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Les anglicismes France vs Québec, 1re partie

[0 :24] Les méchants anglicismes! Je vous ai demandé quel aspect France vs


Québec vous vouliez que j'aborde et vous êtes plusieurs à m'avoir parlé de
l'utilisation de mots anglais en langue française. Donc préparez-vous parce
qu'aujourd'hui on va vivre ensemble une expérience hautement scientifique!
Ce que j'ai fait pour répondre à la question du jour : j'ai décidé d'écouter
(parce que, oui, au Québec, on ÉCOUTE la télé!), donc j'ai décidé d'écouter les
versions française et québécoise d'une même télé-réalité, en l'occurrence
L'Amour est dans le pré, pour déterminer une fois pour toute qui fait le plus
d'anglicisme et surtout lesquels!

[1 :07] Salut tout le monde, moi, c'est Geneviève et sur la chaîne ici, je vous
aide à enfin comprendre les Québécois en vous expliquant la langue/la
culture du Québec puis parfois je compare avec le français qui se parle de
l'autre côté de l'Atlantique. Si ça vous intéresse, oubliez pas de vous abonner.

J'ai choisi une télé-réalité pour avoir accès à une langue un peu moins
scriptée, un peu plus spontanée (je pense que la télé-réalité a ça de bon),
puis l'Amour est dans le pré parce que les agriculteurs et leurs prétendants
viennent d'un peu partout sur le territoire, tant en France qu'au Québec,
donc je me suis dit que c'était une bonne occasion d'entendre différents
accents des variétés québécoise et française. Fait que je vais écouter ça, je
vais noter scrupuleusement tous les anglicismes que je vais entendre et on
se revoit après pour le décompte et l'analyse.

[1 :48] En cette journée de tempête, première bordée de neige de 2022, je


vais me sacrifier pour la science et je vais m'emmitoufler dans cette
couverture pour écouter un épisode de l'Amour est dans le pré pour vous. Je
pense qu'il y a des jobs pires que la mienne!

« Je veux que ce soit quelque chose de simple parce que quelqu'un qui se
pose trop de questions c'est trop compliqué. » « Se faire choker de même, là
je trouve ça... je me trouve cheap d'avoir fait ça... »

© 2022, maprofdefrancais.ca
[2 :47] Au tour des Français, maintenant : on recommence! C'est parti! (Bon,
là, je vous faisais jouer le générique, comme j'ai fait avec la version
québécoise, sauf que quand j'ai mis la vidéo dans YouTube, ça m'a fait une
plainte pour droits d'auteur parce que le générique français utilise la pièce I
Just Haven't Met You Yet de Michael Bublé. J'ai donc dû retirer l'audio de la
chanson. Désolée!)

Bon, ben là, je suis à 23 minutes puis j'ai juste deux anglicismes à date. 23
minutes, c'est ce que j'ai écouté de l'autre émission : il y en avait pas mal
plus! Fait qu'on va continuer, on va voir s'il y en a d'autres qui apparaissent.

«...de venir parmi nous parce que c'est ça des vrais amis! » « ... et en
attendant la semaine prochaine, tout de suite : l'Amour vu du pré. Bonne fin
de soirée sur M6. »

[3 :48] OK donc, terminé! Très intéressant tout ça, je suis bien contente de
ma petite expérience. J'ai vraiment hâte de vous partager les résultats et
surtout de vous dire quel anglicisme est revenu le plus d'un côté comme de
l'autre. Restez là!

Voici les anglicismes relevés! Bon, clairement, on a un grand gagnant dans


l'utilisation des anglicismes : en France, on voit qu'il y en a 5 que j'ai relevés,
pour plus d'une heure et demie d'émission. Dans la version québécoise, on a
18 anglicismes en seulement 23 minutes d'émission. Donc voilà... les chiffres
ont parlé!

[4 :32] Et là c'est le moment de faire mon "disclaimer" : bien sûr que c'est
absolument pas scientifique là, c'est UNE émission, c'est une dizaine de
locuteurs, même s'ils sont répartis un peu partout sur le territoire, c'est zéro
scientifique et ça ne tient pas la route, c'est pas rigoureux comme étude, on
est d'accord.

N'empêche que ça nous donne une bonne idée de la fréquence de leur


utilisation dans la langue spontanée. Pis, selon moi, là où c'est le plus
intéressant, c'est dans le type d'anglicismes. Donc on va analyser ça un peu
plus en détail ensemble :

[5 :03] «pour un week-end en amoureux », « une chance pour nos deux


Frenchies », « il nous l'avait dit un peu en rough », « c'était un sacré
challenge », « c'est cool! »

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[5 :10] Il existe plusieurs types d'anglicismes et on voit que ceux qui ont été
relevés du côté français, ce sont surtout des anglicismes lexicaux, c'est-à-dire
que j'emprunte un mot, j'utilise simplement le mot anglais dans ma phrase
comme dans « heille, c'est cool ». C'est cool : c'est bien, c'est amusant, c'est
intéressant, c'est cool. Un autre emprunt lexical : le challenge. « C'est un
sacré challenge » = c'est un sacré défi. Donc au lieu d'utiliser le mot français,
je prends simplement le mot anglais dans la phrase.

[5 :39] Même si le mot anglais en question vient en premier lieu du vieux


français! On voit ici dans Usito que, au Québec, le mot "challenge" est
critiqué, tant au sens de « défi » que dans son sens sportif de
« championnat ». La petite remarque en bas qui nous dit que le mot aurait
fait l'objet d'une recommandation officielle en France m'a intriguée : je suis
allée voir dans le Petit Robert et on se rend compte que c'est vraiment le
sens sportif qui fait l'objet d'une recommandation officielle. Comme c'est pas
du tout le contexte qu'on a ici, je le compte quand même comme un
anglicisme.

[6 :10] Du côté québécois on a 7 emprunts lexicaux : « Ça a été ben l'fun! »


« Ça a été bien le fun », au lieu de « ça a été amusant ». « Je me trouve
cheap » au lieu de « je me sens mal, je regrette d'avoir fait ça ». « Le fit » : le
fait d'être assortis. « Un chum » : mot très, très courant pour désigner le
copain, le petit ami ou parfois même un ami, au sens d'amitié, donc c'est
vraiment le contexte qui va nous le dire. « Pack sack » au lieu de "sac à dos".
« On va voir, anyway! » Ça aussi, on l'entend très souvent au lieu de "en tout
cas, de toute façon", anyway! « Ça fait 'a job! » « Ça fait la job » = ça fait le
travail.

[6 :35] On a aussi deux emprunts sémantiques. Un emprunt sémantique,


c'est quand j'emprunte un sens à une autre langue. Donc par exemple, le
mot "définitivement", qui existe en français, c'est juste que ça veut pas dire la
même chose qu'en anglais. En français, définitivement, selon le dictionnaire,
c'est « de façon définitive », donc « pour toujours ». « La chaîne a retiré cette
émission définitivement » : ils ne reviendront pas sur leur décision, la
décision est définitive, elle est finale, pour toujours.

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Mais là, quand on dit : -J'ai essayé de te rassurer du mieux que je pouvais. "-
Définitivement!", dans le sens de "assurément, sans aucun doute", sur le
calque de "definitely", en français c'est pas un sens qui existe pour ce mot-là,
donc on parle d'un emprunt sémantique.

[7 :38] On a aussi le mot "opportunité" qu'on entend beaucoup, beaucoup.


J'ai noté le mot parce que dans mon cours de traduction, je me souviens
qu'on a appris qu'il fallait se méfier de ce mot-là, qu'il faut pas toujours
traduire "opportunity" par "opportunité". Alors on voit que le sens qui est
critiqué, c'est vraiment dans le sens du travail, des opportunités d'emploi,
des perspectives d'avenir.

Voyons voir si c'est dans le sens qui a été utilisé ici : « toute ta vie, tu as eu
des relations avec un type de filles, pis là, tu as l'opportunité d'avoir [autre]
un type de fille... » Je pense qu'ici on est en présence du deuxième sens
[accepté] : une occasion favorable. « Tu as toujours eu un type de filles, là tu
as l'occasion favorable de rencontrer un autre type de filles, profites-en! » Je
pense que c'est ça qu'il est en train de nous dire.

[8 :22] Regardez la remarque comme c'est intéressant : c'est un anglicisme


qui est PARFOIS critiqué. C'est un mot qui était français, dans les
dictionnaires, jusqu'au 19e siècle, mais là, ils disent que si c'est resté en
français, c'est parce que ça existe en anglais. Comme si le mot anglais avait
contribué à maintenir le mot en français, donc il y a certains puristes qui
condamnent. Là, c'est complètement ridicule! On va se calmer à un moment
donné! Donc je l'enlève, si c'est juste « parfois critiqué » on va pas le compter
comme un anglicisme : je le barre!

[8 :51] Prochain type d'anglicismes, on a les calques. Donc on va utiliser des


mots français, mais c'est une traduction mot-à-mot d'une expression
anglaise. C'est intéressant parce qu'il y en a quatre dans la version
québécoise qui apparaissent, puis trois sur les quatre c'est l'agriculteur
Denis, le monsieur, qui les fait. Et lui, il est Franco-Ontarien donc il a
beaucoup plus de contacts avec l'anglais fait que c'est normal qu'il y ait plus
d'interférences entre les deux langues dans la façon que lui s'exprime

« On va faire sûr que », "we're gonna make sure that" : on va s'assurer que
quelque chose arrive.

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« Quand on reviendra... - On dealera avec ça. » Le son était pas très bon là,
mais il dit « on dealera avec ça une autre fois ». "Dealer avec/to deal with" :
on gérera ça, on s'occupera de ça plus tard.

[9 :39] « Regarde, à notre âge, on va y aller avec le destin pis ça regarde très
bien. » Ça, c'est une expression qu'on entend vraiment beaucoup, même au
Québec aussi là, c'est vraiment pas juste les Franco-Ontariens qui disent ça,
ça regarde bien/it looks good : ça s'annonce bien, ça laisse entrevoir des
belles choses, "ça regarde bien". Ou, au contraire, "ça regarde mal" : « Ça
regarde mal : le Canadien s'est fait compter trois buts dans la première
période, ça regarde mal! » ça serait surprenant qu'ils réussissent à gagner.

« Je suis toujours un petit peu sur le brake... » Elle était sur le brake / I was on
the brakes : j'étais pas à fond, j'étais pas impliquée à fond, je me retenais.
Donc ça, ce sont les calques.

[10 :16] On a ensuite 6 emprunts morphologiques. Un emprunt


morphologique, c'est quand je vais emprunter un mot, mais je vais le
transformer un peu pour l'intégrer dans ma langue soit, souvent, en ajoutant
un préfixe ou un suffixe ou en le transformant en verbe et en le conjuguant
avec le système français. C'est ce qui arrive ici, c'est surtout des verbes qu'on
a. « …de quoi qui fittait moins », qui s'agençait moins bien, qui fonctionnait
pas entre nous deux.

« Tu viens de te faire clearer de même là! » Le verbe "clearer". Elle s'est fait
clearer, elle s'est fait mettre dehors ou refuser ou retourner. Elle s'est faite
clearer.

Deux fois le verbe "feeler". « Si tu le feeles pas avec moi » : si tu ne le sens


pas pour moi. Puis « moi, c'est de même que je le feelais » : moi, c'est comme
ça que je le sentais, que je le ressentais.

[11 :04] "Focuser"! On va focuser sur telle ou telle chose, donc on va se


concentrer. "Focuser", ce serait pas un verbe qui existe en français.

« J'ai choké ». Je sais pas si c'est comme ça que ça s'utilise en anglais ou si


c'est un sens qu'on lui a donné, mais "choker", ça veut dire « se désister,
changer d'idée. » J'allais faire quelque chose, pis là j'ai choké : j'ai manqué de
courage, j'ai changé d'idée.

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[11 :27] C'est maintenant le moment de vous révéler lequel des anglicismes
est revenu le plus souvent de chaque côté! Mais juste avant, un rapide merci
à tous les Déneigeurs, les Déneigeuses qui soutiennent mon travail! Donc, en
France, selon vous, parmi les cinq anglicismes, il y en a un qui est revenu
trois fois. Est-ce que vous savez c'est lequel? C'est "week-end".

C'est pas surprenant, c'est le seul mot que les Français ont pour désigner ce
concept-là, des deux jours de congé à la fin de la semaine de travail. Donc le
week-end, c'est revenu trois fois dans l'heure et demie que j'ai écoutée.

[12 :00] Et maintenant, du côté québécois, est-ce que vous arrivez à deviner
lequel des mots est revenu le plus souvent? Et oui, le fameux mot "fun". Ça
me surprend pas : on l'utilise à toutes les sauces! Ça peut vouloir dire
vraiment plein de choses, puis c'est intéressant de voir que plusieurs
participants, TOUS les participants, l'ont dit au moins une fois. Quand c'est le
fun, c'est, bien premièrement que c'est amusant, que c'est divertissant, que
c'est intéressant... Ça s'utilise aussi quand on est content pour quelqu'un :
« ah! c'est donc ben l'fun que tu aies eu une nouvelle job! » = je suis contente
pour toi.

[12 :39] À la lumière de cette expérience hautement scientifique, je me vois


dans l'obligation de décerner au Québec le titre de « roi des anglicismes »!
(Encore une fois, je répète, il y a aucune valeur à cette petite étude-là, c'est
vraiment juste pour se donner une idée, mais je pense que c'est tout à fait
logique. Le français au Québec est beaucoup plus en contact avec l'anglais :
toutes les autres provinces canadiennes et les États-Unis qui sont très près,
donc c'est vraiment normal qu'il y ait plus de mots anglais. Il y a beaucoup
plus de calques puis des emprunts morphologiques aussi qui semblent être
plus fréquents et mieux intégrés dans la langue.

Si ce type de contenu vous intéresse, mettez-moi un "like", un petit pouce,


partagez à vos connaissances qui s'intéressent au français et nous, on se
revoit très prochainement pour une autre capsule! Bye, bye!

© 2022, maprofdefrancais.ca

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