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LE XIXe siècle, l’Occitanie et la révolution industrielle.

lundi 10 avril 2017


LE XIXe siècle, l’enracinement républicain.

La Révolution a modifié profondément les structures politiques et le rapport au


politique de classes populaires qui jusque-là n'avaient pas leur mot à dire. Malgré
l’épisode sanglant et autoritaire de Napoléon Bonaparte puis les tentatives de
«restauration» de la monarchie, le système républicain s’installe durablement (non sans
mal) au XIXe siècle.

L’espace occitan réagit avec engagement et souvent violemment aux différents


évènements qui agitent la France.
Les occitans s’impliquent dans la vie politique française. Dans le sud-est surtout, de
nombreux cercles républicains voient le jour, ils se structurent en véritables «sociétés
secrètes» lors des périodes de retour de la monarchie et échappent, de ce fait, au
contrôle des notables locaux qui voient d’un mauvais œil l’émancipation du peuple.

Les idées républicaines s’enracinent grâce à ces mouvements. On y retrouve ce goût


prononcé pour les réseaux d’entraide sociale qui animent la société méridionale depuis
très longtemps.

Les territoires du «midi» restent donc très réactifs. On se méfie toujours du pouvoir
central et on surveille de près ce qui se passe à Paris (où les changements sont
fréquents à cette période).
lundi 10 avril 2017
Violence méridionale / méfiance vis à vis du
pouvoir central

• Parmi les clichés qui collent à la peau des gens du midi, il en est un qui a particulièrement
marqué le XIXe siècle: on considérait alors l’homme du sud comme violent et impulsif. Ce
stéréotype est certainement lié au contexte politique du moment. Comme de nombreuses
rebellions et révoltes ont éclaté en Occitanie, il était aisé pour le pouvoir de les expliquer
par le «caractère naturellement violent» des méridionaux. Cela permettait de couper
court à toute analyse et remise en cause politique...

• deux exemples:

• La guerre des demoiselles: en 1827, un nouveau code forestier est voté. Cette nouvelle
règlementation limite le pâturage, le ramassage et la coupe du bois, la pêche, la chasse et la
cueillette. Des gardes forestiers et des gendarmes sont mandatés pour faire appliquer la
loi. En Ariège, une révolte populaire éclate. Les paysans s’organisent en véritable guerilla
(déguisés avec un foulard, d’où leur surnom) et la violence va se propager jusqu’en 1832.
Elle mêle revendication politique et déchaînement carnavalesque...

• En 1841, le gouvernement de Louis-Philippe décide de faire respecter à la lettre le


paiement de l’impôt sur les habitations. On décide alors de nommer des agents du fisc
pour prélever cet impôt qui était, jusqu’alors, géré localement par les communes... Le midi
s’enflamme aussitôt. Une fois de plus, c’est l’imposition venue d’en haut et le retrait d’un
pouvoir «local» qui met le feu au poudre.

lundi 10 avril 2017


1851, le sud se lève pour la république.

• Les sociétés secrètes républicaines du midi rêvent d’une république «sociale» acquise
aux paysans et aux premiers ouvriers, libérée du pouvoir des classes dominantes
d’alors (bourgeoisie et noblesse restée en place). Ils l’appellent «la sociala» en occitan
ou encore «la santa», on y retrouve cette personnification ou cette idéalisation de la
république qui galvanisa les méridionaux en 1789. Les chansons populaires politiques
en langue d’oc diffusent ces idées, largement.

• Lorsque en 1851, Napoléon III organise un coup d’état et renverse la république,


c’en est trop. Tout le grand sud-est s’enflamme et le peuple prend les armes pour
«défendre la république». Dans le Var et les Basses-Alpes c’est une véritable
insurrection, des colonnes de républicains s’opposent militairement aux forces
militaires. La préfecture de Digne est ainsi prise par les insurgés. Dans le
Vaucluse, la Drôme, l’Hérault (Béziers) etc... le peuple se lève.

• Mais à Paris, l’insurrection est moins importante, Napoléon III a maté les
velléités. Les départements du sud insurgé se retrouvent bien seuls dans une
France mise au pli. Les troupes bonapartistes reprendront peu à peu toutes les
places républicaines méridionales. La répression sera féroce, déportation de
masse en Algérie, bagne de Cayenne, exécutions...

lundi 10 avril 2017


lundi 10 avril 2017
1871, drapeau rouge et commune en Occitanie.

Emile Digeon, leader de la


Commune de Narbonne

• Après la défaite de Napoléon III contre les prussiens en 1870, la France est
exsangue. Les allemands encerclent Paris. Le gouvernement français de l’époque
souhaite signer une armistice. La capitale entre en insurrection, le peuple parisien se
sentant trahi par ses représentants. La ville s’organise en autogestion pendant deux
mois, on remplace le drapeau tricolore par le drapeau rouge.

• Dans le sud, d’autres villes s’engagent dans le mouvement. Marseille, Narbonne,


Limoges proclament leur propre «commune». À Marseille ce sont les travailleurs du
Port qui déclenchent le mouvement, à Narbonne de nombreux soldats refusent de
tirer sur le peuple et soutiennent les communards, à Limoges l’activité industrielle a
favorisé l’apparition d’une classe ouvrière engagée qui s’implique dans ces
évènements.

• Le modèle de «la commune» trouve un écho particulier dans ces villes du midi, on
entrevoit à nouveau la possibilité d’un pouvoir «décentralisé» organisé autour de
l’entité communale, véritable espace de démocratie directe

• Ces expériences communardes seront vite réprimées, l’armée rétablira l’ordre de


partout. Comme en 1851, la plupart des communards seront envoyés au bagne ou
proscrits, expulsés en Nouvelle-Calédonie, Algérie etc...

lundi 10 avril 2017


La chanson «sociale et républicaine» en langue d’oc
• Ces chansons, on l’a vu, sont nombreuses. Il en est une qui résume bien
toutes les idées que nous venons de développer, il s’agit d’une chanson
marseillaise: La Libertat (Clozel, 1892).

La libertat La liberté
Tu que siás arderosa e nusa Toi qui es ardente et nue
Tu qu'as sus leis ancas tei ponhs Toi qui as les poings sur les hanches
Tu qu'as una vòtz de cleron Toi qui as une voix de clairon
Uei sòna sòna a plens parmons Aujourd’hui sonne sonne à plein poumons
Ò bòna musa. Ô bonne muse

Siás la musa dei paurei gus Tu es la muse des pauvres gueux


Ta cara es negra de fumada Ta face est noire de fumée
Teis uelhs senton la fusilhada Tes yeux sentent la fusillade
Siás una flor de barricada Tu es une fleur de barricade
Siás la Venús. Tu es la Vénus.

Dei mòrts de fam siás la mestressa, Des meurt-de-faim tu es la maîtresse


D'aquelei qu'an ges de camiá De ceux qui n’ont pas de chemise
Lei gus que van sensa soliers Les gueux qui vont sans souliers
Lei sensa pan, lei sensa liech Les sans-pain, les sans-lit
An tei careças. Ont tes caresses

Mai leis autrei ti fan rotar, Mais les autres te font roter
Lei gròs cacans 'mbé sei familhas Les gros parvenus et leurs familles
Leis enemics de la paurilha Les ennemis des pauvres gens
Car ton nom tu, ò santa filha Car ton nom, toi, ô sainte fille
Es Libertat. Est Liberté.
lundi 10 avril 2017
L’annexion du Comté de Nice

• La ville de Nice et toute sa région (les


vallées alpines qui lui sont rattachées) ont
longtemps été liées au Royaume de
Sardaigne et au Duché de Savoie et
jouissaient d’une relative autonomie.

• Ce n’est qu’en 1860, avec le traité de Turin,


que le «Comté de Nice» est définitivement
rattaché à la France.

• C’est Napoléon III qui réalisa cette


«annexion» en profitant des guerres qui
agitaient l’Italie voisine, en pleine
unification.

• Prise en étau entre la France et la jeune


Italie en gestation, Nice a finalement rejoint
la France mais est restée partagée entre
ces deux mondes, comme la plupart des
cités-frontières...

• Il s’agit de la dernière grande ville de


l’espace occitan à devenir française.
lundi 10 avril 2017
Giuseppe Garibaldi (1807-1882)
• Impossible de parler de Nice sans évoquer un niçois qui a
marqué profondément le XIXe siècle: Giuseppe Garibaldi.

• Ce personnage aventurier était un républicain convaincu. Il s’est


battu toute sa vie pour l’avènement d’une Italie unifiée et
républicaine.Voici donc un niçois qui aurait choisi l’Italie et non
la France? Ce n’est pas si simple: Garibaldi s’est aussi battu pour
la république française... bref, il est, à l’image de sa ville, entre
deux nations et avant tout porté par les seuls idéaux de la
république. Il n’a cependant jamais accepté le rattachement de
Nice et de son Comté à la France, lors de l’annexion il aurait
dit: «Nissa es francesa coma ieu siau tartaro..»

• Garibaldi, longtemps exilé pour ses idées en Amérique du sud, y


fera ses armes en combattant pour les jeunes nations
brésiliennes et uruguayennes en lutte pour leur indépendance.

• Réputé et reconnu pour ses qualités de chef militaire, il sera de


toutes les campagnes et de tous les combats en Italie et il
défendra aussi ses idées en politique, devenant notamment
député de Nice au parlement de Turin.

lundi 10 avril 2017


Deux poètes occitans: témoins de leur temps et voix
du peuple.
• Dans ce contexte d’ébullition populaire, la langue occitane est à nouveau un outil de création
et d’expression, c’est la voix du peuple dans le sud. De ce peuple qui rêve d’une société plus
juste. Deux poètes vont s’emparer de la langue d’oc et s’imposer comme des chantres du
peuples d’oc. Jasmin et Gélu (Jacques Boé et Victor Gélu).

• Jasmin (1798-1864) est fils de tailleur, originaire du petit peuple d’Agen. Ce sont les débuts de
la presse et de l’alphabétisation populaire qui lui donnent l’occasion de s’exprimer par
l’écriture, dans la langue qu’il maîtrise le mieux, sa langue maternelle. Il fut par ailleurs un
diseur remarquable, doté de talents de comédien qui lui valurent un succès immense au cours
des « tournées » poétiques qu’il fit, sa vie durant, dans tous les pays d’oc.

• Victor Gélu (1806-1885) était, lui, marseillais, du quartier populaire de la porte d’Aix, fils d’un
artisan boulanger. Il est le chantre de la ville, ou plutôt de son petit peuple, le sous-prolétariat
rejeté sur les marges et condamné à la disparition par la révolution industrielle, mais aussi les
truands et les parvenus. À ces 35 chansons, Gelu doit à juste titre sa gloire, comme l’un des
plus puissants poètes français du XIXe siècle.

Monument en
hommage à Victor
Gélu, Marseille

lundi 10 avril 2017


Révolution industrielle, premières revendications,
premières grandes grèves.
• Encore très largement agricole et peu mécanisé, l’espace occitan connaît
tout de même l’industrialisation. Les industries textiles des Cévennes
perdurent et les bassins miniers (charbon) se développent pour répondre à
la demande en énergie.

• En Occitanie aussi on voit donc apparaître une classe d’ouvriers au sein de


laquelle vont se répandre les grandes revendications sociales du siècle.

• La première grève qui toucha l’industrie de l’exploitation minière en France


(1892) eu ainsi lieu dans le sud: à Carmaux (Tarn). Elle est restée célèbre par
sa durée (3 mois et demi) et parce qu’elle a initié tout un mouvement social
en France et conduit aux premières victoires des syndicats.

• C’est à Carmaux que Jean Jaurès a fait ses premières armes avant de devenir
un grand leader socialiste.

lundi 10 avril 2017


Jean Jaurès (1859-1914)

• Jean Jaurès est occitan, il est né à Castres en 1859. Engagé très tôt en
politique, il devient en 1885, le plus jeune député de France. Et c’est à
Carmaux, en pleine grève, qu’il se distinguera par son soutien aux ouvriers.

• Il dénonça avec véhémence la collusion des intérêts économiques avec la


politique et la presse. Durant l’affaire Dreyfus, il prit la défense du capitaine
et pointa l'antisémitisme dont celui-ci était victime.

• Il s’affirma comme un leader du socialisme en France en créant le journal


l’Humanité en 1904 et en participant à la création de la Section Française de
l’Internationale Ouvrière (SFIO) en 1905.

• Son dernier et ultime combat fut pacifiste. Il essaya d’empêcher, en vain, le


déclenchement de la Première Guerre Mondiale en faisant planer la menace
d’une grève générale au niveau européen. Il fut lâchement assassiné par le
nationaliste Raoul Villain à la veille du conflit qui ravagea l’Europe...

lundi 10 avril 2017


l’Occitanie et la viticulture: la crise de 1907.

• La création du port de Sète et du canal du midi (nous l’avions vu) ont


considérablement développé l’économie languedocienne. Au XIXe siècle les
facilités de transport (arrivée du chemin de fer) permettent un essor de la
viticulture en Languedoc. Il s’agit en fait de la seule économie agricole
«industrialisée» qu’a connu le midi à cet époque. Le gard, l’hérault, l’aude et les
pyrénées-orientales fournissent 40% de la production française. Béziers est la
capitale mondiale du vin.

• Ce qui devait arrivé arriva... à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, c’est la
crise de surproduction et la chute des cours du vin. Cette crise conduit à la
fameuse révolte des vignerons de 1907, le peuple affamé et soudain réduit à la
misère par ce choc économique descend dans la rue et réclame des aides et une
réaction de l’Etat (notamment contre la concurrence étrangère). Tout le
Languedoc s’enflamme, une manifestation monstre rassemble 800 000
personnes à Montpellier...

• Le 17e régiment d’infanterie qui a été envoyé pour mater la manifestation de


Béziers refuse de tirer sur le peuple et fraternise avec les viticulteurs...

lundi 10 avril 2017


La revendication «occitane» voit alors le jour. Marcelin Albert le leader du mouvement fait dans le
lyrique : « Les albigeois étaient autrefois réunis sous ces murs, ils y tombèrent pour la défense de leur
liberté. Nous ferons comme eux ! En avant pour la défense de nos droits ! Le Midi le veut, le Midi
l'aura ! ». Ernest Ferroul, député de Narbonne lance: « Un souvenir me hante, souvenir de misère
pareille à la vôtre ! Lorsque les barons féodaux envahissaient le Midi et le saccageaient, un troubadour
pleurait ainsi : Ah ! Toulouse et Provence, et la terre d'Argence, Béziers et Carcassonne, qui vous a vu
et qui vous voit ! Depuis, les barons de l'industrie du Nord nous ont envahis et ruinés».

lundi 10 avril 2017


Frédéric Mistral (1830-1914)
et le félibrige.

• En ce XIXe siècle riche en évolutions, révolutions économiques et sociales,


bouleversements culturels, un homme va porter la renaissance de la langue d’oc: Frédéric
Mistral.

• Il est originaire de Maillane en Provence, fils d’une famille aisée de paysans propriétaires. Il
s’est consacré à l’écriture et à l’étude de la langue d’oc et œuvra pour son développement
et sa reconnaissance nationale et internationale.

• Il est l’un des membres fondateurs du «félibrige», un mouvement pour la défense et le


développement de la langue d’oc, en 1858. Il est l’auteur du plus complet des dictionnaires
de langue d’oc que nous possédions encore aujourd’hui: «lou tresor dou felibrige». Enfin il
est un poète de renommée, à l’origine d’une œuvre considérable qui a permis de prouver
que l’occitan était bel et bien encore capable d’une création littéraire exigeante et
universelle. Il est aussi parmi les premiers à envisager l’apprentissage de l’occitan à l’école.

• En 1904, soutenu par Lamartine et les romanistes du nord de l’Europe (dont l’Allemagne), il
obtient le prix Nobel de littérature pour «Mirèio» (long poème épique évoquant les
amours contrariés de Vincent et Mireille). Il s’agit, jusqu’en 1978, du seul et unique prix
Nobel attribué à une œuvre en langue dite «minoritaire».

• La légitimité poétique de la langue provençale était reconnue à l’échelle internationale


puisque le prix Nobel signalait sa valeur universelle et la sortait de l’a-priori régionaliste.
lundi 10 avril 2017
Le poème du Rhône, F. Mistral

lundi 10 avril 2017


lundi 10 avril 2017
Francisation et recul des langues de France.

• Le succès littéraire de Frédéric Mistral ne cache pas le recul considérable de la langue


d’oc entamé au XIXe siècle. Jusqu’à présent, le peuple était resté peu «francisé» et s’il
parlait français il n’avait pas abandonné l’usage de sa langue maternelle. Avec
l’instauration de l’école obligatoire au début des années 1880, les choses vont changer.

• Le système scolaire mis en place permet d’alphabétiser le peuple français avec


efficacité mais il est également porteur de cette vieille idée héritée des peurs
révolutionnaires de 1792 (l’Abbé Grégoire et la peur des autres langues): il faut
éradiquer l’usage des «patois». On ne conçoit pas l’apprentissage du français sans
l’extermination des autres langues. C’est le monolinguisme qui prévaut.

• l’occitan est alors banni de l’école. Il y est strictement défendu de «parler patois»
jusque dans la cour de récréation... Certaines méthodes radicales voient le jour, de
nombreux récits relatent l’usage du «senhal» (le signal), représenté par une pièce ou
un objet quelconque remis au dernier élève surpris en train de parler occitan. Le
possesseur du signal à la fin de la journée recevait une punition.

• Le sentiment de «honte» s’installe dans les familles où l’occitan était parlé


naturellement. Pour réussir, on pense qu’il faut abandonner la langue d’oc, associée à
une société rurale et archaïque.

lundi 10 avril 2017

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