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QUELLE « CATASTROPHE » CES INFIRMIER(ES)

…Des infirmiers qui grandissent avec les médecins dans les catastrophes

Mme DELAVAL Agnès, Infirmière Anesthésiste D.E, Ingénieure en Risques Sanitaires


NRBC-E. Membre du conseil d’administration de la SFMC.
01/10/2019

À l’heure où la place des paramédicaux est au cœur des débats dans l’Urgence,
zoomons sur la construction de l’histoire professionnelle de ces
infirmier(e)s1, de l’empirique vocation de « bonne sœur » à
l’avènement de professionnels formés et autonomes, qui ont su
trouver leur place auprès des médecins par leurs
investissements, la pertinence de leurs actions et leurs connaissances.

Chaque épreuve de l’Histoire, apportant son lot de catastrophes, a déclenché des besoins
spécifiques en matière de santé et a permis de développer une logique de travail, une cohésion
dans l’équipe et une approche efficace dans les prises en charge des victimes.
Ce que nous sommes aujourd’hui est né d’un long chemin de travail autour de la santé, des
soins et du savoir-faire. Dédié aux femmes le « prendre soin » se juxtapose au « faire des
soins » réservé aux hommes pour les corps blessés à la chasse ou à la guerre.
Avec les conflits du 18e siècle apparaissent les fonctions de «servants
domestiques », puis des « soldats d’ambulance2 » créés par les
chirurgiens en chef, D. Larrey et F. Percy, qui voulaient aller au plus
près des blessés pour leur apporter les premiers soins.
Mais les découvertes scientifiques (la stérilisation ou la notion d’hygiène) imposent d’avoir
du personnel formé. Les médecins souhaitent des réformes et réclament un personnel instruit
et dévoué pour les seconder, c’est l’apparition des métiers spécialisés du 19e siècle.

Florence Nightingale (guerre de Crimée 1854), pionnière des soins infirmiers modernes ou
Clara Barton (la guerre de Sécession 1863) à l’origine de la création de l’American Red
Cross ont toutes les deux, fait changer les mentalités et les pratiques de prises en charge des
blessés par leurs expériences et leurs initiatives toujours saluées de nos jours.
Les conflits du 20e siècle renforcent, sous l’autorité du médecin, le rôle des infirmiers qui
devient indispensable à la chaine de secours. Nait une collaboration constructive qui pousse
les paramédicaux vers une autonomie de travail.

La Première Guerre mondiale voit apparaitre, les évacuations des blessés vers l’arrière par
convois routiers et ferroviaires. Le concept d’envoyer à l’avant des
ambulances « autochirs », et des ambulances de radiologie de Marie Curie
font la différence quant au gain de temps sur la prise en charge des blessés 3.

1
EHRENREICH B, DEIRDRE E, 2005 « sorcière, sage-femmes et infirmières : une histoire de femmes et de la
médecine » les éditions du remue-ménage.
2
OLIER F, 1997 « Compagnie de soldats d’ambulance du Premier Empire (1809-1815) », dans Médecine et
Armées, 25 (7) : 551-558.
Des abris dans les tranchées servent de bases aux postes de secours avancés. Ce conflit scelle
la professionnalisation des soins en milieu militaire.

Les pompiers de Paris définissent, entre les deux guerres, le concept du poste mobile4.
Cette première approche du « c’est l’hôpital qui va au blessé et non le blessé qui va à
l’hôpital », ne trouve pas cependant dans la Seconde Guerre mondiale
l’essence nécessaire à sa réalisation. Et il faudra attendre les années 1980
pour voir l’apparition la notion de « médecine de catastrophe » en
France.
La place des infirmiers, en collaboration avec les médecins, pendant les
conflits armés sera déterminante et ils prouveront qu’un personnel formé et spécialisé
augmente l’efficience d’une prise en charge exclusivement médicale.

Les hôpitaux mobiles de campagnes se développent et se structurent. La guerre du Viêt Nam


1961/1973 confirme l’intérêt des soins infirmiers de l’avant par
l’avènement de militaires paramédics américains. Ils seront de précieux
techniciens spécialisés en soins d’urgence, traumatologique et
balistique, alliés à des compétences de terrain 5. Le service de santé des
armées français, quant à lui, priorise le concept d’« au plus près des
blessés » et développe une chaine de secours hospitalière graduée et déployée sur le terrain.

Du brevet de capacité d’infirmier professionnel (1922) jusqu’ à la circulaire de réingénierie de


la formation : LMD (2009), les infirmiers et les infirmiers spécialisés ont connu une
fulgurante évolution qualifiante au cours du 20e siècle, tant sur le plan de l’autonomie que sur
le qualitatif6.

À la suite des différentes catastrophes naturelles, technologiques et sanitaires entrainant une


inadéquation des moyens face à l’ampleur des besoins, une
redistribution des rôles dans la chaine des secours a dû être
réattribuée à chaque acteur (médecin et non-médecin). L’infirmier,
grâce à ce travail collaboratif, gagne en efficience en favorisant
l’autonomie de chacun et en conservant une communication étroite
et efficace, pour le bien des victimes. La spécialisation en médecine
7
de catastrophe prend son essor.

Conclusion

Une nouvelle ère, de nouveaux maux, des circonstances qui induisent des besoins pour une
société en souffrance. Les conflits larvés touchant plus les civils que les soldats, une nature
3
BERTHEAU M-E, 2016 « L’engagement des infirmières laïques pendant la première guerre mondiale. Amorce
de professionnalisation des soins en milieu militaire » : 44, 4, 394-400
4
NOTO R. Médecine de catastrophe(s) Définition. Caractéristiques. Origines. Communication à CRÉTEIL
janvier 2009 pour la Société Française de médecine de catastrophe.
5
DENYS Hubert, 8 mai 2014 « les medics » épisodes-histoire.over-blog.com
6
Le Ministère des Solidarités et de la Santé, 8 août 2004, Décret inscrivant la profession infirmière au Code de la
Santé publique du, et Circulaire, 31 juillet 2009 portant réforme de la formation : LMD.
7
BERTRAND C, AMMIRATI Ch, RENAUDEAU C. 2006 « Risques chimiques, accidents, attentats »,
Elsevier.
« s’exprimant » avec une violente fréquence et des accidents technologiques récurrents
modifient encore un peu plus la prise en charge de la catastrophe.
Ces situations nous poussent à nous spécialiser, à acquérir plus d’autonomie dans la réflexion
et dans les gestes techniques, pour ouvrir le champ des possibles afin de répondre à une
demande de plus en plus pressante de la population et des instances gouvernementales.
Nous devenons des professionnels réflexifs et autonomes spécialistes de l’urgence
(notamment collective), par nos diplômes : IADE et diplômes universitaires de médecine de
catastrophe. Chacun à notre niveau, nous avons la volonté de travailler, et d’être là, présents
aux côtés des médecins spécialisés en médecine de catastrophes et de distiller tout notre
savoir-faire au service du bien commun. “Apprendre ensemble pour travailler ensemble”.
Telle pourrait être notre devise.

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