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Changement et relève :
Circuit se renouvelle N O
110 HIVER 2011
Sur le vif 4
Le Congrès de l’OTTIAQ ; la saison
des prix ; dixième colloque du
Réseau des traducteurs et
Yolande Amzallag, trad. a. traductrices en éducation.
Échappées sur le futur.
4
La saison des prix
L’automne est la saison qui braque les pro- Du français à l’anglais, Linda Gaboriau est numéro 99 de Circuit. Mme Simon a par ailleurs
jecteurs sur les travailleurs de l’ombre que récompensée pour sa traduction de Forêts, signé un ouvrage intitulé Traverser Montréal.
nous sommes et sur toutes les personnes qui pièce de Wajdi Mouawad devenue en anglais Une histoire culturelle par la traduction, qui a
font rayonner leur langue. Encore une fois Forests, publiée par Playwrights Canada Press. été l’objet d’une critique dans le numéro 104.
cette année, Circuit félicite les lauréats ! Détails au www.canadacouncil.ca/nouvelles/ On trouvera aussi dans le numéro 100 un ar-
communiques/2010/lx129310227358016415.htm ticle de Mme Simon intitulé « Frank Scott et
Prix littéraires du Gouverneur général Anne Hébert : convergences et divergences de
Le Conseil des Arts du Canada et le gouverneur Prix de traduction des Amis de McGill la lettre et de l’esprit ».
général ont créé ces prix en 1936 pour rendre Ce prix, « remis annuellement à l’étudiant ou
Prix du Québec
hommage à la littérature canadienne. Le volet à l’étudiante ayant obtenu les meilleurs résul-
Décernés depuis 1977, les Prix du Québec ré-
traduction a été ajouté en 1987. tats pour l’ensemble du certificat offert dans le
compensent des acteurs de la scène culturelle
Alors que chez les auteurs, de grands noms cadre du programme de traduction », a ré-
et du monde scientifique.
comme Marie-Claire Blais et Dany Laferrière compensé en juin dernier Emily Salmins,
Cette année, le Prix Georges-Émile-Lapalme,
étaient en lice, en traduction, des habitués sont d’abord assistante juridique, rédactrice, en-
« accordé à une personne ayant contribué de
revenus au tableau d’honneur des finalistes. seignante et désormais traductrice du français
façon exceptionnelle, tout au cours de sa car-
Lori Saint-Martin, trad. a., et Paul Gagné à l’anglais.
rière, à la qualité et au rayonnement de la
étaient de nouveau en nomination, cette fois Tous les détails au http://francais.mcgill.ca/
langue française parlée ou écrite au Québec2 »
pour Filthy Lucre : Economics for People Who channels/announcements/?channels=translation
a été remis à Lise Bissonnette, fondatrice de la
Hate Capitalism, de Joseph Heath, présenté en _studies
Grande Bibliothèque du Québec (aujourd’hui
français sous le titre Sale argent : petit traité
Bibliothèque et Archives nationales du Québec).
d’économie à l’intention des détracteurs du ca- Prix Acfas – André Laurendeau En entrevue avec Le Devoir, Mme Bissonnette
pitalisme aux Éditions Logiques, ainsi que pour Le prix Acfas – André Laurendeau a été créé en
s’est dite enchantée de ce prix associé au rayon-
Les Troutman volants, traduction publiée chez 1986, en l’honneur d’André Laurendeau, grand
nement de la langue française, qui est « le com-
Boréal et acclamée par le jury de ce roman que éditorialiste et humaniste. Il récompense une
bat de sa vie ». Mme Bissonnette fait partie
Miriam Toews a fait paraître sous le titre The personne travaillant dans le domaine des
d’un jury littéraire, tient une chronique à la radio
Flying Troutmans. sciences humaines.
et tente de terminer un doctorat en lettres à
En lice également : Claudine Vivier, pour sa Le prix 2010 a été décerné à Sherry Simon,
l’Université de Montréal3.
traduction du roman Wolf Rider (L’exode des professeure titulaire au Département d’études
loups), de Sharon Stewart, et Sophie Voillot, françaises de l’Université Concordia et auteure
Prix de la Quebec Writers’ Federation
déjà plusieurs fois finaliste, cette année pour de plusieurs ouvrages sur la traduction, disci-
La QWF a institué ses premiers prix en 1988 et
Le Cafard (Boréal), qui traduit Cockroach, de pline dont elle a fait « un élément essentiel du
ajouté un prix de traduction dix ans plus tard,
Rawi Hage. C’est Sophie Voillot qui a remporté domaine des études culturelles1 ». Pierre
pour un total de six catégories : œuvre d’ima-
la palme. Cloutier nous a présenté Mme Simon dans le
gination, œuvre non romanesque, premier
ouvrage, poésie, traduction et littérature jeu-
nesse. Les prix, de 2000 $ chacun, sont remis
Précision Clarification en novembre. Cette année, le prix de traduction,
L’article de Liedewij Hawke mentionné Liedewij Hawke’s article mentioned in financé par la Cole Foundation, a récompensé
dans l’introduction du dossier du Barbara McClintock’s introduction to Paule Champoux, pour sa traduction, sous le
numéro 109 de Circuit sera publié No. 109 will be published in an titre Québec, ville du patrimoine mondial, de
ultérieurement. upcoming issue of Circuit. Quebec, World Heritage City, de David Mendel.
Prix John-Glassco
L’Association des traducteurs et traductrices
programme élaboré par le Comité Édith Masson et par Hubert Mansion, littéraires du Canada (ATTLC) décerne chaque
organisateur est toujours pertinent. ainsi que la table ronde sur les recti- année le prix John-Glassco à l’auteur d’une pre-
Ainsi, les ateliers de formation sur la fications orthographiques à laquelle mière traduction littéraire publiée sous forme
stylistique comparée et sur l’utilisa- ont participé Clara Fox, Dolores Tam de livre. En 2010, le prix a été remis à Louis
tion d’Antidote HD, donnés respecti- et Michèle Péloquin étaient intéres- Bouchard et Marie-Élisabeth Morf pour
vement par Maurice Rouleau de sants, instructifs et clairs. En D’ailleurs (Héliotrope), leur traduction fran-
Magistrad et par Dolores Tam de somme, le colloque était une belle çaise de Fremdschläfer, roman écrit en alle-
Druide informatique, les confé- réussite. mand par Verena Stefan.
rences traitant du dictionnaire qué- Philippe Caignon, term. a., trad. a. Pour en savoir plus : www.attlc-ltac.org
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À L’ O R D R E DU JOUR CHRONIQUE DIRIGÉE PAR BETTY COHEN
Prendre sa place
Dire que notre profession évolue sans cesse devient une rengaine. Mais comment réagissons-nous
et que fait l’OTTIAQ pour y répondre? C’est à ces questions que tâchera de répondre cette toute
nouvelle chronique de Circuit que vous retrouverez désormais dans chaque numéro. Pour
l’inaugurer, nous avons voulu brosser un tableau des grandes préoccupations de l’heure et
des moyens envisagés pour y répondre. Nous sommes donc allés aux sources. Dans une entrevue
accordée à Anne-Marie Mesa, François Abraham présente les principaux axes du plan
stratégique de l’OTTIAQ et l’objectif ultime : prendre sa place et donner la leur aux professionnels
qui le composent.
Par Anne-Marie Mesa, trad. a.
6
sortir de l’université, les étudiants ne sont pas teur incontournable. Dans mes rencontres avec l’interprétation de conférence, judiciaire et com-
prêts à intégrer le marché du travail. « Ce sont l’AILIA, j’insiste sur le fait que les travailleurs au- munautaire, en réservant les titres correspon-
de futurs praticiens, leur formation doit être plus tonomes sont un élément essentiel de l’industrie dants ; 3) d’accorder aux membres une réserve
axée sur la pratique. Cela ne peut qu’améliorer de la langue », déclare le président. d’actes pour la certification des traductions offi-
leur employabilité. Nous devons nous asseoir cielles2. L’OPQ a demandé à l’OTTIAQ d’étoffer le
avec nos partenaires universitaires et voir ce qui Toutefois, l’influence de l’OTTIAQ serait plus dossier, notamment parce qu’il souhaite en étu-
peut être fait en ce sens », affirme le président grande si sa représentativité était meilleure. Au- dier les conséquences avant de statuer. Pour ce
de l’Ordre. jourd’hui, 6 000 personnes déclarent exercer le qui est de la reconnaissance des interprètes en
métier de traducteur au Québec, mais seule- milieu social, l’OPQ voudrait que l’OTTIAQ déter-
Quant à la formation continue, il n’exclut pas ment environ 2 000 sont agréées. « L’union fait mine clairement la formation nécessaire à l’exer-
l’idée de la rendre obligatoire, comme l’ont fait la force, nous invitons donc les traducteurs non cice de cette profession. Le groupe de travail
d’autres ordres. « Les traducteurs, terminologues membres à déposer une demande d’agrément. responsable de la rédaction du mémoire s’est
et interprètes doivent se tenir à jour et sans Ensemble, nous pourrons influer sur nos condi- donc remis au travail afin d’approfondir les
cesse élargir leurs connaissances. Nous sommes tions de travail », soutient-il. points qui posent problème.
prêts à diversifier l’offre de cours pour tenir
compte des besoins de nos membres. N’hésitez Impossible de parler de conditions de travail
pas à nous indiquer ce qui vous intéresse », sans aborder la question de la stagnation des
La relève
déclare François Abraham. Plusieurs formations tarifs dans certains cas. « Une partie de la solu- La relève est un autre grand enjeu auquel
pourraient donner lieu à des crédits, même si tion consiste à se positionner comme profes- l’OTTIAQ est confronté. « Notre défi, c’est de ne
elles sont offertes par d’autres organismes. sionnel, à jouer son rôle de conseiller et de pas perdre les étudiants entre le moment où ils
L’OTTIAQ envisage aussi d’établir des partena- partenaire linguistique. Les clients sont prêts à reçoivent leur diplôme et celui où ils obtiennent
riats avec certains ordres professionnels pour payer s’ils ont l’impression d’en avoir pour leur l’agrément. S’ils ne passent pas par le mentorat,
qu’ils offrent des cours spécialisés dans leur do- argent. Il faut expliquer notre valeur commer- ils doivent attendre deux ans avant de pouvoir
maine. François Abraham estime qu’un membre ciale, valoriser notre profession », insiste Fran- présenter une demande. L’Ordre va devoir ren-
qui diversifie ses connaissances et qui les tient à çois Abraham. C’est l’objectif du Groupe de forcer sa présence auprès d’eux. Nos ambassa-
jour est mieux armé pour faire face à l’évolution travail sur la valorisation des professions qui est deurs ont un rôle important à jouer, ils peuvent
de sa profession. chargé d’élaborer des recommandations. Le notamment nous donner de la rétroaction sur la
groupe fera le lien avec le Comité des communi- perception que les étudiants ont de nous. »
S’adapter à la réalité cations. « La priorité de l’OTTIAQ, c’est les com-
munications. Il faut se faire connaître pour se De la rétroaction, le président de l’OTTIAQ en
du marché faire reconnaître. Nous sommes des profession- réclame haut et fort : « Nous sommes à votre
Le président considère qu’un des rôles de nels ; nous devons le faire savoir au grand écoute. Non seulement nous n’avons pas la pré-
l’OTTIAQ est d’aider ses membres à s’adapter à public, aux médias et aux donneurs d’ouvrage », tention de tout savoir, mais vos idées enrichissent
la réalité du marché. et il a donc l’intention de affirme le président. notre travail. Communiquez avec nous, participez
suivre de près les travaux de l’Association de l’in- à la vie de l’Ordre, nous avons besoin de béné-
dustrie de la langue (AILIA) relatifs à la Norme voles, prenez votre place ! », conclut-il.
CAN/CGSB-131.10-2008 sur les services de tra-
Le titre et la réserve d’actes
duction. « Une des raisons pour lesquelles nous Par ailleurs, en mars 2009, l’OTTIAQ présentait
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avons décidé de participer aux discussions en- un mémoire à l’Office des professions du 1 . Le r ô l e - c o n s e i l d u t ra d u c t e u r : c o n t ra i n t e o u va -
l e u r a j o u t é e ? A c c e s s i b l e d a n s l a Fo r m a t h è q u e
tourant l’élaboration de la Norme, c’est pour Québec (OPQ) dans lequel il demandait : 1) de w w w. o t t i a q . o rg / f o r m a t i o n _ c o n t i n u e / d e t a i l s Fo r-
nous assurer que l’agrément ferait partie des réserver les titres de traducteur, terminologue et m a t i o n _ f r. p h p ? i d = 1 9 2
2 . D e m a n d e d e m o d i f i c a t i o n d e s t a t u t e t d e r é s e r ve
conditions de la certification. Il nous semblait es- interprète aux seuls membres de l’Ordre ; 2) de
d ’ a c t e s p ro f e s s i o n n e l s p r é s e n t é e l e 5 m a r s 2 0 0 9
sentiel de nous positionner comme un interlocu- reconnaître les trois types d’interprétation, soit à l ’ O f f i c e d e s p ro f e s s i o n s d u Q u é b e c , p. 2 1
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NOTES ET CONTRENOTES CHRONIQUE DIRIGÉE PAR EVE RENAUD
27 – 29 octobre 2011, Bordeaux (France) — XXXVIIe Congrès produisant entre les deux occlusions,
de la Société française de littérature générale et comparée 1 . Pa rc e q u e l ’ e x p re s s i o n e s t u n a n g l i -
engendre un bruit de claquement c i s m e , b i e n s û r e t n o n p a rc e q u e l e s
(SFLGC) : Traduction et partages : que pensons-nous devoir trans- caractéristique2. » a n g l o p h o n e s s o n t p a r t i c u l i è re m e n t
mettre ? www2.tolk.su.se/1107-12.html#27_okt_Bordeaux p o r t é s à l e f a i re !
J’imagine sans peine, en effet, la 2. Grand Larousse Universel, 1995,
« détente articulatoire » éprouvée tome 4, sous « clic ».
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DOSSIER LA TRADUCTION GÉNÉRALE : UNE SPÉCIALITÉ
La traduction générale,
qu’est-ce au juste ?
E
n cette ère de grande spécialisation, voire d’hyperspécia-
lisation, à laquelle n’échappe pas la traduction, Circuit a
voulu examiner la situation de la traduction générale. La
pratique-t-on de nos jours sous une forme ou sous une autre ? Le
cas échéant, s’agit-il d’un véritable créneau ou plutôt d’une
fonction moribonde à laquelle s’adonnent encore quelques illu-
minés isolés ? La vérité, comme c’est souvent le cas, se situe
quelque part entre ces extrêmes. Plus concrètement, comment
la pratique-t-on encore en cabinet et en entreprise ? Y a-t-il des
ressources utiles en ce domaine ?
Plutôt que d’assister, impuissants, aux derniers soupirs
d’une vieille garde en mal d’action et de défis, force est de
constater que la traduction générale est bien en vie et qu’elle est
là pour rester dans les multiples facettes et pratiques de la tra-
duction. Son dynamisme étonne, sa légitimité théorique nous
instruit et nous ne pouvons qu’applaudir ceux et celles qui la
font vivre, qui en vivent et qui nous livrent ici leur témoignage
honnête et poignant.
C’est donc avec plaisir que nous vous offrons ce dossier. Les auteurs — administrateurs,
universitaires et praticiens — s’unissent pour partager leur point de vue, leurs connaissances
et leur expérience. Ainsi, Marco A. Fiola propose une réponse aux questions « qu’est-ce que la
traduction générale ? » et « qu’est-ce qu’un traducteur généraliste ? ». Danièle Marcoux pré- Par Éric Poirier, trad. a. et
Philippe Caignon, trad. a., term. a.
sente les résultats d’une enquête de Circuit sur la place de la formation générale à l’université.
Christian Després montre la façon dont la traduction générale permet d’éviter certains écueils
de la spécialisation. En comparant les traductions produites par Google Translate et par un
généraliste, Grant Hamilton explique la raison pour laquelle le généraliste est supérieur à la
machine. Stéphanie Beaulieu témoigne du quotidien d’une généraliste travaillant en cabinet et
nous présente une partie de son carnet d’adresses. Lisanne Lawton fait la démonstration de
l’importance de la culture générale et, enfin, Robert Dubuc précise le rôle que joue le termino-
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DOSSIER LA TRADUCTION GÉNÉRALE : UNE SPÉCIALITÉ
La traduction générale
n’est pas ce qu’on pense…
en général
G énéralement, qui dit « traduction générale » dit
« traduction bas de gamme », c’est-à-dire tra-
duction à moindre coût, comme en témoignent les
générale, il y a vraiment autant de bonnes traductions
possibles que de traducteurs.
La traduction générale s’oppose à la traduction
L’auteur tente de tarifs souvent inférieurs de cette typologie de textes, spécialisée et les textes qui la caractérisent sont soit
démêler l’écheveau comparativement aux textes dits spécialisés, tech- des textes de vulgarisation (d’expert à non-experts),
niques ou scientifiques. Mais est-il juste d’associer soit des textes par lesquels des non-experts commu-
terminologique qui ainsi la traduction générale à une pratique moins niquent entre eux.
caractérise encore exigeante ? Pour tenter de répondre à cette question,
voyons en quoi consiste la traduction générale.
notre profession et
la formation des
L
Qu’est-ce que la traduction
générale ? e généraliste, c’est le
traducteurs. Il essaie traducteur chevronné
Pour définir le concept, il faut se pencher sur la no-
de départager deux tion de traduction, sachant que lorsqu’on parle de tra- qui passera d’un domaine
appellations qui duction, il peut s’agir de la profession, de l’opération à un autre avec aisance.
ou du résultat de cette opération. Or, lorsqu’il est
peuvent porter à question de traduction générale, on ne parle ni de la
Ses connaissances des
laisse l’étudiant se concentrer sur l’appréhension du mule de salutation. Cette façon de faire est étrangère
sens, sans devoir pour autant produire un texte au protocole épistolaire français. Un bon traducteur de
répondant aux exigences d’une forme textuelle parti- textes généraux veillera à ce que le destinataire n’y
culièrement contraignante. Contrairement à ce qui voie que du feu et ne soupçonne nullement la pré-
se passe en traduction spécialisée, en traduction existence d’un original anglais.
10 M a r c o A . F i o l a e s t p ro f e s s e u r a g r é g é e t d i re c t e u r d u D é p a r t e m e n t d e f ra n ç a i s e t d ’ e s p a g n o l d e l ’ U n i ve r s i t é Rye r s o n d e To ro n t o , o ù i l e n s e i g n e
l a t ra d u c t i o n .
Qu’est-ce qu’un traducteur phraséologie et le lexique spécialisés au besoin, et
être familier de la forme habituelle des textes ana-
généraliste ?
logues, rédigés directement dans la langue du texte
Le traducteur généraliste se définit en fonction de d’arrivée.
sa capacité à travailler des textes issus d’une variété Qui dit « texte général » ne dit pas pour autant
de domaines. Il s’oppose au traducteur spécialisé « texte facile ». En effet, il n’est pas rare que les textes
pour qui il est possible, ou préférable, de travailler de vulgarisation regorgent de références faites à
dans un éventail limité de domaines, voire dans une d’autres textes, de jeux de mots ou à de référents cul-
seule spécialité. Le généraliste, c’est le traducteur turels qui nécessitent du traducteur une riche culture
chevronné qui passera d’un domaine à un autre avec générale. En outre, il n’est pas certain qu’un traduc-
aisance. Ses connaissances des domaines de spé- teur spécialisé soit le plus apte à traduire les textes de
cialité se caractérisent par leur envergure plutôt que vulgarisation de son domaine de spécialité. Il a beau
par leur profondeur. Pour faire une analogie, le pia- être expert de navigation maritime, s’il ne sait pas
niste de concert est au traducteur spécialisé ce que reconnaître l’allusion littéraire de la phrase « Call me
l’homme-orchestre est au traducteur généraliste. Ishmael », il est perdu.
Chaque pratique fait appel à une virtuosité qui lui La traduction générale est-elle plus facile que la
est propre. traduction spécialisée, donc mérite-t-elle une rému-
nération inférieure ? À mon avis, tout comme la notion
de qualité, celle de difficulté est toute relative. En rai-
Et alors ? son de l’espace limité qui m’est accordé ici, je me
Outre l’équivalence d’effet du contenu, c’est contenterai de soutenir qu’à mon avis « qualité » et
dans la recherche des formes attendues que réside « difficulté » ont comme point de convergence la ges-
la difficulté de la traduction. En effet, pour produire tion du risque et que l’on ne peut justifier la tarifica-
une traduction de qualité, il faut à la fois connaître tion différentielle qu’en fonction de l’effort nécessaire
le sujet dont il est question, pour pouvoir activer la au travail de traduction… en général.
ey.com/ca
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DOSSIER LA TRADUCTION GÉNÉRALE : UNE SPÉCIALITÉ
Generally speaking,
it’s not that easy!
“What could be hard about translating for the On the other hand, French-speaking tourists were
general public,” thought the naïve young trans- unlikely to be enticed by a promise of experiencing
lator. “I can do that. It’s not nuclear physics.” “small-town Québec.” Many of them probably already
lived in a small town in Quebec. “Old town” was also
Indeed. At our office we are generalists who trans- a miss for the same reason.
late for the general public, and no text about nuclear The human translator realized these differences
physics has ever come our way. We do “easy” stuff, and adjusted the text accordingly. He or she added
like ads your mom might read. Coupons. Speeches. value by doing what no machine could ever do—think.
Road closing notices. Public vaccination campaign an- Which brings us to a general conclusion about gener-
nouncements. It’s so easy, a machine could probably alists and why it can be so hard to be one: they add
by Grant Hamilton, C. Tr. do it… or could it? value as writing style specialists, not subject matter
Let’s take a sentence and see. Here’s one I spotted specialists.
in a promotional brochure for a town in the Laurentians: Generalists think and worry about how the mes-
sage will be received. They ponder the tone, the style,
A
Arpentez la rue principale et découvrez la the connotation. They ask questions that computers
nature amicale et chaleureuse des résidents. never ask: Do the words roll off the tongue? Is every-
Sounds like a general sort of text, easy thing tight and crisp? Does the text say the right thing
general conclusion to translate. This is what Google Translate for its audience? They even wonder about presenta-
about generalists and suggests: tion: Should I suggest the use of bold, of italics? Their
subject matter and audience may vary widely from
why it can be so hard
Stroll the main street and discover the warm text to text, but their focus is always on style and
to be one: they add and friendly nature of residents. readability.
value as writing style Pretty impressive, I’d say. That tough “ar-
“Sounds challenging—and fun,” thought the in-
pentez/stroll” match was quite the feat for a
specialists, not subject trigued young translator, “but I’ll probably never
machine. Google did, however, stick closely
get the chance to show creativity like that.”
matter specialists. to the form of the French sentence (“the
warm and friendly nature of residents”) in- Not so fast! Opportunities to think and be creative
stead of saying, for instance, how warm and arise in the most unlikely places, so these are great
friendly the residents are, and it slipped up a skills to have, even for specialists. Here’s a quote that
bit with its lack of definite article in front of proves it, from a dry-as-dust brief on the provision of
residents (which ones are we talking about, municipal recreational services:
the ones who live on the street or all residents every-
where?), but overall it did very well. Les temps sont venus de privilégier un mode de ges-
Now let’s take a look at what the actual living, tion des infrastructures innovant, basé d’une part sur
breathing translator wrote: la connaissance, la planification, la performance et,
d’autre part, sur la mobilisation, la concertation, le
Soak up the cozy friendliness of small-town Québec partenariat.
with a walk through the old town. It looks like something a translator could zip right
through by writing: The time has come to favor an in-
“Wow,” thought the suddenly pensive young
novative infrastructure management mode based on
translator, “I like that, but it doesn’t say quite
the one hand on knowledge, planning, and perfor-
the same thing as the French.”
mance and on the other hand on mobilization, coop-
Exactly. It’s not the same, and that’s the point. The eration, and partnership. Google Translate suggests
living, breathing translator knew that English-speaking this: The time has come to favor a management in-
visitors to the town were not quite the same as French- frastructure innovative, based in part on knowledge,
speaking ones. They had different perspectives, dif- planning, performance and, secondly, on the mobi-
ferent expectations. They noticed different things. So lization, policy dialogue, partnership.
it made sense to say different things to them. They In reality, the quick-and-dirty first version and the
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would want to “soak up” the atmosphere—the unique Google version are not hugely different. Google put
architecture, the quaint shops, the way everything “innovative” in the wrong spot, forgot the word
looked and felt a little bit different. They would also “mode,” and struggled with the definite article (the
probably appreciate strolling around the picturesque mobilization? which mobilization?), but these are
“old town.” things that a post editor can rectify in a jiffy.
12 G ra n t H a m i l t o n i s t h e f o u n d e r a n d p re s i d e n t o f A n g l o c o m I n c . , a Q u e b e c C i t y t ra n s l a t i o n a n d c o p y w r i t i n g a g e n c y. T h e 2 0 0 9 w i n n e r o f ATA’s
A l i c i a G o rd o n A w a rd f o r Wo rd A r t i s t r y i n Tra n s l a t i o n i s a p o p u l a r w o r k s h o p p re s e n t e r i n b o t h C a n a d a a n d t h e U n i t e d St a t e s .
But read the sentence again and ask yourself, Nimble style, effortless fluency, and a ready grasp
What does it mean? What is an infrastructure mana- of the communication objective at hand make all the
gement mode “based on performance”? What is the difference. This is the added value that generalists
author talking about? Why has the author listed six bring to the table. Specialists don’t get as many op-
things that the management mode is based on, but portunities to practice these skills, but they need
grouped them into threes (based on x, x, and x on the them, too.
one hand and based on x, x, and x on the other hand)?
“Great, but how do I develop skills like that?”
These are questions a generalist—or any thinking
wondered the determined young translator.
translator—might ask.
The real, live human who translated this text had A simple thing you can do is read extensively and
read the entire brief on recreational services. She diversely in your target language. It also helps to view
knew that “management mode” referred to how cre- yourself as the reader’s advocate—the person who cuts
atively and cooperatively town recreational managers through dense prose and makes the mental effort to un-
did their jobs. She also noticed that the first three derstand and communicate the content and purpose of
“bases” of the management mode were things the the text. A simple rule I follow is to rewrite for clarity if
managers could do themselves, and that the second I cannot imagine having written the sentence myself.
three were things the managers could get others to do. If you translate between English and French, you
So this is the translation she suggested: can also attend next summer’s “Style in Translation”
training conference in New York’s Catskill Mountains.
The time has come to be innovative facility managers, It will bring together a host of instructors to help you
planning ahead and drawing on our know-how and hone your craft and add real value to your work. The
ability while also securing the cooperation, involve- resort-like setting is just an added benefit.
ment, and partnership of others. It’s worth the effort because, as your style im-
Which translation do you think a client would proves, so will your confidence and your success as
prefer? a translator.
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DOSSIER LA TRADUCTION GÉNÉRALE : UNE SPÉCIALITÉ
La traduction générale
et les traducteurs
dits « spécialisés »
A près avoir obtenu mon diplôme en traduction et
travaillé comme « généraliste » de 1978 à 1980,
j’ai par la suite étudié le droit et, depuis plus d’une
D’ailleurs, les décisions judiciaires sont un bon
exemple de ce genre de textes, dans la mesure où les
faits ou la situation à l’origine du litige appartiennent
vingtaine d’années, je travaille dans un domaine de bien souvent à la vie de tous les jours.
spécialité : la traduction juridique. En définitive, j’estime que le caractère spécialisé
Pour cette raison, je suis ce qu’on pourrait appe- d’un texte est davantage fonction du caractère ap-
ler un traducteur spécialisé. Cependant, il m’arrive profondi des connaissances requises pour le traduire
encore aujourd’hui de participer de diverses façons que du seul fait qu’il relève d’un domaine dit « de spé-
(traduction, révision, aide à la rédaction) à la produc- cialité ». Par exemple, on pourrait sans doute qualifier
tion de textes très variés, ne correspondant pas à mon tel texte juridique de général et tel autre de spécialisé,
Par Christian C.-Després, trad. a. domaine de spécialité. voire d’ultra-spécialisé.
J’aimerais, à la lumière de cette expérience, indi- Cela dit, voyons maintenant quelques écueils po-
quer en quoi, selon moi, la traduction générale peut tentiels de la traduction spécialisée et l’apport de la
permettre d’éviter certains écueils — potentiels je le traduction générale à cet égard.
souligne — de la spécialisation (ou sur-spécialisation).
Mais d’abord quelques remarques.
Écueils de la spécialisation
Trop grand sentiment de sécurité
Quelques définitions La facilité avec laquelle le traducteur spécialisé
Dans le Programme du Congrès 2008 de l’OTTIAQ, peut en arriver à exécuter son travail pourrait susciter
dont le thème était La traduction spécialisée, de plus chez ce traducteur un trop grand sentiment de sécu-
en plus généralisée ? on pouvait lire ceci : « ... Dans rité quant à ses habiletés générales en traduction et
sa plaquette 2005, l’université Stendhal de Grenoble l’amener à sous-estimer la difficulté de certains types
écrivait que la traduction spécialisée représentait de travaux. Il incombe toujours au traducteur de bien
90 % du marché mondial. [...] » connaître les limites de ses compétences et, au be-
Est-ce que la traduction générale ne représente soin, de parfaire ses connaissances et habiletés.
vraiment que 10 % de la demande ? Un traducteur ne
pourrait-il pas être tenté de dire, pour reprendre une Atrophie terminologique et stylistique
remarque savoureuse entendue à ce congrès de Le fait de se cantonner dans une spécialisation
2008, « qu’il se spécialise dans le général » ? pointue pourrait entraîner ce que j’appellerais l’atro-
En conséquence, il m’apparaît essentiel de définir phie terminologique et stylistique. En effet, à force de
d’abord ce que j’entends par « traduction générale » traduire régulièrement — voire exclusivement — des
et « traduction spécialisée ». Voici donc les définitions textes similaires, écrits par un groupe restreint d’au-
que je propose : teurs et parfois fondés sur des protocoles de rédaction
• Traduction générale : Traduction de textes variés stricts, le traducteur peut, par souci d’efficacité et
qui ne requièrent pas vraiment de connaissances aussi par simple nécessité (volume de production
plus approfondies du sujet traité que celles du lec- requis), en venir à rapetisser son vocabulaire et à
teur moyen et qui s’adressent à de tels lecteurs. recourir à de nombreuses formulations figées.
• Traduction spécialisée : Traduction de textes qui Il est évident que tous les textes ne se prêtent pas
requièrent une connaissance approfondie — selon à une créativité débridée, mais une plus grande va-
des degrés divers, évidemment — du sujet traité riété de mandats peut permettre à une certaine in-
et qui s’adressent habituellement, mais pas tou- ventivité de s’exprimer et de produire par la suite des
jours exclusivement, à des initiés. effets bénéfiques sur l’ensemble des travaux du tra-
ducteur spécialisé.
C i r c u i t • H i ve r 2 0 1 1
nt s
w w w.soludoc.com
C i r c u i t • H i ve r 2 0 1 1
15
DOSSIER LA TRADUCTION GÉNÉRALE : UNE SPÉCIALITÉ
Généraliste :
un métier, mille visages
D epuis plus de dix ans, j’exerce fièrement ma pro-
fession comme généraliste au sein du Groupe
ComTra, à Ottawa. Depuis sa création en 1994, ce
Toutefois, il importe de ne pas tomber dans l’ex-
cès en négligeant tous les domaines autres que ceux
traités couramment, ce qui laisserait le traducteur dé-
Une incursion petit cabinet s’est forgé par le bouche-à-oreille une pourvu lorsque confronté à un texte d’un client qu’il
dans l’univers solide réputation qu’il doit à sa philosophie : qualité
du travail, bien évidemment, mais surtout qualité de
connaît peu. C’est la dichotomie du généraliste : rem-
plir constamment son bassin de connaissances sans
mystérieux et vie du personnel. En traduction comme dans tous les jamais le laisser déborder.
domaines, un travailleur heureux est un travailleur
méconnu d’une efficace !
traductrice À ComTra, aucun spécialiste : la demande n’est
Le généraliste et son quotidien
pas suffisante dans une domaine donné pour justifier Il faut donc constamment alimenter l’insatiable cu-
généraliste le maintien en poste d’une personne dont les connais- riosité intellectuelle du traducteur, car il est impossible
d’expérience sances resteront essentiellement inexploitées. de savoir où chaque jour, chaque texte, le conduira.
C’est l’une des beautés du travail de généraliste,
parmi lesquelles je compterais également le dyna-
Le généraliste et son habitat misme : les journées se suivent, mais ne se ressem-
Le généraliste est, en quelque sorte, un pseudo- blent pas. Un texte rébarbatif ne peut que faire place
spécialiste… de tout et de rien. Il connaît très peu de à un autre plus intéressant, sans compter les de-
domaines à fond et doit donc savoir où trouver rapi- mandes urgentes qui surviennent à tout moment. Le
dement réponse à ses interrogations pour se « spé- généraliste est donc constamment sur le qui-vive et
cialiser » ponctuellement. Évidemment, nul ne peut y prêt à affronter toutes les situations. S’il décide de
parvenir dans tous les domaines. Le meilleur moyen voler vers de nouveaux horizons, il lui sera plus facile
consiste alors à tirer profit des points forts et des pré- de trouver chaussure à son pied, puisqu’il n’est pas
férences de chacun dans l’affectation des textes : si confiné à un domaine de spécialité, mais aussi de se
par Stéphanie Beaulieu, trad. a. je déteste tout ce qui s’approche de près ou de loin glisser dans un nouveau mode de travail, car le chan-
du juridique, certains de mes collègues en raffolent. gement fait partie intégrante de son quotidien.
Voilà comment les textes sont tout naturellement
acheminés vers telle ou telle personne, chacune ai-
guisant graduellement son savoir sur le domaine ou
Le généraliste et sa boîte à outils
le client en cause, ce qui permet au bout du compte Les progrès technologiques ont fait des miracles
de produire plus rapidement un travail de qualité su- pour nous aider à garder le fil de nos divers clients et do-
périeure. Le secret réside donc dans la capacité de maines. À ComTra, le travail s’effectue au moyen de
tirer le meilleur de chaque membre de l’équipe. MultiTrans, logiciel d’aide à la traduction québécois par-
Avant qu’une traduction soit renvoyée au client, ticulièrement bien adapté au travail du généraliste. En
une révision et un contrôle de la qualité intégraux se- effet, contrairement à Trados, par exemple, il n’est pas
ront effectués par deux personnes distinctes. Ainsi, le entravé par le concept de segment et repère, sans in-
membre de l’équipe qui connaît le mieux le client ou terventions successives, toute série d’au moins deux
le domaine en cause, même s’il n’est pas le traducteur, mots ayant été traduite antérieurement. Grâce à ses
sera inévitablement engagé dans le processus à une multiples fonctionnalités aussi rapides que pratiques, il
étape ou à une autre, palliant toute lacune éventuelle. accélère notre travail tout en nous permettant d’unifor-
Il s’agit donc d’un véritable travail d’équipe. miser la terminologie d’un client donné et de respecter
À chaque étape, chacun est libre d’apporter toute mo- le style qui lui est propre, qui que soit le traducteur.
dification jugée nécessaire, bien sûr pour rectifier une Le généraliste ne peut évidemment pas se conten-
erreur, mais aussi pour améliorer le fond et la forme. ter d’un logiciel et de quelques ouvrages pour satisfaire
La recherche du mot juste (ciseler une échalote), du tous ses besoins professionnels. Termium et Le grand
vocabulaire approprié (commission scolaire au Qué- dictionnaire terminologique sont souvent ses premières
bec, mais conseil scolaire en Ontario), de la formule sources, mais il doit conserver une bonne banque de si-
consacrée (Veuillez agréer, Madame, ...) et d’une phra- gnets utiles dans des domaines précis tout en sachant
C i r c u i t • H i ve r 2 0 1 1
séologie vive, intéressante et surtout idiomatique comment effectuer rapidement des recherches effi-
(TransSearch1 se révèle particulièrement utile à cet caces. Mon point de départ est souvent UNTERM 2,
égard) sont pour nous, généralistes qui ne pouvons ONTERM 3, Toponymes Ontario4, les fiches5 et le nouveau
compter sur la maîtrise du spécialiste, des préoccu- wiki 6 du RTE, la banque de terminologie de l’Université
pations de tous les instants. d’Ottawa7, le portail linguistique de Microsoft 8 ou la liste
16 S t é p h a n i e B e a u l i e u e s t t ra d u c t r i c e - r é v i s e u re , d o c u m e n t a l i s t e e t g e s t i o n n a i re d e l a re p r é s e n t a t i o n à C o m t ra .
des poissons de l’ACIA9, pour ne nommer que ceux-là. laquelle trop souvent nous ne pensons pas à recourir,
La liste différera pour tous les généralistes, même s’ils peut-être parce que nous oublions qu’il existe un
travaillent ensemble ; de là l’importance pour eux de se moyen simple et rapide de le faire.
consulter. Le travail de généraliste n’est pas nécessairement
Par ailleurs, Internet ne doit pas reléguer dans l’ou- de tout repos, mais il permet à coup sûr de garder l’es-
bli d’autres sources moins à la mode, mais toujours per- prit vif et les neurones allumés. Quiconque affirme que
tinentes. Pensons seulement à Bibliothèque et Archives la curiosité est un vilain défaut aurait tout intérêt à
nationales du Québec 10, qui offre ses services gratuite- passer une journée à mon poste.
ment aux Québécois, notamment l’accès aux ressources
en ligne et l’acheminement de documents que possède 1. www.tsrali.com
2. http://157.150.197.21/dgaacs/unterm.nsf
la Grande Bibliothèque. Selon moi, c’est toutefois la liste 3. www.onterm.gov.on.ca
de diffusion de l’OTTIAQ qui constitue l’arme secrète du 4. www.onterm.gov.on.ca/geo/default_f.asp
5. www.rte-nte.ca/dbtermino
généraliste : elle permet de puiser dans le savoir et les 6. http://rte-nte.notrewiki.net/tw/tiki-index.php
ouvrages de l’ensemble des abonnés, ce qui évite de 7. www.sgi-as.uottawa.ca/LogiTermWeb/addon/termino.php
8. www.microsoft.com/Language/fr-fr/Default.aspx
longues recherches éventuellement infructueuses. Les 9. http://active.inspection.gc.ca/scripts/fssa/fispoi/fplist/fplist.asp?lang=f
membres de l’Ordre sont une ressource précieuse à 10. www.banq.qc.ca
Traduction générale
et terminologie
C omme son nom l’indique, la traduction générale
opère au niveau de la langue générale et met en
œuvre des moyens lexicaux répertoriés par les lexi-
tenants et aboutissants de la langue générale pour
pouvoir élaborer efficacement les terminologies. Il lui
faut aussi développer une sensibilité aux niveaux de
par Robert Dubuc, term. a., trad. a.
cographes dans les dictionnaires généraux, tout en langue pour les appliquer, mutatis mutandis, aux
observant les règles syntaxiques et morphologiques langues de spécialité.
consignées dans les grammaires descriptives ou nor- Il appert conséquemment que les liens qui unis-
matives. Il pourrait donc sembler, à première vue, sent langue générale et langues de spécialité en tra-
que le terminologue ne serait qu’un intrus dans le duction rendent souhaitable que le terminologue soit
processus de la traduction générale. initié à la traduction générale pour affermir sa maîtrise
La question n’est pas aussi simple. La terminolo- de la langue générale. De même, le traducteur géné-
gie a comme champ d’application les langues de spé- raliste ne pourra que bénéficier d’une initiation à la
cialité, qui ont pour objet les sciences et les tech- terminologie, à ses démarches et méthodes.
niques. La terminologie doit ainsi inventorier et Reste à préciser le rôle du terminologue à l’égard
codifier le vocabulaire qui permet d’exprimer les réa- des traducteurs généralistes. Sa première contribution
lités qu’elles recouvrent, de façon à en dégager des est de favoriser le resserrement des liens entre noms
nomenclatures spécifiques à chaque domaine. Ces no- et notions, ce qui permettra de lutter contre les im-
menclatures reposent sur un rapport terme-notion propriétés, les emprunts abusifs et les flous synony-
particulièrement rigoureux, attesté par les écrits et miques. Sa fonction d’épurateur du vocabulaire des
l’usage oral des spécialistes et des praticiens de spécialités le rend particulièrement apte à favoriser
chaque domaine étudié. Il ressort de cette démarche une rigueur lexicale qui ne peut que contribuer à la
que ce rapport doit permettre de dégager une image compétence du traducteur dans le choix des équiva-
mentale exacte du terme qui s’appuie sur ses traits sé- lents les plus appropriés, évitant ainsi les pièges in-
mantiques essentiels. Ce rapport devrait être idéale- sidieux des calques.
ment monosémique : un terme pour chaque notion. Il ne s’agit pas d’imposer un corset terminologique
Mais la réalité ne permet pas un tel rigorisme. À l’in- à la langue générale, qui doit conserver sa fluidité, une
térieur des langues de spécialité existent, bel et bien, liberté créatrice, voire innovatrice, nécessaires à sa vi-
des rapports synonymiques et polysémiques. Le rôle talité. Mais la terminologie peut jouer un rôle impor-
du terminologue est alors de délimiter les traits no- tant dans l’élimination des scories que la négligence,
tionnels propres à chaque synonyme et de préciser ri- l’ignorance et le laisser-aller introduisent dans le dis-
goureusement chaque sens d’un terme polysémique. cours contemporain. C’est d’ailleurs la position d’Alain
C i r c u i t • H i ve r 2 0 1 1
Vouloir établir une cloison étanche entre langue Rey lorsqu’il souligne « le rôle de la terminologie en
générale et langue de spécialité serait proprement une tant que thérapeutique du discours et du savoir1 ».
hérésie ; trop de liens syntaxiques et morphologiques
les rattachent pour qu’on puisse les dissocier. Le 1 . R E Y , A l a i n , L a Te r m i n o l o g i e , n o m s e t n o t i o n s , Pa r i s , P U F,
terminologue doit donc posséder au maximum les c o l l . « Q u e s a i s - j e ? » n o 1 7 8 0 , 1 9 7 9 , p. 1 4 .
Ro b e r t D u b u c a c o n s a c r é s a v i e p ro f e s s i o n n e l l e à l a t ra d u c t i o n e t à l a t e r m i n o l o g i e . C ’ e s t t o u t e f o i s d a n s c e t t e d e r n i è re d i s c i p l i n e q u’ i l a f a i t d a -
17
va n t a g e s a m a rq u e c o m m e e n s e i g n a n t e t p ra t i c i e n .
DOSSIER LA TRADUCTION GÉNÉRALE : UNE SPÉCIALITÉ
De l’importance de la
culture générale au sein
d’un cabinet de traduction
moderne
par Lisanne Lawton
O n entend souvent parler de l’importance de la
spécialisation dans le domaine de la traduction.
Transposer les détails techniques dans une autre
La formation générale est importante non seulement
en raison de l’orientation-client des cabinets, mais
également pour faire contrepoids aux nouvelles tech-
langue constitue l’épine dorsale de notre industrie. nologies comme les outils de traduction automatique
Mais qu’en est-il des communications d’ordre géné- dont tout traducteur déplore l’utilisation. En raison de
ral ? Ne doit-on pas donner la priorité à la traduction la facilité d’accès à Internet, le public veut être informé
générale dans un monde où les communications rapidement, d’où l’importance des communiqués de
prennent de plus en plus d’ampleur, surtout depuis presse et de la mise à jour des blogues-entreprises
l’arrivée d’Internet où les lecteurs s’attendent à une ainsi que des sites Web. Les erreurs dans la transmis-
information complète et en temps réel ? sion du message deviennent coûteuses pour les en-
Dans un cabinet de traduction, deux critères per- treprises qui n’investissent pas assez dans leurs
mettent de distinguer la traduction générale de la tra- activités de traduction, surtout dans un pays bilingue
duction spécialisée : le sujet traité et le public visé. comme le Canada.
Ces critères prennent tout leur sens selon que l’on tra- Prenons le cas de la GRC, qui a provoqué la
duise un communiqué de presse informatif destiné au consternation en laissant savoir qu’elle traduisait
grand public ou un manuel technique visant les spé- ses communiqués de presse d’ordre général à l’aide
cialistes de la santé. Or, de nos jours, les cabinets ex- de Google Translate. Dans un communiqué paru le
ploitent de plus en plus le créneau des communica- 2 août 2010, on pouvait lire : « Enquêteurs de la GRC
tions d’ordre général. Avec Internet, on a non du détachement de Golden et la Trans-Canada Ser-
seulement une mine de renseignements au bout des vices de la circulation a répondu à une tête de deux
doigts, mais on s’attend en plus à ce qu’elle soit véhicules sur la collision entraînant un trafic de six per-
exacte. Parce que le public demande toujours plus sonnes une fatalité, le dimanche 1er août 20101. » Un
d’information, la traduction générale prend les traducteur avec une formation générale aurait certai-
devants. nement mieux transposé la réalité en français !
Par ailleurs, le marketing est devenu plus impor- L’année précédente, l’atelier allemand Avus Per-
tant que le reste de nos jours : on annonce avant, on formance avait également vécu une mauvaise expé-
informe après ; c’est une réalité de notre monde. Pre- rience. En avril 2009, un traducteur de son agence de
nons l’exemple du lancement d’un nouveau télé- publicité a nommé la nouvelle Audi RS6 V10 blanche
phone. La diffusion de la documentation de lancement la « Audi White Power 2. » La voiture a été rebaptisée,
prime sur celle du manuel d’utilisation, tant et si bien mais un minimum de culture générale de la part du tra-
que ce dernier n’est souvent pas prêt à temps. Peu im- ducteur, ou encore un meilleur contrôle de la qualité
porte, le client peut toujours acheter le téléphone et aurait permis d’éviter ce faux pas.
c’est ce qui compte. Pas besoin de savoir comment En tant que spécialistes de la langue en emploi en
il fonctionne ! cabinet, nous avons le devoir d’offrir des traductions
générales de qualité. Si ces dernières ne sont pas adé-
Le généraliste, un spécialiste de la quates, les clients iront ailleurs, même pour leurs
traductions techniques. En suivant une formation
langue générale avant de se spécialiser, les étudiants pour-
Les besoins des clients des cabinets se retrouvent ront renforcer leur culture générale, et les portes des
davantage du côté des communications générales que cabinets s’ouvriront davantage à eux.
de celui des publications techniques et il faut savoir
s’adapter. Il en résulte donc que pour être embauché
1. NICOU D, Annabelle, « Colombie-Britannique : la G RC
dans un cabinet, de bonnes connaissances générales c o m p t e s u r G o o g l e Tra n s l a t e » , p u b l i é l e 3 a o û t 2 0 1 0 à
sont essentielles. 0 5 h 0 0 , h t t p : / / w w w. c y b e r p re s s e . c a / a c t u a l i t e s / 2 0 1 0 0 8 /
C i r c u i t • H i ve r 2 0 1 1
18 L i s a n n e L a w t o n e s t d i re c t r i c e , A d m i n i s t ra t i o n e t g e s t i o n d e p ro j e t s c h e z M e g a l e x i s C o m m u n i c a t i o n s I n c . , c a b i n e t d e t ra d u c t i o n m o n t r é a l a i s . E l l e
e s t g e s t i o n n a i re d e p ro j e t s d e p u i s 2 0 0 2 .
Enquête sur la place
de la formation générale
à l’université
A u Canada, la formation générale doit continuer
d’occuper une place prépondérante dans les
programmes universitaires de traduction. Au même
multimédia, traductique, etc. Cependant, il ne faut pas
perdre de vue que la formation spécialisée ne forme
pas de « spécialistes », la plupart des cours apparte-
titre qu’un neurochirurgien ne pourrait pas opérer nant à cette catégorie étant de niveau d’introduction.
À l’automne 2010,
sans posséder d’abord les bases de la médecine, en Enfin, de l’avis de tous les répondants, la forma- par l’intermédiaire
traduction, sans formation générale, pas de spécia- tion générale et la formation spécialisée, malgré
lisation possible. Diagnostic en quatre temps à leurs critères bien distincts, partagent un objectif com- de l’Association
partir des principales questions de l’enquête. mun : donner aux diplômés une base de connais-
sances solides, complémentaires, qui leur permettra
canadienne des
1. Quels critères servent à de s’adapter aux exigences et aux situations du écoles de
monde professionnel.
distinguer formation générale traduction (ACET),
et formation spécialisée ?
nous avons mené
Pour la majorité des répondants, la
formation générale repose sur des cri- une enquête1 sur
tères assez simples à définir : l’ap-
prentissage d’une méthode de travail
la place qu’occupe
rigoureuse, l’acquisition de notions la formation
de base en traduction et en ré-
daction ainsi que de compé-
générale dans les
tences applicables en mi- programmes de
lieux de pratique. Fait
important à souligner, cette traduction. Circuit
formation ancillaire sert a compilé, analysé
aussi à enrichir la culture gé-
nérale et le sens critique des et résumé les
futurs professionnels. Ils
doivent être capables de
réponses reçues.
maîtriser non seulement les Voici les résultats
aspects strictement liés au
transfert linguistique, mais
de notre enquête.
encore les éléments extra- Données recueillies et analysées
linguistiques — habileté à par Danièle Marcoux, Ph. D.
repérer les allusions, à faire de l’adapta- Questionnaire créé
tion, à faire preuve de jugement en matière par Éric Poirier, trad. a., et
de sources consultées, etc. — qui déter- Philippe Caignon, trad. a., term. a.
minent également le sort et la qualité de
leurs travaux.
La formation spécialisée, quant à
elle, vise l’acquisition de connaissances
propres à un domaine de spécialité
(p. ex. : traduction administrative, scienti-
fique et technique, juridique, économique,
biomédicale, etc.). Elle vise aussi la trans-
C i r c u i t • H i ve r 2 0 1 1
D a n i è l e M a r c o u x e s t d i re c t r i c e d e s p ro g ra m m e s d e t ra d u c t i o n d e p re m i e r c yc l e a i n s i q u e d i re c t r i c e d u D i p l ô m e d e d e u x i è m e c yc l e e n t ra d u c t i o n
19
e t d u C e r t i f i c a t e n l o c a l i s a t i o n à l ’ U n i ve r s i t é C o n c o rd i a .
DOSSIER LA TRADUCTION GÉNÉRALE : UNE SPÉCIALITÉ
L
maines de spécialité, alors qu’on ne sait pas de quoi
le monde du travail sera fait dans dix ou vingt ans ».
Sans formation de base, donc, point de salut pour
la traduction spécialisée : « À notre avis », explique
Louis Poirier, de la Faculté de l’éducation permanente
a formation générale
de l’Université de Montréal, « les spécialistes que re-
et la formation spécialisée cherchent certaines agences sont davantage des spé-
se complètent et dépendent cialistes d’un secteur particulier qui possèdent une
solide formation professionnelle en traduction et,
l’une de l’autre. idéalement, quelques années d’expérience, plutôt que
des traducteurs formés à un secteur spécifique. »
4. Quel avenir
pour la formation générale ?
Tout l’avenir, ont répondu unanimement les parti-
cipants à l’enquête, étant donné que le marché de-
mande des étudiants polyvalents ayant une solide
formation générale. Leur unanimité ne signifie pas
le choix de ses cours à option ou hors programme. pour autant que les répondants soient réfractaires au
Dans le second cas, la donne peut changer pour les changement ou insensibles à certains signaux du sec-
institutions qui ont un programme coopératif ou teur langagier en faveur d’une spécialisation accrue.
celles qui offrent des diplômes de 2e cycle. Ils signalent simplement que la prudence est de mise
Pour deux des universités ayant répondu à l’en- avant de modifier les programmes universitaires en
quête et offrant un programme coopératif, les étu- fonction du goût du jour ou des besoins immédiats ou
diants font trois stages de quatre mois en milieu de spécifiques de l’industrie.
travail dans des domaines de spécialité comme la Fait intéressant à souligner, certains répondants
santé, l’environnement, le génie, les assurances, les pensent qu’il faudrait plutôt attirer les spécialistes à
ressources humaines, l’économie, etc. En raison de la formation générale et non l’inverse. C’est l’avis, no-
contraintes d’horaire et par souci de bien les préparer tamment, de Louis Poirier : « Nous accueillons régu-
aux stages, il arrive parfois que la répartition des cours lièrement des étudiants possédant une formation
de formation générale et de formation spécialisée soit universitaire dans des domaines spécialisés […] et qui
modifiée. Pour les institutions offrant un diplôme de souhaitent devenir traducteurs. Outillés d’une solide
2e cycle, la séquence des cours peut aussi changer. formation de base en traduction, ces diplômés
Comme il s’agit, généralement, d’une formation des- deviennent effectivement d’excellents traducteurs…
tinée à une population étudiante adulte dont la ma- très recherchés. »
jorité étudie à temps partiel, il est parfois difficile de
respecter le cursus prévu au programme.
C i r c u i t • H i ve r 2 0 1 1
20
DES LIVRES CHRONIQUE DIRIGÉE PAR SOLANGE LAPIERRE
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mais sans marque d’usage (qué- Albertini (dir.), Lexique d’économie, Cet ouvrage comporte plus de
Les notices ci-dessus s’inspirent habituellement
bécisme, anglicisme, registre sou- Dalloz, 11e éd., 2010, 864 p. ISBN 12 000 termes français traduits en des sites Web des éditeurs. Les consulter pour
tenu, familier, etc.). 9782247088881 anglais, allemand, espagnol, italien plus de détails.
22
DES TECHNIQUES CHRONIQUE DIRIGÉE PAR MARIE-PIERRE HÉTU
m a r i e - p i e r r e . h e t u @ v i d e o t r o n . c a
Où s’en va le Web ?
De la démocratisation de l’accès à l’information aux appareils mobiles qui permettent
d’accéder à Internet partout dans le monde, la technologie n’a pas cessé d’évoluer.
Quel sera donc notre avenir virtuel ?
sous-jacente à ce vaste réseau. En- données GPS en temps réel, heure, tout est sur le Web, qu’en est-il de la
suite est venu ce qu’il est au- La diminution des coûts de pro- goûts, amis, achats, emploi, etc.) et vie privée ? Les gens changeront-ils
jourd’hui convenu d’appeler le duction du contenu numérique au permet maintenant de répondre à leur rapport à cet outil ? Est-ce que
Web 2.0. Selon plusieurs sources, sens large a aussi permis de sortir de nouveaux besoins, souvent créés les règles du Web se resserreront ?
Tim O’Reilly, visionnaire du Web, du simple monde des documents par les appareils eux-mêmes. Seul l’avenir nous le dira.
S t e ve Pe t t i g re w, M . S c . , e s t m a t h é m a t i c i e n d e f o r m a t i o n . I l e s t s p é c i a l i s t e d e l a l i n g u i s t i q u e i n f o r m a t i q u e , g e s t i o n n a i re d e p ro d u i t s c h e z O p e n Te x t C o r p o ra t i o n .
23
DES MOTS CHRONIQUE DIRIGÉE PAR PHILIPPE CAIGNON
pcaignon@alcor.concordia.ca
24
PAGES D’HISTOIRE CHRONIQUE DIRIGÉE PAR PIERRE CLOUTIER
pierre.cloutier@videotron.ca
Rafael Pombo :
Rencontre de deux Amériques
Poète de l’enfance, diplomate, traducteur d’Horace, de Shakespeare, de Lamartine,
d’Hugo et de Byron, fervent de Longfellow, Rafael Pombo campe le traducteur
romantique qui adapte ses emprunts aux cultures autres pour enrichir avec
créativité sa culture d’origine.
par Paula Andrea
Montoya Arango
bases solides pouvant fonder la na- C’est à ce titre et en qualité traduction dont la fonction est avec plusieurs personnalités des
tion et son identité. Pombo grandit d’homme de lettres qu’il déploiera d’enrichir les sources de la culture domaines de la musique, des
au sein d’une famille privilégiée et ses efforts pour stimuler la littéra- nationale. Pombo a toujours tra- lettres, de la politique et des
éduquée. En effet, le poète a étudié ture, la musique, l’opéra, le journa- duit. Il a traduit des auteurs sciences. Pombo collabore au pé-
dans les meilleures écoles ; depuis lisme, l’éducation et la littérature comme Horace, Lamartine, Hugo, riodique El Mundo Nuevo, fondé à
Pa u l a A n d ra M o n t oy a A ra n g o e s t é t u d i a n t e a u d o c t o ra t e n t ra d u c t i o n à l ’ U n i ve r s i t é d e M o n t r é a l .
25
New York en 1872 par le critique et caractérisent par leur musicalité et la femme dans The Bridge of Sighs fût-ce au prix de certaines libertés.
essayiste cubain Enrique Piñeyro ; il les jeux de mots qu’ils contiennent. de Thomas Hood ou la ferveur pa- Optique qui se révéla fructueuse
écrit des articles pour Guia del via- Pombo donne libre cours à sa créa- triotique qui inspire Longfellow. Par pour l’histoire de la traduction en
jero en los Estados Unidos, livre pu- tivité pour les rendre en sollicitant la ailleurs, il fournit l’exemple du tra- Colombie.
blié par José Durand où on découvre musicalité de la langue espagnole. Il ducteur créatif qui n’hésite pas à
la perception que les Hispano- n’hésite pas à ajouter certains élé- ajouter ou à retrancher pour mieux
Américains ont de la vie et de la cul- ments. Par exemple la petite gre- aligner ses traductions sur les at-
ture états-uniennes. Pombo entre- nouille de El Renacuajo Paseador, tentes d’un public colombien fort 1 Vo i r l ’ a r t i c l e d ’ Á l va ro E c h e ve r r i s u r
l a t ra d u c t i o n d ’ A n t o n i o N a r i ñ o d e l a
prend la rédaction d’un journal adaptation de A Frog He Would conservateur. Ainsi, Pombo ne D é c l a ra t i o n d e s d ro i t s d e l ’ h o m m e
intime où il rend compte de ses A-wooing Go, prend une véritable voyait pas dans le traducteur un e t d u c i t oye n ( C i rc u i t , 9 4 , 2 0 0 7 ) .
2 Le f i l s d e R a i n e t t e , R i n r í n R e n a -
propres impressions de cette ville forme humaine, grâce aux dialogues « esclave » de l’original, mais un c u a j o / s o r t i t c e m a t i n t r è s d ro i t e t
où il est en poste et de la culture introduits par Pombo : « créateur » qui « imite de bons mo- tout beau/ (…) « Mon fils, ne sors
pas », cria sa maman. (N D LR : Notre
ambiante. A frog he would a-wooing go, dèles » pour enrichir la langue ma- adaptation. À titre d’illustration
Ses collaborations se multiplient : Heigh ho! Says Rowley, [...] ternelle et la littérature nationale, seulement.)
il traduit le poème de Lamartine Whether his mother would let
Le Lac pour le musicien Louis M. him or no.
Gottschalk ; il fournit de l’informa- El hijo de Rana, Rinrín Renacuajo,
tion sur la Colombie au scientifique salió esta mañana, muy tieso y
Isaac F. Holton, auteur de New Gra- muy majo. […]
nada: Twenty Months in the Andes, “¡Muchacho no salgas!” le grita
et il écrit des articles sur son pays mamá2.
pour l’American Encyclopedia pu-
bliée par Appleton. Les avertissements et la morale
À New York, deux faits marquent ajoutés par Pombo, font de la gre-
sa carrière de traducteur : d’une nouille un symbole et transforment
part, un contrat avec la maison le conte en parabole bien sentie sur
d’édition Appleton et d’autre part, ses la désobéissance enfantine.
relations épistolaires avec Henry W. Ces adaptations témoignent de
Longfellow, que le poète colombien sa créativité. Grâce à elles, Pombo
n’a pas connu personnellement, mais s’approprie les textes pour mieux
qu’il admirait. Ce poète nord-améri- les rendre conformes au moule lin-
cain a exercé une influence consi- guistique et culturel de la langue
dérable sur les Hispano-Américains, d’arrivée, tout comme pour servir
et Rafael Pombo a été l’un des ses visées : éduquer les enfants
premiers à le traduire et à le faire selon les valeurs très marquées d’un
connaître en Amérique latine. temps et d’un lieu.
C’est en vue de diffuser en es- Rafael Pombo est ainsi un
pagnol des contes pour enfants traducteur tout imprégné des
issus de la tradition anglaise que valeurs littéraires et morales
Pombo signe un contrat de traduc- représentatives d’une époque
tion avec Appleton. Le succès de ces rigoriste. Exemples : Les traductions
contes est tel qu’ils continuent au- de Lord Byron prennent le contre-
jourd’hui d’être édités en Colombie, pied de la forte influence française
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