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GROUPE INSTITUT SUPERIEUR DE COMMERCE

ET D’ADMINISTRATION DES ENTREPRISES


Centre des Etudes Doctorales en Gestion
Laboratoire de Recherche en Management (LAREM)

THESE présentée par


Mounia DIAMANE

Pour l’obtention du titre de


DOCTEUR EN SCIENCES DE GESTION

LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES MAROCAINS


ET L’ENTREPRENEURIAT
UNE ANALYSE DE L’INTENTION ENTREPRENEURIALE

MEMBRES DU JURY
Président Professeur Rachid M’RABET
Groupe ISCAE, Casablanca

Directeur de thèse Professeur Salah KOUBAA


Université Hassan II, Casablanca

Rapporteurs Professeur Christophe SCHMITT


Université de Lorraine - IAE Metz

Professeur Tarik EL MALKI


Groupe ISCAE, Casablanca

Suffragant Professeur Lhacen BELHCEN


Université Hassan II, Casablanca

Date de soutenance : Mercredi 17 Mai 2017 à 16 heures


LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

A mes très chers parents


A ma sœur
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

REMERCIEMENTS

Je tiens à exprimer ma profonde gratitude et ma sincère reconnaissance à mon Directeur de


thèse, le Professeur Salah KOUBAA, pour la confiance qu’il m’a accordée en acceptant
d’encadrer cette recherche doctorale. Je suis très ravie d’avoir travaillé sous sa direction. En
effet, outre son appui scientifique, j’étais particulièrement sensible à ses qualités humaines, sa
gentillesse, sa patience et son écoute.
Je lui exprime mes plus sincères remerciements pour la qualité de son encadrement, sa
disponibilité, ses encouragements et son suivi pendant toute la durée de ce projet malgré ses
engagements académiques et ses responsabilités de vice-doyen.

Au cours de notre existence, il y a des personnes qui nous marquent par leur originalité, leur
charisme et leur générosité intellectuelle. Le directeur de l’école doctorale du Groupe ISCAE,
le Professeur Rachid M’RABET fait partie de ces personnes. Sa disponibilité, son expérience
et ses conseils précieux m’ont été d’un apport inestimable.

Je tiens à exprimer mes vifs remerciements et ma sincère reconnaissance au Professeur


Christophe SCHMITT et au Professeur Tarik EL MALKI pour l’honneur qu’ils me font en
acceptant d’être rapporteurs de ce travail de recherche et membres du jury.

Je remercie vivement le Professeur Lhacen BELHCEN d’avoir accepté de faire partie de mon
jury de thèse.

Cette recherche doit beaucoup à l’ensemble des inventeurs universitaires et des experts de la
valorisation qui ont eu la courtoisie de me recevoir et de participer aux entretiens. Leur
confiance, leur générosité, leur disponibilité et leur coopération m’ont été très précieuses pour
la réalisation de cette recherche.

Mes remerciements seraient incomplets si je ne faisais mention de mes chers professeurs et


éducateurs qui m’ont accompagnés depuis l’école maternelle jusqu’au doctorat.

Enfin, je souhaite exprimer ma profonde gratitude à mes très chers parents et ma sœur pour tout
l’amour et le soutien qu’ils m’ont offerts, pour tous leurs sacrifices et pour toutes les belles
choses qu’ils m’ont apprises.

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LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Merci aussi à tous ceux qui ont contribué de près ou de loin à la réussite de ce travail de
recherche.

Cette expérience demeurera dans ma mémoire un excellent souvenir aussi bien sur le plan
académique qu’humain.

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LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Le Programme Doctoral du Groupe ISCAE n’entend donner ni approbation ni


improbation au contenu des textes publiés dans ce rapport de thèse, ils doivent
être considérés comme propres à leurs auteurs.
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LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

RESUME

L’objectif de cette recherche est de comprendre l’origine du faible taux de création


d’entreprises issues des laboratoires de recherche universitaires au Maroc. De façon plus
précise, nous cherchons à comprendre les raisons pour lesquelles les inventeurs universitaires
marocains n’arrivent à valoriser leurs brevets d’invention et franchir le pas de l’entrepreneuriat.

Notre travail de recherche repose sur un cadre théorique multidisciplinaire mobilisant deux
principales théories relevant du champ de la psychologie sociale (théorie du comportement
planifié d’Ajzen (1991)) et de l’entrepreneuriat (modèle de l’événement entrepreneurial
(Shapero et Sokol, 1982) repris par Krueger (1993)).

L’approche qualitative était la plus adaptée à la nature exploratoire de notre recherche. Le


recours à l’entretien semi-directif a servi de base pour guider notre discussion selon des thèmes
définis à partir de notre revue de littérature, tout en laissant la place à l’expression et à
l’initiative de nos interviewés. Les entretiens menés avec douze inventeurs universitaires se
basent sur un guide d’entretien élaboré à partir de notre revue de littérature. Cette revue de
littérature a été complétée par six entretiens préliminaires avec des professionnels et des acteurs
de valorisation de la recherche au Maroc.

Les données collectées ont été analysées en utilisant la méthode d’analyse de contenu
thématique (ACT) et en s’appuyant sur un logiciel d’analyse de données NVivo 11.

Les résultats empiriques montrent qu’outre les freins juridiques, financiers et structurels,
l’intention entrepreneuriale des inventeurs universitaires est influencée par les représentations
et les croyances qu’ils ont vis-à-vis du monde de l’entreprise, de leur métier et de leur rôle
professionnel. En effet, certains inventeurs non-intentionnels ont tissé des liens émotionnels
très forts avec leur métier. Ils sont donc fortement attachés à leur profession. Très engagés, ces
inventeurs vivent leur métier comme une passion et une vocation professionnelle et perçoivent
une incompatibilité entre la création d’entreprise et leur rôle professionnel.

Mots clés : Entrepreneuriat, inventeurs universitaires, invention, université, valorisation de la


recherche, intention entrepreneuriale, spin-offs académiques.

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LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

SOMMAIRE
REMERCIEMENTS .................................................................................................................................... 4
RESUME ................................................................................................................................................... 7
INTRODUCTION GENERALE ..................................................................................................................... 9
PARTIE I - LA MOBILISATION DES THEORIES DE L’INTENTION DANS LE CAS DES INVENTEURS
UNIVERSITAIRES ................................................................................................................................ 21
CHAPITRE I - L’INVENTEUR UNIVERSITAIRE ET L’ENTREPRENEURIAT : CADRAGE THEORIQUE ET
CONTEXTE MAROCAIN ...................................................................................................................... 23
CHAPITRE II- CONTRIBUTION DES THEORIES DE L’INTENTION AU PHENOMENE DE LA CREATION
D’ENTREPRISE .................................................................................................................................... 65
PARTIE II - METHODOLOGIE EMPIRIQUE, RESULTATS ET ANALYSES .............................................. 112
CHAPITRE III - DESIGN DE LA RECHERCHE ....................................................................................... 114
CHAPITRE IV – RESULTATS EMPIRIQUES ET DISCUSSION DES RESULTATS ..................................... 152
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................................ 218
ANNEXES.......................................................................................................................................... 237
LISTE DES TABLEAUX ........................................................................................................................... 317
LISTE DES FIGURES............................................................................................................................... 318

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LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

INTRODUCTION GENERALE

L’intérêt pour la création d’entreprises et plus particulièrement pour les entreprises à fort
potentiel d’innovation n’est plus à démontrer (Fayolle, 2001). Parmi les jeunes entreprises qui
voient le jour chaque année, celles disposant d’un potentiel technologique et d’innovation sont
particulièrement appréciées et soutenues par les pouvoirs publics (Fayolle, 2001). En effet, la
compétitivité mondiale du 21ème siècle est marquée par l’essor et le rayonnement économique
des pays dotés d’entreprises innovantes fortement intensives en R&D et d’un système de
recherche et de formation orienté vers l’innovation (Frémiot, 2007).

Ceci est vrai pour les pays développés, mais est également valable pour les pays en voie de
développement. En effet, ces pays ne peuvent devenir compétitifs que par l’introduction et le
développement des innovations technologiques (Mokhtari, 2011).

Au Maroc, la promotion et la valorisation de la recherche universitaire figurent actuellement


parmi les préoccupations majeures des pouvoirs publics1. Outre la dimension académique, la
recherche universitaire doit également contribuer via la valorisation industrielle et la création
d’entreprises innovantes (spin-offs universitaires) au développement économique et social du
pays.

La loi 01-00, relative à la réforme de l'enseignement supérieur au Maroc, a ouvert de nouvelles


perspectives aux universités marocaines. L’article 7 de cette loi met en évidence la volonté du
législateur marocain de doter l’université de nouveaux outils lui permettant de renforcer leurs
activités entrepreneuriales et de mieux contribuer au développement socio-économique du
pays. Cet article stipule que « dans le cadre des missions qui leurs sont dévolues par la présente
loi, les universités peuvent assurer par voie de convention, des prestations de services à titre
onéreux, créer des incubateurs d’entreprises innovantes, exploiter des brevets et licences et
commercialiser les produits de leurs activités ».

1
Rapport de la Direction de la Recherche Scientifique et de l’Innovation au Maroc : « Stratégie
Nationale pour le développement de la recherche scientifique à l’horizon 2025 » [En ligne],
www.enssup.gov.ma (consulté le 20/01/2015)

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LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

De nombreuses universités marocaines ont adhéré à cette dynamique en commençant par le


premier pas, celui du dépôt de brevets d’invention2.

Une augmentation significative du nombre et de la qualité des brevets d’invention déposés


par les universités marocaines

Les dépôts de brevets d’invention d’origine marocaine présentent une progression


significative3. L’année 2013 a connu un bond de 61% des dépôts des demandes de brevets par
rapport à 2012, soit 315 brevets d’origine marocaine déposés en 2013 contre 195 brevets en
2012. En 2014, ce chiffre est passé à 353 demandes déposées. Cette augmentation est liée
principalement à une hausse notable du nombre de brevets d’invention émanant des universités
marocaines. En effet, en 2014, la quote-part des demandes de brevets d’invention déposées par
les universités marocaines a constitué 45% de l’ensemble des demandes d’origine marocaine.
Ce taux a atteint 49% en 2015.

Selon l’office marocain de la propriété industrielle et commerciale (OMPIC), le nombre de


brevets déposés par les universités marocaines a connu une progression notable de 138% entre
2012 et 2013, atteignant le nombre de 138 brevets en 2013 et 158 en 2014 contre seulement 58
en 2012. A rappeler qu’en 2008, un seul brevet avait été déposé pour passer à 158 en 2014.

Au cours de l’année 2015, les demandes des 10 principaux déposants marocains a représenté
62% de l’ensemble des dépôts de demandes de brevet d’invention d’origine marocaine, dont
75% proviennent des universités2. A la tête des déposants universitaires figure l’Université
Mohammed V de Rabat (44 brevets), suivie de l’Université internationale de Rabat (40 brevets),
de l’Université Hassan II de Casablanca (9 brevets), de l’Université Hassan 1er de Settat (3
brevets) et de l’Université Cadi Ayyad de Marrakech (3 brevets).

Il est à noter qu’au total, 552 brevets ont été déposés entre 2008 et 2015 par des universités
marocaines. Cette augmentation enregistrée par quelques universités au cours des cinq dernières
années, reflète les efforts déployés par les pouvoirs publics pour développer le système national

2
Rapport d’activité, OMPIC (2012)
3
Rapport d’activité, OMPIC (2015)

10
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

de recherche et d’innovation4. Toutefois, malgré l’augmentation significative du nombre de


brevets d’invention déposés par les universités marocaines, de nombreux brevets ne sont pas
exploités industriellement (Nahid et Mossadek, 2015).

Un grand écart entre le nombre de brevets déposés et le nombre d’entreprises innovantes


créées

Le dépôt de brevet d’invention n’est pas une fin en soi (Breesé et De Kermadec, 2010).
L’objectif est de passer à sa valorisation (Jones-Evans & Klofsten, 1998). La création
d’entreprise issue de la recherche académique (spin-off) est une des voies envisageables de
valorisation de la recherche universitaire (Flesia, 2006). Ce mode de valorisation représente de
nombreux avantages. En effet, outre sa contribution à l’emploi à travers l’embauche du
personnel hautement qualifié (doctorants, jeunes docteurs, docteurs, personnel de recherche,
etc) , la création de spin-offs universitaires permet de s’assurer que l’invention n’a pas été
rachetée par des entreprises étrangères et de garantir des retombées économiques et sociales
locales (Emin, 2003).

Aussi, « le contenu tacite élevé de la connaissance qui est transférée sur le marché grâce à la
création de la nouvelle entreprise ne peut l’être, bien souvent, que par ce moyen. Ceci évite
donc que de telles connaissances restent confinées dans le domaine universitaire » (Bonnet et
al. 2014). En d’autres termes, dans certaines situations, l’invention ne peut être valorisée par un
simple octroi de licence car son exploitation nécessite, de par son caractère tacite et non
transmissible, une présence permanente de son inventeur.

Toutefois, malgré les efforts déployés par les pouvoirs publics pour favoriser les passerelles
entre la recherche et la création d’entreprise4 et malgré les savoirs et savoir-faire technologiques
dont disposent les inventeurs universitaires, très peu d’inventeurs valorisent les résultats de
leurs recherches. En effet, selon une étude menée sur un échantillon de 131 inventeurs
universitaires (Nahid et Mossadek, 2015), le taux d’exploitation des brevets d’invention ne
dépasse pas 4%. « Pas plus de 4 % des déposants ont pu, malgré les difficultés rencontrées,

4
Rapport de la Direction de la Recherche Scientifique et de l’Innovation au Maroc : « Stratégie
Nationale pour le développement de la recherche scientifique à l’horizon 2025 » [En ligne],
www.enssup.gov.ma (consulté le 20/01/2015)

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LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

exploiter leurs brevets d’invention par la création de start-up avec le soutien des partenaires
industriels, mais sans profit pour leurs universités. Alors que la quasi-totalité, soit 96 %, n’ont
pas pu d’une manière ou d’une autre tirer profit de leurs brevets » (Nahid et Mossadek, 2015).

0.1. Problématique de recherche


L’écart constaté entre le nombre de brevets d’invention déposés et le nombre d’entreprises
innovantes créées montre à l’évidence qu’il y a un grand potentiel d’invention dans l’université
marocaine qui n’est pas suffisamment valorisé et exploité. En effet, malgré les savoirs et savoir-
faire technologiques dont disposent les inventeurs universitaires, de nombreux inventeurs
n’arrivent pas à tirer profit de leurs brevets d’invention et franchir le pas de la création
d’entreprise (spin-off) (Nahid et Mossadek, 2015).

Ce constat nous permet de formuler la problématique suivante :

Pour quelles raisons l’inventeur universitaire marocain n'est-il pas davantage


entrepreneur ?

De cette question principale découlent plusieurs questions de recherche :

- Les inventeurs universitaires marocains, ont-ils l’intention de devenir


entrepreneur ?
- Comment se forme l’intention entrepreneuriale de ces inventeurs ?
- Dans quelle mesure l’écosystème entrepreneurial favorise-t-il l’émergence de
l’intention entrepreneuriale chez les inventeurs universitaires ?
- Quel est le rôle des croyances (attitudinales, normatives et de contrôle) dans la
formation de l’intention entrepreneuriale de ces inventeurs ?

Pour répondre à ces questions et donc comprendre les raisons pour lesquelles l’inventeur
universitaire marocain n’arrive pas à franchir le pas de l’entrepreneuriat, nous avons choisi de
nous positionner en amont de la création d’entreprise et d’étudier une phase centrale du
processus entrepreneurial, à savoir : « l’intention entrepreneuriale ».

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LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

0.2. Pourquoi l’intention entrepreneuriale ?

De nombreuses écoles de pensée se sont succédé pour analyser les raisons qui amènent certains
individus à entreprendre (Fayolle et Degeorge, 2012). Plusieurs chercheurs ont essayé de mettre
en avant les comportements (approche comportementale), les caractéristiques psychologiques
et les traits de personnalité (approche descriptive) qui caractérisent les entrepreneurs et les
distinguent des autres individus (les non-entrepreneurs) (Greenberger et Sexton, 1988 ; Gartner,
1990 ; Shaver et Scott, 1991).

Toutefois, malgré une vaste littérature consacrée aux caractéristiques psychologiques des
entrepreneurs, il est toujours possible de recenser de nouveaux traits de personnalité de ces
entrepreneurs mais il est impossible de définir un profil type de l’entrepreneur. En effet, il n’y
a pas d’entrepreneur typique (Low et Mac Millan, 1988 ; Bull et Williard, 1993).

Vers le début des années 90, un grand débat a animé la communauté des chercheurs en
entrepreneuriat. Il concernait la critique des approches focalisées sur les traits de personnalité
(approche descriptive) et celles centrées sur les comportements (approche comportementale).
Stevenson et Jarillo (1990) affirment « qu’il est réducteur d’expliquer un comportement
complexe (l’entrepreneuriat) en se référant à quelques traits psychologiques ou
sociologiques »5. Il paraît important de s’ouvrir à de nouvelles perspectives de recherche qui
prennent en considération l’aspect dynamique et processuel de l’entrepreneuriat (Gartner,
1990). Autrement dit, les recherches en entrepreneuriat ne sont plus centrées sur l’entrepreneur
et ses traits de personnalité mais plutôt sur le processus entrepreneurial (Carter, Gartner et
Reynolds, 1996).

L’approche par processus est une approche dynamique qui s’intéresse à des phénomènes en
évolution. Elle « s’oppose aux approches fixistes du monde où l’on fige des relations et l’état
des notions et des concepts. (…) Elle correspond à toutes ces publications récentes où il n’est
plus question du créateur et de ses caractéristiques, mais de formation d’organisation, de
création d’organisation, d’émergence organisationnelle, etc » (Hernandez, 1995).
Contrairement à l’approche descriptive et comportementale, l’approche processuelle privilégie
une vision plus large de l’entrepreneuriat. Dans cette perspective, plusieurs recherches
s’intéressant à l’amont et à l’aval du processus de création ont vu le jour (Bourguiba, 2007).

5
Cité par Bourguiba (2006)

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LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Ainsi, le concept d’intention a été mobilisé par de nombreux chercheurs vu son caractère
prédictif du comportement entrepreneurial (Krueger et Carsrud, 1993).

L’intention entrepreneuriale est une phase centrale du processus entrepreneurial et occupe une
place extrêmement importante dans la décision de créer une entreprise (Linan et Chen, 2009).
Elle est le meilleur prédicateur du devenir entrepreneurial et un élément nécessaire pour
l’exécution du comportement (Fishbein et Ajzen, 1975 ; Fayolle, Gailly et Lassas-Clerc, 2006).

En effet, pour comprendre les origines du comportement entrepreneurial, nous avons besoin de
comprendre les changements dans les facteurs antérieurs qui ont déclenchés ce comportement
(Tounés, 2003). « L’entrepreneuriat ne peut se contenter d’études en aval, notamment celles
concernant l’acte d’entreprendre. Les recherches qui s’opèrent en amont permettent de mieux
expliquer celles qui se font sur la base de comportements observés. Elles les enrichissent et les
consolident» (Tounés, 2003). En d’autres termes, explorer les étapes en amont de la création
d’entreprise permet de comprendre pourquoi et comment un individu développe un
comportement entrepreneurial, bien avant d’arriver au stade de la création effectif de
l’entreprise.

Etudier l’intention entrepreneuriale est d’une grande importance pour comprendre les facteurs
favorisant ou inhibant le potentiel entrepreneurial des inventeurs universitaires. En effet, à
travers la mobilisation des modèles de l’intention, il y a lieu de comprendre en profondeur les
raisons pour lesquels les inventeurs universitaires ne valorisent pas leurs brevets d’invention.

Notre projet de thèse s’appuie principalement sur les modèles de l’intention proposés par la
théorie du comportement planifié (Ajzen, 1991) et le modèle de l’événement entrepreneurial de
Shapero et Sokol (1982) présenté par Krueger (1993). Nous analysons particulièrement l’effet
des croyances attitudinales, normatives et de contrôle sur la formation de l’intention
entrepreneuriale des inventeurs universitaires marocains.

0.3. Intérêts de la recherche


- Sur les plans théorique et méthodologique
L’inventeur universitaire constitue un terrain de recherche singulier et quasi-inconnu des
recherches en entrepreneuriat. Notre recherche a pour ambition de contribuer à une meilleure
connaissance de la formation de l’intention entrepreneuriale de ce public particulier, à
savoir les inventeurs universitaires au Maroc.

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LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

L’intérêt méthodologique consiste à faire recours à une approche qualitative pour étudier la
formation de l’intention. En effet, à notre connaissance, la quasi-totalité des recherches sur
l’intention entrepreneuriale portent sur une population étudiante (Krueger 1933 ; Audet 2003 ;
Kennedy, Drennan, Renfrow et Watson, 2003 ; Linan 2004 ; Tounès, 2003 ; Koubaa et Sahib
Eddine, 2012 ; Diamane et Koubaa, 2015) et adoptent une démarche quantitative confirmatoire
fondée sur une logique hypothético-déductive (Bertholom, 2012). Cependant, le terrain
particulier, voire l’objet même de notre recherche, relève d’un contexte de découverte et
d’exploration.

En effet, contrairement à d’autres pays (Etats-Unis, Allemagne, Canada, Japan, France, etc),
rares sont les recherches qui se sont intéressées, à l’inventeur universitaire et encore moins à
l’évaluation de son intention entrepreneuriale.

Le terrain particulier de notre recherche doctorale s’inscrit alors dans une logique de
découverte. Cette logique est susceptible d’enrichir les modèles d’intention par des éléments
contextuels et de faire émerger de nouvelles connaissances théoriques spécifiques aux
inventeurs universitaires.

- Sur le plan managérial

Malgré les efforts déployés par les pouvoirs publics pour favoriser les passerelles entre la
recherche académique et la création d’entreprise et malgré les savoirs et savoir-faire
technologiques dont disposent les inventeurs universitaires, de nombreux inventeurs n’arrivent
pas à tirer profit de leurs brevets d’invention et franchir le pas de la création d’entreprise.

L’intérêt managérial de notre recherche consiste à mieux comprendre l’origine du faible taux
de création d’entreprises issues des laboratoires de recherche universitaires. Il s’agit d’analyser
les raisons profondes pour lesquelles l’inventeur universitaire marocain n’entreprend pas.
L’objectif n’est pas, bien entendu, de « transformer » tous les inventeurs en entrepreneurs, mais
de leur permettre de considérer la création d’entreprise comme une éventuelle option de
valorisation.

A travers notre recherche, nous donnons aux pouvoirs publics et aux acteurs
d’accompagnement des pistes de réflexion permettant de mieux connaitre les inventeurs
universitaires pour mieux les accompagner.

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LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Au terme de notre recherche, nous ferons quelques propositions de mécanismes


d’accompagnement, d’incitation et de promotion de l’entrepreneuriat auprès des inventeurs
universitaires. Le rôle de ces mécanismes est de favoriser la passerelle entre les résultats de la
recherche académique et la valorisation économique de ces résultats à travers la création
d’entreprise innovante.

0.4. Méthodologie
L’objectif de notre recherche est de comprendre les raisons pour lesquelles les inventeurs
universitaires marocains n’arrivent pas à valoriser leurs brevets d’invention et franchir le pas
de l’entrepreneuriat. Pour ce faire, une revue de littérature a été réalisée pour cerner le cadre
théorique de notre recherche et faire la synthèse des différentes approches qui ont dominé la
recherche entrepreneuriat. Autour de la variété des approches et des modèles théoriques, nous
avons retenu l’approche intention proposée par la théorie du comportement planifié (Ajzen,
1991) et le modèle de l’événement entrepreneurial de Shapero et Sokol (1982) présenté par
Krueger (1993).

Compte tenu de l’objectif de notre recherche, la démarche interprétativiste parait la mieux


adaptée à notre travail. En effet, nous nous situons dans une visée principalement
compréhensive. Nous cherchons à comprendre les représentations et à structurer le sens que les
inventeurs universitaires donnent à la réalité. La réalité est donc subjective et contextuelle. Elle
résulte de notre propre interprétation des représentations subjectives des acteurs qui interprètent
à leur tour le phénomène étudié (Lincoln et Guba, 1985). Notre objectif de chercheur s’inscrit
donc dans une logique de découverte et d’exploration et non de généralisation.

Aussi, notre place, en tant que chercheur, est plus complexe que dans une épistémologie
positiviste (approche hypothético-déductive). En effet, nos données ne sont pas « froides », la
connaissance produite dépend, en partie, de notre interprétation et de notre interaction avec
l’objet de recherche. Il existe une interdépendance entre le sujet (le chercheur) et l’objet (la
réalité étudiée par le chercheur). En d’autres termes, notre objectif n’est pas de produire des
lois universelles (positivisme). La prise en compte du contexte et des représentations des acteurs
est donc essentielle.

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LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Souhaitant comprendre un phénomène émergent, l’approche qualitative était la plus adaptée à


la nature exploratoire de notre recherche. Le choix d’une approche exploratoire qualitative avait
pour objectif de comprendre la réalité (visible et cachée) telle qu’elle est vécue par les
inventeurs universitaires. En effet, contrairement aux méthodes quantitatives qui ont pour
objectif de tester des hypothèses, la méthode qualitative, quant à elle, nous a permis d’avoir un
contact direct avec le terrain et de rechercher l’information en profondeur afin de comprendre
les représentations et les croyances conscientes et inconscientes des individus. Le recours à
l’entretien semi-directif a servi de base pour guider notre discussion selon des thèmes définis à
partir de notre revue de littérature, tout en laissant la place à l’expression et à l’initiative de nos
interviewés.

Les entretiens menés se basent sur un guide d’entretien élaboré à partir de notre revue de
littérature. Cette revue de littérature a été complétée par six entretiens préliminaires avec des
professionnels et des acteurs de valorisation de la recherche au Maroc, dont le Responsable de
l’incubateur CNRST, le Responsable du point focal TISC, le Responsable de la chaire de
l’innovation UNCHAIN-UH2C, le Responsable du Centre d’Incubation et d’Accueil des
Entreprises Innovantes (CIAEI) de l´École Nationale Supérieure des Mines de Rabat, le
Directeur Adjoint de l’ENSET ainsi que le Chef de Projet Système d’Evaluation des Brevets
d’Invention, OMPIC .

Les données collectées ont été analysées en utilisant la méthode d’analyse de contenu
thématique (ACT) et en s’appuyant sur un logiciel d’analyse de données NVivo 11.

La démarche générale de notre recherche est synthétisée dans la figure 1 :

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LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Figure 1: Démarche générale de la recherche

CONSTATS PRATIQUES CONSTATS THEORIQUES


Augmentation significative du nombre Insuffisance de la littérature sur
de demandes de brevets d’invention l’entrepreneuriat académique
déposées par les universités marocaines
Absence des recherches sur l’intention
Grand écart entre le nombre de brevets entrepreneuriale des inventeurs
déposés et le nombre d’entreprises universitaires (contrairement à d’autres
innovantes créées (taux d’exploitation populations : étudiants, doctorants, etc)
des brevets ne dépasse pas 4%)
Absence de recherches académiques
adaptées au contexte marocain

DEFINITION DE LA PROBLEMATIQUE
Pour quelles raisons l’inventeur universitaire marocain
n'est-il pas davantage entrepreneur ?

REVUE DE LA LITTERATURE APPORT DU TERRAIN


(Théories de l’entrepreneuriat, approche (6 entretiens préliminaires avec des acteurs
processuelle, modèles de l’intention, métier de valorisation de la recherche au Maroc)
d’inventeur…) Février-Avril 2015

DELIMITATION DU CADRE THEORIQUE ET


CHOIX DES VARIABLES A RETENIR
ELABORATION DU GUIDE D’ENTRETIEN

COLLECTE DES DONNEES


12 entretiens avec des inventeurs universitaires
Avril-Novembre 2015

ANALYSE DES DONNEES


Retranscription intégrale des entretiens
Codage (Identification des thèmes)
Interprétation des résultats
Justification des connaissances (fiabilité, validité
interne, validité externe, etc)
Utilisation du logiciel NVivo 11

IDENTIFICATION DES FACTEURS INHIBANT L’INTENTION


ENTREPRENEURIALE DES INVENTEURS UNIVERSITAIRES MAROCAINS
18
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

0.5. Plan général de la thèse


Le plan de notre thèse, repris dans la figure 2, s’articule en deux parties. La première partie est
consacrée à la présentation du cadre théorique de la recherche. La deuxième partie, quant à elle,
vise à détailler la méthodologie mise en place ainsi que les principaux apports et résultats de
notre recherche. Nous préciserons respectivement ci-après le contenu de chaque partie.

Première Partie : La mobilisation des théories de l’intention dans les cas des inventeurs
universitaires

Le premier chapitre « Chapitre I : Les inventeurs universitaires et l’entrepreneuriat :


cadrage théorique et contexte marocain » se propose de définir le « métier » d’inventeur,
d’identifier ses caractéristiques et de faire le lien avec le métier d’entrepreneur. Ensuite, sur la
base d’une analyse de documents (rapports d’activité, statistiques, sites web…), nous dressons
un état des lieux du système national de l’innovation et de la valorisation de la recherche au
Maroc.
Les principales modalités de valorisation de la recherche universitaire citées dans la littérature
seront présentées. Une attention particulière sera accordée à la place de la création d’entreprise
(spin-offs) au sein des différentes modalités de valorisation.

Autour de la variété des approches entrepreneuriales, l’essentiel du Chapitre II :


« Contribution des théories de l’intention au phénomène de la création d’entreprise » est
de souligner l’importance de l’existence de l’approche intention et les différentes perspectives
de recherche qu’elle ouvre à la communauté scientifique. En effet, l’intention représente un
moment fort du processus entrepreneurial (Tounés, 2003) et occupe une place extrêmement
importante dans la décision de poursuivre une aventure entrepreneuriale.
Nous retenons l’approche intention pour comprendre l’origine de l’écart constaté entre le
nombre de brevets d’invention déposés et le nombre d’entreprises innovantes créées.

Deuxième Partie : Méthodologie empirique, résultats et analyses

La deuxième partie de la thèse intitulée « Méthodologie empirique, résultats et analyse » est


d’allure empirique et comporte deux chapitres :

19
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Le troisième chapitre « Chapitre III : Design de la recherche » a pour objet de justifier notre
positionnement épistémologique et méthodologique. La méthode de collecte des données et la
technique d’analyse seront détaillées.

Le quatrième chapitre « Chapitre IV : Résultats empiriques et discussion des résultats»


quant à lui, a pour objectif d’analyser et de présenter les principaux résultats de notre recherche,
pour apprécier notamment les raisons de la réticence des inventeurs universitaires marocains à
la valorisation de leurs brevets d’invention. Nous analyserons particulièrement l’effet des
croyances attitudinales, normatives et de contrôle sur la formation de l’intention
entrepreneuriale des inventeurs universitaires.

Figure 2: Structure générale de la thèse

PARTIE I
La mobilisation des théories de l’intention dans les cas des
inventeurs universitaires
CHAPITRE I :
Les inventeurs universitaires et l’entrepreneuriat : cadrage théorique et contexte
marocain

CHAPITRE II :
Contribution des théories de l’intention au phénomène de la création
d’entreprise

PARTIE II
Méthodologie empirique, résultats et analyses

CHAPITRE III
Design de la recherche
es résultats
CHAPITRE IV
Résultats empiriques et discussion des résultats

CONCLUSION GENERALE

20
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

PARTIE I - LA MOBILISATION DES THEORIES DE


L’INTENTION DANS LE CAS DES INVENTEURS
UNIVERSITAIRES

21
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

INTRODUCTION DE LA PARTIE I
L’objectif de notre recherche est de comprendre l’origine de la réticence des inventeurs
universitaires marocains à la valorisation de leurs brevets d’invention.

Le premier chapitre « Chapitre I : Les inventeurs universitaires et l’entrepreneuriat : cadrage


théorique et contexte marocain » constitue un chapitre préliminaire au développement
proprement dit de notre thèse. Il se propose de définir le « métier » d’inventeur, d’identifier ses
caractéristiques et de faire le lien avec le métier d’entrepreneur.

Ensuite, nous évoquerons les différentes acceptions et définitions données au concept de


valorisation. Ces définitions sont issues de textes institutionnels de quelques organismes
nationaux et internationaux reconnus pour leur expertise en matière de valorisation. Les
principales modalités de valorisation de la recherche universitaire citées dans la littérature
seront présentées. Une attention particulière sera accordée à la place de la création d’entreprise
(spin-offs) au sein des différentes modalités de valorisation.

Enfin, sur la base d’une analyse de documents (rapports d’activité, statistiques, sites web…),
nous dressons un état des lieux du système national de l’innovation et de la valorisation de la
recherche au Maroc.

Ces éléments permettront une meilleure compréhension de l’écosystème dans lequel évoluent
l’objet de notre recherche, à savoir l’inventeur universitaire.

Autour de la variété des approches entrepreneuriales, l’essentiel du deuxième chapitre


« Chapitre II : Contribution des théories de l’intention au phénomène de la création
d’entreprise » est de souligner l’importance de l’existence de l’approche intention et les
différentes perspectives de recherche qu’elle ouvre à la communauté scientifique. En effet,
l’intention représente un moment fort du processus entrepreneurial (Tounés, 2003) et occupe
une place extrêmement importante dans la décision de poursuivre une aventure
entrepreneuriale.

Nous retenons l’approche intention pour comprendre l’origine de la réticence des inventeurs
universitaires marocains à la valorisation de leurs brevets d’invention.

22
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

CHAPITRE I - L’INVENTEUR UNIVERSITAIRE ET


L’ENTREPRENEURIAT : CADRAGE THEORIQUE ET
CONTEXTE MAROCAIN

23
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

INTRODUCTION DU CHAPITRE I
Le premier chapitre « Chapitre I : Les inventeurs universitaires et l’entrepreneuriat : cadrage
théorique et contexte marocain » constitue un chapitre préliminaire au développement
proprement dit de notre thèse. Il se propose de définir le « métier » d’inventeur, d’identifier ses
caractéristiques et de faire le lien avec le métier d’entrepreneur.

Ensuite, nous évoquerons les différentes acceptions et définitions données au concept de


valorisation. Ces définitions sont issues de textes institutionnels de quelques organismes
nationaux et internationaux reconnus pour leur expertise en matière de valorisation.

Les principales modalités de valorisation de la recherche universitaire citées dans la littérature


seront présentées. Une attention particulière sera accordée à la place de la création d’entreprise
(spin-offs) au sein des différentes modalités de valorisation.

Enfin, sur la base d’une analyse de documents (rapports d’activité, statistiques, sites web…),
nous dressons un état des lieux du système national de l’innovation et de la valorisation de la
recherche au Maroc.

Ces éléments permettront une meilleure compréhension de l’écosystème dans lequel évolue
l’objet de notre recherche, à savoir l’inventeur universitaire.

24
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Qu’est-ce qu’un inventeur ?

Pour répondre à cette question, nous nous référons à la définition donnée par l’humaniste Juan
Luis Vivès (1948) : « Alors que la plupart des hommes sont myopes, les inventeurs se
distinguent par l’acuité de leur regard », de sorte qu’ils sont nommés inventeurs, « non pour
avoir eux-mêmes créé une chose qui n’existait pas, mais pour l’avoir découverte alors qu’elle
était cachée ».

C’est à dire que l’inventeur n’est pas celui qui met au point quelque chose de neuf, c’est plutôt
celui qui voit et qui fait voir ce qui était dissimulé dans les replis secrets des sciences et des arts
hérités des anciens (Dolza Luisa et Vérin Hélène, 2004). En d’autres termes, un inventeur est
celui qui réussit à mettre en lumière et en pratique les inventions des anciens, pour les avoir
étudiées, recombinées, améliorées et vérifiées par des expériences (Margolin, 1994).
« L’invention n’est que le chainon final d’une chaine continue de connaissances, qui se
construit collectivement » (Michel Chevalier, 1878).

Se plaçant dans un contexte juridique, « la reconnaissance du statut légal d'une inventrice ou


d’un inventeur exige une participation intellectuelle dans la conception et le développement de
l'invention. Il ne suffit pas simplement d'avoir une idée pour être l'inventeur de l'objet issu de
cette idée. L'inventeur doit être en mesure de démontrer qu'il a contribué intellectuellement à la
réalisation de l'invention, et ce, peu importe le degré de sa contribution. Ainsi, les coauteurs de
publications ou de manuscrits en rapport avec la présente invention ne se qualifient pas
nécessairement à titre de co-inventeurs »6.

La notion d’invention est juridiquement liée à trois critères principaux : la nouveauté, l’activité
inventive et la susceptibilité d’application industrielle. Ces critères sont cumulatifs (Lowe
Gnintedem, 2012) ; la nouveauté signifie que rien d’identique n’a jamais été rendu disponible
au public avant la date de dépôt du brevet. Autrement dit, l’invention ne doit pas avoir

6Service d'appui à la recherche, à l'innovation et à la création (SARIC) de l'Université,


Sherbrooke, Québec - CANADA

25
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

d’antériorité dans l’état de la technique7. Outre la nouveauté, l’activité inventive (non-évidence)


est un autre critère de brevetabilité. L’activité inventive signifie que pour un homme de métier8,
l’invention ne découle pas de manière évidente de l’état de la technique. Le dernier critère de
brevetabilité, quant à lui, concerne l’application industrielle. Une invention est considérée
comme susceptible d'application industrielle lorsqu’elle présente une utilité déterminée,
probante et crédible.

Dans son livre « Inventing the Industrial Revolution: The English Patent System, 1660-1800»,
l’historienne Christine MacLeod (2002) a étudié en profondeur l’évolution des représentations
de la figure de l’inventeur aux XVIIe et XVIIIe siècles. A cette époque, les inventeurs étaient
considérés comme des fraudeurs et des tricheurs et ne bénéficiaient d’aucune reconnaissance
de la part de la société, leur destin était l’oubli et l’anonymat (Jarrige, 2007).

Pourtant, à partir des années 1820-1830, l’image négative associée aux inventeurs a été remise
en cause au profit de la créativité et de l’ingéniosité humaines. Plusieurs indicateurs permettent
de mesurer l’évolution de l’image de l’inventeur dans la société britannique : « la multiplication
des portraits d’inventeur posant fièrement à côté de leur œuvre, comme Arkwright à côté de la
machine à filer ou James Watt à côté de dessins techniques ; ou encore la place croissante qu’ils
occupent dans les dictionnaires biographiques. Pour certains, le rôle de l’inventeur devient
même plus utile que celui des militaires qui meurent sur le champ de bataille » (Jarrige, 2008).

7
L’état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la
date de dépôt de la demande de brevet par une description écrite ou orale, un usage ou tout
autre moyen. Cela peut être, par exemple, la commercialisation de l’invention, des conférences
de presse, des articles de presse, des publications ou des expositions publiques. (Source :
http://economie.fgov.be/ , Belgian Federal Government)

8
L'homme du métier s'entend d'un praticien qui dispose de connaissances et d'aptitudes
moyennes et qui possède les connaissances générales dans le domaine concerné à une date
donnée (homme du métier de compétence moyenne). Il est également censé avoir eu accès à
tous les éléments de l'état de la technique, notamment les documents cités dans le rapport de
recherche, et avoir eu à sa disposition les moyens et la capacité dont on dispose normalement
pour procéder à des travaux et expériences courants. (Source : http://www.epo.org)

26
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

En d’autres termes, l’époque victorienne9, était par excellence, l’âge des inventeurs (Pérez et
Verna, 2009). A cette époque les inventeurs ont conquis une position exceptionnelle et se sont
imposés comme de véritables héros nationaux. La célébration et l’ héroïsation de la figure de
l’inventeur a suscité un intérêt grandissant de la part de la société britannique.

A titre d’exemple, en 1834, une énorme statue en marbre à la gloire de James Watt, inventeur
de la machine à vapeur, fut érigé dans L’abbaye de Westminster10.

Lord Liverpool, premier ministre de la couronne, appelle Watt « un des hommes les plus
extraordinaires auxquels l’Angleterre ait donné naissance, un des plus grands bienfaiteurs du
genre humain». Il déclare que « ses inventions ont augmenté d’une manière incalculable les
ressources de son pays et même celles du monde entier ».

Pourtant, l’estime sociale dont jouit l’inventeur commence à baisser à la fin du XIXe Siècle.
Durant cette époque, les inventeurs ne sont plus considérés comme des héros nationaux.
L’effacement de la gloire des inventeurs est expliqué par la montée en puissance des
scientifiques, des ingénieurs et des entrepreneurs, jouissant tous d’une identité professionnelle
et d’un statut d’élite (Pérez, 2009). Les ingénieurs et les entrepreneurs détrônement et prennent
peu à peu la place des inventeurs dans la célébration publique.

Après Christine MacLeod pour l’Angleterre, Gabriel Galvez- Behar fournit une excellente
étude du cas français. Dans sa thèse, « Pour la fortune et pour la gloire. Inventeurs, propriétés
industrielle et organisation de l’invention en France (1870-1922) », Galvez-Behar (2004),
souligne l’anonymisation et l’invisibilité de l’inventeur en France. Ce dernier, n’a jamais été
élevé au même statut qu’en Angleterre victorienne. « En France, les figures de l’écrivain et du

9
L’'époque victorienne au Royaume-Uni marque l'apogée de la révolution
industrielle britannique ainsi que celle de l'Empire britannique. Bien que l'époque victorienne
désigne les années de règne de Victoria Ire du Royaume-Uni, de 1837 à 1901, les historiens
fixent généralement son début au Reform Act 1832. L'époque victorienne est précédée de
l'époque georgienne et suivie de l'époque édouardienne (Evander Luther, Epoque victorienne :
Révolution industrielle, Empire britannique, Epoque georgienne).

10
L’abbaye de Westminster est l'un des édifices religieux les plus célèbres de Londres. Sa
construction date pour l'essentiel du XIIIe siècle, sous Henri III.

27
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

général victorieux n’ont jamais été réellement concurrencées par celles des inventeurs »
(Jarrige, 2008).

L’inventeur est avant tout une construction sociale complexe qui change en fonctions des lieux,
des époques et des cultures (Macleod, 1988).

L’inventeur dans le contexte universitaire

Dans le contexte universitaire, la notion d’inventeur pose plusieurs problématiques d’ordre


juridique, notamment celle de déterminer la personne à qui revient la paternité de l’invention et
celle du statut juridique des membres de l’équipe de recherche vis-à-vis de l’université (Pépin,
2007).

En effet, les activités de recherche menées dans les universités sont souvent le fruit d’un travail
collaboratif impliquant une équipe de chercheurs. Cette équipe est, dans la majorité des
situations, composée de chercheurs qui n’ont pas forcément le même statut. On peut identifier
un ou des chercheurs principaux épaulés et entourés par des professeurs chercheurs, des
chercheurs temporaires, des étudiants ou des doctorants.

Cette situation crée une réelle problématique juridique relative à la détermination du « vrai »
inventeur. En d’autres termes, la personne à qui revient la paternité du brevet d’invention.

Face à ce problème, même les universités dotées des meilleures ressources risquent de se
retrouver muette face à situation délicate.

Au Maroc, malgré la progression exponentielle qu’a connue le nombre de brevets déposé par
les universités11, le cadre juridique relatif à la gestion des brevets dans le contexte universitaire
reste encore à un stade embryonnaire.

11
Selon l’Office marocain de la propriété industrielle et commerciale (OMPIC), Le nombre de
brevets déposé par les universités marocaines a connu une progression notable de 138% entre
2012 et 2013, atteignant le nombre de 138 brevets en 2013 et 158 en 2014 contre seulement 58
en 2012. A rappeler qu’en 2008, un seul brevet avait été déposé pour passer à 158 en 2014.

28
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

En effet, « Au niveau réglementaire et procédural, il n’existe pas une loi spécifique uniforme
pour les universités publiques marocaines, régissant les procédures de suivi des brevets
d’invention et les contrats de transfert de technologies et de valorisation de la
recherche » (Nahid & Mossedek, 2015). Cette situation est due, en grande partie, « à la non-
dynamisation de l’article 7 de la loi n° 01.00 permettant la valorisation de la recherche et de
l’innovation au sein des universités ainsi qu’au manque d’un texte d’application de ladite loi »
(Nahid & Mossedek, 2015).

Aussi, « l’article 18 de la loi n° 17-97 relative à la protection de la propriété industrielle telle


qu’elle a été modifiée et complétée par la loi n° 23/2013, concernant les inventeurs salariés, ne
précise pas l’étendue de ces dispositions aux inventeurs fonctionnaires, même si en pratique,
les chercheurs fonctionnaires sont obligés de déclarer l’invention, et éventuellement
l’exploitation de celle-ci, à l’université » (Nahid & Mossedek, 2015)

L’inventeur universitaire et la problématique de valorisation de la recherche

3.1. Valorisation, commercialisation et transfert : trois concepts différents

La valorisation est un terme générique, polysémique et multidimensionnelle et les définitions


que l’on rencontre varient selon les pays, les organismes et les acteurs impliqués (Melviez,
2008 ; Sedogo, 2009).

Une recherche bibliographique montre que la notion de valorisation recouvre souvent des
réalités différentes, voire même contradictoires.
Un survol de la littérature souligne que le concept de valorisation est parfois assimilé, par abus
de langage, à d’autres expressions, à titre d’exemple : la commercialisation des résultats de la
recherche, la commercialisation de la propriété intellectuelle, la commercialisation
technologique, le transfert technologique, le transfert de connaissances, etc.

Le tableau 1 illustre la variété d’acceptions et de définitions données au concept de valorisation.


Ces définitions sont issues de textes institutionnels de quelques organismes nationaux et
internationaux reconnus pour leur expertise en matière de valorisation.

29
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Tableau 1: Les différentes définitions du concept de valorisation

Organisme Définition du concept de valorisation


Maroc – Office La valorisation est l’ensemble d’activités permettant de fournir une valeur
Marocain de la
ajoutée aux résultats de la recherche issus de tous les domaines de la
Propriété Industrielle et
Commerciale [Non daté] recherche (scientifique, technologique, social…etc.). Le processus de la
valorisation, géré par des sociétés de valorisation, se termine par un transfert
technologique ou par la commercialisation d’un produit fini.

France– Agence La valorisation peut être définie comme le processus de diffusion et


Socrates-Leonardo da d’exploitation de résultats de projets dans le but d’en optimiser la valeur,
Vinci [Non Daté] d’en renforcer l’impact et de les intégrer dans les systèmes et
les pratiques de formation
France – Comité Valoriser, transférer et maîtriser les activités et les méthodes qui permettent
National d’Evaluation de créer plus de valeur ajoutée à partir des savoirs et des savoir-faire
(CNE) [2004] académiques, c’est rendre utilisables ou commercialisables les résultats, les
connaissances et les compétences de la recherche.
Canada – Politique La valorisation de la recherche universitaire peut être définie comme
Québécoise de la Science l’ensemble des activités ayant pour but d’augmenter la valeur des résultats de
et l’innovation [2001] et la recherche et, plus généralement, de mettre en valeur les connaissances. La
Ministère du valorisation ne se résume pas uniquement à l’exploitation commerciale des
Développement résultats de la recherche : elle s’appuie également sur le déploiement et
Économique et Régional l’échange des connaissances dans tous les domaines du savoir
de la Recherche [2004]
Canada – UNIVALOR […] processus qui vise à ajouter aux résultats de la recherche une valeur au
Société de plan commercial
valorisation [2004]

Canada – Conseil Processus qui consiste à commercialiser de nouveaux produits et services à


consultatif partir des inventions et découvertes des chercheurs universitaires.
des sciences et de la
technologie (CCST)
– Rapport Fortier
[1999]

30
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Belgique – Bureau La valorisation des résultats de la recherche est le processus mis en œuvre
fédéral du Plan pour que la recherche universitaire ait un réel impact économique et
[2002] débouche, directement ou indirectement, sur des produits ou des procédés
nouveaux ou améliorés exploités par des entreprises existantes ou créées à
cet effet
Australie – Australian Processus visant à transformer les idées, les connaissances et les inventions
Center for Innovation issues de la recherche universitaire en applications pratiques et
[2002] commercialisables (Traduction du CST)
Grande-Bretagne […] désigne le transfert des idées, du savoir faire
– Office of Science et des inventions provenant de la recherche universitaire vers l’industrie et la
and Technology société en général, dans le but de développer de nouveaux produits et
[2004] et Innovation services. (Traduction du CST)
Report [2003]
Etats-Unis – U.S. […] Processus qui consiste à transformer les découvertes de la recherche
Department of scientifique en nouvelles technologies et à les transférer à l’industrie qui en
Commerce [2003] assure la production commerciale. (Traduction du CST)
Etats-Unis – Définition : « Processus désignant le transfert formel à l’industrie de
Association découvertes résultant de la recherche universitaire et la commercialisation de
of University ces découvertes sous la forme de nouveaux produits et services. »
Technology (Traduction du CST)
Managers (AUTM)
[2004]
Source : A.Grisé (2005)

Une analyse du tableau ci-dessus montre la pluralité de sens que recouvre la notion de
« valorisation ». En effet, une lecture approfondie de ces définitions permet de constater que le
concept de valorisation comprend trois réalités différentes, à savoir : « la valorisation » à
proprement dite, le « transfert » et la « commercialisation » (Grisé, 2005).

3.1.1. La valorisation

L’objectif de la valorisation est, littéralement, « donner de la valeur » aux résultats de la


recherche. Dans le sens commun, valoriser les résultats de la recherche fait référence à les
vulgariser ou les populariser. « Il s’agit de faire sortir les chercheurs de leur tour d’ivoire

31
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

(université, centres de recherche, laboratoires) et les amener à interagir avec le reste de la


société».12

Melviez (2008) définit la valorisation comme toute activité liée à la commercialisation et au


transfert sans pour autant correspondre à la somme des activités inhérentes à ces deux notions.
Contrairement aux activités de transfert et de commercialisation, la valorisation ne se limite pas
seulement à donner une valeur marchande aux résultats de la recherche. En effet, le Conseil de
la Science et de la Technologie du Canada (2005) distingue deux types de valorisation : la
valorisation à visée marchande (valorisation commerciale) et la valorisation à visée non
marchande (valorisation sociale).

Le premier type de valorisation consiste à exploiter commercialement les résultats de la


recherche (commercialisation et transfert technologique), le second type, quant à lui, n’est pas
centré sur la valeur marchande de la recherche, il concerne le développement et la diffusion
d’applications ou de solutions pratiques, issues de la recherche ou de l’expertise des chercheurs.
L’objectif de ce deuxième type de valorisation est de résoudre un problème social ou
d’améliorer une situation (Fabrizio, 2006).

La valorisation de la recherche est un concept polysémique dont les acceptations varient selon
les acteurs impliqués, leurs attentes et leurs intérêts (Butare, 2010). Entre 2007 et 2009, une
enquête approfondie a été menée au Burkina Fasso auprès de différents acteurs et organismes
burkinabés intéressés par la thématique de la valorisation (CNRST, universités publiques,
départements ministériels et au niveau des inventeurs et innovateurs, etc). Butare (2010)
synthèse les principaux enseignements tirés de cette enquête et distingue six catégories de
compréhension et d’acceptation du concept de valorisation : la valorisation académique ou
professionnelle, la valorisation scientifique, technologique, sociale, économique et politique.
- Valorisation académique des contenus pédagogiques
Pour certains acteurs, valoriser consiste à introduire les résultats de la recherche dans la
conception des supports pédagogiques et des modules de formation dispensés aux étudiants ou
aux professionnels.

12
Note conceptuelle sur La Valorisation des résultats de la Recherche Agricole dans l’espace
du CORAF/WECARD, MAI 201.

32
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Dans ce cas, l’objectif premier de la valorisation, est de mettre à jour et d’enrichir


l’enseignement.

- Valorisation scientifique
Pour de nombreux chercheurs, notamment, dans le domaine des sciences humaines et sociales,
le concept de valorisation est assimilé à la diffusion et la mise en valeur des résultats de leurs
recherches sous forme de publications scientifiques dans des journaux à comités de lecture,
d'ouvrages spécialisés, de communication dans des conférences internationales, de posters, etc.
Selon cette perspective, l’objectif principal de la valorisation serait de participer à la diffusion
de la connaissance et au développement de la science. En retour, la valorisation apporte au
chercheur, aux équipes de recherche et à l'université une visibilité et une crédibilité académique
considérables.

- Valorisation technologique
Pour les chercheurs opérant dans le domaine des nouvelles technologies, la valorisation est
assimilée à l’utilisation des résultats de la recherche pour mettre au point de nouveaux produits,
procédés ou services ou améliorer des produits, procédés ou services existants.
Dans ce cas, il est important de souligner le rôle central des organismes de transfert
technologique et de la protection de la propriété industrielle, notamment à travers le dépôt de
brevet.

- Valorisation sociale
Cette acceptation du concept de la valorisation met particulièrement l’accent sur l’utilité sociale
de la recherche. En Effet, pour beaucoup d’acteurs, valoriser les résultats d’une recherche
consiste à les utiliser pour résoudre des problèmes sociaux et améliorer la vie des gens (santé,
éducation, niveau culturel, conscience politique, etc).

- Valorisation économique
Se plaçant dans un contexte socio-économique, valoriser les résultats de la recherche signifie
s’en servir pour contribuer au développement économique d’un pays et à l’amélioration de sa
compétitivité. Dans ce cas, il s’agit d’utiliser les résultats de la recherche pour produire de
nouveaux biens et services, créer des entreprises innovantes, générer des opportunités d’emploi,
etc.

33
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

- Valorisation politique
Pour beaucoup de décideurs politiques, valoriser les résultats de la recherche signifie s’en servir
pour mieux formuler, exécuter et évaluer les politiques et la prise de décision en général.

3.1.2. La commercialisation

« La commercialisation des résultats de la recherche universitaire est le processus qui consiste


à commercialiser de nouveaux produits et services à partir des inventions et découvertes des
chercheurs universitaires.»13

La commercialisation des résultats de la recherche est une activité qui regroupe deux volets
complémentaires. Le premier est centré sur l’exploitation commerciale de toutes les formes de
création protégées par les droits de propriété intellectuelle (invention de produits et de procédés,
œuvres littéraires et artistiques, logiciels, etc.).Le deuxième volet quant à lui, concerne la
commercialisation de l’expertise des chercheurs universitaires découlant des travaux de
recherche réalisés dans tous les secteurs disciplinaires à travers les activités de collaboration
(consulting, recherche partenariale, recherche contractuelle, etc)14.

La commercialisation de la recherche peut prendre plusieurs formes. Une étude de la fédération


québécoise des professeures et professeurs d'université (FQPPU) sur la commercialisation des
résultats de la recherche et de l'expertise universitaires dans les universités québécoises, repère
les principales formes de commercialisation de la recherche au Québec (Tableau 2).

13
Conseil consultatif des sciences et de la technologie dans son Rapport Fortier de 1999,
Conseil de la science et de la technologie du Québec, 2006, op. cit., p. 6 cité dans Melviez
David, op. cit., 2008, p. 43

14
Définition donnée par le Conseil de la science et de la technologie, La valorisation de la
recherche universitaire, 2005.

34
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Tableau 2: les principales formes de commercialisation de la recherche

Discipline Exemples d’activités de Type de protection de la PI


Commercialisation
Arts, lettres et • Expositions et vente d’œuvres Droits d’auteur (œuvres
Communications Artistiques artistiques, musicales
• Consultation auprès de littéraires, dramatiques et
musées logiciels)
• Concerts et vente d’œuvres
Musicales
• Vente d’œuvres littéraires et
Dramatiques
• Vente de cédéroms et de
logiciels
Sciences sociales et • Consultation et contrats de
humaines / Éducation recherche, surtout pour des
organismes publics, parapublics
et internationaux
• Vente de documents éducatifs
et de logiciels

Gestion • Consultation et contrats de


recherche, surtout pour
l’industrie
• Création d’entreprises
dérivées (services de
consultation)
• Vente de logiciels

Sciences naturelles, génie, • Inventions (produits et Brevets (produits et


informatique et santé procédés) procédés)
• Création d’entreprises
dérivées (services de
consultation et
entreprises technologiques)

35
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

• Consultation et contrats de
recherche surtout pour
l’industrie
Source : Herreyre, 2009

3.1.3. Le transfert technologique

L'Association of University Technology Managers (AUTM) définit le transfert technologique


comme « le processus désignant le transfert formel à l’industrie de découvertes résultant de la
recherche universitaire et la commercialisation de ces découvertes sous la forme de nouveaux
produits et services.»15

A la différence de la valorisation proprement dite et de la commercialisation de la recherche, le


transfert technologique exclut les activités de collaborations relatives à la commercialisation de
l’expertise des chercheurs universitaires (consulting, recherche partenariale, recherche
contractuelle, etc) et concerne uniquement la commercialisation des résultats de la recherche
universitaire en les transférant à l’industrie. Aussi, contrairement aux activités de
commercialisation et de valorisation qui consistent à mettre en valeur les résultats de la
recherche issus de tous les secteurs disciplinaires, le transfert technologique concerne
uniquement les résultats de la recherche issus des disciplines à caractère « scientifique et
technologique » (sciences de la vie, biotechnologie, génie informatique, chimie, etc).

Le transfert technologique s’appuie sur un processus constitué de plusieurs étapes. Ci-dessous


les principales étapes de ce processus (Grisé, 2005) :

- Détection et repérage des inventions représentant un réel potentiel commercial

- Evaluation du potentiel technologique et économique de l’invention à travers une étude


de faisabilité et une étude de marché

- Mise au point d’une preuve de concept ou démonstration de faisabilité

- Elaboration d’une stratégie de valorisation

15
Définition provenant du Association of University Technology Managers, 2004, Conseil de
la science et de la technologie du Québec, 2006, op. cit., p. 7 cité dans Melviez David, op. cit.,
2008, p. 44
36
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

- Protection et gestion de la propriété intellectuelle à travers le dépôt des demandes de


brevets d’invention.

- Choix d'une méthode d’exploitation de l’invention (octroi d’une licence d’exploitation,


création de spin-offs, etc)

- Suivi du projet de transfert

Il est à noter que le processus de transfert technologique est géré dans certains pays par les TTO
(Technology Transfer Offices ou bureaux de transfert technologique). Comme leurs noms
l’indiquent, les TTO ont pour mission de soutenir les activités de recherche scientifique et de
faciliter le transfert des résultats de la recherche. Leur principal rôle est de faciliter la
collaboration entre l’université et ses partenaires extérieurs (entreprises, pouvoirs publics, pôles
de compétitivité, associations, etc …).

3.2. Les principaux modes de valorisation de la recherche universitaire

Outre les activités d’enseignement et de recherche, les universités jouent un rôle important dans
la valorisation des résultats de leurs recherches.

La valorisation de la recherche englobe l’ensemble des activités liées à la commercialisation et


au transfert technologique

Les trois principaux mécanismes de valorisation de la recherche universitaire cités dans la


littérature sont : les prestations de services, l’octroi de licences d’exploitation à des sociétés
existantes et la création de spin-offs (Jones-Evans et Klofsten, 1998).

« Toutes ces modalités de valorisation ont une base contractuelle qui cristallise les rapports de
force entre le monde universitaire et celui de l’entreprise » (Laperche et Uzundis, 2010).

- La prestation de service : concerne l’exploitation d’un savoir ou d’un savoir-faire


maitrisés et développés par le chercheur universitaire ou par son laboratoire de
recherche (connaissance, technique, méthodologie, etc) au profil d’un partenaire
externe.

La communication du savoir-faire peut prendre plusieurs formes : formation,


consulting, expertise, contrats de recherche, échanges et stages, remise de plans, liasses

37
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

de documents, de dossiers techniques, de matériel audio-visuel, de programmes


d'ordinateurs, etc.

La prestation réalisée sur une demande précise du partenaire, implique une obligation
de résultat mais n’implique pas forcément un apport inventif de la part du chercheur ou
de son laboratoire.

- L’octroi de licences : en dehors de l'exploitation d'un brevet par son détenteur, L’octroi
d’une licence est généralement la voie la plus courante pour valoriser une invention.
Cette modalité de valorisation consiste pour le titulaire d’un brevet (chercheur,
laboratoire de recherche, université, etc) à accorder les droits d'exploitation de son
brevet à un tiers (Mendes, Non daté) afin de lui permettre de fabriquer ou d'exploiter
l’invention brevetée pendant une période ou sur un territoire déterminés (Ménard et al.
1994).

L’octroi de licences peut être une source importante de financement pour les universités
lorsque la propriété intellectuelle des résultats de la recherche appartient à celles-ci
(Bray et Lee, 2000).

- La création d’entreprises (spin-offs universitaires).

Une spin-off est « une nouvelle entreprise créée au départ d’une université par des
membres du personnel scientifique ou enseignant dans le but d’exploiter des
connaissances ou technologies qui y ont été développées, par le biais d’activités
commerciales. »(Surlemont et al. 2001)

Ce mode de valorisation apporte une contribution concrète à l’emploi et au


développement économique et peut constituer une source de revenus importante pour
l'université (Doutriaux, 1987 ; Bray et Lee, 2000). La création de spin-offs permet
également de conserver des liens étroits avec le monde de la recherche. L’intérêt de ce
type d’entreprise ne se limite pas seulement à la création d’emploi mais aussi à ses
capacités à jouer le rôle d’interface entre la recherche universitaire et le secteur privé
(Mustar, 1997).

Dans le cas de la valorisation de la recherche par la création de spin-offs et contrairement


à l’octroi de licences, l’université assure une double mission. Elle doit non seulement

38
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

veiller au transfert technologique, mais également participer au processus de création


d'une nouvelle entreprise à laquelle la technologie sera transférée et exploitée (Warda
et Zieminski, 1997).

« Lorsque le rythme de création de spin-offs est élevé, on peut assister au


développement de "technopoles" telles que Silicon Valley, Austin, Cambridge ou
Bangalore » (Chantrain, 2002).

La création d’entreprise comme mode de valorisation de la recherche


universitaire

La création d’entreprise issue de la recherche académique n’est qu’un vecteur possible de


valorisation de la recherche universitaire (Harmon et al. 1997).

Contrairement aux autres modalités de valorisation (octroi de licences, prestation de services,


etc), la création d’entreprise (spin-offs) constitue un phénomène moins fréquent. Pourtant, les
retombées économiques de ce mode de valorisation sont très importantes.

« Universities wishing to stress economic and regional development (as many public
universities might do) should focus on start-up creations since these companies can potentially
create jobs in the local region or state» (Siegel, 2013, p. 131).

En effet, outre sa contribution à l’emploi à travers l’embauche du personnel hautement qualifié


(doctorants, jeunes docteurs, docteurs, personnel de recherche, etc) , la création de spin-offs
universitaires permet de s’assurer que l’invention n’a pas été rachetée par des entreprises
étrangères et de garantir des retombées économiques et sociales locales (Emin, 2003).

Aussi, « le contenu tacite élevé de la connaissance qui est transférée sur le marché grâce à la
création de la nouvelle entreprise ne peut l’être, bien souvent, que par ce moyen. Ceci évite
donc que de telles connaissances restent confinées dans le domaine universitaire » (Bonnet et
al. 2014).

En d’autres termes, dans certaines situations, l’invention ne peut être valorisée par un simple
octroi de licence car son exploitation nécessite, de par son caractère tacite et non transmissible,
une présence permanente de son inventeur.

39
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Le tableau 3 résume les principaux avantages et inconvénients de la création d’entreprise (spin-


off) par rapport au mode de valorisation le plus courant, à savoir l’octroi de licence (Emin,
2003).

Tableau 3: Comparaison des cessions de licence et des créations d’entreprise

Avantages Inconvénients

Contrat de licence

- Rapidité du retour sur investissement - Inadapté au transfert de technologies


- Sécurité émergentes et de rupture
- Facilité (repose sur un simple contrat) - Sépare l’inventeur de l’application de
son invention (i.e. réduction des
chances d’amélioration ou de
nouveaux développements)
- Risque de conflits lors du partage des
redevances
- N’implique pas forcément des
retombées économiques dans la
région de l’université, peut même
entrainer une dispersion à l’étranger.

Création d’entreprise

- Retombés économiques locales - Incertitude


- Création d’emplois - Complexité
- Adaptée au transfert de technologies - Longueur
émergentes et de rupture
- Transformation facilitée de
connaissances scientifiques en
produits et services

Source : Emin S. (2003)

Malgré les nombreux avantages de la valorisation de la recherche universitaire par la création


d’entreprise, cette modalité de valorisation constitue dans la plupart des cas une solution de
dernier recours. En effet, l’émergence de ce type particulier d’entreprise représente de

40
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

nombreux défis relatifs à l’incertitude, au risque et à la complexité de la transformation des


résultats de la recherche universitaire en firmes compétitives et durables. Aussi, du point de vue
de l’inventeur universitaire, la création de spin-off représente de nombreux défis
psychologiques relatifs à la difficulté de la transformation du chercheur en l’entrepreneur. Cette
transformation peut, si elle est mal gérée, être une source d’échec de son entreprise.

L’inventeur universitaire et l’entrepreneur

Au cours du processus de transformation de l’inventeur universitaire en entrepreneur, la


connaissance issue du laboratoire de recherche change de statut et transite d’un bien public en
un bien privé portant des caractéristiques opposées.

La marchéisation du savoir scientifique, c'est-à-dire la transformation d’un projet intellectuel


(bien public) en une organisation marchande exploitant un produit ou un procédé innovant (bien
privé), constitue un processus sensible et complexe.
En effet, selon (Arrow, 1962), le savoir scientifique est un bien public. Un bien public est
caractérisé par deux éléments fondamentaux : La non-excluabilté et la non-rivalité.

- La non-excluabilité du savoir : le savoir scientifique est un bien non-excluable.


Contrairement à un bien privé, le bien public (Samuelson, 1954) est caractérisé par sa
non-excluabilité. Nous parlons de la non-excluabilité, lorsqu’il n’existe pas un
mécanisme technique ou juridique qui prive un individu de profiter du bien. Dans le cas
particulier du savoir scientifique issu du laboratoire de recherche universitaire, il semble
délicat de priver les tiers de l’utilisation de la connaissance produite (Demsetz, 1970).

- La non-rivalité du savoir : Nous parlons de la non-rivalité, lorsque la consommation


d’un bien par un individu ne réduit en rien son utilisation par les autres individus.
Contrairement aux biens marchands, le savoir issu de la recherche universitaire est un
bien inépuisable, un nombre infini d’individu peut utiliser le même savoir sans réduire
la quantité ni la qualité disponible pour les autres individus.

De ces deux caractéristiques particulières « la non-rivalité et la non-excluabilité », résulte une


troisième particularité du savoir scientifique, à savoir : « la cumulativité ».

41
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Le savoir scientifique est un bien cumulatif caractérisé par un rendement croissant. En effet,
« Le savoir alimente le savoir (…) plus nous apprenons, plus nous sommes capables de
découvrir des idées nouvelles. Et contrairement aux ressources physiques, le nombre de choses
à découvrir est illimité »16. Contrairement au bien privé, le savoir scientifique ne devient plus
seulement un bien de consommation mais également un outil de production de nouvelles
connaissances encore plus conséquentes ;

Il est important de noter que l’inventeur universitaire et l’entrepreneur sont deux acteurs
importants du processus d’innovation.
« Les chercheurs et les entrepreneurs ont en commun d’être de fins observateurs. Ils sont
inventifs, ont une curiosité insatiable et cette volonté de développer une expertise par rapport à
un usage. Pour le reste, il existe malheureusement entre eux un fossé culturel qui est celui de
l’entrepreneuriat. » (Al Rubaee, 2015)

Pour devenir entrepreneur, l’inventeur universitaire doit subir une « schizo-transformation» que
Fremiot (2007) a résumé en trois éléments : la culture, le temps et les compétences :

- La culture
Pour se lancer dans l’aventure entrepreneuriale, l’inventeur universitaire doit changer de
culture. « Etre le premier à publier une découverte ne pourra plus, en effet, être son objectif
premier, mais bien se construire un avantage concurrentiel sur un marché, souvent international,
et s’y maintenir » (Blondel, 2002).

Le tableau 4 recense les principales différences entre la culture académique (le chercheur
universitaire) et celle du monde des affaires (l’entrepreneur).

16
Paul Romer (prix Nobel d'économie, 2008) dans un entretien au quotidien « Le Monde »
du 10 juin 1997.

42
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Tableau 4: Différences culturelles entre le chercheur et l’entrepreneur

Le chercheur universitaire L’entrepreneur

- divulgation générale et rapide des - non divulgation du savoir


savoirs

- prise de décision par consensus - prise de décision fondée sur la


performance

- désintérêt financier - recherche de profit

- reconnaissance par les pairs (corps - système de reconnaissance / sanction


scientifique) ou par publications établi par le marché

Source : Frémiot (2007)

Cette divergence culturelle conduit ainsi les inventeurs universitaires souhaitant créer leurs
propres entreprises à transformer leur culture, leur logique de pensée ainsi que leur système de
reconnaissance et de motivation.

- Le temps
Les inventeurs universitaires ont des horizons temporels qui diffèrent de ceux des
entrepreneurs. « Tandis que les premiers s’engagent dans des projets de découverte sans limites
de temps a priori, les seconds s’investissent dans des projets préalablement définis en termes
de temps et de coûts, c’est-à-dire des projets dont le dénominateur commun est l’argent »
(Frémiot, 2007). L’inventeur universitaire dispose généralement de tout le temps pour imaginer
et créer de nouveaux produits ou procédés, alors que l’entrepreneur fait de son mieux pour
réduire le temps est donc le coût nécessaire au développement de son produit.

« Ce raccourcissement du temps peut être un motif d’échec pour le chercheur entrepreneur.


En effet, sous sa casquette d’entrepreneur, le chercheur entrepreneur essayera de minimiser les
coûts et le temps nécessaire au développement de son produit, mais sous sa casquette de

43
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

chercheur, le moindre échec technologique dû au manque de temps lui procurera un déficit de


réputation» (Frémiot, 2007).

Cette « schizo » transformation de l’inventeur universitaire en entrepreneur impose à


l’inventeur entrepreneur de faire un arbitrage entre la réduction du temps et du coût pour
commercialiser son produit et son désir de développer un produit ou un procédé qui respecte
les exigences de ses pairs (le corps scientifique). En d’autres termes, l’inventeur entrepreneur
doit satisfaire les deux mécanismes de reconnaissance/ sanction qui caractérisent son statut
particulier, à savoir le marché et le corps scientifique (Frémiot, 2007).

- Les compétences
Les compétences exigées par le monde académique se démarquent de celles de l’univers des
affaires.

L’inventeur universitaire possède le savoir (le know what) et la connaissance scientifique des
lois et des principes qui régissent le fonctionnement des choses (le know why). Pourtant, ses
capacités d’apprentissage liées au know-how (le savoir-faire) et au know-who (le savoir-faire
faire) sont plus réduites.

Il est donc difficile pour un inventeur universitaire de construire une légitimité auprès du
marché et de réunir les ressources humaines et financières pour mener à bien son projet de
création d’entreprise.

Une des sources majeures d’échec de la jeune entreprise issue de la recherche universitaire est
« le manque de ressources complémentaires (scientifiques et commerciales) nécessaires à son
élaboration et à sa réussite » (Fremiot, 2007). En d’autres termes, l’inventeur universitaire venu
directement du monde académique souffre d’une solitude incompatible avec les exigences du
métier d’entrepreneur.

Pour faire à cette situation, l’inventeur universitaire doit impérativement s’ouvrir aux autres et
s’entourer d’une équipe de gestion qui partage sa vision et lui apporte l’appui et les compétences
nécessaires tout au long du processus de création et de développement de son entreprise.

44
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

« Or, s’il s’avère évident théoriquement que cette ouverture soit indispensable (Blondel, 1998),
sa pratique est extrêmement délicate.

Confronté à des logiques stratégiques et des cultures différentes, le chercheur entrepreneur va


être pris au piège entre ceux qui vont privilégier la « poussée de sa technologie » et ceux qui
vont favoriser « l’opportunité de marché ». Ce positionnement « entre deux » ou « à cheval sur
le monde des savoirs et sur celui des pratiques marchandes » (Blondel, 2002), soulève l’épineux
tiraillement que suscite la transformation d’un chercheur en entrepreneur » (Fremiot, 2007).

La valorisation de la recherche universitaire au Maroc : Etat des lieux

L’année 2000 constitue un tournant majeur de l’histoire de l’université marocaine. « Le pays a


entamé un processus qui vise la mise en place d’un écosystème national favorisant le
développement de la recherche scientifique nationale en général et l’innovation et la
valorisation des résultats de la recherche en particulier » (El youssoufi Attou et Arouch, 2015).

Au Maroc, la promotion et la valorisation de la recherche universitaire figurent actuellement


parmi les préoccupations majeures des pouvoirs publics. Outre la dimension académique, la
recherche universitaire doit également contribuer via la valorisation industrielle et la création
d’entreprises innovantes (spin-offs universitaires) au développement économique et social du
pays.

6.1. Organisation du système d’enseignement supérieur marocain 17

Le système d’enseignement supérieur marocain est composé de trois grands secteurs :

- L’enseignement supérieur public


- L’enseignement supérieur dans le cadre du partenariat
- L’enseignement supérieur privé

17
Site web du Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche Scientifique et de la
Formation des Cadres (www.enssup.gov.ma), Consulté le 08/05/2016.
45
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

L’enseignement supérieur public regroupe :

 Les Universités : ce sont des établissements publics sous la tutelle du Ministère de


l’Enseignement Supérieur, de la Recherche Scientifique et de la Formation des Cadres.
Le Royaume compte actuellement douze (12) universités publiques et une université
publique à gestion privée réparties sur les différentes régions du pays.
 Les Etablissements d’Enseignement Supérieur ne Relevant pas des
Universités (EENSNPU) : ce sont des établissements d’enseignement supérieur
spécialisés sous la tutelle administrative et financière de ministères techniques et sous
l’autorité pédagogique du Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche
Scientifique et de la Formation des Cadres.

Les universités et les établissements créés dans le cadre de partenariat sont des fondations
à but non lucratif créées dans le cadre de la dynamique d’internationalisation de l’enseignement
supérieur marocain. Ces universités et établissements sont sous l’autorité pédagogique du
Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche Scientifique et de la Formation des
Cadres.

L’enseignement supérieur privé comporte des universités et établissements crées par des
initiatives privées mais sous l’autorité pédagogique du Ministère de l’Enseignement
Supérieur, de la Recherche Scientifique et de la Formation des Cadres.

L’Enseignement Supérieur Universitaire au Maroc compte actuellement 23 universités


(Tableau 5), dont :

- 12 universités publiques
- 1 université publique à gestion privée
- 5 universités dans le cadre de partenariat public/privé
- 5 universités privées

46
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Tableau 5: Liste des universités publiques et privées au Maroc

Universités publiques - Université Ibnou Zohr -Agadir


- Université Sultan Moulay Slimane - Béni Mellal
- Université Hassan II - Casablanca18
- Université Chouaïb Eddoukkali - El Jadida
- Université Sidi Mohammed Ben Abdellah - Fès
Université Ibn Tofaîl -Kénitra
- Université Cadi Ayyad
- Université Moulay Ismaîl - Meknès
- Université Mohammed Premier - Oujda
- Université Mohammed V - Rabat19
- Université Hassan Premier - Settat
- Université Abdelmalek Essaâdi – Tétouan

Universités publiques à - Université Al Akhawayn – Ifrane


gestion privée

Universités dans le cadre de - Université Internationale – Rabat


partenariat public/privé - Université Polytechnique Mohammed VI -
Benguerir
- Université Euro-méditerranéenne - Fès
- Université Internationale Abulqasim Azzahraoui
des Sciences de la Santé - Rabat
- Université Mohammed VI des Sciences de la
Santé – Casablanca
Universités privées - Université Mundiapolis – Casablanca
- Université privée de Marrakech
- Université Internationale de Casablanca
- Universiapolis Agadir
- 5. Université Privée de Fès

18
Résultat de la fusion des deux universités de Casablanca-Ain Chock et Mohammadia
19
Résultat de la fusion des deux universités de Rabat Agdal et Rabat-Souissi
47
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

6.2. Organisation du système de la recherche au Maroc

Le système national de recherche (SNR) permet de concevoir et d’exécuter la politique


nationale en matière de recherche. Il est composé d’un ensemble coordonné de structures et
d’instances appartenant au secteur public et privé, à savoir20 :

- Les pouvoirs publics qui élaborent la politique nationale en matière de recherche à


travers la législation, la réglementation, la coordination, l’orientation, la planification,
la programmation, le financement et l’évaluation des activités de recherche sont :

 Le Comité Permanent Interministériel de la Recherche Scientifique et du


Développement Technologique,
 Le Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche Scientifique et de la
Formation des Cadres,
 L’Académie Hassan II des Sciences et Techniques,
 Le Conseil Supérieur de l’Education, de la formation et de la recherche
scientifique

- Les structures de mise en œuvre de la politique nationale en matière de recherche à


savoir les universités, les établissements ne relevant pas des universités et les
établissements publics de recherche.

- Les structures de valorisation des résultats des activités de recherche prévues dans le
cadre de la politique nationale en matière de recherche à savoir les structures des
interfaces universités - entreprises, les incubateurs pour la création des entreprises
innovantes, les pôles de compétences, les pépinières d’entreprises, les clusters, les cités
d’innovation, les technopôles, etc.

- Les structures d’évaluation interne et externe des activités de recherche.

20
Site web du Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche Scientifique et de la
Formation des Cadres (www.enssup.gov.ma), Consulté le 19/05/2016.
48
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

6.3. Structures de valorisation de la recherche au Maroc

Depuis 1998, de nombreuses structures de valorisation ont été développée par certains
établissements d’enseignement supérieur avec l’appui du département ministériel chargé de la
recherche. Plusieurs structures de valorisation ont vu le jour 21:

- Réseau de diffusion technologique (RDT) : est un programme conjoint entre le département


du Commerce et de l’Industrie et le Ministère chargé de la recherche scientifique. L’objectif du
RDT est d’accompagner les entreprises dans la réalisation de leurs objectifs d’innovation et de
développement technologique. Il met en synergie des compétences diverses (universités,
centres techniques, organisations professionnelle, etc) et permet aux universités de collaborer
avec les entreprises pour commercialiser les résultats de leurs recherches. C’est le cas, par
exemple, du projet de collaboration entre le centre d’innovation technologique de l’Ecole
Mohammadia des ingénieurs (EMI) la société à ARTCO (Encadré 1).

Encadré 1 : le rôle du RDT « Cas de la société ARTCO et du centre d’innovation


technologique de l’école Mohammadia des Ingénieurs (EMI) »
La société ARTCO, créée en 1992, est spécialisée dans la conception et la réalisation du tapis
fait main. Elle dispose d’une équipe de professionnels formée de 80 personnes spécialisées
dans leur domaine et dans la totale maîtrise du métier et la capacité d’adaptation permettant de
répondre à toutes les exigences. La satisfaction du client et la qualité du produit étant le centre
de ses préoccupations, elle s’est engagée dans une démarche de mise en place d’un système
de gestion de la qualité. Aujourd’hui les produits ARTCO sont certifiés ISO9001 : 2000. Par
le biais du RDT, la société ARTCO a conduit plusieurs activités d’innovation, notamment
pour la mise eu point d’un procédé de séchage pour la fabrication de tapis. Ce projet
d’innovation conduit avec le Laboratoire de synthèse des procédés industriels de l’École
Mohammadia d’ingénieurs (EMI) a permis à la société d’améliorer sa capacité de production
et de réduire ainsi le temps de livraison puisque le temps de séchage est divisé par 4, ainsi de
48 h à 12 h seulement.
Source : Ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur, de la formation
des cadres et de la recherche scientifique, 2007.

21
Ministère de l’Enseignement Supérieur de la Formation des Cadres et de la Recherche
Scientifique, Maroc 2006. Rapport de la Stratégie Nationale de la Recherche Scientifique à
l’horizon 2025.
49
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

- Réseau Maroc Incubation et Essaimage (RMIE) : est géré par le Centre National pour la
Recherche scientifique est Technique (CNRST). Il a pour mission de favoriser, d’accompagner
et de soutenir la valorisation des résultats de la recherche académique et la création d’entreprises
innovantes (spin-offs) à travers une démarche d’incubation et d’essaimage. Outre l’action
d’accompagnement, de formation et de networking, le RMIE apporte un appui financier aux
porteurs de projets innovants dans la limite d’un plafond de 230 Milles Dirhams. Cet appui
financier est destiné à soutenir les études et les expertises nécessaires à la validation du business
plan (études de faisabilité technique, prototypes, brevets, étude de marché, étude financière,
etc)
Depuis sa création en 2002, le Réseau Maroc Incubation et Essaimage (RMIE) a amorcé le
démarrage de plusieurs incubateurs universitaires22 :
- Centre d’Innovation Technologique (CIT) de l´École Mohammadia d’Ingénieurs (EMI)
de Rabat.
- Centre d’Incubation et d’Accueil des Entreprises Innovantes (CIAEI) de l´École
Nationale Supérieure des Mines de Rabat (ENSMR)
- L´Incubateur Universitaire de Marrakech (INMA) de l’université Cadi Ayyad.
- Centre Universitaire Doukkala Incubation (CUDI) de la Faculté des Sciences d´El
Jadida
- L´Incubateur Régional Inter-universitaire du Sud (IRIS) de l’Université Ibn Zohr
d’Agadir.
- L’Incubateur RESIN de l’Institut National des Postes et Télécommunications (INPT).
- L´Incubateur du Technopark de Casablanca.
- L´Incubateur Dynamique Est de la faculté des Sciences Économiques, Juridiques et
Sociales d´Oujda.
- L’Incubateur MaroBtikar de l’Université Hassan 1er de Settat.
- L’Incubateur de l’Université Al Akhawayn (Al Akhawayn Incubator), Ifrane.
- Pépinière Maroc Incubation du Centre National pour la Recherche Scientifique et
Technique (CNRST).
- Centre Universitaire d’Incubation de Tadla-Azilal (CUITA), Université Sultan Moulay
Slimane, Beni Mellal.

22
Source : Site web sur Réseau Maroc Incubation et Essaimage (www.rmie.ma), consulté le
08/05/2016
50
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

- L´Incubateur Universitaire IBDA3 de l’Université Moulay Ismail de Meknès.


- L´Incubateur de l’Université Internationale de Rabat.

- Programme INNOV’ACT : est un programme lancé par l’association R&D Maroc.


L’objectif de ce programme est de rapprocher le monde des entreprises, le monde universitaire
et les centres de recherches en favorisant la collaboration étroite entre les entreprises innovantes
et les structures de recherche (laboratoires publics et/ou des centres techniques). Le programme
INNOV’ACT apporte aux entreprises un financement plafonné à 200 Milles Dirhams pour les
TPE, 400 Milles Dirhams pour les PME et 700 Milles de Dirhams pour le groupement
d’entreprises (Minimum deux PME ou une grande entreprise avec deux PME).

- Réseau Génie Industriel (RGI) : est constitué d’universitaires, de chercheurs et d’ingénieurs


spécialisés en génie industriel. Le RGI a pour mission d’organiser des formations au profit des
responsables du génie industriel (cadres d’entreprises et entrepreneurs), et d’accompagner les
entreprises dans l’amélioration de leur productivité. Le point focal du RGI est situé au niveau
de l’ESTC (Ecole Supérieure de Technologie de Casablanca.

- Association R&D Maroc : l’objectif de l’association R&D Maroc est d’initier, promouvoir
et encourager le développement de l’innovation et de la R&D dans les entreprises marocaines.
Elle contribue à l’encouragement de la valorisation des résultats de la recherche issus des
laboratoires de recherche publics. Sa mission s’organise autour des axes suivants :

- Sensibiliser et convaincre les décideurs pour l’instauration et l’encouragement des


activités de R & D dans leurs entreprises. A cette fin, l’Association Marocaine pour
la Recherche Développement organise des colloques, des séminaires, des voyages
d’études et des visites d’entreprises autour du thème R & D Innovation, tout comme
elle se propose de soutenir des projets porteurs d’innovation ;

- Proposer et pousser à la mise en place d’un cadre réglementaire et fiscal incitatif en


menant des actions auprès des pouvoirs publics et des instances politiques ;

- Attirer et canaliser les financements intérieurs et extérieurs pour la R & D ;

51
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

- Créer un lieu opérationnel entre l’association et les chercheurs nationaux d’une part,
et avec les marocains à l’étranger d’autre part. Ce lieu pourra être facilité par la
création des réseaux constitués de clubs de recherche et de développement ;

- Faciliter les synergies entre les laboratoires de R & D dans les entreprises et les
autres institutions de recherche23.

Il est à noter que l’association R&D Maroc contribue également aux activités des réseaux :
Réseau Maroc Incubation et Essaimage (RMIE), Réseau de diffusion technologique (RDT) et
Réseau Génie Industriel (RGI).

- Structures d’interface université – entreprise : l’objectif de ces structures est de


faciliter la collaboration entre les établissements universitaires et le monde socio-
économique dans les domaines de la R&D, du conseil et de la formation.

- Cités de l’innovation : l’objectif de ces cités de l’innovation est de redynamiser la


recherche universitaire à travers la valorisation de la R&D, la promotion de l’innovation,
et la création d’entreprises innovantes via la valorisation de la recherche universitaire.

6.4. Mécanismes de financement de la recherche et de l’innovation au Maroc

La recherche scientifique et technique est fiancée en grande partie par le secteur public. En
effet, en 2008, « le secteur public a financé 73% de la recherche au Maroc, le secteur privé 22%
(Cugusi, 2008), le partenariat public-privé 1%, le partenariat public-public 1% et la coopération
3% » (Djeflat, 2012).

Les fonds publics et privés affectés à la recherche et développement ont représenté 0,8% du
PIB en 2012, contre 0,64% en 2006. Il est prévu de faire passer ce chiffre à 1% en 2016.
Actuellement, le Maroc a mis en œuvre plusieurs mécanismes de financement afin de soutenir
la recherche et l’innovation.

23
Source: Site web de R&D Maroc (www.rdmaroc.com), consulté le 08/05/2016

52
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

6.4.1. Instruments publics de financement

- Le Fond de Soutien à l’Innovation (FSI)


Le CMI (Centre Marocain de l’Innovation) est créé dans le cadre de l’initiative « Maroc
Innovation » lancée par le Ministère chargé du Commerce et de l’Industrie et le Ministère
chargé de la Recherche Scientifique. Cette initiative vise à créer un environnement favorable à
la recherche et à l’innovation
Le Centre Marocain de l'Innovation joue le rôle d’un guichet unique de financement des projets
d’innovation et de R&D. Le fond de soutien à l’innovation (FSI) est doté d’une enveloppe de
400 MDH et gère trois instruments de financement dont INTILAK, TATWIR et PTR (Tableau
6). A travers, ce fond de soutien à l’innovation, l’initiative « Maroc Innovation » s’est fixée
l’objectif ambitieux de financer 800 projets à l’horizon 2014, dont 200 projets INTILAK, 105
projets TATWIR et 500 projets PTR (Zemmita, 2014).

Tableau 6: Les différents instruments de financement (INTILAK, TATWIR, PTR)

Cible Quotité de Dépenses couvertes


financement

INTILAK Startup à fort Couverture à -Salaires de nouvelles recrues affectées


potentiel de hauteur de 90% des aux projets de développement
développement, en dépenses liées au technologique et d’innovation, dans la
phase de projet de double limite d’un brut mensuel de 10.000
démarrage et développement Dhs par profil et de 600.000 Dhs au titre
porteuse de projet dans la phase post du montant global des salaires et charges
de valorisation des création, dans la sociales y afférentes.
résultats de limite de 1 million
recherche et projets de Dhs. -Dépenses liées à l’acquisition ou la

innovants, orientées location du matériel et des biens

marché, et exerçant d’équipement ou à l’achat de licences de

dans le secteur brevets pour le projet financé. Sont

industriel, des TIC exclues les licences d’utilisation de

ou des technologies logiciels.

avancées
-Coûts des prestations d’expertises
(études de faisabilité, business plan,

53
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

conception, prototypage et procédés


industriels, plan marketing, rédaction et
protection du brevet)

TATWIR Projets 50% des dépenses -Prestations relatives à la conduite


d’innovation et de engagées dans le d’études de faisabilité et de validation de
R&D cadre d’un projet de la preuve de concept, l’élaboration du
développement de business plan, la conception, le
portés par des
R&D, dans la limite prototypage et les procédés industriels,
entreprises, en
de 4 millions de l’élaboration et l’exécution de plan
phase de Dhs. marketing dans la double limite de 25% du
développement, plafond de la subvention.
qui
-Dépenses liées à la propriété
exercent dans le industrielle dans la limite de 1 million de
secteur Dhs.

industriel (MMM),
-Dépenses du personnel technique
des TIC ou des
nouvellement recruté (ingénieurs,
technologies chercheurs, techniciens) pour les besoins
avancées. Les du projet, dans la double limite d’un
salaire mensuel brut de 10.000 Dhs par
consortia de
profil et 750.000 Dhs au titre du montant
sociétés éligibles
global des salaires et charges sociales y

agissant dans le afférentes.

cadre de clusters
-Acquisition ou location du matériel et
peuvent également biens d’équipements et achats de
bénéficier de licences et brevets nécessaires pour la
conduite du projet. Sont exclues les
cet instrument.
licences d’utilisation et d’exploitation des
logiciels.

54
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

PTR Entreprises ou Couverture des Coûts des prestations d’expertises liées à :


consortiums ou dépenses afférentes
groupements aux prestations -Un diagnostic technologique visant
constitués éligibles à hauteur l'émergence/formulation de besoins en
d'entreprises de 75% et ce dans prestations technologique/d’innovation,
éligibles relevant la limite d'un dans la limite de 36 000 Dhs.
des secteurs de plafond de 100.000
-Une collaboration à contenu
l’industriel, des TIC Dhs.
technologique avec un centre de
ou des technologies
compétences tiers, s'inscrivant dans un
avancées.
programme d'innovation ou de
développement de produit ou procédé
nouveaux ou fortement améliorés.

-La preuve du concept ou l'étude de


faisabilité et de validation technico-
économique du projet.

-La rédaction de brevet.

Source : Site du Centre Marocain de l’innovation (CMI) « www.cmi.net.ma »

- Programme de soutien à la R&D technologique


Il s'agit d’un programme de soutien à la R&D technologique doté d'une enveloppe de 50
Millions de Dirhams. Il consiste à financer les projets de R&D dans le secteur des technologies
avancées ainsi que les entreprises associées à un laboratoire public ou à un consortium
réunissant des laboratoires publics.
Ce programme permet de couvrir jusqu’à 50% du coût total du projet dans la limite de 2
Millions de Dirhams TTC.

- Programme IMTIAZ
Le programme IMTIAZ est lancé par le ministère de l’industrie, du commerce, de
l’investissement et de l’économie numérique. Ce programme est mis en œuvre par l’Agence
Nationale pour la promotion de la Petite et la Moyenne Entreprise (ANPME) avec l’appui des
banques partenaires (BMCE, Crédit du Maroc, Attijariwafa Bank, Arab Bank, etc). Il consiste
à soutenir annuellement 80 entreprises innovantes à fort potentiel de croissance à travers l’octroi

55
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

d’une prime à l’investissement matériel (machines, matériels etc) et/ou immatériel (brevet,
fonds de commerce, etc). Ce programme permet de couvrir jusqu’à 20% du coût global du
projet dans la limite de 5 Millions de Dirharms.

- RMIE (Incubation et Subvention)


Le Réseau Maroc Incubation et Essaimage (RMIE) est géré par le Centre National pour la
Recherche scientifique est Technique (CNRST). Il a pour mission de favoriser, d’accompagner
et de soutenir la valorisation des résultats de la recherche académique et la création d’entreprises
innovantes (spin-offs) à travers une démarche d’incubation et d’essaimage.
Outre l’action d’accompagnement, de formation et de networking, le RMIE apporte un appui
financier aux porteurs de projets innovants dans la limite d’un plafond de 230 Milles Dirhams.
Cet appui financier est destiné à soutenir les études et les expertises nécessaires à la validation
du business plan (études de faisabilité technique, prototypes, brevets, étude de marché, étude
financière, etc).

- INNOV’ACT
INNOV’ACT est programme lancé par l’association R&D Maroc. L’objectif de ce programme
est de rapprocher le monde des entreprises, le monde universitaire et les centres de recherches
en de favorisant la collaboration étroite entre les entreprises innovantes et les structures de
recherche (laboratoires publics et/ou des centres techniques).
Le programme INNOV’ACT apporte aux entreprises un financement plafonné à 200 Milles
Dirhams pour les TPE, 400 Milles Dirhams pour les PME et 700 Milles de Dirhams pour le
groupement d’entreprises (Minimum deux PME ou une grande entreprise avec deux PME).

6.4.2. Apport du secteur privé

- Business Angels
Les business angels (ou investisseurs providentiels) sont des personnes physiques (souvent des
femmes ou des hommes d’affaire), passionnés par l’aventure entrepreneuriale et disposant d’un
patrimoine privé important. Les business angels investissent une partie de leur richesse dans
des entreprises innovantes à fort potentiel de croissance.
Contrairement à d’autres pays, le phénomène de business angels est très récent au Maroc. Le
premier réseau marocain de business angels (Atlas Business Angels) a été créé en 2008. Il s’agit
d’un réseau qui regroupe une trentaine d’investisseurs individuels. Les business angels
56
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

apportent aux jeunes entrepreneurs du capital, de l’expérience, de la crédibilité, du réseau et du


temps, maximisant ainsi les chances de succès de la jeune entreprise innovante.

- Capital Investissement
Le capital investissement (ou private equity en anglais) est un investissement en fonds propres
ou quasi fonds propres (Douhane et Rochi, 2007). Il consiste à entrer dans le capital d’une
entreprise non cotée pour une durée déterminée.

La notion du capital investissement et souvent confondue avec celle du capital risque (venture
capital en anglais). En effet, le « capital investissement » est un terme générique. Nous
distinguons plusieurs grandes catégorie du capital investissement dont le capital risque, qui
constitue la forme du capital investissement la plus risquée car il intervient
au stade de démarrage des jeunes firmes innovantes lorsque le développement du produit
n’est pas encore terminé et les premières ventes n’ont pas encore eu lieu (Begard, 2013). Le
Capital Risque n’est alors qu’une composante du Capital Investissement.

L’industrie du capital investissement est très récente au Maroc (début des années 90). L’AMIC
(L’Association Marocaine des Investisseurs en Capital) créée en 2000, regroupe aujourd’hui la
quasi-totalité des investisseurs en capital marocains.
En moins de 15 ans, les montants levés cumulés par l’industrie marocaine du Capital
Investissement sont passés de 400 millions de Dirhams à 10,68 milliards de Dirhams24.
Le potentiel de développement de l’industrie du capital investissement, à inciter quelques
acteurs bancaires marocains (Attijariwafa bank, BCP, BMCE, etc) et compagnies d’assurances
(CNIA, WAFA Assurance, AXA, etc) à créer leurs propres fonds de capital investissement.
Ci-dessous (Tableau 7) une liste non exhaustive des principaux fonds de capital investissement
au Maroc issus du secteur privé et du partenariat public-privé :

24
Amic : Association Marocaine des investisseurs en capital
57
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Tableau 7: Les principaux fonds de capital investissement au Maroc

Sociétés de gestion Fonds gérés

ABRAAJ CAPITAL Al Kantara LP

ALMAMED Massinissa

Massinissa Lux

ATLAMED AM Invest Morocco

ATTIJARI INVEST Agram Invest

Igrane

Moroccan Infrastructure Fund

AUREOS CAPITAL Aureos Africa Fund

Africa Health Fund

AZUR PARTNERS NEBETOU FUND

CDG CAPITAL PRIVATE EQUITY Accès Capital Atlantique

Fonds Sindibad

Cap Mezzanine

CAPITAL INVEST Capital Morocco

Capital North Africa Venture Fund

CFG CAPITAL CFG Développement

Idraj

DAYAM SA Fonds Dayam

ENTREPRISES PARTNERS 3P Fund

58
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

FIROGEST FIRO

HOLDAGRO SA Targa

MAROC INVEST MPEF I et Afric Invest I

MPEF II et Afric Invest II

MPEF II

MITC Maroc Numeric Fund

PRIVATE EQUITY INITIATIVES PME Croissance

RIVA Y GARCIA Mediterrania

UPLINE INVESTMENTS Upline Technologies

Upline Investment Fund

Fond Moussahama I et II

OCP Innovation Fund for Agriculture (OIFFA)

VIVERIS Alterned Maghreb

Source : Conférence des nations unies sur le commerce et le développement


Capital investissement au Maroc : Guide Pratique pour entrepreneurs

6.4.3. Le Crowdfunding

Le crowdfunding (ou financement participatif en français) est un mode de financement qui


permet à un grand nombre d'individus, généralement des internautes, de financer un projet par
un apport en capital ou par un prêt. Cette technique est facilitée par le développement des
réseaux sociaux et des plateformes web dédiées au financement collaboratif.
Le crowdfunding connait alors une véritable montée en puissance dans le monde (Onnée et
Renaulot, 2013). Cette technique de financement offre une alternative innovante aux circuits
classiques de financement (prêts bancaires, fonds d’investissement, etc).

59
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Au Maroc, le cadre réglementaire ne permet pas encore le décollage du crowdfunding. La loi


est encore trop rigide pour faciliter le développement de ce mode de financement, notamment
le texte de loi relatif à l’appel public aux dons et à la générosité publique. En effet, loi n° 004-
71 relative aux appels à la générosité publique stipule dans son article premier qu’«iI ne peut
être organisé, effectué ni annoncé d'appel à la générosité publique sur la voie et dans les lieux
publics ou chez les particuliers par quelque personne et sous quelque forme que ce soit, sans
autorisation du secrétaire général du gouvernement». Pourtant, il existe quelques initiatives de
crowdfunding au Maroc qui essayent de faire face aux difficultés imposées par le cadre
réglementaire notamment à travers des partenariats avec des plateformes étrangères et des
organismes de microcrédit. C’est l’exemple de la plateforme web de crowdfunding maroco-
française « smala & co » ou encore de « INMAA » qui a développé un partenariat avec
« babyloan », l’un des acteurs de crowdfunding en France.

6.5. Le développement de la culture des brevets au sein de l'université marocaine

Les dépôts de brevets d’invention d’origine marocaine présentent une progression significative.

L’année 2013 a connu un bond de 61% des dépôts des demandes de brevets par rapport à 2012,
soit 315 brevets d’origine marocaine déposés en 2013 contre 195 brevets en 2012. En 2014, ce
chiffre est passé à 353 demandes déposées (Figure 3).

Figure 3: Dépôt de demande de brevets d’invention d’origine marocaine

Source : Rapport d’activité, OMPIC (2014)

60
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Cette augmentation est liée principalement à une hausse notable du nombre de brevets
d’invention émanant des universités marocaines.

En effet, en 2014, la quote-part des demandes de brevets d’invention émanant des universités
marocaines a constitué 45% de l’ensemble des demandes d’origine marocaine. Ce pourcentage
atteint 49% en 2015 (Figure 4).

Figure 4: Ventilation des demandes de brevets d’invention d’origine marocaine par


nature de déposant

Source : Rapport d’activité, OMPIC (2014)

Selon l’Office marocain de la propriété industrielle et commerciale (OMPIC), le nombre de


brevets déposés par les universités marocaines a connu une progression notable de 138% entre
2012 et 2013 atteignant le nombre de 138 brevets en 2013 et 158 en 2014 contre seulement 58
en 2012 (figure 5). A rappeler qu’en 2008, un seul brevet avait été déposé pour passer à 158 en
2014.

61
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Figure 5: Evolution du nombre de brevets d’invention émanant des universités


marocaines

Source : Rapport d’activité OMPIC (2014)

Au cours de l’année 2015, les demandes des 10 principaux déposants marocains représentent
62% de l’ensemble des dépôts de demandes de brevet d’invention d’origine marocaine, dont
75% proviennent des universités25.

A la tête des déposants universitaires figure l’Université Mohammed V de Rabat (44 brevets),
suivie de l’Université internationale de Rabat (40 brevets), de l’Université Hassan II de
Casablanca (9 brevets), de l’Université Hassan 1er de Settat (3 brevets) et de l’Université Cadi
Ayyad de Marrakech (3 brevets) (Tableau 8).

Tableau 8: Les 10 principaux déposants (personnes morales) d’origine marocaine


(Année 2015)

Dépôts (année 2015)


Université Mohamed V Rabat 44
Université Internationale de Rabat (UIR)* 40
Fondation MASCIR 31
Université Hassan II Casablanca 9
Université Hassan 1er Settat 3

25
Rapport d’activité, OMPIC (2015)
62
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Université CADI AYYAD Marrakech 3


Ecole Supérieure des Industries du Textile et de 2
l’Habillement / Université Hassan II Casablanca
Ecole Nationale Supérieure d’Electricité et de Mécanique 2
Espace ZEMMOURI 2
RAYANE d’irrigation 2
*7 demandes de brevets d’invention en copropriété avec l’union des inventeurs marocains

Source : Rapport d’activité OMPIC (2015)

Il est à noter qu’au total, 552 brevets ont été déposés entre 2008 et 2015 par des universités
publiques et privées marocaines (Tableau 9).

Tableau 9: Evolution des demandes de brevets d’invention déposées par les universités
marocaines

Avant 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 Total
2008
0 1 11 39 38 58 138 158 109 552

Source : Rapports annuels OMPIC (2011-2012-2013-2014-2015)

Cette augmentation enregistrée par quelques universités au cours des cinq dernières années,
reflète les efforts déployés par les pouvoirs publics pour développer le système national de
recherche et d’innovation.
C’est le cas de l’OMPIC (office marocain de la propriété industrielle et commerciale) qui joue
un rôle fondamental dans la sensibilisation, la formation et l’information au profit des
chercheurs universitaires et des responsables de laboratoires de recherche.

63
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

CONCLUSION DU CHAPITRE I
Dans ce premier chapitre, nous avons présenté l’évolution historique de l’image de l’inventeur
en général et de l’inventeur universitaire en particulier.

Ensuite, sur la base d’une analyse de documents (rapports d’activité, statistiques, sites web,
etc), nous avons dressé un état des lieux du système national de l’innovation et de la valorisation
de la recherche au Maroc.

Les rapports d’activité (2013-2014-2015) de l’OMPIC dévoilent une évolution exponentielle


de dépôts de brevets issus de la recherche universitaire.

En effet, selon l’Office marocain de la propriété industrielle et commerciale (OMPIC), le


nombre de brevets déposés par les universités marocaines a connu une progression notable de
138% entre 2012 et 2013 atteignant le nombre de 138 brevets en 2013 et 158 en 2014 contre
seulement 58 en 2012. A rappeler qu’en 2008, un seul brevet avait été déposé pour passer à 158
en 2014.

Pourtant, malgré cette dynamique positive, le taux d’exploitation des brevets d’invention ne
dépasse pas 4%.

Rappelons que l’objectif de notre thèse est de comprendre l’origine du faible taux de création
d’entreprises issues des laboratoires de recherche universitaires.

Cette problématique peut être appréhendée à partir de plusieurs angles. Nous avons choisi, dans
notre projet de thèse, de nous positionner en amont de la création d’entreprise et d’étudier une
phase centrale du processus entrepreneurial, à savoir : l’intention entrepreneuriale.

64
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

CHAPITRE II- CONTRIBUTION DES THEORIES DE


L’INTENTION AU PHENOMENE DE LA CREATION
D’ENTREPRISE

65
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

INTRODUCTION DU CHAPITRE II
Pour comprendre les origines du comportement entrepreneurial, nous avons besoin de
comprendre les changements dans les facteurs antérieurs qui ont déclenchés ce comportement
(Tounés, 2003). Dans ce sens, il est important de se positionner en amont de l’acte
entrepreneurial. Etudier les étapes en amont de la création d’entreprise permet de comprendre
comment un individu développe un comportement entrepreneurial, bien avant d’arriver au stade
de la création effectif de l’entreprise.

L’intention entrepreneuriale est une phase centrale du processus entrepreneurial. Elle occupe
une place extrêmement importante dans la décision de créer une entreprise (Linan et Chen,
2009). L’intention entrepreneuriale est considérée parmi les premières étapes du processus de
création d’entreprise. Elle est le meilleur prédicateur du devenir entrepreneurial et un élément
nécessaire pour l’exécution du comportement (Fishbein et Ajzen, 1975 ; Fayolle, Gailly et
Lassas-Clerc, 2006).

Etudier l’intention entrepreneuriale est d’une grande importance pour comprendre les facteurs
favorisant ou inhibant le potentiel entrepreneurial des inventeurs universitaires. En effet, à
travers la mobilisation des modèles de l’intention, il y a lieu de comprendre en profondeur les
raisons pour lesquels les inventeurs universitaires ne valorisent pas leurs brevets d’invention.

Le présent chapitre traite donc des principales théories de l’intention entrepreneuriale.

Avant d’explorer les principales théories de l’intention. Nous allons dans un premier temps
présenter les différentes approches dominantes de la recherche en entrepreneuriat. Ensuite, les
principaux modèles théoriques seront examinés. Enfin, une attention particulière sera accordée
aux modèles de l’intention entrepreneuriale.

66
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

De nombreuses écoles de pensée se sont succédé pour analyser les raisons qui amènent certains
individus à entreprendre (Fayolle et Degeorge, 2012). Plusieurs chercheurs ont essayé de mettre
en avant les comportements (approche comportementale), les caractéristiques psychologiques
et les traits de personnalité (approche descriptive) qui caractérisent les entrepreneurs et les
distinguent des autres individus (les non-entrepreneurs) (Greenberger et Sexton, 1988 ; Gartner,
1990 ; Shaver et Scott, 1991).

Toutefois, malgré une vaste littérature consacrée aux caractéristiques psychologiques des
entrepreneurs, il est toujours possible de recenser de nouveaux traits de personnalité de ces
entrepreneurs mais il est impossible de définir un profil type de l’entrepreneur. En effet, il n’y
a pas d’entrepreneur typique (Low et Mac Millan, 1988 ; Bull et Williard, 1993).

Vers le début des années 90, un grand débat a animé la communauté des chercheurs en
entrepreneuriat. Il concernait la critique des approches focalisées sur les traits de personnalité
(approche descriptive) et celles centrées sur les comportements (approche comportementale).
Stevenson et Jarillo (1990) affirment « qu’il est réducteur d’expliquer un comportement
complexe (l’entrepreneuriat) en se référant à quelques traits psychologiques ou
sociologiques »26. Il paraît important de s’ouvrir à de nouvelles perspectives de recherche qui
prennent en considération l’aspect dynamique et processuel de l’entrepreneuriat (Gartner,
1990). Autrement dit, les recherches en entrepreneuriat ne sont plus centrées sur l’entrepreneur
et ses traits de personnalité mais plutôt sur le processus entrepreneurial (Carter, Gartner et
Reynolds, 1996).

L’approche par processus est une approche dynamique qui s’intéresse à des phénomènes en
évolution. Elle « s’oppose aux approches fixistes du monde où l’on fige des relations et l’état
des notions et des concepts. (…) Elle correspond à toutes ces publications récentes où il n’est
plus question du créateur et de ses caractéristiques, mais de formation d’organisation, de
création d’organisation, d’émergence organisationnelle, etc » (Hernandez, 1995).
Contrairement à l’approche descriptive et comportementale, l’approche processuelle privilégie
une vision plus large de l’entrepreneuriat. Dans cette perspective, plusieurs recherches
s’intéressant à l’amont et à l’aval du processus de création ont vu le jour (Bourguiba, 2007).

26
Cité par Bourguiba (2006)

67
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Ainsi, le concept d’intention a été mobilisé par de nombreux chercheurs vu son caractère
prédictif du comportement entrepreneurial (Krueger et Carsrud, 1993).

L’intention entrepreneuriale est une phase centrale du processus entrepreneurial et occupe une
place extrêmement importante dans la décision de créer une entreprise (Linan et Chen, 2009).
Elle est le meilleur prédicateur du devenir entrepreneurial et un élément nécessaire pour
l’exécution du comportement (Fishbein et Ajzen, 1975 ; Fayolle, Gailly et Lassas-Clerc, 2006).

En effet, pour comprendre les origines du comportement entrepreneurial, nous avons besoin de
comprendre les changements dans les facteurs antérieurs qui ont déclenchés ce comportement
(Tounés, 2003). « L’entrepreneuriat ne peut se contenter d’études en aval, notamment celles
concernant l’acte d’entreprendre. Les recherches qui s’opèrent en amont permettent de mieux
expliquer celles qui se font sur la base de comportements observés. Elles les enrichissent et les
consolident» (Tounés, 2003). En d’autres termes, explorer les étapes en amont de la création
d’entreprise permet de comprendre pourquoi et comment un individu développe un
comportement entrepreneurial, bien avant d’arriver au stade de la création effectif de
l’entreprise.

Etudier l’intention entrepreneuriale est d’une grande importance pour comprendre les facteurs
favorisant ou inhibant le potentiel entrepreneurial des inventeurs universitaires. En effet, à
travers la mobilisation des modèles de l’intention, il y a lieu de comprendre en profondeur les
raisons pour lesquels les inventeurs universitaires ne valorisent pas leurs brevets d’invention.

Le présent chapitre traite donc des principales théories de l’intention entrepreneuriale.

Avant d’explorer les principales théories de l’intention. Nous allons dans un premier temps
présenter les différentes approches dominantes de la recherche en entrepreneuriat. Ensuite, les
principaux modèles théoriques seront examinés. Enfin, une attention particulière sera accordée
aux modèles de l’intention entrepreneuriale.

68
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Les approches dominantes de la recherche en entrepreneuriat

La littérature entrepreneuriale permet de distinguer trois principales approches : descriptive,


comportementale et processuelle.
L’approche descriptive (ou approche par les traits) répond à la question « qui est
l’entrepreneur ? », l’approche comportementale (ou approche par les faits) répond à la question
« que fait l’entrepreneur ? » et la troisième approche (approche processuelle) répond à la
question « Comment ? »

1.1. Approche descriptive (Approche par les traits)

L’approche descriptive appelée également, approche par les traits (Stevenson et Jarillo, 1990)
est une approche centrée sur l’individu. Elle consiste à repérer les traits de personnalité et les
caractéristiques qui définissent la personnalité de l’entrepreneur. L’hypothèse principale
derrière cette école de pensée est que les entrepreneurs possèdent des traits de personnalité, des
attributs personnels et un système de valeurs qui les prédisposent à une activité entrepreneuriale
et les distinguent des autres individus (les non-entrepreneurs) (Greenberger et Sexton, 1988 ;
Gartner, 1990 ; Shaver et Scott, 1991).

Jusqu’à la fin des années 80, de nombreux chercheurs ont essayé de mettre en avant les
caractéristiques psychologiques et les traits de personnalité qui caractérisent les entrepreneurs
qui réussissent. « L’approche par les traits de personnalité a essayé d’établir le profil
psychologique typique de l’entrepreneur, en partant du principe que les personnes qui
possèdent les mêmes caractéristiques que les entrepreneurs auront une tendance supérieure ou
un potentiel à agir de manière entrepreneuriale, ce dont seront dépourvues les personnes qui ne
possèdent pas ces caractéristiques. Les chercheurs ont donc procédé par la recherche de
déterminants du comportement (besoins, attitudes, croyances et valeurs spécifiques).
L’entrepreneur et le non-entrepreneur doivent pouvoir être différenciés par des tendances
entrepreneuriales et des traits psychologiques distincts » (Basso, 2006).

Parmi les traits de personnalité cités dans la littérature : le goût de risque, le besoin
d’accomplissement, le besoin de pouvoir, la créativité, l'innovation, le besoin d'indépendance
et d'autonomie (Marchesnay, 1997, Reynolds, 1988 ; Cachon, 1992).

69
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Le tableau 10 résument les principales caractéristiques de l’entrepreneur recensées dans la


littérature : variables démographiques et sociodémographiques, variables de parcours, variables
motivationnelles, variables de contrôle, variables affectives et émotionnelles, traits de
personnalités, etc.

Tableau 10: Les principales caractéristiques de l’entrepreneur

Caractéristiques de l’entrepreneur Auteur

Propension à prendre des risques Brockhaus (1980)

Profession des parents, éducation, satisfaction du premier Collins et Moore (1970)


emploi, attitudes sociales

Parents, immigrants, éducation, emplois précédents, âge Cooper et Dunkelberg (1981)

Education, nombre d’enfants, religion, affiliation à un club Davids (1963)


sportif ou à une association

Age, mariage, éducation, expérience, discipline, réussite, De Carlo et Lyons (1979)


autonomie, agressivité

Crédibilité, peur de perdre son travail, expérience Draheim (1972)


professionnelle, antécédents

Réussite, locus of control, formation Durand (1975)

Sexe, âge, ethnie, profession des parents Gomolka (1977)

Autodiscipline et persévérance, désir de succès, orientation Hirisch et O’Brien (1981)


action, orientation

Accomplissement, autonomie, agressivité, reconnaissance, Hornaday et Aboud (1971)


leadership, indépendance, discipline, milieu familial,
pouvoir

Accomplissement, intelligence, créativité, énergie, Hornaday et Bunker (1970)


initiative, autonomie, leadership, argent, reconnaissance,
pouvoir, affiliation

70
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Age, statut marital, éducation, expériences Howell (1972)

désirabilité sociale, préférences de travail, locus of control, Hull, Bosley et Udell (1980)
risque, créativité, réussite

risque, indépendance, leadership, reconnaissance, soutien, Litzinger (1965)


conformisme, considération

Réussite, optimisme, affiliation, pouvoir, conscience, McClelland (1961)


ascétisme, devoir accompli

Réussite, autonomie, domination, endurance, discipline, Mescon et Montanari (1981)


locus of control

Age, expériences, éducation, milieu familial Thome et Ball (1981)

Réussite, pouvoir, affiliation Wainer et Rubin (1969)

machiavélisme, estime, risques, innovation, rigueur, Welsch et Young (1982)


gouvernance, optimisme

Source : Grandclaude & Nobre (2013) (Traduit et adapté de Gartner, 1988)

Malgré une vaste littérature consacrée aux caractéristiques psychologiques des entrepreneurs,
il est toujours possible de recenser de nouveaux traits de personnalité de ces entrepreneurs mais
il est impossible de définir un profil type de l’entrepreneur. En effet, il n’y a pas d’entrepreneur
typique (Low et Mac Millan, 1988 ; Bull et Williard, 1993).

Les critiques soulevées à l'égard de cette approche ont été très nombreuses. « Selon Vesper
(1985) et Gartner (1990), la recherche du profil de l’entrepreneur ne répond pas à la question
fondamentale, à savoir : comment une entreprise voit-elle le jour ? L’entrepreneur type est un
mythe. Par conséquent, toute typologie qui tenterait de catégoriser les entrepreneurs à partir des
traits de personnalité paraît illusoire » (Diakite, 2004).

Dans son célèbre article « Who is an entrepreneur ? Is the wrong question », Gartner (1988)
soulève plusieurs critiques à l’égard de l’approche par les traits. Il propose de se focaliser sur
ce que fait l’entrepreneur (approche par les faits) et non ce qu’il est (approche par les traits).

71
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

En d’autres termes il s’agit de remplacer la question «qui est l’entrepreneur?» par « que fait
l’entrepreneur?»

1.2. Approche comportementale (Approche par les faits)

Nous parlons souvent de l’entrepreneur (self-made man) mais nous oublions que sa réussite ne
dépend pas uniquement de ses traits de personnalité et de ses caractéristiques psychologiques.
En effet, « l’entrepreneur se forme graduellement, influencé d’abord affectivement par sa
famille, ensuite symboliquement par le milieu du travail et ses modèles entrepreneuriaux, et
enfin sociologiquement par son implication graduelle dans un milieu, son enracinement et son
intégration dans ce dernier » (Schmitt, 2008). En d’autres termes, la dimension individuelle de
l’entrepreneur n’est rien sans un environnement adéquat.

« Les variables environnementales caractérisant les individus sont donc devenues, elles-mêmes
de réels objets d'analyse » (Tounés, 2003). De nombreuses publications ont montré
l’importance de l’environnement socioculturel, du réseau personnel et professionnel, du
contexte familial et du cadre politique et économique dans l’explication des comportements
entrepreneuriaux. (Bowen et Hisrich, 1986 ; Hisrich et O’Cinneide, 1986 ; Aldrich et al, 1987;
Filion, 1991 ; Saglio, 1991 ; Casson, 1991).

« L'approche comportementale est donc intéressante en ce qu'elle se préoccupe des


comportements de l'entrepreneur dans l'exercice de son activité, lesquels s'inscrivent dans un
environnement culturel, social, économique et politique » (Gartner, 1988) »27.
Dans les années 1990, les recherches en entrepreneuriat se sont orientées vers l’étude des
comportements des entrepreneurs (approche comportementale). La logique sous-tendant cette
approche veut que l'on puisse prédire la performance des entrepreneurs en observant le « faire
entrepreneur » et non « l’être entrepreneur ». Autrement dit, l’approche comportementale s’est
orientée vers la définition de l’entrepreneur par ce qu’il fait, c'est-à-dire par les actions et les
comportements qu’il engage tout au long du processus de création d’entreprise plutôt que par
ses traits de personnalité (Chandler et Jansen, 1992).

27
Cité par Tounés, A. (2003)
72
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Selon Gartner (1993), la meilleure manière d’étudier le comportement entrepreneurial est de


suivre la logique adoptée par Mintzberg pour étudier le comportement managérial : « Je crois
que la recherche sur les comportements entrepreneuriaux doit être fondée sur le travail de
terrain selon le modèle de l’étude de Mintzberg sur le travail managérial. Les chercheurs
doivent observer les entrepreneurs lorsqu’ils sont en train de créer des organisations. Ce travail
doit être décrit en détail et les activités systématisées et classifiées. La connaissance des
comportements entrepreneuriaux dépend du travail de terrain.»28

Le tableau 11 recense les principaux comportements entrepreneuriaux cités dans la littérature


entrepreneuriale (Bird, Schjoedt et Baum, 2012)29.

Tableau 11: Les principaux comportements entrepreneuriaux cités dans la littérature


entrepreneuriale

Comportement Auteur
Temps passé à développer des liens Greve et Salaff (2003)
Encourager la participation des employés Rauch & al. (2005)
Résolution de problèmes Hite (2005)
Recherche de capitaux Orser & al. (2006)
Obtenir du soutien Hanlon et Saunders (2007)
« Behavior sequences » Detienne et Chandler (2007)
Concevoir produits et services Cloninger et Oviatt (2007)
Approcher l’investisseur Zhang & al. (2008)
Communiquer avec le client De Clerq et Rangarajan (2008)
« Scanning frequencies » Stewart & al. (2008)
Rôle de l’entrepreneur selon les phases Wright & al. (2008)
Rapidité de décision Talaulicar & al. (2005)
Débattre la décision Talaulicar & al. (2005)
Interaction avec les agents externes Grandi et Grimaldi (2005)
Organiser Lichstenstein & al. (2006)
Planifier (sous-comportements et temps) Gruber (2007)

28
Cité par Hernandez, É. M. (1995)
29
Adapté et Traduit et par Didier Grandclaude et Thierry Nobre (2013)

73
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Improviser Hmielski et Corbett (2008)


Planifier le temps Bluedorn et Martin (2008)
Transmettre la crédibilité, organiser, tisser Zott et Huy (2007)
des liens avec l’actionnaire
Acquérir l’information Dyer & al. (2008)
Leadership (directif et participatif) Hmieleski et Ensley (2007)
Source : Grandclaude & Nobre (2013)

Vers le début des années 90, un grand débat a animé la communauté des chercheurs en
entrepreneuriat. Il concernait la critique des approches focalisées sur les traits de personnalité
(approche descriptive) et celles centrées sur les comportements (approche comportementale).

Stevenson et Jarillo (1990) affirment « qu’il est réducteur d’expliquer un comportement


complexe (l’entrepreneuriat) en se référant à quelques traits psychologiques ou
sociologiques » 30 . En effet, « La création d’entreprises cesse d’être analysée comme la
photographie instantanée d’un événement où le créateur est d’abord seul (…) puis n’est plus
seul, mais joue toujours le rôle principal (…). Elle devient un film dont le créateur est un des
acteurs ; c’est l’approche axée sur le processus entrepreneurial » (Hernandez, 1995).

1.3. Approche processuelle

Depuis le début des années 90, les recherches en entrepreneuriat changent d’orientation pour
s’intéresser désormais au processus entrepreneurial. En effet, de nombreux auteurs ont affirmé
qu’il est réducteur de limiter l’étude du phénomène entrepreneurial en se référant à quelques
traits de personnalité (approche descriptive) ou à des comportements (approche
comportementale). Il paraît important de s’ouvrir à de nouvelles perspectives de recherche qui
prennent en considération l’aspect dynamique et processuel de l’entrepreneuriat. Autrement
dit, les recherches en entrepreneuriat ne sont plus centrées sur l’entrepreneur et ses traits de
personnalité mais plutôt sur le processus entrepreneurial (Carter, Gartner et Reynolds, 1996).
Le tableau suivant (Tableau 12) dresse un recensement des définitions de l’entrepreneuriat
selon l’approche processuelle.

30
Cité par Bourguiba (2006)
74
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Tableau 12: Quelques définitions de l’entrepreneuriat selon l’approche processuelle

Auteur Définition
Bygrave et Hofer « The entrepreneurial process involves all the
(1991, p.14) functions, activities and actions associated with the
perceiving of opportunities and the creation of
organisations to pursue them ».
Cunningham et Lischeron (1991, L’entrepreneuriat est un processus itératif de création
p.57) d’idées, d’évaluation personnelle, de remise en cause
actuelle et future : «this process involves creating the
idea, assessing one’s personal habilites, and taking
actions now and in the future ».
Bruyat (1993) L’entrepreneuriat est une dialogique individu-
création de valeur nouvelle, dans une dynamique de
changement créatrice.
Venkataraman (1997) L’entrepreneuriat est défini comme « the scholarly
examination of how, by whom and with what effects
opportunities to create future goods and services are
discovered, evaluated and exploited ».
Shane et Venkataraman (2000, Le champ de l’entrepreneuriat renferme « the study
p.218) of sources of opportunities; the process of discovery,
evaluation, and exploitation of opportunities ; and the
set of individuals who discover, evaluate, and exploit
them ».
Verstraete (2003, p.13) « L’entrepreneuriat concerne le phénomène relevant
d’une relation symbiotique entre l’entrepreneur et
l’organisation impulsée par celui-ci».
Source : Omrane, A., Fayolle, A., et Zeribi-BenSlimane, O. (2011)

L’approche par processus est une approche dynamique qui s’intéresse à des phénomènes en
évolution. Elle « s’oppose aux approches fixistes du monde où l’on fige des relations et l’état
des notions et des concepts (…). Elle correspond à toutes ces publications récentes où il n’est
plus question du créateur et de ses caractéristiques, mais de formation d’organisation, de
création d’organisation, d’émergence organisationnelle, etc » (Hernandez, 1995).

Contrairement à l’approche descriptive et comportementale, l’approche processuelle privilégie


une vision plus large de l’entrepreneuriat.

Bygrave et Hofer (1991), traduisent l’évolution de la recherche en entrepreneuriat par quelques


questions clés (Tableau 13).

75
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Tableau 13: Quelques questions clés dans le champ de l'entrepreneuriat

Approche centrée sur l’entrepreneur Approche centrée sur le processus


entrepreneurial
1-Qui devient entrepreneur ? 1-Qu'est-ce qui permet la perception
d'opportunités de manière efficace et
performante?

2-Pourquoi devient-on entrepreneur ? 2-Quelles sont les tâches clés pour créer avec
succès une entreprise ?

3-Quelles sont les caractéristiques des 3-En quoi ces tâches diffèrent-elles de celles
entrepreneurs qui réussissent? mises en œuvre dans les organisations
existantes?

4-Quelles sont les caractéristiques des 4-Quelles sont les contributions spécifiques de
entrepreneurs qui échouent ? l'entrepreneur dans le processus ?

Source : Hernandez, É. M. (1995)

« Si l’approche descriptive cherche à comprendre le rôle de l’entrepreneur dans l’économie et


la société, si l’approche comportementale explique les actes et les comportements des
entrepreneurs en les situant dans leurs contextes spécifiques, la démarche processuelle a pour
objet d’analyser dans une perspective temporelle et contingente, les variables personnelles et
environnementales qui favorisent ou inhibent l’esprit d’entreprise, les actes et les
comportements entrepreneuriaux» (Tounés, 2003).

La notion de processus entrepreneurial a été développée par plusieurs chercheurs en


entrepreneuriat : Gartner (1990), Shane et Venkateraman (2000), Reynolds (2000), Bygrave et
Hofer (1991), etc.

Gartner (1990) définit le processus entrepreneurial comme étant le processus qui précède la
création d’une organisation. : Il commence par « l’initiation », c'est-à-dire le moment où

76
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

l’entrepreneur décide de créer une entreprise et se termine par « l’établissement » c'est-à-dire


la création de l’entreprise (Figure 6).

Figure 6: Le processus entrepreneurial selon la définition de Gartner (1990)

Source : Aouni, Z. (2006)

D’autres auteurs définissent le processus entrepreneurial sous un angle plus élargi que celui de
la création d’une nouvelle organisation (Gartner, 1999).

A titre d’exemple, Shane et Venkataraman (2000), définissent le processus entrepreneurial


comme étant le processus d’identification et d’exploitation d’une opportunité. Contrairement à
Gartner (1990), ces auteurs se sont intéressés aux étapes du processus entrepreneurial qui
précédent « l’initiation » au sens de Gartner.

Selon Shane et Venkatraman (2000), le processus entrepreneurial est constitué de trois phases
fondamentales : (1) l’existence ou l’apparition de l’opportunité, (2) l’identification de
l’opportunité et (3) l’exploitation de l’opportunité.

1) l’existence ou l’apparition de l’opportunité : Shane et Venkatraman (2000)


considèrent que « les opportunités sont « des phénomènes objectifs » dont
l’existence est indépendante de leur découverte par l’entrepreneur, ce qui justifie la
prise en compte de leur apparition comme étant une étape à part entière dans le
processus entrepreneurial » (Aouni, 2006) ;

2) l’identification de l’opportunité : la reconnaissance d’une opportunité suppose


la possession des habilités de perception, d’un esprit alerte et d’un comportement

77
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

orienté vers la recherche d’information. « Si les opportunités sont apparentes à tous


les individus en même temps, seuls ceux détenant des informations prioritaires et
les capacités cognitives nécessaires arrivent à les reconnaître » (Aouni, 2006).
L’identification des opportunités suppose « la capacité à les percevoir lorsque
d’autres voient le chao, des contradictions et la confusion (Timmons, 1989)»31 ;

3) l’exploitation de l’opportunité : Durant cette phase, l’entrepreneur doit mettre en


place les actions nécessaires pour concrétiser son projet de création d’entreprise.
Cette phase est caractérisée par une grande incertitude et un haut degré ambiguïté.
Durant cette phase, les actions de l’entrepreneur sont orientées principalement vers
l’acquisition des ressources aussi bien matérielles (financement, machines, etc)
qu’immatérielles (capital social, information, etc).

Quelques modèles processuels d’entrepreneuriat

L’approche processuelle consiste à analyser, comprendre et expliquer le dynamisme et la


complexité du processus entrepreneurial, qui commence par la génération de l’idée et se
termine par la création de l’entreprise. «Un processus entrepreneurial est une vue
dynamique de la création d'entreprise. Il correspond à un ensemble de décisions, d'actions et
d'orientations, qui sont prises en fonction des perceptions de l’entrepreneur (ou de l’équipe
entrepreneuriale) concernant les buts du projet, ses propres motivations, les ressources
disponibles et l’état de l’environnement » (Fayolle, 2005)32. Aujourd'hui, plusieurs modèles
théoriques ont vu le jour pour accompagner le développement de l’approche processuelle.

Dans ce qui suit nous allons présenter une synthèse des principaux modèles théoriques
développés dans la littérature entrepreneuriale.

2.1. Modèle de Bruyat (1993)

Bruyat (1993) propose une modélisation du processus de création d’entreprise et met l’accent
sur trois phases centrales que peut prendre ce processus (Figure 7) :

31
Cité par Aouni, Z. et Surlemont, B. (2007)
32
Cité par Firlas (2012)

78
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Figure 7: Le processus de création d'entreprise selon Bruyat (1993)

- Phase 1 : Le processus est déclenché (étape 2 et 3)


Durant cette phase, l’individu (entrepreneur potentiel), réfléchit sérieusement à l’idée de
création d’entreprise. Il commence à y consacrer du temps et de l’argent.
C'est durant cette phase que le plan d’affaire est élaboré. L’entrepreneur potentiel possède un
statut professionnel hybride où il garde son ancien emploi s'il est salarié ou étudiant, ou
continue à rechercher une nouvelle activité s'il est chômeur ou fraichement diplômé (Tounés,
2003).

Cette phase ne conduit pas forcément à l’engagement total dans une activité de création
d’entreprise. L’entrepreneur potentiel peut à tout moment renoncer (PR) ou échouer (E) dans
son futur projet entrepreneurial. Ce renoncement peut être définitif ou temporaire.
- Phase 2 : Le processus est engagé (étape 4)
Durant cette phase, l'individu (entrepreneur naissant) consacre l'essentiel de ses ressources
matérielles et immatérielles à son projet de création d’entreprise. Cette étape est caractérisée
par des investissements conséquents en argent, en temps et en énergie. L’importance de ces
investissements rend l’abandon (PR) difficile, ce serait un échec pour l’entrepreneur naissant.
79
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

- Phase 3 : le processus est achevé (étape 5)


Le processus est terminé (étape 5) et l’entreprise devient une entité économique existante et
reconnue par ses partenaires internes et externes. Elle parvient à atteindre son seuil de
rentabilité et à assurer son équilibre financier. Durant cette étape, l’entrepreneur naissant se
transforme en dirigent de PME.
Le processus de création d’entreprise proposé par Bruyat (1993) se résume en 5 étapes
dynamiques. Chaque étape de ce processus représente une configuration de trois composantes,
à savoir : les aspirations de l’entrepreneur, ses compétences et ses ressources ainsi que les
opportunités qu’offre l’environnement.
Ces trois composantes représentent la configuration stratégique instantanée perçue par
l’entrepreneur potentiel (CSIP) (Figure 8).

Figure 8: La CSIP de l’entrepreneur (Bruyat, 1993) ou 3 E de l’entrepreneur


(Paturel, 1997)

La zone A correspond à des projets qui sont perçus par le créateur comme à la fois désirables
et faisables. Dans cette zone, l’entrepreneur potentiel considère qu’il possède les compétences
et les ressources pour réussir son projet de création.

80
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

La zone B fait référence à des projets en harmonie avec les aspirations, les compétences et les
moyens de l’entrepreneur potentiel, mais qui ne sont pas nécessairement acceptés par
l’environnement.
La zone C correspond à des projets cohérents avec les aspirations du créateurs et possibles vis-
à-vis de l’environnement, mais difficiles à réaliser faute de compétences et de ressources.

La zone D correspond à des projets qui sont acceptés par l’environnement et pour lesquels le
créateur possède les compétences et les moyens nécessaires, mais qui sont incompatibles avec
les aspirations profondes de l’individu.

« Au cours du temps, un projet est susceptible d’évoluer dans ces différentes zones. Un projet
ou une vision localisée dans la zone A, peut, en se précisant au fil du temps, se situer en fait
dans la zone B» ( Bruyat, 1993).
« Créer une entreprise n’entre pas dans la zone de cohérence de la CSIP (configuration
stratégique instantané perçue) que s’il s’agit d’une action perçue comme désirable et faisable,
ce qui suppose, souvent qu’il y ait une CSIP « chaude » (une situation insatisfaisante) et
manoeuvrante » (Saleh, 2011).

2.2. Le processus de création d’entreprise selon Hernandez (1999)

Hernandez (1999) introduit un modèle processuel où il attribue une place importante au


créateur et à l’opportunité d’affaire ainsi qu’aux caractéristiques psychologiques et
sociologiques de l’individu. Ce modèle est composé de quatre étapes interactionnistes :
l’initiation, la maturation, la décision et la finalisation.

Etape I - Phase d’initiation : reflète essentiellement l’héritage de l’entrepreneur potentiel,


c'est-à-dire ses traits de personnalité, sa culture personnelle et professionnelle, sa psychologie,
son origine familiale, etc. « Ces données sont structurantes du projet et influencent la
configuration du champ des possible » (Truche et Reboud, 2009).

Etape II - Phase de maturation : Hernandez (2001) définit le concept de maturation comme


une phase de reconnaissance de l’opportunité d’affaire. Au cours de cette phase, le projet
entrepreneurial retrouve plus de cohérence avec son environnement, ses évolutions
technologiques, culturelles et démographiques (Hernandez, 2001). Cette phase correspond à
l’activation des caractéristiques psychologiques de l’entrepreneur et de son héritage cultuel
81
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

dans un projet de création. C’est au cours de cette période que se construit la vision de ce que
l’entrepreneur potentiel veut faire et de la manière dont il peut le faire.

Phase III - Phase de décision : fait référence à la décision de créer et de concrétiser le projet
de création d’entreprise.

Phase IV - Phase de finalisation : correspond au « temps de la mise en œuvre avec pour borne
supérieure la création réussie » (Guyot et Vandewattyne, 2008).

2.3. Le processus entrepreneurial selon Hisrich (1989)

Selon Hisrich (1989), l’entrepreneuriat est « le processus qui consiste à vouloir créer quelque
chose de différent et possédant une valeur, en lui consacrant le temps et le travail nécessaires,
en assumant les risques financiers, psychologiques et sociaux correspondants et à en recevoir
les fruits sous forme de satisfaction pécuniaire et personnelle »33. La valeur entrepreneuriale
d’une opération résulte en grande partie de la volonté et de l’engagement du créateur dans le
processus de création d’entreprise. Hisrich (1989) divise ce processus en quatre étapes (Tableau
14).

Tableau 14: Le processus entrepreneurial selon Hisrich (1989)

1- Identifier et 2- Mettre au point 3- Déterminer 4- Gérer


évaluer un plan les ressources l’entreprise
l’opportunité d’entreprise nécessaires

-Origine et durée -Caractéristiques du - Ressources -Style et structure de


de l’opportunité segment de marché actuelles de management
l’entrepreneur
-Valeur réelle et -Plan commercial -Variables clés de la
apparente de -Insuffisances de réussite
l’opportunité -Contrainte de ressources et
production fournitures -Identification
-Risques et -Plan et impératifs disponibles des problèmes y
rendement de financiers compris des
l’opportunité -Accès aux problèmes
-Forme ressources potentiels
-Confrontation de d’organisation nécessaires
l’opportunité aux -Instaurer des
compétences et -Positionnement et systèmes de contrôle
objectifs personnels stratégie d’entrée sur
le marché

33
Cité par Daval, H. (1998)
82
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

2.4. Le processus entrepreneurial selon Bygrave (1989)

L’entrepreneuriat est un phénomène complexe qui évolue dans le temps. Pour comprendre
l’événement entrepreneurial, il est important d’étudier les facteurs antérieurs qui ont donnés
naissance à cet événement (Bygrave, 1989).

A travers son modèle (Figure 9), Bygrave (1989) conçoit l'entrepreneuriat comme un processus
dynamique déclenché par une succession de variables personnelles, sociologiques,
environnementales et organisationnelles.

Figure 9 : Le processus entrepreneurial – Bygrave (1989)

- Les variables personnelles : Bygrave (1989) répartit ces variables en deux catégories : la
première intervient au niveau l’émergence de l’idée de création (besoin d’accomplissement,
locus de contrôle, goût du risque, valeurs et traits personnels, expériences antérieures et
formation de l’entrepreneur potentiel). La deuxième catégorie quant à elle, agit sur le
déclenchement de l’événement de création "Triggering event" (perte d'emploi, insatisfaction
au travail, prise de risque, âge, formation, etc).

83
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

- Les variables sociologiques : concernent l’influence du réseau personnel et professionnel du


créateur (parents, amis, famille, collègues, modèles d’entrepreneurs, etc)

- Les variables environnementales : ces variables sont réparties en deux groupes. Le premier
agit sur l’émergence de l’idée de création et le déclenchement de l’événement entrepreneurial
(opportunités du marché, créativité et rôle du modèle). Le deuxième groupe, quant à lui,
intervient au niveau du déclenchement de l'événement entrepreneurial et de sa mise en œuvre
(concurrence, ressources, incubateurs d’entreprise, politiques publiques).

Dans leur article « Theorizing about entrepreneurship », Bygrave et Hofer (1991) citent neuf
caractéristiques relatives au processus entrepreneurial:

«- il est initié par un acte de volonté humaine ; l'essence de l'entrepreneurship est


l’entrepreneur ;
- il arrive au niveau d'une firme individuelle ;
- il implique un changement d'état, un « saut quantique », un changement de l'environnement
externe d'un état (sans la nouvelle entreprise) vers un autre état (avec la nouvelle entreprise) ;
- il implique une discontinuité, particulièrement dans la structure compétitive d'une industrie et
parfois même la création d'une nouvelle industrie ;
- c'est un processus holistique qui ne peut être évalué qu'en regardant l'ensemble de tout le
système industriel comme le notent aussi McDougall et al. (1994) ;
- c'est un processus dynamique où l’entreprise et l’industrie à laquelle elle appartient évoluent
constamment ;
- il est unique puisque aucune autre tentative de création d'entreprise ne sera exactement la
même ou n'arrivera dans le même contexte ;
- il implique de nombreuses variables antécédentes à l'événement entrepreneurial (nombre,
forces et positionnement des compétiteurs, ressources, positionnement et stratégie de la
nouvelle entreprise, taille, croissance et besoins des clients, etc) ;
- le résultat final du processus entrepreneurial est très sensible aux conditions initiales de ces
variables. » (Baronet, 1996).

Malgré les apports de l’approche processuelle, elle reste incomplète et limitée. L’une des
principales limites de l’approche processuelle est qu’elle se focalise sur l’étude de la période

84
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

de gestation du projet d’entreprise et néglige l’étude de l’occurrence de l’événement


entrepreneurial et l’identité du créateur (Audet, 2001).

En effet, il est absurde de parler de la création d’entreprise en négligeant l’individu qui donne
naissance à l’organisation, à savoir le créateur.
A cet égard, « le concept d’intention entrepreneuriale prend tout son sens. Les modèles basés
sur la conception intentionnelle de la création entrepreneuriale, en se positionnant au carrefour
de différentes écoles de pensée, apportent une explication plus centrée sur les mécanismes
affectant l’intention et la concrétisation du projet entrepreneurial » (Bourguiba, 2007).

Dans ce sens, et compte tenu de son caractère prédicateur du comportement entrepreneurial, la


phase intentionnelle mérite d’être étudiée davantage.

L’intention, clef du comportement entrepreneurial

Pour comprendre les origines du comportement entrepreneurial, nous avons besoin de


comprendre les changements dans les facteurs antérieurs qui ont déclenchés ce comportement
(Tounés, 2003). Dans ce sens, il est important de se positionner en amont de l’acte
entrepreneurial. Etudier les étapes en amont de la création d’entreprise permet de comprendre
et d’expliquer pourquoi et comment un individu développe un comportement entrepreneurial,
bien avant d’arriver au stade de la création effectif de l’entreprise.

L’intention entrepreneuriale est une phase centrale du processus entrepreneurial. Elle occupe
une place extrêmement importante dans la décision de créer une entreprise (Linan et Chen,
2009).

L’intention entrepreneuriale est considérée parmi les premières étapes du processus de création
d’entreprise. Elle est le meilleur prédicateur du devenir entrepreneurial et un élément nécessaire
pour l’exécution du comportement (Fishbein et Ajzen, 1975 ; Fayolle, Gailly et Lassas-Clerc,
2006).

Avant d’étudier en profondeur le concept d’intention, il convient de la positionner au sein du


processus entrepreneurial.

85
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Selon Tounés (2006), le processus de création d’entreprise et subdivisé en quatre phases


majeures : la propension, l’intention, la décision et l’acte (Figure 10).

Figure 10: les différentes phases du processus entrepreneurial

Source : Tounés (2003)

La première étape du processus entrepreneurial est la propension. La propension correspond


à « une inclination, un penchant à s'engager dans une démarche entrepreneuriale » (Fayolle,
2000). En d’autres termes, la propension entrepreneuriale signifie la sensibilité à une carrière
entrepreneuriale. C’est une combinaison des traits de personnalité, des caractéristiques
psychologiques, du réseau social personnel et professionnel ainsi que des expériences
antérieures de l’entrepreneur potentiel (Learned, 1992 ; Tounés, 2003).

La deuxième phase du processus entrepreneurial est l’intention. Ce qui distingue l’intention


de la propension est « l'existence d'une idée ou d'un projet d'affaire plus ou moins formalisé, et
l'engagement personnel (en temps, en argent et en énergie) dans le processus de création
d'entreprise » (Tounés, 2003).

L’intention peut se transformer en décision de création. Nous différencions ces deux concepts
par deux aspects essentiels : Le premier est relatif à la finalisation de la formation de l’idée ou
du projet d’affaire dans ses moindres détails. Le deuxième aspect, quant à lui, est relatif à la

86
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

mobilisation totale des ressources de l’entrepreneur naissant (humaines, financières, logistiques


etc) (Tounés, 2003).

La dernière phase du processus entrepreneurial, correspond au passage à l’acte


d’entreprendre, qui correspond au démarrage proprement dit de l’activité entrepreneuriale, à
travers la réalisation des premiers produits ou services.

Il est important de signaler que le processus entrepreneurial ne suit pas forcément un


cheminement linéaire. L’intérêt du modèle présenté dans la figure 10 est de simplifier le
positionnement des chercheurs dans le champ de l’entrepreneuriat. « Certes, l'intention précède
souvent la décision et l'acte de création. Mais les cheminements entrepreneuriaux des individus
sont très différents, pour ne pas dire singuliers » (Tounés, 2003).

3.1. Le concept d’intention

Les travaux sur l’intention trouvent leur source dans les recherches issues du domaine de la
psychologie sociale (Fishbein et Ajzen, 1975; Triandis, 1980 ; Ajzen, 1991, Eagly et Chaiken,
1993, etc).

Au sens épistémologique, « l’intention » découle du verbe latin « intendere » qui signifie


« tendre vers ». Le dictionnaire « Le Robet » définit l’intention comme « le fait de se proposer
un certain but». Le Larousse (1989) la définit comme « une disposition d’esprit par laquelle on
se propose délibérément un but ». En d’autres termes, l’intention représente la volonté tendue
vers un certain but (Tounés, 2003). Elle fait référence à un état psychologique et une tension
mentale orientée vers l’action par la définition d’un but.
La conception mentaliste, quant à elle, définit l’intention comme étant une cause mentale de
l’action.

Selon Triandis (1980), les intentions correspondent à des instructions que donne un individu à
lui-même pour se comporter d’une certaine manière. « Elle implique des idées comme, "je dois
faire…", ou "je vais faire…" ou "je ferai…" » (Limayem et Rowe, F, 2006).

Pour Eagly et Chaiken (1993), l’intention fait référence à « la motivation d'une personne
orientée vers son plan conscient d'exercer un effort pour exécuter un comportement ».

87
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Quant à Ajzen (1991), l’intention représente la volonté d’essayer et l’effort qu’un individu est
prêt à consentir pour se comporter d’une certaine façon. C’est un état d’esprit qui oriente les
comportements des individus. L’intention représente une structure cognitive incluant les fins
et les moyens ( Ajzen, 1987 ). Elle constitue un intermédiaire entre l’attitude et le
comportement (Fishbein & Ajzen, 1975). En d’autres termes, l’intention représente le relais
entre la logique mentale et la logique d’action. « Généralement, plus une intention de s’engager
dans un comportement est forte, plus sa réalisation devrait être probable » (Gribaa, 2013).

Outre l’importance donnée au concept de l’intention dans les recherches en psychologie et en


sciences sociales, l’étude de l’intention a également suscité un intérêt croissant de la part des
chercheurs en sciences de gestion, notamment en marketing, en gestion des ressources
humaines ou encore en entrepreneuriat.

Ainsi, dans le domaine entrepreneurial, de nombreux chercheurs ont tenté de définir le concept
d’intention (Krueger et Carsrud, 1993 ; Bruyat, 1993; Bird, 1988 ; Tounés, 2003).

Krueger et Carsrud (1993) considèrent l’intention entrepreneuriale comme « une


structure cognitive qui inclut les fins et les moyens ». Cette acceptation du concept de
l’intention rejoint celle de Bird (1988) qui conçoit l’intention comme un processus cognitif qui
découle des besoins, des motivations et des valeurs de l’individu. C’est « un état de pensée qui
dirige l’attention (et par conséquent l’expérience et l’action) vers un objectif spécifique, la
nouvelle organisation, et une façon de l’atteindre » (Bird, 1988, cité par Boissin, Emin,
Herbert, 2007). Pour Fayolle (2002), l’intention entrepreneuriale fait référence à une
propension à entreprendre.

Bruyat (1993), quant à lui, définit l’intention comme une volonté individuelle ou un état d’esprit
qui est tourné vers la création d’entreprise. Elle ne doit pas être confondue avec le
comportement, c’est à dire l’acte de création d’entreprise. La complexité de l’acte
entrepreneurial suppose la prise en considération des variables psychologiques et
contextuelles qui influencent l’intention. En d’autres termes, l’intention est certes une volonté
personnelle, mais qui s’inscrit dans un environnement et qui dépend d’un contexte (Tounés,
2003).

88
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Le tableau (Tableau 15) récapitule les principales acceptations du concept d’intention (Gribaa,
2013).

Tableau 15: Récapitulatif de quelques définitions de l’intention

Auteurs Définitions proposées de l’intention


Différentes Conception mentaliste L’intention est la cause mentale de l’action.
acceptations
Conception un état mental mystérieux, dont on ne postule
téléologique finalement l’existence que sur la base d’une
(Anscombe, 1957) déclaration d’intention.

Conception l’intention vient du verbe latin "intendere" qui


épistémologique signifie "tendre vers".
(comme étude de la
connaissance)

Champ de la Fisbein et Ajzen l’intention est le meilleur prédicateur du


Psychologie (1975) comportement, elle présente l’intermédiaire
Sociale entre l’attitude et le comportement.

Triandis (1980) L’intention correspond aux instructions que se


donne l’individu pour se comporter d’une
certaine façon.

Bagozzi (1981, 1982) l’intention est une variable à part entière, qui
explique le comportement

Ajzen (1991) elle est l’indicateur de l’intensité de la volonté


d’essayer, de l’effort que les individus

89
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

planifient de déployer afin de réaliser un


comportement.

Champ Bird (1988) représentation cognitive de l’individu


Entrepreneurial
Krueger et Carsrud l’intention entrepreneuriale est une structure
(1993) cognitive qui inclut les fins et les moyens

Bruyat (1993) l'intention entrepreneuriale est une volonté

Tounés (2003) une volonté individuelle qui s'inscrit dans un


processus cognitif mais elle est fonction des
contextes socioculturel et économique.
Source : Gribaa (2013)

Il existe de nombreuses acceptations du concept d’intention. Cette variété de définitions montre


que le concept n’a pas de signification unique. Certains auteurs la représentent comme un état
mental, d’autres parlent de volonté personnelle, d’autres encore la considèrent comme une
structure cognitive.

Pour notre part, nous retenons la conception d’Ajzen (1991). Ce dernier, définit l’intention
comme un indicateur de l’intensité de la volonté d’essayer et de l’effort qu’un individu est prêt
à consentir pour se comporter d’une certaine façon. C’est un état d’esprit qui oriente les
comportements des individus. Dans notre cas, il s’agit de la création d’entreprise.

Après avoir présenté les différentes acceptations du concept d’intention, nous développons,
dans ce qui suit, les principaux cadres théoriques modélisant l’intention entrepreneuriale.

90
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

3.2. Les principaux cadres théoriques modélisant l’intention

3.2.1. Théorie de l’action raisonnée (Ajzen et Fishbein, 1975)

La théorie de l’action raisonnée tient ses origines de la psychologie sociale. L’intention joue
un rôle central dans ce modèle théorique. Selon cette théorie, le comportement d’un individu
est fortement dépendant de son intention à l’adopter.

Dans le modèle de l’action raisonnée, les attitudes prédisent les intentions qui, à leurs tours
prédisent le comportement. L’intention est considérée comme un médiateur entre les attitudes
et les comportements (Figure 11). Il s’agit principalement des comportements volontaires et
raisonnés.

Figure 11: Le modèle de l’action raisonnée (Ajzen et Fishbein, 1975)

Cependant, plusieurs recherches ont critiqué le modèle de l’action raisonnée, notamment à


cause de l’aspect obligatoirement raisonné du comportement. De nombreux chercheurs ont mis
l’accent sur l’inadaptation de ce modèle aux comportements complexes, qui nécessitent une
collaboration, un échange, des ressources ou des efforts spécifiques (Liska, 1984).

Pour répondre à ces critiques, cette théorie a été révisée par Ajzen (1985), lui-même, qui a
apporté une amélioration au modèle de l’action raisonnée en intégrant une nouvelle composante
“contrôle comportementale perçu”. Ceci a donné naissance à la théorie du comportement
planifiée (Ajzen, 1991).

91
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

3.2.2. Théorie du comportement planifié (Ajzen, 1991)

La théorie du comportement planifié prolonge et dépasse les limites de la théorie de l’action


raisonnée. Elle est « le résultat de la découverte que le comportement ne peut pas être
complètement sous contrôle de l’individu et doit tenir compte de l’effet des conditions
facilitatrices (conditions hors du contrôle de l’utilisateur) du comportement. Ceci a eu comme
conséquence d’introduire une nouvelle variable dans laquelle on tient compte des conditions
qui échappent au contrôle de l’individu. Cette variable est appelée : contrôle comportemental
perçu» (Gribaa, 2013). « Cet ajout a été fait pour tenir compte des moments où les gens ont
l'intention de procéder à un comportement, mais le comportement réel est contrarié parce que
les individus manquent de confiance ou de contrôle sur le comportement » (Miller, 2005).

« Le contrôle comportemental » se rapproche du concept d’auto-efficacité de Bandura (1982).


Il intègre la prise en compte de la disponibilité des ressources, des opportunités et des
compétences nécessaires afin de traduire les intentions en comportements. En effet, les
opportunités et les ressources potentielles ne deviennent exploitables que s’elles sont perçues
par l’individu (Crozier et Friedberg, 1977).

Malgré son appartenance au domaine de la psychologie sociale, la théorie du comportement


planifié (Ajzen, 1991) constitue une théorie de référence utilisée par plusieurs recherches qui
s’intéressent à l’étude des comportements intentionnels.
La théorie du comportement planifiée postule que le comportement humain, pour être effectif,
doit d’abord passer par une phase de planification, d’où le nom de la théorie « comportement
planifié ». Ce modèle théorique met l’étude de l’intention au centre de ses préoccupations. Trois
composantes principales déterminent cette intention, qui à son tour détermine le comportement:
les attitudes à l’égard du comportement, les normes subjectives et les perceptions du contrôle
comportemental (Figure 12).

92
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Figure 12: Théorie du comportement planifié (Ajzen, 1991)

Les attitudes à l’égard du comportement : désignent le degré d’évaluation, favorable ou


défavorable, que fait l'individu du comportement auquel il aspire. Elles dépendent fortement
des résultats probables escomptés du comportement en question (Ajzen, 1991).

L’attitude est constituée d’une part des croyances envers l’engagement dans un comportement
déterminé et, d’autre part, de l’évaluation des conséquences d’un tel engagement.

Le concept d’attitude a suscité un intérêt croissant de la part des chercheurs en psychologie


sociale. Dans la plupart des recherches, les auteurs tentent de présenter l’attitude comme une
évaluation positive ou négative d’un objet, d’une personne, d’une situation, d’un symbole ou
d’un événement. Cette évaluation peut être aussi bien interne qu’externe, affective, que
cognitive ou conative.

L’attitude est un concept assez complexe qui combine plusieurs éléments : les croyances, les
valeurs, les motivations et les opinions.

Dans le cadre de notre recherche, l’attitude entrepreneuriale peut être décrite comme une prise
de position par rapport à l’acte entrepreneurial. Elle correspond à une évaluation globale et
relativement durable vis-à-vis de la création d’entreprise. Généralement, lorsqu’on se réfère à
l’attitude entrepreneuriale d’un individu, nous essayons d’expliquer sa prédisposition à agir
favorablement ou défavorablement à l’égard de la création d’entreprise.

93
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Rappelons que le concept d’attitude introduit par Ajzen (1991) dans la théorie du comportement
planifié est assimilé, dans certaines études, au concept de désirabilité utilisé par Shapero et
Sokol (1982) dans le modèle de l’événement entrepreneurial (Krueger et Carsrud, 1993,
Davidsson, 1995 ; Krueger et al., 2000 ; Emin, 2003, Tounés, 2003).

Les normes subjectives : constituent une deuxième composante de la théorie du


comportement planifié. Elles font référence à l’ensemble des croyances d’un individu quant à
l’opinion des gens qui sont importants pour lui par rapport à ce qu’il voudrait entreprendre
(Ajzen, 1991). Elles correspondent à la perception d’un individu du degré d’approbation ou de
désapprobation du groupe de personnes significatives pour lui (groupe de référence) quant à
son adoption d’un comportement déterminé. Autrement dit, selon la théorie du comportement
planifié, un individu aura l'intention d'adopter ou non un comportement suivant la façon dont
il juge que celui-ci est cohérent avec les valeurs et les principes moraux de son groupe de
référence.

Les normes subjectives sont déterminées par les croyances normatives et par la motivation à se
comporter conformément à l’opinion d’autrui.

Les croyances normatives sont le résultat des différentes pressions sociales exercées par le
groupe de référence de l’individu (parents, famille, amis, collègues, etc).
La motivation à se soumettre, quant à elle, fait référence à la volonté et l’envie de l’individu à
se soumettre ou non à la pression exercée par son groupe de référence.

Le contrôle comportemental perçu : est une variable qui a été ajoutée à la théorie de l’action
raisonnée (Ajzen et Fishbein, 1975). Ajzen (1991), accorde une place centrale à cette variable.
En effet, l’intention ne peut se développer, que s’elle est sous le contrôle comportemental de
l’individu.

La notion du contrôle comportemental perçu fait référence à la perception qu’à l’individu de la


faisabilité du comportement envisagé. Elle désigne le niveau de contrôle et de confiance que
possède un individu en ses propres aptitudes ainsi qu’à la disponibilité des ressources, des
opportunités et des compétences nécessaires afin de concrétiser le comportement souhaité. En

94
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

d’autres termes, le contrôle comportemental perçu fait référence à la facilité ou la difficulté


perçue vis-à-vis de la réalisation du comportement.

Généralement, les individus choisissent de s’engager dans des comportements qu’ils pensent
pouvoir contrôler et maitriser (Bourguiba, 2007).

La place de la variable «contrôle comportemental perçu» est importante «dans la mesure où


l’individu est contraint dans son comportement (capacité limitée, temps limité, environnement,
etc), et qui in fine a une influence sur son intention d’agir » (Kefi, 2010).

Le contrôle comportemental perçu se rapproche du concept d’auto-efficacité de Bandura


(1977). Dans le cas de la création d’entreprise, nous parlons de l’auto-efficacité
entrepreneuriale qui désigne, la capacité perçue pour mener à bien une aventure
entrepreneuriale. Elle correspond aux degrés d’évaluation de l’individu de ses propres
compétences et de ses aptitudes à réunir les ressources nécessaires afin de concrétiser l’acte de
création d’entreprise. Parmi ces ressources, Shapero a repéré 4 éléments à, savoir : la
disposition du capital, le management, la main d’œuvre et le marché

En somme, selon le modèle d’Ajzen, la combinaison des trois composantes (attitudes, normes
subjectives et contrôle comportementale perçu), englobe parfaitement l’intention qui à son tour
détermine et prédit le comportement.
Il est à noter que le poids de ces trois composantes peut changer au cours du temps et selon les
circonstances. Ainsi, dans certaines situations, seules les attitudes interviennent dans la
prédiction du comportement ; dans d'autres, les attitudes et le contrôle comportemental agissent
ensemble ; et dans d'autres cas encore, les trois composantes opèrent de manière indépendante.

3.2.3. La théorie des comportements interpersonnels (Triandis, 1979)

Triandis (1979) reprend la théorie de l’action raisonnée (Fishbein et Ajzen, 1975) pour élaborer
son propre modèle psychosocial (Figure 13).

Le modèle de Triandis (1979) réunit la plupart des variables présentes dans les modèles
présentés précédemment et se distingue cependant de ces derniers par l’introduction du concept
de « l’habitude ».
95
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Selon la théorie des comportements interpersonnels, « le comportement de l'individu est


déterminé par ce qu'il a l'intention de faire (l’intention), ce qu'il a l'habitude de faire (l’habitude)
et les conditions facilitant ou inhibant son adoption » (Saidi, 2010).

L’habitude est le fruit d’un apprentissage (Triandis, 1980). La force de l’habitude augmente
avec le niveau d’automatisme qui résulte de la réalisation répétée et de la fréquence de
production d’un comportement passé. Le concept de « conditions facilitatrices » quant à lui,
rejoint celui du contrôle comportemental perçu (Ajzen, 1991). Il fait référence à la facilité ou
la difficulté perçue par l’individu à réaliser un comportement déterminé.

Il est à noter que les conditions facilitatrices sont de deux types : internes et externes (Ajzen et
Timko, 1986).

Figure 13: La théorie des comportements interpersonnels Triandis (1979)

Source : Gribaa (2013)

Selon le modèle de Triandis (1997), un comportement possède deux antécédents directs :


l’intention et l’habitude. L’intention requiert, à son tour, l’intervention de quarte types de
déterminants : l’affect (dimension affective de l’attitude), les conséquences perçues (dimension
cognitive de l'attitude), les facteurs sociaux, et les convictions personnelles.

96
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

- L’affect : représente la composante affective (ou dimension émotionnelle) de l’attitude. Il


correspond à la réponse émotionnelle qu’un individu associe à l’idée de réaliser un
comportement déterminé (Godin et Kok, 1996). L’affect est en rapport avec les sentiments
positifs ou négatifs (acceptation/rejet ; amour/haine, accord/désaccord, etc), c'est-à-dire avec
ce qu’éprouve l’individu vis-à-vis d’un comportement donné. En effet, un sentiment positif vis-
à-vis d’un comportement renforcera l'intention de l’individu de réaliser ce comportement et
inversement (Godin et Kok, 1996).
Il est à noter que la dimension affective de l’attitude (l’affect) est le résultat des expériences
antérieures, des croyances, des valeurs et des tendances comportementales de l’individu.

- Les conséquences perçues : représentent la composante cognitive de l’attitude. La perception


des conséquences fait référence à l’évaluation positive ou négative des conséquences ou des
résultats attendus de l’acte. Elle résulte d’une analyse subjective des avantages et des
inconvénients susceptibles d’être engendrées par un comportement donné. En effet, l’individu
se comporte selon le degré de certitude avec lequel il perçoit les conséquences positives ou
négatives relatives à son éventuel comportement (Triandis, 1979). En d’autres termes, toute
personne évalue les conséquences probables de ses actes avant même de décider de s’engager
ou non dans un certain comportement (Ajzen et Fishbein, 1975). Dans cette logique, les
conséquences perçues en termes de réussite ou de risque d’échec entrepreneurial peuvent altérer
l’intention entrepreneuriale de l’individu.

- Les facteurs sociaux : ce concept rejoint la notion de normes subjectives d’Ajzen(1991). Les
facteurs sociaux font référence à ce qui est « approprié, désirable et moralement correct » par
rapport au groupe et au système social de référence. Ils constituent la culture subjective de
l’individu (Bouchet et al. 1996).
Les facteurs sociaux regroupent différents déterminants, notamment les croyances normatives
et l’existence de rôles sociaux spécifiques (Godin et Kok, 1996)34.

- Convictions personnelles (normes morales) : ce concept fait référence aux règles de


conduite personnelles et aux principes moraux de l’individu. Les convictions personnelles se
distinguent du concept de normes sociales. En effet, contrairement à ces dernières, elles ne

34
Cité par Gribaa (2013)
97
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

dépendent pas de la perception de ce que les autres pensent, mais plutôt des croyances
personnelles vis-à-vis du comportement et des normes morales auxquelles l’individu a choisi
d’adhérer volontairement « par conviction personnelle».

3.2.4. Le modèle de la formation de l’événement entrepreneurial (Shapero et Sokol,


1982)

Le modèle de la formation l’évènement entrepreneurial (Shapero et Sokol, 1982) est un point


de référence « the reference point » (Begley et al., 1997) dans les recherches en entrepreneuriat.

Ce modèle a été repris et vérifier par Kreuger (1993). L’objectif de ce modèle est d’expliquer
l’émergence de l’évènement entrepreneurial. Il tente de comprendre pourquoi certains
individus choisissent la voie entrepreneuriale alors que d’autres se dirigent vers des
perspectives de carrières plus traditionnelles comme le salariat (Benredjem, 2009).

Shapero et Sokol (1982) posent le postulat que « pour qu’un individu initie un changement
d’orientation important dans sa vie, tel que la décision de démarrer sa propre entreprise, un
événement doit venir rompre la routine établie» (Bourguiba, 2007). En effet, une majorité de
création d’entreprises résultent d’un événement déclencheur qui altère le déroulement de la
trajectoire de vie de l’entrepreneur potentiel (Saleh, 2011).

Selon Shapero et Sokol, ces évènements peuvent être de trois types : déplacements
positifs (positif Pull), déplacements négatifs (Negative Displacements) ou situations
intermédiaires (between things).
La figure ci-dessous (Figure 14), modélise la formation de l'événement entrepreneurial.

98
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Figure 14: Modèle de la formation de l’événement entrepreneurial


(Shapero et Sokol, 1982)

Source : traduit de Shapero et Sokol (1982)

- Les déplacements négatifs (negative displacement) : sont les plus fréquents (Shapero,
1975) et sont à la base du déclenchement de l’événement entrepreneurial. Les déplacements
négatifs sont généralement imposés par l’environnement externe et échappent au contrôle de
l’individu. Ils font référence à des événements perturbant la trajectoire de vie de l’entrepreneur
potentiel : licenciement, divorce, chômage, échec scolaire, insatisfaction au travail, etc.

- Les déplacements positifs (positive pull), quant à eux, peuvent résulter de l’influence de la
famille, de l’existence d’un marché, de clients ou d’investisseurs potentiels. Ils sont
occasionnés par des stimuli positifs à la création d’entreprise comme l’obtention d’un héritage,
la découverte d’une opportunité d’affaire, etc.

- Il existe également un autre type de déplacement : les situations intermédiaires (between


things), qui font références aux événements entrainant des changements dans la trajectoire de
vie d’une personne. Les situations intermédiaires marquent la fin et la rupture d’une étape de
vie de l’individu (obtention du diplôme, départ à la retraite, sortie de l’armée, de prison etc) et

99
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

le place par conséquent entre deux situations. « Elles se différencient des déplacements négatifs
par leur caractère prévisible » (Bourguiba, 2007).

A l'interface des déplacements positifs, négatifs et des situations intermédiaires, émergent deux
autres variables explicatives de l’évènement entrepreneurial, à savoir les perceptions de la
faisabilité et les perceptions de la désirabilité. Ces perceptions sont le fruit de l’environnement
culturel, social et économique de l’entrepreneur.

- La perception de la faisabilité, est le résultat de la perception de la présence du soutien et


de la disponibilité des ressources financières, techniques et humaines nécessaires à la réussite
du projet de création d’entreprise. Elle dépend également de la confiance que possède
l’entrepreneur en ses propres compétences et de sa capacité à mener à bien les tâches
nécessaires pour le bon déroulement du processus entrepreneurial. « La presse spécialisée,
l'aide du conjoint ou d'amis proches, les conseils et la formation à la création d'entreprise,
notamment les programmes et les formations en entrepreneuriat (…) agissent aussi sur les
perceptions de faisabilité » (Tounés, 2003).

- La perception de la désirabilité, quant à elle, fait référence à l’attrait perçu pour la création
d’entreprise (Shapero et Sokol, 1982). Elle se construit sur la base du système de valeurs de
l’individu qui gouverne ses choix et ses envies. Ce système se construit sur la base de
l’influence des croyances, des principes, des peurs et des facteurs culturels et sociaux ; mais
également par la présence de modèles entrepreneuriaux dans l’entourage de l’entrepreneur
potentiel (Audet, 2004). Le système de valeur se traduit à titre d’exemple par les valeurs
personnelles et professionnelles véhiculées et valorisées ; « Plus un système social accorde de
la valeur à l'innovation, à la prise de risque, à l'autonomie, plus fortes seront les perceptions de
désirabilité, et plus l'on verra des entreprises se créer » (Tounés, 2003). Plus spécifiquement, la
perception de désirabilité fait référence à l’attrait que peut revêtir pour un individu le fait de
créer son entreprise (Shapero et Sokol, 1982). Cette dernière est notamment influencée par la
présence de modèles dans l’entourage (Audet, 2004).
Les expériences négatives, comme l’échec dans les aventures entrepreneuriales antérieures
peuvent renforcer la crédibilité de l’acte entrepreneurial et agir sur la perception de la
désirabilité.

100
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Plusieurs auteurs (Krueger et Carsrud, 1993, Davidsson, 1995, Reitan, 1996, Kolvereid, 1996,
Autio et al. 1997 ; Krueger et al., 2000 ; Emin, 2003, Tounés, 2003) ont constaté qu’il existe
un lien étroit entre le modèle de l’évènement entrepreneurial (Shapero et Sokol, 1982) et la
théorie du comportement planifié (Ajzen, 1991). En effet, la notion de faisabilité dans le modèle
de l’évènement entrepreneurial peut être rapprochée au concept « contrôle comportemental
perçu » proposé par la théorie du comportement planifié. Le concept de désirabilité utilisé par
Shapero et Sokol (1982) dans le modèle de l’événement entrepreneurial peut être à son tour,
assimilé aux concepts d’attitude (élément personnel) et celui de la norme sociale (élément
social) utilisés par Ajzen (1991).

Le modèle de l’événement entrepreneurial (Shapero et Sokol, 1982) ne fait pas explicitement


référence à l’intention. Tenant compte des limites de ce modèle, Krueger (1993), propose une
reformulation du modèle de Shapero et Sokol en intégrant le concept d’intention (Figure 15).

Figure 15: Le modèle de l’événement entrepreneurial tel que repris par Krueger (1993)

Source : Krueger (1993, p.16)

Pour Krueger (1993), l’intention entrepreneuriale dépend de deux antécédents principaux : la


désirabilité et la faisabilité perçues. De plus, l’initiation de l’acte de création requiert
l’intervention d’une troisième variable que Krueger (1993), tout comme Shapero, appelle
«déplacements». En effet, Une grande majorité de créations d’entreprises résultent d’un

101
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

« déplacement » c'est-à-dire d’un évènement (positif ou négatif) qui modifie la trajectoire de


vie du futur entrepreneur et qui sert de catalyseur au déclenchement de l’événement
entrepreneurial.
En somme, selon le modèle repris par Krueger (1993), l’acte de création est le résultat de quatre
éléments : les perceptions de la désirabilité et de la faisabilité, les déplacements positifs ou
négatifs et la propension à l’action. Il est à préciser que la propension à l’action « reflète la
composante psychologique des intentions. C’est une disposition à agir qui traduit le caractère
évolutif de l’intention, dans la mesure où elle répond à l’interrogation « est-ce que je le ferai
vraiment ? » (“will I actually do it ?”) » (Bourguiba, 2007).

3.2.5. La formation de l’intention entrepreneuriale (Davidsson, 1995)

Davidsson (1995) propose un modèle psycho-économique qui identifie les variables


influençant l’intention entrepreneuriale des individus (Figure 16).
Pour construire son modèle, Davidsson (1995) se base sur les modèles théoriques et propose
des ajustements spécifiques tout en intégrant les apports des approches précédentes (Azjen et
Fishben, 1980 ; Krueger et Carsrud, 1993 ; Boyd et Vozikis, 1994).

Figure 16: Modèle de la formation de l’intention entrepreneuriale, Davidsson (1995)

Source : Davidsson (1995)

102
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

D’après ce modèle, Davidsson (1995) conclut que la conviction est le facteur central agissant
sur l’intention entrepreneuriale.

La conviction représente la croyance que la création d’entreprise est l’alternative de carrière la


plus appropriée. Il est à noter que la notion de « conviction » peut être assimilée à celle de
l’efficacité personnelle (Bandura, 1977 ; Krueger et Carsrud, 1993 ; Boyd et Vozikis, 1994).

Selon la représentation de Davidson, le background personnel (expérience antérieures,


éducation, âge, sexe, etc) influence les attitudes générales (General attitudes) et les attitudes
relatives au domaine (Domain attitudes). Les attitudes générales font référence à des
dispositions psychologiques générales (qui se rapportent au changement, à la concurrence, à
l’argent, etc), les attitudes du domaine, quant à elles sont spécifiquement dirigées envers l’esprit
d’entreprendre. Les deux types d’attitudes agissent sur la formation de la conviction selon
laquelle la carrière d’entrepreneur est l’alternative de carrière la plus appropriée.

La situation que vit l’entrepreneur potentiel est aussi un facteur déterminant dans la création
d'entreprise. Cette variable influence la formation des convictions et aussi des intentions.

Il est à noter que le modèle de Davidsson (1995) a été testé sur un échantillon de 1313 Suédois
dont l’âge est compris entre 35 et 40 ans. Les résultats de l'analyse confirment en grande partie
les relations suggérées dans le modèle. Le pouvoir explicatif de la conviction est de 35% alors
que celui des intentions est de 50%.
Inspiré des travaux de Davidsson(1995) et de Shapero et Sokol (1982), Autio et al. (1997) ont
introduit dans le modèle de Davidsson, de nouvelles variables relatives à l'image de
l'entrepreneuriat et à la récompense perçue pour une carrière entrepreneuriale (image/payoff)
(Tounés, 2003) (Figure 17).

103
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Figure 17: Le modèle d’Autio et al. (1997)

Dans une perspective de comparaison internationale et afin de vérifier la solidité de leur


conception, Autio et al. (1997) ont testé leur modèle auprès de 1956 étudiants (Finlandais,
Américains, Asiatiques et Suédois) en sciences techniques.
Il résulte de leur analyse que la conviction entrepreneuriale (conviction) et les préférences de
carrière (career preferences) sont les variables les plus importantes dans la formation de
l'intention entrepreneuriale. Ces préférences et cette conviction sont influencées, entre autres,
par l’image de l’entrepreneuriat. Cette image fait référence au concept de la perception de
désirabilité (Shapero et Sokol, 1982) et à celui des attitudes associées au comportement (Ajzen,
1991) ; Cette image est influencée par le background personnel de l’entrepreneur potentiel
(niveau d’éducation, expériences antérieures, entourage proche, âge, sexe, etc) (Tounés, 2003).
Le tableau (Tableau 16) synthétise les principales théories et modèles modélisant le concept
d’intention dans le domaine de la psychologie sociale et de l’entrepreneuriat :

104
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Tableau 16: Synthèse des principales théories modélisant le concept d’intention

Théorie ou Auteur Année Déterminants de l’intention Variables


Modèle ajoutées
Théorie de Ajzen et 1975 - Attitude envers le ---
l’action Fishbein comportement
raisonnée - Perception des normes
sociales

Théorie Bandura 1977 - Les conséquences attendues Efficacité


sociocognitive d’une situation
personnelle
- Les attentes de résultat
- Les perceptions d’efficacité
personnelle

Théorie du Triandis 1980 - Facteurs sociaux Habitude


comportement
- Affect
interpersonnel
- Habitude
- Conditions facilitatrices
- Convictions personnelles

Modèle de Shapero et 1982 - Faisabilité Déplacements


l’événement Sokol
- Désirabilité
entrepreneurial
- Déplacements

Théorie du Ajzen 1991 - Attitude à l’égard du Perception du


comportement comportement
contrôle
planifié - Normes subjectives comportemental
- Perception du contrôle
comportemental

Modèle de Krueger 1993 - Expériences Propension à


l’événement l’action
- Désirabilité perçue
entrepreneurial
repris par - Faisabilité perçue
Krueger
- Propension à l’action
- Déplacements

105
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Modèle du Vozikis et 1994 - Pensée analytique rationnelle


contexte de Boyd et pensée intuitive holistique
l’intentionnalité (1994) - Attitudes, perception et
entrepreneuriale efficacité personnelle
- Croyance, contexte
économique, politique et social
- Personnalité, histoires
personnelles et intelligence

Modèle de la Davidsson 1995 - Attitudes générales Conviction


formation de
- Attitudes du domaine
l’intention
entrepreneuriale - Background personnel
- Situation
- Conviction

Le modèle Autio et 1997 - Background image/payoff


d’Autio et al. al.
- Attitudes générales
- Attitudes du domaine
- Conviction et préférences de
carrière
- « image/payoff »

Source : Adapté d’Emin (2003)

106
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

CONCLUSION CHAPITRE II
Ce chapitre avait pour objet de présenter les principaux modèles théoriques que nous
mobilisons pour comprendre la formation de l’intention entrepreneuriale des inventeurs
universitaires au Maroc.

Autour de la variété des approches et des modèles théoriques, l’essentiel de ce chapitre était de
souligner l’importance de l’existence de l’approche « intention » et les différentes perspectives
de recherche qu’elle ouvre à la communauté scientifique. En effet, l’intention représente un
moment fort du processus entrepreneurial (Tounés, 2003) et occupe une place extrêmement
importante dans la décision de poursuivre une aventure entrepreneuriale. Nous avons retenu
l’approche « intention » pour comprendre les raisons pour lesquelles les inventeurs
universitaires marocains n’arrivent pas à tirer profit de leurs brevets d’invention et franchir le
pas de l’entrepreneuriat.

La théorie du comportement planifié (Ajzen, 1991) et le modèle de l’événement entrepreneurial


de Shapero et Sokol (1982) présenté par Krueger (1993) sont les approches les plus connues et
les plus largement acceptées chacune dans leur domaine respectif, à sa savoir la psychologie
sociale et l’entrepreneuriat (Emin, 2003).

La théorie du comportement planifié Ajzen (1991) identifie trois types de croyances


susceptibles d'exercer une influence sur l'intention et le comportement des individus : les
croyances attitudinales, normatives et de contrôle. Les croyances attitudinales revoient à
l’évaluation subjective des conséquences (avantages et inconvénients) du comportement. Les
croyances normatives concernent la perception des pressions sociales ressenties de la sphère
sociale de l’individu en faveur ou en défaveur d’un comportement particulier. Les croyances
de contrôle, quant à elles, portent sur la perception d’éléments susceptibles de faciliter ou
d’empêcher la production du comportement. Ces éléments peuvent être endogènes (capacités,
compétences, tempérament, etc) et (ou) exogènes (écosystème, influences extérieures, etc).

Aussi, le modèle de l’événement entrepreneurial de Shapero et Sokol (1982) présenté par


Krueger (1993) montre qu’un individu, en l’occurrence, l’inventeur universitaire, aura

107
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

l’intention de créer une entreprise s’il perçoit ce comportement comme un choix désirable et
faisable.

Plusieurs auteurs (Krueger et Carsrud, 1993, Davidsson, 1995, Reitan, 1996, Kolvereid, 1996,
Autio et al. 1997 ; Krueger et al., 2000 ; Emin, 2003, Tounés, 2003) ont constaté qu’il existe
un lien étroit entre le modèle de l’évènement entrepreneurial (Shapero et Sokol, 1982) et la
théorie du comportement planifié (Ajzen, 1991). En effet, la notion de faisabilité dans le modèle
de l’évènement entrepreneurial peut être rapprochée au concept « contrôle comportemental
perçu » proposé par la théorie du comportement planifié. Le concept de désirabilité utilisé par
Shapero et Sokol (1982) dans le modèle de l’événement entrepreneurial peut être à son tour
assimilé aux concepts d’attitude (élément personnel) et celui de la norme sociale (élément
social) utilisés par Ajzen (1991).

A travers ces deux modèles théoriques , à savoir la théorie du comportement planifié (Ajzen,
1991) et le modèle de l’événement entrepreneurial de Shapero et Sokol (1982) présenté par
Krueger (1993), nous estimons pouvoir partir sur le terrain avec un cadre conceptuel (Figure
18) permettant de répondre à notre problématique qui consiste à comprendre les éléments qui
influencent la formation de l’intention entrepreneuriale des inventeurs universitaires
marocains.

Nous analyserons particulièrement l’effet des trois composantes suivantes sur la formation de
l’intention entrepreneuriale des inventeurs universitaires :

- Croyances attitudinales : concernent l’évaluation subjective des conséquences


(avantages et désavantages) du comportement (la création d’entreprise).

- Croyances normatives : renvoient aux perceptions des pressions sociales ressenties de


la sphère sociale et professionnelle des inventeurs en faveur ou en défaveur de la
création d’entreprise.

- Croyances de contrôle : portent sur la perception d’éléments susceptibles de faciliter


ou d’empêcher la production du comportement (la création d’entreprise). Ces éléments

108
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

peuvent être endogènes (capacités, compétences, tempérament, etc) et (ou) exogènes


(écosystème, influences extérieures, etc).

Figure 18 : Cadre conceptuel provisoire de la recherche issu de la littérature

Désirabilité perçue

Croyances attitudinales Croyances normatives


Evaluation subjective des Perception des pressions
conséquences (avantages et sociales ressenties de la
désavantages) du sphère sociale et
comportement (la création professionnelle des
d’entreprise) inventeurs en faveur ou en
défaveur de la création
d’entreprise

Intention entrepreneuriale des inventeurs universitaires

Croyances de contrôle
Perception d’éléments susceptibles de faciliter ou
d’empêcher la production du comportement (la
création d’entreprise). Ces éléments peuvent être
endogènes (capacités, compétences, tempérament,
etc) et (ou) exogènes (écosystème, influences
extérieures, etc).

Faisabilité perçue

109
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

CONCLUSION DE LA PARTIE I

Dans cette première partie de la thèse, nous avons développé deux chapitres théoriques.

Dans le premier chapitre « Chapitre I : Les inventeurs universitaires et l’entrepreneuriat :


cadrage théorique et contexte marocain », nous avons présenté l’évolution historique de
l’image de l’inventeur en général et de l’inventeur universitaire en particulier. Ensuite, nous
avons évoqué les différentes acceptions et définitions données au concept de valorisation. Ces
définitions sont issues de textes institutionnels de quelques organismes nationaux et
internationaux reconnus pour leur expertise en matière de valorisation. Enfin, sur la base d’une
analyse de documents (rapports d’activité, statistiques, sites web…), nous avons dressé un état
des lieux du système national de l’innovation et de la valorisation de la recherche au Maroc.

L’analyse des rapports d’activité (2013-2014-2015) de l’OMPIC a dévoilé une évolution


exponentielle de dépôts de brevets issus de la recherche universitaire. Pourtant, malgré cette
dynamique positive, le taux d’exploitation des brevets d’invention ne dépasse pas 4%.

Pour comprendre l’origine de la réticence des inventeurs universitaires marocains à la


valorisation de leurs brevets d’invention, nous avons retenu « l’approche intention ».

L’objectif du deuxième chapitre « Chapitre II : Contribution des théories de l’intention au


phénomène de la création d’entreprise» était donc de souligner l’importance de l’existence de
l’approche « intention » et les différentes perspectives de recherche qu’elle ouvre à la
communauté scientifique. En effet, l’intention représente un moment fort du processus
entrepreneurial (Tounés, 2003) et occupe une place extrêmement importante dans la décision
de poursuivre une aventure entrepreneuriale.

L’analyse des différents modèles théoriques nous a permis de mieux comprendre l’organisation
des variables explicatives de l’intention entrepreneuriale. Dans ce qui suit, nous analyserons
particulièrement l’effet des trois composantes suivantes sur la formation de l’intention
entrepreneuriale des inventeurs universitaires :

110
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

- Croyances attitudinales : Concernent l’évaluation subjective des conséquences


(avantages et désavantages) du comportement (la création d’entreprise).

- Croyances normatives : Renvoient aux perceptions des pressions sociales ressenties


de la sphère sociale et professionnelle des inventeurs en faveur ou en défaveur de la
création d’entreprise.

- Croyances de contrôle : Portent sur la perception d’éléments susceptibles de faciliter


ou d’empêcher la production du comportement (la création d’entreprise). Ces éléments
peuvent être endogènes (capacités, compétences, tempérament, etc) et (ou) exogènes
(écosystème, influences extérieures, etc).

111
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

PARTIE II - METHODOLOGIE EMPIRIQUE,


RESULTATS ET ANALYSES

112
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

INTRODUCTION DE LA PARTIE II

« Tout travail de recherche repose sur une certaine vision du monde, utilise une méthodologie,
propose des résultats visant à comprendre, expliquer, prédire ou transformer la réalité»
(Florence Allard-Poesi et Véronique Perret, 2014).

La légitimité d’un projet de recherche s’apprécie dans la cohérence entre le positionnement


épistémologique, la stratégie de recherche et l’instrumentation (Gavard-Perret et al., 2008).

La deuxième partie de notre thèse « Partie II : Méthodologie empirique, résultats et analyses »


est structurée en deux chapitres.

Le troisième chapitre « Chapitre III : Design de la recherche » a pour objet de justifier notre
positionnement épistémologique et méthodologique. La méthode de collecte données et la
technique d’analyse seront détaillées.

Le quatrième chapitre « Chapitre IV : Résultats empiriques et discussion des résultats » quant


à lui, a pour objectif d’analyser et de présenter les principaux résultats de notre recherche, pour
apprécier notamment :

- les raisons de la réticence des inventeurs universitaires marocains à la


valorisation de leurs brevets d’invention. Nous analyserons particulièrement
l’effet des croyances attitudinales, normatives et de contrôle sur la formation
de l’intention entrepreneuriale des inventeurs universitaires.

- l’incompatibilité ou « non » du rôle de l’inventeur universitaire avec celui de


créateur d’entreprise

- les représentations sociales et les perceptions qu’ont les inventeurs


universitaires du monde de l’entreprise et du métier d’entrepreneur

113
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

CHAPITRE III - DESIGN DE LA RECHERCHE

114
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

INTRODUCTION DU CHAPITRE III


La légitimité d’un projet de recherche s’apprécie dans la cohérence entre le positionnement
épistémologique, la stratégie de recherche et l’instrumentation (Gavard-Perret et al., 2008).

« Tout travail de recherche repose sur une certaine vision du monde, utilise une méthodologie,
propose des résultats visant à comprendre, expliquer, prédire ou transformer la réalité»
(Florence Allard-Poesi et Véronique Perret, 2014).

L’objectif de notre recherche est de comprendre l’origine du faible taux de création


d’entreprises issues des laboratoires de recherche universitaires marocains. Notre travail
s’intéresse à l’individu « l’inventeur universitaire » et vise à comprendre la formation de son
intention d’entreprendre. En effet, nous nous situons dans une visée principalement
compréhensive. Nous cherchons à comprendre les représentations et à structurer le sens que les
acteurs donnent à la réalité.

Ce chapitre explicitera notre positionnement épistémologique et méthodologique, puis


présentera notre stratégie d’accès à l’objet de recherche basée sur l’étude des cas. Enfin, la
méthode de collecte données et la technique d’analyse seront détaillées.

115
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Positionnement épistémologique : Une posture interprétativiste

« Tout travail de recherche repose sur une certaine vision du monde, utilise une méthodologie,
propose des résultats visant à comprendre, expliquer, prédire ou transformer » (Florence
Allard-Poesi et Véronique Perret, 2014).

Conduire une réflexion épistémologique, permet au chercheur de justifier la démarche de sa


recherche et d’accroitre la valeur de la connaissance produite.

Le terme épistémologie vient du mot grec epistêmê (connaissance) et de logos (discours).


L’épistémologie est donc l'étude des théories de la connaissance ou la façon dont nous
construisons des connaissances valables (Piaget, 1967).

La réflexion épistémologique est devenue indissociable des travaux de recherche (Martinet,


1990). Le questionnement épistémologique s’impose donc naturellement à tout chercheur, dans
la mesure où il conditionne les pratiques de recherche admissibles ainsi que les modes de
justification des connaissances élaborées. Ce sont les objectifs et les ambitions du chercheur
qui déterminent ses choix épistémologiques et méthodologiques.

L’épistémologie ne se réduit pas à une réflexion méthodologique. Rappelons que la première


consiste à clarifier la conception et la manière dont nous parvenons à la connaissance alors que
la seconde est axée principalement sur les pratiques (les moyens) pour atteindre la connaissance.

Dans le cadre d’une démarche scientifique, tout chercheur doit être en mesure de pouvoir à tout
moment légitimer sa recherche sur le phénomène étudié (Wacheux , 1996) afin de construire
une connaissance valable et cumulable.

En effet, « un chercheur ne construit pas sa propre conception de la connaissance isolément ni


ex nihilo. Celle-ci est influencée par les grands courants de pensée auxquels se réfèrent les
chercheurs de la communauté à laquelle il appartient, appelés paradigmes épistémologique»
(Gavard-Perret, Gotteland, Haon, Jolibert, 2012).

Trois grands paradigmes épistémologiques se prêtent mieux à la recherche en sciences de


gestion (Perret et Séville, 2007) : le positivisme, l’interprétativisme et le constructivisme. « Le
projet du positivisme est d’expliquer la réalité ; pour l’interprétativisme, ce sera avant tout de
la comprendre et pour le constructivisme, il s’agira essentiellement de la construire » (Girod-

116
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Séville et Perret, 1999). L’interprétativisme et le constructivisme s’opposent traditionnellement


au positivisme.

Pourtant, il est important de préciser, qu’ « un chercheur s’inscrivant dans l’un ou l’autre de ces
paradigmes ne peut nier l’existence des résultats obtenus par les chercheurs des positionnements
concurrents. Il y a une complémentarité évidente entre ceux-ci » (Pottiez, 2011).

Le tableau ci-dessous (Tableau 17) résume les hypothèses fondatrices des trois principaux
paradigmes épistémologiques :

Tableau 17: Les hypothèses fondatrices des principaux paradigmes épistémologiques

Paradigmes Positivisme Interprétativisme Constructivisme


Questions
épistémologiques
Quel est le statut de Hypothèse ontologique Hypothèse phénoménologique
la connaissance ?
Il existe une essence L’essence de l’objet ne peut être atteinte
propre à (constructivisme modéré ou
l’objet de la interprétativisme) ou
connaissance n’existe pas (constructivisme radical)
La nature de la Indépendance du sujet Dépendance du sujet et de l’objet
« réalité » et de l’objet
Hypothèse déterministe Hypothèse intentionnaliste

Le monde est fait de Le monde est fait de possibilités


Nécessités
Comment la La découverte L’interprétation La construction
connaissance est
elle Recherche formulée en Recherche Recherche
engendrée ? termes de « pour formulée en termes formulée en termes
quelles causes… » de « pour quelles de « pour quelles
motivations les finalités… »
Le chemin de la Statut privilégié de acteurs… »
connaissance l’explication
scientifique Statut privilégié de Statut privilégié de
la la
Compréhension Construction

117
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Quelle est la valeur Vérifiabilité Idiographie Adéquation


de la connaissance? Réfutabilité Empathie Enseignabilité
Les critères de Confirmabilité
Validité

Un travail de recherche peut poursuivre différents objectifs : comprendre, décrire, expliquer ou


construire (Evrard et al., 2009). L’objectif de notre recherche est de comprendre l’origine du
faible taux de création d’entreprises issues des laboratoires de recherche universitaires
marocains, à travers l’étude de l’intention entrepreneuriale des inventeurs universitaires. En
effet, nous nous situons dans une visée principalement compréhensive et interprétativiste.

L’interprétativisme est souvent considéré, soit comme un troisième paradigme, à côté du


positivisme et du constructivisme (Girod-Séville et Perret, 1999), soit comme associé au
constructivisme (Gavard-Perret et al., 2008).

Afin de légitimer la démarche de notre recherche et de justifier le choix de l’interprétativisme,


il nous semble indispensable d’apporter des éléments de réponse aux principales questions
relatives à la réflexion épistémologique, à savoir :

- la nature de la connaissance produite : la réalité est-elle objective (unique) ou subjective


(multiple) ?

- la nature du lien entre le sujet (le chercheur) et l’objet de recherche : le sujet est-il
dépendant ou indépendant de l’objet de recherche ?

Selon les positivistes, la connaissance produite est de nature objective et acontexctuelle, elle
possède une ontologie et une essence propre. Il s’agit dans ce contexte, de « découvrir des lois
qui s'imposent aux acteurs » (Perret et Girod-Séville, 2003).

Il existe une indépendance entre le sujet (le chercheur) et l’objet (la réalité étudiée par le
chercheur). Le chercheur ne modifie en rien la nature de la réalité, elle lui est extérieure et
indépendante. La connaissance produite est donc objective et correspond exactement à la
réalité. En effet, selon Popper (1972) : « La connaissance en ce sens objectif est totalement
indépendante de la prétention de quiconque à la connaissance ; elle est aussi indépendante de
la croyance ou de la disposition à l’assentiment (ou à l’affirmation, à l’action) de qui que ce

118
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

soit. La connaissance au sens objectif est une connaissance sans connaisseur ; c’est une
connaissance sans sujet connaissant ».

Les interpréativistes et les constructivistes, quant à eux, contestent le postulat d’objectivité de


la connaissance. La connaissance est donc indissociable du chercheur et de son action. En effet,
il existe une interdépendance entre le sujet et l’objet étudié. La connaissance produite est donc
subjective et contextuelle.

Ces deux paradigmes épistémologiques estiment qu’il n’existe pas une réalité unique mais une
multitude de réalités qui découlent des constructions mentales des acteurs (Guba et Lincoln,
1994). La connaissance n’est donc pas généralisable et universelle mais dépend fortement d’un
contexte déterminé. On ne peut donc que représenter la réalité (interpretativisme), voire la
construire (constructivisme).

Dans le cadre de notre projet de thèse, la démarche interprétativiste parait la mieux adaptée
à notre travail. En effet, à travers l’étude des intentions entrepreneuriales, nous cherchons à
comprendre l’origine du faible taux de création d’entreprises issues des laboratoires de
recherche universitaires au Maroc. En d’autres termes, notre travail s’intéresse à l’individu
« l’inventeur universitaire » et vise à comprendre la formation de son intention d’entreprendre.
En effet, nous nous situons dans une visée principalement compréhensive. Nous cherchons
à comprendre les représentations et à structurer le sens que les acteurs donnent à la réalité. La
réalité est donc subjective et contextuelle. Elle résulte de notre propre interprétation des
représentations subjectives des acteurs qui interprètent à leur tour le phénomène étudié (Lincoln
et Guba, 1985). En effet, « dans une perspective interprétative, les "biais" des répondants, c'est-
à-dire leur point de vue particulier sur le phénomène étudié, ne sont plus un problème de validité
à résoudre, ils sont l'objet même de la recherche. Le chercheur part de la prémisse qu'il n'y a
pas une réalité objective, mais plusieurs réalités construites socialement et c'est l'ensemble de
ces réalités qu'il cherche à découvrir » (Giordano, 2003).

Notre place, en tant que chercheur, est plus complexe que dans une épistémologie positiviste
(approche hypothético-déductive). En effet, nos données ne sont pas « froides », la
connaissance produite dépend, en partie, de notre interprétation et de notre interaction
avec l’objet de recherche. Il existe une interdépendance entre le sujet (le chercheur) et
l’objet (la réalité étudiée par le chercheur). Notre objectif n’est pas de produire des lois

119
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

universelles (positivisme). La prise en compte du contexte et des représentations des


acteurs est donc essentielle.

Aussi, la démarche constructiviste nous parait également en décalage avec les objectifs de notre
recherche. En effet, dans la démarche constructiviste, le chercheur « construit » une
compréhension de sa propre réalité du monde (Deschamps, 2000). Pourtant, l’objectif de notre
recherche est de comprendre l’intention entrepreneuriale sans la « construire ». Nous cherchons
ainsi à comprendre la réalité et non à la « transformer » ou la « construire » (comme c’est le cas
de la démarche constructiviste).

Le choix d’une approche exploratoire qualitative

Les modèles de l’intention, à la base de notre recherche, offrent un cadre théorique simple et
efficace pour atteindre une meilleure compréhension de l’acte de création d’entreprise. Ces
modèles théoriques ont déjà fait leurs preuves dans différents contextes et leur utilité a été déjà
justifiée par plusieurs recherches empiriques. La majorité de ces recherches portent sur une
population étudiante (Krueger 1993 ; Audet 2003 ; Kennedy, Drennan, Renfrow et Watson,
2003 ; Linan 2004 ; Tounès, 2003 ; Koubaa et Sahib Eddine, 2012 ; Diamane et Koubaa, 2015)
et adoptent une démarche quantitative confirmatoire fondée sur une logique hypothético-
déductive.

Cependant, le terrain particulier, voire l’objet même de notre recherche, relève d’un contexte
de découverte et d’exploration. En effet, contrairement à d’autres pays (Etats-Unis, Allemagne,
Canada, Japan, France, etc), rares sont les recherches qui se sont intéressées, à l’inventeur
universitaire marocain et encore moins à l’évaluation de son intention entrepreneuriale.

A la lecture de la thèse de Garlonn Bertholom (2012) qui traite de l’intention entrepreneuriale


des jeunes artistes français, nous avons remarqué des similitudes entre les artistes et les
inventeurs. En effet, tout comme l’artiste, l’inventeur universitaire constitue, plus qu’un terrain
d’étude, un objet de recherche singulier et quasi inconnu des recherches en entrepreneuriat.

Le terrain particulier de notre recherche doctorale s’inscrit alors dans une logique de
découverte. Cette logique est susceptible d’enrichir les modèles d’intention et de faire émerger
de nouvelles connaissances spécifiques aux inventeurs universitaires marocains.

120
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Notre objectif de chercheur s’inscrit donc dans une logique de découverte et d’exploration et
non de généralisation.

L’approche qualitative convient le plus à la nature exploratoire de notre recherche. En effet,


contrairement aux méthodes quantitatives qui ont pour objectif de tester des hypothèses, les
méthodes qualitatives, quant à elles, consistent à mieux comprendre un phénomène déterminé.
Elles répondent alors à une logique de découverte plutôt qu’à une logique de vérification (Paillé
et Muchielli, 1996). La recherche qualitative permet de développer une vision plus globale de
la réalité (Rallis et Rossman, 2012 ; Deslauries, 1991)35. En effet, « Les données qualitatives se
présentent sous forme de mots plutôt que de chiffres » (Huberman et Miles, 1991).

« La mise en œuvre d’un processus de recherche qualitatif, c’est avant tout vouloir comprendre
le pourquoi et le comment des événements dans des situations concrètes » (Wacheux, 1996).
Elle permet au chercheur d’avoir un contact direct avec le terrain et de rechercher l’information
en profondeur afin de comprendre les représentations et les croyances conscientes ou
inconscientes des individus. Autrement dit, l’approche qualitative participe à la compréhension
de la réalité telle qu’elle est vécue par les répondants. Il s’agit dans le cadre de notre recherche,
de comprendre la réalité (visible et cachée) telle qu’elle est vécue par les inventeurs
universitaires.

Aussi, les particularités de notre terrain ont rapidement conforté le recours à la méthode
qualitative. En effet, compte tenu, de la taille très restreinte de la population mère (inventeurs
universitaires marocains ayant des inventions valorisables), les réponses exploitables auraient
été insuffisantes pour mener des études statistiquement valides et acceptables.

Traditionnellement, la recherche quantitative est associée, d’une part, à son caractère


confirmatoire et d’autre part, à un mode de raisonnement déductive. La recherche qualitative
quant à elle, est souvent liée à son caractère exploratoire et à un mode de raisonnement
inductive.

En mode déductif, à partir de la littérature existante, un modèle théorique est élaboré a priori
pour être ensuite validé ou rejeté. En mode inductive, le modèle théorique n’apparait qu’à

35
Cités par Bertaux 1997
121
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

posteriori. Il est construit à partir des données issues du terrain d’observation (Deschamps,
2000) (Figure 19).

Figure 19: Démarches inductives / déductives

Source : Evrard, Pras & Roux, 1997

Rappelons, que les auteurs ont souvent tendance à associer la logique inductive aux méthodes
qualitatives. Les méthodes quantitatives quant à elles, sont souvent associées à un mode de
raisonnement déductif. Cependant, certains chercheurs nuancent cette association systématique
et proposent d’autres logiques de raisonnement (Bertholom, 2012).

Dans leur article « Recherche en marketing : un état des controverses », Bergadaà et Nyeck
(1992) énumèrent quatre approches : quantitative déductive, qualitative déductive, quantitative
inductive et qualitative inductive. En effet, selon ces auteurs, les « démarches inductives et
déductives, qualitatives et quantitatives, ne s’opposent pas et se complètent même le plus
souvent » (Evrad et al., 2008).

122
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Selon Bergadàa et Nyeck (1992) le recours à une démarche qualitative déductive a pour objectif
d’« expliquer les qualités de quelques objets et comportements réels suivant les relations
prédéfinies par le modèle théorique» (Bergadaà et Nyeck, 1992 : 35).

Cette démarche, plus originale et moins fréquemment utilisée, permet de mobiliser des théories
dans le cadre d’une science normalisée et d’un objet de recherche nouveau (Bergadaà et Nyeck,
1992)36.

Dans le cadre de notre recherche, la démarche qualitative basée sur un raisonnement déductif
permet de mobiliser des théories existantes pour explorer un terrain particulier et quasi inconnu
des recherches en entrepreneuriat, à savoir les inventeurs universitaires marocains. Ceci est
susceptible de faire émerger de nouvelles connaissances et d’enrichir les modèles théoriques
mobilisés.

Stratégie d’accès à l’objet de recherche : la méthode des cas

Dans son ouvrage « Méthodes Qualitatives et Recherche en Gestion », Wacheux (1996)


distingue les stratégies d’accès à l’objet de recherche des modes de recueil des données. En
effet, il est indispensable pour le chercheur de savoir comment il va accéder à l’objet de
recherche avant de définir la méthode d’accès aux données.

« Les stratégies d’accès à l’objet de la recherche dans l’analyse qualitative sont principalement
l’étude de cas et la recherche action. Elles sont aujourd’hui complémentées par la simulation,
l’approche phénoménologique, la méthode biographique et la netnographie » (Coutelle, 2005).

Pour notre recherche, nous avons choisi une stratégie d’accès au réel basée sur l’étude de cas.

En effet, l’étude de cas est pertinente lorsque le phénomène étudié ne se distingue pas
facilement de son contexte. La méthode des cas permet donc d’analyser une situation réelle
prise dans son contexte. Wacheux (1996) définit la méthode de cas comme « une analyse
spatiale et temporelle d'un phénomène complexe par les conditions, les évènements, les acteurs
et les implications». La stratégie de l’étude de cas se justifie par la complexité du phénomène

36
Cité par Bertholom (2012)
123
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

étudié. C’est une stratégie de recherche dynamique et évolutive qui permet de s’adapter à
l’évolution du phénomène et aux particularités du terrain étudié.

Wacheux (1996) distingue trois objectifs principaux de la méthode des cas, à


savoir : « comprendre une situation et en donner une représentation, permettre une analyse
processuelle, mettre en évidence des causalités».37

L’étude de cas est appropriée « lorsque se pose une question du type «comment » ou «pourquoi»
à propos d’un ensemble contemporain d’événements, sur lesquels le chercheur a peu ou pas de
contrôle » (Yin, 1989).

En sciences de gestion, la méthode des cas permet d’accroitre la connaissance de l’individu, du


groupe ou de l’organisation dans un contexte déterminé. Elle participe à l’examen approfondi
d’un phénomène (Fortin, 2010).

Dans notre recherche nous cherchons à comprendre en profondeur l’origine de la réticence des
inventeurs universitaires marocains à la valorisation de leurs brevets d’invention. Nous avons
cherché à identifier ce qui pouvait empêcher un inventeur universitaire de valoriser ses
recherches, à travers l’étude de ses croyances, ses représentations et ses intentions.

Il est à noter que, « les moyens d’investigations pour une étude de cas peuvent être très variés
(sources documentaires, entretiens, observations). Le chercheur s’inspire aussi des démarches
historiques, ethnologiques et psychosociologiques » Coutelle (2005).

Méthode de collecte de données : l’entretien semi-directif

Un entretien est « une situation complexe (…) définie comme un échange conversationnel dans
lequel une personne A extrait une information d’une personne B, information incluse dans la
biographie de B (…). Cette situation met en scène des comportements explicites, verbaux, para-
verbaux et non-verbaux et des mécanismes cognitifs de sélection d’informations» (Blanchet,
1991). En d’autres termes, l’entretien constitue une méthode de recueil d’informations qui
permet « l’analyse du sens que les acteurs donnent à leurs pratiques et aux événements auxquels
ils sont confrontés : leurs systèmes de valeurs, leurs repères normatifs, leurs interprétations de

37
Cité par Coutelle (2005)
124
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

situations conflictuelles ou non, leurs lectures de leurs propres expériences » (Quivy et


Campenhoudt, 1988).

« L’entretien s’impose chaque fois que l’on ignore le monde de référence, ou que l’on ne veut
pas décider à priori du système de cohérence interne des informations recherchées (…). Les
entretiens ont pour fonction de mettre en lumière les aspects du phénomène auxquels le
chercheur ne peut penser spontanément et de compléter les pistes de travail suggérées par ses
lectures » (Blanchet et Gotman, 1992).

Compte tenu de l’absence de données empiriques relatives à l’intention entrepreneuriale des


inventeurs universitaire, il nous a paru judicieux de procéder par des entretiens.

Nous distinguons trois grandes catégories d’entretiens : l’entretien directif, semi-directif et non-
directif.

- L’entretien directif ou fermé : « ce type d'entretien est très peu utilisé en approche
compréhensive, car il oriente trop le discours de l'interviewé ; il "hache" trop
l'expression, empêche l'interviewé d'aller au fond de ce qu'il pourrait dire » (Corbalan,
2010). En d’autres termes, l’entretien directif laisse peu de place à l’expression et à
l’initiative de l’interviewé.

- L’entretien non directif ou ouvert : c’est le moins structuré de tous les entretiens. Ce
type d’entretien permet de réduire l’influence de l’enquêteur et de parvenir à une
expression totalement « vraie » et spontanée du l’interviewé (Rogers, 1945). A travers
une question générale, l’enquêteur laisse libre cours au récit de la personne interrogée.
Le travail de l’enquêteur consiste à accompagner et à faciliter l’expression de la
personne interviewée. En effet, l’enquêteur n’est pas passif, « il doit remplir sa fonction
de facilitation de l'expression de l'interviewé, sans la diriger, sans la contrôler, sans lui
indiquer des domaines d'expression, sans l'orienter là où l'interviewer souhaiterait voir
aller l'interview » (Corbalan, 2001).

- L’entretien semi-directif : Comme son nom l’indique, l’entretien semi-directif n’est


ni entièrement ouvert ni entièrement fermé. En effet, le chercheur dispose d’une grille
de thèmes à traiter. Pour chacun de ces thèmes, l’enquêteur prévoit une ou plusieurs

125
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

questions. Ces questions ne sont pas obligatoirement abordées sous leur formulation et
leur ordre initial. Il y a davantage de liberté aussi bien pour l’enquêteur que pour la
personne interrogée. L’enquêteur essaye simplement de « recentrer l’entretien sur les
objectifs chaque fois qu’il (l’interviewé) s’en écarte et de poser les questions auxquelles
l’interviewé ne vient pas par lui-même, au moment le plus approprié et de manière aussi
naturelle que possible » (Quivy et Campenhoudt, 1988).

Dans le cadre de notre recherche, nous avons opté pour l’entretien semi-directif. En effet, à
travers la mobilisation des modèles de l’intention, nous cherchons à comprendre en profondeur
les raisons pour lesquelles les inventeurs universitaires marocains n’arrivent pas à tirer profit
de leurs brevets d’invention et franchir le pas de l’entrepreneuriat. Notre recherche repose alors
sur des modèles théoriques prédéfinis.

Le recours à l’entretien semi-directif sert de base pour guider notre discussion selon des thèmes
définis à partir de notre revue de littérature, tout en laissant la place à l’expression et à
l’initiative de l’interviewé.

Choix des cas et justification de la taille de l’échantillon retenu

Les meilleures personnes capables d’apporter des éléments de réponse à notre problématique
sont les inventeurs universitaires eux-mêmes.
Compte tenu de l’absence d’une base de données regroupant les cordonnées des inventeurs
universitaires au Maroc, nous étions alors obligés de construire, nous-mêmes, notre propre
liste de contact.

Pour ce faire, nous avons fait recours au service Espacenet. Espacenet est un service gratuit
développé par l'Office européen des brevets (OEB) en coopération avec les États membres de
l'Organisation européenne des brevets. Il offre un accès gratuit à plus de 90 millions de
documents brevets du monde entier contenant des informations sur les inventions et les
évolutions techniques de 1836 à nos jours.

Pour récupérer les noms des inventeurs universitaires marocains, nous avons lancé des
recherches par mots-clés sur le service Espacenet (Figure 20).

126
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Figure 20: Exemple de liste de résultats de brevets d’invention

Cependant, le service Espacenet n’affiche que les noms et les universités d’appartenance des
inventeurs universitaires et ne permet pas de récupérer leurs coordonnées (adresses email ou
téléphone). Pour remédier à cette contrainte, nous nous sommes appuyés sur la puissance des
moteurs de recherche et des réseaux sociaux professionnels (Researchgate, linkedin, etc) pour
récupérer les coordonnées des inventeurs universitaires.

Des mails de sollicitation d’entretiens (Annexe 1) ont été envoyés à tous les inventeurs
universitaires dont nous avons pu récupérer les coordonnées.

La question qui se pose à ce stade est de déterminer la taille de l’échantillon à retenir. C’est à
dire « la taille minimale requise pour obtenir des résultats avec un degré de confiance
satisfaisant » (Jaouen, 2009). Généralement, les recherches qualitatives exploratoires sont

127
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

caractérisées par « des échantillons de taille réduite qui n’ont aucun objectif de représentativité
au sens statistique du terme » (Evrard et al., 2003).

Pour déterminer la taille de notre échantillon, nous avons fait recours au principe de saturation
(Thiétart, 1999). En effet, la taille adéquate d’un échantillon est celle qui permet d’atteindre la
saturation théorique (Glaser et Strauss, 1967). Cette saturation théorique est atteinte lorsqu’on
ne trouve plus d’information supplémentaire capable d’enrichir la théorie ; c'est-à-dire que le
chercheur poursuit sa collecte de données jusqu’à ce que les informations collectées deviennent
répétitives. En effet, « à partir d’un certain nombre d’entretiens, les informations que l’on
obtient deviennent redondantes » (Blanchet et Gotman, 1992).

Selon Thiétart (2003), « ce principe est difficile à mettre en œuvre de manière parfaitement
rigoureuse car on ne peut jamais avoir la certitude qu’il n’existe plus d’information
supplémentaire capable d’enrichir la théorie. Il revient donc au chercheur d’estimer s’il est
parvenu au stade saturation. Généralement, la collecte des données s’arrête lorsque les dernières
unités d’observations analysées n’ont pas apporté d’éléments nouveaux. Ce principe repose sur
le fait que chaque unité d’information supplémentaire apporte un peu moins d’information
nouvelle que la précédente jusqu’à ne plus rien apporter. Ce principe est observé
empiriquement ».

Nous avons fixé l’arrêt de nos entretiens en fonction du principe de saturation théorique ; c’est
à dire au moment où les cas analysés n’apportent plus d’éléments nouveaux à notre étude.
Douze entretiens ont été nécessaires pour satisfaire ce critère.

Il est à noter que l’obtention de ces douze entretiens a nécessité la sollicitation de rendez-vous
auprès de 129 inventeurs. En d’autres termes, nous avons frappé à 129 portes pour décrocher
12 entretiens, soit un taux de réponse de 9,30 %.

Le tableau (Tableau 18) récapitule le profil de notre échantillon composé de 12 inventeurs


universitaires.

128
Tableau 18: Présentation des cas retenus

Inventeur Université/Ecole Domaine de Laboratoire de Expérience Nbr Nbr de Date Durée


recherche recherche en d’années brevets Entretien
entreprise passées déposés
dans la (national/
recherche International)
Inventeur Université Hassan II Sciences des Laboratoire Non 36 ans 13 Mai 2015 2h00
1 de Casablanca matériaux d’ingénierie et
Faculté des Sciences matériaux
Ben M’Sik

Inventeur Université Ibn Molécules Laboratoire Contrôle Non 15 ans 2 Octobre 1h20
2 Zohr – Agadir Bioactives Qualité en Bio- 2015
& Faculté des industrie et
Sciences El Jadida Molécules
Bioactives
Inventeur ENSEM-Ecole Electronique et Réseaux, Non 25 ans 7 Avril 2015 1h45
3 Nationale Supérieure Télécommunica- Télécommunication
d'Electricité et tion et Systèmes
de Mécanique Embarqués (RTSE)

Inventeur Ecole Supérieure de Génie des Laboratoire Non 20 ans 2 Avril 2015 1h40
4 Technologie (EST) procédés et d'Ingénierie des
Environnement Procédés et
d'Environnement

129
Inventeur Université/Ecole Domaine de Laboratoire de Expérience Nbr Nbr de Date Durée
recherche recherche en d’années brevets Entretien
entreprise passées déposés
dans la (national/
recherche International)
Inventeur Ecole Nationale Géologie et Laboratoire des Non 23 ans 1 Mai 1h25
5 Supérieure des Géomatique Mines, 2015
Mines de Rabat Environnement et
(ENSMR) Développement
durable
Inventeur Université Hassan II Chimie et Laboratoire de Non 30 ans 6 Mai 2015 2h05
6 Casablanca Environnement Biomolécules et
Faculté des Sciences Synthèse Organique
Ben M’Sik
Inventeur Université Hassan II Biochimie Laboratoire de Non 29 ans 3 Novembre 1h20
7 de Mohammedia, Biochimie, 2015
FST Environnement &
Agroalimentaire
Inventeur ENSEM-Ecole Mécanique Laboratoire de Non 32 ans 4 Mai 2015 1h00
8 Nationale Supérieure Appliquée Contrôle et.
d'Electricité et Caractérisation
de Mécanique Mécanique des
Matériaux et des
Structures
(LCCMMS)

130
Inventeur Université/Ecole Domaine de Laboratoire de Expérience Nbr Nbr de Date Durée
recherche recherche en d’années brevets Entretien
entreprise passées déposés
dans la (national/
recherche International)
Inventeur Université Hassan II Eau, matériaux, Interface matériaux Oui 27 ans 4 Mai 2015 1h40
9 Casablanca chimie environnement
Faculté des Sciences
Aïn Chock

Inventeur Ecole Normale Energie Signaux Systèmes Non 26 ans 6 Avril 2015 1h45
10 Supérieure de Renouvelable- Distribués et
l'Enseignement Traitement Intelligence
Technique-ENSET d’images Artificielle
Mohammedia
Inventeur Faculté des sciences Energie solaire Laboratoire physio- Oui 24 ans 5 Avril 2015 1h 30
11 Ben Msik chimie des
matériaux
Inventeur Ecole Nationale Chimie et Laboratoire des Oui 38 ans 15 Avril 2015 3h00
12 Supérieure des Environnement Mines,
Mines de Rabat Environnement et
(ENSMR) Développement
durable

131
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Elaboration du guide d’entretien

Un guide d’entretien est « un ensemble organisé de fonctions, d’opérateurs et d’indicateurs


qui structurent l’activité d’écoute et d’intervention de l’interviewer » (Blanchet et Gotman,
1992).

Les entretiens menés se basent sur un guide d’entretien élaboré à partir d’une revue de
littérature. Cette revue de littérature a été complétée par six entretiens exploratoires semi-
directifs avec des professionnels et des acteurs de valorisation de la recherche au Maroc dont
le Responsable de l’incubateur CNRST, le Responsable du point focal TISC, le Responsable
de la chaire de l’innovation UNCHAIN-UH2C, le Responsable du Centre d’Incubation et
d’Accueil des Entreprises Innovantes (CIAEI) de l´École Nationale Supérieure des Mines de
Rabat, le Directeur Adjoint de l’ENSET ainsi que le Chef de Projet Système d’Evaluation
des Brevets d’Invention, OMPIC (Tableau 19).

Tableau 19: Synthèse des six entretiens exploratoires avec des professionnels et des
acteurs de valorisation de la recherche

Interviewé Durée

Responsable du point focal TISC 1h 30


(Technology and Innovation Support Center)

Directeur Adjoint de l’ENSET Mohammedia 45 min

Responsable de la chaire de l’Innovation UNCHAIN-UH2C 1h 40

Responsable de l’incubateur CNRST (Centre National pour la 1h 00


Recherche Scientifique et Technique)

Chef de Projet Système d’Evaluation des Brevets d’Invention, OMPIC 2h 00


(Office Marocain de la Propriété Industrielle et Commerciale)

132
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Responsable du Centre d’Incubation et d’Accueil des Entreprises 1h 50


Innovantes (CIAEI) de l´École Nationale Supérieure des Mines de
Rabat (ENSMR)

Un rendez-vous préalable a été pris avec l’ensemble des acteurs interviewés. La totalité des
entretiens ont eu lieu aux bureaux de nos interviewés, à la date et aux heures proposées par
ces derniers. Ces entretiens ont eu une durée de 45 min à 2h00.

L’objectif principal de ces entretiens était de :

- développer une meilleure connaissance de l’inventeur universitaire et de l’écosystème


de valorisation de la recherche au Maroc ;
- repérer les différents acteurs de la valorisation au Maroc ;
- avoir une vision plus claire de la place de la création d’entreprise au sein des
différentes modalités de valorisation de la recherche universitaire ;
- valider, réorganiser et enrichir notre guide d’entretien.

Les entretiens avec les experts et les acteurs de la valorisation de la recherche ont permis
d’enrichir notre guide d’entretien élaboré initialement sur la base des concepts issus de la
littérature sur l’intention entrepreneuriale.

Il est à noter, qu’à l’issu de nos entretiens avec les différents acteurs de la valorisation, deux
sous thèmes ont été introduits, à savoir :

- Les représentations du monde de l’entreprise


- Les représentations du rôle de l’inventeur universitaire

Notre guide d’entretien (Tableau 20) a été construit autour de quatre thèmes principaux :
Le premier thème traite de l’intention entrepreneuriale des inventeurs universitaires. Le
deuxième thème est consacré à l’étude des croyances attitudinales de ces inventeurs. Le
troisième thème est axé sur les différentes croyances normatives à savoir les normes sociales
ainsi que la perception du monde de l’entreprise et de la figure de l’inventeur. Le dernier

133
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

thème, quant à lui, est consacré aux croyances de contrôle, c'est-à-dire à la perception des
difficultés ou des facilités relatives à la création d’entreprise.

Tableau 20: Guide d’entretien


Questions introductives

- Pouvez-vous vous présenter ?


- Avez-vous déjà déposé un brevet d’invention ?
- Pouvez-vous me présenter très brièvement en quoi consiste votre
invention ?

Avez-vous déjà imaginé créer une entreprise qui valorise les résultats
de vos recherches ?
 Si Oui (inventeurs intentionnels)
- Pouvez-vous me parler davantage de votre idée de création
d’entreprise ?
- Avez-vous déjà pris des renseignements sur les différentes
L’intention de créer

démarches à suivre pour créer votre entreprise ?


-
Thème 1 :

Quand est-ce que vous envisagez passer à l’action et concrétiser


votre intention de créer votre entreprise ? (sur une échelle de temps :
dans quelques mois, dans une année, etc…)

 Si Non (inventeurs non intentionnels)


- Pourquoi ? Est-ce que vous imaginez d’autres modalités de
valorisation ? (Par exemple : l’octroi d’une licence d’exploitation)
ou bien la valorisation est une activité qui ne vous n’intéresse pas ?
- Ne voyez-vous pas que c'est une perte pour la recherche et pour
l’économie nationale ?

134
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

1- Selon vous, quels sont les avantages que peut procurer le fait de créer
sa propre entreprise ? C’est à dire une entreprise qui valorise les
Les croyances attitudinales

résultats de vos recherches.


2- Quels inconvénients voyez-vous dans la création d’une entreprise
Thème 2 :

par un inventeur universitaire ?


3- Est-ce qu’il y’a d’autres inconvénients, qui vous viennent à l’esprit
lorsque vous pensez à la possibilité de créer votre propre entreprise ?
4- A part les avantages et les inconvénients, est-ce que ça vous fait
penser à autre chose, le fait de créer une entreprise par un inventeur
universitaire ?

5- Selon vous, quelles sont les personnes qui


Normes sociales
seront favorables (et qui vont vous encourager)
à créer votre propre entreprise ?
6- Quelles sont les personnes qui à votre avis, vont
Thème 3 : Les croyances normatives

être défavorables (et qui vont vous décourager)


à créer votre propre entreprise ?
7- Y’a-t-il d’autres personnes (ou groupe de
personnes) qui vous viennent à l’esprit lorsque
vous pensez à la possibilité de créer votre
propre entreprise ?

Les
représentations
8- Qu’est-ce qu’un chercheur/inventeur
du rôle de
universitaire pour vous ?
l’inventeur
9- A votre avis quel est le rôle d’un
universitaire
chercheur/inventeur universitaire ?

135
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

10- A votre avis, est ce que c’est le rôle de


l’inventeur universitaire de valoriser les
résultats de ses recherches ? (est-ce que c’est de
ses responsabilités) ?
11- Parallèlement à vos activités de recherche et
d’enseignement, est ce que vous assurez
d’autres fonctions administratives,
professionnelles ou associatives ? Lesquelles ?
12- Est-ce que vous pensez que ces activités
retardent vos activités de recherche ?

Les 13- A quoi vous fait penser le mot entreprise ?


représentations 14- A quoi vous fait penser le mot entrepreneur ?
du monde de 15- Avez-vous déjà travaillé en entreprise ?
l’entreprise Racontez-moi votre expérience
16- Que pensez-vous de la vie au sein de
l’entreprise ?
17- Si on vous donne le choix aujourd’hui, entre le
fait de travailler au sein d’une entreprise et le fait
de continuer votre carrière en tant que chercheur
universitaire. Qu’est-ce que vous allez choisir ?
Pourquoi ?

Rôle du model 18- Connaissez-vous des chercheurs universitaires


qui ont valorisés les résultats de leurs recherches
par la voie entrepreneuriale ?
19- Pouvez-vous me donner des exemples ?
20- Comment vous avez connu ces chercheurs
entrepreneurs ?

136
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

21- Que pensez-vous de ces chercheurs ? Souhaitez-


vous devenir comme eux un jour ?

22- Pensez-vous pouvoir maîtriser personnellement le processus de


création d’une entreprise ?
23- Est-ce que vous vous sentez capable de créer une entreprise ?
24- Comment trouvez-vous la démarche institutionnelle relative à la
création d’entreprise ?
Les croyances de contrôle

25- Est-ce que l’environnement vous semble favorable à la réussite


d’un projet de création d’entreprise ?
Thème 4 :

26- A votre avis, quels sont les éléments qui pourraient faciliter votre
engagement dans un projet de création d’entreprise valorisant les
résultats de vos recherches ?
27- A votre avis, quels sont les éléments qui pourraient freiner ou
rendre difficile votre engagement dans un projet de création
d’entreprise valorisant les résultats de vos recherches ?
28- Est-ce qu’il y’a d’autres éléments qui vous viennent à l’esprit et qui
pourraient intervenir dans la faisabilité de votre projet de création
d’entreprise ?

Il est à noter qu’au fur et à mesure de l’avancement de nos entretiens, nous n’avons pas négligé
la possibilité d’explorer la présence de nouveaux éléments pouvant influencer l’intention
entrepreneuriale des inventeurs universitaires. En d’autres termes, notre rôle d’enquêteur a
consisté à faciliter l’expression de nos interviewés sans bloquer l’émergence de nouveaux
éléments ne figurant pas dans le cadre théorique de départ.

Conduite des entretiens


Le choix des lieux et des dates des entrevues a été laissé à nos interviewés afin d’assurer leur
entière disponibilité sur une durée relativement longue.

137
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Un rendez-vous préalable a été pris avec les inventeurs ciblés. La totalité des entretiens ont eu
lieu aux bureaux des inventeurs universitaires, à la date et aux heures proposées par nos
interviewés. Les entretiens ont duré en moyenne 1 h 42 min. Dans deux cas, nos interviewés
ont été contraints de suspendre les échanges. Un deuxième entretien a été nécessaire pour
cerner l’intention entrepreneuriale de ces inventeurs.

Les principales phases de conduite d’un entretien semi-directif ont été respectées :

- Phase 1 : l’introduction
Cette phase était cruciale pour établir un climat de confiance avec nos interviewés. Après avoir
présenté le thème et le contexte général de notre recherche, nous avons précisé les règles de
confidentialité et demandé l’accord pour enregistrer l’entretien. Tous les inventeurs interrogés
ont volontiers accepté d’être enregistrés à l’expression de deux inventeurs qui ont préféré
attendre la fin de l’entretien pour décider. La totalité des interviewés ont choisi de garder
l’anonymat de leurs réponses. Ce choix a été noté dans la fiche d’entretien (Annexe 2). Nous
avons commencé l’entretien par des questions simples et familières pour nos interviewés
« thème de réchauffement » (Gavard-Perret et al, 2008). Ces questions portaient sur des faits
simples et faciles à verbaliser. Citons comme exemple : « Avez-vous déjà déposé un brevet
d’invention ? », « Pouvez-vous me présenter très brièvement en quoi consiste votre
invention ? », etc.

- Phase 2 : le centrage du sujet


Cette phase consiste à amener l’interviewé vers le cœur du sujet. Dans notre cas, il s’agissait
de déceler la présence ou non d’intentions entrepreneuriales chez les inventeurs universitaires.

L’estimation de la présence ou non d’une intention entrepreneuriale a été évaluée, au cours de


nos entretiens, en fonction des réponses à la question suivante : « Avez-vous déjà imaginé
créer une entreprise qui valorise les résultats de vos recherches ? »

- Phase 3 : l’approfondissement
Au cours de cette phase, nous avons exploré les principaux thèmes de notre recherche. Les
questions ont été posées dans un ordre logique, en allant du général au particulier, afin que les
personnes interviewées n’aient pas le sentiment de subir un interrogatoire. Nous avons essayé
de maintenir un climat de confiance pour permettre à nos inventeurs de se révéler plus

138
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

facilement et donc d’apporter de nouveaux éléments ne figurant pas dans notre guide
d’entretien.

- Phase 4 : la conclusion
« Cette phase, souvent négligée, est pourtant essentielle » (Gavard-Perret et al, 2008). Son
objectif est de faire un récapitulatif globale des idées émises par nos interviewés et de s’assurer
qu’ils n’ont pas de nouveaux éléments à ajouter.

Nous avons profité de la fin de l’interview pour demander aux inventeurs interrogés de nous
fournir les coordonnées de personnes utiles pour la poursuite de notre recherche.

Choix de la technique d’analyse : analyse de contenu thématique avec


NVivo 11

Pour analyser les données collectées au cours des entretiens, nous avons choisi de procéder
par une analyse de contenu. L’analyse de contenu est l’une des techniques les plus utilisées
pour analyser des entretiens. « La place de l’analyse de contenu est de plus en plus grande
dans la recherche sociale, notamment parce qu’elle offre la possibilité de traiter de manière
méthodique des informations et des témoignages qui présentent un certain degré de
profondeur et de complexité, comme par exemple les entretiens semi-directifs » (Quivy et
Campenhoudt, 2006).

L’analyse de contenu regroupe « l’ensemble de techniques d'analyse des communications


visant, par des procédures systématiques et objectives de description du contenu des énoncés,
à obtenir des indicateurs (quantitatifs ou non) permettant l'inférence de connaissances relatives
aux conditions de production/réception (variables inférées) de ces énoncés » (Bardin, 1977).

Selon Giannelloni et Vernette (2002), l’analyse de contenu peut prendre plusieurs formes :
lexicale (nature et richesse du vocabulaire utilisé dans le discours), syntaxique (structure du
discours) et thématique (sens et signification du discours).

Dans le cadre de notre recherche, nous cherchons à comprendre en profondeur les croyances,
les intentions et les représentations des acteurs. Parmi les trois techniques d’analyse de
contenu, nous avons opté pour l’analyse thématique. Cette technique repose sur le postulat

139
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

que « la répétition d’éléments de discours (mots, expressions ou significations similaires)


révèle les centres d’intérêt et les préoccupations des acteurs » (Thiétart, 2003).

L’analyse de contenu thématique consiste à découper et à classer les éléments de discours


selon des unités de sens ou de thèmes. Ces unités sont ensuite classer en catégories homogènes
et significatives (Bardin, 2003). En d’autres termes, il s’agit de condenser les données en
regroupant les objets similaires sous une classe commune (Strauss et Corbin, 1988). « La
manipulation thématique consiste ainsi à jeter l’ensemble des éléments signifiants dans une
sorte de sac à thèmes qui détruit définitivement l’architecture cognitive et affective des
personnes singulières» (Bardin, cité par Blanchet & Gotman, 2007, p.96).

En ce qui concerne la démarche de réalisation de l’analyse de contenu, nous sommes appuyés


sur les travaux de Thiétard (1999), Mourgues et al (2002) et Miles et Hubermann (2003). Les
étapes de l’analyse pourraient être distinguées comme suit :

- Retranscription des entretiens

Les entretiens ont été intégralement enregistrés puis retranscrits (Annexe 6) pour faciliter leur
analyse.

La retranscription et l’élaboration d’une fiche de synthèse reprenant les principales


informations ont été effectuées après chaque entretien.

Une première lecture flottante a été réalisée. L’objectif de cette lecture était de prendre
connaissance du contenu des entretiens et d’exclure les éléments qui n’avaient pas d’intérêt
pour l’analyse. « C’est une première familiarisation avec le matériel, une sorte de pré-analyse
pour en dégager une idée du sens général, certaines « idées forces » permettant d’orienter
l’ensemble de l’analyse subséquente pour atteindre les objectifs visés» (Ecuyer, 1988).

- Codage : Identifications des thèmes

Le codage constitue une étape centrale du traitement de données. Il consiste à identifier des
unités de sens en découpant le texte en unités de signification naturelles (Jaouen, 2005).
« Chaque unité de sens est délimité par un changement du contenu thématique » (Fortin,
1996).

140
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

L’identification des thèmes et des sous-thèmes consiste à rassembler des éléments de discours
ayant des caractères communs sous un titre générique afin de fournir, par condensation, une
représentation simplifiée des données brutes (Bardin, 1977).

Au cours de cette phase, les éléments qui n’avaient pas d’intérêt pour l’analyse ont été exclus
et les autres éléments ont été regroupés par thèmes et sous-thèmes.

S’agissant d’une recherche qualitative exploratoire basée sur un raisonnement déductif, les
principaux codes ont été définis a priori en se basant sur les variables retenues à partir de notre
cadre théorique et de notre guide d’entretien (Annexe 5). Ensuite, au cours de l’analyse, de
nouveaux codes sont apparus.

- Interprétation des résultats

L’interprétation des résultats consiste à « prendre appui sur les éléments mis à jour par la
catégorisation pour fonder une lecture à la fois originale et objective du corpus étudié »
(Robert et Bouillaguet, 1997, p. 31). Cette phase consiste à rattacher les codes identifiés aux
concepts de gestion existants et de proposer, autant que possible, une modélisation des
résultats afin de mettre en évidence les apports de la recherche (Gomez- Breysse, 2010).

8.1. Utilisation du logiciel NVivo 11

Le traitement des données qualitatives peut faire l’objet d’une analyse de contenu manuelle
« traditionnelle » ou assistée par ordinateur « informatisée » (Wanlin, 2007). Compte tenu du
38
volume important des données recueillies (retranscription de plus de 600 pages ),
l’utilisation d’un logiciel de traitement de données nous a semblé très efficace pour faciliter
le processus de traitement de nos entretiens. Le principal avantage du traitement assisté par
ordinateur est la possibilité d’utiliser un ensemble d’outils « pré-formatés » pour catégoriser
très rapidement les données textuelles, les mettre en relation et les relier à des données de
contexte (Gavard-Perret et al., 2008).

38
L’annexe 7 reprend les principaux extraits des entretiens avec les douze inventeurs
universitaires

141
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Pour faciliter le stockage, le classement, le codage et l’analyse des données recueillies


(18 entretiens39), le logiciel NVivo 11 a été utilisé. L’utilisation de NVivo nous a permis
d’extraire facilement les thèmes essentiels, de synthétiser rapidement nos données, de les
mettre en relation et de les relier à des données de contexte (Gavard-Perret et al., 2008 ).

Le principe d’analyse à la base du logiciel NVivo s’inscrit dans une démarche de


déstructuration et de restructuration du corpus40 (Tesch, 1990) (Figure 21).

Figure 21: Représentation graphique du principe de déstructuration et de


restructuration du corpus (Deschenaux, 2007)

La déstructuration consiste à sortir de son contexte un extrait du texte afin de le rende


sémantiquement indépendant. Les différents extraits du texte sont ainsi regroupés dans des

39
Dix-huit entretiens ont été réalisés, dont douze entretiens avec des inventeurs universitaires
et six avec des acteurs et des professionnels de la valorisation de la recherche au Maroc.
40
Un corpus est « l’ensemble des documents pris en compte pour être soumis aux procédures
analytiques». (Bardin, 1980).

142
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Une analyse de l’intention entrepreneuriale

thèmes et des codes différents. La restructuration, quant à elle, est obtenue en amalgamant les
catégories ou les codes préalablement déstructurés pour obtenir un ensemble cohérent et
porteur de sens (Deschenaux, 2007).
Nous avons combiné deux techniques de codage pour coder notre corpus : le codage par
approche inductive ou enracinée (au sens de Strauss et Corbin, 1998) et le codage déductif (au
sens de Miles et Huberman, 2003).

- Le codage par approche déductive


A travers cette technique de codage, nous avons établi au préalable une liste de thèmes
précisément définis à partir notre revue de la littérature sur l’intention entrepreneuriale.
Tous ces thèmes préalablement définis ont été codifiés et hiérarchisés sous forme d’une
structure arborescente « Tree Nodes » dans le logiciel NVivo 11 (Figure 22). Ensuite, nous
avons soigneusement repéré les parties du corpus correspondant au même thème et les avons
reliés aux codes correspondants. En d’autres termes, lors de la lecture des retranscriptions des
entretiens, nous avons regroupé au même endroit tous les passages relatifs au même thème.

Figure 22: Capture d’écran d’un « Tree Nodes » sur le logiciel NVivo 11

Nœud parent

Nœud enfant

143
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Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Malgré les avantage de la technique du codage par approche déductive, elle est trop rigide et
peut passer à côté d’éléments intéressants figurant dans la masse d’informations, mais qui ne
correspondent à aucun thème de la liste pré-établie à partir de la revue de littérature. Compte
tenu des limites du codage déductif, nous avons décidé de le combiner avec une deuxième
technique de codage, à savoir le codage par approche inductive (au sens de Strauss et Corbin,
1998).

- Le codage par approche inductive


Cette technique de codage est complémentaire à la première. Elle nous a permis de compléter
la liste de codes établie à partir de la revue de littérature. En effet, au fur et à mesure de
l’analyse du corpus, de nouveaux codes ont émergé. A l’aide du logiciel NVivo nous avons
créé ces nouveaux codes (Free nodes ou nœuds libres dans NVivo) en sélectionnant le texte
du passage en question, puis en codant la sélection dans un nouveau nœud (Figure 23).

Figure 23: Illustration du codage par approche inductive dans NVivo 11

Création d’un nouveau


code : « Perception de
l’entreprise »

Transcription de
l’entretien avec
l’inventeur 3

144
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Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Deux nouveaux sous thèmes ont été introduits : « représentations du monde de l’entreprise »
et « représentations du rôle de l’inventeur universitaire ». Le tableau (Tableau 21) reprend
l’ensemble des thèmes et des sous-thèmes qui ont été émergés de notre démarche hybride
(codage déductive et inductive).

Tableau 21: Grille d’analyse des entretiens

Thèmes Sous-thèmes Définitions


Intention Intention Renvoie aux expressions relatives à la présence
entrepreneuriale ou non d’une intention entrepreneuriale

Non intention

Croyances Avantages liés à la Concernent l’évaluation subjective des


attitudinales création conséquences (avantages et désavantages) du
comportement (la création d’entreprise).

Désavantages liés à
la création.

Croyances Normes Renvoient aux :


normatives professionnelles - perceptions des pressions sociales ressenties
de la sphère sociale et professionnelle des
inventeurs en faveur ou en défaveur de la
Normes sociales création d’entreprise.
- représentations de l’entreprise et de
l’entrepreneur ainsi que du rôle professionnel

Rôle du modèle

Représentations de
l’entreprise

145
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Représentations de
l’entrepreneur

Croyances de Compétences et Portent sur la perception d’éléments


contrôle capacités susceptibles de faciliter ou d’empêcher la
personnelles production du comportement (la création
d’entreprise). Ces éléments peuvent être
Expériences endogènes (capacités, compétences,
tempérament, etc) et (ou) exogènes
professionnelles
(écosystème, influences extérieures, etc).

Formations
antérieures

Perception de
l’écosystème
entrepreneurial

Justification des connaissances

Il est important pour un chercheur de s’interroger sur la manière de justifier la validité des
connaissances qu’il élabore. En effet, il existe un certain nombre de principes directeurs
fondamentaux qui permettent de rendre compte de la validité des connaissances élaborées.
Ces principes peuvent être résumés en trois éléments : la validité interne de la recherche, la
validité externe des connaissances élaborées et la fiabilité du processus de recherche.

9.1. La fiabilité

Un chercheur doit à tout moment du processus de recherche, justifier la fiabilité des


connaissances élaborées. Dans le cadre du paradigme positiviste, justifier la fiabilité des
connaissances revient à justifier la fiabilité des instruments de mesure (questionnaires,

146
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

échelles de mesure, etc). « En d’autres termes, si l’on mesure plusieurs fois le même
phénomène avec le même instrument, on doit obtenir les mêmes résultats » (Gavard-Perret,
Gotteland, Haon, Jolibert, 2012).

Dans les autres paradigmes épistémologiques (constructiviste et interpretativiste), la


justification de la fiabilité consiste à mettre à la disposition du lecteur tout le matériau
empirique lui permettant de vérifier et de reproduire, s’il le souhaite, la logique de pensée et
le cheminement poursuivis pour élaborer la connaissance.

Dans le cadre de notre recherche, nous avons veillé à fournir une description détaillée de la
procédure d’investigation et de la méthode d’analyse.

9.2. La validité interne

La validité interne d’une recherche repose sur trois piliers : la cohérence interne du processus
de recherche, la validité du construit et la rigueur du processus de recherche.

 La cohérence interne du processus de recherche

La cohérence interne du processus de recherche fait référence à la cohérence du design de


la recherche, non seulement lors de la conception initiale du projet de recherche, mais
aussi tout au long de l’évolution du processus de la recherche.

 La validité du construit

Le mode de justification de la validité du construit dépend fortement du paradigme


épistémologique considéré. Dans le cadre d’une posture positiviste, un « construit » est lié à
une théorie particulière qui permet d’en préciser la signification ainsi que sa relation avec
d’autres éléments mesurables. La validité du construit a, dans ce sens, pour objectif de vérifier
si l’instrument de mesure utilisé permet de bien mesurer le construit qu’il est supposé mesurer.

Dans le cas d’une posture constructiviste, un « construit » correspond à un ensemble cohérent


de connaissances génériques relatives aux flux d’expériences vécues en relation avec le
phénomène étudié. La justification de la validité des connaissances élaborées (légitimation)

147
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

exige de justifier la validité non seulement du construit mais également du processus mis en
œuvre (rigueur).

Dans le paradigme interprétativiste, un «construit» fait référence à une interprétation de


l’expérience vécue, qui est souvent présentée sous forme narrative. « La justification de la
validité d’une interprétation exige d’en donner une description épaisse, de montrer qu’elle fait
bien consensus auprès des acteurs participant à cette expérience vécue, et qu’elle correspond
effectivement à ce que les acteurs font (et pas seulement à ce qu’ils disent qu’ils font) »
(Gavard-Perret, Gotteland, Haon, Jolibert, 2012) .

 La rigueur du processus de recherche.

Il s’agit d’apporter une description détaillée et rigoureuse de toutes les étapes du processus de
recherche afin de pouvoir en vérifié la rigueur et la validité. Il s’agit de reporter les théories
mobilisées, de justifier leur cohérence avec les hypothèses énoncées, de montrer la pertinence
du matériau empirique et la fiabilité du raisonnement mis en œuvre.

9.3. Justification de la validité externe des connaissances

La validité externe correspond au degré de généralisation de connaissances au-delà de


l’échantillon considéré (recherche quantitative) ou au-delà des cas étudiés (recherche
qualitative). Les résultats obtenus peuvent-ils être étendus à une plus large population ? dans
d’autres contextes ? avec d’autres matériels ? à d’autres moments ? ( Schmeltzer, 2011).

« La recherche qualitative a besoin d’être bordée par des critères de validité lui permettant de
conférer à la connaissance produite un statut scientifique. Si dans l’approche positiviste, les
critères sont de fait qualifiés via la réfutation ou la vérifiabilité, il est plus difficile dans
l’approche descriptive interprétativiste de déterminer les conditions d’accès à cette validité. »
(Gomez- Breysse, 2010).

En effet, « le progrès de toute connaissance scientifique comporte deux dimensions : l’une


relevant des questions de fait et l’autre de la validité» (Piaget, 1970).

148
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Le tableau (Tableau 22) présente les différents moyens mis en place pour assurer la validité
de notre recherche.

Tableau 22: Justification de la validité de la recherche

Questionnements Moyens mis en place Temps de la recherche

Fidélité Un autre chercheur - Explicitation détaillée de la Collecte des


(Bonne) pourrait-il parvenir à démarche méthodologique. Données
une représentation
similaire de la réalité - Présentation des guides
observée ? d’entretien et de la grille Traitement des
d’analyse Données

- Mise à disposition des


retranscriptions intégrales
d’entretiens.

Validité Lorsque le chercheur - Définition et précision des Elaboration du cadre


de parle d’un concept, concepts et des variables d’analyse
construit est-ce bien de ce retenues
(Bonne) concept dont il
parle ? - Multi-angulation des Collecte des données
données

- Multi-angulation des
personnes interviewées
(entretiens préliminaires avec
6 acteurs du domaine de la
valorisation, entretiens avec
12 inventeurs universitaires,
multiplication des cas
d’inventeurs, multiplications
des universités
d’appartenance)

Validité Le chercheur a-t-il - Rédaction de synthèse après Collecte des données


interne bien saisi les chaque entretien
(Bonne) perceptions et actions
des acteurs ?

149
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Validité Dans quelle mesure -Saturation théorique atteinte Collecte des données
externe les idées et les au bout de 18 entretiens
(Moyenne) thèmes générés dans (experts + inventeurs
un cadre ou un universitaires)
environnement
donné s’appliquent- - Réplication possible sur Analyse des données
ils à d’autres cadres d’autres inventeurs
ou environnements ? universitaires (contextes
similaires au contexte
marocain)

Source : Adapté de Bertholom (2012) et de Hlady Rispal (2002)

150
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

CONCLUSION DU CHAPITRE III


L’objectif de ce chapitre était de justifier notre positionnement épistémologique et
méthodologique.

Nous avons choisi d’inscrire notre projet de recherche dans le paradigme interprétativiste. En
effet, notre travail s’intéresse à l’individu « l’inventeur universitaire » et vise à comprendre la
formation de son intention d’entreprendre.

Les modèles de l’intention, à la base de notre recherche, offrent un cadre théorique simple et
efficace pour atteindre une meilleure compréhension de l’acte de création d’entreprise. Ces
modèles théoriques ont déjà fait leurs preuves dans différents contextes et leur utilité a été
déjà justifiée par plusieurs recherches empiriques. Cependant, le terrain particulier, voire
l’objet même de notre recherche, relève d’un contexte de découverte et d’exploration. En effet,
contrairement à d’autres pays (Etats-Unis, Allemagne, Canada, Japan, France, etc), rares sont
les recherches qui se sont intéressées, à l’inventeur universitaire et encore moins à l’évaluation
de son intention entrepreneuriale.

Notre objectif de chercheur s’inscrit donc dans une logique de découverte et d’exploration et
non de généralisation.

Le choix d’une approche exploratoire qualitative avait pour objectif de comprendre la réalité
(visible et cachée) telle qu’elle est vécue par les inventeurs universitaires.

Les données collectées ont été analysées en utilisant la méthode d’analyse de contenu
thématique (ACT) et en s’appuyant sur un logiciel d’analyse de données NVivo 11.

Ayant déterminé le protocole empirique dans sa globalité, l’objectif du chapitre suivant est de
présenter les principaux résultats de notre recherche.

151
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

CHAPITRE IV – RESULTATS EMPIRIQUES ET


DISCUSSION DES RESULTATS

152
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

INTRODUCTION DU CHAPITRE IV
L’objectif de ce chapitre est de présenter les principaux résultats de notre recherche.

Les données collectées au cours des entretiens ont été analysées en utilisant la méthode
d’analyse de contenu thématique et en s’appuyant sur le logiciel d’analyse de données NVivo.

Au cours de ce chapitre, nous allons discuter les résultats de cette analyse pour apprécier
notamment :

- la présence ou « non » d’intentions entrepreneuriales crédibles chez les inventeurs


universitaires
- les raisons de la réticence des inventeurs universitaires marocains à la valorisation
de leurs brevets d’invention
- l’incompatibilité ou « non » du rôle de l’inventeur universitaire avec celui du
créateur d’entreprise
- les représentations sociales et les perceptions qu’ont les inventeurs universitaires
du monde de l’entreprise et du métier d’entrepreneur

Nous analyserons particulièrement l’effet des croyances attitudinales, normatives et de


contrôle sur la formation de l’intention entrepreneuriale des inventeurs universitaires.

153
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Les inventeurs universitaires marocains, ont-ils des intentions


entrepreneuriales ?

L’un des premiers objectifs de notre recherche est de savoir si les inventeurs universitaires
marocains ont l’intention de créer une entreprise valorisant les résultats issus de leurs
recherches.

En effet, il convient tout d’abord de déceler la présence ou « non » d’intentions


entrepreneuriales crédibles chez les inventeurs rencontrés avant de pouvoir analyser les
modalités de la formation ou « non » de cette intention.

Conformément à nos constats de départ, relatifs au faible taux de création d’entreprises issues
des laboratoires de recherche universitaires au Maroc, un grand nombre d’inventeurs
rencontrés n’ont pas exprimé l’intention de créer des entreprises valorisant les résultats de
leurs recherches.

En effet, sur les 12 inventeurs universitaires interviewés, seulement 2 inventeurs sur 12, soit
1 inventeur sur 6 ont exprimé des intentions entrepreneuriales crédibles, le reste n’envisage
pas, pour le moment, franchir le pas de la création d’entreprise.

L’analyse du discours des inventeurs interviewés en réponse à la question « Avez-vous déjà


imaginé créer une entreprise valorisant les résultats de vos recherches ? » permet de distinguer
deux grandes catégories d’inventeurs non intentionnels : ceux qui rejettent fermement la
possibilité de s’engager dans une création d’entreprise « non intentionnels catégoriques »
et ceux qui n’ont pas, pour le moment, l’intention de créer une entreprise mais qui n’écartent
pas définitivement la possibilité de création dans le futur « non intentionnels hésitants ».

1.1. Les non intentionnels catégoriques

8 inventeurs sur 12, soit les deux tiers des inventeurs rencontrés, n’expriment pas d’intention
entrepreneuriale et refusent catégoriquement l’idée de créer une entreprise valorisant les
résultats de leurs recherches.

154
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Certains inventeurs sont fortement attachés à leur profession. Très engagés, ils vivent leur
métier comme une passion et une vocation professionnelle. Ces inventeurs écartent
définitivement la possibilité de s’engager dans une création d’entreprise.

C’est le cas de l’inventeur 4 qui affirme son attachement à la carrière académique : « Moi-
même, non (je n’envisage pas créer une entreprise), mais c'est-à-dire personnellement j’ai
une culture très académique […] je n’ai jamais pensé à créer moi-même une entreprise […].
C’est un choix, le choix académique, je l’ai choisi avec ferveur, c’est une passion […]. Je ne
vais pas tout mettre en arrière et me consacrer à la création ». De même pour l’inventeur 7
qui écarte définitivement la probabilité de s’engager dans un projet de création d’entreprise et
exprime un grand attachement émotionnelle à son métier : « Pourquoi je vais créer une
entreprise ? Ma vocation et ma spécialité…Je suis enseignant chercheur. J’enseigne et je fais
de la recherche, c’est mon métier, c’est ma passion. J’adore mon métier et je ne réfléchis pas
pour le moment à autre chose. Ni pour le moment ni dans le futur. Parce que mon métier, je
suis enseignant chercheur. Depuis toujours, je voulais, je rêvais d’être enseignant et j’aime
mon métier malgré les difficultés et les contraintes […]». A son tour, l’inventeur 3 refuse
catégoriquement l’idée de créer sa propre entreprise : « Non, comme je vous disais, un
chercheur, je parle de moi-même …hein …Moi ça ne m’intéresse pas. C'est-à-dire si j’ai
choisi ce métier ce n’est pas pour créer l’entreprise, d’accord ? On ne peut pas être partout
[…].C’est un choix.».

La quasi-totalité des inventeurs non intentionnels perçoivent une incompatibilité entre la


création d’entreprise et leur rôle professionnel. Selon ces inventeurs, la création d’entreprise
est contraire à la déontologie scientifique et aux devoirs de l’enseignant chercheur qui se
résument, selon l’inventeur 3, dans les activités de recherche et d’enseignement,
l’encadrement des étudiants et des doctorants, les publications dans des revues scientifiques à
comité de lecture, la participation à des congrès et le dépôt des brevets : « Moi, mon travail
c’est enseignant chercheur. C'est-à-dire je dois être en veille, voir tout ce qui se passe, tout
ce qui se fait dans la recherche, rédiger…enfin sortir des articles, encadrer des doctorants,
faire des cours sur…voilà ! Ça s’arrête là. Maintenant, si je m’oriente vers l’entreprise, c'est-
à-dire, c’est comme en quelque sorte contre […] comme si je change plus au moins de métier,
d’orientation ».

155
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Ce même inventeur affirme que l’activité de recherche prend beaucoup de temps et qu’il lui
est difficile, voire impossible de continuer à être un bon chercheur s’il décide un jour de créer
sa propre entreprise : « Moi, je connais mes limites, je sais que si je vais d’un côté ça va être
au détriment de l’autre côté, donc ça ne m’intéresse pas. Un chercheur tout seul il ne peut
rien valoriser. Déjà avoir une idée ce n’est pas facile, avoir une idée qui est mieux que les
autres c’est encore plus difficile, maintenant avoir une idée mieux que les autres et la valoriser
et… alors là ça devient de la mission impossible. On ne peut pas être partout. Donc c’est un
travail collaboratif». Ce constat est partagé par l’inventeur 4 : « A mon avis, il faut assumer,
on a un travail, ou bien on fait l’un ou l’autre, ce n’est pas une question de risques ou de
freins, mais j’assume. Si j’ai à choisir entre créer une entreprise ou bien continuer dans
l’université, je choisirai l’université, malgré […]. Si je choisi l’entrepreneuriat, je dois dédier
tout un temps à l’entrepreneuriat, au détriment de mon métier».

Outre l’incompatibilité perçue entre l’activité de création d’entreprise et le rôle professionnel


de l’universitaire, les inventeurs non intentionnels évoquent les freins juridiques et perçoivent
une incompatibilité des règles statutaires de la fonction publique avec la création d’entreprise
par un inventeur universitaire, c'est-à-dire par un fonctionnaire de l’Etat. C’est le cas de
l’inventeur 1 qui affirme que les brevets déposés par un inventeur universitaire sont la
propriété de l’université : « Quand on dépose un brevet, le brevet est la propriété de
l’université, c’est l’université qui est propriétaire. Moi je ne suis pas propriétaire du brevet.
La loi […]. Tous les brevets déposés par un salarié, notamment par un enseignant chercheur,
comme je suis un salarié de l’université, donc automatiquement le brevet est la propriété de
l’université […]. Je ne pense pas que j’ai le droit de le faire (créer ma propre entreprise),
parce que moi déjà je travaille en tant qu’enseignant chercheur à la faculté ».

1.2. Les non intentionnels hésitants

Contrairement aux non intentionnels catégoriques qui expriment un grand attachement à leur
métier et aux exigences de leur travail en tant qu’enseignants chercheurs, les non intentionnels
hésitants n’écartent pas définitivement la possibilité de créer une structure dans le futur. En
d’autres termes, l’intention de créer une entreprise n’est pas présente pour le moment chez ces
inventeurs mais une évolution de cette intention peut avoir lieu dans le futur.

156
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

En effet, les non intentionnels hésitants expriment une certaine peur de s’engager dans un
monde incertain. Ils sont déjà habitués à la stabilité de la fonction publique et ne supportent
pas les fortes fluctuations imposés par le métier d’entrepreneur. C’est le cas de l’inventeur 10
qui affirme que «le chercheur universitaire a une garantie à vie avec l’Etat, iI a un salaire, il
peut planifier sa vie depuis son commencement jusqu’à son décès […]. Il planifie et il fait des
garde-fous, attention là je vais perdre, là je vais gagner. Il va tout doucement mais
tranquillement. L’entrepreneur non, c’est une guerre, maintenant il a gagné 10 fois plus que
je vais gagner dans toute ma vie et demain il va perdre la moitié ou il va perdre deux fois et
donc c’est des hauts et des bas, c’est des fluctuations. Un vrai entrepreneur c’est celui qui
supporte ces fluctuations […]. Nous, on ne tolère pas les fortes fluctuations ». A son tour,
l’inventeur 9 exprime sa peur de mettre en péril sa stabilité financière, s’il décide un jour de
quitter l’université pour créer son entreprise : « Au Maroc, si vous êtes un enseignant
chercheur qui a un salaire et vous voulez créer votre propre entreprise […]. Et comme je suis
salarié, mes enfants ont déjà pris l’habitude de voir des choses constantes. Donc si je leur
coupe les vivres bah ça va être quelque chose de très…Donc ça déjà ce n’est pas résolu ».

Ces inventeurs ne veulent pas prendre le risque de démissionner de leur travail actuel pour
créer une entreprise. Ils ont besoin d’être rassurés et cherchent à avoir des garanties de réussite
et une visibilité claire pour pouvoir s’engager dans l’aventure entrepreneuriale. C’est le cas
de l’inventeur 10 qui adopte une attitude vigilante et affirme avoir besoin de garanties de
réussite pour pouvoir entreprendre : « En ce moment non (je ne suis pas intéressé par la
création d’entreprise) mais si vraiment il y a une opportunité et vraiment une visibilité claire
pour que ça aboutisse, je n’hésiterai pas, pourquoi pas ?[…]. Ici on est très vigilant, très
timide, c’est à dire on ne s’engage que si on voit une garantie de réussite. C’est-à-dire si je
ne vois pas une garantie de réussite, je préfère rester dans ma carrière ». Il ajoute avoir
besoin d’être rassurer et protéger pour oser l’aventure entrepreneuriale : « Je ne peux pas
m’engager dans un contexte réel comme ça, sauf si je vois déjà des clients qui sont prêts à
recevoir mon produit et avec qui je peux collaborer d’une manière honnête et transparente et
franche, autrement je préfère rester avec mes papiers et mes formules et continuer mon
travail ».

157
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Maintenant que nous avons contacté l’absence d’intentions entrepreneuriales crédibles chez
un grand nombre d’inventeurs (sur les 12 inventeurs universitaires interviewés, seulement 2
inventeurs sur 12 ont exprimé des intentions entrepreneuriales crédibles), nous pouvons
maintenant, explorer les principales raisons de cette « non » intention, c'est-à-dire les raisons
de la réticence des inventeurs universitaires marocains à la valorisation de leurs brevets
d’invention, notamment par la création d’entreprise.

L’influence des caractéristiques personnelles : L’âge et le statut académique

Certains auteurs considèrent l’âge comme un élément stimulateur de l’engagement d’un


individu dans la création d’entreprise. D’autres, quant à eux, le considère comme un facteur
de blocage.

En ce qui concerne notre cas, une grande majorité des inventeurs interrogés considèrent l’âge
comme un facteur de blocage. Ils ont déjà fait carrière dans le domaine de la recherche et de
l’enseignement et se considèrent trop « vieux » pour se lancer dans le monde de
l’entrepreneuriat. C’est le cas de l’inventeur 4 (20 ans d’ancienneté) qui affirme avoir passé
plusieurs années dans le domaine de la recherche et de l’enseignement et ne se projette pas
dans une carrière entrepreneuriale : « Il y a l’âge aussi [Rires] parce que bon, je ne suis pas
très très jeune, je suis un enseignant depuis 1996 déjà ! La notion de création d’entreprise, à
mon avis, il faut des jeunes de moins de 30 ans, moins de 35 ans, à mon avis. Moi j’ai déjà
fait ma « carrière », je suis déjà professeur et tout […]. Je suis déjà habitué à faire de
l’enseignement et de la recherche, je ne vois pas autre chose, pour être sincère [Rires]».
L’inventeur 6 (30 ans d’ancienneté) affirme, qu’à partir d’un certain âge, il est très difficile
d’apporter des changements à sa carrière : « Donc quelqu’un qui est formaté enseignant
chercheur, c’est très difficile surtout à partir d’un certain âge, de le reformater pour qu’il
devient entrepreneur […]. Moi je n’ai pas un esprit entrepreneur, je suis formé, formaté dans
un esprit enseignant chercheur».

L’inventeur 7 (29 ans d’ancienneté) va dans le même sens. Selon lui, c’est aux jeunes
chercheurs de prendre le relais et de créer des entreprises : « Un doctorant ou un jeune
inventeur qui vient de soutenir sa thèse et qui a des choses intéressantes à valoriser, il a

158
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

encore la motivation et l’ambition pour entreprendre, pourquoi pas ! Mais moi non, j’ai déjà
passé plusieurs années à l’université, mes étudiants et mes doctorants ont réussi, j’ai une
satisfaction personnelle hamdolilah (Dieu merci). C’est leur tour maintenant, la jeunesse…».

Il est à noter que sur les 10 inventeurs non intentionnels rencontrés, 9 inventeurs possèdent le
statut académique le plus élevé au Maroc (Professeur de l’enseignement Supérieur ou PES).
Ces inventeurs non intentionnels ont passé en moyenne 27 ans dans le domaine académique.
Les verbatims de ces inventeurs dévoilent que le nombre d’années passées dans le milieu
universitaire et le statut académique des inventeurs influencent leur intention entrepreneuriale.
En d’autres termes, plus le nombre d’années passées dans l’université et le statut académique
sont élevés plus l’intention entrepreneuriale est faible.

Ce résultat rejoint celui d’Amendola (1992) en Italie et celui d’Emin (2003) en France, qui
affirment que le statut académique des chercheurs influence leur intention de s’engager ou
non dans la création d’entreprise. En effet, ce sont les chercheurs qui sont au début de leur
carrière scientifique (doctorants, associés, assistants, etc) qui seraient plus incités à créer une
entreprise que les chercheurs de rangs supérieurs « full professor ». Ce constat s’explique par
le fait que la carrière académique des jeunes chercheurs n’est pas encore garantie.

Cependant, ce résultat n’est pas généralisable. Arrivés au summum de leur carrière


académique et découragés par une progression de carrière fortement limitée, les chercheurs
ayant atteint des grades académiques très élevés vont tenter de faire face à ce blocage à travers
la création d’entreprise. C’est l’exemple de l’inventeur 12 (38 ans d’ancienneté) qui affirme
que l’âge et le statut académique élevés pourraient être des facteurs d’incitation à s’engager
dans l’aventure entrepreneuriale :

« Parce que moi j’ai atteint le grade C, j’ai plafonné, je suis professeur de
l’enseignement supérieur, Grade C (C’est le statut académique le plus élevé au Maroc).
Maintenant c’est ça ce qu’il faut, il faut que l’Etat…parce que pour encourager les
chercheurs qui ont déjà produit et qui ont un âge et qui sont arrivés au plafond, il ne
faut pas qu’ils restent bloqués. Parce qu’il y a des chercheurs qui ont obtenu le grade
le plus élevé et qui font tout de même de la production scientifique, de l’innovation. Il

159
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

faut les encourager, leur donner la possibilité de gérer une entreprise par exemple.
Maintenant, ça m’intéresserai beaucoup de créer une entreprise, je pourrai consacrer
plus de temps à cette entreprise ».

Ce constat est cohérent avec celui de Doutriaux et Peterman (1982) au Canada, Kenney (1986)
aux Etats Unis et Kulicke et Krupp (1987) en Allemagne41.

Les déterminants de la « non » intention entrepreneuriale des inventeurs


universitaires marocains

Maintenant que nous avons contacté l’absence d’intentions entrepreneuriales crédibles chez
un grand nombre d’inventeurs (sur les 12 inventeurs universitaires interviewés, seulement 2
inventeurs sur 12 ont exprimé des intentions entrepreneuriales crédibles) , nous pouvons
explorer les principales raisons de cette « non » intention, c'est-à-dire les raisons de la
réticence des inventeurs universitaires marocains à l’égard de la valorisation de leurs
recherches notamment par la création d’entreprise.

La théorie du comportement planifié Ajzen (1991) identifie trois types de croyances


susceptibles d'exercer une influence sur l'intention et le comportement des individus : les
croyances attitudinales, normatives et de contrôle.

Les croyances attitudinales revoient à l’évaluation subjective des conséquences (avantages et


inconvénients) du comportement. Les croyances normatives concernent la perception des
pressions sociales ressenties de la sphère sociale de l’individu en faveur ou en défaveur d’un
comportement particulier. Les croyances de contrôle, quant à elles, portent sur la perception
d’éléments susceptibles de faciliter ou d’empêcher la production du comportement. Ces
éléments peuvent être endogènes (capacités, compétences, tempérament, etc) et (ou) exogènes
(écosystème, influences extérieures, etc).

41
Cités par Emin (2003)

160
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

L’analyse thématique des discours, nous a permis d’identifier les dimensions des croyances
(attitudinales, normatives et de contrôle) susceptibles d'exercer une influence sur l'intention
entrepreneuriale des inventeurs universitaires.

Nos analyses font apparaitre des dimensions spécifiques à la population étudiée, à savoir les
inventeurs universitaires marocains.

3.1. Les croyances attitudinales

Pour identifier les croyances des inventeurs universitaires envers le comportement de création
d’entreprise, nous nous sommes référés à l’approche suggérée par Ajzen & Fishbein (1980)
qui propose d’interroger le sujet sur sa perception des conséquences (avantages et
désavantages) relatives à l’adoption du comportement.

Dans notre cas, les conséquences perçues (avantages et désavantages) ont été décelées à
travers des réponses aux trois questions suivantes :

- Quels avantages (conséquences positives) pensez-vous tirer de la décision de


créer une entreprise valorisant les résultats de vos recherches ?
- Quels désavantages (conséquences négatives) voyez-vous dans la création d’une
entreprise valorisant les résultats de vos recherches ?
- A part les avantages et les désavantages, est-ce que le fait de créer une entreprise
par un inventeur universitaire vous fait penser à autre chose ?

3.1.1. Une perception négative des conséquences liées à la création

L’analyse thématique des discours des inventeurs non intentionnels dévoile une perception
négative des conséquences susceptibles d’être engendrées par la création d’entreprise
valorisant les résultats de leurs recherches. En d’autres termes, les conséquences négatives
semblent prendre le pas sur les conséquences positives attendues. Ces conséquences évoquées
par les inventeurs s’articulent autour de la notion de risque. L’analyse des verbatims des
inventeurs interrogés dévoile quatre types de risques : le risque financier, le risque de carrière
ainsi que le risque physique et psychologique.

161
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

3.1.1.1. Le risque professionnel

Le premier risque perçu par les inventeurs interviewés est un risque professionnel. Selon ces
inventeurs, l’engagement dans un projet de création d’entreprise peut remettre en cause leur
métier et les éloigner de leur rôle traditionnel de recherche et d’enseignement.
A titre d’exemple, l’inventeur 3 refuse catégoriquement l’idée de s’engager dans un projet de
création d’entreprise par crainte de s’éloigner de son projet professionnel : « Les soucis de la
boite, les soucis de la comptabilité, les problèmes…qui sont très loin des problèmes d’un
enseignant chercheur, d’accord ? Ça veut dire qu’on risque de dévier par rapport à notre
métier […]. Quitter ce que je suis en train de faire pour monter une entreprise, pour
commercialiser une idée, ça pour moi, c’est un très grand risque parce que je vais sortir de
mon projet professionnel et de ce que je veux faire ».

Un autre risque professionnel perçu par les inventeurs rencontrés, concerne leur crainte de ne
plus avoir suffisamment de temps pour l’approfondissement de leurs travaux de recherche.
En effet, selon ces inventeurs, l’engagement dans une création d’entreprise peut prendre
beaucoup de temps, au détriment de l’avancement de leurs recherches. Ce constat est confirmé
par l’inventeur 2 qui affirme que :

« Pour moi, le risque, c’est que je ne vais pas pouvoir faire de la recherche comme je
veux. Déjà moi, je sens que je peux apporter plus dans l’aspect recherche et
développement que d’aller monter une boite […]. Je sais que si je vais d’un côté ça va
être au détriment de l’autre côté, donc ça ne m’intéresse pas […]. Quand on va dans
cette voie (la création d’entreprise), c’est difficile de continuer à être chercheur, parce
que quand on intervient dans une entreprise, le temps qu’on passe c’est au détriment de
la recherche. Maintenant si vous voulez être un chercheur, surtout on parle de la
recherche…la recherche, quand on fait de la recherche ça prend énormément de temps,
ça prend tout le temps quand on veut faire la recherche ! Alors comment moi…c’est très
difficile, c’est une équation très difficile à résoudre ».

A son tour, l’inventeur 10 insiste sur le risque de s’éloigner de son rôle principal d’enseignant
chercheur et de ne plus avoir suffisamment de temps pour l’approfondissement de ses travaux

162
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

de recherche, s’il décide de s’engager un jour dans un projet de création d’entreprise. Il affirme
dans ce sens que : « en tant que chercheur, je pense que ça va un peu me réduire le temps de
se consacrer à la recherche et plutôt de se consacrer à la gestion de l’entreprise […]. Alors
là c’est un autre champ de bataille […]. Donc ça peut retarder mes travaux de recherche, ça
c’est sûr, ça c’est sûr ! ».

Les inventeurs universitaires marocains, généralement fonctionnaires de l’Etat, sont soumis


aux dispositions du statut général de la fonction publique (promulgué par Dahir n° 1-58-008
du 24 février 1958 (4 chaabane 1377)), qui stipule à l’article 16 : « Il est interdit à tout
fonctionnaire, quelle que soit sa position, d'avoir, par lui-même ou par personne interposée
et sous quelque dénomination que ce soit, des intérêts de nature à compromettre son
indépendance dans une entreprise soumise au contrôle de l'administration ou service dont il
fait partie ou en relation avec son administration ou service » (Annexe 3). Dans ce sens, il est
interdit à un chercheur universitaire de cumuler plusieurs fonctions, c'est-à-dire appartenir au
service public et en même temps créer sa propre entreprise. Dans cette situation, si l’inventeur
universitaire décide de s’engager dans une création d’entreprise, il doit démissionner de la
fonction publique.

En quittant la fonction publique, ces inventeurs universitaires renoncent au « confort » de


l’environnement public et au prestige associé à l’environnement intellectuel et scientifique.
C’est le cas de l’inventeur 1 qui affirme que : « créer ma propre entreprise, Non ! Je risque…
je ne veux pas perdre mon confort. Là je suis dans une situation confortable, je ne vais pas
changer par autres choses ». L’inventeur 9 affirme à son tour ne pas vouloir renoncer à
l’environnement relativement sûr du salariat : « Comme je vous ai dit, si les choses
s’éclaircissent. Je ne peux pas vivre sur… je suis prof universitaire, je démissionne, je crée
l’entreprise […]. Je veux bien, si je la fais vivre vraiment à l’aise … ».

D’autres inventeurs affirment que dans le cas où l’inventeur universitaire décide de


démissionner de ses fonctions pour créer une entreprise valorisant les résultats de ses
recherches, il risque de mettre en péril sa carrière et son employabilité future.

163
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

En s’engageant dans une création d’entreprise, l’inventeur universitaire développe des


compétences qui peuvent n’avoir que peu de valeur dans l’environnement scientifique s’il
décide, un jour, de revenir à l’université. C’est le cas de l’inventeur 6 qui affirme que :

« Et si je crée l’entreprise et je ne réussis pas ? Il y a le risque. Si je veux revenir à


l’université je ne vais pas trouver ma place je suis sûr et certain, je serai dépassé par
les collègues voire mes doctorants [Rires]. Tout simplement parce que je n’aurai pas
assez de temps pour les publications et la recherche […]. Et comme vous savez, un
chercheur qui ne publie pas, qui ne dépose pas des brevets… est un chercheur qui
n’existe pas ! Si je démissionne pour créer une entreprise et ça ne réussit pas c’est très
difficile de revenir à l’université »

3.1.1.2. Le risque financier

Parmi les risques perçus par les inventeurs rencontrés, nous avons identifié le risque financier.
En effet, les inventeurs universitaires sont habitués à la stabilité de la fonction publique et ne
supportent pas les fortes fluctuations. Ils expriment une certaine peur d’échouer, de faire
faillite et de mettre en danger leur stabilité et leur confort financier. C’est le cas de l’inventeur
1 qui affirme que : « pour quelqu’un qui avait un salaire à la fin du mois, sans aucun
problème. Quel que soit le pourcentage de réussite des étudiants, mon salaire ne bouge pas.
Par contre, quand vous allez partir dans une entreprise il y a le risque, même en tant que
subordonné, si l’entreprise ne marche plus, s’elle fait faillite, il y a un risque ».

A son tour, l’inventeur 3 exprime sa peur de mettre en péril sa stabilité financière, s’il décide
un jour de quitter l’université pour créer son entreprise : « Parce que créer une entreprise ça
reste toujours une aventure. On sait comment ça commence mais on ne sait jamais comment
ça va finir, personne ne sait comment ça va finir. On risque de perdre de l’argent, on risque
de gagner de l’argent mais on risque aussi de le perdre ».

L’inventeur 1, se projette dans le passé (nostalgie) et se rapporte au modèle de son père pour
évoquer le risque de tout perdre et de voir sa vie s’écrouler avec l’échec de l’entreprise : « Mon
père était entrepreneur, il avait un petit truc. Mais quand je travaillais avec lui, je
l’accompagnais dans toutes ses activités et tout, je voyais que […]. Un jour, il y avait un

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LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

incendie, qui a ravagé les deux magasins et on venait d’installer la marchandise […] son
associé, qui était un mauvais entrepreneur… il a lâché, il a vu les flammes qui ravageaient la
marchandise et il a voulu se suicider».

D’autres inventeurs, quant à eux, se projettent dans le futur et imaginent des scénarios négatifs
voire catastrophiques. Ces inventeurs anticipent les risques financiers et sous-estiment leurs
capacités à affronter leurs craintes. Ces anticipations négatives et ces projections anxiogènes
justifient leur réticence à s’engager dans un projet de création d’entreprise. C’est le cas de
l’inventeur 9 qui exprime sa « certitude » et sa crainte de rencontrer de mauvais payeurs s’il
décide un jour de créer une entreprise. Cette crainte bloque son intention entrepreneuriale :
« Il y a des contraintes, je connais le monde de l’entreprise au Maroc. La contrainte numéro1
c’est qu’il y a un problème de paiement. Je risque si je démissionne de tomber sur deux ou
trois mauvais payeurs et je suis mort deux fois […]. Au Maroc, je donne, j’ai un bon de
commande zéro, je livre zéro, j’attends trois mois zéro et après je regarde ce que je fais, je
vais même au tribunal et c’est zéro ».

L’inventeur 10, à son tour, anticipe son échec et son incapacité à faire face à la concurrence :
« Vous savez, déjà l’invention, l’objet de mon invention, c’est une invention qui s’inscrit dans
un monde en pleine compétitivité entre les firmes, entre les multinationales, les géantes à
l’échelle mondiale et donc pour venir monter une entreprise avec ce brevet, déjà c’est vouer
à l’échec. Je ne pense pas que je pourrai réussir parce que je ne peux pas concurrencer
SAMSUNG, ni ALCATEL ni MOTOROLA ni HP ».

3.1.1.3. Le risque physique, psychologique et social

Les inventeurs non intentionnels expriment également leur crainte de mettre en danger leur
santé physique et mentale. En effet, l’engagement dans la création d’entreprise nécessite un
grand investissement personnel en temps et en énergie. Cet investissement peut mener à
l’épuisement. Les inventeurs semblent mesurer les risques et les défis psychologiques et
mentaux d’un engagement total dans la création d’entreprise. C’est le cas de l’inventeur 9 qui
affirme que : « C’est étouffant ! C’est très stressant ! Très stressant ! […]. Un entrepreneur
n’a malheureusement pas ce choix, il est un peu tiré par le temps et par la concurrence […].
Un entrepreneur, il peut passer 3 heures à parler au téléphone et ça le stresse,, ça le tue et il

165
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

ne fait pas grand-chose au téléphone. Un enseignant non, il peut rester avec les papiers, avec
internet, je ne sais pas. Mais pas obligatoirement au téléphone en train de résoudre un
problème avec une banque, un cabinet, un fournisseur, s’il te plait.... C’est stressant !».
L’inventeur 10 va dans le même sens et évoque sa crainte de mettre en péril sa santé et sa
tranquillité s’il décide un jour de tenter l’aventure entrepreneuriale : « Parce que ça agit même
sur le psychique, sur la santé. Tout le temps être stressé, ce n’est pas comme quelqu’un qui
est tout le temps à l’aise, qui travaille tranquillement».

L’inventeur 2, quant à lui, évoque sa crainte de ne plus avoir suffisamment de temps pour lui-
même ou pour ses loisirs et son bien-être : « Si je crée ma propre entreprise, je n’aurai pas
assez de temps pour mes activités personnelles, mes passions ; je n’aurai plus de temps pour
mes passions […]. Je n’aurai pas assez de temps ni pour la recherche ni pour mes passions
…pour moi-même ».

Enfin, certains inventeurs évoquent la difficulté de concilier leur vie familiale avec les
obligations et les responsabilités imposées par le travail d’entrepreneur. Selon ces inventeurs,
l’engagement dans une activité entrepreneuriale peut perturber la stabilité et l’équilibre de leur
vie personnelle. Cette situation peut avoir des conséquences irréversibles et préjudiciables
pour l’inventeur et son entourage. C’est le cas de l’inventeur 10 qui affirme que : « Ça se
répercute même sur le côté relationnel, la famille, les amis. Un entrepreneur acharné qui
bosse toujours, il ne voit pas ses enfants, donc il fait de l’argent, il fait de la richesse, mais il
perd sur l’affectif avec ses enfants […]. Alors, nous en tant que fonctionnaires on est
équilibrés, un peu de temps avec les enfants, un peu avec l’administration, un peu avec les
chercheurs, un peu avec les étudiants et un peu avec les entreprises aussi ».

En bref, les inventeurs non intentionnels perçoivent la création d’entreprise comme une
aventure très risquée. Ils dévoilent une vision pessimiste des conséquences susceptibles d’être
engendrées par leur engagement dans une activité entrepreneuriale. En d’autres termes, ces
inventeurs non intentionnels sous-évaluent les avantages de la création d’entreprise
(autonomie, gain financier, évolution de la carrière, etc) et surévaluent la probabilité
d’occurrence des conséquences négatives (risque financier, professionnel, physique,
psychologique et social).

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LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Ce résultat rejoint celui d’Emin (2003) pour le cas Français, qui affirme que « les chercheurs
non intentionnels ne seraient pas incités à créer dans la mesure où ils perçoivent peu les
conséquences qui pourraient leur être favorables et « surestiment » la probabilité d’apparition
des cotés négatifs de la création. Ce phénomène est accentué par le fait que les chercheurs non
intentionnels sont moins sensibles à l’attrait des conséquences « positives » de la création,
mais sont plus fortement freinés dans leur engagement que les autres par les conséquences
dites négatives ».

Tableau 23: Synthèse des risques de la création d’entreprise, exprimés par les
inventeurs universitaires

S’éloigner de son rôle principal d’enseignant


Risque professionnel chercheur.
Ne pas avoir suffisamment de temps pour
l’approfondissement de ses travaux de
recherche.
Encourir un risque de perte de prestige associé
à l’environnement intellectuel et scientifique.
Publier moins et mettre en péril sa carrière et
son employabilité future.
Renoncer à la « stabilité » de la fonction
Risque financier publique.
Encourir le risque de tout perdre et de voir sa
vie s’écrouler avec l’échec de l’entreprise.

S’épuiser au cours de la création et mettre en


Risque physique, psychologique et social
jeu sa santé.
Etre dans le doute et l’incertitude.
Ne pas avoir suffisamment de temps pour soi-
même, pour ses loisirs et son bien-être.

167
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Avoir des difficultés à concilier sa vie familiale


avec les obligations imposées par le métier
d’entrepreneur.

3.2. Les croyances normatives

3.2.1. La norme sociale

La norme sociale correspond à la pression sociale perçue par un individu à adopter (ou pas)
un comportement déterminé. Elle fait référence à l’ensemble des croyances d’un individu
quant à l’opinion des gens qui sont importants pour lui par rapport à ce qu’il voudrait
entreprendre (Ajzen, 1991). En d’autres termes, les normes sociales correspondent à la
perception d’un individu, du degré d’approbation ou de désapprobation du groupe de
personnes significatives pour lui (groupe de référence) quant à son adoption d’un
comportement déterminé.

Les normes sociales sont le résultat des différentes pressions sociales exercées par le groupe
de référence de l’individu (parents, famille, amis, collègues, etc).

Selon la théorie du comportement planifié (Ajzen, 1991), un individu aura l'intention d'adopter
(ou non) un comportement, suivant la façon dont il juge que celui-ci est cohérent avec les
valeurs et les principes moraux de son groupe de référence. Ainsi, d’après Ajzen (1991), la
volonté de l’individu de se conformer (ou non) aux normes de son groupe de référence est
déterminante quant à l’adoption (ou non) du comportement en question. Dans notre cas, la
norme sociale fait référence au degré d’approbation ou de désapprobation perçue par
l’inventeur universitaire de la part des personnes dont l’opinion lui importe.

L’estimation de l’influence des normes sociales a été évaluée, au cours de nos entretiens, en
fonction des réponses aux deux questions suivantes :

- A votre avis, quelles sont les personnes qui seront favorables et qui vont approuver
votre tentative de créer une entreprise valorisant les résultats de vos recherche ?

168
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

- A votre avis, quelles sont les personnes qui seront défavorables et qui vont
désapprouver votre tentative de créer une entreprise valorisant les résultats de vos
recherche ?

Les résultats concernant l’influence de la norme sociale perçue sur l’intention entrepreneuriale
restent divergents. Si elle a un effet significatif dans l’explication de l’intention
entrepreneuriale dans les recherches de Kolvereid (1996) ; Engle et al. (2010) et Tkachev et
Kolvereid (1999), elle n’a pas d’impact significatif dans les recherches de Conner et Armitage
(1998), Linan (2004), Boissin, Emin et Herbert (2007) et Tran (2010). En d’autres termes, la
place de la norme sociale dans l’explication de l’intention entrepreneuriale reste peu claire.

Dans notre cas particulier, la norme sociale perçue n’a pas un effet significatif dans la
formation de l’intention entrepreneuriale des inventeurs universitaires. En effet, les inventeurs
interrogés n’accordent pas une grande importance au jugement de leur entourage dans leur
choix de carrière, notamment la possibilité de créer une entreprise valorisant les résultats de
leur recherche. C’est le cas de l’inventeur 3 qui affirme que : « Mais bon ! Disant, on n’attend
pas la faveur… C'est-à-dire quand je veux lancer une entreprise, je n’attends pas que les gens
soient favorables ou non avec moi. Quand je veux monter une entreprise je fonce même s’il y
a des gens qui sont contre, je fonce, c’est comme ça que je vois les choses […]. Mais encore
une fois, je dis que quand on veut créer une entreprise, en général il faut s’écouter soit même
premièrement, mais ce que disent les autres est ce qu’ils sont favorables ou
défavorables…C’est vrai peut-être, c’est intéressant d’avoir l’avis des gens mais ça reste
avant tout une conviction personnelle ».

Ce constat est partagé par l’inventeur 7 qui affirme à son tour que la décision de créer une
entreprise reste avant tout une affaire personnelle indépendamment des pressions et des
normes sociales : « Moi je n’attends pas que les autres approuvent ou désapprouvent, je veux
dire…je n’attends pas les autres pour décider à ma place [Rires]. Pour moi, c’est un choix,
je n’ai pas l’intention de monter une entreprise et c’est une décision personnelle, c’est
personnel… Je n’attends pas à ce que les autres approuvent ou désapprouvent mes choix
personnels ».

169
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Selon Emin (2004), les recherches sur la théorie du comportement planifié « ont souligné le
besoin d’une prise en compte plus poussée des influences normatives sur le comportement.
En effet, comme précisé précédemment, la norme sociale a souvent été trouvée être le
prédicateur le plus faible (voir non significatif) de l’intention. Les chercheurs se sont alors
intéressés à l’existence d’autres influences normatives qui pourraient avoir un effet plus
important sur le comportement» (Emin, 2004).

3.2.2. Au-delà de la norme sociale, la norme professionnelle

Les normes professionnelles forgent les philosophies professionnelles. Elles font référence à
l’ensemble des normes, des devoirs et des règles qui guident une activité processionnelle.

Selon Emin (2003), la norme professionnelle peut être assimilée au concept de rôle. Dans son
ouvrage « La notion de rôle en psychologie sociale », Rocheblave-Spenle (1969) définit le
rôle comme « un modèle organisé de conduites relatif à une certaine position sociale de
l’individu dans un ensemble interactionnel ». La notion de rôle fait référence à la manière
dont un individu doit se comporter et ainsi pouvoir être intégré au sein de son milieu social ou
professionnel. En d’autres termes, « le rôle est un ensemble de comportements répondant à
des modèles d’attentes et qui sont attribués à la position déterminée qu’occupe une
personne » (Merton, 1963). Dans notre cas particulier, il peut sembler intéressant de se
questionner sur l’impact d’une telle variable (norme ou rôle professionnelle) sur l’intention
entrepreneuriale des inventeurs universitaires.

Des résultats intéressants ont émergé de nos entretiens avec les inventeurs universitaires. En
effet, la totalité des inventeurs rencontrés ont fait allusion, à un moment ou un autre de
l’entretien, au concept du rôle professionnel. C’est le cas de l’inventeur 1 qui affirme que :
« On a une tâche. Notre rôle c’est d’enseigner, c’est de faire de la recherche, c’est d’encadrer
des étudiants […]. Il ne faut pas oublier notre rôle principal, c’est l’encadrement des jeunes.
Quand on trouve quelque chose, quand on fait une recherche, on ne la fait pas tout seul…donc
il y a des jeunes à côté. Et ces jeunes-là ! Il y a déjà le plaisir parce qu’ils vont être formés,
ils vont avoir un diplôme ». L’inventeur 2 va dans le même sens et affirme que :

170
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

«Normalement le 1/3 de notre salaire c’est pour la recherche, donc il faut faire de la
recherche il faut publier […]».

Selon ces inventeurs, la création d’entreprise est la forme de valorisation la plus éloignée de
leur rôle traditionnel. Ces inventeurs résument leur rôle et leur devoir vis-à-vis de l’université
dans les activités de recherche, d’enseignement et d’encadrement. En d’autres termes, les
inventeurs non intentionnels perçoivent un décalage voire une contradiction entre les logiques
et les exigences du monde universitaire et celles des affaires. Cette contradiction perçue peut
entrainer un sentiment de conflit de rôle.

Katz et Kahn (1966) définissent le conflit de rôle comme le résultat de « l’occurrence


simultanée de deux (ou plus) transmissions de rôles tels que la prise de l'un rend difficile (voire
totalement impossible) la prise de l'autre ». En d’autres termes, il y a conflit de rôle lorsqu’un
individu est amené à exercer des rôles incompatibles et que l’exercice de l’un rend difficile,
voire impossible, l’exercice d’un autre. Selon Getzel et Guba « l’acteur tend à centrer son
comportement sur un “rôle majeur” ou rôle plus fréquemment adopté et répondant d’une
manière plus nette d’une part à la légitimité des attentes et d’autre part aux besoins de la
personnalité. Ce sont les rôles plus légitimés (…) et plus en accord avec la personnalité (…)
qui seront plus volontiers retenus » (Debuyst, 1965).

Au cours de nos entretiens, deux inventeurs ont évoqué le dilemme éthique et moral auquel
doit faire face un inventeur s’il décide de créer une entreprise valorisant les résultats de ses
recherches. Ces inventeurs considèrent que la création d’entreprise est la modalité de
valorisation la plus éloignée des règles éthiques et déontologiques imposées par leur métier.
Dans ce sens, l’inventeur 1 affirme que : « Si un inventeur universitaire crée, s’il est en cours
de ses activités de recherche et il trouve des choses intéressantes et il part les valoriser en
dehors de l’université, c’est « Hram » (Hram ou Haram est un mot arabe qui signifie, dans
notre contexte, illégale, interdit, etc) […]. S’il part pour développer ses idées tout seul ça
devient du vol.». L’inventeur 7 va dans le même sens et affirme que : « D’un point de vue
moral, d’un point de vue éthique, je ne pourrai pas le faire…je ne pourrai pas le faire. Nous,
on est salarié, on fait partie de l’université, c'est-à-dire un brevet en principe quand il va

171
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

aboutir à une application commerciale… c’est la propriété de l’université. Non attention,


même dans une entreprise. Vous êtes salarié de l’entreprise, quand vous déposez un brevet,
le brevet c’est la propriété de l’entreprise. Vous n’allez pas travailler dans une entreprise,
déposer un brevet et dire non non cela m’appartient. Parce que quand vous êtes salarié
quelque part, ce que vous produisez c’est la propriété des gens qui vous versent votre salaire.
Pour nous, c’est l’université ».

Il est à noter que les inventeurs non intentionnels entretiennent une relation ambigüe avec
l’argent. C’est le cas de l’inventeur 3 qui affirme que son devoir moral à l’égard de l’institution
scientifique n’est pas de gagner de l’argent mais de faire avancer les connaissances : « par
définition, un chercheur, en principe, son soucis ce n’est pas gagner de l’argent, c’est de faire
avancer la recherche ». L’inventeur 10 va dans le même sens. Selon lui, « le résultat du travail
d’un chercheur n’est pas un profit commercial, parce que si non, on se trompe de métier. Si
moi, je fais de la recherche pour avoir un retour financier, je dois changer de métier. Il y a
peut-être des gens qui n’ont pas compris ça mais c’est comme ça. […]. C'est-à-dire les gens,
les enseignants chercheurs qui produisent beaucoup, c’est parce qu’ils aiment ce qu’ils font,
ils n’attendent pas un retour, encore moins un retour financier, il n’y a même pas un retour
sur la carrière et encore moins un retour financier. Ça c’est clair ». Ce constat est partagé
par l’inventeur 10 qui affirme que généralement, les inventeurs universitaires ne cherchent
pas des récompenses pécuniaires : « Tout d’abord, c’est une satisfaction personnelle, parce
que l’objectif ce n’est pas gagner de l’argent mais c’est une satisfaction personnelle […].
Lorsque vous créez un objet technologique, c’est votre propre bébé. C’est une satisfaction
intrinsèque, personnelle ».

172
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Tableau 24: Synthèse des perceptions du rôle de l’inventeur, exprimées par les
inventeurs universitaires

Pôle thématique
Le rôle de l’inventeur universitaire n’est pas de relation ambiguë avec l’argent
gagner de l’argent
Le rôle de l’inventeur universitaire est de faire divulgation générale et rapide des
savoirs
avancer les connaissances

Dégager des bénéfices privés sur la base des conscience éthique et déontologique
résultats obtenus de la recherche publique est
contraire à l’éthique et à la déontologie scientifique

3.2.3. Représentations du monde de l’entreprise

L’analyse des discours des inventeurs interviewés fait apparaitre des représentations négatives
du monde de l’entreprise : exploitation, matérialisme, rapports patron/salariés, abus de
pouvoir, peur, stress, dégoût, etc.

De nombreux inventeurs universitaires perçoivent l’entreprise comme un lieu d’exploitation


et de conflits. Selon nos interviewés, l’objectif du « patron » est l’accumulation du capital et
l’accroissement continu de la rentabilité et du profit sans se soucier des salariés. C’est le cas
de l’inventeur 2 qui perçoit l’entreprise comme un lieu d’exploitation. Selon lui, l’objectif
principal du « patron » est la recherche permanente de profit et de rentabilité : « Entre patron
et salariés, le problème c’est que le patron pense toujours que c’est sa propre entreprise, elle
n’appartient qu’à lui-même, et pour les salariés c’est l’inverse, ils voient que c’est
l’entreprisse de Monsieur X. Alors, qu’est-ce qu’il cherche le patron ? Il ne cherche que le
bénéfice, il s’en fout des salariés. Les salariés qu’est-ce qu’ils cherchent ? Ils ne cherchent
qu’à augmenter leurs salaires et en tirer profit. S’ils n’en tirent pas profit, ils chercheront
d’une façon ou d’une autre à détruire l’entreprise […]. Le patron dit c’est mon entreprise, le
salarié dit […] ce qui m’intéresse c’est la fin du mois […]. Tout ce que je pense de l’entreprise

173
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

c’est qu’elle cherche à gagner de l’argent d’une façon ou d’une autre ». L’inventeur 2 va
dans le même sens. Il perçoit l’entreprise comme un lieu de disputes, de problèmes et de
conflits sociaux qui opposent le « patron » et les salariés : « Malheureusement quand on
regarde les entreprises chez nous. Une entreprise est un lieu où on s’affronte, c’est rare, c’est
rare où vous trouvez dans une entreprise un climat dans lequel…un climat constructif…les
gens s’entraident pour une cause bien particulière. Ça veut dire on passe pas mal de notre
temps dans des choses, dans des conflits qui n’ont en fin de compte pas un grand intérêt pour
avancer […]. Et moi je pense, actuellement, les entreprises chez nous, elles ont de très grandes
difficultés, d’après ce que je remarque à gauche et à droite, à cause de ces problèmes
humains. On est très noyé dans des problèmes comme ça et ça va à l’encontre, bien sûr, du
développement de l’entreprise et comment elle doit être actuellement».

L’image négative associée au monde de l’entreprise est souvent liée à des expériences
personnelles directes négatives. Pour l’inventeur 5, son expérience en tant que consultant dans
plusieurs entreprises a influencé ses représentations actuelles du monde de l’entreprise :

« [Silence] Ouuuuuf […]. Il m’est arrivé de faire des prestations pour des gens, des
sociétés ou bien des usines. Malheureusement, le domaine de l’entreprise […]. Le
mandataire était un chef d’entreprise, il m’a donné l’exemple d’un chef d’entreprise
marocain. Un manque de sérieux mademoiselle, peu importe pour lui que vous soyez un
professeur ou…tu es un ouvrier, un ouvrier, pour lui c’est un ouvrier, c’est un salarié,
d’accord ? […]. Le manque de sérieux, le manque de professionnalisme et le manque
de confiance. Parce que, une fois il encaisse de l’argent, ce n’est pas un droit que tu lui
réclames, c’est de la charité « sadaka », donc il y a un manque de sérieux […]. Cet
esprit-là, cette mentalité-là, elle me démotive [...]. C’est un monde dont je m’éloigne, je
ne veux pas m’en approcher de… je ne veux pas vraiment. C’est un monde sale, je
souligne sale, pourri, donc je me retire. Un manque de confiance, un manque de
sérieux…»

Pour certains inventeurs, le chef d’entreprise est souvent représenté comme quelqu’un qui
cherche d’abord et avant tout son enrichissement personnel. C’est le cas de l’inventeur 7 qui

174
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

affirme que « la majorité des entrepreneurs, en général, ne cherchent que leurs intérêts
personnels, ils ne pensent pas aux salariés, ils ne pensent qu’à réaliser le bénéfice et ne pas
payer les impôts. Ils cachent des choses pour ne pas payer, ils essayent toujours de cacher,
de tricher». L’inventeur 12 va dans le même sens. Il perçoit une image négative de
l’entrepreneur marocain. Selon lui, la majorité des entrepreneurs piétinent les lois et les droits
de leurs salariés : « les entrepreneurs marocains…la fraude fiscale, l’informel […] c'est-à-
dire je fais une affaire en cachette, je ne paye pas les impôts, je ne paye pas les salaires, etc
etc ». A son tour, l’inventeur 9 ajoute que : « je suis un peu déçu, exaspéré de cet esprit et je
souhaiterais qu’il ait des patrons qui comprennent qu’il est obligatoire pour eux […]. Donc,
il faudrait qu’ils comprennent qu’ils doivent payer leurs impôts […]. Donc finalement quoi ?
Nous sommes en train de développer une jungle, une jungle. Il faut appeler les choses par
leur nom, c’est une jungle».

Certains inventeurs déclarent « ne rien connaitre du monde de l’entreprise » et préfèrent


adopter une attitude neutre. Ce résultat n’est pas surprenant étant donné que la majorité des
inventeurs rencontrés n’ont pas eu l’occasion de côtoyer le monde de l’entreprise. Ils étaient
recrutés à l’université directement après l’obtention de leurs thèses. C’est le cas de l’inventeur
7 qui affirme ne rien connaitre du tout du monde de l’entreprise : « [Silences] Même si je n’ai
pas eu d’expériences au sein de l’entreprise ? [Rires]. Je pense que je ne peux pas me
permettre de répondre car c’est un monde que je ne connais pas franchement, je ne le connais
pas, franchement ». L’inventeur 3 va dans le même sens et adopte une attitude neutre :
« [Rires] L’entreprise marocaine, je ne pourrai pas répondre à cette question, si je réponds
ça ne va pas être une réponse objective parce que je vais vous réponde de l’extérieur. Parce
que pour répondre à cette question d’une façon objective, il faut que je sois à l’intérieur, dans
l’entreprise ».

En somme, l’analyse des représentations du monde de l’entreprise, fait émerger une image
relativement négative ou neutre chez les inventeurs universitaires. Beaucoup d’inventeurs
connaissent mal ce milieu. Cette méconnaissance entraîne la crainte, la réticence et le rejet.

175
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Tableau 25: Synthèse des représentations du monde de l’entreprise, exprimées par les
inventeurs universitaires

Exploitation et conflits sociaux


Conflits entre « le patron » et les salariés
Non-respect des lois et des droits des salariés
Matérialisme et abus de pouvoir
Stress permanent

3.3. Les croyances de contrôle

La perception de la désirabilité de l’acte de création est une condition nécessaire mais


insuffisante pour la formation des intentions entrepreneuriales (Vesalainen et Pihkala, 1999).
La formation de l’intention entrepreneuriale exige la volonté personnelle de l’individu mais
aussi des compétences permettant de vérifier la faisabilité d’une idée d’affaire (Bird, 1992).

Les croyances de contrôle font référence à la perception qu’a un individu de ses propres
aptitudes ainsi que des opportunités et des obstacles de l’environnement qui peuvent favoriser
ou entraver son intention entrepreneuriale (Tounés, 2003). En l'absence des perceptions de la
faisabilité, il ne peut y avoir de comportement (Krueger et Brazeal, 1994).

Cette variable peut être assimilée au concept de contrôle perçu (Ajzen, 1991), de l'efficacité
personnelle de la théorie sociale cognitive de Bandura (1977) et à celui de conditions
facilitantes de la théorie des comportements interpersonnels de Triandis (1977, 1980)42 .

Pour identifier la perception de la faisabilité de partir en affaires chez les inventeurs


universitaires, nous les avons interrogé au sujet de leurs perceptions des ressources et des
obstacles de l’écosystème entrepreneurial ainsi que sur la perception de leurs propres

42
Cité par Gagné et Godin (1999).

176
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

compétences et de leurs aptitudes à réunir les ressources nécessaires pour concrétiser l’acte de
création d’entreprise.

Dans notre cas, les croyances de contrôle ont été décelées à travers des réponses aux quatre
questions suivantes :

- Pensez -vous pouvoir maîtriser personnellement le processus de création


d’une entreprise ? (Est-ce que vous vous sentez capable de créer une
entreprise ?)

- A votre avis, quels sont les éléments qui pourraient faciliter votre engagement
dans un projet de création d’entreprise valorisant les résultats de vos
recherches ?

- A votre avis, quels sont les éléments qui pourraient freiner ou rendre difficile
votre engagement dans un projet de création d’entreprise valorisant les résultats
de vos recherches ?

- Est-ce qu’il y a d’autres éléments qui vous viennent à l’esprit et qui pourraient
intervenir dans la faisabilité de votre projet de création d’entreprise ?

L’analyse du discours des inventeurs interrogés permet de distinguer trois éléments


influençant la perception de la faisabilité, à savoir : Les perceptions des aptitudes
entrepreneuriales, les expériences antérieures ainsi que les perceptions de la disponibilité des
ressources.

3.3.1. La perception des aptitudes entrepreneuriales

Au cours de nos entretiens, nous avons remarqué une relation très étroite entre le niveau de
perception des aptitudes entrepreneuriales et l’intention entrepreneuriale des inventeurs
universitaires.

177
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Les inventeurs non intentionnels sont conscients qu’ils ne possèdent pas le savoir-faire et les
compétences nécessaires pour mener à bien un projet de création d’entreprise. Selon ces
inventeurs, la création d’entreprise ne fait pas partie de leur champ d’expertise.

C’est le cas de l’inventeur 7 qui affirme que la création d’entreprise requiert des compétences
spécifiques dont ne dispose pas forcément un inventeur universitaire : « La création
d’entreprise, c’est un domaine que je ne connais pas, que je ne maitrise pas et je pense que je
n’ai pas le savoir-faire et les compétences nécessaires pour réussir une création d’entreprise
[…]. Je suis un scientifique, les formules, la recherche, les brevets et ça s’arrête là [Rires] ».
L’inventeur 3 va dans le même sens et affirme que malgré sa maitrise du volet théorique de la
création d’entreprise, il ne peut pas s’engager dans un projet réel de création : « Actuellement,
créer une entreprise, reste pour moi une affaire théorique. J’ai des notions théoriques et ça
s’arrête là ! […]. C’est là où il y a le problème, parce qu’un inventeur universitaire il ne peut
pas en même temps, en même temps, il n’est pas en même temps chercheur c'est-à-dire il doit
trouver l’idée, rédiger le brevet et faire l’inspection du marché pour voir un petit peu quelles
sont les potentialités, monter l’entreprise, suivre l’entreprise. C’est impossible ! Chaque
partie, chaque maillon a ses spécialités […]». A son tour, l’inventeur 6 affirme que la
perception de la désirabilité de l’acte de création est une condition nécessaire mais insuffisante
pour la formation des intentions entrepreneuriales. En effet, la formation de l’intention
entrepreneuriale exige la volonté personnelle de l’individu mais aussi des compétences
permettant de vérifier la faisabilité d’une idée d’affaire : « Il y a deux choses, désirer et
pouvoir. Pouvoir créer l’entreprise c’est ça le problème, est ce que je peux la créer ou non, il
faut plusieurs paramètres que je ne maitrise pas ».

Malgré leurs hautes capacités intellectuelles et leurs compétences techniques et scientifiques


de haut niveau, ces inventeurs laissent apparaître un manque de compétences liées à la création
et à la gestion d’une entreprise. Ce résultat est cohérent avec les constats faits par les experts
rencontrés au début de notre projet de thèse. Selon le responsable du point focal TISC
(Technology and Innovation Support Center), les inventeurs universitaires ne maitrisent pas
les compétences nécessaires à la création et à la gestion des entreprises : « un chercheur en
général est un scientifique. Ceux qui déposent des brevets sont des scientifiques. Par le passé,

178
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

il n’y avait pas de formation dans le domaine de management et de création d’entreprises et


même s’ils l’ont fait, ils n’ont que des notions et ils trouvent des difficultés ». Ce constat est
partagé par le directeur adjoint de l’ENSET et coordonnateur du projet Linkages for
Entrepreneurship Achievement Project (LEAP). Selon lui : « un chercheur, il maitrise la
science, il maitrise la technologie, il maitrise les formules, il maitrise les procédés, mais il ne
maitrise pas la relation commerciale, il ne maitrise pas la relation administrative. On ne peut
pas prendre quelqu’un et le mettre dans un contexte, dans une grande forêt, dans laquelle il
y a plusieurs intervenants et lui qui ne maitrise pas. Ou bien la société, l’entreprise, elle doit
être créée autour de ce chercheur là, mais à côté il doit y avoir tous les conseillers : un
juridique, un économiste, un commercial et un administrateur. Mais dans la réalité marocaine
on ne peut pas démarrer parce qu’on croit que la vrai richesse c’est le produit lui-même alors
que tout le monde contribue de sa part ».

En plus des compétences entrepreneuriales, certains inventeurs affirment qu’entreprendre


nécessite avant tout un système de pensée et un état d’esprit qui est assez différent de l’état
d’esprit d’un inventeur universitaire. C’est le cas de l’inventeur 1 qui affirme qu’« il faut
premièrement être préparé personnellement, il faut avoir l’esprit entrepreneur. Ce n’est pas
n’importe qui va le faire ». L’inventeur 7 va dans le même sens. Selon lui, les entrepreneurs
possèdent un état d’esprit, une vision et une culture très différente de celle des inventeurs
universitaires : « Pour créer une entreprise, il faut avoir un état d’esprit entrepreneur, un
système de pensée entrepreneur, une façon d’être, voire même de vivre qui est orientée vers
l’entrepreneuriat. Et personnellement, moi je n’ai pas cet état d’esprit. J’ai un esprit
scientifique orienté vers la recherche, l’enseignement, les publications, les formules, les
brevets [Rires]».

Contrairement aux non intentionnels catégoriques, les inventeurs hésitants et intentionnels,


quant à eux, ont montré une certaine aisance à s’exprimer au sujet de leurs aptitudes
entrepreneuriales. C’est le cas de l’inventeur 12 qui a exprimé sa confiance en sa capacité à
mener à bien un projet de création d’entreprise : « Je suis capable de gérer une entreprise
[affirmé][…]. J’ai les moyens intellectuels et physiques, etc. On peut créer une société en 24
heures, qu’est-ce qu’il faut ? Il faut remplir les documents, le centre régional
d’investissement, c’est l’ABC […]. Il y a la démarche […]. La faisabilité technique, les essais

179
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

pilotes, les essais d’industrialisation, les essais de marketing, la création d’entreprise, sur le
plan juridique et le plan d’affaire ». A son tour, l’inventeur 9 ajoute que « la faisabilité de la
création d’entreprise ce n’est pas du tout, ce n’est pas sorcier mademoiselle, ce n’est pas
sorcier […]. Comme j’ai dit les 4 composantes, vous avez : l’Etat, vous avez l’université, vous
avez l’industrie et vous avez la population (le marché).Si vous avez ces 4 composantes, c’est
sûr que vous allez réussir votre système parce que vous êtes partis avec des yeux ouverts.
Vous avez rêvé avec vos yeux ouverts, vous n’avez pas rêvé en dormant. Donc au fait, ça ce
n’est pas sorcier !».

Les inventeurs intentionnels affirment avoir déjà travaillé ou participé à des missions de
création ou de conseil en collaboration avec des entreprises. Selon ces inventeurs, leurs
expériences professionnelles antérieures ont permis d'accroître la perception de leurs aptitudes
entrepreneuriales et ont renforcé leur confiance en leurs propres capacités. C’est le cas de
l’inventeur 10, qui affirme : « Je peux, je suis capable de créer et de diriger une entreprise,
parce que j’ai vécu une expérience, dans le passé, avec mes partenaires américains dans le
domaine de l’entrepreneuriat, donc sur tout le cycle de montage de l’entreprise de l’idée
jusqu’à le business plan. Donc j’ai assez de compétences pour réussir cette mission », de
même pour l’inventeur 12 : « Je suis capable, de créer et de gérer une entreprise, parce que
j’ai une expérience, une expérience familiale, donc nous sommes d’une famille, on a créé des
entreprises. Mon frère, il a une usine de textile à Casablanca, donc il a une grande entreprise,
avec presque 500 ouvriers [….]. Mon père, il fabriquait des plateaux de A à Z, il
commercialisait lui-même son plateau dans son atelier, avec 2 ou 3 apprentis, et nous on était
des apprentis, à côté de lui comme des apprentis. J’aidais mes parents, une fois que je sortais
de l’école, pour aider le père pour fabriquer l’article et à la fin de la journée ou la fin du
weekend je le vendais, je le transportais à un commerçant pour vendre […]. Tout ça, c’est la
meilleure école, c’est une bonne école entrepreneuriale. Donc de A à Z, donc je connaît le
processus ». A son tour, l’inventeur 11 ajoute que : « oui, je suis capable de le faire, je suis
capable de créer une entreprise. Avant d’être enseignant chercheur, j’avais une expérience
dans le monde de l’entreprise, 5 ans, une expérience de 5ans , c’était une entreprise qui fait
des gaz et des fluides médicaux, des gaz industriels, dans le domaine de la chimie, donc comme
je vous ai dit j’ai un doctorat en chimie donc ce n’était pas loin, donc je faisais avec eux le
développement de nouvelles applications pour ces produits-là. L’entreprise est un monde que

180
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

je connais très très bien, j’ai beaucoup de relations avec les entreprises, j’organise beaucoup
d’événements et j’invite beaucoup d’entrepreneurs et d’entreprises, ce n’est pas un mystère
pour moi, contrairement à beaucoup de collègues, le monde de l’entreprise est un mystère
pour eux. Pour moi, ça ne me pose aucun problème ».

Ce résultat rejoint celui de Matthews et Moser (1995) qui confirment, dans leur étude,
l’existence de corrélations fortes entre les expériences professionnelles antérieures et l’intérêt
pour la possession d’une entreprise. Krueger (1993) confirme, à son tour, « l’importance des
expériences et trouve des liens significatifs entre des expositions entrepreneuriales antérieures
positives et les antécédents de l’intention d’entreprendre » (Gribaa, 2013).

Outre les expériences antérieures, les inventeurs intentionnels mettent en exergue


l’importance des programmes de formation en management dans la perception des aptitudes
entrepreneuriales. C’est le cas de l’inventeur 10 qui a fait un effort personnel pour développer
ses compétences entrepreneuriales : « Bien sûr, la création d’entreprise ce n’est pas du tout,
ce n’est du tout difficile. Donc moi, j’avais fait, rien que pour la première expérience, j’étais
obligé de suivre, de s’autoformer sur un peu le volet commercial, sur un peu le volet juridique,
c’est pour avoir une petite culture ». A son tour, l’inventeur 11 affirme que sa double
formation technique et managériale a renforcé fortement sa confiance en sa capacité à mener
à bien un projet de création d’entreprise : « Moi je peux le faire car j’ai une double formation
(Doctorat en Sciences et Cycle Supérieur de Gestion de l’ISCAE). Je suis scientifique, j’ai
mes modules scientifiques que j’enseigne et en même temps, le module entrepreneuriat en S6».

En somme, au cours de nos entretiens, nous avons remarqué une relation très étroite entre le
niveau de perception des aptitudes entrepreneuriales et l’intention entrepreneuriale des
inventeurs universitaires.

Les inventeurs non intentionnels sont conscients qu’ils ne possèdent pas les aptitudes
nécessaires pour mener à bien un projet de création d’entreprise. Les intentionnels et les
hésitants, quant à eux, affichent une grande confiance en leurs aptitudes entrepreneuriales.
Ces aptitudes trouvent leurs sources dans les formations et les programmes en entrepreneuriat
ainsi que dans les expériences antérieures.

181
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Cependant, la perception de la faisabilité de l’acte de création ne dépend pas seulement de la


perception des aptitudes entrepreneuriales mais aussi des perceptions de la facilité (ou la de la
difficulté) d'accès aux ressources du milieu (moyens financiers, informations, conseils,
accompagnement, etc) (Krueger, Brazeal, 1994).

3.3.2. Une évaluation négative de l’écosystème entrepreneurial

Les perceptions qu’ont les inventeurs universitaires des facilités ou des difficultés d’accès aux
ressources constituent un élément fondamental de leurs perceptions da la faisabilité de créer
une entreprise valorisant les résultats de leurs recherches.

Contrairement aux perceptions des aptitudes entrepreneuriales qui varient selon le niveau
d’intention, l’analyse thématique des discours des inventeurs universitaires (intentionnels et
non intentionnels) fait émerger une évaluation négative de l’écosystème entrepreneurial et
une difficulté d’accès aux ressources (moyens financiers, conseil, informations,
accompagnement, etc).

3.3.2.1. Absence ou mauvaise gestion des ressources financières

« Pour innover, il faut vouloir et pouvoir. Vouloir, c’est la pulsion du chercheur ; pouvoir,
c’est le nerf de la guerre du financement. Sans financement, pas d’innovation» (Betbeze,
2003).

Les inventeurs rencontrés (intentionnels et non intentionnels) « se plaignent » du manque de


financement pour les entreprises lors de la phase particulièrement risquée de l’amorçage de
projets innovants (Seed Stage). En effet, durant ce stade, l’entreprise n’est pas encore active
sur le marché et ne génère aucun chiffre d’affaire. Il est donc impossible d’évaluer ou de
prévoir son succès commercial. Les banques sont rarement actives durant cette phase. En effet,
les banquiers s’appuient essentiellement sur l’historique comptable de l’entreprise, sur sa
capacité de remboursement et sur les garanties offertes. Pourtant, durant la phase d’amorçage,
la jeune entreprise innovante n’a aucun bien matériel à offrir en garantie.

182
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

C’est le cas de l’inventeur 11 qui évoque la difficulté d’accès au financement et la quasi-


inexistence d’un environnement financier adéquat au financement initial des entreprises
innovantes issues des laboratoires de recherche académique (fonds d'amorçage, fonds
de capital-risque, business angels, etc) : « Et aussi, un problème de financement parce qu’on
n’a pas accès au financement… les banques, elles sont encore très frileuses et ne croient pas
aussi à l’invention, tout ce qui est brevet, tout ce qui est immatériel. Quand vous allez en tant
qu’inventeur leur proposer un brevet et vous leur dites que ce brevet a de la valeur, ils ne
croient pas. Ils ne croient qu’à ce qui est matériel, hypothéquer votre maison ou bien
hypothéquer votre terrain. Par contre, aux Etats Unis, vous pouvez trouver des capital-
risqueurs, des business angels. C’est une culture qui existe en Europe mais qui n’est pas très
développée. Et je crois que ça aussi …ça peut être une solution. A condition, qu’on
communique autour de ça et que les pouvoirs publics encouragent les capital- risqueurs par
des exonérations, par beaucoup de choses ». L’inventeur 1 va dans le même sens et affirme
que « le problème ce n’est pas la volonté, la volonté et là. Par exemple, si je prends un produit
que je veux développer […]. Si c’est un produit innovant, il me faut au minimum, au minimum
500 Millions, si c’est un produit nouveau. Qui va me donner 500 Millions ? Il y’a un problème
de moyens […] ». Les contraintes financières découragent une grande majorité de chercheurs
de continuer à faire de la recherche, ne parlons même pas de la valorisation de cette recherche.
C’est le cas de l’inventeur 2 qui affirme que : « Des aides financières ? Ça m’étonne ! Parce
qu’on trouve déjà des problèmes au niveau du financement la recherche, comment peut-on
alors espérer trouver des aides financières pour la création d’entreprises […]. Parce que les
gens qui se dirigent vers la recherche, en général ce sont des gens ou bien des étudiants de la
classe moyenne. Ils ne sont pas très riches pour créer leurs entreprises […]. L’inventeur
universitaire ne peut pas valoriser tout seul. Il n’a pas les moyens financiers».

Outre l’absence d’un environnement financier dédié au financement initial des entreprises
innovantes issues des laboratoires de recherche universitaires (fonds d'amorçage, fonds
de capital-risque, business angels, etc), les inventeurs rencontrés évoquent le problème de la
lourdeur et de la complexité des procédures de gestion financière des budgets de recherche
qui inhibe la réalisation des projets de recherche et d’innovation. C’est le cas de l’inventeur
10 qui attend depuis une année et demie l’arrivée du matériel scientifique pour réaliser son

183
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

projet d’innovation : « Nous avons un grand projet, un projet très ambitieux, qui était lancé
il y a une année et demi, on n’a pas encore reçu une pièce. On a demandé l’achat des
équipements, l’achat des pièces pour, monter ce projet, mais jusqu’à maintenant, on n’a rien,
pourquoi ? Parce que c’est la lourdeur administrative, c’est les procédures, c’est de ça que
soufrent tous les chercheurs, tous les enseignants chercheurs, de toutes les universités, ils
souffrent de ça […]. Les universités privées, elles ont opté pour une autre stratégie, vous avez
besoin de quoi que ce soit, voilà demain vous aurez ce que vous avez demandé et on voit très
bien l’évolution […]. Ecoutez, nous faisons de la recherche. On se compare à l’échelle
internationale, via nos conférences, via nos brevets, via nos articles et même à travers les
plateformes d’échange avec les chercheurs. Nous travaillons, nous avons le même esprit, on
pense de la même manière, on résout les mêmes choses. Mais eux ils ont un contexte, ils
demandent un appareil maintenant, demain ils l’auront et nous on le demande maintenant, on
l’aura dans deux ans. Le cerveau humain, il est le même, il suffit de le forger et de le faire
fonctionner. Il y a des marocains qui brillent à l’étranger parce qu’ils ont un contexte, j’ai
mes amis là-bas, ils sont très bien et moi je suis là, je souffre, je souffre de ce manque-là. C’est
ça notre problème »

A son tour, l’inventeur 3 affirme qu’il n’a pas pu déposer, dans le délai de priorité 43 , sa
demande internationale de brevet, à cause des lenteurs administratives et de la complexité des
procédures de gestion financière du budget de l’université.

43
En droit de la propriété industrielle, un droit de priorité est un droit limité dans le temps,
qui naît suite au premier dépôt d'une demande visant à obtenir un titre de propriété
industrielle tel qu'un brevet d'invention, un dessin et modèle ou une marque commerciale.
Le droit de priorité autorise son titulaire à déposer d'autres demandes dans d'autres pays
pour, respectivement, la même invention, le même dessin et modèle ou la même marque, tout
en bénéficiant (sous certaines conditions) de la date de dépôt de la première demande.
Le délai de priorité, c'est-à-dire la durée pendant laquelle le droit de priorité existe, est
généralement de six mois pour les dessins et modèles et les marques, et de douze mois pour
les brevets d'invention et les modèles d'utilité. Le droit de priorité a été instauré en 1883 par
la Convention de Paris sur la protection de la propriété intellectuelle (Pollaud-Dulian, 2010)

184
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

«Bon écoutez, en fait sur papier, sur papier effectivement il y a une possibilité […].Bon
ça c’est sur le papier, mais dans la pratique, dans la pratique, il y a comme même des
problèmes administratifs […]. Alors pour déposer un brevet à l’international, il faut
que ça passe par un rapport de recherche qui est fait par l’OMPIC […]. Problème,
c’est quand ça arrive à l’université pour que ça soit financé il faut que ça passe par le
conseil de l’université, il doit donner l’aval […]. Alors quand ça était déposé au niveau
du conseil de l’université, ils ont dit voilà oui on est d’accord sur le principe, mais mais
il nous faut des experts pour valider, sachant que ça était déjà expertisé par l’OMPIC
[…]. Bien étendu la personne qui s’est chargée de ça a laissé ça dans un tiroir […]. On
n’avait même pas un retour, on ne savait même pas où est ce qu’on en est, il nous a dit
oui oui effectivement ça était accepté par le conseil de l’université mais ils nous ont
demandé de définir des experts, oui ! Mais il n’a pas d’experts, il ne connait pas
d’experts qui sont capables d’expertiser notre travail […].Quand on nous dise que ça
doit être expertisé sachant qu’ils savent bien qu’ils n’ont pas d’experts dans le domaine.
Alors ça s’appelle les bâtons dans les roues. Alors du coup, on a laissé tomber parce
qu’on a préféré laisser tomber le brevet que d’aller chercher nos copains, nos collègues
dans le domaine pour qu’ils nous expertisent et voilà l’histoire»

D’autres inventeurs ont été obligés d’abandonner leurs projets de valorisation à cause de la
lourdeur et de la complexité de la gestion des ressources financières. C’est le cas de l’inventeur
1 qui raconte l’histoire de ses doctorants qui souhaitaient créer une entreprise valorisant leur
brevet d’invention. Ces doctorants-inventeurs étaient obligés d’arrêter leur projet de création
d’entreprise à cause du retard de déblocage des fonds nécessaires pour commencer le projet :
« Je vais parler de notre cas, je vais le citer comme exemple. Pourquoi on a arrêté ? On a été
incubé, les porteurs de projet étaient des doctorants. L’affaire a pris comme même deux
années juste pour débloquer l’argent. Entre temps, les deux doctorants ont soutenus leurs
thèses, les deux, c’était un garçon et une fille, se sont mariés [Rires], ils ont travaillé et ils ont
arrêté le projet […]. Le financement provenait de l’ambassade de France et quand l’argent
arrive ça demandait comme même deux années […].On venait de commencer, on travaillait
sur la base d’un brevet. Une idée après deux années, malheureusement, elle n’a plus la même
valeur et même l’énergie disparait, la motivation disparait ! ».

185
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Ce constat est partagé par deux experts rencontrés au début de notre projet de thèse. En effet,
selon le responsable du Centre d’Incubation et d’Accueil des Entreprises Innovantes
(CIAEI) de l´École Nationale Supérieure des Mines de Rabat (ENSMR), la lourdeur et de
la complexité de la gestion des ressources financières obligent certains inventeurs
intentionnels à abandonner leurs projets de valorisation : « Ils bénéficient du local, d’une
subvention de l’ordre de 130 000 DH (environ 13 000 Euros) par projet. Lorsque le projet est
retenu par le comité de sélection et d’évaluation, l’argent arrive à l’école bien sûr, bien sûr,
il y a les problèmes administratifs et tout ça […]. C’est un an d’attente. La plupart du temps
entre la date où le projet est accepté et la date d’application du projet, c’est un an d’attente.
Les gens n’attendent pas ! Pendant un an, déjà ils font autre chose, donc ça c’est parmi les
choses handicapantes […]. Par exemple, si le projet est présenté au mois de Juin, l’argent
n’arrive que vers le mois de Mars ou Avril de l’année prochaine. Entre temps, les gens, n’ont
pas les moyens pour vivre […]. Donc, tout ça n’est pas encourageant».

Le responsable du point focal TISC (Technology and Innovation Support Center) affirme à
son tour que malgré les efforts louables des pouvoirs publics pour soutenir l’innovation et
malgré la multiplication des mécanismes de financement de l’innovation au Maroc
(INTILAK, TATWIR, PTR, etc), les inventeurs universitaires sont obligés de faire face à toute
une série de démarches administratives rigides, lourdes et fastidieuses pour pouvoir en
bénéficier. Pourtant, ces inventeurs n’ont ni la formation ni le temps à « perdre » dans ces
formalités administratives : « le problème avec INTILAK 44 , justement, parce que c’est un
système très lourd, il y a la lourdeur. Ils ont beaucoup d’argent, mais qu’ils n’arrivent pas à
donner aux gens parce que le système, il est un peu rigide, trop compliqué. Et on ne vous
donne pas tout l’argent dès le début, il y a beaucoup de conditions, beaucoup de choses. C’est
par des étapes, des étapes trop compliquées…entre étape et étape beaucoup de complication.
C’est un système très compliqué pour un scientifique. Il va passer son temps à aller et venir
pour des formalités. Il n’a ni la formation ni le temps pour ça. C’est vrai qu’il y a de l’argent,

44
L’instrument « INTILAK » est destiné aux startups innovantes ayant moins de deux ans
d’activité en phase de démarrage, porteuses d’un projet d’innovation ou d’un projet de
valorisation R&D, et finance 90% des dépenses du projet, dans la limite d’un million de
dirhams TTC (Source :marocnumericcluster.org).

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LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

l’Etat met de l’argent, mais il est bloqué un peu par la lourdeur et les rouages administratifs.
Très compliqué, un système très compliqué pour un scientifique et pour un inventeur ».

Les contraintes financières et les lenteurs administratives imposées aux universités et aux
inventeurs universitaires découragent une grande majorité de chercheurs de continuer à faire
de la recherche, ne parlons même pas de la valorisation de cette recherche. C’est le cas de
l’inventeur 10 qui affirme que : « Mais on souffre, et ça je vous le dis et je le dis ouvertement
à quiconque. Je paye mes revues, mes abonnements qui sont là annuels depuis 25 ans, mes
revues qui arrivent des Etats Unis, je paye les congrès, les frais des congrès. Le brevet, je me
suis déplacé en France. Je paye les rapports de recherche, tout ! Mais je ne suis pas seul, il y
en a d’autres, il y en a d’autres. Mais la majorité s’ils n’ont pas de quoi faire, on arrête. Et
ceux qui voient qu’il n’y a rien, ils n’ont même pas l’idée de penser à faire la recherche, parce
qu’ils voient qu’ils ne peuvent pas mettre un sou de leurs poches pour la recherche et donc,
il se dit moi je le fais pas. Dans un sens, on lui donne raison, mais dans l’autre, on lui dit non
[…]. C’est un problème structurel, il faut changer de vision, il faut débloquer de l’argent pour
la recherche. C’est malheureux ! C’est malheureux ! »

3.3.2.2. Les freins juridiques

Outre les contraintes financières et la lourdeur des procédures de gestion des budgets réservés
à la recherche, les inventeurs rencontrés évoquent les freins juridiques. Ces freins juridiques
peuvent se résumer en quatre points :

- l’incompatibilité des règles statutaires de la fonction publique avec la


création d’entreprise par un inventeur universitaire.
- l’absence d’un service, au sein de l’université, s’occupant de la rédaction
des demandes de brevet ou de la négociation des contrats d'exploitation
- l’absence d’une loi régissant les procédures de suivi des brevets
d’invention
- l’inexistante d’une charte ou d’un règlement intérieur organisant les
procédures de partage des redevances (royalties) entre les co-inventeurs
et l’université.

187
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Outre les contraintes financières et la lourdeur des procédures de gestion des budgets réservés
à la recherche, les inventeurs rencontrés évoquent les freins juridiques et perçoivent une
incompatibilité des règles statutaires de la fonction publique avec la création
d’entreprise par un inventeur universitaire.

En effet, les inventeurs universitaires marocains, généralement fonctionnaires de l’Etat, sont


soumis aux dispositions du statut général de la fonction publique (promulgué par Dahir n° 1-
58-008 du 24 février 1958 (4 chaabane 1377)), qui stipule à l’article 16 : « Il est interdit à tout
fonctionnaire, quelle que soit sa position, d'avoir, par lui-même ou par personne interposée et
sous quelque dénomination que ce soit, des intérêts de nature à compromettre son
indépendance dans une entreprise soumise au contrôle de l'administration ou service dont il
fait partie ou en relation avec son administration ou service ».

Dans ce sens, il est interdit à un chercheur universitaire de cumuler plusieurs fonctions, c'est-
à-dire appartenir au service public et en même temps créer sa propre entreprise. L’inventeur
3 confirme cette idée : « Vous savez qu’un enseignant chercheur, il n’a pas le droit de monter
une entreprise, c’est interdit dans notre statut, il ne peut pas être gérant d’une entreprise. On
fait partie de la fonction publique […]. Parce qu’on ne peut pas être un gérant d’entreprise
et un fonctionnaire, il y a déjà ça. Déjà notre statut, il nous interdit d’exercer en quelque
sorte ».

L’inventeur 12 va dans le même sens. Il affirme qu’en tant que fonctionnaire de l’Etat, il n’a
pas le droit juridiquement de créer une entreprise : « parce que nous sommes des
fonctionnaires de l’Etat, nous sommes des employés de l’Etat, c’est l’Etat qui nous paye. Je
ne peux pas avoir un double emploi, parce que c’est illégal, c’est la loi !». L’inventeur 9
ajoute que pour créer une entreprise, l’inventeur universitaire doit obligatoirement
démissionner de son travail à l’université : « Alors là, par contre malheureusement à ma
connaissance jusqu’à présent non (un inventeur universitaire ne peut pas créer sa propre
entreprise). Il peut le faire mais il doit démissionner, chose qui n’est pas le cas un peu dans
les pays émergents et même développés. En France aujourd’hui, un professeur peut garder
son salaire et créer sa propre entreprise au moins deux ans. Ça veut dire qu’après deux ans,
en France, il décide est ce qu’il reste à l’enseignement ou bien son affaire marche. Ce qui est

188
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

logique, c’est logique. Mais il a son salaire. On lui dit n’enseigne pas, on va t’aider avec ton
salaire pour ne pas te sentir malheureux. Si dans deux ans tu t’en sors, tu démissionnes. Si
après deux ans tu crois que tu n’es pas bon, tu reviens. Chez nous, pas encore
malheureusement».

Selon les inventeurs intentionnels, cette contrainte juridique constitue le facteur principal de
blocage de leur intention de créer une entreprise valorisant les résultats de leurs recherches.
C’est le cas de l’inventeur 12 qui affirme que : « Je suis déterminé, oui, je suis déterminé à
condition qu’ils me donnent maintenant la possibilité […]. Si on me donne l’opportunité de
le faire (de créer mon entreprise) aujourd’hui je le ferai. Ce qui me bloque c’est la
réglementation et moi j’applique la réglementation ». L’inventeur 11 va dans le même sens.
Pour lui, la contrainte juridique continue le principal frein à son engagement dans un projet
de création d’entreprise : « Moi je veux bien créer mon entreprise mais je ne peux pas, je ne
peux pas le faire, la loi ne m’autorise pas de le faire […] .Comme je vous ai dit, tant que la
loi interdit un salarié de créer sa propre entreprise, on y peut rien. On a beaucoup
de…personnellement j’ai déposé 5 brevets en tant qu’enseignant chercheur. Mais comme je
vous ai dit, il y a ce problème. [….]. Il faut qu’ils donnent à l’enseignant chercheur cette
possibilité de créer sa propre entreprise, bien sûr à condition bien sûr, il y a toujours la
possibilité de mettre des garde-fous pour qu’il n’y ait pas d’abus».

Outre l’incompatibilité des règles statutaires de la fonction publique avec la création


d’entreprise par un inventeur universitaire, les inventeurs interviewés évoquent l’absence
d’une loi régissant les procédures de suivi des brevets d’invention ainsi que l’inexistante
d’une charte ou d’un règlement intérieur organisant les procédures de partage des
redevances (royalties) entre les co-inventeurs et l’université. Ce constat est partagé par
l’inventeur 7 qui affirme que : « C’est un grand problème, il n’existe pas de charte ou de
règlement intérieur c'est-à-dire qui définit ou qui organise la procédure de partage des
royalties, c’est un grand problème. Entre l’université et les inventeurs et mêmes entre les co-
inventeurs eux-mêmes ». L’inventeur 11 va dans le même sens. Selon lui, « la relation entre
l’inventeur et l’université qui détient le brevet n’est pas réglementée […]. Il suffit qu’un seul
inventeur refuse par exemple pour une raison ou pour une autre, qui n’a rien à voir avec… et
le tout est bloqué. C’est ce qui nous est arrivé. J’avais déposé un brevet avec une équipe et

189
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

on avait la possibilité de valoriser. On a trouvé un industriel qui voulait acquérir notre brevet
[…] mais comme je vous ai dit, il y avait un problème avec les collègues. Un problème
d’entente avec les co-inventeurs… ».

Les activités de recherche menées dans les universités sont souvent le fruit d’un travail
collaboratif impliquant une équipe de chercheurs. Cette équipe est dans la majorité de
situation, composée de chercheurs qui n’ont pas forcément le même statut. On peut identifier
un ou des chercheurs principaux épaulés et entourés par des chercheurs temporaires, des
étudiants ou des doctorants.

Cette situation crée une réelle problématique juridique relative à la détermination du ou des
« vrai(s) » inventeur(s). C’est à dire là ou (les) personne(s) à qui revient la paternité du brevet
d’invention. L’inventeur 1 affirme que le partage des redevances (royalties) peut devenir plus
complexe lorsque le brevet est déposé par un doctorant ou un chercheur temporaire : « Et il
y’a quelque chose que la loi a oublié. La loi de la propriété industrielle a passé sous silence
les doctorants. Les étudiants qui préparent une thèse. Elle les a passés sous silence. Et on ne
sait, on ne sait pas ! Demain ou après-demain, quand il va y avoir un brevet qui va être céder,
une licence qui va être cédée. Est-ce que le doctorant aura sa part du gâteau. Dans la loi
marocaine, il est passé sous silence ».

Outre l’absence d’une loi régissant les procédures de suivi des brevets d’invention et
l’inexistante d’une charte organisant les procédures de partage des redevances en cas
d’exploitation des brevets, les inventeurs évoquent l’absence d’un service, au sein de
l’université, s’occupant de la rédaction des demandes de brevets ou de la négociation des
contrats d'exploitation (cession, licence, création de spin-off, etc). C’est le cas de l’inventeur
3 qui affirme avoir fait un effort personnel pour rédiger, lui-même, sa demande de brevet
d’invention : « Alors, quand on se compare par exemple avec la France, la Chine ou le Japan,
surtout le Japan qui dépose des centaines de milliers de brevets par an, là-bas le chercheur il
est là pour donner l’idée, l’idée, pas la rédaction du brevet, l’idée et il y’a des mandataires
qui sont … Nous on fait de A à Z, de A à Z voilà voilà, mais c’est énorme et non seulement
ça ! On doit payer de notre poche en plus ! Avant il faut rédiger, d’abord il faut faire une

190
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

étude pour voir… une étude bibliographique, c’est ce qu’on appelle l’état de la technique. Ça
ça prend du temps ça, surtout lorsqu’on n’a pas les outils. Parce qu’on n’a pas les mêmes
outils que l’OMPIC. Donc cet aspect à la limite ils peuvent aider mais le problème avec la
rédaction ça reste ouvert, parce que rédiger un brevet c’est l’affaire des mandataires et un
mandataire en moyenne c’est quarante, cinquante, soixante milles Dirhams, d’accord ? En
moyenne, mais ça dépend un petit peu de … mais c’est autour de ça. Donc voilà ! ».

De leur côté, les inventeurs 1 et 3 évoquent le manque d’assistance juridique et affirment


qu’un inventeur universitaire n’a généralement pas les moyens financiers de s’offrir les
services d’un avocat d’affaire ou d’un traducteur spécialisé. C’est le cas de l’inventeur 1 qui
raconte sa propre expérience : « Par exemple pour notre ancien brevet, pour le déposer à
l’international, il fallait un cabinet d’avocats, de 4 avocats spécialisés, il faut les payer. Ce
n’est pas quelque chose de facile. Il y a un problème de moyens […] un coût ! Parfois, je
trouve des difficultés juste pour traduire. Pour le déposer au Japan par exemple, il faut le
déposer en Japonais, il faut trouver un spécialiste qui va traduire. Tout ce qui a été fait par
le ministère de commerce et de l’industrie : TATWIR, INTILAK….Il y a pas mal de choses qui
ont été faites, qui sont bien. Mais au niveau de l’université, démarrer de zéro avec un produit
nouveau et le développer [Silence] ce n’est pas évident ! ». L’inventeur 3 ajoute qu’il est très
difficile pour un inventeur universitaire de se procurer les services d’un avocat d’affaire : « Et
il y a l’aspect juridique, ça c’est un très grand problème ! Si par exemple quelqu’un vous
pique votre idée hein hein, il vous faut des avocats pour vous défendre ! Bon, qui va payer
ça ? Donc voilà ! Nous on est des nains devant SONY devant… Donc voilà, il y a tous ces
aspects, il n’y a pas un seul … ».

A son tour, l’inventeur 10 affirme qu’il était obligé d’abandonner le processus de valorisation
de son brevet à cause de l’absence de soutien juridique et de l’inexistence d’un service,
s’occupant de la négociation des contrats de transfert de technologies au sein de son
université : « Ça c’est l’expérience que j’ai vécu avec HP « Hewlett-Packard » aux Etats
Unis, c’est alors le premier brevet. Donc en participant ici au forum avec le CNRST ou bien
le forum de l’innovation à Casablanca, ça c’était en 2008 et donc j’ai lancé la procédure, la
prospection et donc un partenaire à qui je peux faire la cession. Alors j’ai contacté d’une

191
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

manière individuelle plusieurs firmes qui opèrent dans le domaine des télécoms. Avec HP j’ai
vécu l’expérience, beaucoup d’échanges, mais finalement le volet juridique a fait que nous
avons arrêté le processus. Ça n’a pas abouti, parce que la juridiction fait que je dois aller
engager un avocat d’affaire aux Etats Unis là où il y a la firme mère. Donc il va falloir
engager un mandataire ou bien un avocat d’affaire qui va s’occuper des transactions, donc
ça m’était difficile, financièrement parlant, je ne peux pas faire tout ça. Donc, on s’est limité,
nous étions arrivés jusqu’à un stade, au stade de ça … de signature de contrat, mais […]. S’il
y avait le soutien de l’université ou d’une entreprise ou bien si j’avais assez d’argent, je
pourrais conclure l’affaire ».

En somme, l’analyse thématique des discours des inventeurs (intentionnels et non


intentionnels) fait émerger une évaluation négative du cadre juridique relatif à la valorisation
de la recherche universitaire, celui-ci est caractérisé par :

- l’incompatibilité des règles statutaires de la fonction publique avec la


création d’entreprise par un inventeur universitaire
- l’absence d’un service, au sein de l’université, s’occupant de la rédaction
des demandes de brevet ou de la négociation des contrats d'exploitation
- l’absence d’une loi régissant les procédures de suivi des brevets
d’invention
- l’inexistante d’une charte ou d’un règlement intérieur organisant les
procédures de partage des redevances (royalties) entre les co-inventeurs
et l’université.

3.3.2.3. Freins structurels et institutionnels

Outre les contraintes financières et juridiques, les inventeurs interviewés évoquent les freins
structurels et institutionnels. Le discours de certains inventeurs dévoile que la majorité des
universités ne disposent pas de structures susceptibles de soutenir les inventeurs universitaires
dans la valorisation de leurs brevets. C’est le cas de l’inventeur 7 qui affirme qu’ « il n’existe
pas une structure, un incubateur au vrai sens du terme auquel je vais m’adresser pour m’aider

192
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

à valoriser mon invention. Le brevet je l’ai déposé, ok. Mais je ne peux pas tout faire,
l’inventeur ne peux pas tout faire tout seul. Nous avons besoin de structures, de vraies
structures et je souligne de vraies structures pour nous épauler et nous aider à valoriser nos
brevets ». Ce constat est partagé par l’inventeur 10 qui affirme que l’inventeur marocain
travaille avec les moyens de bord. Selon lui, il n’y a pas de structure au sein de l’université
pour épauler les inventeurs dans leurs projets de valorisation : « il n’y a pas une structure à
laquelle je vais aller par exemple, moi je vais dire moi j’ai un projet, il est là, la solution elle
est là, qu’est-ce que vous pouvez me donner pour aller faire ? Qui va m’épauler ? […]. Il n’y
a personne qui va vous dire, oui qu’est-ce que vous voulez ? Une personne qui va évaluer le
projet, c’est prometteur, il a des horizons… voilà demain vous venez me donner les besoins et
les caractéristiques techniques et la semaine prochaine vous aurez le matériel. Personne ! Ça
veut dire qu’on est en train de se combattre avec les moyens qu’on a et on fait avancer les
choses ».

Cette situation encourage la fuite des cerveaux et oblige certains inventeurs à partir valoriser
leurs inventions sous d’autres cieux. C’est le cas de l’inventeur 10 qui précise qu’« il y a
beaucoup de projets très très importants qui partent se faire en Europe, il y a beaucoup de
prototypes innovants, l’idée elle est ici marocaine et le prototype il se fabrique en Espagne
ou au Portugal. Au Portugal, il y a beaucoup d’unités spéciales que pour ça. Ces chercheurs,
je suis sûr, s’ils partent au Canada ou aux Etats Unis, ils vont réussir. Ici, il faut payer pour
qu’on t’écoute, tu dois payer pour qu’on écoute qu’est-ce que tu as produit, c’est ça le
problème ».

D’autres inventeurs affirment qu’il ne se suffit pas de créer des incubateurs ou des structures
de valorisation, il est nécessaire d’aller au-delà dans la démarche et doter ces structures de
ressources humaines et matérielles nécessaires.
Ces structures manquent souvent de ressources humaines capables de comprendre les besoins
des inventeurs universitaire et de les soutenir dans le processus de valorisation de la recherche.
Cette idée est confirmée par l’inventeur 7 qui affirme que : « même les incubateurs qui
existent, ils ne sont pas dynamiques. Il existe un manque cruciale de ressources humaines
compétentes et formées qui peuvent comprendre notre langage, c'est-à-dire le langage
scientifique et en même temps communiquer avec les industriels ». A son tour, l’inventeur 3

193
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

affirme que la valorisation est un travail collaboratif et que l’inventeur universitaire n’est
qu’un maillon dans la chaine de valorisation : « Maintenant quand vous prenez des structures
qui sont bien faites, il y a des gens, des professionnels pour chaque maillon et le chercheur,
il est épaulé, il est aidé. Chez nous, ça existe dans les discours ça c’est sur [ton ironique]
mais dans les faits […]. C’est une chaine, pour que ça fonctionne, il faut que tous les maillons
collaborent […]. Si on veut vraiment développer ce qu’on appelle l’innovation par les brevets,
il y’a tout ça. Le chercheur c’est un maillon dans la chaine mais le chercheur ne peut pas être
en même temps l’avocat, il ne peut pas être le commercial, il ne peut pas être ceci et cela».

En somme, contrairement aux perceptions des aptitudes entrepreneuriales qui varient selon le
niveau d’intention, l’analyse thématique des discours des inventeurs universitaires
(intentionnels et non intentionnels) fait émerger une évaluation négative de l’écosystème
entrepreneurial et une difficulté d’accès aux ressources (moyens financiers, conseil,
informations, accompagnement, etc).

Tableau 26: Synthèse de la perception de l’écosystème de la valorisation de la


recherche, exprimée par les inventeurs universitaires

Absence ou mauvaise difficulté d’accès au financement


gestion des ressources
quasi-inexistence d’un environnement financier adéquat
financières
au financement initial des entreprises innovantes issues
des laboratoires de recherche universitaires (fonds
d'amorçage, fonds de capital-risque, business angels, etc)

lourdeur et complexité des procédures de gestion


financière des budgets de recherche

incompatibilité des règles statutaires de la fonction


publique avec la création d’entreprise par un inventeur
universitaire

194
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

absence d’un service, au sein de l’université, s’occupant de

Freins juridiques la rédaction des demandes de brevet ou de la négociation


des contrats d'exploitation

absence d’une loi régissant les procédures de suivi des


brevets d’invention

inexistante d’une charte ou d’un règlement intérieur


organisant les procédures de partage des redevances
(royalties) entre les co-inventeurs et l’université.

Freins structurels et Manque de structures dédiées à la valorisation et au


institutionnels transfert technologique au sein des universités

Manque de ressources humaines capables de comprendre


les besoins des inventeurs universitaire et de les soutenir
dans le processus de la valorisation de la recherche.

Manque d’équipement au sein des incubateurs


universitaires

Synthèse des principaux résultats


A l’issue de notre recherche, nous pouvons présenter les principaux facteurs inhibant
l’intention entrepreneuriale des inventeurs universitaires (Figure 24) :

- Le risque perçu
Le risque perçu semble avoir un impact fort sur la formation de l’intention entrepreneuriale
des inventeurs universitaires. En effet, les inventeurs non intentionnels perçoivent la création
d’entreprise comme une aventure très risquée. Ils dévoilent une vision pessimiste des
conséquences susceptibles d’être engendrées par leur engagement dans une activité
entrepreneuriale. Ces conséquences évoquées par les inventeurs s’articulent autour de la

195
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

notion de risque. L’analyse des verbatims des inventeurs interrogés dévoile trois types de
risques : le risque professionnel, le risque financier ainsi que le risque physique et
psychologique.

 Le risque professionnel

Le premier risque perçu par les inventeurs interviewés est un risque professionnel. Selon ces
inventeurs, l’engagement dans un projet de création d’entreprise peut remettre en cause leur
métier et les éloigner de leur rôle traditionnel de recherche et d’enseignement. Un autre risque
professionnel perçu par les inventeurs rencontrés, concerne leur crainte de ne plus avoir
suffisamment de temps pour l’approfondissement de leurs travaux de recherche. En effet,
selon ces inventeurs, l’engagement dans une création d’entreprise peut prendre beaucoup de
temps, au détriment de l’avancement de leurs recherches.
D’autres inventeurs affirment que dans le cas où l’inventeur universitaire décide de
démissionner de ses fonctions pour créer une entreprise valorisant les résultats de ses
recherches, il risque de s’éloigner de son rôle principal d’enseignant chercheur, de ne plus
avoir suffisamment de temps pour l’approfondissement de ses travaux de recherche et donc
de mettre en péril sa carrière et son employabilité future. En effet, en s’engageant dans une
création d’entreprise, l’inventeur universitaire développe des compétences qui peuvent
n’avoir que peu de valeur dans l’environnement scientifique s’il décide, un jour, de revenir à
l’université.

 Le risque financier

Parmi les risques perçus par les inventeurs rencontrés, nous avons identifié le risque financier.
En effet, les inventeurs universitaires sont habitués à la « stabilité » de la fonction publique et
ne supportent pas les fortes fluctuations. Ils expriment une certaine peur d’échouer, de faire
faillite et de mettre en danger leur stabilité et leur confort financier.

 Le risque physique, psychologique et social

Les inventeurs non intentionnels expriment également leur crainte de mettre en danger leur
santé physique et mentale. En effet, l’engagement dans la création d’entreprise nécessite un
grand investissement personnel en temps et en énergie. Cet investissement peut mener à
l’épuisement. Les inventeurs semblent mesurer les risques et les défis psychologiques et

196
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

mentaux d’un engagement total dans la création d’entreprise. Aussi, certains inventeurs
évoquent la difficulté de concilier leur vie familiale avec les obligations et les responsabilités
imposées par le travail d’entrepreneur. Selon ces inventeurs, l’engagement dans une activité
entrepreneuriale peut perturber la stabilité et l’équilibre de leur vie personnelle. Cette situation
peut avoir des conséquences irréversibles et préjudiciables pour l’inventeur et son entourage.

En bref, les inventeurs non intentionnels perçoivent la création d’entreprise comme une
aventure très risquée. Ils dévoilent une vision pessimiste des conséquences susceptibles d’être
engendrées par leur engagement dans une activité entrepreneuriale. En d’autres termes, ces
inventeurs non intentionnels sous-évaluent les avantages de la création d’entreprise
(autonomie, gain financier, évolution de la carrière, etc) et surévaluent la probabilité
d’occurrence des conséquences négatives (risque financier, professionnel, physique,
psychologique et social).

Ce résultat rejoint celui d’Emin (2003) pour le cas Français, qui affirme que « les chercheurs
non intentionnels ne seraient pas incités à créer dans la mesure où ils perçoivent peu les
conséquences qui pourraient leur être favorables et « surestiment » la probabilité d’apparition
des cotés négatifs de la création. Ce phénomène est accentué par le fait que les chercheurs non
intentionnels sont moins sensibles à l’attrait des conséquences « positives » de la création,
mais sont plus fortement freinés dans leur engagement que les autres par les conséquences
dites négatives ».

- L’attachement au métier
L’attachement au métier semble avoir un impact significatif sur la formation de l’intention
entrepreneuriale des inventeurs universitaires. En effet, certains inventeurs non-intentionnels
ont tissé des liens émotionnels forts avec leur métier. Ils sont donc fortement attachés à leur
profession. Très engagés, ils vivent leur métier comme une passion et une vocation
professionnelle. Ces inventeurs écartent définitivement la possibilité de s’engager dans une
création d’entreprise et refusent catégoriquement l’idée de créer une entreprise dans le futur.

- L’âge et le statut académique


Une grande majorité des inventeurs interrogés considèrent l’âge comme un facteur de blocage
de leur intention entrepreneuriale. Ils ont déjà fait carrière dans le domaine de la recherche et

197
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

de l’enseignement et se considèrent trop « vieux » pour se lancer dans le monde de


l’entrepreneuriat. En d’autres termes, nous avons remarqué que plus le nombre d’années
passées dans l’université et le statut académique sont élevés plus l’intention entrepreneuriale
est faible.

Ce résultat rejoint celui d’Amendola (1992) en Italie et celui d’Emin (2003) en France, qui
affirment que le statut académique des chercheurs influence leur intention de s’engager ou
non dans la création d’entreprise. En effet, ce sont les chercheurs qui sont au début de leur
carrière scientifique (doctorants, associés, assistants, etc) qui seraient plus incités à créer une
entreprise que les chercheurs de rangs supérieurs « full professor ». Ce constat s’explique par
le fait que la carrière académique des jeunes chercheurs n’est pas encore garantie.

Cependant, ce résultat n’est pas généralisable. Arrivés au summum de leur carrière


académique et découragés par une progression de carrière fortement limitée, les chercheurs
ayant atteint des grades académiques très élevés vont tenter de faire face à ce blocage à travers
la création d’entreprise. Ce constat est cohérent avec celui de Doutriaux et Peterman (1982)
au Canada, Kenney (1986) aux Etats Unis et Kulicke et Krupp (1987) en Allemagne45.

- Les représentations de l’entreprise


Les représentations du monde de l’entreprise semblent avoir un impact sur la formation de
l’intention entrepreneuriale des inventeurs universitaires. Les inventeurs non intentionnels
perçoivent l’entreprise comme un lieu d’exploitation et de conflits qui opposent le « patron »
et les salariés. Selon nos interviewés, l’objectif du « patron » est l’accumulation du capital et
l’accroissement continu de la rentabilité et du profit sans se soucier des salariés. Le chef
d’entreprise est souvent représenté comme quelqu’un qui cherche d’abord et avant tout son
enrichissement personnel et qui « piétine » les lois et les droits de ses salariés.

L’image négative associée au monde de l’entreprise est souvent liée à des expériences
personnelles directes négatives. Aussi, certains inventeurs déclarent « ne rien connaitre du
monde de l’entreprise » et préfèrent adopter une attitude neutre. Ce résultat n’est pas
surprenant étant donné que la majorité des inventeurs rencontrés n’ont pas eu l’occasion de

45
Cités par Emin (2003)

198
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

côtoyer le monde de l’entreprise. Ils étaient recrutés à l’université directement


après l’obtention de leurs thèses.

En somme, l’analyse des représentations du monde de l’entreprise, fait émerger une image
relativement négative (exploitation, matérialisme, rapports patron/salariés, abus de pouvoir,
peur, stress, dégoût, etc) ou neutre chez les inventeurs universitaires. Beaucoup d’inventeurs
connaissent mal ce milieu. Cette méconnaissance entraîne la crainte, la réticence et le rejet.

- La « non » connaissance de modèle d’entrepreneurs


La connaissance ou « non » de modèles d’entrepreneurs semble également impacter
l’intention entrepreneuriale des inventeurs universitaires.

En effet, les quatre inventeurs qui ont exprimé les intentions entrepreneuriales les plus fortes
(les intentionnels et les non-intentionnels hésitants) affirment tous connaitre des modèles
entrepreneuriaux ayant créé une entreprise valorisant les résultats de leurs recherches
(collègues à l’étranger, dans la majorité des cas).

- Les normes sociales perçues


La norme sociale fait référence à l’ensemble des croyances d’un individu quant à l’opinion
des gens qui sont importants pour lui par rapport à ce qu’il voudrait entreprendre (Ajzen,
1991). En d’autres termes, les normes sociales correspondent à la perception d’un individu,
du degré d’approbation ou de désapprobation du groupe de personnes significatives pour lui
(groupe de référence) quant à son adoption d’un comportement déterminé. Les normes
sociales sont le résultat des différentes pressions sociales exercées par le groupe de référence
de l’individu (parents, famille, amis, collègues, etc).

Selon la théorie du comportement planifié (Ajzen, 1991), un individu aura l'intention d'adopter
(ou non) un comportement, suivant la façon dont il juge que celui-ci est cohérent avec les
valeurs et les principes moraux de son groupe de référence. Ainsi, d’après Ajzen (1991), la
volonté de l’individu de se conformer (ou non) aux normes de son groupe de référence est
déterminante quant à l’adoption (ou non) du comportement en question. Dans notre cas, la
norme sociale fait référence au degré d’approbation ou de désapprobation perçue par
l’inventeur universitaire de la part des personnes dont l’opinion lui importe.

199
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Les résultats concernant l’influence de la norme sociale perçue sur l’intention entrepreneuriale
restent divergents. Si elle a un effet significatif dans l’explication de l’intention
entrepreneuriale dans les recherches de Kolvereid (1996) ; Engle et al. (2010) et Tkachev et
Kolvereid (1999), elle n’a pas d’impact significatif dans les recherches de Conner et Armitage
(1998), Linan (2004), Boissin, Emin et Herbert (2007) et Tran (2010). En d’autres termes, la
place de la norme sociale dans l’explication de l’intention entrepreneuriale reste peu claire.

Dans notre cas particulier, la norme sociale perçue n’a pas un effet significatif dans la
formation de l’intention entrepreneuriale des inventeurs universitaires. En effet, les inventeurs
interrogés affirment que la décision de créer une entreprise reste avant tout une affaire
personnelle indépendamment des pressions et des normes sociales. Ces inventeurs
n’accordent pas une grande importance au jugement de leur entourage dans leur choix de
carrière, notamment la possibilité de créer une entreprise valorisant les résultats de leur
recherche.

Selon Emin (2004), les recherches sur la théorie du comportement planifié « ont souligné le
besoin d’une prise en compte plus poussée des influences normatives sur le comportement.
En effet, comme précisé précédemment, la norme sociale a souvent été trouvée être le
prédicateur le plus faible (voir non significatif) de l’intention. Les chercheurs se sont alors
intéressés à l’existence d’autres influences normatives qui pourraient avoir un effet plus
important sur le comportement» (Emin, 2004).

- Les normes professionnelles perçues


Les normes professionnelles forgent les philosophies professionnelles. Elles font référence à
l’ensemble des normes, des devoirs et des règles qui guident une activité processionnelle.
Selon Emin (2003), la norme professionnelle peut être assimilée au concept de rôle. Dans son
ouvrage « La notion de rôle en psychologie sociale », Rocheblave-Spenle (1969) définit le
rôle comme « un modèle organisé de conduites relatif à une certaine position sociale de
l’individu dans un ensemble interactionnel ». La notion de rôle fait référence à la manière
dont un individu doit se comporter et ainsi pouvoir être intégré au sein de son milieu social ou
professionnel. En d’autres termes, « le rôle est un ensemble de comportements répondant à
des modèles d’attentes et qui sont attribués à la position déterminée qu’occupe une
personne » (Merton, 1963).

200
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Des résultats intéressants ont émergé de nos entretiens avec les inventeurs universitaires. En
effet, la totalité des inventeurs rencontrés ont fait allusion, à un moment ou un autre de
l’entretien, au concept du rôle professionnel.
Selon ces inventeurs, la création d’entreprise est la forme de valorisation la plus éloignée de
leur rôle traditionnel. Ces inventeurs résument leur rôle et leur devoir vis-à-vis de l’université
dans les activités de recherche, d’enseignement et d’encadrement. En d’autres termes, les
inventeurs non intentionnels perçoivent un décalage voire une contradiction entre les logiques
et les exigences du monde universitaire et celles des affaires. Cette contradiction perçue peut
entrainer un sentiment de conflit de rôle.
Katz et Kahn (1966) définissent le conflit de rôle comme le résultat de « l’occurrence
simultanée de deux (ou plus) transmissions de rôles tels que la prise de l'un rend difficile (voire
totalement impossible) la prise de l'autre ». En d’autres termes, il y a conflit de rôle lorsqu’un
individu est amené à exercer des rôles incompatibles et que l’exercice de l’un rend difficile,
voire impossible, l’exercice d’un autre. Les inventeurs non intentionnels perçoivent une
incompatibilité entre la création d’entreprise et leur rôle professionnel. Selon ces inventeurs,
la création d’entreprise est contraire à la déontologie scientifique et aux devoirs de
l’enseignant chercheur qui se résument, selon les inventeurs interrogés, dans les activités de
recherche et d’enseignement, l’encadrement des étudiants et des doctorants, les publications
dans des revues scientifiques à comité de lecture, la participation à des congrès, le dépôt des
brevets, etc.

- Les aptitudes entrepreneuriales perçues


Nous avons remarqué une relation très étroite entre le niveau de perception des aptitudes
entrepreneuriales et l’intention entrepreneuriale des inventeurs universitaires.

Les inventeurs non intentionnels sont conscients qu’ils ne possèdent pas le savoir-faire et les
compétences nécessaires pour mener à bien un projet de création d’entreprise. Selon ces
inventeurs, la création d’entreprise ne fait pas partie de leur champ d’expertise. Elle nécessite
avant tout un système de pensée et un état d’esprit qui est assez différent de l’état d’esprit d’un
inventeur universitaire. Les intentionnels et les hésitants, quant à eux, ont affiché une grande
confiance en leurs aptitudes entrepreneuriales. Ces aptitudes trouvent leurs sources dans les
formations et les programmes en entrepreneuriat ainsi que dans les expériences antérieures.

201
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Les inventeurs intentionnels affirment avoir déjà travaillé ou participé à des missions de
création ou de conseil en collaboration avec des entreprises. Selon ces inventeurs, leurs
expériences professionnelles antérieures ont permis d'accroître la perception de leurs aptitudes
entrepreneuriales et ont renforcé leur confiance dans leurs propres capacités. Ce résultat
rejoint celui de Matthews et Moser (1995) qui confirment, dans leur étude, l’existence de
corrélations fortes entre les expériences professionnelles antérieures et l’intérêt pour la
possession d’une entreprise. Krueger (1993) confirme, à son tour, « l’importance des
expériences et trouve des liens significatifs entre des expositions entrepreneuriales antérieures
positives et les antécédents de l’intention d’entreprendre » (Gribaa, 2013).

Outre les expériences antérieures, les inventeurs intentionnels mettent en exergue


l’importance des programmes de formation en management dans la perception des aptitudes
entrepreneuriales.

- Les freins financiers

Les inventeurs rencontrés « se plaignent » du manque de financement pour les entreprises


lors de la phase particulièrement risquée de l’amorçage de projets innovants (Seed Stage).
En effet, durant ce stade, l’entreprise n’est pas encore active sur le marché et ne génère aucun
chiffre d’affaire. Il est donc impossible d’évaluer ou de prévoir son succès commercial.

Les banques sont rarement actives durant cette phase. En effet, les banquiers s’appuient
essentiellement sur l’historique comptable de l’entreprise, sur sa capacité de remboursement
et sur les garanties offertes. Pourtant, durant la phase d’amorçage, la jeune entreprise
innovante n’a aucun bien matériel à offrir en garantie.

Outre l’absence d’un environnement financier dédié au financement initial des entreprises
innovantes issues des laboratoires de recherche universitaires (fonds d'amorçage, fonds
de capital-risque, business angels, etc), les inventeurs évoquent le problème de la lourdeur et
de la complexité des procédures de gestion financière des budgets de recherche qui inhibe la
réalisation des projets de recherche et d’innovation.

Dans certains cas, les inventeurs universitaires sont obligés de faire face à toute une série de
démarches administratives rigides, lourdes et fastidieuses pour pouvoir bénéficier des

202
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

ressources de l’université. Pourtant, ces inventeurs n’ont ni la formation ni le temps à


« perdre » dans ces formalités administratives. Les contraintes financières et les lenteurs
administratives imposées aux universités et aux inventeurs universitaires découragent une
grande majorité de chercheurs de continuer à faire de la recherche, ne parlons même pas de la
valorisation de cette recherche.

- Les freins juridiques


Outre les contraintes financières et la lourdeur des procédures de gestion des budgets réservés
à la recherche, les inventeurs rencontrés évoquent les freins juridiques et perçoivent une
incompatibilité des règles statutaires de la fonction publique avec la création d’entreprise par
un inventeur universitaire.

En effet, les inventeurs universitaires marocains, généralement fonctionnaires de l’Etat, sont


soumis aux dispositions du statut général de la fonction publique (promulgué par Dahir n° 1-
58-008 du 24 février 1958 (4 chaabane 1377)), qui stipule à l’article 16 : « Il est interdit à tout
fonctionnaire, quelle que soit sa position, d'avoir, par lui-même ou par personne interposée et
sous quelque dénomination que ce soit, des intérêts de nature à compromettre son
indépendance dans une entreprise soumise au contrôle de l'administration ou service dont il
fait partie ou en relation avec son administration ou service». Dans ce sens, il est interdit à un
chercheur universitaire de cumuler plusieurs fonctions, c'est-à-dire appartenir au service
public et en même temps créer sa propre entreprise. Selon les inventeurs intentionnels, cette
contrainte juridique constitue le facteur principal de blocage de leur intention de créer une
entreprise valorisant les résultats de leurs recherches.

Les inventeurs interviewés évoquent également l’absence d’une loi régissant les procédures
de suivi des brevets d’invention ainsi que l’inexistante d’une charte ou d’un règlement
intérieur organisant les procédures de partage des redevances (royalties) entre les co-
inventeurs et l’université. En effet, les activités de recherche menées dans les universités sont
souvent le fruit d’un travail collaboratif impliquant une équipe de chercheurs. Cette équipe est
dans la majorité des cas, composée de chercheurs qui n’ont pas forcément le même statut. On
peut identifier un ou des chercheurs principaux épaulés et entourés par des chercheurs
temporaires, des étudiants ou des doctorants. Cette situation crée une réelle problématique

203
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

juridique relative à la détermination du ou des « vrai(s) » inventeur(s). C’est à dire là ou (les)


personne(s) à qui revient la paternité du brevet d’invention.

Les inventeurs évoquent également le manque d’assistance juridique et l’absence d’un service,
au sein de l’université, s’occupant de la rédaction des demandes de brevets ou de la
négociation des contrats d'exploitation (cession, licence, création de spin-off, etc).

En somme, l’analyse thématique des discours des inventeurs (intentionnels et non


intentionnels) fait émerger une évaluation négative du cadre juridique relatif à la valorisation
de la recherche universitaire, celui-ci est caractérisé par :

 l’incompatibilité des règles statutaires de la fonction publique avec la création


d’entreprise par un inventeur universitaire
 l’absence d’un service, au sein de l’université, s’occupant de la rédaction des
demandes de brevet ou de la négociation des contrats d'exploitation
 l’absence d’une loi régissant les procédures de suivi des brevets d’invention
 l’inexistante d’une charte ou d’un règlement intérieur organisant les procédures de
partage des redevances (royalties) entre les co-inventeurs et l’université.

- Les freins structurels et institutionnels

Outre les contraintes financières et juridiques, les inventeurs interviewés évoquent également
les freins structurels et institutionnels. Le discours de certains inventeurs dévoile que la
majorité des universités ne disposent pas de structures susceptibles de soutenir les inventeurs
universitaires dans la valorisation de leurs brevets. Cette situation encourage la fuite des
cerveaux et oblige certains inventeurs à partir valoriser leurs inventions sous d’autres cieux.

D’autres inventeurs affirment qu’il ne se suffit pas de créer des incubateurs ou des structures
de valorisation, il est nécessaire d’aller au-delà dans la démarche et doter ces structures de
ressources matérielles et humaines capables de comprendre les besoins des inventeurs
universitaire et de les soutenir dans le processus de valorisation de la recherche.

La figure 24 résume les principaux éléments inhibant le potentiel entrepreneurial des


inventeurs universitaires :

204
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Figure 24: Synthèse des facteurs influençant l’intention entrepreneuriale des


inventeurs universitaires marocains

Variables externes

- Age
- Genre
- Statut
académique
- Ancienneté
- Modèles
parentaux
- Education

205
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

CONCLUSION DU CHAPITRE IV
L’objectif de ce chapitre était de présenter les principaux résultats de notre recherche.

Les données collectées ont été analysées en utilisant la méthode d’analyse de contenu
thématique (ACT) et en s’appuyant sur un logiciel d’analyse de données NVivo 11.

L’analyse du discours des inventeurs interviewés nous a permis de constater l’absence


d’intentions entrepreneuriales crédibles chez un grand nombre d’inventeurs (sur les 12
inventeurs universitaires interviewés, seulement 2 inventeurs sur 12 ont exprimé des
intentions entrepreneuriales crédibles).

Tout au long de ce chapitre, nous avons exploré les principales raisons de cette « non »
intention, c'est-à-dire les raisons de la réticence des inventeurs universitaires marocains à
l’égard de la valorisation de leurs brevets d’invention, notamment par la création d’entreprise.
Nous avons analysé particulièrement l’effet des croyances attitudinales, normatives et de
contrôle sur la formation de l’intention entrepreneuriale des inventeurs universitaires.

Les résultats empiriques montent qu’outre les freins juridiques, financiers et structurels,
l’intention entrepreneuriale des inventeurs universitaires est influencée par les représentations
et les croyances qu’ils ont vis-à-vis du monde de l’entreprise, de leur métier et de leur rôle
professionnel. En effet, certains inventeurs non-intentionnels ont tissé des liens émotionnels
très forts avec leur métier. Ils sont donc fortement attachés à leur profession. Très engagés,
ces inventeurs vivent leur métier comme une passion et une vocation professionnelle et
perçoivent une incompatibilité entre la création d’entreprise et leur rôle professionnel.

206
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

CONCLUSION DE LA PARTIE II

La deuxième partie de notre thèse « Partie II : Méthodologie empirique, résultats et


analyses» avait pour objectif d’apporter des éléments de réponse à notre problématique.

Le troisième chapitre « Chapitre III : Design de la recherche » avait pour objet de justifier
notre positionnement épistémologique et méthodologique.

Nous avons choisi d’inscrire notre projet de recherche dans le paradigme interprétativiste. En
effet, notre travail s’intéresse à l’individu « l’inventeur universitaire » et vise à comprendre la
formation de son intention d’entreprendre.

Le choix d’une approche exploratoire qualitative avait pour objectif de comprendre la réalité
(visible et cachée) telle qu’elle est vécue par les inventeurs universitaires.

Les données collectées ont été analysées en utilisant la méthode d’analyse de contenu
thématique (ACT) et en s’appuyant sur un logiciel d’analyse de données NVivo 11.

Ayant déterminé le protocole empirique dans sa globalité, l’objectif du quatrième chapitre


« Chapitre IV : Résultats empiriques et discussion des résultats » était de présenter les
principaux résultats de notre recherche.

L’analyse du discours des inventeurs interviewés nous a permis de constater l’absence


d’intentions entrepreneuriales crédibles chez un grand nombre d’inventeurs (sur les 12
inventeurs universitaires interviewés, seulement 2 inventeurs sur 12 ont exprimé des
intentions entrepreneuriales crédibles).

Tout au long du chapitre IV, nous avons exploré les principales raisons de cette « non »
intention, c'est-à-dire les raisons de la réticence des inventeurs universitaires marocains à
l’égard de la valorisation de leurs recherches notamment par la création d’entreprise.

Nous avons analysé particulièrement l’effet des croyances attitudinales, normatives et de


contrôle sur la formation de l’intention entrepreneuriale des inventeurs universitaires.

207
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

CONCLUSION GENERALE

208
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

CONCLUSION GENERALE
L’objectif de cette recherche était de comprendre les raisons pour lesquelles les inventeurs
universitaires marocains n’arrivent pas à valoriser leurs brevets d’invention et franchir le pas
de l’entrepreneuriat. Autour de la variété des approches et des modèles théoriques, nous avons
retenu l’approche « intention » proposée par la théorie du comportement planifié (Ajzen,
1991) et le modèle de l’événement entrepreneurial de Shapero et Sokol (1982) présenté par
Krueger (1993).

Nous avons inscrit cette recherche dans une approche interprétativiste. En effet, nous nous
situons dans une visée principalement compréhensive. Nous avons cherché à comprendre les
représentations et à structurer le sens que les inventeurs universitaires donnent à la réalité.
Aussi, nos données n’étaient pas « froides », la connaissance produite dépendait, en partie, de
notre interprétation et de notre interaction avec l’objet de recherche. Notre objectif n’était pas
de produire des lois universelles (positivisme). La prise en compte du contexte et des
représentations des acteurs était donc essentielle.

Souhaitant comprendre un phénomène émergent, l’approche qualitative était la plus adaptée


à la nature exploratoire de notre recherche. Le choix d’une approche exploratoire qualitative
avait pour objectif de comprendre la réalité (visible et cachée) telle qu’elle est vécue par les
inventeurs universitaires. En effet, contrairement aux méthodes quantitatives qui ont pour
objectif de tester des hypothèses, la méthode qualitative, quant à elle, nous a permis d’avoir
un contact direct avec le terrain et de rechercher l’information en profondeur afin de
comprendre les représentations et les croyances conscientes et inconscientes des individus.
Le recours à l’entretien semi-directif a servi de base pour guider notre discussion selon des
thèmes définis à partir de notre revue de littérature, tout en laissant la place à l’expression et
à l’initiative de nos interviewés.

Les entretiens menés se basent sur un guide d’entretien élaboré à partir de notre revue de
littérature. Cette revue de littérature a été complétée par six entretiens préliminaires avec des
professionnels et des acteurs de la valorisation de la recherche au Maroc, dont le Responsable
de l’incubateur CNRST, le Responsable du point focal TISC, le Responsable de la chaire de
l’innovation UNCHAIN-UH2C, le Responsable du Centre d’Incubation et d’Accueil des

209
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Entreprises Innovantes (CIAEI) de l´École Nationale Supérieure des Mines de Rabat, le


Directeur Adjoint de l’ENSET ainsi que le Chef de Projet Système d’Evaluation des Brevets
d’Invention, OMPIC.

Les données collectées ont été analysées en utilisant la méthode d’analyse de contenu
thématique (ACT) et en s’appuyant sur un logiciel d’analyse de données NVivo 11.

Apports de la recherche

Les contributions scientifiques de cette recherche sont examinées au regard de trois


principales formes d’apports : théorique, méthodologique et empirique.

1.1. Contributions théoriques et méthodologiques

L’un des principaux apports théoriques de notre recherche réside dans le fait que nous nous
sommes appuyés sur un cadre théorique multidisciplinaire mobilisant des théories relevant de
différentes disciplines, à savoir l’entrepreneuriat (modèle de l’événement entrepreneurial
(Shapero et Sokol, 1982) repris par Krueger (1993)) et la psychologie sociale (théorie du
comportement planifié d’Ajzen (1991)).

Cette triangulation interdisciplinaire (Janesick, 1998) présente un intérêt théorique dans la


mesure où celle-ci nous a permis d’aboutir à une compréhension approfondie et
multidimensionnelle de la formation de l’intention entrepreneuriale d’un public peu exploré
par les chercheurs en sciences de gestion, à savoir les inventeurs universitaires. Le recours à
la psychologie sociale a permis de comprendre l’influence des croyances et des
représentations sur la formation de l’'intention entrepreneuriale.

L’apport méthodologique de notre recherche réside dans le fait que nous avons fait recours à
une approche qualitative pour étudier la formation de l’intention entrepreneuriale. En effet, à
notre connaissance, la quasi-totalité des recherches sur l’intention entrepreneuriale portent sur
une population étudiante (Krueger 1933 ; Audet 2003 ; Kennedy, Drennan, Renfrow et
Watson, 2003 ; Linan 2004 ; Tounès, 2003 ; Koubaa et Sahib Eddine, 2012 ; Diamane et
Koubaa, 2015) et adoptent une démarche quantitative confirmatoire fondée sur une logique
hypothético-déductive (Bertholom, 2012). Cependant, le terrain particulier, voire l’objet

210
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

même de notre recherche, relève d’un contexte de découverte et d’exploration. En effet,


contrairement à d’autres pays (Etats-Unis, Allemagne, Canada, Japan, France, etc), rares sont
les recherches qui se sont intéressées, à l’inventeur universitaire et encore moins à l’évaluation
de son intention entrepreneuriale.

A la lecture de la thèse de Garlonn Bertholom (2012) qui traite de l’intention entrepreneuriale


des jeunes artistes français, nous avons remarqué des similitudes entre les artistes et les
inventeurs. En effet, tout comme l’artiste, l’inventeur universitaire constitue, plus qu’un
terrain d’étude, un objet de recherche singulier et quasi-inconnu des recherches en
entrepreneuriat.

Le terrain particulier de notre recherche doctorale s’inscrit alors dans une logique de
découverte. Cette logique nous a permis de faire émerger de nouvelles connaissances
théoriques spécifiques aux inventeurs universitaires et de contribuer à une meilleure
connaissance de la formation de l’intention entrepreneuriale de ce public particulier, à savoir
les inventeurs universitaires au Maroc.

1.2. Contributions pratiques

Notre recherche avait pour objectif de comprendre les raisons pour lesquelles les inventeurs
universitaires marocains n’arrivent pas à tirer profit de leurs brevets d’invention et franchir le
pas de l’entrepreneuriat. L’objectif n’est pas, bien entendu, de « transformer » tous les
inventeurs en entrepreneurs, mais de leur permettre de considérer la création d’entreprise
comme une éventuelle option de valorisation.

Concevoir des outils d’accompagnement sans prendre en considération les croyances, les
représentations et les perceptions des acteurs concernés conduit souvent à une acceptation de
principe des solutions proposées mais sans leur mise en œuvre concrète (Bourguiba, 2007).

A travers notre recherche, nous donnons aux pouvoirs publics et aux acteurs
d’accompagnement quelques pistes de réflexion permettant de mieux connaitre les inventeurs
universitaires pour mieux les accompagner.

211
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Le risque perçu semble impacter l’intention entrepreneuriale des inventeurs universitaires. En


effet, Les inventeurs universitaires marocains, généralement fonctionnaires de l’Etat, sont
soumis aux dispositions du statut général de la fonction publique (promulgué par Dahir n° 1-
58-008 du 24 février 1958 (4 chaabane 1377)), qui stipule à l’article 16 : « Il est interdit à tout
fonctionnaire, quelle que soit sa position, d'avoir, par lui-même ou par personne interposée et
sous quelque dénomination que ce soit, des intérêts de nature à compromettre son
indépendance dans une entreprise soumise au contrôle de l'administration ou service dont il
fait partie ou en relation avec son administration ou service ». Dans ce sens, il est interdit à un
chercheur universitaire de cumuler plusieurs fonctions, c'est-à-dire appartenir au service
public et en même temps créer sa propre entreprise. Dans cette situation, si l’inventeur
universitaire décide de s’engager dans une création d’entreprise, il doit démissionner de la
fonction publique.

En quittant la fonction publique, l’inventeur universitaire renonce « aux garanties » de


l’environnement public et risque de mettre en péril sa carrière et son employabilité future, en
cas d’échec de son entreprise.

Il est donc primordial de rassurer les inventeurs souhaitant créer une entreprise valorisant leurs
brevets d’invention en leur donnant, par exemple, la possibilité de réintégrer leurs organismes
d’origine en cas d’échec (possibilité de détachement46 ou de mise en disponibilité47).

46
Le fonctionnaire est en position de détachement lorsqu'il est placé hors de son cadre
d'origine mais continue à appartenir à ce cadre et à y bénéficier de ses droits à l'avancement
et à la retraite. (Source : statut général de la fonction publique, Dahir n° 1-58-008 du 4
chaabane 1377 (24 février 1958) portant statut général de la fonction publique)

47
Le fonctionnaire est en position de disponibilité lorsque, placé hors de son cadre d'origine,
il continue d'appartenir à ce cadre mais cesse d'y bénéficier de ses droits à l'avancement et à
la retraite. La position de disponibilité ne comporte aucune attribution d'émoluments, en
dehors des cas expressément prévus par le présent statut. (Source : statut général de la
fonction publique, Dahir n° 1-58-008 du 4 chaabane 1377 (24 février 1958) portant statut
général de la fonction publique)

212
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

C’est le cas de la loi sur l'innovation et la recherche en France, dite loi Allègre (Annexe
4). Cette loi permet aux chercheurs universitaires de créer une entreprise valorisant leurs
travaux de recherche tout en gardant la possibilité, s’ils le souhaitent, de réintégrer leurs
emplois d’origine.

« Ils sont autorisés à participer en tant qu’associés ou dirigeants à cette entreprise nouvelle,
pendant une période à l’issue de laquelle ils peuvent choisir entre leur retour dans le service
public et le départ définitif dans l’entreprise. Durant cette période, et pour une durée maximale
de 6 ans, une première période de 2 ans renouvelable deux fois, ils sont soit détachés ou mis
à disposition (pour ce qui est de l’enseignement supérieur la position correspondant à la mise
à disposition est la délégation). Le détachement ou la mise à disposition sont des situations
statutaires dans lesquelles un fonctionnaire tout en conservant cette qualité, et donc les
avantages attachés au statut de la fonction publique, peut travailler dans une autre
administration que dans son corps d’origine ou même en dehors de la fonction publique (…).
La loi permet dans la phase de démarrage de l’entreprise, la prise en charge du salaire du
créateur d’entreprise par son organisme d’origine » (Richevaux, 2002).

Le nombre d’années passées dans l’université semble impacter l’attachement à l’univers


universitaire et au métier d’enseignant chercheur. En effet, de nombreux inventeurs ont tissé
des liens émotionnels très forts avec leur métier. Ils sont donc fortement attachés à leur
profession. Très engagés, ils vivent leur métier comme une passion et une vocation
professionnelle. Ces inventeurs écartent définitivement la possibilité de s’engager dans une
création d’entreprise.

Les pouvoirs publics pourraient alors focaliser leurs actions sur des profils dont la carrière
académique n’est encore garantie, qui n’ont pas forcément développé un attachement fort au
métier de l’enseignement et de la recherche et qui sont ouverts à d’autres options de carrière
en dehors de la carrière académique, comme par exemple, les doctorants et les jeunes docteurs.

Les représentations du monde de l’entreprise semblent avoir un impact sur la formation de


l’intention entrepreneuriale des inventeurs universitaires. Beaucoup d’inventeurs connaissent

213
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

mal ce milieu qu’ils associent à un lieu d’exploitation et de conflits qui opposent le « patron »
et les salariés. Selon ces inventeurs, l’objectif du « patron » est l’accumulation du capital et
l’accroissement continu de la rentabilité et du profit. Cette méconnaissance du monde de
l’entreprise et de modèles d’entrepreneurs entraîne la crainte, la réticence et le rejet. Il est à
noter, que cette méconnaissance est mutuelle, à leurs tours, les entreprises connaissent mal les
docteurs et ont tendance à privilégier les ingénieurs (Borrell-Damian, 2009 ; Calmand, 2010).

L’effort pourrait ainsi se focaliser sur le renforcement de la collaboration entre les universités
et le monde de l’entreprise ainsi que sur la communication sur les « success stories » des
chercheurs-entrepreneurs via différents canaux de communication (télévision, radio, réseaux
sociaux, etc).

Les perceptions qu’ont les inventeurs universitaires des facilités ou des difficultés d’accès aux
ressources constituent un élément fondamental de leurs perceptions da la faisabilité de la
création d’une entreprise valorisant les résultats de leurs recherches.

L’analyse thématique des discours des inventeurs universitaires fait émerger une évaluation
négative de l’écosystème entrepreneurial et une difficulté d’accès aux ressources (moyens
financiers, conseil, assistance juridique, accompagnement, etc). Les inventeurs « se
plaignent » de la lourdeur et de la complexité des procédures de gestion financière des budgets
de recherche qui inhibe la réalisation de leurs projets de valorisation.

Les contraintes financières et les lenteurs administratives imposées aux universités et aux
inventeurs universitaires découragent une grande majorité de chercheurs de continuer à faire
de la recherche, ne parlons même pas de la valorisation de cette recherche.

Dans ce sens, les lois de gestion budgétaire des établissements publics ont tout intérêt à
évoluer et à faire preuve de davantage de souplesse et de flexibilité afin de permettre aux
laboratoires de recherche d’êtres plus réactifs, autonomes, rapides et compétitifs.

Outre les contraintes financières et la lourdeur des procédures de gestion des budgets réservés
à la recherche, les inventeurs évoquent l’absence de lois régissant les procédures de suivi des

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LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

brevets d’invention ainsi que l’inexistante d’une charte ou d’un règlement intérieur organisant
les procédures de partage des redevances en cas d’exploitation des brevets.

Les inventeurs « se plaignent » également de l’absence d’un service, au sein de l’université,


s’occupant de la rédaction des demandes de brevets ou de la négociation des contrats
d'exploitation. Le discours de certains inventeurs dévoile que la majorité des universités ne
disposent pas de « vraies » structures susceptibles de soutenir les inventeurs universitaires
dans la valorisation de leurs brevets. Ces structures, quand elles existent, manquent souvent
de ressources humaines capables de comprendre les besoins des inventeurs universitaires et
de les soutenir dans le processus de valorisation de la recherche.

Il ne se suffit pas de créer des incubateurs ou des services de valorisation, il est nécessaire
d’aller au-delà dans la démarche et de doter ces structures de ressources humaines et
matérielles nécessaires. « L’université marocaine, doit étendre les missions des services de
valorisation de la recherche qui se limitent généralement à la formation et la sensibilisation à
la propriété industrielle, et créer des centres de transfert de technologie » (Nahid et Mossadek,
2015). L’objectif de ces bureaux de transfert (Technology Transfer Offices ou TTO) est
d’assister les inventeurs universitaires durant toutes les étapes de la chaine de valorisation,
depuis la déclaration d’invention jusqu’à la valorisation, en passant par l’évaluation technique,
juridique, financière et commercial, le dépôt de brevet, etc.

Limites de la recherche

Toute recherche scientifique comporte des limites. L’intégrité du chercheur impose de les
reconnaitre.

La principale limite de notre recherche réside dans le fait qu’elle ne permet pas de reproduire
et de généraliser les résultats obtenus (validité externe).

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LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Souhaitant comprendre un phénomène émergent48, l’approche qualitative était la plus adaptée


à la nature exploratoire de notre recherche. En effet, contrairement aux méthodes quantitatives
qui ont pour objectif de tester des hypothèses, la méthode qualitative, quant à elle, nous a
permis d’avoir un contact direct avec le terrain et de rechercher l’information en profondeur
afin de comprendre les représentations et les croyances conscientes et inconscientes des
individus. Autrement dit, l’approche qualitative a participé à notre compréhension de la réalité
telle qu’elle est vécue par les répondants. Il s’agissait dans le cadre de notre recherche, de
comprendre la réalité (visible et cachée) telle qu’elle est vécue par les inventeurs
universitaires.

La limite de la méthode utilisée réside dans le fait que la connaissance produite est de nature
subjective et contextuelle. Elle dépend fortement de notre interprétation et peut être interprétée
autrement par d’autres chercheurs.

Il est à noter « que si cette approche laisse entrevoir des faiblesses (Girod-Séville et Perret,
2002) quant à la validité scientifique au sens de la généralisation de la connaissance produite,
elle semble constituer la première étape nécessaire dans l’appréhension d’un phénomène
émergent » (Gomez- Breysse, 2010). Aussi, les particularités de notre terrain ont « imposé »
le choix de la méthode qualitative. En effet, compte tenu, de la taille très restreinte de la
population mère (inventeurs universitaires marocains ayant des inventions valorisables), les
réponses exploitables auraient été insuffisantes pour mener des études statistiquement valides
et acceptables.

Perspectives de recherches futures

Notre travail de recherche ouvre la voie à de nouvelles perspectives de recherche. Plusieurs


prolongements sont envisageables :

48
Le phénomène de dépôt de brevets d’invention par les universités marocaines est un
phénomène émergent. La première demande de brevet déposée par une université publique
marocaine date de 2008.

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LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Perspective 1 : Une étude confirmatoire

Comme expliqué plus haut, la principale limite de notre recherche réside dans son caractère
exploratoire. Souhaitant comprendre un phénomène émergent, l’approche qualitative était la
plus adaptée à la nature exploratoire de notre recherche.

Afin de confirmer les résultats de notre recherche, il convient de tester plus largement nos
conclusions sur un échantillon plus représentatif, plus large et plus diversifié. Nous suggérons
de compléter notre recherche par une étude quantitative confirmatoire auprès de l’ensemble
des inventeurs universitaires à l’échelle nationale. Cette étude serait l’occasion d’évaluer le
poids des différentes variables énoncées dans notre modèle théorique.

Perspective 2 : Une étude comparative


Le contexte marocain possède ses propres particularités. Il paraît judicieux d’étudier
comment, dans d’autres pays, on envisage le développement de l’entrepreneuriat académique.
Cette voie de recherche future permettrait de compléter, confirmer ou infirmer les conclusions
de notre recherche et de tester la validité externe de nos résultats.

Perspective 3 : Une étude longitudinale


Lorsqu’il existe une intention d’entreprendre, celle-ci ne se concrétise pas forcément par la
création d’entreprise. Une étude longitudinale auprès des inventeurs intentionnels rencontrés
dans le cadre de notre recherche, permettrait d’étudier les différentes phases du processus
entrepreneurial, depuis la formation de l’intention jusqu’à la création d’entreprise. L’objectif
de cette étude longitudinale serait de vérifier la stabilité temporelle de l’intention et de mieux
comprendre la phase transitoire entre l’intention d’entreprendre et le passage à l’acte de
création.
Il est également possible d’approfondir notre connaissance des inventeurs-entrepreneurs
naissants et d’étudier, par exemple, le processus de démarrage effectif de l’entreprise.

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LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
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Une analyse de l’intention entrepreneuriale

ANNEXES

237
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

ANNEXE 1 : Courriel de demande de rendez-vous

Bonjour Monsieur/Madame (Nom de l’inventeur),

Je suis doctorante en stratégie et entrepreneuriat à l’ISCAE Casablanca.

Dans le cadre de mes recherches qui portent sur "la valorisation de la recherche universitaire",
je réalise actuellement une série d’entretiens auprès des chercheurs-inventeurs universitaires
à l'échelle nationale.

L’objectif de ces entretiens est de comprendre les facteurs facilitateurs et les freins relatifs à
la valorisation de la recherche universitaire au Maroc.

Votre avis nous intéresse fortement. Dans ce sens, je souhaiterais vous rencontrer selon vos
disponibilités, pour échanger avec vous sur ce sujet.

Dans l’attente d’un prochain échange, je vous prie de croire en l'expression de mes salutations
les plus sincères.

Bien Cordialement,

Mounia DIAMANE
Doctorante
Groupe ISCAE

238
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

ANNEXE 2 : Fiche d’entretien

Durée de l’interview : …………………………………


Date : …………………………………………………..
Lieu : ………………………………………………….
Thématique : Valorisation de la recherche universitaire

Je souhaite que cet entretien reste anonyme Oui Non

Interview réalisé avec :


Monsieur :……………………………………………………………………………......
Fonction :…………………………………………………………………………………
Université, Ecole ou institution:………………………………………………………...
Domaine de recherche :…………………………………………………………………
Laboratoire de recherche :……………………………………………………………...
Nombre de brevets déposés : …………………………………………………………..
Email :…………………………………………………………………………………….
Téléphone :……………………………………………………………………………….

1- Avez-vous déjà travaillé dans une entreprise ? Oui Non


Si Oui, Dans quel secteur d'activité ? .....................................................................................
Pour combien d’années ?..........................................................................................................

2- Nombre d’années passées dans le domaine de la recherche universitaire (thèse inclue)


..............................................................................
3- Quel est le métier qui vous définit le mieux :
Chercheur Inventeur Professeur Entrepreneur
Autre (A préciser) …………….….

Signature ou cachet

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LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

ANNEXE 3

Extrait du Dahir n° 1-58-008 du 4 chaabane 1377 (24 février 1958) Portant


statut général de la fonction publique

Chapitre III : Droits et devoirs des fonctionnaires

Article 13
Le fonctionnaire est tenu en toute circonstance de respecter et de faire respecter l'autorité de
l'Etat.

Article 14
Le droit syndical est exercé par les fonctionnaires dans les conditions prévues par la législation
en vigueur.

L'appartenance ou la non appartenance à un syndicat ne doit entraîner aucune conséquence en


ce qui concerne le recrutement, l'avancement, l'affectation, et d'une manière générale la
situation des agents soumis au présent statut.

Article 15
Il est interdit à tout fonctionnaire d'exercer à titre professionnel, une activité privée lucrative
de quelque nature que ce soit. Il ne pourra être dérogé à cette interdiction qu'exception-
nellement et pour chaque cas par décision du ministre duquel relève l'agent intéressé après
approbation du président du conseil. Cette décision prise à titre précaire est toujours révocable
dans l'intérêt du service.

Lorsque le conjoint d'un fonctionnaire exerce à titre professionnel une activité privée et
lucrative, déclaration doit en être faite à l'administration ou service dont relève le
fonctionnaire. L'autorité compétente prend, s'il y a lieu, les mesures propres à sauvegarder
l'intérêt du service.

L'interdiction prévue à l'alinéa 1° ne s'étend pas à la production des œuvres scientifiques,


littéraires ou artistiques. Toutefois, les fonctionnaires ne pourront mentionner leurs qualités
ou titres administratifs à l'occasion de ces publications qu'avec l'accord du ministre dont ils
relèvent.

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Article 16
Il est interdit à tout fonctionnaire, quelle que soit sa position, d'avoir, par lui-même ou par
personne interposée et sous quelque dénomination que ce soit, des intérêts de nature à
compromettre son indépendance dans une entreprise soumise au contrôle de l'administration
ou service dont il fait partie ou en relation avec son administration ou service.

Article 17
Tout fonctionnaire quel que soit son rang dans la hiérarchie est responsable de l'exécution des
tâches qui lui sont confiées. Le fonctionnaire chargé d'assurer la marche d'un service est
responsable à l'égard de ses supérieurs de l'autorité qui lui a été conférée pour cet objet et de
l'exécution des ordres qu'il a donnés. La responsabilité propre de ses subordonnés ne le dégage
en rien des responsabilités qui lui incombent.

Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses
fonctions, l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines
prévues par le code pénal.

Dans le cas où un fonctionnaire a été poursuivi par un tiers pour faute de service, la collectivité
publique doit couvrir le fonctionnaire des condamnations civiles prononcées contre lui.

Article 18
Indépendamment des règles instituées dans le code pénal en matière de secret professionnel,
tout fonctionnaire est lié par l'obligation de discrétion professionnelle pour tout ce qui con-
cerne les faits et informations dont il a connaissance dans l'exercice ou à l'occasion de
l'exercice de ses fonctions.

Tout détournement, toute communication contraire au règlement de pièces ou documents de


service à des tiers sont formellement interdits. En dehors des cas prévus par les règles en
vigueur, seule l'autorité du ministre dont dépend le fonctionnaire peut délier celui-ci de cette
obligation de discrétion ou le relever de l'interdiction édictée ci-dessus.

Article 19
L'administration est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, attaques,
outrages, injures ou diffamations dont ils peuvent être l'objet à l'occasion de l'exercice de leurs
fonctions. Elle répare éventuellement et conformément à la réglementation en vigueur, le
préjudice qui en est résulté dans les cas qui ne sont pas réglés par la législation sur les pensions
et sur le capital décès, l'‫ة‬tat étant subrogé dans les droits et actions de la victime contre l'auteur
du préjudice.

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ANNEXE 4

Extrait de la loi n° 99-587 du 12 juillet 1999 sur l'innovation et la


recherche en France (Source : legifrance.gouv.fr) 49

Article 25-1

 Créé par Loi n°99-587 du 12 juillet 1999 - art. 1 JORF 13 juillet 1999
 Abrogé par Ordonnance n°2004-545 du 11 juin 2004 - art. 6 (V) JORF 16 juin 2004

Les fonctionnaires civils des services publics et entreprises publiques définis à l'article 14
peuvent être autorisés à participer à titre personnel, en qualité d'associé ou de dirigeant, à la
création d'une entreprise dont l'objet est d'assurer, en exécution d'un contrat conclu avec une
personne publique ou une entreprise publique, la valorisation des travaux de recherche qu'ils
ont réalisés dans l'exercice de leurs fonctions.

L'autorisation doit être demandée préalablement à la négociation du contrat prévu au premier


alinéa et avant l'immatriculation de l'entreprise au registre du commerce et des sociétés. Le
fonctionnaire intéressé ne peut pas représenter la personne publique ou l'entreprise publique
dans une telle négociation.

L'autorisation est accordée par l'autorité dont relève le fonctionnaire après avis de la
commission prévue par l'article 87 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la
prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures
publiques pour une période de deux ans renouvelable deux fois50. Elle est refusée :

- si elle est préjudiciable au fonctionnement normal du service public ;

49
Légifrance est le site web officiel du gouvernement français pour la diffusion des textes
législatifs et réglementaires et des décisions de justice des cours suprêmes de droit français.

50
Ordonnance 2004-545 du 11 juin 2004 art 7 I : L'abrogation du délai mentionné au
troisième alinéa de l'article 25-1 ne prend effet qu'à compter de la publication des dispositions
réglementaires du code de la recherche.

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- ou si, par nature ou par ses conditions et modalités et eu égard aux fonctions précédemment
exercées par le fonctionnaire, la participation de ce dernier porte atteinte à la dignité desdites
fonctions ou risque de compromettre ou mettre en cause l'indépendance ou la neutralité du
service ;

- ou si la prise d'intérêts dans l'entreprise est de nature à porter atteinte aux intérêts matériels
ou moraux du service public de la recherche ou à remettre en cause les conditions d'exercice
de la mission d'expertise qu'il exerce auprès des pouvoirs publics.

A compter de la date d'effet de l'autorisation, le fonctionnaire est soit détaché dans l'entreprise,
soit mis à disposition de celle-ci ou d'un organisme qui concourt à la valorisation de la
recherche. Il cesse toute activité au titre du service public dont il relève. Toutefois, il peut
exercer des activités d'enseignement ressortissant à sa compétence dans des conditions fixées
par décret.

La commission mentionnée au troisième alinéa est tenue informée, pendant la durée de


l'autorisation et durant cinq ans à compter de son expiration ou de son retrait, des contrats et
conventions conclus entre l'entreprise et le service public de la recherche. Si elle estime que
ces informations font apparaître une atteinte aux intérêts matériels et moraux du service public
de la recherche, la commission en saisit le ministre dont dépend la personne publique
intéressée.

Au terme de l'autorisation, le fonctionnaire peut :

- être, à sa demande, placé en position de disponibilité ou radié des cadres s'il souhaite
conserver des intérêts dans l'entreprise ;

- être réintégré au sein de son corps d'origine. Dans ce cas, il met fin à sa collaboration
professionnelle avec l'entreprise dans un délai d'un an et ne peut plus conserver directement
ou indirectement un intérêt quelconque dans l'entreprise. Il peut toutefois être autorisé à
apporter son concours scientifique à l'entreprise, à conserver une participation dans le capital
social de l'entreprise, dans la limite de 15 %, et à être membre du conseil d'administration ou
de surveillance de celle-ci dans les conditions prévues aux articles 25-2 et 25-3.

243
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L'autorisation est retirée ou non renouvelée si les conditions qui avaient permis sa délivrance
ne sont plus réunies ou si le fonctionnaire méconnaît les dispositions du présent article. Dans
ce cas, le fonctionnaire ne peut poursuivre son activité dans l'entreprise que dans les conditions
prévues à l'article 72 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires
relatives à la fonction publique de l'Etat. S'il ne peut conserver d'intérêts dans l'entreprise, il
dispose du délai prévu au onzième alinéa pour y renoncer.

Article 25-2

 Créé par Loi n°99-587 du 12 juillet 1999 - art. 1 JORF 13 juillet 1999
 Abrogé par Ordonnance n°2004-545 du 11 juin 2004 - art. 6 (V) JORF 16 juin 2004

Les fonctionnaires mentionnés au premier alinéa de l'article 25-1 peuvent être autorisés,
pendant une période de cinq ans renouvelable51, à apporter leur concours scientifique à une
entreprise qui assure, en exécution d'un contrat conclu avec une personne publique ou une
entreprise publique, la valorisation des travaux de recherche qu'ils ont réalisés dans l'exercice
de leurs fonctions.

Les conditions dans lesquelles le fonctionnaire intéressé apporte son concours scientifique à
l'entreprise sont définies par une convention conclue entre l'entreprise et la personne publique
ou l'entreprise publique mentionnée au premier alinéa. Elles doivent être compatibles avec le
plein exercice par le fonctionnaire de son emploi public.

Le fonctionnaire peut également être autorisé à détenir une participation dans le capital social
de l'entreprise, dans la limite de 15 %, sous réserve qu'au cours des cinq années précédentes
il n'ait pas, en qualité de fonctionnaire ou d'agent public, exercé un contrôle sur cette entreprise
ou participé à l'élaboration ou à la passation de contrats et conventions conclus entre
l'entreprise et le service public de la recherche.

51
Ordonnance 2004-545 du 11 juin 2004 art 7 I : L'abrogation du délai mentionné au premier
alinéa de l'article 25-2 ne prend effet qu'à compter de la publication des dispositions
réglementaires du code de la recherche.

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Le fonctionnaire ne peut participer à l'élaboration ni à la passation des contrats et conventions


conclus entre l'entreprise et le service public de la recherche. Il ne peut, au sein de l'entreprise,
exercer des fonctions de dirigeant ni être placé dans une situation hiérarchique.

L'autorité dont relève le fonctionnaire est tenue informée des revenus qu'il perçoit à raison de
sa participation au capital de l'entreprise, des cessions de titres auxquelles il procède ainsi que
des compléments de rémunérations, dans la limite d'un plafond fixé par décret, prévus, le cas
échéant, par la convention mentionnée au deuxième alinéa.

La commission mentionnée au troisième alinéa de l'article 25-1 est tenue informée pendant la
durée de l'autorisation et durant cinq ans à compter de son expiration ou de son retrait des
contrats et conventions conclus entre l'entreprise et le service public de la recherche. Si elle
estime que ces informations font apparaître une atteinte aux intérêts matériels et moraux du
service public de la recherche, la commission en saisit le ministre dont dépend la personne
publique intéressée.

L'autorisation est délivrée et renouvelée par l'autorité dont relève le fonctionnaire après avis
de la commission mentionnée au troisième alinéa de l'article 25-1 dans les conditions prévues
par les troisième à sixième alinéas de cet article. Elle est retirée ou non renouvelée si les
conditions qui avaient permis sa délivrance ne sont plus réunies ou si le fonctionnaire
méconnaît les dispositions du présent article. Dans ce cas, le fonctionnaire dispose, pour céder
ses droits sociaux, d'un délai d'un an au terme duquel il ne peut plus conserver directement ou
indirectement un intérêt quelconque dans l'entreprise. Il ne peut poursuivre son activité dans
l'entreprise que dans les conditions prévues au dernier alinéa de l'article 25 -1.

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ANNEXE 5 : Guide d’entretien

QUESTIONS INTRODUCTIVES

- Pouvez-vous vous présenter ?

- Avez-vous déjà déposé un brevet d’invention ?

- Pouvez-vous me présenter très brièvement en quoi consiste votre invention ?

THEME 1 : L’intention de créer

1- Avez-vous déjà imaginé créer une entreprise qui valorise les résultats de vos
recherches ?

1-1- Si Oui (inventeurs intentionnels)

- Pouvez-vous me parler davantage de votre idée de création d’entreprise ?

- Avez-vous déjà pris des renseignements sur les différentes démarches à suivre pour créer
votre entreprise ?

- Quand est-ce que vous envisagez passer à l’action et concrétiser votre intention de créer
votre entreprise ? (sur une échelle de temps : dans quelques mois, dans une année, etc…)

1-2- Si Non (inventeurs non intentionnels)

- Pourquoi ? Est-ce que vous imaginez d’autres modalités de valorisation ? (Par exemple :
l’octroi d’une licence d’exploitation) Ou bien la valorisation est une activité qui ne vous
n’intéresse pas ?

- Ne voyez-vous pas que c'est une perte pour la recherche et pour l’économie nationale ?

THEME 2 : Les croyances attitudinales

2- Selon vous, quels sont les avantages que peut procurer le fait de créer sa propre
entreprise ? C’est à dire une entreprise qui valorise les résultats de vos recherches.

3- Quels inconvénients voyez-vous dans la création d’une entreprise par un inventeur


universitaire ?

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4- Est-ce qu’il y’a d’autres inconvénients, qui vous viennent à l’esprit lorsque vous
pensez à la possibilité de créer votre propre entreprise ?

5- A part les avantages et les inconvénients, est-ce que ça vous fait penser à autre chose,
le fait de créer une entreprise par un inventeur universitaire ?

THEME 3 : Les croyances normatives

SOUS THEME 3.1 : Normes sociales

6- Selon vous, quelles sont les personnes qui seront favorables (et qui vont vous
encourager) à créer votre propre entreprise ?

7- Quelles sont les personnes qui à votre avis, vont être défavorables (et qui vont vous
décourager) à créer votre propre entreprise ?

8- Y’a-t-il d’autres personnes (ou groupe de personnes) qui vous viennent à l’esprit
lorsque vous pensez à la possibilité de créer votre propre entreprise ?

SOUS THEME 3.2 : Les représentations du rôle de l’inventeur universitaire

9- Qu’est-ce qu’un chercheur/inventeur universitaire pour vous ?

10- A votre avis quel est le rôle d’un chercheur/inventeur universitaire ?

11- A votre avis, est ce que c’est le rôle de l’inventeur universitaire de valoriser les
résultats de ses recherches ? (est-ce que c’est de ses responsabilités) ?

12- Parallèlement à vos activités de recherche et d’enseignement, est ce que vous assurez
d’autres fonctions administratives, professionnelles ou associatives ? Lesquelles ?

13- Est-ce que vous pensez que ces activités retardent vos activités de recherche ?

SOUS THEME 3.3 : Les représentations du monde de l’entreprise

14- A quoi vous fait penser le mot entreprise ?

15- A quoi vous fait penser le mot entrepreneur ?

16- Avez-vous déjà travaillé en entreprise ? Racontez-moi votre expérience

17- Que pensez-vous de la vie au sein de l’entreprise ?

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18- Si on vous donne le choix aujourd’hui, entre le fait de travailler au sein d’une entreprise
et le fait de continuer votre carrière en tant que chercheur universitaire. Qu’est-ce que vous
allez choisir ? Pourquoi ?

SOUS THEME 3.4 : Rôle du modèle

19- Connaissez-vous des chercheurs universitaires qui ont valorisés les résultats de leurs
recherches par la voie entrepreneuriale ?

20- Pouvez-vous me donner des exemples ?

21- Comment vous avez connu ces chercheurs entrepreneurs ?

22- Que pensez-vous de ces chercheurs ? Souhaitez-vous devenir comme eux un jour?

THEME 4 : Les croyances de contrôle

23- Pensez-vous pouvoir maîtriser personnellement le processus de création d’une


entreprise ?

24- Est-ce que vous vous sentez capable de créer une entreprise ?

25- Comment trouvez-vous la démarche institutionnelle relative à la création


d’entreprise ?

26- Est-ce que l’environnement vous semble favorable à la réussite d’un projet de création
d’entreprise ?

27- A votre avis, quels sont les éléments qui pourraient faciliter votre engagement dans un
projet de création d’entreprise valorisant les résultats de vos recherches ?

28- A votre avis, quels sont les éléments qui pourraient freiner ou rendre difficile votre
engagement dans un projet de création d’entreprise valorisant les résultats de vos recherches ?

29- Est-ce qu’il y’a d’autres éléments qui vous viennent à l’esprit et qui pourraient intervenir
dans la faisabilité de votre projet de création d’entreprise ?

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ANNEXE 6 : Exemple de retranscription

Entretien avec l’inventeur 3

Lieu : ENSEM, Ecole Nationale Supérieure d'Electricité et de Mécanique

Durée : 1h45

Merci encore une fois d’avoir accepté de participer à cette entrevue.

Comme je vous ai expliqué dans mon email, je travaille sur la thématique de la


valorisation de la recherche universitaire dans le cadre de mon projet de thèse à
l’ISCAE. Je travaille plus particulièrement sur la valorisation de la recherche
universitaire par la création d’entreprise.

Donc, je réalise une série d’entretien avec un ensemble de chercheurs et d’inventeurs


universitaires à l’échelle nationale pour évaluer leur sensibilité à cette modalité de
valorisation.

Bien évidemment, il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises réponses. Il s’agit d’exprimer


son opinion et de donner son témoignage.

Avant de commencer, j’aimerais préciser que pour des besoins de la recherche, notre
entrevue va être enregistrée. Mais vous avez le choix entre le fait que ça soit anonyme
(c'est-à-dire on ne va pas mettre votre nom, etc) et le fait que ça soit enregistrée. Donc
vous avez le choix.

D’accord, oui.

Donc, on va commencer tout d’abord par la question classique. Pouvez-vous vous


présenter ?

Bon, alors je suis enseignant chercheur à l’ENSEM. Alors, je ne suis pas informaticien
quoique, bon je travaille beaucoup sur l’informatique, je suis plutôt dans l’électronique et
télécommunications. Donc on a un laboratoire avec les doctorants et on travaille beaucoup
aussi justement avec les entreprises dans le cadre de projets. Au fait, c’est de la recherche

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appliquée ; d’accord ? Et qui dit recherche appliquée, dit aussi contraintes de résultats qui
doivent aussi intéresser les industriels. Donc ce n’est pas de la recherche fondamentale.

D’accord, avez-vous déjà déposé un brevet d’invention ?

Alors justement, vous tombez bien, voilà, ça c’est un brevet, je viens de le recevoir
aujourd’hui, au fait c’est un PCT. C’est un brevet à l’international. Donc, c’est le rapport de
recherche du brevet que nous avons déposé. Un brevet national et après on l’a déposé à
l’international sur une thématique et voilà, oui, donc oui effectivement.

Justement, c’est ce que je disais à mon collègue tout à l’heure, moi je suis très sympathisant
sur tout ce qui est dépôt de brevets. Le problème c’est qu’on a un petit peur, par rapport à mes
collègues, ils ne voient pas très bien l’intérêt d’un brevet. C’est vrai le dépôt d’un brevet, un
brevet c’est quelque chose d’assez délicate, parce que cela demande un investissement.
Rédiger un brevet ça n’a rien à voir avec la rédaction d’un article scientifique. Bon, il y a
l’investissement temps. On ne voit pas l’intérêt. Ça veut dire, parce que pour l’entreprise
l’intérêt est clair. Un brevet ça se monnaye, c’est de l’argent… un industriel, par définition un
chercheur, en principe, son soucis, ce n’est pas gagner de l’argent, c’est de faire avancer la
recherche, d’accord ? Donc c’est quelque chose qui ne va pas dans le sens, c'est-à-dire dans
l’état d’esprit de mes collègues, les enseignants chercheurs, ils ne voient pas trop l’intérêt des
brevets, d’accord ? Ça veut dire que ça demande plus d’investissement par rapport à ce qu’on
va récolter, c’est ça la difficulté. Moi j’essaye de changer cette mentalité.

Il y a aussi nos étudiants, à chaque fois dans mes cours, je leur explique, qu’il faut avoir le
réflexe de valoriser vos idées, il y a quelque chose qui s’appelle : « dépôt de brevet », on
essaye d’organiser des séminaires sur les brevets. Les gens de l’OMPIC, ils viennent pour les
sensibiliser à travers les séminaires. On leur dit qu’il y a une base de données de brevets qui
est très intéressante, vous pouvez récupérer des choses très très intéressantes dans le cadre de
vos projet de fin d’études. Donc voilà on essaye de faire marcher cette idée, de dépôt de brevet.

Et est-ce qu’il y a un soutien de l’université ? C’est-à-dire pour déposer un brevet par


exemple. Je sais par exemple, que pour déposer un brevet à l’international ça coûte cher,
est ce qu’il y a un appui de l’université ?

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LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Bon écoutez, en fait sur papier, sur papier effectivement il y’a une possibilité. Je parle de
Casablanca parce que moi je connais Casablanca. Je ne peux pas vous dire qu’est qui l’en est
pour les autres universités. Mais sur Casablanca, effectivement, depuis quelque temps, avant
il n’y avait rien, depuis quelque temps , il y a une convention entre l’OMPIC et l’université
Hassan II de Casablanca pour aider les enseignants à déjà déposer un brevet , donc leur donner
un peu l’assistance technique . Les gens de l’OMPIC, ils viennent, ils conseillent. Ils sont en
quelque sorte des mandataires, donc ils jouent le rôle de mandataires, donc ils aident les
enseignants chercheurs à rédiger une demande de brevet, donc bien entendu, si c’est positif,
si c’est le rapport est positif, ils peuvent même financer le dépôt à l’international. Bon ça c’est
sur le papier, mais dans la pratique, dans la pratique, il y’a comme même des problèmes
administratifs, ce qui fait que moi, je parle de mon expérience, on a déjà déposé un brevet qui
était fiancé par l’université mais le deuxième brevet, on l’a financé de nos poches.

Et pourquoi ?

Vu le problème, ce brevet que vous avez devant vous, ce PCT, avec mes collègues, on l’a
payé de nos poches. Ça nous a couté 8000 DH (environ 800 Euros). On l’a payé de notre….on
a préféré payer 8000 DH et avoir quelque chose qui aboutit, que ne rien payé et ça n’aboutit
pas.

Et ça n’a pas abouti ?

Ça n’a pas abouti, celui qui est passé par l’université n’a pas abouti.

C'est-à-dire ? Il n’a pas été déposé à la fin ou bien …?

Alors, voilà, c’est pour cela que je vous ai dit…les problèmes, voilà donc peut être peut être
que c’est un cas particulier, mais je suis sûr qu’il y a d’autres chercheurs qui sont dans le
même cas malheureusement.

Alors pour déposer un… pour déposer un brevet à l’international, il faut que ça passe par un
rapport de recherche qui est fait par l’OMPIC.

Alors l’OMPIC actuellement, ils ont des gens compétents, ils ont des accréditations à
l’international, ils ont une base de données professionnelle. Ça veut que leurs avis est comme

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même important parce qu’ils ont des outils aujourd’hui pour pouvoir faire un avis sur un
brevet…

Alors la convention qu’est ce qu’elle dit, la convention elle dit que …si l’OMPIC considère
qu’un brevet, il peut être candidat à un dépôt à l’international donc il peut être proposé par
l’OMPIC, et c’était le cas pour notre brevet, c’était le cas. Problème, c’est quand cela arrive
à l’université pour que ça soit financé il faut que ça passe par le conseil de l’université, il doit
donner l’aval, parce que à chaque fois que l’argent doit sortir…. c’est le conseil qui décide, le
conseil de l’université. Alors quand ça était déposé au niveau du conseil de l’université, ils
ont dit voilà oui on est d’accord sur le principe, mais mais il nous faut des experts pour valider,
sachant que ça était déjà expertisé par l’OMPIC. Est ce qu’ils n’ont pas confiance à l’OMPIC !
Ça je n’en sais rien… Ils ont dit, il faut que ça soit expertisé. Nous, on est d’accord que ça soit
expertisé pourquoi pas ! Mais le problème pour le PCT, il y’a des deadlines, il y a des
deadlines à ne pas dépasser parce que si vous dépassez le délai, c’est terminé, vous ne pouvez
plus déposer. C’est à la seconde près ces trucs-là. Donc il fallait que ça se passe par…. Bien
entendu, la personne qui s’est chargée de ça a laissé ça dans un tiroir.
Alors quand ça a resté une semaine, on a rappelé pour voir où est ce qu’il en est, il nous a
répondu que…On n’avait même pas un retour, on ne savait même pas où est ce qu’en est. Il
nous a dit oui oui effectivement ça était accepté par le conseil de l’université mais ils nous ont
demandé de définir des experts, oui ! Mais il n’a pas d’experts, il ne connait pas des experts
qui sont capables d’expertiser notre travail…Alors, il nous a demandé est ce que vous
connaissez des experts qui peuvent expertiser ça ? Alors quand j’ai dit ça à mes collègues, ils
sont montés au plafond mais ! Qu’est-ce qu’on est en train de nous demander ? Est-ce qu’on
peut être en même temps juge et partie ! Moi je veux être expertisé alors je demande à un
collègue de m’expertiser ? Qu’est-ce que c’est que ça ! Ça n’a aucun sens !
Bon… maintenant moi je suis d’accord, dans l’université dire dire ça va être expertisé c’est
bien. Moi ça me rend service, comme ça si c’est nul on nous dira que c’est nul. Mais quand
on nous dise que ça doit être expertisé sachant qu’ils n’ont pas d’expert dans le domaine. Alors
ça s’appelle les bâtons dans les roues.

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LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Alors du coup, on a laissé tomber parce qu’on a préféré laisser tomber le brevet que d’aller
chercher nos copains, nos collègues dans le domaine pour qu’ils nous expertisent et voilà
l’histoire.

Alors maintenant, oui j’ai oublié quelque chose, il nous restait 3 jours, quand on nous a dit
qu’il nous faut des experts, on était bloqué. Alors, on est allé chez l’OMPIC et on a dit qu’est
ce qu’on va faire parce qu’il nous reste 3jours ? Qu’est ce qu’on fait ? On est prêt à payer de
notre poche pour le déposer à l’international, ils ont dit oui mais comme le déposant c’est
l’université, l’université elle dépose à 30 000 DH d’accord ? Si c’est un particulier c’est 8000
DH. Donc est-ce que vous êtes maintenant prêts à payer….ça veut dire que moi je paye pour
l’université, d’accord ? de ma poche, mon travail et je paye 4 fois le prix, d’accord ? Et c’est
au nom de l’université.

Vous avez vu où est…c’est une histoire incroyable ça ! Donc, non seulement ils nous ont
bloqué mais ils nous ont mis les bâtons dans les roues.

Parce que si on va déposer comme… parce qu’on veut déposer un brevet comme un
particulier, n’importe qui peut déposer un brevet, ce n’est pas comme un organisme. Un
particulier ne paye pas le même prix qu’un organisme…Alors si on avait déposé dès le départ,
on aurait pu faire aboutir ce travail et malheureusement on n’a pas pu faire aboutir, on a
dépassé les délais et s’est resté un brevet à l’échelle nationale et voilà [Rires]. Donc je pense
que j’ai répondu à votre question.

C’est malheureux !

Bien entendu, maintenant bien sûr c’est une mauvaise expérience. On a dit ça au directeur, je
pense que ça… cette histoire, elle va faire bouger les choses, donc voilà…on espère …Il faut
comme même rester positif donc voilà, la prochaine fois, il faut qu’ils fassent comme même
confiance aux avis des professionnels. Du moment où l’OMPIC propose des gens … du
moment où ça était déjà expertisé, on ne va pas expertiser deux fois.

Soit on fait confiance soit on ne fait pas confiance. Et C’est tout ! C’est tout

Et il faut aider parce que… déjà, il n’y a pas ! Combien il y a de chercheurs aujourd’hui à
l’université qui déposent des brevets à l’international ? Donc au moins quand il y’a quelques-

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uns qui essayent et qui veulent donner l’exemple aux autres, il faut les encourager… on les
casse.

Donc, voilà, il faut aider, il ne faut pas dire dans les discours voilà on est pour les
brevets…mais c’est dans la réalité des choses, d’accord ? Ça c’est le premier point.

Le deuxième point c’est que… un brevet ce n’est pas une finalité ; parce que l’objectif, en
fait, ce n’est pas le brevet, l’objectif c’est qu’est ce qu’on va faire avec le brevet.

Donc le problème avec le brevet. C’est pour ça qu’enfin de compte les brevets … les
enseignants chercheurs ne voient pas trop l’intérêt…Moi je comprends ça.

Parce qu’un brevet, il sert, soit on peut le vendre directement, parce que ça se fait, une
entreprise, vendre le brevet c’est la propriété de l’entreprise, vous faites une cession. Soit vous
allez commercialiser vous-même.

C’est là où il y’a le problème parce qu’ un enseignant chercheur il ne peut pas en même temps,
en même temps, il n’est pas en même temps chercheur c'est-à-dire il doit trouver l’idée, rédiger
le brevet et faire l’inspection du marché pour voir un petit peu quelles sont les potentialités,
monter l’entreprise, suivre l’entreprise. C’est impossible.

Chaque partie, chaque maillon a ses spécialités.

Alors, quand on se compare par exemple avec la France, la Chine ou le Japan, surtout le Japan
qui déposent des centaines de milliers de brevets par an, là-bas le chercheur il est là pour
donner l’idée, l’idée, pas la rédaction du brevet, l’idée et il y’a des mandataires qui sont…

Vous avez rédigé vous-même la demande de brevet ?

On fait de A à Z de A à Z voilà voilà, mais c’est énorme et non seulement ça ! On doit payer
de notre poche en plus.

Il faut rédiger, d’abord il faut faire une étude pour voir, une étude bibliographique, c’est ce
qu’on appelle l’état de la technique. Ça ça prend du temps ça, surtout lorsqu’on n’a pas les
outils. Parce qu’on n’a pas les mêmes outils que l’OMPIC. Donc cet aspect à la limite ils
peuvent aider mais le problème avec la rédaction ça reste ouvert, parce que rédiger un brevet

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LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

est l’affaire des mandataires et un mandataire en moyenne c’est quarante, cinquante, soixante
milles Dirhams, d’accord ? Je dis en moyenne, mais ça dépend un petit peu de … mais c’est
autour de ça. Donc voilà !

C’est pour ça qu’on ne peut pas… et en plus de ça il n’y a pas un suivi derrière, c'est-à-dire
qu’il n’y a pas des gens qui vont suivre un petit peu la vie du brevet, qui vont faire de
l’inspection commerciale et qui vont faire des contacts à l’international.

Et il y a l’aspect juridique, ça c’est un très grand problème ! Si par exemple quelqu’un vous
pique votre idée hein hein … il vous faut des avocats pour vous défendre ! Bon, qui va payer
ça ? Donc voilà ! Nous on est des nains devant SONY devant… donc voilà, il y a tous ces
aspects, il n y a pas un seul …

Si on veut vraiment développer ce qu’on appelle l’innovation par les brevets, il y a tout ça. Le
chercheur c’est un maillon dans la chaine, mais le chercheur ne peut pas être en même temps
être l’avocat, il ne peut pas être le commercial, il ne peut pas être ceci et cela.

Il y a des salons qui se font partout, le chercheur il ne peut pas être partout… donc chacun a
son métier.

Alors, maintenant quand vous prenez des structures qui sont bien faites, il y a des gens, des
professionnels pour chaque maillon et le chercheur, il est épaulé, il est aidé.

Chez nous, ça existe dans les discours, ça c’est sûr ! [ton ironique] mais dans les faits … Ceci
dit, il ne faut pas être négatif comme même. Déjà avoir un organisme qui s’appelle l’OMPIC
et qui est là. Bon je connais des personnes, des amis, à l’OMPIC. Il y a même des lauréats de
l’ENSEM qui travaillent maintenant là-bas, ils font de leur mieux, à leur niveau, d’accord ?
Donc c’est déjà extraordinaire ce qu’ils font. Moi par exemple, avec mes collègues, on a eu
droit à une formation pour la rédaction d’un brevet et c’était extraordinaire et on a appris
beaucoup de choses. Ça veut dire, à leur niveau, ils font leur travail mais il y a tout un… c’est
une chaine, pour que ça fonctionne, il faut que tous les maillons collaborent.

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LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Oui effectivement, vous avez raison… et avait vous déjà imaginé créer votre propre
entreprise ? C’est à dire une entreprise qui valorise les résultats de vos recherches ?

Non, comme je vous disais, un chercheur, je parle de moi-même …hein …moi ça ne


m’intéresse pas. C'est-à-dire, si j’ai choisi ce métier ce n’est pas pour créer l’entreprise,
d’accord ?

Moi mon travail c’est enseignant chercheur. C'est-à-dire je dois être en veille, voir tout ce qui
se passe, tout ce qui se fait dans la recherche, rédiger…enfin sortir des articles, encadrer des
doctorants, faire des cours sur…Voilà ! Ça s’arrête là.

Maintenant, si je m’oriente vers l’entreprise, c'est-à-dire, c’est comme en quelque sorte


contre…comme si je change plus au moins de métier, d’orientation.

C’est difficile…Il y a des collègues qui arrivent à faire ça, mais bon, ils arrivent à travailler
un petit peu dans une entreprise, etc . Mais ce n’est pas…c’est un choix.

Dans ce cas, est ce que vous imaginez d’autres modalités de valorisation (la cession de
droits d’exploitation, par exemple) ? ou bien la valorisation est une activité qui ne vous
intéresse pas ?

Oui oui mais bien sûr mais comme je disais tout à l’heure. Pour valoriser, qui va valoriser ça ?
Il faut qu’il y ait des gens, des gens, voilà ! C’est un système, c’est un écosystème, c’est un
système, c’est un écosystème, d’accord ?

Un chercheur tout seul, il ne peut rien valoriser. Parce que déjà avoir une idée ce n’est pas
facile, avoir une idée qui est mieux que les autres c’est encore plus difficile, maintenant avoir
une idée mieux que les autres et la valoriser et… alors là ça devient de la mission
IMPOSSIBLE. On ne peut pas être partout. Donc c’est un travail collaboratif.

Et aussi les industriels qui ont leur rôle à jouer là-dedans, parce que là, on n’a pas parlé des
industriels et donc là, il faut mettre des liens entre entre le monde universitaire et le monde
industriel. Parce que là ce sont des projets de recherche qui se font avec les industriels. Et là
on peut imaginer par exemple un brevet. Il y a des cas, on a eu des projets à l’ENSEM qui
ont abouti avec un brevet avec un industriel. Mais ça n’a pas été exploité comme ça doit être.

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LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Et ce qui ne motive pas l’enseignant, même dans sa carrière, parce qu’on va dire un enseignant
chercheur il va déposer un brevet, c’est bien donc qu’est ce que ça va lui apporter dans sa
carrière ?

Si on regarde la grille d’avancement, ça c’est un autre problème. Si on regarde maintenant le


statut d’enseignant, il n’y a rien, qui vraiment encourage les enseignants à aller d’abord,
s’investir beaucoup dans la recherche et encore moins dans les brevets.

Ça veut dire, que tout est fait pour décourager malheureusement.

Si vous connaissez un petit peu… Prenant par exemple l’avancement, à la limite je vais dire
que je vais faire de la recherche pour que j’avance très rapidement dans ma carrière, peut être
qu’on sort du sujet mais je ne sais pas.

En tout cas, bon, si je n’ai pas l’intention de monter une boite au moins j’avance dans ma
carrière….mais non, enfin du compte vous ne gagnez pas grand-chose dans l’avancement des
chercheurs. Pourquoi ? parce que vous allez gagner peut être, d’un grade à un grade vous allez
gagner une année ou deux, vous gagner une année [Rires]. Vous pouvez breveter autant que
vous voulez, vous pouvez écrire autant d’articles que vous voulez, vous allez gagner une année
ou deux dans votre carrière et c’est tout.

Donc enfin du compte soit on aime soit… c'est-à-dire ce qu’on fait est par amour par rapport
à ce qu’on fait ! C’est tout. On n’attend pas… ni retour matériel, par ce qu’il n’y en a pas
malheureusement ou très peu, ni un retour sur la carrière. Donc voilà, la situation est comme
ça pour l’instant.

Selon vous, quels risques voyez-vous dans la création de votre propre entreprise ?
Aujourd’hui vous n’êtes pas intéressé par la création d’entreprise parce que vous voyez,
parce que vous êtes beaucoup plus à l’aise et vous êtes beaucoup plus intéressé par
l’encadrement, l’enseignement, etc. Selon vous, quels sont les risques qui existent, si vous
décidez un jour de créer votre propre entreprise ?

Pour moi, le risque, c’est que je ne vais pas pouvoir faire de la recherche comme je veux,
déjà…moi je sens que je peux apporter plus dans l’aspect recherche et développement que
d’aller monter une boite. Les soucis de la boite, les soucis de la comptabilité, les

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Une analyse de l’intention entrepreneuriale

problèmes…qui sont très loin des problèmes d’un enseignant chercheur, d’accord ? Ça veut
dire qu’on se dévie par rapport à notre métier.

Pour créer une entreprise il faut avoir un cadre, je ne parle pas d’une petite startup, je parle
d’une entreprise, il faut avoir un cadre favorable pour créer une entreprise. Donc, soit on offre
ce cadre soit on n’offre pas. Alors, si on regarde par exemple dans les expériences à l’étranger,
vous trouvez pratiquement dans tous les laboratoires de recherche, ils ont des cellules, on peut
dire des micro-entreprises dans le laboratoire, des incubateurs et se sont des gens qui sont
directement. En fait le chercheur reste dans sa place, il n’a pas besoin de créer physiquement
l’entreprise, mais c’est comme s’il va créer l’entreprise. En fait, il est dans son labo et en
même temps, en même temps il est dans la création d’une entreprise, vous voyez ce que je
veux dire ? C'est-à-dire on ne va pas l’enlever de son cadre et on va le mettre dans un autre
cadre… voilà maintenant tu vas être patron d’une boite etc, parce que ça…ça ne marche pas
ça, on ne peut pas être dans les deux.

Donc maintenant si on est dans une structure dans laquelle je suis dans mon labo et en même
temps, en même temps, dans ce labo, il y’a un petit peu des liens avec les industriels à travers
des incubateurs, à travers des startups et des choses comme ça, ça c’est bien ! Oui je pense
que là il n’y a pas de risques, je vais continuer à faire mon métier et en même temps …je ne
sais pas …par exemple je serai actionnaire ou je ne sais pas quelle forme… et bien sûr il va y
avoir des spécialistes qui seront des gestionnaires et tout le monde est gagnant là-dedans.

Mais quitter ce que je suis en train de faire pour monter une entreprise, pour commercialiser
une idée, ça pour moi, c’est un très grand risque parce que je vais sortir de mon projet
professionnel et ce que je veux faire.

Si j’ai bien compris, donc vous pensez que le plus grand risque est un risque
professionnel, ça n’a pas une relation avec votre projet professionnel, si j’ai bien
compris ?

Voilà c’est ça !

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LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Ce n’est pas une question de temps parce que être un enseignant chercheur ça prend tout le
temps hahaha parce qu’on travaille jour et nuit quand on est sur une idée, il y a des fois on se
réveille à 3 heures du matin oh là là qu’est-ce que c’est que ça ! alors nuit blanche, d’accord ?

Donc ce n’est pas une question de temps, ce n’est pas une question de risque financier. C’est
une question, en fait, de tempérament. Soit on est un entrepreneur, pour moi quelqu’un qui
veut monter une entreprise doit avoir une vision entrepreneur, une culture entrepreneur, si
non, si non c’est l’échec. Ce n’est pas n’importe qui… qui peut monter une entreprise. Chacun
a sa place. Moi je n’ai pas un esprit entrepreneur, moi j’ai plutôt un esprit, je suis formé,
formaté dans un esprit enseignant chercheur. Donc quelqu’un qui est formaté enseignant
chercheur, c’est très difficile surtout à partir d’un certain âge, de reformater pour qu’il devient
entrepreneur.

C’est clair ! Donc, nous avons parlé des inconvénients maintenant on va parler des
avantages. Selon vous quels sont les avantages que peut procurer le fait de créer sa
propre entreprise ? Je sais que vous n’êtes pas intéressé par la création d’entreprise.
Mais selon vous, quels sont les avantages que peut procurer le fait de créer sa propre
entreprise ? C’est à dire une entreprise qui valorise les résultats de vos recherches.

Une entreprise, ça vous force à être terre à terre, terre à terre parce que…un enseignant
chercheur a toujours tendance à être un petit peu dans les nuages hahaha, d’accord ? De temps
en temps, il faut dire tiens cette invention, cette idée comment la concrétiser concrètement sur
le terrain, comment je peux la monnayer, comment je peux faire pour que d’autres peuvent
l’exploiter, comment ça peut aboutir par exemple à créer des emplois, à créer de la richesse et
ça c’est bien !

Moi le modèle que je vois, c’est en fait un couple, c'est-à-dire vous avez d’un côté les gens
qui donnent des idées et les gens qui exploitent les idées et bien sur tout le monde est gagnant.

Donc il y’a des entrepreneurs, leur métier c’est de créer l’entreprise, c’est de diriger
l’entreprise.

On ne va pas demander à un chercheur de devenir entrepreneur ou à un entrepreneur de devenir


un chercheur. Chacun a sa façon de raisonner.

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LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Mais ce qu’il faut voir c’est le fait qu’ils sont complémentaires. Donc l’enseignant chercheur,
surtout au Maroc, on doit aller vers la recherche appliquée, une recherche qui peut créer des
richesses dans l’entreprise et Dieu sait, qu’il y a des niches.

Le chercheur, surtout au Maroc, il doit s’orienter vers la recherche appliquée et Dieu sait qu’il
y a des niches. Par exemple, là on est en train de travailler sur des projets qui peuvent être
appliqués à l’agriculture. Là c’est un champ énorme ! C’est énorme ce qu’on peut faire au
Maroc dans le domaine de l’agriculture, surtout comment appliquer les nouvelles technologies
dans le domaine de l’agriculture. C’est un créneau très très intéressant. Comment minimiser
l’utilisation des engrais… la sécheresse, alors il y’a des technologies qui permettent de réduire
l’utilisation de l’eau alors là c’est du concret.

Moi l’avantage que je vois c’est ça, c'est-à-dire, quand on est dans une entreprise, on est
directement avec le concret, on crée de la valeur ajoutée, on fait travailler des gens et voilà ;
c’est ça l’avantage. Alors, on a de la chance, on a de la chance, ici à l’ENSEM. Dans les écoles
d’ingénieurs, un laboratoire de recherche dans une école d’ingénieurs, ce n’est la même chose
qu’un laboratoire de recherche par exemple dans une faculté.

Premièrement, d’abord on forme des ingénieurs, donc il y a beaucoup de projets dans lesquels
on fait participer nos ingénieurs, soit à travers les projets de fin d’études, etc. Donc on a en
quelque sorte la main d’œuvre. D’autre part, on a des liens très étroits avec les industriels, des
dizaines d’industriels avec lesquels on est en contact et bien entendu, ça ça crée une
dynamique comme même. Un contact à travers les salons, etc. Donc, Il y a comme même ça,
c’est assez intéressant ! Et bien sûr ça c’est un très grand avantage. Comme ça il y a pas mal
de projets sur lesquels on a travaillé et on est en collaboration directe avec les industriels et là
ils donnent des idées, des projets concrets.

Ils disent, voilà j’ai un problème, ça serait très bien si vous arriverez à le résoudre. Nous ce
qu’on connait d’une façon théorique, on essaye de l’implémenter concrètement dans des
applications concrètes, pratiques et qui peuvent être monnayables et qui peuvent faire
travailler le gens.

Et ça, bien entendu, ça c’est très intéressant

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LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Effectivement, et ça motive même l’inventeur

Bien sûr, lorsqu’on fait quelque chose, un brevet et on voit les fruits, c’est très valorisant.

Maintenant quand on fait quelque chose, un article et ça reste un article sur papier. Bon, ce
n’est pas très valorisant. Donc voilà. Ce qu’on essaye aussi de faire, c’est de militer là-dedans,
c’est d’essayer de faire de la recherche appliquée. Voir un petit peu des partenaires qui peuvent
être intéressés, voilà ! Ça c’est intéressant.

On a besoin d’entreprises et ça est un très grand avantage d’être dans l’entreprise pour
justement avoir cet état d’esprit, à voir les choses terre à terre et éviter un petit peu d’être dans
les nuages, dans la théorie, dans les nuages comme je disais.

Imaginez que vous décidez aujourd’hui de créer votre propre entreprise, c'est-à-dire une
entreprise qui valorise les résultats de vos recherches. Selon vous, quelles sont les
personnes qui seront favorables et qui vont vous encourager à le faire ?

Bon, les personnes qui vont être favorables…mais bon ! Disant, on n’attend pas la fav…c'est-
à-dire quand je veux lancer une entreprise, je n’attends pas que les gens soient favorables ou
non avec moi. Quand je veux monter une entreprise je fonce même s’il y a des gens qui sont
contre, je fonce, c’est comme ça que je vois les choses.

Parce que créer une entreprise, ça reste toujours une aventure, on sait comment ça commence
mais on ne sait jamais comment ça va finir, personne ne sait comment ça va finir. On risque
de perdre de l’argent, on risque de gagner de l’argent mais on risque aussi de le perdre.

Donc, les gens qui vont être pessimistes, ils vont être défavorables et les gens qui sont
optimistes ils vont dire oui c’est une bonne idée, etc.

Donc, mais encore une fois, je dis que quand on veut créer une entreprise, en général il faut
s’écouter soit même premièrement, mais ce que disent les autres, est ce qu’ils sont favorables
ou défavorables…c’est vrai peut être c’est intéressant d’avoir l’avis des gens mais ça reste
avant tout une conviction personnelle.

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LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Si non, pensez-vous pouvoir maitriser personnellement le processus de création


d’entreprise ?

Pas du tout ! Pas du tout ! [Déterminé]. Comme je disais, bon quand on s’intéresse à quelque
chose on s’investit là-dedans, d’accord ? Alors moi comme je ne me suis jamais intéressé à
créer l’entreprise je ne me suis pas intéressé à voir quel est le processus de création d’une
entreprise, d’accord ? Mais si je voulais m’intéresser bien sûr, il y a des formations, …moi ça
ne m’a jamais intéressé.

Je connais comme même… j’ai un diplôme d’ingénieur, dans mes études, on nous a appris un
petit peu comment créer une entreprise, j’avais des cours là-dessus : création d’entreprise.
Bon, j’ai quelques notions sur la comptabilité, etc…mais bon ça s’arrête là ! Voilà !
Maintenant, quand on est intéressé et on veut faire, alors là on plonge dedans et on va chez les
gens qui sont des spécialistes pour vous expliquer qu’est ce qu’il faut faire. Il y’a des gens
…leur métier c’est ça. Donc voilà.

Moi pour moi, pour moi, actuellement, créer une entreprise, reste pour moi une affaire
théorique. J’ai des notions théoriques et ça s’arrête là !

Non non parce que moi je connais mes limites, je sais que si je vais d’un côté ça va être au
détriment de l’autre côté, donc ça ne m’intéresse pas.

Et est-ce que l’environnement vous semble favorable à la réussite d’un projet de création
d’entreprise par un inventeur universitaire ?

Je pense qu’il ne faut pas, comme j’ai commencé par dire tout à l’heure, au
début…actuellement, il y’a des niches très intéressantes. On ne va pas dire enseignant
chercheur, mais on va dire enseignant chercheur mais dans quelle discipline exactement,
d’accord ? Actuellement, au Maroc, il y’a beaucoup de choses à faire dans certaines
disciplines et là c’est intéressant pour un jeune, pour un jeune enseignant chercheur, pour les
vieux bon je pense qu’on ne va pas comme même être…bon pour un jeune, il peut toujours
s’intéresser, s’il a l’énergie… hein, il peut rester dans son domaine de recherche et en même
temps il peut s’investir… et il y a des choses à faire, des choses dans le domaine de
l’informatique, le domaine de l’agriculture, l’automobile, il y a pas mal de choses, il y a pas

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LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

mal de créneaux qui sont aujourd’hui porteurs et qui peuvent être intéressants pour un jeune
enseignant chercheur.

Et l’écosystème en général, comment vous le trouvez ?

Bon bon ! là pour que je puisse vous répondre d’une façon concrète, objective, il faut que je
sois là-dedans, d’accord ? Moi si je vous réponds c’est par rapport à ce que j’entends… bon
je sais qu’aujourd’hui effectivement, l’Etat elle fait beaucoup de choses dans ce sens, d’accord
? Elle essaye, je dis bien elle essaye, parce que entre la théorie et la pratique, il y’a comme
même un monde, elle essaye de simplifier les procédures, d’accord ? Mais ça reste comme
même, je pense, actuellement c’est encore un parcours de combattant.

Ce n’est pas encore suffisant. Ça veut dire le climat, l’écosystème n’est pas encore favorable
pour encourager un inventeur universitaire. Ça veut dire si on se lance là-dedans, il faut
vraiment être motivé pour surmonter toutes les difficultés, quoique ça a beaucoup changé mais
ça reste comme même très insuffisant.

Et quels sont les éléments qui pourraient, selon vous, faciliter votre engagement dans un
projet de création d’entreprise ?

Moi je crois, à une idée très simple, on ne peut pas être expert partout, si j’ai un jour l’intention
de créer une entreprise, la première chose que je vais faire, je vais m’entourer avec des gens
qui vont m’aider dans ce sens, ça c’est clair et net. Bien sûr, il faut trouver des gens de
confiance parce que ça reste comme même un problème de confiance là-dedans, donc moi, ce
qui va faciliter la création d’entreprise, c’est d’être entouré avec les bonnes personnes. Quand
on est bien entouré, je pense, tout devient facile, on s’entraide, etc. Donc c’est un travail
complémentaire, chacun va apporter…une personne ne peut pas tout faire, ça veut dire un
projet qui va réussir c’est un projet où vous mutualiser les ressources, donc il faut trouver les
bonnes personnes et il faut que ça soit un travail collégien.

Est-ce que l’université pourrait faciliter ce travail ?

Bon écoutez, on parle beaucoup de l’université, université université, on parle beaucoup de


l’université, mais le problème ce n’est pas l’université, c’est un problème de ressources
humaines. Parce que c’est quoi l’université ? L’université est un cadre, maintenant mais dans

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LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

l’université il y a des personnes. Alors maintenant la question que je pose, est-ce que dans
l’université, aujourd’hui, nous avons des ressources humaines suffisamment qualifiées pour
remplir cette tâche ? voilà le problème comment il se présente, d’accord ? Ce n’est pas le cas,
aujourd’hui ce n’est pas encore le cas, d’accord ? Donc voilà, il faut qu’on arrête de dire
l’université, l’université, il faut qu’on regarde de l’intérieur qu’est ce qu’il y a, d’accord? Alors
il ne faut pas qu’on soit étonné, vous ne produisez pas, ceci et cela, mais qu’est-ce que vous
avez donné au chercheur?

L’argent, ça ne fait pas tout. C’est vrai, il y a des incitations financières de temps en temps,
que ça soit pour la recherche ou… mais on ne fait pas tout avec l’argent, comme même, donc
ça ne suffit pas.

Pour moi, un système qui marche, c’est vrai il faut avoir des ressources financières de temps
en temps, mais surtout surtout les ressources humanises, quand on n’a pas les ressources
humaines... Si vous n’avez pas les bonnes ressources humaines, c’est très difficile de réussir.

Alors aujourd’hui je regrette, je ne dis pas qu’il n y a pas de ressources humaines, je ne dis
pas qu’il n’ y a pas de gens qui travaillent dans l’université mais ça reste très très insuffisant
par rapport aux potentialités. Parce que si on regarde l’université, par exemple Hassan II, il y
a 80 Milles étudiants ou je ne sais pas combien exactement, il y’a des milliers de professeurs
….et les gens qui peuvent épauler, éventuellement les enseignants pour créer l’entreprise, ils
sont combien ? d’accord ? Moi je ne l’ai connais pas en tout cas, je ne les connais pas pour
l’instant, je ne les vois pas encore, peut-être qu’ils sont là mais hein hein ?… si vraiment ils
étaient là je pense qu’on les aura vu en tout cas, donc c’est ça la question, d’accord ? Donc
cette histoire de ressources humaines, il faut la résoudre, parce que dans l’université, il n’y a
pas uniquement les enseignants et les étudiants. Si on veut avoir une université ouverte sur
son environnement, etc, il faut mettre des gens, il faut créer des liens il faut créer des
passerelles avec les patrons des entreprises, il faut que les industriels interviennent dans les
cours au sein de l’université, ce qui se fait couramment à l’étranger. Il y a combien combien
d’industriels qui viennent à l’université pour faire des cours ? Ce sont deux mondes qui
s’observent, chacun attend de l’autre de faire le premier pas. De temps en temps c’est vrai il
y a des petites actions qui se font mais si on veut que l’université aille dans ce sens, l’université

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LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

n’a pas les ressources et elle n’a pas les moyens d’avoir ces ressources, parce que ça, parce
que les ressources humaines déjà elles sont rares et encore moins dans notre ministère.

Donc il faut prendre les ressources là où elles sont, donc il faut créer, il faut créer une
dynamique entre le domaine industriel, les spécialistes de création d’entreprise, etc et les
enseignants chercheurs dans l’université, c’est là où on va trouver les ressources. Il y a aussi
le système privé, d’accord ? Il y a des choses qui peuvent venir par exemple actuellement des
universités privées, des investisseurs qui ont les moyens et qui ont les ressources aussi, donc…
donc, je pense, c’est un écosystème qui est en train de se construire, il faut du temps et moi je
reste optimiste.

D’accord, qu’est-ce qu’un chercheur universitaire pour vous ?

Comment ?

Un chercheur universitaire, qu’est-ce qu’un chercheur universitaire pour vous, Qu’est-


ce qu’il représente pour vous ?

Bon [Rires] un chercheur universitaire [Rires] c’est quelqu’un, qui, comme je disais, qui a
comme même un certain état d’esprit, d’accord ? Donc l’état d’esprit ça rejoint un petit peu
ce que je disais tout à l’heure, un chercheur universitaire, c’est quelqu’un qui est toujours à
l’écoute de son environnement et qui essaye de voir, un petit peu, tout ce qui est nouveauté,
etc, etc, c’est un sens de curiosité, d’accord ? Il y a aussi le contact, parce que, quand… Bon
il y’a aussi le contact, parce que quand on est chercheur universitaire, il y a aussi l’aspect
enseignant. L’aspect enseignant c’est comment transmettre le savoir, la pédagogie.

Donc tout ça, tout ça c’est l’enseignant chercheur. C’est acquérir le savoir et le transmettre.
Jamais, vous n’allez trouver enseignant ou chercheur, on dit toujours enseignant chercheur et
c’est comme ça que je le vois. Parce que quand on dit transmettre quelque chose il faut d’abord
l’acquérir. Donc la recherche elle est là pour pouvoir acquérir les connaissances,
l’enseignement c’est pour transmettre ces connaissances.

Et ce sont deux choses complémentaires. C’est pour cela… ça va ensemble, enseigner et


chercher, et je trouve que c’est une bonne chose, c'est-à-dire, en même temps être enseignant
et en même temps être chercheur pour que ça complémente.

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LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

A votre avis, est ce que c’est le rôle du chercheur universitaire, de valoriser les résultats
de ses recherches ?

Non, c’est ce que je disais, d’accord ? On ne peut pas rendre l’enseignant, on ne peut pas
responsabiliser l’enseignant. Parce que si vous demandez, si vous dites, vous êtes responsable,
vous devez en même temps, en même temps, vous devez faire l’enseignement et… Déjà il y
a un très grand problème au Maroc, peut-être c’est bien vous m’avez posé la question. Le
temps n’est pas extensible. Au Maroc, on demande à l’enseignant chercheur de faire un certain
nombre de charges qui sont énormes, je parle des charges enseignement, alors donc si on se
compare par rapport aux charges qui sont faites dans les pays développés, on est très
surchargé, on fait le double, parfois le triple par rapport à ce que font les autres, d’accord ?
Donc on ne peut pas demander à l’enseignant chercheur de faire toutes ces charges qui sont
énormes, en même temps faire de la recherche et en même temps être responsable pour créer
l’entreprise et valoriser ses recherches. C’est trop demandé non ? Bon voilà ! Il faut se mettre
à la place des gens.

Déjà déjà, il faut alléger les charges ou faire un système qui encourage en quelque sorte ce
que je disais tout à l’heure… C'est-à-dire c’est un choix […]. Soit vous dites moi, la recherche,
ne m’intéresse pas, il y a des gens qui ne font pas de la recherche, ça ne les intéressent pas, ils
font l’enseignement. Alors à ce moment-là, il faut donner beaucoup de charges. Bon, les gens
qui veulent faire de la recherche, il faut les alléger, donc à ce moment-là ils vont faire moins
de charges relatives à l’enseignement et le reste il va être compensé par la recherche et bien
entendu il y a des comptes à rendre. On ne va pas faire faire la recherche comme ça , ça veut
dire qu’il faut qu’il ait des livrables des rapports d’activité à la fin de l’année … et quelqu’un
qui produit beaucoup, il doit avancer très vite dans sa carrière et il doit avoir des choses qui le
motivent à…Maintenant, dire en plus qu’il doit être responsable pour valoriser sa recherche
ah non… là c’est là c’est trop demandé !

A votre avis qui doit le faire pour lui ?

C’est un cadre. C'est-à-dire il faudrait que l’enseignant chercheur soit entouré… soit entouré.
En fait, c’est un microclimat, il doit être entouré par une structure qui est là pour valoriser sa
recherche, il faut qu’il ait des gens qui sont spécialistes là-dedans, ce n’est pas n’importe qui.

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LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Avoir des relations extérieures. En fait, ce sont des gens qui sont des interfaces entre le monde
industriel et le monde des chercheurs. Il y a beaucoup d’expériences comme ça à l’étranger
qui fonctionnent très très bien et qui ont abouties à des résultats de création d’entreprise…
mais c’est toujours, il y a toujours ces structures qui fonctionnent comme ça. Ça veut dire qu’il
y a des gens qui sont des interfaces entre les deux mondes. Donc on ne peut pas
demander…L’entrepreneur, il a ses soucis…il a des salariés qui sont sous sa responsabilité, il
a des marchés à gagner, la concurrence, des soucis financiers, les banques, tout ça… c’est des
soucis, ça prend énormément de temps. On ne peut pas demander à cette personne qui est
surchargée par tous ces soucis d’aller vers le monde des chercheurs pour voir, pour innover,
etc. Maintenant, l’enseignant chercheur, il a aussi ses soucis, il doit enseigner, surtout au
Maroc, il est surchargé, en plus il doit regarder… faire de la veille scientifique pour voir qui
ce qui se fait, lire des articles et tout ça...

Bon… bon maintenant, s’il y avait une interface entre ces deux mondes là, ça facilitera
énormément le contact.

Ça veut dire si on veut créer cette passerelle entre le monde industriel et le monde
universitaire, il faut développer des mécanismes qui vont faciliter ces passerelles et ces
mécanismes passent, je le dis et je le répète par des ressources humaines qui ont les
compétences pour ça. Ça veut dire, ils peuvent comprendre le langage, parce qu’il y a aussi le
langage, la façon de raisonner. Parce que un enseignant chercheur il fonctionne d’une certaine
façon qui n’est pas la même chose que la façon avec laquelle est formatée l’entrepreneur,
parce que c’est un formatage d’esprit, mais ce sont ces gens là qui sont formatés de deux
façons…quand ils parlent aux industriels, ils connaissent les soucis des industriels, d’accord
? et ils essayent de motiver les industriels et leur montrer la valeur ajoutée, ce qu’ils vont
gagner. Parce qu’un industriel ce qui l’intéresse surtout c’est, bien sûr c’est normal, gagner
de l’argent …bon le reste il vient après. Maintenant, le chercheur son soucis ce n’est pas
forcément de gagner de l’argent mais c’est de valoriser sa recherche. Bien sûr quand un
chercheur voit que sa recherche est valorisée à travers des applications industrielles, c’est très
motivant, d’accord ?

Maintenant, si on est capable de trouver des personnes qui sont… qui ont un petit peu, qui
sont capables de comprendre ces deux mondes et les réunir, ça serait excellent.

267
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Et ça je pense, on ne réinvente pas la roue, il faut aller voir les systèmes qui fonctionnent et
comment ils fonctionnent, d’accord ? Les pays qui réussissent, qui sont capables de déposer
je ne sais pas combien de brevets par an, qui créent des startups, etc… ils ont un modèle qui
fonctionne, pourquoi nous on ne l’a pas. Est-ce nous on n’est pas capable de faire ça ? Non.

Ça veut dire s’il y a la volonté politique, ce n’est pas une question d’argent, il y a énormément
d’argent mais je pense que cet argent est très mal exploité.

Donc, il y a des projets, de très beaux projets, on met des millions, même des milliards des
fois et après ça reste dans les tiroirs. On en parle on en parle dans les journées, etc… mais 5
ans après qu’est-ce que ça a devenu? Personne n’en parle. C’est du gâchis, d’accord?

Donc ce n’est pas, en fait, une question d’argent, c’est surtout une question de volonté
politique.

Ça veut dire pour créer cette dynamique, il faut qu’il ait une volonté politique pour créer cette
dynamique. Et là actuellement les gens s’observent, il y a de temps en temps des petites…des
actions mais ce n’est pas à la hauteur des attentes du pays, ce n’est pas à la hauteur du potentiel.
Il y a des chercheurs de très haut niveau au Maroc, il y a aussi, et ça on oublie très souvent,
nous avons des marocains, des marocains qui se trouvent dans des laboratoires très prestigieux
à l’étranger et il ne demande que participer. Tout à l’heure j’ai rencontré quelqu’un qui
travaille à l’INSA en France, un enseignant chercheur, il est très très intéressé de …il dit
comment on peut travailler ensemble ? il ne demande que ça. Ça veut dire s’il trouve vraiment
un cadre. On a vraiment des compétences nationales et à l’international qui sont énormes
énormes, d’accord ? Le problème c’est que, il faut avoir des mécanismes pour exploiter ce
potentiel.

Oui, oui, c’est bien ça ! Si non, à quoi vous fait penser le mot entreprise ? Quand je vous
dis entreprise, cela vous fait penser à quoi ?

Bon pour moi, le mot entreprise, peut être j’ai une culture un petit peu…Mais pour moi quand
on dit le mot entreprise, pour moi entreprise c’est risque, c’est surtout ça.

Pour moi un entrepreneur c’est quelqu’un qui prend des risques, d’accord ? Et justement,
c’est le goût du risque …le goût du risque… et plus on prend le risque plus en fait ça aboutit

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LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

en quelque sorte, d’accord ? Ça veut dire un entrepreneur qui ne prend pas de risque, c’est un
entrepreneur qui ne réussit pas. Monter une entreprise c’est avoir un tempérament, un goût du
risque, et plus on prend le risque plus on réussit. Alors soit on est dans un tempérament on
aime prendre le risque, soit on est dans un tempérament on n’aime pas prendre le risque,
d’accord ? Moi c’est comme ça que je le vois.

Maintenant quand vous me dites entreprise ou entrepreneur, je vois quelqu’un, c’est quelqu’un
qui aime prendre le risque et c’est un petit peu, c’est son carburant, c’est comme ça qu’il
fonctionne. Plus il prend le risque…c’est ça un vrai entrepreneur. Parce que quelqu’un qui
monte une entreprise mais ne veut pas prendre le risque, il ne va pas aller plus loin. C’est ça
l’entreprise pour moi, c’est ça l’entrepreneur pour moi.

D’accord, avez-vous déjà travaillé en entreprise ?

Non, je n’ai pas travaillé dans l’entreprise, parce que, pour des raisons que j’ai expliqué, parce
que c’est un choix de carrière. Par contre, j’ai eu beaucoup de contacts avec les industriels du
fait déjà de mon métier. On a eu beaucoup de contacts, à travers les projets de recherche, à
travers les stages de fin d’étude, bon on a beaucoup de contacts avec les industriels. J’ai fait
quelques stages dans l’entreprise mais bon non je n’ai jamais travaillé dans l’entreprise.

Et que pensez-vous de la vie au sein de l’entreprise marocaine ?

[Rires] L’entreprise marocaine, je ne pourrai pas répondre à cette question. Si je réponds ça


ne va pas être une réponse objective parce que je vais vous réponde de l’extérieur. Parce que
pour répondre à cette question d’une façon objective, il faut que je sois à l’intérieur dans
l’entreprise.

L’entreprise, une entreprise c’est le contact permanent avec les gens, d’accord ?
Malheureusement quand on regarde les entreprises chez nous. Une entreprise est un lieu où
on s’affronte. C’est rare, c’est rare où vous trouvez dans une entreprise un climat dans
lequel…un climat constructif…les gens s’entraident pour une cause bien particulière. Ça veut
dire on passe pas mal de notre temps dans des choses, dans des conflits qui n’ont enfin de
compte pas un grand intérêt pour avancer.

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LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Alors il y a un grand nombre d’entreprises qui fonctionnent très mal surtout à cause des
problèmes humains. Donc on a un très grand problème au niveau de la gestion d’une
entreprise du point de vue humain, la gestion humaine de l’entreprise. Parce qu’une entreprise
c’est l’aspect financier mais c’est aussi l’aspect humain. Un bon chef d’entreprise c’est un
leader, c’est un meneur d’hommes, un chef d’entreprise qui réussit et un chef d’entreprise qui
essaye de se mettre à la place de ses collaborateurs, il essaye de les tirer vers le haut, de les
motiver pour …parce que pour pouvoir rentabiliser, pour pouvoir sortir… pour pouvoir tirer
le maximum des personnes, il faut savoir les motiver.

Et moi je pense, actuellement, les entreprises chez nous, elles ont de très grandes difficultés
d’après ce que je remarque à gauche et à droite à cause de ces problèmes humains. On est très
noyer dans des problèmes comme ça et ça va à l’encontre bien sûr du développement de
l’entreprise et comment elle doit être actuellement.

Et qu’est-ce qui vous plait dans votre travail actuel ? En tant qu’enseignant chercheur,
qu’est-ce qui vous plait dans votre travail ?

L’autonomie, effectivement, parce que un des avantages de l’enseignant chercheur, c’est que
moi je n’ai pas un patron qui me dira qu’est-ce que je dois faire et ça… je pense, c’est une très
grande chance [Rires] peut être c’est aussi un inconvénient , dans certain cas…L’enseignant
chercheur c’est quelqu’un qui est son propre patron, s’il veut enseigner comme il faut il
enseigne , si il ne veut pas enseigner personne ne va lui dire …non tu enseignes mal, personne
ne va lui dire tu n’as pas publié cette année, d’accord ?

Moi je ne dis pas que c’est une bonne chose [Rires]. Mais c’est comme même, par rapport par
rapport à ce qui se passe dans les entreprises, c’est comme même un point très important… le
fait d’avoir le choix de faire ce qu’on aime, d’accord ? De ne pas être formaté sur un profit.
Parce que dans l’entreprise on vous formate, vous êtes un commercial…chiffres… Vous
devez vendre X voitures, sinon on va vous retrancher de votre salaire…ou à la porte. Ça veut
dire, que vous êtes dans le stress permanent, d’accord ?

Alors que dans notre métier, on n’a pas cette contrainte. Et ça c’est d’ailleurs ce qui valorise
la créativité. Parce que quelqu’un qui est dans un stress comme ça, il ne peut pas créer.

270
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Bon voilà, je pense que ce j’aime dans mon métier en fait, c’est ça, c’est l’autonomie et être
dans un contexte qui m’aide à…

Et le deuxième point, je parle du coté enseignant, je suis toujours en contact…on ne vieillit


pas quand on est un enseignant chercheur. On ne vieillit pas quand on est enseignant
chercheur, parce qu’il y a toujours des générations, des jeunes qui arrivent. Et quoi qu’on dise,
on apprend beaucoup de nos jeunes, d’accord ?

On ne monopolise pas le savoir, on apprend toujours. Moi, un étudiant quand il me pose une
question ça m’apporte beaucoup. Parce que le fait de me poser une question, moi aussi je me
pose dix questions… pourquoi, il m’a posé cette question et ça me fait avancer.

Et bien sûr les questions des jeunes, ça varient, la façon de raisonner, avec les générations...
C’est vrai, notre métier est excellent, parce qu’on est toujours en contact avec les jeunes et on
est toujours à jour et on ne s’ennuie pas [Rires].

Et qu’est ce qui ne vous plait pas dans le travail d’un entrepreneur ?

Si on prend l’entreprise côté entrepreneur, un entrepreneur n’est pas son propre chef, je
regrette, moi ce n’est pas ça que je vois, parce qu’un entrepreneur, il a des comptes à rendre,
il a des comptes à rendre, d’abord, vis-à-vis de ses collaborateur, d’accord ? Je ne suis pas
mon propre chef quand je suis entrepreneur, j’ai des collaborateurs et j’ai des comptes à rendre
à ces gens là. Ça c’est la première chose. Bon maintenant, il y a aussi les banquiers parce que
oui, si je suis entrepreneur je suis en lien avec les banques, j’ai des comptes à rendre, je dois
donner des résultats, je dois faire entrer tant d’argent, d’accord ? pour rembourser ne serait ce
que mes dettes etc. Un entrepreneur, c’est vrai, on a l’impression que l’entrepreneur est son
propre chef mais dans la réalité, il est dans un cercle vicieux et enfin de compte il n’est pas
son propre chef, il est quelque part dirigé à travers X personnes et donc enfin de compte, il ne
fait pas ce qu’il veut. Donc voilà, c’est là où il y a une différence.

Effectivement, connaissez-vous des chercheurs universitaires qui ont valorisé leurs


brevets d’invention par la voie entrepreneuriale ?

[Silence] dans mon entourage ?

271
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Oui dans votre entourage ou carrément…

Pas tellement, Vous savez qu’un enseignant chercheur, il n’a pas le droit de monter une
entreprise, c’est interdit dans notre statut, il ne peut pas être gérant d’une entreprise, on fait
partie de la fonction publique.

Quand vous dites l’enseignant est un entrepreneur ! Bon ce que je vois. Parce que créer une
entreprise c’est bien, alors à ce moment-là l’enseignant ce n’est pas l’entrepreneur, d’accord?

Quand vous dites entrepreneur, ça veut dire c’est quelqu’un qui doit gérer l’entreprise. Ça veut
dire est ce qu’un enseignant chercheur, il va valoriser sa recherche dans son entreprise. Moi
déjà, je dis sur le principe, dans la loi, il n’a pas le droit. Parce qu’on ne peut pas être un gérant
d’entreprise et un fonctionnaire, il y a déjà ça. Déjà notre statut, il nous interdit d’exercer en
quelque sorte.

Maintenant, il y a des collègues qui ne sont pas des gérants mais ils peuvent être des
actionnaires, une façon de détourner les choses.

Mais bon comme j’ai dit tout à l’heure, quand on va dans cette voie c’est difficile de continuer
à être chercheur,

Parce que quand on intervient dans une entreprise, le temps qu’on passe c’est au détriment de
l’enseignement et de la recherche. Maintenant si vous voulez être un chercheur, surtout on
parle de la recherche…la recherche, quand on fait de la recherche ça prend énormément de
temps, ça prend tout le temps quand on veut faire la recherche. Alors comment moi…c’est
très difficile, c’est une équation très difficile à résoudre. En fait, on tourne toujours autour de
la même question. Parce que toutes les questions pratiquement que vous posez, elles
aboutissent toujours à la même réponse. Parce qu’elles tournent autour du même problème,
d’accord ?

Donc on ne peut pas en même temps être un très bon chercheur et être capable d’exploiter sa
recherche dans son entreprise parce que moi je trouve que…des gens qui réussissent à faire à
ça, moi personnellement je ne les connais pas.

272
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Moi je continue à dire que c’est un schéma qui est très…si on veut faire ces choses comme il
faut, c’est une équation très difficile à résoudre et des gens qui font ça et qui réussissent ça,
moi je ne les connais pas.

Et que pensez-vous des gens qui réussissent à faire ça. Un chercheur universitaire qui
valorise les résultats de ses recherches et qui crée une structure, une entreprise ? Que
pensez- vous de ces personnes ?

Ils ont le mérite, ah bien sûr, moi quelqu’un qui arrive à faire ça, je le lui tire mon chapeau,
d’accord ? Ce n’est pas parce que moi je ne le fais pas que ça ne va pas se faire, moi je connais
mes limites. Donc effectivement effectivement, quelqu’un qui arrive en même temps à être
comme même un très bon chercheur qui publie dans les revues internationales prestigieuses
et en même temps, il est dans une entreprise qui réussit, qui arrive à vendre, c’est un super
man. Peut être que ça existe, peu être moi j’en connais pas mais qu’est ce je pense de ces gens
là ? Moi je leur tire mon chapeau. Ils ont le mérite, réussir dans deux domaines, que moi je
trouve très difficilement réconciliables, c’est c’est….

Souhaitez-vous devenir un jour comme ces chercheurs ?

Non non non, ça m’intéresse pas parce que moi je connais mes limites. Je sais que si je vais
d’un côté ça va être au détriment de l’autre côté, donc ça ne m’intéresse pas.

D’accord, et parallèlement à vos activités de recherches et d’enseignement, est ce que


vous avez d’autres fonctions administratives, professionnelles ou autres ?

Bien sûr. Comme je disais tout à l’heure, même dans dans l’école, dans l’université, on est
dans une entreprise… forcément on fait partie de la vie de l’entreprise.

Donc on ne peut pas travailler dans une entité et ne pas participer à son fonctionnement. Donc
forcément à moment ou à un autre il y a des tâches administratives que le veuille ou non. En
ce qui me concerne bien sûr, je ne fais que ça… Tous les jours, il y a des réunions, on est dans
des commissions, on est en train de regarder un petit peu les marchés, le suivi des marchés
pour acquérir le matériel, pour ceci pour cela. Donc effectivement, c’est une bonne chose,
c’est une bonne chose de participer aussi à l’aspect administratif, au fonctionnement de
l’école, un petit peu à la relation de l’école avec le monde extérieur et tout ça bien sûr bien sûr

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LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

c’est un travail de tous les jours ça. On ne peut pas attendre que ça tombe du ciel. Si vous
voulez avoir quelque chose, il faut se battre pour l’avoir et pour l’avoir, il faut être dedans, il
faut être dedans, il ne faut pas attendre que les autres le font pour vous.

Donc moi par exemple si je veux avancer dans ma recherche, si je veux avoir des fonds pour
financer ma recherche, il faut que je me déplace, il faut que j’aille voir les industriels…ça fait
partie du jeu. Je ne vais pas attendre à ce qu’ils vont me voir. Moi je disais tout à l’heure qu’on
s’observe mais ceci dit, il y a des contacts, il y a des contacts dans un temps. Donc on est
amené à organiser des rencontres avec les industriels, il y a des séminaires, il y a des visites,
il y a des encadrements de nos étudiants dans l’entreprise. Ça ça fait partie aussi du travail
d’un enseignant chercheur, donc les tâches administratives dans le cadre du fonctionnement
de l’école.

Et par rapport au dépôt de brevets. Par exemple, lorsqu’il y a des co-inventeurs ou bien
lorsque l’université intervient en tant que déposant du brevet, est ce qu’il y a une charte,
qui vous dit, voilà vos droits, voilà vos devoirs, c'est-à-dire si on exploite ce brevet, vous
aurez 20% vous aurez 30% ou bien ... ?

Oui, bon, c’est vrai il y avait un travail qui a été fait. Moi je ne me suis pas beaucoup intéressé
à ça, à cet aspect là, ça c’est un aspect juridique. Mais je sais je sais qu’il y a eu comme même
un changement, un changement, dans la loi un petit peu, la loi a un petit peu… a changé, les
choses sont claires, de toute façon, c’est clair. Nous on est salariés, on fait partie, c'est-à-dire,
nous on fait partie de l’université, c’est à dire, un brevet en principe, un brevet quand il aboutit
à une application commerciale, c’est clair, quand vous faites partie d’une entreprise, c’est la
propriété de l’entreprise, ça c’est clair. Mais il y a comme même, je pense que la loi prévoit
comme même, je ne sais pas comment moi dire ça, il y a des motivations.

Nous on est salarié, on fait partie de l’université, c'est-à-dire un brevet en principe quand il va
aboutir à une application commerciale, il est clair quand vous faites partie de l’entreprise c’est
la propriété de l’entreprise. Non attention, même dans une entreprise, vous êtes salarié de
l’entreprise. Quand vous déposez un brevet, le brevet c’est la propriété de l’entreprise. Vous
n’allez pas travailler dans une entreprise, déposer un brevet et dire non non cela m’appartient.

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LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Parce que quand vous êtes salarié quelque part, ce que vous produisez c’est la propriété des
gens qui vous versent votre salaire, Pour nous, c’est l’université.

Mais il faut comme même qu’il y ait des motivations derrière, ça rejoint un petit peu ce que
je disais. C’est pour cela que les enseignants… actuellement les enseignants chercheurs ne
voient pas l’intérêt des brevets, d’accord ? Parce qu’ils disent bon, moi je fais un brevet mais
à quoi ça sert un brevet. Parce que pour un industriel c’est un profit commercial, c’est ça un
brevet, c’est un profit commercial. Bon un chercheur universitaire, un article, le résultat de
travail d’un chercheur ce n’est pas un profit commercial, par définition parce que si non, on
se trompe de métier, d’accord ?

Si moi, je fais de la recherche pour avoir un retour financier, je dois changer de métier. Il y a
peut-être des gens qui n’ont pas compris ça mais c’est comme ça.

Pour vous par exemple, le jour où vous avez déposé le brevet, votre objectif, n’était pas
le profit commercial ?

Non non non, en fait, pourquoi pourquoi pourquoi un enseignant dépose un article, surtout au
Maroc, parce qu’au Maroc, de toute façon, même si vous déposez des milliers d’articles, ça
va vous faire avancer un petit peu dans votre carrière, epsilon. Si on voit la recherche sur cet
angle, personne ne va produire. Donc c’est comme ça… enfin de compte c’est par amour de
ce qu’on fait, il ne faut pas se cacher derrière…C'est-à-dire les gens, les enseignants
chercheurs qui produisent beaucoup, c’est parce qu’ils aiment ce qu’ils font, ils n’attendent
pas un retour, encore moins un retour financier, il n’y a même pas un retour sur la carrière
encore moins un retour financier. Ça c’est clair.

Maintenant, on ne peut pas continuer comme ça, d’accord ?…parce que l’être humain est un
être humain, il faut le motiver quelque part, donc, il ne faut pas demander au gens, non vous
êtes obligés de déposer un brevet…Mais il faut qu’on voit l’intérêt , c’est pour cela qu’il y a
un travail à faire , il y a un travail à faire pour pouvoir enrichir la production des brevets à
l’intérieur de l’université, il faut, il faut faire passer le message aux enseignants et qu’ils voient
l’intérêt… et l’intérêt bien entendu d’un brevet, je ne parle pas des articles, je parle des brevets,
il faut qu’il ait cette passerelle . Parce que celui qui va exploiter un brevet ce n’est pas le
chercheur , c’est l’industriel , c’est l’entreprise. Et ça rejoint le schéma de tout à l’heure, c'est-

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LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

à-dire, il faut qu’il ait des passerelles, des intérêts communs, il faut créer des intérêts communs
entre le monde universitaire, le monde des chercheurs et le monde des industriels, et c’est
comme ça qu’on peut récupérer un petit peu l’intérêt des brevets.

Alors la plupart du temps ce qui se fait, c’est que c’est un intérêt qui n’est pas matériel. Par
exemple, moi, on me dit, et d’ailleurs c’est ce qu’on fait, pas dans les brevets, mais dans les
projets de recherche, ça veut dire moi je m’engage dans un projet et une très grosse partie du
financement, elle va aller vers l’équipement de mon laboratoire, ça veut dire qu’enfin de
compte, c’est pour acheter du matériel, elle va dans le financement des bourses pour mes
étudiants. Ça c’est un très grand problème que nous avons, on a une très très grande difficulté
à récupérer des doctorants de très bonne qualité, de très haut niveau, pourquoi ? Parce que
pour récupérer quelqu’un qui a un très bon niveau, il faut le motiver, quelqu’un qui a un très
bon niveau il préfère aller dans une entreprise et gagner deux fois le salaire. Comment je
peux motiver quelqu’un qui vient et lui donner une bourse de 600 DH par mois et encore. Les
compétences, les compétences se payent, quelqu’un qui est compétent tout le monde le veut
et moi si je veux réussir ma recherche, il me faut des doctorants compétents et qu’ils soient
motivés. Et là, il ne faut pas demander… l’être humain…il faut le motiver et ça on a un très
grand problème avec ça…alors qu’est ce qu’on fait, quelle est la solution ? moi je ne peux
pas les fiancer de ma poche, on les motive avec des projets de recherche avec les industriels,
alors à ce moment là ils sont payés sur les revenus du projet et tout le monde est gagnant, donc
voilà, et ça c’est une sorte de motivation pour l’enseignant chercheur, donc voilà. Donc cela
permet à l’enseignant chercheur de motiver les doctorants qui sont avec lui et s’ils sont
motivés, ils vont produire plus, et tout le monde est gagnant, voilà.

Merci beaucoup, alors notre entretien touche à sa fin, si vous avez des choses à ajouter
un petit mot, peut-être ?

Oui bon, peut être j’étais un petit peu, peut être, je ne sais pas… moi je ne veux pas donner
une vue sombre sur…il faut être … Moi je crois au verre moitié plein plutôt qu’au moitié vide.
Donc, c’est en critiquant qu’on fait bouger les choses, enfin en mettant le doigt sur les choses
qui ne vont pas, qu’on peut avancer. Ceci dit, ça ne veut pas dire à travers notre entretien que
rien ne va. Il y a comme même beaucoup de choses qui bougent, qui ont été faites. Par
exemple, si on prend notre école, il y a énormément de choses. Il y a un centre de recherche

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LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

qui est en train de se bâtir, il y a énormément de contrats actuellement avec les industriels.
Donc, on arrive comme même à voir des choses. Donc, il y a comme même une dynamique,
quoique, elle reste encore insuffisante par rapport aux attentes, voilà.

On va finir comme même avec cette note positive [Rires].

277
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

ANNEXE 7 : Principaux extraits des entretiens


Inventeur 1 Extrait 1 Non, on ne peut pas tout faire, on fait de la recherche
[…]. Donc on a une tâche. Notre rôle c’est d’enseigner,
c’est de faire de la recherche, c’est d’encadrer des
étudiants mais on ne peut pas tout faire.
Extrait 2 Mais …premièrement, il y a la loi. Quand on dépose un
brevet, le brevet est la propriété de l’université. C’est
l’université qui est propriétaire, moi je ne suis pas
propriétaire du brevet.
La loi […] Tous les brevets déposés par un salarié,
notamment par un enseignant chercheur, comme je suis
un salarié de l’université, donc automatiquement le
brevet est la propriété de l’université»
Extrait 3 Créer ma propre entreprise, Non ! Je risque… je ne veux
pas perdre mon confort. Là je suis dans une situation
confortable, je ne vais pas changer par autres choses.
Extrait 4 Mais pour moi, pour quelqu’un qui avait un salaire à la
fin du mois, sans aucun problème. Quel que soit le
pourcentage de réussite des étudiants, mon salaire ne
bouge pas. Par contre, quand vous allez partir dans une
entreprise il y’a le risque, même en tant que subordonné,
si l’entreprise ne marche plus, s’elle fait faillite, il y’a un
risque.
Extrait 5 Mon père était entrepreneur, il avait un petit truc. Mais
quand je travaillais avec lui, je l’accompagnais dans
toutes ses activités et tout, je voyais que […]. Un jour, il
y avait un incendie, qui a ravagé les deux magasins et on
venait d’installer la marchandise […] son associé, qui
était un mauvais entrepreneur… il a lâché, il a vu les

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LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

flammes qui ravageaient la marchandise et il a voulu se


suicider.
Extrait 6 Donc…la deuxième des choses bien sûr, il y’a des risques
[…]. Quand ça réussit, quand ça marche, c’est bien !
Mais le jour où il y’a un problème, l’entrepreneur, il
passe des nuits blanches […]. Je ne veux pas perdre mon
confort. Là je suis dans une situation confortable. Je ne
vais pas changer par autres choses.
Extrait 7 Lorsqu’on est entrepreneur, on a une lourde tâche…peut
être au détriment de la famille, des enfants, au détriment
de beaucoup de choses.
Inventeur 2 Extrait 1 On a une tâche. Notre rôle c’est d’enseigner, c’est de
faire de la recherche, c’est d’encadrer des étudiants mais
on ne peut pas tout faire. Si non, il y a notre métier qui
va…donc on ne peut pas […]. Il ne faut pas oublier notre
rôle principal, c’est l’encadrement des jeunes.
Quand on trouve quelque chose, quand on fait une
recherche on ne la fait pas tout seul. Donc il y a des
jeunes à côté. Et ces jeunes-là ! Il y a déjà le plaisir parce
qu’ils vont être formés, ils vont avoir un diplôme.
Extrait 2 Si vous voulez, notre rôle maintenant, ce n’est pas de
créer et de développer nos propres entreprises mais
plutôt de sensibiliser, je dis « sensibiliser » nos étudiants,
on ne peut pas les former parce qu’on n’a pas le savoir.
On va les sensibiliser. Il va y avoir une journée… nous
avons organisé une journée l’année dernière, c’était
extraordinaire, les étudiants ont apportés des projets
extraordinaires.
Extrait 3 Si un inventeur universitaire crée, s’il est en cours de ses
activités de recherche et il trouve des choses intéressantes
et il part les valoriser en dehors de l’université, c’est

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LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

« Hram » (Hram ou Haram est un mot arabe qui signifie,


dans notre contexte, illégale, interdit, etc) […]. S’il part
pour développer ses idées tout seul ça devient du vol.
Donc qu’est-ce qu’il faut faire, je ne sais pas [Rires].
Extrait 4 Sur le plan technique, sur le plan scientifique, je sais faire
mais il y’a des choses qu’on ne sait pas faire, on ne sait
pas faire. On ne peut pas tout faire […]. On ne sait pas le
faire, on n’a pas la capacité pour le faire. Même si je
veux, je vais avoir beaucoup de problèmes pour le
faire…on ne sait pas le faire, il y’a un savoir-faire. Donc
on a une tâche. Notre rôle c’est d’enseigner, c’est de faire
de la recherche, c’est d’encadrer des étudiants mais on
ne peut pas tout faire. Le chercheur ne peut pas le faire.
A mon avis, il ne peut pas le faire […]. On a déposé le
brevet, on a une idée mais on n’a pas fait l’étude de
marché ni rien. On a une idée sur les applications
potentielles mais pour pouvoir créer l’entreprise, il faut
faire une étude de faisabilité, faire une étude de marché
et il faut avoir de l’argent pour créer l’entreprise et après
il faut vendre. Donc tout ça, ce sont des étapes qui sont
longues et qui prennent beaucoup de temps et qui
demandent un savoir-faire. Et sincèrement on ne peut pas
tout faire […]. Moi personnellement non…moi
personnellement non, je ne maitrise pas.
Extrait 5 Et après bien sûr, il faut premièrement être préparé
personnellement, il faut avoir l’esprit entrepreneur. Ce
n’est pas n’importe qui va le faire
Extrait 6 Le problème ce n’est pas la volonté, la volonté et là. Par
exemple, si je prends un produit que je veux le
développer, j’ai inventé une souris et je veux la
développer. Si c’est un produit innovant, il me faut au

280
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

minimum, au minimum 500 Millions, si c’est un produit


nouveau. Qui va me donner 500 Millions ? Il y’a un
problème de moyens […].
Tout ce qui a été fait par le ministère de commerce et de
l’industrie : TATWIR, INTILAK….Il y’a pas mal de
choses qui ont été faites, qui sont bien. Mais au niveau de
l’université, démarrer de zéro avec un produit nouveau et
le développer [Silence]...Ce n’est pas évident ! [ …].
Extrait 7 Par exemple pour notre ancien brevet, pour le déposer à
l’international, il fallait un cabinet d’avocats, de 4
avocats spécialisés, il faut les payer […]. C’est un coût !
Parfois, je trouve des difficultés juste pour traduire. Pour
le déposer au Japan par exemple, il faut le déposer en
Japonais, il faut trouver un spécialiste qui va traduire ?
Ce n’est pas quelque chose de facile
Extrait 8 Je vais parler de notre cas, je vais le citer comme
exemple. Pourquoi on a arrêté ? On a été incubé, les
porteurs de projet étaient des doctorants. L’affaire a pris
comme même deux années juste pour débloquer l’argent.
Entre temps, les deux doctorants ont soutenus leurs
thèses, les deux, c’était un garçon et une fille, se sont
mariés [Rires], ils ont travaillé et ils ont arrêté le projet
[…].
Le financement provenait de l’ambassade de France et
quand l’argent arrive ça demandait comme même deux
années.
C’est ce que je disais, pour créer une entreprise, il ne faut
pas compter sur les moyens de l’Etat. Les moyens de
l’Etat c’est un soutien, c’est un complément, c’est une
facilité mais il faut avoir ses propres moyens, il faut…

281
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Ce n’était pas notre argent, c’était l’argent de


l’ambassade de France, on venait de commencer, on
travaillait sur la base d’un brevet, sur le base d’un brevet.
Une idée après deux années, malheureusement, elle n’a
plus la même valeur et même l’énergie disparait, la
motivation disparait !
Extrait 9 Lorsqu’on parle des pourcentages, le partage des
royalties ou des redevances, il y a la loi de finances. Par
exemple demain ou après-demain l’université peut avoir
300 Millions de centimes dans un brevet, elle peut céder
un brevet à 300 Millions de centimes qui sera versé au
compte de l’université. Le président de l’université,
comment pourrait-il rémunérer, donner la part aux
inventeurs ? […].
Parce que la loi de finances, ne prend pas ça en
considération […]. J’ai parlé avec un responsable. Il m’a
dit, on va vous signer ça, c'est-à-dire le contrat de
partage des redevances, mais demain ou après-demain si
jamais, on arrive à valoriser le brevet, je n’aurai pas la
possibilité de vous donner votre part, de vous donner
votre argent.
Il faut que le ministère des finances ou bien au niveau des
universités. Il faut qu’ils trouvent une solution à ce
problème. C’est un problème qui existe et qui ne va pas
disparaitre. La gestion de l’argent public est très difficile
et très complexe
Extrait 10 Ce qui se passait avant et ce qui se passe actuellement,
en absence de contrat, en absence de transparence.
Qu’est ce qui se passe ?
Quand j’ai une idée, quelque chose à inventer, je vais me
cacher, partir à l’OMPIC et la déposer en mon propre

282
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

nom ou la déposer au nom de ma fille ou bien ma femme.


Donc là, il faut que les universités, il faut qu’elles
s’engagent … Pour le moment il n y a rien alors pourquoi
je vais me casser la tête […].
Parce que maintenant dans la loi 17, il y’a ce partage de
droit avec les inventeurs, il y’a des universités qui ont
déjà franchi le pas, qui ont discuté ça au niveau du
conseil de l’université et qui ont établi une charte. Mais
d’autres universités ne l’ont pas encore fait. D’accord ?
Moi chercheur, quand je dis je vais travailler, je vais
inventer… Voilà si je trouve quelque chose, on va déposer
un brevet au nom de l’université, pas de problème. Le
jour où il sera vendu, j’aurai ma part. Ceci va
m’encourager à travailler.
C’est ce que j’ai toujours dit, il faut qu’il y ait un contrat
au départ pour le partage des royalties. Il faut établir un
contrat dès le départ. Moi je le dis toujours, mettons-nous
d’accord tans qu’il n y a rien. Le jour où il va y avoir de
l’argent, on ne va jamais se mettre d’accord. Mettons-
nous d’accord avant ! Avant de valoriser le brevet !
Extrait 11 Et il y’a quelque chose que la loi a oubliée. La loi de la
propriété industrielle a passé sous silence les doctorants.
Les étudiants qui préparent une thèse. Elle les a passés
sous silence. Et on ne sait, on ne sait pas ! Demain ou
après-demain, quand il va y avoir un brevet qui va être
céder, une licence qui va être cédée. Est-ce que le
doctorant aura sa part du gâteau. Dans la loi marocaine,
il est passé sous silence
Extrait 12 Il y’ a un potentiel. Le problème comment ? Parce
que…au niveau de toutes les universités, ils ont fait
l’expérience de créer des interfaces université-entreprise.

283
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Maintenant, au niveau d’une interface ou d’une cellule, il


faut mettre des compétences. Soit on va ramener
quelqu’un de très compétent et le problème on le paye le
salaire d’un administrateur : c’est entre 11000 et 12000
DH par mois Net, je parle en Net. S’il a de grandes
compétences, il ne va pas accepter 11000 ou 12000 DH ;
et il peut venir travailler à 11000 ou 12000 DH et me
quitter s’il trouve mieux, s’il trouve une autre opportunité
et on va tout perdre […]. Parfois, on crée une cellule ou
une interface avec une adresse mais sans local, sans
personnel, uniquement pour dire que nous avons une
interface. Et dans la réalité, il n’y a rien, rien, rien du
tout.
Par exemple, on dit qu’il y’a une chaire industrielle à
l’université, donc c’est une interface, mais on ne voit pas
qu’est ce qu’elle a donné. Moi personnellement, je ne sais
pas exactement qu’est ce qu’ils ont fait. Donc, il y’a un
besoin
Extrait 13 Je ne pense pas, parce que moi déjà je travaille en tant
qu’enseignant chercheur à la faculté. En fait, je suis très
occupé par la recherche. On publie et on attend s’il y’ a
quelqu’un qui est intéressé. On publie dans des revues
internationales, on participe à des congrès, des
conférences mais jusqu’à maintenant personne n’est
intéressé.»
Extrait 14 Je ne pense pas que j’ai le droit de le faire (créer ma
propre entreprise), parce que moi déjà je travaille en tant
qu’enseignant chercheur à la faculté
Extrait 15 Si je crée ma propre entreprise, je n’aurai pas assez de
temps pour la recherche […]. Si je crée ma propre

284
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

entreprise je n’aurai pas assez de temps ni pour la


recherche ni pour mes passions
Extrait 16 L’échec, j’ai peur d’échouer […] lorsque vous
commencez, vous faites le début et vous tombez dans
l’échec
Extrait 17 Si je crée ma propre entreprise, je n’aurai pas assez de
temps pour mes activités personnelles, mes passions ; je
n’aurai plus de temps pour mes passions. J’ai d’autres
passions, vous m’avez certainement vu dans mes articles,
la plongée sous-marine […], je participe un petit peu à la
régulation de l’écosystème, je suis un chasseur
[Rires][…]. Si je crée ma propre entreprise, je n’aurai
pas assez de temps ni pour la recherche ni pour mes
passions …pour moi-même
Extrait 18 Normalement le 1/3 de notre salaire c’est pour la
recherche, donc il faut faire de la recherche il faut publier
[…].On est un pont, on est comme un pont pour faire
passer les autres vers l’autre rive… les étudiants bien sûr.
Ce sont nos étudiants qu’on va voir dans l’entreprise ou
qui vont créer des entreprises. On les encourage, on les
encourage à créer leurs entreprises, pour les voir un jour
soit avec leurs propres entreprises ou avec des
entreprises collectives. Ce sont eux qui vont devenir aussi
les chercheurs de demain, parce qu’on ne va pas rester à
l’université pour toujours. Ils vont prendre le relais de la
recherche. Ils devront améliorer la recherche et
l’entreprise en même temps
Extrait 19 Entre patron et salariés, le problème c’est que le patron
pense toujours que c’est sa propre entreprise, elle
n’appartient qu’à lui-même, et pour les salariés c’est
l’inverse, ils voient que c’est l’entreprisse de Monsieur X.

285
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Alors, qu’est-ce qu’il cherche le patron ? Il ne cherche


que le bénéfice, il s’en fout des salariés. Les salariés
qu’est-ce qu’ils cherchent ? Ils ne cherchent qu’à
augmenter leurs salaires et en tirer profit. S’ils n’en tirent
pas profit, ils chercheront d’une façon ou d’une autre à
détruire l’entreprise, ils s’en foutent […]. Le patron dit
c’est mon entreprise, le salarié dit je n’en ai rien à foutre,
ce qui m’intéresse c’est la fin du mois […]. Tout ce que
je pense de l’entreprise c’est qu’elle cherche à gagner de
l’argent d’une façon ou d’une autre
Extrait 20 Je suis incapable de créer une entreprise… je suis un
scientifique comme même
Extrait 21 Des aides financières ? Ça m’étonne ! parce qu’on trouve
déjà des problèmes au niveau du financement la
recherche, comment peut-on alors espérer trouver des
aides financières pour la création d’entreprises […].
Parce que les gens qui se dirigent vers la recherche, en
général ce sont des gens ou bien des étudiants de la classe
moyenne. Ils ne sont pas très riches pour créer leurs
entreprises […]. L’inventeur universitaire ne peut pas
valoriser tout seul. Il n’a pas les moyens financiers.»
Extrait 22 Je ne pense pas que j’ai le droit de le faire (créer ma
propre entreprise), parce que moi déjà je travaille en tant
qu’enseignant chercheur à la faculté
Inventeur 3 Extrait 1 Non, comme je vous disais, un chercheur, je parle de moi-
même …hein …Moi ça ne m’intéresse pas. C'est-à-dire si
j’ai choisi ce métier ce n’est pas pour créer l’entreprise,
d’accord ? On ne peut pas être partout […]. Maintenant,
si je m’oriente vers l’entreprise, c'est-à-dire, c’est comme
en quelque sorte contre…comme si je change plus au

286
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

moins de métier, d’orientation…ce n’est pas…C’est un


choix
Extrait 2 Moi, mon travail c’est enseignant chercheur. C'est-à-dire
je dois être en veille, voir tout ce qui se passe, tout ce qui
se fait dans la recherche, rédiger…enfin sortir des
articles, encadrer des doctorants, faire des cours
sur…Voilà ! Ça s’arrête là. Maintenant, si je m’oriente
vers l’entreprise, c'est-à-dire, c’est comme en quelque
sorte contre…comme si je change plus au moins de
métier, d’orientation. […]. Non non parce que moi je
connais mes limites, je sais que si je vais d’un côté ça va
être au détriment de l’autre côté, donc ça ne m’intéresse
pas. Un chercheur tout seul il ne peut rien valoriser. Déjà
avoir une idée ce n’est pas facile, avoir une idée qui est
mieux que les autres c’est encore plus difficile,
maintenant avoir une idée mieux que les autres et la
valoriser et… alors là ça devient de la mission
IMPOSSIBLE. On ne peut pas être partout. Donc c’est
un travail collaboratif
Extrait 3 Donc quelqu’un qui est formaté enseignant chercheur,
c’est très difficile surtout à partir d’un certain âge, de le
reformater pour qu’il devient entrepreneur […]. Moi je
n’ai pas un esprit entrepreneur, je suis formé, formaté
dans un esprit enseignant chercheur
Extrait 4 Actuellement, il y’a des niches très intéressantes […], il
y’a beaucoup de choses à faire dans certaines disciplines
et là c’est intéressant pour un jeune, pour un jeune
enseignant chercheur, pour les vieux bon je pense qu’on
ne va pas comme même être…bon pour un jeune, il peut
toujours s’intéresser, s’il a l’énergie… hein, il peut rester
dans son domaine de recherche et en même temps il peut

287
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

s’investir […] et il y a des choses à faire, des choses dans


le domaine de l’informatique, le domaine de
l’agriculture, l’automobile, il y a pas mal de choses, il y
a pas mal de créneaux qui sont aujourd’hui porteurs et
qui peuvent être intéressants pour un jeune enseignant
chercheur
Extrait 5 Les soucis de la boite, les soucis de la comptabilité, les
problèmes…qui sont très loin des problèmes d’un
enseignant chercheur, d’accord ? Ça veut dire qu’on
risque de dévier par rapport à notre métier […]. Quitter
ce que je suis en train de faire pour monter une
entreprise, pour commercialiser une idée, ça pour moi,
c’est un très grand risque parce que je vais sortir de mon
projet professionnel et de ce que je veux faire
Extrait 6 Pour moi, le risque, c’est que je ne vais pas pouvoir faire
de la recherche comme je veux, déjà moi je sens que je
peux apporter plus dans l’aspect recherche et
développement que d’aller monter une boite […]. Non
non parce que moi je connais mes limites, je sais que si je
vais d’un côté ça va être au détriment de l’autre côté,
donc ça ne m’intéresse pas […]. Comme j’ai dit tout à
l’heure, quand on va dans cette voie (la création
d’entreprise), c’est difficile de continuer à être
chercheur, parce que quand on intervient dans une
entreprise, le temps qu’on passe c’est au détriment de la
recherche. Maintenant si vous voulez être un chercheur,
surtout on parle de la recherche…la recherche, quand on
fait de la recherche ça prend énormément de temps, ça
prend tout le temps quand on veut faire la recherche !
Alors comment moi…c’est très difficile, c’est une
équation très difficile à résoudre

288
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Extrait 7 Parce que créer une entreprise ça reste toujours une


aventure. On sait comment ça commence mais on ne sait
jamais comment ça va finir, personne ne sait comment ça
va finir. On risque de perdre de l’argent, on risque de
gagner de l’argent mais on risque aussi de le perdre.
Extrait 8 Mais bon ! Disant, on n’attend pas la faveur… C'est-à-
dire quand je veux lancer une entreprise, je n’attends pas
que les gens soient favorables ou non avec moi. Quand je
veux monter une entreprise je fonce même s’il y a des gens
qui sont contre, je fonce, c’est comme ça que je vois les
choses […]. Mais encore une fois, je dis que quand on
veut créer une entreprise, en général il faut s’écouter soit
même premièrement, mais ce que disent les autres est ce
qu’ils sont favorables ou défavorables…c’est vrai peut
être c’est intéressant d’avoir l’avis des gens mais ça reste
avant tout une conviction personnelle.
Extrait 9 […] il faut qu’il ait cette passerelle, parce que celui qui
va exploiter un brevet ce n’est pas le chercheur, c’est
l’industriel, c’est l’entreprise. Et ça rejoint le schéma de
tout à l’heure, c'est-à-dire, il faut qu’il ait des passerelles,
des intérêts communs, il faut créer des intérêts communs
entre le monde universitaire, le monde des chercheurs et
le monde des industriels, et c’est comme ça qu’on peut
récupérer un petit peu l’intérêt des brevets.
Extrait 10 Par définition, un chercheur, en principe, son soucis ce
n’est pas gagner de l’argent, c’est de faire avancer la
recherche. D’accord ?
Extrait 11 Pour un chercheur universitaire…le résultat du travail
d’un chercheur ce n’est pas un profit commercial, parce
que si non, on se trompe de métier. Si moi, je fais de la
recherche pour avoir un retour financier, je dois changer

289
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

de métier. Il y a peut-être des gens qui n’ont pas compris


ça mais c’est comme ça. […]. Non non non, en fait,
pourquoi un enseignant dépose un article, surtout au
Maroc, parce qu’au Maroc, de toute façon, même si vous
déposez des milliers d’articles, ça va vous faire avancer
un petit peu dans votre carrière, « epsilon ». Si on voit la
recherche sous cet angle, personne ne va produire. Donc
c’est comme ça… enfin de compte c’est par amour de ce
qu’on fait […]. C'est-à-dire les gens, les enseignants
chercheurs qui produisent beaucoup, c’est parce qu’ils
aiment ce qu’ils font, ils n’attendent pas un retour, encore
moins un retour financier, il n y a même pas un retour sur
la carrière et encore moins un retour financier. Ça c’est
clair.
Extrait 12 Parce que dans l’entreprise, on vous formate. Vous êtes
un commercial…chiffres ! Vous devez vendre X voitures,
si non, on va vous retrancher de votre salaire…ou à la
porte. Ça veut dire, que vous êtes dans le stress
permanent, d’accord ?
Extrait 13 Malheureusement quand on regarde les entreprises chez
nous. Une entreprise est un lieu où on s’affronte, c’est
rare, c’est rare où vous trouvez dans une entreprise un
climat dans lequel…un climat constructif…les gens
s’entraident pour une cause bien particulière. Ça veut
dire on passe pas mal de notre temps dans des choses,
dans des conflits qui n’ont en fin de compte pas un grand
intérêt pour avancer […].
Et moi je pense, actuellement, les entreprises chez nous,
elles ont de très grandes difficultés, d’après ce que je
remarque à gauche et à droite, à cause de ces problèmes
humains. On est très noyer dans des problèmes comme ça

290
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

et ça va à l’encontre, bien sûr, du développement de


l’entreprise et comment elle doit être actuellement.
Extrait 14 [Rires] L’entreprise marocaine, je ne pourrai pas
répondre à cette question, si je réponds ça ne va pas être
une réponse objective parce que je vais vous réponde de
l’extérieur. Parce que pour répondre à cette question
d’une façon objective, il faut que je sois à l’intérieur, dans
l’entreprise
Extrait 15 Pas du tout ! Pas du tout ! C’est là où il y a le problème
parce que un inventeur universitaire il ne peut pas en
même temps, en même temps, il n’est pas en même temps
chercheur c'est-à-dire il doit trouver l’idée, rédiger le
brevet et faire l’inspection du marché pour voir un petit
peu quelles sont les potentialités, monter l’entreprise,
suivre l’entreprise. C’est impossible !
Chaque partie, chaque maillon a ses spécialités […]. Je
connais comme même, j’ai un diplôme d’ingénieur, dans
mes études, on nous a appris un petit peu comment créer
une entreprise, j’avais des cours là-dessus : création
d’entreprise. Bon j’ai quelques notions sur la
comptabilité, etc…mais bon ça s’arrête là ! Voilà ! [ …] .
Moi, pour moi, pour moi, actuellement, créer une
entreprise, reste pour moi une affaire théorique. J’ai des
notions théoriques et ça s’arrête là !
Extrait 16 Moi je n’ai pas un esprit entrepreneur, je suis formé,
formaté dans un esprit enseignant chercheur. Donc
quelqu’un qui est formaté enseignant chercheur, c’est
très difficile surtout à partir d’un certain âge, de le
reformater pour qu’il devient entrepreneur […]. C’est
une question, en fait, de tempérament. Soit on est un
entrepreneur soit on ne l’est pas. Pour moi, quelqu’un qui

291
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

veut monter une entreprise doit avoir une vision


entrepreneur, une culture entrepreneur, si non, si non
c’est l’échec. Ce n’est pas n’importe qui… qui peut
monter une entreprise. Chacun a sa place.
Extrait 17 Bon écoutez, en fait sur papier, sur papier effectivement
il y a une possibilité […].Bon ça c’est sur le papier, mais
dans la pratique, dans la pratique, il y a comme même des
problèmes administratifs […]. Alors pour déposer un
brevet à l’international, il faut que ça passe par un
rapport de recherche qui est fait par l’OMPIC […].
Problème, c’est quand ça arrive à l’université pour que
ça soit financé il faut que ça passe par le conseil de
l’université, il doit donner l’aval. Parce que à chaque fois
que l’argent doit sortir, c’est le conseil qui décide, le
conseil de l’université. Alors quand ça était déposé au
niveau du conseil de l’université, ils ont dit voilà oui on
est d’accord sur le principe, mais mais il nous faut des
experts pour valider, sachant que ça était déjà expertisé
par l’OMPIC […]. Nous, on est d’accord que ça soit
expertisé, pourquoi pas ! Mais le problème pour le PCT,
il y a des deadline, il y a des deadline à ne pas dépasser
parce que si vous dépassez le délai, vous ne pouvez plus
déposer. C’est à la seconde près ces trucs-là […]. Bien
étendu la personne qui s’est chargée de ça a laissé ça
dans un tiroir […]. On n’avait même pas un retour, on ne
savait même pas où est ce qu’on en est, il nous a dit oui
oui effectivement ça était accepté par le conseil de
l’université mais ils nous ont demandé de définir des
experts, oui ! mais il n’a pas d’experts, il ne connait pas
d’experts qui sont capables d’expertiser notre travail
[…]. Bon… maintenant moi je suis d’accord, dans

292
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

l’université dire dire ça va être expertisé c’est bien moi


ça me rend service, comme ça si c’est nul on nous dira
que c’est nul. Mais quand on nous dise que ça doit être
expertisé sachant qu’ils savent bien qu’ils n’ont pas
d’experts dans le domaine. Alors ça s’appelle les bâtons
dans les roues.
Alors du coup, on a laissé tomber parce qu’on a préféré
laisser tomber le brevet que d’aller chercher nos copains,
nos collègues dans le domaine pour qu’ils nous
expertisent et voilà l’histoire
Extrait 18 Vous savez qu’un enseignant chercheur, il n’a pas le droit
de monter une entreprise, c’est interdit dans notre statut,
il ne peut pas être gérant d’une entreprise. On fait partie
de la fonction publique […]. Parce qu’on ne peut pas être
un gérant d’entreprise et un fonctionnaire, il y a déjà ça.
Déjà notre statut, il nous interdit d’exercer en quelque
sorte. Maintenant, il y a des collègues qui ne sont pas des
gérants mais ils peuvent être des actionnaires, une façon
de détourner les choses.
Mais comme j’ai dit tout à l’heure, quand on va dans cette
voie c’est difficile de continuer à être chercheur, parce
que quand on intervient dans une entreprise, le temps
qu’on passe c’est au détriment de la recherche.
Maintenant si vous voulez être un chercheur, surtout on
parle de la recherche…la recherche, quand on fait de la
recherche ça prend énormément de temps, ça prend tout
le temps quand on veut faire la recherche. Alors comment
moi…c’est très difficile, c’est une équation très difficile à
résoudre.
Extrait 19 Alors, quand on se compare par exemple avec la France,
la Chine ou le Japan, surtout le Japan qui dépose des

293
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

centaines de milliers de brevets par an, là-bas le


chercheur il est là pour donner l’idée, l’idée, pas la
rédaction du brevet, l’idée et il y’a des mandataires qui
sont …
Nous on fait de A à Z, de A à Z voilà voilà, mais c’est
énorme et non seulement ça ! On doit payer de notre
poche en plus !
Avant il faut rédiger, d’abord il faut faire une étude pour
voir… une étude bibliographique, c’est ce qu’on appelle
l’état de la technique. Ça ça prend du temps ça, surtout
lorsqu’on n’a pas les outils. Parce qu’on n’a pas les
mêmes outils que l’OMPIC. Donc cet aspect à la limite
ils peuvent aider mais le problème avec la rédaction ça
reste ouvert, parce que rédiger un brevet c’est l’affaire
des mandataires et un mandataire en moyenne c’est
quarante, cinquante, soixante milles Dirhams, d’accord ?
en moyenne, mais ça dépend un petit peu de … mais c’est
autour de ça. Donc voilà !
Extrait 20 Et il y a l’aspect juridique, ça c’est un très grand
problème ! Si par exemple quelqu’un vous pique votre
idée hein hein, il vous faut des avocats pour vous
défendre ! Bon, qui va payer ça ? Donc voilà ! Nous on
est des nains devant SONY devant… Donc voilà, il y’a
tous ces aspects, il n’ y a pas un seul …
Extrait 21 Pour créer une entreprise il faut avoir un cadre, je ne
parle pas d’une petite startup, je parle d’une entreprise,
il faut avoir un cadre favorable pour créer une entreprise.
Donc, soit on offre ce cadre soit on n’offre pas. Alors, si
on regarde par exemple dans les expériences à
l’étranger, vous trouvez pratiquement dans tous les
laboratoires de recherche, ils ont des cellules, on peut

294
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

dire des micro-entreprises dans le laboratoire […]. En


fait, le chercheur reste dans sa place […] il est dans son
labo et en même temps, en même temps il est dans la
création d’une entreprise, vous voyez ce que je veux
dire ? C'est-à-dire on ne va pas l’enlever de son cadre et
on va le mettre dans un autre cadre […].
Donc maintenant si on est dans une structure dans
laquelle je suis dans mon labo et en même temps, en même
temps, dans ce labo, il y’a un petit peu des liens avec les
industriels à travers des incubateurs, à travers des
startups et des choses comme ça, ça c’est bien ! Je pense
que là il n’ y a pas de risques. Je vais continuer à faire
mon métier et en même temps …je sais pas …par exemple
je serai actionnaire ou je ne sais pas quelle forme… et
bien sûr il va y avoir des spécialistes qui seront des
gestionnaires et tout le monde est gagnant.»
Extrait 22 Et en plus de ça il n y a pas un suivi derrière, c'est-à-dire
qu’il n y a pas des gens qui vont suivre un petit peu la vie
du brevet, qui vont faire de l’inspection commerciale et
qui vont faire des contacts à l’international.
Extrait 23 Maintenant quand vous prenez des structures qui sont
bien faites, il y’a des gens, des professionnels pour
chaque maillon et le chercheur, il est épaulé, il est aidé.
Chez nous, ça existe dans les discours ça c’est sur [ton
ironique] mais dans les faits […]. C’est une chaine, pour
que ça fonctionne, il faut que tous les maillons
collaborent […]. Si on veut vraiment développer ce qu’on
appelle l’innovation par les brevets, il y’a tout ça. Le
chercheur c’est un maillon dans la chaine mais le
chercheur ne peut pas être en même temps l’avocat, il ne

295
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

peut pas être le commercial, il ne peut pas être ceci et


cela.
Il y’a des salons qui se font partout, le chercheur il ne
peut pas être partout. Chacun a son métier.
Inventeur 4 Extrait 1 Moi-même, non (je n’envisage pas créer une entreprise),
mais c'est-à-dire personnellement j’ai une culture très
académique, donc je n’ai pas pensé vraiment à…je n’ai
jamais pensé à créer moi-même une entreprise […]. C’est
un choix, le choix académique, je l’ai choisi avec ferveur,
c’est une passion […] moi je peux me contenter de…je
serai très heureux si mes résultats trouvent… si quelqu’un
peut les transformer en projet industriel, pourquoi pas, je
peux aider, je peux bénéficier moi-même aussi, pas de
problème, mais tout en restant dans mon université. Je ne
vais pas tout mettre en arrière et me consacrer à la
création.
Extrait 2 C’est un choix personnel, c'est-à-dire, moi j’aime bien
travailler à l’université, c'est-à-dire faire des cours, faire
de la recherche. Je n’ai pas une culture
d’entrepreneuriat, c'est-à-dire j’ai assumé mon rôle.
C’est un choix. […]. A mon avis, il faut assumer, on a un
travail, ou bien on fait l’un ou l’autre, ce n’est pas une
question de risques ou de freins. Mais j’assume, si j’ai à
choisir entre créer une entreprise ou bien continuer dans
l’université, je choisirai l’université, malgré […]. Si je
choisi l’entrepreneuriat, je dois dédier tout un temps à
l’entrepreneuriat, au détriment de mon métier
Extrait 3 Tout d’abord, est ce qu’on a le droit juridiquement de
créer une entreprise tout en gardant…, je ne sais pas, on
n’a pas le droit je pense, on n’a pas le droit. Je pense
qu’on n’a pas le droit

296
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Extrait 4 Il y a l’âge aussi [Rires] parce que bon, je ne suis pas très
très jeune, je suis un enseignant depuis 1996 déjà ! La
notion de création d’entreprise, à mon avis, il faut des
jeunes de moins de 30 ans, moins de 35 ans, à mon avis.
Moi j’ai déjà fait ma « carrière », je suis déjà professeur
est tout […]. Je suis déjà habitué à faire de
l’enseignement et de la recherche, je ne vois pas autre
chose, pour être sincère [Rires]
Extrait 5 La question est un peu bizarre je trouve [Rires]
…pourquoi je vais attendre, pourquoi je vais voir si les
gens sont favorables ou défavorables. Si je veux créer une
entreprise , je vais le faire tout simplement
indépendamment de ce que pensent les autres, mais moi
je ne veux pas, tu comprends ? Comme j’ai dit, moi la
carrière académique, je l’ai choisi avec ferveur et je ne
m’imagine pas faire un autre métier
Extrait 6 [Silences] Même si je n’ai pas eu d’expériences au sein
de l’entreprise ? [Rires]. Je pense que je ne peux pas me
permettre de répondre car c’est un monde que je ne
connais pas franchement, je ne le connais pas,
franchement
Extrait 7 Tout d’abord, est ce qu’on a le droit juridiquement de
créer une entreprise tout en gardant…, je ne sais pas, on
n’a pas le droit je pense, on n’a pas le droit. Je pense
qu’on n’a pas le droit
Inventeur 5 Extrait 1 C’est par amour, ce n’est pas par…ce n’est pas le coté
pécuniaire qui me mobilise, non non pas du tout. Au
contraire, si…parce que le coté pécuniaire c’est à la fin,
c’est à la fin… mais de le mettre au-devant de la scène ce
n’est pas, ce n’est pas. Je ne crois pas à ça et ce n’est pas
de ma philosophie de travail, Donc, il faut donner, le

297
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

travail sérieux. Quand on fait une chose et on la fait avec


amour, le retour est sans doute extraordinaire
Extrait 2 [Silence] Ouuuuuf […]. Il m’est arrivé de faire des
prestations pour des gens, des sociétés ou bien des usines.
Malheureusement, le domaine de l’entreprise […]. Le
mandataire était un chef d’entreprise, il m’a donné
l’exemple d’un chef d’entreprise marocain. Un manque
de sérieux mademoiselle, peu importe pour lui que vous
soyez un professeur ou…tu es un ouvrier, un ouvrier,
pour lui c’est un ouvrier, c’est un salarié, d’accord ? […]
Moi je suis un expert, pour lui je suis un salarié…le
manque de sérieux, le manque de professionnalisme et le
manque de confiance. Parce que, une fois il encaisse de
l’argent, ce n’est pas un droit que tu lui réclames, c’est
de la charité « sadaka », donc il y a un manque de sérieux
[…]. Alors quelqu’un qui te considère comme un salarié,
comme un ouvrier, comment veux-tu, mademoiselle,
travailler avec lui ? Donc ce n’est pas… donc, cet esprit-
là, cette mentalité-là, elle me démotive, donc il ne me
laisse pas comme même… C’est un monde dont je
m’éloigne, je ne veux pas m’approcher de… je ne veux
pas vraiment. C’est un monde sale, je souligne sale,
pourri, donc je me retire. Un manque de confiance, un
manque de sérieux…
Inventeur 6 Extrait 1 Créer ma propre entreprise est quelque chose qui est
aberrante pour moi […]. Moi je fais mon boulot, je suis
enseignant chercheur, donc parallèlement à
l’enseignement, je fais de la recherche, j’encadre les
doctorants, pour faire de la recherche […]

298
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Extrait 2 Moi, je suis trop vieux pour ça [Rires], créer une


entreprises et commencer à zéro, les problèmes et tout ça.
C’est aux jeunes maintenant de prendre le relais
Extrait 3 Et si je crée l’entreprise et je ne réussis pas ? Il y a le
risque. Si je veux revenir à l’université je ne vais pas
trouver ma place je suis sûr et certain, je serai dépassé…
par les collègues voire mes doctorants [Rires]. Tout
simplement parce que je n’aurai pas assez de temps pour
les publications et la recherche […]. Et comme vous
savez, un chercheur qui ne publie pas, qui ne dépose pas
des brevets… est un chercheur qui n’existe pas ! Si je
démissionne pour créer une entreprise et ça ne réussit pas
c’est très difficile de revenir à l’université
Extrait 4 Il y a deux choses, désirer et pouvoir. Pouvoir créer
l’entreprise c’est ça le problème, est ce que je peux la
créer ou non, il faut plusieurs paramètres que je ne
maitrise pas
Inventeur 7 Extrait 1 Pourquoi je vais créer une entreprise ? Ma vocation et
ma spécialité…Je suis enseignant chercheur. J’enseigne
et je fais de la recherche, c’est mon métier, c’est ma
passion. J’adore mon métier et je ne réfléchis pas pour le
moment à autre chose. Ni pour le moment ni dans le futur.
Parce que mon métier, je suis enseignant chercheur.
Depuis toujours, je voulais, je rêvais d’être enseignant et
j’aime mon métier malgré les difficultés et les contraintes
[…].
Ecoutez, je ne réfléchis pas pour le moment à autre chose,
ni la création d’entreprise ni autre chose
Extrait 2 […] Parce que mon métier, je suis enseignant chercheur
[…] enseigner, encadrer, faire de la recherche, publier,
participer à des congrès, déposer des brevets, etc.

299
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Extrait 3 Un doctorant ou un jeune inventeur qui vient de soutenir


sa thèse et qui a des choses intéressantes à valoriser, il a
encore la motivation et l’ambition pour entreprendre,
pourquoi pas ! Mais moi non, j’ai déjà passé plusieurs
années à l’université, mes étudiants et mes doctorants ont
réussi, j’ai une satisfaction personnelle hamdolilah (Dieu
merci). C’est leur tour maintenant, la jeunesse…
Extrait 4 Moi je n’attends pas que les autres approuvent ou
désapprouvent, je veux dire…je n’attends pas les autres
pour décider à ma place [Rires]. Pour moi, c’est un
choix, je n’ai pas l’intention de monter une entreprise et
c’est une décision personnelle, c’est personnel… Je
n’attends pas à ce que les autres approuvent ou
désapprouvent mes choix personnels
Extrait 5 D’un point de vue moral, d’un point de vue éthique, je ne
pourrai pas le faire…je ne pourrai pas le faire. Nous, on
est salarié, on fait partie de l’université, c'est-à-dire un
brevet en principe quand il va aboutir à une application
commerciale… c’est la propriété de l’université. Non
attention, même dans une entreprise. Vous êtes salarié de
l’entreprise, quand vous déposez un brevet, le brevet c’est
la propriété de l’entreprise. Vous n’allez pas travailler
dans une entreprise, déposer un brevet et dire non non
cela m’appartient. Parce que quand vous êtes salarié
quelque part, ce que vous produisez c’est la propriété des
gens qui vous versent votre salaire, Pour nous, c’est
l’université
Extrait 6 La majorité des entrepreneurs, en général, ne cherchent
que leurs intérêts personnels, ils ne pensent pas aux
salariés, ils ne pensent qu’à réaliser le bénéfice et ne pas

300
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

payer les impôts. Ils cachent des choses pour ne pas


payer, ils essayent toujours de cacher, de tricher…
Extrait 7 [Silence] Je ne peux rien vous dire, je n’ai jamais
travaillé dans une entreprise, je ne connais rien sur les
entreprises, je ne peux rien vous dire parce que c’est un
domaine, ce n’est pas mon domaine. Mon domaine c’est
la recherche, l’enseignement. Je n’ai jamais travaillé
dans une entreprise pour vous répondre…je ne peux pas
vous dire des choses que je ne connais pas, des choses
…parce que je ne connais rien.
Une fois j’ai obtenu ma thèse en France, je suis rentré au
Maroc, maintenant cela fait 29 ans que j’enseigne, je fais
de la recherche, c’est ma passion. Je ne peux rien vous
dire sur les entreprises
Extrait 8 La création d’entreprise, c’est un domaine que je ne
connais pas, que je ne maitrise pas et je pense que je n’ai
pas le savoir-faire et les compétences nécessaires pour
réussir une création d’entreprise […]. Je suis un
scientifique, les formules, la recherche, les brevets et ça
s’arrête là [Rires]
Extrait 9 Je suis un chercheur, je n’ai ni les compétences ni
l’esprit, ni la culture ni la mentalité d’un entrepreneur.
Pour créer une entreprise, il faut avoir un état d’esprit
entrepreneur, un système de pensée entrepreneur, une
façon d’être, voire même de vivre qui est orientée vers
l’entrepreneuriat. Et personnellement, moi je n’ai pas cet
état d’esprit. J’ai un esprit scientifique orienté vers la
recherche, l’enseignement, les publications, les formules,
les brevets [Rires]
Extrait 10 C’est un grand problème, il n’existe pas de charte ou de
règlement intérieur c'est-à-dire qui définit ou qui

301
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

organise la procédure de partage des royalties, c’est un


grand problème. Entre l’université et les inventeurs et
mêmes entre les co-inventeurs eux-mêmes
Extrait 11 Il n’existe pas une structure, un incubateur au vrai sens
du terme, auquel je vais m’adresser pour m’aider à
valoriser mon invention. Le brevet je l’ai déposé, ok. Mais
je ne peux pas tout faire, l’inventeur ne peux pas tout faire
tout seul. Nous avons besoin de structures, de vraies
structures et je souligne de vraies structures pour nous
épauler et nous aider à valoriser nos brevets
Extrait 12 Et même les incubateurs qui existent, ils ne sont pas
dynamiques. Il existe un manque cruciale de ressources
humaines compétentes et formées qui peuvent
comprendre notre langage, c'est-à-dire le langage
scientifique et en même temps communiquer avec les
industriels
Inventeur 9 Extrait 1 Au Maroc, si vous êtes un enseignant chercheur qui a un
salaire et vous voulez faire votre propre entreprise […].
Et comme je suis salarié, mes enfants ont déjà pris
l’habitude de voir des choses constantes. Donc si je leur
coupe les vivres bah ça va être quelque chose de
très…Donc ça déjà ce n’est pas résolu
Extrait 2 Il y a des contraintes… Je connais le monde de
l’entreprise au Maroc, la contrainte numéro 1 c’est qu’il
un problème de paiement. Je risque si je démissionne de
tomber sur deux ou trois mauvais payeurs et je suis mort
deux fois. Je vends à quelqu’un et il ne me paie pas. Il
préfère… Les marocains, ils ne paient pas je sais pas
pourquoi, mais allez y demander à la CGEM voir qu’est
ce qui se passe ; Donc si je tombe sur deux ou trois
mauvais payeurs je suis mort deux fois. […]. Au Maroc, je

302
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

donne, j’ai un bon de commande zéro, je livre zéro,


j’attends trois mois zéro et après je regarde ce que je fais
je vais même au tribunal et c’est zéro.
Ils préfèrent allez en prison pour un million de Dirhams
et ils se choppent deux ans. C’est quoi deux ans pour un
million de Dirhams ? Pour lui c’est rien du tout c’est un
investissement sympa. Moi j’ai étudié 14 ans après le bac,
lui il va allez en prison deux ans, qu’est-ce que vous
voulez ? c’est bon !
Extrait 3 Ce qui ne me plait pas dans le travail d’un entrepreneur,
c’est peut être, s’occuper parfois des charges inutiles,
alors là… des personnes qui se disputent, un produit qui
n’est pas arrivé à temps, un produit qui n’est pas bien
fait… des problèmes inutiles, en fait, voilà…un accident
qui ne devrait pas arriver, qui l’ont fait juste pour lui
casser la tête ! C’est étouffant ! C’est très stressant ! Très
stressant ! […]. Un entrepreneur n’a malheureusement
pas ce choix, il est un peu tiré par le temps et par la
concurrence […]. Un entrepreneur, il peut passer 3
heures à parler au téléphone et ça le stress, ça le tue et il
ne fait pas grand-chose au téléphone. Un enseignant non,
il peut rester avec les papiers, avec internet, je ne sais
pas. Mais pas obligatoirement au téléphone en train de
résoudre un problème avec une banque, un cabinet, un
fournisseur, s’il te plait.... C’est stressant !»
Extrait 4 Mon bonheur ce n’est pas de créer la mienne (ma propre
entreprise) et de rouler sur l‘or. Mon bonheur pour
l’instant, c’est d’aider les jeunes à créer leurs propres
entreprises dans des domaines qui sont porteurs, de les
accompagner à l’étranger, de leur parler de ce qui se
passe ….Moi je suis dans le service

303
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Extrait 5 L’entreprise maroco-marocaine ou marocaine c’est un


peu difficile. Oui effectivement surtout ces derniers
temps. Quand c’est familiale et marocaine elle a
développé des esprits de tape à l’œil, des idées noires, de
casser l’autre et je dis-moi, je dis dommage. Ils ne
connaissent pas le fait que, tu me tends la main, je te tends
la main, on se met debout tous les deux. Je te tire les pieds
tu me tires les pieds, on tombe tous les deux. Donc, en
fait, je suis un peu déçu, exaspéré de cet esprit et je
souhaiterais qu’il ait des patrons qui comprennent qu’il
est obligatoire pour eux […]. Donc, il faudrait qu’ils
comprennent qu’ils doivent payer leurs impôts parce que
nous, nous payons notre IGR et on n’a même pas le droit
de demander un remboursement d’un livre, de la TVA sur
un livre, c’est malheureux, il faut qu’ils comprennent ça
ces gens-là. […]. Donc finalement quoi ? Nous sommes
en train de développer une jungle, une jungle. Il faut
appeler les choses par leur nom, c’est une jungle… voilà
… c’est tout
Extrait 6 Bien sûr, la faisabilité de la création d’entreprise ce n’est
pas du tout, ce n’est pas sorcier mademoiselle, ce n’est
pas sorcier. Vous prenez un certain nombre de domaines
pour lesquels vous pensez c’est porteurs et vous avez fait
un certain nombre d’études, vous êtes sur la veille
technologique, la veille stratégique, la veille économique.
Vous dites que c’est un projet qui est pérenne, qui est
viable et vous décidez de le crée…bah …si vous avez les
coachs et les financements qu’il faut …bah … comme j’ai
dit les 4 composants vous avez : l’Etat, vous avez
l’université, vous avez l’industrie et vous avez la
population (le marché).

304
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Si vous avez ces 4 composants autours, là, c’est sûr que


vous allez réussir votre système parce que vous êtes partis
avec des yeux ouverts. Vous avez rêvez avec vos yeux
ouverts, vous n’avez pas rêvé en dormant. Donc au fait,
ça ce n’est pas sorcier !
Extrait 7 Donc pour moi, c’est ça le risque, le risque numéro 1,
c’est que je n’ai pas d’incitations et d’encouragements
pour pouvoir avoir des facilités de financement, une
assise financière
Extrait 8 Alors là, par contre malheureusement à ma connaissance
jusqu’à présent non (un inventeur universitaire ne peut
pas créer et gérer sa propre entreprise). Il peut le faire
mais il doit démissionner, chose qui n’est pas le cas un
peu dans les pays émergents et même développés.
En France aujourd’hui, un professeur peut garder son
salaire et créer sa propre entreprise au moins deux ans.
Ça veut dire qu’après deux ans, en France, il décide est
ce qu’il reste à l’enseignement ou bien son affaire
marche. Ce qui est logique, c’est logique. Mais il a son
salaire. On lui dit n’enseigne pas, on va t’aider avec ton
salaire pour ne pas te sentir malheureux. Si dans deux ans
tu t’en sors, tu démissionnes. Si après deux ans tu crois
que tu n’es pas bon tu reviens. Chez nous, pas encore
malheureusement
Inventeur 10 Extrait 1 Nous, on a l’habitude, nous sommes forgés par une
stabilité, un salaire constant qui évalue très doucement et
une stabilité dans notre tempérament et dans notre vie
quotidienne et on ne tolère pas les fortes fluctuations
Extrait 2 Non, en ce moment non (je ne suis pas intéressé par la
création d’entreprise) mais si vraiment il y a une
opportunité et vraiment une visibilité claire pour que ça

305
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

aboutisse, je n’hésiterai pas, pourquoi pas ? […].. Ici on


est très vigilant, très timide, c’est à dire on ne s’engage
que si on voit une garantie de réussite. C’est-à-dire si je
ne vois pas une garantie de réussite, je préfère rester dans
ma carrière
Extrait 3 Moi je ne peux pas m’engager dans un contexte réel
comme ça sauf si je vois déjà des clients qui sont prêts à
recevoir mon produit et avec qui je peux collaborer d’une
manière honnête et transparente et franche, autrement je
préfère reseter avec mes papiers et mes formules et
continuer mon travail
Extrait 4 Ça dépend comment l’opportunité va arriver. S’il y a
quelqu’un…un industriel, qui vient et me dit voilà, votre
brevet, nous sommes prêt à l’industrialiser, à le
commercialiser et de créer une entreprise et tout ça…
donc moi je vais voir, je vais ramener mon ambition que
j’avais auparavant et je vais faire le pour et le contre et
donc je pourrai me lancer. Si non … je vais voir un peu
le volet risque, évaluer un peu le risque de l’opération, si
ce n’est que de refaire l’expérience, d’aller encore par ci
par là, de refaire l’histoire qui n’aboutit à rien, je dirai
laisser moi tranquille je suis très à l’aise comme ça.
Extrait 5 En tant que chercheur, je pense que ça va un peu me
réduire le temps de se consacrer à la recherche et plutôt
de se consacrer à la gestion de l’entreprise. Alors, qui dit
gestion de l’entreprise, ce n’est pas seulement la gestion
de la technologie, mais gestion également des aspects
administratifs, avec les collaborateurs, avec
l’administration publique, avec les clients. Alors là c’est
un autre champ de bataille qu’il faut donc…Donc ça peut

306
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

retarder mes travaux de recherche, ça c’est sûr, ça c’est


sûr !
Extrait 6 Je suis très tranquille dans ma position actuelle
Extrait 7 Vous savez, déjà l’invention, l’objet de mon invention,
c’est une invention qui s’inscrit dans un monde en pleine
compétitivité entre les firmes, entre les multinationales,
les géantes à l’échelle mondiale et donc pour venir
monter une entreprise avec ce brevet, déjà c’est vouer à
l’échec. Je ne pense pas que je pourrai réussir parce que
je ne peux pas concurrencer SAMSUNG, ni ALCATEL ni
MOTOROLA ni HP
Extrait 8 Parce que ça agit même sur le psychique, sur la santé.
Tout le temps être stressé, ce n’est pas comme quelqu’un
qui est tout le temps à l’aise, qui travaille tranquillement.
Extrait 9 Ça se répercute même sur le côté relationnel, la famille,
les amis. Un entrepreneur acharné qui bosse toujours, il
ne voit pas ses enfants, donc il fait de l’argent, il fait de
la richesse, mais il perd sur l’affectif avec ses enfants
[…]. Alors, nous en tant que fonctionnaires on est
équilibrés, un peu de temps avec les enfants, un peu avec
l’administration, un peu avec les chercheurs, un peu avec
les étudiants et un peu avec les entreprises aussi.
Extrait 10 Tout d’abord, c’est une satisfaction, parce que l’objectif
ce n’est pas gagner de l’argent mais c’est une satisfaction
personnelle […]. Lorsque vous créez un objet
technologique, c’est votre propre bébé. C’est une
satisfaction intrinsèque, personnelle
Extrait 11 Je peux, je suis capable de créer et de diriger une
entreprise, parce que j’ai vécu une expérience, dans le
passé, avec mes partenaires américains dans le domaine
de l’entrepreneuriat, donc sur tout le cycle de montage

307
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

de l’entreprise de l’idée jusqu’à le business plan. Donc


j’ai assez de compétences pour réussir cette mission
Extrait 12 Bien sûr, la faisabilité de la création d’entreprise ce n’est
pas du tout, ce n’est du tout difficile. Donc moi, j’avais
fait, rien que pour la première expérience, j’étais obligé
de suivre, de s’autoformer sur un peu le volet
commercial, sur un peu le volet juridique, c’est pour
avoir une petite culture, comment on peut créer une
entreprise. D’ailleurs on le fait ici au niveau de notre
établissement. On fait donc des concours de la meilleure
idée, des concours de business plan et tout ça
Extrait 13 Nous avons un grand projet, un projet très ambitieux, qui
était lancé il y a une année et demi, on n’a pas encore
reçu une pièce. On a demandé l’achat des équipements,
l’achat des pièces pour, monter ce projet, mais jusqu’à
maintenant, on n’a rien. Pourquoi ?Parce que c’est la
lourdeur administrative, c’est les procédures, c’est de ça
que soufrent tous les chercheurs, tous les enseignants
chercheurs , de toutes les universités, ils souffrent de ça,
donc on n’arrête pas de demander au niveau des réunions
mais notre contexte il est comme ça, donc il faut changer
, il faut changer, il faut oser […] .Les universités privées,
ils ont opté pour une autre stratégie, vous avez besoin de
quoi que ce soit, voilà demain vous aurez ce que vous avez
demandé et on voit très bien l’évolution.
Moi je ne travaille pas dans les établissements privés,
dans les universités privées, eux ils ont cette flexibilité,
quand un chercheur demande un appareil, il arrive tout
de suite, alors que nous […].
Ecoutez, nous faisons de la recherche, on se compare à
l’échelle internationale, via nos conférence, via nos

308
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

brevets, via nos articles et même à travers les plateformes


d’échange avec les chercheurs, nous travaillons, nous
avons le même esprit, on pense de la même manière, on
résout les mêmes choses.
Mais eux ils ont un contexte, ils demandent un appareil
maintenant, demain ils l’auront et nous on le demande
maintenant, on l’aura dans deux ans.
Le cerveau humain, il est le même, il suffit de le forger et
de le faire fonctionner. Il y a des marocains qui brillent à
l’étranger parce qu’ils ont un contexte, j’ai mes amis là-
bas, ils sont très bien et moi je suis là je souffre, je souffre
de ce manque là. C’est ça notre problème
Extrait 14 Mais on souffre, et ça je vous le dis et je le dis
ouvertement à quiconque. Je paye mes revues, mes
abonnements qui sont là annuels depuis 25 ans, mes
revues qui arrivent des Etats Unis, je paye les congrès,
les frais des congrès. Le brevet, je me suis déplacer en
France, je paye les rapports de recherche, tout !
Mais je ne suis pas seul, il y’en a d’autres, il y’en a
d’autres.
Mais la majorité s’ils n’ont pas de quoi faire, on arrête.
Et ceux qui voient qu’il n y a rien, ils n’ont même pas
l’idée de penser à faire la recherche, parce qu’ils voient
qu’ils ne peuvent pas mettre un sou de leurs poches pour
la recherche et donc, il se dit moi je le fais pas. Dans un
sens, on lui donne raison, mais dans l’autre, on lui dit non
[…] Plusieurs chercheurs quand ils sont rentrés de
l’étranger, dans un contexte où il y a de la recherche, ils
sont devenus très motivés oui on fait mais en se heurtant
à ce genre de situation, ils commencent à se décliner,
jusqu’à ne rien faire.

309
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Moi j’ai fait toutes mes recherches ici, donc je suis issu
de l’université marocaine, j’ai beaucoup travaillé et j’ai
subi beaucoup parce que je rencontre…. Parce que j’ai
fait pratiquement tous les pays à min compte. Au Maroc,
en France, en Italie, en Autriche, aux Etats Unis, à mes
propres frais ; et quand je rencontre des étudiants, des
chercheurs, à l’époque où nous étions étudiants
chercheurs chacun il vient avec une carte bancaire, c’est
le laboratoire qui paye l’hôtel, les charge, etc et moi avec
mes quelques sous, je prends un petit sandwich, juste le
minimum parce que c’est mon argent.
Voilà vous voyez le contexte. Lorsqu’on vient d’un
contexte où tout est permis, on vous motive (…). Et nous
c’est le contraire, on travaille, on développe un résultat
et on va payer pour le communiquer, vous voyez ?
C’est un problème structurel, il faut changer de vision, il
faut débloquer de l’argent pour la recherche. C’est
malheureux c’est malheureux
Extrait 15 Ça c’est l’expérience que j’ai vécu avec HP « Hewlett-
Packard » Au Etats Unis, c’est alors le premier brevet.
Donc en participant ici au forum avec le CNRST ou bien
le forum de l’innovation à casa, ça s’était en 2008 et donc
j’ai lancé la procédure, la prospection et donc un
partenaire à qui je peux faire la cession. Alors j’ai
contacté d’une manière individuelle plusieurs firmes qui
opèrent dans le domaine des télécoms. Avec HP j’ai vécu
l’expérience, beaucoup d’échanges, mais finalement le
volet juridique a fait que nous avons arrêté le processus.
Ça n’a pas abouti, parce que la juridiction fait que je dois
aller engager un avocat d’affaire aux Etats Unis là où il
y a la firme mère. Donc il va falloir engager un

310
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

mandataire ou bien un avocat d’affaire qui va s’occuper


des transactions, donc ça m’était difficile, financièrement
parlant, je ne peux pas faire tout ça. Donc, on s’est limité,
nous étions arrivés jusqu’à un stade, au stade de ça … de
signature de contrat, mais faute de quoi, il a fallu un
avocat sur place et donc…s’il y avait le soutien de
l’université ou d’une entreprise ou bien si j’avais assez
d’argent, je pourrais conclure l’affaire.
Extrait 16 Il n’y a pas une structure à laquelle je vais aller par
exemple, moi je vais dire moi j’ai un projet, il est là, la
solution elle est là, qu’est-ce que vous pouvez me donner
pour aller faire ? qui va m’épauler ? Bon, les tâches
administratives c’est très simple, qui va… ? est-il possible
de prendre un local au niveau de l’établissement ? bien
sûr c’est une entreprise de l’université […] est-il possible
? Personne ne peut vous dire ni oui ni non. On vous dit
oui c’est possible mais…il faut trouver. Il y a toujours un
« mais ». Si je leur dit, pouvez-vous m’aider à acheter un
appareil parce que je vais l’utiliser pour produire ça et
ça , c’est possible mais il faut aller voir le budget de
l’école et voir est-il possible de dégager une rubrique et
tout ça et tout ça.
Il n y a personne qui va vous dire, oui qu’est-ce que vous
voulez, qui va évaluer le projet, c’est prometteur, il a des
horizons… voilà demain vous venez me donner les
besoins et les caractéristiques techniques et la semaine
prochaine vous aurez le matériel. Personne ! Ça veut dire
qu’on est en train de se combattre avec les moyens qu’on
a et on fait avancer
Extrait 17 Il y a beaucoup de projets très très importants qui partent
se faire en Europe, il y a beaucoup de prototypes

311
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

innovants, l’idée elle est ici marocaine et le prototype il


se fabrique en Espagne ou au Portugal, au Portugal, il y
a beaucoup d’unités spéciales que pour ça. Ces
chercheurs, je suis sûr, s’ils partent au Canada ou aux
Etats Unis, ils vont réussir.
Ici, il faut payer pour qu’on t’écoute, tu dois payer pour
qu’on écoute qu’est-ce que tu as produit, c’est ça le
problème
Inventeur 11 Extrait 1 Oui, je suis capable de le faire, je suis capable de créer
une entreprise, avant avant d’être enseignant chercheur,
j’avais une expérience dans le monde de l’entreprise, 5
ans, une expérience de 5ans , c’était une entreprise qui
fait des gaz et des fluides médicaux, des gaz industriels,
dans le domaine de la chimie, donc comme je vous ai dit
j’ai un doctorat en chimie donc ce n’était pas loin, donc
je faisais avec eux le développement de nouvelles
applications pour ces produits-là. L’entreprise est un
monde que je connais très très bien, j’ai beaucoup de
relations avec les entreprises, j’organise beaucoup
d’événement et j’invite beaucoup d’entrepreneurs et
d’entreprises, ce n’est pas un
mystère pour moi, contrairement à beaucoup de
collègues, le monde de l’entreprise est un mystère pour
eux. Pour moi, ça ne me pose aucun problème.
Extrait 2 Moi je peux le faire car j’ai une double formation
(Doctorat en Sciences et Cycle Supérieur de Gestion de
l’ISCAE). Je suis scientifique, j’ai mes modules
scientifiques que j’enseigne et en même temps, le module
entrepreneuriat en S6.
Extrait 3 Et aussi un problème de financement parce qu’on n’a pas
accès au financement… les banques, elles sont encore

312
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

très frileuse et ne croient pas aussi à l’invention, tout ce


qui est brevet, tout ce qui est immatériel. Quand vous
allez en tant qu’inventeur leur proposer un brevet et vous
leur dites que ce brevet a de la valeur, ils ne croient
pas….ils ne croient qu’à ce qui est matériel, hypothéquer
votre maison ou bien hypothéquer votre terrain. Par
contre, aux Etats Unis, vous pouvez trouver des capital-
risqueurs, des business angels.
C’est une culture qui existe en Europe mais qui n’est pas
très développé. Et je crois que ça aussi …ça peut être une
solution. A condition, qu’on communique autour de ça et
que les pouvoirs publics encouragent les capital-
risqueurs par des exonérations, par beaucoup de
choses…
Aux Etats Unis, on m’a raconté Vous rencontrerez un
milliardaire et vous parlez devant lui et vous lui expliquez
dans un pitch votre projet. Ils peuvent financer sans
contrepartie, juste pour le plaisir…ça existe, ça parait un
peu bizarre mais ça existe, ils croient à la réussite, ils
croient à la jeunesse
Extrait 4 Moi je veux créer mon entreprise mais je ne peux pas, je
ne peux pas le faire, la loi ne m’autorise pas à le faire
[…] .Comme je vous ai dit, tant que la loi interdit un
salarié de créer sa propre entreprise, on y peut rien. On
a beaucoup de…Personnellement j’ai déposé 5 brevets en
tant qu’enseignant chercheur. Mais comme je vous ai dit,
il y a ce problème.
[….] Contrairement à l’Algérie, parce que j’étais dans un
colloque et j’ai rencontré certains collègues algériens.
Les algériens en tant qu’enseignants, ils peuvent créer

313
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

leurs propres entreprises soit au sein de leur


établissement soit à l’extérieur sans problème.
Il faut qu’ils donnent à l’enseignant chercheur cette
possibilité de créer sa propre entreprise, bien sûr à
condition bien sûr, il y a toujours la possibilité de mettre
des gardes fou pour qu’il n’y ait pas d’abus.
Parce que c’est vrai, il y a certains enseignants qui vont
se consacrer uniquement à l’entreprise etc. Mais il faut
mettre des garde-fous pour réglementer ça
Extrait 5 Autre chose…autre handicape, la relation entre
l’inventeur et l’université qui détient le brevet n’est pas
réglementée. Il n’y a pas ne textes de lois….c’est …Il faut
négocier, il faut se mettre d’accord sur les modalités pour
en quelque sorte signer un sorte de contrat. Comment les
royalties ou bien les redevances vont être réparties entre
l’université et l’inventeur et même entre les inventeurs
eux-mêmes, parce qu’il y a toujours un inventeur
principal et les autres ne sont que des co-inventeurs. Mais
la loi pour les inventeurs les traite sur les mêmes pieds
d’égalité.
Il suffit qu’un seul inventeur refuse par exemple pour une
raison ou pour une autre… qui n’a rien avoir avec… Et
tout est bloqué. C’est ce qui nous est arrivé. J’avais
déposé un brevet avec une équipe et on avait la possibilité
de valoriser. On a trouvé un industriel qui voulait
acquérir notre brevet et aussi un jeune créateur
d’entreprise qui démarre… Mais comme je vous ai dit, il
y’ avait un problème avec les collègues.
Un problème d’entente avec les co-inventeurs…
Extrait 6 Parce que moi j’ai atteint le grade C, j’ai plafonné, je suis
professeur de l’enseignement supérieur, Grade C (C’est

314
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

le statut académique le plus élevé au Maroc). Maintenant


c’est ça ce qu’il faut, il faut que l’Etat…parce que pour
encourager les chercheurs qui ont déjà produit et qui ont
un âge et qui sont arrivés au plafond, il ne faut pas qu’ils
restent bloqués. Parce qu’il y a des chercheurs qui ont
obtenu le grade le plus élevé et qui font tout de même de
la production scientifique, de l’innovation. Il faut les
encourager, leur donner la possibilité de gérer une
entreprise par exemple. Maintenant, ça m’intéresserai
beaucoup de créer une entreprise, je pourrai consacrer
plus de temps à cette entreprise
Inventeur 12 Extrait 1 Je suis capable, de créer et de gérer une entreprise, parce
que j’ai une expérience, une expérience familiale, donc
nous sommes d’une famille, on a créé des entreprises.
Mon frère, il a une usine de textile à Casablanca, donc il
a une grande entreprise, avec presque 500 ouvriers
[….].Mon père, il fabriquait des plateaux de A à Z, il
commercialisait lui-même son plateau dans son atelier,
avec 2 ou 3 apprentis, et nous on était des apprentis, à
côté de lui comme des apprentis. J’aidais mes parents,
une fois que je sortais de l’école, pour aider le père pour
fabriquer l’article et à la fin de la journée ou la fin du
weekend je le vendais, je le transportais à un commerçant
pour vendre. Donc, je jouais le travail […]. Tout ça, c’est
la meilleure école, c’est une bonne école
entrepreneuriale. Donc de A à Z, donc je connais le
processus
Extrait 2 [Silence] C’est difficile, pour les gens qui travaillent au
sein de l’entreprise ce n’est pas facile, soit qu’ils font
beaucoup de travail et ils ne sont pas bien rémunérés
[…]. C’est très difficile parce qu’il y a le patron qui

315
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

exploite, beaucoup de gens sont mal payés, c’est ça le


problème. Des patrons qui ne payent même pas le SMIG
donc ça c’est … Parce qu’il ne faut pas exploiter les gens
[…]. Il y a des gens qui font beaucoup de travail et ils
sont mal payés. Il n’y a que les extrêmes au niveau de
l’entreprise marocaine. Soit l’exploitation, soit les gens
ils sont embauchés et ils ne font rien, ils ne sont pas
rentable pour la société.
Extrait 3 Les entrepreneurs marocains […] la fraude fiscale,
l’informel […] c'est-à-dire je fais une affaire en cachette,
je ne paye pas les impôts, je ne paye pas les salaires, etc
etc »
Extrait 4 Parce que nous nous sommes des fonctionnaires, de
l’Etat, nous sommes des employés de l’Etat c’est l’Etat
qui nous paye.
Je ne peux pas avoir double emploi, double fonction,
parce que c’est illégal, la loi …
Extrait 5 Je suis déterminé, oui, je suis déterminé à condition qu’ils
me donnent maintenant la possibilité […] Si on me donne
l’opportunité de le faire (de créer mon entreprise)
aujourd’hui je le ferai ce qui me bloque c’est la
réglementation et moi j’applique la réglementation

316
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

LISTE DES TABLEAUX


Tableau 1: Les différentes définitions du concept de valorisation ..................................................... 30
Tableau 2: les principales formes de commercialisation de la recherche .......................................... 35
Tableau 3: Comparaison des cessions de licence et des créations d’entreprise ................................ 40
Tableau 4: Différences culturelles entre le chercheur et l’entrepreneur ........................................... 43
Tableau 5: Liste des universités publiques et privées au Maroc ........................................................ 47
Tableau 6: Les différents instruments de financement (INTILAK, TATWIR, PTR) ............................... 53
Tableau 7: Les principaux fonds de capital investissement au Maroc ............................................... 58
Tableau 8: Les 10 principaux déposants (personnes morales) d’origine marocaine (Année 2015) ... 62
Tableau 9: Evolution des demandes de brevets d’invention déposées par les universités marocaines
............................................................................................................................................................ 63
Tableau 10: Les principales caractéristiques de l’entrepreneur......................................................... 70
Tableau 11: Les principaux comportements entrepreneuriaux cités dans la littérature
entrepreneuriale ................................................................................................................................. 73
Tableau 12: Quelques définitions de l’entrepreneuriat selon l’approche processuelle .................... 75
Tableau 13: Quelques questions clés dans le champ de l'entrepreneuriat........................................ 76
Tableau 14: Le processus entrepreneurial selon Hisrich (1989)......................................................... 82
Tableau 15: Récapitulatif de quelques définitions de l’intention....................................................... 89
Tableau 16: Synthèse des principales théories modélisant le concept d’intention ......................... 105
Tableau 17: Les hypothèses fondatrices des principaux paradigmes épistémologiques ................. 117
Tableau 18: Présentation des cas retenus ........................................................................................ 129
Tableau 19: Synthèse des six entretiens exploratoires avec des professionnels et des acteurs de
valorisation de la recherche ............................................................................................................. 132
Tableau 20: Guide d’entretien .......................................................................................................... 134
Tableau 21: Grille d’analyse des entretiens...................................................................................... 145
Tableau 22: Justification de la validité de la recherche .................................................................... 149
Tableau 23: Synthèse des risques de la création d’entreprise, exprimés par les inventeurs
universitaires .................................................................................................................................... 167
Tableau 24: Synthèse des perceptions du rôle de l’inventeur, exprimées par les inventeurs
universitaires .................................................................................................................................... 173
Tableau 25: Synthèse des représentations du monde de l’entreprise, exprimées par les inventeurs
universitaires .................................................................................................................................... 176
Tableau 26: Synthèse de la perception de l’écosystème de la valorisation de la recherche, exprimée
par les inventeurs universitaires....................................................................................................... 194

317
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

LISTE DES FIGURES


Figure 1: Démarche générale de la recherche .................................................................................... 18
Figure 2: Structure générale de la thèse............................................................................................. 20
Figure 3: Dépôt de demande de brevets d’invention d’origine marocaine ....................................... 60
Figure 4: Ventilation des demandes de brevets d’invention d’origine marocaine par nature de
déposant ............................................................................................................................................. 61
Figure 5: Evolution du nombre de brevets d’invention émanant des universités marocaines .......... 62
Figure 6: Le processus entrepreneurial selon la définition de Gartner (1990)................................... 77
Figure 7: Le processus de création d'entreprise selon Bruyat (1993) ................................................ 79
Figure 8: La CSIP de l’entrepreneur (Bruyat, 1993) ou 3 E de l’entrepreneur .................................... 80
Figure 9 : Le processus entrepreneurial – Bygrave (1989) ................................................................. 83
Figure 10: les différentes phases du processus entrepreneurial........................................................ 86
Figure 11: Le modèle de l’action raisonnée (Ajzen et Fishbein, 1975) ............................................... 91
Figure 12: Théorie du comportement planifié (Ajzen, 1991) ............................................................. 93
Figure 13: La théorie des comportements interpersonnels Triandis (1979) ...................................... 96
Figure 14: Modèle de la formation de l’événement entrepreneurial ................................................ 99
Figure 15: Le modèle de l’événement entrepreneurial tel que repris par Krueger (1993) .............. 101
Figure 16: Modèle de la formation de l’intention entrepreneuriale, Davidsson (1995) .................. 102
Figure 17: Le modèle d’Autio et al. (1997) ...................................................................................... 104
Figure 18 : Cadre conceptuel provisoire de la recherche issu de la littérature ................................ 109
Figure 19: Démarches inductives / déductives ................................................................................. 122
Figure 20: Exemple de liste de résultats de brevets d’invention...................................................... 127
Figure 21: Représentation graphique du principe de déstructuration et de restructuration du corpus
(Deschenaux, 2007) .......................................................................................................................... 142
Figure 22: Capture d’écran d’un « Tree Nodes » sur le logiciel NVivo 11 ........................................ 143
Figure 23: Illustration du codage par approche inductive dans NVivo 11........................................ 144
Figure 24: Synthèse des facteurs influençant l’intention entrepreneuriale des inventeurs
universitaires marocains ................................................................................................................... 205

318
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

TABLE DES MATIERES


REMERCIEMENTS .................................................................................................................................. 4
RESUME ................................................................................................................................................ 7
SOMMAIRE............................................................................................................................................ 8
INTRODUCTION GENERALE ................................................................................................................... 9
PARTIE I - LA MOBILISATION DES THEORIES DE L’INTENTION DANS LE CAS DES INVENTEURS
UNIVERSITAIRES .............................................................................................................................. 21
INTRODUCTION DE LA PARTIE I .......................................................................................................... 22
CHAPITRE I - L’INVENTEUR UNIVERSITAIRE ET L’ENTREPRENEURIAT : CADRAGE THEORIQUE ET
CONTEXTE MAROCAIN.................................................................................................................... 23
INTRODUCTION DU CHAPITRE I .......................................................................................................... 24
Qu’est-ce qu’un inventeur ? ............................................................................................... 25
L’inventeur dans le contexte universitaire ......................................................................... 28
L’inventeur universitaire et la problématique de valorisation de la recherche ................. 29
3.1. Valorisation, commercialisation et transfert : trois concepts différents.................... 29
3.1.1. La valorisation ..................................................................................................... 31
3.1.2. La commercialisation .......................................................................................... 34
3.1.3. Le transfert technologique ................................................................................. 36
3.2. Les principaux modes de valorisation de la recherche universitaire.......................... 37
La création d’entreprise comme mode de valorisation de la recherche universitaire ...... 39
L’inventeur universitaire et l’entrepreneur ........................................................................ 41
La valorisation de la recherche universitaire au Maroc : Etat des lieux ............................. 45
6.1. Organisation du système d’enseignement supérieur marocain................................. 45
6.2. Organisation du système de la recherche au Maroc .................................................. 48
6.3. Structures de valorisation de la recherche au Maroc................................................. 49
6.4. Mécanismes de financement de la recherche et de l’innovation au Maroc .............. 52
6.4.1. Instruments publics de financement .................................................................. 53
6.4.2. Apport du secteur privé ...................................................................................... 56
6.4.3. Le Crowdfunding ................................................................................................. 59
6.5. Le développement de la culture des brevets au sein de l'université marocaine ....... 60
CONCLUSION DU CHAPITRE I .............................................................................................................. 64

319
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

CHAPITRE II- CONTRIBUTION DES THEORIES DE L’INTENTION AU PHENOMENE DE LA CREATION


D’ENTREPRISE ................................................................................................................................. 65
INTRODUCTION DU CHAPITRE II ......................................................................................................... 66
Les approches dominantes de la recherche en entrepreneuriat ....................................... 69
1.1. Approche descriptive (Approche par les traits) .......................................................... 69
1.2. Approche comportementale (Approche par les faits) ................................................ 72
1.3. Approche processuelle ............................................................................................... 74
Quelques modèles processuels d’entrepreneuriat ............................................................ 78
2.1. Modèle de Bruyat (1993) ............................................................................................ 78
2.2. Le processus de création d’entreprise selon Hernandez (1999) ................................ 81
2.3. Le processus entrepreneurial selon Hisrich (1989) .................................................... 82
2.4. Le processus entrepreneurial selon Bygrave (1989)................................................... 83
L’intention, clef du comportement entrepreneurial .......................................................... 85
3.1. Le concept d’intention ................................................................................................ 87
3.2. Les principaux cadres théoriques modélisant l’intention ........................................... 91
3.2.1. Théorie de l’action raisonnée (Ajzen et Fishbein, 1975) .................................... 91
3.2.2. Théorie du comportement planifié (Ajzen, 1991) .............................................. 92
3.2.3. La théorie des comportements interpersonnels (Triandis, 1979) ...................... 95
3.2.4. Le modèle de la formation de l’événement entrepreneurial (Shapero et Sokol,
1982) ……………………………………………………………………………………………………………………….98
3.2.5. La formation de l’intention entrepreneuriale (Davidsson, 1995) ..................... 102
CONCLUSION CHAPITRE II ................................................................................................................. 107
CONCLUSION DE LA PARTIE I ............................................................................................................ 110
PARTIE II - METHODOLOGIE EMPIRIQUE, RESULTATS ET ANALYSES ............................................ 112
INTRODUCTION DE LA PARTIE II ....................................................................................................... 113
CHAPITRE III - DESIGN DE LA RECHERCHE .................................................................................... 114
INTRODUCTION DU CHAPITRE III ...................................................................................................... 115
Positionnement épistémologique : Une posture interprétativiste .................................. 116
Le choix d’une approche exploratoire qualitative ............................................................ 120
Stratégie d’accès à l’objet de recherche : la méthode des cas ......................................... 123
Méthode de collecte de données : l’entretien semi-directif ............................................ 124
Choix des cas et justification de la taille de l’échantillon retenu ..................................... 126

320
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Elaboration du guide d’entretien...................................................................................... 132


Conduite des entretiens ................................................................................................... 137
Choix de la technique d’analyse : analyse de contenu thématique avec NVivo 11 ......... 139
8.1. Utilisation du logiciel NVivo 11 ................................................................................. 141
Justification des connaissances ........................................................................................ 146
9.1. La fiabilité.................................................................................................................. 146
9.2. La validité interne ..................................................................................................... 147
9.3. Justification de la validité externe de connaissances ............................................... 148
CONCLUSION DU CHAPITRE III .......................................................................................................... 151
CHAPITRE IV – RESULTATS EMPIRIQUES ET DISCUSSION DES RESULTATS ................................... 152
INTRODUCTION DU CHAPITRE IV...................................................................................................... 153
Les inventeurs universitaires marocains, ont-ils des intentions entrepreneuriales ? ...... 154
1.1. Les non intentionnels catégoriques .......................................................................... 154
1.2. Les non intentionnels hésitants ................................................................................ 156
L’influence des caractéristiques personnelles : L’âge et le statut académique ............... 158
Les déterminants de la « non » intention entrepreneuriale des inventeurs universitaires
marocains.................................................................................................................................. 160
3.1. Les croyances attitudinales ....................................................................................... 161
3.1.1. Une perception négative des conséquences liées à la création ....................... 161
3.1.1.1. Le risque professionnel ................................................................................. 162
3.1.1.2. Le risque financier......................................................................................... 164
3.1.1.3. Le risque physique, psychologique et social ................................................. 165
3.2. Les croyances normatives ......................................................................................... 168
3.2.1. La norme sociale ............................................................................................... 168
3.2.2. Au-delà de la norme sociale, la norme professionnelle ................................... 170
3.2.3. Représentations du monde de l’entreprise ...................................................... 173
3.3. Les croyances de contrôle......................................................................................... 176
3.3.1. La perception des aptitudes entrepreneuriales ............................................... 177
3.3.2. Une évaluation négative de l’écosystème entrepreneurial .............................. 182
3.3.2.1. Absence ou mauvaise gestion des ressources financières ........................... 182
3.3.2.2. Les freins juridiques ...................................................................................... 187
3.3.2.3. Freins structurels et institutionnels .............................................................. 192

321
LES INVENTEURS UNIVERSITAIRES ET L’ENTREPRENEURIAT
Une analyse de l’intention entrepreneuriale

Synthèse des principaux résultats .................................................................................... 195


CONCLUSION DU CHAPITRE IV ......................................................................................................... 206
CONCLUSION DE LA PARTIE II ........................................................................................................... 207
CONCLUSION GENERALE................................................................................................................... 208
Apports de la recherche.................................................................................................... 210
1.1. Contributions théoriques et méthodologiques ........................................................ 210
1.2. Contributions pratiques ............................................................................................ 211
Limites de la recherche ..................................................................................................... 215
Perspectives de recherches futures.................................................................................. 216
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................................. 218
ANNEXES ....................................................................................................................................... 237
LISTE DES TABLEAUX ......................................................................................................................... 317
LISTE DES FIGURES ............................................................................................................................ 318

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