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Espaces de Hilbert

ÉCOLE POLYTECHNIQUE –

Cours 7 : Espaces de Hilbert Bertrand Rémy 1 / 42


1. Géométrie et analyse
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Cours 7 : Espaces de Hilbert Bertrand Rémy 2 / 42


Forme bilinéaire et produit scalaire
Définition
Soit E un R-espace vectoriel. Une application h·, ·i : E × E → R est une forme bilinéaire si
toutes les applications partielles x 7→ hx, y i et y 7→ hx, y i sont linéaires.
(i) Elle est symétrique si hx, y i = hy , xi pour tous x, y ∈ E .

(ii) Elle est définie positive si

hx, xi > 0 pour tout x ∈ E et si (hx, xi = 0 ⇔ x = 0) .

(iii) Un produit scalaire est une forme bilinéaire, symétrique, définie, positive.

Rappel : un produit scalaire surPun R-espace vectoriel de dimension finie, peut toujours
s’écrire sous la forme hx, y i := N
j=1 xj yj , où (x1 , . . . , xN ) sont les coordonnées de x dans une
base adaptée. Quand la base en question est la base canonique sur Rd , on parle de produit
scalaire standard ou canonique.
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Exemples de produits scalaires réels

Exemples.
1. Sur MN (R), on peut définir le produit scalaire hA, Bi := Trace (AB t ).

X
`2 (N; R) | xn2 |< +∞},
P
2. Sur = {séries x = n∈N xn de carré sommable, i.e. telles que
X n=0
on peut définir le produit scalaire hx, yi`2 := xn yn .
n∈N
3. Pour tout ouvert
Z non vide Ω ⊂ RN , on peut définir sur L2 (Ω; R) le produit scalaire
hf , g iL2 := f (x) g (x) dx.

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Applications anti-linéaires et formes sesquilinéaires
Définition
Soient E et F , deux C-espaces vectoriels. Une application L : E → F est dite anti-linéaire si

∀λ, µ ∈ C et ∀x, y ∈ E L(λx + µy ) = λ̄ L(x) + µ̄ L(y ).

Définition
Une application h·, ·i : E × E → C est une forme sesquilinéaire si l’application linéaire partielle
x 7→ hx, y i est linéaire et si l’autre y 7→ hx, y i est anti-linéaire.
(i) Elle est dite symétrique hermitienne si hx, y i = hy , xi pour tous x, y ∈ E . Si tel est le
cas, hx, xi ∈ R pour tout x ∈ E .
(ii) Elle est dite définie positive si
hx, xi > 0 pour tout x ∈ E et si (hx, xi = 0 ⇔ x = 0).
(iii) Un produit (scalaire) hermitien est une forme sesquilinéaire, symétrique hermitienne,
définie, positive.
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Exemples

1. Sur CN , on peut définir le produit (scalaire) hermitien canonique ou standard :


N
X
hx, y i := xj ȳj . En fait, un produit hermitien sur un C-espace vectoriel de dimension
j=1
N
X
finie peut toujours s’écrire sous la forme hx, y i = xj ȳj où (x1 , . . . , xN ) sont les
j=1
coordonnées de x dans une base adaptée.
t
2. Sur MN (C), on peut définir le produit (scalaire) hermitien : hA, Bi = Trace (AB ).
X
3. Sur `2 (N; C), on peut définir le produit (scalaire) hermitien : hx, yi`2 = xn yn .
n∈N
4. Pour tout ouvert non Z vide Ω ⊂ RN , on peut définir sur L2 (Ω; C), le produit (scalaire)
hermitien = hf , g iL2 f (x) g (x) dx.

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Inégalité de Cauchy-Schwarz
Proposition (inégalité de Cauchy-Schwarz)
Soit h·, ·i un produit hermitien sur E . Alors, pour tous x, y ∈ E , on a :
p p
|hx, y i| 6 hx, xi hy , y i,

avec égalité si, et seulement si, la famille {x, y } est liée.

Preuve. Pour tous x, y ∈ E et tout t ∈ R, on peut écrire :


hx − ty , x − ty i = hx, xi − t hx, y i − t hy , xi + t 2 hy , y i
= hx, xi − 2t <hx, y i + t 2 hy , y i
> 0.
Le discriminant de ce polynôme est négatif ou nul, et par conséquent
p p
|<hx, y i| 6 hx, xi hy , y i.
Pour conclure, on remarque que |z| = sups∈R <(e is z) pour tout z ∈ C. 
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Norme préhilbertienne

Définition
Soit h·, ·i un produit scalaire hermitien sur E . On définit sur E la norme associée à h·, ·i par
p
kxk := hx, xi.

Justification. Pour tous x, y ∈ E , grâce à l’inégalité de Cauchy-Schwarz, on a :

kx + y k2 = kxk2 + 2< hx, y i + ky k2

6 kxk2 + 2 kxk ky k + ky k2

6 (kxk + ky k)2 ,

ce qui démontre l’inégalité triangulaire. Les autres axiomes de norme sont faciles à vérifer. 

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Espace préhilbertien

Définition
On appelle espace préhilbertien un C-espace vectoriel muni d’un produit hermitien h·, ·i et de
la norme associée k · k. Un espace préhilbertien peut être muni d’une structure d’espace
métrique pour la distance
d(x, y ) := kx − y k.

Proposition
Soit E un C-espace vectoriel préhilbertien et soient x, y ∈ E . Alors on dispose des énoncés
suivants.
(i) Théorème de Pythagore : < hx, y i = 0 ⇔ kx + y k2 = kxk2 + ky k2 .
(ii) Identité du parallélogramme : kx + y k2 + kx − y k2 = 2 kxk2 + ky k2 .


kx + y k2 − kx − y k2 kx + iy k2 − kx − iy k2 
(iii) Formule de polarisation : hx, y i = +i .
4 4
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Vecteurs orthogonaux et perpendiculaires
Attention : dans un C-espace vectoriel préhilbertien, l’égalité

kx + y k2 = kxk2 + ky k2

n’entraı̂ne pas forcément hx, y i = 0, mais simplement < hx, y i = 0.

Définition
On dit que x et y sont orthogonaux si hx, y i = 0 et on dit que x et y sont perpendiculaires si
< hx, y i = 0.

Remarque : dans le cas des espaces préhilbertiens réels ces deux notions coı̈ncident, mais dans
un C-espace vectoriel préhilbertien, x et ix sont perpendiculaires puisque

hx, i xi = −i hx, xi, et donc < hx, i xi = 0.

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Espaces de Hilbert

Définition
On dit qu’un espace préhilbertien H, muni de la norme k · k associée au produit hermitien
h·, ·i, est un espace de Hilbert si (H, k · k) est un espace vectoriel normé complet.

Par définition, un espace de Hilbert est donc un espace de Banach.

Exemples.
1. L’espace CN , muni du produit hermitien hx, y i := N
P
j=1 xj ȳj , est un espace de Hilbert.
Plus généralement, tout espace préhilbertien de dimension finie est un espace de Hilbert.
2. Tout sous-espace vectoriel fermé d’un espace de Hilbert est lui-même un espace de
Hilbert (muni de la restriction du produit hermitien).

Attention : dans les espaces vectoriels normés de dimension infinie, il existe des sous-espaces
qui ne sont pas fermés (typiquement : des espaces de suites ou de fonctions à support fini ou
compact, dans des espaces définis par une condition de sommabilité ou d’intégrabilité).
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Exemples et non-exemples d’espaces de Hilbert

N
X 1/p
Non-exemple : Si N > 2 et p > 1 l’espace CN , muni de la norme kxkp := |xj |p , est
j=1
un espace de Banach ; mais ce n’est pas un espace de Hilbert dès que p 6= 2.
En effet, prenons x = (1, 0, . . . , 0) et y = (0, 1, . . . , 0). Alors kx + y k2p + kx − y k2p = 2 22/p et
2 kxk2p + ky k2p = 4. L’égalité du parallélogramme est donc vérifiée seulement quand p = 2.


Exemple : l’espace `2 (N; C) des suites complexes x := (xn )n>0 telles que
X
|xn |2 < +∞,
n∈N
X
muni du produit hermitien hx, yi`2 := xn yn , est un espace de Hilbert.
n∈N

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Espaces de Hilbert de fonctions de carré sommable
Exemple : pour tout ouvert non vide Ω ⊂ RN , l’espace L2 (Ω; C) muni du produit hermitien
Z
hf , g iL2 := f (x) g (x) dx,

est un espace de Hilbert.

Remarque : par le cours précédent Cc (Ω; C) est un sous-espace dense dans L2 (Ω; C) ; il n’est
donc pas un sous-espace fermé de L2 (Ω; C) puisqu’il en est distinct.

Exemple : soit Ω un ouvert borné non vide. On note L20 (Ω; C) l’espace des fonctions de
L2 (Ω; C) qui sont de moyenne nulle i.e.
Z
2 2
f ∈ L0 (Ω; C) si f ∈ L (Ω; C) et si f (x) dx = 0.

Alors, L20 (Ω; C) est un sous-espace fermé de L2 (Ω; C) et en particulier, L20 (Ω; C), muni du
produit hermitien h·, ·iL2 est un espace de Hilbert.
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Espaces de Hilbert de fonctions de carré sommable, preuve
Preuve. L’inégalité de Cauchy-Schwarz implique :
Z Z 1/2
1/2 2
f (t) dt 6 |Ω| |f (t)| dt = |Ω|1/2 kf kL2 (Ω) .
Ω Ω

En particulier, l’application
Z
L2 (Ω; C) 3 f 7→ f (t) dt ∈ C,

est bien définie, linéaire et elle est lipschitzienne, donc elle est continue. L’espace L20 (Ω; C) est
donc un fermé au titre d’image réciproque du fermé {0} par une application continue. 

Remarque : dans la situation précédente, on peut aussi voir L20 (Ω; C) comme l’orthogonal des
(classes de) fonctions constantes. Si au contraire Ω est de mesure de Lebesgue infinie, les
fonctions constantes ne sont pas de carré intégrable.
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Isomorphismes d’espaces de Hilbert

Définition
Soient H1 , H2 des espaces de Hilbert et soit L : H1 → H2 une application linéaire. On dit que L
est un isomorphisme d’espaces de Hilbert si les deux propriétés suivantes sont vérifiées :
(i) l’application L est bijective.
(ii) l’application L est une isométrie, i.e. kL(x)kH2 = kxkH1 pour tout x ∈ H1 .

Exemple : l’application S : `2 (N; C) → `2 (N; C) (dite de  décalage ) définie par



S (x0 , x1 , x2 , . . . , xn , . . .) = (0, x0 , x1 , x2 , . . . , xn−1 , . . .),

préserve la norme, mais n’est pas un isomorphisme d’espaces de Hilbert (car elle n’est pas
surjective).

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Orthogonalité

Définition
Soit H un espace de Hilbert et h·, ·i le produit hermitien sur H. Si F est un sous-espace
vectoriel de H, on définit l’orthogonal de F par
n o
F ⊥ := x ∈ H : ∀y ∈ F , hx, y i = 0 .

Proposition
Soit F un sous-espace vectoriel de H, alors :
(i) le sous-espace vectoriel F ⊥ est fermé ;
(ii) si G est un sous-espace vectoriel et si G ⊂ F , alors F ⊥ ⊂ G ⊥ ;
(iii) on a : F ⊥ = (F )⊥ .

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Propriétés de l’orthogonal, preuve

Preuve. Soit (xn )n>0 une suite de F ⊥ qui converge vers x ∈ H. Alors, pour tout y ∈ F
l’inégalité de Cauchy-Schwarz appliquée à hx − xn , y i implique qu’on a :

0 = lim hxn , y i = hx, y i,


n→+∞

donc x ∈ F ⊥ .

On a F ⊂ F , donc (F )⊥ ⊂ F ⊥ . Inversement, soient x ∈ F ⊥ et y ∈ F . Il existe (yn )n>0 une


suite de F telle que
y = lim yn .
n→+∞

Alors
hx, y i = lim hx, yn i = 0.
n→+∞

Donc x ∈ (F )⊥ . 

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Dual d’un espace de Hilbert

Définition
L’espace vectoriel H 0 := L(H; C) des formes linéaires continues définies sur H est appelé le
dual topologique de H (pour le distinguer de l’espace de toutes les formes linéaires L(H; C)).

L’espace H 0 , muni de la norme définie par kukH 0 := supkxk61 |u(x)|, est un espace de Banach
(conséquence d’un résultat plus général vu dans le cours sur la complétude). On verra :

Proposition
Le dual topologique d’un espace de Hilbert est naturellement un espace de Hilbert.

Remarque : ce qu’il reste à voir est le fait que la norme ci-dessus est associée à un produit
scalaire hermitien ; ce sera une conséquence du théorème de représentation de Riesz.

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2. Projections et représentations
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Parties convexes dans un evn
Définition
On dit qu’un sous-ensemble C d’un espace vectoriel E est convexe s’il est stable par prise de
combinaison convexe, i.e. si

∀x, y ∈ C , ∀t ∈ [0, 1], t x + (1 − t)y ∈ C .



On note [x, y ] := t x + (1 − t) y : t ∈ [0, 1] l’intervalle d’extrémités x et y .

On va maintenant combiner les propriétés géométriques (raisonnnements  euclidiens en


dimension infinie ) et les propriétés analytiques (notamment la complétude) des espaces de
Hilbert afin de prouver un important résultat de projection sur les convexes.

La preuve est instructive car illustre bien cette combinaison.

Le résultat est important car c’est (entre autres) un énoncé d’existence (et d’unicité et
caractérisation métrique).
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Théorème de la projection sur un convexe fermé
Théorème (projection sur un convexe fermé)
Soit H un espace de Hilbert et C un sous-ensemble convexe fermé de H. Pour tout x ∈ H, il
existe un unique y ∈ C tel que

kx − y k = d(x, C ) := inf kx − zk.


z∈C

Si x ∈ C alors y = x ; si x ∈
/ C , alors y est caractérisé par

< hx − y , z − y i 6 0, ∀z ∈ C .

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Théorème de la projection sur un convexe fermé, preuve
Preuve. Existence. Soit (yn )n>0 une suite minimisante, i.e. yn ∈ C et
lim kx − yn k = d(x, C ).
n→+∞

Utilisons l’égalité du parallélogramme


ka + bk2 + ka − bk2 = 2 kak2 + kbk2 .


avec a = x − ym et b = x − yn . On trouve
k2x − yn − ym k2 + kyn − ym k2 = 2 (kx − ym k2 + kx − yn k2 ).
Donc
2
yn + ym
kyn − ym k2 = 2 (kx − ym k2 + kx − ym k2 ) − 4 x −
2
2 2 2
6 2(kx − ym k + kx − yn k ) − 4 d(x, C ) .
Ainsi (yn )n>0 est une suite de Cauchy dans H (qui est complet) ; elle converge donc, disons
vers y ∈ H, et comme C est fermé on a y ∈ C .
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Théorème de la projection sur un convexe fermé, preuve (fin)
Unicité. Si kx − y1 k = kx − y2 k = d(x, C ), on peut écrire
y1 +y2 2
ky1 − y2 k2 = 2 ky1 − xk2 + ky2 − xk2 − 4 x −

2
6 4 d(x, C )2 − 4 d(x, C )2 = 0,
donc y1 = y2 .

Caractérisation. Soit z ∈ C et y ∈ C tels que kx − y k = d(x, C ). L’ensemble C est convexe,


donc [y , z] ⊂ C . On a
d(x, C )2 6 kx − zt k2 = kx − y k2 + 2< hx − y , y − zt i + ky − zt k2 ,
où zt = (1 − t) y + tz, pour tout t ∈ [0, 1]. Comme kx − y k2 = d(x, C )2 , on conclut que
2< hx − y , y − zt i + ky − zt k2 > 0.
Donc 2 t < hx − y , z − y i 6 t 2 ky − zk2 pour tout t ∈ [0, 1]. En divisant par t > 0 et en
faisant tendre t vers 0, on en déduit que < hx − y , z − y i 6 0. 
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Projection sur un sous-espace vectoriel fermé

Théorème (projection sur un sous-espace vectoriel fermé)


Soit H un espace de Hilbert et F ⊂ H un sous-espace vectoriel fermé. Il existe une unique
application linéaire PF : H → F telle que, pour tout x ∈ H

kx − PF (x)k = d(x, F ) := inf kx − zk.


z∈F

De plus :
(i) PF (x) est l’unique élément de F vérifiant cette égalité.
(ii) x − PF (x) est orthogonal à tout vecteur de F .
(iii) PF est 1-lipschitzienne (donc continue), i.e.

kPF (x)k 6 kxk, ∀x ∈ H.

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Projection sur un sous-espace vectoriel fermé, preuve
Preuve. On note y := PF (x). Montrons que x − y ∈ F ⊥ . On sait que, pour tout z ∈ F , on a

< hx − y , z − y i 6 0,

Donc < hx − y , w i 6 0 pour tout w ∈ F . En remplaçant w par −w puis par iw , on conclut


que hx − y , w i = 0 pour tout w ∈ F . On a par Pythagore :

kxk2 = kx − PF (x)k2 + kPF (x)k2 > kPF (x)k2 .

Ce qui termine la démonstration. 

Exemple : Si F est un sous-espace de dimension finie et si e1 , . . . , eN est une base


orthonormée de F , on a la formule explicite
N
X
PF (x) = hx, ej i ej .
j=1

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Projection et orthogonalité

Corollaire
Si F est un sous-espace fermé de H, alors

H = F ⊕ F⊥ et (F ⊥ )⊥ = F .

Si F est un sous-espace de H (non nécessairement fermé) on a : (F ⊥ )⊥ = F .

Preuve. Par projection, on a : x = PF (x) + (x − PF (x)), avec x − PF (x) ∈ F ⊥ . De plus


F ∩ F ⊥ = {0}. Par définition, F ⊂ (F ⊥ )⊥ . Si l’inclusion était stricte, il existerait x 6= 0 tel que
x ∈ (F ⊥ )⊥ ∩ F ⊥ . Alors hx, xi = 0 donc x = 0, ce qui constitue une contradiction. Enfin, on a
⊥ ⊥
vu que F ⊥ = F , donc (F ⊥ )⊥ = (F )⊥ = F . 

Application : Un sous-espace F ⊂ H est fermé si et seulement s’il existe un espace vectoriel


normé G et une application linéaire continue L : H → G telle que F = Ker L. Le fait que la
condition soit suffisante est évidente, la nécessité s’obtient en prenant G = H et L := Id − PF .
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Forme linéaire associée à un vecteur
Pour tout a ∈ H, on note Λa la forme linéaire définie sur H par
Λa (x) := hx, ai.

Lemme
Avec la définition ci-dessus, Λa ∈ H 0 et kΛa kH 0 = kakH .

Preuve. On a |Λa (x)| = |hx, ai| 6 kak kxk (inégalité de Cauchy-Schwarz) donc
kΛa kH 0 := sup |Λa (x)| 6 kak.
kxk61

Enfin, Λa (a) = kak2 ce qui montre que kΛa kH 0 > kak. 

Remarque : réciproquement en dimension finie, on sait que si u est une forme linéaire sur RN ,
il existe y ∈ RN tel que u(x) = x · y , où · désigne le produit scalaire euclidien.

Le théorème qui suit est une vaste généralisation de la remarque au cas des espaces de Hilbert.
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Théorème de représentation de Riesz
Théorème (théorème de représentation de Riesz)
Soit H un espace de Hilbert et u ∈ H 0 une forme linéaire continue sur H. Alors, il existe un
unique a ∈ H tel que,
∀x ∈ H, u(x) = Λa (x).
De plus, l’application a 7→ Λa définie de H dans H 0 , est un isomorphisme anti-linéaire
isométrique.

Preuve. Soit u ∈ H 0 , u 6= 0. On note F := Ker u, qui est un sous-espace fermé de H (car u


est continue). On décompose H = F ⊕ F ⊥ . Le sous-espace F ⊥ est de dimension 1 : si
a ∈ F ⊥ − {0} et, si x ∈ F ⊥ , on peut écrire
 
u(x) u(x)
u x− a = 0, donc x− a ∈ F ∩ F ⊥ = {0}.
u(a) u(a)
Conclusion x = u(x)
u(a) a. Choisissons a ∈ F
⊥ tel que u(a) = ha, ai = kak2 . On vérifie que
H
u(x) = hx, ai, pour tout x ∈ H. 
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Application au dual topologique d’un espace de Hilbert

Exemple : toute forme linéaire continue définie sur L2 (R; C) est de la forme
Z
f 7→ f (t) g (t) dt
R

pour une fonction g ∈ L2 (R; C) convenable.

Remarque : il résulte du théorème de représentation de Riesz que tout dual topologique H 0


d’un espace de Hilbert H est lui-même un espace de Hilbert, ce qui n’était pas évident a priori.
Le produit hermitien h·, ·iH 0 sur H 0 est défini en posant, pour tous u, v ∈ H 0

hu, v iH 0 := hb, ai,

où u = Λa et v = Λb .

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Théorème de Hahn-Banach

Théorème (théorème de Hahn-Banach dans un espace de Hilbert)


Soit F un sous-espace d’un espace de Hilbert H tel que F 6= H.

/ F , il existe u ∈ H 0 , une forme linéaire continue, telle que :


Pour tout x ∈

u(x) = 1 et u ≡ 0 sur F.

Preuve. On note G := F ⊥ = F et on décompose : x = PG (x) + x − PG (x) , où


x − PG (x) ∈ G ⊥ = F . Comme PG (x) 6= 0 (sinon on aurait x ∈ F ), on peut définir


PG (x) ⊥
y := ∈ F⊥ = F .
kPG (x)k2
Donc
Λy (x) = hx, y i = 1 et Λy (z) = hz, y i = 0,
pour z ∈ F . Il suffit alors de prendre u := Λy . 
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Critère de densité
Corollaire (critère de densité)
Soit F un sous-espace vectoriel de H. Alors, F est dense dans H si et seulement si F ⊥ = {0}.

Autrement dit, pour vérifier qu’un sous-espace F est dense de H, il suffit de vérifier que
∀a ∈ H, (hx, ai = 0, ∀x ∈ F ) ⇒ a = 0.
Preuve. Si F est dense, alors F̄ = H et F⊥ = F̄ ⊥
= {0}. Inversement, si F n’est pas dense, il
0
existe u ∈ H , u 6= 0 telle que u(x) = 0 pour tout x ∈ F . Il existe a ∈ H, a 6= 0 tel que u = Λa .
Alors hx, ai = 0 pour tout x ∈ F et a 6= 0. Donc F ⊥ 6= {0}. 

Exemple : Soit `c (N; C) l’ensemble des suites de `2 (N; C) qui sont nulles à partir d’un
certain rang. On note en ∈ `c (N; C) la suite dont tous les termes sont nuls sauf le n-ième qui
est égal à 1. Si a = (an )n>0 est orthogonale à tous les élements de `c (N; C), on a
ha, en i`2 = an = 0,
donc a = 0. Conclusion, `c (N; C) est dense dans `2 (N; C).
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Théorème de Riesz pour les formes sesquilinéaires

Définition (continuité des formes sesquilinéaires)


Une forme sesquilinéaire Φ : H × H → C est continue s’il existe une constante C > 0 telle que

|Φ(x, y )| 6 C kxkky k, ∀x, y ∈ H.

Remarque : la continuité (au sens usuel) de Φ : H × H → C est équivalente à la continuité au


sens de la définition ci-dessus.
Théorème (théorème de représentation de Riesz - version sesquilinéaire)
Soit Φ une forme sesquilinéaire continue sur un espace de Hilbert H. Alors, il existe une unique
application linéaire continue A : H → H telle que

Φ(x, y ) = hx, A(y )i ∀x, y ∈ H.

Remarque : si Φ est hermitienne alors A vérifie hx, A(y )i = hA(x), y i.


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Théorème de Riesz pour les formes sesquilinéaires, preuve

Preuve. Soit y ∈ H. La forme linéaire x 7→ Φ(x, y ) est continue, donc par le théorème de
représentation de Riesz il existe un unique ay ∈ H tel que Φ(x, y ) = hx, ay i pour tout x.
Vérifions que l’application A : H → H définie par A(y ) := ay est linéaire et continue.

La linéarité résulte de l’unicité dans le théorème de représentation de Riesz.

Par hypothèse
kA(y )k2 = hA(y ), A(y )i = Φ(A(y ), y ) 6 C ky k kA(y )k.
Donc
kA(y )k 6 C ky k,
ce qui montre la continuité de A. 

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Adjoint d’une application linéaire continue
Définition
Soit A : H → H une application linéaire continue. On appelle adjoint de A et on note A∗ , une
application linéaire continue A∗ : H → H vérifiant

hA(x), y i = hx, A∗ (y )i ∀x, y ∈ H.

Remarque : l’adjoint, s’il existe, est unique (par injectivité de l’application a 7→ Λa ).


Corollaire
Soit A une application linéaire continue d’un espace de Hilbert H dans lui-même. Alors,
l’adjoint de A est bien défini et c’est une application linéaire continue de H dans H.

Preuve. La forme sesquilinéaire Φ(x, y ) := hA(x), y i est continue. En effet


|hA(x), y i| 6 kA(x)k ky k 6 kAkL(H,H) kxkky k.
Il existe donc A∗ (unique) telle que hA(x), y i = hx, A∗ (y )i pour tous x, y ∈ H. 
Cours 7 : Espaces de Hilbert Bertrand Rémy 34 / 42
3. Bases hilbertiennes
ÉCOLE POLYTECHNIQUE –

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Notion de base hilbertienne

Définition
Soit (en )n>0 une famille dénombrable d’un espace de Hilbert H. On dit que la famille (en )n>0
est une base hilbertienne si :
(i) pour tous n 6= m on a hen , em i = 0, et ken k = 1 pour tout n ∈ N ;
(ii) l’espace vectoriel Vect {en : n ∈ N} des combinaisons linéaires finies des vecteurs en ,
pour n ∈ N, est dense dans H

Attention : une base hilbertienne n’est pas une base algébrique car pour une base algébrique,
tout élément de l’espace est combinaison linéaire finie d’éléments de la base.

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Identité de Parseval

Théorème
Soit (en )n>0 une base hilbertienne d’un espace de Hilbert H. Tout x ∈ H s’écrit de manière
unique comme la somme d’une série convergente dans H
X
x= xn en où xn := hx, en i ∈ C.
n>0

De plus, on a l’égalité de Parseval


X X
kxk2 = |xn |2 = |hx, en i|2 .
n>0 n>0
X X
Réciproquement, si |xn |2 < +∞, alors xn en converge dans H.
n>0 n>0

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Identité de Parseval, preuve

Preuve. Soit Pn la projection orthogonale sur Fn := Vect{e0 , . . . , en }. Par hypothèse


Xn
S
F = n∈N Fn est dense dans H, donc lim Pn (x) = x. De plus Pn (x) = xk ek , où
n→+∞
k=0
n
X
xn := hx, en i. Par Pythagore kPn (x)k2 = |xk |2 , et par passage à la limite on obtient la
k=0
formule de Parseval X
kxk2 = |xk |2 .
k>0

n 2 n
X X X
2
On suppose maintenant que |xn | < +∞. Par Pythagore, on a xk ek = |xk |2 .
n>0 k=m k=m
n
X 
En particulier, la suite xk ek n>0
est une suite de Cauchy dans H, donc elle converge. 
k=0

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Inégalité de Bessel

Lemme
+∞
X
Soit (en )n>0 une famille orthonormale de vecteurs de H et x ∈ H. Alors hx, en i en , est la
n=0
projection orthogonale de x sur F , l’adhérence du sous-espace vectoriel F engendré par les
vecteurs en .

Le théorème de Pythagore nous permet décrire


X
kxk2 = kx − PF (x)k2 + kPF (x)k2 = kx − PF (x)k2 + |hx, en i|2 .
n>0

On en déduit l’inégalité de Bessel :


X
|hx, en i|2 6 kxk2 .
n>0

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Exemple : séries de Fourier dans L2 (S 1 ; C)
Soit H = L2 (S 1 ; C) muni du produit hermitien
Z
1
hf , g iL2 := f (t) g (t) dt.
2π S1

La famille (en )n∈Z où en (t) := e int est une famille orthonormée de L2 (S 1 ; C).

Par Stone-Weierstrass, les combinaisons linéaires des en sont denses dans C(S 1 ; C) pour la
norme de la convergence uniforme, qui lui-même est dense dans L2 (S 1 ; C), pour la
norme k · kL2 .

Conclusion : la série de Fourier de f ∈ L2 (S 1 ; C) converge pour la norme L2 vers f et l’égalité


de Parseval nous donne Z
X
2 1
|cn (f )| = |f (t)|2 dt.
2π S 1
n∈Z
Z
1
où cn (f ) := hf , en iL2 = f (t) e −int dt est le n-ième coefficient de Fourier de la fonction f .
2π S 1
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Espaces de Hilbert séparables

Définition
On dit qu’un espace de Hilbert H est séparable, s’il existe un sous-ensemble de H qui est à la
fois dénombrable et dense.

Théorème
Tout espace de Hilbert séparable possède une base hilbertienne.

Preuve. Utiliser le procédé d’orthonormalisation de Schmidt. 

Remarque : si H possède une base hilbertienne (en )n>0 , alors H est séparable.
Preuve. Considérer le Q-espace vectoriel engendré par les en , pour n ∈ N. 

Remarque : Tous les espaces considérés dans ce cours sont séparables : `2 (N; C), L2 (R; C),
L2 ([a, b]; C), . . . sont des espaces de Hilbert séparables.
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Espaces de Hilbert séparables
Corollaire
Tous les espaces de Hilbert séparables de dimension infinie sont isomorphes entre eux.

Preuve. Soit (en )n>0 une base hilbertienne de H. Pour tout x := (xn )n>0 ∈ `2 (N; C), on note
X
L(x) := xn en ∈ H.
n>0

Alors L : `2 (N; C) → H est linéaire et kL(x)k = kxk (Parseval). Donc L est continue et
injective ; elle est surjective par définition d’une base hilbertienne. 
Proposition
Un sous-espace fermé d’un espace de Hilbert séparable est séparable.

Preuve. Soit X = {xn : n > 0} un ensemble dénombrable et dense dans H. Puisque PF est
1-lipschitzienne, pour tout y ∈ F , on a : kPF (xn ) − y k = kPF (xn ) − PF (y )k 6 kxn − y k. Ainsi
PF (X ) est dense dans F . 
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