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LE MAGAZINE D’INFORMATION DES LANGAGIERS Numéro 110 • Hiver 2011

www.ottiaq.org

LA TRADUCTION GÉNÉRALE : UNE SPÉCIALITÉ


Envoi de publication canadienne convention numéro 1537393
POUR COMMENCER

Changement et relève :
Circuit se renouvelle N O
110 HIVER 2011

Sur le vif 4
Le Congrès de l’OTTIAQ ; la saison
des prix ; dixième colloque du
Réseau des traducteurs et
Yolande Amzallag, trad. a. traductrices en éducation.
Échappées sur le futur.

C ircuit commence l’année sous le signe du renouveau. Comme vous le


constaterez dès les premières pages, nous avons quelque peu remanié
le format de la revue pour accueillir une nouvelle chronique. À l’ordre du jour À l’ordre du jour 6
est une tribune de réflexion et d’analyse sur les enjeux de nos professions. La Pour inaugurer cette nouvelle
chronique inaugurale résume d’emblée les grandes lignes du plan stratégique chronique, une entrevue avec le
président de l’OTTIAQ, qui incite
de l’OTTIAQ dans une entrevue que le président de l’Ordre, François Abraham, a accordée à les traducteurs à « prendre leur
Anne-Marie Mesa. Le rôle des langagiers, leur place sur le marché, la reconnaissance de leurs place ».
compétences et la formation de la relève sont autant d’enjeux qui influent sur nos modes de
pratique, mais sur lesquels nous pouvons aussi exercer une influence. Au lieu de subir le
changement, il s’agit de reconnaître que nous en sommes les principaux acteurs et de prendre Notes et contrenotes 8
la place qui nous revient. Les impondérables de la langue.
Le thème de ce premier numéro de 2011 peut paraître paradoxal, mais comme vous le
découvrirez à la lecture du dossier, la question mérite d’être posée, à savoir : faut-il considérer
la traduction générale comme un domaine de spécialité ou comme une compétence de base ?
Dossier 9
La notion de « traduction générale » recouvre autant de réalités qu’elle soulève de questions.
En cette ère de spécialisation,
À tel point que, pour mieux la cerner, les copilotes de ce dossier, Philippe Caignon et Éric qu’advient-il de la traduction
Poirier, ont mené une enquête auprès des écoles et départements de traduction canadiens générale ? Circuit a constaté
qu’elle est bien en vie et qu’elle
pour déterminer la place qu’occupe la traduction générale dans les cursus actuels. Il s’avère est là pour rester.
que, malgré les pressions du marché dans le sens de la spécialisation, la traduction générale
conserve sa « légitimité théorique » en tant que discipline de base incontournable, en
particulier dans le contexte de la mondialisation du savoir. Ce qui n’exclut pas, comme le
montrent nos auteurs, qu’on en fasse une spécialité à part entière. Les lecteurs de Circuit
Des livres 21
“The Best Job in the World”.
seront nombreux à se reconnaître dans les portraits que brossent les collaborateurs à ce Les nouveautés.
dossier. Pour ma part, j’en conclus que la tâche complexe du traducteur échappe aux
définitions restrictives et au cloisonnement qu’imposent les technologies. Fort heureusement,
le facteur humain règne encore dans nos professions, et la traduction générale peut se
concevoir à la fois comme une compétence transversale et comme une spécialité.
Des techniques 23
La technologie évolue sans cesse.
Fidèles au rendez-vous trimestriel, nos chroniqueurs nous ouvrent des fenêtres sur le Que nous réserve l’avenir virtuel ?
vaste univers de notre pratique et n’hésitent pas à en dépasser les limites pour nous Réflexions d’un spécialiste de la
divertir, nous dépayser et nous inspirer. Au menu de ce numéro, des nourritures riches et linguistique informatique.

variées, qui alimentent… justement… notre culture générale.


Enfin, le vent du changement souffle aussi dans ma vie et me pousse à renoncer à la
direction de Circuit pour me consacrer à d’autres projets personnels. Le présent numéro Des mots 24
marque la fin de mon mandat et c’est sous la conduite de Betty Cohen que Circuit poursuivra Partonymie, holonymie, méronymie,
sa destinée. Je tiens à remercier ici tous les membres du comité de rédaction de leur subsomption… quelques relations
peu usitées.
généreuse collaboration à Circuit, et de la confiance qu’ils m’ont témoignée tout au long de
mon mandat. Je remercie aussi de leur confiance les dirigeants bénévoles et professionnels
de l’OTTIAQ, ainsi que les membres de la permanence pour leur solide soutien à la
publication de Circuit. Pages d’histoire 25
Je vous souhaite à tous une année de croissance et d’épanouissement, sur tous les plans. Rafael Pombo, grande force de la
littérature enfantine colombienne,
était également reconnu pour la
qualité de ses traductions.
Publié quatre fois l’an par l’Ordre des traducteurs,
SUR LE VIF
terminologues et interprètes agréés du Québec
CHRONIQUE DIRIGÉE PAR EVE RENAUD

Congrès 2010 de l’OTTIAQ –


2021, avenue Union, bureau 1108
Un congrès résolument tourné vers l’avenir
Montréal (Québec) H3A 2S9
Tél. : 514 845-4411, Téléc. : 514 845-9903
Courriel : circuit@ottiaq.org Si des mots comme Facebook, Twitter, Flickr et jugement du professionnel, la plus-value de
Site Web : www.ottiaq.org
LinkedIn vous sont inconnus, vous êtes dé- celui qui sait.
Vice-présidente, Communications — OTTIAQ
passé. C’est en tout cas l’impression que cer- Tout de même, comment répondre à tous
Betty Cohen
Directrice
tains participants au dernier congrès de les besoins, traiter les volumes de plus en plus
Yolande Amzallag l’Ordre ont probablement eue dès la confé- grands et les contrats de plus en plus gros ?
Rédactrice en chef rence d’ouverture. Placé sous le thème Ten- À cela nos conférenciers ont répondu « l’union
Gloria Kearns
dances, perspectives, stratégies, le congrès fait la force ». Si notre profession se prête par-
Rédaction
Philippe Caignon (Des mots), Pierre Cloutier
ne pouvait en effet ignorer les médias sociaux, ticulièrement bien à l’exercice en solitaire,
(Pages d’histoire), Lucille Cohen (secrétaire), qui prennent une place de plus en plus grande jusqu’ici en tout cas, le jour viendra où, pour
Marie-Pierre Hétu (Des techniques), Didier Lafond
(Curiosités), Solange Lapierre (Des livres), Nils Lovgren,
dans notre vie. Les médias sociaux, certes, concurrencer les multinationales de la tra-
Barbara McClintock, Éric Poirier, Eve Renaud (Sur le mais pas n’importe lesquels. Et il semble que duction, il nous faudra nous regrouper et en-
vif ), Sébastien Stavrinidis (Des revues)
LinkedIn soit celui qui conviendrait le mieux trer à notre tour dans la bataille, en faisant va-
Dossier
Barbara McClintock et Solange Lapierre aux professionnels qui désirent étendre leur loir, justement, notre statut de professionnel.
Ont collaboré à ce numéro réseau et accroître leur clientèle par le bouche Et pourquoi ne pas avoir le meilleur des deux
Stéphanie Beaulieu, Christian C. Després, à oreille… ou le clavier à écran ! mondes en exploitant le virtuel pour créer des
Robert Dubuc, Marco A. Fiola, Grant Hamilton,
Margaret Jackson, Lisanne Lawton, Danièle Marcoux,
Mais en dehors du virtuel, que nous réserve regroupements ? Tout est possible à condition
Anne-Marie Mesa, Paula Andrea Montoya Arango, l’avenir… de bien concret cette fois ? Soyons de choisir la bonne structure juridique.
Steve Pettigrew
rassurés, notre profession n’est pas près de Pour répondre à la demande, il faut aussi
Direction artistique, éditique, prépresse et impression
Mardigrafe
disparaître. La demande, au contraire, ne former la relève. Pour cela, les deux extrémi-
Publicité cesse de croître. Selon certaines statistiques, tés d’une carrière doivent se rejoindre. À sa-
Catherine Guillemette-Bédard, OTTIAQ la profession ne peut répondre, à l’échelle voir, que les chevronnés, avant de prendre
Tél. : 514 845-4411, poste 225 • Téléc. : 514 845-9903
mondiale, qu’à une infime partie des besoins leur retraite, planifient la transition et pré-
Droits de reproduction
Toutes les demandes de reproduction doivent être de traduction. Et si les mémoires et autres ou- parent soigneusement la suite pour leur
acheminées à Copibec (reproduction papier). tils permettent de traiter le tout-venant et clientèle s’ils veulent tirer le fruit de leur
Tél. : 514 288-1664 • 1 800 717-2022
licenses@copibec.qc.ca l’existant, il reste que le savoir de l’humanité longues années de labeur ; et que les jeunes
Avis de la rédaction ne cesse de s’étendre et que, d’Aristote à diplômés acquièrent toutes les connais-
La rédaction est responsable du choix des textes Einstein, les grands savants n’auraient jamais sances et aptitudes requises pour prendre
publiés, mais les opinions exprimées n’engagent que
les auteurs. L’éditeur n’assume aucune responsabilité dépassé les frontières sans la traduction. cet avenir à pleines mains et y mordre à
en ce qui concerne les annonces paraissant dans Circuit. Est-ce à dire que l’avenir du traducteur profes- pleines dents. Et si les uns prennent la peine
© OTTIAQ
Dépôt légal - 4e trimestre 2010 sionnel est en haut de la pyramide du savoir, de transmettre leur savoir, ils permettront
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Bibliothèque et Archives Canada car c’est là que ses compétences seront le plus aux autres de prendre la place qu’ils méri-
ISSN 0821-1876 utiles ? Oui. Mieux encore, il devrait se placer tent, en plein milieu — et plutôt vers le som-
Tarif d’abonnement au centre de cette pyramide, de façon à bien met — de la pyramide.
Membres de l’OTTIAQ : abonnement gratuit
Non-membres : 1 an, 40,26 $ ; 2 ans, 74,77 $. Étudiants remplir son rôle de passeur, en apportant le Betty Cohen, trad. a.
inscrits à l’OTTIAQ : 28,76 $. À l’extérieur du Canada :
1 an, 46,01 $ ; 2 ans, 86,27 $. Toutes les taxes sont
comprises. Chèque ou mandat-poste à l’ordre de
« Circuit OTTIAQ » (voir adresse ci-dessus). Cartes
de crédit American Express, MasterCard, Visa :
www.ottiaq.org/publications/ circuit_fr.php Dixième colloque du Réseau des traducteurs
Deux fois lauréat du Prix de la meilleure
publication nationale en traduction de la
et traductrices en éducation
Fédération internationale des traducteurs.

Du 21 au 23 octobre 2010, le Réseau Il vise à harmoniser la terminologie


des traducteurs et traductrices en de l’éducation dans les deux langues
éducation (RTE) a tenu son dixième officielles du pays « dans le respect
colloque à Cornwall et en a profité de la diversité et de la complexité de
pour célébrer ses 25 ans d’existence. ses systèmes éducatifs et de leur hé-
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Ce réseau est formé de langagiers ritage linguistique1 ».


100 % PC travaillant soit pour des employeurs Les colloques du RTE ont lieu en
Imprimé sur papier recyclé 30 % postconsommation (couverture)
privés ou publics, soit à leur compte. moyenne tous les deux ans et le
À vérifier prochain numéro
et 100 % postconsommation (pages intérieures), fabriqué avec des
fibres désencrées sans chlore, à partir d’une énergie récupérée, le biogaz.

4
La saison des prix
L’automne est la saison qui braque les pro- Du français à l’anglais, Linda Gaboriau est numéro 99 de Circuit. Mme Simon a par ailleurs
jecteurs sur les travailleurs de l’ombre que récompensée pour sa traduction de Forêts, signé un ouvrage intitulé Traverser Montréal.
nous sommes et sur toutes les personnes qui pièce de Wajdi Mouawad devenue en anglais Une histoire culturelle par la traduction, qui a
font rayonner leur langue. Encore une fois Forests, publiée par Playwrights Canada Press. été l’objet d’une critique dans le numéro 104.
cette année, Circuit félicite les lauréats ! Détails au www.canadacouncil.ca/nouvelles/ On trouvera aussi dans le numéro 100 un ar-
communiques/2010/lx129310227358016415.htm ticle de Mme Simon intitulé « Frank Scott et
Prix littéraires du Gouverneur général Anne Hébert : convergences et divergences de
Le Conseil des Arts du Canada et le gouverneur Prix de traduction des Amis de McGill la lettre et de l’esprit ».
général ont créé ces prix en 1936 pour rendre Ce prix, « remis annuellement à l’étudiant ou
Prix du Québec
hommage à la littérature canadienne. Le volet à l’étudiante ayant obtenu les meilleurs résul-
Décernés depuis 1977, les Prix du Québec ré-
traduction a été ajouté en 1987. tats pour l’ensemble du certificat offert dans le
compensent des acteurs de la scène culturelle
Alors que chez les auteurs, de grands noms cadre du programme de traduction », a ré-
et du monde scientifique.
comme Marie-Claire Blais et Dany Laferrière compensé en juin dernier Emily Salmins,
Cette année, le Prix Georges-Émile-Lapalme,
étaient en lice, en traduction, des habitués sont d’abord assistante juridique, rédactrice, en-
« accordé à une personne ayant contribué de
revenus au tableau d’honneur des finalistes. seignante et désormais traductrice du français
façon exceptionnelle, tout au cours de sa car-
Lori Saint-Martin, trad. a., et Paul Gagné à l’anglais.
rière, à la qualité et au rayonnement de la
étaient de nouveau en nomination, cette fois Tous les détails au http://francais.mcgill.ca/
langue française parlée ou écrite au Québec2 »
pour Filthy Lucre : Economics for People Who channels/announcements/?channels=translation
a été remis à Lise Bissonnette, fondatrice de la
Hate Capitalism, de Joseph Heath, présenté en _studies
Grande Bibliothèque du Québec (aujourd’hui
français sous le titre Sale argent : petit traité
Bibliothèque et Archives nationales du Québec).
d’économie à l’intention des détracteurs du ca- Prix Acfas – André Laurendeau En entrevue avec Le Devoir, Mme Bissonnette
pitalisme aux Éditions Logiques, ainsi que pour Le prix Acfas – André Laurendeau a été créé en
s’est dite enchantée de ce prix associé au rayon-
Les Troutman volants, traduction publiée chez 1986, en l’honneur d’André Laurendeau, grand
nement de la langue française, qui est « le com-
Boréal et acclamée par le jury de ce roman que éditorialiste et humaniste. Il récompense une
bat de sa vie ». Mme Bissonnette fait partie
Miriam Toews a fait paraître sous le titre The personne travaillant dans le domaine des
d’un jury littéraire, tient une chronique à la radio
Flying Troutmans. sciences humaines.
et tente de terminer un doctorat en lettres à
En lice également : Claudine Vivier, pour sa Le prix 2010 a été décerné à Sherry Simon,
l’Université de Montréal3.
traduction du roman Wolf Rider (L’exode des professeure titulaire au Département d’études
loups), de Sharon Stewart, et Sophie Voillot, françaises de l’Université Concordia et auteure
Prix de la Quebec Writers’ Federation
déjà plusieurs fois finaliste, cette année pour de plusieurs ouvrages sur la traduction, disci-
La QWF a institué ses premiers prix en 1988 et
Le Cafard (Boréal), qui traduit Cockroach, de pline dont elle a fait « un élément essentiel du
ajouté un prix de traduction dix ans plus tard,
Rawi Hage. C’est Sophie Voillot qui a remporté domaine des études culturelles1 ». Pierre
pour un total de six catégories : œuvre d’ima-
la palme. Cloutier nous a présenté Mme Simon dans le
gination, œuvre non romanesque, premier
ouvrage, poésie, traduction et littérature jeu-
nesse. Les prix, de 2000 $ chacun, sont remis
Précision Clarification en novembre. Cette année, le prix de traduction,
L’article de Liedewij Hawke mentionné Liedewij Hawke’s article mentioned in financé par la Cole Foundation, a récompensé
dans l’introduction du dossier du Barbara McClintock’s introduction to Paule Champoux, pour sa traduction, sous le
numéro 109 de Circuit sera publié No. 109 will be published in an titre Québec, ville du patrimoine mondial, de
ultérieurement. upcoming issue of Circuit. Quebec, World Heritage City, de David Mendel.

Prix John-Glassco
L’Association des traducteurs et traductrices
programme élaboré par le Comité Édith Masson et par Hubert Mansion, littéraires du Canada (ATTLC) décerne chaque
organisateur est toujours pertinent. ainsi que la table ronde sur les recti- année le prix John-Glassco à l’auteur d’une pre-
Ainsi, les ateliers de formation sur la fications orthographiques à laquelle mière traduction littéraire publiée sous forme
stylistique comparée et sur l’utilisa- ont participé Clara Fox, Dolores Tam de livre. En 2010, le prix a été remis à Louis
tion d’Antidote HD, donnés respecti- et Michèle Péloquin étaient intéres- Bouchard et Marie-Élisabeth Morf pour
vement par Maurice Rouleau de sants, instructifs et clairs. En D’ailleurs (Héliotrope), leur traduction fran-
Magistrad et par Dolores Tam de somme, le colloque était une belle çaise de Fremdschläfer, roman écrit en alle-
Druide informatique, les confé- réussite. mand par Verena Stefan.
rences traitant du dictionnaire qué- Philippe Caignon, term. a., trad. a. Pour en savoir plus : www.attlc-ltac.org
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bécois Franqus et du français d’Amé- Eve Renaud, trad. a.


rique, présentées respectivement par 1. Source : www.acfas.ca/prix/2010/pages/simon_sherry.html
1. Tiré du site du RTE à l’adresse suivante : 2. www.prixduquebec.gouv.qc.ca/prix-culturels/index.html?
Hélène Cajolet-Laganière et Chantal- www.rte-nte.ca/ index.fr.stm. prixquebec
3. Source de la citation et de l’information : Le Devoir,
14 novembre 2010, page F3.

5
À L’ O R D R E DU JOUR CHRONIQUE DIRIGÉE PAR BETTY COHEN

Prendre sa place
Dire que notre profession évolue sans cesse devient une rengaine. Mais comment réagissons-nous
et que fait l’OTTIAQ pour y répondre? C’est à ces questions que tâchera de répondre cette toute
nouvelle chronique de Circuit que vous retrouverez désormais dans chaque numéro. Pour
l’inaugurer, nous avons voulu brosser un tableau des grandes préoccupations de l’heure et
des moyens envisagés pour y répondre. Nous sommes donc allés aux sources. Dans une entrevue
accordée à Anne-Marie Mesa, François Abraham présente les principaux axes du plan
stratégique de l’OTTIAQ et l’objectif ultime : prendre sa place et donner la leur aux professionnels
qui le composent.
Par Anne-Marie Mesa, trad. a.

P rendre sa place, c’est le titre du plan straté-


gique 2009-2012 de l’OTTIAQ et c’est aussi le
message que martèle son président, François
l’OTTIAQ, présentée lors de la journée de forma-
tion continue jumelée au congrès 2009. « L’inté-
de la confidentialité d’un bout à l’autre du
projet », déclare le président, qui considère ces
gration du traducteur au cycle de la production, outils comme un avantage concurrentiel pour
Abraham, trad. a. Selon lui, les membres doivent les recommandations de modifications au texte les membres.
prendre leur place, c’est-à-dire faire connaître de départ découlant de l’analyse préalable à la
leur valeur ajoutée, s’affirmer comme des profes- traduction, l’uniformisation de la terminologie Conscient des pressions exercées par les grands
sionnels à part entière, jouer pleinement leur rôle des documents originaux et traduits ainsi que acteurs de l’industrie, dont le Bureau de la
de partenaire linguistique et d’affaires et partici- l’adaptation de la traduction au traduction, pour inciter les four-
per à la valorisation de leur profession. Pour les public cible sont des exemples nisseurs à se regrouper et ainsi
soutenir, l’OTTIAQ continue à enrichir son volet du rôle-conseil qu’exerce le tra- La notion de rôle-conseil diminuer le nombre de sous-
services aux membres, suit de près les travaux ducteur agréé et de sa valeur est fondamentale traitants, l’OTTIAQ a demandé à
entourant la Norme sur les services de traduc- ajoutée », précise M. Paquette1. et devrait être inculquée ce même groupe de travail
tion, rencontre les universités afin d’influer sur le d’étudier les diverses formes ju-
aux étudiants dès le début
contenu de la formation de la relève et poursuit Le président croit que la notion ridiques de regroupements qui
de leur formation.
ses négociations avec l’Office des professions du de rôle-conseil est fondamentale permettraient notamment aux
Québec concernant les actes réservés et la pro- et devrait être inculquée aux étu- traducteurs autonomes d’accep-
fession d’interprète en milieu social. diants dès le début de leur forma- ter des mandats plus volumi-
tion. Il a d’ailleurs demandé au Comité de la neux et de partager des ressources tout en
Se positionner formation de préparer un argumentaire afin de conservant leur autonomie.
promouvoir ce rôle auprès des universités. De
comme professionnel plus, il a l’intention de rencontrer les directeurs Ces outils de soutien à la pratique s’inscrivent
Pour le président de l’Ordre, « le propre d’une des départements de traduction pour discuter dans le volet service aux membres qui est cher
bonne traduction c’est d’être invisible, mais ce de l’intégration de cette notion dans tous les à François Abraham : « L’OTTIAQ est le plus
n’est pas une raison pour que le traducteur le programmes. important regroupement de traducteurs au
soit. S’il ne montre pas qu’il est un spécialiste Canada. Il nous représente, il doit avoir une
de la langue et de la communication écrite, per- Des outils pour mieux composante associative. Ce n’est pas du tout in-
sonne ne va le faire pour lui. Le membre doit compatible avec notre mission première qui est
porter fièrement son titre, se positionner comme
prendre sa place la protection du public. Au contraire, aider les
professionnel auprès de ses clients, exercer un Selon François Abraham, le mandat de protec- membres à améliorer leur pratique profession-
rôle de conseiller et de partenaire linguistique et tion du public passe entre autres par le soutien nelle et d’affaires, c’est aussi ça protéger
faire connaître ses services. Le traducteur n’est aux membres dans l’exercice de leur profession. le public. »
pas qu’un simple exécutant. Son rôle ne se C’est pourquoi il a créé le Groupe de travail sur
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limite pas au transfert linguistique. » le développement d’outils de soutien aux


membres, qui se penche notamment sur les mé-
L’importance de la formation
François Abraham fait notamment référence à la canismes de sécurisation de la transmission de La qualité de la pratique repose notamment sur
réflexion amorcée par Réal Paquette, trad. a. et données et de protection des données sauvegar- la formation initiale et sur la formation continue.
vice-président aux affaires professionnelles de dées. « Être professionnel, c’est aussi se soucier Or, les employeurs se plaignent du fait qu’au

6
sortir de l’université, les étudiants ne sont pas teur incontournable. Dans mes rencontres avec l’interprétation de conférence, judiciaire et com-
prêts à intégrer le marché du travail. « Ce sont l’AILIA, j’insiste sur le fait que les travailleurs au- munautaire, en réservant les titres correspon-
de futurs praticiens, leur formation doit être plus tonomes sont un élément essentiel de l’industrie dants ; 3) d’accorder aux membres une réserve
axée sur la pratique. Cela ne peut qu’améliorer de la langue », déclare le président. d’actes pour la certification des traductions offi-
leur employabilité. Nous devons nous asseoir cielles2. L’OPQ a demandé à l’OTTIAQ d’étoffer le
avec nos partenaires universitaires et voir ce qui Toutefois, l’influence de l’OTTIAQ serait plus dossier, notamment parce qu’il souhaite en étu-
peut être fait en ce sens », affirme le président grande si sa représentativité était meilleure. Au- dier les conséquences avant de statuer. Pour ce
de l’Ordre. jourd’hui, 6 000 personnes déclarent exercer le qui est de la reconnaissance des interprètes en
métier de traducteur au Québec, mais seule- milieu social, l’OPQ voudrait que l’OTTIAQ déter-
Quant à la formation continue, il n’exclut pas ment environ 2 000 sont agréées. « L’union fait mine clairement la formation nécessaire à l’exer-
l’idée de la rendre obligatoire, comme l’ont fait la force, nous invitons donc les traducteurs non cice de cette profession. Le groupe de travail
d’autres ordres. « Les traducteurs, terminologues membres à déposer une demande d’agrément. responsable de la rédaction du mémoire s’est
et interprètes doivent se tenir à jour et sans Ensemble, nous pourrons influer sur nos condi- donc remis au travail afin d’approfondir les
cesse élargir leurs connaissances. Nous sommes tions de travail », soutient-il. points qui posent problème.
prêts à diversifier l’offre de cours pour tenir
compte des besoins de nos membres. N’hésitez Impossible de parler de conditions de travail
pas à nous indiquer ce qui vous intéresse », sans aborder la question de la stagnation des
La relève
déclare François Abraham. Plusieurs formations tarifs dans certains cas. « Une partie de la solu- La relève est un autre grand enjeu auquel
pourraient donner lieu à des crédits, même si tion consiste à se positionner comme profes- l’OTTIAQ est confronté. « Notre défi, c’est de ne
elles sont offertes par d’autres organismes. sionnel, à jouer son rôle de conseiller et de pas perdre les étudiants entre le moment où ils
L’OTTIAQ envisage aussi d’établir des partena- partenaire linguistique. Les clients sont prêts à reçoivent leur diplôme et celui où ils obtiennent
riats avec certains ordres professionnels pour payer s’ils ont l’impression d’en avoir pour leur l’agrément. S’ils ne passent pas par le mentorat,
qu’ils offrent des cours spécialisés dans leur do- argent. Il faut expliquer notre valeur commer- ils doivent attendre deux ans avant de pouvoir
maine. François Abraham estime qu’un membre ciale, valoriser notre profession », insiste Fran- présenter une demande. L’Ordre va devoir ren-
qui diversifie ses connaissances et qui les tient à çois Abraham. C’est l’objectif du Groupe de forcer sa présence auprès d’eux. Nos ambassa-
jour est mieux armé pour faire face à l’évolution travail sur la valorisation des professions qui est deurs ont un rôle important à jouer, ils peuvent
de sa profession. chargé d’élaborer des recommandations. Le notamment nous donner de la rétroaction sur la
groupe fera le lien avec le Comité des communi- perception que les étudiants ont de nous. »
S’adapter à la réalité cations. « La priorité de l’OTTIAQ, c’est les com-
munications. Il faut se faire connaître pour se De la rétroaction, le président de l’OTTIAQ en
du marché faire reconnaître. Nous sommes des profession- réclame haut et fort : « Nous sommes à votre
Le président considère qu’un des rôles de nels ; nous devons le faire savoir au grand écoute. Non seulement nous n’avons pas la pré-
l’OTTIAQ est d’aider ses membres à s’adapter à public, aux médias et aux donneurs d’ouvrage », tention de tout savoir, mais vos idées enrichissent
la réalité du marché. et il a donc l’intention de affirme le président. notre travail. Communiquez avec nous, participez
suivre de près les travaux de l’Association de l’in- à la vie de l’Ordre, nous avons besoin de béné-
dustrie de la langue (AILIA) relatifs à la Norme voles, prenez votre place ! », conclut-il.
CAN/CGSB-131.10-2008 sur les services de tra-
Le titre et la réserve d’actes
duction. « Une des raisons pour lesquelles nous Par ailleurs, en mars 2009, l’OTTIAQ présentait
C i r c u i t • H i ve r 2 0 1 1

avons décidé de participer aux discussions en- un mémoire à l’Office des professions du 1 . Le r ô l e - c o n s e i l d u t ra d u c t e u r : c o n t ra i n t e o u va -
l e u r a j o u t é e ? A c c e s s i b l e d a n s l a Fo r m a t h è q u e
tourant l’élaboration de la Norme, c’est pour Québec (OPQ) dans lequel il demandait : 1) de w w w. o t t i a q . o rg / f o r m a t i o n _ c o n t i n u e / d e t a i l s Fo r-
nous assurer que l’agrément ferait partie des réserver les titres de traducteur, terminologue et m a t i o n _ f r. p h p ? i d = 1 9 2
2 . D e m a n d e d e m o d i f i c a t i o n d e s t a t u t e t d e r é s e r ve
conditions de la certification. Il nous semblait es- interprète aux seuls membres de l’Ordre ; 2) de
d ’ a c t e s p ro f e s s i o n n e l s p r é s e n t é e l e 5 m a r s 2 0 0 9
sentiel de nous positionner comme un interlocu- reconnaître les trois types d’interprétation, soit à l ’ O f f i c e d e s p ro f e s s i o n s d u Q u é b e c , p. 2 1

7
NOTES ET CONTRENOTES CHRONIQUE DIRIGÉE PAR EVE RENAUD

Les impondérables de la langue


Eve Renaud, trad. a. (Canada)

Q ue vous parliez du bout des


lèvres ou de la langue, entre
vos dents, sans mâcher vos mots
une autre, surtout si les mouve-
ments musculaires nécessaires sont
trop différents.
ou « à travers votre chapeau », Le « th » anglais est un exemple
comme seuls peuvent le faire les bien connu. Le « r » roulé — terme
anglophones1 ; que vous parliez af- qui déjà se prononce très difficile-
faires, chiffons ou politique ; ment pour peu qu’on roule, juste-
afrikaans, chinois ou polonais, ment — en est un autre. Si vous le
vous exercez pour ce faire les dix- maîtrisez, voici une méthode très
sept muscles de la langue. Vous simple pour aider un ami moins
avez bien lu : dix-sept muscles doué. Il suffit de lui expliquer que le
s’activent pour nous aider à déglu- « r » roulé (qui s’oppose comme
tir, mastiquer et parler. chacun sait au « r » uvulaire, lequel
Si la déglutition est une suite de est produit par l’action de la luette
mouvements naturels et pratique- contre le dos de la langue) est une
ment inconscients, la parole est en consonne alvéolaire (c’est-à-dire s’échappe que par la bouche), cen- par le locuteur après deux occlu-
revanche une série de manipula- articulée en plaçant la pointe de la trale (puisque l’air passe au-dessus sions et une raréfaction d’air.
tions linguales apprises. C’est langue contre la crête alvéolaire du milieu de la langue plutôt que par Mais ce n’est pas tout : une
pourquoi un adulte qui n’a parlé des dents), voisée (puisque les les côtés), que l’on prononce grâce à même langue peut utiliser vingt clics
qu’une seule langue pendant cordes vocales vibrent pendant l’ar- un flux d’air égressif pulmonaire différents ! Pour une belle démon-
longtemps aura du mal à en parler ticulation), orale (parce que l’air ne (puisqu’on l’articule en poussant l’air stration, voyez http://videos.lefi
par les poumons et à travers le con- garo.fr/video/iLyROoafIkJp.html (il
duit vocal plutôt qu’au moyen de la vous faudra patienter un peu pen-
glotte et de la bouche). Si votre ami dant la publicité préalable). On peut
n’y arrive toujours pas, changez de aussi entendre quelques clics de la
䡬 Échappées sur le futur fréquentation : il est de mauvaise foi. langue xhosa dans le film Les Dieux
Il existe par ailleurs des idiomes sont tombés sur la tête.
8 – 10 mars 2011, La Havane (Cuba) — VIIe Colloque sur la qui sollicitent la langue de manière Qui sait si cette gymnastique
traduction, l’interprétation et la terminologie : « La traduction : très différente. Ce sont les fasci- linguale ne provoque pas une inci-
un monde en constante évolution ». www.ottiaq.org/email/PDF/ nantes langues à clics qui, contraire- dence anormalement élevée de
inscription_cuba2010.pdf. ment à ce qu’on pourrait croire, ne luxations, claquages, ou contrac-
sont pas parlées par les souris. On les tures des muscles de la langue.
8 – 10 mars 2011, Moncton (Nouveau-Brunswick, Canada) —
entendra en Afrique, sauf une, en Toute cette musculature est in-
Translation in Contexts of Official Multilingualism. Pour infor-
Australie, qui n’est plus utilisée que nervée par deux nerfs appelés
mation : Gillian Lane-Mercier, Gillian.lane-mercier@mcgill.ca et
pour des cérémonies rituelles. Les grands hypoglosses. Ceux-ci se
Denise Merkle, denise.merkle@umoncton.ca
clics sont des consonnes produites retrouvent chez les oiseaux (qui leur
8-9 avril 2011, Monterey (Californie, É.-U.) — Monterey par la formation d’un appel d’air vers doivent leur chant), chez les pois-
Forum 2011, Innovations in Translator, Interpreter and Localizer le conduit vocal, au contraire de nos sons et chez les mammifères. Chez
Education. http://go.miis.edu/montereyforum consonnes à air expulsé, « dont l’humain, les grands hypoglosses
l’émission se caractérise par une dou- doivent activer une toute petite
12 – 14 août 2011, Catskill Mountains (Maplecrest, New York) — ble occlusion […]. La première occlu- langue d’environ 60 g. Songez à
« Style in Translation » Training Conference. Pour traducteurs sion est formée soit par les lèvres, ceux de la baleine bleue, qui doivent
anglais-français ou français-anglais. http://translateinthecatskills. soit par le contact établi entre la agiter quelque 2 700 kilos de
wordpress.com. langue et les dents ou le palais dur ; langue ! Heureusement, la brave
26 – 29 octobre 2011, Boston (Massachusetts, É.-U.) — la seconde occlusion est réalisée par bête s’exprime autrement. Je ne
Annual Conference of the American Translators Association (ATA), l’élévation de la langue vers le voile voudrais pas être dans les parages
www.atanet.org/conferencesandseminars/future_sites.php du palais. La détente articulatoire, qui pendant la phase égressive s’il fal-
succède à la raréfaction de l’air se lait qu’elle roule ses r !
C i r c u i t • H i ve r 2 0 1 1

27 – 29 octobre 2011, Bordeaux (France) — XXXVIIe Congrès produisant entre les deux occlusions,
de la Société française de littérature générale et comparée 1 . Pa rc e q u e l ’ e x p re s s i o n e s t u n a n g l i -
engendre un bruit de claquement c i s m e , b i e n s û r e t n o n p a rc e q u e l e s
(SFLGC) : Traduction et partages : que pensons-nous devoir trans- caractéristique2. » a n g l o p h o n e s s o n t p a r t i c u l i è re m e n t
mettre ? www2.tolk.su.se/1107-12.html#27_okt_Bordeaux p o r t é s à l e f a i re !
J’imagine sans peine, en effet, la 2. Grand Larousse Universel, 1995,
« détente articulatoire » éprouvée tome 4, sous « clic ».

8
DOSSIER LA TRADUCTION GÉNÉRALE : UNE SPÉCIALITÉ

La traduction générale,
qu’est-ce au juste ?

E
n cette ère de grande spécialisation, voire d’hyperspécia-
lisation, à laquelle n’échappe pas la traduction, Circuit a
voulu examiner la situation de la traduction générale. La
pratique-t-on de nos jours sous une forme ou sous une autre ? Le
cas échéant, s’agit-il d’un véritable créneau ou plutôt d’une
fonction moribonde à laquelle s’adonnent encore quelques illu-
minés isolés ? La vérité, comme c’est souvent le cas, se situe
quelque part entre ces extrêmes. Plus concrètement, comment
la pratique-t-on encore en cabinet et en entreprise ? Y a-t-il des
ressources utiles en ce domaine ?
Plutôt que d’assister, impuissants, aux derniers soupirs
d’une vieille garde en mal d’action et de défis, force est de
constater que la traduction générale est bien en vie et qu’elle est
là pour rester dans les multiples facettes et pratiques de la tra-
duction. Son dynamisme étonne, sa légitimité théorique nous
instruit et nous ne pouvons qu’applaudir ceux et celles qui la
font vivre, qui en vivent et qui nous livrent ici leur témoignage
honnête et poignant.
C’est donc avec plaisir que nous vous offrons ce dossier. Les auteurs — administrateurs,
universitaires et praticiens — s’unissent pour partager leur point de vue, leurs connaissances
et leur expérience. Ainsi, Marco A. Fiola propose une réponse aux questions « qu’est-ce que la
traduction générale ? » et « qu’est-ce qu’un traducteur généraliste ? ». Danièle Marcoux pré- Par Éric Poirier, trad. a. et
Philippe Caignon, trad. a., term. a.
sente les résultats d’une enquête de Circuit sur la place de la formation générale à l’université.
Christian Després montre la façon dont la traduction générale permet d’éviter certains écueils
de la spécialisation. En comparant les traductions produites par Google Translate et par un
généraliste, Grant Hamilton explique la raison pour laquelle le généraliste est supérieur à la
machine. Stéphanie Beaulieu témoigne du quotidien d’une généraliste travaillant en cabinet et
nous présente une partie de son carnet d’adresses. Lisanne Lawton fait la démonstration de
l’importance de la culture générale et, enfin, Robert Dubuc précise le rôle que joue le termino-
C i r c u i t • H i ve r 2 0 1 1

logue auprès des traducteurs généralistes.


N’hésitez pas à nous faire part, vous aussi, de votre expérience, et à nous donner votre avis
sur la question et sur le dossier. Bonne lecture… et bonne réflexion !

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DOSSIER LA TRADUCTION GÉNÉRALE : UNE SPÉCIALITÉ

La traduction générale
n’est pas ce qu’on pense…
en général
G énéralement, qui dit « traduction générale » dit
« traduction bas de gamme », c’est-à-dire tra-
duction à moindre coût, comme en témoignent les
générale, il y a vraiment autant de bonnes traductions
possibles que de traducteurs.
La traduction générale s’oppose à la traduction
L’auteur tente de tarifs souvent inférieurs de cette typologie de textes, spécialisée et les textes qui la caractérisent sont soit
démêler l’écheveau comparativement aux textes dits spécialisés, tech- des textes de vulgarisation (d’expert à non-experts),
niques ou scientifiques. Mais est-il juste d’associer soit des textes par lesquels des non-experts commu-
terminologique qui ainsi la traduction générale à une pratique moins niquent entre eux.
caractérise encore exigeante ? Pour tenter de répondre à cette question,
voyons en quoi consiste la traduction générale.
notre profession et
la formation des

L
Qu’est-ce que la traduction
générale ? e généraliste, c’est le
traducteurs. Il essaie traducteur chevronné
Pour définir le concept, il faut se pencher sur la no-
de départager deux tion de traduction, sachant que lorsqu’on parle de tra- qui passera d’un domaine
appellations qui duction, il peut s’agir de la profession, de l’opération à un autre avec aisance.
ou du résultat de cette opération. Or, lorsqu’il est
peuvent porter à question de traduction générale, on ne parle ni de la
Ses connaissances des

confusion. profession, ni de la méthode, mais bien de la nature domaines de spécialité


des textes de départ et d’arrivée, plus précisément du se caractérisent par
lectorat. En effet, le texte général peut porter sur des
sujets de pointe, mais parce qu’il s’adresse à un lec- leur envergure plutôt
torat de non-spécialistes, donc à un lectorat général, que par leur profondeur.
il est rédigé à l’aide d’un vocabulaire et d’une phra-
séologie non spécialisés, ou encore d’un vocabulaire
spécialisé accompagné de notes explicatives.
Il ne faut pas croire pour autant que les textes qui
intéressent le public en général sont dénués de tout
sujet : ils portent tous sur quelque chose. Toutefois,
étant donné que le texte général ne s’adresse pas à
par Marco A. Fiola un lectorat spécialisé, il tend à être moins dense sur Même si le contenu cognitif du texte général se
le plan terminologique, c’est-à-dire qu’il est plus près veut abordable pour tous, le travail de traduction n’est
de la langue générale que le texte spécialisé, donc pas pour autant aisé, car la forme du texte général est,
plus facile à appréhender d’emblée. C’est cette ca- à sa façon, conventionnée et contraignante. Certains
ractéristique qui fait qu’on le trouve souvent au menu membres de l’OTTIAQ se souviendront de la nature des
des cours d’initiation à la traduction, et c’est ce qui fait textes généraux utilisés par le Conseil des traducteurs,
qu’on a souvent tendance à croire qu’il s’agit d’une terminologues et interprètes du Canada pour les exa-
forme de traduction facile. Or, si l’on enseigne d’abord mens d’agrément. En effet, chaque genre textuel, qu’il
la traduction générale dans les écoles de traduction, s’agisse d’un article journalistique ou d’une lettre,
ce n’est pas qu’on la considère comme étant inférieure comporte sa part de formules attendues dans la
à la traduction spécialisée : on procède ainsi parce langue d’arrivée. Par exemple, mentionnons la ten-
que cette approche permet à l’étudiant de s’appro- dance des anglophones à remercier deux fois les
prier progressivement une méthode de travail, et que destinataires de leurs lettres de remerciement, une
la traduction générale a ceci de particulier qu’elle première fois au début, et une seconde avant la for-
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laisse l’étudiant se concentrer sur l’appréhension du mule de salutation. Cette façon de faire est étrangère
sens, sans devoir pour autant produire un texte au protocole épistolaire français. Un bon traducteur de
répondant aux exigences d’une forme textuelle parti- textes généraux veillera à ce que le destinataire n’y
culièrement contraignante. Contrairement à ce qui voie que du feu et ne soupçonne nullement la pré-
se passe en traduction spécialisée, en traduction existence d’un original anglais.
10 M a r c o A . F i o l a e s t p ro f e s s e u r a g r é g é e t d i re c t e u r d u D é p a r t e m e n t d e f ra n ç a i s e t d ’ e s p a g n o l d e l ’ U n i ve r s i t é Rye r s o n d e To ro n t o , o ù i l e n s e i g n e
l a t ra d u c t i o n .
Qu’est-ce qu’un traducteur phraséologie et le lexique spécialisés au besoin, et
être familier de la forme habituelle des textes ana-
généraliste ?
logues, rédigés directement dans la langue du texte
Le traducteur généraliste se définit en fonction de d’arrivée.
sa capacité à travailler des textes issus d’une variété Qui dit « texte général » ne dit pas pour autant
de domaines. Il s’oppose au traducteur spécialisé « texte facile ». En effet, il n’est pas rare que les textes
pour qui il est possible, ou préférable, de travailler de vulgarisation regorgent de références faites à
dans un éventail limité de domaines, voire dans une d’autres textes, de jeux de mots ou à de référents cul-
seule spécialité. Le généraliste, c’est le traducteur turels qui nécessitent du traducteur une riche culture
chevronné qui passera d’un domaine à un autre avec générale. En outre, il n’est pas certain qu’un traduc-
aisance. Ses connaissances des domaines de spé- teur spécialisé soit le plus apte à traduire les textes de
cialité se caractérisent par leur envergure plutôt que vulgarisation de son domaine de spécialité. Il a beau
par leur profondeur. Pour faire une analogie, le pia- être expert de navigation maritime, s’il ne sait pas
niste de concert est au traducteur spécialisé ce que reconnaître l’allusion littéraire de la phrase « Call me
l’homme-orchestre est au traducteur généraliste. Ishmael », il est perdu.
Chaque pratique fait appel à une virtuosité qui lui La traduction générale est-elle plus facile que la
est propre. traduction spécialisée, donc mérite-t-elle une rému-
nération inférieure ? À mon avis, tout comme la notion
de qualité, celle de difficulté est toute relative. En rai-
Et alors ? son de l’espace limité qui m’est accordé ici, je me
Outre l’équivalence d’effet du contenu, c’est contenterai de soutenir qu’à mon avis « qualité » et
dans la recherche des formes attendues que réside « difficulté » ont comme point de convergence la ges-
la difficulté de la traduction. En effet, pour produire tion du risque et que l’on ne peut justifier la tarifica-
une traduction de qualité, il faut à la fois connaître tion différentielle qu’en fonction de l’effort nécessaire
le sujet dont il est question, pour pouvoir activer la au travail de traduction… en général.

La qualité se traduit par Ernst & Young.


Ernst & Young translates quality.
Pierre Caron, Associé / Partner
Services de traduction / Translation services
pierre.caron@ca.ey.com

ey.com/ca

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© 2010 Ernst & Young s.r.l./S.E.N.C.R.L. Tous droits réservés.


© 2010 Ernst & Young LLP. All rights reserved.

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DOSSIER LA TRADUCTION GÉNÉRALE : UNE SPÉCIALITÉ

Generally speaking,
it’s not that easy!
“What could be hard about translating for the On the other hand, French-speaking tourists were
general public,” thought the naïve young trans- unlikely to be enticed by a promise of experiencing
lator. “I can do that. It’s not nuclear physics.” “small-town Québec.” Many of them probably already
lived in a small town in Quebec. “Old town” was also
Indeed. At our office we are generalists who trans- a miss for the same reason.
late for the general public, and no text about nuclear The human translator realized these differences
physics has ever come our way. We do “easy” stuff, and adjusted the text accordingly. He or she added
like ads your mom might read. Coupons. Speeches. value by doing what no machine could ever do—think.
Road closing notices. Public vaccination campaign an- Which brings us to a general conclusion about gener-
nouncements. It’s so easy, a machine could probably alists and why it can be so hard to be one: they add
by Grant Hamilton, C. Tr. do it… or could it? value as writing style specialists, not subject matter
Let’s take a sentence and see. Here’s one I spotted specialists.
in a promotional brochure for a town in the Laurentians: Generalists think and worry about how the mes-
sage will be received. They ponder the tone, the style,

A
Arpentez la rue principale et découvrez la the connotation. They ask questions that computers
nature amicale et chaleureuse des résidents. never ask: Do the words roll off the tongue? Is every-
Sounds like a general sort of text, easy thing tight and crisp? Does the text say the right thing
general conclusion to translate. This is what Google Translate for its audience? They even wonder about presenta-
about generalists and suggests: tion: Should I suggest the use of bold, of italics? Their
subject matter and audience may vary widely from
why it can be so hard
Stroll the main street and discover the warm text to text, but their focus is always on style and
to be one: they add and friendly nature of residents. readability.
value as writing style Pretty impressive, I’d say. That tough “ar-
“Sounds challenging—and fun,” thought the in-
pentez/stroll” match was quite the feat for a
specialists, not subject trigued young translator, “but I’ll probably never
machine. Google did, however, stick closely
get the chance to show creativity like that.”
matter specialists. to the form of the French sentence (“the
warm and friendly nature of residents”) in- Not so fast! Opportunities to think and be creative
stead of saying, for instance, how warm and arise in the most unlikely places, so these are great
friendly the residents are, and it slipped up a skills to have, even for specialists. Here’s a quote that
bit with its lack of definite article in front of proves it, from a dry-as-dust brief on the provision of
residents (which ones are we talking about, municipal recreational services:
the ones who live on the street or all residents every-
where?), but overall it did very well. Les temps sont venus de privilégier un mode de ges-
Now let’s take a look at what the actual living, tion des infrastructures innovant, basé d’une part sur
breathing translator wrote: la connaissance, la planification, la performance et,
d’autre part, sur la mobilisation, la concertation, le
Soak up the cozy friendliness of small-town Québec partenariat.
with a walk through the old town. It looks like something a translator could zip right
through by writing: The time has come to favor an in-
“Wow,” thought the suddenly pensive young
novative infrastructure management mode based on
translator, “I like that, but it doesn’t say quite
the one hand on knowledge, planning, and perfor-
the same thing as the French.”
mance and on the other hand on mobilization, coop-
Exactly. It’s not the same, and that’s the point. The eration, and partnership. Google Translate suggests
living, breathing translator knew that English-speaking this: The time has come to favor a management in-
visitors to the town were not quite the same as French- frastructure innovative, based in part on knowledge,
speaking ones. They had different perspectives, dif- planning, performance and, secondly, on the mobi-
ferent expectations. They noticed different things. So lization, policy dialogue, partnership.
it made sense to say different things to them. They In reality, the quick-and-dirty first version and the
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would want to “soak up” the atmosphere—the unique Google version are not hugely different. Google put
architecture, the quaint shops, the way everything “innovative” in the wrong spot, forgot the word
looked and felt a little bit different. They would also “mode,” and struggled with the definite article (the
probably appreciate strolling around the picturesque mobilization? which mobilization?), but these are
“old town.” things that a post editor can rectify in a jiffy.
12 G ra n t H a m i l t o n i s t h e f o u n d e r a n d p re s i d e n t o f A n g l o c o m I n c . , a Q u e b e c C i t y t ra n s l a t i o n a n d c o p y w r i t i n g a g e n c y. T h e 2 0 0 9 w i n n e r o f ATA’s
A l i c i a G o rd o n A w a rd f o r Wo rd A r t i s t r y i n Tra n s l a t i o n i s a p o p u l a r w o r k s h o p p re s e n t e r i n b o t h C a n a d a a n d t h e U n i t e d St a t e s .
But read the sentence again and ask yourself, Nimble style, effortless fluency, and a ready grasp
What does it mean? What is an infrastructure mana- of the communication objective at hand make all the
gement mode “based on performance”? What is the difference. This is the added value that generalists
author talking about? Why has the author listed six bring to the table. Specialists don’t get as many op-
things that the management mode is based on, but portunities to practice these skills, but they need
grouped them into threes (based on x, x, and x on the them, too.
one hand and based on x, x, and x on the other hand)?
“Great, but how do I develop skills like that?”
These are questions a generalist—or any thinking
wondered the determined young translator.
translator—might ask.
The real, live human who translated this text had A simple thing you can do is read extensively and
read the entire brief on recreational services. She diversely in your target language. It also helps to view
knew that “management mode” referred to how cre- yourself as the reader’s advocate—the person who cuts
atively and cooperatively town recreational managers through dense prose and makes the mental effort to un-
did their jobs. She also noticed that the first three derstand and communicate the content and purpose of
“bases” of the management mode were things the the text. A simple rule I follow is to rewrite for clarity if
managers could do themselves, and that the second I cannot imagine having written the sentence myself.
three were things the managers could get others to do. If you translate between English and French, you
So this is the translation she suggested: can also attend next summer’s “Style in Translation”
training conference in New York’s Catskill Mountains.
The time has come to be innovative facility managers, It will bring together a host of instructors to help you
planning ahead and drawing on our know-how and hone your craft and add real value to your work. The
ability while also securing the cooperation, involve- resort-like setting is just an added benefit.
ment, and partnership of others. It’s worth the effort because, as your style im-
Which translation do you think a client would proves, so will your confidence and your success as
prefer? a translator.

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DOSSIER LA TRADUCTION GÉNÉRALE : UNE SPÉCIALITÉ

La traduction générale
et les traducteurs
dits « spécialisés »
A près avoir obtenu mon diplôme en traduction et
travaillé comme « généraliste » de 1978 à 1980,
j’ai par la suite étudié le droit et, depuis plus d’une
D’ailleurs, les décisions judiciaires sont un bon
exemple de ce genre de textes, dans la mesure où les
faits ou la situation à l’origine du litige appartiennent
vingtaine d’années, je travaille dans un domaine de bien souvent à la vie de tous les jours.
spécialité : la traduction juridique. En définitive, j’estime que le caractère spécialisé
Pour cette raison, je suis ce qu’on pourrait appe- d’un texte est davantage fonction du caractère ap-
ler un traducteur spécialisé. Cependant, il m’arrive profondi des connaissances requises pour le traduire
encore aujourd’hui de participer de diverses façons que du seul fait qu’il relève d’un domaine dit « de spé-
(traduction, révision, aide à la rédaction) à la produc- cialité ». Par exemple, on pourrait sans doute qualifier
tion de textes très variés, ne correspondant pas à mon tel texte juridique de général et tel autre de spécialisé,
Par Christian C.-Després, trad. a. domaine de spécialité. voire d’ultra-spécialisé.
J’aimerais, à la lumière de cette expérience, indi- Cela dit, voyons maintenant quelques écueils po-
quer en quoi, selon moi, la traduction générale peut tentiels de la traduction spécialisée et l’apport de la
permettre d’éviter certains écueils — potentiels je le traduction générale à cet égard.
souligne — de la spécialisation (ou sur-spécialisation).
Mais d’abord quelques remarques.
Écueils de la spécialisation
Trop grand sentiment de sécurité
Quelques définitions La facilité avec laquelle le traducteur spécialisé
Dans le Programme du Congrès 2008 de l’OTTIAQ, peut en arriver à exécuter son travail pourrait susciter
dont le thème était La traduction spécialisée, de plus chez ce traducteur un trop grand sentiment de sécu-
en plus généralisée ? on pouvait lire ceci : « ... Dans rité quant à ses habiletés générales en traduction et
sa plaquette 2005, l’université Stendhal de Grenoble l’amener à sous-estimer la difficulté de certains types
écrivait que la traduction spécialisée représentait de travaux. Il incombe toujours au traducteur de bien
90 % du marché mondial. [...] » connaître les limites de ses compétences et, au be-
Est-ce que la traduction générale ne représente soin, de parfaire ses connaissances et habiletés.
vraiment que 10 % de la demande ? Un traducteur ne
pourrait-il pas être tenté de dire, pour reprendre une Atrophie terminologique et stylistique
remarque savoureuse entendue à ce congrès de Le fait de se cantonner dans une spécialisation
2008, « qu’il se spécialise dans le général » ? pointue pourrait entraîner ce que j’appellerais l’atro-
En conséquence, il m’apparaît essentiel de définir phie terminologique et stylistique. En effet, à force de
d’abord ce que j’entends par « traduction générale » traduire régulièrement — voire exclusivement — des
et « traduction spécialisée ». Voici donc les définitions textes similaires, écrits par un groupe restreint d’au-
que je propose : teurs et parfois fondés sur des protocoles de rédaction
• Traduction générale : Traduction de textes variés stricts, le traducteur peut, par souci d’efficacité et
qui ne requièrent pas vraiment de connaissances aussi par simple nécessité (volume de production
plus approfondies du sujet traité que celles du lec- requis), en venir à rapetisser son vocabulaire et à
teur moyen et qui s’adressent à de tels lecteurs. recourir à de nombreuses formulations figées.
• Traduction spécialisée : Traduction de textes qui Il est évident que tous les textes ne se prêtent pas
requièrent une connaissance approfondie — selon à une créativité débridée, mais une plus grande va-
des degrés divers, évidemment — du sujet traité riété de mandats peut permettre à une certaine in-
et qui s’adressent habituellement, mais pas tou- ventivité de s’exprimer et de produire par la suite des
jours exclusivement, à des initiés. effets bénéfiques sur l’ensemble des travaux du tra-
ducteur spécialisé.
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En effet, exception faite par exemple de documents


très techniques ou scientifiques, bon nombre de Perte de contact avec les autres réalités
textes spécialisés faisant appel à une terminologie et Le fait de traduire régulièrement des textes spé-
à des notions particulières conservent néanmoins un cialisés destinés à des initiés pourrait par ailleurs en-
rapport assez grand avec la réalité quotidienne. traîner un certain affaiblissement de la capacité
14 Christian C.-Després est jurilinguiste en chef du Service jurilinguistique de la Cour suprême du Canada.
L
e fait pour le traducteur Accroissement des connaissances générales et
découverte de nouvelles sources d’information
spécialisé de se
La traduction de textes variés permet au traducteur
colleter, ne serait-ce spécialisé de se familiariser avec de nouvelles notions
qu’occasionnellement, et de découvrir des sources documentaires ou des ou-
tils de recherche qui pourraient lui être utiles.
avec des textes différents
de son menu habituel Développement de la polyvalence
peut constituer Je reconnais d’emblée que la polyvalence n’est pas
une nécessité absolue et que certains traducteurs
une bonne méthode n’auront jamais besoin de s’éloigner de leur domaine
de perfectionnement. de spécialité. Il importe néanmoins de souligner que
la polyvalence est souvent considérée par les em-
ployeurs non pas simplement comme un atout mais
bien comme une qualité essentielle, même pour des
traducteurs spécialisés. La capacité d’un traducteur de
sortir de sa spécialité lui permet d’élargir la gamme
de ses services et leur utilité pour les employeurs et
donneurs d’ouvrage.

d’adapter le discours aux destinataires. Je peux d’ex-


Traduire avec fierté
périence affirmer que, nonobstant tous leurs efforts il Ces quelques brèves observations sont évidemment
est notoire que les juristes ont parfois de la difficulté basées sur mon parcours professionnel personnel, au
à abandonner la langue du prétoire. cours duquel la traduction générale est pratiquement
toujours restée omniprésente.
Comme je l’ai indiqué plus tôt, la notion de tra-
Apport de la traduction générale duction générale n’évoque pas la même chose pour
Compréhension et connaissance accrues tout le monde et, pour certains, elle semble même
de la langue de départ quasi inexistante. En outre, un peu partout au Canada,
Le fait pour le traducteur spécialisé de se colleter, des ordres professionnels ont instauré des régimes de
ne serait-ce qu’occasionnellement, avec des textes dif- reconnaissance de spécialités, notamment dans le do-
férents de son menu habituel peut constituer une maine du droit et même dans notre discipline. Est-ce
bonne méthode de perfectionnement. Par la traduc- à dire que le terme et la notion de traduction générale
tion de textes variés, rédigés dans des styles et sont appelés à disparaître ? L’avenir nous le dira.
niveaux de langue différents et comportant des ex- En définitive, que nous fassions de la traduction
pressions et des tournures qui lui sont peu familières générale ou de la traduction spécialisée, nous faisons
et qui peuvent relever du langage courant, le traduc- toutes et tous de la traduction et nous devons nous
teur pourrait améliorer sa connaissance et sa com- appliquer à le faire avec fierté et selon les règles de
préhension de la langue de départ. l’art.

nt s

w w w.soludoc.com
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UN CABINET DE TRADUCTION POLYVALENT EN CONSTANTE CROISSANCE


ANCE. UN SSOUCI
OUCI DDEE LLA
AQQUALITÉ
UALITÉ SSANS GAL .
ANS ÉÉGAL
UN SERVICE PROFESSIONNEL ET PERSONNALISÉ
SÉ D
DEE B
BOUT
OUT EEN
NB OUT.
BOUT

15
DOSSIER LA TRADUCTION GÉNÉRALE : UNE SPÉCIALITÉ

Généraliste :
un métier, mille visages
D epuis plus de dix ans, j’exerce fièrement ma pro-
fession comme généraliste au sein du Groupe
ComTra, à Ottawa. Depuis sa création en 1994, ce
Toutefois, il importe de ne pas tomber dans l’ex-
cès en négligeant tous les domaines autres que ceux
traités couramment, ce qui laisserait le traducteur dé-
Une incursion petit cabinet s’est forgé par le bouche-à-oreille une pourvu lorsque confronté à un texte d’un client qu’il
dans l’univers solide réputation qu’il doit à sa philosophie : qualité
du travail, bien évidemment, mais surtout qualité de
connaît peu. C’est la dichotomie du généraliste : rem-
plir constamment son bassin de connaissances sans
mystérieux et vie du personnel. En traduction comme dans tous les jamais le laisser déborder.
domaines, un travailleur heureux est un travailleur
méconnu d’une efficace !
traductrice À ComTra, aucun spécialiste : la demande n’est
Le généraliste et son quotidien
pas suffisante dans une domaine donné pour justifier Il faut donc constamment alimenter l’insatiable cu-
généraliste le maintien en poste d’une personne dont les connais- riosité intellectuelle du traducteur, car il est impossible
d’expérience sances resteront essentiellement inexploitées. de savoir où chaque jour, chaque texte, le conduira.
C’est l’une des beautés du travail de généraliste,
parmi lesquelles je compterais également le dyna-
Le généraliste et son habitat misme : les journées se suivent, mais ne se ressem-
Le généraliste est, en quelque sorte, un pseudo- blent pas. Un texte rébarbatif ne peut que faire place
spécialiste… de tout et de rien. Il connaît très peu de à un autre plus intéressant, sans compter les de-
domaines à fond et doit donc savoir où trouver rapi- mandes urgentes qui surviennent à tout moment. Le
dement réponse à ses interrogations pour se « spé- généraliste est donc constamment sur le qui-vive et
cialiser » ponctuellement. Évidemment, nul ne peut y prêt à affronter toutes les situations. S’il décide de
parvenir dans tous les domaines. Le meilleur moyen voler vers de nouveaux horizons, il lui sera plus facile
consiste alors à tirer profit des points forts et des pré- de trouver chaussure à son pied, puisqu’il n’est pas
férences de chacun dans l’affectation des textes : si confiné à un domaine de spécialité, mais aussi de se
par Stéphanie Beaulieu, trad. a. je déteste tout ce qui s’approche de près ou de loin glisser dans un nouveau mode de travail, car le chan-
du juridique, certains de mes collègues en raffolent. gement fait partie intégrante de son quotidien.
Voilà comment les textes sont tout naturellement
acheminés vers telle ou telle personne, chacune ai-
guisant graduellement son savoir sur le domaine ou
Le généraliste et sa boîte à outils
le client en cause, ce qui permet au bout du compte Les progrès technologiques ont fait des miracles
de produire plus rapidement un travail de qualité su- pour nous aider à garder le fil de nos divers clients et do-
périeure. Le secret réside donc dans la capacité de maines. À ComTra, le travail s’effectue au moyen de
tirer le meilleur de chaque membre de l’équipe. MultiTrans, logiciel d’aide à la traduction québécois par-
Avant qu’une traduction soit renvoyée au client, ticulièrement bien adapté au travail du généraliste. En
une révision et un contrôle de la qualité intégraux se- effet, contrairement à Trados, par exemple, il n’est pas
ront effectués par deux personnes distinctes. Ainsi, le entravé par le concept de segment et repère, sans in-
membre de l’équipe qui connaît le mieux le client ou terventions successives, toute série d’au moins deux
le domaine en cause, même s’il n’est pas le traducteur, mots ayant été traduite antérieurement. Grâce à ses
sera inévitablement engagé dans le processus à une multiples fonctionnalités aussi rapides que pratiques, il
étape ou à une autre, palliant toute lacune éventuelle. accélère notre travail tout en nous permettant d’unifor-
Il s’agit donc d’un véritable travail d’équipe. miser la terminologie d’un client donné et de respecter
À chaque étape, chacun est libre d’apporter toute mo- le style qui lui est propre, qui que soit le traducteur.
dification jugée nécessaire, bien sûr pour rectifier une Le généraliste ne peut évidemment pas se conten-
erreur, mais aussi pour améliorer le fond et la forme. ter d’un logiciel et de quelques ouvrages pour satisfaire
La recherche du mot juste (ciseler une échalote), du tous ses besoins professionnels. Termium et Le grand
vocabulaire approprié (commission scolaire au Qué- dictionnaire terminologique sont souvent ses premières
bec, mais conseil scolaire en Ontario), de la formule sources, mais il doit conserver une bonne banque de si-
consacrée (Veuillez agréer, Madame, ...) et d’une phra- gnets utiles dans des domaines précis tout en sachant
C i r c u i t • H i ve r 2 0 1 1

séologie vive, intéressante et surtout idiomatique comment effectuer rapidement des recherches effi-
(TransSearch1 se révèle particulièrement utile à cet caces. Mon point de départ est souvent UNTERM 2,
égard) sont pour nous, généralistes qui ne pouvons ONTERM 3, Toponymes Ontario4, les fiches5 et le nouveau
compter sur la maîtrise du spécialiste, des préoccu- wiki 6 du RTE, la banque de terminologie de l’Université
pations de tous les instants. d’Ottawa7, le portail linguistique de Microsoft 8 ou la liste
16 S t é p h a n i e B e a u l i e u e s t t ra d u c t r i c e - r é v i s e u re , d o c u m e n t a l i s t e e t g e s t i o n n a i re d e l a re p r é s e n t a t i o n à C o m t ra .
des poissons de l’ACIA9, pour ne nommer que ceux-là. laquelle trop souvent nous ne pensons pas à recourir,
La liste différera pour tous les généralistes, même s’ils peut-être parce que nous oublions qu’il existe un
travaillent ensemble ; de là l’importance pour eux de se moyen simple et rapide de le faire.
consulter. Le travail de généraliste n’est pas nécessairement
Par ailleurs, Internet ne doit pas reléguer dans l’ou- de tout repos, mais il permet à coup sûr de garder l’es-
bli d’autres sources moins à la mode, mais toujours per- prit vif et les neurones allumés. Quiconque affirme que
tinentes. Pensons seulement à Bibliothèque et Archives la curiosité est un vilain défaut aurait tout intérêt à
nationales du Québec 10, qui offre ses services gratuite- passer une journée à mon poste.
ment aux Québécois, notamment l’accès aux ressources
en ligne et l’acheminement de documents que possède 1. www.tsrali.com
2. http://157.150.197.21/dgaacs/unterm.nsf
la Grande Bibliothèque. Selon moi, c’est toutefois la liste 3. www.onterm.gov.on.ca
de diffusion de l’OTTIAQ qui constitue l’arme secrète du 4. www.onterm.gov.on.ca/geo/default_f.asp
5. www.rte-nte.ca/dbtermino
généraliste : elle permet de puiser dans le savoir et les 6. http://rte-nte.notrewiki.net/tw/tiki-index.php
ouvrages de l’ensemble des abonnés, ce qui évite de 7. www.sgi-as.uottawa.ca/LogiTermWeb/addon/termino.php
8. www.microsoft.com/Language/fr-fr/Default.aspx
longues recherches éventuellement infructueuses. Les 9. http://active.inspection.gc.ca/scripts/fssa/fispoi/fplist/fplist.asp?lang=f
membres de l’Ordre sont une ressource précieuse à 10. www.banq.qc.ca

Traduction générale
et terminologie
C omme son nom l’indique, la traduction générale
opère au niveau de la langue générale et met en
œuvre des moyens lexicaux répertoriés par les lexi-
tenants et aboutissants de la langue générale pour
pouvoir élaborer efficacement les terminologies. Il lui
faut aussi développer une sensibilité aux niveaux de
par Robert Dubuc, term. a., trad. a.

cographes dans les dictionnaires généraux, tout en langue pour les appliquer, mutatis mutandis, aux
observant les règles syntaxiques et morphologiques langues de spécialité.
consignées dans les grammaires descriptives ou nor- Il appert conséquemment que les liens qui unis-
matives. Il pourrait donc sembler, à première vue, sent langue générale et langues de spécialité en tra-
que le terminologue ne serait qu’un intrus dans le duction rendent souhaitable que le terminologue soit
processus de la traduction générale. initié à la traduction générale pour affermir sa maîtrise
La question n’est pas aussi simple. La terminolo- de la langue générale. De même, le traducteur géné-
gie a comme champ d’application les langues de spé- raliste ne pourra que bénéficier d’une initiation à la
cialité, qui ont pour objet les sciences et les tech- terminologie, à ses démarches et méthodes.
niques. La terminologie doit ainsi inventorier et Reste à préciser le rôle du terminologue à l’égard
codifier le vocabulaire qui permet d’exprimer les réa- des traducteurs généralistes. Sa première contribution
lités qu’elles recouvrent, de façon à en dégager des est de favoriser le resserrement des liens entre noms
nomenclatures spécifiques à chaque domaine. Ces no- et notions, ce qui permettra de lutter contre les im-
menclatures reposent sur un rapport terme-notion propriétés, les emprunts abusifs et les flous synony-
particulièrement rigoureux, attesté par les écrits et miques. Sa fonction d’épurateur du vocabulaire des
l’usage oral des spécialistes et des praticiens de spécialités le rend particulièrement apte à favoriser
chaque domaine étudié. Il ressort de cette démarche une rigueur lexicale qui ne peut que contribuer à la
que ce rapport doit permettre de dégager une image compétence du traducteur dans le choix des équiva-
mentale exacte du terme qui s’appuie sur ses traits sé- lents les plus appropriés, évitant ainsi les pièges in-
mantiques essentiels. Ce rapport devrait être idéale- sidieux des calques.
ment monosémique : un terme pour chaque notion. Il ne s’agit pas d’imposer un corset terminologique
Mais la réalité ne permet pas un tel rigorisme. À l’in- à la langue générale, qui doit conserver sa fluidité, une
térieur des langues de spécialité existent, bel et bien, liberté créatrice, voire innovatrice, nécessaires à sa vi-
des rapports synonymiques et polysémiques. Le rôle talité. Mais la terminologie peut jouer un rôle impor-
du terminologue est alors de délimiter les traits no- tant dans l’élimination des scories que la négligence,
tionnels propres à chaque synonyme et de préciser ri- l’ignorance et le laisser-aller introduisent dans le dis-
goureusement chaque sens d’un terme polysémique. cours contemporain. C’est d’ailleurs la position d’Alain
C i r c u i t • H i ve r 2 0 1 1

Vouloir établir une cloison étanche entre langue Rey lorsqu’il souligne « le rôle de la terminologie en
générale et langue de spécialité serait proprement une tant que thérapeutique du discours et du savoir1 ».
hérésie ; trop de liens syntaxiques et morphologiques
les rattachent pour qu’on puisse les dissocier. Le 1 . R E Y , A l a i n , L a Te r m i n o l o g i e , n o m s e t n o t i o n s , Pa r i s , P U F,
terminologue doit donc posséder au maximum les c o l l . « Q u e s a i s - j e ? » n o 1 7 8 0 , 1 9 7 9 , p. 1 4 .

Ro b e r t D u b u c a c o n s a c r é s a v i e p ro f e s s i o n n e l l e à l a t ra d u c t i o n e t à l a t e r m i n o l o g i e . C ’ e s t t o u t e f o i s d a n s c e t t e d e r n i è re d i s c i p l i n e q u’ i l a f a i t d a -
17
va n t a g e s a m a rq u e c o m m e e n s e i g n a n t e t p ra t i c i e n .
DOSSIER LA TRADUCTION GÉNÉRALE : UNE SPÉCIALITÉ

De l’importance de la
culture générale au sein
d’un cabinet de traduction
moderne
par Lisanne Lawton
O n entend souvent parler de l’importance de la
spécialisation dans le domaine de la traduction.
Transposer les détails techniques dans une autre
La formation générale est importante non seulement
en raison de l’orientation-client des cabinets, mais
également pour faire contrepoids aux nouvelles tech-
langue constitue l’épine dorsale de notre industrie. nologies comme les outils de traduction automatique
Mais qu’en est-il des communications d’ordre géné- dont tout traducteur déplore l’utilisation. En raison de
ral ? Ne doit-on pas donner la priorité à la traduction la facilité d’accès à Internet, le public veut être informé
générale dans un monde où les communications rapidement, d’où l’importance des communiqués de
prennent de plus en plus d’ampleur, surtout depuis presse et de la mise à jour des blogues-entreprises
l’arrivée d’Internet où les lecteurs s’attendent à une ainsi que des sites Web. Les erreurs dans la transmis-
information complète et en temps réel ? sion du message deviennent coûteuses pour les en-
Dans un cabinet de traduction, deux critères per- treprises qui n’investissent pas assez dans leurs
mettent de distinguer la traduction générale de la tra- activités de traduction, surtout dans un pays bilingue
duction spécialisée : le sujet traité et le public visé. comme le Canada.
Ces critères prennent tout leur sens selon que l’on tra- Prenons le cas de la GRC, qui a provoqué la
duise un communiqué de presse informatif destiné au consternation en laissant savoir qu’elle traduisait
grand public ou un manuel technique visant les spé- ses communiqués de presse d’ordre général à l’aide
cialistes de la santé. Or, de nos jours, les cabinets ex- de Google Translate. Dans un communiqué paru le
ploitent de plus en plus le créneau des communica- 2 août 2010, on pouvait lire : « Enquêteurs de la GRC
tions d’ordre général. Avec Internet, on a non du détachement de Golden et la Trans-Canada Ser-
seulement une mine de renseignements au bout des vices de la circulation a répondu à une tête de deux
doigts, mais on s’attend en plus à ce qu’elle soit véhicules sur la collision entraînant un trafic de six per-
exacte. Parce que le public demande toujours plus sonnes une fatalité, le dimanche 1er août 20101. » Un
d’information, la traduction générale prend les traducteur avec une formation générale aurait certai-
devants. nement mieux transposé la réalité en français !
Par ailleurs, le marketing est devenu plus impor- L’année précédente, l’atelier allemand Avus Per-
tant que le reste de nos jours : on annonce avant, on formance avait également vécu une mauvaise expé-
informe après ; c’est une réalité de notre monde. Pre- rience. En avril 2009, un traducteur de son agence de
nons l’exemple du lancement d’un nouveau télé- publicité a nommé la nouvelle Audi RS6 V10 blanche
phone. La diffusion de la documentation de lancement la « Audi White Power 2. » La voiture a été rebaptisée,
prime sur celle du manuel d’utilisation, tant et si bien mais un minimum de culture générale de la part du tra-
que ce dernier n’est souvent pas prêt à temps. Peu im- ducteur, ou encore un meilleur contrôle de la qualité
porte, le client peut toujours acheter le téléphone et aurait permis d’éviter ce faux pas.
c’est ce qui compte. Pas besoin de savoir comment En tant que spécialistes de la langue en emploi en
il fonctionne ! cabinet, nous avons le devoir d’offrir des traductions
générales de qualité. Si ces dernières ne sont pas adé-
Le généraliste, un spécialiste de la quates, les clients iront ailleurs, même pour leurs
traductions techniques. En suivant une formation
langue générale avant de se spécialiser, les étudiants pour-
Les besoins des clients des cabinets se retrouvent ront renforcer leur culture générale, et les portes des
davantage du côté des communications générales que cabinets s’ouvriront davantage à eux.
de celui des publications techniques et il faut savoir
s’adapter. Il en résulte donc que pour être embauché
1. NICOU D, Annabelle, « Colombie-Britannique : la G RC
dans un cabinet, de bonnes connaissances générales c o m p t e s u r G o o g l e Tra n s l a t e » , p u b l i é l e 3 a o û t 2 0 1 0 à
sont essentielles. 0 5 h 0 0 , h t t p : / / w w w. c y b e r p re s s e . c a / a c t u a l i t e s / 2 0 1 0 0 8 /
C i r c u i t • H i ve r 2 0 1 1

À quoi ressemblent les traducteurs du futur ? Ils 0 2 / 0 1 - 4 3 0 3 3 1 6 - c o l o m b i e - b r i t a n n i q u e - l a - g rc - c o m p t e - s u r-


g o o g l e - t ra n s l a t e . p h p
devront avoir une culture et des connaissances géné- 2 . A R C A N D , Denis, « Dérapage de traduction : la Audi W H IT E
rales afin de bien positionner les traductions. La ten- P OW E R c h a n g e d e n o m » , p u b l i é l e 3 0 a v r i l 2 0 0 9 à
19 h 16, http://monvolant.cyberpresse.ca/nouvelles/
dance est aujourd’hui à la formation générale d’abord 200904/30/01-852066-derapage-de-traduction-la-audi-
et ensuite à la spécialisation : le gros bon sens, quoi. w h i t e - p ow e r- c h a n g e - d e - n o m . p h p

18 L i s a n n e L a w t o n e s t d i re c t r i c e , A d m i n i s t ra t i o n e t g e s t i o n d e p ro j e t s c h e z M e g a l e x i s C o m m u n i c a t i o n s I n c . , c a b i n e t d e t ra d u c t i o n m o n t r é a l a i s . E l l e
e s t g e s t i o n n a i re d e p ro j e t s d e p u i s 2 0 0 2 .
Enquête sur la place
de la formation générale
à l’université
A u Canada, la formation générale doit continuer
d’occuper une place prépondérante dans les
programmes universitaires de traduction. Au même
multimédia, traductique, etc. Cependant, il ne faut pas
perdre de vue que la formation spécialisée ne forme
pas de « spécialistes », la plupart des cours apparte-
titre qu’un neurochirurgien ne pourrait pas opérer nant à cette catégorie étant de niveau d’introduction.
À l’automne 2010,
sans posséder d’abord les bases de la médecine, en Enfin, de l’avis de tous les répondants, la forma- par l’intermédiaire
traduction, sans formation générale, pas de spécia- tion générale et la formation spécialisée, malgré
lisation possible. Diagnostic en quatre temps à leurs critères bien distincts, partagent un objectif com- de l’Association
partir des principales questions de l’enquête. mun : donner aux diplômés une base de connais-
sances solides, complémentaires, qui leur permettra
canadienne des
1. Quels critères servent à de s’adapter aux exigences et aux situations du écoles de
monde professionnel.
distinguer formation générale traduction (ACET),
et formation spécialisée ?
nous avons mené
Pour la majorité des répondants, la
formation générale repose sur des cri- une enquête1 sur
tères assez simples à définir : l’ap-
prentissage d’une méthode de travail
la place qu’occupe
rigoureuse, l’acquisition de notions la formation
de base en traduction et en ré-
daction ainsi que de compé-
générale dans les
tences applicables en mi- programmes de
lieux de pratique. Fait
important à souligner, cette traduction. Circuit
formation ancillaire sert a compilé, analysé
aussi à enrichir la culture gé-
nérale et le sens critique des et résumé les
futurs professionnels. Ils
doivent être capables de
réponses reçues.
maîtriser non seulement les Voici les résultats
aspects strictement liés au
transfert linguistique, mais
de notre enquête.
encore les éléments extra- Données recueillies et analysées
linguistiques — habileté à par Danièle Marcoux, Ph. D.
repérer les allusions, à faire de l’adapta- Questionnaire créé
tion, à faire preuve de jugement en matière par Éric Poirier, trad. a., et
de sources consultées, etc. — qui déter- Philippe Caignon, trad. a., term. a.
minent également le sort et la qualité de
leurs travaux.
La formation spécialisée, quant à
elle, vise l’acquisition de connaissances
propres à un domaine de spécialité
(p. ex. : traduction administrative, scienti-
fique et technique, juridique, économique,
biomédicale, etc.). Elle vise aussi la trans-
C i r c u i t • H i ve r 2 0 1 1

mission de connaissances complémen-


taires ou pointues dans des activités
connexes à la traduction et à la rédaction
spécialisées, au moyen de cours de termi-
nologie, révision et réécriture, Internet et

D a n i è l e M a r c o u x e s t d i re c t r i c e d e s p ro g ra m m e s d e t ra d u c t i o n d e p re m i e r c yc l e a i n s i q u e d i re c t r i c e d u D i p l ô m e d e d e u x i è m e c yc l e e n t ra d u c t i o n
19
e t d u C e r t i f i c a t e n l o c a l i s a t i o n à l ’ U n i ve r s i t é C o n c o rd i a .
DOSSIER LA TRADUCTION GÉNÉRALE : UNE SPÉCIALITÉ

2. À quel moment, dans le cursus, 3. Y a-t-il une contradiction entre la


la formation générale et la formation générale, au cœur des
formation spécialisée sont-elles programmes universitaires, et le
données ? marché du travail qui demande
surtout des spécialistes ?
Pour l’ensemble des répondants, la formation gé-
nérale se donne au début, au cours des trois premiers Pas du tout ! La formation générale et la formation
semestres du cursus, durant la première et la spécialisée se complètent et dépendent l’une de
deuxième années. La formation spécialisée, au milieu l’autre. Telle est l’idée force qui se dégage aussi des
ou en troisième année. réponses de nos participants. Pourquoi ? D’une part,
Deux éléments peuvent toutefois faire varier cette parce seule une robuste formation générale peut com-
séquence : le parcours individuel de l’étudiant et le bler certaines lacunes souvent déplorées par les em-
type de programme d’études. Dans le premier cas, le ployeurs (capacité de jugement, culture générale,
changement vient de la latitude qu’a l’étudiant dans compréhension des subtilités de la langue, etc.).
D’autre part, comme l’affirment Nicole Côté et Shirley
Fortier, de l’Université de Sherbrooke, « parce qu’on
verrait mal un programme axé sur un ou deux do-

L
maines de spécialité, alors qu’on ne sait pas de quoi
le monde du travail sera fait dans dix ou vingt ans ».
Sans formation de base, donc, point de salut pour
la traduction spécialisée : « À notre avis », explique
Louis Poirier, de la Faculté de l’éducation permanente
a formation générale
de l’Université de Montréal, « les spécialistes que re-
et la formation spécialisée cherchent certaines agences sont davantage des spé-
se complètent et dépendent cialistes d’un secteur particulier qui possèdent une
solide formation professionnelle en traduction et,
l’une de l’autre. idéalement, quelques années d’expérience, plutôt que
des traducteurs formés à un secteur spécifique. »

4. Quel avenir
pour la formation générale ?
Tout l’avenir, ont répondu unanimement les parti-
cipants à l’enquête, étant donné que le marché de-
mande des étudiants polyvalents ayant une solide
formation générale. Leur unanimité ne signifie pas
le choix de ses cours à option ou hors programme. pour autant que les répondants soient réfractaires au
Dans le second cas, la donne peut changer pour les changement ou insensibles à certains signaux du sec-
institutions qui ont un programme coopératif ou teur langagier en faveur d’une spécialisation accrue.
celles qui offrent des diplômes de 2e cycle. Ils signalent simplement que la prudence est de mise
Pour deux des universités ayant répondu à l’en- avant de modifier les programmes universitaires en
quête et offrant un programme coopératif, les étu- fonction du goût du jour ou des besoins immédiats ou
diants font trois stages de quatre mois en milieu de spécifiques de l’industrie.
travail dans des domaines de spécialité comme la Fait intéressant à souligner, certains répondants
santé, l’environnement, le génie, les assurances, les pensent qu’il faudrait plutôt attirer les spécialistes à
ressources humaines, l’économie, etc. En raison de la formation générale et non l’inverse. C’est l’avis, no-
contraintes d’horaire et par souci de bien les préparer tamment, de Louis Poirier : « Nous accueillons régu-
aux stages, il arrive parfois que la répartition des cours lièrement des étudiants possédant une formation
de formation générale et de formation spécialisée soit universitaire dans des domaines spécialisés […] et qui
modifiée. Pour les institutions offrant un diplôme de souhaitent devenir traducteurs. Outillés d’une solide
2e cycle, la séquence des cours peut aussi changer. formation de base en traduction, ces diplômés
Comme il s’agit, généralement, d’une formation des- deviennent effectivement d’excellents traducteurs…
tinée à une population étudiante adulte dont la ma- très recherchés. »
jorité étudie à temps partiel, il est parfois difficile de
respecter le cursus prévu au programme.
C i r c u i t • H i ve r 2 0 1 1

Quoi qu’il en soit, toutes particularités confondues,


une constante se dégage de notre enquête, soit la prio-
rité accordée aux cours de formation générale, préa-
lables aux cours de spécialisation et, par conséquent, 1 . N o u s t e n o n s à re m e rc i e r i c i t o u t e s l e s i n s t i t u t i o n s q u i
habituellement donnés en début de programme. ont pris le temps de participer à l’enquête.

20
DES LIVRES CHRONIQUE DIRIGÉE PAR SOLANGE LAPIERRE
s o l a n g e . l a p i e r r e @ s y m p a t i c o . c a

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by Barbara McClintock, C. Tr.

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The Prosperous Translator, Advice the “poverty-cult mentality” of cult to get down to work, this
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by Chris Durban, Lulu Press,
280 p., 2010, ISBN 978-0-615- at dispelling myth and misinforma- help you overcome translator’s
40403-5. tion, and especially the poverty cult. block (see pp. 39-40 for more
Durban explains that translators details):
need a skill set that takes time and 1. Clear the decks. (Remove

T he witty Fire Ant and Worker Bee


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3. Read through each new
The Translation Journal (see http:// ful translator’s practice is the abil- source text the day it
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A-to-Z guide to translation. However, in, day out,” according to FA&WB. deadline.
practical advice is organized in a What should you do about friends 4. Longer term, look into sharing 8. As a last resort, look for a
Q&A format according to subject and neighbours who drop in when an office. salaried position doing the
matter under headings ranging from you’re busy? FA&WB recommend 5. Tell people when you are busy same type of work.
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NOËL, André, Le style, éd. La À partir d’articles, souvent pu- au point par les lauréats du prix
Presse, 2009, 204 p. ISBN 978-2- bliés dans Le Devoir, les professeurs Nobel. http://rouleaum.wordpress.com/
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des clichés en passant par la mu- choix entre le français dit interna- tory dictionary of English: Your d’exemple, dans les archives ré-
sique des mots, la lisibilité… À titre tional et le franco-québécois et le sta- guide to collocations and grammar, centes, des articles éclairants sur : le
d’exemple, ce conseil de base : évi- tut juridique du français au Canada. 3rd ed. expanded and revised, Ams- préfixe dé-, des-, dés- ; voire même
ter les adjectifs et préférer les terdam, John Benjamins Publishing, et pallier.
verbes. Droit, économie c2010, 462 p., ISBN 9789027232601
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䡬 CHAGNOLLAUD, Dominique et of the BBI have been increased by
Guillaume DRAGO, Dictionnaire des over 20%. In the selection and pre- www.linguee.com/
VANDERLINDEN, Jacques, SNOW, droits fondamentaux, Dalloz, 2010, sentation of new material, many Permet de rechercher un mot ou
Gérard et Donald POIRIER, La com- 768 p., ISBN 9782247089888 sources have been used, including une expression parmi plusieurs cen-
mon law de A à Z, éd. Yvon Blais, Entièrement consacré aux droits Internet searches; The British Na- taines de millions de textes aussi
2010, 648 p., ISBN 978-2-89635- fondamentaux, ce dictionnaire n’a pas tional Corpus; Reading and listening bien en anglais qu’en français.
448-1 pour seule ambition de cerner une ca- to English-language material; Gram- Chaque mot ou expression est
Beaucoup plus qu’un diction- tégorie de droits, ou d’aider à la com- matical Patterns. donné dans son contexte d’origine
naire, cet ouvrage est un véritable préhension de leur mise en œuvre, et accompagné d’informations com-
voyage au pays de la common law. mais aussi d’éclairer leur genèse. Science et techniques plémentaires.
Les auteurs ne se limitent pas à une When you translate texts to a for-
définition traditionnelle de chacune 䡬 AMÉ, Gratienne et al., Lexique eign language, you usually look for
des entrées, mais offrent une his- multilingue : pâtisserie, boulange- common phrases rather than trans-
toire de la common law et de sa cul- CHETAIL, Vincent (dir.), Lexique de rie, chocolaterie-confiserie, glace- lations of single words. Linguee
ture. Le choix des entrées, plus de la consolidation de la paix, Bruxelles, rie, Paris, éd. Jacques Lanore, 2010, does not offer automatic transla-
3 800, reflète d’ailleurs cette pas- Bruylant, 2009, 574 p., ISBN 978-2- 175 p. EAN13 : 9782862684390 tions of arbitrary texts. It works like
sion qui anime les auteurs. 8027-2790-3 (en anglais : Post- Le vocabulaire de ce domaine de a search engine.
Conflict Peacebuilding – A Lexicon, délices rassemble les mots et ex-
䡬 Oxford University Press, 2009). pressions concernant les produits, 䡬
Ce ouvrage présente le concept les fabrications courantes, les maté-
FOREST, Jean, Le Grand Glos- de la consolidation de la paix, suivi riels et les techniques : 3 000 termes www.webitext.ca/bin/
saire du français de France, Mots, de l’étude de 26 concepts dont : plus trois index (par entrée anglaise, webitext.cgi
sens et expressions qui font défaut état de droit, justice transitionnelle, espagnole et allemande). Avec une Créé par le Conseil national de
au français du Québec, Triptyque, (re)construction de l’État et trans- nomenclature riche et complexe, recherche du Canada, le site Web
2010, 461 p., ISBN 978-2-89031- formation des conflits. Chaque l’ouvrage est destiné aux élèves des de WeBiText contient WeBiText et
686-7 concept fait l’objet d’une définition formations aux métiers alimentaires. WeBInuk. Ce sont des applications
Cet ouvrage rassemble des mots commentée (sens et origine ; Web qui permettent aux traducteurs
et expressions du franco-français contenu et composantes ; mise en 䡬 de faire une recherche dans des cor-
associés à des équivalents anglais œuvre, difficultés et enseignements pora bilingues d’une grande taille
et des équivalents québécois. Un issus de la pratique). AZZARETTI, Michel et al., Dic- pour leur aider à traduire des termes
travail colossal de plus de 14 000 tionnaire de l’aéronautique, avec et des expressions entre l’anglais et
entrées présentées en trois co- 䡬 définitions et notes en français et le français ou l’inuktitut.
C i r c u i t • H i ve r 2 0 1 1

lonnes, qui rassemble bon nombre index multilingue, Paris, CILF, 2010,
de termes du registre populaire, Silem, Ahmed et Jean-Marie 1 297 p. ISBN 978-2 85319-303-0
mais sans marque d’usage (qué- Albertini (dir.), Lexique d’économie, Cet ouvrage comporte plus de
Les notices ci-dessus s’inspirent habituellement
bécisme, anglicisme, registre sou- Dalloz, 11e éd., 2010, 864 p. ISBN 12 000 termes français traduits en des sites Web des éditeurs. Les consulter pour
tenu, familier, etc.). 9782247088881 anglais, allemand, espagnol, italien plus de détails.

22
DES TECHNIQUES CHRONIQUE DIRIGÉE PAR MARIE-PIERRE HÉTU
m a r i e - p i e r r e . h e t u @ v i d e o t r o n . c a

Où s’en va le Web ?
De la démocratisation de l’accès à l’information aux appareils mobiles qui permettent
d’accéder à Internet partout dans le monde, la technologie n’a pas cessé d’évoluer.
Quel sera donc notre avenir virtuel ?

Par Steve Pettigrew

D u point de vue de l’utilisateur


moyen, le Web est un support
de communication et d’accès à l’in-
aurait le premier utilisé ce nom pour
évoquer un point tournant dans
l’évolution d’Internet : la démocra-
pour aller vers les
conversations, les
vidéos amateurs, les
Un autre bouleverse-
ment est attendu qui en-
richira l’expérience des
formation. L’idée de base, qui est tisation de la création de contenu et jeux en ligne, etc., utilisateurs du Web et
encore aujourd’hui sensiblement la la collaboration sur le Web. grâce à des applications qui améliorera Internet
même malgré la commercialisation Cela ne s’est pas fait d’un seul évoluées à coût peu tout en conservant la
du système, était de démocratiser coup. Toutefois, entre 2004 et 2008, élevé. Le Web est devenu facilité d’accès à l’in-
l’accès à l’information. Pour être il y a eu une évolution très rapide qui en quelque sorte l’ordinateur formation. Certains
démocratique, cet accès devait être a créé une bulle autour du Web. Le universel. Besoin d’espace croient en effet
facile et peu coûteux, être géré de succès des blogues, des forums de disque, d’un service de cour- que le Web 3.0, égale-
manière très ouverte, comporter le discussion et des réseaux sociaux riel, d’un logiciel de traitement ment appelé Web sémantique, vi-
moins de contraintes possible et comme Facebook, ainsi que les ef- de texte ? Envie de regarder un film sion idéaliste principalement for-
fonctionner indépendamment des forts collectifs de millions d’utilisa- ou d’écouter de la musique ? Tout mulée par Tim Berners-Lee, l’un des
intérêts commerciaux ou politiques teurs dans des mégarépertoires cela est maintenant disponible sur fondateurs du Web, sera l’un des
dans la mesure du possible. Des comme Wikipédia ont contribué à le Web, souvent gratuitement ou principaux catalyseurs de ce point
principes technologiques de base transformer très rapidement notre offert à plus faible coût que les tournant. En effet, le contenu y
ont été mis en place, notamment le rapport au Web. Celui-ci inclut main- équivalents conventionnels. sera étiqueté dans un langage uni-
protocole HTTP et le format HTML, tenant beaucoup de contenu sur la Google mise beaucoup sur le versel plutôt que dans une langue
pour établir un vaste réseau de vie des gens parce que de nom- Web. Le géant de la recherche dans ordinaire de manière à faciliter
pages Web qui parlent le même breuses personnes y passent une Internet souhaite que tout se passe l’échange d’information entre les
langage et à partir desquelles n’im- partie de leur vie et y laissent ou- sur le Web, comme bon nombre applications, pour une meilleure
porte qui ayant un minimum de vertement des traces. d’entreprises qui comptent sur ce cohésion.
connaissances peut trouver son Soudainement, tout le monde qu’on appelle en anglais le cloud Le Web sémantique ne sera pas
compte. est devenu producteur de contenu, computing (nuage informatique). à lui seul responsable de la pro-
ce qui a amené une nouvelle explo- Le principe en est qu’on n’installe chaine évolution majeure du Web,
Démocratisation sion d’information, de bonne et de plus de logiciels sur son ordinateur mais il est certainement plein de
et explosion moins bonne qualité. Quelques mais qu’on profite plutôt d’une offre promesses et constitue potentielle-
grands gagnants de cette bulle se entièrement Web, autre courant né ment l’un des éléments clés de ma-
de l’information partagent aujourd’hui l’accès à ce au cours des dernières années. chines hyperintelligentes, dont les
Chercher des renseignements, nouveau type d’information, et du Où s’en va le Web ? Outre le connaissances seront le Web dans
consulter ou publier de l’informa- même coup l’attention des utilisa- « nuage informatique », le virtuel, son intégralité, c’est-à-dire une re-
tion, lier des données entre elles, teurs du Web. Chacun exploite à sa nous sommes en train de vivre une présentation du monde.
voilà des activités qui se sont peu à façon l’intelligence collective qui s’y autre révolution : le mobile. Le Web Si tout se passe sur le Web, tout
peu démocratisées pour devenir au- cache, principalement pour offrir de devient disponible en tout temps devient possible. Ce qui pourrait
jourd’hui des tâches habituelles la publicité mieux ciblée, principal grâce aux nouveaux téléphones, changer la donne, ce sont les éven-
pour la majorité des utilisateurs du modèle d’affaires appuyant la gra- iPad et autres gadgets qui nous per- tuels mauvais côtés d’une telle
Web. Au départ, l’information était tuité d’utilisation. De nouvelles exi- mettent de nous connecter à Inter- puissance, l’éternel duel entre les
disponible en quantité impression- gences sont aussi apparues, par net où que nous soyons. L’informa- aspects positifs d’une technologie
nante — pour l’époque —, mais la exemple la demande d’information tion est disponible au bout des et son potentiel destructeur. Car le
recherche était complexe en raison de toute dernière minute. doigts : une information qui « sait » Web sert aussi à faire de l’argent, il
de cette surdose. Google a tout où nous sommes, qui dit où nous contient des renseignements poten-
changé, en profitant ingénieuse- sommes ; une information intelligente, tiellement utiles aux malfaiteurs, il
Virtuel, mobile,
ment de l’intelligence collective qui tient compte du contexte (coor- peut servir à tromper. Par ailleurs, si
sémantique
C i r c u i t • H i ve r 2 0 1 1

sous-jacente à ce vaste réseau. En- données GPS en temps réel, heure, tout est sur le Web, qu’en est-il de la
suite est venu ce qu’il est au- La diminution des coûts de pro- goûts, amis, achats, emploi, etc.) et vie privée ? Les gens changeront-ils
jourd’hui convenu d’appeler le duction du contenu numérique au permet maintenant de répondre à leur rapport à cet outil ? Est-ce que
Web 2.0. Selon plusieurs sources, sens large a aussi permis de sortir de nouveaux besoins, souvent créés les règles du Web se resserreront ?
Tim O’Reilly, visionnaire du Web, du simple monde des documents par les appareils eux-mêmes. Seul l’avenir nous le dira.

S t e ve Pe t t i g re w, M . S c . , e s t m a t h é m a t i c i e n d e f o r m a t i o n . I l e s t s p é c i a l i s t e d e l a l i n g u i s t i q u e i n f o r m a t i q u e , g e s t i o n n a i re d e p ro d u i t s c h e z O p e n Te x t C o r p o ra t i o n .
23
DES MOTS CHRONIQUE DIRIGÉE PAR PHILIPPE CAIGNON
pcaignon@alcor.concordia.ca

Des relations peu usitées…


L es relations logiques qui exis-
tent entre les mots sont parfois
plus difficiles à nommer qu’on ne
Les concepts qui sous-tendent ce
couple lexical ont la particularité lin-
guistique de ne pouvoir être définis
bases de connaissance, mais le flou
sémantique qui entoure cette rela-
tion fait d’elle un outil qu’on ne peut
discipline envisage la subsomption
sous un angle différent et exprime le
concept d’une manière qui lui est
pourrait le croire. Penchons-nous sans faire appel à leur homologue. manier qu’avec prudence… Et pour- propre. Ces manières sont toutes
donc sur ces appellations relation- Un holonyme désigne ainsi un en- tant, de prime abord, elle semble bonnes, mais leur diversité contri-
nelles peu connues et suivons semble renfermant plusieurs élé- bien simple ! bue à rendre la lecture et l’interpré-
leurs méandres sémantiques. ments, des méronymes, alors qu’un Voyons immédiatement trois tation de la notion laborieuse.
Bien entendu, nous devons méronyme renvoie à un des consti- exemples : femme est un concept Nous pouvons néanmoins dé-
faire preuve d’humilité et déclarer tuants d’une unité plus large, un ho- qui subsume le concept de mère duire que la subsomption décrit une
de front que nous n’avons pas lonyme. Afin d’éclaircir notre propos, tout comme père est un concept qui relation implicite entre deux con-
l’ambition de constituer une liste voyons quelques exemples : pistolet est subsumé par celui d’homme, ou cepts où les caractéristiques du pre-
exhaustive de toutes les dénomi- et fleur sont les holonymes respectifs encore couleur est un mot qui en- mier font nécessairement partie du
nations potentielles, mais bien de de gâchette et de pétale, car, dans tretient une relation de subsomption deuxième. Ainsi, en santé familiale,
présenter aux langagiers celles que ces cas précis, les premiers ne sau- avec le mot bleu. il faut être une femme pour être
nous jugeons, dans notre partialité, raient être complets sans les se- Par principe, nous consultons les qualifiée de mère.
les plus utiles, tout en respectant conds, tandis que clavier et phalange sources dictionnairiques pour obte-
l’espace qui nous est alloué. Par sont les méronymes d’ordinateur nir une définition précise d’un mot
conséquent, nous nous concentre- portable et de doigt, parce que les afin d’étayer notre raisonnement ou
Conclusion
rons sur trois d’entre elles. premiers contribuent à l’intégrité no- notre démonstration. Nous devons Devant les dédales sémantiques
tionnelle des derniers. toutefois constater que la relation de de certaines relations logiques,
Partonymie : L’holonymie et la méronymie for- subsomption est pour le moins diffi- nous comprenons les raisons qui ex-
holonymie et ment donc une paire relationnelle cile à cerner. Ainsi, selon le Trésor de pliquent leur rareté, sinon leur ab-
aux liens d’inclusion explicites. En la langue française informatisé, en lo- sence, dans les textes traitant des
méronymie médecine vétérinaire, par exemple, gique elle désigne « l’action de pen- rapports entre les mots. Pourtant,
Appelée partonymie par plu- elles trouvent leur utilité dans la des- ser le particulier sous le général ». que ce soit dans les documents ju-
sieurs auteurs, l’une des relations les cription des rapports entre le corps D’après l’encyclopédie en ligne ridiques, les exposés économiques
plus connues des spécialistes de la d’un animal (le tout) et les membres Wikipédia, la « notion est proche ou les récits littéraires, ces relations
langue est sans conteste la relation qui le composent (les parties). de la relation “est impliqué par” apporteraient une précision linguis-
de la partie au tout. Puisqu’elle est en logique classique, ou encore tique appréciée.
assez fréquente, la plupart du temps, “contient” en logique ensembliste ». Philippe Caignon,
nous y faisons référence en em-
Subsomption Quant au Nouveau Petit Robert, il term. a., trad. a.
ployant des mots de tous les jours Il n’est pas aisé de définir la re- ne fait référence à ce concept que
alors que les perles terminologiques lation de subsomption. Certes, elle par le verbe subsumer, qu’il décrit
qu’elle recèle ne demandent qu’à appartient à la logique de descrip- de la façon suivante : « penser (un
être découvertes. D’ailleurs, en creu- tion qui est tant utile à la terminolo- objet individuel) comme compris
sant quelque peu, nous trouvons gie pour structurer le savoir des dans un ensemble ». Ces explica-
des termes dignes d’être cités, soit domaines spécialisés et le présenter tions se ressemblent et laissent en-
holonymie et méronymie. dans des arborescences ou des trevoir un point essentiel : chaque

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24
PAGES D’HISTOIRE CHRONIQUE DIRIGÉE PAR PIERRE CLOUTIER
pierre.cloutier@videotron.ca

Rafael Pombo :
Rencontre de deux Amériques
Poète de l’enfance, diplomate, traducteur d’Horace, de Shakespeare, de Lamartine,
d’Hugo et de Byron, fervent de Longfellow, Rafael Pombo campe le traducteur
romantique qui adapte ses emprunts aux cultures autres pour enrichir avec
créativité sa culture d’origine.
par Paula Andrea
Montoya Arango

L a littérature enfantine colom-


bienne trouve sa référence
dans l’œuvre du poète Rafael
sa prime jeunesse, il s’est imprégné
de littérature, de sciences et de po-
litique grâce à son père, homme de
pour enfants, y voyant une façon de
combattre la « barbarie », consé-
quence des guerres de l’époque.
Byron, Hood, Shakespeare, Bryant et
Longfellow ; il a traduit des livrets
d’opéra, des articles sur l’éducation
Pombo. Ses contes pour enfants lettres et fonctionnaire public. Si le Pour les hommes politiques, ces et des contes pour enfants.
sont transmis de génération en gé- poète colombien a exercé la fonction idéaux confinent bien sûr à l’univers
nération par l’entremise d’une di- de diplomate aux États-Unis, c’est du rêve, surtout dans un pays en Médiateur interculturel
versité de médias : livres, manuels grâce aux contacts de son père. proie à d’aussi vifs conflits. Pour
scolaires, ressources multimédias. En tant que traducteur, Rafael
Pombo est essentiellement un fa- Pombo a obtenu la reconnaissance
buliste et poète de l’enfance. Il doit de la critique de son époque. Consi-
sa célébrité à la vaste diffusion de déré comme un poète éclectique,
ses fables dans tout le continent équilibré, pratiquant une langue
américain et à la campagne menée simple, renommé pour incarner les
par les institutions gouvernemen- valeurs morales et patriotiques du
tales pour en faire le « poète natio- XIXe siècle colombien, il a aussi été
nal » et « le poète de l’enfance » comblé d’éloges pour avoir enrichi
au début du XXe siècle. la langue et la littérature nationales.
Le fait que certaines des fables Son ami Antonio Gómez Restrepo
de Pombo aient été des traductions affirmait qu’il était un traducteur
est un sujet peu étudié par les cher- créatif qui « améliorait l’original »,
cheurs de la littérature colom- précisant que son contemporain,
bienne, tout comme le fait qu’il ait Miguel Antonio Caro, peut-être le
été un traducteur prolifique carac- traducteur le plus connu de Colom-
térisé par une façon particulière de bie après Antonio Nariño1, faisait
traduire et par une réflexion tout figure de traducteur « classique »,
aussi remarquable sur l’exercice de tandis que Pombo incarnait le « tra-
cet art. ducteur romantique » et audacieux,
même lorsqu’il s’attaquait à Horace.
Poète-traducteur Pour Rafael Pombo, la traduction
au service de la n’est pas une activité accessoire. Il
construction de a joué un rôle de médiateur culturel
qui a établi des contacts et un
la Nation dialogue avec « l’autre » ; il s’est
Lorsque Rafael Pombo naît, en approprié divers savoirs afin de les
1833, la Colombie est un pays en Rafael Pombo ne peut s’abstraire nous, ce rêve est l’héritage de insérer dans sa propre culture.
gestation. Après la rupture avec tout à fait des luttes de pouvoir ty- Pombo : d’une part, les arts et l’édu- Lorsque le poète colombien ar-
l’Espagne, en 1810, l’intelligentsia piques de cette époque conflictuelle, cation comme enrichissement de rive à New York en 1855 en qualité
colombienne cherche à jeter des mais il décide plutôt d’être poète. l’esprit humain et, de l’autre, la de diplomate, il entre en contact
C i r c u i t • H i ve r 2 0 1 1

bases solides pouvant fonder la na- C’est à ce titre et en qualité traduction dont la fonction est avec plusieurs personnalités des
tion et son identité. Pombo grandit d’homme de lettres qu’il déploiera d’enrichir les sources de la culture domaines de la musique, des
au sein d’une famille privilégiée et ses efforts pour stimuler la littéra- nationale. Pombo a toujours tra- lettres, de la politique et des
éduquée. En effet, le poète a étudié ture, la musique, l’opéra, le journa- duit. Il a traduit des auteurs sciences. Pombo collabore au pé-
dans les meilleures écoles ; depuis lisme, l’éducation et la littérature comme Horace, Lamartine, Hugo, riodique El Mundo Nuevo, fondé à

Pa u l a A n d ra M o n t oy a A ra n g o e s t é t u d i a n t e a u d o c t o ra t e n t ra d u c t i o n à l ’ U n i ve r s i t é d e M o n t r é a l .
25
New York en 1872 par le critique et caractérisent par leur musicalité et la femme dans The Bridge of Sighs fût-ce au prix de certaines libertés.
essayiste cubain Enrique Piñeyro ; il les jeux de mots qu’ils contiennent. de Thomas Hood ou la ferveur pa- Optique qui se révéla fructueuse
écrit des articles pour Guia del via- Pombo donne libre cours à sa créa- triotique qui inspire Longfellow. Par pour l’histoire de la traduction en
jero en los Estados Unidos, livre pu- tivité pour les rendre en sollicitant la ailleurs, il fournit l’exemple du tra- Colombie.
blié par José Durand où on découvre musicalité de la langue espagnole. Il ducteur créatif qui n’hésite pas à
la perception que les Hispano- n’hésite pas à ajouter certains élé- ajouter ou à retrancher pour mieux
Américains ont de la vie et de la cul- ments. Par exemple la petite gre- aligner ses traductions sur les at-
ture états-uniennes. Pombo entre- nouille de El Renacuajo Paseador, tentes d’un public colombien fort 1 Vo i r l ’ a r t i c l e d ’ Á l va ro E c h e ve r r i s u r
l a t ra d u c t i o n d ’ A n t o n i o N a r i ñ o d e l a
prend la rédaction d’un journal adaptation de A Frog He Would conservateur. Ainsi, Pombo ne D é c l a ra t i o n d e s d ro i t s d e l ’ h o m m e
intime où il rend compte de ses A-wooing Go, prend une véritable voyait pas dans le traducteur un e t d u c i t oye n ( C i rc u i t , 9 4 , 2 0 0 7 ) .
2 Le f i l s d e R a i n e t t e , R i n r í n R e n a -
propres impressions de cette ville forme humaine, grâce aux dialogues « esclave » de l’original, mais un c u a j o / s o r t i t c e m a t i n t r è s d ro i t e t
où il est en poste et de la culture introduits par Pombo : « créateur » qui « imite de bons mo- tout beau/ (…) « Mon fils, ne sors
pas », cria sa maman. (N D LR : Notre
ambiante. A frog he would a-wooing go, dèles » pour enrichir la langue ma- adaptation. À titre d’illustration
Ses collaborations se multiplient : Heigh ho! Says Rowley, [...] ternelle et la littérature nationale, seulement.)
il traduit le poème de Lamartine Whether his mother would let
Le Lac pour le musicien Louis M. him or no.
Gottschalk ; il fournit de l’informa- El hijo de Rana, Rinrín Renacuajo,
tion sur la Colombie au scientifique salió esta mañana, muy tieso y
Isaac F. Holton, auteur de New Gra- muy majo. […]
nada: Twenty Months in the Andes, “¡Muchacho no salgas!” le grita
et il écrit des articles sur son pays mamá2.
pour l’American Encyclopedia pu-
bliée par Appleton. Les avertissements et la morale
À New York, deux faits marquent ajoutés par Pombo, font de la gre-
sa carrière de traducteur : d’une nouille un symbole et transforment
part, un contrat avec la maison le conte en parabole bien sentie sur
d’édition Appleton et d’autre part, ses la désobéissance enfantine.
relations épistolaires avec Henry W. Ces adaptations témoignent de
Longfellow, que le poète colombien sa créativité. Grâce à elles, Pombo
n’a pas connu personnellement, mais s’approprie les textes pour mieux
qu’il admirait. Ce poète nord-améri- les rendre conformes au moule lin-
cain a exercé une influence consi- guistique et culturel de la langue
dérable sur les Hispano-Américains, d’arrivée, tout comme pour servir
et Rafael Pombo a été l’un des ses visées : éduquer les enfants
premiers à le traduire et à le faire selon les valeurs très marquées d’un
connaître en Amérique latine. temps et d’un lieu.
C’est en vue de diffuser en es- Rafael Pombo est ainsi un
pagnol des contes pour enfants traducteur tout imprégné des
issus de la tradition anglaise que valeurs littéraires et morales
Pombo signe un contrat de traduc- représentatives d’une époque
tion avec Appleton. Le succès de ces rigoriste. Exemples : Les traductions
contes est tel qu’ils continuent au- de Lord Byron prennent le contre-
jourd’hui d’être édités en Colombie, pied de la forte influence française
C i r c u i t • H i ve r 2 0 1 1

et il en existe des adaptations en d’alors. Pombo opte pour des sujets


russe et en tének (ou huasteco), évoquant des valeurs comme
langue autochtone mexicaine. La l’amour mystique dans le poème de
plupart des originaux, publiés sous Lord Byron The Prayer of Nature, la
le titre Mother Goose’s Melodies, se charité et la compassion que suscite

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