individus, gouvernement, institutions, acteurs économiques,

scientifiques, etc. Ce réseau de relations peut être qualifié de « capital social », un concept englobant

les relations de confiance, de réciprocité et d'échange, l'évolution des règles communes et le rôle des

réseaux entre des acteurs de différents horizons (Adger, 2003; Moser et Dilling, 2007; Pelling et

High,2005).

Le capital social permet donc de voir et de comprendre le comportement adaptatif des acteurs, non

seulement au niveau formel, mais aussi à l'échelle individuelle et informelle (Adger, 2003; Pelling et

High, 2005). Enfin, l'interaction des acteurs demandée par le capital social sous-tend l'augmentation

de l'apprentissage et de l'innovation, deux actions nécessaires à l'adaptation en raison de

l'incertitude engendrée par les changements climatiques (Moser et Dilling, 2007; Pelling et High,

2005).

Selon certains auteurs, la mise en oeuvre des caractéristiques du capital social au sein des

interactions d'acteurs de différentes sphères pourrait contribuer à la formation d'une « communauté

de pratiques» (Pelling et High, 2005). Celle-ci existerait dès lors que des acteurs se réunissent pour

s'engager dans un processus d'apprentissage social autour d'une problématique environnementale,

ici les changements climatiques qui toucheront tôt ou tard le lac Saint-Pierre (Pahl-Wostl, 2007 ;

Pelling et High, 2005; Wenger, 1998). L'abolition des frontières entre les acteurs encouragerait alors

le développement d'une vision commune sur un enjeu complexe ce qui augmenterait la capacité

d'adaptation d'un système ou d'un territoire (Pelling et High, 2005).


16

En théorie, l'interaction entre les acteurs ou la communauté de pratiques a plusieurs avantages.

Toutefois, et tel qu'explicité dans la première section de ce chapitre, sa création est limitée par

plusieurs facteurs sociaux - connaissance, perception du risque, diversité des valeurs, variété

d'acteurs, conflit d'intérêt, etc. - diminuant l'interaction réelle des acteurs. Ainsi, puisque ces

interrelations sont essentielles au développement de stratégies d'adaptation aux changements

climatiques, l'objet de ce mémoire est d'observer si la mise en pratique d'un espace de délibération

peut contribuer à réduire les barrières de l'interaction et de la communication entre les acteu rs.

1.2.5 Un espace de délibération: l'espace communicationnel


Dans le cas des changements climatiques, l'espace de délibération - ici appelé espace

communicotionnel- a pour objectif que les acteurs provenant de différents horizons se réunissent et
interagissent pour développer une compréhension commune et une appropriation de cet enjeu

environnemental (Conde et Lonsdale, 2006). Cette communication et cette interaction entre les

acteurs contribueraient à l'augmentation de la capacité d'adaptation aux changements climatiques

par la combinaison des connaissances scientifiques, de l'information factuelle, du savoir local, des

relations entre les individus et des perceptions différentes des acteurs (Adger et 01., 2009; Conde et
- --

Lonsdale, 2006).

Tous les acteurs impliqués de près ou de loin dans un territoire exposé aux changements climatiques

peuvent trouver leur place dans cet espace de communication. Toutefois, la catégorisation des

différents acteurs en sphères plus précises facilite la compréhension de l'apport des acteurs dans cet

espace. L'espace de délibération peut donc se dessiner à travers l'interaction entre la couverture des

médias, les pressions de la société civile et les projets de la sphère politique - c'est-à-dire le triangle
de la communication et de la communication politique - tout en étant alimenté par une

communauté scientifique productrice de connaissances (Chambat, 1995; Eckersley, 2004; Legendre,


2006; Mercier, 2008a ; Neveu, 1995; Wolton, 2008a).

En somme, en interagissant et en communiquant, les acteurs de ces quatre sphères d'acteurs créent

un espace et un discours - l'espace communicationnel (figure 1.2) - où s'articulent la discussion, la

définition, la légitimation, la reconnaissance et la gestion des enjeux environnementaux, sur le plan


17

politique, médiatique, citoyen et scientifique.

Politique

/~
Médias Science

Société civile

Figure 1.2 : Modèle de l'espace communicationnel

Cette réflexion, axée sur les changements climatiques, porte à croire que la compréhension du rôle

accordé par les acteurs - médiatiques, politiques, scientifiques et de la société civile du lac Saint­

Pierre - à leurs interactions et à leur communication permet également d'évaluer leur capacité

d'adaptation. En observant l'interaction et les mécanismes de diffusion et d'échange d'information

actuels des acteurs, la recherche vise à comprendre si la mise en oeuvre ou la présence actuelle d'un

espace communicationnel sur les changements climatiques renforce l'acquisition de connaissances,

favorise la prise de décision des stratégies d'adaptation, réduit les incertitudes liées aux

transformations du climat, et donc contribue à l'adaptation des acteurs de ce territoire. Ce mémoire

s'interroge alors sur la contribution de l'espace communicationnel à l'apprentissage social des

acteurs dans une optique d'adaptation aux changements climatiques.

Par ailleurs, et tel que mentionné précédemment, l'architecture sociale révèle des dynamiques et des

contraintes de l'interaction des quatre sphères d'acteurs de l'espace communicationnel. C'est donc

en analysant l'interaction actuelle des acteurs qu'il est possible d'évaluer l'efficacité de leurs

échanges d'information et leur propension à développer des mécanismes et des stratégies

d'adaptation aux changements climatiques, allant ainsi au-delà des limites endogènes aux sociétés

telles que leurs valeurs, leurs connaissances et leurs relations conflictuelles (Adger et Kelly, 1999 ;

Adger et 01.,2009; O'Brien et 01.,2004; Smit et 01.,2000).


18

En somme, il importe de rappeler que la vulnérabilité, la capacité d'adaptation et l'adaptation ne sont

pas le résultat exclusif des variations climatiques et naturelles (Adger, 2003; Adger et Kelly, 1999 ;

Berestovoy, 2007; Brooks, 2003; Burton et al., 2002; GIEC, 2001; Kelly et Adger, 2000; Klein et

Maclver, 1999; Lepage et al., 2007; O'Brien et al., 2004 ; Smit et al, 2000; Smit et Pilifosova, 2003).

L'adaptation aux changements climatiques laisse donc entrevoir la possibilité, voire la nécessité, que

les acteurs se concertent, s'échangent de l'information et participent, selon leur capacité et leur

bonne volonté, à une communauté de pratiques, ici appelée l'espace communicationnel.

1.2.6 Les forces et limites des sphères de l'espace communicationnel

L'interaction, les relations et la communication entre les quatre sphères d'acteurs - médias,

politique, société civile et science -de l'espace communicationnel sont déjà sujettes à l'étude,

notamment par la discipline de la communication politique (Mercier, 2008b; Nadeau et Bastien,

2003; Wolton, 2005; Wolton, 2008a). Cette posture de recherche n'est pas née par pure évocation

idéaliste. Par les liens entre les acteurs de tous horizons, ici classifiés en quatre sphères, l'espace

communicationnel réunit toutes les strates sociétales. Par exemple, la société civile comprend autant

les acteurs du marché, les représentants des _..organismes. de concertation



que les citoyens d'un

territoire. Toutefois, à la lumière de la revue de littérature sur l'adaptation des changements

climatiques, il est possible de constater que la communication et l'interaction entre les acteurs sont

limitées, ce qui nuit à l'efficacité de l'espace communicationnel. Cette section vise donc à présenter

les principales forces et limites de l'interaction de chacune des sphères d'acteurs dans l'espace

communicationnel.

Les valeurs et croyances de la société civile

L'augmentation de la conscientisation environnementale des citoyens est, de manière générale,

observable, mais, tant pour les individus que pour les organismes de la société civile, le risque

environnemental doit être lié aux valeurs, aux croyances, aux connaissances et aux intérêts

personnels des acteurs, sans quoi résulte l'inaction (Adger et al., 2009 ; Cole et Watrous, 2007 ;

Legendre, 2006; Moser et Dilling, 2007 ; Newell, 2000 ; Nisbet, 2008). Pour arriver à atteindre et à

développer un niveau de compréhension élevé et un rapport privilégié à son environnement, la

société civile a besoin d'être en contact avec une information variée et vulgarisée, celle-ci pouvant

venir autant d'elle que des trois autres sphères d'acteurs.


19

Toutefois, il ne suffit pas d'informer la société civile afin qu'elle participe à la mise en œuvre des

stratégies d'adaptation. De fait, selon Moser et Dilling (2007), l'idée que la compréhension d'un enjeu

engage l'action est un mythe persistant. Ces auteurs indiquent que les études de la communication

des changements climatiques prouvent que la diffusion ou la vulgarisation de cette problématique

environnementale doit être axée sur les valeurs et sur la nécessité d'un changement social (Moser et

Dilling, 2007). Par exemple, c'est lorsque les enjeux sont moralement inacceptables (impact sur la

santé), scientifiquement compréhensibles (preuves) ou visuellement accessibles (régions urbaines vs

régions arctiques) que les acteurs de la société civile Jnt tendance à se sentir concernés et à

s'engager dans l'action, ici une spirale à quatre sphères d'acteurs (Cole et Watrous, 2007 ; Mercier,

2008a ; Nisbet, 2008).

Les incertitudes scientifiques bloquent le processus décisionnel

le discours scientifique sur les changements climatiques a longtemps paru divisé, ce qui a contribué à

faire percevoir à la population l'existence apparente d'une polémique (PBl, 2010). D'un côté, une

grande proportion de la communauté scientifique a alerté la population quant au caractère

indubitable des changements climatiques et à ses causes et impacts (GIEC, 2007). De l'autre côté, les

climato-sceptiques - et l'épisode du climategate - ont tenté de discréditer les sciences du climat et le

GIEC en évoquant que cette science est fondée sur des manipulations et des dissimulations de

données.

Or, en juillet 2010, un rapport de l'agence néerlandaise d'évaluation de l'environnement (PBl) a

exonéré de tout soupçon les sciences du climat et a réitéré sa confiance dans la rigueur et

l'honnêteté scientifiques des chercheurs du GIEC (PBl, 2010). Néanmoins, en raison de la complexité

des changements climatiques, l'incertitude sur cette que~tion demeure importante, apparaît souvent

comme le plus grand obstacle à l'action et est contraire aux exigences de la prise de décision

politique (Dessai et 01.,2009; Moser et Dilling, 2007 ; Welngart, Engels et Pansegrau, 2000).

l'adaptation aux changements climatiques ne doit pourtant pas être limitée par le manque de

connaissances et les incertitudes ne doivent pas être un élément causant l'inaction (Adger et al.,

2009; Dessai et al., 2009). Certes, la compréhension des changements climatiques et les différentes
20

visions des acteurs rendent difficile la prise de décision, mais l'acquisition de connaissances par

l'interaction des acteurs peut contribuer à ce que le politique implante des stratégies d'adaptation

aux changements climatiques.

Un scepticisme alimenté par les médias

Au fil des ans, les médias ont augmenté la couverture de plusieurs enjeux environnementaux. Or,

bien que l'agenda médiatique environnemental soit régulièrement consacré aux changements

climatiques, cette couverture tend à offrir une vision globale qui ne permet pas à la population de se

faire une opinion claire sur la question climatique (Legendre, 2006; Nisbet, 2008). De fait, le principe

journalistique visant à exposer les « deux côtés de la médaille» a donné une place importante au

scepticisme à l'égard des changements climatiques ce qui a augmenté la perception de controverse

scientifique et a divisé l'opinion publique quant à leur existence et au danger qu'ils causent et,

surtout, au besoin de s'y adapter (Dessai et al., 2009; Francoeur, 2010a ; Roser-Renouf et Maibach,

2010).

À ce sujet, le chroniqueur environnemental au journal Le Devoir Louis-Gilles Francoeur (201Oa)

souligne le problème éthique que cause la couverture médiatique de toutes les opinions relativement

à cette règle des deux côtés de la médaille. Selon le journaliste, la diffusion dans les médias de toutes
les recherches scientifiques, sans vérification de leur rigueur, équivaut à transmettre une information

fallacieuse, à nier la compétence scientifique et à induire le public en erreur (Francoeur, 2010a). Il

indique d'ailleurs que si les climato-sceptiques ont eu droit à une importante couverture médiatique

c'est qu'ils ont eu recours à une équipe de communication qui a martelé leur discours dans tout

l'espace public, donc les médias leur ont offert une couverture importante (Francoeur, 2010a). Au

contraire, les chercheurs croyant aux changements climatiques et ayant des preuves scientifiques

indubitables ont été peu présents sur la place publique (Francoeur, 2010a).

Enfin, si la couverture journalistique est faite de façon rigoureuse, la sphère médiatique contribue à

l'espace communicationnel, car le rôle de ces acteurs est de vulgariser les connaissances scientifiques

pour les rendre accessibles et présentes dans le débat public et politique dans l'espoir d'alimenter le

discours, la compréhension et la résolution des enjeux (Bubela et 01.,2009; Newell, 2000).


21

Une science emmurée dans son jargon

Tel que mentionné plus haut, la complexité des changements climatiques augmente le degré

d'incertitude scientifique sur les transformations du climat. Néanmoins, le savoir scientifique nait de

l'acquisition de connaissances et les changements climatiques sont maintenant considérés comme

indubitables pour une majorité de la communauté scientifique (GIEC, 2007 ; PBL, 2010).

Cependant, la technicité des propos scientifiques imbrique la science dans un jargon qui n'est ni

facilement accessible ni facilement compréhensible pour les autres acteurs qui doivent pourtant user

de ce savoir (Bubela et al., 2009; Davies, 2008). Dans un contexte climatique où la science a son lot

de connaissances et alors que les décideurs politiques se fient, notamment, aux scientifiques dans

l'établissement des règles et des lois, le langage scientifique contribue à paralyser le processus

d'adaptation aux changements climatiques (Cole et Watrous, 2007 ; Dessai et al., 2009).

Selon Reillon (2010), dans le cas des changements climatiques, « les rôles ont eu tendance à se

mélanger. Les scientifiques ont été mis sur le devant de la scène, à la place des décideurs politiques,

et se sont vus attribuer la mission de convaincre les foules de la nécessité de faire évoluer les

infrastructures». Pourtant, les scientifiques produisent des connaissances et des analyses qui

devraient contribuer au débat public et politique, mais encore faut-il que la population comprenne

les concepts de la science pour les adapter aux réalités locales (Bubela et 01.,2009; Cole et Watrous,

2007; Davies, 2008; Reillon, 2010).

Toutefois, la diffusion du savoir scientifique est dépendante de plusieurs facteurs, dont la volonté et

la faculté à communiquer ces informé3tions. De fait, la valorisation de la communication chez les

acteurs de la science semble déficiente, en plus d'être ardue pour la plupart d'entre eux en raison

d'une absence de formation en pédagogie et en vulgarisation scientifiques. L'article de Cole et

Watrous (2007) évoque d'ailleurs l'importance de l'intégration du processus scientifique d'acquisition

de connaissances dans les enjeux sociaux, mais que les caractères objectif et éthique de la science

sont des obstacles à la communication par cette sphère d'acteurs. Cette même étude démontre que

les scientifiques sont inconfortables avec la communication publique en raison du temps et de

l'énergie qu'il leur faudrait lui accorder(Cole et Watrous, 2007).


22

En général et de surcroît dans le cadre d'un espace communicationnel sur l'adaptation aux

changements climatiques, les chercheurs devraient faire un effort de vulgarisation afin de réellement

participer au débat et de contribuer aux transferts des connaissances entre les acteurs (Bubela et al.,

2009; Cole et Watrous, 2007 ; Davies, 2008; Francoeur, 2010a; Reillon, 2010). Que ce soit en

augmentant la divulgation de leurs résultats de recherche dans les médias traditionnels ou en

multipliant les conférences publiques, l'information scientifique fait partie d'une relation complexe

entre tous les acteurs des sphères de l'espace communicationnel (Bubela et 01.,2009; Davies, 2008).

1.3 Cadre théorique

Le cadre théorique de ce mémoire repose sur le modèle de l'espace communicationnel qui lui se base

sur les concepts de l'apprentissage social - dans un contexte d'adaptation aux changements

climatiques basé sur la communauté - d'espace public - compris au sens de la communication

politique - et d'espace public vert. Ce cadre théorique s'inscrit dans la lignée des stratégies

d'adaptation aux changements climatiques devant tenir compte de la dynamique des acteurs et non

seulement des vulnérabilités directement liées au climat (Berestovoy, 2007).

1.3.1 L'apprentissage social

Au Québec, la gestion intégrée des ressources en eau se généralise depuis l'adoption de la Politique

nationale de l'eau en 2002. Elle est un mode de gestion qui tient compte de l'ensemble des usages

qui ont un impact sur la ressource eau et qui doit être organisé à l'échelle des bassins versants des

fleuves, des lacs et des aquifères, qu'ils soient locaux, nationaux ou transfrontaliers (Lepage et al.,

2002). Toutefois, cette approche s'est souvent développée - tant en Amérique du Nord qu'à l'échelle

internationale - avant l'identification de la problématique des bouleversements climatiques, alors

qu'elle se doit d'incorporer l'enjeu des transformations du climat et de l'environnement.

Tel que démontré au début de ce chapitre, le recours à des expériences de gestion qui se basent sur

l'apprentissage et le savoir de la communauté permet de développer une capacité d'adaptation aux

changements climatiques (Pahl-Wostl, 2007; Smith et al., 2001). Dans le cadre de cette recherche,

l'accent est donc mis sur le concept de l'apprentissage social, soit la capacité d'un système à en

apprendre sur lui-même afin d'influencer les prises de décision de façon éclairée, car cette notion
23

encourage la compréhension, la production et l'acceptation des stratégies d'adaptation aux

changements climatiques (Pahl-Wostl, 2007 ; Pelling et High, 2005; Tompkins et Adger, 2004).

De fait, les incertitudes des changements climatiques étant un défi pour la gestion de l'eau, un des

supports à l'adaptation est de produire de nouvelles connaissances pour les interpréter et les

comprendre (Pahl-Wostl, 2007). Selon Tompkins 2t Adger (2004), seul l'apprentissage social constant

des écosystèmes et des succès et échecs de la gestion récente (gestion intégrée) permet à ce que la

gestion adaptative augmente la résilience et la capacité d'adaptation à long terme. Il est donc

pertinent de croire que l'apprentissage social permet le renforcement de la capacité de réponse des

communautés vulnérables aux changements climatiques.

Plus précisément, l'approche de l'apprentissage social est caractérisée par l'observation de la

capacité de gestion et des interactions sociales par et entre les autorités, les experts, les médias, les

groupes d'intérêt et le public (Pahl-Wostl, 2006; Pahl-Wostl, 2007; Patt et Dessai, 2005). À une

échelle circonscrite en raison du cadre académique de cette recherche, l'étude de l'espace

communicationnel entre les acteurs des médias, du politique, de la société civile et de la science du

lac Saint-Pierre permet cette observation des capacités à gérer et à interagir des différents acteurs.

L'attention portée à la communication, à l'interaction et aux mécanismes d'échange d'information

par et entre les acteurs révèle que l'apprentissage social s'avère potentiellement le prolongement de

la participation à une échelle plus importante que la seule prise en charge politique d'un enjeu

environnemental (Lepage, 2006; Pahl-Wostl, 2006; Pahl-Wostl, 2007; Patt et Dessai, 2005). Du

coup, la communication et l'interaction encouragent l'implication des acteurs dans le processus

décisionnel lié à la résolution, à l'acceptabilité ou à l'adaptation aux changements climatiques, sans

quoi il est majoritairement mené par les acteurs politiques (Lepage, 2006).

Par ailleurs, Tompkins et Adger (2004) indiquent que l'apprentissage social demande aux acteurs de

respecter trois principes:

1) s'engager entièrement dans le développement des stratégies de gestion afin de créer une
vision d'ensemble du problème de la gestion des ressources;
24

2) comprendre la portée de leur prise de décision;

3) être en accord avec les procédés de prise de décision dans un contexte de démocratie
délibérative.

La résilience sociale apparaît alors, en partie, par l'interaction d'acteurs se réunissant dans un

processus d'apprentissage en formant une communauté de pratiques qui participe à la prise de

décision quotidienne et influence les décisions au niveau local (Pelling et High, 2005; Tompkins et

Adger, 2004). D'ailleurs, c'est grâce à ces interactions entre les individus que la communauté prend

forme et que naît l'action collective (Lepage et al., 2007). Somme toute, l'apprentissage social

contribue à ce que les acteurs apprennent, par la pratique, à gérer et à s'adapter collectivement sur

un territoire subissant ou qui subira des transformations hydriques en raison des changernents

climatiques, comme c'est le cas pour le lac Saint-Pierre.

1.3.2 L'espace public

Par espace public, il faut comprendre un « espace de médiation entre la société civile et l'État qui

favorise, par le débat contradictoire, l'émergence d'une opinion publique », donc un espace où les

idées sont délibérées-(Daclleux,200S; Wolton, 200Sb). Cet espace de délibération -naît d'intérèts et

de positions sociales parfois semblables, mais souvent contraires en raison de rapports sociaux

d'inégalité et de domination (Floris, 200S). L'espace public existe dès lors qu'il se forme une opinion

publique sur une question et est donc concomitant à l'existence d'un débat ou d'un enjeu public

(Dacheux, 200S). En sciences de l'environnement, les problématiques environnementales sont parfois

des enjeux publics qui prennent place dans l'espace public, comme c'est d'ailleurs le cas de

l'adaptation aux changements climatiques qui est dorénavant un enjeu environnemental reconnu.

Par ailleurs, Wolton (2010) précise que l'espace est « avant tout un espace symbolique, qui requiert

du temps pour se former, un vocabulaire et des valeurs communes, une reconnaissance mutuelle des

légitimités; une vision suffisamment proche des choses pour discuter, s'opposer, délibérer».

L'espace public ne peut donc pas être décrété ou organisé, .il reflète « simplement la réalité d'une

démocratie en action» et « constitue le lien politique reliant des millions de citoyens anonymes, en

leur donnant le sentiment de participer effectivement à la politique» (Wolton, 2010).


25

Du coup, l'espace public peut aussi être compris au sens de la communication politique puisque cette

recherche se penche sur la relation de quatre sphères d'acteurs - les médias, le politique, la société

civile (les trois sphères habituellement liées à ce concept) et la science (Mercier, 2008b; Nadeau et

Bastien, 2003; Wolton, 2005; Wolton, 2008a). Dans la discipline de la communication politique,

l'espace public se dessine en évoquant les liens entre les acteurs. De façon plus concrète, la

communication politique réfère à « la scène sur laquelle s'échangent les arguments, les pensées, les

passions, à partir desquels les électeurs font des choix»; c'est donc un cadre conceptuel permettant

l'interprétation d'une situation (Wolton, 2008a).

Le concept de la communication politique est novateur en ce qu'il étudie tant l'influence de la

communication sur les acteurs de la société civile - souvent considérés comme des électeurs, donc

ayant un poids politique -, l'effet des médias sur les valeurs dominantes de la société, l'état des

connaissances politiques des citoyens et la relation entre politique et communication (Mercier,

2008b; Nadeau et Bastien, 2003; Wolton, 2005; Wolton, 2008a). À cette compréhension propre à la

communication politique, l'apport de la science dans l'analyse et le débat des enjeux

environnementaux est pertinent en raison des connaissances et de la vision qu'elle apporte. Sans

l'ajout de la science, l'interprétation d'un enjeu environnemental complexe, comme les changements

climatiques, apparaît limitée et incomplète.

À la notion traditionnelle de l'espace public, il est possible d'y lier le concept de l'espace public vert

(green public sphere), terme employé dans le livre « The Promise of Green Politics» de Douglas

Torgerson (1999). L'espace public vert représente, dans une problématique environnementale, un

discours, une interaction et une communication des acteurs de l'espace public (Torgerson, 1999).

Toutefois, le terme « espace public vert» n'a aucune résonance dans le langage scientifique ou, plus

encore, peut créer une confusion quant à sa définition (Torgerson, 1999). Ainsi, dans le cadre de

cette recherche, il semble pertinent de renommer l'espace public vert et utiliser le terme: « espace

communicationnel ».
26

1.3.3 La création d'un espace communicationnel entre les quatre sphères d'acteurs
L'espace communicationnel conceptualise le rapport entre les quatre sphères d'acteurs: les médias,

le politique, la société civile et la science. Cette notion illustre la croyance qu'une société civile

informée et participative, des médias scientifiquement vulgarisateurs, une sphère politique impliquée

et à l'écoute de l'opinion publique et une science productrice de connaissances et communicatrice

contribuent à l'apprentissage social. D'emblée, ces quatre pôles doivent interagir afin de mettre en

pratique une véritable sphère d'interaction et d'échange d'information entre les acteurs qui rend

possible la reconnaissance, la définition et la discussion d'un enjeu environnemental.

Cette relation, ou cette spirale à quatre, apparaît comme « un jeu compliqué entre information,

action Ll opinion publique» et savoir (Mercier, 2008a; Wolton, 2005). Néanmoins, tous les acteurs

de cette relation ont la légitimité d'y être présents dès lors qu'ils ont une faculté

communicationnelle, c'est-à-dire la capacité d'énoncer et de comprendre des arguments pour

participer au dialogue, donc à l'apprentissage social (Ac hache, 2008; Tompkins et Adger, 2004). Les

acteurs doivent avoir la capacité ou la volonté de rendre compréhensibles, pour le plus grand

nombre, les problèmes du moment (Wolton, 2005).

L'espace communicationnel peut contribuer à l'apprentissage social, donc à la compréhension de

l'enjeu selon les références ou les valeurs des acteurs. L'émergence d'une sphère

communicationnelle à l'échelle de l'espace public du lac Saint-Pierre doit alors être prise en

considération dans l'optique de réduire les incertitudes et permettre l'adaptation aux changements

climatiques (Nisbet, 2008 ; Roser-Renouf et Maibach, 2010). Toutefois, puisqu'il ne suffit pas de

savoir et de comprendre pour agir, l'espace communicationnel doit être un véritable espace de

délibération et d'interaction entre les acteurs et non pas seulement un échange virtuel d'information

(Moser et Dilling, 2007).

D'ailleurs, au cours du chapitre trois, il sera démontré que le lac Saint-Pierre est un « espace socio­

économico-politique» en raison de l'usage de ce lac fluvial et les acteurs qui y cohabitent

(Berestovoy, 2007). Cet état, en plus des changements climatiques appréhendés, en fait un terrain de

recherche où l'étude de l'espace communicationnel est pertinente. Ainsi semble-t-il approprié de


27

questionner la relation communicationnelle entre les acteurs du terrain de recherche afin d'ouvrir,

selon l'expression de Kingdon (1984), la « fenêtre d'opportunité» pour la mise à l'agenda de la

compréhension et de l'appropriation de l'enjeu climatique et du besoin de s'y adapter au lac Saint­

Pierre.

Il importe de noter que l'interaction entre les quatre sphères d'acteurs de l'espace communicationnel

est déjà effective de multiples façons. Par exemple, le politique et la société civile s'informent et

dialoguent par le biais de la sphère médiatique, car « les médias ne cessent de faire pression pour

que les hommes politiques se justifient, s'expliquent "au nom du droit des citoyens à savoir" »

(Wolton, 2008). Les acteurs politiques, par ailleurs, optent régulièrement pour une stratégie de

communication visant à convaincre le public de leur bonne volonté dans leur rapport à

l'environnement par la diffusion médiatique de leurs actions environnementales. Quant à elle, la

société civile, par l'entremise des médias traditionnels, presse les acteurs politiques à agir ou

s'informe sur les enjeux environnementaux en ayant accès à des données scientifiques vulgarisées.
Enfin, la communauté scientifique contribue au savoir des problématiques en divulguant ses résultats

pour la définition des règlements et lois ou pour augmenter les connaissances nécessaires à la

gestion des enjeux environnementaux.

Toutes ces interactions font figure d'exemples, mais tel que démontré dans la section 1.2.6, les

quatre sphères d'acteurs ont des forces et limites influant sur le développement d'un espace

communicationnel efficace. Dans les paragraphes qui suivent, le rôle et la place des quatre sphères et

de leurs acteurs dans notre société, dans l'espace communicationnel et, surtout, dans un contexte

d'incertitude dû aux changements climatiques sont présentés.

La société civile

Le poids des acteurs de la société civile - organismes environnementaux, tables de concertation

(comité ZIP et OBV) - dans leurs relations avec le politique, les médias et la science n'a jamais paru

aussi important que maintenant. Toutefois, alors que l'omniprésence des médias et de l'information

aurait dû rapprocher les quatre sphères d'acteurs en leur permettant de savoir tout sur tout, Wolton

(2008b) affirme que ces acteurs ne sont pas plus proches « des problèmes de société qu'hier, même
28

[s'ils ont] très exactement le sentiment inverse, En effet, cette connaissance élargie de la réelité est

très "médiatisée", c'est-à-dire liée à des informations, et dépend moins de l'expérience» (Wolton,

2008b),

Or, la limite de la société civile est qu'elle doit se sentir concernée pour s'engager dans la spirale à

quatre acteurs, Dans le contexte de l'adaptation aux changements climatiques, il est encore plus

pertinent de croire que le rôle des acteurs de la société civile n'est pas seulement de s'alimenter en

information, encore faut-il qu'ils la comprennent, se l'approprient et la produisent (Moser et Dilling,

2007),

Donc, pour la société civile, le problème de la communication des enjeux climatiques réside dans

l'interprétation, la compréhension et l'utilisation de données et de conséquences incertaines, De fait,

la responsabilité des acteurs de la société civile est d'accéder à l'information autant par les médias, le

politique, la science qu'au sein de leur propre sphère. Cette acquisition, cette production et cette

compréhension des connaissances, nées d'échanges et de communication entre les acteurs,

permettent d'aller au-delà des informatioDs divulguées par une seule source d'information - les

médias - comme le suggère Wolton (2008b). Enfin, la société civile devrait bien utiliser l'information

dont elle dispose, selon ses intérêts, buts et connaissances, afin de permettre une prise de décision

sans la présence de biais dus aux incertitudes (Patt et Dessai, 2005),

Le politique

Tel qu'affirmé plus tôt, les incertitudes dues aux changements climatiques, présentes dans les

discours médiatique, public et scientifique, tendent à bloquer le processus décisionnel de lélu

fédéral, provincial ou municipal et, même, des responsables de l'aménagement du territoire d'une

MRC, Or, puisque l'espace communicationnel augmente la compréhension des changements

climatiques, il peut se développer une opinion publique sur cette question. Dès lors que les médias, la

société civile et la science s'engagent dans un processus d'échange d'information, d'interaction et de

communication sur un enjeu, les chances que la sphère politico-administrative s'y implique

également augmentent, Il faut dire que la diffusion de l'opinion publique étant facilitée par tous les

moyens de communication qui existent, les acteurs politiques ont tendance à modifier leur image et
29

leur discours en fonction des informations venant à leurs oreilles (Wolton, 2008b).

De plus, force est de constater que les acteurs politiques prennent à présent conscience du système

de communication dans lequel ils vivent (Wolton, 2008b). De fait, le rôle du politique dans l'espace

communicationnel est sensiblement le même que dans toute autre action de cette sphère: leurs

décisions sont inséparables de la communication puisqu'ils doivent les expliquer et les défendre à la

société, Wolton (2008b) indique que « si l'attitude à l'~gard du processus de communication a changé

en passant d'une idée simple "il suffit de parler pour convaincre" à l'idée plus complexe "il faut en

tout cas parler et c'est le public qui se fera sa propre idée", ce qui n'a pas changé c'est l'importance

de la communication ».

Certes, les décisions politiques en adaptation aux changements climatiques sont prises ou doivent

être prises dans un contexte d'incertitude, mais elles tendent à prouver que la sphère politique

contribue au débat public. La sphère politique a donc intérêt à être présente dans l'espace

communicationnel afin de participer au débat nécessaire à l'adaptation aux changements

climatiques.

Les médias

La mise à l'agenda des changements climatiques dans les médias traditionnels québécois - presse

écrite, radio et télévision - contribue à la formation d'une opinion publique sur cet enjeu (Bubela et

al., 2009 ; Gusse, 2006; Newell, 2000]. Or, le scepticisme populaire quant au caractère inéluctable
des changements climatiques a été alimenté par les médias, notamment par une couverture des deux

côtés de la médaille des impacts et de la véracité de cet enjeu (Legendre, 2006 ; Nisbet, 2008).

Le rôle des médias dans l'espace communicationnel est, entre autres, de rendre compréhensible

l'enjeu des changements climatiques, de structurer le débat sur le besoin de s'y adapter, de rapporter

les actions et informations de la société civile, du politique et de la science et d'être un effet de levier

dans la prise de décision autant institutionnelle, scientifique que citoyenne (Bubela et al., 2009 ;

Newell,2000).
30

Toutefois, l'uniformisation de l'information, la rapidité de l'information et la convergence médiatique

sont autant d'obstacles à la fluidité de la communication et de l'interaction entre les acteurs. Avec

une uniformisation de l'information, le risque est que les acteurs n'aient pas accès à une information

de qualité et diversifiée qui leur permet de jouer leur rôle de citoyens éclairés (Gusse, 2006). Quant à

la rapidité de l'information, la simplification qui en résulte est contraire à la complexité de l'Histoire

et des problèmes de société, tels que le sont les changements climatiques (Wolton, 2008b). Enfin, la

convergence médiatique - un phénomène bien présent au Québec puisque les journaux locaux et

régionaux sont en majeure partie détenus par trois conglomérats: Médias Transcontinental,

Quebecor Medias et Gesca - augmente considérablement les chances d'une information peu

diversifiée.

Néanmoins, par une couverture et une vulgarisation médiatiques plus précises et rigoureuses des

causes, des conséquences et des solutions liées aux changements climatiques, les sphères d'acteurs

pourront plus facilement s'approprier et comprendre le problème et s'y adapter (Bubela et al., 2009 ;

Newell, 2000 ; Roser-Renouf et Maibach, 2010). Enfin, si le rôle des médias traditionnels dans

l'espace communicationnel est, de prime abord, de mettre à l'agenda une réalité environnementale,

la spirale à quatre exige un mouvement perpétuel entre les acteurs, et non pas une communication

unidirectionnelle des médias vers le lecteur, pour véritablement devenir un espace de délibération

qui contribue à l'adaptation aux changements climatiques.

La science

Comme c'est le cas de plusieurs domaines scientifiques, la science du climat a son lot d'incertitudes

(Center for Research on Environmental Decisions, 2009 ; Reillon, 2010). Pour Reillon (2010), « une

des révolutions essentielles, de première importance pour l'étude du climat, a été de comprendre

que la nature même des systèmes étudiés implique l'impossibilité d'une connaissance et d'une

prévision parfaites ». Néanmoins, la science peut, avec les données disponibles, faire des prédictions

sur le climat futur, bien que les incertitudes dues notamment aux variabilités naturelles du climat et à

la conceptualisation de la dynamique climatique soient toujours des biais à l'exactitude (Center for

Research on Environmental Decisions, 2009).


31

Un des problèmes de cette incertitude scientifique est l'insécurité qu'elle provoque dans une

population voulant des données climatiques précises leur permettant ou leur forçant à agir (Bubela et

01., 2009; Center for Research on Environmental Decisions, 2009). Elle donne également l'impression

que la confusion règne dans la sphère scientifique (Center for Research on Environmental Decisions,

2009 ; Reillon, 2010). Cette apparence de contradiction chez les acteurs scientifiques mène à une

polarisation du débat entre les « croyants» et les « c1imato-sceptiques » et contribue à l'idée que les

changements climatiques ne sont pas problématiques, voire n'existent pas (Reillon, 2010).

Tel que mentionné précédemment, la science est, entre autres, limitée puisqu'elle a un jargon

particulier et que la communication des résultats de recherche de cette sphère d'acteurs est faible.

Ces limites sont contingentes à l'impression d'une contradiction scientifique. Afin de réduire les

incertitudes inhérentes à l'étude du climat, le GIEC a, par exemple, développé une « terminologie de

la confiance» (confidence terminology) puisque certains termes laissent croire que l'incertitude est

plus importante qu'elle ne l'est réellement (Center for Research on Environmental Decisions, 2009).

Dès lors que la science conjugue son vocabulaire scientifique et spécialisé à un langage vulgarisé pour

les acteurs, cela augmente la compréhension d'un enjeu complexe comme le sont les changements

climatiques (Bubela et 01., 2009). Le but n'étant pas d'« éduquer» la population par le savoir

scientifique, bien plus que d'augmenter l'accessibilité publique aux connaissances de la science, ces

données étant nécessaires à la compréhension de l'enjeu climatique (Davies, 2008). Qui plus est, la

communication de la science ne doit pas être à sens unique, car elle doit être axée sur le principe du

dialogue et du débat (Davies, 2008).

Les scientifiques ont encore besoin de se faire convaincre de la pertinence de leur participation à un

processus communicationnel qui rejoint et implique toutes les sphères d'acteurs (Bubela et 01.,2009 ;

Cole et Watrous, 2007; Davies, 2008). Le manque de temps, l'absence de valorisation de la

communication et la faculté communicationnelle sont des obstacles importants à une circulation

efficace des savoirs de tous les horizons.


32

En somme, dans l'espace communicationnel, la diffusion des connaissances scientifiques permet de

démontrer que la science s'avère un producteur de connaissances et d'analyses qui contribuent au

débat public et politique (Bubela et 01.,2009; Cole et Watrous, 2007 ; Davies, 2008; Reillon, 2010).

Conclusion du chapitre 1

La communication des enjeux climatiques est difficile, car elle doit motiver les acteurs à agir.

D'ailleurs, selon Weingart, Engels et Pansegrau (2000), puisque les perceptions et les discours

divergents sont inhérents à la société et que les transformations du climat sont complexes et teintées

d'incertitude, le « risque de la communication» des changements climatiques est que la crédibilité de

la science, que la légitimité du politique et que l'information médiatique de qualité soient mises en

doute par la société alors que leurs discours doivent encourager le débat public et politique. En

conclusion, l'espace communicationnel entre les acteurs des médias, de la science, du politique et de

la société civile connaît des limites, mais les acteurs ont des forces à exploiter afin de développer des

mécanismes et des stratégies d'adaptation aux changements climatiques.

Au cours du chapitre 2, la démarche de recherche scientifique sur l'espace communicationnel comme

modèle d'interaction des acteurs pour s'adapter aux changements climatiques au lac Saint-Pierre

sera présentée.
CHAPITRE 2

UN PROCESSUS DE RECHERCHE

2.1 Démarche de recherche

Le premier chapitre concourt à la présentation de la démarche de recherche, des objectifs, de la

question et des sous-questions de recherche et des postulats de départ. D'abord, il est à noter que

cette recherche s'appuie sur une posture inductive, c'est-à-dire une approche qui consiste à

remonter des faits à une explication générale et où le chercheur doit s'inspirer du milieu observé et

des perceptions des acteurs afin de tirer des conclusions générales (Chevrier, 2009 ; Lessard-Hébert,

Goyette et Soutin, 1995).

Le recours à la posture inductive est justifié par la volonté de comprendre les relations unissant les

acteurs du lac Saint-Pierre et d'étudier dans quelle mesure ces interactions et cette communication

sont importantes à leurs yeux. Ainsi, observer et analyser l'interaction « réelle» (faits ou perceptions

des faits) des acteurs permet de refaire la théorie (explication générale) et non seulement de vérifier

le modèle de l'espace communicationnel sur le terrain de recherche, ce à quoi aurait limité une

posture de recherche déductive.

En confrontant des idées préconçues sur ce qui devrait se passer selon les théories scientifiques avec

ce qui est observé lors des entretiens de recherche, il est possible de développer des hypothèses

(Friedberg, 1988a). Dans le cadre de cette recherche, celles-ci sont axées sur le fonctionnement de

l'espace communicationnel comme support à l'adaptation aux changements climatiques. En ce sens,

il est possible de faire place à une observation, et plus tard à une analyse, qui peut surprendre le

chercheur. C'est pourquoi la recherche a pour objectif de recueillir, le plus fidèlement possible, les

perceptions et les opinions singulières des acteurs des quatre sphères (Lessard-Hébert, Goyette et

Soutin, 1995).
34

2.1.1 Objectif général de recherche

Bien que l'adaptation soit reconnue comme un besoin en raison du caractère inéluctable des

changements climatiques, elle connaît des limites qui sont endogènes aux sociétés, car celles-ci

s'organisent autour de valeurs, de connaissances et de relations plus ou moins conflictuelles (Adger

et al., 2009). Néanmoins, s'adapter c'est d'abord agir collectivement afin de développer une
coordination dans les prises de décisions en réponse à l'enjeu climatique et ainsi aller au-delà de ces

limites sociales (Adger et Kelly, 1999; Adger et al., 2009). C'est d'ailleurs ce que tente d'encourager le

modèle de l'espace communicationnel développé dans cette recherche.

De surcroît, et comme cela sera explicité au chapitre 3, le lac Saint-Pierre est un lac fluvial où les

acteurs de ce territoire sont aux premières loges des transformations du fleuve Saint-Laurent. Dès

lors, il semble pertinent de comprendre l'interaction et les mécanismes d'échange d'information

entre les acteurs des médias, du politique, de la science et de la société civile de ce lac.

L'objectif général de ce mémoire est donc d'évaluer si la création d'un espace communicationnel,

facilitant l'interaction des acteurs des quatre sphères et leur acquisition de connaissances sur les

changements climatiques, est un support à l'adaptation des acteurs du lac Saint-Pierre.

2.1.2 Objectifs spécifiques de recherche


Les objectifs spécifiques de recherche sont de définir, d'évaluer et d'analyser, lors d'entretiens semi­

dirigés, l'interaction entre les acteurs des quatre sphères de l'espace communicationnel (médias,

politique, société civile, science), le rôle que leur accordent les acteurs rencontrés et leurs

mécanismes de diffusion et d'échange d'information.

Dans les enjeux ou dossiers du lac Saint-Pierre et dans la question de l'adaptation aux changements

climatiques, la démarche de la recherche contribue également à savoir comment s'articule:

a. La compréhension et l'implication de la société civile et si elles sont augmentées par


l'information divulguée par les médias, le politique et la science;

b. La vision et les prises de décisions politiques et si elles sont efficaces et encouragées par la
connaissance et l'engagement de la science, des médias et de la société civile;
35

c. La diffusion et la couverture médiatiques et si elles concourent au débat public et un effet de


levier dans la prise de décision autant politique, citoyenne que scientifique;

d. La connaissance et l'intérêt de la communauté scientifique et s'ils sont partagés ou diffusés


dans les sphères politique, civile et médiatique;

e. L'interaction et le partage d'information entre les acteurs des quatre sphères de l'espace
communicationnel et s'ils contribuent à l'adaptation aux changements climatiques.

2.1.3 Question de recherche


Pour parvenir à réaliser ces objectifs et considérant que les acteurs doivent interagir selon leur

volonté et leur capacité, la question de recherche est axée sur les mécanismes de diffusion et

d'échange d'information et sert de fil d'Ariane à la réflexion de cette recherche:

Quelle importance les acteurs médiatiques, politiques, scientifiques et de la société civile du


secteur du lac Saint-Pierre accordent-ils à leur interaction, à leur communication et à leur
échange d'information afin de s'adapter aux changements climatiques?

Cette question de recherche permet J'observation de l'interaction et de la communication, soit les

relations, entre les acteurs présents au lac Saint-Pierre et de remonter des faits à une explication

générale de cette étude de cas.

2.1.4 Sous-questions de recherche


Afin de comprendre comment s'est construite l'opinion des personnes rencontrées lors d'entretiens

semi-dirigés, certaines sous-questions complètent la question principale et guident la démarche de

recherche:

Quelle est la connaissance des acteurs sur les changements climatiques et le besoin de
s'adapter?

Comment les différentes sphères d'acteurs appréhendent-elles les scénarios de


transformation du climat au lac Saint-Pierre?

Quel est le rôle des sphères d'acteurs dans l'adaptation aux changements climatiques?

2.1.5 Postulat de départ


Afin de ne pas biaiser les résultats de la recherche, il est nécessaire d'aller à la rencontre des acteurs

sans présupposés rigides et précis. Toutefois, à la lumière de la littérature scientifique sur les
36

changements climatiques et sur leurs effets sur le lac Saint-Pierre - voir chapitre 3 -, un postulat de

départ a été développé et a servi d'assise à l'élaboration des guides d'entretien.

D'abord, même si leurs effets seront plus ou moins prononcés selon les régions du Québec, les

changements climatiques sont indubitables, notamment au lac Saint-Pierre (Carignan, 2004;

Environnement Canada, 2005; Lemelin, 2004; Talbot, 2006; Saint-Laurent Vision 2000, 2002).

Ensuite, tel que démontré au cours du chapitre 1, il est indéniable que la transformation du climat

demande des stratégies d'atténuation et d'adaptation. Enfin, puisque l'adaptation aux changements

climatiques requiert de développer une coordination dans les mécanismes et la prise de décision,

l'établissement d'une compréhension commune des enjeux climatiques apparaît une condition à

cette adaptation.

Par ces éléments, il convient d'énoncer le postulat suivant: si les acteurs du lac Saint-Pierre

accordent de l'importance à leurs interactions et qu'ils ont créé ou sont en voie de créer un espace

communicationnel entre les quatre sphères leur compréhension des enjeux climatiques sera

rehaussée. De plus,-Ie développement de leurs mécanismes de diffusion et d'échange d'information

permettra aux acteurs de s'engager dans un processus d'apprentissage social afin de s'adapter aux

changements climatiques. Ce postulat souligne une relation de conditionnalité, selon laquelle les

acteurs doivent démontrer une volonté d'interagir et de communiquer en plus d'avoir déjà une

faculté à échanger de l'information, sans quoi l'implication et l'interdépendance nécessaires à

l'adaptation aux changements climatiques feront défaut.

Cette recherche vise à comprendre l'univers de référence des personnes rencontrées et leur

interprétation du monde qui les entoure. Leur connaissance sur les changements climatiques et

l'adaptation n'a donc pas besoin d'être exhaustive ou exacte. Certes, l'étude se penche sur un

contexte de changements climatiques, mais l'attention est davantage portée sur l'importance qu'ils

accordent à leurs interactions et à leurs mécanismes de diffusion et d'échange d'information_ Pour ce

faire, les acteurs des quatre sphères ont été interrogés sur leur connaissance des enjeux liés aux

transformations du climat, leur communication et leur interaction avec les acteurs du secteur et le

rôle accordé à la communication dans l'adaptation aux changements climatiques. L'objectif à travers
37

ces questions est d'en apprendre davantage sur la construction de l'opinion des acteurs et ce à quoi

ils accordent de l'importance dans ce domaine. Ainsi, malgré des opinions basées sur des déductions

pouvant être erronées, les questions permettent aux répondants d'exprimer tout ce qu'ils croient

faire partie des enjeux, des réponses et des connaissances par rapport aux changements climatiques.

2.2 Cadre méthodologique

2.2.1 La revue de littérature

La revue de littérature - qui se trouve à la section 1.2 - est l'étape préliminaire de la réalisation de ce

mémoire. Cette opération vise à identifier la littérature scientifique et spécialisée et à relever les

principaux concepts propres au thème de la recherche. Elle permet de présenter les différents

auteurs et leurs thèses et de les conjuguer l'un à l'autre pour aller au-delà des recherches

préexistantes.

La revue de littérature de cette recherche a permis la combinaison des études en changements

climatiques, en communication politique, en environnement, en analyse des médias, en science

politique, en sociologie et en communication. Elle permet le repérage des sources et des auteurs-clés

de ces domaines d'études et l'identification des informations nécessaires à l'élaboration de cette

recherche. En ce sens, cette recherche peut être considérée comme une étude de cas (le lac Saint­

Pierre) d'un enjeu environnemental (les changements climatiques) et de sa résolution (l'adaptation)

dans un cadre de communication politique (médias, politique, société civile, en plus de la science).

2.2.2. Le choix de l'étude de cas


Le choix du lac Saint-Pierre comme étude de cas a été déterminé en raison des transformations

climatiques pouvant affecter ce lac fluvial. D'ailleurs, au cours du chapitre 3, il sera possible de

comprendre comment le fleuve Saint-Laurent et le lac Saint-Pierre, dans leurs composantes

biophysiques et humaines, sont ou seront touchés par les changements climatiques selon les

prévisions scientifiques. Cette présentation de la vulnérabilité du Saint-Laurent, et conséquemment

du lac Saint-Pierre, démontre l'importance d'étudier l'adaptation aux changements climatiques dans

ce secteur.
38

2.2.3 La définition du terrain de recherche


2
Avec un territoire de 480 km et 19 villes et municipalités, le lac Saint-Pierre est un terrain de

recherche considérablement grand, non seulement au chapitre de sa superficie, mais surtout en

raison du nombre d'acteurs utilisant cette ressource hydrique et de la variété d'acteurs impliqués

d'un point de vue économique, social et environnemental. Bien qu'en théorie, un espace

communicationnel ne se limite pas à un nombre restreint d'acteurs des quatre sphères en raison de

son caractère inclusif, dans le cadre de ce mémoire il importe de faire le choix de diminuer celui-ci à

un certain nombre. La restriction à vingt entretiens de recherche permet de prendre tout le temps

nécessaire à analyser les données, sans toutefois perdre la représentativité nécessaire à une

recherche scientifique rigoureuse.

Le terrain de recherche est donc conscrit à un « système d'action» pertinent et représentatif.

D'ailleurs, (rozier et Friedberg (1977) définissent le système d'action non pas comme un « schéma a
priori », mais plutôt comme « un essai de reconstitution d'un construit humain indispensable à la

poursuite des activités et des relations sociales ». Toutefois, alors que le système d'action est souvent

représenté par la notion de (~c9mmunauté », il app.a~aît difficile d'imager ,une « communauté du-'ac

Saint-Pierre» circonscrite (Agrawal et al., 2001). Tel qu'expliqué à la section 1.2.4, il semble plus

approprié de définir une « communauté de pratiques» autour de la question de l'adaptation aux

changements climatiques de ce lac (Pahl-Wostl, 2007 ; Pelling et High, 2005 ; Wenger, 1998). C'est

pourquoi il est pertinent de faire le choix de reconstituer un système d'action à partir d'un réseau

d'acteurs qui semble déjà exister, car cela permet d'analyser la portée réelle des interactions des

acteurs.

Le comit'é ZIP du lac Saint'-Pierre : un carrefour d'acteurs

Une enquête exploratoire de Sophie Gentès (2009) a révélé que le comité de la zone d'intervention

prioritaire (comité ZIP) du lac Saint-Pierre est un carrefour d'acteurs bien impliqué dans le milieu. Le

comité ZIP est habilité à dépeindre un réseau d'acteurs des sphères politique, médiatique,

scientifique et de la société civile, c'est-à-dire l'espace communicationnel propre à cette recherche.

De surcroît, laisser « parler» le lieu d'étude permet de comprendre l'interaction et la communication

réelles entre les acteurs des sphères présentes sur le territoire du lac Saint-Pierre.
39

Le comité ZIP du lac Saint-Pierre a comme « objectif principal la mise en valeur et la protection du lac

Saint-Pierre et de ses habitats riverains» (Comité ZIP du lac Saint-Pierre, 2009). Ses activités

s'inscrivent dans un plan global de concertation, d'intervention et de prévention liées à la gestion du

Saint-Laurent. Les 14 comités ZIP du Québec réunissent des gens de tous les milieux intéressés à

l'environnement et à l'état du fleuve Saint-Laurent, en raison d'un intérêt personnel ou

professionnel. Ses membres élaborent ensemble un Plan d'action et de réhabilitation écologique

(PARE) de leur territoire et supervisent la réalisation d'un calendrier d'action pour la prévention, la

mise en valeur et la restauration du milieu (Stratégies Saint-Laurent, 2010).

D'après la recherche de Gentès (2009), le comité ZIP du lac Saint-Pierre est reconnu par les acteurs

du milieu comme un regroupement très impliqué et semble actuellement, et potentiellement, le plus

actif dans la question de l'adaptation aux changements climatiques. Du coup, et tel que suggéré par

Crozier et Friedberg (1977), il est possible de structurer, de façon arbitraire, un cadre formel qui

permet d'analyser l'importance accordée par les acteurs à leur interaction et à leur communication

afin de s'adapter aux changements climatiques. Le choix des acteurs rencontrés dans le cadre de

cette recherche n'est cependant pas exclusivement lié aux membres du comité ZIP, mais plutôt à un

réseau d'acteurs plus large dépeint partiellement par Mme Louise Corriveau, la directrice de ce
2
comité, lors d'un entretien avec le chercheur . Par cette rencontre, Mme Corriveau a contribué à

restreindre les entretiens de recherche au nombre de vingt.

Toutefois, il importe de noter que Mme Corriveau est considérée comme un acteur de la société

civile et non pas comme un acteur extérieur au schéma de l'espace communicationnel. C'est donc

dire que ses réponses aux questions du guide d'entretien sont prises en compte et analysées au

même titre que les autres personnes rencontrées. Ses propos sont également cités de façon à

respecter son anonymat comme tous les interviewés. D'ailleurs, la section 2.2.4 de ce chapitre est

consacrée à ces méthodes.

En somme, il est pertinent d'étudier ce réseau d'acteurs, car les personnes choisies sont compatibles

avec la prémisse qu'un individu « est un acteur par sa simple appartenance au contexte d'action

2 Cette rencontre a eu lieu le 28 octobre 2009 dans le bureau du comité ZIP du lac Saint-Pierre à Louiseville.
40

étudié dans la mesure où son comportement contribue à structurer ce contexte» (Friedberg, 1988b).

Bien que ces acteurs soient, sans doute, appelés à collaborer, à s'associer et même à s'affronter

autour de l'enjeu des changements climatiques, il est impossible de prétendre qu'une organisation se

construit au sens où l'entendent Crozier et Friedberg (1977) dans leur théorie de l'analyse

stratégique. Il faut donc aller au-delà du système d'action propre à l'analyse stratégique, car tel que

spécifié antérieurement, le lac Saint-Pierre ne peut être circonscrit à une communauté ou à une

organisation particulière. Le choix des acteurs est donc concomitant au système d'action que cette

recherche tente de décrire, soit des acteurs des quatre sphères de l'espace communicationnel.

2.2.4 Une recherche qualitative


La méthode qualitative de cette recherche permet de tirer des conclusions à partir de données

imputables à la vie de personnes, à des histoires, à des comportements, à des mouvements sociaux

ou encore à des relations interpersonnelles (Lepage et al., 2007). Contrairement à une approche

quantitative basée sur des procédures statistiques ou mathématiques, la recherche qualitative tente

de comprendre l'univers de référence des personnes rencontrées et leur interprétation du monde qui

les entoure (Lepage et al., 2007). Enfin, « la méthode qualitative peut ê!re utilisée afin de_

comprendre ou mettre au jour ce qui se cache derrière tout phénomène» (Strauss et Corbin , 1990

dans Lepage et al., 2007).

2.2.5 La collecte de données: les entretiens de recherche et le profil des acteurs


Afin de comprendre l'interaction et la communication entre les acteurs présents sur le territoire du

lac Saint-Pierre, la collecte de données s'est déroulée sous forme d'entretiens semi-dirigés et

individuels avec des acteurs de ces quatre sphères. Les acteurs ont été choisis selon leur implication

et leur rôle au lac Saint-Pierre et les entretiens ont eu lieu à l'automne 2009 et à l'hiver 2010.

À l'échelle de la société civile, les représentants, la présidence, la direction ou un membre de certains

OBV, du comité ZIP du lac Saint-Pierre, de l'Aire faunique communautaire (AFC) et de la Réserve

mondiale de la biosphère ont été rencontrés (6 entretiens). Bien que les OBV et les comités ZIP 50ient

des organismes paragouvernementaux, ils ont été catégorisés dans la société civile en raison d~ leur

dénomination de lieu de concertation entre différents acteurs de la société civile. Pour la sohère
41

politique, les entretiens privilégiés ont été ceux avec les maires ou conseillers municipaux, les

responsables de l'aménagement du territoire des m·unicipalités régionales de comtés (MRC) et les

conseillers en développement touristique et culturel des Centre Local de Développement (CLD) (7

entretiens). Le choix de ces acteurs politiques est d'ailleurs explicitement défendu à la section 4.2.6.

Du côté médiatique, les journalistes les plus souvent affectés aux dossiers touchant le lac Saint-Pierre

ont été interviewés (3 entretiens). Enfin, quatre professeurs universitaires ont dépeint leur position

scientifique en raison de leurs recherches liées, de près ou de loin, au lac Saint-Pierre.

Au total, vingt personnes ont été rencontrées et ont répondu à un guide d'entretien propre à leur
3
sphère d'acteurs, comprenant 25 ou 26 questions . Considérant les particularités de chacune des

sphères d'acteurs de l'espace communicationnel, les quatre guides d'entretien ont été élaborés

conjointement, ce qui a permis que plusieurs questions soient les mêmes, mais que d'autres soient

formulées afin de relever les interactions spécifiques des acteurs. Par exemple, chaque acteur

rencontré était appelé à décrire l'influence des décisions et des actions de chacune des autres

sphères sur leurs propres activités et révéler leur perception sur le rôle et les particularités de leur

sphère.

Il importe également de noter que tous les individus ayant participé à un entretien ont signé un

formulaire de consentement approuvé par le Comité facultaire d'éthique de la recherche avec des

êtres humains de la Faculté des sciences de l'Université du Québec à Montréa( À la lecture du

formulaire de consentement, les répondants prenaient connaissance, entre autres, de la procédure

de la recherche, des avantages et des risques et de l'assurance de leur confidentialitéS

2.2.6 Le traitement des données: la théorie enracinée (grounded-theory)


Plusieurs options de traitement de données auraient pu se présenter dans le cadre de cette étude de

cas. Néanmoins, considérant que cette recherche s'appuie sur un raisonnement inductif, elle a

débuté avec une aire d'étude - le lac Saint-Pierre - et les entretiens semi-dirigés ont fait émerger ce

qui est pertinent pour cette aire (Strauss et Corbin, 1990). C'est dans cette optique que la théorie

3 Les quatre guides d'entretien se retrouvent en annexe de ce document.


4 Ce même comité a émis un certificat de conformité d'éthique pour ce projet de recherche.
S Le formulaire de consentement se retrouve en annexe.
42

enracinée ou la théorie ancrée (grounded-theory), développée par Barney Glaser et Anselm Strauss

(1967), s'est imposée d'elle-même pour le traitement des données.

La théorie enracinée est « une méthode de recherche qualitative qui utilise une série de procédures

systématiques pour développer, par la dérive inductive, une théorie à propos d'un phénomène»

(Lepage et al., 2007). Selon Strauss et Corbin (1990), quatre critères sont nécessaires pour construire

une théorie enracinée:

• Correspondre: Si une théorie est fidèle à la réalité de tous les jours d'une aire importante,
ou région, et le produit d'une induction soignée de diverses données, à ce moment, elle
devra correspondre à cette aire;

• Compréhension: Puisqu'elle représente cette réalité, elle doit être compréhensible et avoir
du sens tant aux personnes étudiées qu'aux chercheurs œuvrant dans cette région;

• Généralisation: Si les données sont compréhensibles et que leur interprétation est


conceptuelle et large, la théorie devrait être résumée suffisamment et inclure des variations
suffisantes pour qu'elles soient applicables à une variété de contextes reliés à ce
phénomène;

• Contrôle et réglementation: Finalement, la théorie devrait fournir un certain contrôle en ce


qui concerne l'action à exécuter en r_éaction au phénomène. Cela vient du fait que
l'hypothèse propose une relation parmi les concepts - qui pourrait être utilisée plus tard
pour guider l'action - systématiquement dérivés des données reliées à ce (et uniquement à
ce) phénomène (Strauss et Corbin, 1990 dans Lepage et 01.,2007).

À travers l'utilisation de la grounded-theory, cette recherche va au-delà de la description en

interprétant les données (Strauss et Corbin, 1990). Cette procédure d'analyse et d'interprétation des

perceptions et des opinions des acteurs rencontrés permet d'obtenir des conclusions et de construire

une théorie qui éclaire et qui est fidèle de l'aire à l'étude (Strauss et Corbin, 1990).

Pour ce faire, une catégorisation (ou un codage) des données obtenues en entretien de recherche a

été effectuée. Ce codage « consiste en une analyse et représente les opérations par lesquelles les

données sont classées, conceptualisées et remises ensemble de nouvelles manières» (Lepage et al.,

2007). Dès lors, la recherche avec la théorie enracinée permet de découvrir des catégories

pertinentes et leurs interrelations (Strauss et Corbin, 1990). Enfin, la graunded-theory vise à :

Construire plutôt que tester une théorie;


43

Donner au processus de recherche la rigueur nécessaire;

Aider le chercheur à briser ses a priori et ses hypothèses préconçues;

Permettre le développement de la sensibilité et de l'interrogation pour générer une théorie


riche et près de la réalité qu'elle représente (Lepage et 01.,2007).

La catégorisation

Pour effectuer l'analyse des données, huit catégories ont d'abord été créées pour regrouper les

réponses obtenues lors des entretiens de recherche. La définition de ces catégories a été inductive,

c'est-à-dire qu'à la lecture des entretiens, les catégories émanent des réponses, tout en reflétant un

concept de la revue de littérature. Les catégories traduisent donc la réalité de l'aire à l'étude,

englobent la totalité des réponses et permettent de surprendre le chercheur.

Ensuite, l'approche de la saturation a été employée: chaque réponse était décortiquée et classée

selon les huit catégories. Les différentes catégories ont donc été définies et ont permis d'identifier les

dynamiques locales et d'observer la perception d es acteurs rencontrés sur:

les enjeux et les connaissances par rapport aux transformations du climat;

les intérêts, les rapports et les préoccupations envers le lac Saint-Pierre;


6
les attitudes et les sentiments ;

la communication et l'interaction souhaitées entre les acteurs du lac Saint-Pierre;

l'interaction réelle ou observée avec la sphère de la société civile et le rôle qui lui est accordé;

l'interaction réelle ou observée avec la sphère du politique et le rôle qui lui est accordé;

l'interaction réelle ou observée avec la sphère des médias et le rôle qui lui est accordé;

l'interaction réelle ou observée avec la sphère de la science et le rôle qui lui est accordé.

Il importe de préciser que les quatre dernières catégories permettent, entre autres, de questionner

les acteurs sur leurs propres sphères. À travers ces catégories, le rôle qui leur est accordé et

l'interaction qu'ont les acteurs rencontrés avec les autres acteurs de leur' sphère au lac Saint-Pierre

sont relevés.

6 Cette catégorie met en lumière les données relevant d'un sentiment ou d'une attitude envers le lac Saint­
Pierre, les questions de la communication et de l'interaction entre les acteurs ou les changements climatiques en
pa rticulier.
44

Enfin, certaines interrogations ont orienté l'élaboration des guides d'entretien de recherche, telles

que: Est-ce que les acteurs ont des contacts avec les autres acteurs de leur sphère? Partagent-ils

leurs informations? Devraient-ils avoir une plus ou moins grande place dans l'espace public? Quel est

leur véritable rôle? Qu'apportent-ils à la communauté? Toutes ces questions ont ponctué cette

recherche et l'analyse, mais comme toutes les autres catégories, les données ont été traitées sans a

priori. Il est à noter que la présentation des résultats obtenus en entretien se retrouve au chapitre 4

de ce mémoire.

Conclusion du chapitre 2

Tel qu'expliqué précédemment, le prochain chapitre, « Les changements climatiques et leurs impacts

sur le fleuve Saint-Laurent et le lac Saint-Pierre », relève les facteurs influençant le choix de ce lac

fluvial comme étude de cas. En analysant les différentes caractéristiques environnementales et

humaines, ainsi que l'utilisation et les prévisions climatiques de ce lac, il est possible de comprendre à

quel point le secteur du lac Saint-Pierre est ciblé par l'adaptation aux changements climatiques.
CHAPITRE 3

LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES ET LEURS IMPACTS SUR LE FLEUVE


SAINT-LAURENT ET LE LAC SAINT-PIERRE

3.1 Le climat: maître d'oeuvre de l'écosvstème fluvial

Le climat du bassin Grands Lacs - Saint-Laurent est principalement influencé par la région tempérée

où il se situe et, si l'on se fie à la « normale », les saisons y sont synonymes de modifications

climatiques. À l'hiver, par exemple, il y a peu d'évapotranspiration. Au printemps, la fonte de la neige

provoque des crues qui inondent la plaine. À l'été, l'eau est à son plus bas niveau en raison de l'étiage

(Bibeault et al., 2004; Lemelin, 2004). Il va donc de soi que les variations climatiques naturelles
modifient les débits et niveaux d'eau du Saint-Laurent, et ce, en raison de « la quantité de

précipitations reçues sur le bassin, l'évaporation, la saturation du sol [et] la couverture neigeuse»

(Talbot, 2006). Le cycle des variations (crue, étiage, etc.) est nécessaire au maintien de l'écosystème

et, naturellement, la faune et la flore s'y adaptent, que ce soit pour leur reproduction, leur migration

ou leur alimentation (Berestovoy, 2007; Environnement Canada, 2005). Néanmoins, les variations

extrêmes, prolongées et récurrentes peuvent être dommageables pour l'écosystème fluvial et pour

les activités humaines qui en dépendent (Berestovoy, 2007).

Au Québec, la compréhension des changements climatiques pousse à anticiper une hausse de la

température, de la saison de croissance et de l'évaporation {12-17 %J, ce qui devrait entraîner une

diminution du niveau moyen des Grands Lacs de 0,2 à 0,7 mètre et modifier considérablement

l'écosystème fluvial du Saint-Laurent (Carignan, 2004; Talbot, 2006). Plusieurs recherches suggèrent

que le climat de la région Saint-Laurent - Grands Lacs est déjà en pleine transition: les hivers sont

plus courts, la température moyenne annuelle s'accroît, la durée de la couverture de glace diminue,

et le niveau et le débit de l'eau sont modifiés (Bibeault et al., 2004; Bouchard et Gratton, 2008 ;
Robichaud et Drolet, 1998; Talbot, 2006).
46

Les études scientifiques démontrent aussi qu'un déficit récurrent des apports d'eau au bassin des

Grands Lacs pourrait se traduire par une baisse de 20 à 40 % du débit sortant du lac Ontario vers le

fleuve Saint-Laurent, avec une diminution du niveau moyen de l'eau allant jusqu'à 1 mètre à

Montréal (Lemelin, 2004; Talbot, 2006). Considérant que les variations du climat affecteront

l'ensemble des processus physiques, chimiques et biologiques en plus des activités humaines

(agriculture, transport, chasse, pêche, tourisme, etc.) qui définissent les écosystèmes fluviaux, les

changements climatiques deviennent un enjeu central pour l'avenir du fleuve Saint-Laurent et donc

du lac Saint-Pierre (Bibeault et al., 2004 ; Ouranos, 2010; Talbot, 2006).

Variations du climat et des niveaux d'eau

i
Activités humaines li ées au fleuve
E.au p::'labIE, cha'!'ise el èch5', prcpnétés riy'era ne!!. rècre.ë.llc
ne. gabc~ co Er e, ~'C. oéledlrlC té

Habitats
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Faune aquatique....-.' r,llIeuj[ ~. 'l"l1::Jl?S.
plame 1 ancll:.~ E'.
O...ersiL. reC' :l?Tlenl
embouonure des
5\: crCHlssnœ U butalres, pie -e ea.u,
rapides

Figure 3.1 : Relations directes et indirectes entre les conditions climatiques et


hydrologiques, les usages et les indicateurs de performance pour les habitats
et la faune (Source: Talbot, 2006).

3.2 Localisation et description physique du lieu d'étude

Le lac Saint-Pierre est un lac fluvial du fleuve Saint-Laurent faisant partie du bassin Grands Lacs ­

Saint-Laurent et constituant le dernier élargissement majeur du fleuve avant l'estuaire. Ce lac est

caractérisé par une masse d'eau peu profonde avec une moyenne de 2,7 mètres et un courant

relativement faible entre 0,1 et 0,4 mis (La Violette et al., 2003; Municonsult, 2002a). Toutefois, le

chenal maritime, qui se trouve au centre du lac et qui a une profondeur moyenne de 11 mètres et

d'une largeur de 240 mètres, change la donne en élevant la vitesse de courant entre 0,6 et 1 mis

(Mingelbier et Douguet, 1999).


47

D'une grandeur considérable, le territoire du lac Saint-Pierre se situe à l'intérieur des limites de six

municipalités régionales de comté (MRC) : D'Autray, Pierre-De Saurel, Nicolet-Yamaska, Maskinongé,

Bécancour et la ville-MRC Trois-Rivières, en plus d'être composé d'une centaine d'îles et du lac lui­

même (La Violette et al., 2003). L'aire d'influence du lac Saint-Pierre comprend 19 villes et
2
municipalités et couvre 480 km en période de crue normale (Biosphère du lac Saint-Pierre, 2009).

Figure 3.2 : Le territoire du lac Saint-Pierre (Source: Environnement Canada, 200Sb)

Figure 3.3 : Une section du lac Saint-Pierre (Source: Réserve, 2010 ­


Crédit: Normand Gariépy)

Le niveau du lac Saint-Pierre est déterminé par le Saint-Laurent puisqu'il est un lac fluvial. De plus, la

régularisation des Grands Lacs a aussi un effet important sur le niveau du lac, car le fleuve prend sa

source à la sortie du lac Ontario (Benoit et al., 1988). Le débit à la sortie des Grands Lacs varie
48

3
annuellement entre 6000 et 9000 m /s, ce qui représente approximativement 60 % du débit dans le

lac Saint-Pierre au printemps (Brodeur, Mingelbier et Morin, 2004). Le lac est aussi alimenté par

douze tributaires: quatre sur la rive sud -les rivières Richelieu, Yamaska, Saint-François et Nicolet et

huit sur la rive nord - les rivières Chaloupe, Bayonne, Chicot, Maskinongé, du Loup, petite rivière du
3
Loup, Yamachiche et petite rivière Yamachiche. Ces rivières fournissent un débit de près de 800 m /s

par année (Benoit et al., 1988; Langlois et al., 1992). Le débit moyen annuel du fleuve est de 9 725
3 3
m /s à l'entrée du lac et de 10 500 m /s à la sortie. Cet apport d'eau des affluents engendre un

accroissement de 8 % du débit du fleuve (La Violette et al., 2003).

Enfin, la faible dénivellation des rives du secteur du lac Saint-Pierre favorise un débordement

important des eaux lors des crues printanières (Burton, 1991). Les eaux s'élèvent alors de deux

mètres et plus, envahissant une proportion importante des îles et les terres riveraines sur une largeur

de un à deux kilomètres (Municonsult, 2002a; Roberge et Bérard, 1995). Le lac Saint-Pierre est donc

bordé par la plus grande plaine d'inondation en eaux douces au Québec alors que la superficie du lac
2 2
peut s'accroître d'environ 37 %, passant de 480 km à près de 660 km (Municonsult, 2002a). La

durée de l'inondation est variable, mais elle débute généralement dès la mi-avril, et ce, pour une

période de cinq à neuf semaines (Langlois et al., 1992; Municonsult, 2002a). Les principaux secteurs

de débordement sont Baie-du-Febvre et Nicolet, Longue-Pointe, la Baie Saint-François, la Baie

Lavallière et l'île de Sorel, sur la rive sud et les municipalités de Saint-Barthélemy, Saint-Joseph-de­

Maskinongé et Yamachiche, sur la rive nord (Municonsult, 2002a).

Toutes ces caractéristiques ont contribué à ce qu'en 1998, le lac Saint-Pierre soit désigné site Ramsar

en vertu de la Convention relative aux zones humides d'importance internationale. Il a aussi été

reconnu par l'UNESCO, le 9 novembre 2000, comme Réserve mondiale de la biosphère en raison de la

richesse écologique qu'il abrite à l'échelle du Saint-Laurent (Municonsult, 2002a). Ce titre implique de

promouvoir la conservation de la biodiversité et le développement durable, et ce, basé sur la

participation des communautés locales et une science adaptée (Municonsult, 2002a). Que les

citoyens du lac Saint-Pierre aient montré une volonté à s'engager dans un processus de collaboration

est positive pour cette recherche. En effet, le fait d'étudier le besoin de communication et

d'interaction suit parfaitement la logique de ce qu'implique le titre de l'UNESCO.


49

Ces reconnaissances internationales ont été possibles puisque le lac Saint-Pierre présente de

nombreuses caractéristiques, dont celles énumérées précédemmene :

dernier bassin d'eau douce du Saint-Laurent;

plus important archipel du Saint-Laurent avec 103 îles;

territoire demeuré à 90 % naturel;

20 % de tous les marais du Saint-Laurent;

plus de 40 % des milieux humides du Saint-Laurent et sont responsables de sa richesse


biologique;

la survie des espèces séjournant au lac Saint-Pierre dépend des milieux humides qui servent à
la fois à se nourrir, s'y abriter, s'y reposer et s'y reproduire;
2
83 km de marais hébergent une multitude d'invertébrés, de poissons et de rats musqués, en
plus de nourrir les canards;
2
46 km de prairies humides parsemées de mares servent à l'alimentation et à la reproduction
printanière du poisson ainsi qu'à la nidification des canards barboteurs;

des 116 espèces de poissons d'eau douce présentes au Québec, 79 espèces (68 %) sont
présentes dans le lac Saint-Pierre;

parmi 400 espèces d'oiseaux observées au Québec, 288 espèces (n %) ont été vues au lac
Saint-Pierre et 167 y nichent;

la plus importante héronnière d'Amérique du Nord, plus de 1300 nids dénombrés;

la plus importante halte migratoire de sauvagine du Saint-Laurent;

27 espèces de plantes rares (Municonsult, 2002a).

3.3 Un territoire fort exploité: les usages du lac Saint-Pierre

Pour devenir Réserve mondiale de la biosphère, « le lac Saint-Pierre devait savoir conjuguer la

conservation et le développement de ses ressources, la désignation ne pouvant être attribuée qu'à

des territoires comprenant des superficies encore intactes» (Municonsult, 2002a). S'il est vrai que le

lac Saint-Pierre n'est pas exploité sur toute sa superficie, au fil des décennies, les activités humaines

sur l'eau et les rives du lac Saint-Pierre se sont multipliées. Que ce soit en raison de la navigation

commerciale, la pêche commerciale ou sportive, la chasse, l'agriculture ou la présence d'obus, les

usages du lac Saint-Pierre font pression sur cet écosystème particulier (PARE, 1997; Municonsult,

2002a).

7 NDLR : La Réserve mondiale de la biosphère a répertorié différentes caractéristiques, en partie reproduites ici.
50

3.3.1 La navigation commerciale

La Voie maritime du Saint-Laurent, d'une longueur de 3 700 km, a été ouverte à la navigation

commerciale en 1959. Fortement utilisée, elle est aussi appelée l'Autoroute H2 0 par la Corporation

de Gestion de la Voie Maritime du Saint-Laurent (2010). Constituée du fleuve Saint-Laurent, de la

Voie maritime du Saint-Laurent et des Grands Lacs, elle est partagée par le Canada et les États-Unis

(Corporation de Gestion de la Voie Maritime du Saint-Laurent, 2010). Environ 14 000 navires la

traversent annuellement et parmi ceux-ci environ 5000 navires parcourent la section du lac Saint­

Pierre (PARE, 1997).

Le lac Saint-Pierre était à l'origine peu profond et de nombreux travaux de dragages ont dû être

effectués pour diviser le lac en deux et ainsi créer le chenal maritime (Roberge et Bérard, 1995). Le

dragage permettant de maintenir une profondeur d'environ 11 mètres est répété tous les deux ans et
3
génère 56 000 m de sédiments à chacune de ses opérations (Roberge et Bérard, 1995).

Alors que quelque 100 millions de personnes habitent dans son sillage, l'A.utoroute H2 0 est une

ouverture sur le monde en rejoignant directement le centre commercial, industriel et agricole du

continent nord-américain, mais elle apporte aussi son lot de problèmes (Corporation de Gestion de la

Voie Maritime du Saint-Laurent, 2010; PARE, 1997). la perturbation physique et biologique, la

remise en suspension de sédiments, la pollution, l'introduction d'espèces exotiques comme les

moules zébrées, et l'effet de siphon qui découle du dragage ne sont que quelques enjeux de la Voie

maritime soulevés par les acteurs du milieu du lac Saint-Pierre (PARE, 1997).

3.3.2 La pêche commerciale et sportive

Avec environ 80 espèces de poissons dans ses eaux, le lac Saint-Pierre est un lieu privilégié pour la

pêche. La pêche commerciale y est pratiquée depuis plus d'un siècle (Magnan, 2002). La perchaude,

l'esturgeon jaune, l'anguille d'Amérique et la barbotte brune sont parmi les espèces prisées des

pêcheurs (Municonsult, 2002b).


51

Depuis les années 1980, un déclin des populations de poissons est toutefois observé le long du fleuve

Saint-Laurent et touche particulièrement la population d'esturgeons jaunes et de perchaudes. De

1985 à 2007, les débarquements commerciaux ont diminué et sont passés de 1420 à 550 tonnes

(Mingelbier et al., 2008). L'effondrement des stocks est devenu un phénomène inquiétant au lac

Saint-Pierre. Du coup, afin de diminuer la pression sur la ressource halieutique, des mesures ont été

implantées comme l'imposition de prise de poisson à la taille minimale et les quotas sur la quantité

de poisson et de jours de pêche (Magnan, 2002).

Comme cela est souvent imagé, le rendement que peut soutenir une population de
poissons face à l'exploitation par la pêche, qu'elle soit sportive ou commerciale,
correspond en quelque sorte à « l'intérêt» sur le capital d'un compte en banque. Une
pêcherie bien gérée ne devrait prélever annuellement que les « intérêts» sur le capital, les
intérêts représentant ici le rendement « soutenable » par une population face à
l'exploitation (Magnan, 2002).

Tout comme la pêche commerciale, la pêche sportive est fort pratiquée au lac Saint-Pierre. Toutefois,

la baisse des émissions de permis de pêche a fait en sorte que 10000 pêcheurs sportifs se prévalaient

de leur droit de pêche dans cette région en 2006, alors qu'ils étaient 24 000 en 1996 (AFC, 2010 ;

PARE, 1997; Municonsult, 2002b). La baisse des émissions de permis a également touché les

pêcheurs commerciaux, les permis passant de 42 entre 1986 à 2001 à 36 en 2002 (Magnan, 2002). En

2006, l'AFC indique que le nombre de permis de pêche commerciale est descendu à 18. Il est donc

possible de constater que les efforts pour diminuer la pression sur la ressource halieutique portent

fruits (lVIuniconsult, 2002b).

3.3.3 La chasse

Le secteur se distingue également au niveau de la chasse, alors que « [... j pour tout le système du

fleuve Saint-Laurent, c'est au lac Saint-Pierre que les chasseurs abattent la plus grande quantité de

canards barboteurs (40 000) et de canards plongeurs (15 000) annuellement» (Municonsult, 2002b).

Toutefois, toujours selon la Réserve de la biosphère (2002), « [... jles pertes d'habitats dans le couloir

fluvial causent une réduction de la récolte de gibier et une diminution des sites de chasse ». Ces

pertes d'habitats sont notamment causées par des pratiques agricoles non compatibles avec la faune,

le nautisme dans les zones humides, la villégiature ou l'étalement urbain (Municonsult, 2002b).
52

3.3.4 L'agriculture

L'agriculture est la principale utilisation du sol du territoire terrestre du lac Saint-Pierre (soit en

période de crue normale: 480 km\ les terres agricoles y occupant 60 % du territoire et 50 % du

périmètre du lac (Langlois et 01.,1992; La Violette et 01.,2003). Situé dans la région des basses terres

du saint-Laurent, le secteur du lac Saint-Pierre est constitué de sols avec des particules fines et

sujettes à l'érosion (La Violette et 01., 2003). Ainsi, l'utilisation de la moitié des terres agricoles à des

fins de monocultures comme le maïs et le soya et les élevages de bovin et de porc augmentent les

risques d'enjeux environnementaux. Par exemple, l'érosion et la charge des eaux en sédiments et en

nutriments résultent de l'épandage de fumier et de lisier et ne sont que quelques-unes des

problématiques environnementales du lac Saint-Pierre (Hudon, 2008).

3.3.5 Les obus

De 1952 à 2000, le ministère de la Défense nationale a procédé à des essais probatoires et techniques

au Centre d'essais et d'expérimentation des munitions (CEEM) de Nicolet (Découverte, 2010;

Défense nationale et les Forces canadiennes, 2009). Les tirs étaient dirigés directement dans le lac

Saint-Pierre .et il est estimé que 300 000 obus se trouvent- ~u sud de la Voie maritime. Ces obus
2
occupent environ 140 km , donc environ 30 % du lac Saint-Pierre (Découverte, 2010). Bien que la

majorité de ces projectiles soient inertes et sans amorce, d'autres, les UXO, sont des munitions

explosives non explosées (Découverte, 2010; Défense nationale et les Forces canadiennes, 2009). De

fait, environ 8000 UXO se trouvent encore dans le lac et 2000 de ceux-ci sont potentiellement

dangereux s'ils sont touchés (Découverte, 2010).

L'impact environnemental de ces obus étant encore incertain, le principe de précaution est appliqué

en raison du danger possible pour les pêcheurs, chasseurs et autres usagers du lac (Découverte,

2010; Défense nationale et les Forces canadiennes, 2009). En 1982, un citoyen du lac Saint-Pierre est

décédé suite à l'explosion d'un obus qu'il avait jeté dans le feu (Découverte, 2010). Dès lors, la

pression populaire, notamment par le Groupe d'Actions pour la Restauration du lac Saint-Pierre, a été

très forte pour nettoyer le site (GAR, 2000). C'est donc suite aux actions des citoyens qu'un

programme a été mis en branle par le ministère de la Défense afin d'évaluer les risques des obus et

les retirer du lac (Défense nationale et les Forces canadiennes, 2009). Selon les données recueillies

par Découverte (2010), il faudra plus d'une décennie avant d'enlever tous les obus du lac Saint-Pierre.
53

3.4 Des changements globaux aux variations locales du lac Saint-Pierre

Dans cette section, les changements climatiques anticipés sur l'écosystème fluvial du Saint-Laurent

sont présentés, car ceux-ci pourraient affecter le territoire et l'usage de cette ressource halieutique.

Tel qu'il a été partiellement démontré dans la précédente section{ le lac Saint-Pierre est bien plus

qu'une composante de l'écosystème naturel et peut être considéré comme un « espace socio­

économico-politique » (Berestovoy, 2007). De fait, des activités humaines (pêche, navigation, gestion

des niveaux d'eau, agriculture, etc.) et des acteurs (politique, société civile, médias, science)

cohabitent et utilisent quotidiennement ce lac fluvial. La dynamique entre les impacts des

changements climatiques sur le fleuve Saint-Laurent et les variations locales du lac Saint-Pierre

dépeint une situation d'incertitude et de vulnérabilité quant à la capacité à y faire face et démontre

la nécessité de développer des stratégies d'adaptation.

3.4.1 La vulnérabilité du lac Saint-Pierre

Étant donné que le lac Saint-Pierre est le lac fluvial du Saint-Laurent où l'on observe les plus

importantes variations saisonnières du niveau d'eau, les prévisions climatiques doivent être un

facteur à considérer dans la gestion de ce lac (Saint-Laurent Vision 2000, 2002). Les changements

climatiques appréhendés auront sans doute un impact sur le niveau du lac Saint-Pierre puisqu'il est

déterminé par celui des Grands Lacs et de ses tributaires en amont de la ville de Sorel, et ce, malgré,

la régularisation par la Commission mixte internationale (CMI) des débits et niveaux d'eau du

système Saint-Laurent - Grands Lacs (Lemelin, 2004). Cette régularisation vise à réduire les

fluctuations des niveaux d'eau tout au long de l'année et à améliorer la navigation et la production

d'hydroélectricité (Brodeur et al., 2006 ; Mingelbier et al., 2004).

Bien qu'elles ne soient pas directement attribuables aux changements climatiques, l'augmentation de

l'évaporation et la diminution des apports en eau, entre les années 1990 et 2001, ont provoqué une

baisse du niveau d'eau des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent. Qui plus est, l'alerte est sonnée,

car plusieurs chercheurs s'entendent sur le fait que « les bas niveaux lors des étés 1995, 1999 et 2001

ont eu des effets particulièrement marqués au lac Saint-Pierre, notamment sur la dynamique des

milieux humides et les superficies des habitats aquatiques et riverains» (Bouchard et Gratton, 2008).

La question semble d'actualité alors que les médias mentionnent que l'été 2010 fracasse
54

possiblement les records historiques des plus bas niveaux d'eau du fleuve Saint-Laurent et du lac

Saint-Pierre (Francoeur, 2010b). Cette compilation des niveaux d'eau est une source d'information

non négligeable au lac Saint-Pierre et se fait de façon continue depuis maintes années. Par exemple,

la figure 3.4 présente le niveau d'eau à Sorel entre 1960 et 1998.

Figure 3.4 : Niveau d'eau à Sorel entre 1960 et 1998 - moyenne journalière
interannuelle (Source: Saint-Laurent Vision 2000, 2002)

Depuis les dernières décennies, la perte de près de 70 % des terres humides le long des rives du

Saint-Laurent est attribuable aux activités anthropiques telles que l'agriculture, l'urbanisation, la

foresterie et la régularisation des niveaux d'eau, mais aussi à la diminution de l'amplitude et de la

durée des crues (Talbot, 2006). Avec la reconnaissance internationale de la présence significative des

milieux humides - 18350 ha du lac Saint-Pierre (18 % du bassin Grands Lacs - Saint-Laurent) -, leur

perte anticipée est source d'inquiétude et de vulnérabilité quant à la capacité à y faire face

(Environnement Canada, 2005). Sachant que les milieux humides « soutiennent un nombre

considérable d'espèces végétales et animales, tout en jouant un rôle prépondérant dans la rétention

et la purification de l'eau qui y transite >l, l'observation de leur assèchement progressif au lac Saint­

Pierre entre 1931 et 1997 et la transformation en milieux moins humides rend donc vulnérables ce

territoire et ses utilisateurs (Talbot, 2006).


55

Enfin, en raison de la faible profondeur du lac Saint-Pierre, telle que représentée à la figure 3.5, les

prévisions climatiques font anticiper une réduction de sa superficie et de sa plaine inondable, forçant

le lac à devenir un écosystème marécageux plutôt que lacustre (Carignan, 2004; Lemelin, 2004). Cet

« assèchement partiel [... ] rendra en outre son rivage plus accessible et vulnérable aux activités

humaines» (Carignan, 2004). La baisse anticipée du niveau du fleuve compromettra les activités

humaines dépendantes du lac Saint-Pierre, autant lorsqu'il est question de la diminution de la

quantité d'eau disponible, que de la dégradation de la qualité de l'eau (Lemelin, 2004).

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Figure 3.5 Bathymétrie du lac Saint·Pierre (Source: Environnement Canada,


2003)

Conclusion du chapitre 3

Dans ce chapitre, il a été démontré que malgré ou grâce à sa distinction et ses nombreux usages,

l'incertitude et la vulnérabilité climatiques qui planent sur le territoire du lac Saint-Pierre

encouragent ce secteur à développer des mécanismes afin de s'adapter aux changements

climatiques.
56

La compilation des réponses obtenues lors des entretiens sera présentée dans le prochain chapitre.

Les redondances ou les dominantes dans les propos des acteurs seront relevées et les similarités et

les contradictions seront observées. Cette approche permettra, dès lors, de dessiner un portrait

d'ensemble du système d'action étudié (Crozier et Friedberg, 1977). Tel que démontré au Chapitre 2 :

Une démarche de recherche, à travers ces données, cette recherche vise à comprendre et à évaluer si

les interactions ou la communication facilitent l'acquisition de connaissances entre les acteurs du lac

Saint-Pierre et peuvent être un support à leur adaptation aux changements climatiques.


CHAPITRE 4

À LA RENCONTRE DES ACTEURS: LA PRÉSENTATION DES RÉSULTATS

L'objectif du présent chapitre est de présenter le traitement des données recueillies en entretiens de

recherche, lors desquels les acteurs rencontrés ont dépeint leurs interactions réelles et souhaitées. Le

traitement des données est une étape charnière puisqu'il est un exercice permettant de dessiner un

portrait représentatif et révélateur du terrain de recherche. Les résultats dominants, similaires ou

contradictoires y sont exposés par sphère d'acteurs et par catégorie, pour ensuite, dans le Chapitre

5: La discussion, émettre l'interprétation du chercheur sur le fonctionnement de l'espace

communicationnel.

La collecte de données est le résultat de vingt entretiens individuels et semi-dirigés avec des acteurs

des quatre sphères: société civile, politique, science et médias. Certes, les intervenants peuvent

porter différents chapeaux. Par exemple, un représentant d'Environnement Canada devrait

normalement être associé à la sphère politique. Or, si ses tâches sont principalement de caractère

scientifique, il devient un acteur de la science au sens où l'entend le modèle de l'espace

communicationnel. De fait, il est alors un intervenant dont l'apport est essentiellement scientifique.

Cette multiplicité d'échelle n'est pas une contradiction sur la catégorisation des sphères, mais plutôt

une démonstration des interrelations préexistantes entre les différents acteurs. Cet exemple

démontre que les pôles sont déjà appelés à interagir, et ce, notamment en raison de leur statut

professionnel.

Les entretiens de recherche, se déroulant à l'automne 2009 et à l'hiver 2010, avaient comme objectif

d'analyser l'interaction et la communication entre les acteurs présents sur le territoire du lac Saint­

Pierre. Les rencontres permettaient aussi, et ultimement, d'évaluer si leurs mécanismes de diffusion

et d'échange d'information sont synonymes d'un processus d'apprentissage social permettant de

s'adapter aux changements climatiques. Assurément, rencontrer vingt personnes ne permet de

dépeindre qu'une infime portion de l'aire d'étude, mais il est estimé que ce corpus d'entretien est
58

représentatif et respecte les quatre critères de la théorie enracinée préalablement définis à la section

2.2.6 (Strauss et Corbin, 1990).

Enfin, il importe de noter que toutes les mesures nécessaires ont été prises afin que l'identification

des acteurs rencontrés soit protégée. À cette fin, le genre masculin est sciemment utilisé et chaque

acteur est associé aux initiales de sa sphère, en plus d'être numéroté. Par exemple, les acteurs de la

science sont identifiés par 5.1, 5.2, 5.3, et ainsi de suite. Cette précaution s'imbrique dans un

processus éthique de l'Université du Québec à Montréal (UQÀM) qui souhaite l'assurance de la

confidentialité des répondants. Ainsi, aucun nom d'individu n'est divulgué, mais les organismes ou les

lieux d'appartenance des acteurs peuvent être identifiés afin d'indiquer la relation de ceux-ci avec la

sphère d'acteur.

4.1 La société civile

Pour cette sphère d'acteurs, six personnes ont été interrogées. Certaines personnes reliées aux OBV,

_au comité ZIP du lac Saint-Pierre, à l'Aire faunique çommunautaire (AFC) et à la Réserve mondiale de

la biosphère ont fait partie du corpus d'entretien. Tous ces acteurs sont impliqués au lac Saint-Pierre,

soit par leur mission respective, soit par un lien physique et géographique.

4.1.1 Les enjeux et les connaissances par rapport aux transformations du climat
Les entretiens ont démontré que les six acteurs de la société civile ont tous une connaissance, plus ou

moins grande, sur les changements climatiques et sur leurs impacts au lac Saint-Pierre. Toutefois, il

est impossible d'affirmer que ces acteurs parlent d'une seule et même voix. Certains expriment un

sentiment d'urgence et désapprouvent les cibles à long terme pour répondre aux changements

climatiques:

S.C.1 Il Y a une préoccupation hydrique très importante. Les changements climatiques vont apporter plus de
sédimentation. Des mesures d'urgence devraient être instaurées dès maintenant.

S.C.6 Au lieu d'avoir des grandes cibles à long terme, on peut avoir des objectifs quotidiens. C'est une logique
de changement de comportement social- adaptation - et non pas seulement d'objectifs globaux.
59

D'autres émettent des réserves sur les enjeux ou les conditions de l'adaptation:

5.C.2 J'ai un inconfort par rapport à l'adaptation aux changements climatiques. Comme si [... ] c'était une
"acceptation" où l'on veut en tirer avantage. Oui, on va devoir s'adapter, mais tirer avantage du fait de la
fonte des glaces pour faire de nouvelles routes par exemple, c'est de vouloir baisser les bras et empêcher
ou minimiser les changements climatiques. Il ne faut pas remplacer l'atténuation par l'adaptation.

5.C.3 S'ils sont néfastes [les changements climatiques], ce sont pour [... ] les usages des humains. Si on enlève
l'idée d'anthropomorphisme et le nombrilisme humain, les écosystèmes sont dynamiques et vont
s'adapter. L'humain est nature: même si on est le facteur aggravant. que ce soit nous ou une météorite,
ça fait partie de la dynamique naturelle.

Néanmoins, la sphère de la société civile croit aux impacts des changements climatiques sur le lac

Saint-Pierre. Ils ont affirmé que les changements climatiques sont un « défi pour l'eau» (S.c.l),

lorsqu'il est question des précipitations, du ruissellement, de l'érosion, du régime hydrique, de la

sédimentation, des glissements de terrain et du niveau d'eau. Ce dernier est d'ailleurs le changement

le plus souvent mentionné et appréhendé par les acteurs de la société civile. À la question « D'après

vous, quels sont/seront les effets des changements climatiques sur le lac Saint-Pierre? », une des

personnes interrogées a d'ailleurs répondu:

5.C.2 La fluctuation des débits et niveaux d'eau. Les périodes d'étiages et d'inondation sont plus intenses. Les
cours d'eau sont plus imprévisibles. [... ] On se fait demander où est rendue l'eau.

Certes, les impacts des changements climatiques sur le niveau d'eau du lac préoccupent ces acteurs,

mais il semble régner une certaine confusion quant au résultat réel de ce changement. Presque tous

les acteurs se demandent s'il y aura plus ou moins d'eau. Alors que le commentaire précédent faisait

mention du caractère imprévisible de l'eau, les changements climatiques contribuent à une certaine
crainte:

5.C.S D'un côté, on entend que le lac Saint-Pierre va disparaître, donc il y a une inquiétude. D'un autre côté,
l'information est contraire, le territoire va être inondé. D'après moi, si le niveau de l'eau augmente ce
n'est pas si grave, sauf pour les habitations, mais c'est possible de s'en occuper. Si ça diminue, il n'y aura
plus de lac, plus de milieux humides.

Aucun des acteurs de la société civile ne connaît le futur, mais plusieurs s'entendent pour dire que si

le lac Saint-Pierre change, toutes les méthodes, comme l'agriculture ou l'industrie touristique, seront

à modifier (S.C.1 ; S.C.6). De surcroît, ces acteurs accordent au lac Saint-Pierre le statut de témoin des
changements climatiques:
60

S.C.2 Le lac Saint-Pierre est un barème important pour montrer ce qui se passe au niveau des changements
climatiques. S'il y a un problème avec le lac Saint-Pierre, il y a un problème pour tout le secteur.

S.C.1 Le lac Saint-Pierre est une éponge qui va tout recevoir des changements climatiques. C'est un laboratoire
sur lequel il faut se pencher.

Enfin, la certitude des changements climatiques éventuels sur le lac Saint-Pierre semble un

contrepoids à l'ambiguïté des conséquences de ces transformations du climat. Cette intuition est

confirmée par le désir, exprimé par certains des acteurs de cette sphère, d'augmenter les

connaissances sur les changements climatiques afin de les intégrer dans la prise de décision:

S.C.S Si la compréhension des changements climatiques était meilleure, cela aiderait. Les aménagements
seraient en conséquence des changements climatiques à venir au lieu des conditions actuelles.

S.C.2 Il faut mieux comprendre pour intégrer les changements climatiques dans le travail [... 1 sur les cours
d'eau. Il faut intégrer tous les phénomènes pour vulgariser et décider.

4.1.2 Les intérêts, les rapports et les préoccupations envers le lac Saint-Pierre
Tous les acteurs rencontrés ont fait état de leurs préoccupations envers le lac Saint-Pierre. Que ce
- -

soit en raison de la baisse de la perchaude, de la hausse des nutriments, de la sédimentation, du

dragage de la voie navigable, de la pollution agricole, de l'érosion ou des rejets des égouts de

Montréal, le sentiment que le lac Saint-Pierre soit agressé persiste malgré des efforts considérables:

S.C.S L'état du lac s'améliore grâce à l'éducation et à la sensibilisation. Il y a un changement de comportement


des utilisateurs du lac. Mais il y a toujours l'idée que c'est David contre Goliath: la ville de Montréal est
l'émettrice des principaux rejets dans le lac. La voie navigable crée un effet de siphon qui augmente les
dépôts dans le lac. Il y a plusieurs agressions qui arrivent de toutes parts [... J.

S.C.1 Le lac Saint-Pierre ne va pas bien. D'après moi, on est en train de perdre un des plus grands lacs fluviaux
du monde.

Ces citations laissent croire à un découragement, mais, tel qu'il a été mentionné plus tôt, le choix des

acteurs rencontrés pour des entretiens semi-dirigés a été déterminé par leur implication ou leur lien

avec le lac Saint-Pierre. Cela touche particulièrement les acteurs de la société civile qui ont été

rencontrés, car ils tentent tous, par leur travail auquel ils croient, d'améliorer la condition du lac

Saint-Pierre. Par exemple, l'AFC fait « participer les gens du milieu à la remise en état des populations

d'espèces sportives et [contribue] à la préservation d'un milieu de qualité pour l'exploitation de la


61

faune aquatique» (AFC, 2010). Également, les OBV font des actions pour réduire les impacts sur le lac

considérant que les eaux des bassins versants du secteur se jettent dans le lac Saint-Pierre. Quant à

eux, le comité ZIP et la Réserve mondiale de la biosphère mettent tous leurs efforts dans la

promotion et la protection de ce territoire. Toutes ces implications se sont répercutées dans les

réponses sur les liens des acteurs avec le lac Saint-Pierre:

S.C.6 Malgré plus de 100 ans d'industrialisation et de surexploitation du bassin d'eau, le lac Saint-Pierre se bat
tous les jours pour vivre. C'est un endroit de très haut potentiel. [... ] Au lieu de se détériorer, il se
stabilise.

S.C.S Il faut être passionné pour faire ce que l'on fait. Je crois pouvoir faire une différence pour cesser
l'utilisation abusive du lac. C'est un des plus beaux coins du fleuve. On ne connaît pas l'avenir, mais on
peut y arriver. On ne peut pas tout régler, mais il y a de l'espoir.

4.1.3 Les attitudes et les sentiments


Pour les acteurs de la société civile, deux attitudes et sentiments se sont avérés porteurs de sens. En

effet, plusieurs répondants ont fait allusion à la richesse du milieu qui devrait mobiliser la
communauté tout en spécifiant que le sentiment d'appartenance au lac Saint-Pierre est insuffisant:

S.C.4 Il Y a un besoin de développer notre coin de pays. Il faut se prendre en main comme collectivité.

S.C.3 Le lac Saint-Pierre doit être valorisé. La culture du terroir (perchaude, cuisse de grenouille, etc.) n'existe
pas. Il faut sensibiliser les gens à la richesse du milieu. Il faut parler du lac Saint-Pierre. Il faut redonner à
la population le choix de le considérer comme une richesse.

S.C.2 Le sentiment d'appartenance n'est p<lS vraiment là, on devrait communiquer plus.

4.1.4 La communication et l'interaction souhaitées entre les acteurs du lac Saint-Pierre


Considérant que cette recherche vise à comprendre l'importance accordée par les acteurs à leur
interaction et à leur communication, la dernière citation faisant mention que les gens du milieu
devraient communiquer davantage porte à croire que la posture de la société civile est d'encourager
cette action. Or, est-ce un sentiment partagé par tous les acteurs de la sphère de la société civile?

La réponse semble positive, car tous les répondants de la société civile parlent à l'unisson en croyant
en la nécessité de la communication et de l'interaction entre les acteurs du lac Saint-Pierre. Selon

eux, les qualités émergentes de cette catégorie sont d'encourager le changement, la discussion, la
62

connaissance, la compréhension, la prise de position et la vision commune.

5.e.s La communication est le premier pas du changement. Faire un projet tout seul, ça ne change rien. La
reconnaissance du travail des autres est importante et, pour y arriver, les acteurs doivent se parler et
échanger, même si ce n'est pas toujours évident.

5.e.1 Les gens qui s'impliquent sont des « leaders» [... ) et ont un rôle de diffusion dans leur milieu. Cela crée
un réseau, un bouche-à-oreille qui permet le changement et la discussion. La connaissance c'est la base
du changement positif. Quand on connaît, on peut agir.

5.CA Quand tout le monde va dans le même sens, ça avance beaucoup plus vite. Il y a une cohérence.

Malgré le consensus perceptible quant à l'importance accordée à la communication et à l'interaction,


leur effectivité est déficiente. Selon les acteurs rencontrés, les interactions sont, certes, plus

fréquentes qu'auparavant, mais des lacunes sont manifestes alors que le manque de ressources

bloque le processus communicationnel au lac Saint-Pierre (S.e.l). De surcroît, plusieurs acteurs ont

également soulevé que la volonté fait peut-être défaut:

5.e.3 La communication du savoir est devenue dans la culture des gens. [... ] [Mais] la réalité, c'est que les gens
travaillent en silo. Les gens ont peur de se faire voler le crédit sur des données qu'ils ont obtenues. Ce
n'est pas très communautaire cbmmevision.

5.e.2 Il peut y avoir des réticences ou des blocages entre certains acteurs autour du lac Saint-Pierre. Pour avoir
une certaine stratégie globale, il ne faut pas oublier qu'il y a des gens en amont - Grands Lacs - et il y a
beaucoup de paramètres - transport fluvial, pêche commerciale, etc.

Le dernier commentaire soulève la multiplicité d'acteurs et d'usages au lac Saint-Pierre, laquelle, tel

que mentionné au chapitre 3, porte à considérer ce secteur comme un « espace socio-économico­


politique» (Berestovoy, 2007). D'ailleurs, le répondant cité ci-dessus n'est pas le seul à prendre
conscience de cette caractéristique qui a des répercussions dans le milieu. Les entretiens ont permis

de relever que les acteurs de la société civile, puisqu'ils croient en l'importance d'augmenter la

communication et l'interaction et en raison de cet espace particulier, ont besoin qu'une vision

commune se développe au lac Saint-Pierre.

S.CA Le lac Saint-Pierre n'a jamais été vu comme une entité, il n'y a pas de vision globale et intégrée [... ] Faire
du lac Saint-Pierre une entité augmenterait les outils et l'échange d'information pour faire un plan
d'action proactif et arrêter d'être à la remorque des problèmes.
63

S.C3 Il devrait y avoir une plus grande centralisation [des acteurs] pour ne pas dédoubler les actions, ainsi
l'impact de la communication serait plus grand.

Ainsi, que ce soit en raison des changements climatiques ou pour tout dossier ou enjeu touchant le

lac Saint-Pierre, les acteurs de la société civile croient que l'information doit circuler plus librement

afin de rehausser la vision commune, cesser le dédoublement d'actions et augmenter la prise en

considération de ces problématiques.

S.C6 Un Réseau de veille sur les changements climaliques, comme le Réseau de veille en tourisme de l'UQÀM,
pourrait être créé pour que l'information soit diffusée. [... ] Tout le monde devra y participer. [... ] Les
acteurs [auraient] accès à ce réseau de veille et le rediffuse[rait] à son réseau. Cela ne serait pas un
doublon de ce qui se fait déjà, mais permettrait de regrouper les données et actions existantes.

Enfin, malgré le dédoublement des actions et les manques de ressources, de volonté ou de vision

commune confirmés par les entretiens avec les acteurs de la société civile, ces derniers ont relevé des

avenues possibles afin de rehausser l'effectivité de la communication et de l'interaction. Il a déjà été

observé que pour ces acteurs, l'interaction et la communication permettent le changement, la

discussion, la connaissance, la compréhension, la prise de position, la vision commune, ce à quoi il est

à présent possible d'y ajouter l'adaptation. De fait, tous les acteurs ont mentionné que les
connaissances doivent être accessibles pour contribuer à la sauvegarde du lac Saint-Pierre ou pour
que l'adaptation aux changements climatiques soit efficiente.

S.C6 L'information doit circuler plus rapidement. Si l'information se rend à tous les acteurs, on va pouvoir
s'adapter [aux changements climatiques] plus rapidement.

S.CS Si l'information véridique était là, on pourrait s'adapter, on pourrait répondre aux questions que l'on se
fait poser. C'est important de savoir que les actions posées aujourd'hui sont compatibles avec demain.

S.C1 [Un) point central, un noyau d'acquisition et de partage de connaissances, (... ] c'est une opportunité de
réunir tous les intéressés dans ce défi collectif qu'est la sauvegarde et la mise en valeur du lac Saint­
Pierre.

4.1.5 L'interaction réelle ou observée avec la sphère de la société civile et le rôle qui lui est accordé
Les entretiens ont permis de constater que les acteurs de la société civile considèrent leur sphère au

premier plan dans la planification et dans la prise de décision « car cette sphère côtoie le lac Saint­

Pierre au quotidien» (S.C.2).


64

5.C.1 La société civile ce sont les acteurs privilégiés de la planification et du plan d'action à élaborer. (... 1 Une
municipalité est aussi forte que ses citoyens.

5.C.6 Le lac Saint-Pierre est le plus protégé, mais le moins connu, car les acteurs de la société civile font des
actions concrètes et non des coups d'éclat.

Ils considèrent aussi qu'ils travaillent avec et pour la communauté, sans quoi ils ne seraient pas des

acteurs de la société civile. Ils permettent d'augmenter les connaissances et font des actions pour

améliorer la situation au lac Saint-Pierre.

5.C.S Il faut rendre le lac Saint-Pierre à la communauté. [... ] Les organismes locaux servent à alimenter la
discussion (et à] donner de l'information pour que les gens sachent quoi faire.

Malgré des « objectifs vertueux)} et une présence importante, les acteurs de la société civile et les

organismes qu'ils représentent conviennent que leur collaboration, leur concertation ou leur

partenariat fait souvent défaut (S.C.3). Que ce soit au niveau des actions qui sont trop souvent

dédoublées, de la compétition pour l'obtention de financement ou de l'information qu'ils ne se

partagent pas, les acteurs de la société civile reconnaissent qu'ils doivent améliorer ou se défaire de

ces lacunes.

5.C.3 Je refuse cette vision de territorialité, il faut opter pour la mise en commun des ressources et expertises
des différents organismes.

5.C.S Plusieurs organismes retiennent l'information, mais pour améliorer le lac Saint-Pierre il faut partager.

5.C.6 ILes organismes) doivent faire un retour à la collectivité, donc [ils) s'abreuvent prioritairement aux
[autres) organismes locaux. C'est une banque de données essentielle.

4.1.6 L'interaction réelle ou observée avec la sphère du politique et le rôle qui lui est accordé
Six constats similaires et mitigés, plus que contradictoires, s'imposent dans l'interaction des acteurs

de la société civile avec le politique. De façon générale, les acteurs rencontrés croient que le politique

a un important rôle à jouer dans l'espace public et, particulièrement, avec la société civile. Toutefois,

certaines conditions s'appliquent ou certaines améliorations sont encore nécessaires pour que cette

interrelation soit à son mieux.


65

Premièrement, alors que la sphère politique est appelée à s'impliquer dans les dossiers du lac Saint­

Pierre, les acteurs de la société civile indiquent que le politique doit « continuellement être

sensibilisé» et doit faire preuve de « volonté [... ] pour que les choses changent» (S.CA; S.C.3). Or,

certains acteurs de la société civile ont évoqué que le politique a une lourde tâche:

S.e.s Ils [les élus] en ont plein les bras. Sans une problématique précise et concrète, ils ne peuvent pas faire
grand-chose.

De surcroît, ils ont aussi souligné que le politique n'est pas le seul maître d'œuvre de la prise de

décision:

S.e.S C'est important d'avoir un discours uniforme au lac Saint-Pierre. [... ) Sans un même discours [entre les
acteurs) comment les élus peuvent décider?

Cette citation ouvre la voie au deuxième constat qui permet de souligner que l'interaction avec le

politique permet d'avoir une vision commune et que la relation société civile/politique s'améliore. À

la question « Quelle est votre perception de la participation et de l'interaction des élus, des paliers

gouvernementaux et des institutions avec les acteurs de la société civile au lac Saint-Pierre? », un des

répondants a indiqué:

S.e.6 Ça évolue énormément. [... ] Aujourd'hui, le politique doit travailler avec la société civile par la
consultation et la concertation. La politique municipale, par exemple, en est une de proximité. On ne doit
donc pas se parler de la même manière. L'élu doit consulter, car il est connu et provient souvent de la
société civile.

Si avec les élus locaux cette relation s'améliore et évolue, les acteurs de la société civile ont, comme

troisième constat, conscience que ce processus est encore trop souvent paralysé par les différents

paliers politiques:

S.e.4 Lors des projets, les acteurs de la société civile doivent s'arrimer avec le politique, avec les fonctionnaires
des régions. C'est au niveau politique provincial et fédéral que ça peut bloquer.

S.e.1 Une des seules difficultés, c'est l'arrimage entre les différents outils de planification territoriale qui
existent.

Quatrièmement, les acteurs de la société civile soulignent que le politique n'a d'autre choix que de

s'impliquer au lac Saint-Pierre en raison de son importance pour la collectivité:


66

S.C.3 La prise en considération du politique est nécessaire, car l'opinion publique est forte et a de l'influence
sur les sujets dont doivent s'occuper les élus. Aussi, le lac Saint-Pierre est un joyau environnemental ce
qui contribue à augmenter la prise en compte des élus.

La cinquième constatation révèle que malgré des « décisions politiques qui ne se prennent pas ou qui

se prennent trop tard» et une certaine « méconnaissance des enjeux du lac Saint·Pierre», le

politique a un rôle important dans la gestion et la prise de décision en raison des changements

climatiques et du besoin de s'y adapter (S.e.4 ; S.e.l). Les acteurs de la société civile expliquent

d'ailleurs que leur interaction avec le politique permettra de meilleures décisions d'adaptation:

S.C.3 Le politique, du provincial au local en passant par le régional, est source d'information pour les
changements climatiques.

S.C.2 Il faut intégrer tous les phénomènes pour vulgariser et décider avec le politique.

Enfin, certains acteurs de la société civile indiquent que le politique a avantage à « se positionner au

niveau scientifique, car il a besoin de ces informations pour agir» et à changer sa tactique

d'information (S.e.l) :

S.C.S Les grosses publicités globales ne fonctionnent pas. Si l'information était transmise aux organismes
locaux, ils pourraient l'adapter aux gens de la place.

4.1.7 L'interaction réelle ou observée avec la sphère des médias et le rôle qui lui est accordé

Les acteurs de la société civile s'accordent pour dire que les médias du secteur du lac Saint-Pierre,

comme les journaux hebdomadaires et quotidiens, la télévision et la radio locales, sont des vecteurs

de l'information, de la sensibilisation et du changement de comportement pour la population (S.e.4 ;

S.C.S; S.e.6). C'est donc dans cette optique que les personnes rencontrées sont enclines à interagir

avec les médias du secteur, que ce soit par des entrevues, des chroniques et l'envoi de communiqués

de presse.

S.C.S On se fait appeler quand les médias ont besoin d'une information, d'une confirmation ou d'une opinion
sur le lac.

S.C.6 On nourrit les médias et vice-versa. IL'organisme) se fait demander son opinion sur plusieurs sujets et ça
arrive de plus en plus souvent.
67

De surcroît, les acteurs croient que la diffusion des activités du lac Saint-Pierre et des organismes de

la société civile dans les médias contribue à hausser le sentiment d'appartenance au lac et à motiver

la population (S.C2),

5.C.3 Lorsqu'ils [les médias] diffusent les activités [des organismes] ou sur l'environnement en général, ça
rayonne sur tous les acteurs concernés par le lac et ça cristallise l'action collective.

5.C.5 S'il Y a des problèmes, les médias en parlent! Par exemple, la rive nord a été entièrement nettoyée l'an
passé et cette année, il y avait à nouveau plein de déchets, [",] Les médias [.,,] ont diffusé [cette
information] et les gens se sont mobilisés pour aller tout nettoyer,

Enfin, seul bémol au tableau médiatique, les acteurs de la société civile notent qu'ils sont « trop rares

dans la région» (S,Cl), que l'écoute des médias est parfois conditionnelle à l'achat d'encarts

publicitaires et que leurs propos « sont plus ou moins bien rapportés, Ça ne les dérange pas toujours

de nous piéger» (S,CS). Le mot d'ordre semble donc d'être « très parcimonieux dans l'utilisation des

médias afin de seulement être présent quand c'est pertinent» (S.C1).

4.1.8 L'interaction réelle ou observée avec la sphère de la science et le rôle qui lui est accordé

La science et son savoir ont droit à une com idération des acteurs de la société civile. Ceux-ci

attribuent aux scientifiques universitaires et gouvernementaux des caractéristiques implicites à la

prise de décision et à l'augmentation des connai~sances (S,Cl; S,C3; S,(6), D'ailleurs, la plupart des

acteurs de la société civile se servent des données gouvernementales, comme celles

d'Environnement Canada, pour en savoir plus sur les changements climatiques:

5.C.6 Les recherches scientifiques doivent être diffusées pour améliorer la connaissance et l'appropriation des
changements climatiques,

5.C.2 La communauté scientifique et universitaire est un moteur de recherche cérébral 1.. ,) [qui) permet
d'augmenter les connaissances sur les changements climatiques et l'adaptation,

Néanmoins, plusieurs obstacles à la circulation du savoir scientifique sont recensés par la société

civile:

5.C.5 Les universités sont un monde très fermé. 1.,,] Il n'y a aucun échange de données, [Les organismes
apprennent] que les universitaires travaillent sur le lac lorsqu'ils les voient sur le terrain, [",] Le lac Saint­
Pierre ne nous appartient pas, mais l'information des scientifiques serait utile. [, .. j La science a de la
place dans nos décisions, mais on doit cherche r l'information par nous-mêmes,
68

S.C.6 La recherche scientifique doit être plus présente avec la société civile. [... 1La science doit travailler avec
les élus et la société civile. il faut associer science et terrain. La prise de décision est basée sur la science
et le savoir de la société civile.

Par ailleurs, certains acteurs de la société civile notent que la controverse et la contradiction

scientifiques sur les changements climatiques sont des facteurs influençant la place que prend la

science dans leurs recherches d'informations.

S.c.s On ne sait rien! L'information est trop contradictoire. [...] Si ces informations se rendaient à nous, on
pourrait mieux juger de la situation. [... j Avant je lisais tout sur les changements climatiques, maintenant
j'ai arrêté en raison des contradictions.

4.2 Le politique

Avec sept personnes interrogées, la sphère politique est celle qui a le plus important corpus

d'entretien. Cela est dû au fait que le secteur du lac Saint-Pierre comporte six MRC et 19 villes et
2
municipalités dans un territoire de 480 km • Par ce corpus, la recherche vise à avoir un p)rtrait

politique représentatif du milieu observé. Ainsi, des acteurs impliqués dans des dossiers touchënt, en

partie ou- en totalité, 'Ie territoire 'du lac Saint-Pierre ont été rencontrés: un conseiller municipal de la

rive nord, un maire de la rive sud, quatre responsables de l'aménagement du territoire dans une

MRC, soit deux de la rive sud et deux de la rive nord, et un conseiller en développement touristique

et culturel d'un CLO situé sur la rive nord.

4.2.1 Les enjeux et les connaissances par rapport aux transformations du climat
De la prise de conscience des transformations climatiques (P.2 ; PA; P.7) à la vision alarmiste (P.3),

en passant par la confiance en la capacité d'adaptation des Hommes (P.1; P.6) et l'inquiétude en

raison des thèses contradictoires (P.S), les acteurs politiques n'ont pas tous le même regard sur les

changements climatiques et ses impacts au lac Saint-Pierre.

Certains acteurs politiques affirment que des changements sont déjà observables dans le paysage

climatique du secteur du lac Saint-Pierre et que c'est un facteur d'incertitude en raison des données

globales, différentes et difficilement applicables au lac Saint-Pierre:


69

PA Ce que je remarque surtout ce sont des périodes de précipitatiohs beaucoup plus intenses dans un
temps plus court. [... 1 Les périodes de pluie intensive ne sont plus au même moment. Avant, c'était au
printemps. Maintenant, c'est juin, juillet et août. [... ] Je ne sais pas si on peut attribuer cela aux
changements climatiques, mais on s'enligne certainement vers ça.

P.7 Je vois qu'il y a des changements dans mon quotidien: les saisons se déplacent, Est-ce que ça va avoir un
impact sur la pêche d'été et d'hiver? Ce sera à long terme qu'on pourra le dire.

Pour un des acteurs rencontrés, les changements climatiques sont source d'angoisse et de

pessimisme:

P·.3 J'assiste à des conférences sur les impacts et conséquences des changements climatiques [..,] Peu
importe ce qu'on va faire, il va y avoir des impacts, Je sais que c'est une vision alarmiste. [... J Que va-t-on
faire pour nos enfants?

D'autres sont d'avis que les changements climatiques n'affecteront pas particulièrement le lac Saint­

Pierre, car l'écosystème et les humains s'y adapteront.

P.6 Il Y a eu un régime de basses eaux que tout le monde attribuait aux changements climatiques, Pourtant,
les Autochtones ont déjà parlé qu'i l, marchaient· dans le lac Saint-Pierre, (... ] Je crois que ce sont des
fluctuations naturelles et qu'il n'y a pas de tendance claire, [.. ,J Si les niveaux d'eau sont plus hauts, il y a
aura un impact sur l'occupation du territoire [... J. Si les niveaux d'eau sont plus bas, on s'y ferait aussi [... J,

P.l Je trouve que les gens vont faire ce qu'ils ont à faire, S'il y a plus d'eau [... J et vice-versa, ce n'est pas un
gros problème. [... J L'Homme a toujours trouvé des solutions pour s'adapter à quoi que ce soit. Il va
s'adapter de la même façon aux cha ngements climatiques.

Malgré des avis mitigés sur les impacts des changements climatiques et la capacité de s'y adapter,

aucun acteur politique ne remet en cause leur existence, Or, les acteurs n'ont actuellement pas la

capacité de reconnaître ou d'attribuer les transformations du climat à ce phénomène:

P.2 En 1998, 2001 et 2006, le niveau d'eau centenaire a été atteint, ce qui est plus souvent que d'habitude,
[ ] On sait que la variation du niveau des Grands Lacs par la CMI a une influence sur le [niveau du] fleuve
[ J, Donc, est-ce dû aux variations<:limatiques ou à la CMI? Ce n'est pas prouvé.

D'emblée, les acteurs politiques font état que les changements climatiques demandent plusieurs

modifications et ajustements tant au niveau de la gestion et des pratiques que de la compréhension

de leur milieu.
70

P.3 La gestion devra être plus globale: niveaux d'eau, glaces, berges. [...]11 va falloir établir des plans d'action
avec les gouvernements. Travailler ensemble et ouvrir des horizons. Présentement, on n'en éprouve pas
le besoin, mais avec le temps peut-être.

P.7 Il faut trouver des nouvelles façons de faire, car les changements climatiques arrivent. [... ] Par exemple,
en tourisme, les saisons changent, donc les entreprises fonctionnent à plein régime en août et
septembre. Or, les étudiants sont à l'école en septembre. Le calendrier scolaire n'a pas changé. Si on
veut trouver un coupable, c'est peut-être les changements climatiques.

PA L'adaptation présupposerait un changement des pratiques comme le passage au labour semi-direct en


milieu agricole qui aiderait à améliorer l'état des cours d'eau. Mais s'adapter prend des sous et de la
volonté politique.

Par ailleurs, l'adaptation qu'impose cet enjeu a soulevé une interrogation chez un des acteurs. Ce

dernier, bien qu'il croit que l'Homme a une prédisposition à s'adapter, se demande si l'adaptation ne
remplace pas l'atténuation des changements climatiques comme la baisse des émissions des gaz à
effet de serre. Le questionnement de ce répondant souligne la part d'ombre entre les concepts

d'adaptation et d'atténuation:

P.6 L'adaptation c'est prendre pour acquis qu'il va y avoir des changements et qu'on va faire des actions
pour s'y adapter, et non les régler. C'est un peu fataliste COmme vision. Selon moi, l'aElaptation sert
"d'alibi à l'atténuation. Ça me semble un avis d'échec. Mais on n'a peut-être pas le choix de s'adapter.

4.2.2 Les intérêts, les rapports et les préoccupations envers le lac Saint-Pierre

En raison de leurs différentes fonctions, les acteurs politiques rencontrés ont tous un lien

professionnel avec le lac Saint-Pierre que ce soit par leur rôle dans l'aménagement et la gestion du

territoire, leur participation aux projets touristiques et environnementaux ou leur présence sur des

conseils d'administration des organismes de la société civile.

Considéré comme un « milieu écologique particulier, avec ses îles, et presque à l'état sauvage
domestiqué)} (P.2), le lac Saint-Pierre a un caractère distinctif qui incite les acteurs politiques à s'en
soucier. C'est dans cet esprit que ces acteurs ont mentionné plusieurs problématiques du lac et les

efforts effectués, notamment par leur sphère, pour y remédier:

P.7 La cohabitation des usages est le principal problème du lac. Malgré la reconnaissance internationale, il y
a les bateaux, la pollution, les pêcheurs commerciaux et sportifs, la plaine inondable [... ] Au moins,
depuis 10 ans, la mise en valeur du lac Saint-Pierre permet un accès plus privilégié au lac [... ] [et] de se
servir des problématiques pour modifier nos façons de faire, comme la construction sur pilotis.
71

P.3 Il Y a plusieurs problèmes: qualité eau et impact sur les habitats, sédimentation à l'embouchure des
rivières, pollution diffuse agricole, navigation commerciale qui cause l'érosion des berges sur les Îles,
stabilisat·ion des berges faite de façon incorrecte [... J. Malheureusement, les municipalités n'ont pas
nécessairement les moyens de contrôler et de sévir en raison du manque de ressources et temps.

4.2.3 Les attitudes et les sentiments


Le manque de temps et de ressources semble donc bloquer l'action politique. De plus, malgré des

préoccupations plutôt partagées, la majorité des acteurs politiques ont le sentiment qu'il y a un

manque de vision commune au lac Saint-Pierre alors que les « priorités des personnes ne sont pas les

mêmes» (P.5) et que « tout le monde fait son affaire dans son coin» (P.6). À ce sujet, un des

répondants a ajouté:

P.5 Les études et les actions ne sont pas coordonnées. On n'a pas accès à toutes les données pour agir. Pas
de données, pas d'action.

De surcroît, pour les acteurs politiques, les changements climatiques ne modifient actuellement pas

l'appropriation des enjeux du lac Saint-Pierre, et ce, en raison de ses contradictions:

P.3 Il faut connaître les impacts concrets des changements climatiques sur le lac Saint-Pierre et non
seulement globaux. Que va-t-on vivre et que peut-on faire? On doit arrêter d'avoir des informations
contradictoires. [... ] [Ensuite,] on pourra vulgariser l'information et la transmettre aux citoyens.

Un des acteurs a néanmoins suggéré une solution: il faut parler des succès du lac Saint-Pierre,

notamment par sa nomination de Réserve mondiale de la biosphère, ce qui permettrait de

« s'approprier ce lieu, cette fierté et d'augmenter le sentiment d'appartenance» (P.7).

Par ailleurs, questionnés sur leurs intérêts, utilisations, implications, rôles, préoccupations et projets

au lac Saint-Pierre, certains acteurs politiques ont mentionné avoir également un rapport affectif

envers le lac (P.l; P.5; P.7) ce qui montre que l'affection pour le lac Saint-Pierre est aussi synonyme

de préoccupation.
72

4.2.4 La communication et l'interaction souhaitées entre les acteurs du lac Saint"-Pierre


Quelques-unes des précédentes citations ouvrent la voie au besoin d'augmenter la communication et

l'interaction entre les acteurs. En principe, aucun des acteurs politiques ne s'oppose à une

communication effective et tous y voient de nombreux avantages tels que de meilleures prises de

décisions, actions, compréhension et vue d'ensemble. D'ailleurs, dans le cadre des changements

climatiques, le politique considère que l'échange d'information et le transfert des connaissances par

une communication et une interaction plus poussées entre les acteurs contribuent à l'appropriation

de cet enjeu.

P.5 Si les gens ne comprennent pas le phénomène [des changements climatiques), ils ne peuvent pas réagir
correctement.

P.7 La communication c'est la pierre d'assise pour arriver à s'approprier et comprendre les enjeux
climatiques, mais il y a présentement un problème avec elle. On ne peut pas prendre tout le monde par
la main. (... ] Les gens ne sont pas tous au même niveau, alors comment s'approprier l'enjeu? Pour y
arriver, les ressources doivent être disponibles pour tous.

La dernière citation souligne l'inefficacité actuelle de la communication entre les acteurs du lac Saint­

Pierre, une constatation partagée par quelques répondants de la sphère politique.

P.6 La communication entre tous les acteurs est la seule façon d'avoir une vue d'ensemble et une vision
globale. [... ] Actuellement, cette communication n'est pas assez effective.

P.7 Il ya un problème de communication et de désinformation. Ça part de tous bords, tous côtés et on se


perd. Les gens, les ministères, etc. ne se consultent pas et ne savent donc pas ce que les autres font.

Contrairement aux problèmes communicationnels répertoriés par plusieurs, trois acteurs politiques

déclarent qu'un réseau informel de communication existe déjà (P.l; P.2; PA) :

PA Les acteurs du milieu [ ) sont en mesure de trouver rapidement les données, les informations ~t les
personnes ressources. [ ] Les informations sont disponibles et le réseau est déjà pas mal en place. [...)
L'information peut aller se chercher dans les médias, les journaux scientifiques, les universités ou lors de
conférences. [... ] Certains ont besoin d'avoir un endroit précis où tout trouver, moi je suis plus du genre à
aller chercher mes informations moi-même. Je trouve que certaines personnes n'osent pas assez

Enfin, tous les acteurs politiques ont interrogé la pertinence d'un réseau, d'une entité ou d'une

structure de communication formel ou informel. Certains, comme celui cité ci-dessus, ayant déjà

développé des liens avec les acteurs du territoire doutent que ce soit un besoin ou croient qu'une
73

« entité formelle serait peut-être un fardeau administratif de plus» (P.l), D'autres sont d'avis

contraire et émettent quelques propositions;

P.3 Il faut établir un répertoire ou un espace où mettre les informations et connaissances des acteurs, [.. ,] Il
ne faut pas seulement un outil ou un répertoire, mais l'organisme ou l'organisateur de cet espace doit
aussi réunir les acteurs pour que ça ne reste pas sur la tablette de "l'espace communicationnel",

P.5 Un réseau doit exister non seulement pour le lac Saint-Pierre, mais aussi pour le fleuve. Il faut un budget
et une volonté politique. (... ] Il faut que le gouvernement pousse pour y arriver. On a besoin d'une
structure pour que tout le monde ait accès à l'information.

4.2.5 L'interaction réelle ou observée avec la sphère de la société civile et le rôle qui lui est accordé
En raison de leurs obligations politiques et professionnelles, mais souvent aussi par intérêt, les

acteurs rencontrés siègent, participent ou interagissent avec les comités de la société civile au lac

Saint-Pierre, notamment les OBV, le comité ZIP, l'AFC, la Réserve de la biosphère et la SARCEL.

Généralement, le politique accorde à la société civile un rôle dans la sensibilisation, la création de


projets et l'émergence d'idées nouvelles:

P.l Ce sont des gardiens du patrimoine, ils sont là pour apporter des solutions à certains problèmes. Par
exemple, les OBV sont là pour demander et suggérer aux agriculteurs de cultiver différemment ou de
laisser une bande riveraine pour avoir moins d'impacts sur le cours d'eau.

P.3 Les utilisateurs du milieu sont le plus au courant de ce qui se passe et de ce qui doit se faire. Les élus
demeurent les décideurs, mais ils ne sont pas toujours au courant de ce qui se passe et ont besoin de la
société civile pour être éclairés.

En effet, la plupart des acteurs rencontrés considèrent que l'interaction et la collaboration entre le

politique et la société civile sont nécessaires dans la réalisation de plusieurs défis;

P.l Les acteurs de la société civile ont un rôle important à jouer avec le politique, car souvent les solutions
amenées par les organismes seront rendues effectives par le politique.

Il Y a aussi une prise de conscience sur le caractère informatif et averti de la société civile qui influe

sur la prise de décision politique:

P.2 Parfois, ces acteurs aident à allumer l'étincelle nécessaire pour partir le mouvement et sensibiliser les
élus. Les élus n'ont pas toujours la fibre "verte".
74

P.l Le [politique] n'est pas le seul porteur des projets, on doit s'asseoir avec les gens. [... ] Les élus ont le
sentiment de supériorité, car ils ont le mandat de la population. Mais la société civile a sa place et doit la
prendre, car elle représente des secteurs importants.

Néanmoins, à la question « Quelle est votre opinion sur la participation des acteurs de la société

civile (organismes, OSBL, comités) dans les décisions politiques touchant le lac Saint-Pierre? ), des

réserves sur cette interaction sont émises:

P.l Ce n'est pas toujours évident de concilier tous ces acteurs, car ils n'ont pas les mêmes ressources et
poids politique. C'est souvent à deux vitesses.

Faute de moyens et de ressources, le poids des acteurs de la société civile peut être moindre à celui

de la sphère politique. D'ailleurs, pour un des répondants (P.SJ, seul un budget plus élevé permettra à

la société civile de contribuer à la connaissance sur les changements climatiques. Actuellement, elle

ne peut pas faire cette action en plus de toutes celles déjà effectuées.

4.2.6 L'interaction réelle ou observée avec la sphère du politique et le rôle qui lui est accordé
Les acteurs politiques rencontrés provrennent du palier municipal. Or, bien qu'il soit simple d'inclure

le conseiller et le maire interrogés dans ce palier politique, une confusion est possible quant à la

catégorisation des cinq autres personnes du corpus politique. Officiellement, les quatre responsables

de l'aménagement du territoire dans une MRC et le conseiller en développement touristique et

culturel d'un CLD font également partie du palier politique municipal. « Une MRC regroupe toutes les

municipalités d'un même territoire d'appartenance formant une entité administrative qui est une

municipalité au sens que l'entend la Loi sur l'organisation territoriale municipale )) (MAMROT, 2010).

De fait, les MRC sont une création du gouvernement du Québec et relèvent du MAMROT et les CLD

sont mandatés par les MRC (MAMROT, 2010). Bien que les MRC et les CLD regroupent les acteurs

locaux et les municipalités d'un même territoire et ont des similitudes avec l'esprit d'une table de

concertation, ils sont tout de même inclus dans le palier politique (MAMROT, 2010). Au sein même

des acteurs politiques rencontrés, l'idée que ces acteurs font partie d'un palier politique dit

« régional» se répercute. Les acteurs politiques interrogés font une distinction entre les acteurs

politiques du palier municipal, soit les élus, les acteurs politiques régionaux, c'est-à-dire les employés
75

des MRC et des CLO et les acteurs politiques des paliers provinciaux et fédéraux. D'ailleurs, les cinq

acteurs relevant du palier « régional» ressentent le besoin de sensibiliser ou de convaincre les élus,

donc les acteurs politiques du palier « municipal» :

P.3 C'est important de s'informer, mais c'est difficile de porter le message aux élus. Si eux n'ont pas la
capacité de comprendre et d'appliquer les gestes à poser, ce n'est pas plus avancé. Ils ne sont pas
réellement sensibilisés à ces problématiques [de changements climatiques et d'environnement].

Ce problème de compréhension des enjeux environnementaux par le politique joue également sur le

rôle que prennent les différents paliers dans l'appropriation et la prise de décision des changements

climatiques. Les acteurs politiques rencontrés croient alors que la présence des différents échelons

politiques doit être augmentée:

P.l Le politique prend sa place, mais leur implication directe pourrait être améliorée. Tous les paliers
devraient être plus présents. Le provincial est parfois là pour mettre des bâtons dans les roues du
municipal, car ils ont une réglementation à faire respecter.

P.5 On a une bonne collaboration avec les ministères, mais les maires du coin se mettent ensemble pour
avoir de l'influence sur les décisions politiques gouvernementales.

P.2 Avant, le ministère de l'Environnement du Canada était très présent. Il avait fait un plan directeur du lac
Saint-Pierre. [... ) On sent le ministère moins présent. Ce sont plus des organismes cellules, comme
Stratégies Saint-Laurent, qui prennent la relève des ministères.

Enfin, selon les acteurs politiques de ce corpus, le politique doit faire preuve de volonté (P.I ; P.3 ;

PA; P.5 ; P.7). C'est donc par leur présence plus importante et par l'augmentation de leur propre

compréhension que la sphère politique va mobiliser la société et leur faire comprendre les enjeux

climatiques et le besoin de s'adapter. Ainsi, à la question « Comment percevez-vous le rôle des


acteurs politiques du lac Saint-Pierre dans l'adaptation aux changements climatiques? », ces acteurs

ont, notamment, répondu:

P.4 Le politique doit informer les gens, leur communiquer l'information sur les périodes de pluie plus
intenses, l'érosion, les dommages, les mesures à prendre [... J. S'il n'y avait pas la loi, les agriculteurs
cultiveraient encore dans les cours d'eau malgré les effets pervers des changements climatiques. [... )
Quand il y a des changements à faire comme les bandes riveraines, le politique évoque les effets
concrets (érosion, etc.) et non pas les changements climatiques, car ça ne sert à rien.

P.7 Tout le politique va faire changer les choses. Le politique doit être convaincu du rôle qu'il a à jouer pour
agir, et ce n'est pas encore fait. Il doit initier les démarches.
76

4.2.7 L'interaction réelle ou observée avec la sphère des médias et le rôle qui lui est accordé
Pour plusieurs acteurs politiques, les médias nationaux sont utiles pour connaître les changements

climatiques et ses impacts globaux (P.l; P.2; P.6; P.7):

P.l Ce que je sais sur les changements climatiques, c'est ce qui est véhiculé dans les médias [... ] Je suis
certains reportages à la télévision sur le réchauffement de la planète, par exemple à Découverte.

Or, aucun acteur politique n'a mentionné les médias locaux comme source d'information sur les

changements climatiques sur le lac Saint-Pierre. De fait, même l'utilisation des médias locaux, comme

les lire et les écouter, leur envoyer des communiqués de presse et des lettres ouvertes ou leur

accorder une entrevue est rarement dans le mandat des acteurs politiques rencontrés. La plupart le

font surtout lors de projets particuliers (P.3; PA; P.5; P.6l, mais ce n'est pas toujours

volontairement:

P.6 On fait peu d'annonces en lien avec le lac Saint-Pierre, sauf par projet. Par exemple, quand on a établi les
nouvelles zones des plaines inondables, de nouveaux citoyens ont été touchés et évidemment ils
n'étaient pas contents. Ce débat-là a été couvert par les journaux locaux, mais ce n'est pas nous qui
avions pris les devants pour l'annoncer dans les médias.

D'autres acteurs politiques ont une relation étroite avec les médias locaux (P.2 ;PA; P.7) :

P.2 On envoie des communiqués et on fait des conférences de presse pour faire connaître nos actions. [... )
Les médias sont très présents et il y a de bons échanges dans tes deux sens.

PA Deux journaux régionaux font un suivi quand il y a un point d'information sur le lac Saint-Pierre. Les
médias me contactent et je donne des entrevues pour sensibiliser les gens.

L'utilisation des médias locaux n'est donc pas homogène. Cela est sans doute accentué par un regard

mitigé de la sphère politique envers ces médias locaux. Certains acteurs considèrent que les médias

diffusent peu d'information sur le lac Saint-Pierre ou des nouvelles qui ne sont pas pertinentes pour

leurs activités (P.l; P.5; P.6).

P.l .le trouve qu'il n'y a pas beaucoup de choses qui sont dites sur le lac Saint-Pierre alors qu'il est une
richesse pour la société. Il a été classé comme Réserve mondiale de l'UNESCO et on en parle très peu.
Peut-être qu'il ne se passe pas assez de choses pour que les médias en parlent.
77

Malgré que les acteurs politiques ne priorisent pas l'utilisation des médias dans leur travail, certains

croient que les médias demeurent une source d'information non négligeable:

P.3 Parfois, il ya des choses qui se passent dont on n'est pas au courant comme la recherche universitaire.
Les médias qui en parlent allument une lumière pour qu'on aille chercher des données de plus.

P.7 Les médias sont la source d'information première sur le lac Saint-Pierre, même s'ils parlent plus des côtés
négatifs que positifs. Je vois les projets qui se font autour du lac Saint-Pierre dans les médias.

Enfin, l'acteur politique de la précédente citation mentionne des problématiques propres à la région

qui ont un impact sur le regard porté aux médias locaux:

P.7 Nous avons un média principal à Trois-Rivières, Le Nouvelliste, mais puisque c'est un journal régional, le
territoire est trop grand et les milieux ruraux sont moins couverts. Et on a un autre média important,
mais lui c'est un hebdomadaire dont la rentabilité est due à la publicité. Si tu achètes de la publicité, on
va te couvrir.

4.2.8 L'interaction réelle ou observée avec la sphère de la science et le rôle qui lui est accordé
Selon les acteurs politiques, la science universitaire et gouvernementale devrait être la source

d'information principale autant pour les changements climatiques présents et à venir que pour la

prise de décision quant à la protection du lac Saint-Pierre.

P.l La science doit être la première sphère à être consultée et à être écoutée pour augmenter les
conhaissances sur les changements climatiques.

P.4 Toutes les décisions sont prises selon les connaissances scientifiques. Les mesures de protection et de
mitigation [...) sont faites en accord avec les données scientifiques.

Du coup, la collaboration avec différents scientifiques des ministères (MDDEP, MRNF, MAMROT,

Sécurité civile, Environnement Canada) et Ouranos permet aux acteurs politiques rencontrés

d'acquérir les données scientifiques et de la connaissance sur le territoire (PA; P.6). Certains ont

également mentionné que les recherches universitaires, si elles sont vulgarisées, sont utiles à leur

compréhension, mais l'accès à ces données est actuellement difficile.

P.2 Les scientifiques universitaires, ce sont souvent eux qui ont l'information pertinente sur l'état du lac
Saint-Pierre. [...) Quand les scientifiques veulent partager leur savoir, ils nous trouvent assez facilement.
Mais quand c'est nous qui avons besoin de données, le bon contact est plus difficile à trouver.
78

P.3 On n'a pas de contact direct avec les universités. Ce que je cherche à savoir c'est quels impacts ont
l'utilisation du territoire, donc de vulgariser pour la population. 1... ) De savoir ce qui se fait pourrait être
utile, sans avoir automatiquement une conférence ou un article scientifiques. Juste savoir et y avoir
accès au besoin serait bien.

P.6 L'UQTR pourrait être une source d'information, mais les liens sont si rares [... ] présentement.

Les acteurs politiques ont mentionné plusieurs besoins afin que l'interaction entre le politique et la

science soit plus efficace et pour que les données scientifiques soient comprises par toutes les

sphères d'acteurs. Sans cette compréhension des informations scientifiques, l'application sur le

terrain est compromise et l'acceptabilité sociale et politique n'est pas certaine:

P.6 [La science permet) d'acquérir de la connaissance sur le territoire. [... ) Mais l'application des
connaissances scientifiques dans le schéma d'aménagement d'un territoire ne se traduit pas toujours sur
le terrain et dans les décisions politiques. Par exemple, avec l'augmentation de la plaine inondable et les
mesures de protection des berges, on peut avoir de la résistance politique et citoyenne.

4.3 Les médias

Du côté médiatique, trois journalistes ont été interviewés, ce qui en fait la sphère d'acteurs au plus

.. petit 'corpus d'entretien, tout en étant représentatif du système analysé. De fait, le choix des

journalistes a été fait en raison de leur affectation aux dossiers touchant le lac Saint-Pierre. Les

journalistes rencontrés proviennent de médias traditionnels, car ces médias couvrent en partie ou en

totalité le secteur du terrain de recherche, soit un journal et une radio de Trois-Rivières et une radio

de la rive sud du lac.

4.3.1 Les enjeux et les connaissances par rapport aux transformations du climat
Dans la sphère médiatique, la connaissance sur les enjeux climatiques n'est pas homogène en raison

de leurs différents moyens d'acquisition de l'information:

M.l Je suis un journaliste généraliste. On manque de temps, ce qui est parfois une frustration. Les manques
financiers nous empêchent d'avoir des spécialités et d'aller un peu plus au fin fond des choses.

M.2 Une radio ou une télé où il y a deux journalistes et qu'il ya quatre ou cinq conférences de presse au
même moment, ils ne peuvent pas tout faire. Ce ne sont pas les mêmes moyens dans tous les médias.
79

C'est donc avec des moyens plus ou moins limités que les médias du lac Saint-Pierre construisent leur

savoir sur les changements climatiques. Pour les enjeux propres au lac Saint-Pierre, cela engendre un

certain niveau d'incertitude et de questionnement:

M.l Je ne sais pas si on peut faire un lien avec les changements climatiques, mais je me souviens de cas
d'inondations plus marquées que d'habitude. Mais on dit souvent que ce sont des cycles naturels. [... ] J'ai
une crainte quant aux niveaux d'eau, mais il y a un amalgame de facteurs dont je ne saisis pas toute la
teneur. La régulation des niveaux d'eau par la CMI peut avoir un impact sur les niveaux du lac.

M.2 Avec la question des changements climatiques, est-ce qu'on va pouvoir avoir assez d'eau? Va-t-on
assister à un assèchement des zones d'approvisionnement des Grands Lacs? Est-ce que le niveau des
Grands Lacs va changer et que ça va avoir un impact sur le fleuve et le lac Saint-Pierre? [... ] Mais pour
l'instant, malgré les changements climatiques ça a l'air d'être encore dans des cycles habituels. Il ne faut
pas s'étonner que ça baisse ou ça monte.

Par contre, leur connaissance est plus élevée en ce qui a trait aux changements climatiques globaux.

D'ailleurs, leur discours et les articles ou nouvelles qu'ils transmettent à la population sont empreints
par ce qui est véhiculé dans les médias nationaux ou dans les grands traités internationaux.

M.3 J'associe les changements climatiques à la couche d'ozone, aux gaz à effet de serre, au réchauffement
climatique, à l'assèchement, au changement de climat et des saisons et à une nuisance pour les animaux,
les plantes et les écosystèmes.

M.l La pollution atmosphérique crée des gaz à effet de serre ce qui contribue à emprisonner la chaleur dans
l'atmosphère. Il y a un débalancement un peu partout sur la planète. Cette pollution atmosphérique
cause des phénomènes environnementaux ou climatiques qui sont en dehors des cycles naturels. Il y a
aussi une imprévisibilité des phénomènes.

Fait intéressant à relever, un des acteurs rencontrés se dit à contre-courant du schème de pensée
actuel sur les changements climatiques:

M.2 Je ne crois pas au réchauffement climatique d'origine anthropique. Je sais qu'il y a des changements
climatiques et c'est facile à observer par les précipitations, les écarts de température, les changements
brusques et fréquents du climat. [... ] Des gens croient au réchauffement d'origine humaine et d'autres
n'y croient pas pour certaines raisons. Le problème avec cette question c'est que les changements
climatiques peuvent être multifactoriels, donc d'origine humaine [seulement] en partie. [... ] Il y a un
nombre important de chercheurs qui [... ] parlent librement et qui croient que les changements
climatiques sont dus à une multitude de facteurs: déboisement, soleil, et non pas seulement C02 et
voiture.
80

Cet acteur conteste donc le discours dominant sur les changements climatiques, car il ne donnerait

pas la parole à une diversité d'acteurs. Pour lui, les «grandes gueules» (M.2) ont pris d'assaut

l'espace médiatique et, généralement, les journalistes ne font pas leur travail de vérification ou de

vulgarisation pour que le public ait accès à une information plurielle.

M.2 Trop de journalistes n'ont pas l'esprit critique et ne s'intéressent pas aux dossiers, donc ils gobent
n'importe quoi. Ils se disent que si l'individu a un doctorat ce qu'il dit doit être vrai. [... ] C'est pour ça que
ce qu'on entend [... ] c'est la théorie du réchauffement d'origine anthropique et ça a rentré dans la tête
du monde. [... ] Les grandes gueules sont écoutées et les gens se font une opinion à partir de ça et parfois
ils sont menés à des mauvais endroits. Il faut être plus diversifié dans les discours.

Ces différentes perceptions ponctuent la couverture accordée aux changements climatiques dans les

médias du lac Saint-Pierre. Néanmoins, qu'ils soient d'origine anthropique ou non, les acteurs

médiatiques consentent que les changements climatiques demandent un degré de réponse ou

d'adaptation.

M.3 L'adaptation c'est l'humain qui change sa façon d'être, qui s'adapte à la situation climatique qui change.
Il faut voir ce qui a été fait par le passé et ce qui devrait être fait par rapport à ces changements. [... ]Pour
rendre viable le lac Saint-Pierre, il va falloir changer les façons de faire. L'humain n'est pas la finalité de
tout, il faut modifier son rapport à l'environnement pour être capable, nous-mêmes, de survivre.

M.2 C'est sûr que c'est difficile de savoir ce qui va arriver, car personne ne s'entend sur les prédictions. On a
beaucoup d'information, peut-être même trop, et c'est très difficile de dire « voici ce qui va se passer ».
[... ] On se prépare à un réchauffement, mais si ça gèle? Je crois qu'on devrait envisager les deux
scénarios aussi sérieusement l'un que l'autre.

4.3.2 Les intérêts, les rapports et les préoccupations envers le lac Saint-Pierre

Les acteurs médiatiques, contrairement à la science ou à la société civile, ne choisissent pas

réellement de s'intéresser au lac Saint-Pierre. En raison de la nature de leur travail, ils font la

couverture médiatique du lac, car ce dernier se trouve « sur leur territoire» (M.2) ou en raiscn de

communiqués, d'événements ou d'annonces (M.3). Ce constat sous-tend que cette sphère d'acteurs

ait un « champ d'intérêt» (1Vl.2) ou un rapport professionnel plus que personnel avec le lac Saint-

Pierre. De plus, deux acteurs des médias sur trois ont indiqué « ne pas connaître le lac Saint-Pierre en

tant que tel» (M.3) ou ne faire« aucune utilisation du lac Saint-Pierre» (M.l).

Leurs préoccupations envers le lac Saint-Pierre n'en demeurent pas moins marquées et perceptibles,

car ils ont tous certaines connaissances des enjeux concernant ce lac présent sur leur territoire.
81

D'ailleurs, un acteur a énuméré les nombreuses raisons pour lesquelles il est nécessaire de se soucier

du lac Saint-Pierre:

M.2 Le lac Saint-Pierre nous connecte aux Grands Lacs, donc il fait partie de cette problématique de la
pollution du fleuve. [... ] Ce qui est dommage, c'est que le lac Saint-Pierre est un endroit extrêmement
sensible par rapport aux autres zones du fleuve. C'est un lieu particulier: nombreuses îles, zones
inondées [... j plantes et animaux qui ont besoin de ces écosystèmes et quand c'est pollué, on perd de
nombreuses espèces. Il ya des problèmes de malformations (... ], la baisse de la perchaude [... lles obus,
le rejet des industries à Sorel, le rejet des égouts [... j.

Par contre, les succès semblent avoir un écho plus puissant que les problématiques.

M.l Je suis conscient que c'est un écosystème important: c'est une Réserve mondiale de la biosphère, tout
changement ou perte d'espèces animales a un impact sur l'écosystème [... j On entend souvent parler des
espèces envahissantes, introduites par la navigation, qui sont des menaces pour d'autres espèces
animales. Et il y a la pollution. Mais je ne peux pas dire s'il est en très mauvais état ou non. Est-on à
l'étape des actions particulières pour arrêter sa dégradation? Je n'en ai aucune idée.

M.3 Il y a eu une prise de conscience des problèmes et les gens en ont fait un attrait touristique et une
Réserve mondiale de la biosphère.

4.3.3 Les attitudes et les sentiments


Les deux précédentes citations rappellent que le lac Saint-Pierre a été désigné Réserve mondiale de la

biosphère. Cette constatation des acteurs médiatiques fait état, comme ce fut le cas pour la société

civile, d'une attitude ou d'un sentiment. Les médias ont donc le sentiment que ce titre souligne une

prise de conscience ou une considération envers « une richesse extraordinaire qui était à nos
portes» (M.2) et qui a encouragé les gens à se poser des questions et à s'intéresser au lac Saint-
Pierre (M.2).

M.2 Juste le fait que le lac Saint-Pierre soit devenu une Réserve mondiale de la biosphère démontre une belle
volonté. Même si ça n'apporte aucune protection, c'est assez gênant d'aller polluer une réserve.

4.3.4 La communication et l'interaction souhaitées entre les acteurs du lac Saint-Pierre


La première catégorie Les enjeux et les connaissances par rapport aux transformations du climat a

démontré que les acteurs médiatiques ont une compréhension moindre ou mitigée des changements

climatiques au lac Saint-Pierre. Néanmoins, les médias admettent que l'information sur cet enjeu doit

se rendre plus facilement à eux, mais aussi à toutes les sphères de la société, car ces données sont
souvent inconnues, ce qui diminue la confiance de la population.
82

M.l L'adaptation aux changements climatiques est un concept que je ne connais pas vraiment. Je devrais me
renseigner 1...] Je crois qu'il y a un bout de chemin à faire pour comprendre de quoi il s'agit. Autant les
médias que le politique et les autres sphères doivent comprendre.

M.:! Le manque de connaissances ou d'information est à l'origine de la méfiance des gens. Ils se demandent
s'ils ne se font pas dire tout et n'importe quoi et si les données qu'ils se font dire ne sont pas financées
par quelqu'un qui a intérêt à donner cette information.

Pour les acteurs médiatiques, l'augmentation des connaissances sur les changements climatiques est

donc dépendante de la libre circulation de l'information (M.2) :

M.l Plus on en parle [des changements climatiques], plus ça conscientise et ça sensibilise positivement. Et
plus l'intérêt est piqué, plus les gens demandent de l'information sur un enjeu. C'est une roue qui tourne.

M.2 Il ne faut pas avoir juste un côté de la médaille. On doit observer les faits de façon objective. Comme
média, on donne un écho à tous les points de vue de sources sérieuses. On ne peut critiquer et favoriser
les sources. [... ] Je donne ça [au public] et ensuite il doit se faire une opinion. La connaissance c'est le
secret pour se sortir de bien des situations.

Pour ce faire, les médias suggèrent que les acteurs de tous les milieux se réunissent ou

communiquent affn de partager leurs informations et connaissances:

M.2 C'est vital que les gens se parlent. Comment le lac Saint-Pierre peut-il être sauvé si les gens ne
s'entendent pas? Il faut s'en parler, mettre des règlements en place, se sensibiliser sans se faire peur.

M.:! Les acteurs sont interreliés. [... J Tout le monde doit se mettre ensemble et aller dans la même direction.
Il faut avoir un consensus sur la façon de rendre l'information intéressante et que ça implique les gens.

Sans nécessairement nommer ce qui pourrait être créé afin de hausser ou de rendre accessibles les

données sur les changements climatiques et le besoin de s'adapter, les acteurs rencontrés croient

que chaque personne a quelque chose à offrir pour savoir ce qui fonctionne, ce qui se fait et ce qui
doit être changé (M.l; M.2; M.3).

M.2 Un espace de communication entre les acteurs peut créer une dynamique et rendre l'information
disponible plus rapidement et de façon plus complète. Les gens se posent des questions et s'intéressent
au lac Saint-Pierre, donc un espace comme ça serait utile pour tous.
83

Toutefois, les acteurs médiatiques soulèvent des problèmes techniques et de vulgarisation afin que le

message circule, soit compréhensible et soit intégré par l'ensemble de la société:

M.3 La stratégie ne doit pas être bien compliquée: mettre toutes les forces de chacun ensemble et pallier
aux faiblesses pour mettre des idées de l'avant et progresser. [... 1 Le site web peut être une avenue
intéressante, mais il a ses limites. Encore aujourd'hui plusieurs générations ne vont pas sur Internet.

M.2 C'est bien beau de vouloir s'échanger de l'information, mais la plus pertinente est scientifique et leurs
articles sont souvent très ardus à comprendre [... J. Ce qui manque ce sont des journalistes scientifiques.
S'il y avait un espace commun, les journalistes scientifiques auraient un rôle énorme à jouer pour que ça
fonctionne parce que les chercheurs ont un langage hermétique qui doit être vulgarisé.

Enfin, les acteurs rencontrés sont d'avis qu'une meilleure communication entre toutes les sphères

contribue à ce que le manque de connaissances ne motive plus l'inaction. De plus, les médias, eux­

mêmes, ont intérêt à l'encourager:

M.l Si j'avais accès à un réseau ou à un espace de communication, j'aurais intérêt à le consulter


régulièrement, que ce soit un site Internet ou autre. Ce serait une source d'information pour les médias,
mais je ne vois pas de problème à également y participer. Tout dépend de la contribution à y apporter.
Les médias doivent garder une distance dans leur implication, en raison de la nature objective de leur
travail. Notre participation doit donc être neutre, objective tout en étant citoyenne.

M.3 Les élus sont bons pour impliquer les gens et la science est bonne pour analyser la situation et trouver
des solutions, ce sont deux forces pour aller de l'avant. La même chose pour la société civile et les
médias. J'accepterais volontiers de me faire utiliser par les différents acteurs pour parler de ces enjeux.

M.2 Les médias pourraient autoriser la publication de leurs articles. Comme tous n'ont pas la même vision, ça
donnerait la vision médiatique dans cet espace de communication.

4.3.5 L'interaction réelle ou observée avec la sphère de la société civile et le rôle qui lui est accordé
Les acteurs médiatiques ont que de bons mots, ou presque, à l'endroit de la société civile qu'ils

qualifient de « chiens de garde de notre société» (M.2). La vision des médias envers la sphère de la

société civile est particulièrement positive et marquée de sensibilité et de respect (M.l). Dans le cas

du lac Saint-Pierre, ce regard est le résultat d'actions de la société civile qui interpellent les médias,

car celles-ci « occupent une bonne partie, mais non démesurée, de la couverture médiatique» (M.l).

M.2 La société civile a joué le plus grand rôle au lac pour faire avancer les dossiers, les rendre publics et les
dénoncer. [... J Ils sont une importante source d'information [... J. Même si parfois ils n'ont pas raison, on
peut alimenter les gens en information en essayant d'avoir l'autre côté de la médaille. C'est gênant pour
quelqu'un de se faire poser une question quand une personne de la société civile a sonné l'alarme. La
société civile est donc capitale, car elle est insistante et permet la protection de l'environnement.
84

Toutefois, la place que prennent les acteurs de la société civile dans les médias n'est pas contingente

au nombre ou au bien-fondé des actions qu'ils posent. Le manque de ressources des médias est une

des causes pour lesquelles la couverture médiatique de la société civile est parfois insuffisante

comparativement aux initiatives des organismes:

M.l Je suis sensible au discours des organismes. 1... ] J'aimerais en faire davantage, faire plus de couvertures,
mais ce sont les moyens qui manquent. Certaines initiatives des organismes, comme le nettoyage des
berges, pourraient être dans les médias, mais on manque d'effectif, de personnel. L'information
médiatisée sur ces organismes est donc plus générale.

De plus, puisque les acteurs de la société civile sont considérés comme des experts par les médias

(M.l; M.2l, tous les répondants consentent qu'ils doivent contribuer à rendre publiques les données

des organismes.

M.3 C'est vrai que d'en parler [des connaissances et des actions de la société civile) ça ne peut pas nuire et
que ça met aussi de la pression sur les autres acteurs pour augmenter la compréhension au lac Saint­
Pierre.

M.Z Les médias sont une roue d'engrenage, ils ont une portée que les groupes en environnement n'ont pas.
[... ] C'est peut-être pour cela que certaines personnes refusent de nous parler, car les médias savent des
choses qui ne peuvent pas faire leur affaire ou qui les empêchent d'agir. Ça court-circuite parfois, mais
- aussi ça peut les aider à agir. ­

La bonne perception des médias à l'endroit de la société civile laisse croire que les acteurs

médiatiques accordent, dans l'amélioration de la situation du lac, plus d'importance à cette sphère

qu'à leur rôle conjoint. En effet, les médias veulent bien offrir une meilleure couverture, mais ils

donnent l'imputabilité des actions et des connaissances approfondies sur le lac Saint-Pierre à la
société civile:

M.Z Des organismes ont été fondés, tant sur la rive nord que sud, pour stimuler l'intérêt envers le lac Saint­
Pierre. [... ] Ils disent que quand on met quelque chose en valeur, on est porté à y faire plus attention. Et
puisque le lac Saint-Pierre est une richesse qu'il faut mettre en valeur, ça crée un effet d'enchaînement
et les [acteurs] embarquent.

M.3 Ils font des choses au quotidien qui ne sont pas nécessairement connues, mais qui ont un impact, car ils
font un éternel combat dans leur domaine.
85

4.3.6 L'interaction réelle ou observée avec la sphère du politique et le rôle qui lui est accordé
L'interaction entre les médias et le politique semble teintée d'amertume. Les journalistes rencontrés

font état d'un recul dans leur relation, ce qui a un impact sur la circulation de l'information.

M.2 L'interaction avec le politique a déjà été mieux. Quand, comme société, on a commencé à s'intéresser au
lac Saint-Pierre [... ] je contactais les ministères et je pouvais parler aux chercheurs très librement. Avec
les années, il y a eu un resserrement au niveau des communications et les ministères ont maintenant des
agents de communication qui ne savent pas nécessairement quoi me répondre, car ce ne sont pas leur
domaine. [... ] Il Y a un contrôle de l'information et peut-être qu'il y a des choses qu'on ne sait pas.
Comme journaliste, ça me déplaît.

Selon ce même acteur, auparavant la présence politique a contribué à améliorer la situation ou, à
tout le moins, certaines situations ont permis aux élus de prendre en considération les enjeux du

lac Saint-Pierre:

M.2 À la fin des années 80, il Y a eu des efforts pour créer une association de protection du lac Saint-Pierre
qui est devenue Vision Saint-Laurent. Ça a commencé avec une préoccupation citoyenne qui a intéressé
les élus. Les élus ont eu un rôle important à jouer, mais ça commence toujours par la base ces choses-là,
des gens qui ont le goût de protéger ce qu'ils trouvent beau. Mais dans cette situation, les élus
municipaux, provinciaux et fédéraux ont embarqué.

Par ailleurs, les acteurs médiatiques notent le désintéressement actuel du politique envers les

problématiques quotidiennes ou générales du lac Saint-Pierre. Les événements ponctuels semblent

avoir une plus grande importance aux yeux du politique:

M.l Je ne sens pas que le politique est intéressé [par le lac Saint-Pierre), ce n'est pas une priorité politique.
On entend parler du lac Saint-Pierre par les organismes et non pas par le politique.

M.3 Les politiciens sont peu présents et devraient l'être plus. [... ] Ils saisissent plus les opportunités au lieu
d'être présents constamment. Ils réagissent plus que de prendre l'initiative.

Pour un des acteurs médiatiques, le manque d'intérêt du politique est, certes, problématique, mais

les médias ont leur part de responsabilité:

M.l. Je fais mon propre mea culpa, mon média les interpelle peu sur le sujet du lac Saint-Pierre. Les politiciens
font rarement des annonces sur le lac Saint-Pierre où les médias pourraient participer à cette réflexion.

Un autre des répondants accorde un important rôle aux acteurs politiques dans la protection du lac

Saint-Pierre, et ce, en raison des enjeux qui le guettent et du pouvoir d'influence de la sphère
86

politique.

M.3 Si les élus faisaient ressortir qu'ils sont des citoyens avant tout et parlent d'un enjeu comme le climat, les
autres personnes pourraient aussi y accorder de l'importance. [... ] Ils sont le reflet du pouvoir et c'est
porteur. [Par exemple], les députés provincial et fédéral, les maires et les préfets viennent faire des
chroniques [dans son média] où ils parlent des dossiers à surveiller.

4.3.7 L'interaction réelle ou observée avec la sphère des médias et le rôle qui lui est accordé

Les trois journalistes rencontrés ont foi en leur métier et s'accordent pour dire que les médias ont un

rôle essentiel dans la compréhension des enjeux de la société et, plus particulièrement dans leurs

cas, de la région du lac Saint-Pierre.

M.3 Le journalisme est un métier d'information, un service public. On doit rendre des comptes aux gens, car
ce sont les vrais patrons. Il faut savoir les satisfaire et ce sont les plus sévères critiques. Ces critiques
améliorent le journalisme et donnent l'orientation du média, car les gens savent ce qu'ils veulent.

M.l Je porte une attention particulière à l'aspect local et régional de l'information. [... ] Je crois que les
citoyens [... 1veulent des informations qui concernent leur milieu, leur quartier et leur ville.

M.Z Être journaliste, c'est s'intéresser à ce qui se passe dans notre monde. C'est raconter des choses que les
gens ne voient pas. C'est défendre l'intérêt de la population à travers ces informations.

Selon les acteurs médiatiques, « les gens accordent de l'importance aux médias, car ça permet de

rejoindre bien du monde» (M.2). Ils sont alors une des sources d'information de la société (M.l;

M.2; M.3), mais, puisqu'ils sont bien souvent des journalistes généralistes, ils s'alimentent à

l'expertise des autres acteurs pour la diffuser le mieux et le plus possible (M.l). D'ailleurs, dans la

question des changements climatiques, de l'adaptation et des enjeux environnementaux du lac Saint-

Pierre, les médias considèrent qu'ils ont un rôle majeur à jouer:

M.l Les médias ont un rôle de premier plan dans la diffusion et l'éducation sur les changements climatiques.
L'éducation se fait en créant des espaces où l'expertise dans ce domaine peut se réunir, car les médias
peuvent contribuer au canal de communication en offrant leur antenne à ces experts. Ce n'est pas aux
médias d'éduquer en tant que tel, mais plutôt en permettant la diffusion de ce savoir.

M.3 Faire une couverture médiatique est aussi important que de vulgariser. [... ] Il faut sensibiliser et
renseigner les gens. [... ] C'est notre responsabilité. Il faut « beurrer plus épais» pour augmenter la
connaissance, car tout le monde est impliqué dans l'enjeu des changements climatiques.
87

Cependant, la diffusion des informations contribuant à l'amélioration de la compréhension est

compromise par la situation de crise économique, de multiplication des médias (M.2) et de manque

d'effectif et de spécialisation (M.l; M.3).

M.2 Même s'il ya beaucoup de médias, ça ne sert pas beaucoup l'intérêt public. Il devrait peut-être y avoir
moins de médias et des plus grosses salles de nouvelles, ça ferait peut-être une meilleure couverture
médiatique. Ça prend quasiment une personne attitrée au dossier du lac Saint-Pierre.

M.l Les médias sont toujours pertinents et leur couverture médiatique est généralement bonne, mais mis à
part Le Nouvelliste, les médias du coin devraient accorder plus d'importance aux enjeux du lac Saint­
Pierre. L'intérêt de la population envers le lac est peut-être le résultat du manque de ressources, moyens
ou d'intérêt que les médias accordent à des enjeux comme les enjeux environnementaux du lac.

Ce manque de moyens et de ressources pousse les médias à trouver et à diffuser toute l'information
qui leur est disponible afin de ne pas priver le public des connaissances auxquelles il a droit. Dans

cette optique, les journalistes rencontrés mentionnent qu'ils ont recours aux médias nationaux pour

comprendre la complexité des enjeux climatiques (M.l) et que Le Nouvelliste, en raison de ses

ressources plus importantes, est « presque la première source d'information des autres médias»

(M.2) dans le secteur du lac Saint-Pierre. Ils sont également d'avis que, puisqu'ils « ont moins la

capacité de faire de la recherche journalistique qu'avant» (M.l), ils ont besoin que l'information

entre toutes les sphères d'acteurs circule plus facilement afin de réagir aux données qu'ils reçoivent,

faute de pouvoir les trouver par eux-mêmes (M.l). Ainsi, ils remédient aux manques qui les affligent

et réussissent à parler des enjeux du lac Saint-Pierre.

4.3.8 L'interaction réelle ou observée avec la sphère de la science et le rôle qui lui est accordé

Trop ardue, peu vulgarisée, pas assez concrète et même controversée (M.2; M.3), les médias

trouvent que la science portant sur les changements climatiques est parfois difficile à saisir. Pourtant,

tous croient qu'il faut « user du savoir scientifique pour s'alimenter en information» (M.l) et, même,

que l'information la plus pertinente sur les changements climatiques et sur les dossiers du lac Saint­

Pierre est scientifique (M.2 ; M.3).

M.l J'ai tout lu sur les changements climatiques, j'ai fait des entretiens avec des chercheurs qui ne sont pas
nécessairement en accord avec le GIEC. [... ] On est au balbutiement de notre science et on ne peut pas
dire qu'on sait tout. [... ] Lorsque je veux une opinion scientifique, je sais où aller la chercher.
88

M.3 J'essaie de m'informer partout et dans tout. Je m'aventure dans les données scientifiques pour
augmenter mes connaissances et améliorer mes nouvelles. Je contacte une amie qui a étudié en science
pour me faire expliquer des données scientifiques. Ensuite, je peux vulgariser l'information.

M.2 Maintenant, c'est l'UQTR qui s'occupe surtout des recherches sur le lac Saint-Pierre et le contact est bon
avec ces chercheurs-là. [... ] Par exemple, Pierre Magnan est ouvert à répondre et est intéressé. J'aime
des chercheurs comme lui qui trouvent le moyen de communiquer.

Une relation est donc établie entre les scientifiques et les journalistes, mais celle-ci est

principalement à sens unique:

M.2 À moins de faire une conférence de presse, les scientifiques n'appellent jamais pour donner de
j'information aux médias.

En somme, pour les acteurs médiatiques, la science a un rôle incontournable dans la diffusion du

savoir et des connaissances, mais le bât blesse encore. Des efforts de partage du savoir et de

vulgarisation sont donc à prévoir afin de hausser le niveau de compréhension et d'appropriation des
enjeux du lac Saint-Pierre, climatiques ou non.

M.3 La science ne vulgarise pas assez et donc ne rejoint pas assez de gens. Au lieu de parler en termes
scientifiques, Hs devraient être plus ëonc(ets en montrant ce qu'il faut faire. Et surtout en parlant de ce
que les gens, en tant qu'individu, peuvent faire à leur échelle.

M.2 La science doit vouloir partager son savoir, un climat de confiance doit être établi. [... ] Il faut vulgariser et
c'est peut-être la seule difficulté [... ] Si on leur [au public] arrive avec un discours hermétique non
compréhensible, ils ne s'y intéresseront pas.

4.4 La science

Le corpus d'entretien de la sphère de la science comprend quatre professeurs universitaires ayant

effectué des recherches en lien avec le lac Saint-Pierre. Provenant de trois universités québécoises,

soit l'Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), l'Université de Montréal (UdeM) et l'Université

du Québec à Montréal (UQÀM), ces chercheurs ont dépeint leur position scientifique sur l'interaction
et la communication des acteurs. Il importe de noter que tout scientifique, travaillant au sein des

différents ministères comme Environnement Canada ou le MDDEP, aurait pu faire partie de cette

recherche. Le choix des acteurs a seulement été restreint par leurs travaux sur le lac Saint-Pierre et la

capacité à les joindre et non pas en raison d'une quelconque filiation à la sphère politique.
89

4.4.1 Les enjeux et les connaissances par rapport aux t'ransformations du climat
Tous professeurs en sciences naturelles, mais travaillant parfois dans des équipes interdisciplinaires,

les acteurs scientifiques rencontrés s'intéressent particulièrement aux aspects géographiques,

biologiques, biochimiques et trophiques du lac Saint-Pierre et aux interactions entre les bassins

versants et le fleuve Saint-Laurent. Toutefois, qu'ils travaillent ou non spécifiquement sur les

changements climatiques, ces acteurs ont une connaissance approfondie des impacts de la

transformation du climat tout en leur accordant plus ou moins d'importance ou d'attention.

D'abord, tous les acteurs scientifiques ont évoqué les variabilités du niveau d'eau du lac Saint-Pierre.

Certains sont en accord avec les recherches climatiques qui montrent que le niveau d'eau du lac

diminuera en raison des changements climatiques:

SA Les tendances lourdes montrent que dans le Nord du Québec les précipitations seront plus abondantes
et l'ennuagement plus accru. Dans les bassins versants des Grands Lacs, au contraire, les précipitations
seront plus faibles et l'évaporation plus importante, d'où un apport d'eau plus faible dans le Saint­
Laurent et donc dans le lac Saint-Pierre.

S.2 la baisse des niveaux d'eau pourrait être importante. Le pire scénario: il ne restera que le chenal au
milieu. Ça pourrait aller jusqu'à baisser de 1 mètre à Montréal, donc 20% de moins dans le débit du
fleuve. C'est énorme comme perte dans le lac Saint-Pierre, car c'est une plaine d'inondation où c'est peu
profond, mais avec un chenal.

De plus, la variabilité des niveaux d'eau par les changements climatiques modifiera la dynamique

biologique du lac Saint-Pierre (S.2 ; SA) :

S.2 Si les niveaux baissent, le lac Saint-Pierre va en perdre sur sa superficie. [... 1 Les zones les plus
productives du lac sont dans les zones les moins profondes, donc chaque centimètre enlevé au lac Saint­
Pierre va diminuer d'autant sa capacité de produire la matière biologique végétale ou animale.

À l'inverse, un des acteurs considère que même si « les recherches suggèrent [... ] qu'à long terme le

débit du Saint-Laurent va diminuer» (S.l), le lacSaint-Pierre vit déjà des épisodes de changement de

niveau d'eau qui sont de l'ordre de la normalité, donc que la variabilité des niveaux n'est pas un

facteur d'inquiétude.
90

D'ailleurs, modification du niveau d'eau ou non, deux acteurs (S.l; 5.3) croient que « les

changements climatiques sont loin d'être la principale menace au lac Saint-Pierre, [car] c'est un détail

par rapport à d'autres problèmes plus urgents tels que l'agriculture non-durable» (S.l).

5.3 Les problèmes de gestion sont plus dommageables et importants à moyen terme que les changements
climatiques. Ça m'agace qu'on essaie de faire des études sur l'impact des changements climatiques sur
les cours d'eau (niveau, qualité, etc.) alors que les pratiques actuelles ont dix fois plus d'importance que
les futurs changements climatiques.

Malgré ce regard dichotomique, les acteurs scientifiques consentent que les changements

climatiques sont inévitables:

5.1 En toute probabilité, les changements climatiques vont subvenir, donc ce n'est pas une question de les
éviter, mais bien de s'y adapter. On a donc intérêt à bien prévoir le futur, même si c'est difficile. S'il y
avait des efforts à investir dans ce dossier, je les mettrais dans la prédiction, car il faut voir venir.

Ainsi, ils s'accordent sur le besoin d'augmenter la compréhension des changements climatiques,

entre autres par leurs recherches, et d'intégrer ces connaissances et l'adaptation dans les prises de

décision.

5.4 Il faut comprendre qu'on est dans un s.ystème inéluctable et irréversible' et qu'on va devoir faire face à
des changements climatiques au cours de notre vie. On va devoir subir et réagir à des changements
climatiques majeurs comme des crues, des sécheresses et des érosions exceptionnelles. !...) Il faut
envisager collectivement des adaptations à ce qui nous pend au bout du nez. En faisant intervenir des
dimensions qui sont rarement prises en compte dans une décision collective: l'incertitude.

5.2 Dans mon domaine, on fait des scénarios si le niveau baisse ou augmente à Montréal, quels seront les
impacts au lac Saint-Pierre et quelles seront les techniques pour s'y adapter.

Enfin, mieux comprendre les changements climatiques semble fort pertinent lorsqu'un des acteurs

rappelle que « les changements climatiques ne se voient pas encore de façon évidente» (S.3).

4.4.2 Les intérêts, les rapports et' les préoccupations envers le lac Saint-Pierre
L'agriculture intensive, les rejets des eaux usées de la ville de Montréal, la pollution industrielle, la

gestion des niveaux d'eau en amont, la voie maritime, l'érosion, la sédimentation, l'introduction

d'espèces envahissantes par les navires et la baisse du stock de perchaudes sont parmi les

problématiques du lac Saint-Pierre identifiées par les acteurs scientifiques et traitées dans leurs
91

recherches, Ces enjeux sont intimement liés alors qu'un peut en créer un autre et que leur

accumulation, en plus du contexte des changements climatiques, sont d'importantes sources de

stress sur cet écosystème.

5.4 Comme la profondeur moyenne du lac Saint-Pierre est moins que 3 mètres, c'est un système qui est
extrêmement vulnérable aux fluctuations des niveaux d'eau. Ceci est lié à l'utilisation qu'on fait de l'eau
en amont du système comme pomper de l'eau pour l'irrigation ou pour détourner une partie de l'eau des
Grands Lacs vers d'autres systèmes, Donc, le lac est 1.. ,] sensible aux changements climatiques et à
l'utilisation de l'eau en amont [.. ,J. Très rapidement, la surface d'eau du lac Saint-Pierre peut diminuer.

Tel que décrit dans la précédente section, les scientifiques ont cherché à savoir dans quelle mesure le

lac Saint-Pierre peut être impacté par les pressions actuelles, comme la sédimentation et la pollution,

et celles qui sont à venir, telles que les changements climatiques et la potentielle baisse du niveau

d'eau. Jusqu'à maintenant, les recherches démontrent que la sédimentation et que toute

modification des niveaux d'eau au lac Saint-Pierre sont préoccupants, car cela « change beaucoup le

fonctionnement du lac» (5.1) :

5.3 C'est une zone de transition entre le milieu terrestre et milieu aquatique, il occupe toutes les fonctions
d'épuration, de biodiversité, de pouponnières pour les espèces aquatiques. [... ] Le lac Saint-Pierre est un
réceptacle, c'est un réservoir de sédiments, du milieu agricole et industriel, car l'écoulement ralentit au
lac Saint-Pierre.

4.4.3 Les attitudes et les sentiments


Comme les autres sphères d'acteurs, les scientifiques ont fait part de la richesse du lac Saint-Pierre.

Or, alors que ce constat de la société civile, du politique et des médias reflète un attachement ou une

fierté envers le lac Saint-Pierre, l'attention des scientifiques est davantage rationnelle et portée sur

l'étude des phénomènes et du « potentiel écologique» du lac (5.1; SA).

5.2 Le lac Saint-Pierre est un des milieux les plus productifs de la plaine du Saint-Laurent. Ce n'est pas pour
rien que l'UNESCO a donné le statut de Réserve mondiale de la biosphère.

5.4 C'est incroyable le potentiel écologique du lac Saint-Pierre alors qu'il est un petit système. Les systèmes
qui sont à l'interface entre l'eau et la terre sont très riches.

Enfin, un des acteurs a soulevé qu'il est, certes, important d'étudier le lac Saint-Pierre, mais que les

recherches doivent également être faites dans une vision plus large et complète:
92

5.3 En travaillant sur une meilleure gestion des cours d'eau au Québec, on travaille sur le lac Saint-Pierre. (...]
On ne peut pas aborder le lac Saint-Pierre pour le lac Saint-Pierre, c'est rien, c'est de l'eau qui arrive
d'ailleurs. C'est aussi l'ailleurs qu'il faut traiter, dont les bassins versants adjacents et les Grands Lacs.

4.4.4 La communication et l'interaction souhaitées entre les acteurs du lac Saint-Pierre

La communication des enjeux, qu'ils soient climatiques, environnementaux ou sociétaux, apparaît

porteuse de sens aux yeux des scientifiques rencontrés. Selon eux, elle contribue à agir et à tendre
à la résolution et à l'acceptabilité sociale de ces enjeux.

5.3 On n'a pas le choix de faire de l'éducation et de la sensibilisation [... ] Ça permet que les problématiques
environnementales, dont celles des changements climatiques et de la gestion de l'eau, fassent partie des
préoccupations de la population et que ça se reflète chez les élus [... J. Si la communication n'est pas
assez présente entre les acteurs, il y aura toujours un problème d'acceptabilité sociale.

5.1 Tous les acteurs ne peuvent pas vivre dans des sphères isolées. Pour fonctionner en tant que société, il
doit y avoir un "ensemble". [... ) C'est important que la société en général ait droit à un retour, à une
communication de ces enjeux sinon ça ne fonctionne pas.

Qui plus est, les acteurs scientifiques considèrent que l'adaptation aux changements climatiques

requiert de s'informer, de rapprocher les acteurs, d'ajuster les dialogues et d'avoir un discours

uniforme, ce que permet la communication (5.1; 5.3; 5.4).

5.2 La communication ne peut qu'améliorer la connaissance sur les changements climatiques. Depuis que les
gens entendent parler des changements climatiques, ils commencent à être conscientisés et à f(lire des
actions pour abaisser les GES. Avant que ce ne soit public, c'était juste une affaire de scientifiques.

5.3 Il faut s'informer et rapprocher les personnes du lac Saint-Pierre - riverains, etc. - des personnes qui ont
étudié les problèmes et conséquences probables des changements climatiques sur la vie quotidienne. Il
faut trouver un espace de communication entre les scientifiques et les utilisateurs de la science.

Les scientifiques croient donc en la nécessité d'améliorer la communication et l'interaction entre les

acteurs du lac Saint-Pierre afin d'augmenter la compréhension des enjeux et, ultimement, de

s'adapter. Toutefois, pour ce faire, deux des acteurs (5.1 ; 5.3) indiquent que la communication doit

se faire à une échelle spatiale plus grande que celle du lac Saint-Pierre et dans une vision globale des

problématiques environnementales:

5.1 Pour s'adapter aux changements climatiques [... ] il faut communiquer les changements prévus aux
tributaires du lac Saint-Pierre et à l'ensemble du Québec. La création d'un réseau formel suppose qu il en
faudrait aussi pour tous les autres plans d'eau du Québec.
93

S.3 J'ai l'impression qu'un réseau qui parlerait de la sauvegarde actuelle du lac Saint-Pierre aiderait. 1...] C'est
une question macroscopique, ce sont les bassins versants, le fleuve et toute la question de
l'environnement au Québec : milieux industriel, municipal, agricole. Les changements climatiques
viennent après toute la gestion des Grands Lacs et du fleuve.

Enfin, bien que les scientifiques fassent mention des bienfaits d'une meilleure communication entre

les acteurs, ils sont également conscients que le chemin pour y arriver est parsemé d'embûches:

S.2 Actuellement, le partage d'information et leur intégration sont un maillon faible dans la chaîne. [... ] Les
gens doivent arrêter de travailler chacun de leur bord. Il faut intégrer les connaissances et savoir qui
travaille sur le lac Saint-Pierre. Et il Y en a tellement.

S.4 Chacun est cantonné dans un rôle et a un agenda cloisonné. [...]11 faut décloisonner la société face à la
gravité de la situation qui nous pend au bout du nez. Mais, la société n'est actuellement pas prête à ce
qu'un scientifique passe du temps à communiquer, à ce qu'un citoyen fasse autre chose qu'écouter une
télésérie imbécile 1... ] Tant qu'il n'y aura pas de catastrophe et même si on passe notre temps à dire aux
gens qu'il y aura des changements climatiques majeurs, ça ne sera pas concret pour eux. On se dit dans
une société de surinformation, mais ce n'est pas de la vraie information.

4.4.5 L'interaction réelle ou observée avec la sphère de la société civile et le rôle qui lui est accordé
Appelés à interagir avec elle lors de leurs recherches ou lors de conférences, les acteurs scientifiques

considèrent que la société civile a une importante place au lac Saint-Pierre. Cependant, leur niveau

de collaboration avec cette sphère diffère d'un acteur scientifique à l'autre. Certains ont une relation

d'échange et d'aide mutuelle, tandis que d'autres ont une vision à sens unique, c'est-à-dire que les

organismes de la société civile sont un relais pour diffuser l'information scientifique et ne sont pas

eux-mêmes des sources d'information.

S.3 Je travaille beaucoup avec les intervenants locaux, dont l'UPA, les OSV, le comité ZIP et autres comités
du lac. 1... ] Les OSV n'ont pas beaucoup de moyens et ils ont besoin de support. 1...] La recherche
appliquée que je fais doit servir à ces gens-là.

S.2 On les utilise dans la diffusion de l'information. Par exemple, on marque des poissons et lorsqu'on veut
récupérer les marques, c'est un bon moyen pour le faire savoir. Mais ça va plus loin que ça, les OSV sont
devenus omniprésents dans nos travaux. On collabore aussi avec la Réserve mondiale.

S.l Je crois que j'ai le devoir de communiquer certaines informations que j'amasse comme les conclusions,
les résultats et les observations [...]. Mais c'est plutôt un mouvement de moi vers eux plutôt que
l'inverse. Tout bon scientifique doit communiquer avec le public et ces organismes sont un véhicule de
communication. 1... ] Le genre de connaissances qui m'intéresse n'est pas possédé par ces organismes.
94

Le dernier acteur cité (5.1) est le plus catégorique quant à l'utilité de la société civile à l'avantage des
scientifiques. Pour lui, la science est détentrice des connaissances et elle est la seule à pouvoir
partager son savoir. Les autres acteurs rencontrés ont un discours plus nuancé qui se constate par

leur collaboration avec la société civile, mais aussi par une considération de leurs connaissances.

5.4 C'est intéressant de voir les perceptions des acteurs locaux [... ) elles sont essentielles. [... ] C'est important
de les prendre en compte pour les scientifiques afin de mieux poser les questions. Peut-être pas pour y
répondre, mais pour la poser. 1... ]11 faut avoir des indicateurs scientifiques pour faire des vérifications.

5.2 Je suis intéressé à avoir leurs rapports et leurs études. Surtout ceux des OBV et du comité ZIP. Quand on
veut avoir des informations, d'un côté comme de l'autre, tout le monde est très ouvert: c'est un réseau.

Enfin, certains acteurs scientifiques perçoivent que leurs rapports avec la société civile doivent être

rehaussés afin d'améliorer la compréhension et l'acceptation de la science. Selon eux, les acteurs de

la société civile comme les organismes sont « ce qu'il y a de plus fort [... ] C'est avec eux que tu rejoins

le plus d'acteurs de la société)} (5.4), mais un effort doit être fait sur leurs échanges d'information.

5.3 Le niveau de connaissance générale et d'acceptation des problématiques environnementales dans le


peuple se reflète chez les élus, et les élus nous gouvernent et décident les politiques.

5.4 Un grand nombre de gens ne font pas confiance aux scientifiques, car ils ne voient pas les effets
immédiats de leur recherche. [... 1 On devrait pousser la communication [... ], mais ça prend du temps,
juste de faire une mise à niveau scientifique pour se comprendre, c'est demandant.

4.4.6 L'interaction réelle ou observée avec la sphère du politique et le rôle qui lui est accordé
Le lien entre le politique et la science en est, d'abord, un financier: « au Canada, le financement

universitaire vient des instances provinciales et fédérales)} (5.3). Lorsqu'ils sont subventionnés par le

politique, les scientifiques constatent que la vision du gouvernement en place influe sur le choix des

thèmes de recherche, ce qui est parfois à leur avantage, mais peut aussi les défavoriser:

5.2 Au niveau de la recherche, quand un ministère met la perchaude au haut de sa liste de priorité, il y a des
moyens pour travailler sur la perchaude. Donc, l'influence des décisions est assez directe.

5.4 Au Canada, pas question de travailler sur les changements climatiques actuellement. Ce n'est pas dans
leur schème de pensée et les lignes de parti se répercutent dans les ministères. Par exemple, [une de nos
études] et sa vision interdisciplinaire et écosystémique est né lors du gouvernement libéral. Le
gouvernement actuel voudrait une vision socio-économique.
95

Un des acteurs croit que les scientifiques ont une marge de liberté assez grande pour, du moins,

choisir leur terrain de recherche:

5.1 C'est une initiative personnelle d'étudier le lac Saint-Pierre. J'ai évidemment des subventions
gouvernementales, mais elles ne sont pas ciblées pour une étude au lac Saint-Pierre. Les buts y sont bien
décrits, mais je pourrais décider d'étudier ces phénomènes dans un lieu plutôt qu'un autre ..

Par ailleurs, les chercheurs soulèvent la problématique des paliers gouvernementaux et du partage

des compétences ayant un impact sur la prise de décision et la gestion du territoire.

5.3 On est à cheval entre trois pa liers de gouvernements. Les rives sont municipales et provinciales. Le fleuve
est fédéral. Les pouvoirs principaux - gestion des eaux usées, de l'eau, des bandes riveraines, de la
protection des écosystèmes - ont été transférés au municipal, mais les municipalités n'ont pas les
ressources et les compétences pour le faire. Les ministères se partagent le territoire, les OBV c'est
provincial, le comité ZIP c'est fédéral. C'est assez complexe.

Considérant leurs « agendas cloisonnés et irréconciliables» (SA), il s'avère ardu pour les scientifiques

de répondre aux attentes des différents paliers politiques. D'ailleurs, à la question: « Quelle est votre
perception de la participation et de l'interaction des élus, des paliers gouvernementaux et des

institutions avec les acteurs scientifiques au lac Saint-Pierre? », les acteurs rencontrés ont fait la

distinction entre les élus locaux et les scientifiques et fonctionnaires des ministères. De fait, les

chercheurs universitaires sont également appelés à interagir avec le personnel des ministères afin
d'échanger sur leurs positions scientifiques. Une interaction nécessaire, mais, encore une fois,

marquée d'obstacles:

5.3 Je travaille beaucoup avecle MDDEP et le MAPAQ au provincial et au régional. Il ya des gens compétents
au politique, mais le problème c'est le manque de continuité dans le suivi des dossiers, car les budgets
sont coupés. Par contre, avec les individus dans ces instances, la collaboration est bonne, car ils veulent
travailler avec les universités, mais ils n'ont pas toujours les ressources pour le faire.

5.2 Les scientifiques ne pourraient pas travailler sans les ministères, car on met nos moyens ensemble.
Travailler sur le lac Saint-Pierre ce n'est pas comme travailler sur un lac plus petit, il y a beaucoup de
monde d'impliqué. [...) C'est en mettant les ressources ensemble que ça devient possible d'y travailler.

Enfin, les scientifiques tentent de tenir compte des réalités locales (SA) et d'alimenter en information

les élus municipaux. Toutefois, ils se butent à une incompréhension et à un manque de vision (SA)
qui creusent le fossé entre eux et qui se reflètent dans la connaissance et la prise de décision:
96

5.3 Toute la question de la gouvernance municipale et de la place des élus est un gros problème. [... ] Ils
manquent de formation et de l'essources alors qu'ils ont beaucoup de pouvoir. À mon avis, dans les MRC
les gens sont plus compétents, mais ils n'ont pas les pouvoirs et com'pétences des municipalités.

5.1 Les élus prennent très peu en compte les dossiers du lac Saint-Pierre. [...] [Le politique] m'invite
maintenant pour des conférences afin de connaître la position scientifique, c'est donc un pas dans la
bonne direction. [... ] Les problèmes au lac Saint-Pierre sont tellement gros que je ne crois pas pouvoir
participer à leur résolution de mon vivant. Je peux contribuer aux solutions en décrivant le système.

4.4.7 L'interaction réelle ou observée avec la sphère des médias et le rôle qui lui est accordé

Comme pour l'interaction avec la société civile, la collecte de données révèle que la relation entre la

scien-ce et les médias est à sens unique, c'est-à-dire que les acteurs scientifiques utilisent les médias

afin de leur donner de l'information et non pas le contraire.

5.1 Les médias m'ont utilisé, mais moi je n'ai jamais utilisé les médias. Il m'arrive souvent de leur
communiquer mes recherches [... J. Je ne cours pas après la communication publique et les entrevues,
mais je ne refuse jamais lorsqu'ils me le demandent.

5.3 Les médias et moi, on se sollicite l'un l'autre. J'annonce mes projets dans les médias. [... ] [Mais] les
médias ne m'apprennent pas de choses sur le lac Saint-Pierre, car en faisant partie d'une Chaire [de
recherche] et avec mes liens avec les acteurs locaux, je suis déjà au courant des dossiers. J'ai souvent les
informations avant les médi<ls.

Les chercheurs ont une opinion mitigée sur le rôle joué par les médias locaux au lac Saint-Pierre. De

présents et curieux à désintéressés et ignorants, les médias ne semblent pas toujours réussir à

vulgariser les connaissances scientifiques pour les rendre accessibles aux acteurs locaux et présentes

dans le débat public et politique.

5.2 Les médias sont assez présents. Ce n'est pas rare que je me fasse réveiller par CHLN ou Radio-Canada
pour donner une entrevue. Ils connaissent leurs sources d'information. Et je suis, moi-même, porté à les
appeler quand j'ai des choses à annoncer. La radio, la télé et les journaux sont bien présents.

5.4 Travailler avec les médias locaux devrait être la priorité, car ce sont les 'utilisateurs de la ressource qui les
utilisent, mais ça ne rapporte rien scientifiquement. On avait fait quelques entrevues avec les médias
locaux et ça a été très mal rapporté, ils ne comprennent vraiment rien à la science. Pour faire avancer la
science et la communication de la science, les médias locaux n'aident pas.

Le dernier chercheur cité affirme que l'interaction des chercheurs avec les médias locaux devrait

permettre un certain « retour à la collectivité », mais ce n'est actuellement pas le cas (5.4). Pour lui,
97

les médias nationaux, contrairement aux médias locaux, offrent une couverture médiatique

d'envergure qui, faute d'augmenter de façon considérable la compréhension des enjeux du climat ou

autre, permet du moins de faire Il des pressions sur le politique et les bailleurs de fonds» (S.4) :

5.4 Quand quelqu'un à Québec ou à Ottawa lit dans Le Devoir ou La Presse un gros article sur le [, .. ] lac Saint­
Pierre, ça rapporte, Je vais pouvoir avoir des subventions pour continuer mon travail et ça va faire
avancer le dossier,

Cette vision s'inscrit dans une communication à sens unique, soit des médias étant à la solde des
chercheurs et non une communication et une interaction science/médias axées sur un échange

d'information utile aux deux sphères d'acteurs, Néanmoins, pour le chercheur cité précédemment, il

importe que les médias valorisent la communication scientifique, car elle est un manque dans le

paysage médiatique (S.4),

4.4.8 L'interaction réelle ou observée avec la sphère de la science et le rôle qui lui est' accordé
Étant des sciences naturelles, les scientifiques rencontrés participent tous à des recherches
interdisciplinaires et valorisent cette interaction entre les chercheurs de différents domaines, même

si elle est parfois difficile:

5.Z On travaille toujours en équipe et en groupe interdisciplinaire, [..,] Mes équipes de recherche sont de
plus en plus avec la science sociale également, [.. ,] Je suis convaincu de l'importance des sciences sociales
et humaines dans les recherches scientifiques et l'arrimage avec la science naturelle est souhaitable,

5.3 Il n'y a personne qui travaille en vase clos, enfin de moins en moins maintenant. l'interdisciplinarité est
appliquée et on n'a pas vraiment le choix, Il faut se comprendre. Mais, la place de la science sociale est
encore à gagner, il doit y avoir un transfert de connaissances et un langage commun,

La science, elle-même, est donc encore trop souvent divisée entre les sciences naturelles et sociales.

Du coup, comment la science peut-elle être utilisée par les non-initiés? Les chercheurs indiquent que

le manque à gagner est autant au niveau de la compréhension de la science que de l'accès aux

données des scientifiques.

5.4 la société est confrontée au fait de ne pas avoir accès à une information scientifique valable et qui la
concerne directement. Elle ne peut pas voir le rôle qu'elle peut avoir dans ces enjeux. [... ]11 y a un fossé
entre le monde de l'utilisateur de la science et le producteur de science. les gens ne comprennent pas
toujours les paradigmes scientifiques et la science ne comprend pas les inquiétudes des consommateurs.
98

L'une des raisons pour lesquelles les liens entre les chercheurs et la société sont manquants serait

l'existence de deux visions s'opposant quant au caractère public de la science. D'une part, les

scientifiques ont mentionné que pour plusieurs domaines de la science, la recherche se doit d'être

« indépendante» (5.2) et que le métier de scientifique n'est pas nécessairement de communiquer les

données à la société, mais bien de faire de « la recherche au bénéfice des étudiants» (5.4). D'autre

part, les chercheurs indiquent que la recherche appliquée et la communication à une plus grande

échelle sont de plus en plus présentes dans le discours scientifique:

5.3 La recherche appliquée [... ] doit servir aux gens. Il ne faut pas orienter la recherche que dans cette
optique, mais c'est important de faire des ponts avec les organismes [et la société civile].

5.1 Mes connaissances sur les débits et sur les niveaux acquises lors de mes recherches sont publiées dans
des médias scientifiques, mais ce n'est pas nécessairement disponible à la société et aux décideurs. II
faut faire plus et communiquer davantage nos connaissances. [... ) Les scientifiques s'ils existent, c'est
grâce à la population en général et si la science veut redonner un peu de cela c'est nécessaire de faire
plus que seulement publier des articles scientifiques.

De surcroît, les acteurs scientifiques croient que la problématique du manque de transfert de

connaissances scientifiques vers la population est amplifiée par un cycle de publication (5.1; 5.3) et

d'encadrement des étudiants:

5.4 La science étant ce qu'elle est, il faut publier et produire, écrire de nouvelles demandes de subvention
[... ] Mon métier n'est pas faire de l'éducation relative à l'environnement (ERE). [... ] Si je passe 25 % de
mon temps à faire de la communication, c'est 25 % de moins à encadrer des étudiants, à faire .des
demandes de subvention et à écrire des articles scientifiques. Ce n'est pas comptabilisé dans mon temps
et ce n'est pas valorisé.

La précédente citation fait mention des manques de temps et de valorisation de la communication

scientifique comme étant des éléments qui justifient la faible diffusion publique des données de la

science. Ce constat s'avère partagé par les acteurs de la sphère scientifique:

5.2 Dommage, car les chercheurs sont de plus en plus portés à rester dans leur bureau ou laboratoire. Il faut
augmenter et valoriser la volonté des chercheurs à parler au public, mais il faut considérer la capacité de
diffuser l'information de façon uniforme. Vulgariser sa science dépend de chaque individu.

5.4 Ce n'est pas qu'on veut rester de son côté, mais si on veut rester compétitif, continuer à faire la job pour
laquelle on est reconnu - prof, formateur ou autre -, on est obligé de suivre le "mainstream". [... ] Ce
n'est pas un manque d'intérêt, mais plutôt un manque de temps, d'énergie et de reconnaissance.
99

Pourtant, selon les professeurs rencontrés, les données scientifiques s'avèrent la première source

d'information sur la question des changements climatiques. De plus, un des acteurs mentionne que

« les scientifiques sont aussi des acteurs-citoyens qui doivent participer collectivement à

l'adaptation» (S.4).

5.2 Le rôle des scientifiques est capital, ils sont la première source d'information. Ils ont à fournir
l'information sur ce qui va arriver. 1...] La science permet de savoir ce qui va arriver à la ressource et c'est
nécessaire de le savoir avant de penser à des moyens de s'adapter.

5.1 Le rôle des scientifiques est de communiquer ce que sera la situation du lac Saint-Pierre selon les
différents scénarios de débits et niveaux d'eau. Dire aux acteurs à quoi s'attendre.

En somme, si les obstacles à une communication efficace des enjeux liés aux changements
climatiques par les acteurs scientifiques sont encore nombreux, les défis ne semblent pas

insurmontables. Les entretiens de recherche démontrent que la science doit faire preuve d'une

certaine volonté afin de contribuer à la compréhension de ces problématiques, et qu'il faut équiper
les chercheurs afin de leur permettre de communiquer aisément et efficacement les enjeux

climatiques. En conclusion, un des acteurs (S.4) indique qu'il faut « intéresser la société à la science
[... ) même à l'école» et rapporte que certains travaux soulignent le besoin:

S.4 qu'il y ait des acteurs scientifiques, mais aussi des relais aux acteurs scientifiques par des spécialistes
scientifiques, mais qui sont des communicateurs. Le journalisme scientifique devrait être valorisé. Les
scientifiques ne sont pas tous de bons communicateurs.
CHAPITRE 5

LA DISCUSSION

La discussion, présentée dans cet ultime chapitre, dévoile l'analyse réalisée à la suite des entretiens

de recherche avec vingt acteurs du lac Saint-Pierre. Alors que la présentation des résultats se veut

neutre et objective, la discussion dégage des hypothèses sur le fonctionnement de l'espace

communicationnel en établissant des liens entre le cadre théorique, les objectifs de départ, la

question de recherche et les affirmations des acteurs. Elle permet également de relever les

perspectives d'avenir de l'espace communicationnel dans le domaine de l'adaptation aux

changements climatiques et des pistes de recherches pouvant être développées dans la continuité de

ce mémoire. Ce chapitre relève donc d'une interprétation propre au chercheur tout en respectant la

rigueur scientifique et les critères de la théorie enracinée; en correspondant, en étant

compréhensible, en permettant la généralisation et en conceptualisant l'espace communicationnel

au lac Saint-Pierre (Strauss et Corbin, 1990 dans Lepage et al., 2007).

5.1 Constat

Nul n'est contre la vertu. Principe fondamental, valeur indéniable ou idéal, les entretiens de

recherche ont démontré qu'il s'avère difficile, voire impossible, de nier l'importance de l'interaction

et de la communication entre les individus. De fait, tous les acteurs rencontrés ont rappelé la

nécessité et l'apport de la transmission de t'information et de l'interdépendance des sphères

d'acteurs dans toute situation et, notamment, dans le cadre de l'adaptation aux changements

climatiques. Ainsi, les vingt acteurs rencontrés aux fins de cette recherche accordent de nombreux

avantages à l'interaction et à la communication, notamment:

L'accessibilité et la disponibilité de l'information pour tous les acteurs (libre circulation de


l'information) ;

Le rapprochement entre les acteurs;

L'ajustement des dialogues;

Le transfert des connaissances;

L'appropriation et la compréhension d'un enjeu;


102

La prise de position;

Le développement d'une vision commune.

Or, puisque cette recherche tente d'analyser si la création d'un espace communicationnel peut être

un support à l'adaptation aux changements climatiques, il est nécessaire d'évaluer l'interaction et la

communication réelles ou actuelles entre les acteurs du lac Saint-Pierre. Les entretiens de recherche

ont confirmé l'existence de relations entre les acteurs, entre autres lorsque les médias contactent les

acteurs des autres sphères pour diffuser leurs opinions, quand les scientifiques donnent des

conférences, à travers l'implication de différents acteurs dans des conseils d'administration ou

encore par la collaboration des organismes de la société civile avec la communauté. Toutefois,

l'analyse des entretiens a aussi soulevé certains manquements ou obstacles quant à leur effectivité,

dont:

Le travail en silo des acteurs;

Le problème de désinformation;

L'incertitude et la divergence d'opinions dans le dossier des changements climatiques;

La méconnaissance des données et des recherches sur le lac Saint-Pierre;

La difficile cohabitation des usages;

L'absence de vision commune;

Le manque de volonté et de ressources;

L'insuffisance de vulgarisation.

À l'égard de la question de recherche: « Quelle importance les acteurs médiatiques, politiques,

scientifiques et de la société civile du secteur du lac Saint-Pierre accordent-ils à leur interaction, à

leur communication et à leur échange d'information afin de s'adapter aux changements

climatiques? » et des avantages et des limites indiquées par les acteurs, il est possible d'émettre un

constat sur lequel s'appuie la discussion exposée au cours du présent chapitre.

Malgré que les acteurs médiatiques, politiques, scientifiques et de la société civile du lac
Saint-Pierre manifestent un intérêt à interagir et à communiquer, certaines limites
restreignent la création d'un espace communicationnel comme support à l'adaptation aux
changements climatiques dans ce secteur.
103

5.2 La capacité d'adaptation des acteurs du lac Saint-Pierre

Au fil des précédents chapitres, il a été démontré que le choix du lac Saint-Pierre comme terrain de

recherche est concomitant à la présence d'une sensibilité, d'une vulnérabilité et d'une capacité

d'adaptation aux variabilités climatiques. Il est possible de le constater au chapitre 4, les acteurs ont

validé l'existence d'une crainte, d'une inquiétude ou d'une sensibilité des changements climatiques

sur le territoire du lac Saint-Pierre. À travers leurs différentes connaissances et perceptions sur les

changements climatiques, les acteurs ont relevé l'influence ou l'exposition des transformations du

climat sur ce territoire, ce qui confirme la sensibilité du lac Saint-Pierre. Les acteurs ont évoqué la

crainte que toute modification du niveau d'eau du lac ait d'importantes conséquences sur le secteur.

Les impacts biologiques sur l'écosystème renforcent cette idée de sensibilité, tout en rendant

perceptible la vulnérabilité climatique à laquelle sont confrontés le lac Saint-Pierre et les acteurs.

En outre, une différente forme de leur vulnérabilité a été examinée. L'évaluation et l'analyse de

l'interaction et de la communication, entre les acteurs des quatre sphères de l'espace

communicationnel, dévoile leur vulnérabilité actuelle devant le stress climatique. Cette vulnérabilité

résulte des limitations des acteurs dans leurs échanges d'information. Ainsi, certaines affirmations

des individus interrogés démontrent l'exacerbation de la vulnérabilité des acteurs, notamment en

raison du faible transfert du savoir entre les différentes sphères et du manque de ressources

disponibles pour tous. Pourtant, comme un des acteurs l'a évoqué, le partage des connaissances est

une opportunité de réunir tous les acteurs dans la sauvegarde du lac Saint-Pierre (S.Cl).

L'adaptation découle de la vulnérabilité et de la capacité d'adaptation d'un système (Smit et Wandel,

2006). Ainsi, cette recherche permet également d'évaluer la capacité qu'ont les acteurs du lac Saint­

Pierre à s'adapter aux changements climatiques puisqu'ils y sont sensibles et vulnérables. La revue de

littérature, présentée au chapitre 1, définit la capacité d'adaptation en termes du savoir-faire, des

aptitudes et des compétences d'un système - ici l'espace communicationnel du lac Saint-Pierre. Cette

conception de la capacité d'adaptation est renforcée par "idée que l'adaptation demande

l'implication, l'interdépendance et la concertation des acteurs qui doivent répondre aux impacts des

changements climatiques (Adger, 2003). Il résulte donc de l'analyse des entretiens de recherche que

les acteurs du lac Saint-Pierre démontrent une compétence ou, à tout le moins, un intérêt dans leurs

interactions et leur communication, dans la mesure où certains acteurs sont enclins à collaborer.
104

Notamment, les acteurs politiques et médiatiques manifestent leur envie de coopérer avec ceux de la

société civile en raison de leur statut de « gardiens du patrimoine» ou de « chiens de garde de notre

société» et de leur rôle d'éclaireurs ou de sources d'information aidant à la prise de décision. Ces

exemples confirment une certaine capacité d'adaptation des acteurs interrogés. Cependant, comme

il est démontré brièvement à la section 5.1, leur intérêt à échanger de l'information entre les

différentes sphères d'acteurs est aussi limité par des obstacles, et ce, malgré la reconnaissance de

l'enjeu climatique.

\1 est à signaler que les chercheurs scientifiques rencontrés ont tous des connaissances accrues sur les
changements climatiques et qu'ils ont eux-mêmes indiqué le besoin d'augmenter la compréhension

de cet enjeu. Toutefois, ils ont aussi expliqué que l'interaction et la communication avec les autres

sphères ne sont pas valorisées dans le milieu scientifique. Pourtant, les acteurs des médias, de la

société civile et du politique ont tous mentionné que la science devrait être la première source

d'information en adaptation aux changements climatiques. Certes, certains acteurs ont la capacité de

comprendre l'information scientifique et de la traduire en termes plus accessibles, mais la difficulté

communicationnelle de la science semble prendre racine à la base même de la profession

scientifique. Ainsi, d'un côté, la science a lës connaissances sur les changements climatiques et

souligne le besoin de comprendre cet enjeu inéluctable, mais les acteurs de cette sphère indiquent

que la diffusion de leurs informations est défaillante. De l'autre côté se trouvent les trois sphères

d'acteurs qui relèvent l'accès difficile au savoir scientifique et la compromission de la compréhension

des enjeux du climat en raison de ce manque de vulgarisation. Cette absence ou cette lacune dans la

communication et l'interaction entre les acteurs scientifiques et les trois autres sphères d'acteurs

soulèvent une limite non négligeable à l'échange d'information. D'ailleurs, il ne s'agit pas de l'unique

illustration d'interaction difficile ou précaire. Par exemple, les journalistes expliquent que la

participation des médias à toute relation avec les autres sphères doit respecter la préservation de

leur objectivité ou de leur neutralité.

Du coup, il semble pertinent de s'interroger. Dans un espace communicationnel basé sur l'échange

d'information entre les acteurs, les médias peuvent-ils avoir toute la liberté de collaborer ~ la

diffusion de leurs connaissances et de celles des autres? Les scientifiques ont-ils la volonté de faire fi

des conventions de la science pour partager leurs savoirs dans toutes les sphères? La société civile a­
105

t-elle la capacité de faire reconnaître ses connaissances par les différents acteurs? Le politique a-t-il

toutes les informations nécessaires à une prise de décision adaptative efficace? L'observation de ces

limites dans l'interaction, la communication et la diffusion de l'information ne crée toutefois aucun

effet de surprise. Il convient de mentionner à nouveau que toute relation entre des acteurs de

différents horizons laisse présager la présence de conflits, de valeurs divergentes ou de perceptions

antinomiques (Adger et al., 2009; Dessa i et al., 2009; Moser et Dilling, 2007; Pelling et High, 2005).

Il est donc indéniable que certains acteurs, quelle que soit leur sphère, n'accordent pas le même

niveau d'importance, d'intérêt et de valeur dans les mécanismes de diffusion et d'échange

d'information, et ce, malgré le niveau de complexité et d'incertitude engendrées par les

changements climatiques. Par contre, il convient de poser la question suivante:

En dépit des difficultés perçues et en raison de la sensibilité, de la vulnérabilité et de la


capacité d'adaptation des acteurs du lac Saint-Pierre, est-il possible que l'intérêt accordé à
leur interaction, à leur communication et à leur échange d'information soit assez fort pour
que ces acteurs s'investissent dans un espace communicationnel contribuant à leur
adaptation aux changements climatiques?

5.3 La formation d'une communauté de pratiques

Il importe de rappeler que cette recherche se base sur l'idée que l'adaptation aux changements

climatiques demande de prendre en considération les dynamiques, les connaissances et l'expertise

de la communauté, ce qui encourage des relations interdisciplinaires et permet de former une

communauté de pratiques (Adger, 2003; Armitage, 2008; Armitage, Berkes et Doubleday, 2007 ;

Folke et al., 2005; Moser et Dilling, 2007; Pahl-Wostl, 2007; Pelling et High, 2005; Tompkins et

Adger, 2004; Wenger, 1998). Théoriquement, une communauté de pratiques doit s'engager à

développer une vision commune entre des acteurs de tous horizons par la mise en oeuvre des

caractéristiques du capital social, mais cela est souvent limité par les facteurs sociaux énumérés

précédemment (Adger, 2003; Moser et Dilling, 2007 ; Pelling et High, 2005).

Force est de constater que les obstacles de la communication et de l'interaction confirment le niveau

limité du capital social entre les acteurs des différentes disciplines au lac Saint-Pierre en ce qui

concerne l'adaptation aux changements climatiques. La mention de plusieurs personnes rencontrées

sur le « travail en silo» et le « manque de vision commune» des acteurs concernés par le lac indique

que les relations de confiance, de réciprocité et d'échange, propres au capital social, sont
106

actuellement insuffisantes. Certaines problématiques régionales comme la pollution ou la gestion

économique indiquent probablement un capital social bien plus élevé, mais à l'échelle de l'adaptation

aux changements climatiques, il est actuellement impossible de nier les limitations de ce capital

social indues par les difficultés communicationnelles entre les acteurs.

Néanmoins, certaines énonciations percent une brèche dans les limites de l'interaction des acteurs et

démontrent une volonté d'augmenter leur capital social. Les acteurs ont notamment évoqué le

caractère incertain des changements climatiques, le problème de désinformation et l'inaccessibilité

des données sur le lac Saint-Pierre, en plus du désir de comprendre et de s'approprier l'enjeu

climatique. De surcroît, ils ont implicitement souhaité la hausse du capital social en se montrant

globalement en faveur de l'augmentation de l'interaction et de la communication entre les acteurs

du lac Saint-Pierre. D'après plusieurs des personnes rencontrées, cela permettra la compréhension,

l'acceptabilité, l'appropriation et la prise de décision sur les enjeux climatiques et l'adaptation.

L'analyse des entretiens avec des acteurs des quatre sphères a permis de révéler leur compréhension

ou leur affirmation implicites des concepts liés à l'es.pace communiGationnel en adaptation3uX

changements climatiques, soit l'apprentissage social et l'espace public. Malgré certaines failles dans

l'application de ces cadres conceptuels, l'intérêt qui leur est accordé est, en soi, un point positif quant

à la possibilité de se voir former un espace communicationnel efficace au lac Saint-Pierre.

5.3.1 La reconnaissance des concepts théoriques

L'apprentissage social

La volonté d'augmenter les connaissances sur les changements climatiques démontre une

compréhension de l'importance de l'apprentissage social dans l'adaptation. Les acteurs ont évoqué

ce concept en soulevant, par leurs réponses et leurs exemples, le rôle de l'acquisition de

connaissances pour interpréter et comprendre les incertitudes liées aux changements climatiques.

Les entretiens de recherche ont également permis la dénonciation des frontières entre les acteurs.

Par exemple, un des chercheurs a critiqué le fossé de la compréhension qui sépare les utilisateurs de
107

la science et les producteurs de science et un acteur politique a relevé que les gens et les ministères

ne se consultent pas. Conséquemment, les répondants ont fait référence au besoin d'envisager

collectivement l'adaptation en prenant connaissance des scénarios climatiques, en améliorant la

vulgarisation et en intégrant les connaissances des différentes sphères dans les prises de décisions.

Cette capacité et cette volonté d'un système à en apprendre sur lui-même afin d'influencer les prises

de décision de façon éclairée relèvent de l'apprentissage social (Pahl-Wostl, 2005; Pahl-Wostl, 2007 ;

Pelling et High, 2005; Tompkins et Adger, 2004). Somme toute, la reconnaissance de l'apprentissage

social et la demande d'augmentation du capital social indiquent que les acteurs du lac Saint-Pierre

croient en l'acquisition de connaissances par la pratique et en une adaptation aux enjeux climatiques

réalisée collectivement.

L'espace public

La confirmation de l'existence des changements climatiques, donc d'une opinion publique sur la

question, vient appuyer la présence de cet enjeu dans le débat public. De fait, les acteurs ont

mentionné l'incertitude des changements climatiques, les discours divergents sur cette

problématique et l'incapacité à reconnaître si les transformations du climat déjà observables leur

sont attribuables. Ces quelques illustrations du doute suscité par les changements climatiques

témoignent des contradictions propres à un débat présent dans l'espace public (Dacheux, 2008;

Wolton, 2008b). Qui plus est, en mentionnant la nécessité d'un apprentissage social et en accordant

un rôle à chacune des sphères d'acteurs, les individus interrogés démontrent que la création d'une

scène argumentative au lac Saint-Pierre, soit un espace public compris au sens de la communication

politique, est possible.

Or, tel que mentionné précédemment, l'objectif du chercheur n'est pas de créer cet espace

d'interaction ou d'échange d'information, mais bien d'évaluer si les acteurs l'ont mis en place ou sont

en voie de le faire. D'ailleurs, comme Wolton (2010) l'a précisé, l'espace public est symbolique et ne

peut être décrété. L'apport de ce concept s'inscrit donc dans l'importance de reconnaître la légitimité

du développement d'une vision et d'un discours communs entre tous les acteurs, ce dont ceux du lac

Saint-Pierre ont fait part lors des entretiens de recherche.


108

5.3.2 La vérification du postulat de départ

\1 est pertinent de croire que les acteurs du lac Saint-Pierre ont la capacité de former une

communauté de pratiques, donc de développer une vision commune sur les changements

climatiques et l'adaptation (Pelling et High, 2005). Cela vient d'ailleurs corroborer la première

condition du postulat de départ de cette recherche faisant foi que les acteurs doivent démontrer une

volonté d'interagir et de communiquer.

Quant à la seconde condition, qui indique que les acteurs doivent avoir une faculté à échanger de

l'information, elle est partiellement confirmée. De fait, les mécanismes de diffusion et d'échange

d'information entre les différentes sphères d'acteurs mériteraient d'être davantage développés, mais

ils ne sont toutefois pas totalement absents des relations entre les acteurs du lac Saint-Pierre.

Le postulat de départ souligne une relation de conditionnalité voulant que les acteurs doivent être

enclins à interagir et à communiquer, et à vouloir utiliser les différentes méthodes d'échanges

d'information. De plus, les interactions et la communication entre et par les acteurs, théoriquement

du moins, sonl nécessaires à l'adaptation aux changements climatiques. \1 est donc pertinent de

pousser l'analyse pour évaluer si l'espace communicationnel peut aller au-delà des limites inhérentes

à toutes relations entre les individus. En accord avec la posture inductive, il importe de revenir sur la

perception qu'ont les acteurs de leurs interactions avec les sphères et sur le rôle qu'ils leur

accordent. Par ce recours, il sera alors possible de développer des hypothèses sur le fonctionnement

de l'espace communicationnel comme support à l'adaptation aux changements climatiques.

5.4 La viabilité de l'espace communicationnel sur le terrain

2
Le caractère imposant du secteur du lac Saint-Pierre, en raison de ses 480 km , de ses 19 villes et

municipalités et de sa multitude d'acteurs, augmente la complexité des interrelations entre les

acteurs. De fait, bien que cette recherche ait tenté de reconstituer un système d'action - ou un

réseau d'acteurs - pertinent et peut-être même déjà existant, il ne va pas de soi que leurs relations

en sont facilitées. Il faut dire que les acteurs du lac Saint-Pierre partagent un territoire et un enjeu, ce

qui les incite à collaborer, mais encore faut-il qu'ils réduisent les limites inhérentes à toutes

interactions.
109

Bien que l'analyse des entretiens permette de croire que les acteurs rencontrés ont une certaine

capacité d'adaptation et ont l'aptitude pour former une communauté de pratiques, elle révèle

également que la communication et l'interaction sont peu présentes ou parfois houleuses. Selon les

acteurs du lac Saint-Pierre, ce résultat est dû à une question ou à un manque de moyens, de

ressources, de temps, de compréhension, de volonté et de compétition.

Or, il a aussi été vu que, globalement, les acteurs du lac Saint-Pierre croient en la nécessité des

relations interdisciplinaires dans un contexte de changements climatiques. De fait, l'incertitude et les

divergences d'opinions causées par les transformations du climat semblent assez motivatrices pour

que les acteurs soulignent le besoin de comprendre cet enjeu, et ce, par l'ajustement des dialogues

et le transfert des connaissances. Qui plus est, ils ont mentionné l'importance de l'action collective

devant une problématique environnementale si complexe.

Comme il a été exposé à la section 5.1, reconnaître le besoin et la valeur de la communication et de

l'interaction s'avère la chQse à faire. Difficile, en effet, de se dire contre le rapprochement des acteurs

alors que l'appartenance à une ère de communication et d'information semble être la nouvelle

norme sociale. Du coup, comment l'espace communicationnel, comme condition à l'adaptation aux

changements climatiques, peut-il aller au-delà du concept théorique? Est-il même possible de

développer un espace communicationnel viable et efficace au lac Saint-Pierre?

5.4.1 L'espace communicationnel peut·il surmonter les limites?

En somme, la complexité des changements climatiques révèle la présence d'une incertitude pour

tous les acteurs rencontrés. Ils y accordent peut-être plus ou moins d'importance, mais ils affirment

tout de même que l'augmentation de l'interaction entre les acteurs et de la compréhension de

l'enjeu climatique sont essentielles et souhaitables. D'ailleurs, la théorisation de l'espace

communicationnel a permis de relever que l'acquisition de connaissances encourage l'action

adaptative de chacune des sphères d'acteurs et que les incertitudes ne doivent pas être des facteurs

de l'inaction. S'il est vrai qu'il ne suffit pas de comprendre pour agir, l'interaction et l'échange

d'information contribuent certainement à la résilience par la participation de l'ensemble de la

communauté dans le débat public nécessaire en cas d'adaptation aux changements climatiques.
110

Qui plus est, les entretiens de recherche le prouvent: au lac Saint-Pierre l'accès à une information et

à des connaissances permettant de réellement comprendre l'enjeu climatique est déficient. Or, sans

ces informations, l'adaptation des acteurs semble compromise puisqu'ils auront tendance à réagir à

un événement perturbant le climat plutôt qu'à prévoir des solutions. De fait, et tel qu'expliqué dans

le chapitre 1, l'adaptation demande aussi d'anticiper les impacts climatiques en développant des

stratégies adaptatives sur les problématiques futures (Adger et Kelly, 1999; GIEC, 2007; 2005; Klein

et Maclver, 1999; Smit et al., 2000). Ainsi, puisque les limites de leurs interactions et de leur

communication, et conséquemment de leurs échanges d'information, sont encore bien présentes, les

résultats de cette recherche démontrent que les acteurs de l'espace communicationnel devront,

avant toute action adaptative, remédier à ces lacunes.

5.4.2 Ouvrir la fenêt-re d'opport'unité

Le plus grand défi d'un espace communicationnel viable, au lac Saint-Pierre comme ailleurs, est de

faire fi des sempiternels vases clos. De fait, bien que la société accorde une notoriété ou une

importance sans bornes à la communication et au développement d'une vision commune, les

entretiens de recherche ont démontré que les acteurs se gardent bien de les mettre réellement en

pratique. Par el<em-ple, un des acteurs a indiqué qu'il n'est pas socialement acceptable d'accorder du

temps à la diffusion et au partage d'information si ce n'est pas le rôle officiel d'une personne. Selon

cet acteur, « chacun est cantonné dans un rôle et a un agenda cloisonné» (5.4).

Cette affirmation, confirmée par plusieurs des acteurs rencontrés, soulève toutefois le besoin

d'ouvrir la fenêtre d'opportunité et d'ignorer les conventions propres à chaque sphère d'acteurs afin

de penser collectivement. En effet, la complexité et le caractère inéluctable des changements

climatiques demandent l'action commune et concertée. L'époque du « travail en silo» doit donc faire

place à la reconnaissance que tous les acteurs peuvent et doivent contribuer à l'augmentation de la

compréhension de l'enjeu climatique.

Évidemment, tous les acteurs d'un système ne sont pas nécessairement doués pour la

communication. Or, l'idée n'est pas d'avoir seulement des communicateurs professionnels, plus que

des acteurs-relais qui peuvent participer à l'échange d'information. De fait, avoir des vulgarisateurs
111

est, certes, une aide non négligeable pour la viabilité de l'espace communicationnel, mais si les

acteurs ne sont d'abord pas convaincus de la nécessité du partage d'information et ne tentent pas

eux-mêmes d'y participer, l'échec de ce modèle est assuré. C'est pourquoi il faut avant tout valoriser

la diffusion de l'information en rappelant aux acteurs qu'ils peuvent contribuer au partage du savoir,

qu'il soit acquis à l'aide des fonds publics, qu'il SOit scientifique ou qu'il provienne des riverains.

D'ailleurs, et tel que mentionné dans le premier chapitre de ce mémoire, tous les acteurs ont une

faculté communicationnelle qui leur permet de rendre compréhensibles les enjeux du moment

(Achache, 2008; Tompkins et Adger, 2004, Wolton, 2005). Heureusement, une étape est déjà

franchie alors que les acteurs concèdent que l'échange d'information et l'interaction sont utiles à

l'adaptation. Néanmoins, puisque leur mise en oeuvre est toujours restreinte par le manque de

temps et de volonté qu'ils peuvent leur accorder, en plus de l'absence de la reconnaissance réelle de

la communication et de l'interaction, il est impératif que les acteurs comprennent la nécessité de

faire les efforts pour rendre l'information accessible. Enfin, les acteurs doivent se rappeler qu'aucune

sphère n'a un rôle plus important qu'une autre et que tous les acteurs doivent cesser la

communication à sens unique et comprendre la portée de la circulation de l'information. Dans un

espace communicationnel viable:

Les médias sont autant diffuseurs et vulgarisateurs de l'information que vecteurs de


l'adaptation en participant à l'action collective;

Les scientifiques mettent en pratique l'interdisciplinarité dans la recherche fondamentale et la


recherche appliquée tout en associant science et terrain;

Le politique répond à l'opinion publique sur un enjeu et augmente ses connaissances par la
proximité avec les autres sphères pour améliorer les prises de décisions adaptatives;

La société civile a accès aux données et connaissances des autres sphères tout en étant elle­
même une source d'information sur les enjeux climatiques.

En définitive, c'est la somme de toutes ces interactions et relations, de cette communication et de

ces échanges d'information entre les quatre sphères d'acteurs qui faciliteront l'adaptation aux

changements climatiques et rendront l'espace communicationnel vivant.


112

5.5 La mise en oeuvre de l'espace communicationnel

Développer ou mettre en pratique un espace communicationnel n'est pas chose facile. Toutefois, les

acteurs rencontrés dans le cadre de cette recherche ont proposé des avenues intéressantes quant à

la formation d'un espace communicationnel concret et viable. Que ce soit par l'implantation d'un

réseau de veille sur les changements climatiques, un répertoire des données du climat ou une équipe

de communication des transformations climatiques dans les universités, les idées ont fusé.

En réalité, toutefois, comment peut-on coordonner un tel échange d'information? À quelle sphère

d'acteurs doivent incomber les tâches de la gestion et de l'administration de ces informations? Quelle

forme l'espace communicationnel doit-il prendre: un organisme central regroupant et vulgarisant les

données climatiques, ou un serveur informatique où tous les acteurs déposeront les articles, données

et recherches sur l'adaptation aux changements climatiques?

Selon le chercheur, ces différentes options tendent à ne pas respecter les critères d'un espace

communicationnel et d'une adaptation basée sur la communauté. La centralisation des

.connaiss..ances et.des don.nées im.iterait une communication -à sens unique où les « informateurs»

transmettraient leur savoir aux personnes « informées ». D'ailleurs, pour citer un des acteurs

rencontrés, « Il ne faut pas seulement un outil ou un répertoire, mais l'organisme ou l'organisateur de

cet espace doit aussi réunir les acteurs pour que ça ne reste pas sur la tablette de "l'espace

communicationnel" » (P.3). Du coup, un espace communicationnel n'est pas seulement virtuel, car il

doit privilégier un échange et un partage d'information où l'interaction réelle des acteurs permet la

prise de décision et l'acquisition de connaissances.

5.6 Perspectives d'avenir

Certes, cette recherche ne permet pas de détenir la clé du succès d'un espace communicationnel

viable. De fait, l'objectif de ce mémoire n'est pas d'implanter le modèle au lac Saint-Pierre et ailleurs,

mais d'évaluer si son existence peut faciliter l'acquisition de connaissances sur les changenents

climatiques et soutenir l'adaptation des acteurs. Néanmoins, l'atteinte de cet objectif, confirmée

dans cette discussion, est une étape charnière dans le développement du concept de l'espace

communicationnel.
113

L'analyse des entretiens de recherche, en plus d'avoir déjà démontré que les acteurs du lac Saint­

Pierre ont certaines facultés communicationnelles permettant de faciliter leur adaptation aux

changements climatiques, permet de relever des forces supplémentaires portant à croire en la

création d'un espace communicationnel effectif dans ce secteur. Selon le chercheur, ces éléments,

mentionnés par les répondants, encouragent l'action adaptative. Du coup, les acteurs doivent avoir

conscience et s'appuyer sur l'importance de :

La richesse écologiq ue du lac Saint-Pierre;

Développer un sentiment d'appartenance des acteurs en parlant des succès du lac;

La présence de plus en plus forte des préoccupations environnementales dans la société;

La volonté populaire démontrée par la création de la Réserve mondiale de la biosphère;

Concevoir le lac Saint-Pierre comme une entité.

5.6.1 Pistes de recherche

Nombreuses sont les recherches qui peuvent être réalisées dans la même lignée du concept de

l'espace communicationnel développé ici. Il est possible de s'aventurer dans une recherche qui aurait

comme objet l'adaptation aux changements climatiques avec l'espace communicationnel comme

cadre théorique. La présente recherche a démontré que les interactions entre les acteurs de la

société civile, des médias, du politique et de la science, et au sein de leur propre sphère, sont

nécessaires à l'adaptation aux changements climatiques. Cependant, puisque la représentation de

l'espace communicationnel est conceptuelle et basée sur la perception de vingt acteurs, la théorie est

sujette à la révision et à l'amélioration.

D'emblée, le défi qui semble le plus important à relever est de miser sur les avantages de l'interaction

et de la communication présentés à la section 5.1. Les acteurs ont su expliquer l'importance de la

libre circulation de l'information tout en ayant conscience des difficultés pour y arriver. Ainsi, une des

pistes de solution réside potentiellement dans une recherche sur la mise en pratique réelle d'un

espace communicationnel dans un secteur touché par les changements climatiques ou sur l'ensemble

du territoire québécois.
114

Il faut, en effet, analyser la faisabilité et l'apport du modèle conceptuel dans la compréhension de

l'enjeu climatique. Par exemple, un chercheur à la maîtrise ou au doctorat peut chapeauter un

« espace communicationnel » en regroupant les données ayant un quelconque lien avec le climat et

provenant des quatre sphères d'acteurs. Ces données doivent être transmises sous forme vulgarisée

ou non, aux acteurs du territoire choisi. Selon l'analyse réalisée dans ce mémoire, il est impératif que

toute nouvelle conceptualisation de l'espace communicationnel soit faite en accord avec les gens du

milieu et que tous les acteurs collaborent à cet échange d'information, Les acteurs doivent non

seulement donner l'accès à leurs informations à un chercheur, mais également être enclins à

interagir et à communiquer réellement avec les autres acteurs afin de respecter le caractère

circulaire de l'espace communicationnel. Le chercheur analysant l'espace communicationnel peut

alors observer la valeur de l'échange d'information lors d'un colloque ou d'une réunion, en plus de

vérifier l'efficacité du concept lors d'entretiens semi-dirigés,

5.6.2 Validité externe de cett'e recherche

En évoquant l'élaboration de recherches subséquentes à celles-ci, il est possible de constater que les

résultats de cette recherche ont une certaine validité externe._ Le lac Saint-Pierre n'est Pi3S le seu.l lac

potentiellement touché par les changements climatiques, il importe donc d'étudier le concept de

l'espace communicationnel dans une situation d'adaptation aux changements climatiques d'un autre

territoire ou secteur, D'ailleurs, des acteurs ont mentionné la nécessité que des espaces facilitant les

échanges d'information en vue de s'adapter aux changements climatiques devraient exister pour

tous les cours d'eau du Québec. Certains acteurs ont même déclaré que l'espace communicationnel

devrait englober des problématiques plus larges que celles du climat afin de mieux comprendre les

enjeux environnementaux.

Ensuite, que ce soit en raison de la personnalité des acteurs ou de la nature du lien les unissant, les

entretiens de recherche ont démontré que les relations entre des individus de divers horizons sont

parfois teintées de conflits, de compétition et de valeurs antinomiques nuisant à l'effectivité de leur

communication, Du coup, la nécessité d'étudier l'espace communicationnel est de mise,


115

Enfin, l'enjeu climatique et la baisse du niveau d'eau du fleuve Saint-Laurent sont d'actualité. Alors

que la société est soi-disant dans une ère de surinformation, cette recherche tend à démontrer que la

communication et l'interaction ne se font pas d'elles-mêmes. Il importe donc de ne pas attendre une

crise sans équivoque, une catastrophe climatique ou qu'il soit tout simplement trop tard.
CONCLUSION

Au fil des lectures, la perspective du chercheur quant à l'adaptation aux changements climatiques

s'est dessinée. Elle s'est particulièrement fondée sur le fait que les changements climatiques, en

raison de leur caractère inéluctable et de l'incertitude qu'ils occasionnent, demandent un ajustement

des connaissances et une action collective afin de s'adapter à ces transformations inconnues. Ce

mémoire est alors basé sur le concept du community-based adaptation, donc sur l'idée voulant que

l'adaptation nécessite l'implication, l'interdépendance, la concertation et le développement de la

vision commune d'une variété d'acteurs (Adger, 2003; Armitage, Berkes et Doubleday, 2007). Dès

lors, selon le chercheur, l'augmentation de la capacité d'adaptation d'un système ou d'un territoire

passe par l'abolition ou la réduction des frontières entre les acteurs (Pelling et High, 2005). Ces

réflexions ont été essentiellement présentées au Chapitre 1 - À l'heure des changements

climatiques: l'adaptation ou un besoin d'interaction des acteurs.

Considérant que les interrelations entre les acteurs de divers horizons sont fondamentales dans le

développement de stratégies d'adaptation aux changements climatiques, cette recherche a tenté de

recréer un réseau d'acteurs du terrain de recherche choisi: le lac Saint-Pierre. En se basant sur la

théorie de la communication politique, soit la relation entre les médias, le politique et la société

civile, ce à quoi la science s'est naturellement ajoutée, le but était d'observer si un espace de

délibération entre les acteurs de ces sphères peut contribuer à réduire les barrières de l'interaction

et de la communication.

Cet espace de délibération a été nommé l'espace communicationneJ. En permettant aux acteurs de se

réunir et d'interagir pour développer une compréhension commune et une appropriation de l'enjeu

climatique, l'espace communicationnel a pour but d'augmenter leur capacité d'adaptation. Ce

mémoire avait comme objectif d'évaluer la contribution de l'interaction des acteurs médiatiques,

politiques, scientifiques et de la société civile dans leur acquisition de connaissances, et ce, dans une

optique d'adaptation aux changements climatiques.


118

Néanmoins, l'interaction et la communication entre les acteurs sont parsemées d'embûches et de

limites endogènes à toute société. De fait, puisque les valeurs, les connaissances ou l'intérêt des

acteurs ne sont pas homogènes, l'interaction doit se faire selon la capacité et la volonté des individus.

C'est dans cette optique que la question de recherche a été formulée:

Quelle importance les acteurs médiatiques, politiques, scientifiques et de la société civile


du secteur du lac Saint-Pierre accordent-ils à leur interaction, à leur communication et à
leur échange d'information afin de s'adapter aux changements climatiques?

La pertinence scientifique de cette recherche est identifiable par le choix du terrain de recherche. Les

diverses problématiques climatiques envisageables au lac Saint-Pierre, en plus des utilisations de ce

lac, ont été exposées au cours du Chapitre 3 - Les changements climatiques et leurs impacts sur le

fleuve Saint-Laurent et le lac Saint-Pierre. D'une part, en tant que lac fluvial du fleuve Saint-Laurent,

le lac Saint-Pierre s'avère vulnérable aux changements climatiques autant aux niveaux biophysique

qu'humain. D'autre part, ce lac est un espace socio-économico-politique important dans le paysage

québécois en raison du nombre considérable d'utilisateurs de cette ressource halieutique et de sa


2
superficie de 480 km comprenant 19 villes et municipalités. Ainsi, la vulnérabilité du lac Saint-Pierre,

en plus de son utilisation d'un point de vue économique, social et environnemental, démontre

l'importance d'étudier l'adaptation aux changements climatiques dans ce secteur.

Du coup, la démarche de recherche, présentée dans le Chapitre 2 - Un processus de recherche a

d'abord consisté en un essai de reconstitution d'un espace communicationnel du lac Saint-Pierre. En

théorie, ce modèle conceptuel ne se limite aucunement à un nombre défini d'acteurs des quatre

sphères, car il est de nature inclusive. Toutefois, le caractère pédagogique de cette recherche a forcé

de restreindre le terrain à vingt acteurs des différentes sphères. Le choix de ces acteurs a tout de

même été concomitant au système d'action que cette recherche souhaitait dépeindre. Ainsi, les

acteurs choisis provenaient des deux rives du lac Saint-Pierre et de différents organismes,

municipalités, MRC, médias, universités et autres. De plus, à travers leurs divers liens et intérêts avec

le lac, les acteurs étaient appelés à interagir avec certaines des autres personnes interrogées, ce qui

démontrait qu'un réseau était déjà partiellement en place.


119

Ces vingt acteurs ont été interrogés lors d'entretiens individuels semi-dirigés à l'automne 2009 et à

l'hiver 2010. Les personnes rencontrées répondaient à un guide d'entretien propre à leur sphère

d'acteurs, comprenant 25 ou 26 questions. La formulation des guides d'entretien était quelque peu

différente, et ce, en raison des particularités de l'appartenance à une sphère d'acteurs plutôt qu'une

autre. Leur participation consistait à participer à une entrevue individuelle au cours de laquelle illeur

était demandé de décrire, entre autres choses, leur profession et leur rapport au lac Saint-Pierre, leur

connaissance globale et locale des changements environnementaux et du climat, la communication

et l'interaction des acteurs autour de la question du lac Saint-Pierre et le rôle de la communication

dans l'adaptation aux changements climatiques. Les données des entretiens semi-dirigés ont été

exposées lors du Chapitre 4 - À la rencontre des acteurs: la présentation des résultats.

Le recours aux entretiens de recherche et l'analyse des résultats, présentés dans le Chapitre 5 - La

discussion, ont démontré la vulnérabilité et une certaine capacité d'adaptation des acteurs du lac

Saint-Pierre. Toutefois, cette recherche prouve que même si les acteurs manifestent un intérêt

certain pour la communication et l'interaction afin de s'adapter aux enjeux climatiques, la mise en

oeuvre d'un réel espace communicationnel est limitée par les obstacles dans leurs échanges

d'information. Le fait que les acteurs travaillent en vase clos, que le temps, les moyens et les

ressources manquent et que la compréhension de la portée des enjeux des changements climatiques

est moindre contribue à une interaction et à une communication déficientes au lac Saint-Pierre.

Or, quelques éléments de cette recherche illustrent que les acteurs de l'espace communicationnel du

lac Saint-Pierre ont plusieurs ressources leur permettant de développer leurs interactions et leur

communication comme stratégies d'adaptation aux variabilités climatiques. En mettant de l'avant et

en utilisant adéquatement les ressources et les forces du lac Saint-Pierre, les acteurs de ce secteur

réussiront assurément à faire fi des vases clos.

Il suffit de rappeler que les acteurs ont perçu des avantages à l'augmentation du capital social par

l'échange d'information entre des acteurs interdisciplinaires dans un contexte de changements

climatiques. De fait, en raison de l'incertitude de l'enjeu climatique, les acteurs ont soulevé que la

compréhension de ces transformations était nécessaire afin que les changements climatiques soient
120

socialement acceptés et que la prise de décision adaptative soit plus efficace. Comme ils ont

mentionné que l'augmentation des connaissances passait notamment par l'ajustement des dialogues,

la libre circulation de l'information et le développement d'une vision commune, cela confirme

l'intérêt de la mise en pratique d'un espace communicationnel au lac Saint-Pierre.

Par ailleurs, plusieurs mentions sont des atouts indéniables pour un espace communicationnel viable:

la richesse écologique du lac Saint-Pierre, le désir d'augmenter le sentiment d'appartenance, les

préoccupations des citoyens envers la protection environnementale du lac et la volonté populaire

s'étant exprimée avec la création de la Réserve de la biosphère.

La recherche effectuée dans le cadre de ce mémoire permet d'en venir à la conclusion que les acteurs

du lac Saint-Pierre devront avoir en tête que le décloisonnement de leur agenda respectif, la fin du

travail en vase clos et le développement d'une vision commune sont des conditions sine qua non de

leur adaptation aux changements climatiques. De fait, comme il a été expliqué dans le chapitre 1, en

interagissant et en communiquant, les acteurs des quatre sphères discuteront, définiront,

légitimeront et reconJ')ÇlÎtront la. gestion de l'enjeu _climatique sur le plan politique, médiatique,

citoyen et scientifique. Enfin, ce mémoire tente humblement de prouver que l'espace

communicationnel est nécessaire et faisable. Les acteurs ont la capacité de développer des

mécanismes d'échange et de diffusion de l'information et de valoriser une communication et une

interaction réelles. Le fait d'attendre une catastrophe climatique pour s'adapter relève d'une vision

purement réactive alors que les acteurs d'un territoire touché ou qui sera touché par les

changements climatiques ne peuvent se permettre le luxe de retarder leur adaptation. Les acteurs,

qu'ils proviennent du lac Saint-Pierre ou d'ailleurs, doivent s'engager dans un processus d'adaptation

anticipative.

Conséquemment, davantage d'études devront être accomplies sur l'interaction et la communication

entre les acteurs scientifiques, médiatiques, politiques et de la société civile, dans un cadre

d'adaptation aux changements climatiques. En analysant et en vérifiant comment le partage des

connaissances, la diffusion de l'information et le rapprochement des acteurs peuvent être mis en

place, il sera alors possible d'observer l'acquisition des connaissances et son apport à l'adaptation.
ANNEXES
123

ANNEXE 1 : GUIDES D'ENTRETIEN

Acteurs de la société civile

Section 1- l'occupation de l'acteur et son rapport au lac Saint-Pierre


1. Quel est votre nom et titre (activité)?
2. Quelle est la mission de votre organisme, organisation ou comité?
3. Quel est votre lien avec le lac Saint-Pierre (utilisation, implication, rôle, intérêt, projets)?

Section 2 - le lac Saint-Pierre et les changements climatiques


4. Selon vous, quel est l'état du lac Saint-Pierre? Quel est le principal problème?
5. Avez-vous observé un changement du territoire du lac Saint-Pierre depuis dix ans (niveau
eau, qualité eau, accès eau, paysage, poisson, gel)?
6. À quoi attribuez-vous ce changement? Cet état?
7. Que faites-vous pour vous adapter à ce changement? Cet état?
8. Que savez-vous sur les changements climatiques globaux?
9. Quelle est votre connaissance des données scientifiques sur les changements climatiques
globaux?
10. D'après vous, quels sont/seront les effets des changements climatiques sur le lac Saint­
Pierre?

Section 3 - la communication et l'interaction des acteurs autour de la question du lac Saint-Pierre


11. Médias
a. Quelle est votre utilisation des médias locaux? (lecture et écoute, envoi de
communiqués et lettres ouvertes, entrevues)
b. les médias diffusent-ils de l'information sur le lac Saint-Pierre qui est pertinente pour
vos activités?
c. Quelle est votre opinion sur les médias du secteur du lac Saint-Pierre?
12. Politique
a. Quelle est votre perception de la vision et la prise en compte des élus, des paliers
gouvernementaux et des institutions dans les dossiers touchant le lac Saint-Pierre?
b. Quelle est votre perception de la participation et de l'interaction des élus, des paliers
gouvernementaux et des institutions avec les acteurs de la société civile au lac Saint­
Pierre?
c. Quelle est l'influence des activités et décisions des élus, des paliers gouvernementaux
et des institutions dans vos activités sur les dossiers touchant le lac Saint-Pierre?
13. Société civile
a. Quelle est votre perception des autres organismes, comités et OSBl de la société civile
du lac Saint-Pierre?
b. Communiquez-vous avec ces autres acteurs de la société civile (organismes, OSBl,
comités) concernés par les dossiers touchant le lac Saint-Pierre? Si oui, comment
échangez-vous de l'information avec eux?
14. Communauté scientifique
a. Quelle est la place du savoir scientifique dans vos recherches et échanges
d'informations?
b. Quelle est l'influence de la science dans vos prises de position et prises de décisions?
124

15. Quels sont vos mécanismes de diffusion et d'échange d'informations avec les acteurs
présents au lac Saint-Pierre (médias, politiques, scientifiques et autres acteurs de la société
civile)?
16. Avez-vous toutes les ressources nécessaires vous permettant de communiquer, de diffuser
et d'échanger de l'information sur les changements climatiques (ou changement du
territoire) avec les personnes concernées par le lac Saint-Pierre?
17. Avec quels acteurs présents au lac Saint-Pierre interagissez-vous et communiquez-vous?
18. Avec quels acteurs présents au lac Saint-Pierre aimeriez-vous interagir et communiquer?

Section 4 - Le rôle de la communication dans l'adaptation aux changements climatiques

19. Que connaissez-vous de l'adaptation aux changements climatiques?


20. Croyez-vous que la compréhension de l'adaptation aux changements climatiques est
nécessaire dans vos prises de position et vos prises de décisions touchant le lac Saint-Pierre?
21. Quels sont les acteurs qui augmentent vos connaissances sur les changements climatiques et
le besoin de s'adapter?
22. Comment percevez-vous le rôle des acteurs de la société civile du lac Saint-Pierre dans
l'adaptation aux changements climatiques?
23. Considérez-vous que les acteurs de la société civile contribuent aux connaissances des
autres acteurs sur les changements climatiques au lac Saint-Pierre?
24. Selon vous, est-ce important que les élus, les paliers gouvernementaux, les institutions
(acteurs politiques), la société civile, les médias et les scientifiques communiquent, se
parlent et interagissent?
25. Comment la communication entre les élus, les paliers gouvernementaux, les institutions, la
société civile (organismes, OSBL, comités), les médias et le savoir scientifique modifient la
compréhension et l'appropriation des enjeux climatiques?
26. Croyez-vous que la création d'un réseau de connaissances, d'idées et d'échange
d'information (espace communicationnel) par et entre les élus, les paliers
gouvernementaux, les institutions, la société civile (organismes, OSBL, comités), les médias
et les scientifiques du territoire du lac Saint-Pierre est une condition à l'élaboration de
stratégies d'adaptation aux changements climatiques?
125

Acteurs du politique

Section 1- L'occupation de l'acteur et son rapport au lac Saint-Pierre


1. Quel est votre nom et titre (activité)?
2. Quelle est la mission de votre organisme, organisation ou comité?
3. Quel est votre lien avec le lac Saint·Pierre (utilisation, implication, rôle, intérêt, projets)?

Section 2 - Le lac Saint-Pierre et les changements climatiques


4. Quel est l'état du lac Saint-Pierre? Quel est le principal problème?
5. Avez-vous observé un changement du territoire du lac Saint-Pierre depuis dix ans (niveau
eau, qualité eau, accès eau, paysage, poisson, gel)?
6. À quoi attribuez-vous ce changement? Cet état?
7. Que faites-vous pour vous adapter à ce changement? Cet état?
8. Que savez-vous sur les changements climatiques globaux?
9. Quelle est votre connaissance des données scientifiques sur les changements climatiques
globaux?
10. D'après vous, quels sont/seront les effets des changements climatiques sur le lac Saint­
Pierre?

Section 3 - La communication et l'interaction des acteurs autour de la question du lac Saint-Pierre


11. Médias
a. Quelle est votre utilisation des médias locaux? (lecture et écoute, envoi de
communiqués et lettres ouvertes, entrevues)
b. Les médias diffusent-ils de l'information sur le lac Saint-Pierre qui est pertinente pour
vos activités?
c. Quelle est votre opinion sur les médias du secteur du lac Saint-Pierre?
12. Société civile
a. Quel est le rôle (la place) des acteurs de la société civile du lac Saint-Pierre (organismes,
OSBL, comités) d ans vos activités?
b. Quelle est votre opinion sur la participation des acteurs de la société civile (organismes,
OSBL, comités) dans les décisions politiques touchant le lac Saint-Pierre?
c. Donnez-vous de l'information sur les enjeux climatiques aux acteurs de la société
civile du lac Saint·Pierre (organismes, OSBL, comités)? Comment? Pourquoi?
13. Politique
a. Quelle est votre perception des autres acteurs politiques (institutions, paliers
gouvernementaux, élus) du secteur du lac Saint-Pierre?
b. Communiquez-vous avec d'autres acteurs politiques s'occupant de dossiers touchant le
lac Saint-Pierre? Si oui, comment échangez-vous de l'information avec eux?
14. Communauté scientifique
a. Quel est le rôle du savoir scientifique dans vos recherches et échanges d'informations?
b. Quelle est l'influence de la science dans vos prises de décisions et de positions?
15. Quels sont vos méC<lnismes de diffusion et d'échange d'informations avec les acteurs
présents au lac Saint-Pierre (médias, société civile, scientifiques et autres acteurs
politiques)?
16. Avez-vous toutes les ressources nécessaires vous permettant de communiquer, de diffuser
et d'échanger de l'i nformation sur les changements climatiques (ou changement du
territoire) avec les personnes concernées par le lac Saint-Pierre?
17. Avec quels acteurs présents au lac Saint-Pierre interagissez-vous et communiquez-vous?
126

18. Avec quels acteurs présents au lac Saint-Pierre aimeriez-vous interagir et communiquer?

Section 4 - le rôle de la communication dans l'adaptation aux changements climatiques


19. Que connaissez-vous de l'adaptation aux changements climatiques?
20. Croyez-vous que la compréhension de l'adaptation aux changements climatiques est
nécessaire dans vos prises de position et vos prises de décisions touchant le lac Saint-Pierre?
21. Quels sont les acteurs qui augmentent vos connaissances sur les changements climatiques et
le besoin de s'adapter?
22. Comment percevez-vous le rôle des acteurs politiques du lac Saint-Pierre dans l'adaptation
aux changements climatiques?
23. Considérez-vous que les acteurs politiques contribuent aux connaissances des autres acteurs
sur les changements climatiques au lac Saint-Pierre?
24. Selon vous, est-ce important que les élus, les paliers gouvernementaux, les institutions
(acteurs politiques), la société civile, les médias et les scientifiques communiquent, se
parlent et interagissent?
25. Comment la communication entre les élus, les paliers gouvernementaux, les institutions, la
société civile (organismes, OSBL, comités), les médias et le savoir scientifique modifient la
compréhension et l'appropriation des enjeux climatiques?
26. Croyez-vous que la création d'un réseau de connaissances, d'idées et d'échange
d'information (espace communicationnel) par et entre les élus, les paliers
gouvernementaux, les institutions, la société civile (organismes, OSBL, comités), les médias
et les scientifiques du territoire du lac Saint-Pierre est une condition à l'élaboration de
stratégies d'adaptation aux changements climatiques?
127

Acteurs médiatiques

Section 1 - L'occupation de l'acteur et son rapport au lac Saint-Pierre


1. Quel est votre nom et titre (activité)?
2. Quelle est la mission de votre métier? Quelle est votre vision du journalisme?
3. Quel est votre lien avec le lac Saint-Pierre (utilisation, implication, rôle, intérêt, projets)?

Section 2 - Le lac Saint-Pierre et les changements climatiques


4. Quel est l'état du lac Saint-Pierre? Quel est le principal problème?
5. Avez-vous observé un changement du territoire du lac Saint-Pierre depuis dix ans (niveau
eau, qualité eau, accès eau, paysage, poisson, gel) ?
6. À quoi attribuez-vous ce changement? cet état?
7. Que faites-vous pour vous adapter à ce changement? Cet état?
8. Que savez-vous sur les changements climatiques globaux?
9. Quelle est votre connaissance des données scientifiques sur les changements climatiques
globaux?
10. D'après vous, quels sont/seront les effets des changements climatiques sur le lac Saint­
Pierre?

Section 3 - La communication et l'interaction des acteurs autour de la question du lac Saint-Pierre


11. Politique
a. Quelle est votre perception de la vision et la prise en compte des élus, des paliers
gouvernementaux et des institutions dans les dossiers touchant le lac Saint-Pierre?
b. Quelle est votre perception de la participation et de l'interaction des élus, des paliers
gouvernementaux et des institutions avec les acteurs des médias au lac Saint-Pierre?
c. Quelle est l'influence des activités et décisions des élus, des paliers gouvernementaux
et des institutions dans la couverture médiatique des enjeux touchant le lac Saint­
Pierre?
12. Société civile
a. Quel est le rôle (la place) des acteurs de la société civile du lac Saint-Pierre (organismes,
OSBL, comités) dans vos activités?
b. Les acteurs de la société civile (organismes, OSBL, comités) vous donnent-ils des
informations qui co ntribuent à votre compréhension des enjeux du lac Saint-Pierre?
c. Contribuez-vous cl informer les acteurs de la société civile (organismes, OSBL, comités)
sur les enjeux du lac Saint-Pierre?
13. Médias
a. Quelle est votre perception sur la réalité journalistique du lac Saint-Pierre (nombre
médias) ?
b. Est-ce que vos articles, entrevues, reportages sont repris par plusieurs médias du
secteur du lac Saint-Pierre? Si oui, qu'en pensez-vous?
14. Communauté scientifique
a. Quel est le rôle du savoir scientifique dans vos recherches et échanges d'informations?
b. Quelle est l'influence de la science dans vos prises de décisions et de positions de
rédaction ou de couverture médiatique?
15. Quels sont vos mécanismes de diffusion et d'échange d'informations avec les acteurs
présents au lac Saint·Pierre (société civile, politiques, scientifiques et autres acteurs
médiatiques) ?
128

16. Avez-vous toutes les ressources nécessaires vous permettant de communiquer, de diffuser
et d'échanger de l'information sur les changements climatiques (ou changement du
territoire) avec les personnes concernées par le lac Saint-Pierre?
17. Avec quels acteurs présents au lac Saint-Pierre interagissez-vous et communiquez-vous?
18. Avec quels ac-teurs présents au lac Saint-Pierre aimeriez-vous interagir et communiquer?

Section 4 - Le rôle de la communication dans l'adaptation aux changements climatiques


19. Que connaissez-vous de l'adaptation aux changements climatiques?
20. Croyez-vous que la compréhension de l'adaptation aux changements climatiques est
nécessaire dans vos prises de position et vos prises de décisions touchant le lac Saint-Pierre?
21. Quels sont les acteurs qui augmentent vos connaissances sur les changements climatiques et
le besoin de s'adapter?
22. Comment percevez-vous le rôle des acteurs médiatiques dans la diffusion et la couverture
médiatiques des changements climatiques au lac Saint-Pierre?
23. Considérez-vous que les médias contribuent aux connaissances des autres acteurs sur les
changements climatiques au lac Saint-Pierre?
24. Selon vous, est-ce important que les élus, les paliers gouvernementaux, les institutions
(acteurs politiques), la société civile, les médias et les scientifiques communiquent, se
parlent et interagissent?
25. Comment la communication entre les élus, les paliers gouvernementaux, les institutions, la
société civile (organismes, OSBL, comités), les médias et le savoir scientifique modifient la
compréhension et l'appropriation des enjeux climatiques?
26. Croyez-vous que la création d'un réseau de connaissances, d'idées et d'échange
d'information (espace communicationnel) par et entre les élus, les paliers
gouvernementa_ux, les institutions, la socié~é civile (organismes, OSBL, ~omités), les médias
et les scientifiques du territoire du lac Saint-Pierre est une condition à l'élaboration de
stratégies d'adaptation aux changements climatiques?
129

Acteurs scientifiques

Section 1- L'occupation de l'acteur et son rapport au lac Saint-Pierre


1. Quel est votre nom et titre (activité) ?
2. Quelle est la mission de votre métier?
3. Quel est votre lien avec le lac Saint-Pierre (utilisation, implication, rôle, intérêt, projets) ?

Section 2 - Le lac Saint-Pierre et les changements climatiques


4. Quel est l'état du lac Saint-Pierre? Quel est le principal problème?
5. Avez-vous observé un changement du territoire du lac Saint-Pierre depuis dix ans (niveau
eau, qualité eau, accès eau, paysage, poisson, gel) ?
6. À quoi attribuez-vous ce changement? Cet état?
7. Que faites-vous pour vous adapter à ce changement? Cet état?
8. Que savez-vous sur les changements climatiques globaux (scientifiques ou non) ?
9. D'après vous, quels sont/seront les effets des changements climatiques sur le lac Saint­
Pierre?

Section 3 - La communication et l'interaction des acteurs autour de la question du lac Saint-Pierre


10. Médias
a. Quelle est votre utilisation des médias locaux? (lecture et écoute, envoi de
communiqués et lettres ouvertes, entrevues)
b. Les médias diffusent-ils de l'information sur le lac Saint-Pierre qui est pertinente pour
vos activités?
c. Quelle est votre opinion sur les médias du secteur du lac Saint-Pierre?
11. Société civile
a. Quel est le rôle (la place) des acteurs de la société civile du lac Saint-Pierre
(organismes, OSBL, comités) dans vos activités?
b. Les acteurs de la société civile (organismes, OSBL, comités) vous donnent-ils des
informations qui contribuent à votre compréhension des enjeux du lac Saint-Pierre?
c. Contribuez-vous à informer les acteurs de la société civile (organismes, OSBL, comités)
sur les enjeux du lac Saint·Pierre?
12. Politique
a. Quelle est votre perception de la vision et la prise en compte des élus, des paliers
gouvernementaux et des institutions dans les dossiers touchant le lac Saint-Pierre?
b.
Quelle est votre perception de la participation et de l'interaction des élus, des paliers
gouvernementaux et des institutions avec les acteurs scientifiques au lac Saint-Pierre?
c. Quelle est l'influence des activités et décisions des élus, des paliers gouvernementaux
et des institutions dans vos activités sur les dossiers touchant le lac Saint-Pierre?
13. Communauté scientifique
a. Quel est le rôle du savoir scientifique dans vos recherches et échanges d'informations?
b. Quelle est l'influence des autres acteurs scientifiques dans vos prises de décisions et de
positions?
14. Quels sont vos mécanismes de diffusion et d'échange d'informations avec les acteurs
présents au lac Saint-Pierre (médias, société civile, politiques et autres acteurs
scientifiques)?
15. Avez-vous toutes les ressources nécessaires vous permettant de communiquer, de diffuser
et d'échanger de l'information sur les changements climatiques (ou changement du
territoire) avec les personnes concernées par le lac Saint-Pierre?
130

16. Avec quels acteurs présents au lac Saint-Pierre interagissez-vous et communiquez-vous?


17. Avec quels acteurs présents au lac Saint-Pierre aimeriez-vous interagir et communiquer?

Section 4 - Le rôle de la communication dans l'adaptation aux changements climatiques


18. Que connaissez-vous de l'adaptation aux changements climatiques?
19. Croyez-vous que la compréhension de l'adaptation aux changements climatiques est
nécessaire dans vos prises de position et vos prises de décisions touchant le lac Saint-Pierre?
20. Quels sont les acteurs qui augmentent vos connaissances sur les changements climatiques et
le besoin de s'adapter?
21. Comment percevez-vous le rôle des acteurs scientifiques du lac Saint-Pierre dans
l'adaptation aux changements climatiques?
22. Considérez-vous que les acteurs scientifiques contribuent aux connaissances des autres
acteurs sur les changements climatiques au lac Saint-Pierre?
23. Selon vous, est-ce important que les élus, les paliers gouvernementaux, les institutions
(acteurs politiques), la société civile, les médias et les scientifiques communiquent, se
parlent et interagissent?
24. Comment la communication entre les élus, les paliers gouvernementaux, les institutions, la
société civile (organismes, OSBL, comités), les médias et le savoir scientifique modifient la
compréhension et l'appropriation des enjeux climatiques?
25. Croyez-vous que la création d'un réseau de connaissances, d'idées et d'échange
d'information (espace communicationnel) par et entre les élus, les paliers
gouvernementaux, les institutions, la société civile (organismes, OSBL, comités), les médias
et les scientifiques du territoire du lac Saint-Pierre est une condition à l'élaboration de
stratégies d'adaptation aux changements climatiques?
131

ANNEXE 2 : FORMULAIRE D'INFORMATION ET DE CONSENTEMENT

IDENTIFICATION
Chercheure responsable du projet: Marie-Eve Dolbec, candidate à la maîtrise en sciences de
l'environnement
Directeur du projet: Laurent Lepage, professeur et titulaire de la Chaire sur les écosystèmes urbains,
Institut des sciences de l'environnement
Adresse courriel : dolbec,marie-eve@courrier.uqam,ca
Téléphone: 514.987.3000 poste 2539

BUT GÉNÉRAL DU PROJET ET DIRECTION


Vous êtes invité à prendre part à ce projet de recherche visant à comprendre la communication et
l'interaction des acteurs des quatre sphères de l'espace communicationnel (médias, politique, société
civile et science) au lac Saint-Pierre. La chercheure questionne la pertinence de la création d'un
« espace communicationnel » - par des mécanismes de diffusion et d'échange d'informations entre
les acteurs - dans l'élaboration de stratégies d'adaptation aux changements climatiques.

Ce projet de recherche est réalisé dans le cadre de la maîtrise en sciences de l'environnement de


l'Université du Québec à Montréal (UQÀM) et est dirigé par le titulaire de la Chaire, Monsieur Laurent
Lepage, également professeur à l'Institut des sciences de l'environnement. Il peut être joint au
514.987,3000 poste 3509 ou par courriel : lepage.laurent@uqam,ca.

PROCÉDURE(Sj
Votre participation consiste à donner une entrevue individuelle au cours de laquelle il vous sera
demandé de décrire, entre autres choses, votre occupation et votre rapport au lac Saint-Pierre, votre
connaissance globale et locale des changements environnementaux et du climat, la communication
et l'interaction des acteurs autour de la question du lac Saint-Pierre et le rôle de la communication
dans l'adaptation aux changements climatiques. Cette entrevue est enregistrée numériquement,
avec votre permission, et prendra environ 1 heure de votre temps. Le lieu et l'heure de l'entrevue
sont à convenir avec la chercheure. La transcription sur support informatique qui en suivra ne
permettra pas de vous identifier.

AVANTAGE ET RISQUES
Votre participation contribuera à l'avancement des connaissances sur le processus communicationnel
dans un contexte de modifications climatiques et les conditions de la mise en œuvre des stratégies
d'adaptation aux changements climatiques. Par ailleurs, la transmission des résultats de la recherche
à la communauté et aux participants, par la diffusion d'un résumé, d'un rapport et du mémoire,
permettra de concilier les besoins de la recherche universitaire avec ceux des acteurs de l'espace
communicationnel du lac Saint-Pierre de connaître les conditions d'adaptation aux changements
climatiques.

Il n'y a pas de risque d'inconfort important associé à votre participation à cette rencontre. Vous
demeurez libre de ne pas répondre à une question que vous estimez embarrassante sans avoir à vous
justifier. Vous êtes également libre de consentir ou de refuser la tenue de l'entretien autant que son
enregistrement sonore,
132

CONFIDENTIALITÉ ET ANONYMAT
Il est entendu que les renseignements recueillis lors de l'entrevue sont confidentiels et que seuls la
chercheure responsable du projet et son directeur de recherche, M. Laurent Lepage, auront accès à
votre enregistrement et au contenu de sa transcription. Le matériel de recherche (enregistrement
numérique et transcription) ainsi que votre formulaire de consentement seront conservés
séparément sous clé par le responsable du projet pour la durée totale du projet. Les enregistrements
ainsi que les formulaires de consentement seront détruits 5 ans après les dernières publications.
Enfin, dans tous les documents rédigés par la chercheure, les données seront agrégées par catégories
d'acteurs ce qui rendra impossible l'identification des participants.

PARTICIPATION VOLONTAIRE
Votre participation à ce projet est volontaire. Cela signifie que vous acceptez de participer au projet
sans aucune contrainte ou pression extérieure, et que par ailleurs vous être libre de mettre fin à
votre participation en tout temps au cours de cette recherche. Dans ce cas, les renseignements vous
concernant seront détruits. Votre accord à participer implique également que vous acceptez que le
responsable du projet puisse utiliser, aux fins de la présente recherche (articles, conférences et
communications scientifiques), les renseignements recueillis à la condition qu'aucune information
permettant de vous identifier ne soit divulguée publiquement à moins d'un consentement explicite
de votre part.

COMPENSATION FINANCIÈRE
Votre participation à ce projet de recherche est offerte gratuitement. Un résumé et un rapport des
résultats de recherche vous sera transmis au terme du projet.

DES QUESTIONS SUR LE PROJET OU SUR VOS DROITS?


Vous pouvez contacter la- chercheure responsable du projet au 514.987.3000 poste 2539 pour des
questions additionnelles sur le projet. Vous pouvez également discuter avec le directeur de
recherche, M. Laurent Lepage, des conditions dans lesquelles se déroule votre participation et de vos
droits en tant que participant de recherche.

Le projet auquel vous allez participer a été approuvé au plan de l'éthique de la recherche avec des
êtres humains. Pour des informations concernant les responsabilités de l'équipe de recherche au plan
de J'éthique de la recherche ou pour formuler une plainte ou des commentaires, vous pouvez
contacter la Présidente du Comité facultaire d'éthique de la recherche avec des êtres humains de la
Faculté des sciences de l'Université du Québec à Montréal, Francine M. Mayer, au 514.987.3000
poste 7943 ou 7736 ou par courriel au mayer.francine_m@uqam.ca. Elle peut être également jointe
au secrétariat du Comité au 514.987.3000 poste 3321 ou en écrivant à lusignan.marie@uqam.ca.

REMERCIEMENTS
Votre collaboration est essentielle à la réalisation de ce projet et nous tenons à vous en remercier.
133

SIGNATURES:

Je, reconnais avoir lu le présent formulaire de consentement et accepte


volontairement à participer à ce projet de recherche. Je reconnais aussi que la chercheure
responsable du projet a répondu à mes questions de manière satisfaisante et que j'ai disposé
suffisamment de temps pour réfléchir à ma décision de participer. Je comprends que ma
participation à cette recherche est totalement volontaire et que je peux y mettre fin en tout temps,
sans pénalité d'aucune forme, ni justification à donner. Il me suffit d'en informer la chercheure
responsable du projet.

Signature du participant: Date:

Nom (lettres moulées) et coordonnées du participant:

Signature de la chercheure responsable du projet:

Date:
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