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Département de Mathématiques 2019-2020

Analyse fonctionnelle SMA6


Les espaces de Hilbert

Ce document, en cours d’élaboration, est destiné aux étudiants du module Analyse fonctionnelle
SMA6. Il est conçu pour les introduire dans la théorie, très riche, des espaces de Hilbert. Après
chaque section on propose des exercices pour consolider la compréhension du lecteur. Les étudiants
sont invités à le lire attentivement et à faire les exercices proposés avant de regarder les solutions
proposées.
Ce chapitre avait été traı̂té dans le cours vivant du Professeur A. Oueldguejdi ainsi que toute la
partie du programme d’analyse fonctionnelle de SMA6 qui l’a précédée : espaces vectoriels normés,
équivalences des normes en dimension finie, applications linéaires continues, Théorème de Hahn
Banach, espace de Hilbert et dualité...
O. EL-Mennaoui – A.Oueldguejdi

1
Les espaces de Hilbert

1 Définitions et exemples

Définition 1.1 Soit E un espace vectoriel sur le corps K = R ou C. On dit qu’une application

h·, ·i : E × E → K (1)

est un produit scalaire si elle est :


(i) sesquilinéaire : ∀x, y, z ∈ X et α ∈ K

hx + y, zi = hx, zi + hy, zi , hαx, yi = αhx, yi

(ii) hermitienne ou symétrique dans le cas réel : hx, yi = hy, xi ∀x, y ∈ X


(iii) positive : hx, xi ≥ 0 ∀x ∈ X ,
(iv) non-dégénérée : hx, xi = 0 ⇔ x = 0.
On dit alors que (E, h·, ·i) est un espace préhilbertien. Une forme sesquilinéaire positive non-
dégénérée est dite définie positive.

Exemple 1.2 1. Dans l’espace euclidien Kn l’application


n
X
hx, yiKn := xj y j . (2)
j=1

définit un produit scalaire.


2. Dans `2 (N) on peut définir le produit scalaire :

X
hx, yi`2 (N) := xj y j . (3)
j=1

3. Dans C([a, b]) a < b l’application définie par :


Z b
hf, giL2 (a,b) := f (x)g(x) dx (4)
a

est un produit scalaire.

Théorème 1.3 (Inégalité de Cauchy-Schwarz ) Soit (E, h·, ·i) un espace préhilbertien. Alors

|hx, yi|2 ≤ hx, xi · hy, yi (5)

pour tout x, y ∈ E. L’inégalité est stricte si et seulement si x et y ne sont pas colinéaires.

2
Preuve 1 Soit α ∈ K.

0 ≤ hαx + y, αx + yi = |α|2 hx, xi + hy, yi + 2Re αhx, yi ,



(6)

hx,yi
car z + z = 2a si z = a + ib. Choisissons α := − hx,xi et tenons compte du fait que z · z = |z|2 nous
obtenons
|hx, yi|2
0 ≤ hαx + y, αx + yi = hy, yi − (7)
hx, xi
La première affirmation s’en suit. Observons que l’inégalité ci-dessus devient une égalité si et seule-
ment si x + αy = 0.

Une structure naturelle d’espace vectoriel normé peut être définie dans les espaces préhilbertiens.

Théorème 1.4 Soit (E, h·, ·i) un espace préhibertien. Alors


p
kxk := hx, xi , x∈X , (8)

définit une norme sur E.

Preuve 2 Puisque hx, xi ≥ 0 alors kxk > 0 pour tout x 6= 0 et kxk = 0 pour x = 0. Par suite

kαxk2 = hαx, αxi = |α|2 hx, xi (9)

et donc kαxk = |α|kxk pour tout x ∈ X, α ∈ K. L’inégalité de Cauchy-Schwarz s’applique :

kx + yk2 = hx + y, x + yi = hx, xi + hy, yi + hx, yi + hy, xi


≤ kxk2 + kyk2 + 2kxkkyk (10)
2
= (kxk + kyk)

d’où le résultat.

Tout produit scalaire donne ainsi lieu à une norme. La réciproque est vraie si la norme vérifie
l’identié du parallélogramme.

Définition 1.5 Un espace préhibertien (E, k · k) est un espace de Hilbert si il est complet (= de
Banach) pour la norme k · k.

La théorie des espaces de Hilbert (David Hilbert) s’est développée dans les années 20 du siècle
précèdent avec les travaux de Hilbert sur `2 (N). La définition ci-dessus est dûe à Marshall Stone en
1932 dans les espaces séparable.
Les espaces de Hilbert seront le plus souvent désignés par la lettre initiale H du nom Hilbert.

3
Exemple 1.6 1. (Kn , h·, ·iKn ) est un espace de Hilbert.
2. (`2 (N), h·, ·i`2 (N) ) est un espace Hilbert.
3. L2 (Ω) est un espace Hilbert pour le produit scalaire h·, ·i2 .
4. C([a, b]) et L∞ (a, b) ne sont pas complets pour le produit scalaire h·, ·i2 , et ne constituent donc
pas des espaces de Hilbert .

En plus de l’inégalité de Cauchy-Schwarz, la norme euclidienne vérifie l’identité du parallélogramme


caractéristique suivante.

Proposition 1.7 (Identité du parallélogramme) Soit (H, h·, ·i) un espace de Hilbert. Pour tout
x, y ∈ H on a

kx + yk2 + kx − yk2 = 2kxk2 + 2kyk2 . (11)

Preuve 3 Voir Exercice 2.2.

Réciproquement, si l’identité du parallélogramme (11) est vérifiée par la norme d’un espace de Banach
(H, k · k) alors la norme de H est induite par un produit scalaire : ce résultat fût démontré en 1935
par le physicien Pascal Jordan et le mathématicien John von Neumann. Un résultat comparable avait
été obtenu peu avant par Maurice René Fréchet, raison pour laquelle il est dénommé Théorème de
Fréchet-Jordan-von Neumann.

Théorème 1.8 Si (H, k · k) est un espace de Banach dont la norme satisfait (11), alors H est un
espace de Hilbert pour le produit scalaire
1
kx + yk2 − kx − yk2 ,

hx, yi := (12)
4
si K = R, et
1
kx + yk2 − kx − yk2 + ikx + yk2 − ikx − yk2 ,

hx, yi := (13)
4
si K = C.

Preuve 4 Soit (H, k · k) un espace de Banach. On traı̂te le cas K = R, le cas K = C peut être traı̂té
de manière similaire. On suppose (11), montrons que (12) definit un produit scalaire sur H, voir la
Définition 1.1

Conditions (iii),(iv),(v) sont bien vérifiées pour toute norme. Montrons (i), observons que

kx + y + zk2 = 2kx + zk2 + 2kyk2 − kx − y + zk2 , (14)

4
et que

kx + y + zk2 = 2ky + zk2 + 2kxk2 − k − x + y + zk2 . (15)

Par conséquent :

kx + y + zk2 = kx + zk2 + kxk2 + ky + zk2 + kyk2


1  (16)
− kx − y + zk2 + k − x + y + zk2 .
2
Remplaçons z par −z

kx + y − zk2 = kx − zk2 + kxk2 + ky − zk2 + kyk2


1 2 2
 (17)
− kx − y − zk + k − x + y − zk .
2
Il s’en suit que
1
kx + y + zk2 − kx + y − zk2

hx + y, zi =
4
1 (18)
= kx + zk2 + ky + zk2 − kx − zk2 − ky − zk2

4
= hx, zi + hy, zi .

Il reste à vérifier (ii) : Remarquons que les deux fonctions

α 7→ hαx, yi , (19)

α 7→ αhx, yi , (20)
sont continues de R dans R (voir Exercice 2.4). Elles seront identiques si elles coincident sur un
sous-ensemble dense dans R. Reprenons la preuve de (i)on voit bien que (ii) est vérifiée pour α ∈ N
et α = −1. L’homogénèité de la norme l’implique pour α ∈ Z. Si α = m
n
∈ Q alors

nhαx, yi = hnαx, yi
= hmx, yi = mhx, yi (21)
= nαhx, yi .

D’où la condition (ii) de manière génèrale.

Le Théorème de Fréchet-Jordan-von Neumann a peu d’intérêt pratique alors que l’identité du


parallélogramme permet souvent de montrer qu’un evn donné n’est pas hilbertien.

2 Exercices

E 2.1 Montrer que (3) est un produit sclaiare sur `2 (N).

5
E 2.2 Montrer l’identié du parallélogramme (11).

E 2.3 Montrer que Lp (Rn ) est un espace de Hilbert si et seulemet si p = 2.

E 2.4 Montrer que les fonctions definies par (19) et (20) sont continue de R vers R.

E 2.5 Soit (H, h·, ·i) un epace de Hilbert. On suppose que xn → x et yn → y dans H. Montrer que
(le produit scalaire est continue) :
hx, yi = lim hxn , yn i . (22)
n→∞

3 Géométrie des espaces de Hilbert et espace dual

La norme naturelle des espaces de Hilbert provient donc d’un produit scalaire. La géométrie des
espaces de Hilbert est beaucoup plus riche que celle, plus générale, des espaces de Banach. Les
notions d’angle entre deux vecteurs et, en particulier, leur orthogonalité se généralisent facilement
aux espaces de Hilbert mais beaucoup plus difficilement aux espaces de Banach.

Définition 3.1 Soit (H, h·, ·i) un espace de Hilbert et A ⊂ H un sous-ensemble. On dit que x ∈ H
est
1. orthogonal à y si hx, yi = 0 : dans ce cas on écrit x ⊥ y (lire x est perpendiculaire à y) ;
2. orthogonal à A si hx, zi = 0 pour tout z ∈ A ; et dans ce cas on écrit x ⊥ A.

Soit A ⊂ H un sous-ensemble, on considère l’orthogonal de A défini par

A⊥ := {x ∈ H : hx, zi = 0 pour tout z ∈ A} . (23)

Autrement dit x ⊥ A ssi x ∈ A⊥ .

Proposition 3.2 Soit Hun espace de Hilbert. Alors on a :


1. H ⊥ = {0} et 0 est le seul vecteur perpendiculaire à lui même.
2. A⊥ est un sous-espace fermé de H pour tout A ⊂ H.
3. A⊥ ⊥
2 ⊂ A1 si A1 ⊂ A2 .
4. kx + yk2 = kxk2 + kyk2 si x, y ∈ H sont orthogonaux (Théorème de Pythagore).

La dernière assertion est une version abstraite du Théorème de Pythagore.

6
Preuve 5 1) Puisque kxk = 0 ssi x = 0, (1) découle de (8).

2) Pour x, y ∈ A⊥ considérons αx + βy pour α, β ∈ K. Calculons, pour z ∈ A,

hαx + βy, zi = αhx, zi + βhy, zi


(24)
=0,

par suite αx + βy ∈ A⊥ . Ce qui montre A⊥ est un sous-espace vectoriel de H.

Si (xn )n∈N ⊂ A⊥ est une suite de Cauchy, comme (H, h·, ·i) est de Hilbert, il existe x ∈ H tel que
limn→∞ xn = x. De plus, pour tout y ∈ A,

lim |hx, yi| = lim |hx − xn , yi + hxn , yi|


n→∞ n→∞
≤ lim kx − xn k · kyk (25)
n→∞
=0,

grace à l’inégalité de Cauchy-Schwarz. Par conséquent, x ∈ A⊥ et (b) s’en suit.

3) Découle directement de la Définition 3.1 puisque A2 contient plus d’éléments.

4) Obsevons que

kx + yk2 = hx + y, x + yi = hx, xi + hy, yi + hx, yi + hy, xi


(26)
= hx, xi + hy, yi = kxk2 + kyk2 ,

since hx, yi = hy, xi = 0.

Rappelons que C ⊂ H est convexe si

x + t(y − x) ∈ C pour tout t ∈ [0, 1] et tout x, y ∈ C . (27)

En d’autres termes, C est convexe ssi le segment qui joint deux points quelconque x et y de C reste
inclus dans C.

Soit A ⊂ H non vide et x ∈ H, tout point y ∈ A tel que kx − yk = inf{kx − zk, z ∈ A}, si il
existe, est appelé meilleurs approximant de x dans A. Obsevons les deux cas :

(i) H = R2 , x = (0, 0) et A = B((0, 2), 1) la boule ouverte du plan de centre (0, 2) et de rayon 1.
Dans ce cas x n’admet aucun meilleur approximant dans A.
(ii) H = R2 , x = (0, 0) et A = {z ∈ H, 1 ≤ kxk ≤ 2} la couronne fermée du plan de centre (0, 0) et
de rayons 1 et 2. Dans ce cas tout point y ∈ H tel que kyk = 1 est meilleur approximant de x
dans A.

La proposition suivante qui concerne le cas où A = C est un convexe fermé montre l’existence et
l’unicité d’un meilleur approximant.

7
Théorème 3.3 Soit C ⊂ H un sous-ensemble convexe et fermé dans un espace de Hilbert H. Pour
tout x ∈ H, il existe un et un seul élément y ∈ C tel que
ky − xk = inf kz − xk . (28)
z∈C

y est appelé projection de x sur C.

Preuve 6 Montrons d’abord l’unicité : supposons que y1 , y2 ∈ C sont tout les deux meilleurs ap-
proximants de x ∈ H. Considérons la fonction :
g(t) : = k(y1 + t(y2 − y1 )) − xk2 − kx − y1 k2
= t2 ky2 − y1 k2 + 2t · Re hy2 − y1 , y1 − xi (29)
+ kxk2 + ky1 k2 − 2Re hy1 , xi − kx − y1 k2 .
g : [0, 1] → R est une fonction quadratique telle que g(0) = g(1) = 0 et qui admet un minimum
global en t = 1/2. Par suite k(y2 − y1 )/2 − xk < kx − y1 k. D’où la contradiction avec y1 , y2 meilleurs
approximants de x dans C. ((y2 − y1 )/2 ∈ C par convexité).

Montrons l’existence : Par définition de la borne inférieure il existe une suite (xn )n∈N d’éléments
de C telle que kxn −xk → d := inf z∈A kz −xk. Montrons que (xn )n∈N est une suite Cauchy. L’identité
du parallélogramme (11) s’applique :
2kxm − xk2 + 2kxn − xk2 = kxn + xm − 2xk2 + kxn − xm k2 , (30)
par conséquent,
kxn − xm k2 = 2kxm − xk2 + 2kxn − xk2 − kxn + xm − 2xk2 . (31)
Puisque (xn + xm )/2 ∈ C on a
k(xn + xm )/2 − xk2 ≤ d2 (32)
D’où,
kxn − xm k2 ≤ 2kxm − xk2 + 2kxn − xk2 − 4d2 . (33)
Or kxm − xk2 → d2 , il s’en suit que (xn )n∈N une suite de Cauchy. Il existe donc z ∈ H tel que xn → z
et comme C est fermé, alors z ∈ C. De plus
d ≤ kz − xk = kz − xn + xn + xk ≤ kz − xn k + kx − xk → d , (34)
D’où le résultat.

Remarque 3.4 En général le Théorème 3.3 n’est pas valable dans les espaces de Banach qui ne sont
pas des espaces de Hilbert. En effet, dans (R2 , k · k∞ ) l’ensemble
C =: {x ∈ R2 : kxk∞ ≤ 1} . (35)
est un sous-ensemble convexe et fermé mais z := (2, 0) admet une infinité de meilleurs approximants !
En effet soit (x, y) ∈ C. Alors
k(x, y) − (2, 0)k∞ = k(x − 2, y)k∞ ≥ 1 (36)
tout les points (1, y) avec |y| ≤ 1, vérifient k(1, y) − (2, 0)k∞ = 1.

8
Lorsque le C ⊂ H est en plus un sous-espace vectoriel le meilleur approximant n’est autre que la
projection orthogonale.

Théorème 3.5 Soit (H, h·, ·i)un espace de Hilbert and F ⊂ H un sous-espace fermé et x ∈ H un
point quelconque. Il existe un point unique y ∈ F meilleur approximant de x dans F et caractérisé
par
x − y ∈ F⊥ . (37)
y est la projection orthogonale of x sur F .

Preuve 7 Soit y ∈ F le meilleur approximant de x ∈ H dans F. Montrons que x − y ⊥ z pour tout


z ∈ F : Pour z = 0 c’est bien clair, on suppose z 6= 0. Puisque F est un sous-espace fermé, on peut
considérer y + αz ∈ F avec α ∈ K et, y ∈ F étant le meilleur approximant de x on obtient,

ky − xk2 ≤ ky + αz − xk2 . (38)

Un calcul explicite donne alors,

αhz, y − xi + αhz, y − xi + |α|2 hz, zi ≥ 0 . (39)

Choisissons α := −hz, y − xi/hz, zi on obtient

|hz, y − xi|2 ≤ 0 , (40)

ce qui implique que hz, y − xi = 0.

Réciproquement, soit x ∈ H donné. Soit y ∈ F vérifiant x − y ∈ F ⊥ . Si z ∈ F est le meilleur


approximant de x dans F alors

kz − yk2 = hz − y, z − yi
= hx + z − y − x, z − yi
(41)
= hx − y, z − yi + hz − x, z − yi = 0 .
| {z } | {z }
=0 car z−y∈A =0

Par conséquent z = y.

Une relation plus importante existe entre les sous-espaces fermés C ⊂ H et les projections orthogo-
nales. Soient A, B ⊂ H, on écrit A ⊥ B si x ⊥ y pour tout x ∈ A et tout y ∈ B.

Définition 3.6 Soit (H, h·, ·i) un espace de Hilbert. Une application linéaire P : H → H est appelée
projecteur si
P ◦P =P , (42)
elle est appelée projecteur orthogonal si en plus

Im(P ) ⊥ ker(P ). (43)

9
Théorème 3.7 Soit (H, h·, ·i) un espace Hilbert et F un sous-espace fermé de H. Alors il existe un
et un seul projecteur orthogonal P tel que

F = Im(P ) et F ⊥ = ker(P ). (44)

De plus, pour tout x ∈ H, P x est le meilleur approximant de x ∈ H dans F et

x = x1 + x2 , x1 ∈ F, x2 ∈ F ⊥ , (45)

avec x1 := P x (la projection orthogonale de x sur F ) et x2 := (1 − P )x (la projection orthogonale de


x sur F ⊥ ). En particulier,
H = F ⊕ F⊥ (46)
est une somme directe.

Preuve 8 On montre qu’une décomposition du type (45) existe et elle est unique. Soit x ∈ H et
y ∈ F son meilleur approximant dans F . Soit z = x − y alors

x=y+z avec y ∈ F, z ∈ F ⊥ . (47)

Il reste à montrer l’unicité. Supposons x = ỹ + z̃ est une autre décomposition avec ỹ ∈ F et z̃ ∈ F ⊥ .


On aura pour y − ỹ = z − z̃
ky − ỹk2 = hy − ỹ, y − ỹi
(48)
= hz − z̃, y − ỹi = 0 ,

puisque y − ỹ ∈ F and z − z̃ ∈ F ⊥ . Par conséquent, y = ỹ et z = z̃. Comme x = P x + (1 − P )x, on


conclut que la projection orthogonale P est unique.

Considérons l’application linéaire

P : H 3 x 7→ y ∈ H , (49)

où y ∈ F est le meilleur approximant de x dans F . Le Théorème sera démontré si on montre que
P est un projecteur orthogonal tel que F = Im(P ) et F ⊥ = ker(P ). La linéarité de P est laissée à
titre d’ exercice (voir Exercice 4.2). L’inclusion Im P ⊂ A découle de la définition et F ⊂ ran P est
vérifié puisque, si z ∈ F , alors P z = z. Par conséquent, Im P = A.

Soit x ∈ ker P . Alors 0 ∈ F est le meilleur approximant de x et à l’aide de l’équation (37) on conclut
que x ∈ F ⊥ . De plus, ker P ⊂ F ⊥ . D’autre part, si x ∈ F ⊥ , alors 0 ∈ F est le meilleur approximant
de x, ce qui implique P x = 0 et donc x ∈ ker P . Par conséquent, A⊥ = ker P .

Il reste à montrer que P ◦ P = P . Soit x ∈ H. Alor P x ∈ F est le meilleur approximant de x dans


F . Puisque tout élément de F est le meilleur approximant de lui même, on obtient que P (P x) = P x.

Corollaire 3.8 (caracterisation géométrique du meilleur approximant) Soit C ⊂ H un convexe


fermé d’un espace de Hilbert H. Alors y ∈ C est le meilleur approximant dans C de x ∈ H si et
seulement si
Rehx − y, z − yi ≤ 0 pour tout z ∈ C . (50)

10
L’inégalité 50 implique que le produit scalaire du vecteur − → := x − y avec un veceur −
yx → := z − y
yz
est inférieur ou égal à zéro. En d’autre termes, l’angle entre ces deux vecteurs est supérieur ou égal
à π/2 et vaut π/2 seulement si z = y.

Preuve 9 Exercice 4.4.

Le Théorème 3.7 permet de décrire le dual de (H, h·, ·i). En effet, pour tout y ∈ H considérons la
form linéaire sur H définie par
fy (x) := hx, yi , x ∈ H. (51)
L’inégalié de Cauchy-Schwarz implique

|fy (x)| ≤ kykkxk for all x ∈ H , (52)

implique que fy est continue. Dans les espaces de Hilbert , toute forme linéaire contińue est de cette
forme ! Ce résultat fût démontré independamment en 1907 par Maurice René Fréchet et Frigyes Riesz.

Théorème 3.9 (Théorème de Représentation de Fréchet-Riesz) Soit (H, h·, ·i) un espace de
Hilbert. Pour tout f ∈ H 0 il existe un et un seul y ∈ H tel que

f (x) = hx, yi pour tout x ∈ H. (53)

Preuve 10 Soit f ∈ H 0 . La continuité de f implique que ker f est un sous-espace fermé de H. Le


Théorème 3.7 s’applique
H = ker f ⊕ (ker f )⊥ . (54)
Comme dim (kerf )⊥ = 1 : si x, y ∈ (kerf )⊥ , puisque f (x), f (y) 6= 0 on peut trouver α, β 6= 0 tels
que f (αx + βy) = 0. Ce qui implique que αx + βy ∈ kerf . Par conéquent, puisque 0 ∈ H est le seul
élément appartenant à kerf et à (kerf )⊥ , αx + βy = 0 et x = − αβ y.

Soit y ∈ (kerf )⊥ tel que f (y) = 1. Alors pour tout x ∈ H,

f (x) = f (x1 + x2 )
= f (x2 ) = λf (y) , (55)
=λ,
hx,yi
où x = x1 + x2 est l’unique décomposition du (54) et λ ∈ K est tel que x2 = λy. On a λ = kyk2
. D’où
le résultat.

Voici quelques conséquences du Théorème de Représentation de Fréchet-Riesz.

Corollaire 3.10 Soit (H, h·, ·i) un espace de Hilbert et (H 0 , k · kH 0 ) son espace dual : l’espace des
formes linéaires continue sur H. L’application Φ : H → H 0 , [Φ(y)](·) := h·, yi est une isométrie
anti-linéaire dans le sens où Φ(αx + y) = αΦ(x) + Φ(y) pour tout x, y ∈ H, α ∈ C.

11
Preuve 11 On applique le Théorème 3.9. L’application

[Φ(y)](·) := h·, yi , (56)

est une bijection. Les propriétés du produit scalaire impliquent Φ(αy) = αΦ(y). Il reste à montrer
l’isométrie. Soit y ∈ H tel que kyk = 1. Alors

[Φ(y)](x) = |hx, yi| ,


(57)
≤ kxk · kyk ,

grâce à l’inégalité de Cauchy-Schwarz. Par conséquent, kΦ(y)kH 0 ≤ 1. En remarquant que |[Φ(y)](y)| =


kyk2 on voit que kΦ(y)kH 0 = 1.

Remarque 3.11 Le Théorème de Représentation et en particulier le Corollaire 3.10 signifie que H


et son dual H 0 peuvent être identifiés et donc la dualité et le produit scalaire de sortes que

hx0 , xiH 0 ,H := x0 (x)=hx0 , xi pour tout x ∈ H et x0 ∈ H 0 .

Une suite (xn )n∈N ⊂ H converge faiblement vers x ∈ H si hy, xn − xi → 0 pour tout y ∈ H, voir
Exercice 4.1.

Corollaire 3.12 Soit (H, h·, ·i) un espace de Hilbert. Le dual (H 0 , k · kH 0 ) est aussi un espace de
Hilbert.

Preuve 12 On sait bien (H 0 , k · kH 0 ) est un espace de Banach. Il reste à montrer que la norme k · kH 0
est induite par un produit scalaire. On définit

hf, giH 0 := hΦ−1 (f ), Φ−1 (g)iH , (58)

où Φ est l’application donnée par (56). On a

hf, f iH 0 = hΦ−1 (f ), Φ−1 (f )iH


(59)
= kΦ−1 (f )k2 = kf k2H 0 .

Puisque h·, ·iH est un produit scalaire, on obtient un résultat analogue pour h·, ·iH 0 .

Il découle des Corollaires (3.10) et (3.12) que les espaces de Hilbert sont réflexifs.

Corollaire 3.13 Tout espace de Hilbert (H, h·, ·i) est réflexif.

12
4 Exercices

E 4.1 Soit H un espace de Hilbert, (xn )n∈N ⊂ H et x ∈ H. Montrer que :


(1) kxn − xkH → 0 implique que xn converge faiblement vers x.
(2) si xn → x faiblement et kxn kH → kxkH alors kxn − xkH → 0.

E 4.2 Montrer que l’application P definie dans la preuve du Théorème 3.7 est linèaire.

E 4.3 Soit A ⊂ H un sous espace fermé et soit (xn )n∈N ⊂ A une suite qui converge faiblement vers
x. Montrer que x ∈ A.

E 4.4 Donner la preuve du Corollaire 3.8. Indication : Considérer le meilleur approximant y ∈ A


de x et remarquez que

v = (1 − t)y + tz ∈ A pour tout t ∈ [0, 1] et z ∈ A (60)

E 4.5 (Le Théorème de Hahn-Banach pour les espaces de Hilbert) Soit H un espace de Hil-
bert et soit A ⊂ H un sous espace et f : A → K une forme linéaire telle que

|f (x)| ≤ M kxk pour une constante M > 0 et tout x ∈ A , (61)

Montrer qu’il existe une forme linéaire g : H → K avec g|A = f et

|g(x)| ≤ M kxk pour M > 0 et tout ∀x ∈ H . (62)

E 4.6 Soit H = L2 (R C) et soit

A := {g ∈ L2 (R; C) : g(x) ≥ 0 pour presque tout x ∈ R} . (63)

Montrer que A est un sous ensemble convexe fermé (mais pas un sous espace vectoriel) et que, pour
tout f ∈ H, le meilleur approximant dans A est donné par
(
Re(f )(x) si Re(f )(x) ≥ 0
Re(f )+ (x) := (64)
0 si non .

5 Bases orthonormées

Tout vecteur x ∈ Rn de l’espace euclindien Rn s’exprime de manière unique sous la forme d’une
combinaison n
X
x= hx, ej iej , (65)
j=1

13
ej ∈ Rn étant le j-ième vecteur de la base canonique.

De plus, S := {e1 , e2 , ..., en } est une base orthonormée.


(
1 if j = k
hej , ek i = δjk := pour tout j, k ∈ {1, 2, ..., n} . (66)
0 if j 6= k

L’équation (66) implique que chaque vecteur ej est de longueur unité et que ej et ek sont orthogonaux
si j 6= k. La notion de base se généralise aux espaces de Hilbert séparables et de dimension infinie en
remplaçons les combinaisons linéaires finie par des combinaisons linéaires infinie (65) avec :

X N
X
x= an en ⇐⇒ x − an en →0 , N →∞. (67)
n=1 n=1 H
.

Définition 5.1 Soit (H, h·, ·i) un espace de Hilbert. Soit S un sous-ensemble non vide de H. On dit
que S est :
(i) orthogonal si x ⊥ y pour tout x, y ∈ S,
(ii) orthonormal si S est orthogonal et kxkH = 1 pour tout x ∈ S,
(iii) un système orthonormal total si S est orthonormal et maximal au sens où : si S̃ est un
autre système orthonormal tel que S ⊂ S̃, alors S = S̃.

On montrera ci-dessous, à l’aide du Lemme de Zorn, qu’un système orthonormal total existe dans
tout espace de Hilbert .

Théorème 5.2 Soit (H, h·, ·i) un espace de Hilbert avec H 6= {0}. Alors, il existe un système ortho-
normal total S ⊂ H.

Preuve 13 On définit
M := {S ⊂ H : S est orthonormal} . (68)
Puisque H 6= {0} on vérifie que M est non-vide : on choisit un élément y ∈ H et on construit un
système orthonormal S = {y : kyk}. On munit Mde la relation d’ordre

S≤T ⇔S⊂T . (69)

Si N ⊂ M est totallement ordonné alors


[
S ∗ := S (70)
S∈N

est maximal et S ∗ ∈ M : Puisque N totalement ordonné il existe, pour x, y ∈ S ∗ , un ensemble


S ∈ N avec x, y ∈ S. On vient de montrer que toute partie totalement ordonné de M admet une
borne supérieure. Le théorème découle du Lemme de Zorn.

14
Le résultat suivant donne une description plus explicite des systèmes orthonormaux et totales.

Proposition 5.3 Soit (H, h·, ·i) un espace Hilbert. Soit S ⊂ H un système orthonormal. Alors S est
total si et seulement si S ⊥ = {0}.

Preuve 14 Supposons que S ⊂ H est un système orthonormal tel que S ⊥ = {0} : Si S n’est pas total
il existerait S̃ système orthonormal tel que S ⊂ S̃, avec inclusion stricte. Ceci contredit l’ypothèse
S ⊥ = {0} puisque il existerait y ∈ H \ S avec y 6= 0 et y ⊥ x pour tout x ∈ S.

D’autre part, supposons que S ⊂ H est un système orthonormal tel que S ⊥ 6= {0}. Puisqu’il existe
y ∈ H \ S avec kykH = 1 tel que y ⊥ x pour tout x ∈ S. Par conséquent, S ∗ := S ∪ {y} est
orthonormal et contient S, contradiction.

Exemple 5.4 Considérons l’espace de Hilbert (`2 (N), k · k`2 (N) ) des suites réelles de carré sommable.
Soit S := {en : n ∈ N∗ }, où en est la suite dont seul le n-ième terme est non nul et vaut 1 . Alors

X
hen , em i`2 (N) = (en )j (em )j
j=1
∞ (71)
X
= δnj δmj = δnm ,
j=1

où δjk est le symbole de Kronecker ,

(
1 sij = k
δjk :=
0 si non .
Le système S est bien orthonormal. De plus, pour tout x = (x1 , x2 , ...) ∈ `2 (N) on a

X
hx, en i`2 (N) = (x)j (en )j
j=1
∞ (72)
X
= xj δnj = xn .
j=1

Par conséquent, x ⊥ en pour tout n ∈ N si et seulement si x = 0, donc S est un système orthonormal


total.

Le résultat qui suit fût démontré en 1828 par Friedrich Wilhelm Bessel dans le cas des systèmes
trigonométriques.

Théorème 5.5 (L’inégalité de Bessel) Soit {xn : n ∈ N} un système orthonormal d’un espace
de Hilbert (H, h·, ·i). Alors, pour tout x ∈ H, on a

X
|hx, xn i|2 ≤ kxk2 (73)
n=1

15
Preuve 15 Soit N ∈ N∗ arbitraire et soit
N
X
xN := x − hx, xn i xn . (74)
n=1

Alors xN ⊥ xn pour tout n = 1, ..., N . D’après (d) de la Proposition 3.2 on a


N
X 2
2 2
kxk = kxN k + hx, xn i xn
n=1
N
X
= kxN k2 + |hx, xn i|2 (75)
n=1
N
X
≥ |hx, xn i|2 .
n=1

Pour passer de la ligne 1 à la ligne 2 on a utilisé le fait que xn ⊥ xm pour n 6= m. Finalement, on


voit bien que le résultat découle du fait que N est arbitraire.

Lemme 5.6 Soit {xn : n ∈ N} un système orthonormal d’un espace de Hilbert (H, h·, ·i) et soit
y, z ∈ H. Alors
X∞
|hy, xn ihxn , zi| < ∞ . (76)
n=1

Preuve 16 L’inégalité de Hölder donne


∞ ∞
!1/2 ∞
!1/2
X X X
|hy, xn ihxn , zi| ≤ |hy, xn i|2 |hxn , zi|2
n=1 n=1 n=1
(77)
≤ kxkH · kykH < ∞ ,
d’après le Théorème 5.5.

On a aussi le résultat suivant.

Lemme 5.7 Soit S ⊂ H un système orthonormal d’un espace de Hilbert (H, h·, ·i). alors l’ensemble
Sx := {y ∈ S : hx, yi =
6 0} (78)
est au plus dénombrable.

Preuve 17 Considèrons les ensembles


n 1o
Sx,n := y ∈ S hx, yi ≥ , (79)
n
pour n ∈ N∗ . D’après le Théorème 5.5 chaque Sx,n est fini. Puisque
[
Sx = Sx,n , (80)
n∈N

le résultat s’en suit.

16
Le Théorème 5.5 se généralise au casPoù S est un système orthonormal non-dénombrable. Précisons
d’abord le sens d’objets de la forme y∈S xy .

Soit (E, k · kE ) un espace vectoriel normé et I un ensemble d’indices. Si xi ∈ E pour


Définition 5.8 P
i ∈ I on dit que i∈I xi converge inconditionellement vers x ∈ E si
(a) I0 := {i ∈ I : xi 6= 0} est au plus dénombrable,
(b) pour tout I0 = {i1 , i2 , ...} ⊂ I on a

X
xin = x , (81)
n=1

pour la norme k · kE . Ce qui signifie que la limite ne dépend pas de l’ordre de la sommation.

On a la généralisation suivante du Théorème 5.5.

Corollaire 5.9 (Inégalité de Bessel générale) Soit (H, h·, ·i) un espace de Hilbert et S ⊂ H
orthonormal. Alors, pour tout x ∈ H, on a
X
|hx, yi|2 ≤ kxk2 . (82)
y∈S

Preuve 18 D’après le Lemme 5.7 seul un ensemble au plus dénombrable de coéfficients hx, yi est
non nul. Soit I0 = {i1 , i2 , ...} cet ensemble. Le Théorème 5.5 implique le résultat.

Lemme 5.10 Soit (H, h·, ·i) un espace de Hilbert et S ⊂ H orthonormal. Alors pour tout x ∈ H, les
séries X
hx, eie (83)
e∈S

convergent inconditionellement.

Preuve 19 Soit {e1 , e2 , ...} ⊂ {e ∈ S : hx, ei =


6 0} qui est au plus dénombrable d’après le Lemme 5.7.
Calculons
M M
X 2 X
hx, en ien = |hx, en i|2 → 0 , (84)
n=N n=N

d’après (d) de Proposition 3.2 en tenant compte du Théorème 5.5. Il s’en suit que les séries ∞
P
n=1 hx, en ien
convergent vers un y ∈ H. Le même raisonnement est valable pour toute permutation π : N → N∗ ,
les séries ∞
X
hx, eπ(n) ieπ(n) (85)
n=1

17
convergent vers yπ ∈ H. Il reste à montrer que y = yπ : pour tout z ∈ H,
N
DX E
hy, zi = lim hx, en ien , z
N →∞
n=1

X
= hx, en ihen , zi
n=1
(86)
X∞
= hx, eπ(n) iheπ(n) , zi
n=1
= hyπ , zi ,
ce qui implique que y = yπ :la première et la dernière inégalité découlent de la continuité du produit
scalaire. Le Lemme 5.6 implique la convergence absolue de la séries de la ligne 2, ceci permet le
réarrangement pour obtenir la ligne 3.

Rappelons que Vect(S) d’un ensemble S ⊂ H désigne l’espace vectoriel


( n )
X
Vect(S) := aj ej : n ∈ N, aj ∈ K, ej ∈ S . (87)
j=1

Lemme 5.11 Soit (H, h·, ·i) un espace de Hilbert et S ⊂ H orthonormal. Alors l’application
X
P : x 7→ hx, eie (88)
e∈S

est le projecteur orthogonal sur la fermeture Vect(S) de Vect(S).

Preuve 20 P est bien défini d’après le Lemme 5.10. Soit x ∈ H, soit {e1 , e2 , ...} ⊂ {e ∈ S : hx, ei =
6
0}. Calculons
∞ DX
X ∞ E
P (P x) = hx, em iem , en en
n=1
|Pm=1 {z } (89)

m=1 hx,em iδnm =hx,en i

= Px .
D’où, P est un projecteur. Soit y ∈ ker P . Alors

X
hy, P xi = hx, en iH hy, en i
n=1

X (90)
= hen , xihy, en i
n=1
= hP y, xi = 0 .
Par conséquent, P est un projecteur orthogonal (ker P ⊥ ran P ).

18
Introduisons la notion base hilbertienne.

Définition 5.12 Soit S ⊂ H orthonormal dans un espace de Hilbert H. On dit que S est une base
orthornormale ou base hilbertienne si
X
x= hx, eie pour tout x ∈ H .
e∈S

Nous allons montrer que tout système orthonormal total est une base hilbertienne et vice-versa.

Théorème 5.13 Soit (H, h·, ·i) un espace de Hilbert et S ⊂ H orthonormal. Les assertions suivantes
sont équivalentes.
(a) S orthonormal total ,
P
(b) x = e∈S hx, eie pour tout x ∈ H,
P
(c) hx, yi = e∈S hx, eihe, yi pour tout x, y ∈ H,
(d) kxk2 = e∈S |hx, ei|2 pour tout x ∈ H.
P

L’identité (d) est l’identité de Parseval. Marc-Antoine Parseval des Chnes a montré un résultat
comparable en 1799.

Preuve 21 a) ⇒ b) D’après la Proposition 5.3 on a span(S) = H. D’après le Théorème 3.7 et le


Lemme 5.11 on a P x = x qui signifie b).

b) ⇒ c) On a y = P y et x = P x. Soit {e1 , e2 , ...} ⊂ {e ∈ S : hx, ei =


6 0} et {ẽ1 , ẽ2 , ...} ⊂ {ẽ ∈ S :
hy, ẽi =
6 0}. Alors,

hx, yi = hP x, P yi ,
DX N N
X E
= lim hx, en ien , hy, ẽm iẽm ,
N →∞
n=1 m=1 (91)
XN
= lim hx, en ihy, ẽm ihen , ẽm i
N →∞
n,m=1

où on a utilisé la continuité du produit scalaire. Maintenant, hen , ẽm i =


6 0 si et seulement si en = ẽm .
D’où,

X
hx, yi = hx, en ihy, en i ,
n=1 (92)
X
= hx, eihy, ei ,
e∈S

grâce au Lemme 5.6 et Lemme 5.7.

19
c) ⇒ d) Il suffit de prendre x = y.

d) ⇒ a) Supposons que S n’est pas total :il existe y ∈ H avec y 6= 0 tel que y ⊥ x pour tout x ∈ S.
Calculons
X
kxk2 + kyk2 = kx − yk2 = |hx − y, ei|2
e∈S (93)
2
= kxk ,

donc kyk2 = 0 par suite y = 0, contradiction.

Le Théorème 5.13 nous dit que toute é‘lément x ∈ H d’un espace de Hilbert (H, h·, ·i) s’exprime
X
x= hx, eie , (94)
e∈S

si S ⊂ H est un système orthonormal et total. La série (94) appelée série de Fourier de x


relativement à S et les scalaires hx, ei, e ∈ S, sont appelé les coéfficients de Fourier de x.

Les séries de Fourier sont particulèrement intéressantes lorsqu’ elles sont associées á un système
orthonormal au plus dénombrable et c’est bien le cas dans les contextes les plus courants.

Lemme 5.14 Soit (H, h·, ·i) un espace de Hilbert de dimension infinie. Les assertions suivantes sont
équivalentes :
(a) (H, h·, ·i) est séparable ;
(b) tout système orthonormal total est fini ou dénombrable ;
(c) il existe un système orthonormal total fini ou dénombrable S.

Preuve 22 a) ⇒ b) H est séparable ssi il existe un sous-ensemble au plus dénombrable A ⊂ H


qui est dense. Supposons que S ⊂ H soit un système non-dénombrable mais orthonormal et total
et choisissons une suite (si )i∈I où I est de cardinal plus grand que celui de N. On a ksi − sj√ k2 =
2 2
ksi k +ksj k = 2 si i 6= j. Puis on considère les voisinnages ouverts Ui := {x ∈ H : ksi −xkH < 2}.
Alors, par construction, sj ∈ / Ui si i 6= j , on obient une famille dénombrable de voisinnages ouverts
deux-à deux disjoints (Ui )i∈I . La densité de A implique l’ existence de ai ∈ A pour chaque Ui ce qui
est une contradiction avec la dénombrabilité de S.

b) ⇒ c) D’après le Théorème 5.2 il existe un système orthonormal.

c) ⇒ a) Puisque S ⊥ = {0} d’après la Proposition 5.3 l’ensemble S est dense et est au plus
dénombrable. D’où la séparabilité.

Exemple 5.15 1) On considère l’espace des fonctions continuue 2π-périodique

C2π := {f : R → C : f ∈ C(R) et f (x) = f (x + 2π) pour tout x ∈ R} . (95)

20
C2π est un espace préhilbertien pour le produit scalaire
Z π
1
hf, gi = f (t)g(t) dt . (96)
2π −π
On montre que {ek : k ∈ Z} est une base hilbertienne de L2 (−π, π) où ek est donné pour tout k ∈ N
par
ek (t) := eikt , t∈R.
La restriction de toute fonction f ∈ C2π à l’intervalle (−π, π) appartient à L2 (−π, π). Il en découle
que
+n
X
sn := ck ek (97)
k=−n

converge vers f dans k · kL2 (−π,π) quand n → ∞. La somme partielle sn ∈ C2π et


cn := hf, en i ∈ C
est appelé le n-ième coéfficient de Fourier de f . Le fait que
+∞
X
f= ck ek (98)
k=−∞

montre que f une superposition des ondes ek de fréquence 2πk.

2) Reprenons l’exemple pécèdent en ne considérons que les fonctions à valeurs réelles. Dans l’es-
pace de Hilbert réel L2R (−1, 1), les parties réelles des ondes en constituent bien une base hilbertienne
.      
1 1 1
√ ∪ √ cos(n·) : n ∈ N ∪ √ sin(n·) : n ∈ N .
2π π π

On peut en conclure que les espaces de Hilbert séparable et de dimension infinie sont tous isomorphes.

Lemme 5.16 Soit (H, h·, ·i) un espace de Hilbert de dimension infinie. On suppose en plus que H
est séparable. Alors
(H, h·, ·i) ∼
= (`2 (N), h·, ·i`2 (N) ) , (99)
c.a.d., H est isomorphe et isométrique à `2 (N).

En particulier, l’espace de Lebesgue L2 (0, 1) est isomorphe et isométrique à `2 (N).

Preuve 23 D’après le Lemma 5.14 tout système orthonormal total S de (H, h·, ·i) est dénombrable.
Soit S = {e1 , e2 , ...} un tel système et soit x ∈ H. Soit T : H → l2 (N) l’application définie par
(T x)n := hx, en i . (100)
D’après le Théorème 5.13 on a T x ∈ `2 (N) et kT xk`2 (N) = kxkH . D’après le Théorème 5.13, T est
injective. Montrons sa surjectivité. Si h ∈ `2 (N) un antécédent de h est donné par

X
x := hn en ∈ H . (101)
n=1

21
6 Exercices

E 6.1 Soit (H, h·, ·i) un espace de Hilbert et soit S ⊂ H orthonormal. Montrer que S est un système
orthonormal total si et seulement si Vect(S) = H.

E 6.2 On considére l’espace de Hilbert complexe L2 (−1, 1). Montrer que

S = {en : n ∈ Z} (102)

avec en (t) = √1 eiπnt , t ∈ (−1, 1) est un système orthonormal total.


2

E 6.3 Soit H un espace de Hilbert separable. Montrer que :


(1) que si M et N sont deux sous-espaces de dimension finie avec dim M < dim N , alors

M ⊥ ∩ N 6= {0} . (103)

(2) si {en | n ∈ N} est une base orthonormale de H et {fn | n ∈ N} un système orthonormale de


H avec ∞
X
ken − fn k2 < 1 . (104)
n=1

alors {fn | n ∈ N} est aussi une base orthonormale de H.

7 Opérateurs linéaires dans les espaces de Hilbert

Les opérateurs linéaires dans les espaces de Hilbert se laissent exprimer dans des bases comme
en dimension finie où ils se réduisent à des matrices. Pour commencer, soit S une base hilbertienne
d’un espace de Hilbert H. Rappelons que tout vecteur de H a une représentation unique sous forme
d’une série de de Fourier relativement à S.

Proposition 7.1 Soient H, K deux espaces de Hilbert et S une base hilbertienne de H. Un opérateur
T ∈ L(H, K) est complétement déterminé par ses valeurs sur S.

Soient H et K deux espaces de Hilbert, on considère les deux isomorphismes isométriques du


Corollaire 3.10 φH : H → H 0 et φK : K → K 0 . A tout opérateur T ∈ L(H, K) on sait associer son
transposé T 0 ∈ L(K 0 , H 0 ) défini par T 0 x0 (x) = x0 (T x) pour tout x0 ∈ K 0 et x ∈ H. On sait aussi y
associer un opérateur “adjoint” de K dans H.

Définition 7.2 Soient H et K deux espaces de Hilbert, T ∈ L(H, K) et T 0 ∈ L(K 0 , H 0 ) son trans-
posé. L’ operateur T ∗ := φ−1 0
H T φK : H → K est appelé l’adjoint de T.

22
Le Corollaire 3.10 affirme que tout espace de Hilbert H est isomorphe isométrique à son dual. En
identifiant H et K, respectivement, avec H 0 et K 0 . L’ adjoint T ∗ : K → H est caractérisé par :

hx, T ∗ yi = hT x, yi pour tout x ∈ H et y ∈ K . (105)

Ce qui signifie que T ∗ = φ−1 0


H T φY est l’unique opérateur de K dans H satisfaisant (105).

T0
K 0 −→ H 0
↑ ↑
T∗
K −→ H

Exemple 7.3 On prend H = Kn et K = Km , alors un opérateur linéaire S de H vers K est


grosso-modo une matrice MS de type m × n à coéfficients dans K. Soit S ∗ l’adjoint de S alors

MST = MS∗

Les propriétés suivantes sont à retenir.

Proposition 7.4 Soient H1 , H2 , H3 des espaces de Hilbert et T, S ∈ L(H1 , H2 ) et R ∈ L(H2 , H3 ).


Alors :
1. T ∗∗ := (T ∗ )∗ = T.
2. (T + S)∗ = T ∗ + S ∗ .
3. (λT )∗ = λT ∗ pour tout λ ∈ K.
4. (RT )∗ = T ∗ R∗ .
5. T ∗ ∈ L(H1 , H2 ) et kT ∗ k = kT k.
6. kT T ∗ k = kT ∗ T k = kT k2 .
7. ker T = ( ImT ∗ )⊥ et ker T ∗ = ( Im)⊥ .

Preuve 24 Les assertions 1), 2), 3), et 4) découlent de (105).

Pour 5) l’opérateur T ∗ ∈ L(H1 , H2 ) s’écrit T ∗ = φ−1 0


H1 T φH2 , Le fait que φH1 et φH2 soit des
0 ∗
isométries kT k = kT k, on obtient kT k = kT k et par suite 5).

Pour 6) On applique 105 pour obtenir

kT xk2 = hT x, T xi = hx, T ∗ T xi ≤ kxkkT ∗ T xk

pour tout x ∈ H. Alors

kT k2 = sup kT xk2
kxk≤1

≤ sup kxkkT ∗ T xk
kxk≤1

≤ sup kT ∗ T xk = kT ∗ T k ,
kxk≤1

23
puisque kT ∗ T k ≤ kT ∗ kkT k = kT kkT k d’après 5). D’où, kT ∗ T k = k(T T ∗ )∗ k = kT T ∗ k d’après 1) et
4).

Il s’en suit d’après (105) pour tout x ∈ H et y ∈ Y

T x = 0 ⇔ hT x, yi = 0 ⇔ hx, T ∗ yi = 0.
Par suite ker T = (ran T ∗ )⊥ et
ker T ∗ = (ran T ∗∗ )⊥ = (ran T )⊥ ,
d’où 7).

Exemple 7.5 Dans L2 (a, b) on considère l’opérateur de Volterra V défini par


Z t
(V f )(t) := f (s) ds . (106)
a

Alors l’adjoint V ∗ : L2 (a, b) → L2 (a, b) est donné par


V ∗ f = hf, 1i1 − V f , (107)
où 1 est la fonction égale 1 partout. L’inégalité de Hölder entraine
Z bZ t 2
2
kV f kL2 (a,b) = f (s) ds dt
a a
Z b
2
≤ kf kL2 (a,b) (t − a) dt (108)
a
(b − a)2
= kf k2L2 (a,b) .
2
Donc V est un opérateur borné de L2 (a, b) dans L2 (a, b). Calculons l’adjoint de V , on applique (105).
Pour f, g ∈ L2 (a, b), on a
hV ∗ f, gi = hf, 1ih1, gi − hV f, gi
Z b Z b
= dt ds f (s)g(t)
a a
Z b Z b
− dt ds 1[a,t] f (s)g(t)
a a
Z b Z b  
= dt ds f (s)g(t) − 1[a,t] (s)f (s)g(t) (109)
a a
Z b Z b
= dt ds f (s)g(t)
a t
Z b Z s
= ds dt f (s)g(t)
a a
= hf, V gi ,
où on a appliqué le Théorème de Fubini.

24
Il est bien connu en algèbre linéaire que les matrices symétriques sont caractérisées par l’égalité
hx, M yiRn = hM x, yiRn , ∀x, y ∈ Rn . (110)
L’ existence d’un produit permet de donner un sens aux opérateurs symétrique dans les espaces de
Hilbert.

Définition 7.6 Soit H un espace de Hilbert. Un opérateur T ∈ L(H) est dit auto-adjoint ou
symétrique si T = T ∗ :

hx, T yiH = hT x, yiH , ∀x, y ∈ H. (111)

Exemple 7.7 Soit Hun espace de Hilbert.


1. L’ identité et zero Id, 0 on H sont auto-adjoint.
2. Dans l’espace de Hilbert (Kn , h·, ·iKn ) soit M ∈ Kn×n une matrice. Alors l’endomorphisme
associé à M relativement à la base canonique est symétrique ssi aij = aji où aij := (M )ij .
3. Les opérateurs linéaires ou endomorphismes associés aux matrices sont auto-adjoints ssi les
matrices elles mêmes le sont.
4. Si T ∈ L(H) alors T ∗ T et T T ∗ sont auto-adjoints.
5. Pour H = `2 (N) on montre que l’ adjoint de l’opérateur L : (x1 , x2 , · · · ) 7→ (x2 , x3 , · · · ) est
l’opérateur R : (y1 , y2 , · · · ) 7→ (0, y2 , y3 , · · · ). Par conéquent L et R ne sont pas auto-adjoints.
6. Soit H = L2 (0, 1) et k : [a, b] × [a, b] → K continues. L’ opérateur intégral Tk : H → H donné
par Z 1
Tk f := k(·, s)f (s)ds
0

est auto-adjoint si k(t, s) = k(s, t) pour tout s, t ∈ [a, b].


7. En particulier, l’opérateur de Volterra V defini par
Z x
(V f )(x) := f (s) ds , x ∈ (0, 1)
0

n’est pas auto-adjoint. En effet,


Z 1
Vf = k(·, s)f (s) ds
0

avec le noyau
k(t, s) := χ(0,t) (s), t, s ∈ (0, 1) ,
qui n’est pas symétrique (ici χ est la fonction caractéristique d’un ensemble). L’adjoint de V
est donné dans l’Exemple 7.5.
8. Soit Ω ⊂ Rn ouvert, H = L2 (Ω), et q ∈ L∞ (Ω). L’opérateur de multiplication Mq : H → H
defini par
Mq f := qf
est auto-adjoint ssi q est réelle. Un résultat analogue a lieu dans `∞ (N) pour l’opérateur de
multiplication `2 (N) défini par la multiplication par une suite (qn )n∈N ∈ `∞ (N).

25
8 Exercices

E 8.1 (Théorème de Lax-Milgram ) Soit H un espace de Hilbert et B : H × H → K une forme


sesquilinéaire : linéaire par rapport á la première variable et antilinéaire par rapport à la seconde.
On suppose qu’il existe deux constantes positives c1 e tc2 telles que

|B(x, y)| ≤ c1 kxkH kykH , ∀x, y ∈ H , (112)

et
B(x, x) ≥ c2 kxk2H , pour tout x ∈ H . (113)
Montrer que, pour tout f ∈ H ∗ , il existe un et un seul y ∈ H tel que

B(x, y) = f (x) , ∀x ∈ H , (114)

et qu’il existe C indépendant de f telle que

kykH ≤ Ckf kH ∗ . (115)

(Hint : Appliquer 3.9 pour définir A : H → H avec A(y) = z et B(x, y) = hx, ziH . Se ramener ainsi
au cas où A is inversible.)

Le théorème de Lax-Milgram est une généralisation du Théorème de représentation Fréchet-Riesz,il


possède d’importantes applications dans la théorie hilbertienne des équation aux dérivées partielles
(EDP).

26

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